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300 | SOC.
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 819 FS-P+B+I
Pourvoi n° G 19-11.974
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
M. W... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-11.974 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Transports Murie-Galopin, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Galopin Transports, défenderesse à la cassation.
La société Transports Murie-Galopin a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A..., de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Transports Murie-Galopin, et l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Mme Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 octobre 2018), M. A..., engagé le 18 novembre 1991 en qualité de conducteur longue distance par la société Galopin transports, aux droits de laquelle vient la société Transports Murie-Galopin (la société), a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 mai 2015.
2. Le 14 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Ayant été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue d'un examen du 10 mars 2017, M. A... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a formé des demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. A... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de préavis, outre les congés payés, alors « qu'en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle déclarée par le médecin du travail, l'employeur doit consulter les délégués du personnel pour recueillir leur avis avant la proposition d'un poste de reclassement approprié aux capacités du salarié ; qu'à défaut de recueil de cet avis, l'obligation de reclassement n'est pas satisfaite et le licenciement qui s'en suit est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, nonobstant le défaut de recueil de l'avis préalable des délégués du personnel, lequel manquement n'ayant pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leurs versions issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
6. Aux termes du second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
7. Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
8. Pour rejeter les demandes du salarié au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir relevé que l'obligation de consultation des délégués n'avait pas été respectée, retient que ce manquement n'a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'au surplus, le salarié n'a pas formé de demande distincte de celle présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l'article L. 1226-15 du code du travail issu de la loi du 8 août 2016 ne sanctionne le défaut d'avis des délégués du personnel que lorsqu'il intervient dans le cadre d'une inaptitude professionnelle.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident formé par la société Transports Murie-Galopin ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Transports Murie-Galopin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Transports Murie-Galopin et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en l'audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. A...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. A... de l'ensemble de ses demandes initiales et nouvelles et de l'AVOIR, par conséquent, débouté de sa demande de paiement des sommes de 66.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 5.460 euros à titre d'indemnité de préavis et de 550 euros de congés afférents ;
AUX MOTIFS QUE « Le salarié, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 11 avril 2017, soit postérieurement à la décision des premiers juges, forme devant la cour une prétention nouvelle tirée du caractère dénué de cause réelle et sérieuse de son licenciement aux motifs d'une part, que l'avis des délégués du personnel n'a pas été recueilli et d'autre part, que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement. Il sera préalablement noté que le licenciement intervenu est régi par les dispositions de l'article L.1226-2 dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur sur ce point le 1er janvier 2017, de sorte que la consultation pour avis des délégués du personnel est rendue obligatoire, quand bien même l'origine de l'inaptitude de Monsieur A... n'est pas professionnelle. S'il s'infère du procès-verbal de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 24 mars 2017 qu'il a été porté à leur connaissance les éléments relatifs à l'état de santé du salarié, l'avis du médecin du travail et le périmètre de recherche d'un poste de reclassement, aucune mention ne précise qu'ils ont donné leur avis, leurs attestations produites devant la cour n'apportant aucune information sur ce point (pièces 107, 137 à 140). De sorte que l'obligation de consultation considérée n'a pas été respectée. Cependant, ledit manquement n'a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au surplus, force est de constater que le salarié ne forme sur ce point aucune demande distincte de celle présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l'article L. 1226-15 du même code (issu de la loi du 8 août 2016) ne sanctionne le défaut d'avis des délégués du personnel précédemment établi, par renvoi à l'article L.1235-3-1, que lorsqu'il intervient dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle. En second lieu, Monsieur A... soutient que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement. Le médecin du travail indique lors de la 1ère visite de reprise : "Inaptitude au poste de chauffeur PL/SPL à prévoir. Pas d'essai de reprise. Ne pourrait faire qu'une activité à temps très partiel, pas de port de charges, pas d'escaliers, pas de marche, pas d'effort de concentration dans la durée". Puis, après étude du poste, le médecin du travail a conclu à une inaptitude définitive de Monsieur A... à son emploi. Il ressort des pièces produites par la société intimée qu'elle démontre avoir interrogé les quatre sociétés du groupe auquel elle appartient, par courriers en date du 13 mars 2017, dans lesquels elle reprend précisément les préconisations du médecin du travail (pièce 106). S'il est vrai, comme soutenu par le salarié, que seules deux sociétés ont répondu (TRS et TRANSPORTS MURIE -GALOPIN), il ne peut être considéré que l'employeur a licencié le salarié sans attendre lesdites réponses, puisqu'un délai de près d'un mois s'est écoulé entre l'envoi des courriers considérés et la notification du licenciement, temps durant lequel la société intimée a procédé à d'autres recherches de reclassement en externe. En effet, l'employeur démontre avoir également sollicité l'Union Fédérale des Transporteurs pour un reclassement de Monsieur A..., et ce, alors qu'elle ne supporte aucune obligation sur ce point. Surtout, il doit être relevé que les deux entreprises composant le groupe n'ayant pas répondu, la société mère TRADEX et SFB INVEST, ne disposaient d'aucun poste disponible à la date du licenciement de Monsieur A... et, n'étaient composées que de cadres-dirigeants, cadres (directeurs administratifs, développements, opérationnel et délégué), d'une secrétaire et de deux responsables administratif et d'exploitation, comme en attestent leurs registres du personnel (pièces 125, 128 et 131). Au surplus, l'examen des fiches de poste et des registres du personnel des sociétés TRS et TRANSPORTS MURIE -GALOPIN, confirment également qu'aucun poste compatible avec les préconisations médicales du médecin du travail n'était disponible en leur sein. En effet, celles-ci employaient principalement des manutentionnaires, chauffeurs, livreurs, agents de quai, nécessitant la conduite d'engins, la manutention et le port de charges lourdes, ainsi que des postes d'assistants commerciaux et administratifs pour lesquels Monsieur A... ne disposait pas des compétences nécessaires, emplois qui obligeaient à un effort de concentration expressément contre-indiqué par le médecin du travail (pièces 128 à 131). Dans ces conditions, il s'infère de l'ensemble de ces éléments que l'employeur démontre avoir effectué une recherche de reclassement effective, sérieuse et personnalisée et qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié. Dès lors, les demandes formées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées » ;
1/ ALORS QU'en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle déclarée par le médecin du travail, l'employeur doit consulter les délégués du personnel pour recueillir leur avis avant la proposition d'un poste de reclassement approprié aux capacités du salarié; qu'à défaut de recueil de cet avis, l'obligation de reclassement n'est pas satisfaite et le licenciement qui s'en suit est sans cause réelle et sérieuse; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, nonobstant le défaut de recueil de l'avis préalable des délégués du personnel, lequel manquement n'ayant pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leurs versions issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2/ ALORS QU'en jugeant que l'article L. 1226-15 du code du travail, tel que modifié par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ne sanctionne le défaut d'avis des délégués du personnel, par renvoi à l'article L. 1235-3-1 du code du travail, que lorsqu'il intervient dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, cependant que l'article L. 1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au litige, ne vise pas l'article L. 1235-3-1 du code du travail, lequel, dans sa version applicable au litige, ne concerne pas davantage l'inaptitude d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-15 et L. 1235-3-1 du code du travail, dans leurs versions issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Transports Murie-Galopin
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Galopin Transports, aux droits de laquelle vient la société Transports Murie-Galopin, à payer à M. A... la somme de 9 463 euros au titre du rappel de salaires pour la période du 6 février au 14 juin 2011, outre les congés payés y afférents et la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement ;
AUX MOTIFS QUE M. A... a été en arrêt de travail jusqu'au 5 janvier 2011 inclus et a fait l'objet d'une visite de reprise le 6 janvier 2011, lors de laquelle le médecin du travail a conclu en ces termes : "inapte temporaire un mois au poste de chauffeur PL ; en attente d'avis spécialisé. Pendant ce délai, apte à un poste administratif en attendant l'avis définitif" ; que cet avis a été successivement prolongé chaque mois, lors de visites effectuées à la demande de l'employeur, et ce, jusqu'au 14 juin 2011, date à laquelle le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude ; que l'avis d'inaptitude temporaire renouvelé mensuellement s'inscrit dans le cadre des articles R. 4624-25 et R. 4624-26 relatifs au suivi médical du salarié et permettent au médecin du travail de prescrire des examens complémentaires, nécessaires à la détermination de l'aptitude du salarié à son poste ; qu'en présence d'une inaptitude temporaire émise et renouvelée par le médecin du travail, dans l'attente de résultats médicaux permettant de se prononcer définitivement sur l'aptitude, la société Galopin Transports ne peut valablement arguer du non-respect des conditions de l'article R. 4624-31, texte relatif à la déclaration d'inaptitude définitive du salarié ; qu'elle n'est pas plus fondée à critiquer les avis du médecin du travail contre lesquels elle n'a exercé, en son temps, aucun recours ; qu'en application de l'article L. 1226-4, l'employeur est tenu de proposer au salarié inapte un autre emploi approprié à ses capacités, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'inaptitude est temporaire ou définitive ; que l'intimée appartient à un groupe à l'intérieur duquel la recherche de reclassement devait être effectuée dès l'avis du 6 janvier 2011, de manière sérieuse et loyale ; que l'employeur se limite à produire des mails, identiques chaque mois, adressés aux sociétés du groupe, sans démontrer qu'elles ne disposaient d'aucun emploi à caractère administratif disponible ; que surtout, le courriel type de recherche de poste se limite à préciser qu'est recherché un "poste de type administratif" pour un "chauffeur PL, déclaré temporairement inapte", sans autre précision de nature à personnaliser la recherche ; qu'enfin, dès le 7 janvier 2011, l'employeur demandait au salarié de rester à son domicile le temps des examens médicaux complémentaires et dès le 10 janvier, il informait le médecin du travail de l'impossibilité de reclasser provisoirement le salarié ; que l'employeur ne rapporte donc pas la preuve qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser provisoirement M. A... en ayant entrepris une recherche sérieuse et active des possibilités de reclassement ; que sera allouée la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts eu égard au préjudice résultant du non-respect de l'obligation de reclassement pour le salarié qui n'a pu exercer une activité professionnelle durant plusieurs mois alors qu'il ne bénéficiait pas du paiement de son salaire ; que M. A... n'ayant été ni reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter du premier examen médical de reprise du travail, soit le 6 janvier 2011, ni licencié, et se tenant à la disposition de son employeur, ce dernier était tenu de lui verser, dès le 6 février 2011, le salaire correspondant à l'emploi occupé avant la suspension de son contrat de travail ;
ALORS d'une part QUE le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines ; que l'obligation de reclassement du salarié déclaré inapte mise à la charge de l'employeur ne prend naissance qu'avec la déclaration d'inaptitude émise lors du second des examens médicaux ; qu'en décidant que dès la visite du 6 janvier 2011 lors de laquelle le médecin du travail avait déclaré M. A... inapte temporairement pour un mois à son poste de chauffeur et apte pendant ce temps à un poste administratif en attendant l'avis définitif, l'employeur était tenu de proposer au salarié un emploi administratif approprié ses capacités et qu'il avait méconnu son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et L.1226-4 du code du travail, ensemble l'article R. 4624-31 du même code, dans leur version en vigueur au moment des faits ;
ALORS d'autre part QUE le délai d'un mois à l'issue duquel l'employeur est tenu de verser au salarié déclaré inapte par le médecin du travail et qui n'est ni reclassé dans l'entreprise ni licencié, son ancien salaire ne court qu'à partir de la date du second examen médical ; qu'en décidant que la société Galopin Transports était tenue, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la visite médicale du 6 janvier 2011 lors de laquelle le médecin du travail avait déclaré M. A... inapte temporairement pour un mois à son poste de chauffeur et apte à un poste administratif en attendant l'avis définitif, de verser son ancien salaire à l'intéressé, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et L.1226-4 et R. 4624-31 du code du travail dans leur version en vigueur au moment des faits. | Il résulte des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse |
301 | SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 820 FS-P+B
Pourvoi n° F 19-15.675
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. P... J..., domicilié [...] ,
2°/ le syndicat Interco 67 CFDT du Bas-Rhin, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° F 19-15.675 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant à l'établissement public Cus Habitat - OPH Eurométropole de Strasbourg, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. J... et du syndicat Interco 67 CFDT du Bas-Rhin, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'établissement public Cus Habitat - OPH Eurométropole de Strasbourg, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 janvier 2019), M. J... a été engagé le 20 novembre 2012 en qualité de chargé de travaux par l'établissement public Cus Habitat-Office public d'habitat de l'eurométropole de Strasbourg. Le 28 février 2018, les parties ont conclu une convention de rupture qui, après homologation par l'autorité administrative, a pris effet le 20 avril suivant.
2. Soutenant que l'indemnité de rupture conventionnelle aurait dû être calculée conformément aux dispositions de l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011, M. J... a saisi la formation de référé d'un conseil de prud'hommes pour contester le montant de cette indemnité. Le syndicat interco 67 CGDT du Bas-Rhin (le syndicat) est intervenu à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement d'un reliquat de l'indemnité de rupture conventionnelle, alors « qu'en vertu de l'article L. 1237-13 du code du travail, le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail ; que selon cette dernière disposition, le taux et les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement sont déterminés par voie réglementaire ; que pour les personnels des offices publics de l'habitat, le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 applicable au litige a institué un taux et des modalités de calcul de l'indemnité qui dérogent à ceux prévus aux articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail ; qu'en décidant que le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne pouvait être déterminé selon les règles dérogatoires de l'article 45 dudit décret, au motif inopérant que cette disposition limite son application au cas des salariés "licenciés" ce qui ne peut être assimilé au cas des salariés dont le contrat a pris fin par rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1234-9 du code du travail et l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail.
5. Les articles R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail, pris en application de l'article L. 1234-9 du code du travail auquel ils font référence, déterminent le taux et les modalités de cette indemnité de licenciement.
6. La cour d'appel a exactement retenu que le salarié ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 pour déterminer le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une provision sur dommages-intérêts, alors « que la cassation qui interviendra sur le fondement du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. J... et le syndicat Interco 67 CGDT du Bas-Rhin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en l'audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. J... et le syndicat Interco 67 CFDT du Bas-Rhin
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande en paiement d'une somme à titre de reliquat sur l'indemnité de rupture conventionnelle.
AUX MOTIFS propres QUE M. J... qui a signé avec CUS Habitat une rupture conventionnelle de son contrat de travail ayant après homologation produit son effet au 20 avril 2018, a saisi la formation de référés aux fins de se voir allouer au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 8 417,79 € représentant la différence avec l'indemnité légale qu'en application - selon lui erronée - ensemble des articles L. 1237-13 et L. 1234-9 du code du travail, CUS Habitat n'a entendu que lui verser ; qu'il apparaît sans contestation sérieuse qu'ainsi que le réplique CUS Habitat, M. J... a été rempli de ses droits ; que si M. J... observe justement que l'article L. 1237-13 renvoie pour la détermination de l'indemnité spécifique de rupture à l'article L. 1234-9 déterminant l'indemnité légale de licenciement, ce dernier texte se réfère lui-même pour les modalités à la voie réglementaire ; que certes si l'indemnité légale relève pour son calcul du texte réglementaire R. 1234-2, en l'espèce pour le calcul de l'indemnité conventionnelle, les modalités sont aussi fixées par voie réglementaire, le décret 2011-636 du 08 juin 2011 ; que toutefois - et les premiers juges l'ont justement souligné - l'article 45 de ce dernier décret limite son application au cas des salariés "licenciés", ce qui ne peut donc être assimilé au cas des salariés dont le contrat a pris fin par rupture conventionnelle ; que la cour ne peut ajouter à un texte clair et sans équivoque des dispositions qu'il n'a pas expressément prévues ; que c'est en vain que pour se prévaloir quand même du bénéfice de l'article 45 sus-visé, M. J... invoque l'Accord Interprofessionnel du 11 janvier 2008 alors que CUS Habitat rétorque que ce texte ne lui est pas applicable faute pour elle de faire partie des branches représentées par les organisations syndicales signataires, ce à quoi acquiesce l'appelant.
AUX MOTIFS adoptés QUE les textes applicables à CUS HABITAT, office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg, au moment de la rupture du contrat de travail de M. P... J..., prévoient expressément dans quels cas de rupture du contrat de travail s'applique l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que la rupture conventionnelle n'y figure pas.
ALORS QUE en vertu de l'article L. 1237-13 du code du travail, le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail ; que selon cette dernière disposition, le taux et les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement sont déterminés par voie réglementaire ; que pour les personnels des offices publics de l'habitat, le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 applicable au litige a institué un taux et des modalités de calcul de l'indemnité qui dérogent à ceux prévus aux articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail ; qu'en décidant le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne pouvait être déterminé selon les règles dérogatoires de l'article 45 dudit décret, au motif inopérant que cette disposition limite son application au cas des salariés "licenciés" ce qui ne peut être assimilé au cas des salariés dont le contrat a pris fin par rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1234-9 du code du travail et l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le syndicat de sa demande en paiement d'une somme à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice porté aux intérêts collectifs de la profession.
AUX MOTIFS propres et adoptés énoncés au premier moyen
ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le fondement du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé en application de l'article 624 du code de procédure civile. | L'article L. 1237-13 du code du travail prévoit comme montant minimal de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du même code, de sorte que le calcul de ce minimum est celui fixé par les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 de ce code |
302 | SOC.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 821 FS-P+B
Pourvoi n° F 19-13.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
M. F... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-13.122 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à la société Transports Moulinois, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. G..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Transports Moulinois, et l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 22 janvier 2019), M. G... a été engagé en qualité de chauffeur poids-lourds le 2 décembre 1997 par la société Transports Moulinois et a été victime d'un accident du travail le 9 janvier 2015.
2. Déclaré inapte à son poste, apte à un autre avec réserves, à l'issue de deux examens médicaux le 29 août 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 octobre 2016.
3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que lorsqu'à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur, tenu d'une obligation de reclassement, doit nécessairement consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement et éventuelles propositions de reclassement, en leur fournissant au préalable toutes les informations nécessaires et utiles, ces derniers étant parties prenantes du processus de recherche de reclassement ; qu'en considérant en l'espèce que la consultation des délégués du personnel du 12 septembre 2016 avait été régulière, tout en constatant que le procès-verbal de séance faisait état d'un avis favorable aux postes de reclassement émis par Mme J..., qui n'était pourtant pas présente ce jour-là, et que l'intéressée n'avait finalement signé le procès-verbal que le lendemain, prétendant avoir été consultée dans le cadre d'une ''conférence téléphonique'', ce dont il résultait nécessairement que les délégués du personnel n'avaient pas été régulièrement consultés et que le procès-verbal de la séance du 12 septembre 2016 était entaché d'une irrégularité flagrante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
2°/ que la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail et déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement, d'en apporter la preuve ; qu'en constatant que la société Transports Moulinois appartenait au réseau France Express, qui est un GIE, mais que le cadre de la recherche de reclassement ne pouvait s'étendre à ce groupement dès lors ''qu'il n'est pas établi que l'organisation de ce réseau permet une permutation de personnel'', cependant que c'était à l'employeur de démontrer l'impossibilité de reclassement dans le cadre du groupement, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. D'une part, l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, n'imposant aucune forme particulière pour recueillir l'avis des délégués du personnel quant au reclassement d'un salarié déclaré inapte, la cour d'appel, qui a constaté que la délégation unique du personnel, dans ses attributions de délégation du personnel, avait été consultée et que chaque élu avait émis un avis, a légalement justifié sa décision.
7. D'autre part, l'adhésion à un groupement d'intérêt économique n'entraînant pas en soi la constitution d'un groupe, la cour d'appel, qui a constaté, en l'état des éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, qu'il n'était pas établi que l'organisation du réseau France Express permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel, a retenu, sans méconnaître les règles relatives à la charge de la preuve, que ces sociétés ne faisaient pas partie d'un même groupe de reclassement.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. G... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. G...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. F... G... de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société Transports Moulinois à lui payer la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE, sur le licenciement, M. G... a été licencié pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement par courrier en date du 18 octobre 2016 ainsi libellé : « Vous êtes employé au sein de notre société depuis le 2 décembre 1997 en qualité de chauffeur PL-VL. Vous avez été déclaré inapte à votre emploi de chauffeur VL-PL par le médecin du travail lors de vos deux visites de reprise. En effet, le 1er août 2016 et le 29 août 2016 vous avez rencontré pour votre 1ère et 2ème visite de reprise le docteur I... qui a indiqué sur le second avis médical : inapte à la manutention et au port de charges lourdes supérieures à 20kg. Inapte au poste de chauffeur livreur PL ou VL sauf tournées spécifiques à petits colis ou aide systématique à la manutention avec transpalette électrique. Apte à la conduite PL ou VL sans manutention de charges lourdes supérieures à 20kg. Apte cariste. Dans le cadre de la procédure d'inaptitude, nous avons procédé à des recherches de reclassement de manière à pouvoir, le cas échéant, vous proposer un poste adapté à votre situation et vous permettre de poursuivre votre activité dans notre société. Ainsi la direction, après recherche et validation par le médecin du travail, vous a proposé d'occuper deux postes de reclassement par courrier en date du 15 septembre 2016.
Vous avez refusé les postes répondant pourtant aux préconisations médicales. Vous avez réitéré votre refus lors de l'entretien préalable. Ainsi à défaut d'autre poste de travail disponible répondant à l'avis médical nous constatons votre impossibilité de reclassement. Dès lors, en l'absence d'autre poste de travail disponible nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement. En conséquence nous vous adresserons, par courrier séparé, le solde de votre compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle emploi
» ; que M. G... soutient que son inaptitude a, au moins partiellement, une origine professionnelle comme faisant suite à son accident du travail du 9 janvier 2015, accident pris en charge au titre de la législation du travail jusqu'au 15 janvier 2016, son arrêt de travail se poursuivant en maladie jusqu'au 28 septembre 2016 en raison d'une rechute à compter du 22 février 2016 ; qu'aux termes de ses écritures l'employeur ne conteste pas l'origine professionnelle de l'inaptitude de M. G... soulignant qu'il a d'ailleurs consulté les délégués du personnel conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail « Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail » ; qu'en l'espèce M. G... soutient que la consultation des délégués du personnel est irrégulière ; qu'il ressort des pièces produites par l'employeur que les élus de la délégation unique du personnel ont été convoqués aux fins de consultation sur les possibilités de reclassement de M. G... déclaré inapte par le médecin du travail à la suite d'un accident du travail et que le 12 septembre 2016, la délégation unique du personnel, dans ses attributions de délégation du personnel, a été consultée ; que chacun des élus a émis un avis et si certes un premier procès-verbal a été établi sans la signature de Mme J... alors qu'il est précisé qu'elle émet un avis favorable aux postes proposés, l'employeur produit toutefois un second procès-verbal comportant la signature de Mme J... et une attestation, non alléguée de fausse, de cette dernière indiquant avoir été consultée dans le cadre d'une conférence téléphonique et avoir signé le procès-verbal le lendemain de la réunion ; que dès lors qu'aucun formalisme n'est prescrit quant à la consultation des délégués du personnel, celle-ci doit être déclarée régulière ; que M. G... fait également grief à l'employeur de ne pas avoir procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement ; qu'en l'espèce le médecin du travail a déclaré lors de la seconde visite médicale du 29 août 2016 M. G... « inapte au poste , apte à un autre. Inapte à la manutention et au port de charges lourdes supérieures à 20kg. Inapte au poste de chauffeur livreur PL ou VL sauf tournées spécifiques à "petits colis" ou aide systématique à la manutention avec transpalette électrique. Apte à la conduite PL ou VL sans manutention de charges lourdes supérieures à 20kg. Apte cariste » ; que la société Transports moulinois justifie avoir procédé à une étude de poste pour le reclassement de M. G... sur l'ensemble des catégories professionnelles de l'entreprise et avoir identifié trois postes ; que dans ce cadre, l'employeur a proposé le 15 septembre 2016 à M. G... deux postes (celui de chauffeur grand routier et celui de cariste) dont les fiches de postes sont conformes à l'étude de poste adressée au médecin du travail à savoir : - chauffeur grand routier consistant au transport de colis sur palette au niveau national principalement localisé en région parisienne et nord de la France. Le déchargement des colis est réalisé généralement par les clients, une aide à la manutention (transpalette électrique) est mise à disposition. Les semi-remorques sont attribués au tracteur, il n'y a donc pas de dételage/attelage, le poste implique néanmoins de respecter des horaires atypiques (prise de poste 5 heures retour à l'entreprise jusqu'à 20 h.) Ce poste apparaît comme étant compatible aux restrictions médicales puisque ne nécessitant que de la conduite. - cariste poste dans lequel le salarié est chargé du chargement des PL de 2h jusqu'à 9h. Le salarié reste donc présent sur le site d'Yzeure. M. G... ne disposant pas du Caces, l'entreprise propose de financer cette formation. Ce poste apparaît comme étant compatible aux restrictions médicales puisque ne nécessitant que de la conduite ; que le médecin du travail a validé ces postes ( pièce 7 de l'employeur) et que M. G... ne justifie pas autrement que par son courrier de refus adressé à l'employeur le 22 septembre suivant, que c'est le chauffeur qui effectue le déchargement, que le poste de chauffeur grand routier suppose une augmentation de son temps de travail incompatible avec son état de santé, qu'il en est de même pour la conduite du chariot élévateur au regard de sa pathologie et que le médecin du travail aurait émis des réserves quant au travail de nuit ; qu'en outre il sera souligné que M. G... évoque diverses pièces médicales tel que l'avis du médecin du travail dans le cadre du dossier médical du salarié ou courriers de ce même médecin à des confrères et dont il n'est pas établi que l'employeur en ait eu connaissance ; qu'également, il convient de relever que ces documents sont antérieurs à l'avis d'aptitude avec réserves précité, à l'exception d'un courrier en date du 3 novembre 2016 indiquant seulement « ét.rachidien séquellaire persistant. Mi temps T refusé par l'employeur » ;
que M. G... prétend également que les horaires indiqués sur les propositions de postes sont atypiques et illégaux ; qu'il ne s'agit pas d'horaires de travail mais d'une indication quant à l'amplitude de ceux-ci ; qu'enfin, contrairement à ce que prétend M. G..., il n'appartient pas à l'employeur, après refus de poste par le salarié, de consulter à nouveau le médecin du travail sur les observations formulées par lui dans son courrier de refus ; qu'également M. G... fait valoir que la société Transports Moulinois a un partenariat avec le réseau France express qui est un GIE ; que la société Transports Moulinois ne conteste pas adhérer à ce GIE ; que toutefois dès lors qu'il n'est pas établi que l'organisation de ce réseau permet une permutation du personnel, il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas avoir effectué de recherche de reclassement au sein de ce réseau ; qu'en conséquence c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société Transports Moulinois a loyalement et sérieusement rempli son obligation de reclassement et ont débouté M. G... de ses demandes tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur, tenu d'une obligation de reclassement, doit nécessairement consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement et éventuelles propositions de reclassement, en leur fournissant au préalable toutes les informations nécessaires et utiles, ces derniers étant parties prenantes du processus de recherche de reclassement ; qu'en considérant en l'espèce que la consultation des délégués du personnel du 12 septembre 2016 avait été régulière, tout en constatant que le procès-verbal de séance faisait état d'un avis favorable aux postes de reclassement émis par Mme J..., qui n'était pourtant pas présente ce jour-là, et que l'intéressée n'avait finalement signé le procès-verbal que le lendemain, prétendant avoir été consultée dans le cadre d'une « conférence téléphonique » (arrêt attaqué, p. 9, alinéa 4), ce dont il résultait nécessairement que les délégués du personnel n'avaient pas été régulièrement consultés et que le procès-verbal de la séance du 12 septembre 2016 était entaché d'une irrégularité flagrante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail et déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement, d'en apporter la preuve ; qu'en constatant que la société Transports Moulinois appartenait au réseau France Express, qui est un GIE, mais que le cadre de la recherche de reclassement ne pouvait s'étendre à ce groupement dès lors « qu'il n'est pas établi que l'organisation de ce réseau permet une permutation de personnel » (arrêt attaqué, p. 10, in fine), cependant que c'était à l'employeur de démontrer l'impossibilité de reclassement dans le cadre du groupement, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. F... G... de sa demande tendant à la condamnation de la société Transports Moulinois à lui payer la somme de 3.474,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'indemnité de préavis, en application de l'article L. 1226-14 du code du travail : « La rupture du contrat de travail ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif » ; qu'il incombe à l'employeur qui se prévaut du caractère abusif du refus d'en rapporter la preuve ; qu'il doit être observé, à l'examen des pièces relatives aux propositions de poste transmises au salarié correspondant au poste de chauffeur grand routier et cariste, que ces postes ne comportent pas de modification contractuelle notamment du lieu de travail et du salaire, M. G... invoquant seulement concernant ces deux postes, un temps de travail plus important, l'absence de diplôme et une incompatibilité avec son état de santé ; que cette proposition de postes de reclassement est intervenue à la suite d'une étude de poste et de la consultation du médecin du travail ; qu'il a également été spécifié que l'employeur prenait en charge la formation CACES concernant le poste de cariste ; qu'ainsi, les postes proposés étaient conformes aux préconisations de médecin du travail, compatibles avec les aptitudes médicales du salarié et conformes à ses compétences, de sorte que les observations du salarié les concernant sont inopérantes ; que dans ces conditions le refus du salarié, sans motif légitime, d'accepter un poste de reclassement approprié à ses capacités et comparable à l'emploi précédemment occupé revêt un caractère abusif ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. G... de ses demandes ;
ALORS QUE le refus d'un poste de reclassement modifiant les conditions de travail n'est pas abusif ; que la cour d'appel a constaté que M. G... justifiait son refus des postes de reclassement litigieux par le fait qu'ils impliquaient un temps de travail plus important (arrêt attaqué, p. 11, alinéa 4) ; qu'en considérant comme abusif le refus du salarié d'accepter les solutions de reclassement qui lui étaient proposées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces solutions ne modifiaient pas les conditions de travail de M. G..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-14 du code du travail. | Ne méconnaît pas les règles de la charge de la preuve relatives au périmètre du groupe de reclassement, la cour d'appel qui, appréciant les éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, a constaté qu'il n'était pas établi que l'organisation du réseau auquel appartenait l'entreprise permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel |
303 | SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 842 FS-P+B+R+I
Pourvoi n° Y 19-12.885
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
L'Agence France Presse (AFP), organisme autonome, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-12.885 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. F... K..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Agence France Presse, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. K..., et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2018), M. K... a été engagé, le 29 juillet 1981, en qualité de journaliste rédacteur stagiaire par l'Agence France Presse (l'AFP) puis titularisé le 1er février 1982.
2. Licencié pour faute grave le 14 avril 2011, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'AFP s'est désistée de l'appel qu'elle avait formé contre le jugement de condamnation au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rendu le 24 septembre 2014.
3. Le 28 août 2012, le journaliste a saisi la commission arbitrale des journalistes. Celle-ci a retenu sa compétence pour statuer sur sa demande d'indemnité de licenciement et condamné l'AFP au paiement d'une certaine somme.
4. L'AFP a formé un recours en annulation contre cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, de dire que le salarié est fondé à conserver la somme versée en exécution de la sentence et de le condamner aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, alors « qu'il résulte des articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail que seuls les journalistes salariés d'une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l'indemnité de congédiement instituée par l'article L. 7112-3 qui est fixée par la commission arbitrale des journalistes lorsque l'ancienneté excède quinze années ; que la commission arbitrale des journalistes n'a donc pas de compétence concernant les journalistes salariés des agences de presse, qui ne sont pas des entreprises de journaux et périodiques, puisqu'ils ne peuvent pas bénéficier de l'indemnité de congédiement instituée par l'article L. 7112-3 ; qu'en jugeant cependant en l'espèce que la commission arbitrale des journalistes était compétente pour statuer sur le montant de l'indemnité de licenciement due au salarié en conséquence de son licenciement par l'AFP bien qu'il ne fût pas salarié d'une entreprise de journaux et périodiques, la cour d'appel a violé les articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d'une entreprise de presse quelle qu'elle soit.
8. Ayant rappelé que l'article L. 7111-3 du code du travail qui fixe le champ d'application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels définit ceux-ci comme toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources et relevé que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du même code ne prévoyaient pas expressément que leur champ d'application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que si une restriction apparaissait dans l'article L. 7112-2 du code du travail relatif au préavis, elle ne saurait être étendue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4, en a exactement déduit que la demande d'annulation de la sentence, qui avait accueilli la demande de fixation de l'indemnité de licenciement du salarié en application de ce dernier texte, devait être rejetée.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Agence France Presse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Agence France Presse et la condamne à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'Agence France Presse.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes de l'Agence France presse, d'AVOIR dit que M. K... est fondé à conserver la somme de 192 803,66 euros versée en exécution de la sentence et d'AVOIR condamné l'Agence France presse aux dépens et au paiement à M. K... de la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur le moyen d'annulation tiré de l'incompétence de la juridiction arbitrale (article 1492, 1° du code de procédure civile), l'AFP soutient que l'article L. 7112-4 du code du travail, qui donne compétence à une commission arbitrale pour déterminer l'indemnité de licenciement due à un journaliste dont l'ancienneté est supérieure à 15 ans ou qui a été licencié pour faute grave, a, comme l'article L.7112-2 relatif au préavis, un domaine limité aux entreprises de journaux et périodiques et ne s'applique pas aux agences de presse ; que M. K... réplique, en premier lieu, que l'AFP a initialement reconnu la compétence de la Commission arbitrale dès lors qu'elle a accepté de participer à la désignation des arbitres ; qu'il fait valoir, en deuxième lieu, que la Fédération française des agences de presse (FFAP) à laquelle l'AFP est adhérente, reconnaît également cette compétence puisqu'elle est signataire, d'une part, de la convention collective nationale des journalistes dont l'article 44 consacre cette compétence, d'autre part, du règlement intérieur de la Commission arbitrale, et, qu'en l'espèce, c'est elle qui a désigné les deux arbitres patronaux ; qu'enfin, M. K... soutient qu'il ne résulte nullement des termes de l'article L.7112-4 du code du travail que son champ d'application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques et que juger en ce sens créerait une inégalité de traitement avec les journalistes travaillant dans des agences de presse ou dans l'audiovisuel ; que le livre 1er de la septième partie du code du travail est relatif aux « Journalistes professionnels, professions du spectacle, de la publicité et de la mode » ; qu'au sein du titre 1er « Journalistes professionnels », dans le chapitre 2 consacré au « Contrat de travail », l'article L. 7112-3 dispose : « Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze. » ; que l'article L 7112-4 prévoit : « Lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due. Cette commission est composée paritairement d'arbitres désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité. Si les parties ou l'une d'elles ne désignent pas d'arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal de grande instance, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Si les arbitres désignés par les parties ne s'entendent pas pour désigner le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal de grande instance. En cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée. La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel » ; qu'en premier lieu, contrairement à ce que prétend M. K..., la circonstance que l'AFP ait confié à son organisation professionnelle, la FFAP le soin de désigner les arbitres patronaux, et que cette fédération ait, de fait, procédé à la nomination, n'emportait pas renonciation au droit d'invoquer l'incompétence de la Commission arbitrale, cette juridiction étant juge de sa propre compétence et l'AFP lui ayant effectivement soumis le moyen tiré de l'inapplication de l'article L .7112-4 du code du travail aux agences de presse ;
qu'en second lieu, les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 précités, issus de la scission de l'ancien article L. 761-5 du code du travail après sa recodification, ne prévoient pas expressément que leur champ d'application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques ; que si une telle restriction apparaît dans l'article L. 7112-2 relatif au préavis, et dans l'article L. 7112-5 relatif à la rupture à l'initiative du journaliste, - et à supposer qu'elle doive s'interpréter comme excluant les agences de presse -, elle ne saurait, en toute hypothèse, être étendue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4 alors que l'article L. 7111-3, qui fixe le champ d'application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels, définit ceux-ci comme « toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources » ; qu'il convient, par conséquent, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de la Commission arbitrale des journalistes et de rejeter la demande d'annulation de la sentence ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la demande de restitution des sommes versées à M. K... ; que l'AFP, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée sur ce fondement à payer à M. B... la somme de 7 000 euros ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « la commission retient de l'ensemble de ces faits que M. K... justifie d'une ancienneté de 30 ans au sens de la loi et de la convention collective nationale de travail des journalistes du 1er novembre 1976 refondue le 27 octobre 1987 étendue par arrêté du 2 février 1988 qui est applicable, qu'il est journaliste professionnel au sens des articles L. 7111-3 et L. 7112-1 du code du travail, employé par une agence de presse, que son dernier salaire brut effectif de référence, 13e mois inclus, représente la somme de 4964,14 euros, qu'il est âgé à la date de la rupture de 64 ans révolus, ce qui est admis par les parties, la qualité de M. K... comme journaliste professionnel au sens de l'article L.7111-3 du code du travail n'est pas contestée.
Sur la compétence de la commission : Il est soutenu par l'AFP que M. K... qu'elle emploie ne peut prétendre obtenir de la commission qu'elle fixe son indemnité de licenciement. La commission retient que M. K... a plus de 15 ans d'ancienneté et qu'il a été licencié pour faute grave. Il résulte de l'article L. 7112-4 du code du travail que lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due, en cas de faute grave ou de fautes répétées l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée. Cet article ne distingue pas entre les diverses catégories d'employeur de journalistes. Il résulte de l'article 44 de la convention collective nationale de travail des journalistes que les employeurs sans distinction, soumis à ladite convention, s'engagent à mettre en place la commission arbitrale des journalistes pour qu'elle soit saisie par le journaliste licencié pour faute grave ou fautes répétées afin de fixer l'indemnité de licenciement. L'article L.7l12-4 du code du travail ne fixe pas de quantum d'indemnité laissant toute liberté à la commission pour la détermination de celle-ci. L'arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 2016 ne statue pas sur la compétence de la commission arbitrale des journalistes en cas de licenciement pour faute grave. Les conditions de l'article L.7112-4 du code du travail étant réunies, la saisine de la commission par M. K... est régulière. La commission arbitrale des journalistes est compétente » ;
1) ALORS QU'il résulte des articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail que seuls les journalistes salariés d'une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l'indemnité de congédiement instituée par l'article L. 7112-3 qui est fixée par la commission arbitrale des journalistes lorsque l'ancienneté excède quinze années ; que la commission arbitrale des journalistes n'a donc pas de compétence concernant les journalistes salariés des agences de presse, qui ne sont pas des entreprises de journaux et périodiques, puisqu'ils ne peuvent pas bénéficier de l'indemnité de congédiement instituée par l'article L. 7112-3 ; qu'en jugeant cependant en l'espèce que la commission arbitrale des journalistes était compétente pour statuer sur le montant de l'indemnité de licenciement due à M. K... en conséquence de son licenciement par l'agence France presse bien qu'il n'était pas salariés d'une entreprise de journaux et périodiques, la cour d'appel a violé les articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail ;
2) ALORS QUE l'article 44 de la convention collective des journalistes dispose que « Les employeurs s'engagent dans le cadre de la législation en vigueur à respecter les règles suivantes de licenciement dans les cas particuliers ci-après :
b) Faute grave ou fautes répétées dans le service et notamment : voies de fait, indélicatesse, violation des règles d'honneur professionnel. Dans ce cas, si l'intéressé a été congédié sans préavis ni indemnités, après que les règles prévues par la loi ont été respectées, il pourra se pourvoir devant la commission arbitrale prévue par l'article L. 761-5 du code du travail ou toute autre juridiction compétente » ; que ce texte ne commande pas la compétence de la commission arbitrale des journalistes pour statuer sur l'indemnité de licenciement de tous les journalistes et certainement pas des journalistes des agences de presse dont le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse par les juridictions prud'homales ; qu'en affirmant en l'espèce par motifs éventuellement adoptés qu'« Il résulte de l'article 44 de la convention collective nationale de travail des journalistes que les employeurs sans distinction, soumis à ladite convention, s'engagent à mettre en place la commission arbitrale des journalistes pour qu'elle soit saisie par le journaliste licencié pour faute grave ou fautes répétées afin de fixer l'indemnité de licenciement » pour en déduire la compétence de la commission arbitrale pour fixer l'indemnité de licenciement due à M. K... dont le licenciement a été définitivement jugé sans cause réelle et sérieuse et non pas fondé sur une faute grave, la cour d'appel a violé le texte susvisé. | Il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d'une entreprise de presse quelle qu'elle soit.
Dès lors la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation formé contre la décision de la commission arbitrale des journalistes ayant fixé l'indemnité de licenciement d'un journaliste professionnel, écarte à bon droit le moyen tiré de l'incompétence de cette commission fondé sur le fait que l'employeur était une agence de presse |
304 | SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 844 FS-P+B sur les 3e et 4e branches
Pourvois n°
X 18-24.909
Y 18-24.910
A 18-24.912 JONCTION
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. T....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 septembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
La société Taylor Nelson Sofres, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° X 18-24.909, Y 18-24.910 et A 18-24.912 contre trois arrêts rendus le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans les litiges l'opposant respectivement à :
1°/ M. E... K..., domicilié [...] ,
2°/ M. C... T..., domicilié [...] ,
3°/ M. A... Q..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Taylor Nelson Sofres, de la SCP Boulloche, avocat de M. K..., de M. T... et de M. Q..., les plaidoiries de Me Célice et celles de Me Boulloche, l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 18-24.909, Y 18-24.910 et A 18-24.912 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 4 octobre 2018), MM. K..., T... et Q... ont été engagés par la société Taylor Nelson Sofres par contrats à durée déterminée d'usage. Ils ont ensuite chacun conclu un contrat de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle (dit CEIGA).
3. Le 12 juillet 2012, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification des contrats en contrat à durée indéterminée à temps complet, de demandes en paiement d'une indemnité de requalification, de rappels de salaires et congés payés afférents. Ils ont été licenciés pour motif économique le 2 janvier 2014.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen qui est irrecevable, ni sur la deuxième qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser aux salariés des sommes au titre de l'indemnité de requalification, de rappels de salaires outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité au titre de l'article L. 1235-16 du code du travail, alors « que ni l'article L. 3123-32 du code du travail, ni le titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective des bureaux d'études techniques qui régit le contrat de "chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle" n'imposent de fixer, dans le contrat de travail intermittent, une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ; qu'en jugeant que le contrat de travail intermittent, dit contrat CEIGA (chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle), est présumé à temps complet, faute de définir la durée de travail mensuelle ou hebdomadaire, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-32 du code du travail, ensemble l'article 8 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs du 16 décembre 1991 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3123-14 du code du travail et L. 3123-33 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Selon le second de ces textes, le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui comporte notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail, la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail, qui prévoient que le contrat de travail à temps partiel précise la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail intermittent.
7. Pour requalifier les contrats de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, les arrêts retiennent qu'il est stipulé dans le contrat de travail intermittent ‘'vos horaires de travail, qui impliquent un travail, soit pendant la journée, le soir et/ou le samedi, seront variables en fonction de la charge d'enquêtes. Vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi ‘', qu'ainsi n'étaient déterminés, ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, qu'il importe peu que l'employeur établisse que le salarié au moins sur certaines périodes remplissait un planning dans lequel il indiquait les périodes durant lesquelles il était indisponible, que la société ne rapporte pas la preuve qu'en pratique, sinon selon les termes du contrat, il s'agissait d'un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur formule le même grief, alors « que si l'article L. 3123-33 du code du travail prévoit que le contrat de travail intermittent définit les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, l'article L. 3123-35 prévoit que, dans les secteurs d'activité où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif de travail détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail ; que l'annexe relative aux enquêteurs, étendue par arrêté du 27 avril 1992, de la convention collective des bureaux d'études techniques prévoit que "La nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes. Les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur" ; qu'il est constant que le contrat de travail intermittent litigieux a été conclu en application de ces dispositions conventionnelles étendues ; qu'il en résulte que l'absence de définition, dans ce contrat de travail intermittent, des périodes de travail et de la répartition des heures de travail dans ces périodes n'est pas contraire aux dispositions légales relatives au contrat intermittent ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a encore violé les articles L. 3123-35 du code du travail et l'article 3 de l'annexe 4-2 relative aux enquêteurs de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail dans leur version applicable au litige, l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, les articles L. 3123-33 et L. 3123-35 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article préambule de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, les articles 3 et 8 de l'annexe 4-2 se rapportant aux chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle :
10. Il résulte de l'article préambule de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dont les dispositions ont été maintenues en vigueur par l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, que les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle (CEIGA) exercent leur activité dans le cadre du travail intermittent tel qu'il est défini aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.
11. Selon l'article L. 212-4-9 du code du travail alors en vigueur, auquel renvoie l'accord collectif, le contrat de travail intermittent doit faire mention des périodes pendant lesquelles le salarié travaille. Dans le cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention collective ou l'accord étendu détermine les adaptations nécessaires.
12. En application de ces dispositions, l'article 3 de l'annexe précitée dispose que la nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes. Les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur. L'article 8 de cette même annexe prévoit que l'engagement d'un chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle doit être constaté par un écrit faisant référence aux dispositions de la présente convention. Cet écrit précise notamment la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, le montant de sa garantie annuelle, le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévus à l'article 3 de la présente annexe.
13. Il en résulte que les contrats de travail intermittent conclus en application de cet accord collectif n'ont pas à mentionner les périodes travaillées.
14. Pour requalifier les contrats de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, les arrêts retiennent qu'en ce qui concerne la requalification du contrat CEIGA en contrat à temps complet, aux termes de l'article L. 3123-31 du code du travail dans sa rédaction applicable, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées, que selon l'article L. 3123-33 du même code, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, qui mentionne notamment la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, que la requalification s'impose faute d'avoir prévu dans le contrat intermittent les périodes de travail et les périodes de suspension d'activité.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Taylor Nelson Sofres à verser à MM. K..., T... et Q... des sommes au titre de l'indemnité de requalification, de rappels de salaires outre congés payés afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité au titre de l'article L. 1235-16 du code du travail, les arrêts rendus le 4 octobre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne MM. K..., T... et Q... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits, au pourvoi n° X 18-24.909, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Taylor Nelson Sofres
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. K... les sommes de 1.768,47 euros à titre d'indemnité de requalification, 52.723,42 euros de rappels de salaire, 5.272,34 euros d'indemnité de congés payés afférents, 10.700 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10.610,82 euros d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-16 du code du travail et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification des contrats à durée déterminée et du contrat Ceiga en contrat à temps complet ; Considérant que M. E... K... fonde sa demande de requalification des contrats le liant à l'employeur en contrat de travail à temps complet, au motif qu'ils ne mentionnent ni le temps de travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'en outre il a atteint la durée légale de 35 heures par semaine en mars et avril 2011 ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose que le salarié ne se tenait pas à la disposition permanente de son employeur, puisque c'est lui-même qui déterminait ses disponibilités et la fréquence de ses interventions ; Considérant quant à la requalification des contrats à durée déterminée, qu'aux termes de l'article L.3123-14, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification ; Considérant que les contrats de travail à durée déterminée litigieux disposent que le salarié travaillera les jours ouvrables de la période couverte par les termes du contrat selon des horaires de référence comprises entre le lundi et le vendredi de 17 heures à 21 heures et le samedi de 9 heures 30 à 13 heures ; qu'il est ajouté que les horaires de travail peuvent être modulables et leurs répartitions réaménagées avec des horaires augmentés ou diminués en fonction des besoins de la société et des directives données par le responsable du plateau ; Qu'ainsi, il n'est pas fixé de durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, si ce n'est comme référence, ce qui veut dire à titre indicatif des plages horaires dans lesquelles doit s'insérer l'exécution des missions ; que si ces heures étaient mentionnées comme reflétant le temps de travail hebdomadaire, la rémunération de ces heures figurerait sur les bulletins de paie comme salaire de base, alors que la somme portée sous cette mention varie d'un mois à l'autre ; Considérant qu'en l'absence d'écrit respectant ces prescriptions, le contrat est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à rapporter la preuve qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler et qu'il n'est pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; Que l'employeur ne rapporte pas cette preuve ; Que par conséquent c'est à juste titre que M. E... K... sollicite la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à temps complet ; Considérant que le contrat Ceiga suit le sort des précédents ; qu'il encoure le même grief emportant sa requalification en contrat à temps plein ; Qu'en effet, il est stipulé dans celui-ci " vos horaires de travail, qui impliquent un travail, soit pendant la journée, le soir et/ou le samedi, seront variables en fonction de la charge d'enquêtes. Vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi " ; qu'ainsi n'étaient déterminés, ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'il importe peu que l'employeur établisse que le salarié au moins sur certaines périodes remplissait un planning dans lequel il indiquait les périodes durant lesquelles il était indisponible ; que la société ne rapporte pas la preuve qu'en pratique, sinon selon les termes du contrat, il s'agissait d'un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; Considérant qu'en second lieu, toujours en ce qui concerne la requalification du contrat Ceiga en contrat à temps complet, qu'aux termes de l'article L.3123-31 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées ; Que, selon l'article L.3123-33 du même code dans sa version alors en vigueur, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, qui mentionne notamment la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ; Que l'absence de respect de périodes de travail et de périodes de suspension d'activité chaque année constitue une violation du principe même du contrat de travail intermittent ; que la sanction en est la requalification du contrat en contrat à temps complet ; Que celle-ci s'impose en l'espèce à ce second titre, faute d'avoir prévu dans le contrat intermittent les périodes de travail et les périodes de suspension d'activité ; Considérant qu'il sera donc fait droit à la demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps complet ; Sur l'indemnité de requalification ; Considérant qu'aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; Que cette indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ; Considérant qu'il s'ensuit qu'il sera alloué au salarié la somme qu'il demande et qui tient compte de la requalification en contrat à temps complet en appliquant le salaire horaire 11,66 euros à 35 heures par semaine, soit la somme de 1.768,47 euros ; Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification en contrat à temps complet ; Considérant que M. E... K... sollicite le paiement de la somme de 52.723,42 euros de rappel de salaire et celle de 5.272,34 euros d'indemnité de congés payés y afférents sur la base d'une rémunération de 35 heures par semaine due à raison de la requalification en contrat à temps complet depuis le 12 juillet 2007 jusqu'au licenciement ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose la prescription édictée par l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction de la loi du 14 juin 2013, qui ne permet de faire porter lesdites demandes que sur les sommes dues sur les trois dernières années précédant la rupture du contrat ; Considérant qu'aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable lors de la saisine du conseil des prud'hommes le 12 juillet 2012, l'action en paiement de salaires se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil ; Considérant que la saisine du conseil des prud'hommes a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil et R.516-8 du code du travail, y compris du chef des demandes non encore formulées lors de la saisine du conseil des prud'hommes, eu égard au principe de l'unicité de l'instance ; qu'il s'ensuit que la prescription permet au salarié d'obtenir paiement des rappels en cause sur les cinq ans précédant la saisine des premiers juges, c'est-à-dire depuis le 12 juillet 2007 ; Considérant que la demande de rappel de salaire porte précisément sur cette période de sorte qu'il sera alloué à M. E... K... la somme de 52 723,42 euros qu'il demande et qui, contestée dans son principe, ne l'est pas dans son calcul arithmétique, de même que l'indemnité de congés payés y afférents de 5 272,34 euros » ;
1. ALORS QU'en cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il appartient au salarié qui sollicite le paiement d'un rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour toute la durée de la relation de travail de démontrer qu'il est resté à la disposition permanente de l'employeur pendant les périodes d'inactivité séparant les différents contrats ; qu'en l'espèce, pour accorder à M. K... un rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour toute la durée de la relation de travail et fixer en conséquence le montant des indemnités qu'elle lui a accordées, la cour d'appel a relevé que les contrats de travail à durée déterminée requalifiés en contrat à durée indéterminée ne fixent pas de durée de travail, ni les plages horaires dans lesquelles doivent s'exécuter les missions, a déduit de l'absence de ces mentions légales que le contrat à durée indéterminée issu de la requalification est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à apporter la preuve contraire, et a considéré que l'employeur ne rapportait pas cette preuve ; qu'en raisonnant de la sorte, cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer qu'il était resté à la disposition permanente de l'employeur entre les différents contrats à durée déterminée pour prétendre au paiement d'un salaire au titre des périodes non travaillées entre ces contrats, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et L.1245-2 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2. ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Taylor Nelson Sofres produisait aux débats le guide de l'enquêteur téléphonique selon lequel il appartient à l'enquêteur de communiquer au service planning ses disponibilités avant que des missions lui soient éventuellement confiées en fonction des disponibilités qu'il a déclarées ; que la société Taylor Nelson Sofres produisait également les fiches renseignées par M. K... sur ses disponibilités, semaine par semaine, lesquelles faisaient apparaître qu'il n'était disponible que certains jours de la semaine, en soirée uniquement, et jamais le matin ; qu'en affirmant néanmoins que la société Taylor Nelson Sofres n'apporte pas la preuve que le salarié n'était pas tenu de rester à sa disposition permanente, sans examiner ne serait-ce que sommairement et s'expliquer sur ces pièces desquelles il ressortait que M. K... n'était ni tenu de rester en permanence à la disposition de l'exposante, ni effectivement disponible en permanence, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE ni l'article L. 3123-32 du code du travail, ni le titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective des bureaux d'études techniques qui régit le contrat de « chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle » n'imposent de fixer, dans le contrat de travail intermittent, une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ; qu'en jugeant que le contrat de travail intermittent, dit contrat Ceiga (chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle), est présumé à temps complet, faute de définir la durée de travail mensuelle ou hebdomadaire, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-32 du code du travail, ensemble l'article 8 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs du 16 décembre 1991 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987 ;
4. ALORS QUE si l'article L. 3123-33 du code du travail prévoit que le contrat de travail intermittent définit les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, l'article L. 3123-35 prévoit que, dans les secteurs d'activité où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif de travail détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail ; que l'annexe relative aux enquêteurs, étendue par arrêté du 27 avril 1992, de la convention collective des bureaux d'études techniques prévoit que « La nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes. Les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur » ; qu'il est constant que le contrat de travail intermittent litigieux a été conclu en application de ces dispositions conventionnelles étendues ; qu'il en résulte que l'absence de définition, dans ce contrat de travail intermittent, des périodes de travail et de la répartition des heures de travail dans ces périodes n'est pas contraire aux dispositions légales relatives au contrat intermittent ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a encore violé les articles L. 3123-35 du code du travail et l'article 3 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. K... les sommes 10.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 10.610,82 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que M. E... K... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres au paiement de la somme de 12.379,29 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que les difficultés économiques ne sont en tout état de cause pas démontrées et que la société Taylor Nelson Sofres n'a pas effectué les efforts de reclassement nécessaires ; Considérant que la société répond que la rupture est fondée sur la fermeture du plateau téléphonique de Malakoff rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, tandis que le plan de sauvegarde de l'emploi préparé dans ce cadre n'a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014, qu'en raison de l'insuffisance de motivation par la DIRECCTE ; Considérant que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique des sociétés du groupe exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ; Considérant que l'audit de l'expert comptable H... désigné par le comité d'entreprise démontre que l'employeur n'apporte pas les données permettant de vérifier la pertinence du motif pris de la sauvegarde de la compétitivité, que les difficultés rencontrées comme la baisse du mode de recueil des données par téléphone ne concernent qu'une faible partie de l'activité de la société Taylor Nelson Sofres et en aucun cas l'ensemble du secteur d'activité dont elle relève, celui des études de marché ; qu'au surplus la marge des études téléphoniques est toujours bénéficiaire et les rentabilités des sociétés du groupe du même secteur d'activité restent élevées ; que la nécessité de prendre des mesures pour sauvegarder un soi-disant péril de la compétitivité de l'activité "Etudes de marché / consumers insight" n'est pas démontrée ; Qu'il s'en suit que le licenciement n'est pas fondé ; Considérant, toujours au titre du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, que M. E... K... soutient que la société Taylor Nelson Sofres a manqué à son obligation de reclassement en ce qu'il ne lui a été proposé qu'un poste d'enquêteur téléphonique à Lyon, et un poste d'enquêteur terrain à Tours, alors que d'autres lieux d'affectation ont été proposés pour le reclassement d'autres salariés, tels que Chantilly, Compiègne, Strasbourg, Calais, Clermont-Ferrand ou encore le Val de Marne ; Considérant que l'employeur répond que le salarié a reçu deux offres sérieuses correspondant à sa qualification auxquelles il n'a pas répondu, que ce silence équivaut à un refus, de sorte qu'aucun manquement ne peut être opposé à la société Taylor Nelson Sofres ; Considérant qu'en application de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; Considérant que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; Considérant que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen ; Considérant qu'il est établi que deux postes ont été proposés à M. E... K... ; qu'il n'explique pas pourquoi il les a implicitement refusés en n'apportant aucune réponse à son employeur, ni en quoi ils ne correspondaient pas à ses souhaits, de sorte qu'il doit être admis que l'employeur a fait les efforts de reclassement voulus ; Considérant qu'il n'en demeure pas moins que l'absence de motif économique suffisant conduit la cour à déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Considérant qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; Considérant que le salarié n'apporte aucun élément de preuve pour étayer le préjudice né de la rupture ; Considérant que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. E... K..., de son âge, de contrat ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail une somme de 10.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du salaire horaire de 11,66 euros et de la requalificaiton du contrat en contrat de travail à temps plein, ce qui donne un salaire mensuel de 1.767 euros ; Sur l'indemnité de l'article L.1235-16 du code du travail ; Considérant que M. E... K... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres à lui verser la somme de 10.610,82 euros correspondant à six mois de salaire en application de l'article L.1235-16 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, à raison de l'annulation par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014 de l'homologation par la DIRECCTE du plan de sauvegarde de l'emploi ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres répond qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la carence de la DIRECCTE dont l'insuffisante motivation a entraîné l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et qu'en tout état de cause, cette indemnité ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Considérant que l'article L.1235-16 dans sa rédaction applicable aux procédures de licenciement engagées, comme en l'espèce, à compter du 1er juillet 2013 et avant le 7 août 2015, dispose que l'annulation de la décision d'homologation mentionnée à l'article L.1233-57-3 du code du travail, pour motif autre que celui mentionné au dernier alinéa de l'article L.1235-10 relatif à l'absence ou à l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; qu'à défaut le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaire des six derniers mois ; qu'elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9 ; Considérant que ledit arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du Ministère du travail contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy Pontoise du 22 avril 2014 annulant la décision du 27 novembre 2013 par laquelle le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France a homologué le document unilatéral de la société Taylor Nelson Sofres, motif pris de l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation ; que le motif retenu pour l'annulation de la décision d'homologation est sans incidence sur la sanction prévue par la loi ; Considérant qu'il s'ensuit que l'employeur doit être condamné à verser une indemnité égale au montant des six derniers mois, soit la somme de 10.610,82 euros avec intérêts à compter du présent arrêt » ;
ALORS QUE un salarié ne peut obtenir deux fois la réparation d'un même préjudice ; que l'indemnité minimale de six mois de salaires prévue par l'article L.1235-16 du code du travail, en cas d'annulation de la décision d'homologation ou de validation du plan de sauvegarde de l'emploi pour un motif autre que l'absence ou l'insuffisance du plan, a pour objet d'assurer au salarié licencié une indemnisation minimale de la perte injustifiée de son emploi ; qu'en conséquence, cette indemnité, qui a le même objet que l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut se cumuler avec cette dernière ; qu'en condamnant néanmoins la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. K... une indemnité de six mois de salaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'existence d'une menace sur la compétitivité n'était pas établie, et une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail, en raison de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1235-16 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.
Moyens produits, au pourvoi n° Y 18-24.910, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Taylor Nelson Sofres
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. T... les sommes de 1.768,47 euros à titre d'indemnité de requalification, 50.570,38 euros de rappels de salaire, 5.057,03 euros d'indemnité de congés payés afférents, 10.700 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10.610,82 euros d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-16 du code du travail et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification des contrats à durée déterminée et du contrat Ceiga en contrat à temps complet ; Considérant que M. C... T... fonde sa demande de requalification des contrats le liant à l'employeur en contrat de travail à temps complet, au motif qu'ils ne mentionnent ni le temps de travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'en outre il a atteint la durée légale de 35 heures par semaine en mars et avril 2011 ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose que le salarié ne se tenait pas à la disposition permanente de son employeur, puisque c'est lui-même qui déterminait ses disponibilités et la fréquence de ses interventions ; Considérant quant à la requalification des contrats à durée déterminée, qu'aux termes de l'article L.3123-14, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification ; Considérant que les contrats de travail à durée déterminée litigieux disposent que le salarié travaillera les jours ouvrables de la période couverte par les termes du contrat selon des horaires de référence comprises entre le lundi et le vendredi de 17 heures à 21 heures et le samedi de 9 heures 30 à 13 heures ; qu'il est ajouté que les horaires de travail peuvent être modulables et leurs répartitions réaménagées avec des horaires augmentés ou diminués en fonction des besoins de la société et des directives données par le responsable du plateau ; Qu'ainsi, il n'est pas fixé de durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, si ce n'est comme référence, ce qui veut dire à titre indicatif des plages horaires dans lesquelles doit s'insérer l'exécution des missions ; que si ces heures étaient mentionnées comme reflétant le temps de travail hebdomadaire, la rémunération de ces heures figurerait sur les bulletins de paie comme salaire de base, alors que la somme portée sous cette mention varie d'un mois à l'autre ; Considérant qu'en l'absence d'écrit respectant ces prescriptions, le contrat est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à rapporter la preuve qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler et qu'il n'est pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; Que l'employeur ne rapporte pas cette preuve ; Que par conséquent c'est à juste titre que M. C... T... sollicite la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à temps complet ; Considérant que le contrat Ceiga suit le sort des précédents ; qu'il encoure le même grief emportant sa requalification en contrat à temps plein ; Qu'en effet, il est stipulé dans celui-ci " vos horaires de travail, qui impliquent un travail, soit pendant la journée, le soir et/ou le samedi, seront variables en fonction de la charge d'enquêtes. Vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi " ; qu'ainsi n'étaient déterminés, ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'il importe peu que l'employeur établisse que le salarié au moins sur certaines périodes remplissait un planning dans lequel il indiquait les périodes durant lesquelles il était indisponible ; que la société ne rapporte pas la preuve qu'en pratique, sinon selon les termes du contrat, il s'agissait d'un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; Considérant qu'en second lieu, toujours en ce qui concerne la requalification du contrat Ceiga en contrat à temps complet, qu'aux termes de l'article L.3123-31 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées ; Que, selon l'article L.3123-33 du même code dans sa version alors en vigueur, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, qui mentionne notamment la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ; Que l'absence de respect de périodes de travail et de périodes de suspension d'activité chaque année constitue une violation du principe même du contrat de travail intermittent ; que la sanction en est la requalification du contrat en contrat à temps complet ; Que celle-ci s'impose en l'espèce à ce second titre, faute d'avoir prévu dans le contrat intermittent les périodes de travail et les périodes de suspension d'activité ; Considérant qu'il sera donc fait droit à la demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps complet ; Sur l'indemnité de requalification ; Considérant qu'aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; Que cette indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ; Considérant qu'il s'ensuit qu'il sera alloué au salarié la somme qu'il demande et qui tient compte de la requalification en contrat à temps complet en appliquant le salaire horaire 11,66 euros à 35 heures par semaine, soit la somme de 1.768,47 euros ; Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification en contrat à temps complet ; Considérant que M. C... T... sollicite le paiement de la somme de 50.874,46 euros de rappel de salaire et celle de 5 087,44 euros d'indemnité de congés payés y afférents sur la base d'une rémunération de 35 heures par semaine due à raison de la requalification en contrat à temps complet depuis le 18 septembre 2007 jusqu'au licenciement ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose la prescription édictée par l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction de la loi du 14 juin 2013, qui ne permet de faire porter lesdites demandes que sur les sommes dues sur les trois dernières années précédant la rupture du contrat ; Considérant qu'aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable lors de la saisine du conseil des prud'hommes le 12 juillet 2012, l'action en paiement de salaires se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil ; Considérant que la saisine du conseil des prud'hommes a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil et R.516-8 du code du travail, y compris du chef des demandes non encore formulées lors de la saisine du conseil des prud'hommes, eu égard au principe de l'unicité de l'instance ; qu'il s'ensuit que la prescription permet au salarié d'obtenir paiement des rappels en cause sur les cinq ans précédant la saisine des premiers juges, c'est-à-dire depuis le 12 juillet 2007 ; que le rappel de salaire dû à compter du 18 septembre 2007 porte précisément sur cette période ; qu'il convient de reprendre le calcul non contesté sur le plan mathématique de M. C... T..., qu'il y aura seulement à corriger le calcul effectué pour 2007, qui prend comme point de départ de la relation contractuelle le 19 juillet 2007, au lieu du 18 septembre 2007 ; que ce calcul du salaire procède comme pour chaque année de l'application du taux horaire qui était en 2007 de 8,89 euros, au nombre d'heures correspondant à un temps plein sous déduction du nombre d'heures payées en exécution des contrats à durée déterminée ; que ce dernier nombre sera trouvé en appliquant aux 511 heures dues pour un temps plein sur la période écoulée du 17 septembre 2007 au 31 décembre 2007, la proportion d'heures payées à compter du 19 juillet au titre des contrats à durée déterminée jusqu'à la fin de l'année soit 719 heures et du nombre d'heures correspondant à un temps plein du 19 juillet au 31 décembre 2007, soit 819 heures ; qu'ainsi la créance du salarié pour l'année 2007 est de 556,92 euros » ;
1. ALORS QU'en cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il appartient au salarié qui sollicite le paiement d'un rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour toute la durée de la relation de travail de démontrer qu'il est resté à la disposition permanente de l'employeur pendant les périodes d'inactivité séparant les différents contrats ; qu'en l'espèce, pour accorder à M. T... un rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour toute la durée de la relation de travail et fixer en conséquence le montant des indemnités qu'elle lui a accordées, la cour d'appel a relevé que les contrats de travail à durée déterminée requalifiés en contrat à durée indéterminée ne fixent pas de durée de travail, ni les plages horaires dans lesquelles doivent s'exécuter les missions, a déduit de l'absence de ces mentions légales que le contrat à durée indéterminée issu de la requalification est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à apporter la preuve contraire, et a considéré que l'employeur ne rapporte pas cette preuve ; qu'en raisonnant de la sorte, cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer qu'il était resté à la disposition permanente de l'employeur entre les différents contrats à durée déterminée pour prétendre au paiement d'un salaire au titre des périodes non travaillées entre ces contrats, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et L.1245-2 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2. ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Taylor Nelson Sofres produisait aux débats le guide de l'enquêteur téléphonique selon lequel il appartient à l'enquêteur de communiquer au service planning ses disponibilités avant que des missions lui soient éventuellement confiées en fonction des disponibilités qu'il a déclarées ; que la société Taylor Nelson Sofres produisait également les fiches renseignées par M. T... sur ses disponibilités, semaine par semaine, lesquelles faisaient apparaître qu'il n'était disponible que certains jours de la semaine, en soirée uniquement, et jamais le matin ; qu'en affirmant néanmoins que la société Taylor Nelson Sofres n'apporte pas la preuve que le salarié n'était pas tenu de rester à sa disposition permanente, sans examiner ne serait-ce que sommairement et s'expliquer sur ces pièces desquelles il ressortait que M. T... n'était ni tenu de rester en permanence à la disposition de l'exposante, ni effectivement disponible en permanence, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE ni l'article L. 3123-32 du code du travail, ni le titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective des bureaux d'études techniques qui régit le contrat de « chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle » n'imposent de fixer, dans le contrat de travail intermittent, une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ; qu'en jugeant que le contrat de travail intermittent, dit contrat Ceiga (chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle), est présumé à temps complet, faute de définir la durée de travail mensuelle ou hebdomadaire, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-32 du code du travail, ensemble l'article 8 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs du 16 décembre 1991 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987 ;
4. ALORS QUE si l'article L. 3123-33 du code du travail prévoit que le contrat de travail intermittent définit les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, l'article L. 3123-35 prévoit que, dans les secteurs d'activité où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif de travail détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail ; que l'annexe relative aux enquêteurs, étendue par arrêté du 27 avril 1992, de la convention collective des bureaux d'études techniques prévoit que « La nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes. Les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur » ; qu'il est constant que le contrat de travail intermittent litigieux a été conclu en application de ces dispositions conventionnelles étendues ; qu'il en résulte que l'absence de définition, dans ce contrat de travail intermittent, des périodes de travail et de la répartition des heures de travail dans ces périodes n'est pas contraire aux dispositions légales relatives au contrat intermittent ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a encore violé les articles L. 3123-35 du code du travail et l'article 3 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. T... les sommes 10.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 10.610,82 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que M. C... T... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres au paiement de la somme de 15.916,23 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que les difficultés économiques ne sont en tout état de cause pas démontrées et que la société Taylor Nelson Sofres n'a pas effectué les efforts de reclassement nécessaires ; Considérant que la société répond que la rupture est fondée sur la fermeture du plateau téléphonique de Malakoff rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, tandis que le plan de sauvegarde de l'emploi préparé dans ce cadre n'a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014, qu'en raison de l'insuffisance de motivation par la DIRECCTE ; Considérant que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique des sociétés du groupe exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ; Considérant que l'audit de l'expert comptable H... désigné par le comité d'entreprise démontre que l'employeur n'apporte pas les données permettant de vérifier la pertinence du motif pris de la sauvegarde de la compétitivité, que les difficultés rencontrées comme la baisse du mode de recueil des données par téléphone ne concernent qu'une faible partie de l'activité de la société Taylor Nelson Sofres et en aucun cas l'ensemble du secteur d'activité dont elle relève, celui des études de marché ; qu'au surplus la marge des études téléphoniques est toujours bénéficiaire et les rentabilités des sociétés du groupe du même secteur d'activité restent élevées ; que la nécessité de prendre des mesures pour sauvegarder un soi-disant péril de la compétitivité de l'activité "Etudes de marché / consumers insight" n'est pas démontrée ; Qu'il s'en suit que le licenciement n'est pas fondé ; (
) ; Considérant qu'il n'en demeure pas moins que l'absence de motif économique suffisant conduit la cour à déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Considérant qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; Considérant que le salarié n'apporte aucun élément de preuve pour étayer le préjudice né de la rupture ; Considérant que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. C... T..., de son âge, de contrat ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail une somme de 10.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du salaire horaire de 11,66 euros et de la requalificaiton du contrat en contrat de travail à temps plein, ce qui donne un salaire mensuel de 1.767 euros ; Sur l'indemnité de l'article L.1235-16 du code du travail ; Considérant que M. C... T... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres à lui verser la somme de 10.610,82 euros correspondant à six mois de salaire en application de l'article L.1235-16 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, à raison de l'annulation par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014 de l'homologation par la DIRECCTE du plan de sauvegarde de l'emploi ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres répond qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la carence de la DIRECCTE dont l'insuffisante motivation a entraîné l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et qu'en tout état de cause, cette indemnité ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Considérant que l'article L.1235-16 dans sa rédaction applicable aux procédures de licenciement engagées, comme en l'espèce, à compter du 1er juillet 2013 et avant le 7 août 2015, dispose que l'annulation de la décision d'homologation mentionnée à l'article L.1233-57-3 du code du travail, pour motif autre que celui mentionné au dernier alinéa de l'article L.1235-10 relatif à l'absence ou à l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; qu'à défaut le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaire des six derniers mois ; qu'elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9 ; Considérant que ledit arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du Ministère du travail contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy Pontoise du 22 avril 2014 annulant la décision du 27 novembre 2013 par laquelle le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France a homologué le document unilatéral de la société Taylor Nelson Sofres, motif pris de l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation ; que le motif retenu pour l'annulation de la décision d'homologation est sans incidence sur la sanction prévue par la loi ; Considérant qu'il s'ensuit que l'employeur doit être condamné à verser une indemnité égale au montant des six derniers mois, soit la somme de 10.610,82 euros avec intérêts à compter du présent arrêt » ;
ALORS QUE un salarié ne peut obtenir deux fois la réparation d'un même préjudice ; que l'indemnité minimale de six mois de salaires prévue par l'article L. 1235-16 du code du travail, en cas d'annulation de la décision d'homologation ou de validation du plan de sauvegarde de l'emploi pour un motif autre que l'absence ou l'insuffisance du plan, a pour objet d'assurer au salarié licencié une indemnisation minimale de la perte injustifiée de son emploi ; qu'en conséquence, cette indemnité, qui a le même objet que l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut se cumuler avec cette dernière ; qu'en condamnant néanmoins la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. T... une indemnité de six mois de salaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'existence d'une menace sur la compétitivité n'était pas établie, et une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail, en raison de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1235-16 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. Moyens produits, au pourvoi n° A 18-24.912, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Taylor Nelson Sofres
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. Q... les sommes de 1.768,47 euros à titre d'indemnité de requalification, 34.646,45 euros de rappels de salaire, 3.464,64 euros d'indemnité de congés payés afférents, 15.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10.610,82 euros d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification des contrats à durée déterminée et du contrat Ceiga en contrat à temps complet ; Considérant que M. A... Q... fonde sa demande de requalification des contrats le liant à l'employeur en contrat de travail à temps complet, au motif qu'ils ne mentionnent ni le temps de travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'en outre il a allègue avoir occasionnellement atteint la durée de travail d'un temps plein, notamment en décembre 2004, en décembre 2006, de février à juillet 2007, en décembre 2007, en avril 2009 et en mai 2009 ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose que le salarié ne se tenait pas à la disposition permanente de son employeur, puisque c'est lui-même qui déterminait ses disponibilités et la fréquence de ses interventions ; Considérant quant à la requalification des contrats à durée déterminée, qu'aux termes de l'article L.3123-14, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification ; Considérant que les contrats de travail à durée déterminée litigieux disposent que le salarié travaillera les jours ouvrables de la période couverte par les termes du contrat selon des horaires de référence comprises entre le lundi et le vendredi de 17 heures à 21 heures et le samedi de 9 heures 30 à 13 heures ; qu'il est ajouté que les horaires de travail peuvent être modulables et leurs répartitions réaménagées avec des horaires augmentés ou diminués en fonction des besoins de la société et des directives données par le responsable du plateau ; Qu'ainsi, il n'est pas fixé de durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, si ce n'est comme référence, ce qui veut dire à titre indicatif des plages horaires dans lesquelles doit s'insérer l'exécution des missions ; que si ces heures étaient mentionnées comme reflétant le temps de travail hebdomadaire, la rémunération de ces heures figurerait sur les bulletins de paie comme salaire de base, alors que la somme portée sous cette mention varie d'un mois à l'autre ; Considérant qu'en l'absence d'écrit respectant ces prescriptions, le contrat est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à rapporter la preuve qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler et qu'il n'est pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; Que l'employeur ne rapporte pas cette preuve ; Que par conséquent c'est à juste titre que M. A... Q... sollicite la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à temps complet ; Considérant que le contrat Ceiga suit le sort des précédents ; qu'il encoure le même grief emportant sa requalification en contrat à temps plein ; Qu'en effet, il est stipulé dans celui-ci " vos horaires de travail, qui impliquent un travail, soit pendant la journée, le soir et/ou le samedi, seront variables en fonction de la charge d'enquêtes. Vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi " ; qu'ainsi n'étaient déterminés, ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'il importe peu que l'employeur établisse que le salarié au moins sur certaines périodes remplissait un planning dans lequel il indiquait les périodes durant lesquelles il était indisponible ; que la société ne rapporte pas la preuve qu'en pratique, sinon selon les termes du contrat, il s'agissait d'un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; Considérant qu'en second lieu, toujours en ce qui concerne la requalification du contrat Ceiga en contrat à temps complet, qu'aux termes de l'article L.3123-31 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées ; Que, selon l'article L.3123-33 du même code dans sa version alors en vigueur, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, qui mentionne notamment la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ; Que l'absence de respect de périodes de travail et de périodes de suspension d'activité chaque année constitue une violation du principe même du contrat de travail intermittent ; que la sanction en est la requalification du contrat en contrat à temps complet ; Que celle-ci s'impose en l'espèce à ce second titre, faute d'avoir prévu dans le contrat intermittent les périodes de travail et les périodes de suspension d'activité ; Considérant qu'il sera donc fait droit à la demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps complet ; Sur l'indemnité de requalification ; Considérant qu'aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; Que cette indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ; Considérant qu'il s'ensuit qu'il sera alloué au salarié la somme qu'il demande et qui tient compte de la requalification en contrat à temps complet en appliquant le salaire horaire 11,66 euros à 35 heures par semaine, soit la somme de 1.768,47 euros ; Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification en contrat à temps complet ; Considérant que M. A... Q... sollicite le paiement de la somme de 34.646,45 euros de rappel de salaire et celle de 3.464,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents sur la base d'une rémunération de 35 heures par semaine due à raison de la requalification en contrat à temps complet ; qu'il limite sa demande à la période postérieure au 13 juillet 2007 jusqu'au licenciement ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose la prescription édictée par l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction de la loi du 14 juin 2013, qui ne permet de faire porter lesdites demandes que sur les sommes dues sur les trois dernières années précédant la rupture du contrat ; Considérant qu'aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable lors de la saisine du conseil des prud'hommes le 12 juillet 2012, l'action en paiement de salaires se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil ; Considérant que la saisine du conseil des prud'hommes a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil et R.516-8 du code du travail, y compris du chef des demandes non encore formulées lors de la saisine du conseil des prud'hommes, eu égard au principe de l'unicité de l'instance ; qu'il s'ensuit que la prescription permet au salarié d'obtenir paiement des rappels en cause sur les cinq ans précédant la saisine des premiers juges, c'est-à-dire depuis le 12 juillet 2007 ; Considérant que la demande de rappel de salaire porte précisément sur cette période de sorte qu'il sera alloué à M. A... Q... la somme de 34.646,45 euros qu'il demande et qui, contestée dans son principe, ne l'est pas dans son calcul arithmétique, de même que l'indemnité de congés payés y afférents de 3.464,64 euros » ;
1. ALORS QU'en cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il appartient au salarié qui sollicite le paiement d'un rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour toute la durée de la relation de travail de démontrer qu'il est resté à la disposition permanente de l'employeur pendant les périodes d'inactivité séparant les différents contrats ; qu'en l'espèce, pour accorder à M. Q... un rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour toute la durée de la relation de travail et fixer en conséquence le montant des indemnités qu'elle lui a accordées, la cour d'appel a relevé que les contrats de travail à durée déterminée requalifiés en contrat à durée indéterminée ne fixent pas de durée de travail, ni les plages horaires dans lesquelles doivent s'exécuter les missions, a déduit de l'absence de ces mentions légales que le contrat à durée indéterminée issu de la requalification est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à apporter la preuve contraire, et a considéré que l'employeur ne rapporte pas cette preuve ; qu'en raisonnant de la sorte, cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer qu'il était resté à la disposition permanente de l'employeur entre les différents contrats à durée déterminée pour prétendre au paiement d'un salaire au titre des périodes non travaillées entre ces contrats, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2. ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Taylor Nelson Sofres produisait aux débats le guide de l'enquêteur téléphonique selon lequel il appartient à l'enquêteur de communiquer au service planning ses disponibilités avant que des missions lui soient éventuellement confiées en fonction des disponibilités qu'il a déclarées ; que la société Taylor Nelson Sofres produisait également les fiches renseignées par M. Q... sur ses disponibilités, semaine par semaine, lesquelles faisaient apparaître qu'il n'était disponible que certains jours de la semaine, en soirée uniquement, et jamais le matin ; qu'en affirmant néanmoins que la société Taylor Nelson Sofres n'apportait pas la preuve que le salarié n'était pas tenu de rester à sa disposition permanente, sans examiner ne serait-ce que sommairement et s'expliquer sur ces pièces desquelles il ressortait que M. Q... n'était ni tenu de rester en permanence à la disposition de l'exposante, ni effectivement disponible en permanence, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE ni l'article L. 3123-32 du code du travail, ni le titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective des bureaux d'études techniques qui régit le contrat de « chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle » n'imposent de fixer, dans le contrat de travail intermittent, une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ; qu'en jugeant que le contrat de travail intermittent, dit contrat Ceiga (chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle), est présumé à temps complet, faute de définir la durée de travail mensuelle ou hebdomadaire, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-32 du code du travail, ensemble l'article 8 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs du 16 décembre 1991 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987 ;
4. ALORS QUE si l'article L. 3123-33 du code du travail prévoit que le contrat de travail intermittent définit les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, l'article L. 3123-35 prévoit que, dans les secteurs d'activité où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif de travail détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail ; que l'annexe relative aux enquêteurs, étendue par arrêté du 27 avril 1992, de la convention collective des bureaux d'études techniques prévoit que « La nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes. Les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables. Toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur » ; qu'il est constant que le contrat de travail intermittent litigieux a été conclu en application de ces dispositions conventionnelles étendues ; qu'il en résulte que l'absence de définition, dans ce contrat de travail intermittent, des périodes de travail et de la répartition des heures de travail dans ces périodes n'est pas contraire aux dispositions légales relatives au contrat intermittent ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a encore violé les articles L. 3123-35 du code du travail et l'article 3 du titre I de l'annexe relative aux enquêteurs de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. Q... les sommes 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 10.610,82 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que M. A... Q... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres au paiement de la somme de 26.520,87 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que les difficultés économiques ne sont en tout état de cause pas démontrées et que la société Taylor Nelson Sofres n'a pas effectué les efforts de reclassement nécessaires ; Considérant que la société répond que la rupture est fondée sur la fermeture du plateau téléphonique de Malakoff rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, tandis que le plan de sauvegarde de l'emploi préparé dans ce cadre n'a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014, qu'en raison de l'insuffisance de motivation par la DIRECCTE ; Considérant que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique des sociétés du groupe exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ; Considérant que l'audit de l'expert comptable H... désigné par le comité d'entreprise démontre que l'employeur n'apporte pas les données permettant de vérifier la pertinence du motif pris de la sauvegarde de la compétitivité, que les difficultés rencontrées comme la baisse du mode de recueil des données par téléphone ne concernent qu'une faible partie de l'activité de la société Taylor Nelson Sofres et en aucun cas l'ensemble du secteur d'activité dont elle relève, celui des études de marché ; qu'au surplus la marge des études téléphoniques est toujours bénéficiaire et les rentabilités des sociétés du groupe du même secteur d'activité restent élevées ; que la nécessité de prendre des mesures pour sauvegarder un soi-disant péril de la compétitivité de l'activité "Etudes de marché / consumers insight" n'est pas démontrée ; Qu'il s'en suit que le licenciement n'est pas fondé (
) ; Considérant qu'il n'en demeure pas moins que l'absence de motif économique suffisant conduit la cour à déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Considérant qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; Considérant que le salarié n'apporte aucun élément de preuve pour étayer le préjudice né de la rupture ; Considérant que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. A... Q..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail une somme de 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du salaire horaire de 11,66 euros et de la requalificaiton du contrat en contrat de travail à temps plein, ce qui donne un salaire mensuel de 1.767 euros ; Sur l'indemnité de l'article L.1235-16 du code du travail ; Considérant que M. A... Q... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres à lui verser la somme de 10.610,82 euros correspondant à six mois de salaire en application de l'article L.1235-16 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, à raison de l'annulation par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014 de l'homologation par la DIRECCTE du plan de sauvegarde de l'emploi ; Considérant que la société Taylor Nelson Sofres répond qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la carence de la DIRECCTE dont l'insuffisante motivation a entraîné l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et qu'en tout état de cause, cette indemnité ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Considérant que l'article L.1235-16 dans sa rédaction applicable aux procédures de licenciement engagées, comme en l'espèce, à compter du 1er juillet 2013 et avant le 7 août 2015, dispose que l'annulation de la décision d'homologation mentionnée à l'article L.1233-57-3 du code du travail, pour motif autre que celui mentionné au dernier alinéa de l'article L.1235-10 relatif à l'absence ou à l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; qu'à défaut le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaire des six derniers mois ; qu'elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9 ; Considérant que ledit arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du Ministère du travail contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy Pontoise du 22 avril 2014 annulant la décision du 27 novembre 2013 par laquelle le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France a homologué le document unilatéral de la société Taylor Nelson Sofres, motif pris de l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation ; que le motif retenu pour l'annulation de la décision d'homologation est sans incidence sur la sanction prévue par la loi ; Considérant qu'il s'ensuit que l'employeur doit être condamné à verser une indemnité égale au montant des six derniers mois, soit la somme de 10.610,82 euros avec intérêts à compter du présent arrêt » ;
ALORS QUE un salarié ne peut obtenir deux fois la réparation d'un même préjudice ; que l'indemnité minimale de six mois de salaires prévue par l'article L.1235-16 du code du travail, en cas d'annulation de la décision d'homologation ou de validation du plan de sauvegarde de l'emploi pour un motif autre que l'absence ou l'insuffisance du plan, a pour objet d'assurer au salarié licencié une indemnisation minimale de la perte injustifiée de son emploi ; qu'en conséquence, cette indemnité, qui a le même objet que l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut se cumuler avec cette dernière ; qu'en condamnant néanmoins la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. Q... une indemnité de six mois de salaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'existence d'une menace sur la compétitivité n'était pas établie, et une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail, en raison de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1235-16 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. | Selon l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa réaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui comporte notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail, la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa réaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qui prévoient que le contrat de travail à temps partiel précise la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail intermittent.
Doit être cassé l'arrêt qui requalifie un contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet et alloue un rappel de salaire en conséquence, aux motifs que le contrat de travail ne détermine ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et que l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il s'agissait d'un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur |
305 | SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 846 FS-P+B
sur le premier moyen
Pourvoi n° E 18-25.583
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
La société KME Rolled France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société KME France, a formé le pourvoi n° E 18-25.583 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. R... L..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société KME Rolled France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. L..., et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 25 septembre 2018), M. L..., engagé le 9 septembre 1991 par la société Sapric, a été promu cadre le 6 novembre 2003. Le contrat de travail a ensuite été transféré à la société [...] dont l'activité a été reprise par la société KME France puis par la société KME Rolled France.
2. Le 23 février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en invoquant notamment le non-respect des dispositions conventionnelles en matière de rémunération minimale. Il a été licencié le 15 septembre 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes au titre d'un rappel de salaires outre congés payés afférents, alors :
« 1° / que selon l'accord du 5 mars 2013 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2013, conclu en application de l'article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé dans le contrat de travail, le barème fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs du dit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année ; qu'en appliquant le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord du 5 mars 2013 relatif aux salaires minimaux des ingénieurs et cadres de la métallurgie garantis pour l'année 2013, et l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que selon l'accord du 22 janvier 2014 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2014, à moins que l'ingénieur ou le cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème ci-dessus fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs du dit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou du cadre ; que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année ; qu'en appliquant le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord national du 22 janvier 2014 sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres de la métallurgie à partir de l'année 2014 et l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que selon l'accord du 27 janvier 2015 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2014, à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs du dit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif, prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre ; que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année ; qu'en appliquant le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord national du 27 janvier 2015 sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres de la métallurgie à partir de l'année 2015 et l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail, l'article 2 4. de l'accord du 5 mars 2013 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2013, l'article 2 IV de l'accord du 22 janvier 2014 relatif aux salaires minimaux pour l'année 2014, l'article 2 IV. de l'accord du 27 janvier 2015 relatif aux salaires annuels minimaux pour l'année 2015, attachés à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 :
4. Ces derniers textes, intitulés barème pour un forfait en jours sur l'année, déterminent le barème des appointements minimaux annuels garantis pour l'année concernée, base 218 jours, pour les ingénieurs et cadres à temps complet quel que soit le nombre de jours sur l'année prévu par le contrat de travail. Le dernier alinéa de chacun de ces textes dispose qu'à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème ci-dessus fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif, prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre.
5. Il en résulte, nonobstant la référence faite improprement par ces dispositions conventionnelles à un engagement à temps complet, que, sauf dispositions contraires dans le contrat de travail, lorsque la convention annuelle de forfait en jours mentionne un nombre de jours travaillés inférieur à 218, le montant du minimum salarial conventionnellement garanti doit, pour chaque coefficient, être calculé en rapportant le montant du minimum conventionnel calculé sur une base de 218 jours, au nombre de jours de travail effectif stipulé dans le contrat de travail.
6. Pour condamner l'employeur à verser des sommes au titre d'un rappel de salaires pour les années 2013 à 2015 outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions conventionnelles applicables, retient qu'il n'est pas contesté que le salarié était employé à temps plein et que dès lors il est fondé à réclamer le salaire minimum garanti correspondant à son indice.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié était soumis à un forfait annuel de 207 jours de travail, en sorte qu'elle aurait dû, pour déterminer le montant du salaire minimum garanti, rapporter le minimum conventionnel prévu pour 218 jours de travail effectif au nombre de jours de travail effectif prévus par le contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de le condamner au paiement de sommes en conséquence, alors « que la cassation qui sera prononcée du chef de dispositif ayant condamné la société KME Rolled France à verser à M. L... diverses sommes à titre de rappels de salaire pour les années 2013, 2014 et 2015 entraînera par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. L... avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des chefs de dispositif subséquents, ces chefs étant unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. La cassation du premier moyen, entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositifs relatifs à la rupture.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société KME Rolled France à verser à M. L... des sommes à titre de rappels de salaire outre congés payés afférents pour les années 2013 à 2015, prononce la résiliation du contrat de travail à compter du 15 septembre 2016 et condamne l'employeur au paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à rembourser, le cas échéant les indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société KME Rolled France
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société KME Rolled France à verser à M. L... les sommes de 1 819,59 € brut de rappel de salaire sur l'année 2013, 4 347,36 € brut de rappel de salaire sur 2014 et 4 766,28 € brut de rappel de salaire sur 2015, outre les congés payés ;
Aux motifs qu'« il ressort du contrat de travail de M. R... L..., et notamment de l'avenant du 27 janvier 2011, que celui-ci, en raison de la nature de ses fonctions ne permettant pas de prédéterminer son temps de travail, était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année.
A - sur le rappel de salaire de l'année 2013 :
En application de l'article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, a été conclu le 5 mars 2013 un accord national sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres à partir de l'année 2013.
Aux termes du paragraphe IV de cet accord est prévu un barème pour un forfait en jours sur l'année de la manière suivante :
"Le barème des appointements minimaux annuels garantis à partir de 2013, base 218 jours incluant la journée de solidarité, pour les ingénieurs et cadres à temps complet quel que soit le nombre de jours sur l'année prévu par le contrat de travail, dans le cadre d'un forfait en jours sur l'année, est fixé (
) pour l'indice 108 à 37 804 € brut. A moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème ci-dessus fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jour de travail effectif, prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre".
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. R... L... était employé à temps plein.
Dès lors, il est bien fondé à solliciter le minimum garanti correspondant à l'indice 108, soit sur la base d'un salaire annuel de 37 804 € et non de 35 896,46 € comme fixé à tort par le jugement déféré qui a fait une application erronée de l'accord national du 5 mars 2013.
Compte tenu de la prescription non contestée par les parties concernant le mois de janvier 2013, M. R... L... aurait ainsi dû percevoir entre février et décembre 2013 la somme de 11 x 37 804 €/12, soit 34 653,67 €.
Dans la mesure où la SAS KME Rolled France ne lui a versé que la somme de 32 834,08 €, elle lui reste redevable d'un montant de 1 819,59 € brut, outre les congés payés à hauteur de 181,95 € brut.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de condamner la SAS KME Rolled France à ce rappel de salaire.
b- sur le rappel de salaire de l'année 2014 :
Aux termes de l'article 22 de la convention collective applicable, M. R... L... pouvait effectivement prétendre à partir du 1er février 2014, ayant passé trois ans en position II, indice 108 comme en atteste l'avenant de février 2011, à la rémunération minimale correspondant à l'indice 114, soit la somme de 40 344 € brut en application de l'accord national du 22 janvier 2014 sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres à partir de l'année 2014.
Il aurait dû ainsi percevoir :
-pour le mois de janvier 2014 la somme de 3 185,08 € (indice 108 au 1er janvier 2014),
-entre le 1er février et le 31 décembre 2014, la somme de 36 982 €,
-soit un total de 40 167,08 €.
Or, dans la mesure où l'employeur ne lui a versé que 35 819,72 €, il lui reste dû la somme de 4 347,36 € brut, outre les congés payés à hauteur de 434,73 € brut.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de condamner la SAS KME Rolled France à ce rappel de salaire.
c- sur le rappel de salaire de l'année 2015 :
Pour l'année 2015, il ressort de l'accord national du 27 janvier 2015 que pour l'indice 114, le salaire conventionnel minimum est de 40 586 € brut.
Dans la mesure où le salarié n'a perçu qu'une somme de 35 819,72 € brut, il lui reste dû la somme de 4 766,28 € brut, outre les congés payés afférents à hauteur de 476,62 € brut.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de condamner la SAS KME Rolled France à ce rappel de salaire » (arrêt p 5 & 6) ;
1°) Alors que selon l'accord du 5 mars 2013 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2013, conclu en application de l'article 23 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé dans le contrat de travail, le barème fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année ; qu'en appliquant le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord du 5 mars 2013 relatif aux salaires minimaux des ingénieurs et cadres de la métallurgie garantis pour l'année 2013, et l'article L 1221-1 du code du travail ;
2°) Alors que selon l'accord du 22 janvier 2014 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2014, à moins que l'ingénieur ou le cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème ci-dessus fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou du cadre ; que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année ; qu'en appliquant le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord national du 22 janvier 2014 sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres de la métallurgie à partir de l'année 2014 et l'article L.1221-1 du code du travail ;
3°) Alors que selon l'accord du 27 janvier 2015 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2014, à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif, prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre ; que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 107 jours de travail sur l'année ; qu'en appliquant le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord national du 27 janvier 2015 sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres de la métallurgie à partir de l'année 2015 et l'article L 1221-1 du code du travail.
Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. L..., avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir en conséquence condamné la société KME Rolled France à verser à M. L... les sommes de 10 146,48 € brut au titre de l'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, outre 1 014,64 € brut pour les congés payés afférents, de 12 467,96 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 60 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir ordonné à la société KME Rolled France de remettre à M. L... les bulletins de paye rectifiés et jugé qu'elle devrait le cas échéant rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter de la rupture ;
Aux motifs que « M. R... L... ayant saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avant que l'employeur ne le licencie pour inaptitude, il convient d'examiner si les faits reprochés à l'employeur justifiaient une rupture du contrat de travail aux torts de ce dernier.
Au vu des observations ci-dessus, il apparaît que la SAS KME Rolled France n'a pas versé à M. R... L... les sommes qui lui étaient dues au titre du salaire minimum garanti par la convention collective qui lui était applicable.
Il est constant, au vu des pièces produites par le salarié que ce dernier a demandé à de multiples reprises à sa direction de lui appliquer les dispositions prévues par la convention collective.
Ainsi, par courrier électronique du 23 octobre 2014, M. R... L... a écrit à sa direction dans les termes suivants : "D'après mes informations, la grille de classification professionnelle évolue tous les trois ans pour les cadres. En ce qui me concerne, l'indice devait passer de 108 à 114 au 1er février 2014. J'ai constaté que cette modification n'avait pas été effectuée. Sauf erreur de ma part, je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire le nécessaire".
Il a adressé un nouveau courrier électronique de relance le 12 novembre 2014 à la suite duquel la direction lui a répondu, par courrier du 21 novembre 2014 : "Il n'est pas prévu pour l'instant de revaloriser votre coefficient et votre rémunération pour des raisons que je vous expliquerai en face à face lorsque nous avons l'occasion de nous rencontrer prochainement".
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juillet 2015, M. R... L... a réitéré sa demande d'application du salaire minimum prévu par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Il a notamment écrit : "J'estime aujourd'hui qu'il vous appartient d'une part d'appliquer la majoration de mon indice hiérarchique dans les conditions prévues par les articles 20 et 22 de la convention et d'autre part je vous demande d'appliquer rétroactivement à la date du 1er février 2014 ma revalorisation salariale correspondant au barème des appointements minimaux garantis par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie".
Ce courrier étant resté sans réponse, M. R... L... a adressé à sa hiérarchie un courrier électronique de rappel le 29 juillet 2015 à la suite duquel il lui a été répondu, sur le même mode le même jour, que son dossier était en cours de traitement.
Puis, comme il a été rappelé ci-dessus, les représentants du personnel ont interrogé la direction sur l'absence d'augmentation automatique pour les cadres de l'indice hiérarchique en fonction de l'ancienneté. Force est de constater au vu des deux versions du procès-verbal versées au débat que l'entreprise s'est contentée :
-soit d'une réponse laconique en indiquant qu'elle n'appliquait pas la convention collective,
-soit d'une réponse non suivie d'effet, en indiquant qu'elle appliquait la convention collective mais qu'il était possible qu'une disposition n'ait pas été appliquée par erreur.
Il en résulte que le refus injustifié par la SAS KME Rolled France, malgré les demandes réitérées de son salarié, d'appliquer le salaire minimum prévu par la convention collective dont il relève, constitue un manquement suffisamment grave à son obligation contractuelle justifiant à ses torts la rupture du contrat de travail.
Il convient donc de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt p 6, § 6 et suiv.) ;
1°) Alors que la cassation qui sera prononcée du chef de dispositif ayant condamné la société KME Rolled France à verser à M. L... diverses sommes à titre de rappels de salaire pour les années 2013, 2014 et 2015 entraînera par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. L... avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des chefs de dispositif subséquents, ces chefs étant unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) Alors que la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur que si les manquements reprochés à ce dernier sont d'une gravité telle qu'ils ont empêché la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. L... aux motifs que la société KME Rolled France avait manqué à son obligation d'appliquer le salaire minimum prévu par la convention collective applicable ; qu'en statuant ainsi sans relever que ce manquement empêchait la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société KME Rolled France à verser à M. L... les sommes de 12 467,96 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de 60 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que « b- sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement :
Aux termes de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres, le taux de l'indemnité de licenciement est fixé comme suit :
-1/5ème de mois pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté,
-3/5ème de mois par année d'ancienneté pour la tranche au-delà de 7 ans d'ancienneté.
Au regard des développements ci-dessus concernant le montant du salaire conventionnel qu'aurait dû percevoir M. R... L..., il convient de retenir le calcul opéré par ce dernier sur la base de 25 ans d'ancienneté.
Il aurait dû ainsi percevoir la somme de 49 901,20 €.
Dans la mesure où le salarié n'a perçu qu'un montant de 37 433,38 €, il lui reste bien dû la somme de 12 467,96 € que la SAS KME Rolled France sera condamnée à lui verser, le jugement étant infirmé en ce sens.
c- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Il est constant que M. R... L... avait au moment de la rupture du contrat de travail 25 ans d'ancienneté et qu'il était âgé de 47 ans.
La SAS KME Rolled France fait valoir qu'il souhaitait rester en région parisienne où il habitait déjà, ce que ne conteste pas l'intéressé.
Toutefois, M. R... L... produit à hauteur de cour les justificatifs d'indemnisation par Pôle emploi.
Au regard de ces éléments et de la moyenne conventionnelle des derniers mois de salaire d'un montant de 3 382,16 €, il convient de fixer à la somme de 60 000 € le montant de dommages et intérêts qui seront octroyés à M. R... L..., le jugement étant infirmé en ce sens » (arrêt p 7, § 6 et suiv.) ;
1°) Alors qu'à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif, prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que selon l'avenant du 27 janvier 2011 au contrat de travail, M. L... était soumis à un forfait de 207 jours de travail sur l'année ; qu'en calculant l'indemnité conventionnelle de licenciement à partir du montant du salaire conventionnel établi par le barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif, sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord national sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres à partir de l'année 2015 du janvier 2015 et l'article L 1221-1 du code du travail ;
2°) Alors qu'en fixant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de la moyenne conventionnelle des derniers mois de salaire calculée à partir du barème prévu pour un nombre annuel de 218 jours de travail effectif sans l'adapter en fonction du forfait prévu au contrat de travail correspondant au nombre de jours effectivement travaillés, la cour d'appel a violé l'article 2, § IV de l'accord national sur le barème des appointements minimaux garantis des ingénieurs et cadres à partir de l'année 2015 du janvier 2015 et l'article L 1221-1 du code du travail. | L'article 2, 4, de l'accord du 5 mars 2013 relatif aux salaires minimaux garantis pour l'année 2013, l'article 2, IV, de l'accord du 22 janvier 2014 relatif aux salaires minimaux pour l'année 2014, l'article 2, IV, de l'accord du 27 janvier 2015 relatif aux salaires annuels minimaux pour l'année 2015, attachés à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 , intitulés barème pour un forfait en jours sur l'année, déterminent le barème des appointements minimaux annuels garantis pour l'année concernée, base 218 jours, pour les ingénieurs et cadres à temps complet quel que soit le nombre de jours sur l'année prévu par le contrat de travail. Le dernier alinéa de chacun de ces textes dispose qu'à moins que l'ingénieur ou cadre ne soit employé à temps complet quel que soit le nombre de jours stipulé au contrat de travail, le barème ci-dessus fixant des garanties annuelles d'appointements minimaux pour le nombre annuel de 218 jours de travail effectif, les valeurs dudit barème seront adaptées en fonction du nombre de jours ou de demi-jours de travail effectif, prévu par le contrat de travail de l'ingénieur ou cadre.
Il en résulte, nonobstant la référence faite improprement par ces dispositions conventionnelles à un engagement à temps complet, que, sauf dispositions contraires dans le contrat de travail, lorsque la convention annuelle de forfait en jours mentionne un nombre de jours travaillés inférieur à 218, le montant du minimum salarial conventionnellement garanti doit, pour chaque coefficient, être calculé en rapportant le montant du minimum conventionnel calculé sur une base de 218 jours, au nombre de jours de travail effectif stipulé dans le contrat de travail.
Doit être cassé, l'arrêt qui accorde un rappel de salaire en retenant qu'il n'était pas contesté que le salarié était engagé à temps complet alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait été soumis à un forfait annuel de 207 jours de travail, en sorte que la cour d'appel aurait dû, pour déterminer le montant du salaire minimum garanti, rapporter le minimum conventionnel prévu pour 218 jours de travail effectif au nombre de jours de travail effectif prévus par le contrat de travail |
306 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 847 FS-P+B
Pourvoi n° B 18-18.266
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme I....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 avril 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
Mme Q... I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° B 18-18.266 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Le Dôme immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la Fédération nationale de l'immobilier, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme I..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Fédération nationale de l'immobilier, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Le Dôme immobilier, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Ala, Prieur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 2017), Mme I... a été engagée, le 30 juillet 1997, en qualité d'hôtesse d'accueil, par la société Le Dôme immobilier. A compter du 2 janvier 1998, elle a exercé les fonctions de négociateur immobilier voyageur, représentant, placier (VRP) exclusif.
2. Licenciée le 25 avril 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à la rupture de son contrat de travail.
3. La Fédération nationale de l'immobilier est intervenue volontairement à l'instance en cause d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de condamnation de son employeur à lui payer des sommes au titre de l'indemnité spéciale de rupture et de l'indemnité de non-concurrence en application respectivement des articles 14 et 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, alors :
« 1°/ que la seule référence dans le contrat de travail d'un salarié négociateur immobilier VRP exclusif à la convention collective nationale de l'immobilier n'exclut pas l'application de l'accord interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, étendu, dès lors que celui-ci est applicable aux catégories de VRP entrant dans le champ d'application de ladite convention collective ; qu'en écartant l'application du statut des VRP à Mme I..., embauchée comme salariée négociateur immobilier VRP exclusif par la société Le Dôme immobilier et en rejetant, en conséquence, ses demandes en lien avec les articles 14 et 17 de l'accord interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, motif pris que ''la SAS le Dôme immobilier est adhérente de la FNAIM, d'autre part, que cette dernière est signataire de la convention collective de l'immobilier et de l'avenant du 5 juin 2006 excluant expressément l'application de l'ANI du 3 octobre 1975 pour les négociateurs immobiliers VRP salariés'', la cour d'appel, qui a déduit de la soumission de la relation de travail à la convention collective de l'immobilier la non-application du statut légal des VRP, qui est d'ordre public, a violé les articles L. 7311-1 et suivant du code du travail, relatifs au statut des VRP ;
2°/ subsidiairement, que l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, étendu, qui exclut de son champ d'application les VRP des professions d'agents immobiliers et mandataires en vente de fond de commerce, est seul applicable ''aux représentants de commerce, sauf dans le cas où une autre convention collective liant l'entreprise comporterait des dispositions plus favorables expressément applicables auxdits représentants'' ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la convention collective nationale de l'immobilier comportait des dispositions plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311-1 et suivants du code du travail, relatifs au statut des VRP ;
3°/ subsidiairement, que l'arrêté ministériel du 5 octobre 1983, portant élargissement de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 relatif aux VRP a été partiellement annulé en tant qu'il s'appliquait aux agents immobiliers et aux mandataires en vente de fonds de commerce, de sorte que ledit accord demeure applicable aux autres catégories de VRP entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale de l'immobilier ; qu'en écartant les demandes de Mme I... en lien avec l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, sans constater que la salariée avait exercé des fonctions expressément exclues du champ d'application de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311-1 et suivants du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte, d'une part, de la décision rendue le 17 janvier 1986 par le Conseil d'Etat, qui a annulé l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale du 5 octobre 1983 élargissant l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 (CE, 17 janvier 1986, n° 55717-57404), que cet accord ne s'applique pas aux salariés relevant de la branche des agents immobiliers et des mandataires en vente de fonds de commerce. D'autre part, selon l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, relatif au nouveau statut de négociateur immobilier, à la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988, étendu par arrêté du 5 juin 2007, les dispositions de l'accord national interprofessionnel des VRP précité ne sont pas applicables aux négociateurs immobiliers VRP lesquels dépendent exclusivement de la convention collective de l'immobilier.
6. Ayant constaté que la salariée exerçait les fonctions de négociateur immobilier VRP, relevant de la branche des agents immobiliers et des mandataires de vente en fonds de commerce, ce dont il résultait que s'appliquaient exclusivement les dispositions de la convention collective nationale de l'immobilier, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches inopérantes, en a exactement déduit que les dispositions des articles 14 et 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 n'étaient pas applicables.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme I... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Ortscheidt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme I...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme I... de ses demandes tendant à voir condamner la société le Dôme Immobilier à lui payer la somme de 15.809,31 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture en application de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 et la somme de 71.052,80 € au titre de la clause de non-concurrence en application de l'article 17 de cet accord ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande au titre de l'indemnité spéciale de rupture ; que Mme I... fait valoir qu'elle a exercé les fonctions de négociateur immobilier VRP exclusif dans le domaine de la location et de la vente de biens immobiliers à usage de l'habitation et revendique l'application de la convention collective des VRP résultant de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 ce que conteste l'employeur de même que la Fédération Nationale de l'Immobilier, intervenant volontairement dans le présent débat ; que la SAS le Dôme Immobilier à laquelle s'associe la Fédération Nationale de l'Immobilier explique que dans le cas d'espèce, l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 n'a pas vocation à s'appliquer ; qu'elles font valoir que la convention collective applicable telle que mentionnée dans le contrat de travail est la convention collective de l'immobilier et renvoient, d'une part aux dispositions de l'article 1er alinéas 1 et 2 de la convention collective nationale de l'immobilier selon lesquelles les démarcheurs, vérificateurs et négociateurs salariés des entreprises relevant de la présente convention qui remplissent les conditions prévues par les articles L. 7311-1 et suivants du code du travail régissant les VRP relèvent de la présente convention et non de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, d'autre part à l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective nationale de l'immobilier portant sur le statut de négociateur immobilier, qui dispose dans son préambule : « le présent avenant a pour objet de créer un nouveau statut de négociateur immobilier pouvant être engagé par un seul employeur et rémunéré principalement à la commission.[.... :I les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 également appelé convention collective des VRP ne sont pas applicables aux négociateurs immobiliers VRP, lesquels dépendent exclusivement de la convention collective nationale de l'immobilier » ; que la FNAIM soutient, de façon plus générale, que l'accord du 3 octobre 1975 a été élargi à l'ensemble des professions autres que les professions agricoles par des arrêtés d'octobre et décembre 1983 ayant pour effet de le rendre obligatoire à tous les employeurs et tous les VRP statutaires des professions visées à l'article L. 2211-1 du code du travail, que cet élargissement a été réalisé en application de l'article L. 2261-17 du code du travail selon lequel les conventions étendues peuvent être rendues obligatoires en cas d'absence d'accord dans une branche déterminée, que cet élargissement n'est donc pas possible à l'égard des professions dans lesquelles la convention collective de branche contenait des dispositions applicables aux VRP ; qu'elle rappelle que, par 3 arrêts du 17 janvier 1986, le conseil d'état a annulé l'arrêté du 5 octobre 1983 ayant prévu l'élargissement de la convention des VRP du 3 octobre 1975 et de ses avenants dans les branches professionnelles qui contenaient déjà des dispositions afférentes aux VRP à savoir : - les agents immobiliers et mandataires en vente de fonds de commerce, - les grossistes en confiserie, biscuiterie chocolaterie alimentation fine, - les VRP des professions de la vente du service à domicile ; qu'elle ajoute encore que l'arrêté d'extension du 5 juin 2007 de l'avenant du 5 juin 2006 exclut l'application de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 aux négociateurs immobiliers en ce qu'il précise « Le 4e alinéa du préambule est étendu sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 132-12 du code du travail telles qui interprétées par le Conseil d'Etat. (CE, sect 10-01-1986 « Fédération nationale des agents immobiliers, mandataires en vente de fonds de commerce et autres ») ; qu'il est avéré que suivant un avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective de l'immobilier, un nouveau statut de négociateurs immobiliers VRP salariés a été créé ; que cet avenant a expressément stipulé dans son préambule, que l'ANI du 3 octobre 1975 ne leur est pas applicable ; qu'il est par ailleurs exact que l'arrêté du 5 juin 2007 a étendu l'avenant du 15 juin 2006 et précisé « le 4e alinéa du préambule est étendu sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 133-12 du code du travail tel qu'interprétées par le Conseil d'Etat.[...]. En effet, si cet arrêt annule partiellement l'arrêté ministériel portant élargissement de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 relatif aux VRP, en tant qu'il s'applique aux agents immobiliers et aux mandataires en vente de fonds de commerce, l'accord national interprofessionnel demeure applicable aux autres catégories de VRP entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale de l'immobilier » ; qu'une convention collective s'applique dans les rapports entre une entreprise et ses salariés : - si elle est conclue au niveau de l'entreprise, - ou si l'entreprise entre dans son champ d'application territorial et professionnel et adhère à l'organisation patronale signataire,- ou si la convention a été étendue au niveau national par le ministère chargé du travail ; que dans le cas d'espèce, il ressort des éléments communiqués d'une part, que la SAS Le Dôme Immobilier est adhérente de la FNAIM, d'autre part, que cette dernière est signataire de la convention collective de l'immobilier et de l'avenant du 5 juin 2006 excluant expressément l'application de l'ANI du 3 octobre 1975 pour les négociateurs immobiliers VRP salariés ; qu'en conséquence, la cour retient que la SAS Le Dôme Immobilier conteste à bon droit l'application des dispositions de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975 que revendique Mme I... ; que le jugement sera réformé sur ce point en ce qu'il ne peut être fait application des dispositions de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 en faveur de Mme I..., VRP salariée comme négociatrice en immobilier ; que le jugement déféré sera en conséquence infirmé et Mme I... sera déboutée du chef de cette demande ; Sur la clause de non concurrence ; que le contrat de travail comporte une clause de non-concurrence ainsi rédigée : « en cas de cession du présent contrat pour quelque cause que ce soit, le VRP s'interdit d'exercer des activités similaires, soit directement, soit indirectement pendant une durée de 5 ans dans un rayon de 5 km du siège de l'agence. En cas d'infraction le VRP devra régler à l'employeur à titre de clause pénale une indemnité fixée au montant des commissions qu'il a perçues pendant les 12 derniers mois précédant la résiliation du présent contrat de travail [...] » ; que c'est en vain que, pour les motifs précédemment développés, Mme I... sollicite l'application de l'article 17 de l'accord interprofessionnel des VRP sur les clauses d'interdiction de concurrence et le paiement d'une indemnité calculée sur la base de cet accord interprofessionnel du 3 octobre 1975 ; que si elle soutient à juste titre que l'employeur ne peut se prévaloir de la nullité de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail, la cour relève qu'elle ne peut voir sa demande en paiement sur un fondement juridique erroné prospérer et qu'elle n'invoque, à titre subsidiaire, aucun autre fondement juridique au soutien de l'indemnisation qu'elle réclame ;
1°) ALORS QUE la seule référence dans le contrat de travail d'un salarié négociateur immobilier VRP exclusif à la convention collective nationale de l'immobilier n'exclut pas l'application de l'accord interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, étendu, dès lors que celui-ci est applicable aux catégories de VRP entrant dans le champ d'application de ladite convention collective ; qu'en écartant l'application du statut des VRP à Mme I..., embauchée comme salariée négociateur immobilier VRP exclusif par la société le Dôme Immobilier et en rejetant, en conséquence, ses demandes en lien avec les articles 14 et 17 de l'accord interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, motif pris que « la SAS Le Dôme Immobilier est adhérente de la FNAIM, d'autre part, que cette dernière est signataire de la convention collective de l'immobilier et de l'avenant du 5 juin 2006 excluant expressément l'application de l'ANI du 3 octobre 1975 pour les négociateurs immobiliers VRP salariés », la cour d'appel, qui a déduit de la soumission de la relation de travail à la convention collective de l'immobilier la non-application du statut légal des VRP, qui est d'ordre public, a violé l'article L. 7311-1 et suivant du Code du travail, relatifs au statut des VRP ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, étendu, qui exclut de son champ d'application les VRP des professions d'agents immobiliers et mandataires en vente de fond de commerce, est seul applicable « aux représentants de commerce, sauf dans le cas où une autre convention collective liant l'entreprise comporterait des dispositions plus favorables expressément applicables auxdits représentants » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la convention collective nationale de l'immobilier comportait des dispositions plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311-1 et suivants du Code du travail, relatifs au statut des VRP ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE l'arrêté ministériel du 5 octobre 1983, portant élargissement de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 relatif aux VRP a été partiellement annulé en tant qu'il s'appliquait aux agents immobiliers et aux mandataires en vente de fonds de commerce, de sorte que ledit accord demeure applicable aux autres catégories de VRP entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale de l'immobilier ; qu'en écartant les demandes de Mme I... en lien avec l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, sans constater que la salariée avait exercé des fonctions expressément exclues du champ d'application de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311-1 et suivants du code du travail. | Il résulte, d'une part, de la décision rendue le 17 janvier 1986 par le Conseil d'Etat, qui a annulé l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale du 5 octobre 1983 élargissant l'accord national interprofessionnel des voyageurs représentants placiers (VRP) du 3 octobre 1975 (CE, 17 janvier 1986, n° 55717, inédit au Recueil Lebon), que cet accord ne s'applique pas aux salariés relevant de la branche des agents immobiliers et des mandataires en vente de fonds de commerce. D'autre part, selon l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, relatif au nouveau statut de négociateur immobilier, à la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988, étendu par arrêté du 5 juin 2007, les dispositions de l'accord national interprofessionnel des VRP précité ne sont pas applicables aux négociateurs immobiliers VRP lesquels dépendent exclusivement de la convention collective de l'immobilier |
307 | N° Y 20-80.509 FS-P+B+I
N° 1712
CK
29 SEPTEMBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 SEPTEMBRE 2020
CASSATION sur les pourvois formés par M. R... S... et Mme B... D... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 10 décembre 2019, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de faux en écriture publique par dépositaire de l'autorité publique, escroqueries et complicité, et la seconde de complicité de ce crime, escroqueries et complicité, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 9 mars 2020, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent, avocat de Mme B... D... et de M. R... S..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, l'avocat des demandeurs ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, MM. Maziau, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Barbier, conseiller référendaire, M. Lagauche, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite du contrôle de cinq plaintes suspectes, dont l'une déposée par M. S..., officier de police, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire du chef de faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique.
3. A l'issue de celle-ci, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs de faux en écriture publique, escroqueries et complicité d'escroqueries.
4. La saisine du juge d'instruction a été étendue à de nouveaux faits par plusieurs réquisitoires supplétifs pris des mêmes chefs.
5. Sur commission rogatoire du juge d'instruction, M. S... et Mme D... ont été placés en garde à vue le 20 novembre 2018 des chefs délictuels, pour le premier, de faux en écriture publique, escroqueries et complicité et, pour la seconde, d'escroqueries et complicité, complicité de faux en écriture publique.
6. A l'issue de cette garde à vue, le 22 novembre 2018, M. S... a été mis en examen du chef criminel de faux en écriture publique par dépositaire de l'autorité publique et des chefs délictuels d'escroqueries et complicité d'escroqueries.
7. Le 1er octobre 2019, Mme D... a été mise en examen du chef criminel de complicité de faux en écriture publique par dépositaire de l'autorité publique ainsi que des chefs d'escroqueries et complicité.
8. M. S... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête tendant à voir annuler les procès-verbaux de sa garde à vue et les actes de procédure subséquents.
9. Le 28 octobre 2019, Mme D... a déposé un mémoire sollicitant également que soit prononcée la nullité des procès-verbaux de sa garde à vue.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure alors :
« 1°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la garde à vue au regard de l'article 63-1 du code de procédure pénale, faute pour les policiers d'avoir informé les exposants qu'il étaient soupçonnés d'avoir participé, en tant qu'auteur ou complice, à la commission de faux en écriture publique par un dépositaire de l'autorité publique, et de la qualification criminelle de cette infraction, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63-1 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'audition de toute personne à l'égard de laquelle existent, au moment de son placement en garde à vue, une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a participé, en tant qu'auteur ou complice, à la commission d'un crime doit faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel ; qu'en retenant que les auditions avaient pu ne pas faire l'objet d'un tel enregistrement, sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la circonstance que la qualité de dépositaire de l'autorité publique de M. S..., qui était connue depuis le début de la procédure et justifiait à elle seule la qualification criminelle pour les infractions de faux et complicité de faux en écriture publique, n'imposait pas un tel enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 64-1 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 63-1 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ce texte que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de la qualification de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre.
12. Pour écarter le moyen de nullité des deux requérants, pris de ce que seule la qualification délictuelle de faux en écriture publique leur a été notifiée lors de leur garde à vue, l'arrêt retient que s'il ressort de certaines pièces de la procédure que le ministère public a pu envisager de retenir une qualification criminelle, il résulte des réquisitoires introductif et supplétifs qu'il a finalement opté, en opportunité, pour une qualification délictuelle.
13. Les juges ajoutent que les faits pour lesquels M. S... et Mme D... ont été placés en garde à vue étant de nature délictuelle, les auditions des intéressés ne devaient pas faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel en application des dispositions de l'article 64-1 du code de procédure pénale.
14. Ils relèvent enfin que le juge d'instruction a, au stade de la mise en examen des mis en cause, restitué aux faits dont il était saisi la qualification criminelle qu'il estimait être la plus juste juridiquement.
15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
16. En effet, il se déduit de la motivation précitée que, dès le début de la garde à vue, la circonstance aggravante tenant à la qualité de personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de M.S... était établie.
17. En conséquence, le juge d'instruction, sous le contrôle duquel était placée la mesure de garde à vue et qui a mis en examen les intéressés du chef criminel de faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique et complicité, devait, conformément au second alinéa du I de l'article 63, applicable par renvoi de l'article 154 du code de procédure pénale, leur faire notifier cette qualification criminelle par l'officier de police judiciaire.
18.Le défaut de notification de cette qualification criminelle a nécessairement porté atteinte aux intérêts des personnes concernées dès lors que leurs auditions n'ont pas été enregistrées, comme elles auraient dû l'être en application de l'article 64-1 du code de procédure pénale.
19. La cassation est dès lors encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 10 décembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf septembre deux mille vingt. | L'omission lors d'une garde à vue placée sous le contrôle du juge d'instruction, dans la notification à la personne gardée à vue, prévue à l'article 63-1 du code de procédure pénale, d'une circonstance aggravante établie dès le début de cette mesure, de nature à entraîner une requalification criminelle des faits délictuels notifiés, entraîne le prononcé d'une nullité si le juge d'instruction met en examen les intéressés sous cette qualification criminelle.
En effet, le défaut de notification de cette qualification criminelle porte nécessairement atteinte aux intérêts des personnes gardées à vue dès lors que leurs auditions n'ont pas été enregistrées, comme elles auraient dû l'être en application de l'article 64-1 du code de procédure pénale |
308 | N° Q 20-80.915 FS-P+B+I
N° 1715
SM12
29 SEPTEMBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 SEPTEMBRE 2020
CASSATION sur le pourvoi formé par M. B... H... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 28 janvier 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 25 mars 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. B... H..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Lagauche, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une information judiciaire, et sur le fondement des dispositions de l'article 230-35 du code de procédure pénale, les enquêteurs ont procédé, le 28 février 2019 à 3 heures 20, à la pose d'un dispositif de géolocalisation dans un véhicule. Ils en ont avisé le juge d'instruction le même jour, à 9 heures 30.
3. Par la suite, le véhicule en cause a fait l'objet d'une mesure de sonorisation dont les résultats ont conduit à l'interpellation de M. H..., le 8 avril 2019, et à sa mise en examen, le 10 avril 2019, des chefs susvisés.
4. Par requête en date du 26 juin 2019, M. H... a demandé l'annulation de la mesure de géolocalisation du 28 février 2019 ainsi que de nombreuses autres pièces de procédure par voie de conséquence.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 230-35 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité présentée par M. H..., alors « qu'il résulte de l'article 230-35 du code de procédure pénale que l'officier de police judiciaire qui prescrit une mesure de géolocalisation en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens doit en informer immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d'instruction ; que cette exigence de célérité, en ce qu'elle permet le contrôle effectif du juge sous lequel est placée la mesure de géolocalisation qui constitue une ingérence dans la vie privée, doit s'interpréter strictement ; qu'a méconnu l'article 230-35 du code de procédure pénale et violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction qui a déclaré régulière la mesure de géolocalisation quand il résultait de ses constatations que les enquêteurs ont procédé à la pose du dispositif de géolocalisation le 28 février 2019 à 3 heures 20 et que le juge d'instruction n'en a été informé que le 28 février 2019 à 9 heures 30, soit 6 heures 10 plus tard. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 230-35 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ce texte qu'en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, et dans les cas mentionnés aux articles 230-33 et 230-34 du même code, un officier de police judiciaire peut prescrire ou mettre en place les opérations de localisation en temps réel, par tout moyen technique, d'un véhicule sans le consentement de son propriétaire ou possesseur, à la condition qu'il en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d'instruction.
8. Pour rejeter la requête en nullité soulevée par le mis en examen, qui soutenait que l'officier de police judiciaire aurait dû informer immédiatement le juge d'instruction de la pose d'un dispositif de géolocalisation, dès 3 heures 20 et en tout cas sans attendre 9 heures 30, l'arrêt relève, notamment, qu'il a été satisfait à l'obligation d'information immédiate du juge d'instruction, le laps de temps entre 3 heures 20 et 9 heures 30 n'ayant emporté aucune atteinte à l'exigence découlant de l'article 230-35 du code de procédure pénale et de l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, de contrôle de la mesure par l'autorité judiciaire, laquelle a pu y procéder utilement dès le début de la journée.
9. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
10. En effet, d'une part, l'information du procureur de la République ou du juge d'instruction, selon le cas, doit intervenir dès la mise en place effective de la mesure de géolocalisation, d'autre part, il ne résulte d'aucun élément du dossier des circonstances insurmontables ayant empêché que cette information soit donnée selon les exigences légales.
11. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 28 janvier 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf septembre deux mille vingt. | Il résulte de l'article 230-35 du code de procédure pénale que lorsqu'un officier de police judiciaire prescrit ou met en place les opérations de géolocalisation d'un véhicule sans le consentement de son propriétaire ou possesseur, en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, il doit en informer immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d'instruction.
Sauf à ce que des circonstances insurmontables empêchent que cette information du magistrat concerné soit donnée selon les exigences légales, celle-ci doit intervenir dès la mise en place effective de la mesure de géolocalisation.
Encourt en conséquence la censure un arrêt qui juge que satisfaisait à cette exigence une information donnée à 9h30 de la mise en place d'une géolocalisation effectuée à 3h20 |
309 | N° C 20-83.181 FS-P+B+I
N° 1802
CG10
30 SEPTEMBRE 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 SEPTEMBRE 2020
REJET sur les pourvois formés par M. R... J... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 3 juin 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui, notamment, pour génocide et crimes contre l'humanité, a ordonné sa remise au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. R... J..., et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Moracchini, avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 avril 2013, le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux a formé une demande d'arrestation aux fins de remise, à l'encontre de M. R... J..., pour l'exécution d'un mandat d'arrêt portant ordre de transfèrement adressé à tous les Etats conformément à l'article 57 du règlement de procédure et de preuve, délivré par le juge Vagn Joensen à La Haye, se référant aux actes d'accusation dressés contre l'intéressé, des chefs, notamment, de génocide et crimes contre l'humanité.
3. Le 16 mai 2020, M. J... a été appréhendé à Asnières sur Seine (92).
Le même jour, il a été placé en détention provisoire.
4. Le 19 mai 2020, le procureur général près la cour d'appel de Paris a procédé à l'interrogatoire de l'intéressé.
Examen de la recevabilité des pourvois
5. Le demandeur ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 10 juin 2020, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, son avocat était irrecevable à se pourvoir de nouveau le 11 juin contre la même décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, et le quatrième moyen pris en sa deuxième branche
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
7. Le premier moyen critique l'arrêt en ce qu'il a statué sur la demande d'arrestation aux fins de remise du 29 avril 2013 et a, en conséquence, ordonné la remise de M. J... aux autorités du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), alors :
« 1°/ que les demandes d'arrestation aux fins de remise délivrées par le tribunal international ou par le mécanisme résiduel ou par leur procureur sont adressées, en original et accompagnées de toutes pièces justificatives, au ministre de la justice qui, après s'être assuré de leur régularité formelle, les transmet au procureur général près la cour d'appel de Paris et, dans le même temps, les met à exécution dans toute l'étendue du territoire de la République ; qu'en retenant, pour s'estimer régulièrement saisie de la demande d'arrestation aux fins de remise formée le 29 avril 2013 par le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux, que « la traçabilité de l'envoi provenant du MTPI, précisément du procureur P... O..., à l'attention de son homologue au parquet général près la cour d'appel de Paris, éta[it] assurée par les courriels qui figurent au dossier », quand il résultait pourtant de ces constatations que le ministre de la justice n'avait ni contrôlé la régularité formelle de l'original de la demande d'arrestation aux fins de remise, ni mis cette demande à exécution sur le territoire national, la chambre de l'instruction a violé les articles 9 de la loi no 95-1 du 2 janvier 1995, 2 de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 et préliminaire du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant, pour passer outre l'absence de contrôle du ministre de la justice sur la régularité formelle de la demande d'arrestation aux fins de remise et de mise à exécution de cette demande sur l'ensemble du territoire de la République, que l'urgence justifiait que la demande d'arrestation fût adressée directement au procureur de la République, quand elle constatait elle-même que le « mandat d'arrêt portant ordre de transfèrement » avait été décerné le 29 avril 2013 par un juge du MTPI et adressé à tous les États conformément à l'article 57 du règlement de procédure et de preuve, soit plus de sept ans avant l'interpellation de la personne réclamée, ce dont il résultait pourtant qu'aucune urgence n'était caractérisée, la chambre de l'instruction a violé les articles 9 de la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995, 2 de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 et préliminaire du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en retenant, pour passer outre l'absence de contrôle du ministre de la justice sur la régularité formelle de la demande d'arrestation aux fins de remise et de mise à exécution de cette demande sur l'ensemble du territoire de la République, que l'urgence justifiait que la demande d'arrestation fût adressée directement au procureur de la République, quand la demande d'arrestation aux fins de remise n'avait pas été formulée par le procureur du MTPI, selon la procédure d'urgence prévue par l'article 37 du règlement de preuve et de procédure, mais par un juge de ce Mécanisme, selon la procédure ordinaire, la chambre de l'instruction a violé les 37, 57 du règlement de procédure et de preuve du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, 9 de la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995, 2 de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 et préliminaire du code de procédure pénale. »
Sur le troisième moyen
Énoncé du moyen
8. Le troisième moyen critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors :
« 1°/ que l'examen médical suppose l'interrogatoire du patient ; qu'en se bornant, pour écarter l'exception de nullité de l'examen médical de M. J... tirée de l'absence d'un interprète, à retenir que « le médecin qui a[vait] réalisé cet examen, au moyen d'un examen clinique, n'a[vait] dans son certificat médical émis aucune réserve sur la suffisance des informations qu'il a[vait] pu recueillir et les conclusions qu'il pouvait en tirer en faveur de la compatibilité de l'état de santé de R... J... avec un placement en rétention », sans s'assurer que M. J..., qui ne comprend ni ne parle la langue française, avait pu exposer les lourdes pathologies dont il souffre et indiquer le traitement médical qu'il suivait, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, 6, § 1er, 8 de la Convention des droits de l'homme, 10 de la loi du 2 janvier 1995, 2 de la loi du 22 mai 1996, préliminaire et 63-3 du code de procédure pénale ;
2°/ que la réalisation du prélèvement biologique destiné à permettre l'analyse d'identification de l'empreinte génétique d'une personne réclamée est subordonnée à son consentement ; qu'en retenant, pour écarter l'exception de nullité, que « dans le procès verbal no 68103/00724/2020 pièce n° 8, en date du 16 mai 2020, il [était] mentionné que R... J... déclar[ait] ne pas s'opposer à ce prélèvement », sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire de M. J... qui faisait valoir qu'« il ressort[ait] de la procédure que le prélèvement a[vait] été effectué sans qu['il] ait été en mesure d'y consentir, et de le refuser, puisque l'interprète n'était nullement présente, et n'a[vait] pas signé le procès-verbal de prélèvement », la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5, 6, § 1er, 8 de la Convention des droits de l'homme, 10 de la loi du 2 janvier 1995, 2 de la loi du 22 mai 1996, préliminaire et 706-56 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en retenant, pour déclarer les moyens de nullité inopérants, que « la nullité de procès-verbaux établis au cours de la période qui précède la présentation de la personne interpellée au procureur général, à la supposer encourue, [était] sans effet sur la validité de la procédure d'exécution de la demande de remise », quand elle constatait elle-même que « le mandat d'arrêt [avait été] délivré aux fins de rechercher, arrêter et transférer R... J... à la division du MTPI à Arusha mais aussi [...] de rechercher et saisir tous les éléments de preuve matériels se rapportant aux crimes reprochés à R... J..., d'établir un inventaire des pièces saisies de toute nature, de remettre les dites pièces au procureur du MTPI [...] et de mener une enquête sur les avoirs de la personne recherchée », ce dont il résultait que l'irrégularité de la procédure antérieure pouvait affecter les investigations menées pendant la rétention, les perquisitions, les saisies et le prélèvement ADN ayant permis l'identification de M. J..., la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 5, 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, 10 de la loi du 2 janvier 1995, 2 de la loi du 22 mai 1996, préliminaire, 206 et 802 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Les moyens sont réunis.
10. Il résulte de l'article 13 de la loi du 2 janvier 1995 auquel renvoie l'article 2 de celle du 22 mai 1996 applicable en l'espèce, que le contrôle de la chambre de l'instruction consiste seulement, en cette matière, à vérifier si les conditions de remise sont remplies quant à l'identité de la personne, la production des titres en vertu desquels la demande est formée, l'existence de faits entrant dans la définition posée à l'article 1er de cette loi, et l'absence d'une erreur évidente.
11. Ce contrôle inclut par ailleurs, si sa violation est invoquée, le respect des garanties fondamentales accordées à la personne réclamée.
12. En l'espèce, ni les contestations relatives à la procédure de transmission de la demande émanant du Mécanisme, ni celles portant sur les examens pratiqués aux fins de s'assurer de l'identité de la personne recherchée, n'entrent dans ce pouvoir de contrôle.
13. Dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis.
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen.
14. Le quatrième moyen, pris en sa première branche critique l'arrêt en ce qu'il a ordonné la remise de M. J... aux autorités du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) en exécution de la demande formée par le MTPI, pour l'exécution d'un mandat d'arrêt portant ordre de transfèrement adressé à tous les États conformément à l'article 57 du règlement de procédure et de preuve délivré le 29 avril 2013 par le juge unique Vagn Joensen à La Haye sur le fondement de l'acte d'accusation confirmé le 26 novembre 1997 par le juge B... , le 29 août 1998 par le juge Navanethem Pillay, le 12 octobre 2005 par le juge L... K... et le 13 avril 2011 par le juge L... K... du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour les sept chefs d'accusation qu'il contient, alors :
« 1°/ que l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1995, tel qu'interprété par la Cour de cassation, porte atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif en ce qu'il exclut que la chambre de l'instruction saisie d'une demande d'arrestation aux fins de remise formée par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux contrôle la conformité de la remise de la personne réclamée aux droits garantis par la Convention des droits de l'homme et par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. »
Réponse de la Cour.
15. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. J... à l'occasion du présent pourvoi et formulée dans les mêmes termes qu'au moyen pris en sa première branche.
16. Le grief invoqué est devenu sans objet.
Sur le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Énoncé du moyen
17.Le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches critique l'arrêt en ce qu'il a ordonné la remise de M. J... aux autorités du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) en exécution de la demande formée par le MTPI, pour l'exécution d'un mandat d'arrêt portant ordre de transfèrement adressé à tous les États conformément à l'article 57 du règlement de procédure et de preuve délivré le 29 avril 2013 par le juge unique Vagn Joensen à La Haye sur le fondement de l'acte d'accusation confirmé le 26 novembre 1997 par le juge B... , le 29 août 1998 par le juge Navanethem Pillay, le 12 octobre 2005 par le juge L... K... et le 13 avril 2011 par le juge L... K... du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour les sept chefs d'accusation qu'il contient, alors :
« 3°/ qu'en toute hypothèse, en retenant, pour ordonner la remise de M. J... au MTPI, que, « dans un contexte de pandémie du Covid-19, [...] qui suscite des interrogations quant aux conditions sanitaires [en Tanzanie], [...] cette incidence a[vait] été prise en compte par le MTPI dont le procureur [...] a[vait] saisi le président d'une requête en date du 20 mai 2020 aux fins de voir permettre un transfèrement à titre temporaire à La Haye » et que « cet élément garanti[ssait] l'intérêt attaché par le MTPI au respect des intérêts sanitaires de la personne, de sa santé, de sa dignité et de son intégrité physique », sans s'assurer que M. J..., âgé de 87 ans, atteint d'une leucoaraïose sévère et souffrant de la maladie de Behçet qui a requis de multiples hospitalisations et une colectomie, ces comorbidités l'exposant particulièrement à un risque létal en cas d'infection par le virus SRAS-CoV-2, bénéficierait, de manière concrète, de la protection et des soins appropriés au centre de détention des Nations Unies d'Arusha (Tanzanie), la chambre de l'instruction a violé les articles 3, 8 de la Convention des droits de l'homme, 1er , 3, 4, 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et préliminaire du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en toute hypothèse, en retenant que « rien n'établi[ssait] que R... J... soit l'objet, à l'occasion de cette demande de transfèrement, d'un traitement mettant en péril sa santé, alors qu'il n'existe aucune contre-indication médicale à la détention ou à un transfert », quand elle relevait elle-même que « le certificat relatif à l'état de santé de R... J... émanant du médecin intervenant en milieu pénitentiaire comme prévu par l'article 147-1 du code de procédure pénale [...] en date du 19 mai 2020 certifi[ait] que [son] état de santé [...] nécessit[ait] un transport par ambulance lors des extractions », ce dont il résultait une contre-indication médicale à son transfèrement par aéronef de Paris à Arusha, la chambre de l'instruction, qui s'est contredite, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 3, 8 de la Convention des droits de l'homme, 1er, 3, 4, 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et préliminaire du code de procédure pénale. »
18. Pour rejeter la demande de non lieu à exécution du mandat d'arrêt de transfèrement en Tanzanie, l'arrêt relève que M. J..., âgé de 85 ans (87 ans à ses dires) souffre de problèmes de santé qui sont actuellement pris en charge en détention, qu'il peut accéder aux soins médicaux nécessaires, et que les médecins intervenant en milieu pénitentiaire disposent du dossier médical de l'intéressé transmis à l'établissement pénitentiaire par la famille de M. J....
19. Les juges retiennent que, selon le certificat émanant du médecin intervenant en milieu pénitentiaire, l'état de santé de M. J... contre-indique le port d'entraves au niveau des membres inférieurs, nécessite l'usage quotidien d'un fauteuil roulant et un transport par ambulance lors des extractions; que, toutefois, ce médecin n'a pas avisé le chef de l'établissement pénitentiaire d'une incompatibilité avec un maintien en détention.
20. Ils concluent que l'incompatibilité de l'état de santé de M. J... avec la détention n'est pas caractérisée et que rien n'établit que l'intéressé soit soumis, à l'occasion de cette demande de transfèrement, à des conditions mettant en péril sa santé, alors qu'il n'existe aucune contre-indication médicale à la détention ou à un transfert.
21. La cour ajoute que la demande subsidiaire de voir ordonner une expertise médicale de l'intéressé, qui a déjà été écartée dans le cadre de l'examen d'une demande de mise en liberté, n'est soutenue par aucune argumentation spécifique et qu'une telle expertise ne serait pas de nature à renseigner sur l'état sanitaire en Tanzanie, qui apparaît sous-tendre cette demande.
22. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction qui a répondu, sans se contredire, aux articulations essentielles du mémoire, a justifié sa décision.
Sur le quatrième moyen, pris en sa cinquième branche
Énoncé du moyen
23. Le quatrième moyen, pris en sa cinquième branche critique l'arrêt critique l'arrêt en ce qu'il a ordonné la remise de M. J... aux autorités du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) en exécution de la demande formée par le MTPI, pour l'exécution d'un mandat d'arrêt portant ordre de transfèrement adressé à tous les États conformément à l'article 57 du règlement de procédure et de preuve délivré le 29 avril 2013 par le juge unique Vagn Joensen à La Haye sur le fondement de l'acte d'accusation confirmé le 26 novembre 1997 par le juge B... , le 29 août 1998 par le juge Navanethem Pillay, le 12 octobre 2005 par le juge L... K... et le 13 avril 2011 par le juge L... K... du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour les sept chefs d'accusation qu'il contient, alors :
« 5°/ que les infractions de génocide et de crimes contre l'humanité auraient-elles été visées par des instruments internationaux, en l'espèce la Convention sur le génocide du 9 décembre 1948 et celle sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité du 26 novembre 1968, applicables à la date de la commission des faits, en l'absence, à cette même date, d'une définition précise et accessible de leurs éléments constitutifs ainsi que de la prévision d'une peine par la loi rwandaise, le principe de légalité criminelle, consacré par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que par la Convention européenne des droits de l'homme et ayant valeur constitutionnelle en droit français, fait obstacle à ce que lesdits faits soient considérés comme punis par la loi de l'État du Rwanda ; qu'en retenant, pour ordonner la remise de M. J... au MTPI, qu'elle « ne dispos[ait] en l'état d'aucune pièce ou de tout autre élément permettant de déduire le risque d'une extradition certaine de R... J... vers le Rwanda », cependant que le Tribunal pénal international pour le Rwanda a extradé au Rwanda, en avril 2012, juillet 2013 et mars 2016, trois accusés qui lui avaient été remis, que le président de la République du Rwanda a indiqué que « ce serait évidemment l'idéal [que M. J... puisse être jugé au Rwanda], afin que justice soit rendue au nom du peuple rwandais » et que le procureur du MTPI avait « exprimé sa sympathie » pour les demandes identiques formulées par des groupes représentant les survivants du génocide, quand il lui appartenait dès lors de subordonner la remise de M. J... au MTPI à la condition qu'il ne serait en aucun cas expulsé, refoulé ou extradé vers le Rwanda, la chambre de l'instruction a violé les articles 111-3 et 112-1 du code pénal, 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 15, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 7, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, 19 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. »
Réponse de la Cour
24. Pour répondre à l'argumentation du demandeur, prise de la violation du principe de légalité dans le droit des peines rwandais, la cour relève que si d'autres accusés ont été extradés par le tribunal pénal international au Rwanda, et que la Cour de cassation a, le 9 juillet 2008, cassé et annulé l'arrêt d'une chambre d'instruction ayant émis un avis favorable à une extradition sollicitée par le gouvernement rwandais, cet argument n'est pas pertinent, dès lors qu'il n'est ni allégué ni établi que M. J... soit réclamé par d'autres Etats, notamment le Rwanda.
25. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui était saisie d'une question relative à un transfert purement hypothétique, a justifié sa décision.
26. Ainsi, le moyen doit être écarté.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé le 11 juin 2020.
REJETTE le pourvoi formé le 10 juin 2020.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente septembre deux mille vingt. | Lorsque la chambre de l'instruction est saisie d'une demande de remise par le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux, il résulte de l'article 13 de la loi du 2 janvier 1995 auquel renvoie l'article 2 de celle du 22 mai 1996, que son contrôle consiste seulement, en cette matière, à vérifier si les conditions de remise sont remplies quant à l'identité de la personne, la production des titres en vertu desquels la demande est formée, l'existence de faits entrant dans la définition posée à l'article 1er de cette loi, et l'absence d'une erreur évidente.
Ce contrôle inclut par ailleurs, si sa violation est invoquée, le respect des garanties fondamentales accordées à la personne réclamée |
310 | N° H 20-82.564 F-P+B+I
N° 1900
EB2
29 SEPTEMBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 SEPTEMBRE 2020
CASSATION sur le pourvoi formé par M. J... G... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 11 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire aggravés, en bande organisée et en récidive, a infirmé l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire pour une durée de six mois et constaté que celle-ci était prolongée de plein droit pour la même durée.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. J... G..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. G... a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire par décision en date du 18 avril 2018.
3. Saisi par ordonnance du juge d'instruction en date du 12 mars 2020, le juge des libertés et de la détention, après débat contradictoire, a ordonné, le 31 mars 2020, la prolongation de la détention provisoire de l'intéressé pour une durée de six mois, par une décision motivée en droit et en fait.
4. M. G... a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté qu'en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale, la détention provisoire de M. G... avait été prolongée de plein droit de six mois à compter du 18 avril 2020 , alors :
« 1°/ que si l'article 16 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention provisoire venant à expiration, une telle prolongation n'est régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention, de sorte qu'il appartient à la juridiction saisie aux fins de prolongation de la détention provisoire de statuer sur la nécessité du maintien en détention de cette personne ; qu'en affirmant, pour infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de l'exposant après débat contradictoire, qu'« il n'a pas été prévu de laisser au juge la faculté de statuer en application de l'article 145 du code de procédure pénale, les prolongations prévues par l'article 16 de l'ordonnance sont de plein droit, c'est-à-dire automatique », que « le juge des libertés et de la détention ne pouvait ainsi maintenir le débat dès lors que sa saisine était devenue sans objet » et qu' « en conséquence il ne pouvait statuer sur la détention de la personne mise en examen sans excéder l'étendue de ses pouvoirs », quand il lui appartenait de statuer au fond sur le maintien en détention de M. G..., la chambre de l'instruction a violé l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020, les articles 137, 137-1, 143-1, 144-1, 144, 145, 145-2, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ainsi que les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme;
2°/ qu'en constatant que la détention provisoire de l'exposant avait « été prolongée de plein droit de six mois à compter du 18 avril 2020 » cependant qu'il lui appartenait - en tant qu'elle était saisie aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'exposant - de statuer sur la nécessité du maintien en détention de ce dernier, la chambre de l'instruction a violé l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020, les articles 137, 137-1, 143-1, 144-1, 144, 145, 145-2, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ainsi que les articles 5 et 6 de la Convention précitée ;
3°/ que l'article 1, III, 2° de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, qui a inséré au sein de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 un article 16-1 validant a posteriori les détentions provisoires prolongées automatiquement pour une durée de 6 mois entre le 25 mars 2020 et le 11 mai 2020 dans l'attente de décisions du juge des libertés et de la détention statuant sur le bien-fondé desdites détentions dans les trois mois de leurs prolongations devra, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct, être abrogé comme étant contraire à la liberté individuelle, aux droits de la défense, à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la non rétroactivité de la loi pénale, ce qui entraînera la cassation de l'arrêt attaqué. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa troisième branche
6. Le grief est devenu sans objet dès lors que, par décision du 15 septembre 2020, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Mais sur le moyen pris en ses première et deuxième branches
Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145-2 du code de procédure pénale et 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 :
7. Il se déduit du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire.
8. Selon le second, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit code et rendue après un débat contradictoire.
9. Il résulte du troisième qu'en matière criminelle les délais maximums de détention provisoire prévus par les dispositions du code de procédure pénale sont prolongés de six mois, dans la limite d'une seule prolongation au cours de chaque procédure.
10. Pour infirmer l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. G..., la chambre de l'instruction constate que le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance dont appel, maintenu le débat contradictoire prévu et prolongé la détention provisoire de l'intéressé pour une durée de six mois.
11. Les juges relèvent par ailleurs que selon les articles 15 et 16 de l'ordonnance précitée, les détentions provisoires en cours à la date de publication de ce texte et jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré voire prorogé, sont de plein droit prolongées de six mois en matière criminelle.
12. Ils précisent que si ces mesures sont dérogatoires au droit commun, elles apparaissent proportionnées à la situation sanitaire du pays et poursuivent l'objectif de limiter tout contact pour empêcher la dissémination de la Covid-19 au sein de la population.
13. La chambre de l'instruction retient ensuite qu'il n'a pas été prévu de laisser au juge la faculté de statuer en application de l'article 145 du code de procédure pénale, les prolongations prévues par l'article 16 de l'ordonnance étant de plein droit, c'est à dire automatiques.
14. Les juges en déduisent que le juge des libertés et de la détention, d'une part, ne pouvait ainsi maintenir le débat dès lors que sa saisine était devenue sans objet, d'autre part, ne pouvait statuer sur la détention de la personne mise en examen sans excéder l'étendue de ses pouvoirs.
15. La chambre de l'instruction en conclut qu'il y a lieu d'infirmer la décision et de constater que la détention provisoire de M. G... a été prolongée de plein droit de six mois à compter du 18 avril 2020.
16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, pour les raisons qui suivent.
17. L'article 16 de l'ordonnance précitée, qui contient des règles dérogatoires, ne saurait s'interpréter comme faisant obstacle à l'exercice de ses compétences par le juge des libertés et de la détention dans des conditions conformes aux seuls textes du code de procédure pénale.
18. Dès lors, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il appartenait à la chambre de l'instruction de se prononcer sur la nécessité du maintien en détention provisoire de M. G....
19. La cassation est de ce fait encourue.
Portée et conséquences de la cassation
20. La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 est régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910).
21. Ce contrôle judiciaire a eu lieu lorsque, dans ce délai, en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a, dans le respect de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, statué sur la nécessité de cette mesure.
22. Il résulte des pièces de la procédure que, par l'ordonnance frappée d'appel en date du 31 mars 2020, le juge des libertés et de la détention s'est prononcé sur le bien-fondé du maintien en détention provisoire de M. G....
23. Si M. G... ne saurait ainsi être considéré comme détenu sans titre, il convient néanmoins, pour garantir l'effectivité du droit d'appel de l'intéressé, d'ordonner le renvoi de l'affaire.
PAR CES MOTIFS
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 11 mai 2020 et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf septembre deux mille vingt. | Lorsque la chambre de l'instruction, annulant une ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention en application des textes de droit commun du code de procédure pénale, constate la prolongation de plein droit de la détention provisoire prévue par l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, la cassation est encourue, dès lors que ce texte ne saurait s'interpréter comme faisant obstacle à l'exercice de ses compétences par le juge des libertés et de la détention dans des conditions conformes aux seuls textes du code de procédure pénale.
Le juge des libertés et de la détention s'étant prononcé sur le bien-fondé du maintien en détention provisoire, l'intéressé ne saurait être considéré comme détenu sans titre. La cassation est cependant prononcée avec renvoi, afin de garantir le droit à un appel effectif |
311 | N° B 20-83.548 FS-P+B+I
N° 1967
EB2
30 SEPTEMBRE 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 SEPTEMBRE 2020
REJET du pourvoi formé par M. D... P... contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs et d'infraction à la législation sur les armes, a déclaré irrecevable sa demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. D... P..., et les conclusions de M. Salomon, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, MM. de Larosière de Champfeu, Guéry Mmes Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. P..., mis en examen des chefs susvisés, a fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 5 juin 2020.
3. Le mardi 9 juin M. P... a adressé au greffe de la maison d'arrêt une lettre manifestant son intention de former appel de cette ordonnance avec un examen immédiat de cet appel. Le mercredi 10 juin 2020, date à laquelle ladite lettre est parvenue au greffe, M. P... a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l' article 187-1 du code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l'instruction qu'il examine immédiatement cet appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel formé par M. P... contre l'ordonnance de placement en détention provisoire de ce dernier, alors « que commet un excès de pouvoir et viole les articles 187-1, 801, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales le président de la chambre de l'instruction qui, saisi d'une demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire du vendredi 5 juin 2020, déclare cette demande irrecevable au motif que l'appel a été interjeté le 10 juin 2020, sans égard pour le fait d'une part que M. P... avait écrit au greffe de la maison d'arrêt dès le 9 juin 2020 pour manifester sa volonté d'interjeter appel et de voir cet appel examiné immédiatement en vertu de l'article 187-1 du code de procédure pénale, et d'autre part que le délai d'un jour ouvré dont disposait M. P... pour interjeter appel et solliciter l'examen immédiat qui aurait expiré le lundi 8 juin 2020, avait été doublé par l'effet de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, et expirait par conséquent le 9 juin 2020. »
Réponse de la Cour
5. En application de l'article 187-1 du code de procédure pénale, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement son appel sans attendre l'audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre de l'instruction.
6. En vertu de l'article 801 du même code, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
7. Pour déclarer irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, le président de la chambre de l'instruction retient que l'appel a été interjeté le 10 juin 2020, soit, le cinquième jour suivant l'ordonnance de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020 ne pouvait faire l'objet d'un appel et d'une demande d'appel immédiat que jusqu'au lundi 8 juin 2020.
8. En prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction n'a pas excédé ses pouvoirs, dès lors que la demande d'examen immédiat de l'appel a été formée après l'expiration du délai précité.
9. En effet, la condition préalable selon laquelle la demande d'examen immédiat de l'appel de l'ordonnance de placement en détention n'est recevable que si la personne mise en examen a interjeté appel de cette décision au plus tard le jour suivant celle-ci ne s'interprète pas comme un délai de recours et n'entre pas dans les prévisions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente septembre deux mille vingt. | La condition préalable selon laquelle la demande d'examen immédiat de l'appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire n'est recevable que si la personne mise en examen a interjeté appel de cette décision au plus tard le jour suivant celle-ci ne s'interprète pas comme un délai de recours et n'entre pas dans les prévisions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.
En conséquence, n'excède pas ses pouvoirs le président de la chambre de l'instruction qui, pour déclarer irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, retient que l'appel a été interjeté le 10 juin 2020, soit, le cinquième jour suivant l'ordonnance de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020 ne pouvait faire l'objet d'un appel et d'une demande d'appel immédiat que jusqu'au lundi 8 juin 2020. |
312 | N° S 20-83.539 F-P+B+I
N° 2119
SM12
29 SEPTEMBRE 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 SEPTEMBRE 2020
REJET sur le pourvoi formé par M. W... M... l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1ère section, en date du 19 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation de crimes et financement d'une entreprise terroriste, a notamment dit qu'il était régulièrement détenu et confirmé la prolongation de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. W... M..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. À l'issue d'un interrogatoire de première comparution le 23 novembre 2018, M. M... a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel.
3. Cette mesure a fait l'objet d'une première prolongation pour une durée de six mois par décision en date du 14 novembre 2019.
4. Par ordonnance en date du 17 avril 2020, le juge des libertés et de la détention a de nouveau prolongé, pour une durée de six mois, cette détention provisoire au visa de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, soit sans examen du bien-fondé de la mesure.
5. Par une nouvelle ordonnance, en date du 28 mai 2020, ce même juge, après débat contradictoire, a décidé d'une nouvelle prolongation, pour une durée de six mois à compter du 22 mai 2020, sur le fondement d'une motivation en droit et en fait, au visa des articles 16-1 de l'ordonnance précitée, 137-1, 137-3, 143-1, 144, 144-1, 145 et suivants du code de procédure pénale.
6. M. M... a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, 2, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 137-3, 143-1, 591 et 593 du code de procédure pénale.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que M. M... était régulièrement détenu, dit l'appel mal fondé et confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris en date du 28 mai 2020, alors :
« 1°/ que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 16-1 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, dans sa rédaction issue de l'article 1er, III, 2°, de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à l'article 66 de la Constitution et aux articles 2, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera de toute base légale l'arrêt attaqué, qui a confirmé une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris prise sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 16-1 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ;
2°/ qu'en vertu de l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté ; que nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, selon les voies légales, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ; que le maintien en détention provisoire d'une personne en l'absence de titre légal de détention constitue une détention arbitraire contraire aux exigences de l'article 5 précité ; que M. M... a été maintenu en détention postérieurement à l'expiration de son titre de détention, entre le 23 mai 2020 et le 28 mai 2020 ; que, dans les conclusions déposées pour le mis en examen, il était soutenu que, pour cette raison, la détention durant la période susmentionnée avait été irrégulière ; que la chambre de l'instruction, pour dire que M. M... aurait été régulièrement détenu, a retenu à tort que « l'absence d'intervention a priori du juge pour prolonger une détention provisoire en raison des circonstances exceptionnelles résultant de l'état d'urgence sanitaire ne portait atteinte à aucune liberté fondamentale dans la mesure où un contrôle a posteriori est opéré par le juge à bref délai » ; que la chambre de l'instruction a violé les articles 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à un ou plusieurs objectifs définis par la loi et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; que pour confirmer la prolongation de la détention provisoire de M. M..., la chambre de l'instruction s'est bornée à retenir que la détention provisoire de celui-ci serait justifiée, « au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, comme étant l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, de telles mesures ne comportant pas de contrainte suffisante pour prévenir efficacement les risques précités », sans s'expliquer, par des considérations de fait et de droit, sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
9. Le grief est devenu sans objet dès lors que, par décision de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur le moyen pris en sa deuxième branche
10. Pour écarter le moyen pris notamment de la violation de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt mentionne que la Cour de cassation a jugé qu'il résulte de ce texte que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire.
11. Les juges ajoutent que la Cour de cassation a précisé qu'une telle prolongation n'est régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour l'ordonner rend dans un délai rapproché (qui ne peut être supérieur à un mois en matière délictuelle et à trois mois en matière criminelle), courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé de la mesure.
12. Ils en déduisent que, dès lors, l'absence d'intervention a priori du juge pour prolonger une détention provisoire, en raison des circonstances exceptionnelles résultant de l'état d'urgence sanitaire, ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale dans la mesure où un contrôle a posteriori est opéré par celui-ci à bref délai.
13. La chambre de l'instruction observe par ailleurs que tel est le cas, s'agissant de l'article 16-1, alinéa 2, de l'ordonnance précitée, lequel prévoit que le juge doit se prononcer sur la prolongation de la détention, après débat contradictoire, dans le mois suivant l'échéance de son terme, avec imputation de la durée de prorogation du titre de détention sur celle de la prolongation éventuellement ordonnée.
14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les raisons qui suivent.
15. Lorsque la loi accorde, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour le titre concerné, un délai supplémentaire pour qu'il soit statué sur la prolongation de la mesure de détention provisoire, un tel délai doit être regardé comme compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'intervention du juge judiciaire étant nécessaire comme garantie contre l'arbitraire, s'il reste suffisamment bref.
16. Tel est le cas du délai d'un mois alloué par l'article 16-1, alinéa 2, susvisé, à la juridiction compétente pour se prononcer, en application du code de procédure pénale, sur la prolongation des seuls titres de détention expirant entre la date où les prolongations de plein droit autorisées n'ont plus été applicables et le 11 juin 2020, dans le seul but d'assurer, pendant cette période de transition, un retour au fonctionnement normal des juridictions.
Sur le moyen pris en sa troisième branche
17. Pour ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. M..., l'arrêt attaqué énumère en détail les divers faits mis à jour, tant au cours de l'enquête initiale qu'à la faveur des investigations du magistrat instructeur, et mentionne qu'il résulte des éléments précis et circonstanciés ci-dessus rappelés des indices qui rendent plausible l'implication de M. M... dans les infractions pour lesquelles il est actuellement mis en examen.
18. Les juges déclinent par ailleurs précisément les divers éléments de personnalité, intégrant à cet exposé les avis des experts psychologue et psychiatre et les renseignements recueillis au moyen de l'enquête de personnalité.
19. La chambre de l'instruction en déduit que le maintien en détention de M. M... est indispensable, en l'état, aux fins de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement et pour mettre un terme au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission, ou l'importance du préjudice qu'elle a causé et poursuit en décrivant en quoi ces risques sont caractérisés.
20. La chambre de l'instruction, relevant que le délai prévisible d'achèvement de l'information est de trois mois, en conclut que nonobstant les observations développées au mémoire et les garanties invoquées à leur soutien, la détention provisoire de M. M... est justifiée, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, comme étant l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, de telles mesures ne comportant pas de contrainte suffisante pour prévenir efficacement les risques précités.
21. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale, y compris au regard de l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sur laquelle elle n'avait pas à se prononcer par des motifs distincts.
22. Dès lors, le moyen doit être écarté.
23. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf septembre deux mille vingt. | Lorsque la loi accorde, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour le titre de détention concerné, un délai supplémentaire pour qu'il soit statué sur la prolongation de la mesure de détention provisoire, un tel délai doit être regardé comme compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'intervention du juge judiciaire étant nécessaire comme garantie contre l'arbitraire, s'il reste suffisamment bref.
Tel est le cas du délai d'un mois alloué par l'article 16-1, alinéa 2, de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, à la juridiction compétente pour se prononcer, en application du code de procédure pénale, sur la prolongation des seuls titres de détention expirant entre la date où les prolongations de plein droit autorisées, prévues par l'article 16 de cette ordonnance, n'ont plus été applicables et le 11 juin 2020, dans le seul but d'assurer, pendant cette période de transition, un retour au fonctionnement normal des juridictions |
313 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 555 FS-P+B
Pourvoi n° G 19-12.296
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
1°/ Mme EA... N..., épouse L..., domiciliée [...] ,
2°/ M. C... X..., domicilié [...] ,
3°/ M. O... X..., domicilié [...] ,
4°/ Mme D... XN... X..., épouse V..., domiciliée [...] ,
5°/ Mme XN... GR... X..., épouse K..., domiciliée [...] ,
6°/ Mme W... F... X..., épouse H..., domiciliée [...] ,
7°/ Mme G... X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
8°/ Mme J... I... X..., épouse S..., domiciliée [...] ,
ont formé le pourvoi n° G 19-12.296 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre D), dans le litige les opposant :
1°/ à M. I... X..., domicilié [...] ,
2°/ à M. O... R... X...,
3°/ à M. U... X...,
tous deux domiciliés [...] ,
4°/ à Mme Q... X..., épouse T..., domiciliée [...] ,
5°/ à Mme SE... X..., épouse M..., domiciliée [...] ,
6°/ à M. O... R... X..., domicilié [...] ,
7°/ à M. I... X..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme N..., de Mmes D... XN..., XN... GR..., G..., J... I... et W... F... X... et de MM. C... et O... X..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme Q... X..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. I..., O... R... et U... X... et de Mme SE... X..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général reférendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 juin 2006, pourvoi n° 04-16.227), par acte du 27 octobre 1976, O... R... X... et son épouse, J... P... B..., ont consenti à deux de leurs enfants, O... et I..., une donation hors part successorale portant sur trois parcelles de terre. Ils sont respectivement décédés les 17 janvier et 4 décembre 1986, laissant pour leur succéder leurs sept enfants, LM..., O... A..., SE..., NC..., O..., D... XN... et I....
2. Les deux frères bénéficiaires de la donation ont été assignés par leurs cohéritiers en partage et en réduction de cette libéralité. Un arrêt du 24 octobre 1994 a dit qu'ils pouvaient conserver les biens reçus à concurrence de la quotité disponible.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme N..., Mmes D... XN..., XN... GR..., G..., J... I... et W... F... X..., MM. C... et O... X... font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à restitution par M. I... X... et les héritiers de O... X... des fruits des biens donnés, objet de l'action en réduction, alors « qu'en cas de réduction d'une libéralité, le donataire doit restituer, à compter du jour du décès du donateur, l'équivalent des fruits perçus de la portion des biens donnés sur laquelle porte la réduction ; qu'il ne saurait se prévaloir d'un droit à rémunération pour sa gestion du bien, lequel n'est pas indivis pour la part excédant la quotité disponible ; que, pour dire n'y avoir lieu à restitution, l'arrêt attaqué retient « que même si l'article 928, contrairement à l'article 815-12 du code civil, n'évoque pas la rémunération de la gestion de celui qui doit restitution des fruits de ce qui excède la portion disponible, la situation est radicalement différente et la comparaison entre les deux textes n'a pas lieu d'être » et « qu'il convient, dans la restitution des fruits, de prendre en compte le revenu de l'exploitant », ainsi que « les tâches de gestion administrative et financière qui, indépendamment des fruits tirés du travail de la terre doivent donner lieu à rémunération » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres énonciations que les sommes litigieuses constituaient des fruits devant par principe être restitués dans les limites de l'article 928 du code civil et que les biens objet de la donation réductible n'étaient pas indivis, la cour d'appel a violé l'article 928 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
5. L'obligation imposée au donataire par l'article 928 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, de restituer les fruits de ce qui excède la portion disponible, à compter du jour du décès du donateur, suppose que le bien donné soit, au jour de la donation, dans un état lui permettant de produire un revenu. Il en résulte que la valeur du travail effectué par celui-ci, qui a permis leur production, doit être déduit des fruits qu'il doit restituer sur le fondement de ce texte.
6. Après avoir relevé que le revenu net tiré de l'exploitation des biens faisant l'objet de l'action en réduction correspondait à l'équivalent du salaire minimum de croissance pour chacun des deux donataires exploitants, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'il n'y avait pas lieu à restitution des fruits.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme N..., Mmes D... XN..., XN... GR..., G..., J... I... et W... F... X..., MM. C... et O... X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme N..., Mmes D... XN..., XN... GR..., G..., J... I... et W... F... X..., MM. C... et O... X... et les condamne à payer à Mme Q... X..., épouse T..., d'une part, et à MM. I... X..., O... R..., U... X..., et Mme SE... X..., épouse M..., d'autre part, la somme chacun de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme N..., Mmes D... XN..., XN... GR..., G..., J... I... et W... F... X..., MM. C... et O... X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir jugé que les fruits doivent par principe être restitués dans les limites de l'article 928 du code civil et évalué les fruits perçus par MM. I... et O... X... entre 1986 et 2016 à la somme de 727 740,31 euros, d'avoir dit que « cette somme correspondant à la rémunération des deux donataires », il n'y a lieu, par suite, à restitution des fruits ;
Aux motifs que « le présent litige ne se situe pas dans le cadre d'une indivision successorale mais dans celui de l'action en réduction diligentée à l'encontre des deux donataires de la cause, O... et I... X..., à la suite de la donation par préciput et hors part que leur a faite leurs parents le 27 octobre 1976 ; que le texte applicable est l'article 928 ancien du code civil qui dispose que "le donataire restituera les fruits de ce qui excédera la portion disponible à compter du jour du décès du donateur" ; que le tribunal de Bastia a, dans son jugement du 22 janvier 2002 , infirmé par l'arrêt d'appel du 8 mars 2004, lui-même cassé en ce qu'il avait dit n'y avoir lieu à restitution de fruits compte tenu de leur modicité sans répondre aux conclusions des parties, avait de manière peu claire expliqué que les donataires avaient perçu les fruits et mis en valeur le bien donné en qualité de propriétaires ; qu'il n'en serait donc pas tenu compte dans l'évaluation de la soulte ; que certes la donation de 1976 a rendu MM. O... et I... X... propriétaires des parcelles [...] , [...] et [...], mais que cela ne les dispensait pas de "restituer les fruits de ce qui excède la portion disponible", ce qui conduit nécessairement, le cas échéant, à augmenter la soulte calculée sur le dépassement de la quotité disponible ; que comme l'a fait la cour de Bastia en 2004, il y a donc lieu d'infirmer le jugement du 22 janvier 2002 sur le problème des fruits ; qu'il n'en demeure pas moins qu'il convient de procéder à une évaluation des fruits perçus depuis le décès des de cujus en 1986, pour voir s'il y a lieu à restitution desdits fruits dans les limites et conditions de l'article 928 susvisé ; que concernant tout d'abord l'avantage lié à l'absence de paiement d'un fermage, il n'a pas à être pris en compte dans l'évaluation des fruits ; qu'il ne peut être question de fermage ou d'avantage lié à l'absence de paiement de fermage, les deux donataires étant propriétaires du bien du fait de la donation; que s'agissant de l'exploitation, des kiwis qui n'a été développée que postérieurement au décès des de cujus, il y a lieu de la prendre en compte y compris dans la restitution des fruits visée par l'article susvisé ; qu'en effet, la règle énoncée par les donataires selon laquelle, dans l'évaluation des biens soumis à réduction fictive, il convient d'ignorer les plus-values imputables auxdits donataires, ne s'applique pas à l'évaluation des fruits postérieurs au décès des donataires ; qu'il convient de calculer les fruits perçus entre 1986 et la date la plus proche du partage; que la cour, au vu des documents joints au dossier, arrêtera son compte à l'année 2016; qu'il ne lui appartient pas de faire le compte pour l'année 2017, pour laquelle aucune pièce n'est fournie ; qu'elle fera donc son compte sur 30 années ; qu'il était demandé à la consultante, Mme CR... TO..., d'évaluer les fruits et avantages reçus par MM. O... et I... X... du fait de la donation des parcelles sises à [...] , 24 et 26 entre la date du décès de leurs auteurs, soit décembre 1986 , et le jour le plus proche du partage, en prenant en considération notamment l'ensemble des dépenses, frais d'exploitation, salaires versés et investissements réalisés par les donataires pendant cette période ; que le rapport de Mme TO... est plus qu'imparfait en ce qu'il prend en compte, contrairement à la mission, qui lui a été confiée, des périodes antérieures à 1986 ; qu'il tient compte aussi des avis d'imposition de 1988 à 2008 qui, pour les revenus, partent d'une évaluation forfaitaire qui a été contestée, ne correspond pas véritablement à la réalité du terrain, et prennent en considération l'ensemble des revenus de O... et I... X... y compris sur d'autres parcelles étrangères à la donation ; que pour évaluer les revenus bruts au plus près de la réalité, la cour tentera de prendre en compte l'ensemble des pièces fournies, y compris, en partie, le rapport établi par M. TP... à la demande de O... et I... X... qui, certes, n'est pas contradictoire, mais que les parties ont pu librement consulter, qui s'appuie sur des pièces précises et qui apporte une critique constructive au rapport de Mme TO... ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle consultation, qui serait la troisième, et dont il est à craindre qu'elle n'apporte pas plus d'éléments que ceux déjà fournis ; que sur les vignes, le rapport de Mme TO... prend à tort en considération la période de 1976 à 1984, antérieure à sa mission puisqu'elle part de la date de la donation et non de la date du jour du décès, pour 59 927,99 euros ; que toutefois, le rapport de M. TP... ne peut pas être pris en considération car, d'une part , il fait une moyenne entre le revenu fiscal et le revenu réel dépourvu de toute signification, et d'autre part, il fonde son évaluation réelle sur les seules années 2004 et 2012 sans expliquer son choix ; que dès lors, la cour retiendra l'évaluation au réel de Mme TO..., avec déduction des 59 927, 39 euros correspondant à l'évaluation antérieure à 1986 ; que la somme retenue sera donc de 225 597 euros ; qu'il sera précisé que Mme TO... prend justement en compte l'arrachage de 2 ha et les charges de 5 000 euros à F ha; que sur les kiwis, que le rapport de madame TO... est peu précis, voir incohérent; qu'elle retient 20 tonnes à l'ha de 2000 à 2008 et 16 tonnes à 1 ha de 2008 à 2016 sans expliquer ces chiffres, alors que, plus haut dans son rapport, elle explique qu'à compter de 1990 le déclin de la filière s'est amorcé, qu'on constate une chute du prix du kiwi et une production à l'ha de 10 tonnes ; que par ailleurs, Mme TO... tient compte des déclarations fiscales de 1988 à 2008, mais procède aussi au calcul concernant les kiwis au réel à compter de 2 000, de sorte que la période de 2000 à 2008 est calculée à deux reprises, dans le revenu fiscal et au réel ; que la cour retiendra donc sur le tonnage et le nombre d'hectares les chiffres de M. TP... dont il apparaît qu'ils sont plus proches des données réelles ; que M. TP... prend en compte de 11 à 15 tonnes à l'ha en fonction du caractère plus ou moins récent des plantations et des facteurs climatiques; qu'il prend en compte un début de récoltes en 1990 pour la [...] , en 1986 pour la parcelle [...] et en 2000 pour la [...] ; qu'il prend en compte un prix moyen au kg de 0,68 euros ; que si Mme TO... prend en considération, pour la période de 2000 à 2008, un prix moyen au kg de 0,90 euros, elle ne justifie pas par les annexes, à son rapport de cette estimation; que dès lors, la cour retiendra un revenu brut de 2 031 432 euros, soit 1 009 800 euros sur la parcelle [...] euros sur la parcelle [...] euros sur la parcelle [...] ; que M. TP... déduit des charges importantes de 10 099 euros sur 15 ha par ha pour une production de 15 tonnes qu'il ramène à 11 ; que toutefois, pour déduire cette somme, il se sert du document d'un organisme professionnel qui inclut dans les charges la main d'oeuvre, déjà retenue par Mme TO...; que, pour ne pas prendre en compte deux fois cette main d'oeuvre, la cour limitera les charges à 2 653 euros par ha correspondant aux engrais et traitements divers sur 15 ha, ramenées à 1. 945,53 euros par ha sur 11 ha ; que sur cette base de 1 945,53 euros d'engrais par ha, sont déjà, par suite, à retirer du revenu brut la somme de 508 561,54 euros ; que concernant l'ensemble des charges, revenant au rapport de Mme TO..., la cour retiendra : - les cotisations MSA de 38 485,18 euros ; - l'achat de matériel, plantations, entretien concernant la vigne ramenés sur 30 ans à 330 529 euros ; - le coût de plantation des kiwis postérieurs à 1986 tel que retenu par M. TP... alors que Mme TO... prend à tort en compte des investissements antérieurs à cette date : 30 536,70 euros ; - le coût de la main d'oeuvre ramené à 30 années de 379 081 euros ; - le coût du matériel roulant et réparations avec retrait des dépenses antérieures à 1986 : 49 865 euros ; - le montant des prêts retenus par M. TP... de 185 246,24 euros ; qu'il sera noté sur ce point que le rapport de Mme TO... est inexploitable puisque, dans le montant qu'elle retient, de 72 641,95 euros, elle prend en compte certains prêts antérieurs à 1986 à l'exclusion en revanche de certains prêts justifiés postérieurs à cette date ; - le logement ouvrier de 6 984,03 euros ; qu'il en résulte que le montant net des fruits évalués entre 1986 et 2016 s'élève à 727 740,31 euros, ce qui représente par mois des fruits nets toujours positifs de 2021,50 euros compatibles avec les investissements réalisés ; que, s'agissant d'une exploitation en nom personnel, les deux exploitants se rémunèrent directement sur les fruits nets ; que les fruits nets correspondent donc au résultat net de l'exploitation qui est la base du revenu de l'exploitant ; que même si l'article 928, contrairement à l'article 815-12 du code civil, n'évoque pas la rémunération de la gestion de celui qui doit restitution des fruits de ce qui excède la portion disponible, la situation est radicalement différente et la comparaison entre les deux textes n'a pas lieu d'être ; qu'il convient, dans la restitution des fruits, de prendre en compte le revenu de l'exploitant, comme l'avait justement fait la cour de Bastia ; que décider autrement reviendrait à opérer une discrimination entre les situations dans lesquelles l'exploitant serait salarié dans son exploitation, dans le cadre d'une société ou d'un GFA par exemple, le salaire de l'exploitant lui-même rentrant alors dans les charges à prendre en compte, ou ne le serait pas ; que de surcroît l'exploitation d'un fonds agricole comporte des tâches de gestion administrative et financière qui, indépendamment des fruits tirés du travail de la terre doivent donner lieu à rémunération ; qu'il n'y aura donc pas lieu à restitution de fruits, la somme précédemment évaluée correspondant à la rémunération des deux donataires dont le travail n'a pas été pris en compte dans les calculs précédents; qu'en effet, la semaine de 727 740,31 euros sur 30 ans représente des fruits nets sur un mois de 2 021,50 euros ; que cette somme mensuelle correspond à un SMIC pour chacun des deux exploitants » ;
Alors, premièrement, qu'en cas de réduction d'une libéralité, le donataire doit restituer, à compter du jour du décès du donateur, l'équivalent des fruits perçus de la portion des biens donnés sur laquelle porte la réduction ; qu'il ne saurait se prévaloir d'un droit à rémunération pour sa gestion du bien, lequel n'est pas indivis pour la part excédant la quotité disponible ; que pour dire n'y avoir lieu à restitution, l'arrêt attaqué retient « que même si l'article 928, contrairement à l'article 815-12 du code civil, n'évoque pas la rémunération de la gestion de celui qui doit restitution des fruits de ce qui excède la portion disponible, la situation est radicalement différente et la comparaison entre les deux textes n'a pas lieu d'être » (arrêt p. 10, § 12) et « qu'il convient, dans la restitution des fruits, de prendre en compte le revenu de l'exploitant » (arrêt p. 11, § 1), ainsi que « les tâches de gestion administrative et financière qui, indépendamment des fruits tirés du travail de la terre doivent donner lieu à rémunération » (arrêt p. 11, § 2); qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres énonciations que les sommes litigieuses constituaient des fruits devant par principe être restitués dans les limites de l'article 928 du code civil et que les biens objet de la donation réductible n'étaient pas indivis, la cour d'appel a violé l'article 928 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Alors, deuxièmement, que tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations; que pour prendre en compte, « dans la restitution des fruits », le « revenu de l'exploitant » (arrêt p. 11, § 1) ainsi que « les tâches de gestion administrative et financière qui, indépendamment des fruits tirés du travail de la terre doivent donner lieu à rémunération » (arrêt p. 11, § 2) et décider qu'il n'y avait lieu à restitution des fruits, l'arrêt attaqué retient« que décider autrement reviendrait à opérer une discrimination entre les situations dans lesquelles l'exploitant serait salarié dans son exploitation, dans le cadre d'une société ou d'un GFA par exemple, le salaire de l'exploitant lui-même rentrant alors dans les charges à prendre en compte, ou ne le serait pas » (arrêt p. 11, § 2) ; qu'en se fondant sur ce moyen, qui n'était pas invoqué par les consorts X..., sans inviter préalablement les exposants à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, troisièmement, que tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, la cour d'appel ne pouvait juger qu'il convenait de prendre en compte, « dans la restitution des fruits », le « revenu de l'exploitant » (arrêt p. 11, § 1) ainsi que « les tâches de gestion administrative et financière qui, indépendamment des fruits tirés du travail de la terre doit donner lieu à rémunération » (arrêt p. 11, § 2), aux seuls motifs « que décider autrement reviendrait à opérer une discrimination entre les situations dans lesquelles l'exploitant serait salarié dans son exploitation, dans le cadre d'une société ou d'un GFA par exemple, le salaire de l'exploitant lui-même rentrant alors dans les charges à prendre en compte, ou ne le serait pas » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tranché le litige conformément à la solution qui lui paraissait la plus équitable, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
Alors, enfin, et en tout état de cause, que dans les motifs décisoires de son arrêt du 25 septembre 2007(page 4, in fine), la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait définitivement admis, concernant la rémunération des donataires, que « les règles de l'indivision n'étant pas applicables, il n'y a pas lieu de prévoir une prévoir une rémunération de leur activité au visa de l'article 815-12 du code civil », dans des termes repris par son arrêt du 18 novembre 2015 (page 7), qui rappelait que toute rémunération de donataires avait été rejetée à défaut d'applicabilité des dispositions de l'article 815-12 du code civil ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu à restitution des fruits perçus par MM. I... et O... X... entre 1986 et 2016, au motif de cette somme correspondait à la rémunération des deux donataires, quand cette prétention, qui avait été définitivement rejetée, ne pouvait être reprise une nouvelle fois, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile. | L'obligation imposée au donataire à l'article 928 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, de restituer les fruits de ce qui excède la portion disponible, à compter du jour du décès du donateur, suppose que le bien donné soit, au jour de la donation, dans un état lui permettant de produire un revenu. Il en résulte que la valeur du travail effectué par le donataire, qui a permis leur production, doit être déduit des fruits qu'il doit restituer sur le fondement de ce texte |
314 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 556 FS-P+B
Pourvoi n° M 18-19.241
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
La société PWC Landwell - PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services, société de droit espagnol, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° M 18-19.241 contre l'arrêt rendu le 15 février 2018 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme L... Y..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. R... B..., domicilié [...] ,
3°/ à M. W... Y..., domicilié [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société PWC Landwell - PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. B..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme Y..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2018), Q... Y... est décédé en Espagne le [...], en l'état d'un testament authentique du 16 novembre 2006, instituant pour héritiers, chacun pour un tiers, son fils W..., sa fille L..., et ses deux petits-fils S... et H..., et désignant M. B..., notaire, en qualité d'exécuteur testamentaire.
2. Faisant grief à son frère d'avoir dilapidé la fortune familiale et à M. B... d'avoir engagé sa responsabilité professionnelle, Mme Y... les a assignés, le 5 juin 2014, devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
3. Le 30 décembre 2015, elle a également assigné en responsabilité devant ce tribunal la société d'avocats espagnole PWC Landwell-PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services (la société PWC), à laquelle elle avait donné mandat, aux termes de deux offres de services des 28 novembre 2008 et 20 juin 2010, de la conseiller dans les opérations de succession de son père ouvertes en Espagne.
4. La société PWC a décliné, à titre principal, la compétence de la juridiction étatique, sur le fondement d'une clause compromissoire stipulée aux contrats, et, subsidiairement, celle des juridictions françaises.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société PWC fait grief à l'arrêt d'écarter l'application de la clause compromissoire en raison de son caractère abusif et de dire la juridiction étatique française compétente, alors « qu'en vertu du principe compétence-compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, le juge étatique étant sans pouvoir pour le faire, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; que l'appréciation du caractère abusif d'une clause d'arbitrage au sens de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993 suppose un examen par le juge des conditions dans lesquelles la clause a été négociée et conclue, incompatible en tant que tel avec la constatation de son caractère manifestement nul ou inapplicable ; qu'il en résulte que le juge étatique saisi d'un litige opposant des parties liées par une clause compromissoire ne peut retenir sa compétence après avoir statué lui-même sur le caractère abusif prêté à la clause, cet examen relevant de la seule compétence de l'arbitre ; qu'en écartant l'application de la clause d'arbitrage insérée au contrat liant les parties, et en retenant la compétence du juge étatique, au prétexte qu'elle serait manifestement abusive, après avoir cependant procédé à un examen de son applicabilité incompatible avec l'office du juge étatique et relevant de la seule compétence de l'arbitre, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l'article 1448 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. L'article 6, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, dispose :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s'il peut subsister sans les clauses abusives. »
8. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, étant donné la nature et l'importance de l'intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux consommateurs, l'article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l'ordre juridique interne, le rang de normes d'ordre public (arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C-51/17, point 89).
9. Compte tenu, également, de la nature et de l'importance de l'intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son article 7, § 1, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (arrêts du 30 avril 2014, U... et M..., C-26/13, point 78, ainsi que du 21 décembre 2016, F... P... e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, point 56).
10. Au nombre des moyens adéquats et efficaces devant garantir aux consommateurs un droit à un recours effectif doit figurer la possibilité d'introduire un recours ou de former opposition dans des conditions procédurales raisonnables, de sorte que l'exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui amenuisent l'exercice des droits garantis par la directive 93/13 (arrêt du 21 avril 2016, O... et D..., C-377/14, point 46).
11. Selon la Cour de justice, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités procédurales visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire relèvent de l'ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe de l'autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu'elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) et qu'elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (CJCE, 26 octobre 2006, N... E..., C-168/05, point 24, CJCE 16 mai 2000, Preston e.a., C-78/98, point 31, et 19 septembre 2006, Germany et Arcor, C-392/04 et C-422/04, point 57).
12. Il résulte de l'article 1448 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506 du même code, sauf si les parties n'en sont autrement convenues, que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
13. La règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.
14. Dès lors, la cour d'appel qui, après en avoir examiné l'applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, a, sans méconnaître les dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
16. La société PWC fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2° / qu'une clause n'est présumée ne pas avoir fait l'objet d'une négociation individuelle, à charge pour le professionnel de rapporter la preuve contraire, que si elle est standardisée ; que, pour retenir que la clause d'arbitrage litigieuse était manifestement pré-rédigée et en déduire qu'il appartenait à la société Landwell-PWC Espagne de rapporter la preuve de l'existence d'une négociation individuelle, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'elle était partiellement similaire, dans ses modalités, à la clause d'arbitrage figurant dans les conditions générales de l'offre de services et à celle figurant dans la seconde offre de services conclue entre les parties ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'insertion de la clause litigieuse au sein d'une clause particulière, spécialement rédigée pour les besoins de la prestation de services sollicitée par Mme Y..., et de sa rédaction en langue française, que la clause n'était pas standardisée au sens de l'article 3 de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993, de sorte qu'il n'appartenait pas à la société Landwell-PWC Espagne d'en démontrer le caractère individuellement négocié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
3°/ que n'est pas abusive la clause qui a fait l'objet d'une négociation individuelle ; qu'en se bornant à affirmer de manière générale que compte tenu de sa situation personnelle, Mme Y... n'était pas en mesure de négocier dans un rapport équilibré les termes de la clause litigieuse et qu'il importait peu, à cet égard, qu'elle ait été assistée par un tiers dans les discussions relatives aux modalités d'intervention de la société Landwell-PWC Espagne, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si au regard des compétences professionnelles de M. X..., comme de ses liens avec Mme Y..., l'assistance de ce dernier n'avait pas été de nature à conférer à celle-ci un réel pouvoir de discussion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993 ;
4°/ que n'est pas abusive la clause qui a fait l'objet d'une négociation individuelle ; qu'en déduisant de la circonstance que Mme Y... ne maîtrisait pas langue espagnole que celle-ci n'avait pu négocier la clause litigieuse, cependant que les échanges préalables à la conclusion du contrat avaient eu lieu en langue française et que l'offre de services qui lui avait été soumise l'était également, ce dont il résultait que la langue n'avait pu constituer un obstacle au pouvoir de négociation de Mme Y..., la cour d'appel, qui s'est prononcée en considération d'un élément impropre en l'espèce à exclure toute négociation individuelle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993. »
Réponse de la Cour
17. L'arrêt constate, d'abord, qu'aucun des courriels échangés entre les parties antérieurement à la signature du contrat ne fait état du recours à une procédure arbitrale pour le règlement des différends. Il relève, ensuite, que la clause compromissoire stipulée dans l'offre de services du 28 novembre 2008, rédigée en français, donnant compétence à la cour d'arbitrage civil et commercial de Madrid (CIMA) reprend les termes de l'article 15.2 des conditions générales en langue espagnole, et que la seconde offre de services du 22 juin 2010, ne comportant la même clause que dans les conditions générales en langue espagnole, cet élément conforte le caractère standardisé d'une clause type dans les contrats rédigés par la société PWC. Il retient, enfin, que, résidant en France, ne maîtrisant pas l'espagnol et désireuse de bénéficier en Espagne de conseils éclairés sur une succession complexe et litigieuse, Mme Y... n'était pas en mesure de négocier dans un rapport équilibré, les termes d'une clause compromissoire pré-rédigée par la société cocontractante, peu important la présence, à ses côtés, d'un employé de banque.
18. En l'état de ces constations et appréciations souveraines, tenant compte de la nature des services prévus au contrat et de toutes les circonstances qui en ont entouré la conclusion, la cour d'appel qui a estimé, sans inverser la charge la preuve, que la société PWC ne démontrait pas que la clause standardisée obligeant le client non-professionnel à saisir, en cas de différend, une juridiction arbitrale, avait fait l'objet d'une négociation individuelle, a légalement justifié sa décision de ce chef.
Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième à septième branches
Enoncé du moyen
19. La société PWC fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence des juridictions françaises et de renvoyer les parties devant le tribunal déjà saisi, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'article 17, 1), c, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 sont inapplicables au contrat de prestation de services juridiques conclu par une personne avec un avocat ; qu'en retenant, sur ce fondement, la compétence des juridictions françaises du domicile de Mme Y... pour connaître du litige l'opposant à société Landwell-PWC Espagne, société d'avocats exclusivement inscrits à un barreau en Espagne, dans le cadre du contrat de prestation de services juridiques conclu entre elles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que le professionnel n'est considéré comme dirigeant son activité vers l'Etat membre où est domicilié le consommateur avec lequel il a conclu un contrat que si sa volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou de plusieurs autres États membres, au nombre desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, est caractérisée ; que cette volonté ne peut être établie qu'au terme d'une appréciation concrète et globale de l'activité du professionnel ; qu'en se bornant en l'espèce à déduire de l'appartenance de la société Landwell-PWC Espagne, en tant que franchisé, à un réseau mondial d'entités de cabinets d'avocats indépendants et autonomes, que celle-ci dirigeait son activité vers plusieurs Etats membres dont la France, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à caractériser sa volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs domiciliés dans d'autres Etats membres, a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
4°/ que si la mention selon laquelle le professionnel offre ses services ou ses biens dans un ou plusieurs États membres nommément désignés, la nature internationale de son activité ou la mention d'une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres peuvent constituer des indices de la volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou de plusieurs autres États membres, le juge doit procéder à une appréciation globale et concrète de son activité ; qu'en se fondant en l'espèce sur la seule mention, figurant sur le site internet de la société Landwell-PWC Espagne, présentant le réseau « PWC Tax & Legal services » comme le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, pour en déduire que la société Landwell-PWC Espagne exercerait ses activités dans des Etats étrangers, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y été invitée, sur la circonstance qu'en sa qualité de société d'avocats inscrits à un barreau en Espagne seulement, elle n'exerçait ses activités que dans le seul ressort territorial de l'Espagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
5°/ que le juge doit caractériser la volonté du professionnel d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou de plusieurs autres États membres en procédant à une appréciation globale et concrète de son activité ; qu'en se bornant à relever que le site internet de la société Landwell-PWC Espagne mentionnait un préfixe international et présentait le réseau « PWC Tax & Legal services » comme le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, pour en déduire que le professionnel démarchait une clientèle étrangère et exerçait ses activités dans des Etats étrangers, cependant que ces circonstances étaient insuffisantes pour établir à elles seules, que la société Landwell-PWC Espagne dirigeait ses activités vers d'autres Etats membres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
6°/ que pour fonder la compétence dérogatoire des juridictions de l'Etat du domicile du consommateur, le juge doit caractériser la volonté du professionnel de diriger ses activités vers cet Etat en particulier ; que cette constatation ne peut résulter d'éléments de communication étrangers au professionnel concerné et établis postérieurement à la conclusion du contrat litigieux ; qu'en se fondant en l'espèce sur la circonstance que la société Landwell-PWC Espagne offrait les services d'un avocat français se présentant comme spécialiste des relations hispano-françaises, cependant que cette présentation, tirée du curriculum-vitae personnel de M. A... établi après qu'il eut quitté la société Landwell-PWC Espagne et postérieurement à la seconde offre de services conclue avec Mme Y... le 22 juin 2010, était insusceptible de caractériser la communication faite par la société Landwell-PWC Espagne elle-même préalablement à la conclusion du contrat litigieux et, partant, sa volonté de démarcher, à cette époque, une clientèle domiciliée en France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
7°/ qu'enfin, pour fonder la compétence dérogatoire des juridictions de l'Etat du domicile du consommateur, le juge doit caractériser la volonté du professionnel de diriger ses activités vers cet Etat en particulier ; qu'en retenant que la société Landwell-PWC Espagne bénéficie de membres en France où ces derniers exercent leur activité, sans rechercher si les sociétés membres du réseau « PWC Tax & Legal services » exerçant leur activité en France sont des personnes juridiques autonomes et distinctes de la société Landwell-PWC Espagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. »
Réponse de la Cour
20. Aux termes de l'article 18, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, l'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié.
21. Selon l'article 17, § 1, ces dispositions déterminent la compétence lorsque le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.
22. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que les dispositions des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012 régissant la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs s'appliquent à tous les types de contrats, excepté celui précisé à l'article 17, § 3, de ce règlement (CJUE, 3 octobre 2019, I... K..., C-208/18, point 48 ; 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C-694/17, point 42), de sorte que les contrats de prestation de services juridiques entrent dans leur champ d'application.
23. Après avoir constaté que la société PWC est une société de droit espagnol, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'elle appartient à un réseau international d'entités d'avocats qui exercent leurs services professionnels sous la marque « PWC » et qu'elle est membre de la société de droit anglais Pricewaterhouse Coopers International limited. Il retient, ensuite, que celle-ci indique sur son site Internet le préfixe international de son numéro d'appel de l'étranger et présente son service juridique PWC Tax & Legal services comme étant le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, présent dans des centaines de marchés, tant nationaux qu'internationaux. Il ajoute, enfin, que celle-ci offre à sa clientèle les services d'avocats français, dont celui qui, se présentant comme spécialiste des relations hispano-françaises, a été le co-signataire de l'offre de services adressée à Mme Y....
24. En l'état de ces énonciations et constatations faisant ressortir que la société d'avocats PWC dirigeait son activité professionnelle au-delà de la sphère territoriale de son barreau de rattachement, en proposant ses services à une clientèle internationale, domiciliée notamment en France, de sorte qu'en sa qualité de consommateur, Mme Y..., domiciliée en France, pouvait porter son action devant les juridictions françaises, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société PWC Landwell-PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société PWC Landwell-PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services et par M. B... et condamne la société Landwell-PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société PWC Landwell - PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à appliquer la clause compromissoire invoquée, d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Pontoise compétent et d'avoir renvoyé les parties devant ce tribunal déjà saisi,
Aux motifs propres que « sur l'application à la cause de la clause compromissoire, selon l'article 1448, alinéa 1, du code civil, "Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable." ; que la société PWC Landwell-Pricewaterhousecooperstax & Legal Services (PWC) revendique, à titre principal, l'application de la clause compromissoire figurant dans le contrat d'offre de services professionnels et conseils en droit des successions signée le 28 novembre 2008 avec L... Y... (pièce 40 de l'intimée) ; que la cour relève que Mme Y..., qui reconnaît avoir signé la première offre de services tout en contestant la validité de la clause compromissoire y figurant, verse aux débats, en cause d'appel, une seconde offre de services conclue le 22 juin 2010 avec PWC (pièce 40), offre qui se décompose en dix pages auxquelles sont annexées huit autres pages de conditions générales en espagnol et qui ne contient plus de clause compromissoire (pièce 50 de l'intimée) ; que la société PWC remet en cause la validité de la seconde offre produite ; que toutefois la cour retient d'une part, que maître A..., avocat de PWC, fait expressément référence, dans un courriel envoyé le 20 décembre 2011 à Mme Y..., à cette seconde offre en ces termes : "Ces honoraires ont été établis dans le cadre de notre accord en date du 22 juin 2010." (pièce 52 de l'intimée) et d'autre part, que l'exemplaire de cette offre produit par l'intimée, qui comporte, sur la première page de ses conditions générales, la mention des noms du directeur de PWC à Alicante, M. G... C..., et de l'avocat, V... A..., et celui de Mme Y... ainsi que leurs signatures, contient également une clause compromissoire en un article 15.3 qui prévoit, en langue espagnole, la saisine, en cas de litige entre les parties cocontractantes, de l'instance arbitrale de Madrid, en l'occurrence la Corte Civil y Mercantil de Arbitraje (CIMA) ; qu'il s'en déduit que la seconde offre de services de 2010 contient également une clause compromissoire dans des termes identiques à celle contenue dans les conditions générales de l'offre de services de 2008 ; que toutefois, en raison de la contestation de l'appelante quant à la validité de cette seconde offre de services et du fait qu'elle ne se fonde que sur la première offre de services en date du 28 novembre 2008, la cour n'examinera que la valeur et la portée de la clause compromissoire contenue dans cette première convention pour statuer sur l'exception d'incompétence soutenue par la société PWC; que la validité de la clause compromissoire figurant en un article 15.2 dans les conditions générales (en langue espagnole) et dans les conditions particulières (en langue française) de l'offre de services du 28 novembre 2008, invoquée par la société PWC au soutien de son exception de l'incompétence matérielle de la juridiction étatique, doit être examinée à la lumière des dispositions de la directive 93/13 CCE du conseil des communautés européennes du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ce qui est le cas en l'espèce ; que l'article 3 de la directive 93/13 CCE prévoit que : "1. Une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. 2. Une clause est toujours considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle lorsqu'elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n'a, de ce fait, pas pu avoir d'influence sur son contenu, notamment dans le cadre d'un contrat d'adhésion. Le fait que certains éléments d'une clause ou qu'une clause isolée aient fait l'objet d'une négociation individuelle n'exclut pas l'application du présent article au reste d'un contrat si l'appréciation globale permet de conclure qu'il s'agit malgré tout d'un contrat d'adhésion. Si le professionnel prétend qu'une clause standardisée a fait l'objet d'une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. 3. L'annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives" ; que l'annexe visée par le point 3 précise en un point 1.q) que tel est le cas des clauses qui ont pour objet :"- de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par les dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition des consommateurs ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat" ; qu'en l'espèce, l'offre de services signée entre les parties le 28 novembre 2008 se décompose en 5 pages rédigées en langue française et des conditions générales rédigées en langue espagnole ; que la première partie de cette offre, rédigée en langue française, comporte un chapitre intitulé "RESPONSABILITE, LIMITATION ET RESOLUTION DE CONFLITS" qui prévoit que : "2. Si vous n'êtes pas satisfait(e) des services que nous vous rendons, vous devrez vous mettre en contact avec l'associé Directeur ayant signé la présente offre de services. De façon alternative, vous pourrez contacter l'Associé Directeur de Landwell Espagne au domicile indiqué dans la proposition ; - les deux parties tenteront de résoudre le "différent" en négociant de bonne foi. Si une telle négociation n'était pas possible, les deux parties s'engagent à renoncer à recourir aux juridictions qui leur correspondent et à soumettre le différend à la Cour d'Arbitrage de Madrid ("Corte Civil y Mercantil de Arbitraje (CIMA), ayant son siège à Madrid, les deux parties se soumettant à son règlement et s'engageant à appliquer la décision d'arbitrage que ladite cour émettra" ; que l'article 15.2 "Resolución de cuestiones litigiosas" des conditions générales de cette offre reprend en langue espagnole, dans des termes avoisinants, ladite clause compromissoire ; que comme l'a retenu à bon droit le juge de la mise en état, la société PWC ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'une négociation individuelle entre elle et Mme Y..., résidant en France, ne maîtrisant pas l'espagnol et désireuse de bénéficier en Espagne de conseils éclairés sur une succession complexe et litigieuse et peu à même, dans de telles conditions, de négocier dans un rapport équilibré les termes d'une clause compromissoire manifestement prérédigée par la société cocontractante et ce peu important la présence, aux côtés de Mme Y..., d'un employé de banque susceptible, selon l'appelante, de la conseiller utilement ; qu'en effet, aucun des courriels - des 1er août, 3 août et 26 novembre 2008 - versés aux débats ne fait état de la procédure arbitrale prévue par l'offre de services du 28 novembre 2008, ces échanges ayant tous trait à des questions d'honoraires ; que conforte le caractère standardisé de la clause rédigée en français le fait qu'elle soit identique, dans ses modalités, à celle figurant en langue espagnole dans les conditions générales de ladite offre : que la cour relève enfin que la seconde offre de services du 22 juin 2010, qui prévoit notamment, sur la période fin juin 2010-septembre 2010, "la vérification complète de la répartition qui fut réalisée par maître B... et passée devant notaire espagnol" et jusqu'en janvier 2012, différentes démarches auprès des banques et de l'administration fiscale pour la liquidation de l'impôt sur les successions, comporte la même clause imposant, exclusivement dans les conditions générales et en langue espagnole, la saisine de la CIMA, élément qui conforte le caractère standardisé d'une clause type reprise dans les contrats d'adhésion rédigés par la société PWC, cette disposition ayant manifestement échappé à l'intimée qui affirme à tort, en cause d'appel, que cette seconde offre ne prévoit pas le recours à une instance arbitrale ; que dans de telles conditions, est manifestement abusive la clause compromissoire invoquée par la société PWC, professionnel, qui entend se prévaloir à l'égard du consommateur qu'est Mme Y... de dispositions qui n'ont pas fait l'objet d'une négociation individuelle et qui créent, en imposant la saisine de la cour arbitrale et en excluant toute possibilité de recours aux juridictions étatiques, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que dès lors, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a écarté l'application de la clause compromissoire revendiquée par la société PWC » (arrêt attaqué, pp. 6 - 8),
Et aux motifs éventuellement adoptés que « sur la compétence, l'offre de service signée entre les parties comprend la disposition suivante : -"Si vous n'êtes pas satisfait(e) des services que nous vous rendons, vous devrez vous mettre en contact avec l'associé Directeur ayant signé la présente offre de services. De façon alternative, vous pourrez contacter l'Associé Directeur de Landwell Espagne au domicile indiqué dans la proposition ; - les deux parties tenteront de résoudre le différent en négociant de bonne foi. Si une telle négociation n'était pas possible, les deux parties s'engagent à renoncer à recourir aux juridictions qui leur correspondent et à soumettre le différend à la Cour d'Arbitrage de Madrid CIMA ayant son siège à Madrid, les deux parties se soumettant à son règlement et s'engageant à appliquer la décision d'arbitrage que ladite cour émettra" ; que la société PWC entend se prévaloir de la présente clause compromissoire pour dénier la compétence de la juridiction de ce siège ; que madame Y... invoque l'article 3 de la Directive 93/13 CCE du Conseil du 5 avril 1993 qui énonce notamment : - Une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsqu'en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ;que les clauses visées par l'article 3 sont listées au 3.3 qui renvoie à l'annexe qui au niveau du 1.q) énonce : - (les clauses qui ont pour objet) de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par les dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition des consommateurs ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat ; que dans le cas d'espèce, il est constant que la convention établie entre madame Y... et la société PWC l'a été entre un professionnel et un consommateur ; qu'il doit être constaté qu'il n'est en aucune manière démontré que la clause compromissoire rappelée a été l'objet d'une négociation particulière, cela d'autant que madame Y... qui n'avait strictement aucune attache en Espagne, a pu difficilement faire le choix éclairé, dans un rapport équilibré, du recours à un organisme espagnol siégeant à Madrid pour régler d'éventuels conflits qu'elle n'était pas en mesure d'anticiper au jour de l'acceptation par elle de l'offre de service en cause ; que les mails échangés entre les parties, invoqués par la société PWC en date des 1er août 2008, 3 août 2008 et 26 novembre 2008, ne visent en aucune façon la clause compromissoire, n'en font absolument pas état, se référant essentiellement à la problématique des honoraires ; que par ailleurs, les clauses qui modifient les règles de compétence des juridictions à saisir quand celles-ci sont en principe favorables au consommateur, sont posées comme des clauses qui sont suspectées d'être abusives surtout en l'absence de négociation particulière, comme en l'espèce ; que ce défaut de négociation est corroboré par le fait que le recours à la CIMA siégeant à Madrid est manifestement une disposition type, incluse aux conditions générales standardisées des contrats proposés par PWC, au paragraphe 15.2, sachant que la demanderesse qui était en difficulté, disposait de faibles possibilités de discussion, étant pour tenter de faire valoir ses droits selon elle, contrainte de retenir l'intervention d'une société d'avocats réputés, à caractère international, implanté en Espagne, et maîtrisant la langue française ; que ces éléments sont suffisants pour écarter l'application de la clause compromissoire contestée » (ordonnance confirmée, pp. 3 – 5),
1°/ Alors, d'une part, qu'en vertu du principe compétence-compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, le juge étatique étant sans pouvoir pour le faire, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; que l'appréciation du caractère abusif d'une clause d'arbitrage au sens de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993 suppose un examen par le juge des conditions dans lesquelles la clause a été négociée et conclue, incompatible en tant que tel avec la constatation de son caractère manifestement nul ou inapplicable ; qu'il en résulte que le juge étatique saisi d'un litige opposant des parties liées par une clause compromissoire ne peut retenir sa compétence après avoir statué lui-même sur le caractère abusif prêté à la clause, cet examen relevant de la seule compétence de l'arbitre ; qu'en écartant l'application de la clause d'arbitrage insérée au contrat liant les parties, et en retenant la compétence du juge étatique, au prétexte qu'elle serait manifestement abusive, après avoir cependant procédé à un examen de son applicabilité incompatible avec l'office du juge étatique et relevant de la seule compétence de l'arbitre, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l'article 1448 du code de procédure civile ;
2°/ Alors, d'autre part, en tout état de cause, qu'une clause n'est présumée ne pas avoir fait l'objet d'une négociation individuelle, à charge pour le professionnel de rapporter la preuve contraire, que si elle est standardisée ; que, pour retenir que la clause d'arbitrage litigieuse était manifestement pré-rédigée et en déduire qu'il appartenait à la société Landwell-PwC Espagne de rapporter la preuve de l'existence d'une négociation individuelle, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'elle était partiellement similaire, dans ses modalités, à la clause d'arbitrage figurant dans les conditions générales de l'offre de services et à celle figurant dans la seconde offre de services conclue entre les parties ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'insertion de la clause litigieuse au sein d'une clause particulière, spécialement rédigée pour les besoins de la prestation de services sollicitée par Mme Y..., et de sa rédaction en langue française, que la clause n'était pas standardisée au sens de l'article 3 de la directive n°93/13 CEE du 5 avril 1993, de sorte qu'il n'appartenait pas à la société Landwell-PwC Espagne d'en démontrer le caractère individuellement négocié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
3°/ Alors, de plus, en toute hypothèse, que n'est pas abusive la clause qui a fait l'objet d'une négociation individuelle ; qu'en se bornant à affirmer de manière générale que compte tenu de sa situation personnelle, Mme Y... n'était pas en mesure de négocier dans un rapport équilibré les termes de la clause litigieuse et qu'il importait peu, à cet égard, qu'elle ait été assistée par un tiers dans les discussions relatives aux modalités d'intervention de la société Landwell-PwC Espagne, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si au regard des compétences professionnelles de M. X..., comme de ses liens avec Mme Y..., l'assistance de ce dernier n'avait pas été de nature à conférer à celle-ci un réel pouvoir de discussion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993 ;
4°/ Alors, enfin, que n'est pas abusive la clause qui a fait l'objet d'une négociation individuelle ; qu'en déduisant de la circonstance que Mme Y... ne maîtrisait pas langue espagnole que celle-ci n'avait pu négocier la clause litigieuse, cependant que les échanges préalables à la conclusion du contrat avaient eu lieu en langue française et que l'offre de services qui lui avait été soumise l'était également, ce dont il résultait que la langue n'avait pu constituer un obstacle au pouvoir de négociation de Mme Y..., la cour d'appel, qui s'est prononcée en considération d'un élément impropre en l'espèce à exclure toute négociation individuelle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence des juridictions françaises soulevée, d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Pontoise compétent et d'avoir renvoyé les parties devant ce tribunal déjà saisi,
Aux motifs propres que « sur la juridiction étatique compétente, il est constant qu'est applicable à la cause le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dit Bruxelles 1 bis et plus particulièrement la section 4 relative à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs (art. 17 à 19) ; que l'article 17 prévoit : "1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) : a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels ; b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets ; ou c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. 2. Lorsque le cocontractant du consommateur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État membre. 3. La présente section ne s'applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement." ; que l'article 18 précise que :" 1. L'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié. 2. L'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. 3. Le présent article ne porte pas atteinte au droit d'introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section. " ; que Mme Y..., pour justifier de la saisine de la juridiction française pour connaître de l'entière instance initiée à l'encontre de son frère, M. W... Y..., du notaire, maître B..., domicilié à Pontoise, et de la société PWC, se réclame des dispositions de l'article 18 du règlement Bruxelles 1 bis ; que la société PWC conteste cette solution au motif que l'article 18 ne s'applique que pour les actions visées à l'article 17 c et qu'en ce qui la concerne, elle est une société d'avocats en Espagne avec des activités réalisées exclusivement sur ce territoire, ce qui conduit à retenir, aux termes de sa demande présentée à titre subsidiaire, la compétence des juridictions espagnoles ; que la cour relève que, si PWC Landwell-Pricewaterhousecooperstax & Legal Services est une société de droit espagnol dont le siège est situé à Alicante (Espagne), elle appartient, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, à un réseau international d'entités d'avocats, espagnoles et étrangères, qui exercent leurs services professionnels sous la marque "PWC" et elle est membre de la société de droit anglais, Pricewaterhouse Coopers International limited, ce qui est confirmé par la première page de l'offre de services qui présente "Landwell - Abogados y Acesores Fiscales" comme étant une " law firm associated with Pricewatherhouse Coopers International limited" ; qu'en outre, la société PWC Landwell-Pricewaterhousecooperstax & Legal Services, indique sur son site le préfixe international de son numéro d'appel de l'étranger et présente son service juridique "PWC Tax & Legal services" comme étant le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, présent dans des centaines de marchés, tant nationaux qu'internationaux ("principal asesor legal y fiscal del mundo [... ] presentes en cientos de mercados, tanto nacionales como internacionales") - pièce 43 de l'intimée- ce qui démontre le démarchage par la société espagnole de clients situés à l'étranger ainsi que ses activités dans des Etats étrangers ; que plus précisément, il est démontré par les pièces versées aux débats que la société PWC Landwell-Pricewaterhousecooperstax & Legal Services offre les services d'avocats espagnols comme français, comme maître A..., qui se présentait comme spécialiste des relations "hispano-françaises et a été le co-signataire de l'offre de services avec Mme Y..., résidant en France ; qu'il résulte de l'ensemble de es constatations et énonciations que PWC dirige ses activités vers plusieurs Etats dont la France et l'Espagne, Etats membres de l'Union européenne, ce qui justifie l'application à l'espèce des dispositions combinées des articles 17 c et 18 du règlement Bruxelles I bis et permet de retenir la compétence d'une juridiction française pour connaître des deux instances initiées par Mme Y... » (arrêt attaqué, pp. 9 – 10),
Et aux motifs éventuellement adoptés que « pour retenir la compétence de la présente juridiction, madame Y... se réclame des dispositions de la section 4 article 18 du règlement CE 1215/ 2012 en sa qualité de consommateur qui prévoient : - l'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié ;que la société PWC conteste cette solution, au motif que celle-ci ne s'applique que pour les actions visées à l'article 17, et particulièrement 17 c qui énonce : -lorsque dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles, dans l'état membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui , par tout moyen, dirige ses activités vers cet état membre ou vers plusieurs états dont cet état membre et que le contrat entre dans le cadre de ces activités ; que pour ce qui la concerne, la société PWC Landwell-PriceWaterhouseCoopers Tax& Legal Services SL soutient qu'elle est une société d'avocats en ESPAGNE, qui est localisée dans ce pays, avec des activités réalisées exclusivement sur ce territoire, ce qui exclurait l'application du 17 c rappelé et conduirait à retenir la compétence des juridictions espagnoles ; que cependant, la société PWC Landwell en défense est une société d'avocats, elle-même membre de Pricewatherhouse Coopers International limited société de droit anglais, qu'elle appartient à un réseau international d'entités d'avocats, espagnoles et étrangères qui exercent leurs services professionnels sous la marque PWC, que cette solution est confirmée par la 1ère page de l'offre en litige qui mentionne : - law firm associated with PRICEWATERHOUSECOOPERS - ; qu'en effet, il est constant qu'il s'agit d'un réseau international d'entités membres de Price Waterhouse Coopers international limited qui exercent leurs services professionnels sous la marque PWC, et que la société PWC bénéficie de membres en France où ces derniers exercent leurs activités ; qu'ainsi PWC dirige ses activités vers plusieurs Etats dont la France et l'Espagne Etats membres ; que cette situation s'inscrit dans le cadre de l'article 17 c rappelé et permet de retenir la compétence d'une juridiction française » (ordonnance critiquée, p. 5),
1°/ Alors, d'une part, que les dispositions de l'article 17 1) c du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 sont inapplicables au contrat de prestation de services juridiques conclu par une personne avec un avocat ; qu'en retenant, sur ce fondement, la compétence des juridictions françaises du domicile de Mme Y... pour connaître du litige l'opposant à société Landwell-PwC Espagne, société d'avocats exclusivement inscrits à un barreau en Espagne, dans le cadre du contrat de prestation de services juridiques conclu entre elles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ Alors, d'autre part, en tout état de cause, que le professionnel n'est considéré comme dirigeant son activité vers l'Etat membre où est domicilié le consommateur avec lequel il a conclu un contrat que si sa volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou de plusieurs autres États membres, au nombre desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, est caractérisée ; que cette volonté ne peut être établie qu'au terme d'une appréciation concrète et globale de l'activité du professionnel ; qu'en se bornant en l'espèce à déduire de l'appartenance de la société Landwell-PwC Espagne, en tant que franchisé, à un réseau mondial d'entités de cabinets d'avocats indépendants et autonomes, que celle-ci dirigeait son activité vers plusieurs Etats membres dont la France, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à caractériser sa volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs domiciliés dans d'autres Etats membres, a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
3°/ Alors, de plus, que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en retenant en l'espèce que la société Landwell-PwC Espagne présentait, sur son site internet, son service juridique comme le principal consultant juridique et fiscal dans le monde présent dans des centaines de marchés tant nationaux qu'internationaux, cependant que la mention examinée, en tant qu'elle vise « PWC Tax & Legal services », décrivait non pas les services offerts par la société Landwell-PwC Espagne mais ceux proposés par le réseau de franchisés, pris dans son ensemble, auquel elle appartient, exploitant sous la marque PWC, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
4°/ Alors, en outre, que si la mention selon laquelle le professionnel offre ses services ou ses biens dans un ou plusieurs États membres nommément désignés, la nature internationale de son activité ou la mention d'une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres peuvent constituer des indices de la volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou de plusieurs autres États membres, le juge doit procéder à une appréciation globale et concrète de son activité ; qu'en se fondant en l'espèce sur la seule mention, figurant sur le site internet de la société Landwell-PwC Espagne, présentant le réseau « PWC Tax & Legal services » comme le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, pour en déduire que la société Landwell-PwC Espagne exercerait ses activités dans des Etats étrangers, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y été invitée, sur la circonstance qu'en sa qualité de société d'avocats inscrits à un barreau en Espagne seulement, elle n'exerçait ses activités que dans le seul ressort territorial de l'Espagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
5°/ Alors, de surcroît, en toute hypothèse, que le juge doit caractériser la volonté du professionnel d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou de plusieurs autres États membres en procédant à une appréciation globale et concrète de son activité ; qu'en se bornant à relever que le site internet de la société Landwell-PwC Espagne mentionnait un préfixe international et présentait le réseau « PWC Tax & Legal services » comme le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, pour en déduire que le professionnel démarchait une clientèle étrangère et exerçait ses activités dans des Etats étrangers, cependant que ces circonstances étaient insuffisantes pour établir, à elles seules, que la société Landwell-PwC Espagne dirigeait ses activités vers d'autres Etats membres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
6°/ Alors, plus subsidiairement, que pour fonder la compétence dérogatoire des juridictions de l'Etat du domicile du consommateur, le juge doit caractériser la volonté du professionnel de diriger ses activités vers cet Etat en particulier ; que cette constatation ne peut résulter d'éléments de communication étrangers au professionnel concerné et établis postérieurement à la conclusion du contrat litigieux ; qu'en se fondant en l'espèce sur la circonstance que la société Landwell-PwC Espagne offrait les services d'un avocat français se présentant comme spécialiste des relations hispano-françaises, cependant que cette présentation, tirée du curriculum-vitae personnel de Me A... établi après qu'il eut quitté la société Landwell-PwC Espagne et postérieurement à la seconde offre de services conclue avec Mme Y... le 22 juin 2010, était insusceptible de caractériser la communication faite par la société Landwell-PwC Espagne elle-même préalablement à la conclusion du contrat litigieux et, partant, sa volonté de démarcher, à cette époque, une clientèle domiciliée en France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
7°/ Alors, enfin, que pour fonder la compétence dérogatoire des juridictions de l'Etat du domicile du consommateur, le juge doit caractériser la volonté du professionnel de diriger ses activités vers cet Etat en particulier ; qu'en retenant que la société Landwell-PwC Espagne bénéficie de membres en France où ces derniers exercent leur activité, sans rechercher si les sociétés membres du réseau « PWC Tax & Legal services » exerçant leur activité en France sont des personnes juridiques autonomes et distinctes de la société Landwell-PwC Espagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. | S'il résulte de l'article 1448 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506 du même code, sauf si les parties n'en sont autrement convenues, que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la
convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, la règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.
Dès lors qu'au nombre des moyens adéquats et efficaces devant garantir aux consommateurs un droit à un recours effectif doit figurer la possibilité d'introduire un recours ou de former opposition dans des conditions procédurales raisonnables, de sorte que l'exercice de leurs droits
ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui amenuisent l'exercice des droits garantis par la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (CJUE, arrêt du 21 avril 2016, C-377/14, point 46), la cour d'appel qui écarte en raison de son caractère abusif la clause compromissoire figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel, après en avoir examiné l'applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a, sans méconnaître les dispositions de l'article 1448 du code de
procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur |
315 | CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 septembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
Mme BATUT, président
Arrêt n° 557 FS-P+B
Pourvoi n° N 19-14.761
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
Mme A... C..., épouse P..., domiciliée [...] ), a formé le pourvoi n° N 19-14.761 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2019 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre A), dans le litige l'opposant à M. Y... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme C..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 mars 2019), deux enfants sont issus du mariage célébré le 11 juin 2004 en Suisse entre M. P..., de nationalités française et suisse, et Mme C..., de nationalités suisse, irlandaise et danoise. A la suite de la séparation des époux, un tribunal suisse a rendu le 9 novembre 2015 une décision par laquelle il s'est déclaré incompétent à l'égard des mesures concernant les enfants et compétent pour statuer sur les obligations alimentaires entre les époux.
2. Le 21 janvier 2016, M. P... a déposé une requête en divorce au tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse. A compter d'octobre 2016, la résidence principale des enfants a été fixée exclusivement en Suisse. Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 6 mars 2017, dont M. P... a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme C... fait grief à l'arrêt de dire que le juge français est compétent pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, alors « que dans les relations avec la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, le règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit Bruxelles II bis, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne s'applique que lorsque l'enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre ; qu'en vertu de l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens les autorités judiciaires de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant et, en cas de changement de résidence habituelle, celles de la nouvelle résidence habituelle ; qu'en retenant la compétence de la juridiction française, sur le fondement de l'article 8 du règlement européen dit Bruxelles II bis, en raison de la résidence habituelle de l'enfant en France au moment de la saisine du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 7 janvier 2016, tout en constatant que la résidence habituelle des enfants, déjà partiellement en Suisse au moment de l'introduction de l'instance en divorce du fait de leur résidence alternée, y avait été complètement transférée en octobre 2016 à la suite de l'incarcération du père, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que les juridictions suisses de la nouvelle résidence habituelle des enfants étaient compétentes en vertu de l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 seule applicable, violant ainsi ce texte ensemble l'article 61 du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, entrée en vigueur en Suisse le 1er juillet 2009 et en France, le 1er février 2011, ensemble l'article 61 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 :
4. Selon le premier de ces textes, les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens. En cas de changement licite de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l'Etat de la nouvelle résidence habituelle.
5. Selon le second texte, les dispositions du règlement et, en particulier, l'article 8.1 qui désigne, en matière de responsabilité parentale, les juridictions de l'Etat membre dans lequel l'enfant à sa résidence habituelle à la date où la juridiction est saisie, priment sur celles de la Convention de La Haye dans les seules relations entre les Etats membres.
6. Pour dire les juridictions françaises compétentes en matière d'autorité parentale et statuer sur les modalités de son exercice, après avoir énoncé que la règle de compétence générale édictée à l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 s'applique à des litiges impliquant des rapports entre les juridictions d'un seul Etat membre et celles d'un pays tiers, l'arrêt retient qu'à la date de l'introduction de la requête en divorce, en janvier 2016, les enfants étaient en résidence alternée, chez leur mère en Suisse et chez leur père en France à l'ancien domicile conjugal, qu'ils étaient scolarisés en France, qu'ils avaient depuis plusieurs années, le centre habituel de leurs intérêts dans ce pays, où ils étaient intégrés dans leur environnement social et familial. Il ajoute que ce n'est qu'à compter d'octobre 2016, à la suite de l'incarcération de leur père, que les enfants ont résidé exclusivement en Suisse, où ils ont été scolarisés avec l'accord de celui-ci donné par lettre du 1er août 2017.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la résidence habituelle des enfants avait été licitement transférée en cours d'instance dans un Etat partie à la Convention du 19 octobre 1996 mais non membre de l'Union européenne, de sorte que seule cette Convention était applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. En application de l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, dès lors que la résidence habituelle des enfants a été licitement transférée en Suisse en cours d'instance, la juridiction française est incompétente pour statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance du 6 mars 2017, en ce qu'elle a statué en ce sens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il dit le juge français compétent pour statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et la loi française applicable sur ce point, dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs est exercée conjointement par les parents, fixe la résidence des enfants mineurs chez leur mère, ordonne une expertise médico-psychologique et sursoit à statuer sur la demande relative au droit de visite du père, l'arrêt rendu le 5 mars 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONFIRME l'ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 6 mars 2017 en ce qu'elle a dit la juridiction française incompétente pour statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ;
Condamne M. P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme C... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme C...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de ce chef d'AVOIR dit que le juge français était compétent pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, d'AVOIR dit que la loi française était applicable aux modalités de l'exercice de l'autorité parentale, d'AVOIR dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs U... et M... est exercée conjointement par les deux parents et, en conséquence, d'AVOIR fixé la résidence des enfants mineurs chez leur mère, d'AVOIR ordonné une expertise médico-psychologique et d'AVOIR sursis à statuer sur la demande relative au droit de visite du père ;
AUX MOTIFS QUE « sur la compétence et la loi applicable, s'agissant de l'autorité parentale, le tribunal de première instance Suisse a statué le 9 novembre 2015, en se déclarant incompétent sur les mesures pour les enfants et compétent pour statuer sur les obligations alimentaires entre époux ; que la requête en divorce a été déposée le 21 janvier 2016 et il appartient en conséquence au juge français de vérifier sa compétence au jour de sa saisine, qui est postérieur au dit arrêt ; qu'aux termes de son article 1 le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale s'applique aux matières civiles relatives notamment au divorce, à la séparation de corps, à l'attribution, à l'exercice de la responsabilité parentale ; que l'article 8 dispose que les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ; que le paragraphe 1 s'applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12 ; que cette règle de compétence générale s'applique à des litiges impliquant des rapports entre les juridictions d'un seul État membre et celles d'un pays tiers et non pas uniquement des rapports entre deux juridictions relevant de plusieurs État membres ; que lors du dépôt de la requête en divorce les enfants étaient en résidence alternée, monsieur Y... P... résidant en France, dans l'ancien domicile conjugal et madame A... C... résidant en Suisse, que les enfants étaient scolarisés en Suisse, qu'ils ont résidé uniquement en Suisse qu'en octobre 2016, après l'incarcération de leur père à Bourg en Bresse, qu'avec l'accord du père donné par courrier du 1er août 2017 de son conseil, les enfants, ont été scolarisés en Suisse ; que dès lors il ressort de ses éléments qu'au jour où la juridiction française a été saisie, les enfants en résidence alternée chez leur père en France, dans l'ancien domicile conjugal et scolarisés en France, avaient dans ce pays depuis plusieurs années le centre habituel de leurs intérêts et était le lieu où ils étaient intégrés dans un environnement social et familial, que leur résidence habituelle étaient en conséquence fixée en France ; que l'article 9 du règlement de Bruxelles 2 bis précise que lorsqu'un enfant déménage légalement d'un État membre dans un autre et y acquiert une nouvelle résidence habituelle, les juridictions de l'État membre de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant gardent leur compétence, par dérogation à l'article 8, durant une période de trois mois suivant le déménagement, pour modifier une décision concernant le droit de visite rendue dans cet État membre avant que l'enfant ait déménagé, lorsque le titulaire du droit de visite en vertu de la décision concernant le droit de visite continue à résider habituellement dans l'État membre de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant ; que l'article 5 de la convention de la Haye du 19 octobre 1996 dispose : 1- Les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens, 2- Sous réserve de l'article 7, en cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle ; que cet article a vocation à s'appliquer au lieu et place de l'exception de l'article 9 du règlement de Bruxelles 2 bis, lorsque 1'enfant qui résidait dans un État membre vient s'installer dans un État qui n'est pas un État membre mais qui est partie à la convention de la Haye, qu'il est inapplicable en l'espèce, puisqu'une procédure avait déjà été diligentée en France lorsque les enfants sont partis vivre en Suisse, avec leur mère ; que l'article 15 de la convention de la Haye précise : 1- Dans l'exercice de la compétence qui leur est attribuée par les dispositions du chapitre II, les autorités des États contractants appliquent leur loi, 2- Toutefois, dans la mesure où la protection de la personne ou des biens de l'enfant le requiert, elles peuvent exceptionnellement appliquer ou prendre en considération la loi d'un autre État avec lequel la situation présente un lien étroit, 3- En cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, la loi de cet autre État régit, à partir du moment où le changement est survenu, les conditions d'application des mesures prises dans l'État de l'ancienne résidence habituelle ; que cependant le § 3 vise les conditions d'application de mesures déjà prises dans l'État de l'ancienne résidence habituelle et est donc inapplicable en l'espèce ; que dès lors la décision déférée doit être infirmée, le juge français étant compétent pour statuer sur les demandes relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que la loi française est applicable à l'égard des demandes relatives à la responsabilité parentale en vertu de l'article 15 de la Convention de la Haye du 19 octobre 1996, comme étant la loi des autorités de la résidence habituelle de l'enfant » ;
ALORS QUE dans les relations avec la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, le règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit Bruxelles II bis, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne s'applique que lorsque l'enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre ; qu'en vertu de l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens les autorités judiciaires de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant et, en cas de changement de résidence habituelle, celles de la nouvelle résidence habituelle ; qu'en retenant la compétence de la juridiction française, sur le fondement de l'article 8 du règlement européen dit Bruxelles II bis, en raison de la résidence habituelle de l'enfant en France au moment de la saisine du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 7 janvier 2016, tout en constatant que la résidence habituelle des enfants, déjà partiellement en Suisse au moment de l'introduction de l'instance en divorce du fait de leur résidence alternée, y avait été complètement transférée en octobre 2016 à la suite de l'incarcération du père, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que les juridictions suisses de la nouvelle résidence habituelle des enfants étaient compétentes en vertu de l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 seule applicable, violant ainsi ce texte ensemble l'article 61 du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003. | Selon l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens. En cas de changement licite de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l'Etat de la nouvelle résidence habituelle.
Selon l'article 61 du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, les dispositions du règlement et, en particulier, l'article 8.1 qui désigne, en matière de responsabilité parentale, les juridictions de l'Etat membre dans lequel l'enfant à sa résidence habituelle à la date où la juridiction est saisie, priment sur celles de la Convention de La Haye dans les seules relations entre les Etats membres.
Dès lors, viole ces textes la cour d'appel qui retient la compétence des juridictions françaises alors qu'il résultait de ses constatations que la résidence habituelle de l'enfant avait été licitement transférée en cours d'instance dans un Etat partie à la Convention du 19 octobre 1996 mais non membre de l'Union européenne, de sorte que seule cette Convention était applicable |
316 | Q1912992CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 887 FS P+B+I
Pourvoi n° Q 19-12.992
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
1°/ Mme V... K..., épouse R..., domiciliée [...] ,
2°/ M. T... R..., domicilié [...] ,
3°/ Mme J... K..., domiciliée [...] ,
4°/ M. X... U..., domicilié [...] ,
ont formé le pourvoi n° Q 19-12.992 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme V... K..., épouse R..., de M. R..., de Mme J... K... et de M. U..., de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, conseillers, Mme Touati, M. Talabardon, Mme Guého, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 novembre 2018 ), M... R... a été victime, le 24 juin 2014 au Portugal, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par un ressortissant portugais et assuré auprès de la société Generali Companhia de seguros. Elle est décédée des suites de cet accident.
2. Mme V... K... épouse R..., sa mère, M. R..., son père, Mme J... K..., sa grand mère et M. U..., son compagnon (les consorts R...), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ( CIVI ) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
3. Les consorts R... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête en indemnisation, alors :
1°/ « que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits, en dehors du champ de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ont notamment entraîné la mort d'une personne de nationalité française, ou bien une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; qu'ainsi, la législation française concernant l'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI institue un droit à réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger, y compris en matière d'accident de la circulation ; qu'en l'espèce, les éléments de l'enquête pénale produite par les exposants établissant que M... R... était décédée victime d'une infraction lors d'un accident de la circulation survenu au Portugal, et dont le tiers responsable avait été condamné pour homicide par négligence, les exposants étaient fondés à demander réparation intégrale de leurs dommages auprès de la CIVI ; qu'en déclarant dès lors irrecevable cette demande, au motif erroné que l'indemnisation relevait du FGAO, la cour a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ; »
2°/ « que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits, en dehors du champ de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ont notamment entraîné la mort d'une personne de nationalité française, ou bien une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; qu'ainsi, la législation française concernant l'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI institue un droit à réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger, y compris en matière d'accident de la circulation ; qu'en excluant dès lors l'accident de la circulation survenu du champ de l'article 706-3 du code de procédure pénale, sous prétexte que les exposants auraient vocation à être indemnisés subsidiairement par le FGAO, la cour a derechef violé ce texte ; »
3°/ « que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits, en dehors du champ de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ont notamment entraîné la mort d'une personne de nationalité française, ou bien une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; qu'ainsi, la législation française concernant l'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI institue un droit à réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger, y compris en matière d'accident de la circulation ; qu'en décidant dès lors de déclarer irrecevable la demande des exposants, au motif que l'accident mortel survenu au Portugal pourrait être l'objet d'une indemnisation subsidiaire du FGAO, désigné comme organisme d'indemnisation par l'article L. 421-1 du code des assurances, quand l'indemnisation par le FGTI, quant à elle, n'a aucun caractère subsidiaire, ce qui autorisait les exposants à la solliciter, la cour a derechef violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.
5. Après avoir constaté que l'accident de la circulation dont a été victime M... R... s'était produit au Portugal, Etat partie à l'Union européenne, et avait impliqué un véhicule conduit par un ressortissant portugais et assuré au Portugal, la cour d'appel a exactement retenu que cet accident relevait de la compétence du FGAO, désigné comme organisme d'indemnisation par l'article L. 421-1 du code des assurances, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime, ce qui excluait la compétence de la CIVI telle quelle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale.
6. La cour d'appel en a justement déduit que la requête en indemnisation présentée par les consorts R... auprès de la CIVI était irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme V... K..., épouse R..., M. R..., Mme J... K... et M. U... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme V... K..., épouse R..., M. R..., Mme J... K... et M. U... ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur conformément aux dispositions des article 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour Mme V... K..., épouse R..., M. R..., Mme J... K... et M. U...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la requête en indemnisation présentée par Mme V... K..., épouse R..., M. T... R..., Mme J... K... et M. X... U...,
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes : 1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 [n° 2000-1257 du 23 décembre 2000] ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ; 2° Ces faits : - soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ; - soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ; 3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national ; la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; que l'article 83 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière a transposé en droit interne la directive 2000/26/CE du Parlement et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil, dite IVe directive relative à l'assurance automobile ; que l'article L. 310-2-2 du code des assurances, issu de cette loi n° 2003-706, énonce notamment : Toute entreprise d'assurance soumise au contrôle de l'Etat en vertu des dispositions du troisième alinéa (2°) de l'article L. 310-1 et ayant obtenu un agrément lui permettant de couvrir les risques de responsabilité civile résultant de l'emploi de véhicules terrestres à moteur, à l'exclusion de la responsabilité du transporteur, désigne librement dans chacun des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen un représentant qui a pour mission de traiter et régler, dans l'Etat de résidence de la personne lésée, les sinistres résultant d'un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule qu'elle assure, survenu sur le territoire d'un des Etats désignés ci-dessus, à l'exclusion de l'Etat de résidence de la personne lésée, et ayant causé des préjudices à cette personne ; que la loi n° 2003-706 a également créé un organisme d'information dont le fonctionnement est régi par les articles L. 451-1 à L. 451-4 du code des assurances ; que la loi n° 2003-706 a aussi établi un organisme d'indemnisation dont les missions sont déterminées par les articles L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; que l'article L. 424-1 énonce : Un organisme d'indemnisation indemnise les personnes lésées, résidant en France, ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d'accidents survenus sur le territoire métropolitain d'un Etat partie à l'Espace économique européen, autre que l'Etat français, et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces Etats ; que sans préjudice de la législation des pays tiers en matière de responsabilité civile et du droit international privé, les dispositions du présent article s'appliquent également aux personnes lésées résidant en France et ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d'accidents survenus dans un pays tiers dont le bureau national d'assurance a adhéré au régime de la carte internationale d'assurance, lorsque les accidents en question sont causés par la circulation de véhicules assurés et stationnés de façon habituelle dans un Etat membre de l'Union européenne ; qu'il résulte de l'article L. 424-2 que si une des trois conditions prévues par cettedisposition est remplie, la victime d'un accident de la circulation survenu dans un Etat partie à l'Espace économique européen autre que celui où elle réside peut saisir l'organisme d'indemnisation de son pays de résidence : - si aucune offre ou réponse motivée ne lui a été présentée par l'assureur du responsable ou de son représentant dans le délai de trois mois après sa demande, - si l'assureur du responsable n'a pas désigné de représentant dans son pays de résidence, - si l'identification du véhicule auteur est impossible ou si, deux mois après l'accident, l'identification de l'entreprise d'assurance n'a pas été possible ; que l'article L. 424-3 prévoit notamment : l'organisme d'indemnisation intervient dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la personne lésée lui présente une demande d'indemnisation. Il cesse son intervention si, dans ce délai de deux mois, l'entreprise d'assurance ou son représentant chargé du règlement des sinistres a donné une réponse motivée à la demande ; que l'offre de l'organisme d'indemnisation a un caractère subsidiaire ; que la cour note enfin que l'article L. 421-1 du code des assurances a été complété, par la loi n° 2003-706, par un alinéa disposant que le FGAO est l'organisme chargé des missions mentionnées aux articles L. 424-1 à L. 424-7 ; qu'il résulte de ces articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances que le FGAO intervient comme organisme d'indemnisation dans un délai de deux mois après la demande d'indemnisation de la personne lésée, résidant en France, ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d'accidents survenus sur le territoire métropolitain d'un Etat partie à l'Espace économique européen, autre que l'Etat français, et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces Etats, de sorte que les dommages garantis par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 sont exclus de la compétence de la CIVI telle quelle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO, désigné comme organisme d'indemnisation par la loi n° 2003-706, intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser directement la victime en application du mécanisme d'indemnisation directe par l'assureur du ou des véhicules impliqués mis en place par la IVe directive sur l'assurance automobile transposée par l'article 83 de la loi n° 2003-706 ; qu'à titre surabondant, la cour observe que les dommages causés à une victime à l'occasion d'un accident de la circulation survenu sur le territoire métropolitain d'un Etat partie à l'Espace économique européen étant garantis par le FGAO, la circonstance que le droit applicable pour l'indemnisation de la personne lésée soit le droit en vigueur sur le territoire de l'Etat de survenance de l'accident, en application de l'article L. 424-6 du code des assurances, et de la Convention de la Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, ne fait pas entrer l'indemnisation de la victime dans le champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, lesdits dommages étant exclus de la compétence de la CIVI ; qu'en l'espèce, il n'est ni contesté ni contestable que l'accident de la circulation dont a été victime M... R... s'est produit le 24 juin 2014, sur la route nationale 124-1 dans le sens Lagoa-Carvoeiro, au Portugal, Etat partie à l'Espace économique européen, ledit accident de la circulation résultant de la collision entre le véhicule Opel Corsa, immatriculé [...] et assuré auprès de « Zurich Seguros », domicilié [...] », dans lequel M... R... était passagère, et le véhicule Fiat, immatriculé [...], assuré auprès de « Generali - Companhia de seguros », domiciliée « [...] », et conduit par un ressortissant portugais résidant à [...] ; qu'il s'ensuit que le décès de M... R... le 24 juin 2014 résulte d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur et relève de la compétence du FGAO désigné comme organisme d'indemnisation par l'article L. 421-1 du code des assurances, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime, ce qui exclut la compétence de la CIVI telle quelle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, c'est à tort que la CIVI a dit recevable la requête présentée par les époux R..., Mme J... K... et M. U... ; que la décision attaquée sera donc infirmée en toutes ses dispositions et la requête en indemnisation présentée par les époux R..., Mme J... K... et M. U... sera déclarée irrecevable ;
1° ALORS QUE toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits, en dehors du champ de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ont notamment entraîné la mort d'une personne de nationalité française, ou bien une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; qu'ainsi, la législation française concernant l'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI institue un droit à réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger, y compris en matière d'accident de la circulation ; qu'en l'espèce, les éléments de l'enquête pénale produite par les exposants établissant que M... R... était décédée victime d'une infraction lors d'un accident de la circulation survenu au Portugal, et dont le tiers responsable avait été condamné pour homicide par négligence, les exposants étaient fondés à demander réparation intégrale de leurs dommages auprès de la CIVI ; qu'en déclarant dès lors irrecevable cette demande, au motif erroné que l'indemnisation relevait du FGAO, la cour a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
2° ALORS QUE toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits, en dehors du champ de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ont notamment entraîné la mort d'une personne de nationalité française, ou bien une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; qu'ainsi, la législation française concernant l'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI institue un droit à réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger, y compris en matière d'accident de la circulation ; qu'en excluant dès lors l'accident de la circulation survenu du champ de l'article 706-3 du code de procédure pénale, sous prétexte que les exposants auraient vocation à être indemnisés subsidiairement par le FGAO, la cour a derechef violé ce texte ;
3° ALORS QUE toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits, en dehors du champ de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ont notamment entraîné la mort d'une personne de nationalité française, ou bien une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; qu'ainsi, la législation française concernant l'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI institue un droit à réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger, y compris en matière d'accident de la circulation ; qu'en décidant dès lors de déclarer irrecevable la demande des exposants, au motif que l'accident mortel survenu au Portugal pourrait être l'objet d'une indemnisation subsidiaire du FGAO, désigné comme organisme d'indemnisation par l'article L. 421-1 du code des assurances, quand l'indemnisation par le FGTI, quant à elle, n'a aucun caractère subsidiaire, ce qui autorisait les exposants à la solliciter, la cour a derechef violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. | Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.
Dès lors, une cour d'appel qui constate qu'un accident s'est produit au Portugal et impliquant un véhicule conduit par un ressortissant portugais et assuré au Portugal, en déduit justement que la requête en indemnisation présentée par les victimes auprès de la CIVI est irrecevable |
317 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 492 FS-P+B
Pourvoi n° C 19-12.751
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
M. V... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-12.751 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au Syndicat d'irrigation départemental drômois, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. D..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Syndicat d'irrigation départemental drômois, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 décembre 2018) et les productions, M. D... (l'exploitant), exploitant agricole, est propriétaire de parcelles à Châteaudouble situées à proximité du canal de la Martinette alimenté notamment par la rivière Lierne. Il est membre d'une association syndicale autorisée (ASA) ayant pour objet la gestion de ces eaux. Au cours de l'année 2013, le Syndicat d'irrigation départemental drômois (le syndicat) a procédé à des sondages dans l'une de ces parcelles, sur laquelle se trouve une prise d'eau reliée au canal, destinée à l'irrigation pour les besoins de l'exploitation agricole.
2. Par arrêté du 25 mars 2014, le préfet de la Drôme a mis en demeure l'ASA de déposer une demande d'autorisation de prélèvement dans la rivière Lierne. Soutenant être titulaire de droits d'eau fondés en titre, l'ASA a saisi, aux fins d'annulation de l'arrêté, le tribunal administratif qui, par jugement du 21 juin 2016, a rejeté sa requête. L'exploitant a, alors, assigné le syndicat devant la juridiction judiciaire en vue de faire reconnaître l'existence de droits d'eau fondés en titre attachés aux parcelles dont il est propriétaire. Le syndicat a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'exploitant fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige, alors :
« 1°/ que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des questions de propriété immobilière privée, en particulier celles portant sur l'existence d'un droit réel immobilier ; que les droits d'usage d'eau sont des droits réels immobiliers ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer le tribunal de grande instance de Valence incompétent pour connaître des demandes de l'exploitant tendant à la reconnaissance de droits d'usage d'eau fondés en titre attachés à sa propriété, qu'il s'agit de droits d'usage et non de droits propriété, la cour d'appel a violé le principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des questions de propriété immobilière privée, en particulier celles portant sur l'existence d'un droit réel immobilier, lorsque l'immeuble en question n'appartient pas au domaine public ; qu'en déclarant le tribunal de grande instance de Valence incompétent pour connaître des demandes de l'exploitant tendant à la reconnaissance de droits d'usage d'eau fondés en titre attachés à sa propriété sans constater que lesdits droits portaient sur un cours d'eau domanial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
4. Saisi par la Cour de cassation (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 19-12.751, publié), en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le Tribunal des conflits a, par arrêt du 8 juin 2020 (n° 4190), énoncé :
« Les droits fondés en titre constituent des droits d'usage de l'eau. Ils ont le caractère de droits réels immobiliers. Toutefois, tout en confirmant le régime des droits acquis, les dispositions législatives du code de l'environnement relatives à la police de l'eau les ont inclus dans leur champ d'application. En particulier, le II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement dispose que les installations et ouvrages fondés en titre « sont réputés déclarés ou autorisés » pour l'application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code et les droits fondés en titre sont soumis aux conditions générales d'abrogation, de révocation et de modification des autorisations définies par les articles L. 214-4 et L. 215-10 du même code. En outre, l'autorité administrative exerçant ses pouvoirs de police de l'eau peut modifier la portée d'un droit fondé en titre en imposant le respect de prescriptions. Il appartient dès lors à la juridiction administrative de se prononcer sur l'existence ou la consistance d'un droit d'usage de l'eau fondé en titre et de statuer sur toute contestation sur l'un ou l'autre de ces points. Il appartient en revanche au juge judiciaire de connaître de toute contestation relative à la personne titulaire d'un tel droit. Lorsque, dans le cadre d'un litige porté devant lui, l'existence ou la consistance du droit est contestée, le juge judiciaire reste compétent pour connaître du litige, sauf si cette contestation soulève une difficulté sérieuse, notamment parce qu'elle porte sur une décision affectant l'existence ou la consistance du droit que l'administration a prise ou qu'il pourrait lui être demandé de prendre dans l'exercice de ses pouvoirs de police de l'eau. Dans un tel cas, il appartient au juge judiciaire de saisir de cette question, par voie préjudicielle, le juge administratif. Il résulte de ce qui précède que le présent litige ressortit à la compétence de la juridiction administrative. »
5. Conformément à l'article 11 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, cette décision s'impose à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif.
6. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. D....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Valence incompétent pour statuer sur les demandes de M. D... et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
AUX MOTIFS PROPRES QUE sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d'eau sur des cours d'eaux non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux ; que les droits fondés en titre constituent des droits d'usage particuliers de l'eau exclusivement attachés à des ouvrages situés sur les cours d'eau ; qu'il s'agit de droits d'usage et non de propriété qui relèvent, en l'absence de voie de fait, de la compétence des juridictions administratives ; qu'en l'espèce, il n'est allégué aucune voie de fait ; que la reconnaissance des droits invoqués par V... D... relève donc de la compétence du juge administratif ; que la décision déférée doit être confirmée ;
ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale les prises d'eau sur des cours d'eaux non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit ont été établies en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux ; qu'une prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date (en ce sens notamment : Conseil d'Etat, 16 janvier 2006 n° 263010 et 7 février 2007 n° 280373) ; que les droits fondés en titre constituent de simples droits d'usage particuliers de l'eau, exclusivement attachés à des ouvrages situés sur les cours d'eau (réseaux d'irrigation collective, canaux, moulins, retenues des barrages et des centrales électriques, étangs, autres ouvrages annexes
) et ne peuvent en aucun cas être assimilés à un droit de propriété ; que toutes les demandes visant à la reconnaissance de tels droits par l'administration, ou à l'annulation d'une décision de celle-ci impliquant leur contestation, leur limitation ou leur suppression, relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative (en ce sens notamment : Conseil d'Etat, 26 janvier 2006 n° 263010 et 7 février 2007 n° 280373) ; que dans le présent [litige], il convient de relever que les demandes formées par M. V... D..., dirigées à l'encontre de l'établissement public dénommé Syndicat d'irrigation drômois (SID), autorisant le captage de l'eau provenant de la source Matras depuis le canal de la Martinette pour les besoins de son exploitation agricole, et à s'opposer à toute décision administrative de nature à restreindre ou à modifier les conditions de ce captage ; que de telles demandes relèvent de la compétence exclusive du juge administratif ;
1) ALORS QUE le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des questions de propriété immobilière privée, en particulier celles portant sur l'existence d'un droit réel immobilier ; que les droits d'usage d'eau sont des droits réels immobiliers ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer le tribunal de grande instance de Valence incompétent pour connaître des demandes de M. D... tendant à la reconnaissance de droits d'usage d'eau fondés en titre attachés à sa propriété, qu'il s'agit de droits d'usage et non de droits propriété, la cour d'appel a violé le principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2) ALORS QUE le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des questions de propriété immobilière privée, en particulier celles portant sur l'existence d'un droit réel immobilier, lorsque l'immeuble en question n'appartient pas au domaine public ; qu'en déclarant le tribunal de grande instance de Valence incompétent pour connaître des demandes de M. D... tendant à la reconnaissance de droits d'usage d'eau fondés en titre attachés à sa propriété sans constater que lesdits droits portaient sur un cours d'eau domanial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. | Saisi par la Cour de cassation (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 19-12.751, Bull. 2020, I, (renvoi devant le Tribunal des conflits et sursis à statuer)), en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le Tribunal des conflits a, par arrêt du 8 juin 2020 (n° 4190), énoncé que les droits fondés en titre constituent des droits d'usage de l'eau qui ont le caractère de droits réels immobiliers. Il a ajouté que tout en confirmant le régime des droits acquis, les dispositions législatives du code de l'environnement relatives à la police de l'eau les ont inclus dans leur champ d'application et que l'autorité administrative exerçant ses pouvoirs de police de l'eau peut modifier la portée d'un droit fondé en titre en imposant le respect de prescriptions. Il a jugé qu'il appartient dès lors à la juridiction administrative de se prononcer sur l'existence ou la consistance d'un droit d'usage de l'eau fondé en titre et de statuer sur toute contestation sur l'un ou l'autre de ces points.
Le moyen qui postule le contraire ne peut donc être accueilli |
318 | CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 493 FS-P+B
Pourvoi n° G 19-12.894
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
Le Conseil national des barreaux, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-12.894 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Demander justice, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à l'ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Conseil national des barreaux et de l'ordre des avocats au barreau de Paris, de la SCP Gaschignard, avocat de la société Demander justice, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen rapporteur, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2018), la société Demander justice (la société) exploite deux sites Internet intitulés [...] et [...], lesquels, moyennant rémunération, ont mis à la disposition des internautes des déclarations de saisine d'un tribunal d'instance, d'une juridiction de proximité ou d'un conseil de prud'hommes, pouvant être complétées en ligne avec les informations utiles et étant ensuite adressées par la société en format papier au greffe de la juridiction, revêtues d'une signature électronique du demandeur et accompagnées des pièces justificatives.
2. Le Conseil national des barreaux (le CNB) a, le 8 décembre 2014, assigné la société aux fins d'obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser toute activité d'assistance et de représentation en justice, de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé, ainsi que l'exploitation des sites Internet litigieux, en invoquant notamment l'existence d'une pratique commerciale trompeuse. L'ordre des avocats au barreau de Paris (l'ordre des avocats) est intervenu volontairement à l'instance et a formé les mêmes demandes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le CNB, auquel s'associe l'ordre des avocats, fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que constitue une pratique trompeuse le fait pour un professionnel d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du service qu'il propose, notamment sur sa capacité à atteindre le résultat promis et sur la validité des actes qu'il accomplit ; qu'en écartant la commission par la société, qui promet à ses clients « la constitution d'un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile [leur] évitant ainsi tout rejet de [leur] dossier pour vice de forme », de pratiques commerciales trompeuses résultant de l'envoi pour le compte de ses clients aux greffes des juridictions d'actes de saisine intrinsèquement nuls car dépourvus de signature manuscrite, aux motifs inopérants que cette nullité pourrait être couverte à l'audience, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, ensemble les articles 58, 115 et 121 du code de procédure civile ;
2°/ que constitue une pratique trompeuse le fait pour un professionnel d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du service qu'il propose, notamment sur sa capacité à atteindre le résultat promis et sur la validité des actes qu'il accomplit ; qu'en jugeant, pour écarter la commission par la société, qui promet à ses clients « la constitution d'un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile [leur] évitant ainsi tout rejet de [leur] dossier pour vice de forme », de pratiques commerciales trompeuses résultant de l'envoi pour le compte de ses clients aux greffes des juridictions d'actes de saisine intrinsèquement nuls car dépourvus de signature manuscrite, que la nullité ne sera pas prononcée « faute pour le défendeur de prouver le grief que lui aurait causé l'irrégularité qu'il soulève », quand, l'existence du grief causé par un vice de forme étant appréciée in concreto, il ne pouvait être par principe exclu que l'absence de signature ne causerait jamais aucun grief au défendeur, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, ensemble les articles 58 et 114 du code de procédure civile ;
3°/ que constitue une pratique trompeuse le fait pour un professionnel d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du service qu'il propose, notamment sur sa capacité à atteindre le résultat promis et sur la validité des actes qu'il accomplit ; qu'en jugeant, pour écarter la commission par la société, qui promet à ses clients « la constitution d'un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile [leur] évitant ainsi tout rejet de [leur] dossier pour vice de forme », de pratiques commerciales trompeuses résultant de l'envoi pour le compte de ses clients aux greffes des juridictions d'actes de saisine intrinsèquement nuls car dépourvus de signature manuscrite, que « cette façon de procéder n'[a] pas posé de difficulté sauf dans une demi-douzaine de cas, les internautes étant informés de la solution consistant à réitérer la saisine avec la signature manuelle de la déclaration » et précisant sur ce dernier point que « la société Demander Justice prévient [
] les visiteurs de son site que certains tribunaux (une demi-douzaine recensée) ne considère pas comme valide ce mode de saisine, de sorte que dans cette hypothèse, les clients, qui se trouveraient dans cette situation rarissime, auront à signer manuellement la déclaration de saisine », quand cette information était elle-même trompeuse, faute pour la société d'avertir ses clients sur l'existence systématique d'un risque de voir prononcée la nullité de l'acte de saisine établi par son intermédiaire, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, ensemble l'article 58 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. En premier lieu, selon l'article 58, alinéa 8, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, concernant la demande en justice en matière contentieuse, la requête ou la déclaration par laquelle le demandeur saisit la juridiction est datée et signée. L'article 843 du code de procédure civile, relatif à la saisine du tribunal d'instance, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret précité, précise que la déclaration doit notamment contenir les mentions prescrites par l'article 58 de ce code et l'article R. 1452-2 du code du travail, relatif à la saisine du conseil des prud'hommes, énonce qu'à peine de nullité, la requête comporte les mentions prescrites à l'article 58 du code de procédure civile.
5. Le recours à une signature électronique en procédure civile a été réservé par l'article 1er du décret n° 2010-434 du 29 avril 2010 aux actes accomplis par les auxiliaires de justice.
6. L'irrégularité ou l'absence d'une signature figurant sur la requête ou la déclaration de saisine relève du régime de la nullité des actes pour vice de forme prévu à l'article 114 du code procédure civile, qui ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire de prouver un grief et qui, selon l'article 115, peut être couverte par la régularisation ultérieure de l'acte.
7. En second lieu, il résulte des articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse lorsque, soit elle contient des informations fausses, soit elle est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, et est en outre de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique de celui-ci en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement (1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-13.669, publié, et Com., 4 octobre 2016, pourvoi n° 14-22.245, Bull. 2016, IV, n° 128).
8. Après avoir constaté que les actes de saisine des juridictions, signés électroniquement par les requérants, sont accompagnés de justificatifs de leur authentification et relevé, par motifs propres et adoptés, que la société prévient les visiteurs de ses sites que certains tribunaux ne considèrent pas comme valide un tel mode de saisine, de sorte qu'il leur incomberait de réitérer la saisine, lors de l'audience, en signant manuellement leur déclaration, l'arrêt retient, à bon droit, que, dans l'hypothèse où la saisine serait contestée, une nullité ne saurait, conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, être prononcée, dès lors que le demandeur comparaîtrait à l'audience et que le défendeur ne prouverait pas l'existence d'un grief.
9. La cour d'appel a pu en déduire que l'irrégularité liée à la signature électronique ne faisait pas obstacle au jugement des affaires en cause et que les internautes étaient informés de l'éventualité qu'elle soit relevée et du moyen d'y remédier, de sorte que les indications données par la société sur ses sites relatives à la saisine des juridictions ne caractérisaient pas une pratique commerciale trompeuse.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Conseil national des barreaux
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le CNB de ses demandes tendant à voir juger que la société Demander Justice se livre à des pratiques commerciales trompeuses, à voir ordonner à la société Demander Justice de cesser son activité telle qu'exercée au travers des sites [...] et [...], à voir ordonner sous astreinte la fermeture de ces deux sites sous astreinte de 5 000 euros par jour à compter de la signification à partie de l'arrêt à intervenir et à condamner la société Demander Justice à payer au CNB la somme d'un euro symbolique en réparation du préjudice causé à la profession d'avocats du fait de ses agissements ;
AUX MOTIFS PROPRES qu'il convient d'examiner successivement les griefs du CNB et de l'ordre des avocats au barreau de Paris à l'encontre de la société Demander Justice : assistance juridique interdite, actes juridiques interdits, représentation en justice interdite, signature irrégulière de la saisine, démarchage interdit, publicité trompeuse, usage irrégulier des trois couleurs bleu-blanc -rouge ; qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mars 2016 devenu définitif après le rejet du pourvoi par l'arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2017, décrivant le système mis en place par la société Demander Justice dirigée par M. J... I..., que celui-ci a créé deux sites internet, permettant aux justiciables, moyennant le règlement d'un prix forfaitaire, adapté à la prestation choisie, de faire envoyer à leur adversaire une mise en demeure à partir d'un modèle correspondant à l'objet du litige, qu'ils complètent en ligne avec les informations utiles, puis le cas échéant, de faire saisir un tribunal d'instance ou un juge de proximité ou un conseil de prud'hommes, la société se chargeant d'envoyer au greffe de la juridiction compétente une déclaration signée électroniquement et accompagnée des pièces justificatives ; que la société Demander Justice met ainsi à la disposition des internautes qui sont confrontés à un litige qu'ils ne peuvent résoudre, pour un montant et dans un domaine où le ministère d'avocat n'est pas obligatoire, un logiciel leur permettant de choisir, parmi un certain nombre de thèmes, celui qui les préoccupe pour envoyer à l'adversaire, selon le modèle proposé, une lettre de mise en demeure qui lui sera expédiée, avec la possibilité, en cas d'absence de réponse, d'adresser une déclaration de saisine de la juridiction compétente désignée par un logiciel en libre accès du ministère de la justice ; que l'internaute justiciable, qui choisit librement et seul de déclencher le processus, (lettre recommandée puis le cas échéant saisine du tribunal), manifeste sa volonté de saisir la juridiction en appuyant sur un bouton de signature électronique, laquelle est certifiée par un organisme agréé, la déclaration de saisine générée par le logiciel étant ensuite matérialisée et expédiée à la juridiction par un prestataire avec application d'une signature mécanique ; que les appelants reprochent à la société Demander Justice une activité d'assistance juridique, réservée à la profession d'avocat ; Considérant cependant que comme il a été déjà été relevé, tant par les juridictions pénales que par les premiers juges civils, l'assistance juridique, que seul un avocat peut apporter à son client, se manifeste essentiellement par ce qu'il est convenu d'appeler une prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait personnelle au justiciable pour y appliquer ensuite la règle de droit abstraite correspondante ; qu'en l'espèce c'est l'internaute-justiciable qui fait seul ce travail en choisissant parmi les modèles proposés et classés celui qui convient à son cas, un peu comme le faisaient auparavant les utilisateurs de recueils de modèles de lettres prévues dans un grand nombre de situations classiques de conflits ; que le site Demander Justice effectue ainsi une prestation matérielle de mise à disposition d'une bibliothèque documentaire et non une assistance juridique au sens précité ; que l'envoi de la déclaration est également une prestation matérielle d'entreprise ; que le fait que la société commerciale Demander Justice recrute un personnel de juristes qualifiés s'explique par la nécessité d'offrir une documentation parfaitement à jour et opérationnelle ; qu'il n'est pas suffisamment justifié par le CNB et l'ordre des avocats au barreau de Paris, à qui une telle preuve incombe, que le personnel du service téléphonique, tenu par une charte lui interdisant expressément de le faire, aurait dépassé sa mission de simple renseignement sur le fonctionnement du site et donné des conseils d'ordre juridique personnalisés assimilables à de l'assistance juridique interdite ; que la lettre de mise en demeure n'est pas remplie par la société Demander Justice qui en fournit seulement un modèle, de sorte qu'il n'est pas possible de lui faire grief, ce faisant, de rédiger un acte juridique ; que, sur le grief de représentation juridique, l'internaute-justiciable ne donne pas mandat à la société Demander Justice de le représenter devant la juridiction saisie, cette société se bornant à faire envoyer par un prestataire une impression papier de la déclaration de saisine, signée électroniquement au préalable par le requérant, accompagnée des justificatifs de l'authentification de celle-ci et revêtue d'une signature mécanique ; que la société Demander Justice prévient d'ailleurs les visiteurs de son site que certains tribunaux (une demi-douzaine recensée) ne considère pas comme valide ce mode de saisine, de sorte que dans cette hypothèse, les clients, qui se trouveraient dans cette situation rarissisme, auront à signer manuellement la déclaration de saisine ; qu'en agissant ainsi, la société Demander Justice, qui exécute son contrat d'entreprise, n'effectue aucune tache de représentation en justice qui lui serait interdite comme réservée aux avocats, une éventuelle irrégularité dans la déclaration de saisine étant indifférente à l'absence de mandat de représentation donné par le requérant, lequel, seul présent à l'audience de la juridiction, sera à même de confirmer qu'il est bien à l'origine de la démarche ; qu'en l'absence de toute activité de consultation ou de rédaction d'actes en matière juridique par la société Demander Justice, il ne peut y avoir d'activité illégale de démarchage à cette fin, ni de publicité trompeuse au sens du décret 72-785 du 25 août 1972 ; Considérant que sur les pratiques commerciales trompeuses alléguées, s'agissant de la saisine par internet, force est de constater que dans la quasi-totalité des cas les internautes-justiciables effectuent la saisine de la juridiction compétente de cette façon, de sorte qu'il est abusif de prétendre que l'indication d'une saisine par internet serait trompeuse ; qu'il en va de même de la signature mécanique ou esthétique apposée sur la déclaration de saisine pour matérialiser la signature électronique, cette façon de procéder n'ayant pas posé de difficulté sauf dans une demi-douzaine de cas, les internautes étant informés de la solution consistant à réitérer la saisine avec la signature manuelle de la déclaration ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'à l'issue du process mis en place par la société Demander Justice, la juridiction est en tout état de cause formellement saisie, ce par la réception d'une déclaration au greffe, peu important à cet égard l'exactitude des éléments que cet acte contient et notamment ceux relatifs à l'identité des parties, le greffe ne pouvant en aucun cas apprécier de sa recevabilité s'agissant d'une question qui relève du seul juge et, le cas échéant, du régime de nullité des actes de procédure ; qu'aussi, dans l'hypothèse où la saisine viendrait à être ultérieurement contestée, en particulier au motif que l'exemplaire physique de la déclaration adressé à la juridiction ne comporte pas une signature authentique, dès lors que demandeur comparaîtrait à l'audience et faute pour le défendeur de prouver le grief que lui aurait causé l'irrégularité qu'il soulève, conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité ne saurait pas être prononcée ; qu'il ne résulte dès lors pas de ce qui précède que puissent être retenus les faits de tromperie allégués par la partie demanderesse et les demandes de ces chefs doivent être rejetées ;
1°) ALORS QUE constitue une pratique trompeuse le fait pour un professionnel d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du service qu'il propose, notamment sur sa capacité à atteindre le résultat promis et sur la validité des actes qu'il accomplit ; qu'en écartant la commission par la société Demander Justice, qui promet à ses clients « la constitution d'un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile [leur] évitant ainsi tout rejet de [leur] dossier pour vice de forme », de pratiques commerciales trompeuses résultant de l'envoi pour le compte de ses clients aux greffes des juridictions d'actes de saisine intrinsèquement nuls car dépourvus de signature manuscrite, aux motifs inopérants que cette nullité pourrait être couverte à l'audience, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, ensemble les articles 58, 115 et 121 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE constitue une pratique trompeuse le fait pour un professionnel d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du service qu'il propose, notamment sur sa capacité à atteindre le résultat promis et sur la validité des actes qu'il accomplit ; qu'en jugeant, pour écarter la commission par la société Demander Justice, qui promet à ses clients « la constitution d'un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile [leur] évitant ainsi tout rejet de [leur] dossier pour vice de forme », de pratiques commerciales trompeuses résultant de l'envoi pour le compte de ses clients aux greffes des juridictions d'actes de saisine intrinsèquement nuls car dépourvus de signature manuscrite, que la nullité ne sera pas prononcée « faute pour le défendeur de prouver le grief que lui aurait causé l'irrégularité qu'il soulève », quand, l'existence du grief causé par un vice de forme étant appréciée in concreto, il ne pouvait être par principe exclu que l'absence de signature ne causerait jamais aucun grief au défendeur, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, ensemble les articles 58 et 114 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE constitue une pratique trompeuse le fait pour un professionnel d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du service qu'il propose, notamment sur sa capacité à atteindre le résultat promis et sur la validité des actes qu'il accomplit ; qu'en jugeant, pour écarter la commission par la société Demander Justice, qui promet à ses clients « la constitution d'un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile [leur] évitant ainsi tout rejet de [leur] dossier pour vice de forme », de pratiques commerciales trompeuses résultant de l'envoi pour le compte de ses clients aux greffes des juridictions d'actes de saisine intrinsèquement nuls car dépourvus de signature manuscrite, que « cette façon de procéder n'[a] pas posé de difficulté sauf dans une demidouzaine de cas, les internautes étant informés de la solution consistant à réitérer la saisine avec la signature manuelle de la déclaration » et précisant sur ce dernier point que « la société Demander Justice prévient [
] les visiteurs de son site que certains tribunaux (une demi-douzaine recensée) ne considère pas comme valide ce mode de saisine, de sorte que dans cette hypothèse, les clients, qui se trouveraient dans cette situation rarissime, auront à signer manuellement la déclaration de saisine » (arrêt, p. 12, § 5), quand cette information était elle-même trompeuse, faute pour la société Demander Justice d'avertir ses clients sur l'existence systématique d'un risque de voir prononcé la nullité de l'acte de saisine établi par son intermédiaire, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, ensemble l'article 58 du code de procédure civile. | Après avoir retenu à bon droit que, si des actes de saisine de juridictions, mis à disposition des internautes, complétés en ligne, et transmis par une société en format papier au greffe de la juridiction, étaient irréguliers comme étant signés électroniquement, cette irrégularité ne saurait, conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, être prononcée, dès lors que le demandeur comparaîtrait à l'audience et que le défendeur ne prouverait pas l'existence d'un grief et relevé que la société informait les visiteurs de ses sites de l'éventualité que cette irrégularité soit relevée et du moyen d'y remédier en signant manuellement leur déclaration, une cour d'appel a pu en déduire que, cette irrégularité ne faisant pas obstacle au jugement des affaires en cause et les visiteurs en étant informés, les indications données par la société sur ses sites relatives à la saisine des juridictions ne caractérisaient pas une pratique commerciale trompeuse |
319 | CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 494 FS-P+B
Pourvoi n° F 19-13.214
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 janvier 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
M. K... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-13.214 contre l'arrêt rendu le 14 février 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. O... M..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. X..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. M..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Girardet, Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 février 2018), M. M..., avocat au barreau de Dijon (l'avocat), a été mandaté par M. X... afin de défendre ses intérêts devant un tribunal des affaires de sécurité sociale. Par acte du 12 février 2010, les parties ont conclu une convention d'honoraires stipulant un honoraire forfaitaire pour la première instance et pour l'éventuelle procédure d'appel, ainsi qu'un honoraire de résultat.
2. En cours d'instance, en l'absence d'acte ou de décision juridictionnelle irrévocable, M. X... a dessaisi l'avocat et lui a versé la somme conventionnellement prévue au titre de la première instance.
3. Considérant que ce paiement n'était pas satisfactoire, l'avocat a dressé une facture d'honoraires, qui a été contestée. Une ordonnance du 27 mai 2013, devenue irrévocable après le rejet du pourvoi formé par M. X... (2e Civ., 10 septembre 2015, pourvoi n° 14-15.348), a taxé les honoraires de l'avocat, en application des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
4. Soutenant que l'avocat avait manqué à son obligation d'information relative à la détermination de ses honoraires, M. X... l'a assigné, le 14 octobre 2015, en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l'avocat doit informer son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant, cette information figurant, le cas échéant, dans la convention d'honoraires ; que cette obligation d'information implique que l'avocat avertisse son client dès sa saisine de ce que, en cas de dessaisissement, il sera fait application des critères prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 pour fixer le montant de ses honoraires, à l'exclusion des dispositions de la convention d'honoraires qu'ils avaient éventuellement conclue ; qu'en retenant que l'avocat avait respecté son obligation d'information, puisque le montant prévisible des honoraires avait été fixé forfaitairement pour chaque étape de la procédure, aux termes d'une convention, que ces derniers sous-entendaient que l'avocat resterait en charge du dossier jusqu'à sa conclusion et qu'aucune disposition n'impose à l'avocat de faire figurer dans la convention d'honoraires les modalités de fixation de sa rémunération dans l'hypothèse d'un dessaisissement anticipé, la cour d'appel a méconnu l'obligation d'information pesant sur l'avocat dès sa saisine quant aux modalités de fixation de sa rémunération, en cas de dessaisissement, et a ainsi violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1226 du 2 août 2017, et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1991. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 :
6. Il résulte de ces textes que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Cette obligation implique que l'avocat avertisse son client des modalités de calcul de ses honoraires en cas de dessaisissement et son inexécution l'expose au paiement de dommages-intérêts.
7. Pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt retient qu'il a décidé, de façon unilatérale, de dessaisir l'avocat sans l'avoir prévenu préalablement et que, la convention d'honoraires étant devenue caduque, celui-ci était fondé à facturer ses honoraires en application de l'article 11.1 du Règlement intérieur national, de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à son égard.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. M... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'appel de M. K... X... mal fondé et d'avoir rejeté sa demande tendant à voir Me O... M... condamné à lui payer les sommes de 4 123,81 euros sur le préjudice matériel, de 7000 euros sur les conséquences procédurales et financières qui en ont résulté, de 3000 euros au titre du préjudice moral, et de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de ses prétentions, M. K... X... fait valoir : - que la convention d'honoraires susmentionnée prévoyait des forfaits de rémunération dissociés, d'une part, pour la procédure en première instance et, d'autre part, pour la procédure d'appel, - qu'elle ne mentionnait pas qu'il devait conserver le même avocat en procédure d'appel, le « forfait en cas d'appel » ne constituant qu'une hypothèse, - que la convention ne prévoyait rien quant aux modalités de rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement par son client ; que M. K... X... estime que Me O... M... a manqué à son obligation d'information et de conseil pour ne pas l'avoir averti des conséquences que son dessaisissement aurait quant au montant des rémunérations lui étaient dues, étant rappelé que ni le bâtonnier, ni sur recours le premier président, ne pouvaient connaître, même à titre incident, d'un manquement de l'avocat à son devoir de conseil et d'information, ce qui justifie sa saisine du tribunal de grande instance d'une action en responsabilité professionnelle de Me O... M... en l'absence de respect par celui-ci des dispositions de l'article 11.2 du règlement intérieur national des avocats (RIN) lequel énonce : « l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires » ; qu'en l'espèce, l'avocat apparaît, cependant, avoir respecté ces prescriptions, le montant prévisible des honoraires ayant, dès le début des relations avocat/client été fixé forfaitairement pour chacune des étapes de la procédure, aux termes d'une convention ; qu'en outre, en prévoyant un forfait pour une éventuelle procédure d'appel ainsi qu'un forfait de résultat, ladite convention d'honoraires sous-entendait nécessairement que l'avocat resterait en charge du dossier jusqu'à sa conclusion, éventuellement devant la cour d'appel, ce qui, à l'évidence, était en corrélation avec le faible montant des forfaits proposés ; qu'or, il n'est pas contesté que M. K... X... a décidé de façon unilatérale de dessaisir Me O... M... du dossier sans l'en avoir prévenu préalablement, de sorte qu'une discussion qui aurait pu apporter des informations complémentaires à M. K... X... n'a pas eu lieu ; que dès lors, la convention d'honoraires étant devenue caduque, l'avocat, mis devant le fait accompli, était fondé à facturer ses honoraires, comme il l'a fait, en application de l'article 11.1 du RIN qui dispose que « A défaut d'une convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci. L'avocat chargé d'un dossier peut demander des honoraires à son client même si ce dossier lui est retiré avant sa conclusion, dans la mesure du travail accompli » ; qu'en conséquence, aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de Me O... M..., le jugement déféré qui a rejeté les prétentions de M. K... X... mérite d'être confirmé ; que succombant, M. K... X... sera condamné aux dépens d'appel, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées ; qu'aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... reproche à Me O... M... de ne pas l'avoir informé de l'évolution prévisible de ses honoraires contrairement au Règlement Intérieur National des avocats mais, ainsi que la Cour d'Appel de Dijon l'a retenu dans ses motifs, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'avocat de faire figurer dans la convention d'honoraires les modalités de fixation de sa rémunération dans l'hypothèse d'un dessaisissement anticipé ; que le défaut d'information de ses droits à l'aide juridictionnelle invoqué par le demandeur ne peut davantage être retenu, en effet Monsieur X... avait bénéficié de cette aide dans le cadre d'une précédente procédure, il connaissait donc parfaitement l'étendue de ses droits et il ne peut se prévaloir d'une faute de son conseil de l'époque ; que Monsieur X... reproche à Me M... d'avoir rompu unilatéralement la convention qui les liait en facturant « différemment » les diligences accomplies, mais c'est lui, qui en décidant de confier ses intérêts à un autre avocat alors qu'aucune décision irrévocable n'avait été rendue, est à l'origine de cette rupture ; qu'en outre, du fait d'un lien de confiance qui avait disparu, Me M... pouvait difficilement conseiller à son client de le garder afin de faire des économies ; que les demandes présentées ne sont donc pas justifiées et il convient de les rejeter ; qu'il est équitable de condamner Monsieur X... à participer à concurrence de 2000 euros aux frais irrépétibles exposés par Me M... en la procédure ; que Monsieur X... devra supporter la charge des dépens ;
1) ALORS QUE l'avocat doit informer son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant, cette information figurant, le cas échéant, dans la convention d'honoraires ; que cette obligation d'information implique que l'avocat avertisse son client dès sa saisine de ce que, en cas de dessaisissement, il sera fait application des critères prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 pour fixer le montant de ses honoraires, à l'exclusion des dispositions de la convention d'honoraires qu'ils avaient éventuellement conclue ; qu'en retenant que Me M... avait respecté son obligation d'information, puisque le montant prévisible des honoraires avait été fixé forfaitairement pour chaque étape de la procédure, aux termes d'une convention, que ces derniers sous-entendaient que l'avocat resterait en charge du dossier jusqu'à sa conclusion et qu'aucune disposition n'impose à l'avocat de faire figurer dans la convention d'honoraires les modalités de fixation de sa rémunération dans l'hypothèse d'un dessaisissement anticipé, la cour d'appel a méconnu l'obligation d'information pesant sur l'avocat dès sa saisine quant aux modalités de fixation de sa rémunération, en cas de dessaisissement, et a ainsi violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1226 du 2 août 2017, et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1991 ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, l'information sur le mode de fixation des honoraires en cas de dessaisissement doit être délivrée au client, à tout le moins, à l'occasion du dessaisissement ; qu'en rejetant les demandes indemnitaires de M. X... fondées sur le manquement de l'avocat à son obligation d'information, motifs pris que M. X... étant à l'initiative de la rupture, Me M... n'aurait pu lui apporter des informations complémentaires quant au mode de fixation des honoraires en cas de dessaisissement, quand cette information devait nécessairement lui être délivrée, à tout le moins, à l'occasion du dessaisissement, peu important que le client ait lui-même pris l'initiative de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 10 du décret du 12 juillet 2005 dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1226 du 2 août 2017 et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1991. | L'obligation pour l'avocat d'informer son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination de ses honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant, implique qu'il l'avertisse des modalités de calcul de ses honoraires en cas de dessaisissement et s'expose, à défaut, au paiement de dommages-intérêts |
320 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 499 F-P+B
Pourvoi n° H 19-13.652
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
M. W... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-13.652 contre deux arrêts rendus les 3 avril 2018 et 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. D... A..., domicilié [...] ,
2°/ à M. M... I..., domicilié [...] ,
3°/ à M. P... T..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. G..., de Me Balat, avocat de M. T..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Grenoble, 3 avril et 11 décembre 2018), M. A... a acquis un véhicule d'occasion auprès de M. I..., qui l'avait lui-même acheté à M. G..., lequel s'en était rendu propriétaire auprès de M. T....
2. Après avoir obtenu en référé une mesure d'expertise, M. A... a assigné M. I... en résolution de la vente, en invoquant l'existence d'une modification du kilométrage affiché au compteur. M. I... a appelé en garantie M. G..., lequel a attrait en la cause M. T....
3. La résolution de la vente intervenue entre M. I... et M. A... a été prononcée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. G... fait grief à l'arrêt du 11 décembre 2018 de le déclarer irrecevable en son opposition à l'arrêt du 3 avril 2018 le condamnant à garantir M. I..., alors :
« 1°/ que, lorsque l'un au moins des défendeurs ne comparaît pas, la décision est rendue par défaut à l'égard de tous, dès lors que la décision n'est pas susceptible d'appel et que l'une au moins des parties qui n'a pas comparu n'a pas été citée à personne ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 3 avril 2018 statuant sur l'appel de M. A..., la cour d'appel de Grenoble a constaté que M. T..., cité à la personne de son épouse le 19 février 2016, n'avait pas constitué avocat ; qu'en affirmant que « l'arrêt du 3 avril 2018 n'a été rendu par défaut qu'à l'égard de M. T..., mais n'a pas été rendu par défaut à l'égard de M. G... puisqu'il a été cité à sa personne », la cour d'appel a violé l'article 474 du code de procédure civile ;
2°/ que la partie défenderesse qui n'a pas comparu est défaillante à l'instance et, partant, recevable à former opposition, peu important qu'elle ait été citée à personne dans le cadre de l'instance à l'issue de laquelle la décision par défaut, contre laquelle elle forme opposition, a été rendue ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt rendu le 3 avril 2018 par la cour d'appel de Grenoble que M. G..., intimé, n'a pas constitué avocat et n'a donc pas comparu devant la cour ; qu'en affirmant que « W... G... qui, bien qu'informé de la procédure d'appel par une citation délivrée à sa personne, n'a pas constitué avocat est irrecevable en son opposition », la cour d'appel a violé l'article 571 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. En application de l'article 571 du code de procédure civile, l'opposition, qui n'est ouverte qu'au défaillant, tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut. Il résulte des articles 473 et 474 du même code que, seul constitue un arrêt par défaut celui qui a été rendu en l'absence de comparution d'un défendeur, auquel la citation n'a pas été délivrée à personne. Il découle de la combinaison de ces textes que seul ce défendeur a la qualité de défaillant, au sens du premier texte.
6. Il ressort des mentions de l'arrêt du 3 avril 2018 que, si M. G... n'a pas constitué avocat, il a été cité à sa personne, de sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit qu'il n'avait pas la qualité de défaillant au sens de l'article 571, et que, dès lors, son opposition était irrecevable.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. M. G... fait grief à l'arrêt du 3 avril 2018 de le condamner à relever et garantir M. I... des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A..., et de le condamner à indemniser le préjudice moral subi par M. I..., alors, « que le juge est tenu de s'assurer que les conclusions de l'intimé ont été régulièrement signifiées à un co-intimé défaillant à l'encontre duquel il forme des demandes et doit, à défaut, prononcer d'office l'irrecevabilité desdites conclusions à l'égard du co-intimé concerné ; qu'en s'abstenant de vérifier si les conclusions d'intimé de M. I..., qui sollicitait, à titre subsidiaire, la garantie et la condamnation à dommages-intérêts de M. G..., son co-intimé défaillant à l'instance, avaient été régulièrement signifiées à ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 911 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au 1er septembre 2017, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 911 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ensemble l'article 6 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
9. Si, en application du premier de ces textes, l'intimé est tenu, comme l'appelant, de notifier ses conclusions aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour d'appel, l'exigence d'un procès équitable implique qu'il signifie ses conclusions à un co-intimé qui n'a pas constitué avocat et à l'encontre duquel il émet des prétentions.
10. Pour condamner M. G..., qui n'avait pas constitué avocat, à relever et garantir M. I... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts à l'égard de celui-ci, l'arrêt retient que M. G... a fait le choix de ne pas participer aux opérations d'expertise ni de constituer avocat en cause d'appel pour faire valoir ses explications et la défense de ses intérêts et que M. I... est bien fondé en ses prétentions.
11. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les conclusions déposées par M. I..., qui formulait des prétentions contre M. G..., avaient été régulièrement signifiées à celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour :
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. G... à relever et garantir M. I... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A... et à payer à M. I... les sommes de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. I... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. G....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 11 décembre 2018 d'AVOIR déclaré M. G... irrecevable en son opposition ;
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de l'opposition de M. G..., par application de l'article 571 du code de procédure civile, l'opposition tend à faire rétracter une décision rendue par défaut ; qu'elle n'est ouverte qu'au défaillant ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 3 avril 2018 n'a été rendu par défaut qu'à l'égard de Monsieur T..., mais n'a pas été rendu par défaut à l'égard de Monsieur G... puisqu'il a été cité à sa personne, ce qu'il ne conteste pas ; que pour se voir déclarer recevable en son opposition, Monsieur G... expose qu'il n'a jamais reçu aucune signification de demande formée contre lui ; que toutefois, l'arrêt reçoit sa qualification au regard des modalités de délivrance de la citation devant la cour et non en considération de la signification des conclusions des parties ; que W... G... qui bien qu'informé de la procédure d'appel par une citation délivrée à sa personne, n'a pas constitué avocat est irrecevable en son opposition ;
1) ALORS QUE lorsque l'un au moins des défendeurs ne comparaît pas, la décision est rendue par défaut à l'égard de tous, dès lors que la décision n'est pas susceptible d'appel et que l'une au moins des parties qui n'a pas comparu n'a pas été citée à personne ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 3 avril 2018 (p. 3 § 4) statuant sur l'appel de M. A..., la cour d'appel de Grenoble a constaté que M. T..., cité à la personne de son épouse le 19 février 2016, n'avait pas constitué avocat ; qu'en affirmant que « l'arrêt du 3 avril 2018 n'a été rendu par défaut qu'à l'égard de M. T..., mais n'a pas été rendu par défaut à l'égard de M. G... puisqu'il a été cité à sa personne » (arrêt du 11 décembre 2018, p. 3 § 6), la cour d'appel a violé l'article 474 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la partie défenderesse qui n'a pas comparu est défaillante à l'instance et, partant, recevable à former opposition, peu important qu'elle ait été citée à personne dans le cadre de l'instance à l'issue de laquelle la décision par défaut, contre laquelle elle forme opposition, a été rendue ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt rendu le 3 avril 2018 par la cour d'appel de Grenoble que M. G..., intimé, n'a pas constitué avocat et n'a donc pas comparu devant la cour (arrêt, p. 3 § 4) ; qu'en affirmant que « W... G... qui bien qu'informé de la procédure d'appel par une citation délivrée à sa personne, n'a pas constitué avocat est irrecevable en son opposition », la cour d'appel a violé l'article 571 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 3 avril 2018 d'AVOIR condamné M. G... à relever et garantir M. I... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A... et d'AVOIR condamné M. G... à payer à M. I... la somme de 1.000 € en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE, sur les demandes de M. I..., il est établi que le véhicule vendu par M. I... présentait un kilométrage erroné avant même sa propre acquisition en date du 11 octobre 2011 ; qu'alors qu'il justifie avoir effectué des réparations pour la somme de 3.644,74 €, il n'est nullement démontré sa connaissance de la falsification du kilométrage ; que M. G..., qui a revendu l'AUDI, seulement deux mois après son achat, dans des conditions inconnues, a fait le choix de ne pas participer aux opérations d'expertise ni de constituer avocat en cause d'appel, pour faire valoir ses explications et la défense des intérêts ; qu'au regard de ses éléments, M. I... est bien fondé à obtenir de se voir relevé et garanti par M. G... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A... ; qu'à l'instar de M. A..., il est incontestable que M. I... subit un préjudice moral du fait de la vente par Mo. G... d'un véhicule trafiqué, ce qui justifie de condamner ce dernier à lui payer, en réparation, des dommages-intérêts de 1.000,00 € ; qu'en revanche, en l'absence de justification sur les conditions de la vente intervenue entre M. G... et M. I... et sur l'éventuelle répercussion du coût des travaux engagés sur le montant du prix de vente à M. A..., sa demande en paiement de la somme de 3.644,74 € au titre des réparations doit être rejetée ; que par voie de conséquence, le jugement déféré sera infirmé ;
ALORS QUE le juge est tenu de s'assurer que les conclusions de l'intimé ont été régulièrement signifiées à un co-intimé défaillant à l'encontre duquel il forme des demandes et doit, à défaut, prononcer d'office l'irrecevabilité desdites conclusions à l'égard du co-intimé concerné ; qu'en s'abstenant de vérifier si les conclusions d'intimé de M. I..., qui sollicitait, à titre subsidiaire, la garantie et la condamnation à dommages-intérêts de M. G..., son co-intimé défaillant à l'instance, avaient été régulièrement signifiées à ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 911 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au 1er septembre 2017, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 3 avril 2018 ayant condamné M. I... à payer à M. A... la somme de 10.000 € au titre du prix de vente et ayant condamné M. A... à restituer à M. I... le véhicule automobile litigieux, d'AVOIR condamné M. G... à relever et garantir M. I... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A... ;
AUX MOTIFS QUE, sur la résolution de la vente, aux termes de l'article 1604 du code civil, le vendeur est tenu d'une obligation de délivrance conforme de la chose aux caractéristiques convenues ; que manque à son obligation de délivrance, le vendeur qui fournit un véhicule automobile dont le kilométrage réel ne correspond pas à celui indiqué par le compteur et dont l'état général, au regard de ce kilométrage erroné, accuse un vieillissement important ; que l'expert expose que, sans contestation possible, le véhicule affiche un kilométrage inexact et que le 15 juillet 2009, soit près de trois ans avant l'acquisition du véhicule par M. A..., celui-ci affichait déjà 147.212 kilomètres, soit un kilométrage supérieur à celui affiché lors de la vente du 5 avril 2012 ; qu'au regard de l'usure des pièces mécaniques, l'expert estime que l'automobile litigieuse présente 200.000 kilomètres au compteur ; que l'expert relève, en outre, que l'ensemble des étiquettes de vidange ont été ôtées ou sont dégradées ; que pour rejeter la demande de M. A... fondée sur le défaut de délivrance conforme, le jugement retient que l'acte de cession stipulait expressément que le kilométrage inscrit au compteur n'était pas garanti et qu'il n'était pas démontré que M. I... avait connaissance de sa falsification ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'erreur affectant le kilométrage indiqué, celui-ci fut il non garanti, ne caractérisait pas un manquement à l'obligation de délivrance, le tribunal n'a pas fait application des dispositions de l'article 1604 susvisé ; qu'en effet, M. A... a entendu acquérir un véhicule, certes d'occasion de onze ans d'âge, mais non un véhicule présentant une usure très avancée du fait d'un kilométrage supérieur d'environ 90.000 kilomètres à celui annoncé ; qu'en vendant un véhicule d'une vétusté très supérieure à celle à laquelle M. A... pouvait raisonnablement s'attendre du fait du kilométrage annoncé, M. I... a manqué à son obligation de délivrance ; que par voie de conséquence, M. A... est bien fondé à solliciter la résolution du contrat de vente qui sera ordonnée, à charge pour M. I... de restituer le prix de vente de 10.000,000 et pour M. A... de remettre à son vendeur le véhicule litigieux ; que (
), sur les demandes de M. I..., il est établi que le véhicule vendu par M. I... présentait un kilométrage erroné avant même sa propre acquisition en date du 11 octobre 2011 ; qu'alors qu'il justifie avoir effectué des réparations pour la somme de 3.644,74 €, il n'est nullement démontré sa connaissance de la falsification du kilométrage ; que M. G..., qui a revendu l'AUDI, seulement deux mois après son achat, dans des conditions inconnues, a fait le choix de ne pas participer aux opérations d'expertise ni de constituer avocat en cause d'appel, pour faire valoir ses explications et la défense des intérêts ; qu'au regard de ses éléments, M. I... est bien fondé à obtenir de se voir relevé et garanti par M. G... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A... ;
ALORS QU'en cas de résolution d'une vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et qu'ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu ; qu'en condamnant M. G... à relever et garantir M. I..., le vendeur, de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. A..., l'acquéreur, en ce compris la restitution de la somme de 10.000 € au titre du prix de vente du véhicule litigieux, tout en condamnant M. A... à restituer ledit véhicule à M. I..., la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil, ensemble les articles 1147 (devenu 1231-1) et 1184 (devenu 1224) du code civil. | Si l'intimé est tenu, comme l'appelant, de notifier ses conclusions aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour d'appel, l'exigence d'un procès équitable implique qu'il signifie ses conclusions à un co-intimé qui n'a pas constitué avocat et à l'encontre duquel il émet des prétentions |
321 | CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 508 F-P+B
Pourvoi n° D 18-25.260
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Domaine Amblard, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-25.260 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2018 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à l'association Interprofession des vins de Bergerac et Duras, anciennement dénommée Conseil interprofessionnel des vins de Duras, anciennement dénommée Union interprofessionnelle des vins Côtes de Duras, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Domaine Amblard, de la SCP Didier et Pinet, avocat de l'association Interprofession des vins de Bergerac et Duras, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 17 septembre 2018), la société civile d'exploitation agricole Domaine Amblard (la société) a assigné l'association Union interprofessionnelle des vins Côtes de Duras, désormais dénommée Interprofession des vins de Bergerac et Duras (l'association), aux fins d'obtenir le remboursement de cotisations volontaires obligatoires payées de 1998 à 2008.
2. L'association a formé une demande reconventionnelle en paiement de cotisations volontaires obligatoires appelées de 2008 à 2012.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande reconventionnelle en paiement de l'association, alors « que le juge saisi du contrôle de proportionnalité doit apprécier de manière concrète le rapport raisonnable entre l'atteinte à un droit garanti par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la justification de cette atteinte ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la victime de l'atteinte ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens tirés et le but visé, lorsqu'elle était saisie d'un moyen de la société qui montrait que les cotisations, appliquées de manière uniforme, s'élevaient à près du tiers de son résultat net et ce sans véritable contrepartie, la cour d'appel a violé l'article premier du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 632-1 et L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime et 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. En application de ces deux premiers textes, les organisations interprofessionnelles agricoles reconnues par l'autorité administrative compétente sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime.
5. Selon le dernier, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international, de tels principes ne portant pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
6. Pour être compatible avec ce texte, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, même lorsque se trouve en cause le droit qu'ont les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions. Il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, arrêt du 16 novembre 2010, Perdiga o c. France [GC], n° 24768/06, §§ 63 et 64).
7. Il en résulte que la perception de cotisations volontaires obligatoires par une organisation interprofessionnelle agricole doit répondre à ces exigences. A cet effet, il incombe au juge saisi d'apprécier lui-même, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par la société et le but poursuivi par l'association.
8. Pour accueillir la demande reconventionnelle en paiement de l'association, l'arrêt énonce que celle-ci rappelle qu'elle promeut l'appellation vins des côtes de Duras par des actions sur support papier ou Internet, des dégustations et sa présence à des manifestations, puis retient que la société ne démontre pas l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens tirés et le but visé, au regard des missions menées et décrites par l'association.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur la société la charge de démontrer l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par la société et le but poursuivi par l'association, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile d'exploitation agricole Domaine Amblard à payer à l'association Interprofession des vins de Bergerac et Duras la somme de 25 492,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011 pour les sommes dues à cette date et de l'arrêt pour le surplus, l'arrêt rendu le 17 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne l'association Interprofession des vins de Bergerac et Duras aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Domaine Amblard
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de ce chef d'avoir condamné la SCEA Domaine Amblard à payer à l'interprofession des vins de Bergerac et Duras anciennement dénommée union interprofessionnelle des vins "Côtes de Duras" (UIVD) la somme de 25 492,60 euros avec intérêts au taux légal à compter 8 février 2011 pour les sommes dues à cette date et de l'arrêt pour le surplus ;
Aux motifs que « sur le droit par l'IVBD à percevoir des cotisations volontaires obligatoires les organisations interprofessionnelles agricoles sont régies principalement par l loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l'organisation interprofessionnelle agricole, codifiée aux articles L 632-1 et suivants du Code rural. Elles dépendaient alors de la réglementation européenne issue de l'organisation commune du marché du vin. Selon l'article 1 de la loi du 10 juillet 1975 : "les organismes consultés par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et selon le cas, de la transformation, du négoce et de la distribution, représentant les divers intérêts en présence, peuvent être reconnus en qualités d'organisations interprofessionnelles par arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du ministre de l'économie et des finances. Il ne peut être reconnue qu'une seule organisation interprofessionnelle par produit ou groupe de produits déterminés". L'article 3 de la loi du 10 juillet 1975 quant à lui stipule, que les organisations interprofessionnelles reconnues sont habilitées à prélever sur tous les membres des professions les constituant des cotisations lesquelles nonobstant leur caractère obligatoire, sont des créances de droit privé. Elles sont librement décidées par les organisations interprofessionnelles, est rendues obligatoires par arrêté ministériel. Le régime des CVO a été reconnu par l'arrêt de la Cour de justice de l'union européenne du 30 mai 2013. Ses dispositions ont été codifiées à l'article L 632-1 et L 632-6 du code rural et de la pêche maritime. Sur question prioritaire de constitutionnalité, ce dernier article a ét jugé conforme à la constitution par décision du Conseil constitutionnel du 17 févrie 2012. Elles sont désormais régies par le règlement (UE) n° 1308/2013 du parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. Par arrêté du 17 juillet 1984, l'union interprofessionnelle des vins côtes de Duras (UIVD) a été reconnue en application des articles L 632-1 et suivants du Code rural comme organisation interprofessionnelle dans le secteur des appellations d'origine contrôlées. L'IVBD née de la fusion entre l'association conseil interprofessionnel des vins de la région de Bergerac ( C.I.V.R.B ) et l'association conseil interprofessionnel des vins de Duras (C.I.D) a fait l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisation professionnelle par arrêté du 8 août 2014 en application des mêmes textes. Bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée " Côtes de Duras", la SCEA Domaine Amblard est membre du syndicat des producteurs de vins d'appellation contrôlé "Côtes de Duras" elle-même membre de l'assemblée générale du Conseil interprofessionnel des vins "Côtes de Duras".
Sur la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel n° 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales La SCEA Domaine Amblard conclut à la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertés fondamentales en ce que l'IVBD ne peut justifier du juste équilibre entre la charge pesant sur les biens des personnes et l'avantage que ces derniers peuvent en tirer. A cet égard, l'article 1erdu protocole n°1 protège les personnes physiques ou morales contre les ingérences arbitraires de l'Etat dans leurs biens. Il reconnaît toutefois à l'Etat le droit de contrôle de l'usage des biens afin "d'assurer le paiement des impôts d'autres contributions ou d'amendes"tel que précisé au guide pratique édicté par le Conseil de l'Europe, sauf à respecter un but légitime d'intérêt général, un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. (CEDH 16 novembre 2010). Ainsi, la perception de cotisations obligatoires dont la nature est privée, relève du contrôle de l'usage des biens. Le DOMAINE AMBLARD reproche à l'IVBD à titre principal de ne pouvoir justifier de ses missions d'intérêt général, plus précisément de démontrer un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens tirés et le but visé. L'IVBD rappelle qu'elle développe des actions de promotions de l'appellation vins des côtes de Duras par des actions sur support papier ou internet, des dégustations, la présence à des manifestations. Il convient de relever que l'ensemble de ces actions est à la libre discussion des membres du syndicat du Vin côtes de Duras (dont est membre le domaine AMBLARD), lequel dispose de 50 % des sièges et droits de vote au sein de l'IVBD, droits et votes partagés à égale proportion avec les vins de Bergerac. Or le domaine AMBLARD a qui il incombe de rapporter la preuve de sa contestation, ne démontre pas l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens tirés et le but visé, au regard des missions menées et décrites par l'IVBD laquelle poursuit donc un but légitime d'intérêt général en prélevant des cotisations volontaires obligatoires telles que prévues à l'article L 632-6 du Code rural, de sorte que le moyen ne saurait prospérer » ;
Sur la liberté syndicale et d'association ; L'article 11, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. Le domaine d'AMBLARD soutient que les cotisations volontaires obligatoires sont incompatibles avec la liberté syndicale, pour lui imposer de s'affilier et de cotiser, ce en contradiction avec l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme de la liberté d'association. A cet égard, l'UlVD, puis L'IVBD est une association qui a fait l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisation professionnelle par arrêté du 17 août 1984 pour la première et du 8 août 2014 pour la deuxième, en application de l'article L.632-6 du Code rural, IIVBD est autorisée à prélever des cotisations résultant d'accords interprofessionnels étendus par arrêtés ministériels sur tous les professionnels de la filière représentés en son sein. Elle perçoit ainsi non seulement des cotisations volontaires obligatoires mais aussi des cotisations versées par ses adhérents. Par ailleurs, il est toujours possible au domaine d'AMBLARD de quitter l'appellation et dès lors l'interprofession, pour vendre le produit de la vigne sous le nom d'une "Indication Géographique Protégée" ( IGP), de sorte que le moyen tiré de la privation de la liberté syndicale ou d'association est inopérant. Sur la représentativité de l'IVBD. Les organisations interprofessionnelles agricoles sont issues de la loi n° 75-600 du10 juillet 1975, désormais codifiée aux articles L 632-1 et suivants du Code rural. Elles dépendaient alors de la réglementation européenne issue de l'organisation commune du marché du vin. Elles sont désormais régies par le règlement (UE) n 1308/2013 du parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. En application des mêmes textes, l'IVBD a fait l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisation professionnelle par arrêté du ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt du 8 août 2014, de sorte qu'il n'appartient pas à la juridiction de l'ordre judiciaire de se prononcer sur un arrêté de l'autorité administrative compétente. Par suite ce moyen ne saurait pas plus prospérer.
Sur le non-respect des normes européennes nées du règlement (UE) n° 1308/2013 Le domaine AMBLARD soutient que la représentative donné à un Etat de rendre obligatoires certains accords, arrêtés dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle est conditionnée par un taux de représentativité d'au moins 2/3 du volume de la production, du commerce ou de la transformation du produit concerné, que les contributions financières versées par le membres de l'organisation, ne peuvent être étendues aux opérateurs non membres de cette organisation en l'absence de consultation des acteurs concernés ce en application de l'article 165 du règlement OCM du 13 août 2013, qu'en conformité avec l'article 164 les accords d'extensions qui doivent être qui plus est notifiés à la Commission européenne. Sauf que l'IVBD ne sollicitant que le paiement des factures émises sur la période de 2008 à 2012, rend inopérant les moyens soulevés au regard du respect des normes nées du règlement européen n° 1308/2013 est entrée en vigueur au 20 décembre 2013.
Sur l'illégalité de la collecte des informations Le domaine AMBLARD rappelle que les informations privées collectées pour l'établissement des factures qui donnent lieu à communication à l'administration des douanes doivent être en application du dernier alinéa de l'article L 633-7 du code rural soumises à l'autorisation de la CNIL, de cette irrégularité entache d'illégalité le prélèvement des COV. Si l'IVBD produit un récépissé de la CNIL en date du 20 avril 2017 concernant "la gestion des fichiers de clients et de prospects",eIle ne justifie pas des transmissions antérieures, pour autant, les sanctions susceptibles d'être prises par la CNIL comme prononcer un rappel à l'ordre, enjoindre de mettre le traitement en conformité, limiter temporairement ou définitivement un traitement, suspendre le flux des données, ordonner de satisfaire aux demandes d'exercice des droits des personnes, y compris sous astreinte, prononcer une amende administrative... ne sont pas de nature à rendre indues les CVO. Ce moyen ne saurait pas plus prospérer.
Sur la demande de condamnation au titre des factures 2008 à 2012 L'IVBD demande la condamnation du Domaine AMBLARD au titre de la facture :
- n° 070654 du 31 juillet 2008 d'un montant de 2.695,93 euros TTC - n° 090097 du 5 décembre 2008 d'un montant de 1.463,59 euros TTC
- n° 090174 du 3 mars 2009 d'un montant de 3.151,91 euros TTC
- n° 090244 du 1er juillet 2009 d'un montant de 801,69 euros TTC
- n° 090317 du 31 juillet 2009 d'un montant de 1.906,91 euros TTC
- n° 100084 du 10 novembre 2009 d'un montant de 1.036,35 euros TTC
- n° 100166 du 18 février 2010 d'un montant de 2.235,73 euros TTC
- n° 100243 du 4 juin 2010 d'un montant de 618,93 euros TTC
- n° 100317 du 31 juillet 2010 d'un montant de 1.062,26 euros TTC
- n° 110105 du 14 décembre 2010 d'un montant de 683,41 euros TTC
- n° 110158 du 22 mars 2011 d'un montant de 1.098,51 euros TTC
- n° 110266 du 27 juin 2011 d'un montant de 394,29 euros TTC
- n° 120074 du 3 octobre 2011 d'un montant de 1.602,88 euros TTC
- n° 120162 du 20 décembre 2011 d'un montant de 1.055,75 euros TTC
- n° 120243 du 9 mars 2012 d'un montant de 2.620,70 euros TTC
- n° 120318 du 26 juin 2012 d'un montant de 1.319,19 euros TTC
- n° 130099 du 28 septembre 2012 d'un montant de 2.454,20 euros TTC Devant la cour, l'IVBD produit :
- l'accord triennal 2006/2009 ainsi que l'avenant de campagne 2006/2007, lesquels ont fait l'objet d'un arrêté d'extension en date du 17 avril 2007
- l'avenant de campagne 2007/2008 et l'arrêté d'extension du 7 avril 2008
- l'avenant de campagne 2008/2009 et l'arrêté d'extension du 22 juin 2009 - l'accord triennal 2009/2012 ainsi que l'avenant de campagne 2009/2010, lesquels ont fait l'objet d'un arrêté d'extension en date du 6 avril 2010
- l'avenant de campagne 2010/2011 et l'arrêté d'extension du 19 juillet 2011 - l'avenant de campagne 2011/2012 et l'arrêté d'extension du 31 juillet 2012 Par suite, il convient de faire droit à la demande de l'IVBD est de condamner le domaine AMBALRD à la somme de 27.202,23 euros sous déduction d'une somme de 1.709,63 euros soit 25.492,60 euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 février 2011 pour les sommes dues à cette date et de l'arrêt pour le surplus ».
1) Alors que pour être compatible avec l'article 1er du protocole n° 1, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, même lorsque se trouve en cause le droit qu'ont les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions, de sorte qu'il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que s'agissant des cotisations volontaires obligatoires, le juge saisi d'un contrôle de proportionnalité doit rechercher si les cotisations prélevées par l'organisme interprofessionnel, qui constituent autant d'atteintes au droit au respect des biens des exploitants, sont proportionnées aux missions défendues par cet organisme ; qu'en se bornant à relever que l'IVBD développait des actions de promotions de l'appellation vins des côtes de Duras par des actions sur support papier ou internet, des dégustations, la présence à des manifestations et que ces actions étaient à la libre discussion des membres du syndicat des vins des côtes de Duras dont est membre l'exposante, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les cotisations prélevées, qui s'élevaient à près du tiers de son résultat net, étaient proportionnées à de telles missions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article premier du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) Alors que le juge saisi du contrôle de proportionnalité doit apprécier de manière concrète le rapport raisonnable entre l'atteinte à un droit garanti par la convention européenne des droits de l'homme et la justification de cette atteinte ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la victime de l'atteinte ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens tirés et le but visé, lorsqu'elle était saisie d'un moyen de l'exposante qui montrait que les cotisations, appliquées de manière uniforme, s'élevaient à près du tiers de son résultat net et ce sans véritable contrepartie, la cour d'appel a violé l'article premier du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3) Alors en tout état de cause qu'une partie peut contester la légalité d'un arrêté administratif par voie d'exception devant le juge judiciaire ; qu'au cas présent, l'exposante invoquait le défaut de représentativité de l'organisme interprofessionnel au regard de l'article L. 642-21 du code rural ; qu'en refusant d'examiner un tel moyen, en ce que l'IVBD avait fait l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisation professionnelle par arrêté du ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt du 8 août 2014, de sorte qu'il n'appartenait pas à la juridiction de l'ordre judiciaire de se prononcer sur un arrêté de l'autorité administrative compétente, la cour d'appel a violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;
4) Alors enfin que si l'article L. 632-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les services placés sous l'autorité du ministre des ministres chargés de l'économie, du budget, de l'agriculture et de la pêche peuvent communiquer aux organisations interprofessionnelles les données nécessaires à l'établissement et à l'appel des cotisations permettant leur financement, c'est à la condition de solliciter au préalable l'avis de la CNIL ;
qu'en énonçant que le non-respect d'une telle exigence n'était sanctionnée que par la CNIL sous la forme de sanctions administratives mais n'était pas de nature à rendre indues les CVO, lorsque le juge judiciaire peut prononcer les sanctions civiles qui s'attachent à une telle irrégularité, la cour d'appel a violé l'article L. 632-7 du code rural et de la pêche maritime. | Il incombe au juge saisi d'apprécier lui-même, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations volontaires obligatoires appelées par une organisation interprofessionnelle agricole et le but poursuivi par celle-ci |
322 | CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 514 F-P+B
Pourvoi n° F 19-11.443
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. A... T...,
2°/ Mme E... H..., épouse T...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° F 19-11.443 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société La Baie dorée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. et Mme T..., de Me Le Prado, avocat des sociétés La Baie dorée et MMA IARD, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 novembre 2018), M. et Mme T..., qui séjournaient au sein d'un hôtel exploité par la société La Baie dorée (l'hôtelier), ont été victimes d'un vol d'effets personnels dans leur chambre.
2. Ils ont assigné l'hôtelier et son assureur, la société MMA IARD, en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices matériel et moral.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme T... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'hôtelier est responsable de plein droit du vol des objets d'un client dans la chambre de celui-ci, dans la limite de cent fois le prix de location de la chambre par journée ; qu'en affirmant cependant qu'il appartenait à M. et Mme T..., clients de l'hôtel, de prouver une faute de l'hôtelier pour engager sa responsabilité du fait du vol d'objets se trouvant dans leur chambre, la cour d'appel a violé les articles 1952 et 1953 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1952 et 1953 du code civil :
4. Il ressort de ces textes que l'hôtelier est responsable de plein droit en cas de vol des effets que les voyageurs apportent dans leur établissement et qu'en l'absence d'un dépôt de ces effets entre les mains de l'hôtelier, d'un refus de celui-ci de les recevoir, ou encore d'une faute de sa part ou des personnes dont il doit répondre, démontrée par le voyageur, les dommages-intérêts dus à ce dernier sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée.
5. Pour rejeter leurs demandes, l'arrêt retient que M. et Mme T... ne démontrent pas l'existence d'une faute caractérisée de l'hôtelier permettant de retenir sa responsabilité.
6. En statuant ainsi, alors que la responsabilité de l'hôtelier n'est pas soumise à la preuve d'une faute, qui n'est prise en compte que lors de la fixation de l'indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur la cinquième branche du moyen
Enoncé du moyen
7. M. et Mme T... font le même grief à l'arrêt, alors « que la preuve à l'égard d'une société commerciale peut être rapportée par tout moyen, notamment par une photocopie ou une attestation ; qu'en affirmant cependant que M. et Mme T... n'établissaient pas la valeur des objets dérobés dès lors qu'ils ne produisaient que des photocopies de factures ou estimations, et non les originaux des factures d'achat, la cour d'appel, qui ne pouvait dénier toute force probante aux pièces produites du seul fait qu'il s'agissait de photocopies ou d'estimations, a violé l'article L. 110-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 110-3 du code de commerce :
8. Aux termes de ce texte, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
9. Pour rejeter leurs demandes, l'arrêt retient que M. et Mme T... ne produisent aux débats que des photocopies de factures ou d'estimations qui ne présentent aucune valeur probante, les originaux n'ayant pas été fournis.
10. En statuant ainsi, alors que la preuve est libre en matière commerciale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les sociétés La Baie dorée et la société MMA IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Baie dorée et la société MMA IARD et les condamne in solidum à payer à M. et Mme T... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. et Mme T...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme T... de leurs demandes tendant à ce que la société La Baie Dorée et son assureur, la société MMA Iard, soient condamnés à réparer leur préjudice ;
AUX MOTIFS QUE, lors de son dépôt de plainte au commissariat d'Antibes, M. A... T... a indiqué : « Vers 5h30, je me suis réveillé et j'ai vu un individu qui fouillait vers des livres en face du lit. J'ai hurlé et l'individu est parti en courant par la porte-fenêtre qui donne sur son balcon. La chambre est en rez-de-chaussée » ; que selon les articles 1952 et 1953 du code civil :
« Les aubergistes ou hôteliers répondent, comme dépositaires, des vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux ; le dépôt de ces sortes d'effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire. Ils sont responsables du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l'hôtel. Cette responsabilité est illimitée, nonobstant toute clause contraire, au cas de vol ou de détérioration des objets de toute nature déposés entre leurs mains ou qu'ils ont refusé de recevoir sans motif légitime. Dans tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée, sauf lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu'il a subi résulte d'une faute de celui qui l'héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre » ; que conformément à ce texte, il appartient à Mme E... H... épouse T... et M. A... T... de prouver une faute de la société La Baie Dorée ; que contrairement à ce qu'ils soutiennent, la preuve n'est pas rapportée d'un dysfonctionnement de la fermeture de la baie à cinq vantaux ; que les attestations qu'ils produisent et qui sont postérieures au sinistre ne présentent pas la moindre valeur probante ; que l'enquêteur de police a indiqué qu'il ne pouvait infirmer ou confirmer les déclarations des victimes sur l'absence de fonctionnement du système de verrouillage ; qu'il est en outre établi que contrairement à la consigne portée à la connaissance des appelants, les volets en bois n'avaient pas été fermés alors que la chambre était située au rez-de-chaussée. Les consignes de sécurité mises à la disposition du client indiquent « fermeture volets-coffre » ; que M. et Mme T... qui disposaient de biens de valeur n'ont pas respecté ces précautions élémentaires qui auraient notamment consisté à mettre les bijoux dans le coffre, coffre qu'ils ont utilisé pour y placer notamment des espèces ; que le fait que le veilleur de nuit ait été occupé à vérifier la mise en place des tables du restaurant pour les petits déjeuners s'avère être sans conséquence compte tenu du mode opératoire du cambrioleur ne lui permettait aucunement d'intervenir ; que l'argument des appelants qui soutiennent que s'il avait été à son poste, il aurait pu immédiatement aviser les services de police s'avère inopérant du fait de la rapidité à laquelle s'est commis le délit ; que M. et Mme T... ne démontrent absolument pas l'existence d'une faute caractérisée de l'hôtelier permettant de retenir sa responsabilité sur le fondement de l'article 1953 dernier alinéa du code civil étant précisé que le vol de leurs bijoux n'a pu avoir lieu que du fait de leurs carences à prendre les précautions adéquates pour éviter un cambriolage ; que surabondamment, il convient de relever que les appelants, pour justifier de leur préjudice ne remettent aux débats que des photocopies de factures ou d'estimations qui ne présentent pas la moindre valeur probante, les originaux n'ayant pas été fournis ; qu'ils n'établissent donc pas la valeur des objets qui leur auraient été dérobés ; qu'en conséquence, le jugement attaqué est infirmé et il convient de rejeter les demandes présentées par M. et Mme T... ;
1°) ALORS QUE l'hôtelier est responsable de plein droit du vol des objets d'un client dans la chambre de celui-ci, dans la limite de cent fois le prix de location de la chambre par journée ; qu'en affirmant cependant qu'il appartenait à M. et Mme T..., clients de l'hôtel exploité par la société La Baie Dorée, de prouver une faute de celle-ci pour engager sa responsabilité du fait du vol d'objets se trouvant dans leur chambre, la cour d'appel a violé les articles 1952 et 1953 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'hôtelier qui a commis une faute est tenu de réparer intégralement le préjudice subi par son client du fait du vol commis dans la chambre de celui-ci ; qu'en l'espèce, M. et Mme T... soutenaient que, s'agissant d'un « hôtel de haut standing de niveau 4 étoiles » faisant payer la chambre « 500 € par nuit », ils pouvaient légitimement s'attendre « à un haut degré de sécurité », d'autant que les clients d'un tel hôtel ont souvent « en leur possession des effets personnels de valeur importante » (concl., p. 10 § 9 à 12) ; qu'ils reprochaient ainsi une faute à la société La Baie Dorée consistant à avoir chargé le veilleur de nuit de l'hôtel de mettre en place les tables au restaurant pour le petit-déjeuner au moment où le vol a été commis, au lieu de visionner le système de vidéo-surveillance ou d'effectuer des rondes, permettant ainsi au voleur de traverser le parking et de se rendre dans la chambre de M. et Mme T... située au rez-de-chaussée et de repartir après le vol sans être inquiété (concl., p. 12 § 8 et 9 ; p. 13 § 3 à 9 ; p. 14 ; p. 17) ; qu'en écartant néanmoins la faute de l'hôtelier au motif inopérant que le cambrioleur avait agi rapidement (arrêt, p. 5 § 4 à 6), la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;
3°) ALORS QU' en imputant une faute à M. et Mme T... consistant à ne pas avoir fermé les volets de leur chambre, sans répondre à leurs conclusions suivant lesquelles l'hôtelier s'était engagé à fermer les volets tous les soirs (concl., p. 20 § 6 à 9 ; p. 23 § 11 à 13), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le fait de ne pas placer ses bijoux et autres biens de valeur dans le coffre-fort de la chambre lorsque le client est présent dans celle-ci ne constitue pas une faute ; qu'en affirmant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;
5°) ALORS QUE la preuve à l'égard d'une société commerciale peut être rapportée par tout moyen, notamment par une photocopie ou une attestation ; qu'en affirmant cependant que M. et Mme T... n'établissaient pas la valeur des objets dérobés dès lors qu'ils ne produisaient que des photocopies de factures ou estimations, et non les originaux des factures d'achat, la cour d'appel, qui ne pouvait dénier toute force probante aux pièces produites du seul fait qu'il s'agissait de photocopies ou d'estimations, a violé l'article L. 110-3 du code de commerce. | En application des articles 1952 et 1953 du code civil, l'hôtelier est responsable de plein droit en cas de vol des effets que les voyageurs apportent dans leur établissement. En l'absence d'un dépôt de ces effets entre les mains de l'hôtelier, d'un refus de celui-ci de les recevoir, ou encore d'une faute de sa part ou des personnes dont il doit répondre, démontrée par le voyageur, les dommages-intérêts dus à ce dernier sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée.
Viole ces textes la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par les clients victimes d'un vol d'effets personnels dans leur chambre d'hôtel, retient qu'ils ne démontrent pas l'existence d'une faute caractérisée de l'hôtelier permettant de retenir sa responsabilité |
323 | Demande d'avis
n°C 20-70.002
Juridiction : le tribunal judiciaire de Strasbourg
IB
Avis du 23 septembre 2020
n° 15005 P+B
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
COUR DE CASSATION
_________________________
Première chambre civile
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :
La Cour de cassation a reçu, le 26 mai 2020, une demande d'avis formée par le tribunal judiciaire de Strasbourg, dans une instance concernant Mme I... et M. L..., en présence du procureur de la République près ce tribunal.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, et les conclusions écrites et orales de M. Sassoust, avocat général.
Enoncé de la demande d'avis
1. La demande est ainsi libellée :
« 1°/ Le mariage des parents d'un enfant qui n'a été reconnu par l'un d'entre eux qu'après expiration du délai d'un an prévu à l'article 372 du code civil confère t-il de plein droit à celui-ci l'exercice de l'autorité parentale, en commun avec l'autre parent qui l'exerce déjà ?
2°/ Dans la négative, entre-t-il dans l'office du juge aux affaires familiales, saisi conjointement par les deux parents en l'absence de tout litige entre eux, de se prononcer sur l'exercice en commun de l'autorité parentale alors que leur volonté commune peut être recueillie, en vue du même effet, par déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe du tribunal judiciaire ? »
Examen de la demande d'avis
Sur la première question
2. Cette question de droit, qui est nouvelle et qui présente une difficulté sérieuse, est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. La demande d'avis sur cette question est dès lors recevable.
3. Aux termes de l'article 372, alinéa 1er, du code civil, les père et mère exercent en commun l'autorité parentale.
4. Ces dispositions font dépendre l'exercice de l'autorité parentale du seul établissement du lien de filiation, sans distinguer entre les enfants nés pendant le mariage et ceux nés hors mariage.
5. Par dérogation au principe posé en son alinéa 1, l'article 372 prévoit, en ses alinéas 2 et 3, que dans le cas où la filiation est établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance de l'enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. L'autorité parentale peut néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal ou sur décision du juge aux affaires familiales.
6. Ces dernières dispositions, qui imposent aux parents concernés une démarche supplémentaire pour obtenir l'exercice en commun de l'autorité parentale, ont pour finalité d'assurer que celui qui a reconnu l'enfant en premier est informé de la reconnaissance tardive par l'autre parent et que l'intérêt de l'enfant est préservé.
7. Le législateur n'a pas prévu que le mariage des parents après la naissance de l'enfant puisse suppléer l'engagement de l'une ou l'autre de ces démarches. En particulier, depuis la suppression de la procédure de légitimation par mariage par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, aucune disposition du code civil ne prévoit que le mariage puisse avoir un effet sur la dévolution de l'exercice de l'autorité parentale.
8. Il en résulte qu'en présence d'une filiation établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance de l'enfant alors que la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, l'exercice en commun de l'autorité parentale par les deux parents ne peut résulter que d'une déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires ou d'une décision du juge aux affaires familiales, sans que le mariage des parents, après la naissance de l'enfant, puisse emporter de plein droit un exercice en commun de l'autorité parentale.
Sur la seconde question
9. Cette question de droit, qui est nouvelle et qui présente une difficulté sérieuse, est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. La demande d'avis est dès lors recevable.
10. Il résulte de l'article 373-2-6, alinéa 1er, du code civil que le juge aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises au titre de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.
11. En particulier, en présence d'une filiation établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance de l'enfant alors que la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, l'article 372, alinéa 3, le rend compétent pour décider, s'il en est saisi, d'un exercice en commun de l'autorité parentale.
12. Ce dernier texte prévoit, néanmoins, que les parents peuvent également obtenir l'exercice en commun de l'autorité parentale, dans une telle hypothèse, s'ils adressent au directeur des services de greffe judiciaires une déclaration conjointe répondant aux conditions de l'article 1180-1 du code de procédure civile.
13. La compétence du directeur des services de greffe judiciaires pour recevoir une telle déclaration ne fait pas obstacle à celle du juge aux affaires familiales pour statuer sur une demande d'exercice en commun de l'autorité parentale, même lorsque celle-ci est formée conjointement par les parents.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
1°/ Est d'avis qu'en présence d'une filiation établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance de l'enfant alors que la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, le mariage des parents, après la naissance de l'enfant, n'emporte pas de plein droit un exercice en commun de l'autorité parentale ;
2°/ Est d'avis que la compétence du directeur des services de greffe judiciaire pour recevoir une déclaration conjointe répondant au formalisme posé par l'article 1180-1 du code de procédure civile ne fait pas obstacle à celle du juge aux affaires familiales, qui, s'il est saisi sur le fondement de l'article 372, alinéa 3, du code civil, doit se prononcer sur un exercice en commun de l'autorité parentale, même lorsque la demande est formée conjointement par les parents.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 23 septembre 2020, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 15 septembre 2020 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, Mme Berthomier, greffier de chambre.
Le présent avis est signé par le conseiller référendaire rapporteur, le président et le greffier de chambre. | En présence d'une filiation établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance de l'enfant alors que la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, le mariage des parents, après la naissance de l'enfant, n'emporte pas de plein droit un exercice en commun de l'autorité parentale |
324 | CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 776 F-P+B+I
Pourvoi n° J 19-13.194
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La société Burton, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-13.194 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre, sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Bretagne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Burton, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Bretagne, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 janvier 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a adressé à la société Burton (la société), le 14 octobre 2013, une lettre d'observations portant sur plusieurs chefs de redressement, puis, le 18 décembre 2013, douze mises en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de valider les chefs de redressement n° 2, 4, 5, 6, 7 et 15, alors « que sauf disposition expresse contraire le salaire s'entend par principe du salaire brut ; que la société Burton a contesté en conséquence le mode de calcul des chefs de redressement n° 2 ''frais professionnels non justifiés - frais liés à la mobilité professionnelle (sans changement de territoire)'', n° 4 ''primes diverses'', n° 5 ''acomptes, avances, prêts non récupérés'', n° 6 ''rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations'', n° 7 ''avantages en nature - cadeaux en nature offerts par l'employeur'', et n° 15 ''rémunération non déclarée -rémunération non soumises à cotisations'', faisant valoir que l'URSSAF avait procédé de manière erronée, pour le calcul des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, à une reconstitution en brut des avantages accordés selon elle en net, alors que la réintégration d'éléments requalifiés en salaire dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale concerne par nature des sommes en brut ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, L. 243-1 et R. 242-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable aulitige :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s'il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportée par le salarié, des sommes et avantages compris dans l'assiette des cotisations.
6. Pour valider les chefs de redressement n° 2, 4, 5, 6, 7 et 15, l'arrêt énonce essentiellement, par motifs adoptés, que l'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que les cotisations à la charge des employeurs et des salariés ou assimilés au titre de la législation des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales sont calculées, lors de chaque paie, sur l'ensemble des sommes comprises dans ladite paie, telles qu'elle sont définies à l'article L. 242-1, y compris, le cas échéant, la valeur représentative des avantages en nature et qu'il s'en déduit que toutes les rémunérations versées aux salariés doivent, pour être réintégrées dans l'assiette des cotisations, être reconstituées en base brute.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société n'avait pas procédé au précompte de la part des cotisations et contributions due par les salariés, de sorte que la réintégration des sommes afférentes aux avantages litigieux correspondait à leur montant brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a validé les chefs de redressement n° 2, 4, 5, 6, 7 et 15, a débouté la société Burton de sa demande en remboursement des sommes payées au titre de ces chefs de redressement et l'a condamnée au paiement des sommes restant dues sur la totalité du contrôle URSSAF ainsi que sur les majorations de retard, outre les majorations de retard restant à courir, l'arrêt rendu le 23 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne l'URSSAF de Bretagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Bretagne et la condamne à payer à la société Burton la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Burton.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la Société BURTON de ses demandes d'annulation de la procédure de contrôle, de la procédure de recouvrement et des mises en demeure, d'AVOIR validé les chefs de redressement suivants : Point n° 2 « frais professionnels non justifiés - frais liés à la mobilité professionnelle (sans changement de territoire) », à hauteur de 864 euros, Point n° 3 « avantages en nature logement », à hauteur de 12.067 euros, Point n° 4 « primes diverses », à hauteur de 2.305 euros, Point n° 5 « acomptes, avances, prêts non récupérés », à hauteur de 4 234 euros, Point nº 6 : « rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations », à hauteur de 86.711 €, Point n° 7 « avantages en nature - cadeaux en nature offerts par l'employeur », à hauteur de 225 euros, Point n° 15 « rémunération non déclarée - rémunération non soumises à cotisations », à hauteur de 8.102 euros, Point nº 12 « indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations », à hauteur de 24 595 €, Point nº 13 « indemnités de rupture assujetties à cotisations sociales », à hauteur de 27 346 €, Point nº 18 « CE - prise en charge par l'employeur de contraventions », à hauteur de 1.527 €, Point nº 22 « CE - prise en charge des dépenses personnelles du salarié », à hauteur de 454 €, Point nº 23 « CE - primes diverses », à hauteur de 2.893 €, Point nº 24 « CE - bons d'achat et cadeaux en nature », à hauteur de 422 €, d'AVOIR débouté la Société BURTON de sa demande en remboursement des sommes payées à titre conservatoire se rapportant à ces chefs de redressements et d'AVOIR condamné la Société BURTON au paiement des sommes restant dues sur la totalité du contrôle URSSAF ainsi que sur les majorations de retard, outre les majorations de retard restant à courir ;
AUX MOTIFS QUE « sur la régularité de la procédure de contrôle et de recouvrement. Sur la qualité de l'URSSAF de Bretagne à contrôler l'ensemble des établissements de la Société BURTON. Considérant que la société fait valoir que : - l'Urssaf de Bretagne a contrôlé 39 de ses établissements sur le territoire national, indiquant dans son avis de passage tirer sa compétence de son adhésion à une convention générale de réciprocité, alors qu'elle indiquait devant le tribunal tirer cette compétence d'un accord VLU retenu par ce dernier. -l'accord VLU en cause est signé du directeur adjoint de l'ACOSS, bénéficiaire d'une délégation de signature illégale comme d'une part n'ayant fait l'objet d'aucune publication, d'autre part étant générale et imprécise, enfin comme ne permettant pas aux termes de son article 2 la signature d'un accord de VLU par le délégataire. -au titre de la convention générale de réciprocité, l'Urssaf n'apporte pas la preuve de sa compétence pour contrôler par exemple les établissements de Saint Brieuc et Montpellier, et ne produit pas les lettres circulaires annuelles de l'ACOSS, notamment celles en vigueur à la date du contrôle en 2013, répertoriant les délégations de compétence en matière de contrôle. Que l'Urssaf réplique notamment que : -en tant qu'Urssaf de liaison au titre du protocole VLU de 2000 qui n'a jamais été remis en cause, elle a toute compétence pour procéder aux opérations de contrôle ; de plus, la délégation de signature donné au directeur adjoint de l'ACOSS, signataire du protocole VLU en cause, n'avait pas besoin d'être publiée pour être opposable à la société; cette délégation n'est ni générale, ni imprécise, et permettait la signature d'un accord de VLU par le délégataire. -elle justifie au surplus de sa compétence à pouvoir contrôler tous les établissements de la société à travers la convention générale de réciprocité à laquelle elle a adhéré. Considérant qu' un protocole VLU instituant l'Urssaf de Brest comme Urssaf de liaison a été conclu le 17 janvier 2000 entre la société et l'ACOSS, sous la signature pour cette dernière de M. P..., son directeur adjoint, agissant pour le directeur (pièce nº18 de l'Urssaf). Que l'Urssaf produit en pièce nº21 une délégation de signature du 28 novembre 1994 par laquelle M. P..., directeur adjoint de l'ACOSS reçoit à compter du 01er décembre 1994 délégation de signature du directeur de l'ACOSS, ladite délégation mentionnant en son article 2 que M. P... est habilité à signer notamment « les décisions d'engagement et de mandatement des dépenses de » l'ACOSS. Qu'au regard des dispositions applicables, une telle délégation de signature intervenant en matière de sécurité sociale n'avait pas besoin d'être publiée pour produire valablement effet et être opposable notamment à la société. Que par ailleurs, cette délégation n'était nullement globale, puisqu'étant limitée à certaines attributions du Directeur par effet de son article 2. Qu'enfin l'accord VLU du 17 janvier 2000 constitue une décision d'engagement de l'ACOSS dans la mesure où notamment cette dernière s'engageait, par l'article 7 de l'accord, à donner des directives à l'Urssaf de liaison et aux organismes de recouvrement au regard du paiement des cotisations. Que l'accord VLU du 17 janvier 2000 est donc valable et opposable à la société. Que le tribunal a retenu à juste titre que « le protocole VLU du 17 janvier 2000 a été conclu par la Société BURTON avec l'ACOSS «agissant pour le compte des URSSAF dont relèvent les établissements de l'entreprise contractante» ; Que l'ACOSS représentait donc notamment l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF) du Nord-Finistère qui est ainsi une partie contractante à ce protocole; Que dès lors, par l'effet des arrêtés du 24 novembre 2008 et 7 août 2012, le transfert des biens, droits et obligations de l'URSSAF du Nord-Finistère à l'URSSAF du Finistère, puis de l'URSSAF du Finistère à l'URSSAF de Bretagne a valablement transféré à cette dernière la qualité d'URSSAF de liaison et donc la compétence pour procéder au contrôle de la Société BURTON et de l'ensemble de ses établissements ; » Que la circonstance que l'Urssaf de Bretagne ait indiqué dans son avis de passage du 03 avril 2013 (pièce nº15 de la société) tirer sa compétence de son adhésion à une convention générale de réciprocité pour contrôler tous les établissements de la société, ne l'empêche nullement de se prévaloir également de l'accord VLU pour justifier d'une telle compétence. Qu'au surplus, l'Urssaf justifie par ses productions (en pièces nº12 à 15 et 19) de sa compétence à pouvoir contrôler en 2013 tous les établissements de la société contrôlés dans le cadre de la présente vérification (et notamment ceux de Saint Brieuc et Montpellier) à travers la convention générale de réciprocité portant délégation de compétences en matière de contrôle entre organismes de recouvrement, à laquelle elle a adhéré le 18 mars 2002 ; qu'elle justifie enfin par les 02 derniers feuillets de sa pièce nº19 que les conventions générales de réciprocité auxquelles avaient adhéré courant 2002 les URSSAF territorialement compétentes au regard des établissements contrôlés en 2013 avaient toujours délégations de compétences (renouvelées sans interruption depuis 2002) en 2015, et donc lors du contrôle de 2013. Que dans ces conditions, les moyens de nullité ou d'inopposabilité de la procédure de redressement et des actes subséquents soulevés par la société en cause d'appel sont inopérants. » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Sur la qualité de l'URSSAF de Bretagne à contrôler l'ensemble des établissements de la Société BURTON. Attendu que le protocole VLU du 7 janvier 2000 a été conclu par la Société BURTON avec I'ACOSS « agissant pour le compte des URSSAF dont relèvent les établissements de l'entreprise contractante ». Que l'ACOSS représentait donc notamment l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF) du Nord-Finistère qui est ainsi une partie contractante à ce protocole, Que dès lors, par l'effet des arrêts du 24 novembre 2008 et 7 août 2012, le transfert des biens, droits et obligations de l'URSSAF du Nord-Finistère à l'URSSAF du Finistère, puis de l'URSSAF du Finistère à l'URSSAF de Bretagne a valablement transféré à cette dernière la qualité d'URSSAF de liaison et donc la compétence pour procéder au contrôle de la Société BURTON et de l'ensemble de ses établissements. * Sur le destinataire de l'avis de passage. Attendu que, selon l'article R 243-59 alinéa 1er du Code de la Sécurité Sociale, l'avis que l'organisme de recouvrement doit envoyer, avant d'effectuer un contrôle en application de l'article L 243-7, doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle. Attendu qu'en l'espèce, l'avis de passage a été envoyé au siège de la Société BURTON avec mention que le contrôle concernerait l'ensemble de ses établissements, Que c'est la Société BURTON qui a été destinataire de la lettre d'observations et y a répondu, Que les mises en demeures consécutives au redressement ont été envoyées au siège social, Qu'il s'en déduit que l'avis de passage a bien été adressé à l'employeur au sens de R 243-59 susvisé » ;
1/ ALORS QU'en application des articles L. 213-1 et D. 213-1-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, l'autonomie et la compétence propres dont dispose chacune des URSSAF, du fait de leur personnalité morale, a pour objet et pour effet de limiter leur compétence dans les limites territoriales de leur ressort, sauf à ce que par l'effet d'une convention générale de réciprocité établie par le directeur de l'ACOSS et de l'adhésion à cette convention par une URSSAF particulière, la compétence de celle-ci soit géographiquement étendue à l'ensemble des ressorts des autres URSSAF adhérentes ; qu'il appartient à ce titre à l'URSSAF ayant opéré le contrôle de démontrer sa compétence ; qu'en l'espèce l'URSSAF de Bretagne a procédé au contrôle des 39 établissements de la Société BURTON répartis sur l'ensemble du territoire français ; que selon l'article 7 des actes d'adhésion à une convention générale de réciprocité versés aux débats, l'ACOSS communique chaque année par lettre circulaire la liste des organismes qui ont renouvelé ou retiré leur délégation ; que tel que l'a fait valoir la Société BURTON en l'absence de production par l'URSSAF de Bretagne d'une convention générale de réciprocité signée par l'ACOSS et de circulaires annuelles de l'ACOSS communiquant la liste des URSSAF ayant renouvelé ou retiré leur délégation de compétence en matière de contrôle, l'organisme de recouvrement n'établissait pas disposer et conserver la compétence pour contrôler l'intégralité des établissements de la société répartis sur tout le territoire national et non sur la seule région Bretagne (conclusions p. 12) ; qu'en considérant au contraire que l'URSSAF de Bretagne était territorialement compétente pour procéder aux contrôle de l'ensemble des établissements en dépit de l'absence de production d'une convention générale de réciprocité signée par l'ACOSS, ainsi que d'une circulaire annuelle de l'ACOSS communiquant la liste des URSSAF ayant renouvelé ou retiré leur délégation de compétence en matière de contrôle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 243-7, L. 213-1 et D. 213-1-1 du code de la sécurité sociale ;
2/ ALORS QU'en retenant que l'URSSAF de Bretagne « justifiait par les 2 derniers feuillets de sa pièce nº 19 que les conventions générales de réciprocité auxquelles avaient adhéré courant 2002 les URSSAF territorialement compétentes au regard des établissements contrôlés en 2013 avaient toujours délégations de compétences (renouvelées sans interruption depuis 2002) en 2015, et donc lors du contrôle de 2013 », cependant que la pièce d'appel n° 19 de l'URSSAF - prise en son ensemble et notamment en ses deux derniers feuillets - correspondait à des arrêtés portant création d'URSSAF régionales et ne fait aucunement mention de l'adhésion ou du renouvellement d'adhésion de ces URSSAF à une convention générale de réciprocité, la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;
3/ ALORS QUE la société contestait de même l'existence d'une convention de versement en un lieu unique (VLU) régulièrement conclue, faisant valoir à ce titre que la convention conclue le 7 janvier 2000 instituant l'URSSAF de Brest comme URSSAF de liaison de la Société BURTON était irrégulière comme ayant été signée par le directeur adjoint de l'ACOSS, monsieur P..., qui ne disposait pas d'une délégation de signature régulière en la matière ; qu'en retenant au contraire que la délégation de signature donnée par le directeur de l'ACOSS à son directeur adjoint le 28 novembre 1994 lui conférait un tel pouvoir, cependant que selon l'article 7 de cette délégation ce dernier n'avait reçu délégation que pour signer « les décisions d'engagement et de mandatement des dépenses » de l'ACOSS, sans qu'il ne soit conféré le pouvoir de conclure une convention de versement en un lieu unique avec un employeur, la cour d'appel a dénaturé l'acte de délégation de signature donné le 28 novembre 1994 au directeur adjoint de l'URSSAF, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les documents qu'il examine ;
4/ ALORS QU'en retenant que la délégation de signature conférée le 28 novembre 1994 par le directeur de l'ACOSS à monsieur P..., directeur adjoint, était régulière et lui permettait de signer une convention de versement en un lieu unique avec la Société BURTON, en dépit de l'absence de publication de cette délégation de signature, la cour d'appel a violé les articles R. 225-7, L. 213-1 et D. 213-1-1 du code de la sécurité sociale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé le chef de redressement Point nº 13 « indemnités de rupture assujetties à cotisations sociales », à hauteur de 27 346 €, d'AVOIR débouté la Société BURTON de sa demande en remboursement de la somme payée à titre conservatoire à ce titre et d'AVOIR condamné la Société BURTON au paiement des sommes restant dues sur la totalité du contrôle URSSAF ainsi que sur les majorations de retard, outre les majorations de retard restant à courir ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le point nº 13 : indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations sociales (préavis, congés payés, non concurrence, congé reclassement). Considérant que l'Urssaf a réintégré pour les soumettre à cotisations les indemnités transactionnelles, ou fractions d'entre elles, versées entre 2010 et 2012 à 13 salariés, tous établissements confondus, à la suite de leurs licenciements respectifs pour faute grave correspondant aux indemnités de préavis de ceux-ci au motif qu'une indemnité transactionnelle versée à un salarié licencié pour faute grave comprenait nécessairement l'indemnité compensatrice de préavis dès lors que celui-ci n'a pas renoncé de manière expresse et non équivoque à cette indemnité. Que la société fait valoir que : -l'Urssaf ne peut pas se prononcer sur le bien-fondé et la qualification d'un licenciement, ainsi que sur les prétentions salariales, et ne peut donc pas estimer qu'une indemnité transactionnelle inclut de facto une indemnité de préavis. -le quantum des redressements est incohérent, ceux-ci étant assis sur l'intégralité de l'indemnité transactionnelle dans 9 des 13 transactions, le montant réintégré étant alors non celui versé au salarié mais un montant correspondant selon l'Urssaf à un brut; or, il aurait fallu a minima dans ces cas déduire du montant de l'indemnité la part correspondant à l'indemnité de licenciement, exonérée de cotisations , ce qui n'a pas été fait et est d'ailleurs impossible ; les indemnités transactionnelles sont d'un montant insuffisant pour couvrir les indemnités de licenciement et de préavis ainsi que l'indemnisation du salarié. - l'existence d'une transaction n'implique pas la renonciation à une faute grave et en l'espèce les transactions conclues prévoient le maintien du licenciement pour faute grave. -les transactions n'intègrent pas en l'espèce d'indemnité de préavis ; -il n'y a pas de présomption d'assujettissement à cotisations sociales. Que L'Urssaf fait sienne la motivation retenue par le tribunal, précisant qu'elle a limité dans certains cas la réintégration au montant de l'indemnité transactionnelle reconstitué en brut puisqu'elle ne peut évidemment pas aller au-delà de ce qui a été versé dans le cadre de la transaction. Considérant que c'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont exactement rejeté la contestation de la société en la matière en retenant «qu'en cas de versement au salarié licencié d'une indemnité forfaitaire, il appartient au juge de rechercher si, quelle que soit la qualification retenue par les parties, elle comprend des éléments de rémunération soumis à cotisations. Attendu qu'en l'espèce, les transactions conclues avec MM. N..., S..., W..., et Y... et avec Mmes I..., E..., V..., O..., D..., C..., H..., A... et K... à la suite de leur licenciement pour faute grave prévoient le versement aux intéressés d'une indemnité en plus du montant des congés payés leur restant dus; Qu'il s'en déduit que l'employeur a nécessairement renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des effets de celui-ci; Qu'ainsi, l'indemnité transactionnelle globale comprenait nécessairement l'indemnité compensatrice de préavis sur le montant de laquelle les cotisations sont dues; Attendu que le fait que les indemnités transactionnelles versées ne couvrent pas l'intégralité de l'indemnité de préavis, ou l'intégralité des indemnités de préavis et de licenciement, auxquelles les salariés concernés auraient pu prétendre est à cet égard sans incidence, les parties ayant, dans le cadre transactionnel, pu s'accorder sur des montants réduits sans pour autant modifier la qualification de la somme versée; Attendu qu'en application de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale, les indemnités versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérées comme rémunérations et comme telles soumises à cotisations; Qu'il s'en déduit que les indemnités transactionnelles versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail sont présumées constituer des éléments de rémunération; Qu'il appartient en conséquence à l'employeur de démontrer que tout ou partie de ces indemnités correspond à des sommes exclues de l'assiette des cotisations; Attendu qu'en l'espèce, la Société BURTON n'a fourni aucun élément de nature à permettre d'identifier, dans les indemnités transactionnelles versées, la nature des sommes en cause; Que l'URSSAF a constaté notamment que l'employeur n'a produit aucune pièce permettant de connaître la nature des demandes des salariés sur la base desquelles la transaction a été conclue; Que c'est dès lors à bon droit que l'URSSAF a intégré l'intégralité des indemnités versées dans l'assiette des cotisations; Qu'il sera simplement ajouté que la société produit les accords transactionnels litigieux en pièces nº36 à 46 prévoyant respectivement le versement d'une somme en montant net à titre d'indemnité forfaitaire et transactionnelle ; qu'aucune renonciation par chacun des salariés à des sommes à caractère salarial, et notamment à l'indemnité compensatrice de préavis, n'est mentionnée expressément dans l'un ou l'autre des accords transactionnels, ni ne résulte par mention ou déduction d'une autre pièce du dossier; que la présomption de salariat de toutes les sommes versées à l'occasion du travail fixée par l'article L.242-1 du code de la Sécurité Sociale subsiste, que l'employeur ne renverse pas. Que chacune des indemnités transactionnelles forfaitaires comprenait donc nécessairement, à concurrence de leur quantum devant être reconstitué et retenu en brut, l'indemnité compensatrice de préavis sur le montant desquelles (dans la limite de celui de l'indemnité transactionnelle) les cotisations étaient dues; que l'Urssaf, qui a simplement appliqué la présomption de salariat fixée par l'article L.242-1, ne s'est pas prononcée à l'occasion de son analyse sur le bien-fondé et la qualification d'un licenciement ou sur les prétentions salariales. Qu'ainsi, la société ne rapporte pas la preuve que les indemnités transactionnelles litigieuses avaient un fondement exclusivement indemnitaire. Qu'en conséquence, le redressement pratiqué par l'Urssaf à ce titre sera par voie de confirmation intégralement validé tant dans son principe que dans son montant.» ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Sur le point n° 13 : indemnités de rupture assiettes à cotisations sociales. Attendu qu'en cas de versement au salarié licencie d'une indemnité forfaitaire, il appartient au juge de rechercher si, quelle que soit la qualification retenue par les parties, elle comprend des cléments de rémunération soumis à cotisations, Attendu qu'en l'espèce, les transactions conclues avec MM N..., S..., W... et Y... et avec Mmes I..., E..., V..., O..., D..., C..., H..., A... et K... à la suite de leur licenciement pour faute grave prévoient le versement aux intéressés d'une indemnité en plus du montant des congés payés leur restant dus , Qu'il s'en déduit que l'employeur a nécessairement renonce au licenciement pour faute grave initialement notifié, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des effets de celui-ci, Qu'ainsi, l'indemnité transactionnelle globale comprenait nécessairement l'indemnité compensatrice de préavis sur le montant de laquelle les cotisations sont dues, Attendu que le fait que les indemnités transactionnelles versées ne couvrent pas l'intégralité de l'indemnité de préavis, ou l'intégralité des indemnités de préavis et de licenciement, auxquelles les salariés concernés auraient pu prétendre est à cet égard sans incidence, les parties ayant, dans le cadre transactionnel, pu s'accorder sur des montants réduits sans pour autant modifier la qualification de la somme versée, Attendu qu'en application de l'article L 242.1 du Code de la Sécurité Sociale, les indemnités versées aux travailleurs en contrepartie ou a l'occasion du travail sont considérées comme rémunérations et comme telles soumises à cotisations, Qu'il s'en déduit que les indemnités transactionnelles versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail sont présumées constituer des éléments de rémunération, Qu'il appartient en conséquence a l'employeur de démontrer que tout ou partie de ces indemnités correspond à des sommes exclues de l'assiette des cotisations, Attendu qu'en l'espèce, la Société BURTON n'a fourni aucun élément de nature à permettre d'identifier, dans les indemnités transactionnelles versées, la nature des sommes en cause, Que l'URSSAF a constaté notamment que l'employeur n'a produit aucune pièce permettant de connaître la nature des demandes des salariés sur la base desquelles la transaction a été conclue, Que c'est dès lors à bon droit que l'URSSAF a intégré l'intégralité des indemnités versées dans l'assiette des cotisations » ;
1. ALORS QUE sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale les indemnités transactionnelles qui concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que pour déterminer si les sommes versées au salarié en contrepartie d'une transaction conclue avec l'employeur doivent être assujetties, pour partie ou intégralement, à cotisations de sécurité sociale, il appartient aux juges de vérifier la nature indemnitaire ou non desdites sommes ; que la conclusion d'une transaction consécutive à un licenciement pour faute grave ne vaut pas renonciation par principe de l'employeur à se prévaloir de ladite faute grave, et n'emporte pas en soit requalification de l'indemnité transactionnelle versée en « salaire » ; qu'en retenant au contraire qu'en accordant une indemnité transactionnelle aux treize salariés licenciés pour faute grave (MM. N..., S..., W..., R... , E..., V..., O..., D..., C..., H..., A... et K...) la Société BURTON avait renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié et que les indemnités transactionnelles versées « comprenaient donc nécessairement à concurrence de leur quantum (
) l'indemnité compensatrice de préavis », la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige ;
2. ALORS QU'en retenant au contraire, comme elle l'a fait, pour valider le redressement, l'existence d'une « présomption de salariat » pour les indemnités transactionnelles conclues pour une somme globale et forfaitaire à la suite d'un licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige ;
3. ALORS QUE sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale les indemnités transactionnelles qui concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; qu'en validant le redressement sans rechercher si les indemnités transactionnelles versées aux treize salariés en cause ne visaient pas exclusivement à indemniser un préjudice consécutif à leur licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé le chef de redressement Point nº 12 « indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations », à hauteur de 24.595 €, d'AVOIR débouté la Société BURTON de sa demande en remboursement de la somme payée à ce titre et d'AVOIR condamné la Société BURTON au paiement des sommes restant dues sur la totalité du contrôle URSSAF ainsi que sur les majorations de retard, outre les majorations de retard restant à courir ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le point nº12 : indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations. Considérant que l'Urssaf a réintégré dans l'assiette de cotisations la somme de 78 200 € brut au titre d'éléments de salaire compris dans l'indemnité transactionnelle (de 75 000 € nets, soit 93 389 € brut) attribuée en janvier 2010 à M. J... licencié pour faute grave courant 2009. Que la société fait valoir que : -l'Urssaf a réintégré une somme supérieure à celle allouée au salarié lors de la transaction. -par la transaction, les parties ont abandonné leurs prétentions initiales. -la transaction claire et dénuée d'ambiguïté ne mentionne pas l'abandon de la qualification de faute grave. -l'Urssaf ne peut pas se prononcer sur le bien-fondé et la qualification d'un licenciement, ainsi que sur les prétentions salariales. -contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, c'est à l'Urssaf de démontrer à la lecture de l'accord transactionnel et des éléments de la cause que le salarié n'a pas renoncé à son indemnité de préavis. Que L'Urssaf fait sienne la motivation retenue par le tribunal. Considérant que dès lors que l'indemnité transactionnelle est conclue pour une somme globale et forfaitaire, comme c'est le cas en l'espèce, il convient de rechercher si cette somme n'inclut pas des éléments de rémunération légaux ou conventionnels (à caractère salarial) soumis à cotisations, distincts de ceux à caractère indemnitaire exclus de l'assiette de cotisations sociales. Qu'à défaut de renonciation expresse du salarié aux éléments dus, la présomption de salariat de toutes les sommes versées à l'occasion du travail fixée par l'article L.242-1 du code de la Sécurité Sociale subsiste, l'employeur devant alors prouver que les sommes versées visent à réparer un préjudice subi par le salarié. Qu 'en l'espèce la transaction (pièce nº34 de la société) prévoyait une indemnité globale et forfaitaire « d'un montant de 75 000 € nets (') à titre de dommages-intérêts » * Qu'il apparaît que la transaction intervenue entre les parties a mis un terme à l'action prud'homale engagée par M. J... dans le cadre de laquelle il sollicitait plusieurs sommes à caractère salarial à hauteur de 78 200 € brut (indemnité compensatrice de préavis (3 mois) et congés payés afférents, rémunération variable garantie); que si la société avance que M. J... a renoncé à ses demandes de rappel de salaires à l'occasion de la transaction, force est de constater qu'aucune renonciation par M. J... aux sommes à caractère salarial qu'il avait initialement sollicitées dans le cadre contentieux n'est mentionnée expressément à l'accord transactionnel (M. J... renonçant simplement « à toute action » et s'engageant à se désister de l'action prud'homale engagée), ni ne résulte par mention ou déduction d'une autre pièce du dossier. Que l'employeur ne rapportant pas la preuve qui lui incombe d'une renonciation par M. J... aux sommes à caractère salarial qu'il avait initialement sollicitées, l'indemnité transactionnelle globale (de 75 000 € nets, sans qu'aucune cotisation sur celle-ci ne soit précomptée, ni versée) comprenait nécessairement ces éléments de rémunération sur le montant desquels les cotisations étaient dues et ce à concurrence de leur quantum de 78 200 € bruts (somme inférieure à celle allouée au salarié lors de la transaction, soit 93 389 € bruts). Que l'Urssaf, qui a simplement appliqué la présomption de salariat fixée par l'article L.242-1, ne s'est pas prononcée à l'occasion de son analyse sur le bien-fondé et la qualification d'un licenciement ou sur les prétentions salariales. Qu'en conséquence, le redressement pratiqué par l'Urssaf à ce titre sera par voie de confirmation intégralement validé tant dans son principe que dans son montant ».
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « sur le point n° 12 : Indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations. Attendu qu'en cas de_versement.au salarie licencie d'une indemnité forfaitaire, il appartient au juge de rechercher si, quelle que soit la qualification retenue par les parties, elle comprend des éléments de rémunération soumis à cotisations, Attendu qu'en l'espèce, la transaction conclue avec M J... a la suite de son licenciement pour faute grave prévoit te versement à l'intéresse d'une indemnise en plus du montant des congés payés lui restant dus , Qu'il s'en déduit que l'employeur a nécessairement renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des effets de celui-ci , Qu'ainsi l'indemnité transactionnelle globale comprenait nécessairement l'indemnité compensatrice de préavis sur le montant de laquelle les cotisations sont dues, Attendu qu'en application de l'article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale, les indemnités versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérées comme rémunérations et comme telles soumises a cotisations, Qu'il s'en déduit que les indemnités transactionnelles versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail sont présumées constituer des cléments de rémunération , Qu'il appartient en conséquence a l'employeur de démontrer que tout ou partie de ces indemnités correspond à des sommes exclues de l'assiette des cotisations, Attendu qu'il ressort des pièces produites par la Société BURTON que M J... entendait notamment obtenir devant le Conseil de prud'hommes le versement, non seulement de l'indemnité compensatrice de préavis mais également des congés payés afférents et des rémunérations variables garanties, tous éléments présentant un caractère salarial , Que c'est dès lors à juste titre que l'URSSAF a considère qu'il n'était pas démontré que les dommages-intérêts alloués à M J... excédaient la différence entre le montant de l'indemnité transactionnelle et celui de ses prétentions à caractère salarial et réintégré en conséquence » ;
1. ALORS QUE sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale les indemnités transactionnelles qui concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que pour déterminer si les sommes versées au salarié en contrepartie d'une transaction conclue avec l'employeur doivent être assujetties, pour partie ou intégralement, à cotisations de sécurité sociale, il appartient aux juges de vérifier la nature indemnitaire ou non desdites sommes ; que la conclusion d'une transaction consécutive à un licenciement pour faute grave ne vaut pas renonciation par principe de l'employeur à se prévaloir de ladite faute grave, et n'emporte pas en soit requalification de l'indemnité transactionnelle versée en « salaire » ; qu'en retenant au contraire qu'en accordant une indemnité transactionnelle à un salarié licencié pour faute grave et ayant engagé une action prud'homale (M. J...) la Société BURTON avait renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié et que l'indemnité transactionnelle versée « comprenait nécessairement des éléments de rémunération », la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige ;
2. ALORS QU'en validant le redressement sans rechercher si les indemnités transactionnelles versées au salarié en cause ne visaient pas exclusivement à indemniser un préjudice consécutif à son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé les chefs de redressement suivants : Point n° 2 « frais professionnels non justifiés - frais liés à la mobilité professionnelle (sans changement de territoire) », à hauteur de 864 euros, Point n° 4 « primes diverses », à hauteur de 2.305 euros, Point n° 5 « acomptes, avances, prêts non récupérés », à hauteur de 4 234 euros, Point nº 6 : « rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations », à hauteur de 86.711 €, Point n° 7 « avantages en nature - cadeaux en nature offerts par l'employeur », à hauteur de 225 euros, Point n° 15 « rémunération non déclarée - rémunération non soumises à cotisations », à hauteur de 8.102 euros, d'AVOIR débouté la Société BURTON de sa demande en remboursement des sommes payées au titre de ces chefs de redressement et d'AVOIR condamné la Société BURTON au paiement des sommes restant dues sur la totalité du contrôle URSSAF ainsi que sur les majorations de retard, outre les majorations de retard restant à courir ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le point nº2: frais professionnels non justifiés - frais liés à la mobilité professionnelle (sans changement de territoire). Considérant que la société ne conteste pas en la matière le principe du redressement, mais la reconstitution en brut par l'Urssaf de l'assiette de cotisations servant de base à l'établissement du montant du redressement, faisant valoir essentiellement en la matière que : -une telle pratique de reconstitution en brut viole certaines règles et principe, et ne repose sur aucun fondement, l'assiette de cotisations étant constituée de la somme allouée à son collaborateur pour son montant nominal, soit 1267,16 € (et non 1 615 € retenu par l'Urssaf qui ne peut pourtant pas se substituer à l'employeur dans la fixation du salaire), seule la somme perçue par le salarié, et non celle qu'il serait présumé avoir perçue , pouvant être retenue. -dans un avantage non soumis à cotisations, les notions de brut et de net n'ont pas d'objet, et la pratique de l'Urssaf revient à lui faire supporter économiquement la contribution du salarié, l'employeur ne pouvant pas recouvrir la part salariale de cotisations auprès des salariés. -la conversion opérée par l'Urssaf rend indéterminable sa dette dès lors que le calcul de la reconstitution d'un montant brut est inconnu et invérifiable, la lettre d'observations n'expliquant nullement le calcul permettant de déterminer l'assiette sur laquelle est ensuite calculé le redressement. Que l'Urssaf réplique que : -les cotisations doivent être calculées sur la rémunération brute du salarié avant déductions -la lettre d'observations précise bien les assiettes et montants par année ainsi que les taux de cotisations appliqués conformément aux exigences de l'article R 243-59 du code de de la sécurité sociale. Considérant que c'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont exactement rejeté la contestation de la société en la matière en retenant « que l'article R. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale dispose que les cotisations à la charge des employeurs et des salariés ou assimilés au titre de la législation des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales sont calculées, lors de chaque paie, sur l'ensemble des sommes comprises dans ladite paie, telles qu'elles sont définies à l'article L. 242-1, y compris, le cas échéant, la valeur représentative des avantages en nature; Qu'il s'en déduit que toutes les rémunérations versées aux salariés doivent, pour être réintégrées dans l'assiette des cotisations, être reconstituées en bases brutes; Attendu que les frais de déménagement remboursés à Madame L..., dont la nature de rémunération n'est pas contestée, correspondent nécessairement à une somme nette, déduction faite des cotisations qui auraient dû être acquittées; Que dès lors, l'URSSAF n'a d'autre moyen que de reconstituer le montant en brut de la somme ainsi versée; Attendu que cette conversion ne revient pas à considérer que le précompte aurait été effectué en exécution du redressement opéré par l'URSSAF ; Attendu que la lettre d'observations doit indiquer la nature, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé; Qu'en l'espèce, la lettre d'observation décrit le calcul des cotisations opéré à partir du montant brut reconstitué; Qu'en revanche, il n'était pas obligatoire de préciser le calcul ayant abouti à ce montant brut dès lors que ce calcul résulte de l'application de règles qui ne sont pas litigieuses et ne se rapporte donc pas au mode de calcul du redressement; Que la lettre d'observation est donc, sur ce point, conforme aux exigences posées par l'article R. 243-59 du Code de la Sécurité Sociale; Qu'en effet, l'avantage litigieux versé par la société à son collaborateur pour 1 267,16 € étant net de cotisations sociales, l'Urssaf était dès lors fondée, à partir de cette base nette, à reconstituer une base brute (1 615 € en l'espèce) afin d'y appliquer les taux de cotisations en vigueur. Que par ailleurs, la lettre d'observations indique bien, au regard de ce chef de redressement et de son mode de calcul les assiettes et montants par année ainsi que les taux de cotisations appliqués conformément aux exigences de l'article R 243-59 du code de de la sécurité sociale, étant précisé que la reconstitution en brut de l'assiette de cotisations relève de taux connus habituellement pratiqués. Que le redressement de ce chef sera validé pour son entier montant ».
ET AUX MOTIFS QUE « Sur les points nº 4 : primes diverses ; nº 5 : acomptes, avances, prêts non récupérés ; nº 06 : rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations ; nº7: avantages en nature cadeaux - cadeaux en nature offerts par l'employeur ; et nº15: rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations. Considérant que la société conteste en la matière la reconstitution en brut par l'Urssaf des assiettes de cotisations servant de base à l'établissement du montant de chacun des redressements opérés de ces chefs, et ce pour les mêmes raisons que celles développées du chef du redressement nº2. Considérant que les avantages litigieux consentis par la société à leurs salariés au titre de chacun de ces chefs de redressement étaient nets de cotisations sociales, l'Urssaf étant dès lors fondée, à partir de ces bases nettes, à reconstituer des bases brutes afin d'y appliquer les taux de cotisations en vigueur. Que par ailleurs, la lettre d'observations indique bien, au regard de ces 5 chefs de redressement et de leur mode de calcul les assiettes et montants par année ainsi que les taux de cotisations appliqués conformément aux exigences de l'article R 243-59 du code de de la sécurité sociale, étant précisé que la reconstitution en brut de chacune des assiettes de cotisations relève de taux connus habituellement pratiqués. Que les redressements de ces chefs seront validés pour leurs entiers montants, étant précisé que le montant du redressement relatif au point nº6 : rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations s'élève à 86 711 € (et non 12 613 €) tous établissements confondus » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « toutes les rémunérations versées aux salaries doivent, pour être réintégrées dans l'assiette des cotisations, être reconstituées en bases brutes, Attendu que les frais de déménagement remboursent à Mme L..., dont la nature de rémunération n'est pas contestée, correspondent nécessairement à une somme nette, Déduction faite des cotisations qui auraient dû être acquittées. Que dès lors l'URSSAF n'a d'autre moyen que de reconstituer l montant en brut de la somme ainsi versée ; attendu que cette conversion ne revient pas à considérer que le précompte aurait été effectué en exécution du redressement opéré par l'URSSAF, Attendu que la lettre d'observations doit indiquer la nature, le mode de calcul et le montant du redressement envisage , Qu'en l'espèce, la lettre d'observation décrit le calcul des cotisations opéré à partir du montant brut reconstitué , Qu'en revanche, il n'était pas obligatoire de préciser te calcul ayant abouti à ce montant brut dès lors que ce calcul résulte de l'application de règles qui ne sont pas litigieuses et ne se rapporte donc pas au mode de calcul du redressement , Que la lettre d'observation est donc, sur ce point, conforme aux exigences posées par l'article R 243-59 du Code de la Sécurité Sociale (
) ; Attendu que le redressement sera donc validé sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Sur le point n° 4 primes diverses, Sur le point n° 5 acompte, avance prêts non récupérés, Sur le point n° 6 rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations, sur le point n° 7 avantages en nature cadeau - cadeaux en nature offerts par l'employeur. Sur le pont n° 15 rémunérations non déclarées - rémunérations non Soumises à cotisations. Attendu que, pour les motifs évoqués à propos du point n° 2, il y a lieu d'approuver la reconstitution en brut par l'URSSAF des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations au titre de ces quatre points et en conséquence de valider ces quatre chefs de redressement » ;
ALORS QUE sauf disposition expresse contraire le salaire s'entend par principe du salaire brut ; que la Société BURTON a contesté en conséquence le mode de calcul des chefs de redressement n° 2 « frais professionnels non justifiés - frais liés à la mobilité professionnelle (sans changement de territoire) », n° 4 « primes diverses », n° 5 « acomptes, avances, prêts non récupérés », n° 6 « rémunérations non déclarées - rémunérations non soumises à cotisations », n° 7 « avantages en nature -
cadeaux en nature offerts par l'employeur », et n° 15 « rémunération non déclarée - rémunération non soumises à cotisations », faisant valoir que l'URSSAF avait procédé de manière erronée, pour le calcul des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, à une reconstitution en brut des avantages accordés selon elle en net, alors que la réintégration d'éléments requalifiés en salaire dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale concerne par nature des sommes en brut ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, L. 243-1 et R. 242-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. | Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige que, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s'il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportée par le salarié, des sommes et avantages compris dans l'assiette des cotisations.
Dès lors, encourt la cassation l' arrêt qui retient que les avantages en nature accordés aux salariés doivent, pour être réintégrées dans l'assiette des cotisations, être reconstituées en base brute alors qu'il résultait de ses constatations que la société n'avait pas procédé au précompte de la part des cotisations et contributions due par les salariés, de sorte que la réintégration des sommes afférentes aux avantages litigieux correspondait à leur montant brut |
325 | CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 781 F-P+B+I
Pourvoi n° F 19-17.009
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La Caisse autonome de retraite des médecins de France, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 19-17.009 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. D... C..., domicilié [...] ,
2°/ à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. C..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 mars 2019), M. C... qui a exercé, à titre libéral, la profession de médecin généraliste de 1979 à 2011, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite, avant de reprendre, à compter d'octobre 2013, une activité non salariée de formateur auprès de l'institut d'ostéopathie de Bordeaux, a formé opposition à une contrainte d'un certain montant décernée par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (la CARMF) en paiement des cotisations afférentes à l'exercice 2014 en faisant principalement valoir qu'il n'avait pas à régler les sommes réclamées, étant affilié auprès de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV) à raison de son activité de formateur dans le cadre du régime de l'auto-entrepreneur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. La CARMF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'intervention forcée de la CIPAV, d'annuler la contrainte litigieuse et de la condamner à restituer à M. C... les cotisations versées, alors :
« 1°/ qu'en cas d'indivisibilité, et notamment dans l'hypothèse d'un conflit d'affiliation, toutes les caisses intéressées doivent être appelées à la procédure, au besoin d'office ; que si aucune des parties à la première instance ne sollicite l'intervention forcée d'un tiers qui doit figurer à la procédure, et si le juge s'abstient de procéder d'office à cette intervention forcée, en cause d'appel, une partie peut solliciter l'intervention forcée et si même aucune partie ne le demande, le juge d'appel doit y procéder d'office ; qu'en mettant hors de cause la CIPAV au motif qu'elle n'avait pas été mise en cause en première instance, les juges du fond ont violé les articles 331 et 555 du code de procédure civile ;
2°/ que, dès lors qu'il y a indivisibilité et que la mise en cause d'un tiers s'impose, en première instance comme en cause d'appel, l'intervention forcée est toujours recevable en cause d'appel sans qu'il soit besoin d'une évolution du litige ; qu'en opposant au cas d'espèce l'absence d'évolution du litige, les juges du fond ont violé les articles 331 et 555 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 332 et 552 du code de procédure civile et l'article R. 643-2 du code de la sécurité sociale :
3. Lorsqu'une même personne est susceptible de relever de plusieurs régimes de sécurité sociale, le juge saisi du litige ne peut se prononcer sans avoir appelé en la cause tous les organismes en charge des régimes intéressés.
4. Pour dire irrecevable l'intervention forcée de la CIPAV et accueillir le recours de M. C..., l'arrêt relève que la CARMF à qui M. C... a opposé son affiliation à la CIPAV a intérêt à appeler cette caisse en intervention forcée au regard du conflit d'affiliation, que cette intervention a pour unique but de rendre commun l'arrêt à la CIPAV et non d'obtenir des renseignements, puisque M. C... a produit les courriers de la CIPAV confirmant son affiliation à cette caisse pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2016, que par ailleurs la CARMF qui reproche au tribunal de ne pas avoir mis en cause la CIPAV était dispensée de comparution à l'audience alors même que M. C... lui avait indiqué par courrier du 10 octobre 2015 que la CIPAV lui avait confirmé son affiliation, que l'appelante avait connaissance du conflit d'affiliation avant l'audience, en sorte qu'il n'existe pas d'élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement et que la condition d'évolution du litige n'est pas remplie.
5. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il ressortait de ses propres énonciations que le litige dont elle était saisie portait sur un conflit d'affiliation entre deux sections professionnelles distinctes de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. C... et la CIPAV aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Caisse autonome de retraite des médecins de France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevable l'intervention forcée de la CIPAV, à la demande de la CARMF, puis confirmé le jugement en décidant qu'il n'y avait pas lieu à affiliation en condamnant la CARMF à restitution ;
AUX MOTIFS QUE « selon les dispositions de l'article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal et également lorsque la partie y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ; que les articles 554 et 555 du code de procédure civile précisent que : - peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni partie, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré sous une autre qualité, - ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que la Carmf à qui M. C... a opposé son affiliation à la Cipav a intérêt à appeler cette caisse en intervention forcée au regard du conflit d'affiliation et cette intervention forcée a en l'espèce pour unique but de rendre commun l'arrêt à la Cipav et non d'obtenir des renseignements, puisque M. C... a produit les courriers de la Cipav confirmant son affiliation à cette caisse pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2016 ; que par ailleurs la Carmf qui reproche au tribunal de ne pas avoir mis en cause la Cipav, était dispensée de comparution à l'audience alors même que M. C... lui avait indiqué par courrier du 10 octobre 2015 que la Cipav lui avait confirmé son affiliation. Elle avait connaissance du conflit d'affiliation avant l'audience, en sorte qu'il n'existe pas d'élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement. Aussi en l'absence d'évolution du litige, l'intervention forcée de la Cipav est irrecevable » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, en cas d'indivisibilité, et notamment dans l'hypothèse d'un conflit d'affiliations, toutes les caisses intéressées doivent être appelées à la procédure, au besoin d'office ; que si aucune des parties à la première instance ne sollicite l'intervention forcée d'un tiers qui doit figurer à la procédure, et si le juge s'abstient de procéder d'office à cette intervention forcée, en cause d'appel, une partie peut solliciter l'intervention forcée et si même aucune partie ne le demande, le juge d'appel doit y procéder d'office ; qu'en mettant hors de cause la CIPAV au motif qu'elle n'avait pas été mise en cause en première instance, les juges du fond ont violé les articles 331 et 555 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dès lors qu'il y a indivisibilité et que la mise en cause d'un tiers s'impose, en première instance comme en cause d'appel, l'intervention forcée est toujours recevable en cause d'appel sans qu'il soit besoin d'une évolution du litige ; qu'en opposant au cas d'espèce l'absence d'évolution du litige, les juges du fond ont violé les articles 331 et 555 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, confirmant le jugement, décidé qu'il n'y avait pas lieu à affiliation du docteur C... à la CARMF, annulé la contrainte et condamné la CARMF à des restitutions ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article R.643-2 du code de la sécurité sociale, les personnes exerçant ou n 'ayant exercé qu'une profession libérale sont affiliés à la section professionnelle dont relève cette profession ; que l'article R. 643-4 prévoit que les experts qui exercent une profession relevant d'une section professionnelle sont affiliés à la dite section même lorsque leur activité se limite uniquement à ces expertises ; que selon l'article 2 des statuts généraux de la Carmf, sont obligatoirement affiliés à la caisse toutes les personnes ayant une activité médicale non salariée ; que l'activité médicale se définit comme la mise en oeuvre de l'ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités et plus spécifiquement comme tout acte qui a pour objet de diagnostiquer ou de traiter toute déficience de la santé d'un être humain, comprenant notamment la consultation médicale, la prescription de médicaments ou de traitements, l'établissement et le contrôle d'un diagnostic, le traitement de maladies ou d'affections ; que le médecin n'a pas nécessairement un contact direct avec les malades, l'activité pouvant être exercer en laboratoire dans le cadre de l'établissement du diagnostic ; que l'activité de formateur a pour objectif la transmission d'un savoir ; que le médecin retraité inscrit au tableau de l'ordre des médecins sous la rubrique "médecins retraités n'exerçant pas" qui transmet son savoir médical dans le cadre d'une formation en institut en se contentant de délivrer la formation aux étudiants, en dehors de tout contact avec un malade quoiqu'il soit ou de cas clinique à résoudre, intervient hors le cadre des missions du médecin généraliste ou du médecin spécialiste qui contribue à l'accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycle d'études médicales en application des dispositions de l'article L 4130-1 du code de la santé publique ; qu'il ne se prête pas plus à la recherche d'un diagnostic et à son établissement ni au traitement de maladies ou d'affections ; qu'il ne relève pas de l'expertise dès lors qu'aucun cas clinique ne lui est soumis que ce soit par un confrère ou des étudiants, et ne saurait en conséquence relever de l'exercice d'une activité médicale au sens de l'article 2 des statuts de la Carmf ; qu'en 1'occurrence, M. C... est inscrit au tableau de l'ordre des médecins sous la rubrique des "médecins retraités n'exerçant pas depuis le 1er octobre 2011" et a dispensé des cours au sein de l'Institut d'Ostéopathie de Bordeaux ; que la Carmf qui prétend à l'exercice par M. C... d'une activité médicale dans le cadre de son activité de formateur au sein de l'institut d'ostéopathie de Bordeaux n'apporte aucun élément factuel de nature à établir qu'il exerce dans le cadre de cette activité de formateur une activité médicale ou une activité d'expert médical, la mention "expert médical" sur la fiche de liaison de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérale procédant d'une erreur de code APE que l'Urssaf a rectifié comme cela ressort de son courrier du 26 novembre 2015 adressé à M. C... » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « aux termes de l'article R.643-2 du code de la sécurité sociale « les personnes exerçant ou exercé qu'une profession libérale sont affiliées à la section professionnel dont relève cette profession ; qu'ainsi, en vertu de l'article R.641-1 du code de la sécurité sociale, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales comprend dix sections dont la section professionnelle des médecins ; qu'en l'espèce, Monsieur C..., médecin généraliste à la retraite, a cotisé durant 32 ans à la CARMF art-titre de son activité libérale ; qu'en 2011, Monsieur C... a cessé son activité et a liquidé ses droits à la retraite auprès de la CARMF ;
que le 25 octobre 2013, Monsieur C... a créé une activité en tant qu'auto-entrepreneur auprès de l'URSSAF en vue de l'exercice d'une activité de formateur ; qu'il ressort de pièces du dossier que l'URSSAF, lors de l'enregistrement de la nouvelle activité de Monsieur C..., a commis une erreur d'immatriculation en conservant son ancien code APE relatif aux activités des médecins généralistes alors qu'il aurait dû être immatriculé en tant qu9auto-entrepreneur sous le code APE « formation continue adulte » ; que cette erreur a provoqué une affiliation de Monsieur C... à la CARMF ; que l'URSSAF a corrigé cette erreur et a confirmé par courrier en date du 14 juillet 2015 l'inscription de Monsieur C... à la CIP AV, ce dernier exerçant une activité de formation continue d'adultes relevant de cet organisme ; qu'ainsi c'est à tort que la CARMF a décerné une contrainte à l'encontre de Monsieur C..., ce dernier étant affilié en raison de son activité de formateur à la CIP AV ; qu'en conséquence, la contrainte décernée le 7 janvier 2016 par la CARMF pour un montant de 721 € au titre de cotisations portant sur l'année 2014 sera annulée et la CARMF condamnée à rembourser à Monsieur C... la somme totale de 768,56 € en principal et majorations de retard versées à ce titre le 29 janvier 2016 ; qu'en revanche, la demande portant sur le remboursement des cotisations versées par Monsieur C... à la CARMF au titre de l'année 2015 sera rejetée, le litige étant circonscrit à la seule contrainte du 7 janvier 2016 à laquelle le requérant a fait opposition. La demande relative aux cotisations de l'année 2015 devra le cas échéant être soumise à la commission de recours amiable de la caisse » ;
ALORS QUE, dès lors qu'il exerce à titre libéral, que son activité est fondée sur ses compétences de médecin et son expérience de médecin, le médecin, par ailleurs inscrit à l'ordre des médecins, exerce une activité relevant de la CARMF quand bien même l'activité aurait pour objet de transmettre son savoir à des tiers, eux-mêmes médecins pour leur permettre leur activité, peu important qu'il ne soit pas en contact direct avec des patients et n'établisse pas de diagnostic ; qu'en l'espèce, le docteur C..., médecin inscrit à l'ordre, dispense une activité de formation au sein de l'Institut d'ostéopathie de BORDEAUX, au profit de médecins, en usant de ses compétences et de son expérience de médecin et ce, à titre libéral ; qu'en refusant de l'affilier à la CARMF, les juges du fond ont violé les articles R. 643-2 et R. 643-4 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 2 des statuts généraux de la CARMF, 2 des statuts du régime de base d'assurance vieillesse de la CARMF, 3 des statuts du régime complémentaire d'assurance vieillesse de la CARMF, 6 des statuts du régime des allocations supplémentaires de vieillesse de la CARMF et 1er des statuts du régime complémentaire d'assurance invalidité-décès de la CARMF. | Lorsqu'une personne est susceptible de relever de plusieurs régimes de sécurité sociale, le juge saisi du litige ne peut se prononcer sans avoir appelé en la cause tous les organismes en charge des régimes intéressés |
326 | CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 782 F-P+B+I
Pourvoi n° X 19-17.553
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 19-17.553 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Endel, dont le siège est [...] et ayant un établissement sis [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Endel, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 avril 2019), M. I... (la victime), salarié de la société Endel (l'employeur) en qualité de mécanicien, en arrêt de travail depuis plusieurs mois, a transmis le 9 janvier 2015 à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle pour une affection de l'épaule droite. Le délai de prise en charge prévu par le tableau n° 57 des maladies professionnelles étant expiré, la caisse a transmis le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et, après avis de ce comité, a, par décision du 8 septembre 2015, pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par la victime.
2. L'employeur a contesté l'opposabilité de cette décision devant une juridiction de sécurité sociale, qui a ordonné la saisine d'un autre comité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par la victime, alors :
« 1°/ qu' en application de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, l'avis du médecin du travail de l'entreprise demandé par la Caisse à l'employeur doit être fourni par ce dernier dans un délai d'un mois ; que si l'employeur s'en abstient, le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnel se prononce sans cet avis ; qu'en retenant, pour dire la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, qu'il appartenait à la caisse d'obtenir l'avis du médecin du travail et qu'elle ne justifiait pas d'une impossibilité, les juges du fond ont violé l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'en tout cas, dans ses conclusions, la CPAM du HAINAUT rappelait que par lettre du 19 février 2015, elle avait communiqué à l'employeur un courrier que celui-ci devait transmettre au médecin du travail, afin d'obtenir son avis ; qu'en s'abstenant de rechercher si, eu égard à la demande de la CPAM et à la carence de l'employeur, il n'était pas exclu que l'absence d'avis du médecin du travail affecte l'avis du Comité, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en toute hypothèse, l'irrégularité des avis des comités régionaux respectivement saisis par la caisse et par le tribunal, n'entraîne pas l'inopposabilité de la décision mais impose à la cour d'appel de recueillir un avis auprès d'un autre comité régional ; qu'en considérant que l'irrégularité des avis rendus par deux comités successifs, faute d'avoir été rendus au visa de l'avis du médecin du travail, entraînait l'inopposabilité de la décision de prise en charge, les juges du fond ont violé le principe du contradictoire, ensemble les articles les articles L. 461-1, R. 142-24-2, alinéa 1 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
5. Il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du même code que la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l'entreprise où la victime a été employée.
6. Le comité peut valablement exprimer l'avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d'impossibilité matérielle d'obtenir cet élément.
7. L'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Nord-Pas de Calais-Picardie, saisi par la caisse, et le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Nancy Nord-est, saisi sur décision du tribunal, ont rendu successivement leur avis sans avoir eu connaissance de l'avis du médecin du travail, que pourtant l'employeur établit avoir communiqué à la caisse les coordonnées du médecin du travail de l'entreprise, par un courrier du 6 mars 2015, répondant à la demande de la caisse du 19 février 2015.
8. Il relève que la caisse ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité d'obtenir l'avis du médecin du travail, ni même avoir tenté de l'obtenir.
9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement déduit que la caisse à qui il appartenait de réclamer au médecin du travail son avis motivé dans le cadre de l'instruction du dossier de la victime, n'avait pas satisfait aux prescriptions des articles D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, de sorte que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'affection déclarée par la victime devait être déclarée inopposable à l'employeur.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et la condamne à payer à la société Endel la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, confirmant le jugement entrepris, déclaré la décision du 8 septembre 2015 par laquelle la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE du HAINAUT a admis la prise en charge de la maladie déclarée par R... I... au titre du tableau 57 des maladies professionnelles inopposable à la Société COFELY ENDEL ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« Après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Nord-Pas-de-Calais Picardie, la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut a pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par Mr I.... L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 2° et 5° du présent article sont communicables de plein droit à la victime et ses ayants droit. Ils ne sont communicables à l'employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie. Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à son employeur. La victime, ses ayants droit et son employeur peuvent déposer des observations qui sont annexées au dossier. En l'espèce, il ressort de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Nord Est qu'il s'est prononcé sans avoir eu connaissance de l'avis du médecin du travail. La société appelante justifie de ce que par un courrier daté du 6 mars 2015, elle a communiqué les coordonnées du médecin du travail à la caisse primaire d'assurance maladie. La caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité d'obtenir l'avis du médecin conseil, ne justifiant d'ailleurs pas de ce qu'elle aurait tenté de l'obtenir. La décision de prise en charge de la maladie de Mr I... doit par conséquent être déclarée inopposable à la société Endel. Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « S'il résulte de la combinaison des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, que, lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, saisi après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail, le comité peut, néanmoins, valablement exprimer son avis en cas d'impossibilité matérielle d'obtenir cet élément. En l'espèce, à la lecture de l'avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Nord-Pas de Calais-Picardie du 8 septembre 2015 et à la lecture de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Nancy Nord-Est du 7 juillet 2016, il apparaît que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut n'a pas produit l'avis motivé du médecin du travail au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Cependant ta caisse à qui appartenait de réclamer cet avis dans le cadre de l'instruction du dossier de R... I..., ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'elle ait sollicité cet avis, qu'elle ne démontre, par ailleurs aucunement qu'elle ait été dans l'incapacité matérielle de l'obtenir, il s'ensuit donc que les prescriptions des textes précités n'ont pas été respectées. Pour ce seul motif, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens développés par la société COFELY ENDEL, il convient de lui déclarer la décision de prise en charge du 8 septembre 2015, inopposable » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, en application de l'article D. 461-29 du Code de la sécurité sociale, l'avis du médecin du travail de l'entreprise demandé par la Caisse à l'employeur doit être fourni par ce dernier dans un délai d'un mois ; que si l'employeur s'en abstient, le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnel se prononce sans cet avis ; qu'en retenant, pour dire la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, qu'il appartenait à la Caisse d'obtenir l'avis du médecin du travail et qu'elle ne justifiait pas d'une impossibilité, les juges du fond ont violé l'article D. 461-29 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, dans ses conclusions, la CPAM du HAINAUT rappelait que par lettre du 19 février 2015, elle avait communiqué à l'employeur un courrier que celui-ci devait transmettre au médecin du travail, afin d'obtenir son avis (conclusions, p. 4, § 13) ; qu'en s'abstenant de rechercher si, eu égard à la demande de la CPAM et à la carence de l'employeur, il n'était pas exclu que l'absence d'avis du médecin du travail affecte l'avis du Comité, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article D. 461-29 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en toute hypothèse, l'irrégularité des avis des comités régionaux respectivement saisis par la caisse et par le tribunal, n'entraine pas l'inopposabilité de la décision mais impose à la Cour d'appel de recueillir un avis auprès d'un autre comité régional ; qu'en considérant que l'irrégularité des avis rendus par deux comités successifs, faute d'avoir été rendus au visa de l'avis du médecin du travail, entrainait l'inopposabilité de la décision de prise en charge, les juges du fond ont violé le principe du contradictoire, ensemble les articles les articles L. 461-1, R. 142-24-2, alinéa 1 et D. 461-29 du Code de la sécurité sociale. | Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire d'assurance maladie reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du même code que la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l'entreprise où la victime a été employée.
Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles peut valablement exprimer l'avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d'impossibilité matérielle d'obtenir cet élément.
Fait une exacte application de ces textes la cour d'appel qui, ayant constaté que l'avis du médecin du travail ne figurait pas dans le dossier instruit et constitué par une caisse primaire d'assurance maladie, préalablement à sa transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, saisi pour avis, et que la caisse primaire d'assurance maladie ne justifiait pas avoir été dans l'impossibilité d'obtenir l'avis du médecin du travail de l'entreprise où la victime était employée, déclare inopposable à l'égard de l'employeur la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie prise à la suite de l'avis du comité |
327 | CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 792 F-P+B+I
Pourvoi n° C 19-19.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
L'Établissement national des invalides de la marine, dont le siège est 4 avenue Eric Tabarly, CS 30007, 17183 Périgny cedex, a formé le pourvoi n° C 19-19.122 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2019 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. W... A..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de l'Établissement national des invalides de la marine, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. A..., après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 avril 2018, pourvoi n° 17-11.071), titulaire d'une pension de retraite servie par l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), M. A... en a demandé la révision aux fins de prise en compte de la campagne double au titre de ses services militaires accomplis pendant la guerre d'Algérie. Par décision du 30 juillet 2014, l'ENIM lui a notifié qu'il ne pouvait obtenir le bénéfice de cette bonification qu'à hauteur de cent quarante-cinq jours de campagne en sus des cent quarante-cinq jours pendant lesquels il avait été exposé au feu.
2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier protocole additionnel de cette Convention, les articles L. 5552-17 du code des transports et R. 6 du code des pensions de retraite des marins, le dernier, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-992 du 6 novembre 2013, applicable au litige :
4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le premier de ces textes n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour la jouissance des droits et libertés garantis par les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles. Il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome. Pour que l'article 14 trouve à s'appliquer, il suffit que les faits du litige tombent sous l'empire de l'une au moins desdites clauses (CEDH, arrêt du 2 novembre 2010, erife Yi it c/ Turquie [GC], n° 3976/05, § 55, et la jurisprudence qui s'y trouve mentionnée).
5. Les pensions de retraite des marins sont des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ce texte ne comporte pas un droit à acquérir des biens. Il ne limite en rien la liberté qu'ont les Etats contractants de décider s'il convient ou non de mettre en place un quelconque régime de sécurité sociale ou de choisir le type ou le niveau des prestations devant être accordées au titre de pareil régime. Dès lors toutefois qu'un Etat décide de créer un régime de prestations ou de pensions, il doit le faire d'une manière compatible avec l'article 14 de la Convention (CEDH, arrêt du 12 avril 2006, Stec et autres [GC], n°s 65731/01 et 65900/01, § 53 et la décision sur la recevabilité rendue dans cette même affaire, §§ 54-55, CEDH 2005-X ; CEDH, arrêt du 2 novembre 2010, erife Yi it c/ Turquie [GC], 3976/05, 2 novembre 2010, § 56).
6. Selon l'article L. 5552-17 du code des transports, entrent en compte pour le calcul des droits à pension, pour le double de leur durée, les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis, en période de guerre, dans les conditions de date et de lieux fixées par l'article R. 6 du code des pesions de retraite des marins.
7. Ces dernières dispositions, qui ouvrent aux assurés du régime d'assurance vieillesse des marins le bénéfice des avantages reconnus aux assurés en raison des services rendus par les personnes qui ont participé sous l'autorité de la République française à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, se bornent à préciser le principe énoncé à cette fin par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, lequel demeure sans incidence sur les règles de liquidation des droits à pension de retraite propres à chacun des régimes d'assurance vieillesse. Eu égard à leur objet, elles n'engendrent ainsi, en elles-mêmes, aucune discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier protocole additionnel à ladite Convention.
8. Pour accueillir le recours de l'assuré et dire qu'au titre de la campagne double due à ce dernier, deux cents quatre vingt-dix jours devaient être ajoutés aux cent quarante-cinq jours déjà décomptés par l'ENIM pour son service militaire, l'arrêt retient que l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance (le CPRM) porte atteinte au principe de stricte égalité et viole notamment l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme en instaurant un régime de décompte des jours différent au titre de l'exposition au feu entre les anciens combattants relevant du régime de protection sociale de l'ENIM et les autres combattants, sans que cette différence soit fondée sur un élément objectif autre que la différence de rédaction entre les dispositions réglementaires du CPRM et celles du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il en déduit qu'il y a lieu, en conséquence, de constater que les dispositions de l'article R. 6 précité introduisent une discrimination portant atteinte au principe d'égalité entre les anciens combattants, d'en écarter l'application et par substitution de motifs, de confirmer la décision entreprise.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour l'Établissement national des invalides de la marine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a, d'une part, annulé la décision prise le 30 juillet 2014 par l'Enim à l'égard de M. A... et, d'autre part, dit que le bénéfice de la campagne double justifiait que 290 jours soient ajoutés à la durée effective déjà décomptée par le premier au titre du service militaire effectué par le second ;
Aux motifs que « pour infirmation et débouté de M. W... A..., l'ENIM fait essentiellement plaider que : 1°) le régime de retraite des marins est spécifique et autonome par rapport aux autres régimes de retraite et en particulier du régime général ; 2°) la décision du Conseil d'Etat du 16 mai 2012 enjoignait seulement à l'Etat, sur le fondement des principes généraux du droit, tels que le principe d'égalité, de permettre aux anciens combattants d'Afrique du Nord au même titre que les anciens combattants des autres guerres, de l'avantage reconnu par l'article L. 5552-17 du Code des transports au terme duquel, "les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis en période de guerre compte pour le double de leur durée", précisé par l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins (CPRM), comme étant les périodes où "le marin a pris part à une action de feu ou de combat ou subi le feu" ; 2°) les 145 jours pendant lesquels M. W... A... a été exposé au feu ayant déjà été considérés au titre de la retraite initiale, il ne pouvait lui être ajouté que 145 jours ; 3°) l'adjonction de ces 145 jours ne permettant pas, en application de l'article R. 12 du CPRM, de compter une nouvelle fraction de semestre égale ou supérieure à trois mois ne modifie pas le montant des annuités validées, et donc est sans incidence sur le montant de la pension ; que pour confirmation de la décision entreprise, M. W... A... expose qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour de cassation a instauré une inégalité entre les anciens combattants qui ne bénéficient pas tous de la même manière des avantages accordés aux combattants visés par la loi du 18 octobre 1999 et notamment de la bonification de campagne double visée à l'article 2 du décret du 29 juillet 2010, que la lecture faite par la Cour de cassation des articles L. 5552-17 et R. 6 précités, conduit à n'attribuer aux marins retraités et combattants d'Afrique du Nord que le bénéfice d'une campagne simple, que faute de modifier correctement l'article R. 6 précité, pour rendre applicable les dispositions de la loi, le pouvoir réglementaire a instauré une discrimination entre anciens combattants au détriment des marins retraités, la hiérarchie des normes imposant par conséquent d'écarter l'application de cette disposition en application des principes d'égalité et de non-discrimination ; que la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution à l'expression "aux opérations effectuées en Afrique du Nord" de l'expression "à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc" a modifié l'article L. 1er bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour poser le principe d'égalité entre anciens combattants des conflits antérieurs et ceux ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : "La République française reconnaît dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962" ; que l'article L. 5552-17 du code des transports dispose que "Par dérogation à l'article L. 5552-14 entrent en compte pour le double de leur durée : 1° Les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis en période de guerre ; 2° Le temps de campagne effectué sur des navires hôpitaux. Cette disposition s'applique si, au moment de l'accomplissement des services concernés, le marin est affilié au régime d'assurance vieillesse ou pensionné de ce régime. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article" ; que l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance prévoit qu'en "application de l'article L. 5552-17 du code des transports, comptent pour le double de leur durée : (...) D. Pendant la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, les services militaires embarqués au large des côtes algériennes, tunisiennes et marocaines et les services militaires à terre en Algérie, en Tunisie et au Maroc durant lesquels le marin a pris part à une action de feu ou de combat ou a subi le feu" ; qu'alors que l'article R. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui traite du décompte des bénéfices de campagne au titre de services accomplis en opérations de guerre, prévoit que : "Les bénéfices de campagne prévus à l'article L. 12,c2,(du même code) attribués en sus de la durée effective des services militaires sont décomptés selon les règles ci-après : A. Double en sus de la durée effective pour le service accompli en opérations de guerre : 1. Soit dans les opérations des armées françaises et des armées alliées, elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code. 2. Soit à bord des bâtiments de guerre de l'Etat, des bâtiments de commerce au compte de l'Etat ou des mêmes bâtiments des puissances alliées" ; qu'or, en indiquant qu'eu égard à son caractère général, loi du 18 octobre 1999 imposait de faire bénéficier les anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc des avantages ouverts aux anciens combattants des conflits antérieurs, même si ceux-ci ne sont pas régis par le code des pensions militaires d'invalidité, le Conseil d'Etat dans sa décision du 16 mai 2012 (CE 16 mai 2012 n° 348219), a non seulement entendu rappeler qu'en application stricte du principe d'égalité, aucune différence ne devait être opérée entre anciens combattants des différents conflits mais en faisant expressément référence à la situation des combattants qui n'étaient pas régis par le code des pensions militaires d'invalidité, a entendu rappeler qu'il ne pouvait y avoir de différence de traitement entre combattants soumis à des régimes de protection sociale différents ; que dans ces conditions, l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance précité tel que rédigé, porte atteinte au principe de stricte égalité et viole notamment l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme en instaurant un régime de décompte des jours différent au titre de l'exposition au feu entre les anciens combattants relevant du régime de protection sociale de l'ENIM et les autres combattants, sans que cette différence soit fondée sur un élément objectif autre que la différence de rédaction entre les dispositions réglementaires du CPRM et celles du Code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu en conséquence de constater que les dispositions de l'article R. 6 précité introduisent une discrimination portant atteinte au principe d'égalité entre les anciens combattants, d'en écarter l'application et par substitution de motifs, de confirmer la décision entreprise » (arrêt, pages 3 à 5) ;
1° Alors que pour qu'un problème se pose au regard de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables ; que pour annuler la décision de l'Enim et dire que le bénéfice de la campagne double justifiait que 290 jours soient ajoutés à la durée effective déjà décomptée au titre du service militaire effectué par M. A..., l'arrêt retient que l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins porte atteinte au principe de stricte égalité et viole l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en instaurant un régime de décompte des jours différent au titre de l'exposition au feu entre les anciens combattants relevant du régime de protection sociale de l'Enim et les autres combattants, sans que cette différence soit fondée sur un élément objectif autre que la différence de rédaction entre les dispositions réglementaires du code des pensions de retraite des marins et celles du code des pensions civiles et militaires de retraite, de sorte que l'application des dispositions de cet article R. 6 qui introduisent une discrimination portant atteinte au principe d'égalité entre les anciens combattants doit être écartée ; qu'en statuant ainsi, bien que la différence des conditions d'ouverture des droits à pension de retraite dans des régimes d'assurance vieillesse distincts ne constituât pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la cour d'appel a violé les dispositions de ce dernier texte, ensemble les articles L. 5552-17 du code des transports et R. 6 du code des pensions de retraite des marins dans leur rédaction applicable au litige ;
2° Alors, subsidiairement, qu'une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables n'est discriminatoire que si elle manque de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que pour annuler la décision de l'Enim et dire que le bénéfice de la campagne double justifiait que 290 jours soient ajoutés à la durée effective déjà décomptée au titre du service militaire effectué par M. A..., l'arrêt se borne à retenir que l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins porte atteinte au principe de stricte égalité et viole l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en instaurant un régime de décompte des jours différent au titre de l'exposition au feu entre les anciens combattants relevant du régime de protection sociale de l'Enim et les autres combattants, sans que cette différence soit fondée sur un élément objectif autre que la différence de rédaction entre les dispositions réglementaires du code des pensions de retraite des marins et celles du code des pensions civiles et militaires de retraite, de sorte que l'application des dispositions de cet article R. 6 qui introduisent une discrimination portant atteinte au principe d'égalité entre les anciens combattants doit être écartée ; qu'en se déterminant de la sorte, en envisageant exclusivement une des modalités de décompte des services propre au régime des pensions de retraite des marins, la cour d'appel, qui ne pouvait affirmer l'existence d'une discrimination au détriment de M. A... sans procéder à une appréciation globale des conditions d'ouverture des droits à pension de retraite dans les différents régimes d'assurance vieillesse ainsi que des prestations versées au titre de chacun d'eux, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles L. 5552-17 du code des transports et R. 6 du code des pensions de retraite des marins dans leur rédaction applicable au litige. | Selon l'article L. 5552-17 du code des transports, entrent en compte pour le calcul des droits à pension, pour le double de leur durée, les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis, en période de guerre, dans les conditions de date et de lieux fixées par l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins.
Ces dernières dispositions, qui ouvrent aux assurés du régime d'assurance vieillesse des marins le bénéfice des avantages reconnus en raison des services rendus par les personnes qui ont participé sous l'autorité de la République française à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, se bornent à préciser le principe énoncé à cette fin par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, lequel demeure sans incidence sur les règles de liquidation des droits à pension de retraite propres à chacun des régimes d'assurance vieillesse. Eu égard à leur objet, elles n'engendrent ainsi, en elles-mêmes, aucune discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier protocole additionnel à ladite Convention |
328 | CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 793 F-P+B+I
Pourvoi n° P 19-19.132
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
Mme G... A..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° P 19-19.132 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme A..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 mai 2019), Mme A..., infirmière libérale, a fait l'objet, pour les années 2010 à 2012, d'un contrôle de son activité par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse). A l'issue de ce contrôle, celle-ci lui a notifié, le 3 juillet 2013, un indu correspondant à des anomalies de facturation suivi, le 18 août 2014, d'une pénalité financière.
2. Mme A... a saisi de recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. Mme A... fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la caisse une certaine somme au titre de la pénalité financière, alors « que le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ne peut infliger une pénalité financière à un professionnel de santé, sans avoir préalablement saisi une commission ad hoc, qui rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptible d'être appliquée ; que l'avis de cette commission constitue une formalité substantielle, dont dépend la validité de la procédure de pénalité financière ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de pénalité financière était régulière en la forme, après avoir pourtant constaté que la commission des pénalités financières n'avait rendu aucun avis, faute de quorum, la cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles R. 147-2, I, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-1865 du 30 décembre 2015, et L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 162-1-14, V, devenu L. 114-17-1, V, et R. 147-2, II, du code de la sécurité sociale, le premier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, le second, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-6 du 3 janvier 2013, également applicables au litige, que le directeur de l'organisme local d'assurance maladie peut prononcer une pénalité financière à l'encontre d'un professionnel de santé, en raison d'un indu consécutif au non-respect des règles de facturation ou de tarification, après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant. L'avis motivé de la commission, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptible d'être appliquée, est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé, dans un délai maximum de deux mois à compter de la saisine de la commission. Ce délai peut être augmenté d'une durée ne pouvant excéder un mois si la commission estime qu'un complément d'information est nécessaire. Si la commission ne s'est pas prononcée au terme du délai qui lui est imparti, l'avis est réputé rendu.
6. Selon l'article R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-6 du 3 janvier 2013, applicable au litige, à compter de la réception de l'avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles doit, s'il décide de poursuivre la procédure, saisir, dans un délai de quinze jours, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie d'une demande d'avis conforme, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, en précisant les éléments prévus dans la notification mentionnée au I et le montant de la pénalité envisagée. A défaut de saisine dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée.
7. Il découle de ces dispositions que l'absence d'avis rendu par la commission au terme du délai qui lui est imparti est sans incidence sur la régularité de la procédure de sanction.
8. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la caisse justifie avoir notifié à Mme A... les faits susceptibles de faire l'objet d'une pénalité financière et l'avoir informée de la saisine de la commission. Il retient encore que l'intéressée a été informée de la date à laquelle cette commission devait se réunir et de l'absence d'avis émis par celle-ci, une copie du constat de carence de la tenue de la commission, faute de quorum, lui ayant été, par ailleurs, communiquée. Il constate que le directeur de la caisse a régulièrement sollicité, le 27 juin 2014, l'avis conforme du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui s'est prononcé dans le délai prescrit. Il énonce enfin que le directeur de la caisse a notifié la pénalité litigieuse dans le délai imparti, et que cette notification comporte les mentions permettant à l'intéressée de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation.
9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure de sanction était régulière.
10. Le moyen est, dès lors, non fondé.
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. Mme A... fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il appartient au juge du contentieux général de la sécurité sociale, saisi d'un recours formé contre la pénalité prononcée dans les conditions qu'il précise, de vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés à la personne concernée, ainsi que l'adéquation du montant de la pénalité à l'importance de l'infraction commise par cette dernière ; qu'en affirmant néanmoins que la caisse était fondée à solliciter la condamnation de Mme A... à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de pénalité financière, motif pris que ces pénalités étaient justifiées au regard du nombre d'assurés sociaux concernés, et que l'indu portait notamment sur des patients hospitalisés ou pour des actes facturés qui n'avaient pas été prescrits, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la gravité des faits reprochés à Mme A..., a violé les articles L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, R. 147-8, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-653 du 10 juin 2015, et R. 147-8-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
12. Il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d'apprécier l'adéquation d'une sanction à caractère de punition prononcée par un organisme de sécurité sociale à la gravité de l'infraction commise.
13. L'arrêt retient que compte tenu du montant de l'indu ramené au total à 47 256,65 euros, du nombre d'assurés sociaux concernés ainsi que du fait que l'argument tiré de l'erreur alléguée n'est pas recevable pour les patients hospitalisés ou parce que les actes facturés n'avaient pas été prescrits, le montant de la pénalité fixée à 1 000 euros, au titre des facturations d'actes ou prestations non réalisés, est pleinement justifié, tandis que le montant de la pénalité pour non-respect des conditions de prise en charge doit être ramené à 4 000 euros.
14. De ces constatations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme A... et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame G... A... à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne la somme de 47.256,65 euros, prétendument indue, ainsi que de l'avoir condamnée à payer à Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne la somme de 5.000 euros à titre de pénalité financière ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'indu, Madame A..., en sa qualité d'infirmière libérale, est amenée à prodiguer des soins aux domiciles d'assurés sociaux, qu'elle facture à la Caisse primaire d'assurance maladie ; que les règles de tarification et de facturation des actes dispensés par les infirmiers sont déterminées par la nomenclature générale des actes professionnels dite NGAP ; que l'indu de facturations que lui reproche la caisse porte sur : -des facturations de soins pendant des périodes d'hospitalisations des assurés sociaux concernés, - des facturations d'indemnités kilométriques non dues, -des surfacturations d'actes, - des facturations de majorations de nuits non prescrites, -des facturations d'actes non prescrits ; que sur l'indu au titre de facturations de soins pendant des périodes d'hospitalisations des assurés sociaux concernés, pour un montant total de 3.125.94 euros ; que Madame A... ne conteste pas que durant les périodes d'hospitalisation de ses patients, elle ne peut ni leur avoir prodigué des soins à domicile, ni les facturer ; que la Caisse détaille précisément dans ses conclusions pour chacun des assurés sociaux concernés les périodes d'hospitalisation, les dates et le code des actes facturés par Madame A... qu'elle lui a payés, ce que ne conteste pas cette dernière ; (
) que concernant Madame K..., hospitalisée du 23 au 28 juin 2011, pour lequel elle a facturé et perçu au total la somme de 18.20 euros, Madame A... soutient avoir commis une erreur de date en mentionnant au lieu du 23, le 25 juin, et avoir réalisé le 23 des soins qui n'ont pas été facturés ; qu'il est établi que Madame K... a été hospitalisée du 23 juin 2011 à 15 heures 45 au 28 juin 2011 à 13 heures ; que s'il est donc possible que Madame A... a pu administrer des soins dans la matinée à Madame K... pour autant elle ne le prouve pas alors que dans sa facturation elle a affirmé les avoir administrés le 25 ; que la cour considère en conséquence que cet indu de 18.20 euros est justifié ; que concernant Madame D... hospitalisée du 14 au 20 juin 2011, puis du 8 juillet au 10 août 2011, l'indu est ramené par la caisse à 1 376.75 euros ; que Madame A... le reconnaît uniquement à hauteur de 385 euros estimant que doit venir en déduction la somme de 605.10 euros correspondant à des soins sur la semaine du 1er au 7 juillet "qui n'a pas été facturée" ; que Madame A..., qui allègue ne pas avoir facturé de soins sur la première semaine de juillet 2011, n'en rapporte pas la preuve ; que par ailleurs la prescription de soins infirmiers, deux fois par jours, du Docteur E..., en date du 20 janvier 2011, partiellement illisible, précise "pendant 3 mois", élément qui n'établit pas l'existence de la prescription alléguée pour le mois de juillet 2011 et le rajout en bas de page de la mention "du 21/01 au 20/07/11" qui ne paraît pas émaner du médecin prescripteur n'est pas authentifiable ; que la cour considère en conséquence que l'indu ramené à 376.75 euros est également justifié ; (
) que la cour estime en conséquence que l'indu retenu par la caisse pour un montant total de 3 125.94 euros, lié aux facturations de soins pendant des périodes d'hospitalisation des assurés sociaux, est justifié en totalité et doit être retenu ; (
) que sur l'indu au titre de facturations d'actes non prescrits, pour un montant total de 38.651.76 euros ; que la cour vient de rappeler que la prise en charge par l'assurance maladie de soins infirmiers est subordonnée à une prescription préalable du médecin (article 5 de la nomenclature générale) ; que l'indu notifié par la caisse concerne : - Monsieur N..., pour un montant total de 8.996.40 euros, sur la période du 15 juillet 2010 au 21 juillet 2011, - Madame S..., pour un montant total de 16.606.80 euros, sur la période du 10 septembre 2010 au 3 août 2012, - Madame Q..., pour un montant total de 8 739.36 euros, sur la période du 18 juin 2010 au 8 mars 2012 ; que concernant Monsieur N... les prescriptions médicales du Docteur T... en date des 15 juillet 2010 et 21 juillet 2011, portent sur des soins de nursing à domicile, incluant sondage urinaire tous les jours, deux fois par jour, pendant trois mois ; que la prescription intermédiaire de ce même médecin est illisible ; que Madame A... a facturé les soins quotidiens en 2 AMI4 + 4 AlS3, alors que la NGAP pour les soins infirmiers prévoit une cotation en AlS3 pour "une séance de soins infirmiers avec injection 1M ou IV et pose de sonde urinaire" et ne permet une facturation en AMI4 associée à AlS3 qu'en cas de perfusion ou de pansement complexe ; que l'indu retenu pour les facturations associées en AMI4 est donc intégralement justifié ; que concernant Madame S..., le Docteur M..., médecin prescripteur a répondu au médecin conseil le 8 décembre 2012, que cette patiente "vit au foyer logement de Rieumes, et reçoit depuis 2010 une injection sous cutanée par jour (...) et présente une mobilité relativement réduite (sans déambulateur ni fauteuil roulant). Son état de santé nécessité depuis 2010 qu'elle soit aidée pour la prise de ses médicaments ainsi que pour sa toilette" ; que Madame A... a facturé les soins quotidiens en 2 AMI4 + 4 AlS3, alors que la NGAP pour les soins infirmiers prévoit une cotation en AlS3 pour "une séance de soins infirmiers avec injection 1M ou IV et pose de sonde urinaire" ; que l'indu retenu pour les facturations associées en AMI4 est donc intégralement justifié ; que concernant Madame Q... les prescriptions médicales du Docteur T... en date des 18 juin 2010, 18 mars 2011 et 8 mars 2012, portent sur des soins de nursing à domicile, incluant soins de tablier abdominal (sur la première uniquement), soins gynécologiques (sur la troisième), tous les jours, deux fois par jour, dimanche et jours fériés compris pendant trois ou six mois ; que Madame A... a facturé les soins quotidiens en 2 AMI4 + 2 AlS3, alors que la NGAP pour les soins infirmiers ne prévoit pas le cumul des actes AMI4 et AlS3 ; que l'expert indique dans son rapport que la description des soins faite par Madame A... concernant le tablier abdominal et le traitement de mycoses et pansements, ne rentre pas dans le cadre de pansements lourds, que ces soins ne justifient pas une cotation AMI4, mais relèvent d'une cotation AMI2 (soit de la rubrique pansements courants de la nomenclature) ; que la caisse souligne que le cumul de cotation en AlS3 et AMI2 n'est pas possible et a retenu une cotation en AMI4, correspondant dans la nomenclature, ainsi que déjà précisé, aux pansements complexes ; que Madame A... tout en pratiquant un cumul de cotation, avait, elle aussi, considéré que la nature des pansements relevait de la cotation AMI4 plus favorable que les AMI2 ; que le cumul de cotation n'étant pas possible, la cour estime que seules les cotations AMI4 doivent être prises en compte, et que l'indu retenu pour les facturations associées en AIS 3 est donc intégralement justifié ; qu'ainsi le montant total de l'indu doit être ramené à la somme de 47 256.65 euros (3.125.94 + 232 + 3.046.95 + 38.651.76) ; que Madame A... doit donc être condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 47.256.65 euros au titre de l'indu ;
1°) ALORS QU'il appartient à l'organisme social qui agit en répétition de l'indu de rapporter la preuve du caractère indu des sommes versées ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame A... à restituer à la Caisse la somme qu'elle lui avait versée, qu'elle n'apportait pas la preuve qu'elle avait effectivement réalisé des soins à Madame K... dans la matinée du 23 juin 2011, date à laquelle cette dernière n'était pas en période d'hospitalisation, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 ;
2°) ALORS QU'il appartient à l'organisme social qui agit en répétition de l'indu de rapporter la preuve du caractère indu des sommes versées ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame A... à restituer à la Caisse la somme qu'elle lui avait versée, qu'elle n'apportait pas la preuve qu'elle n'avait pas facturé, pour Madame D..., des soins du 1er au 7 juillet 2011, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 ;
3°) ALORS QUE la séance de soins infirmiers, cotée AIS 3, comprend l'ensemble des actions de soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne et que la cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance ; qu'en affirmant néanmoins, s'agissant de Monsieur N..., que la cotation AIS 3 est réservée à « une séance de soins infirmiers avec injection IM ou IV et pose de sonde urinaire », la Cour d'appel a violé l'article 11 du chapitre 1er du titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 ;
4°) ALORS QUE la séance de soins infirmiers, cotée AIS 3, comprend l'ensemble des actions de soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne et que la cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance ; qu'en affirmant néanmoins, s'agissant de Madame S..., que la cotation AIS 3 est réservée à « une séance de soins infirmiers avec injection IM ou IV et pose de sonde urinaire », la Cour d'appel a violé l'article 11 du chapitre 1er du titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 ;
5°) ALORS QUE la séance de soins infirmiers, cotée AIS 3, peut se cumuler avec la notation d'une perfusion cotée AMI 4 ; qu'en se bornant à affirmer, s'agissant de Madame S..., que Madame A... avait indûment facturé des soins quotidiens cotés « AMI 4 » et « AIS 3 », après avoir pourtant constaté qu'il avait été prescrit à ce patient une injection sous cutanée par jour et sans rechercher, comme elle y était invitée, si Madame A... avait pratiquée à cette patiente des séances de perfusion cotée AMI 4, de sorte que les séances de soins infirmiers prodigués par Madame A... à Madame S... pouvaient se cumuler avec des séances de perfusion cotées AMI 4, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du chapitre 2 et 11 du chapitre 1er du titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 ;
6°) ALORS QUE la séance de soins infirmiers cotée AIS 3 peut se cumuler avec la notation d'un pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse cotée AMI 4 ; qu'en décidant néanmoins, s'agissant de Madame Q..., que Madame A... ne pouvait cumuler la cotation d'actes AIS 3 et AMI 4, la Cour d'appel a violé les articles 3 et 11 du chapitre 1er du titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux annexée à l'arrêté du 27 mars 1972.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame G... A... à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne la somme de 5.000 euros à titre de pénalité financière ;
AUX MOTIFS QUE, sur la pénalité financière, il résulte des articles L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-4203 en date du 23 décembre 2013, et R. 147-2 du même code que peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, les professionnels de santé autorisés à dispenser des soins, pour toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale, du code de la santé publique ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu, une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie ; que le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 50 % de celles-ci, soit, à défaut, forfaitairement dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale ; que le directeur de l'organisme local d'assurance 'maladie notifie les faits reprochés à la personne physique ou morale afin qu'elle puisse présenter ses observations dans un délai d'un mois (article R. 162-42-13 du Code de la sécurité sociale) ; que la pénalité ne peut être prononcée qu'après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie ; que lorsqu'un professionnel de santé est en cause, des représentants de la même profession participent à cette commission ; que la commission doit être saisie par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, dans un délai de quinze jours à l'issue du délai d'un mois consécutif à la notification ou après audition de la personne en cause, et doit informer celle-ci qu'elle aura la possibilité, si elle le souhaite, d'être entendue par la commission. La commission apprécie la responsabilité de, la personne physique ou morale dans la réalisation des faits reprochés ; que si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montait ; que l'avis motivé de la commission, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé, dans un délai maximum de deux mois à compter de sa saisine ; que si la commission ne s'est pas prononcée au terme du délai qui lui est imparti, l'avis est réputé rendu ; qu'à compter de la réception de l'avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie dispose, s'il décide de poursuivre la procédure, d'un délai de quinze jours pour saisir le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurances maladie d'une demande d'avis conforme, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception, et en précisant les faits reprochés et le montant de la pénalité envisagée ; que le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurances maladie ou son représentant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de la demande pour formuler son avis ; que si l'avis du directeur général de l'Union des caisses d'assurance maladie est favorable, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie dispose d'un délai de quinze jours pour notifier la pénalité à la personne en cause par une décision motivée et par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception ; qu'il en adresse une copie à la commission à titre d'information ; qu'à défaut de notification dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée ; que cette notification de payer précise la cause, la nature, le montant des sommes réclamées au titre de la pénalité ou de chacune des pénalités prononcées et mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de, sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées, ainsi que les voies et les délais de recours ; qu'elle mentionne également, le cas échéant, les modalités de recouvrement de la pénalité par retenues sur les prestations ultérieures à verser à l'intéressé ; que Madame A... soutient que la procédure de pénalité financière est irrégulière, motifs pris de la violation du principe du contradictoire, en ce que entre la date de convocation devant la commission de pénalité et la date de tenue de cette commission, les délais n'ont pas été suffisants pour qu'elle puisse avec son conseil se présenter, ce qui l'a privée d'un moyen de défense, de la non-tenue de la commission faute de quorum, sans nouvelle convocation des parties, ce qui l'a privée de pouvoir présenter sa défense, et du défaut de base légale, l'action engagée étant à la fois prématurée (l'indu étant contesté) et mal dirigée, alors qu'il n'y avait pas fraude manifeste ; qu'elle soutient par ailleurs qu'aucune mise en garde préalable ne lui a été adressée, et qu'elle n'a pas eu volonté de surfacturer mais seulement commis des erreurs, et souligne avoir payé sur les montants indus ses cotisations fiscales et sociales qui ne lui seront pas remboursées ; qu'en vertu du principe de la présomption d'innocence, elle estime qu'il ne peut être envisagé une quelconque pénalité sans que soient reconnues de façon définitive les anomalies sur lesquelles la procédure se fonde, et soutient qu'en vertu du respect des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de pouvoirs de sanction par une autorité administrative indépendante, posé par le Conseil constitutionnel, les fonctions de poursuite et d'instruction et les pouvoirs de sanction doivent être séparés ; qu'elle considère enfin que la sanction n'est pas motivée en ce qui concerne le montant de la pénalité retenue ; que la caisse lui oppose que la procédure des pénalités financières a été respectée, Madame A... ayant été informée le 24 avril 2014 des faits susceptibles de faire l'objet d'une pénalité financière et ayant par l'intermédiaire de son conseil adressé le 24 avril 2014 des observations écrites, sans avoir demandé à être entendue ; qu'elle a ensuite été régulièrement informée de la saisine de la commission et de sa tenue le 5 avril 2014, et il n'était pas possible compte tenu des délais imposés par l'article R. 147-2 I de fixer une nouvelle date pour la tenue de la commission ; que l'avis conforme du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a été sollicité le 27 juin 2014, il a adressé son avis conforme le 27 juillet 2014 dans le délai imparti compte tenu des dispositions de l'article 642 du code de procédure civile ; que la notification de la décision du 8 août 2014 fixant la pénalité financière effectuée le 12 suivant l'a également été dans le délai imparti ; qu'elle soutient que la décision du 8 août 2014 est motivée, puisque comportant six pages explicatives de chaque grief retenu ainsi que sept tableaux récapitulant les anomalies et que le montant de la pénalité financière tient compte du montant du préjudice et de la gravité des faits reprochés ; qu'elle estime que Madame A... n'est pas fondée à invoquer le droit à l'erreur alors qu'elle n'a pas régularisé sa situation auprès de la caisse, et souligne qu'elle ne pouvait par ailleurs ignorer avoir facturé des actes qu'elle n'avait pas réalisés puisque les patients étaient hospitalisés et que compte tenu du nombre de patients concernés, il ne peut s'agir d'une simple erreur ; qu'en l'espèce, la caisse justifie avoir porté à la connaissance de Madame A... :
-par remise en mains propres le 24 avril 2014, la décision du directeur portant information sur les faits susceptibles de faire l'objet d'une pénalité financière, avec tableaux détaillés joints ;
-par remise en mains propres le 28 mai 2014, la décision du directeur de la saisine de la commission des pénalités financières ;
- par lettre recommandée avec avis de réception réceptionnée le 30 mai 2014, de la date de tenue de cette commission fixée au 5 juin 2014 après midi, en lui demandant d'aviser téléphoniquement de sa venue ;
- par lettre recommandée avec avis de réception réceptionnée le 12 juin 2014, de l'absence d'avis de la commission des pénalités financières, une copie du constat de carence, faute de quorum, de la tenue de la commission des pénalités financières fixée au 5 juin 2014, y étant joint,
- par acte d'huissier en date du 12 août 2014, de la signification de la décision motivée de la directrice adjointe de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne de lui infliger :
*une pénalité financière de 1 000 euros en raison des soins facturés pendant l'hospitalisation et de la double facturation de frais de déplacements ;
*une pénalité financière de 6 000 euros en raison des majorations de nuits non prescrites, des actes non prescrits et des facturations non justifiées par le médecin prescripteur,
soit au total une pénalité de 7 000 euros avec information des voies de recours ; que la caisse justifie par ailleurs avoir sollicité le 27 juin 2014 l'avis du directeur général de l'UNCAM et du courriel en retour en date du 28 juillet 2014 indiquant que cet avis est "conforme" ; qu'il résulte donc de ces éléments que Madame A... n'a effectivement été informée que le vendredi 30 mai 2014, de la date de la commission des pénalités financières fixée au jeudi 5 juin 2014 ; que s'il est exact que le délai écoulé entre la date de la commission et celle à laquelle elle en a été informée, est particulièrement court, pour autant, les dispositions légales précitées n'impartissent à la caisse aucun délai particulier à respecter et Madame A... n'établit ni avoir demandé un report de la date de cette commission, ni avoir ensuite, après réception du procès-verbal de carence, demandé à la caisse d'organiser une nouvelle commission afin de pouvoir y être assistée ou représentée par son avocat ; que la violation alléguée du principe du contradictoire avant la décision du directeur de la caisse de poursuivre la procédure de pénalités financières n'est donc pas caractérisée, Madame A... ayant été avisée de manière très détaillée des faits qui lui étaient reprochées et des pénalités financières encourues ; qu'il ne peut davantage être considéré que la poursuite de cette procédure administrative, alors que le tribunal des affaires de sécurité sociale était saisi depuis le 16 avril 2014 par Madame A... de sa contestation de l'indu, porte atteinte au principe du droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision sur les pénalités financières, qui contrairement à ce que soutient Madame A..., est motivée, a du reste été contestée par Madame A... qui a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de ce litige ; que la procédure des pénalités financières résultant des articles L. 162-1-14 et R. 147¬2 du code de la sécurité sociale précités est, ainsi que retenu par les premiers juges, régulière en la forme ; qu'il résulte de l'article R. 147-8 du code de la sécurité sociale que la pénalité est due lorsque par suite de l'inobservation des règles prescrites par le code de la sécurité sociale ou le code de la santé publique, le professionnel de santé libéral a obtenu le versement d'une somme ou le bénéfice d'un avantage injustifié en présentant au remboursement des actes ou prestations non réalisés, et obtenu de la caisse d'assurance maladie le versement d'une somme injustifiée en n'ayant pas respecté les conditions de prise en charge des actes ou prestations soumis au remboursement par l'assurance maladie ; que l'article R. 147-8-1 I du code de la sécurité sociale dispose que le montant de cette pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés et s'ils ne relèvent pas d'une fraude au sens des articles R. 147-11 et R. 147-12 à un montant maximum égal à 50 % des sommes définies au II de l'article R. 147-5, lequel pose d'une part le principe du cumul des pénalités financières entre elles et d'autre part de la prise en compte pour le calcul des pénalités des sommes indûment présentées au remboursement ou indûment prises en charge par l'organisme d'assurance maladie ; qu'il appartient au juge du contentieux général de la sécurité sociale, en application de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de contrôler l'adéquation de la sanction à l'importance des sommes indûment perçues dans les limites fixées par le texte qui institue la pénalité ; que la cour vient de juger que les facturations litigieuses de soins pendant des périodes d'hospitalisations des assurés sociaux concernés (soit 125.94 euros), d'indemnités kilométriques non dues (soit 2 432 euros), de majorations de nuits non prescrites (soit 3 046.95 euros) et d'actes non prescrits (soit 38 651.76 euros) ont permis à Madame A... d'obtenir de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne le versement indu de prestations en n'ayant pas respecté les conditions de prise en charge des actes ou de prestations qui n'avaient pas été effectuées ; que par application de dispositions précitées, les pénalités encourues par Madame A... ne peuvent excéder :
- au titre des facturations d'actes ou prestations non réalisés : (3.125.94 + 2.432) x 50% = 2.778 euros,
- au titre du non-respect des conditions de prise en charge : (3.046.95 + 38.651.76) x 50% = 20.849 euros ;
que la décision en date du 8 août 2014 du directeur de la caisse fixant au total à 7.000 euros le montant de la pénalité financière précise que cette pénalité se décompose comme suit :
- au titre des facturations d'actes ou prestations non réalisés : 1.000 euros,
- au titre du non-respect des conditions de prise en charge : 6.000 euros ;
que la cour estime, compte tenu du montant de l'indu ramené au total à 47.256.65 euros, du nombre d'assurés sociaux concernés ainsi que du fait que l'argument tiré de l'erreur alléguée n'est pas recevable pour les patients hospitalisés ou parce que les actes facturés n'avaient pas été prescrits, que le montant de la pénalité chiffrée à 1.000 euros est pleinement justifiée, et que le montant de la pénalité pour non-respect des conditions de prise en charge doit être ramené à 4.000 euros ; que par conséquent, par réformation du jugement entrepris la cour fixe le montant total de la pénalité financière à 5.000 euros ;
1°) ALORS QUE le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ne peut infliger une pénalité financière à un professionnel de santé, sans avoir préalablement saisi une commission ad hoc, en informe simultanément cette personne et lui indique qu'elle aura la possibilité, si elle le souhaite, d'être entendue par la commission ; que le professionnel de santé doit bénéficier d'un délai suffisant, entre la date à laquelle le directeur l'a informé de la saisine de la commission et la tenue de cette commission, afin de pouvoir organiser sa défense ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de pénalité financière était régulière, après avoir pourtant constaté que le délai écoulé entre la date de tenue de la commission et celle à laquelle Madame A... en avait été informée était particulièrement courte, ce dont il résultait que cette dernière avait été privée de la possibilité d'organiser sa défense, notamment en se présentant avec l'assistance d'un conseil, la Cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles R. 147-2, I, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-1865 du 30 décembre 2015, et L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;
2°) ALORS QUE le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ne peut infliger une pénalité financière à un professionnel de santé, sans avoir préalablement saisi une commission ad hoc, qui rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptible d'être appliquée ; que l'avis de cette commission constitue une formalité substantielle, dont dépend la validité de la procédure de pénalité financière ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de pénalité financière était régulière en la forme, après avoir pourtant constaté que la commission des pénalités financières n'avait rendu aucun avis, faute de quorum, la Cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles R. 147-2, I, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-1865 du 30 décembre 2015, et L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;
3°) ALORS QU'il appartient au juge du contentieux général de la sécurité sociale, saisi d'un recours formé contre la pénalité prononcée dans les conditions qu'il précise, de vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés à la personne concernée, ainsi que l'adéquation du montant de la pénalité à l'importance de l'infraction commise par cette dernière ; qu'en affirmant néanmoins que la Caisse primaire de l'assurance maladie de la Haute-Garonne était fondée à solliciter la condamnation de Madame A... à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de pénalité financière, motif pris que ces pénalités étaient justifiées au regard du nombre d'assurés sociaux concernés, et que l'indu portait notamment sur des patients hospitalisés ou pour des actes facturés qui n'avaient pas été prescrits, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la gravité des faits reprochés à Madame A..., a violé les articles L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, R. 147-8, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-653 du 10 juin 2015, et R. 147-8-1 du Code de la sécurité sociale. | Il résulte des articles L. 162-1-14, V, devenu L. 114-17-1, V, et R. 147-2, II, du code de la sécurité sociale, le premier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, le second, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-6 du 3 janvier 2013, que le directeur de l'organisme local d'assurance maladie peut prononcer une pénalité financière à l'encontre d'un professionnel de santé, en raison d'un indu consécutif au non-respect des règles de facturation ou de tarification, après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant. L'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé, dans un délai maximum de deux mois à compter de la saisine de la commission. Ce délai peut être augmenté d'une durée ne pouvant excéder un mois si la commission estime qu'un complément d'information est nécessaire. Si la commission ne s'est pas prononcée au terme du délai qui lui est imparti, l'avis est réputé rendu.
Selon l'article R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-6 du 3 janvier 2013, à compter de la réception de l'avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles doit, s'il décide de poursuivre la procédure, saisir, dans un délai de quinze jours, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie d'une demande d'avis conforme, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, en précisant les éléments prévus dans la notification mentionnée au I et le montant de la pénalité envisagée. A défaut de saisine dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée.
Il découle de ces dispositions que l'absence d'avis rendu par la commission au terme du délai qui lui est imparti est sans incidence sur la régularité de la procédure de sanction |
329 | CIV. 2
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 795 F-P+B+I
Pourvoi n° Q 19-17.776
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
1°/ L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Midi-Pyrénées, dont le siège est 166 rue Pierre et Marie Curie, 31061 Toulouse cedex 9,
2°/ l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie, dont le siège est 1 avenue du Danemark, CS 42901, 80000 Amiens,
ont formé le pourvoi n° Q 19-17.776 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre), dans le litige les opposant à M. I... O..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Midi-Pyrénées et de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. O..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) de Picardie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. O....
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 avril 2019), M. O... a obtenu la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et une autre au titre du préjudice résultant de la perte du bénéfice d'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle. L'employeur a précompté des cotisations sociales salariales sur le montant de ces indemnités avant de les verser à M. O....
3. L'URSSAF ayant refusé de lui rembourser ces cotisations, qu'il n'estimait pas dues, M. O... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'URSSAF Midi-Pyrénées fait grief à l'arrêt de déclarer M. O... recevable en son action et de faire droit à ses demandes, alors « que dans le régime général, l'employeur est le seul débiteur vis-à-vis des organismes de recouvrement des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, veuvage, des accidents du travail et des allocations familiales ; qu'en affirmant néanmoins que M. O... avait qualité pour réclamer directement à l'URSSAF le remboursement d'un précompte versé prétendument à tort par l'employeur au titre de ses obligations sociales sur des indemnités de licenciement, la cour d'appel a violé l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
6. Il résulte de ces textes que l'employeur, tenu de verser sa contribution et de précompter celle du salarié, est seul redevable des cotisations et, sous sa responsabilité personnelle, de leur versement à l'organisme de recouvrement.
7. Pour déclarer M. O... recevable en son action, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale attribuent compétence, pour chaque établissement, à l'employeur pour déclarer et verser les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent, cette attribution de compétence pour le versement des cotisations n'a cependant ni pour effet ni pour objet de priver M. O... de son droit à demander le remboursement des sommes litigieuses dès lors que celles-ci correspondent à ses propres cotisations sociales salariales (différence entre le brut et le net) versées pour son compte par l'employeur en application de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale, et non pas aux cotisations sociales patronales, lesquelles correspondant au différentiel entre le « super-brut » et le brut.
8. En statuant ainsi, alors que M. O... n'avait pas la qualité de cotisant, de sorte que sa demande à l'URSSAF était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif ayant écarté l'exception d'irrecevabilité formée par l'URSSAF pour défaut de qualité à agir de M. O... entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef dispositif confirmant les entières dispositions du jugement n° G 182/15 rendu le 16 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon et en ce qu'il condamne l'URSSAF à payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de l'appel.
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Donne acte à l'URSSAF de Picardie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. O....
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il écarte l'exception d'irrecevabilité formée par l'URSSAF pour défaut de qualité à agir de M. O..., en ce qu'il confirme les entières dispositions du jugement rendu le 16 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon et en ce qu'il statue sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens d'appel, l'arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare M. O... irrecevable en sa demande, pour défaut de qualité à agir, visant à la confirmation du jugement rendu le 16 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon ayant condamné l'URSSAF Midi-Pyrénées à lui payer la somme de 16 781,69 euros ;
Condamne M. O... à supporter les dépens exposés tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Amiens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes au titre des frais exposés tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Amiens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président et M. Prétot, conseiller doyen, en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Midi-Pyrénées
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR écarté l'exception d'irrecevabilité opposée par l'URSSAF de Midi-Pyrénées pour défaut d'intérêt pour agir et défaut de capacité pour agir à l'action introduite par M. O... et d'AVOIR condamné l'URSSAF de Midi-Pyrénées à payer à M. O... la somme de 16.871,69 euros à titre de cotisations sociales prétendument versées à tort par l'employeur ainsi que celle de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la qualité pour agir de M. O..., il est vrai que les dispositions de l'article R 243-6 du code de la sécurité sociale attribuent compétence, pour chaque établissement, à l'employeur pour déclarer et verser les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent ; que cette attribution de compétence pour le versement des cotisations n'a cependant ni pour effet ni pour objet de priver M. O... de sa capacité pour agir dès lors que les 16.871,69 euros litigieux correspondent à ses propres cotisations sociales salariales (différence entre le brut et le net) versées pour son compte par l'employeur en application de l'article R 243-6 susvisé, et non pas aux cotisations sociales patronales, lesquelles correspondant au différentiel entre le « super-brut » et le brut ; que le moyen tiré du défaut de capacité pour agir de M. O... ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
ALORS QUE dans le régime général, l'employeur est le seul débiteur vis-à-vis des organismes de recouvrement des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, veuvage, des accidents du travail et des allocations familiales ; qu'en affirmant néanmoins que M. O... avait qualité pour réclamer directement à l'URSSAF le remboursement d'un précompte versé prétendument à tort par l'employeur au titre de ses obligations sociales sur des indemnités de licenciement, la cour d'appel a violé l'article R 243-6 du code de la sécurité sociale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR écarté l'exception tirée de la prescription invoquée par l'URSSAF de Midi-Pyrénées à l'encontre de l'action introduite par M. O... et d'AVOIR condamné l'URSSAF de Midi-Pyrénées à payer à M. O... la somme de 16.871,69 euros à titre de cotisations sociales prétendument versées à tort par l'employeur ainsi que celle de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des dispositions de l'article 243-6 du code de la sécurité sociale : « I - La demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées. » ; qu'il n'est pas contesté que l'employeur a opéré le règlement des cotisations sociales salariales de 16.871,69 euros au plus tard à la date d'établissement du bulletin de salaire d'un montant total de 77.891,75 euros net, soit au plus tard le 31 août 2014 ; que le délai de la prescription instauré par les dispositions précitées de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale a couru à compter de cette date du 31 août 2014 pour expirer, sauf interruption, le 1er septembre 2017 ; que la réclamation électronique Ref n° 227-2578055 du 27 novembre 2014 effectuée par M. O... auprès de l'URSSAF, laquelle fait expressément mention du jugement du conseil des prud'hommes RG 13/00362, lequel comporte nécessairement toutes les données chiffrées requises (salaire brut, salaire net versé, différentiel de cotisations sociales), a mis l'URSSAF à même de connaître l'objet de la demande ; que la réclamation en date du 7 avril 2015 présentée par M. O... devant la commission de recours amiable de l'URSSAF compétente (MIDI PYRENEES), au visa des échanges antérieurs entretenus avec l'URSSAF et nourris des éléments chiffrés litigieux (et ce peu important la circonstance inopérante que ces échanges soient intervenus avec l'URSSAF de Picardie), vaut, en elle-même et à elle seule, demande comminatoire en paiement interruptive de prescription ; que, du reste, l'URSSAF a adressé à M. O... un courrier en date du 8 avril 2015 reprenant la totalité des données chiffrées relatives à la réclamation de l'intéressé, attestant de la connaissance par l'URSSAF de ces entières données chiffrées ; qu'il en résulte que le délai de prescription de trois (mois) instauré par les dispositions de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale a été interrompu, au plus tard, par la saisine de la commission de recours amiable effectuée par M. O... le 7 avril 2015, soit avant l'expiration du délai de prescription de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale ; que le moyen tiré de la prescription de l'action introduite par M. O... ne peut qu'être rejeté ;
ALORS QUE pour interrompre le délai de prescription dans lequel est enfermée l'action en répétition de cotisations indues, le cotisant doit adresser à l'organisme social une invitation à lui restituer les sommes qu'il a indûment acquittées ; que, pour constituer une interpellation suffisante à cette fin, le courrier par lequel le cotisant réclame la restitution des sommes qu'il prétend indues doit permettre à l'URSSAF d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et donc préciser notamment le montant des cotisations dont le remboursement est réclamé ; qu'en l'espèce, M O... avait adressé à l'URSSAF une réclamation électronique du 27 novembre 2014 et une autre en date du 7 avril 2015 devant la commission de recours amiable par lesquelles il se bornait à faire valoir que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse auxquels avait été condamné son employeur ne pouvaient figurer sur un bulletin de paie, et ne pouvaient donc être soumis à cotisations sans toutefois chiffrer le montant de ces dernières ; que sa première demande chiffrée relative aux cotisations prétendument indûment versées par l'employeur a été présentée le 16 janvier 2018 au tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en décidant que la saisine de la commission de recours amiable effectuée par M. O... le 7 avril 2015 avait interrompu, au plus tard, le délai de prescription de trois ans, la cour d'appel a violé l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné l'URSSAF de Midi-Pyrénées à payer à M. O... la somme de 16.871,69 euros à titre de cotisations sociales prétendument versées à tort par l'employeur ainsi que celle de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale : « Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail [...] Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail [...] qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du [code général des impôts] »; qu'en application de l'article 80 duodecies susmentionné du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 : « 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L 1235-1, L 1235-2, L 1235-3 et L 1235-11 à L 1235-13 du code du travail ; 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi [
] 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui n'excède pas ; a) soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L 241-3 du code de la sécurité sociale [...] b) soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi [
] » ; que les dommages et intérêts alloués à M. O... par le jugement du conseil des prud'hommes de Boissons en date du 23 avril 2014 à hauteur de 84.763,44 euros l'ont été pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en vertu de l'article L 1235-3 du code du travail, et pour procédure irrégulière en vertu de l'article L 1235-11 du même code ; que ce montant entre dès lors dans les prévisions du 1°) des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts le rendant non imposable ; que les dommages et intérêts alloués à M. O... par le jugement du conseil des prud'hommes de Soissons en date du 23 avril 2014 à hauteur de 10.000 Euros pour perte du bénéfice de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle prévu par l'article L 1233-67 du code du travail entrent dans les prévisions du 3°) des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts les rendant non imposable dès alors que ce montent n'excède pas deux fois le montant de la rémunération annuelle brute manifestement perçue par le salarié au cours de l'année civile ayant précédé la rupture de son contrat de travail ; que M. O... est dès lors fondé à soutenir que c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon a considéré que c'est à tort que les sommes allouées à son profit à hauteur de 94.891,75 euros ont été soumises à cotisations sociales et, par suite, a condamné l'URSSAF de MIDI PYRENEES à lui reverser la somme de 16.871,69 euros correspondant à la somme prélevée par son ancien employeur au profit de l'URSSAF sur le montant brut de la somme de 94 891,75 euros mentionnée sur la fiche de paie établie à son nom en exécution du jugement prudhommal du 23 avril 2014, M. O... n'ayant ainsi indûment perçu que la seule somme de 77.891,75 euros net ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale donne la définition des cotisations assises sur les rémunérations ou gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés et exclut de l'assiette des cotisations de sécurité sociales les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ; qu'en vertu de l'article 1235 du Code civil, dans sa version antérieure au 1er Octobre 2106, applicable à la présente affaire, celui qui réclame la restitution d'une somme comme l'ayant indûment payée par suite d'une erreur doit justifier non seulement du paiement dont il réclame la restitution, mais encore de l'erreur qui aurait été la cause déterminante de son acte ; qu'en l'espèce, il est constant que le CPH de SOISSONS a condamné la SARL HYDRO BUILDINGS SYSTEMS au paiement de dommages et intérêts pour la somme de 84.763,44 euros au titre des dommages ci intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 10.000 euros au titre des dommages et intérêts pour la perte d'adhésion au CSP ; que le bulletin de paie en date du 31 août 2014 versé aux débats par le demandeur fait figurer ce montant duquel a été prélevé, à tort, la somme de 16.871,69 euros au titre des cotisations de sécurité sociale ; qu'il convient donc de condamner l'URSSAF de Midi-Pyrénées à payer ladite somme à Monsieur I... O..., les indemnités de rupture du contrat de travail n'étant pas assujetties à l'obligation de cotisations, non pour la somme de 17.000 euros sollicitée par le demandeur mais à hauteur de la somme prélevée à tort sur les indemnités de licenciement ;
ALORS QU'est exclue de l'assiette des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L 241-3 du code de la sécurité sociale, soit la somme de 75.096 euros en 2014 ; qu'en l'espèce, par jugement du 23 avril 2014, le Conseil de prud'hommes de Soissons a alloué à M. O... la somme brute de 94.763,44 euros au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en considérant que cette somme ne devait pas être soumise à cotisations, quand pourtant elle était bien supérieure à la limite d'exclusion d'assiette précitée, la cour d'appel a violé l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale. | Il résulte des articles L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale que l'employeur, tenu de verser sa contribution et de précompter celle du salarié, est seul redevable des cotisations et, sous sa responsabilité personnelle, de leur versement à l'organisme de recouvrement.
Dès lors, c'est en violation de ces textes qu'une cour d'appel a déclaré recevable l'action en remboursement de cotisations sociales formée par un salarié contre un organisme de recouvrement |
330 | CIV. 2
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 798 F-P+B+I
Pourvoi n° S 19-15.524
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
M. K... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-15.524 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse d'allocations familiales de Paris, dont le siège est [...] ,
2°/ au Défenseur des droits, domicilié [...] ,
3°/ au ministre chargé des affaires sociales et de la santé, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. O..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. O... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2019) et les productions, M. O... (l'allocataire), de nationalité américaine, résidant régulièrement en France, a sollicité le bénéfice des prestations familiales auprès de la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) pour ses trois enfants, entrés sur le territoire national, accompagnés d'au moins l'un de leurs deux parents, sous couvert d'un visa « visiteur ».
3. La caisse lui ayant refusé l'attribution des prestations, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le même moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. L'allocataire fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors « que les personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de l'Etat français ou des Etats-Unis d'Amérique, qui sont des ressortissants de l'un ou l'autre de ces États, et qui résident sur le territoire de l'autre État contractant, doivent bénéficier d'un traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre État contractant en application de la législation de cet autre État relative au droit aux prestations et au versement de celles-ci, notamment en matière de prestations familiales ; que ce principe de non-discrimination interdit d'imposer aux personnes entrant dans le champ d'application de cette disposition des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables aux nationaux de cet État ; que M. O..., ressortissant américain ayant été soumis à la législation américaine était titulaire d'une carte de séjour temporaire valable ; que la CAF avait reconnu que ses enfants mineurs, V... et R..., résidaient légalement en France avec lui ; qu'ainsi, le droit aux prestations familiales ne pouvait être refusé au motif que M. O... ne produisait pas le certificat de contrôle médical délivré dans le cadre du regroupement familial justifiant de la régularité de l'entrée sur le territoire français sans violer les articles 2, 3 et 4 de l'Accord de sécurité sociale entre la France et les Etats-Unis du 2 mars 1987, ensemble les dispositions de l'article L. 512-2, alinéas 2 à 4, du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 55 de la Constitution et les articles 2 § 1, b) iv, 3 et 4 de l'Accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique du 2 mars 1987, publié par décret n° 88-610 du 5 mai 1988, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale :
6. Selon le deuxième de ces textes, les législations applicables aux fins de l'Accord sont, pour la France, la législation relative aux prestations familiales. Selon le troisième, l'Accord s'applique aux personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de l'un ou l'autre des Etats contractants et qui sont des ressortissants de l'un ou l'autre des Etats contractants, des réfugiés ou des apatrides, ainsi qu'à leurs ayants droit, tels que définis à l'article premier du même accord. Selon le quatrième, un ressortissant d'un Etat contractant résidant sur le territoire de l'autre Etat contractant et à qui s'appliquent les dispositions du présent Accord bénéficie, de même que ses ayants droit, d'un traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre Etat contractant en application de la législation de cet autre Etat relative au droit aux prestations et au versement de celles-ci.
7. Il résulte de ces stipulations, qui l'emportent, en vertu du premier de ces textes, sur les cinquième et sixième, qu'un ressortissant des Etats-Unis d'Amérique résidant régulièrement sur le territoire français avec ses enfants peut prétendre, pour ceux-ci, au bénéfice des prestations familiales dans les mêmes conditions qu'un ressortissant français.
8. Pour dire que l'allocataire ne pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales pour ses trois enfants, l'arrêt retient essentiellement qu'à défaut de dispositions contraires comprises dans la convention bilatérale de sécurité sociale du 2 mars 1987 ou dans un autre accord bilatéral et à défaut d'accord conclu avec l'Union européenne, le principe d'égalité de traitement entre les ressortissants des deux Etats établi par l'article 2 susvisé ne contrevient pas à l'application des conditions légales d'octroi des prestations familiales pour des enfants étrangers édictées par le code de la sécurité sociale ainsi qu'aux conditions d'entrée et de séjour en France, qui restent applicables. Il ajoute que la convention bilatérale de sécurité sociale conclue entre la France et les Etats-Unis le 2 mars 1987 est une convention de coordination des systèmes de sécurité sociale des deux Etats pour leurs ressortissants respectifs se trouvant dans l'autre Etat et que la lettre ministérielle du 20 juin 1988 relative à cette convention ne fait pas obstacle à l'application de la législation française. Ayant rappelé les dispositions des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, l'arrêt précise que les enfants sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial et que l'allocataire ne peut présenter un certificat médical de l'OFFI pour ses enfants.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'allocataire, ressortissant américain, résidait régulièrement en France avec ses enfants, ce dont il ressortait qu'il pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales dans les mêmes conditions que les ressortissants français, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen, se rapportant à la demande d'indemnisation.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du premier moyen, la Cour :
DONNE ACTE à M. O... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse d'allocations familiales de Paris aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse d'allocations familiales de Paris à payer à M. O... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. O...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. O... de sa demande tendant à voir, d'une part, constater son droit à allocations pour ses enfants V... et R... à compter du 1er janvier 2013, et d'autre part ordonner leur liquidation et le versement par la CAF de Paris avec intérêts au taux légal de chaque début de mois auquel elles auraient dû être versées ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. O..., de nationalité américaine, est venu vivre en France avec son épouse et ses enfants F..., née le [...] , R..., né le [...] , V..., né le [...] , nés tous les trois aux Etats-Unis ; Il a déposé en juin 2014 une demande de bénéfice des prestations familiales auprès de la caisse d'allocations familiales de Paris aux fins notamment d'obtenir le versement de l'AEEH et du complément auxquels V... et R... étaient éligibles depuis janvier 2013; Un refus lui a été opposé par la caisse d'allocations familiales, puis par la commission de recours amiable et le tribunal des affaires de sécurité sociale, au motif qu'il n'était pas en mesure de fournir les certificats médicaux de l'OFII pour ses enfants dont il ne conteste qu'ils sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial ; La convention bilatérale de sécurité sociale du 2 mars 1987 conclue entre la France et les Etats-Unis dispose en son article 4 que : " Un ressortissant d'un Etat contractant résidant sur le territoire de l'autre Etat contractant et à qui s'appliquent les dispositions du présent Accord bénéficie, de même que ses ayants droit, d'un traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre Etat contractant en application de la législation de cet autre Etat relative au droit aux prestations et au versement de celles-ci." L'article 2 prévoit que les législations applicables sont : "b) pour la France : IV) la législation relative aux prestations familiales,". Cependant, à défaut de dispositions contraires comprises dans cette convention ou dans un autre accord bilatéral et à défaut d'accord conclu avec l'Union européenne, le principe d'égalité de traitement entre les ressortissants des deux Etats établi par l'article 2 sus visé ne contrevient pas à l'application des conditions légales d'octroi des prestations familiales pour des enfants étrangers édictées par le code de la sécurité sociale ainsi qu'aux conditions d'entrée et de séjour en France, qui restent applicables. En effet, la convention bilatérale de sécurité sociale conclue entre la France et les Etats- Unis le 2 mars 1987 est une convention de coordination des systèmes de sécurité sociale des deux états pour leurs ressortissants respectifs se trouvant dans l'autre état. La lettre ministérielle du 20 juin 1988 relative à cette convention, qui dispose que "compte tenu de la limitation (...) du champ d'application pour les Etats-Unis, les dispositions de coordination de l'Accord ne concernent que les régimes invalidité-vieillesse-survivants" mais que "les principes de base et les dispositions générales ou particulières ne comportant pas de coordination sont applicables à l'ensemble des législations françaises (par exemple : principe de l'égalité de traitement(...)" ne fait pas obstacle à l'application de la législation française. Il sera rappelé, s'agissant de non ressortissants de l'Union européenne ou de ressortissants d'Etats n'ayant pas conclu un accord avec l'Union européenne, que la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises en son Assemblée plénière que les articles L.512-2 et D.512-2 du code de la sécurité sociale (...) qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Elle a aussi jugé que l'exigence d'un certificat médical était justifié par une circonstance objective exclusive de toute discrimination et tenant à la nécessité de ne pas permettre l'entrée sur le territoire de l'Union d'enfants qui ne pourraient bénéficier d'un accueil sanitaire et social suffisant. Cette position se trouve aujourd'hui confortée par la Cour européenne des droits de l'Homme (Okitaloshima Okonda Osungu et Selpa Lokongo c. France, 1er octobre 2015 n° 76860/11 et 51354/13). Enfin, M. O..., qui n'a pas la qualité de travailleur migrant, n'explique pas en quoi la législation française serait contraire à la Convention n° 97 de l'OIT du 1er juillet 1949 ratifiée par la France et publiée par le décret du 4 août 1954. En tout état de cause, si le principe de non-discrimination des travailleurs migrants vise en son article 6 la sécurité sociale "(à savoir les dispositions légales relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, à la maternité, à la maladie, à la vieillesse et au décès, au chômage et aux charges de famille, ainsi qu'à tout autre risque qui, conformément à la législation nationale, est couvert par un système de sécurité sociale)", c'est sous réserve (...) "(ii) des dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays d'immigration et visant les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics,(...);". Or, les prestations familiales, qui relèvent de la solidarité nationale, sont financées par des fonds publics et des cotisations sociales qui doivent être assimilées à des fonds publics. Dès lors, les articles L. 512-2 et D.512-2 et suivants du code de la sécurité sociale ne sont donc pas contraires à la Convention n° 97 de l'OIT. Ainsi, trouvent à s'appliquer au cas d'espèce, dans leur version en vigueur à cette date : -l'article L.512-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit que "Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre (...)" ; -l'article L.512-2 du même code , dans sa rédaction issue de la loi n 2005-1579 du 19 décembre 2005, qui dispose que : "(...) Bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France. Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations suivantes : - leur naissance en France ; - leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - leur qualité de membre de famille de réfugié ; - leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L.313-13 du même code ; - leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code ; - leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L.313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée. Un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers. Il détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents » ; -l'article D.512-1, qui dispose que : L'étranger qui demande à bénéficier de prestations familiales justifie la régularité de son séjour par la production d'un des titres de séjour ou documents suivants en cours de validité : 1° Carte de résident ; 2° Carte de séjour temporaire ; 3° Certificat de résidence de ressortissant algérien ; 4° Récépissé de demande de renouvellement de l'un des titres ci-dessus ; 5° Récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d'une durée de trois mois renouvelable portant la mention "reconnu réfugié" ; 6° Récépissé de demande de titre de séjour d'une durée de six mois renouvelable portant la mention "étranger admis au séjour au titre de l'asile" ; 7° Autorisation provisoire de séjour d'une validité supérieure à trois mois ; 8° Passeport monégasque revêtu d'une mention du consul général de France à Monaco valant autorisation de séjour ; 9° Livret spécial, livret ou carnet de circulation ; 10° Récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d'une durée de validité de trois mois renouvelable délivré dans le cadre de l'octroi de la protection subsidiaire, accompagné de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile accordant cette protection. -l'article D.512-2, qui fixe la liste des titres et justifications concernant les enfants selon les dispositions suivantes : "La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants : 1° Extrait d'acte de naissance en France ; 2° Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; (...) 5° Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers [carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit ]et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; 6° Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1." En l'espèce, M. O... a obtenu un titre de séjour étudiant valable du 3 août 2012 au 3 juin 2013, renouvelé jusqu'au 3 janvier 2014, puis du 1er mars 2014 au 10 avril 2017; puis il a été bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire mention "visiteur" du 11 avril 2017 au 10 avril 2018 ; un récépissé de demande de carte de séjour lui a été remis le 3 avril 2018 mentionnant une date d'entrée en France au 3 mars 2014 ; il s'en déduit que M. O... n'était pas autorisé à travailler ; il est désormais titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 11 avril 2018 au 10 avril 2019 ; M. O... a demandé en juin 2014 à la caisse d'allocations familiales de Paris le bénéfice des prestations familiales à compter du 1er janvier 2013 ; bien que le récépissé de demande de titre de séjour délivré le 3 avril 2018 mentionne une date d'entrée en France le 3 mars 2014, l'appelant fait état d'une entrée en France de V... le 4 août 2012 et de R... et F... avec leur mère le 28 août 2013 ; En tout état de cause, il n'est pas contesté que les enfants sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial ; Or, l'article L.512-2 précité ouvre le bénéfice des prestations familiales aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse titulaire d'un titre exigé d'eux pour résider régulièrement en France selon les dispositions de l'article D. 512-1 sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, et conformément aux dispositions de l'article D.512-2, soit de leur naissance en France, soit de leur entrée régulière en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial, soit de leur qualité de membre de famille de réfugié, soit de leur qualité d'enfant d'étranger titulaire d'une carte de séjour spécifique ; M. O... ne peut présenter le certificat médical de l'OFII pour ses enfants, seul document nécessaire compte tenu de sa situation ; C'est donc à bon droit que la demande de M. O... de bénéfice des prestations familiales a été rejetée par la commission de recours amiable ainsi que par les premiers juges » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article L512-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi numéro 2005– 579 du 19 décembre 2005, fait bénéficier des prestations familiales aux étrangers nous ressortissants d'un État membre de la communauté européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse titulaire d'un titre exigé d'eux pour résider régulièrement en France sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, soit de leur naissance en France, soit de leur entrée régulière en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial, soit de leur qualité de membre de famille de réfugiés, soit de leur qualité d'enfants étrangers titulaires d'une carte de séjour spécifique. L'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret numéro 2006–234 du 27 février 2006 dresse une liste limitative des documents permettant de justifier de la régularité de l'entrée et du séjour en France des enfants étrangers au titre desquels il est demandé le bénéfice des prestations familiales. Figure dans cette liste le certificat de contrôle médical de l'enfant délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial, l'extrait d'acte de naissance en France, le livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi par cet office, le visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant dans l'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnés à l'article L. 313–8 ou au cinquièmement de l'article L. 313–11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du septièmement de l'article L. 313–11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ou du cinquièmement de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le titre de séjour délivré à l'étranger âgé de 16 à 18 ans dans les conditions de l'article L. 313–3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur K... O... de nationalité américaine réside régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour étudiant valable du 3 août 2012 au 3 juin 2013 annuellement renouvelé, que son dernier titre de séjour est un récépissé de demande de renouvellement visiteurs valable du 14 avril au 18 juillet 2015. Monsieur K... O..., qui demande à bénéficier des prestations familiales, assume avec sa conjointe la charge de trois enfants, F..., R... et V... respectivement nés aux États-Unis les 24 juin 1999 29 juin 2001 et 17 septembre 1997. Toutefois, il n'est pas en mesure de produire le certificat médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour ses enfants ni aucun des autres documents prévus par l'article D. 512–2 du code de la sécurité sociale. Il reconnaît que ses enfants sont entrés sur le territoire français en août 2008, munis d'un visa visiteur, mais en dehors de la procédure de regroupement familial. Monsieur K... O... soutien notamment qu'il résulte de nombreuses normes internationales, dans la France est signataire, une égalité de traitement en matière de prestations sociales doit être assurée entre les ressortissants français et les ressortissants étrangers résidant régulièrement sur le territoire français ; qu'en application des dispositions de la convention franco américaine de sécurité sociale du 2 mars 1987, ses enfants doivent être traités de la même manière que les ressortissants français et que la caisse d'allocations familiales de Paris ne saurait soumettre l'octroi des prestations familiales à un ressortissant des États-Unis à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuse que celles applicables aux ressortissants français cela instituerait une discrimination directement fondée sur la nationalité. Toutefois, l'exigence du respect de la procédure de regroupement familial ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits à la vie familiale, dans la mesure où cette exigence répond à un impératif de santé publique et à l'intérêt de l'enfant. Les dispositions des articles L. 512–2 et D.512–2 du code de la sécurité sociale revêtent, en effet, un caractère objectif justifié par la nécessité dans un État démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants il ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de B... et des libertés fondamentales. La restriction du droit aux prestations, fondée sur un critère d'entrée sous certaines conditions des enfants étrangers sur le territoire, ne porte pas non plus une atteinte disproportionnée aux droits à la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de B... et des libertés fondamentales. La restriction du droit aux prestations, fondée sur un critère d'entrée sous certaines conditions des enfants étrangers sur le territoire, ne porte pas non plus une atteinte disproportionnée aux principes de non-discrimination, ou l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Il convient d'indiquer s'agissant de la convention franco américaine dont M. O... se prévaut, que contrairement aux accords euro-méditerranéens instituant une égalité de traitement entre ressortissants communautaire, et ceux des pays signataires, elle sert à harmoniser les législations de sécurité sociale entre les pays cosignataires mais ne permet pas d'établir une égalité de traitement avec les nationaux du pays d'accueil. Monsieur K... O... sera donc débouté de sa demande d'attribution de prestations familiales pour ses trois enfants » ;
1°) ALORS QUE les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale portent une atteinte disproportionnée au droit à l'égalité de traitement, à la non-discrimination et à la vie familiale garanti par les articles 1, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'ils conduisent à refuser l'octroi de prestations familiales à des enfants sur le seul fondement de leur nationalité et subordonnent à la production des certificats médicaux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le bénéfice de telles prestations, quand il est constaté que l'ensemble de la famille réside régulièrement en France; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1, 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
2°) ET ALORS QUE, en outre, les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale portent une atteinte disproportionnée à ces mêmes principes dès lors qu'ils conduisent à refuser l'octroi de prestations familiales à des enfants handicapés étrangers en situation régulière sur le territoire, refus de nature à conduire le parent en charge de leur assistance à rentrer dans leur pays d'origine, au prix d'une séparation du couple parental ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
3°) ALORS ENCORE QUE les personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de l'Etat français ou des Etats-Unis d'Amérique, qui sont des ressortissants de l'un ou l'autre de ces États, et qui résident sur le territoire de l'autre État contractant, doivent bénéficier d'un traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre État contractant en application de la législation de cet autre État relative au droit aux prestations et au versement de celles-ci, notamment en matière de prestations familiales ; que ce principe de non-discrimination interdit d'imposer aux personnes entrant dans le champ d'application de cette disposition des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables aux nationaux de cet État ; que M. O..., ressortissant américain ayant été soumis à la législation américaine était titulaire d'une carte de séjour temporaire valable ; que la CAF avait reconnu que ses enfants mineurs, V... et R..., résidaient légalement en France avec lui ; qu'ainsi, le droit aux prestations familiales ne pouvait être refusé au motif que M. O... ne produisait pas le certificat de contrôle médical délivré dans le cadre du regroupement familial justifiant de la régularité de l'entrée sur le territoire français sans violer les articles 2, 3 et 4 de l'Accord de sécurité sociale entre la France et les Etats-Unis du 2 mars 1987, ensemble les dispositions de l'article L. 512-2, alinéas 2 à 4, du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS ENFIN QUE la lettre ministérielle n° 890 du 20 juin 1988 relative à la mise en vigueur des dispositions de l'Accord de sécurité sociale entre la France et les Etats-Unis du 2 mars 1987 et de ses textes d'application prévoit que « les principes de base et les dispositions générales ou particulières ne comportant pas de coordination sont applicables à l'ensemble des législations françaises (par exemple : principe de l'égalité de traitement, règles relatives à la détermination de la législation applicable) » ; qu'elle énonçait ainsi expressément que cet accord n'était pas limité à un rôle de coordination entre les législations des deux états mais qu'il édictait également des principes généraux, notamment celui de l'égalité de traitement avec les nationaux du pays d'accueil ; qu'en affirmant, pour débouter M. O... de sa demande de versement rétroactif des prestations familiales, que « la convention bilatérale de sécurité sociale conclue entre la France et les Etats-Unis le 2 mars 1987 est une convention de coordination des systèmes de sécurité sociale des deux états pour leurs ressortissants respectifs se trouvant dans l'autre état. La lettre ministérielle du 20 juin 1988 relative à cette convention (
) ne fait pas obstacle à l'application de la législation française » (arrêt p. 4 dernier alinéa), la cour d'appel a violé les dispositions de la lettre ministérielle n° 890 du 20 juin 1988 relative à la mise en vigueur des dispositions de l'Accord de sécurité sociale entre la France et les Etats-Unis du 2 mars 1987, ensemble les articles 2, 3 et 4 de l'Accord de sécurité sociale entre la France et les Etats-Unis du 2 mars 1987 et les dispositions de l'article L. 512-2, alinéas 2 à 4, du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. O... de sa demande de voir la CAF de Paris condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 17.476 € ;
AUX MOTIFS QU' « en conséquence, M. O... doit être débouté de l'ensemble de ses demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et le jugement sera confirmé » ;
ALORS QUE la cassation du chef du dispositif de l'arrêt confirmant le jugement du 25 septembre 2015 du tribunal des affaires de sécurité sociales de Paris entraînera l'annulation du débouté des demandes indemnitaires en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. | Selon l'article 2, § 1, b), iv), de l'Accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique du 2 mars 1987, publié par décret n° 88-610 du 5 mai 1988, les législations applicables aux fins dudit Accord sont, pour la France, la législation relative aux prestations familiales. Selon l'article 3, l'Accord s'applique aux personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de l'un ou l'autre des Etats contractants et qui sont des ressortissants de l'un ou l'autre des Etats contractants, des réfugiés ou des apatrides, ainsi qu'à leurs ayants droit, tels que définis à l'article 1 du même accord. Selon l'article 4, un ressortissant d'un Etat contractant résidant sur le territoire de l'autre Etat contractant et à qui s'appliquent les dispositions du présent Accord, bénéficie, de même que ses ayants droit, d'un traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre Etat contractant en application de la législation de cet autre Etat relative au droit aux prestations et au versement de celles-ci.
Il résulte de ces stipulations, qui l'emportent, en vertu de l'article 55 de la Constitution, sur les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qu'un ressortissant des Etats-Unis d'Amérique résidant régulièrement sur le territoire français avec ses enfants peut prétendre, pour ceux-ci, au bénéfice des prestations familiales dans les mêmes conditions qu'un ressortissant français |
331 | CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 813 F-P+B+I
Pourvoi n° Z 19-14.174
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement public à caractère public industriel et commercial, dont le siège est [...] , agissant en qualité d'organisme spécial de sécurité sociale dénommé Caisse de coordination aux assurances sociales CCAS de la RATP, a formé le pourvoi n° Z 19-14.174 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... K..., domicilié [...] ,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. K..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2019), M. K... (la victime) a été victime le 31 août 2000 d'un accident du travail, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports parisiens (la caisse). Son état a été déclaré consolidé le 1er avril 2005, et son taux d'incapacité permanente partielle fixé à 10 %.
3. La caisse ayant rejeté sa demande du 5 mars 2012 de prise en charge de nouvelles lésions au titre d'une rechute de son accident du travail, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1er et 3 du décret n° 2004-174 du 23 février 2004 modifié, relatif au régime de sécurité sociale de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), 84 du règlement intérieur de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP, 91 et 92 du statut du personnel de la RATP :
5. Selon le troisième de ces textes, les agents du cadre permanent de la RATP victimes d'un accident du travail ou de trajet perçoivent, pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation dûment constatée, l'intégralité de leur rémunération statutaire mensuelle ainsi que les primes, indemnités ou allocations attachées à l'emploi et versées en cas d'indisponibilité primée.
6. Pour ordonner la prise en charge la prise en charge des lésions déclarées le 5 mars 2012 au titre d'une rechute de l'accident du travail du 31 août 2000, la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions des articles L. 443-1 et L. 443-2 du code de la sécurité sociale.
7. En statuant ainsi, sur le fondement de textes inapplicables au litige, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE le désistement de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la prise en charge par la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales des nouvelles lésions présentées par M. K... le 5 mars 2012 au titre d'une rechute de son accident du travail du 31 août 2000.
AUX MOTIFS QUE « En vertu des articles L. 443-1 et -2 du code de la sécurité sociale, la rechute est constituée par l'aggravation de l'état de la victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle dont la première constatation médicale est postérieure à la consolidation des lésions, cette aggravation doit être la conséquence directe de l'accident du travail initial. En conséquence, si des lésions jusqu'alors restées muettes, asymptomatiques, révélées par l'accident peuvent constituer une rechute, c'est à la condition qu'elles soient en lien direct et certain avec l'accident et n'évoluent pas pour leur propre compte. L'article L. 141-2 précise que quand un avis technique a été pris, il s'impose à l'intéressé et à la caisse. Enfin, l'article R. 142-24-1 ajoute que quand le différend porte sur une décision prise après mise en oeuvre de la procédure d'expertise technique, le tribunal peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande. Toutefois, l'article 146 du code de procédure civile dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. En l'espèce, l'expert technique désigné en application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, le Dr J..., a clairement énoncé qu'il n'existait pas de lien de causalité direct entre l'accident du 31 août 2000 et les troubles invoqués le 5 mars 2012. Il s'en explique en indiquant qu'il existe une pathologie psychiatrique indépendante du stress post-traumatique consécutif à l'agression de 2000. L'expert judiciaire, le Dr A... concluait que l'analyse de l'état de santé de M. K..., de ses antécédents et des documents remis à l'expert, ainsi que l'examen de l'évolution de la situation médicale permettent de considérer que les lésions médicalement constatées le 5 mars 2012 ne sont pas à prendre en compte au titre de la rechute de l'accident du travail du 31 août 2000. Il expliquait, ayant pris connaissance notamment des certificats établis par le Dr T... (notamment certificat du 17 avril 2012), que celui-ci atteste que (..). Ce patient fait parfois des rechutes anxio-dépressives en rapport avec une fragilisation structurelle de sa personnalité, depuis ses trois agressions à son travail,... et (dans un autre certificat) au total, personnalité fragile, devenu sinistrosique post-traumatique. 3 accidents du travail. Fait des rechutes partiellement liées à ses AT, mais en rapport avec la personnalité fragile. Il considérait que la répétition des accidents du travail dans le contexte d'agression a contribué au développement d'une vulnérabilité psychique qui a généré des modifications de la personnalité entrant dans le cadre de remaniements de la personnalité. Dès lors, il établit bien un lien direct et certain entre la succession d'accidents du travail, dont le dernier du 31 août 2000, et les rechutes successives dont celle du 5 mars 2012. C'est donc à tort qu'il en déduit que la rechute anxio-dépressive n'est pas à prendre en compte au titre de l'accident. Il ajoute même que ces rechutes s'inscrivent dans les remaniements de sa personnalité du fait de l'impact du retentissement post-traumatique lié à la répétition des agressions cumulées. Le lien de causalité est ainsi confirmé. Cela est d'ailleurs à rapprocher des autres lésions présentées par M. K... qui prétend sans être démenti qu'elles ont bien été prises en charge à titre de rechute de l'accident du travail du 31 août 2000. Ainsi, par des termes clairs, précis, bien que contraires à sa conclusion, il caractérise une situation de rechute. Sans qu'une nouvelle expertise soit nécessaire, la prise en charge des nouvelles lésions présentées par M. K... le 5 mars 2012 sera ordonnée et le jugement entrepris infirmé. »
1) ALORS, D'UNE PART, QUE pour être prise en charge à titre de rechute, la lésion déclarée postérieurement à la guérison ou à la consolidation doit être la conséquence exclusive de l'accident du travail initial ; qu'il appartient donc au salarié qui entend voir prendre en charge des lésions à titre de rechute de rapporter la preuve d'un lien de causalité exclusif entre cette lésion et l'accident antérieur ; qu'au cas présent, en qualifiant la lésion déclarée par Monsieur K... le 5 mars 2012 de rechute « au motif que l'expert judiciairel établit bien un lien direct et certain entre la succession d'accidents du travail, dont le dernier du 31 août 2000, et les rechutes successives dont celle du 5 mars 2012 » (arrêt p. 4), sans constater l'existence d'un lien de causalité direct et exclusif entre l'accident initial et la lésion prise en charge, la cour d'appel a violé les articles L. 443-1 et L. 443-2 du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour être prise en charge à titre de rechute, la lésion déclarée postérieurement à la guérison ou à la consolidation doit être la conséquence exclusive de l'accident du travail initial ; que l'existence d'une pathologie évoluant pour son propre compte expliquant au moins partiellement les lésions doivent dès lors conduire les juges du fond à écarter la qualification de rechute ; qu'au cas présent, il résultait de l'ensemble des expertises médicales que Monsieur K... était sujet à une pathologie psychiatrique sans lien avec son accident initial qui expliquait, au moins partiellement, l'état anxio-dépressif dont il était sollicité la prise en charge à titre de rechute ; que la cour d'appel a expressément constaté que le docteur J... relevait l'existence d' « une pathologie psychiatrique indépendante du stress post-traumatique consécutif à l'agression de 2000 » (arrêt p. 3) ; qu'en retenant, l'existence d'une rechute sans rechercher si les lésions du salarié ne résultaient pas au moins pour partie d'une pathologie évoluant pour son propre compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 443-1 et L. 443-2 du code de la sécurité sociale. | Viole, par refus d'application, les articles 1er et 3 du décret n° 2004-174 du 23 février 2004 modifié, relatif au régime de sécurité sociale de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), 84 du règlement intérieur de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP, 91 et 92 du statut du personnel de la RATP, la cour d'appel qui, pour statuer sur la demande de prise en charge d'une rechute d'accident du travail formée par un agent du cadre permanent de la RATP, fait application des articles L. 443-1 et L. 443-2 du code de la sécurité sociale |
332 | CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 819 F-P+B+I
Pourvoi n° S 19-15.110
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
M. S... I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-15.110 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, dont le siège est 13 rue Ferrère, 33052 Bordeaux cedex, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. I..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 novembre 2018), du 12 juillet 2011 au 17 janvier 2012, M. I... (le cotisant), chef d'exploitation agricole, a fait l'objet d'un contrôle de ses revenus professionnels, au titre des années 2007 à 2010, par la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde (la caisse). Cette dernière lui ayant notifié un redressement suivi d'une mise en demeure, le 26 mars 2012, le cotisant a saisi la commission de recours amiable de l'organisme, laquelle a constaté la nullité du contrôle mais a confirmé l'appel à cotisations sur la base des revenus professionnels tels qu'ils avaient été communiqués à la caisse, le 21 mars 2012, par le centre des finances publiques. Contestant cette décision, le cotisant a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale devant laquelle il a également formé une opposition à la contrainte, signifiée le 12 décembre 2012.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces deux moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Le cotisant fait grief à l'arrêt de valider la mise en demeure ainsi que la contrainte et de le condamner au paiement des cotisations litigieuses, alors que « les actes annulés sont nuls et de nul effet ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté que la caisse de mutualité sociale agricole a opéré un contrôle des revenus professionnels de l'exposant pour les années 2007 à 2010 qui a été jugé nul et de nul effet par la cour d'appel ce dont il résultait que les actes subséquents à ce contrôle étaient nuls d'une part, et il résulte, d'autre part, des propres constatations de la cour d'appel que la lettre de mise en demeure adressée au cotisant le 26 mars 2012 se référait expressément audit contrôle ce dont il résultait que la lettre de mise en demeure était exclusivement fondée et subséquente audit contrôle de l'activité du cotisant ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la mise en demeure puis la contrainte décernées par la caisse, au motif inopérant que si la mise en demeure ne précise pas être fondée sur les revenus professionnels obtenus par le centre des finances publiques le 21 septembre 2011, cette mention n'est pas prévue à peine de nullité par l'article R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime, quand cet acte mentionnait expressément qu'il se fondait sur le contrôle annulé, de sorte que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations et a violé les articles L. 724-11 et D. 724-7 du même code, dans leur version applicable au litige et le principe que les actes annulés sont nuls et de nul effet. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 724-11 et D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :
4. Il résulte des dispositions du second de ces textes que tout contrôle effectué en application du premier est précédé de l'envoi par la caisse de mutualité sociale agricole d'un avis adressé, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa réception, à l'employeur, au chef d'exploitation ou au titulaire d'allocation de vieillesse agricole ou de pension de retraite intéressé. Le non-respect de cette formalité substantielle, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure de contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, entraîne la nullité du contrôle et de la procédure subséquente.
5. Pour valider la mise en demeure et la contrainte, après avoir relevé qu'il est constant que la caisse n'a pas fait précéder le contrôle effectué entre le 12 juillet 2011 et le 17 janvier 2012 de l'envoi d'un avis adressé au cotisant, en violation des dispositions de l'article R. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, en sorte que ce contrôle portant sur les activités et revenus professionnels des non salariés agricoles est nul et de nul effet ainsi que la lettre d'observations qui en a résulté, l'arrêt constate que la mise en demeure du 26 mars 2012 adressée au cotisant a été établie sur la base de ce contrôle et ne précise pas être fondée sur les revenus professionnels obtenus par le centre des finances publiques. Il retient qu'il est constant que les revenus professionnels du cotisant ont été obtenus auprès de l'administration fiscale et qu'il résulte de l'article R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime que l'indication de l'acte d'enquête à partir duquel la caisse a établi la nature et le montant des cotisations impayées ainsi que des périodes pour lesquelles elles sont dues, objet de la mise en demeure, n'est pas prévu à peine de nullité, de sorte que la mise en demeure de payer est régulière.
6. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que le contrôle effectué sur place était irrégulier en l'absence de l'envoi d'un avis préalable, ce dont il résultait que la mise en demeure notifiée et la contrainte décernée sur le fondement des opérations de contrôle, étaient elles-mêmes entachées de nullité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel et dit que l'instance n'est pas périmée, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule la contrainte du 20 novembre 2012, signifiée le 12 décembre 2012 à M. I... pour un montant de 84 122,34 euros au titre des cotisations et majorations de retard des années 2008 à 2011 ;
Condamne la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde aux dépens exposés tant à hauteur de cassation que devant la cour d'appel de Bordeaux ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde et la condamne à payer à M. I... la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président et M. Prétot, conseiller doyen, en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. I....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que l'instance n'est pas périmée, D'AVOIR infirmé le jugement déféré et D'AVOIR, par conséquent, validé la lettre de mise en demeure du 26 mars 2012 et la contrainte signifiée le 20 novembre 2012 et condamné M. I... au paiement de la somme de 84.122,34 euros, outre les frais de signification pour 71,65 euros ;
AUX MOTIFS QUE « M. I... soutient que l'instance en appel est périmée par application des dispositions des articles 386 à 393 du code de procédure civile puisque la première diligence de la caisse à son encontre résulte de l'assignation qui lui a été délivrée le 26 juin 2018 et que ni la radiation, ni la remise au rôle ne sont des événements susceptibles d'interrompre le délai de péremption. Pour s'opposer à ce moyen, la caisse fait valoir qu'elle avait conclu dès le 17 janvier 2017, et que ce sont ces mêmes conclusions qui ont été jointes à la citation du 26 juin 2018. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans. Une radiation n'a pour effet que de suspendre l'instance, sans priver les parties de la faculté d'accomplir des diligences interruptives de la péremption. Le délai de péremption n'est ni suspendu ni interrompu par la radiation de l'affaire du rôle. En l'espèce, la caisse avait interjeté appel le 1er juillet 2015 et lors de l'audience du 22 septembre 2016, n'avait pas conclu, en sorte que l'affaire avait été radiée par arrêt du 29 septembre 2016, conditionnant sa remise au rôle au dépôt des conclusions au fond de l'appelant. La caisse a déposé ses conclusions au fond au greffe de la cour le 23 janvier 2017, caractérisant une diligence qui a interrompu le délai de péremption et a en fait courir un nouveau, en sorte que la péremption n'est pas acquise. Le moyen tiré de la péremption d'instance sera également rejeté » ;
ALORS QUE pour être interruptif de péremption, un acte doit émaner d'une partie et permettre à l'instance d'avancer contradictoirement, selon les règles du procès équitable ; que le dépôt de conclusions par une partie ne constitue un acte interruptif de péremption qu'à condition de leur communication contradictoire aux autres parties au procès ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui constate elle-même que la caisse avait interjeté appel le 1er juillet 2015, que faute de diligence l'affaire avait été radiée par arrêt du 29 septembre 2016 et que ce n'est que le 26 juin 2018 que la caisse a notifié à M. I... ses conclusions avec citation à comparaître devant la cour d'appel elle ne pouvait, en cet état, dire que le délai de péremption avait été interrompu par le seul dépôt au greffe des conclusions au fond le 23 janvier 2017 car à cette date-là l'appelante n'avait pas mis l'exposant en mesure d'agir et ce n'est qu'à compter de cette communication et citation du 28 juin 2018 que l'appelante lui a permis de continuer effectivement l'instance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 386 et 390 du code de procédure civile et l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement déféré et D'AVOIR, par conséquent, validé la lettre de mise en demeure du 26 mars 2012 et la contrainte signifiée le 20 novembre 2012 et condamné M. I... au paiement de la somme de 84.122,34 euros, outre les frais de signification pour 71,65 euros ;
AUX MOTIFS QUE « Au soutien de son appel, la caisse fait valoir que la mise en demeure de payer les cotisations se fonde sur les revenus professionnels de M. I... obtenus par le Centre des Finances Publiques le 21 septembre 2011 et non sur le redressement annulé puisque M. I... avait omis de procéder à la déclaration de revenus auprès de la caisse en application de l'article D. 731-17 du code rural et de la pêche maritime pour les années 2007 à 2010. Elle conteste la prescription des cotisations car il s'agit d'une omission intentionnelle et frauduleuse. M. I... soutient au contraire que la nullité du contrôle à raison de l'absence de l'avis obligatoire, préalable au contrôle, rend ce contrôle nul ainsi que le redressement et la contrainte subséquente. Il soulève la prescription de la créance de 3 ans en ce qui concerne les cotisations et de 5 ans. Il est constant que la Mutualité sociale agricole n'a pas fait précéder le contrôle effectué entre le 12 juillet 2011 (début) et le 17 janvier 2012 (fin de contrôle) de l'envoi par ses soins d'un avis adressé à M. I... par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa réception, en violation des dispositions de l'article R. 724-7 du Code rural et de la pêche maritime, en sorte que ce contrôle portant sur les activités et revenus professionnels des NSA au réel pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, est nul et de nul effet, ainsi que la lettre d'observations qui en a résulté. La mise en demeure du 26 mars 2012 adressée à M. I... au titre des cotisations des années 2008, 2009, 2010 et 2011 et qui mentionne "en date du 17/01/2012 nous vous avons transmis, conformément aux dispositions de l'article D. 724-9 du Code rural et de la pêche maritime un document de fin de contrôle en recommandé avec demande d'accusé de réception, faisant état des résultats du contrôle de la législation sociale agricole effectué au siège de votre entreprise en date du 12/07/2011. Nous vous invitons à vous acquitter des cotisations, majorations et pénalités mentionnées ci-dessous..." a été établie sur la base de ce contrôle. Elle ne précise pas être fondée sur les revenus professionnels obtenus par le Centre des Finances Publiques. Pour autant, il est constant que les revenus professionnels de M. I... ont été obtenus auprès de l'administration fiscale. Il résulte de l'article R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime, que l'indication de l'acte d'enquête à partir duquel la caisse a établi la nature et le montant des cotisations impayées et des périodes pour lesquelles elles sont dues, objet de la mise en demeure, n'est pas prévu à peine de nullité. Il s'ensuit que la mise en demeure de payer les cotisations est régulière. Le montant des revenus professionnels tel qu'il ressort des relevés de situation émis le 13 janvier 2012 pour chacune des années 2008 à 2011 n'est pas contesté. Les sommes réclamées au sein de la mise en demeure du 26 mars 2012 correspondent aux cotisations calculées sur la base des revenus professionnels qui y sont indiqués, en application des dispositions légales et réglementaires applicables. Selon les dispositions de l'article L. 725-7-1 du Code rural et de la pêche maritime, sauf cas de fraude ou de fausse déclaration, les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole mentionnées au présent livre, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent par trois ans à compter de l'expiration de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Les actions résultant de l'application de l'article L. 725-3 se prescrivent par cinq ans à compter de la mise en demeure. En cas de fraude ou de fausse déclaration l'action en recouvrement est soumise à la prescription quinquennale issue des dispositions de l'article 2224 du code civil dans sa version applicable au litige. Il résulte des articles D. 731-17 et D. 731-20 du Code rural et de la pêche maritime que les chefs d'exploitation sont tenus de déclarer annuellement leurs revenus professionnels. Si la simple omission du cotisant ne peut être assimilée à une fausse déclaration ou à une fraude, la persistance de ce dernier pendant 4 ans à procéder aux déclarations aux organismes de sécurité sociale caractérise l'intention frauduleuse en sorte que les cotisations appelées ne sont pas prescrites. En conséquence, la mise en demeure du 26 mars 2012 sera validée ainsi que la contrainte du 20 novembre 2012 pour un montant de 84.122,34 euros dont 61.238 euros en cotisations et 22.884,34 euros au titre des majorations de retard. M. I... sera donc condamné à verser à la Mutualité sociale agricole de la Gironde la somme de 84.122,34 euros outre les frais de signification pour 71,65 euros. La décision de la commission de recours amiable sera confirmée et le jugement entrepris infirmé » ;
1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'instance n'est pas périmée, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris et statué au fond dans une instance périmée ;
2. ALORS QUE les actes annulés sont nuls et de nul effet ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté que la caisse de mutualité sociale agricole a opéré un contrôle des revenus professionnels de l'exposant pour les années 2007 à 2010 qui a été jugé nul et de nul effet par la cour d'appel ce dont il résultait que les actes subséquents à ce contrôle étaient nuls d'une part, et il résulte, d'autre part, des propres constatations de la cour d'appel que la lettre de mise en demeure adressée au cotisant le 26 mars 2012 se référait expressément audit contrôle ce dont il résultait que la lettre de mise en demeure était exclusivement fondée et subséquente audit contrôle de l'activité du cotisant ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la mise en demeure puis la contrainte décernées par la caisse, au motif inopérant que si la mise en demeure ne précise pas être fondée sur les revenus professionnels obtenus par le centre des finances publiques le 21 septembre 2011, cette mention n'est pas prévue à peine de nullité par l'article R 725-6 du code rural et de la pêche maritime, quand cet acte mentionnait expressément qu'il se fondait sur le contrôle annulé, de sorte que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations et a violé les articles L. 724-11 et D. 724-7 dudit code, dans leur version applicable au litige et le principe que les actes annulés sont nuls et de nul effet ;
3. ALORS AUSSI QUE les actes annulés et ceux qui leur sont subséquents sont nuls et de nul effet ; qu'en l'espèce il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la mutualité sociale agricole a opéré un contrôle entre le 12 juillet 2011 et le 17 janvier 2012 de la situation de M. I..., lequel a été annulé, d'une part et que les relevés de situation transmis par l'administration fiscale à la MSA ont eu lieu le 13 janvier 2012, d'autre part, ce dont il résultait que cette transmission devait être annulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations et a violé les articles L. 724-11 et D. 724-7 dudit code, dans leur version applicable au litige et le principe que les actes annulés sont nuls et de nul effet ;
4. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la lettre de mise en demeure adressée au cotisant le 26 mars 2012 mentionne « en date du 17/01/2012 nous vous avons transmis, conformément aux dispositions de l'article D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime un document de fin de contrôle en recommandée avec demande d'accusé de réception, faisant état des résultats du contrôle de la législation sociale agricole effectué au siège de votre entreprise en date du 12 juillet 2011. Nous vous invitons à vous acquitter des cotisations, majorations et pénalités mentionnées ci-dessus
», ce dont il résultait que la lettre de mise en demeure était uniquement subséquente au contrôle de l'activité du cotisant ; qu'en affirmant néanmoins « que les sommes réclamées au sein de la mise en demeure du 26 mars 2012 correspondent aux cotisations calculées sur la base des revenus professionnels qui sont indiqués », quand elle n'indique aucun revenu professionnel, la cour d'appel a dénaturé le contenu de cette lettre en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (à titre subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement déféré, D'AVOIR dit que les cotisations sociales dues pour les années 2008 à 2011 ne sont pas prescrites et D'AVOIR, par conséquent, validé la lettre de mise en demeure du 26 mars 2012 et la contrainte signifiée le 20 novembre 2012 et condamné M. I... au paiement de la somme de 84.122,34 euros, outre les frais de signification pour 71,65 euros ;
AUX MOTIFS QUE « Au soutien de son appel, la caisse fait valoir que la mise en demeure de payer les cotisations se fonde sur les revenus professionnels de M. I... obtenus par le Centre des Finances Publiques le 21 septembre 2011 et non sur le redressement annulé puisque M. I... avait omis de procéder à la déclaration de revenus auprès de la caisse en application de l'article D. 731-17 du code rural et de la pêche maritime pour les années 2007 à 2010. Elle conteste la prescription des cotisations car il s'agit d'une omission intentionnelle et frauduleuse. M. I... soutient au contraire que la nullité du contrôle à raison de l'absence de l'avis obligatoire, préalable au contrôle, rend ce contrôle nul ainsi que le redressement et la contrainte subséquente. Il soulève la prescription de la créance de 3 ans en ce qui concerne les cotisations et de 5 ans. Il est constant que la Mutualité sociale agricole n'a pas fait précéder le contrôle effectué entre le 12 juillet 2011 (début) et le 17 janvier 2012 (fin de contrôle) de l'envoi par ses soins d'un avis adressé à M. I... par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa réception, en violation des dispositions de l'article R. 724-7 du Code rural et de la pêche maritime, en sorte que ce contrôle portant sur les activités et revenus professionnels des NSA au réel pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, est nul et de nul effet, ainsi que la lettre d'observations qui en a résulté. La mise en demeure du 26 mars 2012 adressée à M. I... au titre des cotisations des années 2008, 2009, 2010 et 2011 et qui mentionne "en date du 17/01/2012 nous vous avons transmis, conformément aux dispositions de l'article D. 724-9 du Code rural et de la pêche maritime un document de fin de contrôle en recommandé avec demande d'accusé de réception, faisant état des résultats du contrôle de la législation sociale agricole effectué au siège de votre entreprise en date du 12/07/2011. Nous vous invitons à vous acquitter des cotisations, majorations et pénalités mentionnées ci-dessous..." a été établie sur la base de ce contrôle. Elle ne précise pas être fondée sur les revenus professionnels obtenus par le Centre des Finances Publiques. Pour autant, il est constant que les revenus professionnels de M. I... ont été obtenus auprès de l'administration fiscale. Il résulte de l'article R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime, que l'indication de l'acte d'enquête à partir duquel la caisse a établi la nature et le montant des cotisations impayées et des périodes pour lesquelles elles sont dues, objet de la mise en demeure, n'est pas prévu à peine de nullité. Il s'ensuit que la mise en demeure de payer les cotisations est régulière. Le montant des revenus professionnels tel qu'il ressort des relevés de situation émis le 13 janvier 2012 pour chacune des années 2008 à 2011 n'est pas contesté. Les sommes réclamées au sein de la mise en demeure du 26 mars 2012 correspondent aux cotisations calculées sur la base des revenus professionnels qui y sont indiqués, en application des dispositions légales et réglementaires applicables. Selon les dispositions de l'article L. 725-7-1 du Code rural et de la pêche maritime, sauf cas de fraude ou de fausse déclaration, les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole mentionnées au présent livre, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent par trois ans à compter de l'expiration de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Les actions résultant de l'application de l'article L. 725-3 se prescrivent par cinq ans à compter de la mise en demeure. En cas de fraude ou de fausse déclaration l'action en recouvrement est soumise à la prescription quinquennale issue des dispositions de l'article 2224 du code civil dans sa version applicable au litige. Il résulte des articles D. 731-17 et D. 731-20 du Code rural et de la pêche maritime que les chefs d'exploitation sont tenus de déclarer annuellement leurs revenus professionnels. Si la simple omission du cotisant ne peut être assimilée à une fausse déclaration ou à une fraude, la persistance de ce dernier pendant 4 ans à procéder aux déclarations aux organismes de sécurité sociale caractérise l'intention frauduleuse en sorte que les cotisations appelées ne sont pas prescrites. En conséquence, la mise en demeure du 26 mars 2012 sera validée ainsi que la contrainte du 20 novembre 2012 pour un montant de 84.122,34 euros dont 61.238 euros en cotisations et 22.884,34 euros au titre des majorations de retard. M. I... sera donc condamné à verser à la Mutualité sociale agricole de la Gironde la somme de 84.122,34 euros outre les frais de signification pour 71,65 euros. La décision de la commission de recours amiable sera confirmée et le jugement entrepris infirmé » ;
ALORS QUE la fraude nécessite un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'exécution des lois ; que la seule absence de déclaration de revenus pendant quatre années ne constitue ni une fausse déclaration ni un acte frauduleux ; qu'en jugeant le contraire, au seul prétexte de la persistance du cotisant à ne pas déclarer ses revenus pendant quatre années, la cour d'appel a violé l'article L. 725-7-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige. | Il résulte des dispositions de l'article D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime que tout contrôle effectué en application de l'article L. 724-11 du même code est précédé de l'envoi par la caisse de mutualité sociale agricole d'un avis adressé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa réception, à l'employeur, au chef d'exploitation ou au titulaire d'allocation de vieillesse agricole ou de pension de retraite intéressé. Le non respect de cette formalité substantielle, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure de contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, entraîne la nullité du contrôle et de la procédure subséquente |
333 | CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 885 FS-P+B+I
Pourvoi n° 19-14.395
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or (FDC), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° 19-14.395 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à l'EARL de Cheneroilles, entreprise unipersonnelle agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Earl de Cheneroilles, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, conseillers, Mmes Touati, Guého, M. Talabardon, Mme Bohnert, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 janvier 2019) et les productions, le Gaec de Cheneroilles devenu l'Earl de Cheneroilles (l'Earl) a, le 18 décembre 2015 puis les 18 et 20 mars 2016, adressé à la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or (la fédération) des déclarations aux fins d'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier à ses récoltes, en application des dispositions de l'article R. 426-12 du code de l'environnement.
2. Après avoir obtenu la désignation d'un expert par un tribunal d'instance, l'Earl a sollicité la condamnation de la fédération à lui payer une certaine somme en réparation de sa perte de récoltes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'Earl la somme de 9 591,92 euros alors :
« 1°/ que le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande d'indemnisation de dégâts de gibiers par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, tant que la procédure non contentieuse d'indemnisation organisée par les articles R. 426-12 et suivants du code de l'environnement, mise en oeuvre par le plaignant, n'a pas donné lieu à une décision de la Commission nationale d'indemnisation laquelle peut le cas échéant être déférée au juge judiciaire ; qu'en décidant qu'une procédure administrative d'indemnisation non contentieuse des dégâts de gibiers préalablement engagée n'interdirait pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, la cour d'appel a violé les articles L. 426-1, L. 426-4, L. 426-5, L. 426-7 et R. 426-17 du code de l'environnement ;
2°/ que la mise en oeuvre de la procédure prévue par les articles R. 426-13 et suivants du code de l'environnement ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en réparation des dégâts litigieux, lorsque cette action est fondée sur la responsabilité pour faute ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans caractériser une faute commise par la fédération départementale des chasseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 426-4 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour :
4. Aux termes de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 du même code sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.
5. Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 426-5 et R. 426-12 à R. 426-19 du même code, relatives à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, que l'exploitant agricole qui a préalablement formé la demande d'indemnisation prévue par l'article R. 426-12 du code de l'environnement peut, en cas de litige, saisir, à tout moment, le juge judiciaire d'une action aux fins d'indemnisation forfaitaire de ces dégâts par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs.
6. L'arrêt constate que l'Earl a adressé à la fédération des déclarations aux fins d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier puis qu'elle a saisi, sur le fondement de l'article R. 426-24 du code de l'environnement, un tribunal d'instance aux fins d'expertise préalable à son indemnisation.
7. La décision relève ensuite que la poursuite d'une procédure administrative d'indemnisation des dégâts de gibier préalablement engagée n'interdit pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts et que, tout comme l'engagement de la procédure administrative, la saisine de la juridiction judiciaire est enfermée dans un délai de prescription de six mois courant à compter de la commission des dégâts.
8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'était recevable l'action judiciaire en indemnisation formée par l'exploitant agricole, en application de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, dans le délai imparti par l'article L. 426-7 du même code, nonobstant le fait que la procédure non contentieuse était en cours.
9. Et, après avoir rappelé que l'indemnisation doit être fixée conformément au régime de la procédure administrative lorsque la demande est formée devant le juge judiciaire sur le fondement des articles L. 426-1 à L. 426-6 du code de l'environnement, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en responsabilité fondée sur la faute de la fédération, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
10. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or et la condamne à payer à l'Earl de Cheneroilles la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Départementale des Chasseurs de la Côte d'Or à payer au GAEC de Cheneroilles la somme de 9.591,92 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité, la Fédération Départementale des Chasseurs fait valoir que, dès lors que le GAEC de Cheneroilles s'était, par les déclarations de dégâts qu'elle lui avait adressées, engagé dans la voie de la procédure d'indemnisation non contentieuse des dégâts de grand gibier, il lui fallait poursuivre cette procédure jusqu'à son terme, mais ne pouvait saisir le tribunal d'instance d'une procédure d'indemnisation judiciaire. Toutefois, la poursuite d'une procédure administrative d'indemnisation des dégâts de gibier préalablement engagée n'interdit pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts. Cela est d'autant moins contestable que, comme l'a pertinemment souligné le premier juge, tout comme l'engagement de la procédure administrative, la saisine de la juridiction judiciaire est enfermée dans un délai de prescription de 6 mois courant à compter de la commission des dégâts. La fin de non-recevoir soulevée par l'appelante sera donc rejetée.
Sur le fond, l'appelante s'oppose à la demande en soutenant que, dès lors que le GAEC de Cheneroilles avait choisi la voie judiciaire pour obtenir la réparation du préjudice subi, il lui appartenait de démontrer la commission d'une faute par la fédération départementale des chasseurs, ce qu'elle ne faisait d'aucune manière.
Toutefois, lorsque la demande est formée judiciairement à l'encontre de la fédération départementale des chasseurs, l'indemnisation est fixée conformément aux dispositions des articles L 426-1 à L 426-6 du code de l'environnement régissant la procédure d'indemnisation non contentieuse, sans qu'il y ait lieu de rechercher les éléments permettant de caractériser l'existence d'une faute. C'est ce que rappelle l'article R 426-24 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1221 du 23 décembre 2013, qui fixe la mission de l'expert désigné par le tribunal en distinguant expressément son contenu selon que la demande est ou non dirigée contre la fédération des chasseurs. Ce texte dispose en effet qu'il appartient à l'expert « de définir le montant du dommage en faisant application des dispositions des articles L 426-1 à L 426-6, dans le cas où l'action est dirigée contre la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs », et « de constater l'état des récoltes, l'importance des dommages causés aux récoltes par le gibier, d'indiquer d'où provient ce gibier, de préciser la cause de ces dommages, de rechercher si le gibier est en nombre excessif et pour quelle raison, sans les autres cas. » C'est ainsi à bon droit que le tribunal a accordé au GAEC de Cheneroilles une indemnisation en appliquant les principes posés aux articles L 426-1 à L 426-6, indépendamment de la caractérisation de la commission par la fédération départementale des chasseurs d'une quelconque faute.
1°- ALORS QUE le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande d'indemnisation de dégâts de gibiers par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L 426-1 du code de l'Environnement, tant que la procédure non contentieuse d'indemnisation organisée par les articles R 426-12 et suivants du code de l'environnement, mise en oeuvre par le plaignant, n'a pas donné lieu à une décision de la Commission nationale d'indemnisation laquelle peut le cas échéant être déférée au juge judiciaire ; qu'en décidant qu'une procédure administrative d'indemnisation non contentieuse des dégâts de gibiers préalablement engagée n'interdirait pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L 426-1 du code de l'environnement, la Cour d'appel a violé les articles L 426-1, L 426-4, L 426-5, L 426-7, R 426-17 du code de l'environnement ;
2°- ALORS QUE la mise en oeuvre de la procédure prévue par les articles R. 426-13 et suivants du code de l'environnement ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en réparation des dégâts litigieux, lorsque cette action est fondée sur la responsabilité pour faute ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans caractériser une faute commise par la Fédération Départementale des Chasseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 426-4 du code de l'environnement. | Aux termes de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 du même code sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.
Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 426-5 et R. 426-12 à R. 426-19 du même code, relatives à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, que l'exploitant agricole qui a préalablement formé la demande d'indemnisation prévue par l'article R. 426-12 du code de l'environnement peut, en cas de litige, saisir à tout moment le juge judiciaire d'une action aux fins d'indemnisation forfaitaire de ces dégâts par une fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs.
En conséquence, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, ayant constaté qu'un exploitant agricole avait adressé à la fédération départementale des chasseurs ses déclarations de dégâts avant de saisir un tribunal d'instance d'une demande d'expertise, en déduit qu'est recevable l'action judiciaire formée par cet exploitant, en application de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, dans le délai imparti par l'article L. 426-7 du même code, nonobstant le fait que la procédure non contentieuse était en cours, et rappelle que l'indemnisation doit alors être fixée par le juge judiciaire conformément au régime de la procédure administrative |
334 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 886 FS-P+B+R+I
Pourvois n°
18-12.593
18-13.726 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
I - La société Hedios patrimoine, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° 18-12.593 contre un arrêt rendu le 9 janvier 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,
toutes deux ayant leur siège [...] ,
3°/ à M. S... L..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
II - 1°/ la société MMA IARD, société anonyme,
2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,
ont formé le pourvoi n° 18-13.726 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à la société Hedios patrimoine, société anonyme,
2°/ à M. S... L...,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° 18-12.593 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demanderesses au pourvoi n° 18-13.726 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Hedios patrimone, la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. L..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, Mme Bouvier, conseiller, Mme Touati, M. Talabardon, Mmes Guého, Bohnert, M. Ittah, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, Mme Touati, conseiller référendaire étant appelée à compléter la chambre conformément à l'article L. 431-3 du code de l'organisation judiciaire, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Joint les pourvois n° 18-12.593 et n° 18-13.726, qui attaquent le même arrêt ;
Reçoit l'[...] en son intervention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 janvier 2018), qu'après avoir confié à la société Hedios patrimoine un mandat de recherche d'offres d'investissements de défiscalisation, M. L... a, en 2008 et 2009, investi diverses sommes dans des opérations dites de « [...] » dans le secteur photovoltaïque, conçues par la société Dom Tom Défiscalisation (la société DTD) ; qu'en 2010, il a également investi une certaine somme dans un produit de défiscalisation identique dénommé « Hedios Sun », conçu et proposé par la société Hedios patrimoine ; qu'ayant fait l'objet d'une rectification de sa situation fiscale pour ces différentes souscriptions, M. L... a assigné la société Hedios patrimoine en responsabilité ; que l'assureur de celle-ci, la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi n° 18-12.593, pris en ses première, deuxième et troisième branches, sur le deuxième moyen de ce pourvoi, et sur le premier moyen du pourvoi n° 18-13.726, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 18-12.593, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches :
Délibéré par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 12 juin 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Remery, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;
Attendu que la société Hedios patrimoine fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. L... la somme de 21 632 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait des investissements DTD effectués en 2008 et 2009 alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation d'information qui pèse sur l'intermédiaire doit être appréciée au regard des capacités et de l'expérience de ses clients ; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir visé le mandat de novembre 2008 dont il ressort que M. L... a déclaré « avoir les revenus suffisants et une situation patrimoniale et fiscale propice à l'étude et à la compréhension de ce type d'opération purement fiscale », ce dont il résulte que la société Hedios patrimoine pouvait considérer qu'il s'agissait d'un client averti, apte à comprendre et assumer le choix de ce type de produits particuliers et avait ainsi mis en place, au stade de la transmission du mandat, un système permettant de s'assurer au préalable que le client connaissait ce type d'investissement consistant dans une opération de défiscalisation et les risques qui y étaient associés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
2°/ que l'obligation d'information qui pèse sur l'intermédiaire doit être appréciée au regard des capacités et de l'expérience de ses clients ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que M. L... avait déclaré, lorsqu'il a donné mandats au mois d'avril et août 2009, « connaître les caractéristiques de ce type d'investissement particulier et les risques qui y sont associés », ce dont il résulte que la société Hedios patrimoine pouvait considérer qu'il s'agissait d'un client averti apte à comprendre et assumer le choix de ce type de produits particuliers et avait ainsi mis en place, au stade de la transmission du mandat, un système permettant de s'assurer au préalable que le client connaissait ce type d'investissement consistant dans une opération de défiscalisation et les risques qui y étaient associés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
3°/ qu'en considérant que la documentation adressée à M. L... était insuffisante et ne mettait pas l'accent sur le risque fiscal associé au produit DTD, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, les éléments d'information sur les risques figurant dans le document de synthèse [...] , repris en substance par la brochure DTD, et qui exposaient clairement le risque principal en matière de produits [...] lié au défaut d'exploitation des investissements et pouvant résulter d'une impossibilité de trouver un locataire exploitant ou d'une défaillance de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
4°/ qu'en faisant grief à la société Hedios patrimoine de n'avoir pas eu un regard critique sur les éléments communiqués par la société DTD censés établir le sérieux de l'investissement, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris dans quatre arrêts du 10 juin 2016 opposant la société Hedios patrimoine à des investisseurs en produits [...] proposés par la société DTD, que la société Hedios patrimoine, intervenue en qualité d'intermédiaire distributeur, n'était pas tenue de garantir la bonne exécution de l'opération mise en place par la société DTD, ni surtout d'anticiper d'éventuels risques de fraude dans le cadre de l'opération mise en place par cette société, dont le caractère sophistiqué a été constaté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
5°/ qu'en reprochant à la société Hedios patrimoine d'avoir ignoré les informations communiquées par la chambre des indépendants du patrimoine (CIP) sur les risques liés aux produits de défiscalisation [...] , notamment concernant leur éligibilité aux réductions d'impôt accordées par l'administration fiscale, et les précautions supplémentaires à prendre concernant les conditions de raccordement des matériels, évoquées dans un courriel du 9 avril 2009, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris dans quatre arrêts du 10 juin 2016 opposant la société Hedios patrimoine à des investisseurs en produits [...] proposés par la société DTD, d'une part, la circonstance que ces informations générales ne concernaient pas la société DTD et, d'autre part, le courrier de M. Y... produit par la société DTD, de nature à rassurer la société Hedios patrimoine sur le sérieux de l'opération, laquelle en tant qu'intermédiaire n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de la société DTD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
Mais attendu qu'après avoir analysé les termes des mandats et questionnaires que la société Hedios patrimoine avait soumis à la signature de M. L..., l'arrêt retient souverainement que cette société a pris, à l'égard de son client, l'engagement de l'informer des caractéristiques et risques des produits proposés et de vérifier leur adéquation à sa situation financière, son expérience et ses objectifs ; qu'il retient également que cette société ne peut se retrancher, pour prétendre avoir exécuté ses obligations, derrière la reconnaissance, figurant dans ces mandats, que le signataire a « des revenus suffisants et une situation patrimoniale et fiscale propice à l'étude et à la compréhension de ce type d'opération purement fiscal », cette formule mettant en avant, non pas la compréhension par le client de mécanismes juridiques complexes, mais sa capacité à en supporter la charge financière ; qu'il retient ensuite qu'il en est de même de la mention, figurant uniquement sur les mandats des 16 avril et 19 août 2009, selon laquelle le mandant déclare « connaître les caractéristiques de ce type d'investissement et les risques qui y sont associés », les caractéristiques et risques en question ne pouvant être que celles et ceux évoqués au questionnaire « Vous connaître », indiquant notamment que l'objectif recherché est une défiscalisation « en contrepartie d'un risque de perte en capital et d'une durée minimum de blocage » ; que l'arrêt relève encore que la documentation adressée à M. L... ne mettait nullement l'accent sur un risque fiscal associé au produit DTD, qui était, au contraire, minimisé ; qu'il retient en outre que la société Hedios patrimoine a manqué de regard critique sur les éléments communiqués par la société DTD, censés établir le sérieux de l'investissement, bien qu'elle dût, en sa qualité de professionnelle, les examiner avec circonspection, qu'il s'agisse de la garantie du risque fiscal donnée par le bureau luxembourgeois de représentation d'une entité Lynx Industries, dépourvue de la personnalité morale, et de la note de couverture juridique établie par un avocat fiscaliste établi à la Guadeloupe, qui se limite à constater l'éligibilité du produit au dispositif fiscal et minimise le risque en ne prenant en considération que les éléments remis par sa cliente ; qu'il relève enfin qu'à la date à laquelle elle a proposé à M. L... les produits DTD, la société Hedios patrimoine disposait d'informations concordantes tant sur la contestation par l'administration fiscale des opérations en « [...] » que sur le produit DTD, informations qui remettaient en cause son éligibilité aux réductions d'impôts ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que la société Hedios patrimoine, qui a proposé à la signature de M. L..., sans contact ni information préalables, un mandat de recherche en produits de défiscalisation en « [...] » sans se préoccuper de son caractère d'investisseur novice et de l'adéquation de ces produits à ses attentes et qui lui a ensuite soumis un dossier de souscription à un produit DTD sans l'informer complètement du risque fiscal et de son ampleur, tel qu'elle pouvait l'appréhender à la date des souscriptions, a commis des fautes qui engagent sa responsabilité au titre des opérations de défiscalisation proposées en 2008 et 2009 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur premier moyen du pourvoi n° 18-12.593, pris en sa neuvième branche, et sur le premier moyen du pourvoi n° 18-3.726, rédigés en termes similaires, réunis :
Délibéré par la chambre commerciale, financière et économique dans les mêmes conditions ;
Attendu que la société Hedios patrimoine et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font le même grief à l'arrêt, les deux dernières lui reprochant également de les condamner à garantir la première de la condamnation prononcée contre elle au titre des investissements réalisés par M. L... en 2008 et 2009, sous déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros, alors, selon le moyen, qu'en décidant qu'à raison des fautes de la société Hedios patrimoine, M. L... avait perdu une chance de pouvoir « renoncer à son projet » ou « de ne pas contracter » évaluées à 80 %, après avoir pourtant constaté que pour l'investissement dans le produit Hedios Sun souscrit en 2010, il avait été « parfaitement informé sur les risques encourus », ce dont il résultait que, même informé complètement du risque fiscal et de son ampleur, M. L... aurait souscrit aux opérations de défiscalisation en 2008 et 2009, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
Mais attendu que le préjudice né du manquement d'un opérateur en services d'investissement à l'obligation d'information dont il est débiteur à l'égard de son client s'analyse, pour celui-ci, en la perte de la chance d'échapper, par une décision plus judicieuse, au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'il s'ensuit que ce préjudice n'est pas réparable lorsqu'il est certain que, mieux informée, la victime aurait tout de même réalisé l'investissement qui s'est révélé défavorable ; que ne pouvant déduire de la seule circonstance que M. L... a investi une certaine somme dans le produit Hedios Sun en 2010 après avoir déclaré être informé des risques fiscaux pesant sur l'opération qu'il en aurait fait de même en 2008 et 2009 s'il avait alors été pleinement informé des risques fiscaux pesant sur ces opérations, s'agissant d'investissements effectués à des dates différentes et ayant porté sur des produits différents, proposés dans un cas par la société DTD, dans l'autre par la société Hedios patrimoine, c'est souverainement que la cour d'appel a estimé que, pour les investissements réalisés en 2008 et 2009 sur des produits proposés par la société DTD, M. L..., qui n'avait pas été loyalement informé du risque pris, a perdu une chance de ne pas souscrire, qu'elle a fixée à 80 % ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi n° 18-3.726 :
Attendu que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font grief à l'arrêt de les condamner à garantir la société Hedios patrimoine de la condamnation prononcée à son encontre au titre des investissements réalisés par M. L... en 2008 et 2009 sous déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros, alors, selon le moyen, que résultent d'une même cause technique et doivent dès lors être considérés comme un fait dommageable unique, les faits dommageables qui procèdent d'un même vice de conception ou d'une même erreur d'analyse ; qu'en considérant que les manquements à ses obligations imputés à la société Hedios patrimoine seraient spécifiques à la présente affaire l'opposant à M. L... et n'auraient pas une même cause que ceux qui lui étaient reprochés à l'appui de réclamations formées par d'autres souscripteurs, sans rechercher si ces différents manquements de la société Hedios patrimoine à l'obligation d'informer ses clients d'un risque fiscal tenant à l'absence de raccordement des panneaux photovoltaïques acquis avant le 31 décembre de l'année de réalisation de l'investissement ne procédaient pas d'un même vice de conception de la présentation des produits de défiscalisation et d'une même erreur d'analyse quant à l'étendue des risques fiscaux attachés à ces produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.124-1-1 du code des assurances ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 124-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique ;
Qu'ayant relevé qu'en l'espèce la responsabilité de l'assurée était recherchée au titre de ses manquements dans l'exécution d'obligations dont elle était spécifiquement débitrice à l'égard de M. L..., c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté la globalisation des sinistres sollicitée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE RECEVABLE l'intervention volontaire de l'[...] ;
REJETTE les pourvois.
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° 18-12.593 par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Hedios patrimoine,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Hedios Patrimoine à payer à M. L... la somme de 21.632 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des investissements DTD effectués en 2008 et 2009 ;
AUX MOTIFS QU' à titre principal, les sociétés MMA LARD et MMA IARD Assurances Mutuelles comme leur assurée, la société HEDIOS PATRIMOINE contestent que celle-ci ait engagé sa responsabilité, faisant valoir qu'elle est intervenue en tant qu'intermédiaire, mettant en relation M S... L... et une société susceptible de réaliser l'opération choisie, le mandat du conseil en gestion de patrimoine cessant avec la décision d' investissement, ce qui exclut qu'elle soit tenue à obligation de suivi ; qu'elles démentent que la société HEDIOS PATRIMOINE ait commis une faute, disant qu'elle s'est assurée de l'adéquation de l'opération avec les objectifs de M S... L... ainsi que du sérieux de l'opération dont l'échec n'est pas imputable à une inadéquation du produit ou à une mauvaise stratégie patrimoniale mais à la défaillance de la société DTD ; qu'elle conteste toute présentation tronquée du produit DTD, les mécanismes et risques étant parfaitement décrits, contestant en dernier lieu, le lien de causalité entre d'éventuelles fautes et les préjudices allégués ; que la société HEDIOS PATRIMOINE affirme son intervention comme intermédiaire disant que comme tout professionnel elle est tenue à une obligation de conseil mais que celle-ci est distincte du conseil patrimonial personnalisé, plus étendu ; qu'elle rappelle ses modalités d'intervention disant que M S... L... a signé un mandat de recherche électronique afin d'obtenir la brochure et les documents contractuels relatifs à ce produit et faisant valoir que conformément aux obligations de sa profession et en parfaite concordance avec les engagements contenus dans la charte des conseils en gestion de patrimoine, elle a recueilli des informations techniques sur le produit proposé par la société DTD, effectué des vérifications in situ et des investigations sur la solvabilité et la crédibilité financière des monteurs de l'opération, et elle a obtenu des avis juridiques spécialisés ; qu'elle en déduit que sa croyance dans le sérieux de l'opération dont l'architecture devait permettre la réalisation du résultat escompté sur le plan fiscal était légitime et qu'elle n'a pas fait de présentation trompeuse de l'opération ; qu'elle précise ses diligences, s'agissant de son produit HEDIOS SUN, ainsi que les difficultés rencontrées du fait de la loi de finances de l'année 2010 qui a remis en cause l'équilibre de l'opération ; que M S... L... se présente comme un investisseur profane, cherchant une optimisation fiscale, une diversification de son patrimoine et à préparer sa retraite, précisant les modalités selon lesquelles il est entré en relation avec la société HEDIOS PATRIMOINE ; qu'il affirme que celle-ci est intervenue en qualité de conseiller en gestion de patrimoine indépendant et il lui reproche divers manquements dans l'exécution tant de son obligation de s'assurer du sérieux de l'opération qu'il commercialise et de la solvabilité des différents intervenants, que de son obligation de conseil et de mise en garde sur les risques fiscaux, lui faisant également grief de son silence lorsqu'elle a été en possession d'informations alarmantes et à l'occasion de la loi de finances de 2010 ; qu'il convient au préalable de rappeler que l'activité en conseil en gestion de patrimoine, qui n'est pas réglementée, consiste à guider le client dans les choix des placements qui s'offrent à lui ainsi qu'à l'éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ses choix, le conseil en investissement, profession réglementée, s'entendant comme la fourniture de recommandations personnalisées à un client en ce qui concerne une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers, conseil qui pour être objectif et pertinent doit être formulé en toute indépendance ; qu'en l'espèce, M S... L... prétend que la société HEDIOS PATRIMOINE serait intervenue comme conseiller en gestion de patrimoine indépendant, soumis aux obligations légales du code monétaire et financier ; que la société HEDIOS PATRIMOINE se présente (pages 3 à 6 de ses conclusions) comme une entreprise innovante ayant conçu un modèle unique de distribution sur internet destiné à une "clientèle active et informée sinon expérimentée", distribuant par ce vecteur notamment depuis 2008, des produits de défiscalisation éligibles au dispositif codifié à l'article 199 undecies B du code général des impôts, et notamment l'offre [...] dans le secteur photovoltaïque outre-mer conçue par la société DOM TOM DEFISCALISATION (DTD) ; que la plaquette commerciale de ce produit fait apparaître que la société HEDIOS PATRIMOINE en est le distributeur (sa pièce B6)' que la société HEDIOS PATRIMOINE dit qu'à compter de 2010, elle s'est détournée de cette offre poux proposer sa propre solution à travers le programme dénommé SUN HEDIOS ; qu'elle explique également que contrairement à la plupart des conseillers en gestion de patrimoine, elle a fait le choix d'intervenir non dans le cadre "d'une prestation de conseil en gestion de patrimoine personnalisée et facturée ou d'un mandat payant... (mais) compte tenu de la nature particulière que constitue la souscription de part de SPE et des risques qui y sont attachés, (elle) a exclu de démarcher sa clientèle ...(et) a décidé de restreindre toute possibilité de souscription aux personnes ayant connaissance de la défiscalisation en Girardin industriel et des moyens suffisant pour comprendre et assumer le choix d'un tel produit" ; que cette présentation des modalités de son intervention exclut que la société HEDIOS PATRIMOINE puisse reprocher à M S... L... de ne pas avoir sollicité un conseil personnalisé et payant, qu'elle ne lui proposait pas et n'entendait pas délivrer ; qu'il ressort des explications des parties, concordantes sur ce point, que M S... L... s'est rendu sur le site de la société HEDIOS PATRIMOINE qui proposait sous le titre "Devancer votre impôt : il vous en coûtera moins 1" des solutions de défiscalisation en Girardin industriel dans le photovoltaïque qui, dès la page d'accueil, permettait par un lien hyper-texte ("je mandate HEDIOS patrimoine pour rechercher des offres d'opération en Girardin industrielles" - mandat gratuit et sans engagement) de la mandater immédiatement pour rechercher des offres d'opérations en Giradin Industriel ; qu'un tel procédé, sans contact et sans information préalable à la délivrance du mandat, paraît contraire au choix de la société HEDIOS PATRIMOINE évoqué ci-dessus de restreindre l'accès aux opérations de défiscalisation en Girardin industriel à des prospects avertis ; que M S... L... ne peut pas nier la réalité de son consentement au mandat généré par un message automatique adressé à la société HEDIOS PATRIMOINE et dont il n'a jamais contesté avoir eu connaissance du contenu lorsqu'il a "cliqué" pour en confirmer l'envoi, étant, au surplus, relevé que les mandats d'août 2009 et de mars 2010, étaient soumis à la formalité du "double clic", précédé de l'avertissement que le fait de cocher la case puis de cliquer pour confirmer valait signature du mandat ; que M S... L... a reçu un dossier composé d'un second mandat de recherche, d'un questionnaire intitulé "vous connaître", de la documentation présentant Ie produit de la société DTD) et du dossier de souscription qu' il a immédiatement retourné, accompagné du chèque libérant son apport, après avoir complété et signé les différents documents ; que même si elle entretient une ambiguïté quant la nature de son intervention en visant, dans le questionnaire "vous connaître" les obligations légales du code monétaire et financier exclusivement applicable à la profession réglementée de conseiller en investissement, il apparaît que la société HEDIOS PATRIMOINE est intervenue en exécution de mandats de recherche validés par M S... L... lors de chaque visite du site, ce qui est parfaitement compatible avec la qualité de conseiller en patrimoine (profession non-réglementée) et de distributeur qu'elle revendique ; que M S... L... ne peut pas prétendre avoir revendiqué un conseil personnalisé en biffant les derniers paragraphes figurant au-dessus de sa signature sur la fiche "vous connaître" ; qu'en effet ce document annonçait une appréciation par la société HEDIOS PATRIMOINE de "l'adéquation du projet d'investissement et la situation financière globale, l'expérience et les objectifs du client" dont elle n'était dispensée que si le client ne répondait pas aux questions du questionnaire et cochait la case devant la phrase (rayée sur les questionnaire retourné par M S... L... "je déclare avoir une expérience suffisante et une connaissance de toutes les problématiques d'investissement. Je demande explicitement à apprécier seul l'adéquation de mes investissements avec ma situation financière globale, mon expérience et mes objectifs" ; qu'il s'ensuit que les obligations de la société HEDIOS PATRIMOINE sont délimitées par l'appréciation promise au document sus--mentionné et par le mandat de recherche confié par un mandant censé avoir d'ores et déjà arbitré en faveur d'un produit de défiscalisation ; que ces obligations s'articulaient sur trois axes : s'informer sur son client, informer celui-ci des risques et caractéristiques du produit proposé et vérifier l'adéquation de ce produit à sa situation et à ses objectifs ; qu'en l'espèce, la société HEDIOS PATRIMOINE a été mandatée en l'absence d'un quelconque échange préalable, pour rechercher un investissement dans des opérations en Girardin industriel, la page d'accueil de la société HEDIOS PATRIMOINE mettait en avant le fait qu'une telle opération n'imposait aucune immobilisation financière dès lors de l'apport était récupéré (sous forme de déduction d'impôt) augmenté d'une rentabilité importante, dès l'année suivante, ce qui le distinguait des autres dispositifs fiscaux ; que lorsqu'elle a adressé un dossier de souscription à M S... L..., en exécution des mandats qui lui étaient confiés, la société HEDIOS PATRIMOINE n'était pas en mesure d'apprécier la capacité de son mandant à comprendre et à assumer le choix d'une défiscalisation en Girardin industriel présentée comme radicalement différente des autres mécanismes dont ceux connus de M S... L... qui avait déjà investi dans des GCPI, FIP PCPR et SOFICA (pour 10 000€ représentant les deux tiers de son épargne ainsi qu'il le précise en page 10 de ses conclusions) ; que la société HEDIOS PATRIMOINE ne peut pas se retrancher derrière la reconnaissance, à ces mandats, que le signataire a "des revenus suffisant et une situation patrimoniale et fiscale propice à l'étude et à la compréhension de ce type d'opération purement fiscal" ; qu'en effet, au-delà du fait qu'elle est dépourvue de portée puisqu'elle met uniquement en avant, non la compréhension du client de mécanismes juridiques complexes, mais sa capacité de fortune à en supporter la charge financière, cette formule est suffisamment imprécise pour qu'elle ne paraisse pas devoir être contredite pour un client ayant déjà investi dans des produits de défiscalisation ; qu'il en est de même s'agissant de l'indication figurant uniquement aux mandats des 16 avril et 19 août 2009, selon laquelle le mandant déclare "connaître les caractéristiques de ce type d'investissement et les risques qui y sont associés" étant au surplus relevé, que caractéristiques et risques ne peuvent être que celles et ceux évoqués à la fiche "vous connaître" notamment lorsqu'il y est indiqué que l'objectif recherché est une défiscalisation "en contrepartie d'un risque de perte en capital et d'une durée minimum de blocage" et dans une documentation commerciale éventuellement accessible sur internet qui ne pouvait que refléter le contenu de la documentation remise ensuite à M S... L... ; qu'or celle-ci n'évoque précisément que l'impossibilité de procéder à des reports d'année en année des surplus de réduction et un risque fiscal lié à la cessation d'activité d'un exploitant dont il est indiqué qu'il est expressément garanti selon une attestation de la société LYNX INDUSTRIES (fournisseur exclusif du matériel), cette attestation ajoutant au surplus, que "cette situation d'échec était quasiment impossible", ce qui constitue une minimisation évidente du risque fiscal ; que la documentation adressée à M S... L... ne mettait nullement l'accent sur un risque fiscal associé au produit DTD dont il était dit désormais qu'il n'est exceptionnellement intéressant que parce qu'il est exceptionnellement risqué sur le plan fiscal mais tout au contraire, précise que "l'objectif de DTD avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation" (article 1" de l'annexe à la convention d'exploitation en commun), que dès lors, il incombait à la société HEDIOS PATRIMOINE d'attirer tout particulièrement l'attention de M S... L... sur les risques induits par la complexité du montage ; que la société HEDIOS PATRIMOINE n'était pas plus, lorsqu'elle a, en adressant le dossier de souscription, exécuté les mandats qui lui étaient confiés, en mesure de vérifier, ainsi qu'elle le promettait dans sa fiche de conseil "l'adéquation de son projet de défiscalisation par rapport à sa situation personnelle" ; qu'elle a donc privé M S... L... si ce n'est d'un conseil, de la vérification promise, qui demeurait illusoire, au retour de ce document avec le dossier de souscription accompagné du chèque libérant l'apport ; qu'or, aux questionnaires, M S... L... précisait qu'il avait pour objectif de "défiscaliser en contrepartie d'un risque de perte en capital et d'une durée minimum d'engagement" mais également s'agissant des opérations réalisées, en 2008 et 2009 de diversifier son patrimoine et de préparer sa retraite en constituant à termes des revenus complémentaires ; que ces deux derniers objectifs étaient ignorés à la date de proposition d'investir présentée par la société HEDIOS PATRIMOINE et ils paraissent incompatibles avec un montage impliquant, non le risque (c'est à dire une probabilité) de perte en capital accepté par le souscripteur, mais un investissement dans une SPE à fonds perdus dès lors qu'à l'échéance des cinq années de location des installations photovoltaïques, celles-ci étaient remises contre un prix symbolique à l'entreprise qui les avaient exploitées ; qu'il convient égaiement de retenir l'absence de regard critique de la société HEDIOS PATRIMOINE sur les éléments communiqués par la société DTD censés établir le sérieux de l'investissement alors qu'elle devait, en sa qualité de professionnelle, les examiner avec circonspection, qu'il s'agisse : - de la garantie du risque fiscal donnée par le bureau luxembourgeois de représentation d' une entité LYNX INDUSTRIES, entité dépourvue de la personnalité morale (ainsi qu' il ressort du jugement correctionnel du 24 février 2017, page 66) et animée par M G... et sur lequel, ainsi qu'il sera dit ci-dessous elle avait porté une appréciation particulièrement défavorable ; - de la note de couverture juridique (sa pièce E2) établie par un avocat fiscaliste établie à la Guadeloupe qui se limite à constater l'éligibilité du produit au dispositif fiscal et minimise le risque non à l'issue de recherches et d'une analyse personnelles mais sur les seuls éléments remis par sa cliente ; qu'enfin, qu'à la date à laquelle la société HEDIOS PATRIMOINE a proposé à M S... L... les produits DTD, elle disposait d'informations concordantes tant sur la remise en cause par l'administration fiscale des opérations en [...] que sur le produit DTD, informations qui remettaient en cause son éligibilité aux réductions d'impôts ; qu'en effet, dès les 7 septembre 2007 et 23 juin 2008, soit avant les souscriptions de M S... L... au produit de DTD, la chambre informait ses adhérents du "risque élevé de sinistres en série dans des opérations d'incitation fiscale Girardin" et que l'administration fiscale remettait en cause un grand nombre d'opérations puis, suite à une alerte de son assureur sur la présence d'opérateurs non fiables, elle invitait ses membres, pour plus d'informations, à contacter ses services ; que le 9 avril 2009, soit avant les trois derniers investissements de M S... L..., cette chambre professionnelle préconisait également à ses membres de prendre des précautions supplémentaires et, notamment, de vérifier le raccordement de l'installation au réseau électrique au motif que "le constat attestant de la présence du matériel sur place, mais non encore raccordé au réseau ne constitue pas la preuve de I 'investissement dûment raccordé, comme I 'exige la loi Girardin" ; que ces informations émanent de sa chambre professionnelle et, au-delà d'un mailing dont la société HEDIOS PATRIMOINE, dit qu'il n'est pas prouvé qu'elle en aurait été destinataire, celles-ci étaient accessibles sur le site internet de cet organisme, M S... L... n'ayant pu les extraire qu'en raison de leur présence et de leur maintien sur un site que la société HEDIOS PATRIMOINE pouvait et devait consulter ; qu'elles étaient donc accessibles à la société HEDIOS PATRIMOINE qui en professionnel normalement diligent, les a ou devait les consulter ; que dès lors, la société HEDIOS PATRIMOINE ne pouvait pas ignorer la présence d'opérateurs peu fiable sur ce marché ; qu'elle ne pouvait pas plus, devant en outre, impérativement, se tenir informée sur ce point, ignorer les exigences de l'administration quant à la nature du fait générateur de l'avantage fiscal : le raccordement du matériel et non sa seule livraison et les difficultés auxquelles elle exposait son mandant en raison de ces exigences et que quel que soit le bien fondé de cette position de l'administration fiscale et de l'existence d'analyses contraires de juristes présentés comme particulièrement compétents, il n'en demeure pas moins que la société HEDIOS PATRIMOINE était informée de cette difficulté dès le 9 avril 2009 et qu'elle ne pouvait la dissimuler à ses clients ou mandants, dès lors qu'elle savait les exposer à des procédures fiscales de redressement ; que la société HEDIOS PATRIMOINE ne peut pas plus nier avoir eu connaissance de l'analyse particulièrement négative du produit DTD et des antécédents des dirigeants des sociétés LYNX, partenaires de la société DTD, publiée sur internet dès lors que la réponse de M G... dirigeant de LYNX FINANCES datée du 23 février 2009 (intitulée lettre de non-réponse) a été diffusée auprès des conseillers en gestion de patrimoine et que la société HEDIOS PATRIMOINE a interrogé sa chambre sur celle-ci ; qu'il convient également de relever le contenu de cette réponse quant au montant des levées de fonds (20 millions d' euros) et des réalisations d'installations photovoltaïques ou plus exactement de leur absence, M G... faisant uniquement état de la signature d'un bail pour un terrain et de la construction d'un hangar pour y gérer des stocks ; qu'en outre, que le dirigeant de la société HEDIOS PATRIMOINE, M V... s'est déplacé à la Martinique et en Guadeloupe, et que son audition dans le cadre de la procédure pénale pour escroquerie en bande organisée fait ressortir qu'au cours de ses deux visites en juillet puis octobre 2008, il lui a été présenté un stock de 2000 panneaux avec la mention LYNX et qu'il n'a pas vu de "réalisation purement DTD" ; qu'alors qu'il admettait, par ailleurs, une collecte de fonds de sa société, de 5 000 000 € pour l'année 2008, ce défaut d'avancement du projet comme le peu de matériel livré, à supposer qu'il soit à destination des SEP crées par la société DTD, devait le conduire à s'interroger sur la fiabilité du produit et, compte tenu de l'exigence de l'administration de présenter un investissement productif dans l'année de l'apport en société, de conclure à l'existence d'un risque fiscal majeur ; que le fait qu'il y ait une "équipe pro qui veut réussir un projet et réfléchit pour le monter" comme la livraison annoncée mais jusque là retardée de panneaux pour équiper 250 sites (la pièce 13) ne constituaient nullement une garantie d'une réalisation effective d'une installation productive au 31 décembre de l'année d'investissement ; que ce point aurait dû préoccuper la société HEDIOS PATRIMOINE, qui manifestement ne l'a pas pris en compte, son dirigeant avançant d'ailleurs devant les enquêteurs que "ce n'était pas son métier de savoir" ce qu'était un investissement productif ; que s'agissant de la collecte de 2009, il apparaît dans cette audition que M V..., contrairement à ce que la société HEDIOS PATRIMOINE avance désormais, avait pris au sérieux les accusations portées à l'encontre de M G... dirigeant de LYNX ; qu'il avait d'ailleurs exprimé une opinion particulièrement négative sur cette personne rencontrée en 2008, concluant devant les enquêteurs que "c'était un type qui faisait affaire sur la croyance et la naïveté des hommes" ; que M V... précisait également qu'il avait arrêté la collecte de la société IIEDIOS PATRIMOINE pour les produits DTD en février 2009 et il apparaît que cette collecte a été reprise, sans réelle garantie puisque la société s'est contentée de la réponse donnée par M G... dans sa "lettre de non-réponse" et d'un courrier d'un haut fonctionnaire du ministère de l'économie et de l'industrie, M Y..., lequel dans un écrit du 2 avri1 2009, confirme que l'administration fiscale n'avait jamais été alertée ou saisie sur la régularité fiscale du produit proposé, ce qui ne constitue nullement la preuve de la probité de M G... et du sérieux de son entreprise ; qu'au surplus, M V... précise qu'il n'a constaté, sur place, que la présence de stocks de panneaux (et non d'installations en phase de raccordement) ; que le décalage entre le constat tant de l'administration fiscale que de la juridiction pénale, d'une valeur déclarée des importations (et donc du nombre de panneaux acquis) à hauteur de 465 718€ en 2008 et de 122 227€ en 2009 qui permettait tout au plus d'honorer les investissements de souscripteurs de 2 SEP en 2008 et d'une SEP en 2009, exclut que la société HEDIOS PATRIMOINE puisse prétendre s'être légitimement convaincue d'une livraison de matériel en rapport avec les fonds collectés dont elle connaissait l'ampleur ; qu'il s'évince de ce qui précède, que la société IIEDIOS PATRIMOINE a proposé à M S... L..., en 2008 et 2009, des produits DTD pour lesquels elle disposait d'éléments qui lui permettait de remettre en cause leur éligibilité au dispositif Girardin et, à tout le moins, de constater qu'elle exposait de manière inconsidérée ses mandants à une procédure voire à un redressement fiscal en conséquence des manquements du concepteur du produit et de ses partenaires industriels, risque qui en l'espèce, s'est révélé effectif ; que la cour doit faire le constat que la société HEDIOS PATRIMOINE a proposé à la signature de M S... L... un mandat de recherche en produits de défiscalisation en Girardin industriel, sans se préoccuper de sa qualité d'investisseur novice et de l'adéquation de ces produits à ses attentes ; qu'elle lui a ensuite soumis un dossier de souscription à un produit DTD sans l'informer complètement du risque fiscal et de son ampleur tel qu'elle pouvait l'appréhender à la date des souscriptions, eu égard aux éléments dont elle disposait et qui remettaient en cause la fiabilité de l'opération et qu'elle avait pris au sérieux puisqu'elle en avait, selon les dires de son dirigeant devant les enquêteurs, un temps arrêté la commercialisation ; que ces fautes engagent la responsabilité de la société HEDIOS PATRIMOINE au titre des opérations de défiscalisation proposées en 2008 et 2009 ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en considérant, pour apprécier la nature et l'étendue de l'obligation d'information et de conseil de la société Hedios Patrimoine, que cette dernière revendiquait la qualité de conseiller en patrimoine et de distributeur (page 6§2) cependant que, dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 6 novembre 2017, (p. 17 et s.), elle expliquait au contraire qu'elle était intervenue en qualité de simple distributeur intermédiaire chargée d'un mandat de recherche par M. L... et qu'à ce titre, elle ne s'était engagée ni à dispenser un conseil patrimonial personnalisé ni à garantir la fiabilité de l'opération montée par la société DTD, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Hedios Patrimoine, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le seul manquement à l'obligation d'évaluer la situation financière du client, son expérience en matière d'investissement et ses objectifs, ne peut en lui-même causer un préjudice et donc engager la responsabilité civile de l'intermédiaire ; qu'en retenant la responsabilité civile de la société Hedios Patrimoine, motif pris qu'elle a « proposé à la signature de M. S... L... un mandat de recherche en produits de défiscalisation en [...] , sans se préoccuper de sa qualité d'investisseur novice et de l'adéquation de ces produits à ses attentes », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en retenant que M. L... avait été privé d'un conseil ou de la vérification promise dans la fiche « Vous connaître » (prod. 7), laquelle indique que « ce questionnaire soumis au particulier dès son entrée en première relation avec Hedios a pour objet d'apprécier l'adéquation de ses projets avec sa situation financière globale, son expérience et ses objectifs », après avoir constaté que M. L... ne pouvait revendiquer aucun conseil personnalisé et qu'il avait confirmé dans la fiche que son objectif était de « défiscaliser en contrepartie d'un risque de perte en capital et d'une durée minimum d'engagement », ce qui suffisait à vérifier que ses attentes et objectifs étaient en adéquation avec le choix initial de mandater la société Hedios Patrimoine pour rechercher des produits [...] , la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inférait de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
4°) ALORS QUE l'obligation d'information qui pèse sur l'intermédiaire doit être appréciée au regard des capacités et de l'expérience de ses clients ; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir visé le mandat de novembre 2008 (arrêt attaqué, p.2) dont il ressort que M. L... a déclaré « avoir les revenus suffisants et une situation patrimoniale et fiscale propice à l'étude et à la compréhension de ce type d'opération purement fiscale », ce dont il résulte que la société Hedios Patrimoine pouvait considérer qu'il s'agissait d'un client averti, apte à comprendre et assumer le choix de ce type de produits particuliers et avait ainsi mis en place, au stade de la transmission du mandat, un système permettant de s'assurer au préalable que le client connaissait ce type d'investissement consistant dans une opération de défiscalisation et les risques qui y étaient associés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
5°) ALORS QUE l'obligation d'information qui pèse sur l'intermédiaire doit être appréciée au regard des capacités et de l'expérience de ses clients ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que Monsieur L... avait déclaré, lorsqu'il a donné mandats au mois d'avril et août 2009, « connaître les caractéristiques de ce type d'investissement particulier et les risques qui y sont associés », ce dont il résulte que la société Hedios Patrimoine pouvait considérer qu'il s'agissait d'un client averti apte à comprendre et assumer le choix de ce type de produits particuliers et avait ainsi mis en place, au stade de la transmission du mandat, un système permettant de s'assurer au préalable que le client connaissait ce type d'investissement consistant dans une opération de défiscalisation et les risques qui y étaient associés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
6°) ALORS QU'en considérant que la documentation adressée à M. L... était insuffisante et ne mettait pas l'accent sur le risque fiscal associé au produit DTD, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, les éléments d'information sur les risques figurant dans le document de synthèse [...] (prod. 4), repris en substance par la brochure DTD (prod 6), et qui exposaient clairement le risque principal en matière de produits [...] lié au défaut d'exploitation des investissements et pouvant résulter d'une impossibilité de trouver un locataire exploitant ou d'une défaillance de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
7°) ALORS QU' en faisant grief à la société Hedios Patrimoine de n'avoir pas eu un regard critique sur les éléments communiqués par la société DTD censés établir le sérieux de l'investissement, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris dans quatre arrêts du 10 juin 2016 opposant la société Hedios Patrimoine à des investisseurs en produits [...] proposés par la société DTD, que la société Hedios Patrimoine, intervenue en qualité de d'intermédiaire distributeur, n'était pas tenue de garantir la bonne exécution de l'opération mise en place par la société DTD, ni surtout d'anticiper d'éventuels risques de fraude dans le cadre de l'opération mise en place par cette société, dont le caractère sophistiqué a été constaté (arrêt attaqué, p. 3 § 2), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
8°) ALORS QU'en reprochant à la société Hedios Patrimoine d'avoir ignoré les informations communiquées par la CIP sur les risques liés aux produits de défiscalisation [...] , notamment concernant leur éligibilité aux réductions d'impôt accordées par l'administration fiscale, et les précautions supplémentaires à prendre concernant les conditions de raccordement des matériels, évoquées dans un courriel du 9 avril 2009, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris dans quatre arrêts du 10 juin 2016 opposant la société Hedios Patrimoine à des investisseurs en produits [...] proposés par la société DTD, d'une part, la circonstance que ces informations générales ne concernaient pas la société DTD et, d'autre part, le courrier de Monsieur Y... produit par la société DTD, de nature à rassurer la société Hedios Patrimoine sur le sérieux de l'opération, laquelle en tant qu'intermédiaire n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de la société DTD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;
ET AUX MOTIFS QUE s'agissant de l'investissement en HEDIOS SUN souscrit en 2010 dans un objectif unique de défiscalisation, qu'il ressort de la fiche "nous connaître ", que le mandat signé par M S... L... le 11 mars 2010 comporte l'indication qu'il déclare "connaître les caractéristiques de ce type d'investissement et les risques qui y sont associés" ; que la première page du bulletin de souscription comprend par ailleurs, sous un titre en gras, en majuscules et en gros caractère "risques", l'énumération des risques auxquels il s'expose et notamment ceux liés aux manquements des sociétés d'exploitation et à des fraudes ; que dès lors M S... L... a été parfaitement informé sur les risques encourus ;
9°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en décidant qu'à raison des fautes de la société Hedios Patrimoine, M. L... avait perdu une chance de pouvoir « renoncer à son projet » (arrêt attaqué p. 10 § 8) ou « de ne pas contracter » (arrêt attaqué p. 11 § 2) évaluées à 80 %, après avoir pourtant constaté que pour l'investissement dans le produit Hedios Sun souscrit en 2010, il avait été « parfaitement informé sur les risques encourus » (arrêt attaqué, p. 10 § 4), ce dont il résultait que même informé complètement du risque fiscal et de son ampleur, M. L... aurait souscrit aux opérations de défiscalisation en 2008 et 2009, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Hedios Patrimoine de sa demande de garantie du dommage subi par M. L... au titre de son investissement de 2010 ;
AUX MOTIFS QU' en revanche, cette garantie n'est pas due au titre de l'investissement de 2010 pour lequel la cour retient la responsabilité de la société HEDIOS PATRIMOINE au titre des obligations lui incombant en exécution de la convention d'exploitation conclue avec M S... L..., activité qui ne peut être rattachée, ce que la société HEDIOS PATRIMOINE ne soutient d'ailleurs pas, à une des activités assurées visées en page 3 de la police ;
ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en retenant que la société Hedios Patrimoine ne soutenait pas que l'activité pour laquelle sa responsabilité avait été engagée en exécution de la convention d'exploitation conclue avec M. L... au titre de l'investissement de 2010 Sun Hedios, pouvait être rattachée à l'une des activités visées par la police d'assurance, cependant que dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 6 novembre 2017 (page 68), la société Hedios Patrimoine soutenait que les obligations lui incombant en exécution de la convention d'exploitation, et en particulier les obligations de conseil et d'information dues à ce stade de l'opération de défiscalisation, étaient bien couvertes pas la garantie, rappelant que sa responsabilité n'avait pas été engagée au stade de l'exécution de la convention d'exploitation pour un défaut d'exécution tel qu'un défaut de « montage », mais bien pour un défaut de conseil et d'information, la cour d'appel a dénaturé les conclusions claires et précises de la société Hedios Patrimoine, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. moyens produits au pourvoi n° S 18-13.726 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances Mutuelles
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Hedios Patrimoine à payer à M. S... L... la somme de 21 632 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des investissements DTD effectués en 2008 et 2009, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société Hedios Patrimoine de son appel en garantie contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et, statuant sur ce chef infirmé, d'AVOIR condamné ces deux sociétés à garantir la société Hedios Patrimoine de la condamnation prononcée à son encontre au titre des investissements réalisés par M. S... L... en 2008 et 2009 sous déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant des investissements réalisés par M. S... L... en 2008 et 2009, la société Hedios Patrimoine ne pouvait pas, devant en outre impérativement se tenir informée sur ce point, ignorer les exigences de l'administration quant à la nature du fait générateur de l'avantage fiscal : le raccordement du matériel et non sa seule livraison et les difficultés auxquelles elle exposait son mandant en raison de ces exigences ; que, quel que soit le bien fondé de cette position de l'administration fiscale et de l'existence d'analyses contraires de juristes présentés comme particulièrement compétents, il n'en demeure pas moins que la société Hedios Patrimoine était informée de cette difficulté dès le 9 avril 2009 et qu'elle ne pouvait la dissimuler à ses clients ou mandants, dès lors qu'elle savait les exposer à des procédures fiscales de redressement ; que la société Hedios Patrimoine a proposé à M. S... L... , en 2008 et 2009, des produits DTD pour lesquels elle disposait d'éléments qui lui permettait de remettre en cause leur éligibilité au dispositif Girardin et, à tout le moins, de constater qu'elle exposait de manière inconsidérée ses mandants à une procédure voire à un redressement fiscal en conséquence des manquements du concepteur du produit et de ses partenaires industriels, risque qui, en l'espèce, s'est révélé effectif ; que la cour doit faire le constat que la société Hedios Patrimoine a proposé à la signature de M. S... L... un mandat de recherche en produits de défiscalisation en Girardin industriel, sans se préoccuper de sa qualité d'investisseur novice et de l'adéquation de ces produits à ses attentes ; qu'elle lui a ensuite soumis un dossier de souscription à un produit DTD sans l'informer complètement du risque fiscal et de son ampleur tel qu'elle pouvait l'appréhender à la date des souscriptions, eu égard aux éléments dont elle disposait et qui remettaient en cause la fiabilité de l'opération et qu'elle avait pris au sérieux puisqu'elle en avait, selon les dires de son dirigeant devant les enquêteurs, un temps arrêté la commercialisation ; que ces fautes engagent la responsabilité de la société Hedios Patrimoine au titre des opérations de défiscalisation proposées en 2008 et 2009 ; que, s'agissant de l'investissement en Hedios Sun souscrit en 2010 dans un objectif unique de défiscalisation, il ressort de la fiche « nous connaître », que le mandat signé par M. S... L... le 11 mars 2010 comporte l'indication qu'il déclare « connaître les caractéristiques de ce type d'investissement et les risques qui y sont associés » ; que la première page du bulletin de souscription comprend par ailleurs, sous un titre en gras, en majuscules et en gros caractère « risques », l'énumération des risques auxquels il s'expose et notamment ceux liés aux manquements des sociétés d'exploitation et à des fraudes ; que, dès lors, M. S... L... a été parfaitement informé sur les risques encourus ; que l'équilibre économique de l'investissement industriel a été remis en cause par moratoire sur l'achat par EDF de l'énergie photovoltaïque et la suppression du tarif du rachat prévu pour les DOM-TOM par le décret du 10 décembre 2010 ; que M. S... L... ne procède à aucune démonstration pertinente tendant à établir une faute de la société Hedios Patrimoine en relation causale avec le redressement fiscal ; que, sur les demandes indemnitaires au titre de la souscription des produits DTD, les dommages dont allègue M. S... L... trouvent leur cause tant dans l'escroquerie commise au détriment des investisseurs que dans les fautes retenues à l'encontre de la société Hedios Patrimoine, dès lors que, s'il avait été complètement informé sur l'ampleur du risque fiscal, M. S... L... aurait pu renoncer à son projet ; que la société Hedios Patrimoine ne peut pas opposer à M. S... L... le fait qu'il ne se soit pas constitué partie civile dans l'instance pénale engagée à l'encontre des responsables des sociétés DTD et Lynx, celui-ci pouvant poursuivre la réparation intégrale de son préjudice auprès de tout responsable ; que n'est pas plus sérieux l'argument selon lequel M. S... L... aurait pu utilement contester la position de l'administration sur l'obligation d'une mise en production des équipements l'année de l'investissement et sur le fait générateur de la réduction d'impôt, le jugement correctionnel comme les propositions de redressement mettant en évidence le détournement des apports dans les SEP créées par la société DTD dans des proportions telles qu'il est exclu qu'il ait été possible de justifier de l'effectivité des investissements prétendument financés par M. S... L... ; que M. S... L... prétend au remboursement des fonds investis ainsi que du montant des redressements fiscaux ; que la perte de l'investissement acquise dès la souscription est en lien de causalité avec la faute alléguée, puisqu'elle n'est que la conséquence d'une perte de chance de ne pas contracter pour un souscripteur loyalement informé du risque pris qui, en l'espèce, peut être évaluée à 80 %, l'indemnisation de ce chef de préjudice s'élevant à 13 816 euros ; qu'en revanche, faute de prouver qu'il n'aurait pas supporté l'impôt éludé en raison d'un autre investissement présentant les mêmes avantages, l'intimé ne peut pas réclamer son remboursement ; qu'il ne peut pas plus prétendre au remboursement des intérêts de retard versés à l'administration fiscale qui ne constituent pas un préjudice mais la contrepartie de la disponibilité du montant de la réduction d'impôt entre sa date d'exigibilité et son paiement ; que, dès lors, seul le remboursement des pénalités de retard qui auraient pu être évitées par un souscripteur mieux informé (soit les sommes de 732 euros et de 1 538 euros) peuvent être prises en compte au titre du redressement ; que compte tenu d'une perte de chance évaluée à 80 %, la somme de 1 816 euros sera allouée à ce titre à l'intimé et ajoutée à l'indemnisation au titre de la perte de l'investissement ; que la présentation d'un produit désormais qualifié d'éminemment risqué comme un produit sans risque est également à l'origine d'un préjudice moral pour M. S... L..., préjudice qui sera indemnisé à hauteur de 6 000 euros, la condamnation prononcée par le tribunal au titre du préjudice moral et du préjudice financier de M. S... L... consécutifs aux investissements de 2008 et 2009 devant être portée à la somme totale de 21 632 euros ;
ALORS QU'un conseiller en gestion de patrimoine ne peut être condamné à réparer les préjudices résultant de la souscription à des investissements, dès lors qu'il est établi que, même mieux informés sur les risques attachés à cette souscription, l'investisseur aurait pris la décision délibérée de s'engager dans ces investissements, de sorte qu'il aurait en toute hypothèse subi les préjudices dont il demande réparation ; qu'en condamnant la société Hedios Patrimoine à réparer les préjudices financiers résultant pour M. L... de la perte d'une chance de ne pas souscrire en 2008 et 2009 les investissements DTD et, partant, de ne pas perdre les fonds investis et ne pas payer les pénalités de retard réclamées par l'administration fiscale, ainsi que le préjudice moral né de ce que ces investissements lui avaient été présentés comme étant sans risque, quand il résulte de ses propres motifs qu'alors qu'il avait été « parfaitement informé sur les risques encourus » lors de la souscription en 2010 à un produit de défiscalisation « identique » dénommé Sun Hedios, M. L... avait souscrit à cet investissement, ce dont il résulte que, même mieux informé en 2008 et 2009 des risques attachés aux produits de défiscalisation DTD, M. L... aurait certainement pris la décision de réaliser ces investissements, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'ancien article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société Hedios Patrimoine de son appel en garantie à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et, statuant sur ce chef infirmé, d'AVOIR condamné ces deux sociétés à garantir la société Hedios Patrimoine de la condamnation prononcée à son encontre au titre des investissements réalisés par M. S... L... en 2008 et 2009 sous déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles prétendent assurer la société Hedios Patrimoine à hauteur de 4 000 000 d'euros de manière globale et unique quel que soit le nombre d'années concernées par la présentation des opérations de défiscalisation ayant donné lieu à sinistres, affirmant l'existence d'un sinistre sériel, consécutif à la mise en cause de la responsabilité de la société Hedios Patrimoine au titre de son entremise dans la distribution des produits DTD ; que selon l'avenant n° 13 à effet du 1er janvier 2010 de la police souscrite par la Chambre des indépendants du patrimoine au profit de ses adhérents, dont la société Hedios Patrimoine, est assimilé à un fait dommageable unique et constitue un seul et même sinistre, « un ensemble de faits dommageables résultant d'une même faute professionnelle ou d'un même fait ou acte commis par l'assuré » ; qu'or, en l'espèce, la responsabilité de l'assurée est recherchée au titre de ses manquements dans l'exécution d'obligations dont elle était spécifiquement débitrice à l'égard de M. S... L... ; que, dès lors, l'unité de cause génératrice du dommage entre le présent sinistre et des réclamations d'autres souscripteurs n'est pas caractérisée et seule la franchise contractuelle de 15 000 euros étant opposable à la société Hedios Patrimoine et à sa victime ; que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles doivent leur garantie, sous déduction de la franchise, pour les souscriptions des années 2008 et 2009 pour lesquelles la société Hedios Patrimoine est intervenue en qualité d'intermédiaire ;
ALORS QUE résultent d'une même cause technique et doivent dès lors être considérés comme un fait dommageable unique, les faits dommageables qui procèdent d'un même vice de conception ou d'une même erreur d'analyse ; qu'en considérant que les manquements à ses obligations imputés à la société Hedios Patrimoine seraient spécifiques à la présente affaire l'opposant à M. L... et n'auraient pas une même cause que ceux qui lui étaient reprochés à l'appui de réclamations formées par d'autres souscripteurs, sans rechercher si ces différents manquements de la société Hedios Patrimoine à l'obligation d'informer ses clients d'un risque fiscal tenant à l'absence de raccordement des panneaux photovoltaïques acquis avant le 31 décembre de l'année de réalisation de l'investissement ne procédaient pas d'un même vice de conception de la présentation des produits de défiscalisation et d'une même erreur d'analyse quant à l'étendue des risques fiscaux attachés à ces produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.124-1-1 du code des assurances.
Le greffier de chambre | Les dispositions de l'article L. 124-1-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique |
335 | CIV. 2
CF10
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 889 FS-P+B+I
Pourvoi n° M 19-22.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La fédération départementale des chasseurs du Tarn-et-Garonne, dont le siège est 53 avenue Jean Moulin, 82000 Montauban, a formé le pourvoi n° M 19-22.695 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société M..., exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...], prise en la personne de M. U... M...,
2°/ à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, dont le siège est 2 quai de Verdun, 82000 Montauban,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la fédération départementale des chasseurs du Tarn-et-Garonne, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société M..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, conseiller, Mmes Touati, Guého, M. Talabardon, Mme Bohnert, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, Mme Touati, conseiller référendaire étant appelée à compléter la chambre conformément à l'article L 431-3 du code de l'organisation judiciaire, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 31 janvier 2019) l'EARL de M..., exploitante agricole, se plaignant de dégâts causés courant 2014 à ses vergers par du grand gibier, a saisi la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne (la fédération) de déclarations aux fins d'indemnisation en application des dispositions de l'article R. 426-12 du code de l'environnement.
2. Contestant la proposition d'indemnisation de la fédération, confirmée par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, l'EARL de M... a saisi, le 26 novembre 2014, la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier, après avoir engagé contre la fédération, par acte du 27 août 2014, une procédure devant un tribunal d'instance aux fins d'expertise et d'indemnisation forfaitaire.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'EARL de M... la somme de 62 370 euros alors :
« 1°/ que le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande d'indemnisation de dégâts de gibiers, par la fédération départementale des chasseurs, sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, tant que la procédure non contentieuse d'indemnisation organisée par les articles R. 426-12 et suivants du code de l'environnement, mise en oeuvre par le plaignant, n'a pas donné lieu à une décision de la Commission nationale d'indemnisation laquelle peut le cas échéant être déférée au juge judiciaire ; qu'en énonçant que l'EARL de M... était recevable à poursuivre devant la juridiction judiciaire, la procédure d'indemnisation, après avoir constaté que la commission nationale d'indemnisation saisie par l'EARL de M... n'avait pas encore statué sur la fixation de l'indemnité, la cour d'appel a violé les articles L. 426-1, L. 426-4, L. 426-5, L. 426-7, R 426-17 du code de l'environnement ;
2°/ que le non-respect du délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa saisine, imparti à la commission nationale d'indemnisation pour décider de la suite à réserver au recours contre la décision de la commission départementale d'indemnisation ne comporte aucune sanction ; que dès lors le non-respect de ce délai n'est pas de nature à autoriser le juge judiciaire à statuer sur la demande d'indemnisation dirigée contre la fédération départementale des chasseurs, sans attendre l'issue de la procédure non contentieuse en cours devant cette commission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 426-17 du code de l'environnement ;
3°/ dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa saisine, la commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier décide de la suite à réserver au recours et, le cas échéant, fixe le montant de l'indemnité qu'elle notifie au réclamant et au président de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs par courrier recommandé avec demande d'avis de réception ; que constitue une information sur la suite à réserver au recours du 26 novembre 2014 interrompant par conséquent le délai de quatre-vingt-dix jours fixé par la loi, le courrier de la commission nationale d'indemnisation du 23 février 2015 informant l'EARL de M... que le recours serait examiné le 10 mars 2015 ; qu'en décidant que l'EARL M... aurait considéré à bon droit que la commission nationale ne l'avait pas informé de la suite à réserver au recours ni fixé le cas échéant le montant de l'indemnité dans le délai prescrit et qu'il serait par conséquent recevable à poursuivre la procédure d'indemnisation devant la juridiction judiciaire, la cour d'appel a violé l'article R. 426-17 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 du même code sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 426-5 et R. 426-12 à R. 426-19 du même code, relatives à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, que l'exploitant agricole qui a préalablement formé la demande d'indemnisation prévue par l'article R. 426-12 du code de l'environnement, peut, en cas de litige, saisir à tout moment le juge judiciaire d'une action aux fins d'indemnisation forfaitaire de ces dégâts par une fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs.
6. Pour dire recevable l'action engagée par l'EARL de M... en indemnisation, l'arrêt retient que la commission départementale, par décision notifiée le 14 novembre 2014, lui a proposé un certain montant, et que la réclamante a saisi d'une contestation, par lettre recommandée avec avis de réception signé le 26 novembre 2014, la commission nationale d'indemnisation.
7. Ayant constaté l'existence d'un litige opposant l'exploitante agricole à la fédération, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était recevable l'action judiciaire aux fins d'indemnisation engagée sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, peu important l'issue donnée au recours formé devant la commission nationale d'indemnisation.
8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
Et sur le troisième moyen
9. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'EARL de M... la somme de 62 370 euros alors :
« 1°/ qu'en retenant l'indemnisation d'une totale replantation du verger, après avoir constaté qu'un tiers des arbres n'ont pas été endommagés, la cour d'appel a violé l'article L. 426-1 du code de l'environnement ;
2°/ que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que la fédération départementale des chasseurs faisait valoir que les rendements doivent faire l'objet d'une évaluation annuelle et les barèmes doivent être fixés de façon annuelle pour que soient pris en
compte tous les aléas liés à une récolte ; qu'en énonçant qu'il ne serait plus contesté que l'évaluation du dommage année par année ne s'applique pas, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la fédération départementale des chasseurs en violation du principe susvisé ;
3°/ que la procédure d'indemnisation des dégâts de gibiers prévue aux articles L. 426-1 et suivants du code de l'environnement n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice futur qui plus est incertain ; qu'en indemnisant la perte potentielle de production du verger sur une durée de trois années, la cour d'appel a réparé un préjudice futur et incertain en violation de l'article L. 426-1 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
10. Pour évaluer le préjudice subi et fixer l'indemnisation due par la fédération à un certain montant, l'arrêt retient que devant la Cour, il n'est plus contesté que l'évaluation du dommage année par année ne s'applique pas et qu'il convient de faire application des barèmes départementaux.
11. Il ajoute que le litige persiste sur l'étendue des dégradations et donc sur le nombre d'arbres à remplacer, que l'expert judiciaire retient que deux tiers des arbres sont broutés ou frottés, au niveau du tronc ou des charpentières, un tiers des arbres est normal mais le verger doit être considéré comme irrécupérable.
12. L'arrêt précise que le verger, replanté en 2016, n'entrera en production qu'à compter de 2019, trois années de production étant perdues.
13. Il fixe en conséquence l'indemnisation due, en application du barème départemental qui vise le prix de référence d'un marché public, au titre d'une part, de la reconstitution du verger et d'autre part, de la perte de récolte, et opère une réduction de l'indemnisation à concurrence de 30 %, au regard de la carence de l'exploitante dans la plantation initiale du verger.
14. Ayant procédé à l'interprétation souveraine des conclusions de la fédération, que leur ambiguïté rendait nécessaire, quant à l'accord de cette dernière pour l'évaluation du dommage sur une base autre qu'annuelle, la cour d'appel a estimé, au regard des barèmes départementaux applicables, le montant des préjudices réparables subis et notamment celui, futur mais certain, résultant de la perte de récoltes.
15. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est dès lors pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fédération départementale des chasseurs du Tarn-et-Garonne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la fédération départementale des chasseurs du Tarn-et-Garonne et la condamne à payer à l'EARL de M... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la fédération départementale des chasseurs du Tarn-et-Garonne
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Départementale des Chasseurs de Tarn et Garonne à payer à l'EARL de M... la somme de 62.370 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article R 426-16 du code de l'environnement, la décision de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage dans sa formation spécialisée pour l'indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles peut être contestée par le réclamant ou le président de la fédération départementale devant la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, dans un délai de trente jours à compter de la notification de cette décision. Aux termes de l'article R 426-17 du code de l'environnement, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa saisine, la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier décide de la suite à réserver au recours et, le cas échéant, fixe le montant de l'indemnité qu'elle notifie au réclamant et au président de la Fédération Départementale ou Interdépartementale des Chasseurs par courrier recommandé avec demande d'avis de réception. En l'absence de recours judiciaire dans le délai légal, par l'une ou l'autre des parties, la Fédération Départementale ou Interdépartementale des Chasseurs procède à l'exécution de cette décision. En l'espèce la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage par décision notifiée le 14 novembre 2014 a proposé à l'EARL de M... une indemnisation à concurrence de 1.360,80 euros pour 189 plants avant abattement statutaire de 2 %. Par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 26 novembre 2014, l'EARL de M... a saisi la Commission nationale d'indemnisation d'une contestation de la décision de la Commission départementale. En application de l'article R 426-17 la Commission nationale disposait d'un délai de 90 jours à compter de sa saisine, soit à compter du 26 novembre 2014. Le délai imparti à la Commission nationale pour statuer expirait donc le 25 février 2015. Or, par lettre du 23 février 2015 la Commission nationale d'indemnisation des dégâts du gibier a informé l'EARL de M... qu'elle n'examinerait le recours que le 10 mars 2015. L'information donnée au réclamant de la date à laquelle la Commission se réunira pour examiner le recours ne s'analyse pas en une décision « de la suite à réserver au recours et, le cas échéant, fixe le montant de l'indemnité », la lettre du 23 février ne porte aucune décision sur la recevabilité ou le bien fondé du principe sinon du montant de la réclamation. C'est donc à bon droit que l'EARL de M... a considéré que la Commission nationale ne l'avait pas informée « de la suite à réserver au recours ni fixé le cas échéant, le montant de l'indemnité » dans le délai prescrit de l'article R 426-17 et a saisi le juge judiciaire. La demande de l'EARL est donc recevable à poursuivre devant la juridiction judiciaire, la procédure d'indemnisation introduite par ses réclamations auprès de la fédération de chasse ;
1°- ALORS QUE le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande d'indemnisation de dégâts de gibiers, par la fédération départementale des chasseurs, sur le fondement de l'article L 426-1 du code de l'Environnement, tant que la procédure non contentieuse d'indemnisation organisée par les articles R 426-12 et suivants du code de l'environnement , mise en oeuvre par le plaignant, n'a pas donné lieu à une décision de la Commission nationale d'indemnisation laquelle peut le cas échéant être déférée au juge judiciaire ; qu'en énonçant que l'EARL de M... était recevable à poursuivre devant la juridiction judiciaire, la procédure d'indemnisation, après avoir constaté que la Commission nationale d'indemnisation saisie par l'EARL de M... n'avait pas encore statué sur la fixation de l'indemnité, la Cour d'appel a violé les articles L 426-1, L 426-4, L 426-5, L 426-7, R 426-17 du code de l'environnement ;
2°- ALORS QUE le non-respect du délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa saisine, imparti à la Commission nationale d'indemnisation pour décider de la suite à réserver au recours contre la décision de la Commission départementale d'indemnisation ne comporte aucune sanction ; que dès lors le non-respect de ce délai n'est pas de nature à autoriser le juge judiciaire à statuer sur la demande d'indemnisation dirigée contre la fédération départementale des chasseurs, sans attendre l'issue de la procédure non contentieuse en cours devant cette Commission ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article R 426-17 du code de l'environnement ;
3°- ALORS QUE dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa saisine, la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier décide de la suite à réserver au recours et, le cas échéant, fixe le montant de l'indemnité qu'elle notifie au réclamant et au président de la Fédération Départementale ou Interdépartementale des Chasseurs par courrier recommandé avec demande d'avis de réception ; que constitue une information sur la suite à réserver au recours du 26 novembre 2014 interrompant par conséquent le délai de 90 jours fixé par la loi, le courrier de la Commission nationale d'indemnisation du 23 février 2015 informant l'EARL de M... que le recours serait examiné le 10 mars 2015 ; qu'en décidant que l'EARL M... aurait considéré à bon droit que la Commission nationale ne l'avait pas informé de la suite à réserver au recours ni fixé le cas échéant le montant de l'indemnité dans le délai prescrit et qu'il serait par conséquent recevable à poursuivre la procédure d'indemnisation devant la juridiction judiciaire, la Cour d'appel a violé l'article R 426-17 du code de l'environnement.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Départementale des Chasseurs de Tarn et Garonne à payer à l'EARL de M... la somme de 62.370 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur le rapport d'expertise, la Fédération s'est désistée de son appel à l'encontre du jugement du 12 novembre 2014 ordonnant une expertise. Ce désistement est sans emport sur sa contestation des diligences de l'expert, étant en outre relevé que la Fédération ne soulève pas la nullité du rapport d'expertise de sorte que les développements de l'EARL sur la nullité dudit rapport sont inopérants. Le jugement du tribunal d'instance de Montauban en date du 12 novembre 2014 donnait pour mission à l'expert désigné, Monsieur E... O... « d'indiquer d'où provenait le gibier, de préciser la cause de ces dommages et de rechercher si le gibier est en nombre excessif et pour quelle raison, dans les autres cas ». L'expert n'ayant pas répondu à ce chef de mission a été reconduit et a déposé son nouveau rapport le 13 décembre 2017.
- Sur la provenance du gibier, l'expert judiciaire, indique que le gibier provient d'un biotope favorable constitué de vergers d'espèces et d'âge différents, de petits ruisseaux ou dépressions occupées de végétation naturelle arborée et buissonnante ainsi que de friches, anciennes parcelles agricoles abandonnées occupées par des arbres épais (anciennes haies) et de la végétation arbustive et herbacée. Une photo aérienne permet de constater que les parcelles ainsi décrites entourent le verger litigieux.
Les dégâts causés au verger de l'EARL de M... ont été commis par du grand gibier provenant d'un autre fonds que le sien.
- Sur la cause des dommages, l'expert relève que les dommages occasionnés au verger en 2014 sont liés aux chevreuils avec des :
* aboutissements de feuilles pour s'alimenter, ce qui est fatal pour de jeunes arbres privés de leurs organes de synthèse des sucres par la photosynthèse, * frottis sur les jeunes troncs et les jeunes charpentières pour marquer le territoire ce qui occasionne le décollement de l'écorce et donc l'interruption de la circulation de la sève des jeunes arbres.
Les protections mises en place (filets) ont été insuffisantes en 2014 pour maîtriser les deux actions de chevreuils. L'expert visite en 2017 le verger replanté en 2016 et constate que les protections mises en 2016 ont été suffisantes pour protéger les arbres, la densité de chevreuils étant maîtrisée, mais leur présence se maintenant.
Il en résulte qu'il conviendra de tenir compte de l'insuffisante protection du verger initial dans l'indemnisation du préjudice.
- Sur la présence excessive de gibier, l'expert précise que l'état du verger observé en 2015 (plantation et dégâts de 2014) ne laisse aucune hésitation sur la notion de gibier en nombre excessif. Il estime qu'il s'agit d'un regroupement familial classique en situation de forte densité. Cette population importante de chevreuils est due :
* à la qualité du biotope et à sa très forte capacité d'accueil pour le chevreuil, * à la très grande sensibilité de certaines productions agricoles et notamment les jeunes verges,
* au fait que le chevreuil est un nouveau gibier dont la maîtrise de la population doit être acquise après une expérience de plusieurs années,
* au fait que la capacité de reproduction du chevreuil était largement sous-estimée avant 2010.
À la suite de sa visite de 2017 l'expert indique que la nouvelle population de chevreuils mieux maîtrisée est due à
* la prise de conscience des impacts économiques du chevreuil sur l'agriculture,
* des mesures de gestion normale adaptées (plan de chasse),
* des mesures de gestion exceptionnelles (action de chasse en été à l'approche et à l'affût).
- Sur le droit de chasse, le verger est inclus dans le territoire de l'ACCA de Mirabel Monsieur U... M... n'est pas titulaire du droit de chasse mais son père est un chasseur actif sur le territoire de l'EARL.
Le plan de chasse a été analysé par l'expert : il a mis en évidence :
*une augmentation progressive des attributions du plan de chasse au chevreuil, manifestant la volonté de la Fédération de maîtriser la population de chevreuils,
* l'égalité des attributions et des prélèvements de 2007 à 2016 traduit l'importance de la population et un hypothétique point d'équilibre en 2016, * la réduction des attributions en 2017, marque le souci de conserver le cheptel de chevreuils.
Des actions exceptionnelles ont été menées : des attributions personnelles ont été données à Monsieur I... A... M... pour qu'il exerce lui-même et localement une pression de chasse particulière, 10 bracelets par an de 2014 à 2017 réalisés à concurrence de 10/10/8/5 au cours de tirs d'été à l'approche ou à l'affût. L'expert conclut qu'en 2017 la population de chevreuils est momentanément maîtrisée par le plan de chasse et les mesures exceptionnelles ci-dessus, l'expert rappelant cependant qu'en milieu si favorable la place laissée vide par les sujets prélevés est rapidement prise par la migration d'animaux du voisinage. Il convient de retenir des éléments recueillis par l'expert, que :
- la population de chevreuils n'a été maîtrisée par la Fédération que postérieurement aux dégradations de 2014,
- le verger est planté dans un biotope très favorable au chevreuil,
- le verger planté en 2013 n'était pas protégé par des moyens efficaces, qui n'ont été mis en oeuvre que sur les arbres de la nouvelle plantation de 2016.
1°- ALORS QUE nul ne peut prétendre à une indemnité pour des dommages causés par des gibiers provenant de son propre fonds ; qu'en se bornant à énoncer qu'une photo aérienne permet de constater que les parcelles décrites par l'expert comme lieu de provenance du gibier « entourent le verger litigieux », sans qu'il résulte de ses constatations que ces parcelles qui entourent le verger de l'EARL de M... seraient la propriété d'un tiers, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 426-2 du code de l'environnement ;
2°- ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que l'EARL de M... fondait exclusivement sa demande en réparation des dégâts de gibier par la Fédération Départementale des Chasseurs sur les dispositions du code de l'environnement sans invoquer un fondement délictuel ni l'existence d'une faute commise par la Fédération ; qu'en se fondant pour faire droit à la demande en réparation des dégâts de gibiers, sur la circonstance que la population de chevreuils n'aurait été maîtrisée par la Fédération que postérieurement aux dégradations de 2014, la Cour d'appel a en retenant ainsi sa responsabilité délictuelle, modifié le fondement de la demande en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°- ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la prétendue faute de la Fédération Départementale des Chasseurs à l'origine des dégâts de gibiers, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°- ALORS QU'en ne précisant pas en quoi la Fédération Départementale des Chasseurs dont il n'est pas constaté qu'elle serait détentrice du droit de chasse sur les parcelles concernées, et qui n'a aucune compétence pour arrêter les plans de chasse qui relèvent de la seule compétence du préfet, aurait eu les moyens de maitriser la population de chevreuil et éviter sa prolifération, la cour d 'appel n'a pas caractérisé sa faute et partant a violé l'article 1382 devenu 1240 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Départementale des Chasseurs de Tarn et Garonne à payer à l'EARL de M... la somme de 62.370 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur l'évaluation du préjudice, devant la cour, il n'est plus contesté que l'évaluation du dommage année par année ne s'applique pas et qu'il convient de faire application des barèmes départementaux. Le litige demeure sur l'étendue des dégradations et donc sur le nombre d'arbres devant être remplacés. La Fédération estime que seuls 189/300 arbres doivent être remplacés, l'expert privé de l'EARL en retenait 207, l'expert judiciaire retient que 2/3 des arbres sont broutés ou frottés, au niveau du tronc ou des charpentières, 1/3 des arbres sont normaux mais le verger doit être considéré comme irrécupérable, le nombre de plants sains étant proportionnellement trop faible pour qu'une opération de regarnis soit techniquement cohérente. Il en résulte que l'on doit retenir une totale replantation du verger. Ce verger devait entrer en production au bout de trois ans. Il a été replanté en 2016 et n'entrera en production qu'à compter de 2019. Trois années de production sont perdues. La qualité des plants produits par l'EARL n'est plus discutée, pas plus que l'état sanitaire des plantations de sorte que la base d'une production de 46 tonnes par hectare proposée par l'expert doit être retenue. Le barème départemental vise le prix de référence d'un marché public, le premier juge a justement retenu celui du MIN de Toulouse en mars 2014 pour des pommes Q... en vrac sans conditionnement soit 1,20 euros /kg. Au vu de ces éléments, l'indemnisation s'établit comme suit :
* reconstitution du verger : 300 pommiers à 5,00 euros l'un + 2,20 euros/plant de frais de replantation, soit (5 + 2,20) x 300 = 2.160,00 euros, * perte de récolte :
- prix du MIN de Toulouse en 2014 en vrac sans conditionnement : 1,20 euros/kg,
- minoré des frais de récolte (barème) et de commercialisation (estimation),
- affecté à la surface à renouveler soit l'intégralité du verger (0,63 ha ou 300 plants),
- soit la somme de 46.000 kg x 0,63 ha x l, 00 euros x 3 années = 86.940,00 euros, * soit la somme de 2.160 + 86.940 = 89.100,00 euros.
Cependant, il a été relevé par l'expert dans son complément d'expertise que les arbres plantés en 2013 et endommagés n'avaient pas été correctement protégés - alors que les arbres replantés en 2016 le sont. Il en résulte que cette carence de l'EARL dans la plantation initiale de son verger conduit à réduire son indemnisation à concurrence de 30 %. Le montant alloué à l'EARL en indemnisation de son préjudice est donc fixé à 89.100 x 70 % = 62.370,00 euros ;
1°- ALORS QU'en retenant l'indemnisation d'une totale replantation du verger, après avoir constaté qu'un tiers des arbres n'ont pas été endommagés, la Cour d'appel a violé l'article L 426-1 du code de l'environnement ;
2°- ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que la Fédération Départementale des Chasseurs faisait valoir (conclusions d'appel p. 17) que les rendements doivent faire l'objet d'une évaluation annuelle et les barèmes doivent être fixés de façon annuelle pour que soient pris en compte tous les aléas liés à une récolte ; qu'en énonçant qu'il ne serait plus contesté que l'évaluation du dommage année par année ne s'applique pas, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de la Fédération Départementale des Chasseurs en violation du principe susvisé ;
3°- ALORS QUE la procédure d'indemnisation des dégâts de gibiers prévue aux articles L 426-1 et suivants du code de l'environnement n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice futur qui plus est incertain ; qu'en indemnisant la perte potentielle de production du verger sur une durée de trois années, la Cour d'appel a réparé un préjudice futur et incertain en violation de l'article L 426-1 du code de l'environnement. | Aux termes de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 du même code sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.
Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 426-5 et R. 426-12 à R. 426-19 du même code, relatives à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, que l'exploitant agricole qui a préalablement formé la demande d'indemnisation prévue par l'article R. 426-12 du code de l'environnement peut, en cas de litige, saisir à tout moment le juge judiciaire d'une action aux fins d'indemnisation forfaitaire de ces dégâts par une fédération départementale des chasseurs.
En conséquence, une cour d'appel, qui a constaté l'existence d'un litige opposant l'exploitant agricole à la fédération, en déduit exactement qu'est recevable l'action judiciaire engagée sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, peu important l'issue donnée au recours formé devant la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier |
336 | CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 643 FS-P+B+I
Pourvoi n° V 19-15.918
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Avenir Ivry, société à responsabilité limitée, dont le siège est 106 bis avenue Beaurepaire, 94100 Saint-Maur-des-Fossés, a formé le pourvoi n° V 19-15.918 contre l'ordonnance rendue le 2 mars 2015 par le juge de l'expropriation du département du Val-de-Marne siégeant au tribunal de grande instance de Créteil, dans le litige l'opposant :
1°/ à la Société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94), dont le siège est 31 rue Anatole France, 94300 Vincennes,
2°/ au préfet du Val-de-Marne, domicilié 21-29 avenue du général de Gaulle, préfecture du Val-de-Marne, 94038 Créteil cedex,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Avenir Ivry, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, coseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Djikpa, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. L'ordonnance attaquée (juge de l'expropriation du département du Val-de-Marne, 2 mars 2015) déclare expropriée pour cause d'utilité publique, au profit de la Société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (la SADEV 94), une parcelle cadastrée section [...] et appartenant à la société Avenir Ivry.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
3. La société Avenir Ivry fait grief à l'ordonnance de déclarer expropriée une parcelle dont elle est propriétaire, alors « qu'il ne peut être porté atteinte au droit de propriété, à raison de l'utilité publique, que si l'atteinte répond à un besoin qui doit être satisfait dans un délai raisonnable ; que par suite, la notification de l'ordonnance d'expropriation, qui permet de purger les recours et d'exécuter l'envoi en possession au profit de l'expropriant, doit elle-même intervenir dans un délai raisonnable suivant la déclaration d'utilité publique ; qu'en l'espèce, l'ordonnance d'expropriation du 2 mars 2015 n'a été notifiée à la société Avenir Ivry que par acte du 28 mars 2019, soit plus de quatre ans après son prononcé, et près de huit ans après la déclaration d'utilité publique du 11 juillet 2011 ; qu'au regard de l'écoulement de ce délai, l'ordonnance attaquée doit être annulée pour perte de fondement juridique au regard des articles L. 12-1, R. 12-1 à R. 12-4 du code de l'expropriation, de l'article 544 du code civil, de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. Le transfert de propriété du bien faisant l'objet de la procédure d'expropriation est opéré, à défaut d'accord ou de cession amiable, par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation.
5. Pour être exécutée à l'encontre de l'intéressé, l'ordonnance doit lui avoir été préalablement notifiée par l'expropriant.
6. Sa notification fait courir les délais de recours.
7. La durée du délai de notification de l'ordonnance est sans effet sur la légalité de cette décision (3e Civ., 5 décembre 2007, pourvoi n° 06-70.003, Bull. 2007, II, n° 224).
8. Il s'ensuit que l'éventuel préjudice résultant de l'absence de notification de l'ordonnance dans un délai raisonnable n'est pas susceptible d'être réparé par l'annulation de la procédure.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Avenir Ivry aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Avenir Ivry.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'ordonnance attaquée encourt la censure ;
EN CE QU' elle a prononcé le transfert de propriété et l'envoi en possession au profit de la société SADEV 94 de la parcelle [...] appartenant à la société AVENIR IVRY ;
ALORS QU' il ne peut être porté atteinte au droit de propriété, à raison de l'utilité publique, que si l'atteinte répond à un besoin qui doit être satisfait dans un délai raisonnable ; que par suite, la notification de l'ordonnance d'expropriation, qui permet de purger les recours et d'exécuter l'envoi en possession au profit de l'expropriant, doit elle-même intervenir dans un délai raisonnable suivant la déclaration d'utilité publique ; qu'en l'espèce, l'ordonnance d'expropriation du 2 mars 2015 n'a été notifiée à la société IVRY AVENIR que par acte du 28 mars 2019, soit plus de quatre ans après son prononcé, et près de huit ans après la déclaration d'utilité publique du 11 juillet 2011 ; qu'au regard de l'écoulement de ce délai, l'ordonnance attaquée doit être annulée pour perte de fondement juridique au regard des articles L. 12-1, R. 12-1 à R. 12-4 du code de l'expropriation, de l'article 544 du code civil, de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'ordonnance attaquée encourt la censure ;
EN CE QU' elle a prononcé le transfert de propriété et l'envoi en possession au profit de la société SADEV 94 de la parcelle [...] appartenant à la société AVENIR IVRY ;
ALORS QUE le commissaire enquêteur est tenu de remettre son rapport dans le délai d'un mois suivant la clôture de l'enquête parcellaire ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée indique que l'enquête a été clôturée le 4 octobre 2011 et l'avis du commissaire enquêteur remis le 8 novembre 2011, au-delà du délai de trente jours prévu à cet effet (ordonnance, p. 2, antépénult. al.) ; qu'à cet égard, l'ordonnance attaquée, qui laisse apparaître l'existence d'un vice de forme au regard de l'article R. 11-25 ancien du code de l'expropriation, a été rendue en violation de l'article L. 12-1 ancien de ce code. | L'éventuel préjudice résultant de l'absence de notification de l'ordonnance du juge de l'expropriation dans un délai raisonnable n'est pas susceptible d'être réparé par l'annulation de la procédure |
337 | CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 644 FS-P+B+I
Pourvoi n° U 19-14.261
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
M. D... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-14.261 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la Métropole de Lyon, dont le siège est [...] , venant aux droits et obligations de la Communauté urbaine de Lyon (Grand Lyon)- collectivité à statut particulier, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. M..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la Métropole de Lyon, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 janvier 2019), le 21 mai 2012, M. M... a vendu un bien immobilier, sous diverses conditions suspensives.
2. Par arrêté du 12 novembre 2012, après réception d'une déclaration d'intention d'aliéner le 25 septembre 2012, le président de la communauté urbaine de Lyon a décidé d'exercer son droit de préemption urbain au prix de la promesse de vente. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par la juridiction administrative.
3. Par lettre recommandée du 14 mai 2013, la communauté urbaine de Lyon a informé M. M... que le prix de vente avait été consigné le 13 mai 2013.
4. M. M... a assigné la métropole de Lyon, venant aux droits de la communauté urbaine de Lyon, en rétrocession de son bien.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. M. M... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétrocession, alors :
« 1°/ que seule l'existence d'un obstacle au paiement de l'indemnité d'expropriation permet à l'expropriant de prendre possession du bien exproprié en consignant le montant de l'indemnité ; qu'en se bornant à affirmer que l'existence d'un recours en annulation formé devant la juridiction administrative par M. M... caractérisait une situation d'obstacle au paiement justifiant la consignation opérée par la collectivité publique, « en raison du risque avéré de non représentation » en cas d'annulation de la décision administrative d'exercice du droit de préemption urbain sur l'immeuble litigieux, sans s'expliquer concrètement sur le risque de non restitution qu'elle retenait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 13-65 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, devenu l'article R. 323-8 du même code ;
2°/ que les règles de computation des délais de procédure ne s'appliquent pas aux délais prévus pour l'accomplissement d'un acte ou d'une obligation de nature non contentieuse ; qu'en retenant que le délai de six mois imparti au titulaire du droit de préemption pour consigner le prix, prévu à l'article L. 213-4 alors applicable du code de l'urbanisme, devait être computé conformément aux dispositions de l'article 642 du code de procédure civile, pour en déduire que ce délai, qui expirait au cas particulier un dimanche, s'était trouvé prorogé au premier jour ouvrable suivant, la cour d'appel a violé les deux dispositions précitées ;
3°/ que le mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, c'est à dire si les circonstances l'autorisent à ne pas vérifier ces pouvoirs ; qu'en se bornant à affirmer que le titulaire du droit de préemption pouvait en l'espèce se considérer saisi par le mandataire de M. M..., sans rechercher concrètement si les circonstances du cas particulier autorisaient la collectivité expropriante à croire légitimement en l'existence d'un mandat donné au notaire à l'effet de souscrire la déclaration d'intention d'aliéner du 25 septembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984, 1985, 1988 et 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il existait un risque avéré de non-restitution du prix de vente en cas d'annulation de l'arrêté de préemption par la juridiction administrative, a caractérisé l'existence d'un obstacle au paiement justifiant la consignation du prix de vente, sans être tenue de procéder à une recherche sur le fondement d'une disposition qui ne trouve à s'appliquer que lorsque le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation.
8. D'autre part, les dispositions de l'article 642 du code de procédure civile s'appliquant lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, la cour d'appel a retenu à bon droit que le délai dont disposait le titulaire du droit de préemption pour régler ou consigner le prix de vente, expirant un dimanche, était prorogé au premier jour ouvrable suivant.
9. Enfin, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il n'existait aucun élément de nature à faire naître un doute sur la réalité et l'étendue du mandat détenu par le notaire ayant établi la déclaration d'intention d'aliéner, a procédé à la recherche prétendument omise relative à la légitimité de la croyance de la communauté urbaine de Lyon quant à l'étendue des pouvoirs du mandataire.
10. La cour d'appel a donc légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. M... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. M....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. D... M... de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la Métropole de Lyon, venue aux droits et obligations de la Communauté urbaine de Lyon,
Aux propres motifs que, sur la consignation du prix par la Métropole de Lyon : aux termes de l'article L 213-14 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable, « En cas d'acquisition d'un bien par voie de préemption, le prix du bien devra être réglé par le titulaire du droit de préemption dans les six mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d'expropriation, soit la date de l'acte ou du jugement d'adjudication. / En l'absence de paiement ou, s'il y a obstacle au paiement, de consignation de la somme due à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, le titulaire du droit de préemption est tenu, sur demande de l'ancien propriétaire, de lui rétrocéder le bien acquis par voie de préemption. » ; qu'aux termes de l'article 642 du code de procédure civile, il est stipulé [sic] que « le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. » ; que ce texte n'est que l'expression, en matière procédurale, d'une règle de portée générale applicable à tout délai ; qu'il s'applique lorsqu'un acte ou une formalité doivent être accomplis avant l'expiration d'un délai ; qu'en l'espèce, M. M... a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une requête en annulation de l'arrêté de préemption pour excès de pouvoir et irrégularité, qui caractérise un « obstacle au paiement » en raison du risque avéré de non représentation en cas d'annulation de l'arrêté ; que d'autre part, « la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur » au sens de l'article sus-mentionné est l'arrêté de préemption du 12 novembre 2012 ; que la consignation devait donc intervenir « dans les six mois qui suivent » soit avant le 12 mai 2013 à 24 heures ; qu'en l'espèce, le 12 mai 2013 tombant un dimanche, le délai s'est trouvé prorogé au premier jour ouvrable suivant, soit le 13 mai à 24 heures ; que la consignation ayant été faite le 13 mai 2013, elle n'est pas tardive ; que sur la régularité de la déclaration d'intention d'alién[er] : ainsi que l'a jugé la cour administrative de Lyon dans son arrêt du 27 septembre 2016, en l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute quant à la réalité et à l'étendue du mandat détenu par le notaire ayant renseigné signé et déposé la déclaration d'intention d'aliéner litigieuse, le titulaire du droit de préemption ne pouvait que considérer qu'il était saisi par le mandataire de M. M... et que le moyen selon lequel le notaire n'avait pas qualité à cet effet est mal fondé ; que le moyen n'est donc pas fondé ; que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions (arrêt attaqué, pp. 4 - 5),
Et aux motifs éventuellement adoptés qu'aux termes de l'article L 213-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige, en cas d'acquisition d'un bien par voie de préemption, le prix du bien devra être réglé par le titulaire du droit de préemption dans les six mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d'expropriation, soit la date de l'acte ou du jugement d'adjudication ; qu'en l'absence de paiement ou, s'il y a obstacle au paiement, de consignation de la somme due à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, le titulaire du droit de préemption est tenu, sur demande de l'ancien propriétaire, de lui rétrocéder le bien acquis par voie de préemption ; que les dispositions de l'article L 213-4 du code de l'urbanisme, relatives au droit de préemption urbain, prévoient que le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d'expropriation ; que selon les dispositions de l'article R 13-65 du code de l'expropriation, "Dans tous les cas d'obstacles au paiement, l'expropriant peut, sous réserve des articles R 13-67 et R 13-69 à R 13-73, prendre possession en consignant le montant de l'indemnité" ; que si l'article R 13-65 énumère onze cas d'obstacle au paiement justifiant la consignation par l'expropriant, la liste n'est pas exhaustive puisque le texte précise que constituent notamment des cas d'obstacle au paiement les onze situations qu'il énumère ; qu'il résulte en conséquence des dispositions précitées que dans l'hypothèse où il existe un obstacle au paiement du prix, notamment pour l'un des motifs visés par l'article R 13-65 du code de l'expropriation, le titulaire du droit de préemption doit consigner la somme due, dans le délai de six mois prévu pour le paiement, la consignation valant règlement du prix de vente du bien préempté ; qu'en l'espèce il résulte des éléments non contestés du dossier que Monsieur M... a exercé un recours en annulation à l'encontre de la décision de préemption, par requête enregistrée le 14 janvier 2013, et que la procédure est actuellement pendante devant la cour administrative d'appel de Lyon ; que nonobstant le fait que le recours ne présente pas de caractère suspensif, l'existence d'un recours en annulation caractérise en l'espèce une situation d'obstacle au paiement justifiant la consignation opérée par la collectivité ; que concernant en second lieu le motif tiré de la tardiveté de la consignation, le point de départ du délai de six mois court à compter de la date de la notification au vendeur de la décision de préemption ; qu'il ressort des pièces produites que la décision de préemption du 12 novembre 2012 a été notifiée le 13 novembre 2012, et que le récépissé attestant de la bonne réception des fonds a été délivré le 13 mai 2013 par la Caisse des dépôts ; que c'est donc à tort que Monsieur M... soutient que la consignation serait intervenue après l'expiration du délai de six mois prévu par l'article L 213-14 du code de l'urbanisme ; enfin et concernant le motif invoqué à titre infiniment subsidiaire par le requérant, et tiré de l'irrégularité de la DIA, en ce que le notaire n'était plus habilité à établir une telle déclaration à la date du 25 septembre 2012, le moyen est inopérant à l'égard de la collectivité publique, qui ne pouvait légitimement mettre en cause le mandat dont disposait le notaire, étant relevé en outre que le demandeur, qui invoque le comportement fautif de son mandataire, n'a engagé aucune action à son encontre ; qu'en conséquence il convient de rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur M... (jugement critiqué, pp. 3 - 4),
1°/ Alors, d'une part, que seule l'existence d'un obstacle au paiement de l'indemnité d'expropriation permet à l'expropriant de prendre possession du bien exproprié en consignant le montant de l'indemnité ; qu'en se bornant à affirmer que l'existence d'un recours en annulation formé devant la juridiction administrative par M. M... caractérisait une situation d'obstacle au paiement justifiant la consignation opérée par la collectivité publique, « en raison du risque avéré de non représentation » en cas d'annulation de la décision administrative d'exercice du droit de préemption urbain sur l'immeuble litigieux, sans s'expliquer concrètement sur le risque de non restitution qu'elle retenait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 13-65 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, devenu l'article R. 323-8 du même code ;
2°/ Alors, d'autre part et en tout état de cause, que les règles de computation des délais de procédure ne s'appliquent pas aux délais prévus pour l'accomplissement d'un acte ou d'une obligation de nature non contentieuse ; qu'en retenant que le délai de six mois imparti au titulaire du droit de préemption pour consigner le prix, prévu à l'article L. 213-4 alors applicable du code de l'urbanisme, devait être computé conformément aux dispositions de l'article 642 du code de procédure civile, pour en déduire que ce délai, qui expirait au cas particulier un dimanche, s'était trouvé prorogé au premier jour ouvrable suivant, la cour d'appel a violé les deux dispositions précitées ;
3°/ Alors, de plus, en toute hypothèse, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu entre les mêmes parties qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement ; qu'en se fondant sur la chose jugée par la cour administrative de Lyon dans son arrêt du 27 septembre 2016, dont l'objet portait sur la légalité de la décision d'exercice par la collectivité publique du droit de préemption urbain sur l'immeuble litigieux, pour retenir que le titulaire du droit de préemption pouvait en l'espèce se considérer saisi par le mandataire de M. M..., et écarter en conséquence le moyen des conclusions de M. M... tiré du défaut de qualité du notaire pour établir la déclaration d'intention d'aliéner en date du 25 septembre 2012, faute de mandat exprès en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 du même code ;
4°/ Alors, enfin, en tout état de cause, que le mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, c'est à dire si les circonstances l'autorisent à ne pas vérifier ces pouvoirs ; qu'en se bornant à affirmer que le titulaire du droit de préemption pouvait en l'espèce se considérer saisi par le mandataire de M. M..., sans rechercher concrètement si les circonstances du cas particulier autorisaient la collectivité expropriante à croire légitimement en l'existence d'un mandat donné au notaire à l'effet de souscrire la déclaration d'intention d'aliéner du 25 septembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984, 1985, 1988 et 1998 du code civil. | La constatation d'un risque avéré de non-restitution du prix de vente en cas d'annulation de l'arrêté de préemption par la juridiction administrative peut caractériser l'existence d'un obstacle au paiement justifiant la consignation du prix de vente |
338 | CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 645 FS-P+B+I
Pourvoi n° X 19-18.266
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Génie civil du bâtiment du Centre (GBC), société à responsabilité limitée, dont le siège est rue René Fontaine, ZI, 18400 Saint-Florent-sur-Cher, a formé le pourvoi n° X 19-18.266 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Ateliers bois & compagnie, société par actions simplifiée, dont le siège est route de Brottes, 52000 Chaumont, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Génie civil du bâtiment du Centre, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Ateliers bois & compagnie, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon,19 février 2019), la société Génie civil du bâtiment Centre (la société GBC), désignée gestionnaire du compte prorata des dépenses communes d'un chantier, réalisé sous la maîtrise d'ouvrage d'une communauté de communes, a obtenu une ordonnance d'injonction de payer contre la société Ateliers bois et compagnie, au titre de deux appels de fonds émis en application de la convention de gestion du compte prorata à laquelle celle-ci avait adhéré.
2. La société Ateliers bois et compagnie a formé opposition.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société GBC fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que, pour déclarer la société GBC irrecevable en sa demande, la cour d'appel a retenu qu'aux termes de convention de gestion du compte prorata, le gestionnaire du compte prorata établit les factures et reçoit paiement de leurs montants (article C.4), mais que les sommes dont un entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites (article 2) du solde (après réception) ou des acomptes (en cours de chantier) qui lui sont dus par le maître de l'ouvrage, et que n'ayant pas usé de la possibilité conventionnelle qu'elle avait de demander à ce dernier le versement de l'impayé, la société GBC n'est pas recevable pour agir en justice contre Ateliers bois aux mêmes fins ; qu'en statuant par ces motifs, tandis qu'il résulte de ses énonciations que le versement par le maître de l'ouvrage n'était qu'une possibilité conventionnelle pour le gestionnaire du compte prorata, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
5. Pour déclarer irrecevable la demande en paiement formée par la société GBC, l'arrêt retient qu'aux termes de la convention de compte prorata les sommes dont un entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites, après réception, du solde du marché ou, en cours de chantier, des acomptes qui lui sont dus par le maître de l'ouvrage et que, n'ayant pas usé de la possibilité conventionnelle de demander au maître de l'ouvrage le versement de l'impayé pour le compte de la société défaillante, le gestionnaire du compte prorata n'était pas recevable à agir en justice aux mêmes fins.
6. En statuant ainsi, alors que le gestionnaire du compte prorata, créancier de l'obligation à paiement souscrite par l'entreprise signataire de la convention, disposait, à défaut de clause contraire, de l'ensemble des droits attachés à sa créance et n'était pas tenu, en cours de chantier, de mettre en oeuvre la procédure facultative de délégation de paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Ateliers bois et compagnie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Génie civil du bâtiment du centre
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué
D'AVOIR déclaré la société GBC irrecevable en sa demande dirigée contre la société Ateliers bois et compagnie ;
AUX MOTIFS QUE les sociétés GBC et Ateliers bois ont été respectivement chargées des lots du gros-oeuvre et des charpentes dans le cadre d'un marché de construction d'un complexe aquatique et sportif pour la communauté de communes de la région de Sainte-Menehould (51) ; qu'en charge également de la gestion du compte prorata des dépenses d'intérêt commun pour les titulaires des lots de la construction, GBC a émis le 15 juillet 2014 une facture de 9 446,48 euros TTC à destination d'Ateliers bois ; qu'Ateliers bois fait valoir l'irrecevabilité de GBC à agir devant le tribunal de commerce ; qu'elle se prévaut de dispositions prévues à la convention de gestion du compte prorata, lesquelles sont considérées comme facultatives par l'intimée ; qu'aux termes de cette convention, le gestionnaire du compte prorata établit les factures et reçoit paiement de leurs montants (article C.4), mais les sommes dont un entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites (article 2) du solde (après réception) ou des acomptes (en cours de chantier) qui lui sont dus par le maître de l'ouvrage ; que n'ayant pas usé de la possibilité conventionnelle qu'elle avait de demander à ce dernier le versement de l'impayé, GBC n'est cependant nullement recevable pour agir en justice contre Ateliers bois aux mêmes fins ;
1°) ALORS QUE les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que, pour déclarer la société GBC irrecevable en sa demande, la cour d'appel a retenu qu'aux termes de convention de gestion du compte prorata, le gestionnaire du compte prorata établit les factures et reçoit paiement de leurs montants (article C.4), mais que les sommes dont un entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites (article 2) du solde (après réception) ou des acomptes (en cours de chantier) qui lui sont dus par le maître de l'ouvrage, et que n'ayant pas usé de la possibilité conventionnelle qu'elle avait de demander à ce dernier le versement de l'impayé, la société GBC n'est pas recevable pour agir en justice contre Ateliers bois aux mêmes fins ; qu'en statuant par ces motifs, tandis qu'il résulte de ses énonciations que le versement par le maître de l'ouvrage n'était qu'une possibilité conventionnelle pour le gestionnaire du compte prorata, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;
2°) ALORS QUE la novation ne se présume point, il faut que l'intention de nover résulte clairement de l'acte, et que la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation ; que, pour déclarer la société GBC irrecevable en sa demande, la cour d'appel a retenu qu'aux termes de convention de gestion du compte prorata, le gestionnaire du compte prorata établit les factures et reçoit paiement de leurs montants (article C.4), mais que les sommes dont un entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites (article 2) du solde (après réception) ou des acomptes (en cours de chantier) qui lui sont dus par le maître de l'ouvrage, et que n'ayant pas usé de la possibilité conventionnelle qu'elle avait de demander à ce dernier le versement de l'impayé, la société GBC n'est pas recevable pour agir en justice contre Ateliers bois aux mêmes fins ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société GBC aurait déchargé la société Atelier bois de ses obligations à son égard, la cour d'appel a violé les articles 1273 et 1275 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. | Le gestionnaire du compte prorata des dépenses communes d'un chantier, créancier de l'obligation à paiement souscrite par une entreprise signataire de la convention de compte prorata, dispose, à défaut de clause contraire, de l'ensemble des droits attachés à sa créance.
En conséquence, il est recevable à agir en justice, en cours de chantier, en paiement des sommes dues par un entrepreneur au titre du compte prorata, sans être tenu de mettre en oeuvre la procédure conventionnelle facultative de délégation de paiement |
339 | CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 646 FS-P+B+I
Pourvoi n° J 19-16.092
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
M. E... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 19-16.092 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B, expropriations), dans le litige l'opposant à la société Saint-Etienne métropole, dont le siège est communauté d'agglomération, 2 avenue Grüner, 42000 Saint-Étienne, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. T..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Saint-Etienne métropole, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Djikpa, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 février 2019), M. T... a interjeté appel du jugement d'une juridiction de l'expropriation du 7 juillet 2017 qui fixait le montant des indemnités lui revenant par suite de l'expropriation, au profit de la communauté urbaine de Saint-Étienne Métropole, d'un bien lui appartenant.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
2. M. T... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, que les parties peuvent adresser à la cour d'appel par voie électronique, non seulement la déclaration d'appel ou la constitution d'avocat, mais encore tout courrier électronique ; que de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, il se déduit que les conclusions peuvent être adressées à la cour par courrier ; qu'en retenant que l'appelant ne pourrait adresser à la cour ses conclusions d'appel par courrier électronique, selon les formes prévues par l'arrêté susvisé, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles R. 311-26 et R. 311-29 du code de l'expropriation, les articles 748-1 et 748-6 du code de procédure civile et l'arrêté du 5 mai 2010 ;
2°/ que l'envoi au greffe des conclusions d'appel par courrier électronique, quand cette forme n'est pas autorisée, ne constitue qu'une irrégularité de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte qu'à charge pour l'adversaire de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en se bornant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, à relever que les conclusions de l'appelant avaient été irrégulièrement adressées par voie électronique sans rechercher si l'irrégularité avait causé un grief à la métropole Saint-Etienne Métropole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 du code de procédure civile et R. 311-26 du code de l'expropriation ;
3°/ que le droit d'accès au juge peut être limité à la seule condition que les mesures mises en oeuvre poursuivent un but légitime et soient proportionnées au but visé ; que M. T... faisait valoir que la transmission de tout acte de procédure par courrier électronique et par l'intermédiaire du réseau e-barreau, dit RPVA, présente des garanties de sécurité rigoureusement identiques, dans les procédures sans représentation obligatoire, à celles qui s'attachent à la communication, selon le même procédé des conclusions dans les procédures à représentation obligatoire, de sorte qu'il n'existait aucune justification plausible à une interdiction de la transmission des actes par ce moyen dans les seules procédures sans représentation obligatoire ; qu'en se bornant à constater que l'autorité réglementaire pouvait restreindre les possibilités de communication électronique dans un but de sécurisation sans préciser en quoi il aurait été nécessaire ou légitime, dans les procédures sans représentation obligatoire, de proscrire la communication des conclusions par le réseau RPVA tout en autorisant du reste la communication de la déclaration d'appel par ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4°/ que la métropole Saint-Etienne métropole ne soutenait nullement que l'envoi des seules conclusions non accompagnées des pièces pourrait avoir des conséquences sur la recevabilité des conclusions ou l'éventuelle caducité de la déclaration d'appel ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans mettre les parties en mesure d'en débattre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Si aucune disposition du code de l'expropriation n'exclut, devant la cour d'appel, la faculté pour les parties d'effectuer par voie électronique l'envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l'article 748-1 du code de procédure civile, cette faculté est subordonnée, en application de l'article 748-6 du même code, à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges, et permettant la date certaine des transmissions.
4. Les dispositions liminaires, claires et intelligibles, de l'article 1er de l'arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, ne fixent une telle garantie que pour l'envoi par un auxiliaire de justice de la déclaration d'appel, de l'acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l'exclusion des écritures des parties.
5. Cette restriction est conforme aux exigences du procès équitable dès lors que, répondant à l'objectif de sécurisation de l'usage de la communication électronique, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe les mémoires prévus par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans les conditions fixées par ce texte.
6. M. T... a interjeté appel le 24 juillet 2017. Il a notifié ses conclusions le 18 octobre 2017 par voie électronique. Il a adressé ses conclusions et ses pièces par courrier déposé au greffe le 7 février 2018.
7. La cour d'appel a exactement retenu qu'elle n'avait pas pu être saisie des conclusions adressées par voie électronique et que les conclusions et les pièces adressés par courrier déposé au greffe le 7 février 2018 étaient tardives.
8. Elle a prononcé, à bon droit, la caducité de la déclaration d'appel.
9. Le motif critiqué relatif à l'envoi par voie électronique des seules conclusions non accompagnées des pièces est surabondant.
10. La caducité étant encourue, non pas au titre d'un vice de forme de la déclaration d'appel, mais en application de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique imposant un délai pour déposer ou adresser au greffe les conclusions et pièces, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si cette irrégularité avait causé un grief à l'intimé.
11. Elle a donc légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. T... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. T...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la caducité de la déclaration d'appel,
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article R.321-26 du code de l'expropriation, à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, l'appel ayant été régularisé le 24 juillet 2017, l'appelant devait adresser ou déposer son mémoire au greffe au plus tard le 24 octobre 2017 ; que M. T... fait valoir qu'il a valablement notifié ses conclusions le 18 octobre 2017 par voie électronique, les dispositions de l'article R.311-29 du code de l'expropriation renvoyant aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile de sorte que l'article 930-1 du code de procédure civile sur la communication des actes de procédure par voie électronique est applicable ; que l'article R.311-29 du code de l'expropriation énonce que "sous réserve des dispositions de la présente section et des articles R.311-19, R.311-22 et R.312-2 applicables à la procédure d'appel, la procédure devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile" ; que cette disposition n'est pas issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, n'étant que la reprise des articles anciennement codifiés sous les numéros R. 13-53 et R. 16-3 ; que s'agissant de la procédure d'expropriation, contrairement à ce que soutient M. T..., le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 n'a apporté aucune modification autre que le délai des intimés pour conclure porté à trois mois au lieu de deux antérieurement ; que cependant, l'article R.311-26, qui prévoit une remise ou un envoi des mémoires au greffe, ne prohibe pas spécialement la communication électronique ; qu'en outre, l'article 748-3 alinéa 3 du code de procédure civile dispose qu'en cas de transmission par voie électronique, il n'est pas fait application des dispositions du présent code prévoyant la transmission en plusieurs exemplaires et la restitution matérielle des actes et pièces remis ou notifiés de sorte que les exigences de l'article R.311-26 n'apparaissent pas incompatibles avec la communication par voie électronique ; que la faculté pour les parties d'effectuer par voie électronique l'envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l'article 748-1 du code de procédure civile, est toutefois subordonnée, en application de l'article 748-6 du même code, à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et la date certaine des transmissions ; que les dispositions liminaires, claires et intelligibles de l'article ler de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel ne fixent de telles garanties que pour l'envoi par un auxiliaire de justice de la déclaration d'appel, de l'acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l'exclusion des écritures des parties ; que la restriction de l'usage de la communication électronique qui en découle est conforme aux exigences du procès équitable dès lors que, répondant à l'objectif de sécurisation de l'usage de la communication électronique, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe les mémoires prévus par l'article R 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans les conditions fixées par ce texte ; qu'en outre l'envoi par voie électronique des seules conclusions non accompagnées des pièces ne répond pas aux exigences de l'article R.321-26 du code de l'expropriation ; qu'il en résulte que la cour d'appel n'a pu être saisie par les conclusions adressées par voie électronique et que les conclusions et les pièces adressés par courrier déposé au greffe le 7 février 2018 sont tardifs ; que la caducité édictée par la disposition susvisée doit être prononcée ;
1° - ALORS QU'il résulte de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, que les parties peuvent adresser à la cour d'appel par voie électronique, non seulement la déclaration d'appel ou la constitution d'avocat, mais encore tout courrier électronique ; que de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, il se déduit que les conclusions peuvent être adressées à la cour par courrier ; qu'en retenant que l'appelant ne pourrait adresser à la cour ses conclusions d'appel par courrier électronique, selon les formes prévues par l'arrêté susvisé, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles R. 311-26 et R. 311-29 du code de l'expropriation, les articles 748-1 et 748-6 du code de procédure civile et l'arrêté du 5 mai 2010 ;
2° - ALORS subsidiairement QUE l'envoi au greffe des conclusions d'appel par courrier électronique, quand cette forme n'est pas autorisée, ne constitue qu'une irrégularité de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte qu'à charge pour l'adversaire de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en se bornant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, à relever que les conclusions de l'appelant avaient été irrégulièrement adressées par voie électronique sans rechercher si l'irrégularité avait causé un grief à la métropole Saint-Etienne Métropole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 du code de procédure civile et R. 311-26 du code de l'expropriation ;
3° - ALORS, subsidiairement encore, QUE le droit d'accès au juge peut être limité à la seule condition que les mesures mises en oeuvre poursuivent un but légitime et soient proportionnées au but visé ; que M. T... faisait valoir que la transmission de tout acte de procédure par courrier électronique et par l'intermédiaire du réseau e-barreau, dit RPVA, présente dés garanties de sécurité rigoureusement identiques, dans les procédures sans représentation obligatoire, à celles qui s'attachent à la communication, selon le même procédé des conclusions dans les procédures à représentation obligatoire, de sorte qu'il n'existait aucune justification plausible à une interdiction de la transmission des actes par ce moyen dans les seules procédures sans représentation obligatoire ; qu'en se bornant à constater que l'autorité réglementaire pouvait restreindre les possibilités de communication électronique dans un but de sécurisation sans préciser en quoi il aurait été nécessaire ou légitime, dans les procédures sans représentation obligatoire, de proscrire la communication des conclusions par le réseau RPVA tout en autorisant du reste la communication de la déclaration d'appel par ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4° - ALORS QUE la métropole Saint-Etienne métropole ne soutenait nullement que l'envoi des seules conclusions non accompagnées des pièces pourrait avoir des conséquences sur la recevabilité des conclusions ou l'éventuelle caducité de la déclaration d'appel ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans mettre les parties en mesure d'en débattre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. | En matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, les conclusions des parties ne peuvent pas être valablement adressées au greffe de la cour d'appel par la voie électronique.
En conséquence, une cour d'appel, qui prononce la caducité de la déclaration d'appel après avoir retenu que les conclusions et les pièces n'ont pas été déposées au greffe dans le délai imparti par la loi, n'a pas à rechercher si cette irrégularité a causé un grief à l'intimé |
340 | CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 651 FS-P+B+I
Pourvoi n° W 19-18.104
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
Mme S... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-18.104 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant à Mme G... K..., veuve O..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme D..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme K..., et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 avril 2019), par acte du 15 février 2006, Mme K..., veuve O... a vendu un immeuble à Mme D....
2. Se plaignant de désordres découverts lors de travaux de rénovation, Mme D... a assigné Mme K... sur le fondement de la garantie des vices cachés.
3. La péremption de l'instance a été constatée.
4. Mme D... a assigné Mme K... en réparation du préjudice résultant du coût de travaux et du préjudice de jouissance, sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour réticence dolosive.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche
Énoncé du moyen
6. Mme D... fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol, alors « que l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé que Mme D... était mal fondée en droit à rechercher la responsabilité délictuelle de Mme K... fondée sur le dol de cette dernière, au titre des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires dont la réparation ne peut être sollicitée qu'au titre de l'action en garantie des vices cachés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1382 anciens, les articles 1137 et 1240 du code civil et 1641 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1382, devenu 1240, et 1641 du code civil :
7. Selon le premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
8. Selon le second, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
9. L'action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat.
10. Pour rejeter les demandes de Mme D..., l'arrêt retient que l'action en garantie des vices cachés constitue l'unique fondement susceptible d'être invoqué pour obtenir l'indemnisation des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires, qu'outre le fait que les liens contractuels existant entre Mme K... et Mme D... excluent que la responsabilité délictuelle de la première puisse être recherchée à raison d'une faute qui n'est pas extérieure au contrat puisqu'il lui est fait reproche d'avoir tu des désordres affectant l'immeuble vendu, l'acquéreur ne peut exercer une action en responsabilité pour contourner l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'exercer l'action en garantie des vices cachés, prescrite en raison de l'application du délai de deux ans de l'article 1648 du code civil.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme K... et la condamne à payer à Mme D... la somme de 3 000 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme D....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme S... D... de son action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol à l'encontre de Mme K... et de l'AVOIR condamnée à payer à cette dernière la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE Mme S... D... expose que la maison qu'elle a acquise est affectée de graves désordres touchant à l'installation électrique, au mur au niveau de la cheminée, à la charpente, à la dalle en béton du séjour et à l'humidité dans la pièce située en rez de jardin, désordres ayant leur origine dans des vices constructifs et d'une ampleur telle qu'elle n'aurait pas acquis si elles les avait connus ; qu'elle réclame la condamnation de Mme K... veuve O... à lui verser une somme de 255 000 euros dont elle indique qu'elle correspond au coût des travaux nécessaires, outre une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice de jouissance en résultant ;
que Mme D... fonde ses demandes contre Mme K... veuve O..., sa venderesse, sur la responsabilité délictuelle à raison, dit-elle, d'une faute dans son devoir d'information précontractuelle avant la conclusion du contrat de vente ; qu'elle indique ne pas se fonder sur la garantie des vices cachés et affirme que l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action pour dol ni de l'action en responsabilité délictuelle, ainsi que cela résulte, selon elle, d'une jurisprudence abondante ;
mais qu'il est au contraire de jurisprudence constante que l'action en garantie des vices cachés constitue l'unique fondement susceptible d'être invoqué pour obtenir l'indemnisation des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires ; qu'outre le fait que les liens contractuels existant entre Mme K... veuve O..., venderesse, et Mme D..., acquéreur, excluent que la responsabilité délictuelle de la première puisse être recherchée à raison d'une faute qui n'est pas extérieure au contrat puisqu'il lui est fait reproche d'avoir tu des désordres affectant l‘immeuble vendu, il doit être retenu que l'acquéreur ne peut exercer une action en responsabilité pour contourner l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'exercer l'action en garantie des vices cachés, prescrite en raison de l'application du délai de deux ans de l'article 1648 du code civil ;
qu'il convient en conséquence de débouter Mme D... de sa demande en paiement de dommages-intérêt fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen non invoqué par les parties tiré de ce que l'action en garantie des vices cachés exclurait l'action en responsabilité précontractuelle et donc délictuelle fondée sur le dol pour obtenir l'indemnisation de désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires, sans provoquer au préalable les explications contradictoires des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ; qu'à l'appui de sa décision, la Cour d'appel a estimé que Mme D... était mal fondée en droit à rechercher la responsabilité délictuelle de Mme K... fondée sur le dol de cette dernière, au titre des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires dont la réparation ne peut être sollicitée qu'au titre de l'action en garantie des vices cachés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1382 anciens, les articles 1137 et 1240 du code civil et 1641 du même code. | L'action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat |
341 | CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 652 FS-P+B+I
Pourvoi n° G 19-15.907
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
Mme C... A... épouse O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-15.907 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2019 par la cour d'appel de Montpellier (chambre de l expropriation), dans le litige l'opposant à la commune de Prades, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de Ville, Château Pams, route de Ria, 66500 Prades, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme O..., de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la commune de Prades, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Montpellier, 8 mars 2019) fixe le montant des indemnités revenant à Mme O... au titre de l'expropriation, au profit de la commune de Prades, de parcelles lui appartenant.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Mme O... fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité de dépossession, alors « que le commissaire du gouvernement doit, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, déposer ou adresser au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation, dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en fixant le montant des indemnités revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...], au vue des conclusions déposées par le commissaire du gouvernement le 24 juillet 2018, après avoir constaté que la commune de Prades, appelante, lui avait notifié son mémoire le 19 mars 2018, sans rechercher au besoin d'office si les conclusions du commissaire du gouvernement avaient été déposées dans les trois mois de la notification du mémoire de l'appelante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel a constaté que les conclusions de Mme O..., intimée à l'appel principal, qui sollicitait l'infirmation partielle du jugement, avaient été notifiées le 11 juin 2018 au commissaire du gouvernement, lequel avait déposé au greffe ses conclusions le 24 juillet 2018.
4. Ayant ainsi relevé que les conclusions du commissaire du gouvernement avaient été déposées moins de trois mois après qu'il eut reçu notification des conclusions d'appel incident de l'expropriée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Mme O... fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité de remploi, alors :
« 1°/ que lorsque sont expropriées plusieurs parcelles appartenant au même propriétaire, l'indemnité de remploi ne peut être calculée à partir du montant global de l'indemnité principale qu'à la condition qu'elles forment une unité foncière malgré leur division parcellaire ; qu'en jugeant, pour fixer le montant de l'indemnité de remploi revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...] à la somme de 9 324 euros, que « l'indemnité de remploi s'applique globalement à l'ensemble de l'indemnité principale et non à chaque indemnité, parcelle par parcelle », la cour d'appel a violé l'article R. 322-2 du code de l'expropriation, ensemble l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme ;
2°/ que, en toute hypothèse, lorsque sont expropriées plusieurs parcelles appartenant au même propriétaire, l'indemnité de remploi ne peut être calculée à partir du montant global de l'indemnité principale que s'il est établi que l'exproprié pourrait, pour remédier aux effets de l'expropriation, acquérir une seule unité foncière ; qu'en jugeant, pour fixer le montant de l'indemnité de remploi revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...] à la somme de 9 324 euros, que « l'indemnité de remploi s'applique globalement à l'ensemble de l'indemnité principale et non à chaque indemnité, parcelle par parcelle », sans établir que Mme O... pourrait acquérir une unité foncière unique pour remédier aux effets de l'expropriation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-2 du code de l'expropriation, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a fixé le montant de l'indemnité de remploi à la somme de 9 234 euros, dont elle a souverainement retenu qu'elle tenait compte des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme O....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé l'indemnité due à Mme O... du fait de l'expropriation des parcelles cadastrées sur la commune de Prades, section [...] d'une superficie de 3437 m², et section [...] d'une superficie de 7025 m² à la somme de 92 558 euros ;
AUX MOTIFS QUE Sur la date de référence ; que la date de référence sera, en application des dispositions de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation, fixée au 1er juillet 2014 soit un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, qui a débuté le 1 er juillet 2015, le jugement sera confirmé de ce chef ; qu'à la date de référence les parcelles étaient classées en zone A du PLU de Prades ; Sur la qualification juridique et la consistance des parcelles ; qu'il n'est pas contesté par les parties qu'à la date de référence les parcelles ne pouvaient recevoir la qualification de terrain à bâtir, elles seront donc évaluées en fonction de leur usage effectif conformément à l'article L. 322-2 précité ; que la parcelle section [...] d'une contenance de 3437 m² est en nature de friche et sert d'assise dans une de ses extrémités à un hangar d'environ 90 m² au sol ; que la parcelle cadastrée section [...] d'une contenance de 7025 m² est quasi rectangulaire, en nature de friche ; qu'elles sont toutes deux pour partie bordées par la route départementale 35 (RD 35) et la route nationale 116 (RN 116), et à proximité de la zone commerciale ; que, s'il est exact que les deux parcelles se situent dans un secteur de nuisances sonores, la proximité avec les réseaux et la zone commerciale permettent de dire qu'elles bénéficient d'une situation privilégiée ; Sur l'évaluation des parcelles ; que le commissaire du gouvernement a produit comme élément de comparaison : - la vente du 14 avril 2015 de deux terrains nus, cadastrés section [...] et [...] , de 2607 m² et 7825 m², sis [...] , en zone A du PLU et pour une partie en zone Nrf, au prix de 0,96 €/m² - la vente intervenue le 11 avril 2014 de 11365 m² de terrains à viabiliser en zone de 2AU, section [...] et [...], au prix de 21,73 €/m² ; que la Commune de Prades produit aux débats : - l'acquisition du 19 décembre 2016 de la parcelle cadastrée section [...] de 1214 m², située dans le périmètre du projet au prix de 6 €/m², - l'acte du 31 août 2017 concernant la cession de la parcelle [...] de 1006 m², située dans le périmètre du projet au prix de 7€/m², - l'acte du 21 septembre 2017 concernant la cession de la parcelle [...] de 590 m², située dans le périmètre du projet, au prix de 7 €/m²,- l'acceptation de l'offre concernant les parcelles [...] [...] et [...], d'une contenance de 1242 et 2052 m², au prix de 6 €/m², - l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 21 février 2012 fixant la valeur de la parcelle cadastrée section [...] , classé en zone A au prix de 5 €/m², - l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du septembre 2012 fixant la valeur de la parcelle cadastrée section [...] , classé en zone A au prix de 5 €/m², - l'acquisition par l'État les 19 décembre 2014 et 30 janvier 2015 de la parcelle cadastrée section [...] de 385 m², et [...] de 288 m², en zone agricole, au prix de 7 €/m² ; que, contrairement à ce qu'affirme Mme A... dans ses conclusions, la décision de la cour d'appel du 18 septembre 2012 concernant la parcelle cadastrée section [...] , qui a retenu un prix au mètre carré de 5 €, n'a pas motivé sa décision sur le fait que la parcelle subissait une contrainte urbanistique et une absence de justification de la proximité des réseaux, ces arguments ayant été pris en cause pour refuser la qualification de terrain à bâtir, mais au contraire a reconnu que la parcelle bénéficiait d'une situation privilégiée facteur de plus-value compte tenu de la proximité du secteur habité et d'une zone d'activités économiques et de la présence d'équipements publics pour sa desserte ; qu'en outre contrairement à ce qu'affirme Mme A... dans ses conclusions l'extrait du procès-verbal du conseil municipal du novembre 2013 ne démontre pas que les contraintes urbanistiques étaient levées avant la date de référence ; que cette décision est donc un élément de comparaison pertinent ; que les cessions amiables intervenues en 2016 et 2017 et concernant des parcelles similaires, sont de même des éléments de comparaison pertinents ; que les cessions intervenues le 22 février 1988 et le 7 janvier 1994, bien trop éloignées de la date de référence ne peuvent en aucun cas être prises en compte, tout comme l'acquisition intervenue le 3 juillet 2007, dès lors que des éléments de comparaison beaucoup plus récents sont produits aux débats ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments une indemnisation calculée sur la base de 7 €/m², correspondant à une valeur des biens supérieure au prix des terres agricoles pures, tout en restant inférieur au prix d'acquisition des terrains à urbaniser, et tient compte de la situation privilégiée des deux terrains, elle sera donc retenue ; que l'indemnité principale sera donc égale à la somme suivante : - pour la parcelle [...] : 3437 x 7 = 24 059 €, - pour le hangar, accord des parties à 10 000 €, - pour la parcelle [...] : 7025 x 7 = [...] , - Total : 83 234 € ; Sur l'indemnité de remploi ; que l'indemnité de remploi s'applique globalement à l'ensemble de l'indemnité principale et non pas à chaque indemnité, parcelle par parcelle ; que l'indemnité de remploi sera donc égale à la somme suivante : - 5000 € x 20% = 1000 €, - 10 000 € x 15 % = 1500 €, - 6 8234 € x 10 % = 6 823,40 €, - Total arrondi = 9 324 € ;
1°) ALORS QUE le commissaire du Gouvernement doit, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, déposer ou adresser au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation, dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en fixant le montant des indemnités revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...], au vue des conclusions déposées par le Commissaire du gouvernement le 24 juillet 2018, après avoir constaté que la commune de Prades, appelante, lui avait notifié son mémoire le 19 mars 2018 (arrêt, p. 3), sans rechercher au besoin d'office si les conclusions du commissaire du Gouvernement avaient été déposées dans les trois mois de la notification du mémoire de l'appelante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, les indemnités allouées à l'exproprié, qui doivent couvrir l'intégralité de son préjudice, tiennent compte de la desserte du terrain par les réseaux publics d'électricité, d'eau potable et d'assainissement qui lui confère une situation privilégiée ; qu'en se bornant à retenir, pour fixer le montant des indemnités revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] [...] et [...], qu'elles bénéficiaient d'une situation privilégiée en raison de leur proximité avec deux routes et une zone commerciale (arrêt, p. 5, al. 9 et 10), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si leur situation privilégiée ne résultait pas, en outre, de leur desserte par les réseaux publics d'électricité, d'eau potable et d'assainissement (conclusions de Mme O..., p. 9), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-3 du code de l'expropriation, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme .
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé l'indemnité de remploi due à Mme O... du fait de l'expropriation des parcelles cadastrées sur la commune de Prades, section [...] d'une superficie de 3437 m², et section [...] d'une superficie de 7025 m² à la somme de 9 324 euros ;
AUX MOTIFS QUE Sur l'indemnité de remploi ; que l'indemnité de remploi s'applique globalement à l'ensemble de l'indemnité principale et non pas à chaque indemnité, parcelle par parcelle ; que l'indemnité de remploi sera donc égale à la somme suivante : - 5000 € x 20% = 1000€, - 10 000€ x 15 % = 1500€, - 6 8234€ x 10 % = 6 823,40€, - Total arrondi = 9 324€ ;
1°) ALORS QUE lorsque sont expropriées plusieurs parcelles appartenant au même propriétaire, l'indemnité de remploi ne peut être calculée à partir du montant global de l'indemnité principale qu'à la condition qu'elles forment une unité foncière malgré leur division parcellaire ; qu'en jugeant, pour fixer le montant de l'indemnité de remploi revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...] à la somme de 9 324 euros, que « l'indemnité de remploi s'applique globalement à l'ensemble de l'indemnité principale et non à chaque indemnité, parcelle par parcelle » (arrêt, p. 6), la cour d'appel a violé l'article R. 322-2 du code de l'expropriation, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, lorsque sont expropriées plusieurs parcelles appartenant au même propriétaire, l'indemnité de remploi ne peut être calculée à partir du montant global de l'indemnité principale que s'il est établi que l'exproprié pourrait, pour remédier aux effets de l'expropriation, acquérir une seule unité foncière ; qu'en jugeant, pour fixer le montant de l'indemnité de remploi revenant à Mme O... à la suite de son expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...] à la somme de 9 324 euros, que « l'indemnité de remploi s'applique globalement à l'ensemble de l'indemnité principale et non à chaque indemnité, parcelle par parcelle » (arrêt, p. 6), sans établir que Mme O... pourrait acquérir une unité foncière unique pour remédier aux effets de l'expropriation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-2 du code de l'expropriation, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme. | Sont recevables les conclusions du commissaire du gouvernement déposées ou adressées au greffe de la cour d'appel moins de trois mois après qu'il a reçu notification des conclusions d'appel incident |
342 | CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 653 FS-P+B+I
Pourvoi n° S 19-18.031
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
L'établissement public Bordeaux métropole, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-18.031 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Etablissements A. Gré et Cie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'établissement public Bordeaux métropole, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Etablissements A. Gré et Cie, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 avril 2019), par acte authentique des 27 et 29 novembre 2012, la société Etablissements A. Gré et Cie a vendu à la communauté urbaine de Bordeaux trois parcelles nécessaires à la réalisation de travaux d'extension d'une ligne de tramway, qui avaient été préalablement déclarés d'utilité publique.
2. Se plaignant d'une pollution du sol d'origine industrielle, la communauté urbaine de Bordeaux a, après expertise, assigné la société Etablissements A. Gré et Cie en indemnisation de son préjudice, sur le fondement des articles 1116, 1603, 1641 du code civil et L. 125-7 et L. 514-20 du code de l'environnement.
3. L'établissement public Bordeaux métropole est venu aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'établissement public Bordeaux métropole fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement, alors « que, si une cession amiable intervenue après la déclaration d'utilité publique produit les mêmes effets que l'ordonnance d'expropriation et éteint les droits réels et personnels existant sur l'immeuble concerné, elle n'en reste pas moins un contrat de vente de droit privé qui peut être annulé, rescindé ou résolu dans les conditions de droit commun ; qu'en relevant, pour rejeter les demandes en paiement formées par l'établissement Bordeaux Métropole sur le fondement de la garantie des vices cachés, de la non-conformité et de la violation par la société Etablissements A. Gré et Cie de son obligation d'information que la cession étant intervenue après la déclaration d'utilité publique, les règles relatives au contrat de vente ne s'appliquaient pas, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 220-2, L. 222-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et par refus d'application, les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 1582, 1604, 1641 du code civil et L. 512-40 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
6. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
7. Si la cession amiable consentie après déclaration d'utilité publique produit, en application de l'article L. 222-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, des effets identiques à ceux de l'ordonnance d'expropriation et éteint, par elle-même et à sa date, tout droit réel ou personnel existant sur les biens cédés, elle demeure néanmoins un contrat de droit privé (3e Civ., 26 octobre 1971, pourvoi n° 70-10.962, Bull. III, n° 513).
8. Pour rejeter la demande en paiement de l'établissement Bordeaux métropole, l'arrêt retient que la cession amiable après déclaration d'utilité publique produit les mêmes effets que l'ordonnance d'expropriation et que, dès lors, les règles relatives à la vente ne s'appliquant pas, l'établissement Bordeaux métropole ne peut invoquer, au soutien de ses prétentions indemnitaires, la garantie des vices cachés ou les obligations d'information, de délivrance conforme et celles tirées de l'article L. 514-20 du code de l'environnement.
9. En statuant ainsi, alors que la cession consentie après une déclaration d'utilité publique par la société Etablissements A. Gré et Cie était un contrat de vente de droit privé, susceptible d'ouvrir droit à une action fondée sur la garantie des vices cachés ou sur la violation des obligations légales pesant sur le vendeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société Etablissements A. Gré et Cie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la l'établissement public Bordeaux métropole.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'Etablissement public Bordeaux Métropole à l'encontre de la société Etablissements à Gré et Cie ;
AUX MOTIFS QUE « sur les vices cachés et les violations des obligations d'information, de délivrance conforme et de l'article L. 512-40 du code de l'environnement, l'article L. 514-20 du code de l'environnement énonce que lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; qu'il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation ; qu'à défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; qu'il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ; que ce texte ne s'applique cependant pas aux installations soumises à déclaration (arrêt de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation du 16 juin 2009) ; que l'ampleur de la pollution constitue un vice caché, au sens de l'article 1641 du code civil, rendant l'immeuble impropre à sa destination dès lors que toute construction reste risquée pour la santé ou la sécurité tant des participants au chantier que des futurs utilisateurs (arrêt de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation du 6 juin 2006) ; que l'acte notarié des 27 et 29 novembre 2012 utilise régulièrement le terme de vendeur et évoque le paiement du prix des parcelles cédées ; que cependant, comme l'a justement souligné la décision entreprise, l'acquisition des parcelles litigieuses résulte d'une volonté administrative d'expropriation afin de permettre la construction d'une ligne de tramway ; que ce souhait s'est notamment concrétisé par l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2010 déclarant les travaux d'utilité publique, le dépôt de l'enquête parcellaire au mois de décembre 2011 et la promulgation de l'arrêté du 11 juin 2012 donnant délégation au président de la CUB pour l'acquisition des droits immobiliers nécessaires à son édification ; que si la parcelle ayant supporté la maison de gardien, impactée par la pollution décrite ci-dessus, n'a effectivement pas été initialement concernée par la déclaration d'utilité publique précitée, son intégration a postériori dans l'acte des 27/29 novembre 2012 démontre qu'elle fait pleinement partie de l'opération d'expropriation concernant l'ensemble des propriétés concernées ; qu'à la suite de la délivrance de ces actes administratifs, la CUB a versé à la SARL A. Gré deux indemnités complémentaires, la première d'un montant de 137.500 € correspondant à la prise en charge financière du rescindement de l'entrepôt et de la démolition des constructions impactées par l'emprise (arrêté du 11 juin 2012), la seconde de 22.132,31 € correspondant à la prise en charge par la propriétaire des travaux de modification de l'installation électrique à l'intérieur du site (arrêté du12 octobre 2012) ; que le versement d'indemnités de remploi consiste à indemniser le vendeur d'un préjudice est un mécanisme juridique prévu en matière d'expropriation et non de vente au sens des articles 1582 et suivants du code civil ; qu'il a pour objet de dédommager le propriétaire qui n'avait pas manifesté la volonté de vendre les propriétés concernées ; qu'il convient dès lors d'observer que la promesse unilatérale de cession du 4 juin 2012 ainsi que l'acte authentique comprend expressément une indemnité de remploi qui est calculée sur l'indemnité d'expropriation ; que la page 17 de l'acte notarié susvisé fait expressément référence à la déclaration d'utilité publique alors qu'aucune clause générale relative à la garantie des vices cachés n'y figure ; que certes, le juge de l'expropriation n'est pas intervenu pour fixer le montant de l'indemnité d'expropriation ; que le recours au juge est cependant facultatif dans la mesure où la procédure d'expropriation prévoit spécifiquement une possibilité d'accord amiable entre les parties concernées et que cette procédure ne serait menée à son terme « qu'en cas de désaccord profond » comme le précisent les services communautaires dans leur réponse à leur correspondance du maire du de la commune de Bègles ; que les cessions amiables consenties après déclaration d'utilité publique et les mesures d'expropriation menées jusqu'à leur terme produisent les mêmes effets sur le plan juridique, en l'occurrence l'extinction de tout droit réel ou personnel existant sur les immeubles concernés ; que le prix d'acquisition versé à la SARL A. Gré correspond en réalité à l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de la dépossession ; que l'appelante ne peut ignorer avoir agi en vertu de la procédure d'expropriation dans la mesure où elle vise elle-même l'ancien R. 11-22 du code de l'expropriation et l'enquête parcellaire dans son courrier du 31 octobre 2011 adressé à la gérante de la SARL A. Gré ; que cette correspondance, qui notifie la DUP à son destinataire, utilise également le terme d'expropriant ; que les considérations de l'établissement Bordeaux Métropole relatives au coût supérieur du montant de l'acquisition des parcelles litigieuses à l'estimation réalisée par France Domaine sont sans incidence sur les éléments relevés ci-dessus, ce dernier organisme admettant lui-même que l'écart du prix, qualifié d'acceptable, n'est pas significatif ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la cession amiable est intervenue après la déclaration d'utilité publique ; que le contrat conclu entre les deux parties est de droit commun qui produit toutefois les mêmes effets que l'ordonnance d'expropriation ; que dès lors, en l'absence d'application des règles relatives à la vente, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le l'établissement Bordeaux Métropole ne pouvait invoquer l'application des textes susvisés ainsi qu'un manquement aux obligations d'information et de délivrance conforme au soutien de ses prétentions indemnitaires ; que le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs » (arrêt pp. 8 et 9) ;
ALORS QUE, premièrement, si une cession amiable intervenue après la déclaration d'utilité publique produit les mêmes effets que l'ordonnance d'expropriation et éteint les droits réels et personnels existant sur l'immeuble concerné, elle n'en reste pas moins un contrat de vente de droit privé qui peut être annulé, rescindé ou résolu dans les conditions de droit commun ; qu'en relevant, pour rejeter les demandes en paiement formées par l'établissement Bordeaux Métropole sur le fondement de la garantie des vices cachés, de la non-conformité et de la violation par la société Etablissements à Gré et Cie de son obligation d'information que la cession étant intervenue après la déclaration d'utilité publique, les règles relatives au contrat de vente ne s'appliquaient pas, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 220-2, L. 222-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et par refus d'application, les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 1582, 1604, 1641 du code civil et L. 512-40 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige ;
ALORS QUE, deuxièmement, il ne peut y avoir de transfert de propriété dans le cadre d'une procédure d'expropriation que si l'immeuble en cause, à la suite de la phase administrative, a fait l'objet d'un arrêté de cessibilité ; qu'en relevant pour dire que la cession du 29 novembre 2012 était intervenue dans la cadre d'une procédure d'expropriation, que l'acquisition résultait d'une volonté administrative d'expropriation et faisait pleinement partie de l'opération d'expropriation, que des indemnités de remploi avait été versées à la société Etablissements à Gré et Cie et que les actes visaient la déclaration d'utilité publique qui avait été notifiée à la société et que le prix correspondait, en réalité, à l'indemnisation du préjudice résultant de la dépossession, ce qui excluait l'application des règles relatives au contrat de vente, cependant que ces circonstances étaient insuffisantes à conclure que la cession était intervenue dans le cadre d'une procédure d'expropriation dont elle ne serait qu'une modalité, s'il n'était pas constaté que le terrain en cause avait fait l'objet d'un arrêté de cessibilité, ce qu'elle n'a pas fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1 et L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. | Une cession amiable consentie après une déclaration d'utilité publique est un contrat de vente de droit privé, susceptible d'ouvrir droit à une action fondée sur la garantie des vices cachés ou sur la violation des obligations légales pesant sur le vendeur |
343 | CIV. 3
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet et sursis à statuer
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 654 FS-P+B+I
Pourvoi n° Q 18-22.142
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
M. H... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-22.142 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme K... M..., épouse T...,
2°/ à M. H... T...,
tous deux domiciliés [...] ,
3°/ à M. I... T..., domicilié [...] ,
4°/ à M. S... F..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société 125 route de Saint-Nom,
5°/ à la ville de Paris, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité place de l'Hôtel de Ville, 75004 Paris,
6°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. H... T..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la ville de Paris, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la1. loi, a rendu le présent arrêt ;
Déchéance partielle
1. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
2. M. T... s'est pourvu en cassation contre Mme K... M..., épouse T..., M. H... T..., M. I... T... et M. F..., ès qualités, mais son mémoire n'est pas dirigé contre ceux-ci.
3. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre eux.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2018), les 7 et 15 juin 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a assigné en référé M. T..., locataire à Paris d'une maison située en fond de cour d'un immeuble, ainsi que d'un appartement situé dans l'immeuble, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué l'appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis
Enoncé du moyen
6. M. T... fait grief à l'arrêt de se prononcer en l'absence du ministère public lors de l'audience et de déclarer la ville de Paris recevable en son intervention volontaire, alors :
« 1°/ que le ministère public est tenu d'assister à l'audience lorsqu'il est partie principale ; que l'arrêt attaqué, qui ne mentionne pas que le ministère public, qui était titulaire de l'action à la date à laquelle elle a été introduite, et ainsi partie principale, était présent à l'audience, a été rendu en violation de l'article 431 du code de procédure civile ;
2°/ que la loi nouvelle qui modifie la titularité d'une action en justice est sans effet sur celles qui sont en cours ; qu'en se fondant, pour déclarer recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris et sanctionner à sa demande M. T..., sur la circonstance inopérante qu'était applicable aux procédures en cours la loi du 18 novembre 2016, qui a attribué au maire de la commune, en lieu et place du procureur de la République, la titularité de l'action prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé ce texte et l'article 2 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles confèrent qualité au maire de la commune pour saisir le président du tribunal de grande instance en cas de violation des règles sur le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, revêtent le caractère d'une loi de procédure et sont, à ce titre, d'application immédiate aux instances en cours (3e Civ., 16 mai 2019, pourvoi n° 17-24.474, publié).
8. Elles le sont donc également en ce qu'elles prévoient que le président du tribunal de grande instance statue sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure.
9. Il en résulte, d'une part, que le ministère public, devenu partie jointe à compter de l'entrée en vigueur de ces dispositions, n'était pas tenu, conformément à l'article 431 du code de procédure civile, d'assister à l'audience qui s'est tenue en appel le 30 avril 2018, d'autre part, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la ville de Paris avait qualité à agir.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
11. M. T... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris, alors :
« 1°/ que, dans sa rédaction applicable à la cause, l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation donnait qualité pour agir au maire de la commune dans laquelle était situé le local irrégulièrement transformé ; qu'en déclarant cependant recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que sort des limites du litige le juge qui, saisi de l'intervention volontaire d'une commune, la regarde comme celle de son maire ; qu'en retenant, pour la dire recevable, que l'intervention volontaire de la Ville de Paris, représentée par sa maire, devait être comprise comme l'intervention volontaire de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, disposait que le président du tribunal de grande instance était saisi « sur requête du maire de la commune dans laquelle était situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat ».
13. Ce texte ne précisait pas à quel titre le maire, qui peut agir en tant qu'organe exécutif du conseil municipal ou au titre de ses pouvoirs propres, était ainsi désigné.
14. Compte tenu de leur imprécision, ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la loi du 23 décembre 2018 qui a remplacé « maire de la commune » par « commune » et a supprimé de ce texte la référence au maire.
15. Il en résulte que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, doit être interprété comme conférant qualité pour agir à la commune représentée par son maire.
16. La cour d'appel a constaté que la ville de Paris, représentée par son maire, est intervenue volontairement.
17. Il en résulte que l'intervention volontaire de la ville de Paris, prise en la personne de son maire, était recevable.
18. Par ce motif de pur droit, substitué à celui-ci critiqué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
Sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
19. M. T... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, alors :
« 1°/ que les chambres d'hôtes sont des chambres meublées situées chez l'habitant, c'est-à-dire dans sa résidence, qu'il s'agisse du même corps de bâtiment ou d'un bâtiment annexe, en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations ; qu'en jugeant, pour refuser à M. T... le bénéfice du régime des chambres d'hôtes, que cette activité ne pouvait, en milieu urbain, être exercée dans un local annexe à l'habitation du loueur, sauf à démontrer que l'hôte est locataire ou propriétaire de la totalité de l'ensemble immobilier, la cour d'appel a violé l'article L. 324-3 du code du tourisme ;
2°/ que la cour d'appel qui, après avoir relevé que l'action dont elle était saisie avait été introduite par actes des 7 et 15 juin 2016 et que M. T... avait déclaré le 20 novembre 2015 en mairie son activité de chambre d'hôtes, c'est-à-dire antérieurement à l'introduction de l'instance, a néanmoins retenu que la déclaration était postérieure à l'introduction de l'instance, a violé l'article L. 324-3 du code du tourisme. »
Réponse de la Cour
20. L'article L. 324-3 du code du tourisme définit les chambres d'hôtes comme « des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations. »
21. La location de chambres d'hôtes ne saurait être assimilée à la location d'un logement autonome et indépendant de celui de l'habitant et n'en constituant pas une annexe.
22. Ayant relevé que M. T... habitait la maison du fond de cour de l'immeuble et non l'appartement du 3e étage qu'il laissait en son intégralité à l'usage des sous-locataires, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la seconde branche, en a déduit, à bon droit, que le régime des chambres d'hôtes n'était pas applicable et que la location de cet appartement était soumise aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
23. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et sur le cinquième moyen, réunis
Enoncé du moyen
24. M. T... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de le condamner au paiement d'une amende de 25 000 euros, alors :
« 1°/ que, en tout état de cause, les Etats membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si, notamment, la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en faisant application des dispositions du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans rechercher si cette restriction à la libre prestation de service était justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que les Etats membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si, notamment, l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle ; qu'en faisant application des dispositions du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans rechercher si l'objectif poursuivi par ces dispositions ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
3°/ que les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, c'est-à-dire, notamment, des critères clairs, non ambigus et objectifs ; qu'en faisant application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, qui regarde comme constitutif d'un changement de destination soumis à autorisation le fait de louer un « local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile », dont la mise en oeuvre ne dépend pas de critères clairs, non ambigus et objectifs, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
4°/ que les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, c'est-à-dire, notamment, des critères clairs, non ambigus, objectifs, rendus publics à l'avance, transparents et accessibles ; qu'en faisant application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, lorsqu'il résulte de l'article L. 631-7-1 du même code que les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations nécessaires sont « fixées par une délibération du conseil municipal », au regard des « objectifs de mixité sociale » et en fonction notamment des « caractéristiques des marchés de locaux d'habitation » et de « la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;
5°/ que le juge qui prononce l'amende civile prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant M. T... au paiement d'une amende civil de 25 000 euros, sans s'expliquer sur les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur et sa situation personnelle, notamment ses ressources et charges, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation et 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
25. La Cour de cassation a, par deux arrêts (3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.156 ; 3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.158), renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
1°/ La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d'application par ses articles 1 et 2, s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?
2°/ En cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, constitue-t-elle un régime d'autorisation de l'activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 ?
Dans l'hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :
3°/ L'article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l'objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d'un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ?
4°/ Dans l'affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?
5°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s'oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation "de manière répétée", pour de "courtes durées", à une "clientèle de passage qui n'y élit pas domicile" ?
6°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s'oppose-t-il à un régime d'autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l'autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ?
26. Au regard des questions préjudicielles précitées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution de ces moyens.
27. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer sur ces griefs jusqu'au prononcé de celle-ci.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme K... M..., épouse T..., M. H... T..., M. I... T... et M. F..., ès qualités ;
REJETTE les trois premiers moyens et le quatrième moyen, en ses première et deuxième branches, du pourvoi ;
SURSOIT à statuer sur le quatrième moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et sur le cinquième moyen du pourvoi jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires C-724/18 et C-727/18 ;
Renvoie la cause et les parties à l'audience du 19 janvier 2021 ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. H... T...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. T... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué en référé ;
ALORS QUE l'article 59 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable aux procédures en cours lors de son entrée en vigueur, a donné compétence au président du tribunal, statuant en la forme des référés, pour prononcer les sanctions prévues à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en confirmant l'ordonnance de référé rendue le 27 janvier 2017 par un juge incompétent, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
M. T... fait grief à l'arrêt attaqué de s'être prononcé en l'absence du ministère public lors de l'audience ;
ALORS QUE le ministère public est tenu d'assister à l'audience lorsqu'il est partie principale ; que l'arrêt attaqué, qui ne mentionne pas que le ministère public, qui était titulaire de l'action à la date à laquelle elle a été introduite, et ainsi partie principale, était présent à l'audience, a été rendu en violation de l'article 431 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
M. T... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la ville de Paris recevable en son intervention volontaire, d'avoir constaté une infraction de sa part aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'avoir condamné au paiement d'une amende civile de 25.000 euros et d'avoir, sous astreinte, ordonné le retour du bien à l'habitation ;
AUX MOTIFS QUE l'intervention volontaire de la ville de Paris représentée par Mme le Maire de cette ville, qui doit être comprise comme l'intervention volontaire de cette dernière, est recevable ; qu'en effet, en vertu de la modification apportée à l'article L 651-2 du code de la construction et de l'habitation par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dont les dispositions de procédure sont application immédiate, celle-ci a qualité pour demander au président du tribunal de grande instance de prononcer l'amende prévue en cas de violation de l'article L 631-7 code de la construction et de l'habitation et cette modification est applicable aux procédures en cours ;
1°) ALORS QUE la loi nouvelle qui modifie la titularité d'une action en justice est sans effet sur celles qui sont en cours ; qu'en se fondant, pour déclarer recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris et sanctionner à sa demande M. T..., sur la circonstance inopérante qu'était applicable aux procédures en cours la loi du 18 novembre 2016, qui a attribué au maire de la commune, en lieu et place du procureur de la République, la titularité de l'action prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé ce texte et l'article 2 du code civil ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, dans sa rédaction applicable à la cause, l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation donnait qualité pour agir au maire de la commune dans laquelle était situé le local irrégulièrement transformé ; qu'en déclarant cependant recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
3°) ALORS QUE sort des limites du litige le juge qui, saisi de l'intervention volontaire d'une commune, la regarde comme celle de son maire ; qu'en retenant, pour la dire recevable, que l'intervention volontaire de la ville de Paris, représentée par sa maire, devait être comprise comme l'intervention volontaire de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
M. T... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté une infraction de sa part aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'avoir condamné au paiement d'une amende civile de 25.000 euros et d'avoir, sous astreinte, ordonné le retour du bien à l'habitation ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L 631-7, précité, le fait de louer, à Paris, un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes périodes à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement de destination qui doit être soumis à une autorisation préalable ; que l'article L. 631-7-1 A du même code apporte une atténuation à la portée de ce principe en énonçant que, lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du présent code n'est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ; que l'article L. 651-2 dudit code, dans sa version applicable aux faits, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros, prononcée par le président du tribunal de grande instance du lieu de l'immeuble statuant en référé ; que cet article prévoit également que le produit de cette amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l'immeuble et que le président du tribunal ordonne le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu'il fixe ; que ces dispositions ont pour objectif de lutter contre la pénurie de locaux offerts à la location aux individus et aux familles cherchant à se loger dans les zones géographiques concernés ; que M. H... T... ne conteste pas louer l'appartement du 3ème étage de l'immeuble qui lui a été donné à bail d'habitation par la SCI 125 route de Saint Nom le 26 mai 2012, mais soutient qu'il y exerce une activité déclarée en Mairie depuis le 20 novembre 2015, de chambre d'hôtes ; que l'article L. 324-3 du code du tourisme dispose que "Les chambres d'hôtes sont des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations" ; que les articles D. 324-13 et D. 324-14 du décret du 3 août 2007 précisent la définition législative en ce que l'activité de location de chambres d'hôtes est la fourniture groupée de la nuitée et du petit-déjeuner, et que chaque chambre d'hôtes donne accès à une salle d'eau et à un WC et doit être en conformité avec les réglementations en vigueur dans les domaines de l'hygiène, de la sécurité et de la salubrité ; que la Réponse Ministérielle n° 11700 fournit encore une précision sur la définition de la chambre d'hôtes qui, ainsi que l'indique la loi, doit se situer chez l'habitant, c'est-à-dire dans sa résidence, qu'il s'agisse du même corps de bâtiment ou d'un bâtiment annexe et permet ainsi aux agriculteurs de créer des chambres d'hôtes dans les bâtiments annexes à leur résidence que constituent, entre autres, les granges ; que M. H... T... se domicilie [...] ; qu'il résulte de la procédure initiée par les consorts T... à l'encontre de M. H... T... le 12 octobre 2015 devant le tribunal d'instance de Paris 8ème arrondissement que celui-ci occupe la maison du fond de cour de cet immeuble et non l'appartement du 3ème étage ; que d'ailleurs les annonces publiées sur le site AirBNB concernent l'appartement en son entier présentant une capacité d'hébergement de 16 personnes ; que si M. H... T... soutient qu'il se domicilierait à la fois dans la maison fond de cour et dans l'appartement du 3ème étage, force est de constater qu'il ne réside pas dans l'appartement du 3ème étage qu'il laisse en son intégralité à l'usage des sous-locataires ; que M. T... estime que cet usage ne serait pas contraire aux dispositions précitées sur les chambres d'hôtes dès lors que la Réponse Ministérielle qu'il invoque autoriserait l'exercice de l'activité dans un bâtiment annexe ; que toutefois, il est manifeste que cette exception a été envisagée pour permettre aux exploitants agricoles ou propriétaires de ferme de louer des chambres d'hôtes dans les différents corps de bâtiment de leur tènement et que son application en milieu urbain ne peut donc pas être revendiquée sur ce seul fondement ; qu'il s'en déduit que, nonobstant la déclaration d'une activité de location de chambres d'hôtes en mairie par M. H... T..., au demeurant postérieure à l'introduction de la présente instance, les locations litigieuses sont soumises aux dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation précitées, applicables aux locaux destinés à l'habitation, y compris inclus dans un bail commercial, si tant est que l'appelant en soit bénéficiaire, ainsi qu'il l'invoque dans ses écritures ; qu'il importe donc peu que M. H... T... ait entendu se soumettre aux critères exigés par le code du tourisme, dès lors que les locations en cause ne concernent pas des chambres situées chez l'habitant mais l'ensemble de l'appartement non occupé par M. H... T... à titre principal ; qu'il s'ensuit que Mme le Maire de Paris et M. le Procureur Général sont fondés à soutenir que M. H... T... a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et à réclamer l'application de la sanction prévue à l'article L. 651-2 du même code ;
1°) ALORS QUE les chambres d'hôtes sont des chambres meublées situées chez l'habitant, c'est-à-dire dans sa résidence, qu'il s'agisse du même corps de bâtiment ou d'un bâtiment annexe, en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations ; qu'en jugeant, pour refuser à M. T... le bénéfice du régime des chambres d'hôtes, que cette activité ne pouvait, en milieu urbain, être exercée dans un local annexe à l'habitation du loueur, sauf à démontrer que l'hôte est locataire ou propriétaire de la totalité de l'ensemble immobilier, la cour d'appel a violé l'article L. 324-3 du code du tourisme ;
2°) ALORS QUE la cour d'appel qui, après avoir relevé que l'action dont elle était saisie avait été introduite par actes des 7 et 15 juin 2016 et que M. T... avait déclaré le 20 novembre 2015 en mairie son activité de chambre d'hôtes, c'est-à-dire antérieurement à l'introduction de l'instance, a néanmoins retenu que la déclaration était postérieure à l'introduction de l'instance, a violé l'article L. 324-3 du code du tourisme ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, les Etats membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si, notamment, la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en faisant application des dispositions du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans rechercher si cette restriction à la libre prestation de service était justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
4°) ALORS QUE les Etats membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si, notamment, l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle ; qu'en faisant application des dispositions du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans rechercher si l'objectif poursuivi par ces dispositions ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
5°) ALORS QUE les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, c'est-à-dire, notamment, des critères clairs, non ambigus et objectifs ; qu'en faisant application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, qui regarde comme constitutif d'un changement de destination soumis à autorisation le fait de louer un « local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile », dont la mise en oeuvre ne dépend pas de critères clairs, non ambigus et objectifs, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
6°) ALORS QUE les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, c'est-à-dire, notamment, des critères clairs, non ambigus, objectifs, rendus publics à l'avance, transparents et accessibles ; qu'en faisant application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, lorsqu'il résulte de l'article L. 631-7-1 du même code que les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations nécessaires sont « fixées par une délibération du conseil municipal », au regard des « objectifs de mixité sociale » et en fonction notamment des « caractéristiques des marchés de locaux d'habitation » et de « la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
M. T... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné au paiement d'une amende civile de 25.000 euros ;
AUX MOTIFS QU'il appartient au juge des référés de fixer le montant de cette sanction dans la limite prévue par ce texte en fonction des circonstances de l'affaire en examen ; que le procès verbal dressé le 5 septembre 2016 par Maître H... N..., huissier de justice, relève que M. H... T... est membre du site airbnb depuis 2013 et que 327 commentaires sont attachés à sa page de publication ; que les dernières réservations ont été effectuées 5 jours avant le constat et que parmi les 327 commentaires, 6 concernent la période de juillet/août 2016 ; que l'appartement est indiqué comme étant disponible pour les mois de septembre à décembre 2016 ; que les commentaires des touristes ayant occupé l'appartement pour de courtes périodes versés aux débats démontrent que l'appartement n'a pas uniquement servi à accueillir des "amis" de M. H... T..., ainsi que se sont présentées les personnes trouvées par les services de la Mairie à l'occasion de leur visite du 4 décembre 2015 ; que les services de la mairie de Paris ont procédé à des contrôles et des copies d'écran de l'annonce pour la période de juin, juillet, août et septembre 2017 établissant que l'annonce est restée active, pour la location de l'ensemble de l'appartement et pour de courtes durées et donnant lieu à un constat de poursuite d'infraction du 12 octobre 2017 ; que la cour relève que si le petit-déjeuner est désormais proposé, les frais de ménage sont facturés alors que ce coût doit être inclus dans le prix de la location d'une chambre d'hôtes : qu'enfin le constat du 2 octobre 2015 précise que la location, qui concerne le logement entier pour 16 voyageurs, comprenant 3 chambres et 10 lits, est proposée à un prix de 750 euros pour une nuit et de 3 000 euros pour la semaine et de 11 000 euros pour le mois ; que c'est donc à juste titre que, dans ces circonstances, le premier juge a condamné M. H... T... au paiement d'une amende civile de 25 000 euros et ordonné le retour à l'habitation de l'appartement sous astreinte ;
ALORS QUE le juge qui prononce l'amende civile prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant M. T... au paiement d'une amende civil de 25.000 euros, sans s'expliquer sur les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur et sa situation personnelle, notamment ses ressources et charges, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation et 455 du code de procédure civile. | Les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles prévoient que le président du tribunal de grande instance, saisi sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, statue sur les conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure, sont d'application immédiate aux instances en cours |
344 | CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 655 FS-P+B+I
Pourvoi n° P 19-14.762
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
L'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de La Baie du Gaou Benat, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-14.762 contre l'arrêt rendu le 4 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme E... G... , veuve F... , domiciliée [...] ,
2°/ à la société Pesret, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de La Baie du Gaou Benat, de la SCP Gaschignard, avocat de Mme G... et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2019), l'association syndicale libre du Gaou Bénat (l'ASL) a assigné Mme F... , usufruitière d'un lot situé dans son périmètre, en paiement d'un arriéré de cotisations. Celle-ci a appelé en garantie la SCI Pesret, nue-propriétaire du lot.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'ASL fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes, alors
« que la formalité de publication prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires en cas de modification des statuts d'une association syndicale libre n'impose pas la publication d'un extrait des statuts, formalité qui n'est requise qu'en cas de création d'une telle association ; qu'en retenant que la publication d'une modification statutaire destinée à mettre en conformité les statuts d'une ASL avec l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ne peut produire ses effets que si elle comporte un extrait des statuts, la cour d'appel a méconnu les articles 8 et 60 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 susmentionnée, ensemble le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de cette ordonnance. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 et 4 du décret du 3 mai 2006 :
3. Selon l'alinéa 2 du premier de ces textes, lors de la constitution d'une ASL, un extrait des statuts doit être publié au Journal Officiel.
4. Selon le second de ces textes, cet extrait contient la date de la déclaration, le nom, l'objet et le siège de l'association.
5. Selon l'alinéa 3 du premier de ces textes, l'association doit également publier toute modification apportée à ses statuts.
6. Le décret ne précise pas si, en cas de modification des statuts, un extrait de ceux-ci doit être publié.
7. Lorsque les ASL mettent leurs statuts en conformité avec les textes précités, elles doivent respecter les formalités qu'ils imposent (3e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-22.815, publié).
8. L'objet de la publication prévue par l'article 8, alinéa 3, de l'ordonnance précitée, en cas de modification des statuts doit donc être déterminé en considération de l'obligation de publication initiale.
9. La publication d'un extrait des statuts contenant la date de la déclaration, le nom, l'objet et le siège de l'association étant exigée lors de la constitution d'une ASL, la publication d'un extrait des statuts n'est donc nécessaire qu'autant que la modification des statuts porte sur l'un de ces éléments.
10. Pour déclarer la demande de l'ASL irrecevable, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que la publication des modifications statutaires a été faite au Journal Officiel le 23 avril 2013, mais que l'ASL ne justifie pas avoir publié un extrait de statuts et que, nonobstant la régularité de la mise en conformité constatée par les autorités administratives, elle n'a pas recouvré sa capacité d'agir en justice.
11. En statuant ainsi, sans rechercher si les modifications apportées aux statuts portaient sur les éléments - nom, objet et siège de l'association - devant faire l'objet d'une publication par extrait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme F... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme F... et la condamne à payer à l'ASL des propriétaires du lotissement de La Baie du Gaou Bénat la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de La Baie du Gaou Benat
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'association syndicale libre des propriétaires de la Baie du Gaou Bénat irrecevable en ses demandes ;
Aux motifs que, sur la capacité de l'ASL, en application de l'article 5 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, « les associations syndicales de propriétaires peuvent agir en justice sous réserve de l'accomplissement des formalités de publicité prévues par l'article 8 », lequel exige une déclaration en préfecture avec dépôt de statuts et publicité de ceux-ci au Journal officiel ; que l'article 60 de l'ordonnance précitée a imparti aux associations syndicales constituées en vertu de la loi du 21 juin 1865 un délai de deux ans à compter du 5 mai 2006 pour mettre leurs statuts en conformité avec le nouveau dispositif légal ; que ledit article 60, modifié par l'article 59 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, précise : « Par dérogation au deuxième alinéa, les associations syndicales libres régies par le titre Il de la présente ordonnance, qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l'article 5 de la présente ordonnance dès la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, sans toutefois que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée » ; qu'ainsi, il ressort de ces dispositions qu'à partir de l'accomplissement des formalités de publicité requises, les ASL préexistantes, qui n'avaient pas perdu leur personnalité morale, mais uniquement certains des attributs de celle-ci, limitativement énumérés par l'article 5 de l'ordonnance, recouvrent la possibilité d'agir (ou de défendre) en justice ; qu'en l'espèce, l'ASL produit aux débats un récépissé de la préfecture du Var daté du 18 mars 2011, mentionnant : « Comme suite à l'accomplissement des formalités prévues à l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et au décret n° 2006- 504 du 3 mai 2006 sur les associations syndicales de propriétaires, j'ai l'honneur de vous adresser ci-joint le récépissé constatant l'enregistrement du dépôt du dossier de modification des statuts de l'Association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat située sur la commune de Bormes-Les- Mimosas (83930). Je vous informe également que l'imprimé de modification des statuts de votre association a été adressé à la direction des journaux officiels » ; qu'il était précisé au verso qu'étaient joints à l'appui de la déclaration : les anciens statuts, les nouveaux statuts, la demande d'insertion au Journal officiel ; qu'il n'est pas contesté que la publication des modifications statutaires a été faite au Journal officiel le 23 avril 2013 (sic) ; que, pour E... F... , l'accomplissement de ces formalités est insuffisant en ce que n'a pas été joint à la publication, d'extrait des statuts ; qu'elle se réfère également à la position défendue par d'autres colotis qui soutenaient que le plan parcellaire et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales et la contenance des immeubles pour lesquels il s'engageait devaient être joints à la publication ; qu'aux termes de l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 : « Les associations syndicales libres se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit. Les statuts de l'association définissent son nom, son objet, son siège et ses règles de fonctionnement. Ils comportent la liste des immeubles compris dans son périmètre et précisent ses modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations » ; que l'article 8 ajoute : « La déclaration de l'association syndicale libre est faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association a prévu d'avoir son siège. Deux exemplaires des statuts sont joints à la déclaration. Il est donné récépissé de celle-ci dans un délai de cinq jours. Un extrait des statuts doit, dans un délai d'un mois à compter de la date de délivrance du récépissé, être publié au Journal officiel. Dans les mêmes conditions, l'association fait connaître dans les trois mois et publie toute modification apportée à ses statuts » ; qu'il ressort de ces dispositions que les associations syndicales libres ne sont pas dispensées, lorsqu'elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes, de respecter les formalités qu'ils imposent, et notamment de publier un extrait des statuts ; qu'en ne justifiant pas l'avoir fait, et nonobstant la régularité de la mise en conformité constatée par les autorités administratives (préfecture et tribunal administratif), il sera considéré que l'ASL n'a pas recouvré sa capacité d'agir en justice, et qu'elle est donc irrecevable en ses prétentions ; que le jugement ayant statué en ce sens, sera donc confirmé ;
Alors que la formalité de publication prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires en cas de modification des statuts d'une association syndicale libre n'impose pas la publication d'un extrait des statuts, formalité qui n'est requise qu'en cas de création d'une telle association ; qu'en retenant que la publication d'une modification statutaire destinée à mettre en conformité les statuts d'une ASL avec l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ne peut produire ses effets que si elle comporte un extrait des statuts, la cour d'appel a méconnu les articles 8 et 60 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 susmentionnée, ensemble le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de cette ordonnance. | En cas de modification des statuts d'une association syndicale libre, la publication d'un extrait des statuts au Journal officiel n'est nécessaire que lorsque la modification porte sur le nom, l'objet ou le siège de l'association |
345 | CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 657 FS-P+B+I
Pourvoi n° V 19-17.068
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme Q... B....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 août 2019.
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme T... W....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 août 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La société Tridoubec, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-17.068 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Q... B...,
2°/ à Mme T... W...,
domiciliées [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la SCI Tridoubec, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mmes B... et W..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2019), par acte du 1er juillet 1955, la société « Les jeunes économes » a donné à bail à L... et K... B... un appartement à usage d'habitation. Après leurs décès survenus respectivement en 1963 et en 2015, la société civile immobilière Tridoubec (la SCI), devenue propriétaire des lieux, a assigné Mme B..., leur fille, et Mme W..., fille d'K... B..., occupantes du logement, afin de les voir déclarer occupantes sans droit ni titre.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que l'application de la loi du 1er septembre 1948 constitue une violation de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les consorts B... W... ne peuvent en bénéficier alors « que le juge ne peut déduire la compatibilité d'une législation nationale avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la seule existence d'un but légitime poursuivi par cette législation ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 à l'occupation de l'appartement de la SCI Tridoubec par Mmes B... et W... ne caractérisait pas une atteinte aux exigences de cet article, que ces dispositions avaient pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cet objet était toujours justifié en 2018 et si l'ingérence dans le droit de la SCI Triboudec au respect de ses biens, caractérisée notamment par l'impossibilité de récupérer l'appartement ni de percevoir un loyer tenant compte de l'augmentation du prix de l'immobilier à Paris, n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi par la législation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel a retenu que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ont en particulier pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles et qu'en considération de cet objet elles ne méconnaissent pas les exigences des dispositions du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et leur application ne caractérise pas en elle-même une atteinte à ces dispositions.
4. Elle n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante dès lors que la SCI avait acquis l'appartement en cours de bail, en toute connaissance des restrictions imposées par la loi du 1er septembre 1948 quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux par le bailleur.
5. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expulsion, alors « que les droits du défunt ne sont transmis qu'aux héritiers qui ont accepté la succession ; que l'acceptation de la succession ne se présumant pas, l'absence d'élément permettant d'affirmer qu'un héritier aurait renoncé à la succession n'établit pas que cet héritier a accepté celle-ci ; qu'en se bornant, pour considérer que Mme Q... B... était devenue, en qualité d'héritière de son père, titulaire du droit au bail, à relever que la renonciation à la succession ne se présumait pas et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que Mme B... avait renoncé à sa qualité d'héritière, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article 730, alinéa 1er, du code civil, la qualité d'héritier s'établit par tous moyens. Aux termes de l'article 804, alinéa 1er, du même code, la renonciation à une succession ne se présume pas.
8. Ayant relevé que Mme B... produisait une copie du livret de famille sur lequel elle figurait comme enfant unique d'K... et L... B... et retenu à bon droit que la renonciation à une succession ne se présume pas, la cour d'appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que sa qualité d'héritière de son père était établie et qu'elle était devenue à ce titre titulaire du droit au bail.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Tridoubec aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Tridoubec et la condamne à payer à la SCP Gouz-Fitoussi la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la SCI Tridoubec.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Tridoubec de ses demandes tendant à ce la cour dise que la loi du 1er septembre 1948 ne peut bénéficier à Mmes B... et W..., cette application étant de nature à constituer une violation de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, et ordonne leur expulsion de l'appartement sis [...] dans le 7e arrondissement de Paris et de la cave située en sous-sol ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ont en particulier pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles ; qu'en considération de cet objet, elles ne méconnaissent pas les exigences des dispositions du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoquées par l'intimée et leur application ne caractérise pas en elle-même une atteinte à ces dispositions ;
ALORS QUE le juge ne peut déduire la compatibilité d'une législation nationale avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la seule existence d'un but légitime poursuivi par cette législation ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 à l'occupation de l'appartement de la SCI Tridoubec par Mmes B... et W... ne caractérisait pas une atteinte aux exigences de cet article, que ces dispositions avaient pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 4-5), si cet objet était toujours justifié en 2018 et si l'ingérence dans le droit de la SCI Triboudec au respect de ses biens, caractérisée notamment par l'impossibilité de récupérer l'appartement ni de percevoir un loyer tenant compte de l'augmentation du prix de l'immobilier à Paris, n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi par la législation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Tridoubec de sa demande tendant à ce la cour d'appel ordonne l'expulsion de Mmes B... et W... de l'appartement sis [...] dans le 7e arrondissement de Paris et de la cave située en sous-sol ;
AUX MOTIFS QU'il appartient à Mme Q... B... qui soutient être devenue, le 23 octobre 1963, co-titulaire avec sa mère du bail concerné par suite d'une transmission par voie successorale, d'en rapporter la preuve ; que, selon la SCI Tridoubec, Mme Q... B... ne justifie pas de sa qualité d'héritière conformément aux articles 768 et suivants du code civil ; que, toutefois, aux termes de l'article 730 du code civil, la qualité d'héritier se prouve par tous moyens ; qu'en outre, la loi ne détermine les héritiers qu'en fonction des liens de parenté existant entre eux et le défunt ; que la succession est ainsi dévolue par la loi, elle-même, en particulier aux descendants du défunt, les enfants succédant à leur père et mère ; qu'en l'espèce, par la copie du livret de famille produit, sur lequel elle figure comme enfant unique de Mme K... B... et de M. L... B..., Mme Q... B... établit sa qualité d'héritière de celui-ci ; que les articles 768 et suivants du code civil invoqués par la SCI Tridoubec figurent au chapitre IV du code civil intitulé « De l'option de l'héritier », ces textes prévoyant la possibilité pour l'héritier d'accepter la succession purement et simplement ou d'y renoncer ; que, toutefois, la renonciation à une succession ne se présume pas ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que Mme Q... B... ait renoncé à sa qualité d'héritière ; que, compte tenu de ce qui précède, Mme Q... B... justifie être devenue, en qualité d'héritière de son père, titulaire du droit au bail sur le logement concerné ;
ALORS QUE les droits du défunt ne sont transmis qu'aux héritiers qui ont accepté la succession ; que l'acceptation de la succession ne se présumant pas, l'absence d'élément permettant d'affirmer qu'un héritier aurait renoncé à la succession n'établit pas que cet héritier a accepté celle-ci ; qu'en se bornant, pour considérer que Mme Q... B... était devenue, en qualité d'héritière de son père, titulaire du droit au bail, à relever que la renonciation à la succession ne se présumait pas et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que Mme B... avait renoncé à sa qualité d'héritière, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil. | L'acquéreur d'un logement donné à bail sous le régime de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 ne peut se prévaloir d'une atteinte disproportionnée portée par ce régime locatif au droit au respect de ses biens garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a acquis ce bien en toute connaissance des restrictions imposées par cette loi quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux |
346 | CIV. 3
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 658 FS-P+B+I
Pourvoi n° Q 19-19.179
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. G... S...,
2°/ Mme I... X... épouse S...,
domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° Q 19-19.179 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :
1°/ à M. C... A...,
2°/ à Mme N... H... T... J... épouse A...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme S..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme A..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 avril 2019), le 30 juin 1997, M. et Mme A..., divisant leur fonds, ont vendu à M. et Mme S... une parcelle cadastrée [...] , en constituant à son bénéfice une servitude de passage sur la parcelle [...] , qu'ils ont conservée et ultérieurement divisée en deux parcelles cadastrées [...] et [...] .
2. Le 22 juillet 2010, M. et Mme A... ont consenti à M. et Mme R... une promesse de vente portant sur la parcelle [...] et contenant constitution sur celle-ci d'une servitude de passage au bénéfice de la parcelle [...] . Cette promesse n'ayant pas été réitérée, en raison notamment de l'opposition de M. et Mme S... au projet immobilier des acquéreurs, un jugement irrévocable du 8 novembre 2011, valant vente et publié le 27 mars 2012, en a ordonné l'exécution forcée.
3. Par acte des 4 et 30 juillet 2012, M. et Mme R... ont vendu leur parcelle à M. et Mme S.... Ceux-ci ont assigné M. et Mme A... en démolition d'un muret construit sur l'assiette de la servitude de passage établie le 30 juin 1997 et en dénégation de la servitude grevant la parcelle [...] au bénéfice de la parcelle [...] .
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme S... font grief à l'arrêt de constater que la servitude de passage grevant le fonds [...] au profit de la parcelle [...] est éteinte et de rejeter leurs demandes à ce titre, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'article 685-1 du code civil ne sont applicables à une servitude ayant fait l'objet d'une convention qu'à la condition que celle-ci ait l'état d'enclave pour cause déterminante et se borne à fixer l'assiette et les modalités d'exercice du passage ; que pour déterminer si tel est le cas, il appartient aux juges du fond de rechercher la commune intention des parties d'après les termes de la convention ; qu'en se bornant à relever que l'accès à la parcelle [...] ne pouvait se faire que par le chemin du Panorama pour dire que la clause de servitude contenue dans l'acte du 30 juin 1997 avait pour cause l'enclavement, sans s'expliquer quant au libellé de ladite clause, laquelle faisait référence à une constitution de servitude et non à une simple définition de l'assiette et du mode d'exercice, sans qu'il soit jamais indiqué que le fondement de la servitude serait le fondement légal résultant de l'état d'enclave, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 685-1 et 1134 ancien [1101 et 1103 nouveaux] du code civil ;
2°/ que la renonciation tacite postule que le titulaire du droit ait accompli des actes révélant sa volonté non équivoque d'abdiquer ce droit ; qu'en opposant à M. et Mme S... la circonstance que dans l'acte des 4 et 30 juillet 2012, aux termes duquel ils acquéraient une portion du terrain, assiette de la servitude, et auquel M. et Mme A... n'étaient pas parties, ils n'ont émis aucune réserve s'agissant du surplus de l'assiette de la servitude, subsistant sur la parcelle [...] , les juges du fond, qui n'ont pas mis en évidence la volonté dépourvue d'équivoque de M. et Mme S... de renoncer à leur droit, ont violé l'article 1134 ancien [1103 nouveau] du code civil. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a relevé que l'accès à la parcelle [...] ne pouvait se faire que par le chemin du Panorama et que la servitude établie à son bénéfice sur la parcelle [...] avait été concédée pour sa desserte, en lui permettant un accès à ce chemin.
6. Sans s'être fondée sur une renonciation des propriétaires du fonds dominant à leur droit de passage, elle en a souverainement déduit que la servitude n'avait été instituée qu'en raison de l'état d'enclave de la parcelle [...] et que, par suite de l'acquisition par M. et Mme S... de la parcelle [...] , supportant l'assiette de la servitude, l'état d'enclave avait cessé et que la servitude était en conséquence éteinte.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. M. et Mme S... font grief à l'arrêt de dire que la servitude de passage au profit du fonds [...] et grevant le fonds [...] , stipulée dans l'acte sous seing privé du 22 juillet 2010 passé entre M. et Mme A... et M. et Mme R..., valant vente au terme du jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 8 novembre 2011, était valide et opposable à M. et Mme S..., acquéreurs du fonds servant selon acte des 4 et 30 juillet 2012, dans les termes, conditions et limites énoncés dans l'acte du 22 juillet 2010, alors :
« 1°/ qu'une servitude n'est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé, hors l'hypothèse où son acte d'acquisition en fait mention, que si elle a été publiée ; qu'une servitude n'est publiée que si l'acte emportant, ou la décision valant, constitution de la servitude a été publié ; qu'en retenant, pour dire la servitude stipulée dans l'acte du 22 juillet 2010 opposable à M. et Mme S..., que le jugement du 8 novembre 2011, lequel comportait mention de la servitude, avait été publié au service de la publicité foncière, sans constater qu'il valait constitution de la servitude, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
2°/ qu'à défaut de publicité, une servitude n'est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé que si son acte d'acquisition en fait mention ; qu'en retenant, pour dire la servitude stipulée dans l'acte du 22 juillet 2010 opposable à M. et Mme S..., que l'acte des 4 et 30 juillet 2012 renvoyait au jugement du 8 novembre 2011, lequel comportait mention de la servitude, sans constater qu'il valait constitution de la servitude, les juges du fond ont violé l'article 1134 ancien [1103 nouveau] du code civil ;
3°/ que seuls les énoncés figurant au dispositif d'une décision de justice présentent un caractère décisoire ; que faute d'avoir recherché, comme ils y étaient invités, s'il n'était pas exclu de se référer au jugement du 8 novembre 2011, comme valant constitution de la servitude, dès lors que la mention de la servitude figurait dans les commémoratifs et qu'en son dispositif, il se bornait à indiquer valoir vente, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 480 du code de procédure civile ;
4°/ qu'une servitude n'est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé, hors l'hypothèse où son acte d'acquisition en fait mention, que si elle a été publiée ; que la connaissance par l'acquéreur de l'immeuble grevé de l'existence de la servitude ne supplée pas le défaut de publicité ; qu'en retenant, pour dire la servitude stipulée dans l'acte du 22 juillet 2010 opposable à M. et Mme S..., que ceux-ci en avaient eu connaissance à la date d'acquisition du fonds prétendument grevé, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »
Réponse de la Cour
9. En application des articles 28 et 30-1 du décret du 4 janvier 1955, une servitude est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé si elle a été publiée ou si son acte d'acquisition en fait mention (3e Civ., 27 octobre 1993, pourvoi n° 91-19.874, Bull. 1993, III, n° 132). La publication n'étant pas le seul mode légal de publicité d'une servitude, celle-ci peut également être opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé si, au moment de la vente, il en connaissait l'existence autrement que par la mention qu'en faisait son titre (3e Civ., 16 septembre 2009, pourvoi n° 08-16.499, Bull. 2009, III, n° 195).
10. Ayant relevé que la servitude de passage grevant la parcelle [...] au bénéfice de la parcelle [...] , constituée par la promesse de vente du 22 juillet 2010, avait été reproduite dans le jugement du 8 novembre 2011, lequel avait été publié et avait été mentionné dans le titre de M. et Mme S..., la cour d'appel en a déduit, souverainement, que ceux-ci avaient eu connaissance de la servitude au moment de la vente, peu important qu'elle n'ait pas été constatée dans le dispositif du jugement, et, à bon droit, qu'elle leur était en conséquence opposable.
11. Le moyen, qui manque en fait en ses autres branches en ce que l'arrêt n'a pas retenu que la servitude avait été publiée ou mentionnée dans l'acte d'acquisition du fonds servant, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme S... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme S... et les condamne à payer à M. et Mme A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme S...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a constaté que la servitude de passage grevant le fonds n° [...] au profit de la parcelle [...] était éteinte et débouté de M. et Mme S... de leurs demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS QU' « Aux termes de l'article 685-1 du code civil, « En cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682. A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice. » La constitution d'une servitude de passage sur la parcelle [...] au profit de la parcelle [...] avait pour cause l'enclavement de la parcelle [...] , dont l'accès ne pouvait se faire que par le chemin du Panorama. M. et Mme S... en acquérant la parcelle [...] sont devenus propriétaires du chemin d'accès à leur fonds [...] . D'autre part, ils ne justifient pas d'une insuffisance de ce chemin qui présente une largeur' comprise entre 3.46 m et 3.75 m, et qu'ils ont utilisé sans manifester aucune doléance concernant sa largeur, pendant 14 ans. Leur fonds [...] contigu à la parcelle [...] n'est donc plus enclavé. En conséquence, la servitude subsistante sur la bande de 50 à 90 cm située entre le muret et la limite ouest de la servitude de passage telle qu'indiquée dans l'acte du 80 juin 1997/ doit être considérée comme éteinte, de qui a d'ailleurs été admis par M. et Mme K... eux-mêmes dans 'l'acte notarié des 4 et 30 juillet 2012, page 10, (acte d'acquisition par eux de la parcelle [...] aux époux R...), en ces termes «étant précisé que ces servitudes [ndlr : celles constituées dans l'acte du 30 juin 1997] deviennent à ce jour sans objets puisque M. et Mme S... se retrouvent désormais propriétaires du terrain objet de la servitude de prospect et du chemin, objet de la servitude de passage rappelée ci-dessus. » Aucune réserve n'a été faite dans cet acte pour le surplus de l'assiette de la servitude de passage subsistant sur la parcelle [...] » ;
ALORS QUE, premièrement, les dispositions de l'article 685-1 du code civil ne sont applicables à une servitude ayant fait l'objet d'une convention qu'à la condition que celle-ci ait l'état d'enclave pour cause déterminante et se borne à fixer l'assiette et les modalités d'exercice du passage ; que pour déterminer si tel est le cas, il appartient aux juges du fond de rechercher la commune intention des parties d'après les termes de la convention ; qu'en se bornant à relever que l'accès à la parcelle [...] ne pouvait se faire que par le chemin du Panorama pour dire que la clause de servitude contenue dans l'acte du 30 juin 1997 avait pour cause l'enclavement, sans s'expliquer quant au libellé de ladite clause, laquelle faisait référence à une constitution de servitude et non à une simple définition de l'assiette et du mode d'exercice, sans qu'il soit jamais indiqué que le fondement de la servitude serait le fondement légal résultant de l'état d'enclave, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 685-1 et 1134 ancien [1101 et 1103 nouveaux] du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, la renonciation tacite postule que le titulaire du droit ait accompli des actes révélant sa volonté non équivoque d'abdiquer ce droit ; qu'en opposant à M. et Mme S... la circonstance que dans l'acte des 4 et 30 juillet 2012, aux termes duquel ils acquéraient une portion du terrain, assiette de la servitude, et auquel M. et Mme A... n'étaient pas parties, ils n'ont émis aucune réserve s'agissant du surplus de l'assiette de la servitude, subsistant sur la parcelle [...] , les juges du fond, qui n'ont pas mis en évidence la volonté dépourvue d'équivoque de M. et Mme S... de renoncer à leur droit, ont violé l'article 1134 ancien [1103 nouveau] du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, réformant le jugement, dit que la servitude de passage au profit du fonds n° [...] et grevant le fonds [...] , stipulée dans l'acte sous seing privé du 22 juillet 2010 passé entre M. et Mme A... et M. et Mme R..., valant vente au terme du jugement du Tribunal de grande instance de Lyon en date du 8 novembre 2011, est valide et opposable à M. et Mme S..., acquéreurs du fonds servant selon acte des 4 et 30 juillet 2012, dans les termes, conditions et limites énoncés dans l'acte du 22 juillet 2010 ;
AUX MOTIFS QUE « Par jugement du 8 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Lyon a constaté le caractère parfait de la vente consentie entre M. et Mme A... et M. et Mme R.... Cette vente procède nécessairement du compromis du 22 avril 2010, lequel comporte la constitution d'une servitude de passage au profit de la parcelle [...] restant la propriété des époux A... sur le chemin desservant la parcelle [...] , désormais inclus dans la parcelle [...] , et ce pour leur permettre d'accéder à la partie nord de leur parcelle [...] . L'acte de vente pat M. et Mme R... à M. et Mme S... en date des 4 et 30 juillet 2012, mentionne dans le rappel de l'origine de propriété que les vendeurs ont acquis la parcelle [...] de M. et Mme A... aux termes d'un jugement ordonnant la réalisation forcée de la vente, « ledit jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 8 novembre 2011 ayant été publié au premier bureau des hypothèques de Lyon le 27 mars 2012, volume 2012P n° 3480. » Or le jugement mentionne : « Suivant acte sous seing privé en date du 22 juillet 2010, M. et Mme A... se sont obligés à vendre à M. R... et Melle O... une parcelle de terrain à bâtir située à Caluire cadastrée section [...] (...) Cet acte institue une servitude de passage au profit de la parcelle [...] sur la parcelle [...] sur une bande de 3,56 à 3,75 m tel que hachuré sur un plan annexé à l'acte, rappel également que le propriétaire du fonds voisin bénéficie d'une servitude de passage sur ledit chemin hachuré sur le plan. » M. et Mme R..., acquéreurs, n'ont pas demandé au tribunal de constater la vente en excluant cette servitude qu'ils concédaient. Le jugement en constatant le caractère parfait de la vente a nécessairement homologué toutes les stipulations convenues entre les parties. Dès lors, la servitude de passage ayant été reproduite dans le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 8 novembre 2011, et ce jugement ayant été d'une part publié au service de la publicité foncière et d'autre part, mentionné dans l'acte de vente des 4 et 30 juillet 2012, est opposable aux époux S..., qui en ont eu connaissance à cette date. » ;
ALORS QUE, premièrement, une servitude n'est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé, hors l'hypothèse où son acte d'acquisition en fait mention, que si elle a été publiée ; qu'une servitude n'est publiée que si l'acte emportant, ou la décision valant, constitution de la servitude a été publié ; qu'en retenant, pour dire la servitude stipulée dans l'acte du 22 juillet 2010 opposable à M. et Mme S..., que le jugement du 8 novembre 2011, lequel comportait mention de la servitude, avait été publié au service de la publicité foncière, sans constater qu'il valait constitution de la servitude, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
ALORS QUE, deuxièmement, à défaut de publicité, une servitude n'est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé que si son acte d'acquisition en fait mention ; qu'en retenant, pour dire la servitude stipulée dans l'acte du 22 juillet 2010 opposable à M. et Mme S..., que l'acte des 4 et 30 juillet 2012 renvoyait au jugement du 8 novembre 2011, lequel comportait mention de la servitude, sans constater qu'il valait constitution de la servitude, les juges du fond ont violé l'article 1134 ancien [1103 nouveau] du code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, seuls les énoncés figurant au dispositif d'une décision de justice présentent un caractère décisoire ; que faute d'avoir recherché, comme ils y étaient invités, s'il n'était pas exclu de se référer au jugement du 8 novembre 2011, comme valant constitution de la servitude, dès lors que la mention de la servitude figurait dans les commémoratifs et qu'en son dispositif, il se bornait à indiquer valoir vente, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 480 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, quatrièmement, une servitude n'est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé, hors l'hypothèse où son acte d'acquisition en fait mention, que si elle a été publiée ; que la connaissance par l'acquéreur de l'immeuble grevé de l'existence de la servitude ne supplée pas le défaut de publicité ; qu'en retenant, pour dire la servitude stipulée dans l'acte du 22 juillet 2010 opposable à M. et Mme S..., que ceux-ci en avaient eu connaissance à la date d'acquisition du fonds prétendument grevé, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. | Une servitude est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé si elle a été publiée, ou si son acte d'acquisition en fait mention, ou encore s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition |
347 | CIV. 3
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 659 FS-P+B+I
Pourvoi n° K 19-13.333
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
M. O... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-13.333 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme N... K..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. U... M..., domicilié [...] ,
3°/ à M. B... M..., domicilié [...] ,
4°/ à M. D... M..., domicilié chez Mme C... , [...] ,
5°/ à M. L... M..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. T..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. M..., et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mme Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 6 décembre 2018), le 15 novembre 1999, M. T... a pris à bail commercial des locaux appartenant à Q... M....
2. Par acte extrajudiciaire du 25 septembre 2008, le preneur a signifié au bailleur une demande de renouvellement du bail.
3. Lors de la délivrance de l'acte, le bailleur a déclaré à l'huissier de justice instrumentaire qu'il refusait de renouveler le bail et voulait reprendre son bien.
4. Le preneur, considérant que le bail avait pris fin à son terme, sans renouvellement en raison du refus du bailleur, lui a remis les clés, puis l'a assigné en paiement d'une indemnité d'éviction.
5. Q... M... étant décédé, l'instance a été reprise par ses héritiers.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, alors :
« 1°/ que l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie n'exclut pas qu'un même acte extrajudiciaire comporte à la fois la demande en renouvellement du bail commercial émanant du locataire et la réponse du bailleur à cette demande ; que le bailleur fait valablement connaître ses intentions quant au renouvellement du bail lorsqu'il déclare sur-le-champ à l'huissier de justice chargé de lui signifier la demande qu'il refuse le renouvellement et que l'officier ministériel consigne cette réponse dans son acte par des mentions valant jusqu'à inscription du faux ; qu'en considérant que la mention, portée sur l'acte de signification par M. T... de la demande en renouvellement du bail, du refus opposé par Q... M... ne satisfaisait pas à la condition tenant à ce que le bailleur fasse connaître, par acte extrajudiciaire, s'il refuse le renouvellement, la cour d'appel a violé le texte précité dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ;
2°/ que la nullité sanctionnant l'inobservation du mode de notification du refus de renouvellement du bail opposé par le bailleur à une demande en renouvellement est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le preneur ; qu'en autorisant les ayants droit du bailleur à se prévaloir de ce que le refus de renouvellement exprimé par celui-ci et mentionné dans l'acte de l'huissier chargé de lui signifier la demande de renouvellement était de nul effet, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ que la motivation du refus de renouvellement du bail opposé par le bailleur à la demande en renouvellement du preneur ne constitue pas une condition de validité de ce refus ; qu'en considérant, pour la dire de nul effet, que la mention du refus du bailleur portée sur l'acte de signification de la demande en renouvellement du bail ne répondait pas au formalisme impliquant que le bailleur précise les motifs du refus, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ;
4°/ qu'en répondant à l'huissier, qui l'a consigné dans son acte, qu'il refusait le renouvellement pour la raison ainsi énoncée : « je veux reprendre mon bien », Q... M... a motivé son refus ; qu'en retenant que le formalisme tenant à la motivation du refus n'avait pas été observé, la cour d'appel a dénaturé les termes de l'acte d'huissier du 25 septembre 2008 en violation de son obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
5°/ que la nullité tenant à ce que l'acte par lequel le bailleur notifie son refus de renouvellement du bail n'indique pas le délai dans lequel le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; qu'en autorisant les ayants droit du bailleur à soutenir que le refus de renouvellement exprimé par ce dernier et mentionné dans l'acte de l'huissier chargé de lui signifier la demande en renouvellement était nul pour ne pas satisfaire à ce formalisme, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
6°/ que le défaut de mention du délai dans lequel le locataire peut contester le refus de renouvellement du bail ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction en saisissant le tribunal constitue un vice de forme n'affectant la validité de l'acte que s'il fait grief à celui qui l'invoque ; qu'en déclarant nul comme ne respectant pas ce formalisme le refus de renouvellement opposé par Q... M... auprès de l'huissier chargé de lui signifier la demande en renouvellement cependant que ses ayants droit n'ont pas établi ni même allégué un grief, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 114 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. »
Réponse de la Cour
8. A défaut de figurer dans un acte notifié par le bailleur au preneur, une déclaration de refus de renouveler le bail, faite verbalement par le bailleur, en réponse à l'interpellation de l'huissier de justice lui signifiant une demande du preneur de renouvellement du bail, ne constitue pas un acte de refus de renouvellement prévu à l'article L. 145-10 du code de commerce, applicable en Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008.
9. Ayant relevé que le bailleur s'était borné à déclarer verbalement à l'huissier de justice, lui signifiant une demande du preneur de renouvellement du bail, qu'il refusait de renouveler le bail, la cour d'appel en a déduit à bon droit, par ce seul motif, que la simple mention de cette déclaration portée sur l'acte de signification était sans effet sur le renouvellement du bail.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. T... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. T...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. T... de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, selon les dispositions de l'article L. 145-10 du code de commerce de Nouvelle-Calédonie, « À défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa reconduction. La demande en renouvellement doit être signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous. Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa ci-dessous. Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement » ; qu'il résulte de ces dispositions que le refus de renouvellement opposé au preneur est un acte formaliste, qui doit préciser les motifs du refus et, à peine de nullité, reproduire l'alinéa 5 et indiquer au locataire qui entend contester le congé soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement ; que, par conséquent, il importe peu que M. T... ait ou n'ait pas reçu de M. M... la lettre en date du 14 octobre indiquant qu'il bénéficiait d'un délai de trois mois pour faire part de sa décision, dès lors qu'à défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai et dans les formes prévues par ce texte, M. M..., bailleur, est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ; que c'est avec raison que le premier juge a retenu que la mention portée sur l'acte de notification de la demande de renouvellement du bail signifiée à M. M... du refus de ce dernier est de nul effet puisque cette mention ne répond pas au formalisme impératif des dispositions précitées est de nul effet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, en réponse à la demande de renouvellement du bail faite par acte d'huissier du 25 septembre 2008 par M. T..., preneur, M. M..., bailleur, n'a pas fait connaître en réponse, par acte extrajudiciaire, qu'il entendait refuser le renouvellement du bail et que ce refus devait être contesté par le preneur dans les deux ans sous peine de forclusion ; que la mention portée dans l'acte de notification de la demande de renouvellement du bail signifiée à M. M..., ce de que ce dernier s'y refusait, est de nul effet, cette mention ne pouvant être considérée comme répondant au formalisme précédemment rappelé ; qu'ainsi, c'est à tort que M. T... soutient avoir été destinataire d'un refus de renouvellement du bail valable et régulier ; qu'aucun refus de renouvellement n'ayant été régulièrement notifié à M. T... dans le délai de trois mois et postérieurement au courrier du 14 octobre 2008, le silence gardé par M. M... a valu acceptation du principe du renouvellement du bail ; que M. T... ne s'étant pas vu notifier un refus de renouvellement de bail commercial et un refus de payer une indemnité d'éviction par acte extrajudiciaire, sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction ;
1/ ALORS, D'UNE PART, QUE l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie n'exclut pas qu'un même acte extrajudiciaire comporte à la fois la demande en renouvellement du bail commercial émanant du locataire et la réponse du bailleur à cette demande ; que le bailleur fait valablement connaître ses intentions quant au renouvellement du bail lorsqu'il déclare sur-le-champ à l'huissier de justice chargé de lui signifier la demande qu'il refuse le renouvellement et que l'officier ministériel consigne cette réponse dans son acte par des mentions valant jusqu'à inscription du faux ; qu'en considérant que la mention, portée sur l'acte de signification par M. T... de la demande en renouvellement du bail, du refus opposé par Q... M... ne satisfaisait pas à la condition tenant à ce que le bailleur fasse connaître, par acte extrajudiciaire, s'il refuse le renouvellement, la cour d'appel a violé le texte précité dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ;
2/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la nullité sanctionnant l'inobservation du mode de notification du refus de renouvellement du bail opposé par le bailleur à une demande en renouvellement est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le preneur ; qu'en autorisant les ayants droit du bailleur à se prévaloir de ce que le refus de renouvellement exprimé par celui-ci et mentionné dans l'acte de l'huissier chargé de lui signifier la demande de renouvellement était de nul effet, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE la motivation du refus de renouvellement du bail opposé par le bailleur à la demande en renouvellement du preneur ne constitue pas une condition de validité de ce refus ; qu'en considérant, pour la dire de nul effet, que la mention du refus du bailleur portée sur l'acte de signification de la demande en renouvellement du bail ne répondait pas au formalisme impliquant que le bailleur précise les motifs du refus, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ;
4/ ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en répondant à l'huissier, qui l'a consigné dans son acte, qu'il refusait le renouvellement pour la raison ainsi énoncée : « je veux reprendre mon bien », Q... M... a motivé son refus ; qu'en retenant que le formalisme tenant à la motivation du refus n'avait pas été observé, la cour d'appel a dénaturé les termes de l'acte d'huissier du 25 septembre 2008 en violation de son obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
5/ ALORS, D'UNE AUTRE PART, QUE la nullité tenant à ce que l'acte par lequel le bailleur notifie son refus de renouvellement du bail n'indique pas le délai dans lequel le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; qu'en autorisant les ayants droit du bailleur à soutenir que le refus de renouvellement exprimé par ce dernier et mentionné dans l'acte de l'huissier chargé de lui signifier la demande en renouvellement était nul pour ne pas satisfaire à ce formalisme, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
6/ ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le défaut de mention du délai dans lequel le locataire peut contester le refus de renouvellement du bail ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction en saisissant le tribunal constitue un vice de forme n'affectant la validité de l'acte que s'il fait grief à celui qui l'invoque ; qu'en déclarant nul comme ne respectant pas ce formalisme le refus de renouvellement opposé par Q... M... auprès de l'huissier chargé de lui signifier la demande en renouvellement cependant que ses ayants droit n'ont pas établi ni même allégué un grief, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 114 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. T... à verser à chacun des ayants droit de Q... M... au prorata des droits recueillis dans la succession de ce dernier la somme de 1 585 184 F CFP au titre des frais de remise en état des lieux (1 285 184 FCFP) et à titre d'indemnité pour immobilisation des lieux (300 000 FCFP) ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, s'agissant de l'état des lieux à leur restitution par M. T..., la cour, comme le tribunal, constate qu'un état des lieux été dressé par voie d'huissier le 24 juin 2010 sur la base duquel l'expert M. E..., désigné par l'ordonnance de référé du 23 mars 2011, caractérise, après une réunion contradictoire organisée le 6 mai 2011 : « un mauvais état généralisé des locaux et équipements intégrés lié à un manque d'entretien durant les années de location, la disparition des lampes d'éclairage, la dépose de lavabo et robinetterie, l'absence de porte, les réparations non faites des menuiseries, la dépose des équipements professionnels sans précaution, les salissures dues à l'activité non nettoyée et chiffre le coût des reprises imputables au défaut d'entretien des lieux à la somme de 1 285 184 FCFP » ; que les clauses du bail mettent à la charge du preneur article IV : « l'entretien des lieux loués en bon état, en effectuant au fur et à mesure qu'elles deviendront nécessaires toutes les réparations auxquelles le preneur est tenu de manière à restituer les lieux en bon état en fin de bail et l'obligation plus générale de maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, de sécurité, de propreté, l'ensemble des locaux loués, les vitres, plomberie, serrurerie, menuiserie, appareillage électrique et sanitaire, les accessoires et éléments d'équipement et la reprise au fur et à mesure de toute dégradation qui pourrait se reproduire dans les lieux loués » ; qu'en conséquence du manquement à son obligation d'entretien, M. T... doit être condamné à payer aux intimés au prorata des droits recueillis dans la succession de Q... M... la somme de 1 285 184 CF CFP augmentée d'une somme de 300 000 F CFP au titre de l'immobilisation des lieux pendant trois mois qui correspond au délai moyen de remise en location ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE M. T... est demeuré dans les lieux jusqu'au 14 juin 2010, date à laquelle les clés des lieux ont été remises au conseil de M. M... ; que conformément au bail commercial du 15 novembre 1999, le preneur est réputé avoir reçu les lieux en bon état, à défaut de faire établir à ses frais un état des lieux contradictoire dans les 15 jours de son entrée en jouissance ; que les clauses du bail mettant à la charge du preneur les inconvénients résultant de l'état des lieux lors de la location, les frais de réparation, remises en état même pour cause de vétusté et limitant l'engagement du bailleur au maintien du clos et du couvert, sont licites, que dérogatoires au droit commun elles sont d'interprétation stricte, de sorte que les travaux envisagés portant sur les murs et charpentes nécessités par la vétusté sont à la charge du preneur dès lors qu'il est constaté qu'en aucun cas les dégradations constatées ne concernent le clos et le couvert ; qu'un procès-verbal de constat d'huissier a été établi le 24 juin 2010 sur l'état dans lequel les lieux ont été restitués, qu'un rapport d'expertise a été déposé le 11 juillet 2011 par monsieur J... E..., expert judiciaire désigné par ordonnance de référé du 23 mars 2011 ; qu'il ressort que les lieux ont été restitués par M. T... dans un mauvais état d'entretien, que l'expert a évalué le coût du nettoyage général des lieux et celui de la remise en état des menuiseries, de la plomberie, de l'éclairage et des peintures, soit un total de 1 285 184 FCFP ;
qu'il y a lieu de condamner en conséquence M. T... à payer aux défendeurs, ayants droit de M. Q... M..., la somme de 1 285 184 FCFP au titre des frais de remise en état des lieux ; que s'ajoutera à cette somme, celle de 300 000 FCFP au titre de l'immobilisation des lieux pendant 3 mois, correspondant au délai moyen de relocation ;
1/ ALORS QUE, dans ses conclusions récapitulatives, M. T... faisait valoir, en s'appuyant sur l'attestation de M. V..., que les lieux, objet du bail litigieux, étaient dans un état de vétusté et de salissure ayant nécessité de nombreux travaux avant exploitation lorsqu'il y est entré, dans le cadre du contrat de gérance libre conclu le 15 juillet 1997 avec Q... M... suivi, après cession du fonds de commerce de celui-ci, du bail commercial signé le 15 novembre 1999, qu'il en déduisait que la demande tendant au remboursement des frais de remise en état des lieux ne pouvait être accueillie au regard de l'investissement qu'il avait eu à faire pour pallier le défaut de délivrance par Q... M... des lieux donnés en gérance libre ; qu'en faisant droit à la demande des ayants droit du bailleur sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
2/ ALORS QU'en condamnant M. T... à une indemnité pour immobilisation des lieux sans rechercher si la nécessité de remettre en état le bien allait effectivement provoquer une immobilisation prolongée ni en déterminer la durée, cependant que l'expert judiciaire avait évalué le délai de réalisation des travaux validés par les juges du fond à un mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3/ ALORS QUE la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne serait être appréciée de manière forfaitaire ; qu'en se fondant, pour allouer une indemnité en réparation de l'immobilisation du bien, sur le délai moyen de remise en location, la cour d'appel a procédé à une évaluation forfaitaire du préjudice, violant ainsi le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. | A défaut de figurer dans un acte notifié par le bailleur au preneur, une déclaration verbale du bailleur refusant de renouveler le bail ne constitue pas un acte de refus de renouvellement du bail tel qu'exigé par l'article L. 145-10 du code de commerce |
348 | CIV. 3
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 660 FS-P+B+I
Pourvoi n° M 19-16.370
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. M... J...,
2°/ Mme S... F...,
domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° M 19-16.370 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. U... E...,
2°/ à Mme K... P... épouse E...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. J... et de Mme F..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme E..., et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, Schmitt, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 mars 2019), M. et Mme E..., prétendant que le fonds dont ils sont propriétaires bénéficie d'une servitude de passage sur celui de M. J... et Mme F..., après avoir obtenu en référé l'organisation d'une expertise, les ont assignés, sur le fondement de la protection possessoire, en enlèvement d'une clôture et d'une barrière y faisant obstacle, ainsi qu'en indemnisation de leur préjudice.
Examen du moyen relevé d'office
2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 9 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 :
3. L'abrogation, par la loi précitée, de l'article 2279 du code civil, selon lequel les actions possessoires étaient ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possédaient ou détenaient paisiblement, a emporté abrogation des articles 1264 à 1267 du code de procédure civile qui définissaient le régime de ces actions et qui avaient été édictés spécifiquement pour l'application de l'article 2279.
4. Il en résulte que seules les actions en référé assurent, depuis le 18 février 2015, l'exercice de la protection possessoire.
5. Pour accueillir la demande formée par M. et Mme E... le 7 mars 2016, l'arrêt retient que, selon l'article 2278 du code civil, la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace, que les actions possessoires n'ont pas disparu et que l'obstacle mis par M. J... et Mme F... à l'utilisation du passage qu'ils empruntaient pour accéder à leur parcelle, dépourvue d'accès direct à la voie publique, a été créateur d'un trouble à leur possession qu'il convient de faire cesser.
6. En statuant ainsi, alors que les actions possessoires avaient été abrogées, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Déclare les demandes de M. et Mme E... irrecevables ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. et Mme E... aux dépens, en ce compris les dépens d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme E... et les condamne à payer à M. J... et Mme F... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. J... et Mme F...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir réformé le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 14 décembre 2017, en ce qu'il dit les époux E... irrecevables en leur action ;
aux motifs que « ainsi que les consorts J... F... l'admettent dans leurs écritures, l'action introduite par les époux E... relève, de la protection possessoire ; selon l'article 2278 du code civil , la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace; si la loi du 16 février 2015 a porté abrogation de l'article 2279 du code civil qui précisait que les actions possessoires étaient ouvertes à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement dans les conditions prévues par le code de procédure civile, les enfermant notamment dans l'année de la survenance du trouble, les actions visant à la protection possessoire n'ont pas pour autant disparu et leur introduction est désormais soumise au régime général de la prescription quinquennale; la recevabilité de l'action des époux E... n'est plus discutée en cause d'appel » ;
alors 1°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis, notamment les conclusions des parties ; que les exposants demandaient expressément à la cour d'appel de « confirmer en tous points le jugement rendu le 14 décembre 2017 en ce qu'il a déclaré les demandes afférentes à l'action possessoire diligentée par U... E... et K... P... son épouse irrecevables » et concluaient « à titre principal : sur l'irrecevabilité de l'action » ; qu'en considérant que la recevabilité de l'action des époux E... n'aurait plus été discutée en cause d'appel, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposants, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
alors 2°/ qu'avant l'entrée en vigueur du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 abrogeant les articles 1264 et suivants du code de procédure civile, les actions possessoires étaient ouvertes dans l'année du trouble ; qu'en considérant que l'action des époux E... aurait été recevable, après avoir constaté qu'ils avaient fait assigner les consorts J... F... en référé en septembre 2012, que le président du tribunal de grande instance de Limoges avait ordonné une expertise par ordonnance du 5 décembre 2012, que l'expert désigné avait déposé son rapport le 27 juin 2013, et que les époux E... n'avaient fait assigner les consorts J... F... que le 7 mars 2016, la cour d'appel a violé l'article 1264 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l'espèce ;
alors 3°/ que subsidiairement, à supposer que les articles 1264 et suivants ne s'appliquaient pas, le trouble de la possession prétendu relevait de la procédure de référé ; qu'en considérant que l'action des époux E... aurait été recevable, après avoir constaté qu'ils avaient fait assigner les consorts J... F... au fond devant le tribunal de grande instance de Limoges, la cour d'appel a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir condamné les consorts M... J...N... F... à permettre aux époux K... P... U... E... un libre accès à leur parcelle [...] au travers de leur parcelle [...] et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée ;
aux motifs que « il appartient aux époux E... de caractériser une possession paisible quant à l'usage, pour accéder à leur habitation, d'un passage au-devant des bâtiments des consorts J... F... , antérieurement au trouble qui l'a affecté ; il est acquis aux débats (cf plan en page 5 et photographies en page 6 du rapport de l'expert V...) que la parcelle [...] , propriété des époux E..., n'a pas d'accès à la voie publique et que leur maison d'habitation, édifiée sur cette parcelle, se trouve en arrière-plan et en prolongement des bâtiments des consorts J... F..., édifiés sur la parcelle [...] ouvrant sur la voie communale ; qu'il existe sur la parcelle [...] des époux E..., en limite de la parcelles [...] des consorts J... F... , un muret fermant leur propriété, supportant leur boîte aux lettres et leur compteur électrique et dans lequel a été aménagé un large portail de bois à deux battants ; il résulte en outre du rapport V... que les époux E... n'ont pas pu utiliser un accès à leur parcelle [...] en passant par leur parcelle [...] , qui jouxte directement la voie publique mais qui en est séparée par un mur de plus d'un mètre de hauteur (cf page 8 du rapport) ; les époux E... produisent en pièce n° 12 un écrit de l'auteur des consorts J... F..., monsieur D... F..., daté du 16 décembre 1972, reconnaissant "avoir reçu de madame P... (auteur des époux E...) la somme de 150 francs représentant la moitié des frais payés pour le goudronnage du chemin de servitude situé devant sa maison, à titre de droit de passage" ; en outre, si par un acte de donation-partage de 1991 consenti par B... O... veuve P... au profit de ses deux enfants, A... P... et K... P... épouse E..., il a constitué deux servitudes réciproques : - l'une permettant à A... P... d'accéder à sa parcelle 388 (aujourd'hui 128) en passant par les parcelles [...] et [...] attribuées à sa soeur (aujourd'hui devenues 127 et 301), la constitution de cette servitude ne peut s'expliquer que si A... P... pouvait poursuivre l'accès à sa parcelle 388 au travers de l'ancien parcelle [...], devenue [...] ; - l'autre permettant à K... P... épouse E... d'accéder à sa parcelle 387 - devenue 127 - en passant sur la parcelle 388 - devenue 128 - de son frère, la servitude grevant le fonds de A... P... n'a été constituée que pour servir l'actuelle parcelle [...] et non la parcelle [...] , qui demeure donc en état d'enclave relative ; en vertu d'un arrêté qui leur a été délivré le 27 octobre 2011, les consorts J... F... ont clôturé le long de la voie communale leur parcelle [...] et donc l'espace en question situé devant leurs bâtiments et qu'avant que n'existe cette clôture, les époux E..., et avant eux leur auteur, pouvaient librement accéder à la maison d'habitation située sur la parcelle [...] par le portail en bois en empruntant un passage au travers de cet espace ; l'utilisation d'un passage sur le fonds des consorts J... F..., qui plus est matérialisé par le portail de bois, suffit à caractériser une possession ouvrant droit pour les époux E... à la protection prévue à l'article 2278 précité ; si, depuis la clôture mise en place par les consorts J... F..., les époux E... ont néanmoins pu accéder à leur maison d'habitation située sur la parcelle [...] en utilisant un passage sur la parcelle [...] (anciennement 388) de A... P..., ce passage, qui n'est pas consacré par un titre, se fait au travers d'un chemin privé non empierré et qu'il n'est ni le plus direct, ni le plus commode, et suffit à expliquer que les époux E... aient de manière régulière, jusqu'en 2011, utilisé un passage au travers de l'espace situé devant les bâtiments des consorts J... F... , passage qu'ils avancent détenir, au titre d'une origine commune des fonds, par destination du père de famille ; l'obstacle mis par les consorts J... F... à l'utilisation de ce passage a été créateur d'un trouble à leur possession qu'il convient de faire cesser ; réformant le jugement entrepris, les consorts J... F... seront en conséquence condamnés, non pas à enlever la clôture et le portail mis en place le long de la voie communale, mais à permettre aux époux E... un libre accès à leur parcelle [...] au travers de leur parcelle [...] et ce sous une astreinte de 500 euros par infraction constatée ;
alors 1°/ que la mise en oeuvre de la protection possessoire nécessite la démonstration, soit d'une situation d'urgence et de l'absence de contestation sérieuse, soit d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite ; qu'en condamnant les exposants à permettre aux époux E... un libre accès à leur parcelle [...] au travers de leur parcelle [...] et ce sous astreinte, quand il résulte de ses propres constatations, d'une part que l'expert ayant déposé son rapport le 27 juin 2013 et les époux E... n'ayant introduit leur action que le 7 mars 2016, les conditions d'urgence et de dommage imminent ne sont caractérisées ni l'une ni l'autre, d'autre part que les époux E... peuvent accéder à leur maison en utilisant un passage sur la parcelle [...] , de sorte que leur parcelle n'est pas enclavée, ce qui exclut tout trouble manifestement illicite, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;
alors 2°/ que le propriétaire d'un fonds ne dispose de la protection possessoire pour protéger sa jouissance que s'il justifie d'un titre, par exemple d'une situation d'enclave ; qu'en condamnant les exposants à permettre aux époux E... un libre accès à leur parcelle [...] au travers de leur parcelle [...] et ce sous astreinte, quand il résulte de ses propres constatations d'une part qu'un autre passage existe sur la parcelle [...] , permettant l'accès des époux E... à leur parcelle, et qu'ils empruntent ce passage depuis 2011, d'autre part que l'expert désigné par ordonnance du 5 décembre 2012 a déposé son rapport le 27 juin 2013, mais que les époux E... ont attendu le 7 mars 2016 pour agir au possessoire, jouissant entre temps, paisiblement, de l'accès à leur parcelle par le passage de la parcelle [...], ce dont il résulte que la propriété des époux E... n'est pas enclavée, enfin que les époux E... ne bénéficient pas d'un acte constitutif d'une servitude, la cour d'appel a violé l'article 2278 du code civil. | L'abrogation, par la loi du 16 février 2015, de l'article 2279 du code civil, selon lequel les actions possessoires étaient ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possédaient ou détenaient paisiblement, a emporté abrogation des articles 1264 à 1267 du code de procédure civile qui définissaient le régime de ces actions et qui avaient été édictés spécifiquement pour l'application de l'article 2279.
Il en résulte que seules les actions en référé assurent, depuis le 18 février 2015, l'exercice de la protection possessoire |
349 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 454 F-P+B
Pourvoi n° N 18-23.221
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. R... U...,
2°/ Mme H... U...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° N 18-23.221 contre l'arrêt rendu le 25 juillet 2018 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. et Mme U..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 25 juillet 2018), par des actes du 30 mars 2011, M. et Mme U... se sont rendus cautions d'un prêt consenti à la société Chery Buro (la société) par la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque).
2. La société ayant été mise en redressement puis, après résolution d'un plan, en liquidation judiciaire, respectivement les 18 juillet 2013 et 2 juillet 2015, la banque a assigné en paiement les cautions qui, reconventionnellement, ont recherché sa responsabilité pour rupture abusive de crédit.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes reconventionnelles et de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 94 436,29 euros au titre de leur engagement de caution, outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2014 alors « que la responsabilité de la banque à l'égard de la caution pour l'octroi abusif de concours à un débiteur qui fait l'objet d'une procédure collective est régie par l'article L. 650-1 du code de commerce qui n'ouvre droit à réparation qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis étaient eux-mêmes fautifs ; que ce texte est inapplicable aux actions en responsabilité fondée sur une réduction ou retrait abusif de ses concours par l'établissement de crédit ; qu'en affirmant, pour débouter les cautions de leur demande de dommages-intérêts formée contre la BPALC pour rupture abusive de son autorisation de découvert à hauteur de 50 000 euros au profit de la SARL Chery Buro, ramenée brutalement et sans préavis à 30 000 euros, qu'aucune des conditions alternatives de l'article L. 650-1 du code de commerce n'étaient pas remplies en l'espèce, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 650-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :
4. Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
5. Pour rejeter la demande reconventionnelle de M. et Mme U..., l'arrêt retient que si ces derniers déplorent le fait qu'après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque l'a brutalement révoqué, en décidant de ramener l'autorisation de découvert qu'elle avait accordée à sa cliente, de 50 000 à 30 000 euros, force est de constater qu'ils n'établissent pas l'existence de l'une des trois causes de mise en jeu éventuelle de la responsabilité de la banque, énoncées par l'article L. 650-1 du code de commerce.
6. En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne et la condamne à payer à M. et Mme U... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme U... de leurs demandes reconventionnelles et d'avoir condamné solidairement les époux U... à payer à la BPALC la somme de 94 436,29 € au titre de leur engagement de caution, outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le caractère disproportionné des engagements de caution, la simple lecture de la fiche de renseignements rédigée sous la seule responsabilité de M. et Mme U..., en leur qualité de caution, le 30 mars 2011, soit à la date de leur engagement, permet de constater qu'outre la perception pour chacun des époux d'un salaire mensuel de 2 500 €, ceux-ci ont déclaré être propriétaires d'une maison d'habitation valorisée à la somme de 550 000 € et hypothéquée à hauteur de 300 000 € ; qu'en considération du montant de leur engagement de caution, souscrit dans la limite de la somme de 144 000 €, force est donc de constater l'absence de disproportion manifeste, au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu L.332-1 et L.343-4 du même code, entre ledit engagement et leurs biens et revenus ; que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des cautions visant à entendre dire que la société BPALC ne peut se prévaloir des contrats de cautionnement souscrits le 30 mars 2011 et en ce qu'il a condamné solidairement les époux U... à honorer leur engagement de caution, à hauteur de la somme de 94 436,29 € correspondant au capital restant dû à la date du décompte de la banque, majoré de l'indemnité exceptionnelle de 10 % ; que, sur la responsabilité de la banque, s'agissant du moyen pris du manquement de la banque à son obligation de mise en garde due aux cautions, au regard de leur capacité financière et des risques d'endettement né de leur engagement, les développements qui précèdent ayant permis de conclure à l'absence de disproportion manifeste entre ledit engagement et les biens et revenus desdites cautions, ce moyen ne peut donc prospérer, les époux U..., co-gérants de la société Chery Buro, fussent-ils des cautions profanes ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, pour résister à la demande présentée par la BPALC, M. et Mme U... soutiennent qu'elle n'aurait pas respecté l'obligation de la mise en garde à leurs égards et se portent demandeurs reconventionnellement en réclamant de 103 888,58 € à titre de dommages et intérêts ; qu'il sera rappelé à ce sujet que le fait générateur de l'obligation de mise en garde est le risque caractérisé d'endettement ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante tant des juridictions du fond que de la Cour de cassation ; qu'en l'espèce, ce risque est inexistant ainsi qu'il résulte de la fiche de renseignements sur la caution annexée à l'engagement souscrit par M. et Mme U... ; qu'en effet, ces derniers ont déclaré au terme de ce document être propriétaire d'une maison d'habitation évaluée à la somme de 550 000 €, hypothéquée à hauteur de 300 000 € ; que dès lors le patrimoine détenu par les défendeurs demandeurs reconventionnels leur permettait de faire face à leur engagement de caution souscrit par eux de sorte qu'il n'existe en l'espèce aucun risque caractérisé d'endettement ; que la Banque n'avait pas à les mettre en garde ; qu'il sera également rappelé contrairement à ce que soutiennent les défendeurs que la Cour de cassation prend uniquement en compte la valeur du patrimoine privé ou professionnel pour caractériser l'endettement ; que de surcroît M. et Mme U... étaient propriétaires de 100 % des parts sociales de la SARL Chery Buro et doivent donc être considérés comme des cautions averties ;
1°) ALORS QUE la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou lorsqu'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'en jugeant que l'absence de disproportion manifeste entre l'engagement des cautions et leurs biens et revenus excluait que la responsabilité de la banque puisse être engagée pour inexécution de son obligation de mise en garde, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE le seul statut de dirigeant ou d'associé de la société cautionnée est impropre à caractériser la qualité de caution avertie et donc à exclure le devoir de mise en garde qui pèse sur le dispensateur de crédit ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que les époux U... doivent être considérés comme des cautions averties dès lors qu'à la date de leur engagement, ils étaient propriétaires à 100 % des parts sociales de la SARL Chery Buro, débitrice principale, quand le seul statut d'associé est impropre à établir que les cautions étaient averties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme U... de leurs demandes reconventionnelles et d'avoir condamné solidairement les époux U... à payer à la BPALC la somme de 94 436,29 € au titre de leur engagement de caution, outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce, il appartient à la caution qui entend rechercher la responsabilité de la banque, non pas au titre d'une action qui lui est propre, mais en vertu du caractère accessoire de son engagement, au titre d'une faute commise par le banquier à l'égard de l'emprunteur, de rapporter la preuve soit d'une fraude, soit d'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, soit que les garanties prises en contrepartie des concours sont disproportionnées ; qu'en l'espèce, si les époux U... déplorent le fait qu'après avoir complaisamment donné son concours financier à la société Chery Buro, la banque l'a brutalement révoqué en décidant de ramener l'autorisation de découvert bancaire qu'elle avait accordée à sa cliente, de 50 000 € à 30 000 €, force est de constater qu'ils n'établissent nullement l'existence de l'une des trois causes de mise en jeu éventuelle de la responsabilité de la banque, énoncées par l'article précité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la banque ne s'aurait voir sa responsabilité engagée pour avoir brutalement rompu les concours consentis à la SARL Chery Buro ; qu'en effet il appartient à M. et Mme U... de rapporter la preuve de l'existence de concours formels consentis à la SARL Chery Buro qui auraient été brutalement rompus par la banque, ce qu'ils s'abstiennent de faire ; qu'en tout état de cause la demande reconventionnelle présentée par M. et Mme U... tendant à voir engager la responsabilité de la Banque et totalement infondée conformément à l'article L. 650-1 du code de commerce ;
1°) ALORS QUE la responsabilité de la banque à l'égard de la caution pour l'octroi abusif de concours à un débiteur qui fait l'objet d'une procédure collective est régie par l'article L. 650-1 du code de commerce qui n'ouvre droit à réparation qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis étaient eux-mêmes fautifs ; que ce texte est inapplicable aux actions en responsabilité fondée sur une réduction ou retrait abusif de ses concours par l'établissement de crédit ; qu'en affirmant, pour débouter les cautions de leur demande de dommages et intérêts formée contre la BPALC pour rupture abusive de son autorisation de découvert à hauteur de 50 000 € au profit de la SARL Chery Buro, ramenée brutalement et sans préavis à 30 000 €, qu'aucune des conditions alternatives de l'article L. 650-1 du code de commerce n'étaient pas remplies en l'espèce, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 650-1 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE les juges d'appel ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les nouvelles pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en cause d'appel, les époux U... produisaient aux débats les relevés de compte de la SARL Chery Buro attestant que la banque lui avait accordé un concours non occasionnel à hauteur d'un solde moyen de 50 000 € (concl. p. 4 § 6 et s. et pièce n° 19) ; qu'en déboutant les époux U... de leur demande indemnitaire par motifs adoptés des premiers juges selon lesquelles ils s'abstenaient de rapporter la preuve de l'existence d'un concours formel consenti à la SARL Chery Buro et de sa rupture brutale par la banque, sans examiner, même sommairement, les relevés de comptes produits par les époux U... à hauteur d'appel, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 563 du code de procédure civile. | Les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte.
Viole dès lors ce texte, par fausse application, l'arrêt qui, pour rejeter la demande indemnitaire formée par une partie contre une banque pour rupture abusive de crédit, retient que cette partie n'établit pas l'existence de l'une des trois causes de mise en jeu éventuelle de la responsabilité de la banque énoncées par l'article L. 650-1 susvisé |
350 | COMM.
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 455 F-P+B
Pourvoi n° J 19-13.378
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-13.378 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à Mme K... Q..., épouse Y..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme Q..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 janvier 2019), que par un acte du 10 décembre 2003, la société Crédit industriel de l'Ouest, aux droits de laquelle est venue la société Crédit industriel et commercial de l'Ouest (la banque), a consenti à la société Andrea consulting un prêt destiné à l'acquisition des parts de la société Sold'Or, garanti par le cautionnement de Mme Q... et le nantissement des titres de la société Sold'Or ; que suivant une opération de fusion-absorption du 30 juin 2010, la société Altea Finances a absorbé la société Sold'Or ; que la société Altea Finances ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance, qui a été admise à titre chirographaire, au motif que l'assiette du nantissement avait disparu à la suite de l'absorption ; que la banque a assigné en paiement la caution, qui a demandé sa décharge sur le fondement de l'article 2314 du code civil ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la caution alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à la caution d'établir quel droit précis, susceptible de permettre une subrogation, a été perdu du fait de la seule inaction du créancier ; que lorsque le fait reproché au créancier consiste en un défaut d'opposition à un projet de fusion-absorption, il revient donc à la caution d'établir la capacité de la débitrice à solder son emprunt ou la possibilité de substituer une autre garantie ; qu'en considérant, que la banque ne justifiait pas de ce que, au moment où la fusion-absorption a eu lieu, la société Altea Finances n'était pas en capacité, soit de solder immédiatement l'emprunt, soit de fournir une autre garantie pour répondre des engagements précédemment contractés (p. 5, dernier § et p. 6, § 1), pour dire qu'il est démontré que le CIC avait négligé de protéger les intérêts de la caution en laissant dépérir la garantie dont il bénéficiait, quand il appartenait à Madame Q... d'établir qu'au moment de la fusion-absorption, la débitrice était en mesure de solder l'emprunt ou de fournir une nouvelle garantie, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1353 et 2314 du code civil, ensemble l'article L. 236-14 du code de commerce ;
2°/ que la caution ne peut se prétendre déchargée à défaut de bénéficier de la subrogation qu'à la condition qu'un fait exclusif du créancier lui ait fait perdre un droit certain ; qu'en retenant que, s'il avait été plus vigilant, le CIC aurait formé opposition au projet de fusion-absorption et, devant le tribunal, aurait demandé, soit le remboursement immédiat du solde de sa créance, soit la constitution de nouvelles garanties destinées à remplacer celle dont il disposait jusqu'alors (p. 5, § 14), cependant que le pouvoir d'ordonner la constitution de garanties dans une telle hypothèse relève seulement du juge saisi, si bien que l'abstention du CIC, qui aurait en toute hypothèse vu son sort dépendre du pouvoir du juge saisi de son opposition, ne pouvait constituer un fait exclusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil, ensemble l'article L. 236-14 du code de commerce ;
3°/ que la caution ne peut être déchargée qu'à la condition que le droit préférentiel perdu ait pu présenter pour elle un avantage effectif ; qu'en retenant que le préjudice subi par la caution consiste pour celle-ci à devoir répondre personnellement des engagements non tenus par la débitrice principale, sans constater que le créancier aurait pu, par l'exercice du droit d'opposition à la fusion acquisition, effectivement obtenir paiement de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'absorption de la société Sold'Or par la société Altea Finances avait eu pour effet de réduire à néant le nantissement inscrit par la banque sur les parts sociales de la société Sold'Or et énoncé que la banque aurait pu protéger ses intérêts en mettant en oeuvre le droit d'opposition au projet de fusion-absorption que lui conférait l'article L. 236-14 du code de commerce, l'arrêt retient que, si elle avait été plus vigilante, la banque aurait ainsi pu demander soit le remboursement immédiat du solde de sa créance, soit la constitution de nouvelles garanties destinées à remplacer celle dont elle disposait jusqu'alors ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la caution établissait le fait fautif exclusivement imputable au créancier, quels qu'aient pu être les résultats de sa démarche, à l'origine de la perte d'un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance, puis constaté que la banque ne justifiait ni de l'incapacité de la société absorbante, au moment de la fusion-absorption, à solder le prêt litigieux, ni de l'impossibilité de cette société de constituer d'autres garanties, de sorte qu'elle ne démontrait pas l'absence de préjudice engendré pour la caution par sa carence, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque CIC Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Ouest et la condamne à payer à Mme Q... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Ouest.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le CIC OUEST de sa demande en paiement de la somme de 42 539,63 € augmentée des intérêts au taux légal échus et à échoir sur ladite somme à compter de la mise en demeure en date du 20 avril 2012 jusqu'au jour de son règlement définitif avec application des dispositions de l'article 1154 du code civil.
AUX MOTIFS QUE l'article 2314 du Code civil prévoit que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Il en va ainsi, notamment, lorsque le créancier omet fautivement de procéder à l'inscription ou à la réinscription d'une sûreté, perdant ainsi une possibilité d'être désintéressé et nuisant par là même aux intérêts de la caution. En l'occurrence, il résulte des pièces du dossier : - qu'en garantie du prêt qu'elle a consenti à la société ANDREA CONSULTING, la banque a procédé au nantissement des titres de la société SOLD'OR acquis par l'emprunteuse ; - que SOLD'OR a été absorbée par ALTEA FINANCES suivant opération de fusion-absorption réalisée le 30 juin 2010, dont le projet avait fait l'objet des formalités de publicités prévues à l'article L 236-6 du Code de commerce ainsi qu'il en est justifié par l'appelante en pièce n°6 ; - que cette fusion-absorption a eu pour effet de réduire à néant le nantissement inscrit par le CIC puisque la transmission universelle du patrimoine de SOLD'OR à ALTEA FINANCES a entraîné la disparition des parts sociales de SOLD'OR, société qui a d'ailleurs été radiée consécutivement à cette opération ; que c'est d'ailleurs ce que le mandataire judiciaire a indiqué à la banque lorsque celle-ci a déclaré sa créance à titre privilégié au passif de la procédure collective de ALTEA FINANCES, la créance n'ayant ainsi été admise qu'à titre chirographaire. Pour autant, le CIC aurait pu protéger ses intérêts s'il avait réagi au projet de fusion-absorption régulièrement publié et ce, avant que l'opération produise ses effets. En effet, l'article L 236-14 du Code de commerce dispose : « La société absorbante est débitrice des créanciers non obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard. Les créanciers non obligataires des sociétés participant à l'opération de fusion et dont la créance est antérieure à la publicité donnée au projet de fusion peuvent former opposition à celui-ci dans le délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes. A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la fusion est inopposable à ce créancier. L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la poursuite des opérations de fusion. Les dispositions du présent article ne mettent pas obstacle à l'application des conventions autorisant le créancier à exiger le remboursement immédiat de sa créance en cas de fusion de la société débitrice avec une autre société ». Ainsi, s'il avait été plus vigilant, le CIC aurait formé opposition au projet de fusion-absorption et, devant le tribunal, aurait demandé, soit le remboursement immédiat du solde de sa créance, soit la constitution de nouvelles garanties destinées à remplacer celle dont il disposait jusqu'alors, en l'espèce le nantissement des titres de la société en voie d'absorption. En effet, la banque ne justifie : - ni de l'incapacité de la débitrice, au moment de la fusion-absorption, à solder son emprunt, - ni de l'impossibilité de substituer à sa garantie en voie de dépérissement une autre sûreté, quelle qu'elle soit, afin de garantir sa créance. De même, c'est vainement que le CIC fait valoir qu'un nantissement des titres de ALTEA FINANCES n'aurait pas permis de désintéresser la banque dans la mesure où la liquidation judiciaire de la société absorbante a réduit à néant la valeur de ses titres ; en effet, le CIC ne justifie pas de ce que, au moment où la fusion-absorption a eu lieu, c'est-à-dire au moment où la banque aurait dû réagir, ALTEA FINANCES n'était pas en capacité, soit de solder immédiatement l'emprunt, soit de fournir une autre garantie pour répondre des engagements précédemment contractés. Ainsi, il est démontré que le CIC a négligé, au moment où l'opération de fusion-absorption a été portée à sa connaissance, de protéger ses intérêts en laissant dépérir la garantie dont il bénéficiait alors. Quant au préjudice qui en résulte pour Madame Q..., il consiste pour celle-ci à devoir répondre personnellement des engagements non tenus par la débitrice principale alors que, par sa faute, la banque s'est privée d'une possibilité d'être désintéressée de sa créance sans avoir besoin de recourir à la caution ; à cet égard, il convient encore de rappeler que ce n'est pas la perte elle-même du nantissement sur les parts sociales de SOLD'OR qui peut être reprochée au CIC, celle-ci résultant en effet d'une opération de fusion-absorption que la banque ne pouvait pas empêcher, mais son absence de réaction à ce projet alors qu'elle aurait pu exiger le remboursement immédiat de sa créance ou bien la constitution de nouvelles garanties destinées à remplacer celle dont elle allait être privée ; dès lors, il importe peu, pour l'appréciation du préjudice invoqué par la caution, que les titres de ALTEA FINANCES aient, eux aussi, perdu toute leur valeur du fait de sa liquidation judiciaire, le CIC ayant eu, à l'époque de la fusion-absorption, d'autres moyens de protéger sa créance. En conséquence, et par application de l'article 2314 du Code civil, la caution est fondée à dénier sa garantie et à en être déchargée. Par suite et sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres moyens développés par l'appelante, le jugement déféré sera infirmé et la banque déboutée de l'ensemble des demandes qu'elle forme à l'encontre de K... Q... (arrêt, p. 4 à 6) ;
1°) ALORS QU'il appartient à la caution d'établir quel droit précis, susceptible de permettre une subrogation, a été perdu du fait de la seule inaction du créancier ; que lorsque le fait reproché au créancier consiste en un défaut d'opposition à un projet de fusion-absorption, il revient donc à la caution d'établir la capacité de la débitrice à solder son emprunt ou la possibilité de substituer une autre garantie ; qu'en considérant, que la banque ne justifiait pas de ce que, au moment où la fusion-absorption a eu lieu, ALTEA FINANCES n'était pas en capacité, soit de solder immédiatement l'emprunt, soit de fournir une autre garantie pour répondre des engagements précédemment contractés (p. 5, dernier § et p. 6, § 1), pour dire qu'il est démontré que le CIC avait négligé de protéger les intérêts de la caution en laissant dépérir la garantie dont il bénéficiait, quand il appartenait à Madame Q... d'établir qu'ai moment de la fusion-absorption, la débitrice était en mesure de solder l'emprunt ou de fournir une nouvelle garantie, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1353 et 2314 du code civil, ensemble l'article L. 236-14 du code de commerce ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la caution ne peut se prétendre déchargée à défaut de bénéficier de la subrogation qu'à la condition qu'un fait exclusif du créancier lui ait fait perdre un droit certain ; qu'en retenant que, s'il avait été plus vigilant, le CIC aurait formé opposition au projet de fusion-absorption et, devant le tribunal, aurait demandé, soit le remboursement immédiat du solde de sa créance, soit la constitution de nouvelles garanties destinées à remplacer celle dont il disposait jusqu'alors (p. 5, § 14), cependant que le pouvoir d'ordonner la constitution de garanties dans une telle hypothèse relève seulement du juge saisi, si bien que l'abstention du CIC, qui aurait en toute hypothèse vu son sort dépendre du pouvoir du juge saisi de son opposition, ne pouvait constituer un fait exclusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil, ensemble l'article L. 236-14 du code de commerce ;
3°) ALORS ENFIN, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la caution ne peut être déchargée qu'à la condition que le droit préférentiel perdu ait pu présenter pour elle un avantage effectif ; qu'en retenant que le préjudice subi par la caution consiste pour celle-ci à devoir répondre personnellement des engagements non tenus par la débitrice principale, sans constater que le créancier aurait pu, par l'exercice du droit d'opposition à la fusion acquisition, effectivement obtenir paiement de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil. | Il résulte de la combinaison de l'article 1315, devenu 1353, du code civil et de l'article 2314, anciennement 2037, du même code qu'il appartient au créancier qui, par son fait, a fait perdre à la caution un droit préférentiel de démontrer que cette perte était sans conséquence pour la caution.
Dès lors, c'est sans inverser la charge de la preuve qu'une cour d'appel, ayant relevé qu'une opération de fusion-absorption avait eu pour effet de réduire à néant le nantissement inscrit par une banque créancière sur les parts sociales d'une société et énoncé que la banque aurait pu protéger ses intérêts en mettant en oeuvre le droit d'opposition au projet de fusion-absorption que lui conférait l'article L. 236-14 du code de commerce, a retenu, d'abord, que, si elle avait été plus vigilante, la banque aurait pu demander soit le remboursement immédiat du solde de sa créance, soit la constitution de nouvelles garanties destinées à remplacer celle dont elle disposait jusqu'alors, de tels motifs faisant ressortir que la caution établissait le fait fautif exclusivement imputable au créancier, quels qu'aient pu être les résultats de sa démarche, à l'origine de la perte d'un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance, et a constaté, ensuite, que la banque ne justifiait ni de l'incapacité de la société absorbante, au moment de la fusion-absorption, à solder le prêt litigieux, ni de l'impossibilité de cette société de constituer d'autres garanties, de sorte qu'elle ne démontrait pas l'absence de préjudice engendré pour la caution par sa carence |
351 | COMM.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Irrecevabilité
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 457 F-P+B
Pourvoi n° N 18-26.280
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Immo Rhône-Alpes, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 18-26.280 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme C... P..., domiciliée [...] , prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Asco Industries,
2°/ à M. O... D..., domicilié [...] , pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société Asco industries,
3°/ à M. H... G..., domicilié [...] , pris en qualité de coliquidateur judiciaire de la société Asco industries,
4°/ à la société K... X..., B... V... X... et I... M... et U... N..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par Mme U... N..., prise en qualité de coliquidateur judiciaire de la société Asco industries,
5°/ à la société Asco industries, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, M. H... G... et M. U... N...,
6°/ à l'AGS-CGEA, dont le siège est [...] , prise en qualité de contrôleur,
7°/ à la société Schmolz + Bickenbach Ag, dont le siège est [...] ),
8°/ à M. K... E..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Asco industries,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Immo Rhône-Alpes, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Schmolz + Bickenbach Ag, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme P..., ès qualités, de M. D..., ès qualités, de M. G..., ès qualités, de M. E..., ès qualités, de la SCP M...-X...-N..., ès qualités, et de la société Asco industries, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense
Vu l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et les principes régissant l'excès de pouvoir :
1. Il résulte de ce texte que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application de l'article L. 661-6, III, du code de commerce. Il n 'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.
2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 novembre 2018), en 2014, le groupe Ascometal rencontrant de sérieuses difficultés, une première procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son égard. Au terme de cette procédure, les principaux actifs et activités du groupe ont été cédés dans le cadre d'un plan de cession au profit de la société Asco industries. La société Immo Rhône-Alpes (la société IRA) a considéré que la cession de certaines parcelles, incluse dans le plan de cession, était intervenue en violation d'une clause de préférence dont elle s'estimait bénéficiaire et a assigné la société Asco industries en résolution de cette vente. La cession de 2014 n'ayant pas permis de résoudre l'ensemble des difficultés du groupe, la société Asco industries a été contrainte de céder à son tour certains actifs. En 2015, le tribunal a ainsi levé la clause d'inaliénabilité qui figurait dans le jugement arrêtant le plan de cession, et autorisé cette société a céder les parcelles précitées à la société Asco Fields. A la suite de l'opposition de la société IRA, la société Asco industries, la société IRA et la société Asco Fields sont parvenues à un accord amiable matérialisé par un protocole transactionnel conclu le 3 août 2016, par lequel elles ont pris des engagements réciproques dont la cession des parcelles par la société Asco Fields à la société IRA et la signature d'une future convention, dont la qualification et les conditions devaient être négociées ultérieurement entre les parties, permettant le maintien, l'usage ou la jouissance des parcelles cédées, par la société Asco industries, tant qu'elle poursuivrait une activité économique sur les lots concernés.
3. Par un jugement du 22 novembre 2017, la société Asco industries a été mise en redressement judiciaire, MM. L... et D... étant désignés administrateurs et M. G... et Mme N... étant désignés mandataires judiciaires. Par un jugement du 29 janvier 2018, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Asco industries au profit de la société Schmolz + Bickenbach Ag (la société S+B), et le transfert au repreneur des contrats figurant sur l'annexe 2, dont le prêt à usage et ses avenants conclus avec la société IRA.
4. En incluant dans le périmètre du plan de cession au profit de la société S+B le prêt à usage et en excluant de ce périmètre les autres obligations consenties par les parties à la transaction du 3 août 2016, après avoir constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain de recherche de la commune intention des parties, l'existence du prêt à usage et son exécution non équivoque par la société Asco industries, et l'absence de soumission de la vente des parcelles à la société IRA par la société Asco Fields, le 2 décembre 2016, à la condition de l'exécution d'autres obligations que celle de conclure une convention pour permettre à la société Asco industries d'exercer ses activités commerciales sur les parcelles vendues, la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir, qu'elle tient de l'article L. 642-7 du code de commerce, de déterminer les contrats nécessaires au maintien de l'activité.
5. Le pourvoi, dirigé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré d'excès de pouvoir, n'est donc pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;
Condamne la société Immo Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Immo Rhône-Alpes et la condamne à payer à M. G... et à la société M...-X...-N..., en qualité de coliquidateurs de la société Asco industries, à la société Asco industries, à Mme P... et M. D..., en qualité d'administrateurs de cette société, et à M. E..., en qualité de mandataire ad hoc de cette société, la somme globale de 3 000 euros et à la société Schmolz+Bickenbach la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. | Il résulte l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application de l'article L. 661-6, III, du code de commerce. Il n 'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.
Est dès lors irrecevable le pourvoi formé par une partie autre que le ministère public contre l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur l'appel d'un jugement arrêtant un plan de cession, dès lors que, la cour d'appel n'ayant fait qu'user du pouvoir, qu'elle tient de l'article L. 642-7 du code de commerce, de déterminer les contrats nécessaires au maintien de l'activité, son arrêt n'est pas entaché d'excès de pouvoir ni n'a consacré d'excès de pouvoir |
352 | COMM.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 458 F-P+B
Pourvoi n° A 19-12.542
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
1°/ la société Axel Ponroy, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Centre France automobiles,
2°/ la société Centre France automobiles, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ la société Conseils et services automobiles du Cher, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ la société Axel Ponroy, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Conseils et services automobiles du Cher,
ont formé le pourvoi n° A 19-12.542 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Axel Ponroy, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire des sociétés Centre France automobiles et Conseils et services automobiles du Cher, de Me Le Prado, avocat de la société Banque CIC Ouest, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 novembre 2018), la société Centre France automobiles (la société CFA) a souscrit auprès de plusieurs partenaires, dont la société Caisse de crédit agricole mutuel Centre Loire et la société Crédit industriel et commercial Ouest (les banques), des ouvertures de crédit. Les 2 octobre 2014 et 2 février 2015, les banques ont respectivement notifié à la société CFA la dénonciation des concours consentis.
2. Par un jugement du 21 avril 2015, un tribunal a mis la société CFA en liquidation judiciaire et a désigné la société Ponroy en qualité de liquidateur.
La société Conseils et services automobiles du Cher, actionnaire de la société CFA, a elle-même fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du 9 juin 2015, la société Ponroy étant désignée mandataire judiciaire.
3. Le 13 janvier 2016, les sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et la société Ponroy, ès qualités, ont saisi le tribunal d'une action en responsabilité contractuelle contre les banques sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, pour rupture abusive des crédits.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Les sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et la société Ponroy, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer leur action irrecevable, alors « que l'article L. 650-1 du code de commerce n'est applicable qu'à la responsabilité fondée sur un octroi fautif de crédit et non à la responsabilité résultant d'une rupture fautive du crédit ; qu'en appliquant ce texte à une action en rupture fautive du crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :
5. Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
6. Pour déclarer l'action en responsabilité irrecevable, l'arrêt retient que les demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, tendant à l'octroi de dommages-intérêts en raison de la rupture du crédit court terme, doivent s'analyser comme constituant, au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce, des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis et qu'il n'est pas établi ni même allégué que les banques se seraient rendues coupables de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées et en déduit que les prétentions des sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et de la société Ponroy, ès qualités, se heurtent nécessairement aux dispositions du texte précité.
7. En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire et Crédit industriel et commercial Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire et la société Crédit industriel et commercial Ouest et les condamne in solidum à payer aux sociétés Centre France automobiles et Conseils et services automobiles du Cher et à la société Ponroy, en qualité de liquidateur de ces sociétés, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Axel Ponroy, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire des sociétés Centre France automobiles et Conseils et services automobiles du Cher
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action diligentée par les sociétés Centre France Automobiles SAS et Conseils et Services Automobiles du Cher SARL et la SCP Ponroy ès-qualités à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire et de la Banque CIC Ouest ;
Aux motifs propres que « selon l'article L. 650-1 alinéa premier du code de commerce, « lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci » ; que les dispositions de ce texte, issues de la loi numéro 2005-845 du 26 juillet 2005 et modifiées par l'ordonnance numéro 2008-1345 du 18 décembre 2008, ont une portée générale et instaurent un régime d'exclusion de la responsabilité des créanciers ayant consenti des concours à une entreprise sauf dans les hypothèses limitativement prévues par le texte de fraude, immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou disproportion des garanties prises en contrepartie des concours ; qu'il est constant, en l'espèce, que la société Centre France Automobiles a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu le 21 avril 2015 par le tribunal de commerce de Bourges ; que la société Conseils et Services Automobiles du Cher a quant à elle fait l'objet d'une mesure de sauvegarde par jugement du 9 juin 2015 ; que les demandes formées par les appelants en application des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, tendant à l'octroi de dommages-intérêts en raison de la rupture du crédit court terme par le Crédit Agricole et le CIC Ouest qu'elles estiment abusive, doivent nécessairement s'analyser comme constituant, au sens de l'article L.650-1 précité, des demandes tendant à ce que les créanciers soient « tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis » ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que les banques intimées se seraient rendues coupables de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées à ces derniers ; que les prétentions des appelants se heurtent dès lors, nécessairement, aux dispositions de l'article L. 650-1 précité, ainsi que l'a pertinemment relevé le premier juge ; qu'en conséquence, il y aura lieu de confirmer la décision prise le 5 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Bourges ayant déclaré irrecevables les actions des appelants » (arrêt attaqué, p. 8-9) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « il suit d'abord de la lecture de l'article L. 650-1 du Code de Commerce que la mise en cause des établissements bancaires du chef des concours accordés échappe aux personnes soumises à une procédure collective sauf à établir la fraude, l'immixtion dans la gestion des affaires du client ou la disproportion ; que lesdites conditions rie sont pas réunies en l'espèce s'agissant d'une action en responsabilité du fait de la rupture abusive de crédits ; qu'il s'ensuit son irrecevabilité ; que, d'autre part, il est constant que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire emporte dessaisissement de l'intégralité des droits du débiteur au profit du mandataire liquidateur ; que, de la sorte, la société Centre France Automobiles ne pouvait valablement intenter de procès au jour de l'exploit introductif d'instance, ni davantage aujourd'hui en l'absence de clôture de sa procédure collective ; que la mention dans ledit acte de citation de ce qu'elle est représentée par son administrateur de même que la présence de ce dernier au rang des parties est insuffisante à effacer cette irrégularité, dès lors que celui-ci agit exclusivement dans l'intérêt des créanciers ; que la société Centre France Automobiles et la SCP Ponroy ne sauraient dont être admises en leurs prétentions indemnitaires ; que la société Conseils et services automobiles du centre n'a pas davantage lieu d'être accueillie en ses revendications conformément à la jurisprudence en vertu de laquelle les préjudices de la société en déconfiture et de ses associés sont identiques, étant précisé que le statut de holding qu'elle a, induit ladite qualité d'associé en ce qu'elle en détient les titres » (jugement entrepris, p. 7-8) ;
1°) Alors que l'article L. 650-1 du code de commerce n'institue aucune fin de non-recevoir ;
qu'en déclarant les demandes dont elle était saisie irrecevables sur la base de ce texte, la cour d'appel a violé l'article L.. 650-1 du code de commerce ;
2°) Alors que, en tout état de cause, l'article L. 650-1 du code de commerce n'est applicable qu'à la responsabilité fondée sur un octroi fautif de crédit et non à la responsabilité résultant d'une rupture fautive du crédit ; qu'en appliquant ce texte à une action en rupture fautive du crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action diligentée par les sociétés Centre France Automobiles SAS et Conseils et Services Automobiles du Cher SARL et la SCP Ponroy ès-qualités à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire et de la Banque CIC Ouest ;
Aux motifs propres que « selon l'article L. 650-1 alinéa premier du code de commerce, « lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci » ; que les dispositions de ce texte, issues de la loi numéro 2005-845 du 26 juillet 2005 et modifiées par l'ordonnance numéro 2008-1345 du 18 décembre 2008, ont une portée générale et instaurent un régime d'exclusion de la responsabilité des créanciers ayant consenti des concours à une entreprise sauf dans les hypothèses limitativement prévues par le texte de fraude, immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou disproportion des garanties prises en contrepartie des concours ; qu'il est constant, en l'espèce, que la société Centre France Automobiles a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu le 21 avril 2015 par le tribunal de commerce de Bourges ; que la société Conseils et Services Automobiles du Cher a quant à elle fait l'objet d'une mesure de sauvegarde par jugement du 9 juin 2015 ; que les demandes formées par les appelants en application des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, tendant à l'octroi de dommages-intérêts en raison de la rupture du crédit court terme par le Crédit Agricole et le CIC Ouest qu'elles estiment abusive, doivent nécessairement s'analyser comme constituant, au sens de l'article L. 650-1 précité, des demandes tendant à ce que les créanciers soient « tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis » ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que les banques intimées se seraient rendues coupables de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées à ces derniers ; que les prétentions des appelants se heurtent dès lors, nécessairement, aux dispositions de l'article L. 650-1 précité, ainsi que l'a pertinemment relevé le premier juge ; qu'en conséquence, il y aura lieu de confirmer la décision prise le 5 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Bourges ayant déclaré irrecevables les actions des appelants » arrêt attaqué, p. 8-9) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « il suit d'abord de la lecture de l'article L. 650-1 du Code de Commerce que la mise en cause des établissements bancaires du chef des concours accordés échappe aux personnes soumises à une procédure collective sauf à établir la fraude, l'immixtion dans la gestion des affaires du client ou la disproportion ; que lesdites conditions rie sont pas réunies en l'espèce s'agissant d'une action en responsabilité du fait de la rupture abusive de crédits ; qu'il s'ensuit son irrecevabilité ; que, d'autre part, il est constant que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire emporte dessaisissement de l'intégralité des droits du débiteur au profit du mandataire liquidateur ; que, de la sorte, la société Centre France Automobiles ne pouvait valablement intenter de procès au jour de l'exploit introductif d'instance, ni davantage aujourd'hui en l'absence de clôture de sa procédure collective ; que la mention dans ledit acte de citation de ce qu'elle est représentée par son administrateur de même que la présence de ce dernier au rang des parties est insuffisante à effacer cette irrégularité, dès lors que celui-ci agit exclusivement dans l'intérêt des créanciers ; que la société Centre France Automobiles et la SCP Ponroy ne sauraient dont être admises en leurs prétentions indemnitaires ; que la société Conseils et services automobiles du centre n'a pas davantage lieu d'être accueillie en ses revendications conformément à la jurisprudence en vertu de laquelle les préjudices de la société en déconfiture et de ses associés sont identiques, étant précisé que le statut de holding qu'elle a, induit ladite qualité d'associé en ce qu'elle en détient les titres » (jugement entrepris, p. 7-8) ;
1°) Alors que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire entraîne le dessaisissement du débiteur ; que l'action intentée par le liquidateur du débiteur en liquidation est dès lors recevable ; qu'au cas présent, l'assignation avait été délivrée par la société CFA représentée par son liquidateur, la SCP Ponroy, et par la SCP Ponroy ès-qualités de liquidateur de la société CFA ; que l'action était donc nécessairement recevable ; qu'en jugeant néanmoins que, dans la mesure où la société CFA était en liquidation, elle ne pouvait agir, même représentée par son liquidateur et qu'il en résulterait que tant l'action de la société CFA représentée par son liquidateur que l'action de la SCP Ponroy agissant èsqualités, « ne sauraient être admises » (arrêt attaqué, p. 8, § 5), la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce ;
2°) Alors que, en cause d'appel, la société CSAC invoquait un préjudice propre ; que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris sans rechercher si le préjudice propre invoqué était de nature à rendre son action recevable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | Les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte.
Viole dès lors ce texte, par fausse application, l'arrêt qui, pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité formée contre des banques pour rupture abusive des crédits, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, retient que les demandes fondées sur les dispositions de ce dernier texte, tendant à l'octroi de dommages-intérêts en raison de la rupture d'un crédit court terme, doivent s'analyser comme constituant, au sens de l'article L.650-1 précité, des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis |
353 | COMM.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 459 F-P+B
Pourvoi n° E 19-15.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. B... U...,
2°/ Mme L... F... , épouse U...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° E 19-15.122 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. H... I..., domicilié [...] ,
2°/ à la société TCA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Jourand Gall immobilier,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. et Mme U..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 février 2019), par un acte sous seing privé du 26 mai 2010, M. I... et M. et Mme U..., mis en relation par un agent immobilier, la société Jourand Le Gall Immobilier (la société JLG), ont signé une promesse de vente et d'achat d'un terrain. M. et Mme U... ont versé un dépôt de garantie de 10 000 euros entre les mains de la société JLG. Invités par le notaire à se présenter à son étude pour la signature de l'acte authentique de vente, M. et Mme U... ont fait savoir qu'en raison de la délivrance d'un certificat d'urbanisme ne leur permettant pas de réaliser l'opération de construction qu'ils projetaient, ils n'entendaient plus acquérir le terrain, et ont demandé à la société JLG la restitution du dépôt de garantie à laquelle celle-ci s'est opposée.
2. Par un jugement du 30 janvier , la liquidation judiciaire de la société JLG a été ouverte, la société TCA étant désignée liquidateur. Les époux U... ont déclaré leur créance puis, le 13 décembre 2013, ont assigné la société TCA, ès qualités, et M. I... aux fins d'obtenir la restitution de la somme versée au titre du dépôt de garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes contre la société TCA, ès qualités, alors « que l'action tendant à faire exécuter, par un agent immobilier soumis à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et faisant l'objet d'une procédure collective, son obligation de restitution d'une somme séquestrée sur un compte individualisé à la personne devant l'obtenir n'est pas soumis à l'interdiction du paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture et à l'interdiction des poursuites individuelles qu'en déclarant irrecevable l'action de M. et Mme U... tendant à ce que la société TCA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société JLG, agent immobilier soumis aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, leur restitue la somme séquestrée sur un compte séquestre individualisé qu'ils avaient versée en vue de la réalisation d'une vente finalement non réalisée sur le fondement de l'interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture d'une procédure collective et de l'interdiction des poursuites individuelles, la cour d'appel a violé les dispositions 1956 du code civil, 1 et 3 alors applicables de loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 par refus d'application et L. 622-17 et L. 622-21 du code de commerce par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1956 du code civil :
4. Selon ce texte, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une personne d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir.
5. Pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme U... contre la société TCA, ès qualités, tendant à la restitution du dépôt de garantie, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la société JLG, tout séquestre qu'elle ait pu être, était tenue d'une obligation de restitution dont l'exécution serait constitutive d'un paiement, que l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, interdit toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, que parmi ces procédures doivent être incluses celles afférentes aux sommes faisant l'objet d'un séquestre, qu'en sollicitant l'exécution d'un paiement, les époux U... présentaient une demande dont la recevabilité était soumise aux dispositions de l'article L. 622-7 et que la créance de restitution du dépôt de garantie étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, la demande, ayant pour objet et finalité l'exécution de cette obligation, constituait une demande en paiement irrecevable. Il retient encore, par motifs propres, qu'il résulte des dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-21 qu'en cas de procédure collective ouverte à l'égard d'un séquestre postérieurement à la remise de fonds, les droits des parties l'ayant constitué séquestre conventionnel à recouvrer la somme remise ne peuvent être exercés à d'autres conditions que celles prévues pour les créances nées antérieurement au jour d'ouverture.
6. En statuant ainsi, alors que le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours sur cette somme entre les créanciers de ce dépositaire, de sorte que la demande de restitution de la somme séquestrée entre les mains de la société JLG ne se heurtait pas à l'interdiction de payer une créance antérieure, ni à l'interdiction de toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, et était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société TCA, ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme U... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué
D'AVOIR déclaré irrecevable l'action diligentée par M. et Mme U... à l'encontre de la société TCA en qualité de liquidateur de la société Jourand Le Gall Immobilier tendant à la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 10 000 euros avec intérêts légaux à compter du 26 octobre 2010 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur et Madame U... soutiennent que la société JLG Immobilier ne détient la somme de 10 000 € qu'en qualité de séquestre choisi pax les parties ; que par voie de conséquence, elle tenue de restituer cette somme à celle des parties qui est jugée devoir l'obtenir nonobstant les dispositions applicables aux procédures collectives ; que sur la recevabilité de la demande : aux termes de l'article 1956 du code civil : « Le séquestre conventionnel est le dépôt fait part une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir » ; que Monsieur et Madame U... se prévalent des dispositions de l'article R. 622-19 et de l'avis N 0100003P du 25 juin 2010 de la Cour de Cassation pour soutenir que les fonds doivent leur être remis ; que l'article R. 622-19 qui prévoit que « Conformément au II de l'article L. 622-21, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d'un meuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques. Les fonds sont remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui par cette remise est libéré à l'égard des parties », comme l'avis du 25 juin 2010, sont relatifs à la procédure collective de la partie qui a remis les fonds au séquestre ; qu'ils ne peuvent être transposés à la demande diligentée contre le séquestre qui fait l'objet d'une procédure collective ; qu'aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 622-21 du code du même code : « Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les -créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. II Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produite un effet attributif avant le jugement d'ouverture. III Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus » ; qu'il résulte de ces dispositions, qu'en cas de procédure collective ouverte à l'encontre d'un séquestre postérieurement à la remise de fonds, les droits des parties l'ayant constitué séquestre conventionnel, à recouvrer la somme remise ne peuvent être exercés à d'autres conditions que celles prévues pour les créances nées antérieurement au jour d'ouverture ; qu'il s'ensuit que le jugement qui a déclaré irrecevable les demandes des époux U..., diligentée à l'encontre de la SELARL TCA tendant au versement de la somme de 10 000 € déposée à titre de garantie sera confirmé ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la recevabilité des demandes, il convient au préalable de noter que, abstraction faite de celle afférente aux frais irrépétibles qui implique également M. I..., toutes les demandes présentées au fond par les époux U..., qu'elles soient principales ou subsidiaires, d'une part sont exclusivement dirigées contre le mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER et d'autre part tendent toutes à la restitution d'une somme d'argent qui avait été déposée auprès de cette société ; que pour conclure à l'irrecevabilité des demandes des époux U..., le mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER fait valoir qu'elles concernent une créance qui, étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, ne saurait dès lors donner lieu à paiement postérieurement à cette décision ; qu'à défaut d'être expressément visées, il est manifeste que sont ici invoquées en substance les dispositions des articles L. 622-1 et suivants du Code de commerce, et notamment l'article L. 622-7 qui dispose que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; qu'e application des anciens articles 1235 et suivants du Code civil (nouveaux articles 1302 et 1342 et suivants de ce code), le paiement s'entend d'un mode d'extinction des obligations - qu'elles portent ou non sur des sommes d'argent - qui consiste à éteindre la dette en procurant au créancier l'exécution de ce qui est dû ; qu'en conséquence, et contrairement à ce qui pourrait se comprendre dans la motivation présentée en demande pour échapper à l'irrecevabilité, tout "séquestre" qu'elle ait pu être la SARL JLG IMMOBILIER était, sous certaines conditions tenant au fond du droit et donc inopérantes ici, tenue d'une obligation de restitution dont l'exécution serait constitutive d'un paiement au sens juridique du terme ; qu'en outre, s' il est exact, comme invoqué en demande, qu'il a pu être jugé pendant un temps que les sommes séquestrées échappaient aux règles de la procédure collective le cas échéant ouverte contre le dépositaire-séquestre, avec obligation subséquente pour ce dernier, bien qu'il fasse l'objet d'une telle procédure, de rendre la chose déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, cette jurisprudence avait été posée sous l'empire de l'article L .622-21 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, qui a depuis ajouté cette précision que le jugement d'ouverture non seulement interdit toute action en justice de la part des créanciers mais "arrête ou interdit également (...) toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le Jugement d'ouverture", procédures parmi lesquelles il faut inclure celles afférentes aux sommes faisant l'objet d'un séquestre ; que si cette modification ne concerne certes pas l'article L. 622-7 précité du Code de commerce, il est manifeste que la volonté du législateur de 2008 a été de mettre fin, d'une manière générale, à la règle selon laquelle des sommes séquestrées échappaient à la procédure collective ; qu'en résumé, en sollicitant du mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER l'exécution d'un paiement, les époux U... présentent donc une demande dont la recevabilité est bel et bien soumise aux dispositions susvisées de l'article L. 622-7 du Code de commerce ; qu'en application de ces dernières, la créance de restitution du dépôt de garantie invoquée par les époux U... étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure du 30 janvier 2013, la demande ayant pour objet et finalité l'exécution de cette obligation constitue une demande en paiement irrecevable ; Qu'à titre dès lors surabondant, le Tribunal note que l'article L. 622-21 du Code de commerce, en ce qu'il emporte interdiction formelle de toute action en justice contre une société déjà placée en redressement ou liquidation judiciaire ou contre les organes de ces procédures, conduisait également à l'irrecevabilité des demandes, présentées en l'espèce contre le mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER sur une assignation postérieure au jugement d'ouverture précité du 30 janvier 2013 ;
1/ ALORS QUE l'action tendant à faire exécuter, par un agent immobilier soumis à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et faisant l'objet d'une procédure collective, son obligation de restitution d'une somme séquestrée sur un compte individualisé à la personne devant l'obtenir n'est pas soumis à l'interdiction du paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture et à l'interdiction des poursuites individuelles ; qu'en déclarant irrecevable l'action de M. et Mme U... tendant à ce que la société TCA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Jourand Le Gall Immobilier, agent immobilier soumis aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, leur restitue la somme séquestrée sur un compte séquestre individualisé qu'ils avaient versée en vue de la réalisation d'une vente finalement non réalisée sur le fondement de l'interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture d'une procédure collective et de l'interdiction des poursuites individuelles, la cour d'appel a violé les dispositions 1956 du code civil, 1 et 3 alors applicables de loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 par refus d'application et L. 622-17 et L. 622-21 du code de commerce par fausse application ;
2/ ALORS QUE le jugement d'ouverture interrompt les seules actions tendant au paiement d'une somme d'argent, à l'exclusion des actions tendant à l'exécution d'une obligation de faire ; que l'action tendant à ce que le séquestre faisaient l'objet d'une procédure collective, restitue des sommes placées sur un compte individualisé qui sont pas rentrées dans son patrimoine - ne constitue pas une action tendant au paiement par ce débiteur, d'une somme d'argent, mais une action tendant à l'exécution d'une obligation de faire ; qu'en déclarant irrecevable l'action de M. et Mme U... tendant à ce que la société TCA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Jourand Le Gall Immobilier, agent immobilier leur restitue la somme séquestrée sur un compte séquestre individualisé qu'ils avaient versée en vue de la réalisation d'une vente qui ne s'est pas réalisée en raison de l'interdiction des actions en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 622-21 du code de commerce par fausse application et 1956 par refus d'application.
SECOND MOYEN DE CASSATION, à titre subsidiaire
Il est reproché à l'arrêt attaqué
D'AVOIR déclaré irrecevable l'action diligentée par M. et Mme U... à l'encontre de la société TCA en qualité de liquidateur de la société Jourand Le Gall Immobilier tendant au prononcé de la nullité de la promesse synallagmatique de vente et à ce qu'en conséquence, la société TCA, es qualité de liquidateur de la société Jourand Le Gall Immobilier, soit condamnée à lui restituer le dépôt de garantie d'un montant de 10 000 euros et ce avec intérêts légaux à compter du 26 octobre 2010 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur et Madame U... soutiennent que la société JLG Immobilier ne détient la somme de 10 000 € qu'en qualité de séquestre choisi pax les parties ; que par voie de conséquence, elle tenue de restituer cette somme à celle des parties qui est jugée devoir l'obtenir nonobstant les dispositions applicables aux procédures collectives ; que sur la recevabilité de la demande : aux termes de l'article 1956 du code civil : « Le séquestre conventionnel est le dépôt fait part une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir » ; que Monsieur et Madame U... se prévalent des dispositions de l'article R. 622-19 et de l'avis N 0100003P du 25 juin 2010 de la Cour de Cassation pour soutenir que les fonds doivent leur être remis ; que l'article R. 622-19 qui prévoit que « Conformément au II de l'article L. 622-21, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d'un meuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques. Les fonds sont remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui par cette remise est libéré à l'égard des parties », comme l'avis du 25 juin 2010, sont relatifs à la procédure collective de la partie qui a remis les fonds au séquestre ; qu'ils ne peuvent être transposés à la demande diligentée contre le séquestre qui fait l'objet d'une procédure collective ; qu'aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 622-21 du code du même code : « Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les -créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. II Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produite un effet attributif avant le jugement d'ouverture. III Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus » ; qu'il résulte de ces dispositions, qu'en cas de procédure collective ouverte à l'encontre d'un séquestre postérieurement à la remise de fonds, les droits des parties l'ayant constitué séquestre conventionnel, à recouvrer la somme remise ne peuvent être exercés à d'autres conditions que celles prévues pour les créances nées antérieurement au jour d'ouverture ; qu'il s'ensuit que le jugement qui a déclaré irrecevable les demandes des époux U..., diligentée à l'encontre de la SELARL TCA tendant au versement de la somme de 10 000 € déposée à titre de garantie sera confirmé ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la recevabilité des demandes, il convient au préalable de noter que, abstraction faite de celle afférente aux frais irrépétibles qui implique également M. I..., toutes les demandes présentées au fond par les époux U..., qu'elles soient principales ou subsidiaires, d'une part sont exclusivement dirigées contre le mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER et d'autre part tendent toutes à la restitution d'une somme d'argent qui avait été déposée auprès de cette société ; que pour conclure à l'irrecevabilité des demandes des époux U..., le mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER fait valoir qu'elles concernent une créance qui, étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, ne saurait dès lors donner lieu à paiement postérieurement à cette décision ; qu'à défaut d'être expressément visées, il est manifeste que sont ici invoquées en substance les dispositions des articles L. 622-1 et suivants du Code de commerce, et notamment l'article L. 622-7 qui dispose que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; qu'en application des anciens articles 1235 et suivants du Code civil (nouveaux articles 1302 et 1342 et suivants de ce code), le paiement s'entend d'un mode d'extinction des obligations - qu'elles portent ou non sur des sommes d'argent - qui consiste à éteindre la dette en procurant au créancier l'exécution de ce qui est dû ; qu'en conséquence, et contrairement à ce qui pourrait se comprendre dans la motivation présentée en demande pour échapper à l'irrecevabilité, tout "séquestre" qu'elle ait pu être la SARL JLG IMMOBILIER était, sous certaines conditions tenant au fond du droit et donc inopérantes ici, tenue d'une obligation de restitution dont l'exécution serait constitutive d'un paiement au sens juridique du terme ; qu'en outre, s' l est exact, comme invoqué en demande, qu'il a pu être jugé pendant un temps que les sommes séquestrées échappaient aux règles de la procédure collective le cas échéant ouverte contre le dépositaire-séquestre, avec obligation subséquente pour ce dernier, bien qu'il fasse l'objet d'une telle procédure, de rendre la chose déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, cette jurisprudence avait été posée sous l'empire de l'article L. 622-21 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, qui a depuis ajouté cette précision que le jugement d'ouverture non seulement interdit toute action en justice de la part des créanciers mais "arrête ou interdit également (...) toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le Jugement d'ouverture", procédures parmi lesquelles il faut inclure celles afférentes aux sommes faisant l'objet d'un séquestre ; que si cette modification ne concerne certes pas l'article L. 622-7 précité du Code de commerce, il est manifeste que la volonté du législateur de 2008 a été de mettre fin, d'une manière générale, à la règle selon laquelle des sommes séquestrées échappaient à la procédure collective ; qu'en résumé, en sollicitant du mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER l'exécution d'un paiement, les époux U... présentent donc une demande dont la recevabilité est bel et bien soumise aux dispositions susvisées de l'article L. 622-7 du Code de commerce ; qu'en application de ces dernières, la créance de restitution du dépôt de garantie invoquée par les époux U... étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure du 30 janvier 2013, la demande ayant pour objet et finalité l'exécution de cette obligation constitue une demande en paiement irrecevable ; Qu'à titre dès lors surabondant, le Tribunal note que l'article L. 622-21 du Code de commerce, en ce qu'il emporte interdiction formelle de toute action en justice contre une société déjà placée en redressement ou liquidation judiciaire ou contre les organes de ces procédures, conduisait également à l'irrecevabilité des demandes, présentées en l'espèce contre le mandataire liquidateur de la SARL JLG IMMOBILIER sur une assignation postérieure au jugement d'ouverture précité du 30 janvier 2013 ;
ALORS QUE l'action tendant à la nullité d'un contrat n'est pas soumise à la règle de l'interruption ou de l'interdiction, après l'ouverture d'une procédure collective, des actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'en déclarant irrecevable l'action de M. et Mme U... tendant au prononcé de la nullité de la promesse synallagmatique de vente sur le fondement de l'arrêt des poursuites résultant de l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel a violé les articles 369 du code de procédure civile et L. 622-21 du code de commerce. | Selon l'article 1956 du code civil, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une personne d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir.
Le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours sur cette somme entre les créanciers de ce dépositaire. En conséquence, est recevable la demande de restitution de la somme séquestrée entre les mains du dépositaire mis en liquidation judiciaire, dès lors qu'une telle demande ne se heurte ni à l'interdiction de payer une créance antérieure édictée par l'article L. 622-7 du code de commerce, ni à l'interdiction de toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture édictée par l'article L. 622-21, II, du même code |
354 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 733 FS-P+B
Pourvoi n° G 18-25.770
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société G... couverture, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 18-25.770 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... R... , domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société G... couverture, et l'avis de M. Liffran, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mme Pecqueur, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général en ses observations orales, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 novembre 2018), M. R... a été engagé le 1er juin 2000 par la société G..., devenue la société G... couverture, en qualité de couvreur, et occupait en dernier lieu les fonctions de couvreur chef d'équipe.
2. Le 17 juillet 2015, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail, avec effet au 5 septembre 2015.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la convention de rupture du contrat de travail, de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à payer au salarié les indemnités de rupture, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les parties au contrat de travail et est soumise aux dispositions de la section de ce code destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; qu'aux termes de l'article L. 1237-14, l'accord des parties est matérialisé par une convention de rupture dont un exemplaire doit être transmis à la Dirrecte ; que ces dispositions légales n'impliquent pas, sous peine de nullité, que chaque partie dispose d'un exemplaire de ladite convention ; qu'en retenant néanmoins, pour conclure à la nullité de la convention de rupture du contrat de travail de M. R... , que l'employeur ne justifiait pas de la remise à ce dernier d'un exemplaire de ce texte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que la rupture conventionnelle est une rupture bilatérale du contrat de travail voulue par les deux parties ; qu'à supposer que l'absence de remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture entraîne la nullité de cette convention, c'est alors nécessairement à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir la réalité ; qu'en retenant, pour conclure à la nullité de la rupture conventionnelle, que l'employeur n'apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer que M. R... s'en serait vu remettre un exemplaire, quand il incombait en réalité au salarié, qui invoquait la nullité de la rupture, de rapporter cette preuve, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-12 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil ;
3°/ que la remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture doit permettre, d'une part, le dépôt d'une demande d'homologation de la convention et d'autre part, de garantir son libre consentement en lui permettant d'exercer son droit de rétractation en connaissance de cause ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que l'homologation de la convention a été demandée puisque la Dirrecte l'a accordée ; qu'en décidant néanmoins que l'absence de preuve de remise d'un exemplaire de la convention à M. R... entraînait nécessairement sa nullité, sans rechercher si cela avait été de nature à affecter son libre consentement et son droit de se rétracter en connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle.
6. En second lieu, en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve.
7. La cour d'appel, qui a constaté qu'aucune mention de la remise d'un exemplaire de la convention n'avait été portée sur le formulaire, et qui a retenu que l'employeur n'apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer l'existence de cette remise, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que la convention de rupture était nulle.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société G... couverture aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société G... couverture ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société G... couverture
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé la convention de rupture du contrat de travail, dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné en conséquence la société à payer à M. R... les sommes de 3 986,42 € à titre d'indemnité de préavis, de 17 939 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur la rupture conventionnelle, M. R... soutient que la rupture conventionnelle du contrat de travail est nulle et produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'à l'appui de sa demande de nullité, il fait notamment valoir qu'aucun exemplaire de la convention ne lui a été remis ;
Que la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ;
Qu'il est constant que l'employeur a eu un exemplaire de la convention de rupture puisque c'est lui qui l'a adressé à la DIRRECTE ;
Qu'il n'est pas mentionné sur le formulaire rempli par les parties qu'un exemplaire a été remis au salarié ;
Que l'employeur n'apporte aucun élément de preuve tendant à démontrer la remise d'un exemplaire de la convention au salarié ;
Que dans ces conditions, à défaut de remise de la convention de rupture du contrat de travail à M. R..., celle-ci est atteinte de nullité et produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;
Que sur les effets de la nullité de la rupture conventionnelle (
) ;
Que sur l'indemnité compensatrice de préavis ;
Que dans le cadre de la rupture conventionnelle, aucune indemnité compensatrice de préavis n'a été versée à M. R... ; que par l'effet de la nullité de cette rupture conventionnelle, le salarié est bien-fondé en sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, calculée conformément aux dispositions de la convention collective applicable ;
Que selon l'article 10.1 de la convention collective, la durée du préavis est de deux mois pour les salariés justifiant de plus de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise ;
Que M. R... bénéficiait d'une rémunération de base de 1 800,32 € bruts et de 13 heures supplémentaires à 125 % par mois d'un montant de 192,89 €, soit une rémunération de 1 993,21 € bruts ;
Qu'en conséquence, l'employeur sera condamné à payer à son salarié la somme de 3 986,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;
Que sur l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'au jour de son licenciement, le salarié comptait plus de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise ; que celle-ci ne justifie pas occuper moins de 10 salariés de sorte que les dispositions légales relatives à l'indemnisation du préjudice subi du fait du licenciement résultent des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Qu'à la date de la rupture, M. R... percevait une rémunération mensuelle brute de 1 993,21 € en moyenne sur les trois derniers mois, avait 36 ans et justifiait d'une ancienneté de 16 ans et 2 mois au sein de l'entreprise ;
Que compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge, de l'ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, en l'absence d'éléments complémentaires au regard de sa situation professionnelle, postérieurement à son licenciement, il sera alloué à M. R... la somme de 17 939 € à titre de dommages-intérêts qui réparera entièrement son préjudice né de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le jugement sera infirmé sur ce point ».
1/ ALORS QU'aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les parties au contrat de travail et est soumise aux dispositions de la section de ce code destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; qu'aux termes de l'article L. 1237-14, l'accord des parties est matérialisé par une convention de rupture dont un exemplaire doit être transmis à la Dirrecte ; que ces dispositions légales n'impliquent pas, sous peine de nullité, que chaque partie dispose d'un exemplaire de ladite convention ; qu'en retenant néanmoins, pour conclure à la nullité de la convention de rupture du contrat de travail de M. R..., que l'employeur ne justifiait pas de la remise à ce dernier d'un exemplaire de ce texte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2/ ALORS (subsidiairement) QUE la rupture conventionnelle est une rupture bilatérale du contrat de travail voulue par les deux parties ; qu'à supposer que l'absence de remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture entraîne la nullité de cette convention, c'est alors nécessairement à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir la réalité ; qu'en retenant, pour conclure à la nullité de la rupture conventionnelle, que l'employeur n'apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer que M. R... s'en serait vu remettre un exemplaire, quand il incombait en réalité au salarié, qui invoquait la nullité de la rupture, de rapporter cette preuve, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-12 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil ;
3/ ALORS (subsidiairement) QU'en retenant, pour conclure à la nullité de la rupture conventionnelle qu'il n'était pas mentionné sur le formulaire Cerfa rempli par les parties qu'un exemplaire de la convention aurait été remis au salarié quand ledit formulaire ne prévoit pas qu'une telle précision doive y figurer, aucune de ses sections n'étant prévue pour contenir une telle information, de sorte qu'elle n'avait pas à y figurer, la cour d'appel a dénaturé ledit formulaire et violé le principe suivant lequel il est fait interdiction aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
4/ ALORS (subsidiairement) QUE la remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture doit permettre, d'une part, le dépôt d'une demande d'homologation de la convention et d'autre part, de garantir son libre consentement en lui permettant d'exercer son droit de rétractation en connaissance de cause ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que l'homologation de la convention a été demandée puisque la Dirrecte l'a accordée ; qu'en décidant néanmoins que l'absence de preuve de remise d'un exemplaire de la convention à M. R... entraînait nécessairement sa nullité, sans rechercher si cela avait été de nature à affecter son libre consentement et son droit de se rétracter en connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail ;
5/ ALORS (subsidiairement) QUE M. R... avait, dans le dispositif de ses conclusions, sollicité de la cour d'appel qu'elle requalifie la rupture conventionnelle du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui alloue des dommages et intérêts à ce seul titre (conclusions p. 25 et 26) ; qu'en prononçant la nullité de la convention de rupture quand elle n'était pas demandée dans le dispositif des conclusions du salarié, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. | La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle.
En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve |
355 | SOC.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 734 FS-P+B
Pourvoi n° N 19-15.313
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
1°/ la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance (AMCM), dont le siège est [...] ,
2°/ la société V & V, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , pris en la personne de M. N... P..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance,
3°/ la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , pris en la personne de M. D... C..., en qualité de mandataire judiciaire de la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance,
ont formé le pourvoi n° N 19-15.313 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant à M. V... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance, de la société V & V, ès qualités, et de la société [...], ès qualités, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. E..., et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mme Pecqueur, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 février 2019), M. E... a été engagé le 1er juillet 2014 par la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance (AMCM). Il a présenté sa démission le 23 mai 2016.
2. L'employeur lui a notifié la rupture de son préavis pour faute lourde le 23 juin 2016, et a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société AMCM fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes et de la condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que manque gravement à son obligation de loyauté le salarié qui, étant au service de son employeur et sans l'en informer, crée une société dont l'activité est directement concurrente de la sienne, peu important que des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle soient ou non établis ; qu'en retenant que les manquements de M. E... à son obligation de loyauté n'étaient pas caractérisés, sans avoir tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles M. E... avait constitué, avec son épouse, la société MCO (étant acquis aux débats que les statuts avaient été signés le 14 mai 2016 avant la démission de M. E... le 23 mai), immatriculée le 31 mai 2016, soit pendant son préavis, société qui, par son objet social et son implantation territoriale, était en concurrence directe avec la société AMCM, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail.»
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui a constaté que si la société constituée par le salarié avait été immatriculée pendant le cours du préavis, son exploitation n'avait débuté que postérieurement à la rupture de celui-ci, alors que le salarié n'était plus tenu d'aucune obligation envers son ancien employeur, en a exactement déduit qu'aucun manquement à l'obligation de loyauté n'était caractérisé.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Atelier mécanique chaudronnerie maintenance, la société V & V, ès qualités et la société [...], ès qualités.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société AMCM de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à M. E... les sommes de 13 266,06 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, outre la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que tout salarié est tenu pendant l'exécution de son contrat de travail à une obligation générale de loyauté ou fidélité à l'égard de son employeur, qui se traduit par l'interdiction, pendant toute la durée du contrat de travail, de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et celle d'exercer une activité directement concurrente de son employeur pour son propre compte ou pour le compte d'un autre employeur ; que quand un salarié démissionnaire accomplit son préavis, il reste tenu pendant cette période à toutes ses obligations envers son employeur ; que M. E... a constitué avec son épouse la société MCO immatriculée le 31 mai 2016 soit pendant son préavis, qui par son objet social et son implantation territoriale était en concurrence avec la société AMCM ; que toutefois, la société MCO a recruté ses premiers salariés à compter du 5 juillet 2016 ainsi que le confirme son registre du personnel et que les bons de commandes et factures d'achat de matériel et véhicules nécessaires à l'exploitation de la société MCO sont tous postérieurs à la rupture du préavis, datés des 30 juin, 2, 11, 27 et 31 juillet 2016, ce qui corrobore que l'exploitation de cette société n'a débuté qu'après le départ de M. E... de la société AMCM à un moment où il n'était plus tenu d'aucune obligation envers celle-ci ; qu'en outre, il n'est pas mis en évidence d'actes positifs de la part de M. E... visant à débaucher les salariés de la société AMCM alors qu'il était encore à son service, les salariés concernés MM. I..., L... et W... témoignant de manière concordante avoir démissionné en raison d'une dégradation des conditions de travail chez AMCM ; qu'enfin, ni la suppression de sa boîte mail professionnelle des messages électroniques de certains clients constatée par l'employeur après le départ du salarié ni la perte de clientèle concomitante à ce départ ne suffisent à établir l'utilisation par M. M... (sic) avant la fin de son contrat de travail de procédés visant à détourner la clientèle d'AMCM au profit de la société MCO, d'anciens clients ou fournisseurs qui témoignent indiquant s'être spontanément tournés vers M. E... après son départ de la société AMCM ; qu'aucun acte de concurrence effective ni déplacement de déloyal de clientèle ou incitation du personnel à démissionner ne sont établis à l'encontre de M. E... avant la rupture de son préavis, de sorte que les manquements à son obligation de loyauté ne sont pas caractérisés ; qu'en conséquence, il convient de débouter la société AMCM de sa demande de dommages-intérêts et publication de la décision ; que par ailleurs, la mise à pied conservatoire et la rupture du préavis à l'initiative de l'employeur étant injustifiés, le salarié est fondé à solliciter le solde impayé du 9 juin au 22 août 2016 ;
Alors 1°) que manque gravement à son obligation de loyauté le salarié qui, étant au service de son employeur et sans l'en informer, créé une société dont l'activité est directement concurrente de la sienne, peu important que des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle soient ou non établis ; qu'en retenant que les manquements de M. E... à son obligation de loyauté n'étaient pas caractérisés, sans avoir tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles M. E... avait constitué, avec son épouse, la société MCO (étant acquis aux débats que les statuts avaient été signés le 14 mai 2016 avant la démission de M. E... le 23 mai), immatriculée le 31 mai 2016, soit pendant son préavis, société qui, par son objet social et son implantation territoriale, était en concurrence directe avec la société AMCM, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail ;
Alors 2°) qu'en se fondant sur la circonstance que les trois salariés de la société AMCM, embauchés par la société MCO, témoignaient avoir démissionné en raison d'une dégradation des conditions de travail, inopérante pour exclure un débauchage et une incitation à la démission de la part M. E..., créateur de la société MCO, et sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si les journaux locaux ne confirmaient la création de la société MCO et l'engagement de salariés dès juin 2016, puisque le bimensuel « Le vase communicant » indiquait le 22 juin 2016 que « 3 emplois sont prévus en plus du dirigeant » et le journal « l'Union » précisait, le 13 juin 2016, que « La toute jeune société MCO, créée fin mai, emploie quatre salariés dans le secteur de la chaudronnerie », et sans se prononcer sur la simultanéité des trois démissions et de la création de la société MCO qui mettait en évidence que M. E... avait convaincu d'autres salariés de la société AMCM de démissionner pour rejoindre sa société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1222-1 du code du travail ;
Alors 3°) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant sans avoir analysé les attestations de l'expert-comptable de la société AMCM, qui mettaient en évidence que celle-ci avait subi une perte de clientèle très importante concomitante au départ de M. E... (attestations du 22 novembre 2016, pièce d'appel n° 13 et du 28 février 2018, pièce d'appel n° 26), la cour d'appel a violé l'article du code de procédure civile ;
Alors 4°) qu'en ayant apprécié séparément chaque élément invoqué par l'employeur, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis par l'employeur, soit la signature des statuts de la société MCO en date du 14 mai 2016 par M. E... et son épouse, antérieurement à la démission de M. E..., l'immatriculation de cette société le 31 mai 2016 pendant le préavis du salarié, société qui, par son objet social et son implantation territoriale, était en concurrence directe avec la société AMCM, la perte de clientèle subie par la société AMCM concomitante au départ de M. E..., la démission de trois salariés de la société AMCM et leur embauche par la société MCO, la suppression par M. E... de la boîte électronique professionnelle de la société AMCM des messages électroniques de certains clients, ne constituaient pas un faisceau d'indices concordants de la violation par M. E... de son obligation de loyauté pendant l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail. | Une cour d'appel, qui a relevé qu'un salarié avait constitué une société concurrente de celle de son employeur, immatriculée pendant le cours du préavis, mais dont l'exploitation n'avait débuté que postérieurement à la rupture de celui-ci, alors que le salarié n'était plus tenu d'aucune obligation envers son ancien employeur, en a exactement déduit qu'aucun manquement à l'obligation de loyauté n'était caractérisé |
356 | SOC.
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 739 F-P+B
Pourvoi n° F 18-20.869
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Établissement Bancillon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 18-20.869 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2018 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :
1°/ à U... R..., domicilié [...] , décédé,
2°/ à Mme C... J... Y..., veuve R..., domiciliée [...] ,
3°/ à Mme K... R..., épouse N..., domiciliée [...] ,
4°/ à Mme G... R..., épouse T..., domiciliée [...] ,
5°/ à Mme Q... R..., épouse H..., domiciliée [...] ,
tous les quatre pris en qualité d'héritiers d'U... R...,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Établissement Bancillon, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat des consorts R..., et après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juin 2018), M. R... a été engagé, le 9 mars 2009, en qualité de chauffeur ambulancier, classé ambulancier taxi Catégorie A, par la société Bancillon.
2. Ce contrat a été complété le jour même par un avenant stipulant en son article 1 : "Afin de répondre aux seules demandes du salarié, et en dérogation avec les articles du titre II de l'accord cadre du 4 mai 2000, il est convenu que le temps de travail effectif pris en compte dans les éléments de paie est décompté à partir du temps de travail effectué, et non de l'amplitude de travail. Sont donc notamment déduits du temps de travail pris en compte, les temps de coupure en journée. / De même, il est convenu que le temps de travail effectif est calculé par application d'un coefficient de 75 % appliqué sur le temps de travail effectué./ Les heures de travail effectif supplémentaires éventuelles sont rémunérées conformément aux règles en vigueur, sachant que leur nombre doit rester dans la limite du quota annuel autorisé."
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment au paiement de rappels de salaires et à la résiliation judiciaire du contrat de travail.
4. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 23 août 2012 et est décédé le [...].
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
5. D'une part, il résulte des articles 615 et 975, alinéa 2, du code de procédure civile, que le recours en cassation constitue une instance nouvelle qui ne peut être introduite contre une personne décédée et que le demandeur ayant connaissance du décès d'une partie doit diriger son pourvoi contre ses ayants-droit.
6. D'autre part, aux termes de l'article 675 du code de procédure civile, les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement. Si l'article R.1454-26 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, résultant du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, prévoit que les décisions du conseil de prud'hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile, ce texte n'en dispose pas de même pour les arrêts des cours d'appel statuant en matière prud'homale.
7. La déclaration de pourvoi, déposée au greffe de la Cour de cassation le 7 août 2018 est dirigée contre le salarié. La déclaration de pourvoi rectificatif, déposée le 28 novembre 2018 est dirigée contre les ayants-droit du salarié décédé le [...].
8. Formé le 7 août 2018 alors que la société avait connaissance du décès du salarié, le pourvoi est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre ce dernier.
9. En revanche, dès lors que l'arrêt attaqué rendu le 6 juin 2018 devait faire l'objet d'une signification, à défaut de signification par voie d'huissier et nonobstant la notification par le greffe de cet arrêt aux parties par lettre recommandée, le délai de pourvoi n'a pas couru. Le pourvoi formé le 28 novembre 2018 dirigé contre les ayants-droit du salarié est en conséquence recevable.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des sommes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, des majorations pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, de la prime de performance et des congés payés afférents, outre les dépens et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que la détermination du régime le plus favorable doit être opérée globalement, avantage par avantage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a apprécié le caractère plus favorable ou non de l'avenant du 9 mars 2009 pris " dans son ensemble ", admettant ainsi qu'il constituait un ensemble indivisible instaurant un avantage unique ; que cependant, après avoir retenu qu'il ne ressortait pas de l'avenant susvisé qu'il était plus favorable au salarié que l'accord cadre du 4 mars 2000 ou que les règles légales, la cour d'appel n'a écarté que l'application de l'article 1 alinéa 2 de l'avenant, en le jugeant nul ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il découlait que l'ensemble de l'avenant était atteint par la nullité prononcée, a violé le principe de faveur ;
2°/ que la nullité d'une clause d'un contrat entraîne la nullité du contrat lui-même lorsque la stipulation annulée a constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ; qu'en l'espèce, il faisait valoir que l'avenant du 9 mars 2009 formait un tout indivisible, aucune de ses stipulations ne pouvant être appliquée indépendamment des autres ; que cependant, la cour d'appel a annulé le seul article 1 alinéa 2 de l'avenant du 9 mars 2009, sans motiver sa décision quant au caractère dissociable ou non des clauses de l'avenant litigieux, après avoir pourtant elle-même apprécié globalement son caractère avantageux ou non par rapport aux règles conventionnelles et légales ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1172 du code civil dans leurs versions applicables au litige. »
Réponse de la Cour
12. Selon l'article L. 3121-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat.
13. Les dispositions de l'article 3.1. de l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, qui n'ont pas été abrogées par l'article 3 du décret n°2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire, lequel reprend les termes de l'accord précité, instituent un régime d'équivalence consistant à évaluer le temps de travail effectif sur la base d'un pourcentage de l'amplitude journalière d'activité.
14. Il en résulte que la clause litigieuse, selon laquelle, le coefficient de pondération permettant de déterminer la durée du travail du salarié équivalente à la durée légale s'applique non pas sur l'amplitude journalière d'activité mais sur le temps de travail effectué, en ce qu'elle instaure un régime d'équivalence dérogatoire à l'accord-cadre précité, défavorable au salarié et prive de sa substance l'obligation essentielle de l'employeur de verser la rémunération pour le travail accompli, est réputée non écrite, le reste de l'avenant demeurant valable dans ses autres dispositions.
15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Etablissement Bancillon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissement Bancillon et la condamne à payer à Mmes C... J... Y... veuve R..., K... R..., G... R... et Q... R..., ayants-droit d'U... R... la somme globale de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Établissement Bancillon
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Bancillon à payer les sommes de 19 810,38 euros au titre des heures supplémentaires, outre 1981,04 au titre des congés payés afférents, 4197,71 euros au titre des majorations pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, 3154,05 euros au titre de la prime de performance outre 315,54 euros au titre des congés payés afférents, outre les dépens et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur les heures supplémentaires, l'article 5 du contrat de travail conclu le 09 mars 2009 était rédigé en ces termes : « le salarié s'engage à respecter les clauses de l'accord sur le temps de travail en vigueur dans l'entreprise et dont le salarié reconnait avoir été informé. Le salarié peut être sollicité pour effectuer des heures supplémentaires dans la limite expresse des conditions du code du travail (en particulier à ce jour, une durée maximale hebdomadaire de 48 heures) et dans le strict respect du contingent annuel autorisé. Sauf contrainte ponctuelle d'exploitation, le salarié travaille 5 jours par semaines, du lundi au vendredi et le samedi ou le Week-End suivant planning affiché. Le Salarié effectue normalement l'équivalent de 11 à 21 permanences par an, les samedis, dimanches et jours fériés » ; que ce contrat était assujetti à l'accord-cadre 2000-05-04 du 4 mai 2000 ayant pour objet l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, complétant la convention collective du 21 décembre 1950 applicable aux personnels ambulanciers roulants ; que l'article 3.1 de cet accord prévoit en particulier un décompte du temps de travail effectif sur la base de cumuls hebdomadaires des amplitudes journalières d'activité ; qu'un avenant au contrat de travail signé le même jour stipule à l'article 1 alinéa 1er qu'« afin de répondre aux seules demandes du salarié, et en dérogation avec les articles du titre II de l'accord cadre du 4 mai 2000, il est convenu que le temps de travail effectif pris en compte dans les éléments de paie est décompté à partir du temps de travail effectué, et non de l'amplitude de travail. Sont donc notamment déduits du temps de travail pris en compte, le temps de coupure en journée » et à l'article 1 alinéa « qu'il est convenu que le temps de travail effectif est calculé par application d'un coefficient de 75 % appliqué sur le temps de travail effectué. Les heures de travail effectif supplémentaires éventuelles sont rémunérées conformément aux règles en vigueur, sachant que leur nombre doit rester dans la limite du quota annuel autorisé » ;
que M. R... soutient que son consentement a été vicié, puisqu'alors qu'il pensait signer un avenant plus favorable à son contrat de travail, afin que son temps de travail réel et effectif soit pris en compte, conformément à l'article 1 alinéa 1 de l'avenant, il a été induit en erreur par l'ajout de l'alinéa 2, qu'en outre, cet article viole les règles d'ordre public fixant la prise en compte du temps de travail effectif pour le calcul de la rémunération, car il aboutit à prendre en compte 75 % du temps de travail effectif pour l'établissement de la rémunération, et non pas 75 % de l'amplitude de travail, de sorte que, pour 35 heures de travail effectif, seules 26,25 heures doivent lui être rémunérées par l'employeur, qu'en dernier lieu, le principe de faveur s'oppose à l'application de cet article 1 de l'avenant et que son annulation ne produira aucun effet sur la validité des autres stipulations contractuelles relatives à la rémunération de base, aux primes de performance ou de remboursement de frais, car il a pour seul objet l'aménagement du temps de travail ; que la société Bancillon soutient que : - L'avenant contractuel destiné à déroger aux règles légales ou conventionnelles applicables en matière de rémunération du temps de travail, a été rédigé à la demande du salarié lui-même ; - Il est possible de déroger aux dispositions de l'article L3121-1 du code du travail, la loi elle-même réglementant certains régimes dits « d'équivalence » destinés à tenir compte de temps d'inaction propres à certaines professions et à certains emplois, ces dérogations étant soumises toutefois à l'existence préalable d'un accord de branche entériné par décret ou décret pris en Conseil d'État ; dans les entreprises de transport sanitaire, le temps de travail effectif n'a pas à être comptabilisé en référence aux dispositions de l'article L3121-1 du code du travail, mais au regard des dispositions contenues dans l'accord de branche du 4 mai 2000 relatif à la durée du travail ; - Bien que dérogatoire à l'accord cadre précité, l'avenant contractuel demeure conforme aux termes de la convention collective applicable ; - L'article 11 du titre 4 de l'accord cadre laisse aux parties la possibilité d'aménager contractuellement le temps de travail effectif ; - Le caractère avantageux de l'avenant contractuel doit être évalué de manière globale et non article par article ; en l'espèce, l'application des autres clauses a permis à M. R... de percevoir une majoration de salaire brut mensuelle d'environ 430 euros ; à cet égard, M. R... ne peut revendiquer l'application des seules stipulations contractuelles qui lui sont favorables ; l'avenant litigieux soumis à l'appréciation de la Cour ne saurait être validé ou annulé partiellement ; - M. R... n'a pas exercé la possibilité qui lui était pourtant offerte par l'article 6 de l'avenant, d'en dénoncer les termes, et ce, sans aucun motif, par lettre recommandée simple ; - Même en cas d'annulation par la Cour de l'avenant litigieux il conviendrait alors de faire application de l'accord en vigueur dans l'entreprise visant à mettre en oeuvre l'accord cadre du 4 mai 2000, qui a instauré un régime de modulation du temps de travail entériné par la signature d'un protocole d'accord de réduction du temps de travail daté du 26 décembre 2000 ;
que l'article L3321-1 du code du travail dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que toutefois, en raison de la nature de certaines activités comportant nécessairement certaines périodes d'inaction, a été prévu un régime dérogatoire d'équivalence selon lequel on assimile à la durée légale du travail une durée de présence supérieure ; qu'au cours de ces heures de présence, le salarié reste à la disposition de son employeur sans bénéficier d'une rémunération particulière, sauf clauses conventionnelles opposables ou dispositions réglementaires supplétives ; qu'il n'existe cependant que deux manières pour instituer un régime d'équivalence : - soit par convention collective ou accord de branche, étendus (L3121-14) ; - soit à défaut d'un tel accord, par décret en Conseil d'État (L3121-15) ; qu'une telle dérogation n'est autorisée que si elle est plus favorable au salarié ; qu'à cet égard en effet, l'article L2254-1 du code du travail dispose que lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclu avec lui, sauf stipulations plus favorables ; que la seule mention dans l'avenant que « le salarié reconnait que les dispositions du présent avenant sont plus avantageuses que celles définies dans l'accord cadre », ne saurait valoir, ni acceptation du salarié face à une règle dont il n'est pas établi qu'il pouvait apprécier la portée au moment de la signature de l'acte, si bien qu'il ne peut être soutenu qu'elle était conforme à ses intentions, ni validité de la clause litigieuse, dans la mesure où il résulte de l'article 1 alinéa 2 ci-dessus que, contrairement à l'article 1 alinéa 1 qui stipule que le temps de travail effectif pris en compte dans la rémunération est le temps de travail effectué, et non l'amplitude du travail, cette clause a pour effet de ne pas rémunérer la totalité des heures de travail effectif réalisées par le salarié, que le tableau établi par M. R... montre du reste clairement qu'en janvier 2011, par exemple, alors qu'il a réalisé 208 heures15 de travail effectif, la société Bancillon ne lui a payé que 152 heures 26 ; qu'il ne ressort pas de l'avenant que, dans son ensemble, il serait plus favorable au salarié que l'accord cadre du 4 mars 2000 et que les règles légales, la société Bancillon ne démontrant pas que les modalités de calcul et d'évaluation du temps de travail litigieuses étaient réellement compensées par l'augmentation du taux horaire de rémunération (de 9,01 euros à 9,54 euros), le versement mensuel des remboursements de frais de repas fixé à une somme forfaitaire de 200 euros et la possibilité de percevoir une prime mensuelle de performance « comprise entre 0 et 150 euros », ni que ces mesures auraient eu pour effet une augmentation de la rémunération d'environ 430 euros bruts, alors qu'il apparaît que le système de calcul de la rémunération et du temps de travail résultant de l'article 1 alinéa 2 de l'avenant aboutissait à priver M. R... du paiement de ses heures de travail effectivement réalisées comprenant des heures supplémentaires, et que la société Bancillon, professionnelle des transports, ne saurait alléguer des « concessions réciproques et équilibrées » consenties tant par elle que par son salarié qu'elle venait d'embaucher ; que M. R..., s'il n'a pas exercé sa faculté de dénonciation immédiatement, a ultérieurement contesté le système de prise en compte de ses heures de travail, auprès de l'employeur, puis devant le conseil de prud'hommes ; que l'article 1 alinéa 2 de l'avenant du 9 mars 2009 doit en conséquence être annulé ; que, comme le fait valoir M. R..., l'accord de modulation du temps de travail invoqué par la société Bancillon lui est inopposable, sur le fondement de l'article 6 de l'accord-cadre du 4 mai 2000, puisque la société Bancillon ne justifie pas avoir établi pour chaque période de modulation le programme indicatif de la modulation, en avoir informé les salariés concernés et avoir mis en place une commission de suivi ; que M. R... demande sa reclassification en catégorie B au motif que les diplômes dont il est titulaire, outre le baccalauréat, à savoir le CCPT (certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi), le brevet national de secouriste (BNS) et le brevet européen des premiers secours sont équivalents au certificat de capacité d'ambulancier (CCA), faisant observer que c'est bien parce qu'il est titulaire de ces diplômes qu'il est autorisé à réaliser des transports sanitaires en véhicule léger sanitaire (VSL) pour le compte de la société Bancillon ; que la société Bancillon soutient qu'il n'y a aucune équivalence entre les deux diplômes, CCA et CCT pour les motifs suivants : - ils sont délivrés par deux administrations différentes (DRASS pour le premier et Préfecture pour le second) ; - il n'existe aucune comparaison entre l'examen du programme de formation du CCA nécessite 18 semaines de formation et 630 heures sur des sujets en rapport avec les gestes de soins d'urgence et l'état clinique du patient et la formation préparatoire au CCT ; - le fait que M. R... dispose des compétences nécessaires pour conduire un Véhicule Sanitaire Léger, ne signifie en aucun cas qu'il était en capacité de travailler avec une ambulance comme les salariés de catégorie B disposant du CCA ou du DEA ; - l'expression titulaire du certificat de capacité CCA ou équivalent utilisés par les dispositions conventionnelles signifie seulement que les partenaires sociaux ont entendu participer à un éventuel changement de l'intitulé du diplôme sanctionnant la capacité d'ambulancier (passage en août 2007 du CCA au DEA) ; que, selon la classification et nomenclature des emplois et des tâches spécifiques aux personnels des entreprises de transport sanitaire, les conditions permettant de bénéficier de l'emploi de référence B d'ambulancier de 2e degré sont : une fin de scolarité obligatoire niveau 5 bis de l'éducation nationale et le certificat de capacité (CCA) ou équivalent, que la fiche versée aux débats par la société Bancillon décrit la formation préalable à l'obtention du diplôme d'État d'ambulancier laquelle comprend effectivement l'acquisition de compétences d'ordre médical ; que cependant, cette fiche ne démontre pas que le certificat de capacité d'ambulancier est situé au même niveau que le diplôme d'État d'ambulancier ; que, s'agissant de deux certificats de capacité, l'un d'aptitude à la conduite des taxis, l'autre d'aptitude à la conduite des ambulances, l'équivalence des niveaux prescrite par la convention collective doit être retenue, que M. R... relève ainsi de la catégorie B de l'emploi d'ambulancier ; qu'il y a lieu d'accueillir la demande de rappel d'heures supplémentaires sur la base de 35 heures de travail effectif par semaine, selon le tableau dressé par M. R... à partir de ses fiches d'heures, prenant en compte ses jours d'absence, ses « RTT », le temps de travail effectif réalisé et le taux horaire contractuel de 9,5601 euros ; que la société Bancillon sera condamnée à payer à M. R... la somme de 19.810,38 euros à titre d'heures supplémentaires et la somme de 1.981,04 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents ;
1) ALORS QUE la détermination du régime le plus favorable doit être opérée globalement, avantage par avantage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a apprécié le caractère plus favorable ou non de l'avenant du 9 mars 2009 pris « dans son ensemble », admettant ainsi qu'il constituait un ensemble indivisible instaurant un avantage unique ; que cependant, après avoir retenu qu'il ne ressortait pas de l'avenant susvisé qu'il était plus favorable au salarié que l'accord cadre du 4 mars 2000 ou que les règles légales, la cour d'appel n'a écarté que l'application de l'article 1 alinéa 2 de l'avenant, en le jugeant nul ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il découlait que l'ensemble de l'avenant était atteint par la nullité prononcée, a violé le principe de faveur ;
2) ALORS QUE la nullité d'une clause d'un contrat entraine la nullité du contrat luimême lorsque la stipulation annulée a constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ; qu'en l'espèce, la société Bancillon faisait valoir que l'avenant du 9 mars 2009 formait un tout indivisible, aucune de ses stipulations ne pouvant être appliquée indépendamment des autres (conclusions d'appel page 7 notamment) ; que cependant, la cour d'appel a annulé le seul article 1 alinéa 2 de l'avenant du 9 mars 2009, sans motiver sa décision quant au caractère dissociable ou non des clauses de l'avenant litigieux, après avoir pourtant elle-même apprécié globalement son caractère avantageux ou non par rapport aux règles conventionnelles et légales ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1172 du code civil dans leurs versions applicables au litige.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Bancillon à payer les sommes de 19 810,38 euros au titre des heures supplémentaires, outre 1981,04 au titre des congés payés afférents, 1600,08 euros au titre des minima conventionnels et de la prime d'ancienneté, outre 160,01 au titre des congés payés afférents, 2248,54 euros au titre des majorations conventionnelles dues au titre des tâches complémentaires effectuées, outre 224,85 euros au titre des congés payés afférents, 4197,71 euros au titre des majorations pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, 467,54 euros au titre des majorations conventionnelles pour dépassement de l'amplitude journalière maximale, outre 46,75 euros au titre des congés payés afférents, 1253,94 euros au titre du maintien de salaire pendant l'arrêt maladie, outre 125,39 euros au titre des congés payés afférents, 47,80 euros au titre du remboursement de la déduction pour absence en date du 15 juin 2012, outre 4,78 euros au titre des congés payés afférents, 5000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 500 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, 1875 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 18 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les dépens et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE M. R... demande sa reclassification en catégorie B au motif que les diplômes dont il est titulaire, outre le baccalauréat, à savoir le CCPT (certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi), le brevet national de secouriste (BNS) et le brevet européen des premiers secours sont équivalents au certificat de capacité d'ambulancier (CCA), faisant observer que c'est bien parce qu'il est titulaire de ces diplômes qu'il est autorisé à réaliser des transports sanitaires en véhicule léger sanitaire (VSL) pour le compte de la société Bancillon ; que la société Bancillon soutient qu'il n'y a aucune équivalence entre les deux diplômes, CCA et CCT pour les motifs suivants : - ils sont délivrés par deux administrations différentes (DRASS pour le premier et Préfecture pour le second) ; - il n'existe aucune comparaison entre l'examen du programme de formation du CCA nécessite 18 semaines de formation et 630 heures sur des sujets en rapport avec les gestes de soins d'urgence et l'état clinique du patient et la formation préparatoire au CCT ; - le fait que M. R... dispose des compétences nécessaires pour conduire un Véhicule Sanitaire Léger, ne signifie en aucun cas qu'il était en capacité de travailler avec une ambulance comme les salariés de catégorie B disposant du CCA ou du DEA ; - l'expression titulaire du certificat de capacité CCA ou équivalent utilisés par les dispositions conventionnelles signifie seulement que les partenaires sociaux ont entendu participer à un éventuel changement de l'intitulé du diplôme sanctionnant la capacité d'ambulancier (passage en août 2007 du CCA au DEA) ;
que, selon la classification et nomenclature des emplois et des tâches spécifiques aux personnels des entreprises de transport sanitaire, les conditions permettant de bénéficier de l'emploi de référence B d'ambulancier de 2e degré sont : une fin de scolarité obligatoire niveau 5 bis de l'éducation nationale et le certificat de capacité (CCA) ou équivalent,
que la fiche versée aux débats par la société Bancillon décrit la formation préalable à l'obtention du diplôme d'État d'ambulancier laquelle comprend effectivement l'acquisition de compétences d'ordre médical ; que cependant, cette fiche ne démontre pas que le certificat de capacité d'ambulancier est situé au même niveau que le diplôme d'État d'ambulancier ; que, s'agissant de deux certificats de capacité, l'un d'aptitude à la conduite des taxis, l'autre d'aptitude à la conduite des ambulances, l'équivalence des niveaux prescrite par la convention collective doit être retenue, que M. R... relève ainsi de la catégorie B de l'emploi d'ambulancier ;
1) ALORS QUE la classification et nomenclature des emplois et des tâches spécifiques aux personnels des entreprises de transport sanitaire prévoit, pour l'emploi d'ambulancier, deux niveaux A et B ; que le niveau A suppose la réunion des conditions suivantes : « fin de scolarité obligatoire, niveau 6 ou 5 bis de l'éducation nationale », et le niveau B : « fin de scolarité obligatoire niveau 5 bis de l'éducation nationale, titulaire du certificat de capacité (CCA) ou équivalent » ; que le niveau B est donc subordonné à l'obtention du certificat de capacité d'ambulancier ou d'un diplôme équivalent à ce certificat, et non pas d'un diplôme qui soit simplement de niveau équivalent ; que cependant en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il suffisait que le salarié ait un certificat de capacité de taxi pour prétendre au niveau B, dès lors qu'il était de niveau équivalent, peu important que le contenu de la formation correspondante soit différent ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a accordé à M. R... le niveau B, bien qu'il n'avait pas un diplôme équivalent au CCA, mais un simple certificat de capacité de taxi, a violé la classification et nomenclature des emplois et des tâches spécifiques aux personnels des entreprises de transport sanitaire ;
2) ALORS QU'il incombe au salarié qui revendique un niveau conventionnel de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions fixées par la classification applicable ; qu'en faisant en l'espèce peser sur l'employeur la charge et le risque de la preuve que le certificat de capacité d'ambulancier était situé au même niveau que le diplôme d'État d'ambulancier et supposait des compétences médicales, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1134 du Code civil dans leur version applicable au litige, ensemble la classification et nomenclature des emplois et des tâches spécifiques aux personnels des entreprises de transport sanitaire.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Bancillon à payer les sommes de 1253,94 euros au titre du maintien de salaire pendant l'arrêt maladie et 125,39 euros au titre des congés payés afférents outre les dépens et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE M. R... explique que, lorsqu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 19 juin 2012, jusqu'au 30 septembre 2012, il avait plus de trois ans d'ancienneté, si bien qu'il aurait dû bénéficier du maintien de sa rémunération, mais que la société Bancillon n'a pas versé le complément qui lui était dû ; que la société Bancillon, après avoir exposé que, par nécessité, le versement du complément de rémunération intervenait avec un certain décalage, puisqu'il était nécessaire de connaître le montant des indemnités journalières perçues directement par le salarié, affirme qu'elle a versé à titre de complément de rémunération, les sommes de 708,48 euros bruts en août 2012 et de 374,69 euros bruts en octobre 2012, ce qui a rempli le salarié de ses droits ; que cependant M. R... produit un calcul faisant apparaître qu'après prise en compte des deux sommes ci-dessus, il lui reste dû la somme de 1.253,94 euros à titre de complément de salaire et celle de 125,39 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, sommes que la société Bancillon sera condamnée à lui payer ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel affirme que le calcul du maintien de salaire produit par le salarié prenait en compte les sommes versées par l'employeur à ce titre soit 708,48 euros bruts en août 2012 et de 374,69 euros bruts en octobre 2012 ; que cependant, il ressort de la simple lecture de la pièce versée aux débats par le salarié pour présenter son calcul (pièce adverse n° 31), qu'il n'avait pas déduit les sommes versées par l'employeur, mais seulement les indemnités journalières versées par la CPAM (pièce adverse n° 30) ; qu'il en résulte que la cour d'appel a dénaturé la pièce adverse n° 31 et violé le principe susvisé.
QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Bancillon à payer les sommes de 3154,05 euros au titre de la prime de performance et 315,54 euros au titre des congés payés afférents, outre les dépens et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE l'article 4 de l'avenant au contrat de travail stipule que « le salarié bénéficie d'une prime mensuelle de performance d'un montant variable de 0 à euros suivant son volume d'activité et la qualité de sa prestation » » ; que M. R... soutient que la notion de qualité de la prestation n'étant pas définie, elle est laissée à la libre appréciation de la société Bancillon, de sorte qu'il s'agit d'une condition potestative, qu'il a démontré l'importance du volume d'heures qu'il avait accomplies, que la qualité de son travail ne lui a jamais été reprochée avant qu'il ne réclame le paiement des sommes qui lui étaient dues et qu'il a contesté l'avertissement qui lui avait été infligé en 2012 dont il considère qu'il s'inscrit dans le cadre d'un harcèlement moral ; que la société Bancillon répond qu'au cours des trois années passées au sein de l'entreprise, M. R... a perçu la somme de 1.637,50 euros au titre de la prime de performance, outre la somme de 163,75 euros au titre des congés payés afférents ; que le volume d'activité ne se résumait pas à la seule prise en compte du nombre de kilomètres parcourus, mais tenait compte de multiples paramètres, qu'il se déduisait de la productivité, c'est-à-dire du rapport entre le chiffre d'affaires généré et le temps de travail accompli (optimisation des transports grâce à des itinéraires adaptés au trafic, temps de prise en charge réduit, rapidité dans l'accomplissement de tâches administratives, etc. ») ; qu'enfin, elle était bien fondée à ne plus verser cette prime à compter du mois d'octobre 2011 en raison du comportement de M. R..., le critère tiré de la qualité de la prestation se trouvant irrémédiablement compromis ;
que l'employeur n'a pas justifié de ce que les critères présidant à l'octroi de la prime de performance n'avaient pas été remplis par M. R... pendant toute la période de la relation de travail, que notamment, il ne démontre pas à partir de quels éléments objectifs il a apprécié de manière individualisée la « productivité » du salarié, ni en quoi le comportement de M. R... à compter d'octobre 2011 aurait entrainé une mauvaise qualité de sa prestation ; que dans ces conditions, M. R... a le droit de revendiquer le paiement de la totalité de la prime d'objectifs et que la société Bancillon sera condamnée à lui verser la somme de 3.154,05 euros, outre une indemnité de congés payés afférents de 315,54 euros ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel affirme péremptoirement que l'employeur n'a pas justifié de ce que les critères présidant à l'octroi de la prime de performance n'avaient pas été remplis par M. R... pendant toute la période de la relation de travail, et que notamment, il ne démontre pas à partir de quels éléments objectifs il a apprécié de manière individualisée la « productivité » du salarié, ni en quoi le comportement de M. R... à compter d'octobre 2011 aurait entrainé une mauvaise qualité de sa prestation sur le harcèlement moral ; qu'en ne visant ni n'examinant la pièce n° 10 de l'employeur justifiant que M. R... avait été rempli de ses droits à prime de performance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | Il résulte des articles 615 et 975, alinéa 2, du code de procédure civile, que le recours en cassation constitue une instance nouvelle qui ne peut être introduite contre une personne décédée et que le demandeur ayant connaissance du décès d'une partie doit diriger son pourvoi contre ses ayants-droit.
En outre aux termes de l'article 675 du code de procédure civile, les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement. Si l'article R. 1454-26 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, résultant du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, prévoit que les décisions du conseil de prud'hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile, ce texte n'en dispose pas de même pour les arrêts des cours d'appel statuant en matière prud'homale.
Est en conséquence irrecevable, le pourvoi dirigé contre un salarié alors que l'employeur avait connaissance de son décès.
En revanche, dès lors que l'arrêt attaqué devait faire l'objet d'une signification, à défaut de signification par voie d'huissier et nonobstant la notification par le greffe de cet arrêt aux parties par lettre recommandée, le délai de pourvoi n'a pas couru, en sorte que le pourvoi dirigé ultérieurement contre les ayants-droit du salarié est recevable |
357 | SOC.
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2020
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 740 F-P+B
Pourvoi n° N 18-23.474
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
1°/ La Fédération nationale des transporteurs sanitaires, dont le siège est [...] ,
2°/ la Fédération nationale des artisans ambulanciers, dont le siège est [...] ,
3°/ l'Organisation des transports routiers européens, dont le siège est [...] ,
4°/ la Chambre nationale des services d'ambulances, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° N 18-23.474 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à la Fédération nationale des transports et de la logistique Force Ouvrière-UNCP, dont le siège est [...] ,
2°/ au procureur général près de la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général [...],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, de la Fédération nationale des artisans ambulanciers, de l'Organisation des transports routiers européens et de la Chambre nationale des services d'ambulances, et après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2018), les organisations syndicales et patronales du secteur du transport sanitaire ont conclu, le 4 mai 2000, un accord-cadre sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels de leurs entreprises, qui a par la suite été étendu par arrêté du 30 juillet 2001.
2. Un avenant à cet accord-cadre, relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire a été conclu le 16 juin 2016 entre les organisations patronales, la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, la Fédération nationale des artisans ambulanciers, l'Organisation des transports routiers européens ainsi que la Chambre nationale des services d'ambulances, d'une part, et les organisations syndicales représentatives de salariés, la Fédération générale des transports et de l'équipement CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et le Syndicat national des activités du transport et du transit, d'autre part.
3. La Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière–UNCP, qui avait participé aux négociations sans être signataire de l'accord, a saisi un tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de l'article 6 de cet accord, dont le dernier paragraphe était relatif à l'entretien de la tenue professionnelle, et de l'article 10 relatif aux modalités de décompte du temps de travail des personnels ambulanciers.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les organisations patronales et la Chambre nationale des services d'ambulances font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il annule le dernier paragraphe de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités de transport sanitaire s'inscrivant dans le cadre de leur nouveau modèle social et portant avenant à l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, alors :
« 1°/ que l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée à l'organisation dans les activités du transport sanitaire comprend un article 6 relatif aux temps d'habillage et déshabillage qui, après en avoir établi les contreparties financières, se borne à rappeler, d'une part, qu' "en application des dispositions de l'article 22 bis de la CCNA1 de la CCNTR il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers.", d'autre part, que " lorsqu'il n'assure pas directement cet entretien, l'employeur doit allouer une indemnité dite d'entretien qui vient compenser les frais professionnels d'entretien exposés par le personnel ambulancier. Le montant de cette indemnité est fixé dans l'entreprise." ; que ce texte, tout en réitérant l'obligation pour l'employeur d'assurer l'entretien des tenues professionnelles, a donc pour seul objet de prévoir une compensation financière au profit du salarié dans l'hypothèse où il aurait effectivement assuré cet entretien ; qu'en affirmant que ce texte était contraire à l'obligation de sécurité de l'employeur en tant qu'il autorisait l'employeur à se décharger de son obligation d'entretien, la cour d'appel l'a violé l'article 6 précité par fausse application.
2°/ que n'est pas illicite comme susceptible de mettre en danger la sécurité des salariés la stipulation d'un accord collectif qui ne méconnaît aucune des dispositions légales et réglementaires qui déterminent de façon exhaustive les mesures que doit prendre l'employeur pour assurer la prévention des risques professionnels ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient valoir que la sécurité des salariés n'était nullement assurée par la tenue professionnelle, dont il est exclusivement question dans l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016, mais par fourniture d'un équipement obligatoire correspondant aux dispositions d'un arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres (tel que modifié par un arrêté du 28 août 2009) ; qu'en affirmant que l'éventuel transfert de la charge de l'entretien de la tenue professionnelle du salarié était contraire à l'obligation de sécurité de l'employeur, lorsque le dernier paragraphe de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016, qui se bornait à prévoir la compensation financière au profit du salarié d'une éventuelle charge d'entretien de sa tenue professionnelle, n'avait ni pour objet ni pour effet de dispenser l'employeur de fournir l'équipement spécialement destiné à assurer la prévention des risques professionnels dans le secteur en cause, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et R. 4422-1 du code du travail, ensemble l'arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres, modifié par un arrêté du 28 août 2009, et l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire. »
Réponse de la Cour
5. L'article L. 2251-1 du code du travail dispose qu'une convention ou un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public.
6. Aux termes de l'article R.4422-1 du code du travail l'employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l'exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l'article L. 4121-2 du même code.
7. Selon l'article R. 4424-5 du code du travail, pour les activités qui impliquent des agents biologiques pathogènes, l'employeur doit notamment fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements de protection appropriés, veiller à ce que les moyens de protection individuelle soient enlevés lorsque le travailleur quitte le lieu de travail et faire en sorte, lorsqu'ils sont réutilisables, que les moyens de protection individuelle soient rangés dans un endroit spécifique, nettoyés, désinfectés et vérifiés avant et après chaque utilisation et, s'il y a lieu, réparés ou remplacés.
8. Ayant relevé qu'il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes vinssent contaminer les tenues de travail des ambulanciers, la cour d'appel en a exactement déduit que les dispositions du dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 qui autorisaient l'employeur, dans le domaine du transport sanitaire, à ne pas assurer directement l'entretien de la tenue de travail des ambulanciers en leur allouant une indemnité, étaient contraires aux dispositions des articles L. 4121-1, L. 4121-2 et R. 4422-1 du code du travail qui font obligation à l'employeur de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l'exposition aux agents biologiques, et à ce titre, d'assurer lui-même l'entretien et le nettoyage des tenues professionnelles.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Les organisations patronales et la Chambre nationale des services d'ambulances font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il annule l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités de transport sanitaire s'inscrivant dans le cadre de leur nouveau modèle social et portant avenant à l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, alors :
« 1°/ que la conformité des conventions et accords collectifs de travail à l'ordre public s'apprécie à la date de leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les dispositions de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire entreraient en application le 1er jour du mois civil suivant la parution de son arrêté d'extension au journal officiel, sans que cette date ne puisse revêtir un caractère obligatoire avant le 3 avril 2017, les parties ayant par ailleurs demandé au ministre une évolution de la réglementation applicable ; que l'arrêté d'extension n'étant toujours pas paru au jour où la cour d'appel statuait, cet accord n'était toujours pas entré en vigueur à cette date ; qu'en déclarant néanmoins les dispositions de l'article 10 de cet accord contraires à l'article R. 3312-33 du code des transports en vigueur lors de la conclusion de l'accord du 10 juin 2016, lorsque ce dernier n'était toujours pas entré en vigueur à la date à laquelle elle statuait, la cour d'appel a violé l'article R. 3312-33 du code des transports, l'arrêté du 19 décembre 2001 concernant l'horaire de service dans le transport sanitaire et l'article 6 (en réalité 10) de l'accord du 16 juin 2016 ;
2°/ que l'article R. 3312-33 du code des transports dispose que la durée hebdomadaire de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire est décomptée au moyen de feuilles de route hebdomadaires ; que l'article 1er de l'arrêté du 19 décembre 2001 concernant l'horaire de service dans le transport sanitaire précise dans le même sens que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuille de route hebdomadaires individuelles ; que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 concerne en revanche le décompte des heures de prise de service et de fin de service, ainsi que les heures de pause ou coupure, toutes informations se rapportant exclusivement au décompte journalier du temps de travail ; qu'il en résulte que l'accord du 16 juin 2016 ne régit nullement les modes de décompte du temps de travail hebdomadaire ; qu'en affirmant néanmoins que cette disposition qui se rapportait au temps de travail quotidien était contraire aux dispositions réglementaires précitées relatives au décompte hebdomadaire du temps de travail, la cour d'appel a violé l'ensemble de ces dispositions, ensemble l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 ;
3°/ que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 prévoit que les moyens d'enregistrement doivent permettre le contrôle et le décompte des informations suivantes : heure de prise de service ; heure de fin de service ; heures de pause ou coupure (heure de début et de fin pour chaque pause ou coupure) ; lieu des pauses ou coupures (entreprise, extérieur, domicile) ; qu'il précise également que lorsque les temps de travail sont enregistrés par un moyen autre que la feuille de route, ces temps doivent être validés contradictoirement ; que l'exigence d'une validation contradictoire permet donc au salarié de s'assurer que l'ensemble des informations requises lui assureront des garanties au moins équivalentes à celle résultant de l'établissement d'une feuille de route telle que définie par l'annexe à l'arrêté du 19 décembre 2001 relatif à l'horaire de service dans le transport sanitaire ; qu'en retenant que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 n'était pas conforme aux exigences de l'article R. 3312-33 du code des transports et de l'arrêté du 19 décembre 2001, la cour d'appel a violé l'ensemble de ces textes. »
Réponse de la Cour :
11. Le juge saisi d'un recours en nullité contre les conventions ou accords collectifs apprécie leur conformité au regard des dispositions légales et réglementaires en vigueur lors de la conclusion de ces conventions ou accords collectifs.
12. Selon l'article R. 3312-33 du code des transports, la durée hebdomadaire de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire est décomptée au moyen de feuilles de route hebdomadaires.
13. L'article 1er de l'arrêté du 19 décembre 2001 concernant l'horaire de service dans le transport sanitaire dispose, dans le même sens, que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles qui précisent les horaires de début et de fin de service, l'amplitude journalière de travail en heures, les lieux et horaires de prise de repas, l'exécution de tâches complémentaires et d'activités annexes, l'heure de prise de service le lendemain et le véhicule attribué pour la première mission du lendemain avec une partie réservée aux observations et aux signatures.
14. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que les moyens d'enregistrement permettant le contrôle de la durée du travail envisagés par l'article 10 ne reprenaient pas toutes les informations contenues dans la feuille de route rendue obligatoire par l'article 1er de l'arrêté du 19 décembre 2001, et d'autre part, que la procédure de validation contradictoire des temps de travail lorsqu'ils étaient enregistrés par un autre moyen que la feuille de route ne permettait pas de vérifier que les modalités choisies offriraient autant de garanties que la feuille de route, la définition d'un modèle unique de feuille de route applicable à l'ensemble des salariés du secteur évitant pour les intéressés toute incertitude sur les modalités de décompte de leurs temps de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que ces dispositions qui autorisaient le décompte du temps de travail par un document autre que la feuille de route obligatoire étaient illicites, peu important que les partenaires sociaux eussent prévu que les dispositions de l'accord litigieux entreraient en application le premier jour du mois civil suivant la parution de l'arrêté d'extension au journal officiel et demandé par ailleurs au ministre une évolution de la réglementation applicable.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, la Fédération nationale des artisans ambulanciers, l'Organisation des transports routiers européens et la Chambre nationale des services d'ambulances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, la Fédération nationale des artisans ambulanciers, l'Organisation des transports routiers européens et la Chambre nationale des services d'ambulances.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, la Fédération nationale des artisans ambulanciers, l'Organisation des transports routiers européens et la Chambre nationale des services d'ambulances
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait annulé le dernier paragraphe de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités de transport sanitaire s'inscrivant dans le cadre de leur nouveau modèle social et portant avenant à l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire,
AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article L.2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public ; sur la demande d'annulation de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 ; qu'il sera observé, à titre liminaire, d'une part, que si le demandeur sollicite l'annulation de « l'article 6 - Temps d'habillage et de déshabillage » dans son intégralité, il n'en critique que le dernier paragraphe et d'autre part, que le fait que les dispositions critiquées soient insérées dans un article relatif au temps d'habillage et de déshabillage ne saurait avoir une quelconque incidence sur l'appréciation de la pertinence de l'argumentation du syndicat demandeur, seul le contenu des dispositions devant être pris en compte et non la présentation formelle de l'accord ; que les deux derniers paragraphes de l'article 6 sont libellés comme suit : « En application des dispositions de l'article 22bis de la CCNA1 de la CCNTR il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers. Lorsqu'il n'assure pas directement cet entretien, l'employeur doit allouer une indemnité dite « d'entretien » qui vient compenser les frais professionnels d'entretien exposés par le personnel ambulancier. Le montant de cette indemnité est fixé dans l'entreprise » ; que l'article 22bis de l'annexe n°1 de la Convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoit en son paragraphe « 1. Présentation » : « La présentation et la tenue du personnel ambulancier doivent être particulièrement soignées. Cette tenue comporte obligatoirement une blouse blanche. Les blouses (trois minimum par salarié) sont fournies et entretenues par l'entreprise, qui renouvellera une blouse chaque année. » ; que la Fédération nationale des transports et de la logistique Force Ouvrière – UNCP soutient en substance que la solution prévue par l'article 6 comporte le risque d'un transport d'agents bactériologiques au domicile des salariés, que l'employeur s'exonère ainsi de son obligation de sécurité résultat et transfère les risques sur les salariés et qu'en conséquence, l'article 6 est contraire à l'ordre public; qu'en réplique, la FNTS, la FNAA et l'OTRE font valoir que la tenue professionnelle est insuffisante pour protéger les salariés contre les agents biologiques, que des équipements de protection individuelle spécifiques sont prévus pour ce faire par l'arrêté du 10 février 2009, que ces équipements permettent une protection efficace en cas de risque d'infection et qu'à supposer que le demandeur considère qu'ils sont insuffisants, il devait contester l'arrêté du 10 février 2009 ou l'arrêté du 28 août 2009 qui l'a modifié et non l'accord du 16 juin 2016 ; qu'aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. L'article L. 4121-2 du même code prévoit que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs; que l'article R. 4422-1 impose par ailleurs à l'employeur de prendre des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l'exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l'article L. 4121-2 ; que les salariés des entreprises du secteur du transport sanitaire sont, de par la nature de leurs missions, exposés à des risques de contamination par les agents biologiques dont peuvent être porteuses les personnes dont ils assurent le transport; qu'il est constant que l'annexe 2 de l'arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres prévoit les équipements de protection individuelle que doivent contenir les véhicules notamment des matériels de protection contre l'infection et des masques; que cependant, la présence de ces équipements ne permet pas de garantir le salarié contre toute contamination notamment parce que leur port suppose qu'il ait été informé du risque de contamination et qu'il peut être amené à transporter des patients sans que cela soit le cas ; qu'il ne peut dès lors être exclu que des agents biologiques viennent contaminer les tenues de travail du salarié et il appartient à l'employeur tenu d'une obligation de sécurité de prendre les mesures nécessaires pour éviter toute contamination; qu'or, si le salarié doit assurer lui-même l'entretien de sa tenue professionnelle, non seulement il est exposé à un risque de contamination plus important que si l'entretien est assuré par l'employeur mais ses proches se trouvent alors également exposés à un tel risque; que le dernier paragraphe de l'article 6 apparaît dès lors contraire à l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur, obligation d'ordre public qui lui impose de prendre les mesures de prévention nécessaires et dont il ne peut se décharger sur le salarié en lui accordant une contrepartie financière; que ce paragraphe sera par conséquent annulé
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L 2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public. Il est précisé à L 4121-1 du même code que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. L'article L 4121-2 impose à l'employeur de mettre en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. » ; que seuls sont l'objet d'une contestation les deux derniers paragraphes de l'article 6 de l'accord du 16 janvier 2016 à savoir : « En application des dispositions de l'article 22 bis de la CCNA1 de la CCNTR il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers. Lorsqu'il n'assure pas directement cet entretien, l'employeur doit allouer une indemnité dite d'entretien qui vient compenser les frais professionnels d'entretien exposés par le personnel ambulancier. Le montant de cette indemnité est fixé dans l'entreprise. » ; que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; que cette obligation rend illicites les clauses d'une convention collective susceptibles de mettre en péril la santé et la sécurité des salariés ; qu'ainsi que le fait observer le ministère public il appartient à l'employeur, en application des dispositions des articles R.4422-1 du code du travail de prendre "des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l'exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l'article L.4121-2" et en application des dispositions de l'article R.4424-5, pour les activités qui impliquent des agents biologiques pathogènes, notamment, de fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements appropriés, de veiller à ce que les moyens de protection individuelle soient enlevés, lorsque le travailleur quitte son lieu de travail et de faire en sorte, lorsqu'ils sont réutilisables, que les moyens de protection individuelle soient...nettoyés, désinfectés et vérifiés après chaque utilisation ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures propres à éviter le risque de contamination du salarié et à assurer sa protection et qu'il ne peut s'exonérer de cette obligation ; qu'il lui incombe par conséquent d'assurer l'entretien et le nettoyage des tenues des ambulanciers dès lors que dans l'exercice de leurs fonctions ils peuvent être exposés à des agents pathogènes ; qu'il ne peut par conséquent transférer la responsabilité du lavage de la tenue professionnelle de l'ambulancier à ce dernier, le versement d'une indemnité ne permettant en aucun cas de s'assurer que le salarié effectuera un lavage non seulement séparé mais encore de nature à assurer une désinfection complète, seule à même de protéger, non seulement l'intéressé lui-même, mais également ses proches et plus généralement toute personne susceptible de l'avoir approché ; qu'au regard de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, et en considération de l'ordre public sanitaire, le tribunal a, à juste titre, fait droit à la FÉDÉRATION NATIONALE DES TRANSPORTS ET DE LA LOGISTIQUE FORCE OUVRIÈRE – UNCP ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a annulé le dernier paragraphe de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 ;
1°) ALORS QUE l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée à l'organisation dans les activités du transport sanitaire comprend un article 6 relatif aux temps d'habillage et déshabillage qui, après en avoir établi les contreparties financières, se borne à rappeler, d'une part, qu' « en application des dispositions de l'article 22 bis de la CCNA1 de la CCNTR il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers », d'autre part que « lorsqu'il n'assure pas directement cet entretien, l'employeur doit allouer une indemnité dite d'entretien qui vient compenser les frais professionnels d'entretien exposés par le personnel ambulancier. Le montant de cette indemnité est fixé dans l'entreprise » ; que ce texte, tout en réitérant l'obligation pour l'employeur d'assurer l'entretien des tenues professionnelles, a donc pour seul objet de prévoir une compensation financière au profit du salarié dans l'hypothèse où il aurait effectivement assuré cet entretien ; qu'en affirmant que ce texte était contraire à l'obligation de sécurité de l'employeur en tant qu'il autorisait l'employeur à se décharger de son obligation d'entretien, la cour d'appel l'a violé l'article 6 précité par fausse application ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE n'est pas illicite comme susceptible de mettre en danger la sécurité des salariés la stipulation d'un accord collectif qui ne méconnaît aucune des dispositions légales et réglementaires qui déterminent de façon exhaustive les mesures que doit prendre l'employeur pour assurer la prévention des risques professionnels ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient valoir que la sécurité des salariés n'était nullement assurée par la tenue « professionnelle », dont il est exclusivement question dans l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016, mais par fourniture d'un équipement obligatoire correspondant aux dispositions d'un arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres (tel que modifié par un arrêté du 28 août 2009) ; qu'en affirmant que l'éventuel transfert de la charge de l'entretien de la tenue professionnelle du salarié était contraire à l'obligation de sécurité de l'employeur, lorsque le dernier paragraphe de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016, qui se bornait à prévoir la compensation financière au profit du salarié d'une éventuelle charge d'entretien de sa tenue professionnelle, n'avait ni pour objet ni pour effet de dispenser l'employeur de fournir l'équipement spécialement destiné à assurer la prévention des risques professionnels dans le secteur en cause, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et R. 4422-1 du code du travail, ensemble l'arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres, modifié par un arrêté du 28 août 2009, et l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait annulé le dernier paragraphe de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire s'inscrivant dans le cadre de leur nouveau modèle social et portant avenant à l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 10 – Modalités d'enregistrement et de contrôle du temps de travail prévoit que : « Les temps de travail des personnels ambulanciers doivent être enregistrés par tous moyens (feuille de route, pointeuse...) Les moyens d'enregistrement doivent permettre le contrôle et le décompte des informations suivantes : - Heure de prise de service - Heure de fin de service - Heures de pause ou coupure (heure de début et de fin pour chaque pause ou coupure) - Lieu des pauses ou coupure (entreprise, extérieur, domicile) Lorsque les temps de travail sont enregistrés par un autre moyen que la feuille de route, ces temps doivent être validés contradictoirement ». La Fédération nationale des transports et de la logistique Force Ouvrière – UNCP fait valoir que l'article 13 du décret n°2003-1242 prévoit que les durées de service des personnels ambulanciers sont décomptés au moyen de feuilles de route, qu'il s'agit d'un document essentiel en ce qu'il permet de décompter, de façon contradictoire, le temps de travail effectif, de vérifier les temps de repos et de justifier l'activité en cas de contrôle par les forces de l'ordre et que le système prévu par l'article 10 de l'accord crée une incertitude en permettant une validation contradictoire des temps de travail. En réplique, la FNTS, la FNAA et l'OTRE soutiennent que la demande est dépourvue d'objet dès lors que ce n'est qu'à la date d'entrée en vigueur de l'accord, encore inconnue à ce jour, qu'une éventuelle contrariété avec les dispositions réglementaires alors applicables pourra être appréciée ; que le décret du 22 décembre 2003 a été abrogé à compter du 1er janvier 2017 ; qu'en tout état de cause, l'article L. 3171-2 du code du travail n'impose pas un mode de comptabilisation particulier et que le système prévu repose sur une validation contradictoire des temps de travail enregistrés et répond aux exigences de l'article D.3171-8 du code du travail; que l'article 18 de l'accord du 16 juin 2016 prévoit : « Les dispositions du présent accord entreront en application le 1er jour du mois civil suivant la parution de son arrêté d'extension au journal officiel, sans que cette date ne puisse revêtir un caractère obligatoire avant le 3 avril 2017. Les parties signataires prendront les dispositions qui s'imposent en vue de l'adoption et de la publication de dispositions réglementaires adaptées aux dispositions du présent accord relatives aux équivalences et à la durée maximale du temps de travail effectif et aux modalités d'enregistrement et de contrôle du temps de travail dans les activités du transport sanitaire. Dans la perspective de la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'ensemble des temps identifiés dans le titre I, il appartient aux entreprises de prendre les mesures qui leur semblent les plus appropriées afin de se doter, au plus tard à la date d'entrée en application de l'accord des dispositifs d'enregistrement et de contrôle les plus performants, y compris les systèmes informatiques. » ; qu'il apparaît ainsi que l'entrée en vigueur de l'accord n'est pas subordonnée à l'adaptation des dispositions réglementaires actuellement applicables, que les nouvelles modalités d'enregistrement du temps de travail ne sont pas prévues sous réserve d'une adaptation de ces dispositions réglementaires et que les entreprises sont invitées à prendre les mesures appropriées pour se doter de nouveaux dispositifs d'enregistrement à la date d'entrée en vigueur indépendamment de l'adaptation des dispositions réglementaires; que la demande de la Fédération nationale des transports et de la logistique Force Ouvrière – UNCP n'est par conséquent pas dépourvue d'objet. L'article 13 du décret n°2003-1242 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes prévoyait que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles, conformément à un modèle type fixé par arrêté du ministre chargé des transports; que ce décret a certes été abrogé à compter du 1er janvier 2017 par le décret n°2016-1549 du 17 novembre 2016 mais c'est pour être codifié dans le code des transports ; qu'ainsi, l'article R. 3312-33 du code des transports prévoit désormais que la durée hebdomadaire de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire est décomptée au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles; que par avenant n°4 du 24 mars 2009 à l'accord-cadre du 04 mai 2000 relatif à l'aménagement du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire (étendu par arrêté du 14 octobre 2009), les partenaires sociaux sont convenus de modifier la feuille de route prévue à l'article 7 de l'accord-cadre et rendue obligatoire par arrêté du 19 décembre 2001 concernant l'horaire de service dans le transport sanitaire ; qu'à l'article 2 de cet avenant, les parties demandaient au ministre chargé des transports de prendre un arrêté rendant obligatoire le nouveau modèle de feuille de route et d'abroger l'arrêté du 19 décembre 2001; que cet arrêté n'a cependant pas été abrogé ; qu'il prévoit, en son article 1 que « les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles, conformes au modèle ci-annexé » et en son article 2 alinéa 2 que « la feuille de route, remplie par le salarié et établie par procédé autocopiant constitue, pour les personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire, un document obligatoire. » ; qu'il est constant que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 respecte les dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail relatifs au contrôle de la durée du travail lorsque les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif ; que cependant, il ressort des développements qui précèdent qu'il existe pour les personnels ambulanciers des entreprises de transport sanitaires une disposition particulière du code des transports imposant l'utilisation de la feuille de route pour le décompte du temps de travail, disposition toujours en vigueur à ce jour. Le souhait des partenaires sociaux de faire évoluer les modalités d'enregistrement et de contrôle du temps de travail pour tenir compte de l'évolution des technologies est légitime ; que cependant, la réglementation en vigueur prévoit toujours l'usage d'une feuille de route individuelle et, en l'état de la rédaction de l'article 10, il n'apparaît pas qu'il instaure pour le salarié des dispositions plus favorables ; qu'en effet, l'article 10 ne reprend pas toutes les informations contenues dans la feuille de route ; que s'il prévoit une validation contradictoire des temps de travail, il ne peut être vérifié que les modalités choisies offriront autant de garanties que la signature de l'employeur et du salarié qui doit figurer sur la feuille de route ; que de plus, la définition d'un modèle unique de feuille de route applicable à l'ensemble des salariés du secteur évite pour les intéressés toute incertitude sur les modalités de décompte de leurs temps de travail ; que l'article 10 sera par conséquent lui aussi annulé ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 est ainsi rédigé : "Les temps de travail des personnels ambulanciers doivent être enregistrés par tous moyens (feuille de route, pointeuse
) ; que les moyens d'enregistrement doivent permettre le décompte et le contrôle des informations suivantes : - heure de prise de service, - heure de fin de service, - heures de pause ou coupure (heures de début et de fin de chaque pause ou coupure), - lieu des pauses ou coupures (entreprise, extérieur, domicile). » ; que lorsque les temps de travail sont enregistrés par un autre moyen que la feuille de route, ces temps doivent être validés contradictoirement" ; que se prévalant de l'article 13 du décret n°2003-1242 du 22 décembre 2003 qui précise que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles conformément à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé des transports, la FÉDÉRATION NATIONALE DES TRANSPORTS ET DE LA LOGISTIQUE FORCE OUVRIÈRE - UNCP soutient que le système prévu par l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 créée une incertitude en permettant plusieurs moyens d'enregistrement, notamment informatique, et en ne permettant une validation contradictoire des temps de travail ; que les appelantes indiquent que ce décret a été abrogé à compter du 1er janvier 2017 et que l'accord du 16 juin 2016 n'était pas encore entré en vigueur à cette date ; que toutefois le décret n°2016-1549 du 17 novembre 2016, a été abrogé en ses dispositions réglementaires pour être codifié dans le code des transports. Il est ainsi prévu à l'article R.3312-33 du code des transports que : "la durée hebdomadaire de services des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire est décomptée au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles" ; qu'à juste titre le tribunal a constaté si les partenaires sociaux aux termes d'un avenant du 24 mars 2009, étendu par arrêté du 14 oct 2009, avaient émis le voeu de modifier la feuille de route prévue à l'article 7 de l'accord cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire rendue obligatoire par arrêté du 19 décembre 2001 et demandé au ministre de prendre un arrêté rendant obligatoire le nouveau modèle, cet arrêté n'a toutefois pas été abrogé. Par conséquent, c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont estimé que les articles 1 et 2 devaient continuer à recevoir application notamment en ce qui concerne le modèle de feuilles de route hebdomadaires et individuelles, établies par procédé autocopiant, dès lors qu'il existe une disposition particulière du code des transports imposant l'utilisation par le personnel ambulancier d'une feuille de route qui est propre aux entreprises de transport sanitaires ; que l'article 10 ne reprend pas toutes les informations contenues dans la feuille de route réglementaire et les appelants ne justifient nullement de ce que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 soit plus favorable aux salariés ;
1°) ALORS QUE la conformité des conventions et accords collectifs de travail à l'ordre public s'apprécie à la date de leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les dispositions de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire entreraient en application le 1er jour du mois civil suivant la parution de son arrêté d'extension au journal officiel, sans que cette date ne puisse revêtir un caractère obligatoire avant le 3 avril 2017 (cf. article 18 de l'accord), les parties ayant par ailleurs demandé au ministre une évolution de la réglementation applicable ; que l'arrêté d'extension n'étant toujours pas paru au jour où la cour d'appel statuait, cet accord n'était toujours pas entré en vigueur à cette date ; qu'en déclarant néanmoins les dispositions de l'article 10 de cet accord contraires à l'article R. 3312-33 du code des transports en vigueur lors de la conclusion de l'accord du 10 juin 2016, lorsque ce dernier n'était toujours pas entré en vigueur à la date à laquelle elle statuait, la cour d'appel a violé l'article R. 3312-33 du code des transports, l'arrêté du 19 décembre 2001 concernant l'horaire de service dans le transport sanitaire et l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE l'article R. 3312-33 du code des transports dispose que la durée hebdomadaire de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire est décomptée au moyen de feuilles de route hebdomadaires ; que l'article 1er de l'arrêté du 19 décembre 2001 concernant l'horaire de service dans le transport sanitaire précise dans le même sens que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont décomptées au moyen de feuille de route hebdomadaires individuelles ; que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 concerne en revanche le décompte des heures de prise de service et de fin de service, ainsi que les heures de pause ou coupure, toutes informations se rapportant exclusivement au décompte journalier du temps de travail ; qu'il en résulte que l'accord du 16 juin 2016 ne régit nullement les modes de décompte du temps de travail hebdomadaire ; qu'en affirmant néanmoins que cette disposition qui se rapportait au temps de travail quotidien était contraire aux dispositions réglementaires précitées relatives au décompte hebdomadaire du temps de travail, la cour d'appel a violé l'ensemble de ces dispositions, ensemble l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 prévoit que les moyens d'enregistrement doivent permettre le contrôle et le décompte des informations suivantes : heure de prise de service ; heure de fin de service ; heures de pause ou coupure (heure de début et de fin pour chaque pause ou coupure) ; lieu des pauses ou coupures (entreprise, extérieur, domicile) ; qu'il précise également que lorsque les temps de travail sont enregistrés par un moyen autre que la feuille de route, ces temps doivent être validés contradictoirement ; que l'exigence d'une validation contradictoire permet donc au salarié de s'assurer que l'ensemble des informations requises lui assureront des garanties au moins équivalentes à celle résultant de l'établissement d'une feuille de route telle que définie par l'annexe à l'arrêté du 19 décembre 2001 relatif à l'horaire de service dans le transport sanitaire ; qu'en retenant que l'article 10 de l'accord du 16 juin 2016 n'était pas conforme aux exigences de l'article R. 3312-33 du code des transports et de l'arrêté du 19 décembre 2001, la cour d'appel a violé l'ensemble de ces textes. | Aux termes de l'article R. 4422-1 du code du travail l'employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l'exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l 'article L. 4121-2 du même code.
Selon l'article R. 4424-5 du code du travail, pour les activités qui impliquent des agents biologiques pathogènes, l'employeur doit fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements de protection appropriés, veiller à ce que les moyens de protection individuelle soient enlevés lorsque le travailleur quitte le lieu de travail et faire en sorte, lorsqu'ils sont réutilisables, que les moyens de protection individuelle soient rangés dans un endroit spécifique, nettoyés, désinfectés et vérifiés avant et après chaque utilisation et, s'il y a lieu, réparés ou remplacés.
Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui après avoir relevé qu'il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes vinssent contaminer les tenues de travail des ambulanciers, retient que les dispositions d'un accord collectif relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire qui autorisent l'employeur à ne pas assurer directement l'entretien de la tenue de travail des ambulanciers en leur allouant une indemnité, sont contraires aux dispositions des articles L. 4121-1, L. 4121-2 et R. 4422-1 du code du travail qui font obligation à l'employeur de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l'exposition aux agents biologiques, et à ce titre, d'assurer lui-même l'entretien et le nettoyage des tenues professionnelles |
358 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 851 F-P+B+I
Pourvoi n° U 19-10.420
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Antarius, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-10.420 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ au comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 5e , dont le siège est [...] ,
2°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Antarius, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 5e et de la direction générale des finances publiques, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018), le comptable du service des impôts des particuliers de Paris 5ème (le comptable public), agissant sur le fondement de titres exécutoires délivrés à l'encontre de M. M..., a notifié, le 29 août 2016, entre les mains de la société Antarius (l'assureur), deux avis à tiers détenteur portant, notamment, sur un contrat d'assurance vie rachetable « Antarius Avenir » souscrit par le débiteur. L'assureur a refusé tout versement.
2. Le comptable public a assigné l'assureur devant un juge de l'exécution, en paiement des sommes objet des avis à tiers détenteur, sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution et l'assureur a fait valoir que le contrat avait fait l'objet d'un nantissement le 11 avril 2011 au profit de la société Crédit du nord (la banque).
3. Par jugement du 27 septembre 2017, le juge de l'exécution a accueilli la demande formée par le comptable public.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015, il est fait application des dispositions de l'article 620 du même code.
Vu l'article 2363 du code civil et l'article L. 132-10 du code des assurances :
4. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés.
5. Pour condamner l'assureur à verser au comptable public le montant visé par l'avis à tiers détenteur, l'arrêt retient que le privilège du Trésor, pour les contributions directes et taxes assimilées, bien que général, doit, en raison de son rang, s'exercer avant tout autre et primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le comptable peut exercer immédiatement la faculté de rachat, aux lieu et place de la banque ou du souscripteur.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne le comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 5ème aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
p/Le conseiller rapporteur empeche le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Antarius
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ANTARIUS à payer au comptable responsable du SIP de PARIS Vème la somme de 199.550, 41 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« à l'appui de son appel, la société ANTARIUS soutient, en substance, que, si l'avis à tiers détenteur produit un effet attributif immédiat, celui-ci peut être différé, notamment lorsque le contrat d'assurance-vie, objet de l'avis, a été nanti, d'une part, parce que l'article L. 263-décembre 2013, prévoit que l'avis à tiers détenteur ne peut être exécuté ne concerne que les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable, y compris si la faculté de rachat a fait l'objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat du contrat au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur, d'autre part, parce que l'article L. 273A du même Livre énonce que la saisie à tiers détenteur peut s'exercer sur les créances conditionnelles ou à terme et que, dans ce cas, les fonds sont versés au comptable public chargé du recouvrement lorsque ces créances deviennent exigibles, qu'en raison du nantissement consenti, en l'espèce, au Crédit du Nord, la créance de M. M... sur la société ANTARIUS n'est pas exigible. L'appelante ajoute qu'en application de l'article 2361 du Code civil, le nantissement d'une créance, présente ou future, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date de l'acte, qu'en l'espèce, le nantissement est antérieur à l'avis à tiers détenteur et est donc opposable au fisc. L'appelante soutient encore que la doctrine de l'administration fiscale, telle que publiée au Bulletin officiel des finances publiques du 28 août 2017, énonce qu'en présence d'un acte de nantissement régulièrement et valablement constitué, l'avis à tiers détenteur ne produira pas ses effets, qu'en transférant la faculté de rachat de son contrat à la banque, M. M... a renoncé à la possibilité d'effectuer un rachat sur son contrat et a ainsi transféré sa créance éventuelle vis-à-vis de l'assureur à l'établissement bancaire, que son droit de rachat a quitté son patrimoine au profit de la banque, que le comptable public ne peut donc prétendre pouvoir effectuer un rachat sur le contrat de M. M... aux lieu et place de celui-ci, qu'en tout état de cause ce rachat ne pourrait intervenir avant le terme du nantissement, la créance n'étant pas disponible mais conditionnelle à terme. Cependant, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge et que le soutient à bon droit l'intimé qui s'approprie les motifs de celui-ci, il résulte de l'article 1920 du Code général des impôts que le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilés s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. En l'espèce, le Trésor poursuit le recouvrement de droits d'enregistrement, soit des contributions directes et taxes assimilées. Si l'article 2332-1 du Code civil prévoit que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux, ce texte réserve les dispositions contraires. Il en résulte que le privilège du Trésor pour les contributions directes et taxes assimilées, bien que général, doit, en raison de son rang qui s'exerce avant tout autre, primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le Trésor, en raison de l'effet attributif de l'avis à tiers détenteur, exerce ainsi immédiatement la faculté de rachat du contrat d'assurance aux lieu et place de la banque ou du souscripteur. Par ailleurs, l'appelante n'est pas fondée à opposer au Trésor une doctrine postérieure à l'avis à tiers détenteur et qui n'était que le reflet de la jurisprudence à la date de sa publication. En application de l'article R. 211-9 du Code des procédures civiles d'exécution, il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'assureur à payer au comptable public le montant de la créance de celui-ci dans la limite de la valeur de rachat du contrat d'assurance-vie souscrits par le redevable de l'imposition » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il résulte des pièces versées aux débats que se prévalant de titres exécutoires dont la réalité n'est pas contestée, le comptable responsable du SIP de Paris 5ème a notifié le 29 août 2016 entre les mains de la société ANTARIUS deux avis à tiers détenteur pour les sommes de 6 316 euros et 193 407,16 euros. Par courrier du 20 septembre 2016, la société ANTARIUS indiquait ne pouvoir procéder au versement des sommes du fait que les contrats n'étaient pas dénoués. Il résulte de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales que les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser aux lieu et place des redevables les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des impositions dues par ces redevables. L'article L. 263 du Livre des procédures fiscales dispose que l'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter dès réception les sommes dont le versement est demandé au paiement des impositions privilégiées quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles. Concernant les contrats d'assurance-vie, l'article L. 263-0 A prévoit que peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur (
) notifié dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263 du Livre des procédures fiscales les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable (
) dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur. Ainsi que rappelé dans le projet de loi n° 1011 et le rapport de M. ANZIANI au nom de la commission des lois, cette disposition visait à prendre en compte le fait que l'assurance-vie représente un encours important du patrimoine des ménages et permet d'éviter les saisies. Il convenait donc selon le projet de loi de "renforcer les moyens de l'administration fiscale en matière de recouvrement des créances publiques". Ces dispositions, dérogatoires à l'article L. 132-14 du Code des assurances, ont donc clairement pour objet de mettre fin à l'impossibilité pour le fisc de procéder à la saisie des contrats d'assurance-vie, impossibilité liée au fait que la faculté de rachat du souscripteur, qui entraîne ipso facto la révocation de la désignation d'un bénéficiaire est personnelle au souscripteur, et aux jurisprudences développées sur ce fondement notamment à l'égard de créances invoquées par le fisc. En application de l'article L. 263-0 A du Livre des procédures fiscales l'avis à tiers détenteur du 29 août 2016 a donc eu pour conséquence d'affecter immédiatement les sommes dont le versement était demandé au paiement des impositions sans que la société ANTARIUS ne puisse opposer le caractère personnel de la faculté de rachat, auquel la loi a justement entendu déroger, ni entendre reporter un terme tel que le rachat ou le dénouement du contrat le paiement de ces sommes à l'administration fiscale. La société ANTARIUS n'était donc pas fondée à opposer l'absence de dénouement des contrats d'assurance-vie saisis. En ce qui concerne le contrat PERP PREMIUM, il est justifié (page 3 de la notice d'information) que ce contrat ne comporte pas de faculté de rachat. Dès lors, les dispositions de l'article L. 263-0 A limitées aux contrats d'assurance-vie rachetables ne sont pas applicables. En ce qui concerne le contrat ANTARIUS AVENIR, il est justifié que celui-ci a fait l'objet d'un nantissement le 11 avril 2011 au profit du CREDIT DU NORD, en garantie d'un prêt d'un montant de 1 000 000 euros. Il résulte de l'article 1920 du Code général des impôts que le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles appartenant aux redevables. En l'espèce, le Trésor poursuit le recouvrement de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation, soit des contributions directes et taxes assimilées. Si l'article 2332-1 du Code civil prévoit que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux, ce texte réserve les "dispositions contraires". Il en résulte que le privilège du Trésor pour les contributions directes et taxes assimilées, bien que général, doit en raison de son rang, qui s'exerce, selon l'article 1920 du Code général des impôts, avant tout autre, primer le nantissement de biens mobiliers, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été inscrit. La demande contre le tiers saisi à raison de son refus de paiement doit par conséquent être accueillie en ce qui concerne ce second contrat à concurrence de la somme de 199 550,41 euros, montant de la valorisation déclarée au 4 juillet 2016 par la société ANTARIUS » ;
1°/ ALORS QUE l'avis à tiers détenteur pratiqué sur un contrat d'assurance-vie a pour objet la valeur de rachat, laquelle constitue une créance du souscripteur à l'égard de l'assureur entrée dans son patrimoine sous réserve qu'il n'ait pas renoncé à la faculté de rachat au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur ; que le nantissement du contrat d'assurance-vie ayant pour effet de transférer au créancier nanti la faculté de rachat du contrat d'assurance-vie, le souscripteur y renonce pendant la durée de la garantie ; qu'en l'espèce, le contrat d'assurance-vie « ANTARIUS AVENIR » souscrit par Monsieur M... avait fait l'objet d'un nantissement le 11 avril 2011 au profit de la société CREDIT DU NORD, en garantie du remboursement d'un prêt consenti sur une durée de quinze ans ; qu'ainsi, au jour de l'avis à tiers détenteur notifié par le comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris Vème le 29 août 2016, le redevable Monsieur M... avait renoncé à la faculté de rachat de son contrat d'assurance-vie, de sorte que le contrat d'assurance-vie ne pouvait pas faire l'objet d'un avis à tiers détenteur ; qu'en condamnant néanmoins la société ANTARIUS à payer au comptable responsable du service des impôts des particuliers de PARIS Vème la somme de 199.550,41 € correspondant à la valeur de rachat déclarée le 4 juillet 2016, au motif inopérant que le privilège général du Trésor Public primait les autres privilèges spéciaux, la Cour d'appel a violé les articles L. 262, 263, 263-0 A du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article R. 211-9 du Code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'avis à tiers détenteur emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles il est pratiqué, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ; que le nantissement de créance emporte l'indisponibilité de la créance nantie ; qu'en l'espèce, le contrat d'assurance-vie « ANTARIUS AVENIR » souscrit par Monsieur M... avait fait l'objet d'un nantissement le 11 avril 2011 au profit de la société CREDIT DU NORD en garantie du remboursement d'un prêt consenti sur une durée de quinze ans, de sorte que la créance était indisponible à compter de cette date et ne pouvait faire l'objet d'un avis à tiers détenteur ; qu'en condamnant néanmoins la société ANTARIUS à payer au comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris Vème, sur le fondement d'un avis à tiers détenteur notifié le 29 août 2016, la somme de 199 550,41 € correspondant à la valeur de rachat déclarée le 4 juillet 2016, au motif inopérant que le privilège général du Trésor Public primait les autres privilèges spéciaux, la Cour d'appel a violé les articles L. 262, 263, 263-0 A du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article R. 211-9 du Code des procédures civiles d'exécution.
Le greffier de chambre | Il résulte de la combinaison des articles 2363 du code civil et L. 132-10 du code des assurances que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés.
Viole ces dispositions la cour d'appel qui condamne une société d'assurance, tiers saisi, à verser au comptable public saisissant le montant visé par un avis à tiers détenteur portant sur un contrat d'assurance vie souscrit par le débiteur, alors que ce contrat était nanti au profit d'un tiers |
359 | CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 564 F-P+B+I
Pourvois n°
M 17-14.407
N 17-14.408 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
I - La société Scamille, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 17-14.407 contre un arrêt n° RG : 13/23528 rendu le 20 octobre 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l'opposant à M. E... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
II - La société Scamille, a formé le pourvoi n° N 17-14.408 contre un arrêt n° RG : 13/23740 rendu par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant à M. E... Q..., défendeur à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° M 17-14.407 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° N 17-14.408 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers on été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Scamille, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 17-14.407 et N 17-14.408 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 20 octobre 2016), M. Q... qui, en 2000, avait effectué des travaux d'extension d'un local commercial dans lequel il exploitait un fonds de commerce, a été condamné, le 17 février 2004, par le tribunal correctionnel, à une amende et à remettre les lieux en l'état, sous astreinte.
3. Le 26 août 2005, M. Q..., qui avait interjeté appel, a cédé son fonds de commerce à la société Scamille.
4. L'acte de vente contenait une clause aux termes de laquelle l'acquéreur s'engageait à garantir le vendeur de l'exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation.
5. Le 4 octobre 2005, la cour d'appel a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. Q... et dit que la démolition, à sa charge, de la construction irrégulièrement réalisée devrait intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle l'arrêt deviendrait définitif, sous astreinte de 30 euros par jour de retard.
6. Mis en demeure par l'administration de payer la somme de 20 880 euros au titre de la liquidation de l'astreinte pour la période du 10 octobre 2006 au 5 septembre 2008, M. Q... a assigné la société Scamille pour obtenir le paiement de cette somme et la condamnation de l'acquéreur à remettre les lieux en l'état.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° M 17-14.407
Enoncé du moyen
7. La société Scamille fait grief à l'arrêt de déclarer valable la clause de garantie stipulée dans l'acte de vente, alors « que les mesures de restitution prononcées, par le juge pénal, en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme n'incombent qu'au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol à l'époque où l'infraction a été commise, sans pouvoir être mises à la charge du tiers acquéreur du bien illégalement construit qui n'a pas été mis en cause, à l'encontre duquel elles ne peuvent faire l'objet de garanties contractuelles ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire valable la clause de garantie contractuelle relative à l'exécution de la mesure de restitution ordonnée par l'arrêt du 4 octobre 2005, que les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, qui ne constituaient pas des sanctions pénales, pouvaient faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur d'un bien illégalement construit, a violé l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a retenu à bon droit que les mesures de démolition et de mise en conformité ordonnées en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, qui sont destinées à faire cesser une situation illicite, ne constituant pas des sanctions pénales, peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur.
9. La Cour de cassation a déjà admis la validité de ces stipulations (3e Civ., 22 novembre 2006, pourvoi n° 05-14.833, Bull. 2006, III, n° 235).
10. Elle a également jugé que l'astreinte qui, en application de l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme, peut assortir la remise en état des lieux constitue elle aussi une mesure à caractère réel destinée à mettre un terme à une situation illicite et non une peine (Crim. 28 juin 2016, pourvoi n° 15-84.868, Bull. Crim. 2016, n° 202).
11. Il en résulte que la garantie contractuelle peut s'étendre au paiement de l'astreinte.
12. La cour d'appel a retenu que, dans l'acte de cession du fonds de commerce, la société Scamille avait consenti, de manière claire, précise et non équivoque et en toute connaissance de cause, au risque de voir ordonner le démontage de la structure illicitement mise en place, et constaté que le prix de cession du fonds de commerce tenait compte des conséquences financières liées à ce démontage et à la remise en état des lieux conformément à la réglementation.
13. Elle en a exactement déduit que cette clause était valable.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi n° M 17-14.407
Enoncé du moyen
15. La société Scamille fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a manqué à son engagement contractuel de procéder au démontage de la structure illicitement construire et de la condamner à payer à M. Q... des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la société Scamille avait manque à son engagement contractuel de procéder au démontage de la structure illicitement construite et l'a, en conséquence, condamnée à payer à M. Q..., en réparation du préjudice subi, la somme de 40 257,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2012, date de l'assignation valant mise en demeure, an application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
16. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.
Sur le moyen unique du pourvoi n° N 17-14.408
Enoncé du moyen
17. La société Scamille fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la cassation de l'arrêt rendu le 20 octobre 2016 dans l'instance principale, à intervenir sur le pourvoi distinct formé contre ce dernier arrêt, emportera l'annulation par voie de conséquence du présent arrêt, lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, conformément à l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
18. La cassation n'étant pas prononcée sur le pourvoi n° M 17-14.407, le moyen unique du pourvoi n° N 17-14.408, pris d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Scamille aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Scamille et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits AU POURVOI n° M 17-14.407 par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Scamille.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Scamille fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valable la clause de l'acte de cession du fonds de commerce du 26 août 2005 par laquelle elle s'était engagée à garantir M. Q... de l'exécution de la mesure de démontage de la structure illicitement construite ordonnée par arrêt de la cour d'appel du 4 octobre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE l'acte de cession du fonds de commerce du 26 août 2005 comporte aux pages 17 à 20 sous l'intitulé inscrit en lettres de grande taille et souligné « très important renseignements d'urbanisme », une relation précise et circonstanciée de la situation du fonds de commerce au regard des règles de l'urbanisme, des poursuites dont M. Q... fait l'objet, et de l'état de la procédure pénale en ce compris procédure d'appel et mise en délibéré au 4 octobre 2005 ; que cet acte contient en page 19 et 20 l'engagement détaillé et précis de l'acquéreur de garantir le vendeur de l'exécution des travaux susceptibles d'être ordonnés par la cour d'appel ; que cet acte spécifie notamment : - que M. Q... prend l'engagement d'exécuter dans sa totalité l'intégralité des condamnations pénales et civiles qui seront prononcées à son encontre par la cour d'appel, à l'exclusion d'une éventuelle condamnation concernant le démontage de la structure mobile en aluminium et des baies vitrées qui seront à la charge exclusive de l'acquéreur, - que l'acquéreur donne expressément son accord pour relever et garantir le vendeur de l'exécution de toutes mesures prononcées à son encontre par la cour d'appel relatives à une éventuelle dépose de la structure en aluminium pour rendre les locaux conformes à la réglementation, - que l'acquéreur devra exécuter à ses frais dans les délais prescrits par la cour d'appel ces travaux de dépose et de mise en conformité des lieux avec la réglementation, - que le vendeur notifiera à l'acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception immédiatement après le délibéré du 4 octobre 2005, la teneur de celui-ci ainsi qu'une copie de l'arrêt lorsque celui-ci lui sera délivré, - que l'acquéreur s'estime totalement informé de la situation d'urbanisme par son vendeur et s'interdit tout recours à l'encontre de celui-ci pour le cas où il estimerait subir un quelconque préjudice découlant de la non-conformité des locaux à l'égard des règles de l'urbanisme ; que M. Q... produit la lettre recommandée avec accusé de réception et la preuve du dépôt de ce courrier le 10 octobre 2005, par laquelle il a notifié à la société Scamille la teneur de l'arrêt de la cour rendu le 4 octobre 2005 qui a ordonné la démolition de la construction litigieuse sous astreinte ; que la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite et non des sanctions pénales ; que les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme qui ne constituent pas des sanctions pénales, peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur d'un bien illégalement construit ; que conformément aux dispositions de l'article 1138 alinéa 2 du code civil, l'acte de cession du fonds de commerce du 26 août 2005 a dès sa signature transféré la propriété du fonds et les risques à la société Scamille, laquelle a consenti dans l'acte de cession de manière claire, précise et non équivoque, et en toute connaissance de cause, au risque de voir ordonner judiciairement le démontage de la structure illicitement mise en place, dont elle a été parfaitement informée par le vendeur ; qu'il s'infère de la production par M. Q... d'une attestation de l'expert comptable du fonds de commerce, selon laquelle le prix de cession en 2005 aurait pu être fixé entre 134.000 et 223.000 euros au regard du chiffre d'affaire réalisé par la supérette entre 2002 et 2004, que le prix de cession fixé à une somme inférieure de 121 959 euros tient compte des conséquences financières liées au démontage de la structure litigieuse et à la remise en état des lieux conformément à la règlemention ; que la clause de garantie contractuelle relative à l'exécution de la mesure de restitution ordonnée par l'arrêt du 4 octobre 2005 est en conséquence valable, et le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE les mesures de restitution prononcées, par le juge pénal, en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme n'incombent qu'au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol à l'époque où l'infraction a été commise, sans pouvoir être mises à la charge du tiers acquéreur du bien illégalement construit qui n'a pas été mis en cause, à l'encontre duquel elles ne peuvent faire l'objet de garanties contractuelles ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire valable la clause de garantie contractuelle relative à l'exécution de la mesure de restitution ordonnée par l'arrêt du 4 octobre 2005, que les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, qui ne constituaient pas des sanctions pénales, pouvaient faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur d'un bien illégalement construit, a violé l'article L 480-5 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause. SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Scamille fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle avait manqué à son engagement contractuel de procéder au démontage de la structure illicitement construite et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à M. Q..., en réparation du préjudice subi, la somme de 40.257,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2012, date de l'assignation valant mise en demeure ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 1142 : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur » ; qu'aux termes de l'article 1147 : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » ; qu'aux termes de l'article 1149 : « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé... » ; que la société Scamille a manqué à son obligation contractuelle de « relever et garantir le vendeur de l'exécution de toutes mesures prononcées à son encontre par la cour d'appel relative à une éventuelle dépose de la structure en aluminium pour rendre les locaux conformes à la réglementation » ; que l'acte de vente du fonds de commerce spécifie à cet égard : « Il est précisé en tant que de besoin, que l'acquéreur n'aura à sa charge que ce démontage à l'exclusion de tous autres travaux rendus éventuellement nécessaires par une mise en conformité, ces autres travaux restant à la charge exclusive du vendeur, lequel s'engage à les effectuer aux termes du présent acte » ; qu'il s'infère de ces mentions claires et précises que seul le démontage de la structure en aluminium incombe à la société Scamille, les autres travaux incombant à M. Q... ; que c'est en ce sens que par courrier officiel du 14 mars 2016, le conseil de la société Scamille a écrit au conseil de M. Q... en ces termes : « M. Q... est donc autorisé à procéder à la démolition des seuls ouvrages litigieux, mais aussi dans le même temps, à procéder à la remise en état des lieux tels qu'ils sont énoncés par l'ensemble des décisions judiciaires et l'acte de vente, savoir : Avant la démolition, il convient de procéder à la mise en place de baies coulissantes à l'emplacement d'origine pour assurer une entrée et une sorte sécurisée comme à l'origine, ainsi que la pose des bâches de protection » ; que selon facture de la société Spelem du 31 mai 2016, le démontage, la modification et la remise en état de la structure terrasse (période du 26 au 29 avril 2016) est chiffrée à la somme de 3.960 euros HT soit 4.752 euros TTC qui incombe à la société Scamille ; que les autres travaux consistant dans la remise en place de baies coulissantes à l'emplacement d'origine et la pose des bâches de protection incombent au vendeur M. Q... ; que la société Scamille sera en conséquence condamnée à payer à M. Q... la seule somme de 4.752 euros TTC au titre des travaux de démontage de la structure ; que concernant l'astreinte, l'acte de vente spécifie : « L'acquéreur devra exécuter aux lieux et place du vendeur, les travaux qui sont prescrits par la cour d'appel dans les délais imposés par celle-ci. L'acquéreur relèvera et garantira monsieur E... B. du paiement de l'astreinte totale que celui-ci serait amené à supporter en cas de retard pris dans l'exécution des travaux » ; qu'il est constant que l'astreinte, mesure à caractère personnel, n'ouvre pas droit à un recours en garantie ; qu'en l'espèce, l'obligation faite à M. Q... de démonter la structure illicite dans les termes de l'arrêt du 4 octobre 2005, a été contractuellement transférée à la société Scamille ; que la société Scamille, en acquérant le fonds de commerce, est devenue bénéficiaire des travaux réalisés sans permis de construire dont elle avait une parfaite connaissance et a consenti contractuellement au risque de devoir démolir la structure illicite dans un certain délai ; qu'en omettant de procéder au démontage de la structure illicitement édifiée conformément à l'arrêt du 4 octobre 2005, la société Scamille a commis une faute contractuelle dont elle doit réparation et M. Q... est fondé en sa demande de paiement à titre de dommages et intérêts d'une somme équivalente à l'astreinte qu'il a dû régler à l'Etat qui constitue pour lui une perte, soit la somme de 28 505,83 euros ; qu'enfin, M. Q... est fondé à demander réparation du préjudice résultant des nombreuses démarches et procédures qu'il a dû engager devant diverses juridictions pour obtenir l'exécution de l'arrêt du 4 octobre 2005, en l'état du refus de la société Scamille d'exécuter les dispositions contractuelles librement consenties et de permettre à M. Q... de suppléer à sa carence, qu'il convient d'évaluer à la somme de 7.000 euros ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par M. Q... à hauteur de la somme de 40.257,83 euros, (4.752 + 28.505,83 + 7.000) ce avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2012, date de l'assignation valant mise en demeure ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la société Scamille avait manqué à son engagement contractuel de procéder au démontage de la structure illicitement construite et l'a, en conséquence, condamnée à payer à M. Q..., en réparation du préjudice subi, la somme de 40.257,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2012, date de l'assignation valant mise en demeure, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile. Moyen produit AU POURVOI n° N 17-14.408 par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Scamille.
La société Scamille fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la saisine de la cour dans la présente instance porte uniquement sur le jugement du 7 novembre 2013 ayant statué sur l'omission de statuer sur l'article 700 du code de procédure civile par jugement du 25 juillet 2013, et non sur le jugement du 25 juillet 2013 qui a fait l'objet d'un appel distinct sur lequel il est statué par arrêt distinct ; qu'une éventuelle jonction des instances n'aurait pas pour effet de créer une procédure unique, et de permettre l'admission des conclusions de la société Scamille dans l'instance principale dans laquelle elle n'est pas constituée ; que par ailleurs, les conclusions au fond des parties dans la présente instance sont inopérantes ; qu'au regard de l'arrêt rendu ce jour sur appel du jugement du 25 juillet 2013 qui infirme en toutes ses dispositions ledit jugement, le jugement déféré du 7 novembre 2013 sera infirmé et la société Scamille sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE la cassation de l'arrêt rendu le 20 octobre 2016 dans l'instance principale, à intervenir sur le pourvoi distinct formé contre ce dernier arrêt, emportera l'annulation par voie de conséquence du présent arrêt, lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, conformément à l'article 625 du code de procédure civile. | Est valable la clause aux termes de laquelle l'acquéreur s'engage à garantir le vendeur de l'exécution d'une mesure de démolition et de mise en conformité ordonnée en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme pour faire cesser une situation illicite et qui ne constitue pas une sanction pénale.
Cette garantie contractuelle peut s'étendre au paiement de l'astreinte qui assortit la remise en état des lieux |
360 | CIV. 3
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 579 FS-P+B+I
Pourvoi n° M 19-13.242
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Sedad, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-13.242 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société SGI Kosmo, société civile immobilière, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Acep Invest 2 CDG Neuilly, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sedad, de Me Le Prado, avocat de la société SGI Kosmo, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2018), par lettre du 28 juillet 2014, la société Alterea Cogedim Assets Management Entreprise, gérant de la société Acep Invest 2 CDG Neuilly, bailleresse, aux droits de laquelle se trouve la société Kosmo, a adressé à la société Sedad, titulaire d'un bail dérogatoire, une mise en demeure de libérer les lieux loués.
2. Après avoir sommé la société Sedad de quitter les lieux, la société Acep Invest 2 CDG Neuilly l'a assignée en référé en expulsion et en paiement de loyers.
3. La société Sedad a assigné au fond la société Acep Invest 2 CDG Neuilly en substitution d'un bail commercial au bail dérogatoire et en irrégularité de l'expulsion intervenue le 15 juin 2015.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Sedad fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article R. 123-237 du code de commerce, toute personne immatriculée est tenue, à peine de contravention de la 4e classe, d'indiquer certaines mentions sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom ; que de même, en application de l'article R. 123-238 du même code, les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers, notamment les lettres, factures, annonces et publications diverses, indiquent la dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement de la forme sociale et du capital social ; qu'en affirmant que ces exigences ne s'appliquaient pas à une lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce ;
2°/ qu'on ne peut déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que toute violation à des dispositions d'ordre public est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte passé en contravention à ces dispositions, sans que cette sanction ait à être spécialement prévue par les textes ; qu'il en va notamment ainsi lorsque l'acte litigieux a concouru à la commission d'une infraction pénale ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de sanctionner de nullité le congé ne comportant pas les mentions exigées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce au motif que la seule sanction expressément prévue par ces textes d'ordre public était une sanction pénale, les juges ont violé l'article 6 du code civil et les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
6. Le non-respect des formalités édictées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce, bien que constitutif d'une infraction pénale, n'emportant pas nécessairement la nullité de l'acte, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, a retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que l'absence de mentions prescrites sur la lettre de mise en demeure du 28 juillet 2014 n'en affectait pas la validité dès lors que la société locataire avait identifié que la lettre lui avait été adressée par la société bailleresse ou son gérant.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sedad aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sedad et la condamne à payer à la société Kosmo la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Sedad
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société SEDAD tendant à voir juger nul le congé délivré par mise en demeure du 28 juillet 2014 et, en conséquence, à voir dire que le bail dérogatoire a été poursuivi par un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 21 septembre 2014, à voir prononcer la nullité du congé délivré tardivement le 9 octobre 2014, à voir juger irrégulière l'expulsion intervenue le 15 juin 2015, et à voir condamner la société SGI KOSMO à dommages-intérêts ou ordonner une expertise judiciaire à l'effet d'évaluer les préjudices de la société SEDAD ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Concernant le non-respect des articles R 123-237, R 123-238 du code de commerce affectant la lettre de mise en demeure du 28 juillet 2014
L'article R 123-237 du code de commerce prévoit que toute personne immatriculée indique sur ses factures, notes, commandes, tarifs..., le numéro d'identification de l'entreprise, la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée, le lieu de son siège social...
Toute contravention aux dispositions des alinéas précédents est punie de l'amende prévue aux contraventions de 4e classe.
L'article R 123-38 du code de commerce énonce que les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers, notamment les lettres, factures, annonces et publications diverses indiquent notamment la dénomination sociale précédée ou suivie de SNC ou SA...
La société Sedad fait valoir que la lettre de mise en demeure du 28 juillet 2014 qui n'est pas à l'en-tête de la société Asp Investit 2 CD Neuilly ne comporte aucune des mentions exigées par les articles précités qui sont des dispositions d'ordre public auxquelles il ne peut être dérogé. Elle conclut à la nullité manifeste du congé qui a été délivré.
Cependant, les textes précités qui ne s'appliquent pas à des mises en demeure ne prévoient pas en tout état de cause que le non-respect de ces formalités est sanctionné par une nullité mais par une sanction pénale s'agissant d'une amende prévue pour les contraventions de 4eme classe.
Pour le même motif et alors que la société Sedad a parfaitement identifié que la lettre de mise en demeure lui était adressée par la société bailleresse ou son gérant, elle ne peut invoquer l'article 6 du code civil qui dispose qu'« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs » pour soutenir que la nullité était encourue malgré le fait que seule la sanction pénale était prévue par les textes précités » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « S'il est exact que le formalisme imposé par les articles R. l23-237 et R. 123-238 n'a pas été respecté dans la rédaction du courrier de mise en demeure, il n'en demeure pas moins que la violation de l'une de ces mentions n'est pas prévue à peine de nullité, seule une amende contraventionnelle étant expressément édictée. Or, il n'existe pas de nullité sans texte, de sorte que cette irrégularité n'affecte pas la validité de cet acte juridique dans les rapports entre les parties. » ;
1° ALORS QU' aux termes de l'article R. 123-237 du code de commerce, toute personne immatriculée est tenue, à peine de contravention de la 4e classe, d'indiquer certaines mentions sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom ; que de même, en application de l'article R. 123-238 du même code, les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers, notamment les lettres, factures, annonces et publications diverses, indiquent la dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement de la forme sociale et du capital social ; qu'en affirmant que ces exigences ne s'appliquaient pas à une lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce ;
2° ALORS QU' on ne peut déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que toute violation à des dispositions d'ordre public est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte passé en contravention à ces dispositions, sans que cette sanction ait à être spécialement prévue par les textes ; qu'il en va notamment ainsi lorsque l'acte litigieux a concouru à la commission d'une infraction pénale ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de sanctionner de nullité le congé ne comportant pas les mentions exigées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce au motif que la seule sanction expressément prévue par ces textes d'ordre public était une sanction pénale, les juges ont violé l'article 6 du code civil et les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société SEDAD tendant à voir condamner la société SGI KOSMO une somme de 214.539,20 euros en principal correspondant au montant des loyers indûment payés compte tenu du déficit de superficie des locaux donnés à bail ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et sur le montant des loyers indûment facturés et payés par la société Sedad
La société Sedad fait reproche à la société bailleresse de ne pas lui avoir délivré la chose louée d'un superficie égale à celle indiquée dans le bail. Elle indique qu'il ressort du rapport établi par un cabinet de géomètre expert que la surface du 3ème étage comme étant de 845 m2 dans le bail est de 648 m2 soit inférieure à la surface déclarée et que pour le quatrième étage, la surface privative déclarée était de 466 m2 alors-que la surface réelle est de 319,25 m2
Elle conclut à l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes en paiement au titre de surfacturations de loyers qu'elle chiffre au total à la somme de 214539,20 €.
La société bailleresse fait valoir que la clause du bail selon laquelle le preneur renonce à toute contestation sur les surfaces mentionnées l'exonère de son obligation de délivrance et que d'autre part le loyer n'est pas fixé en fonction de la surface des lieux loués.
Le bailleur est tenu à une obligation de délivrance en application de l'article 1719 du code civil mais en l'espèce, la clause qui figure au bail en son article 1 et qui mentionne que "le preneur déclare avoir une parfaite connaissance des lieux loués pour les avoir vus et visités en vue des présentes. Le preneur renonce en conséquence à toute contestation sur l'état des locaux ainsi que sur les surfaces mentionnées ci-dessus" a un contenu précis en stipulant expressément que le preneur renonce à tout recours concernant les surfaces mentionnées au bail. La clause s'oppose dès lors à ce que le preneur recherche le bailleur sur le terrain de son obligation de délivrance concernant les surfaces des lieux loués lequel est mal fondé en sa demande. » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « Sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et sur la demande d'expertise
La société SEDAD invoque le fait que le contrat de bail stipulait une surface de 845 m2 pour les locaux du 3ème étage, et de 466 m2 pour les locaux du 4ème étage, alors qu'ils ne seraient respectivement que de 648 m2 et de 319,25 m2, ainsi qu'il résulte d'un rapport d'un géomètre-expert qu'elle a mandaté. La clause de renonciation à contestation de surface figurant dans le bail devrait être réputée non-écrite dès lors qu'elle contrevient à l'obligation de délivrance du bailleur.
La société ACEP INVEST 2 CDG NEUILLY, pour s'opposer à cette prétention, se prévaut de cette clause de renonciation à recours.
L'article 1719 du Code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1 ° De délivrer au preneur la chose louée (...) ».
L'article 1 du contrat de bail, après avoir mentionné la superficie des locaux loués, stipule que « le preneur déclare avoir une parfaite connaissance des locaux pour les avoir vus et visités en vue des présentes. Le preneur renonce, en conséquence, à toute contestation sur l'état des locaux ainsi que sur les surfaces mentionnées ci-dessus ». Aucun motif ne permet d'écarter l'application de cette clause dès lors que la société SEDAD avait eu la possibilité de visiter préalablement les locaux loués et a accepté la renonciation en toute connaissance de cause.
La société SEDAD sera donc également déboutée de ce chef de demande ainsi que de sa demande d'expertise, sans objet dans la mesure où tous les moyens tendant à se voir reconnaître un droit à indemnisation ont été rejetés. » ;
1° ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux moyens qui les saisissent ; qu'en l'espèce, la société SEDAD faisait valoir que la clause par laquelle elle avait déclaré renoncer à toute contestation relative à la surface des locaux donnés à bail devait être réputée non écrite en tant qu'elle portait atteinte à l'obligation essentielle du bailleur de délivrer des locaux conformes aux stipulations des parties ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE, subsidiairement, doivent être réputées non écrites les clauses qui portent atteinte à une obligation essentielle du contrat ; qu'à ce titre, le bailleur ne peut se décharger de son obligation de délivrance ; qu'en l'espèce, la société SEDAD faisait valoir que la clause par laquelle elle avait déclaré renoncer à toute contestation relative à la surface des locaux donnés à bail devait être réputée non écrite en tant qu'elle portait atteinte à l'obligation essentielle du bailleur de délivrer des locaux conformes aux stipulations des parties ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute obligation du bailleur d'indemniser son locataire à raison d'un déficit de surface, que le contrat de bail contenait une stipulation par laquelle le locataire déclarait renoncer à toute contestation sur l'état et la surface des locaux, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette clause ne devait pas être réputée non écrite comme étant contraire à l'obligation essentielle du bailleur de délivrer une chose conforme à celle décrite au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 ancien et 1719 du code civil.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SEDAD au paiement d'une somme de 352.052,02 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation arrêtés au 15 juin 2012, outre intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la condamnation au paiement de loyers en faveur de la société Acep lnvest 2 CDG Neuilly
La société Sedad conclut à l'infirmation du jugement entrepris qui l'a condamnée à verser des loyers pour la somme de 352.052,91 euros outre les intérêts capitalisés au titre des loyers et indemnités, les sommes n'étant plus dues à la date du jugement car déjà payées à la suite de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes bancaires.
Mais c'est avec justesse que les premiers juges l'ont condamnée à verser le montant de ces sommes pour permettre à la société bailleresse d'obtenir des condamnations exécutoires définitives à l'égard de la société Sedad, le seul fait de s'en être libérée pour celle-ci dans le cadre d'une saisie-attribution suite à l'ordonnance de référé confirmée par la cour d'appel n'empêchant pas sa condamnation au fond au paiement des sommes dues, les comptes à faire entre les parties relevant de l'exécution des décisions. » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « Sur les demandes reconventionnelles de la société ACEP INVEST 2 CDG NEUILLY
La dette au titre des loyers puis des indemnités d'occupation (à compter du 21 septembre 2014) s'élève à la somme de 352.052,02 € arrêtée au 15 juin 2015, ainsi qu'il résulte du décompte versé aux débats.
La société SEDAD avait d'ailleurs été condamnée au paiement de cette somme à titre provisionnel dans le cadre de l'instance en référé.
La société SEDAD sera donc condamnée au paiement de cette somme. En l'absence de production de l'accusé réception du courrier de mise en demeure du 17 juillet 2014, cette somme produira intérêt au taux légal à compter du 15 janvier 2015, date du commandement de payer, sur la somme de 337.255,91 €, et à compter du 10 octobre 2016, date de la signification des conclusions n° 4 de la société ACEP INVEST 2 CDG NEUILLY, sur le surplus. » ;
ALORS QU' il appartient aux juges du fond saisis d'une demande en paiement de vérifier que les sommes réclamées n'ont pas déjà été acquittées, et de liquider eux-mêmes la créance en procédant le cas échéant aux opérations de compte entre les parties ; qu'il importe peu à cet égard que le paiement soit intervenu en exécution d'une ordonnance de référé ; qu'en l'espèce, la société SEDAD faisait valoir que les sommes réclamées par le bailleur au titre d'un arriéré de loyers avait déjà été intégralement acquittées à la suite des saisies pratiquées par ce dernier sur ses comptes bancaires (conclusions, p. 19) ; qu'en refusant de tenir compte de ce règlement pour cette raison que celui-ci était intervenu en exécution d'une ordonnance de référé, que le bailleur pouvait avoir un intérêt à obtenir le prononcé d'une condamnation définitive et que les difficultés s'attachant à une double condamnation relèverait de la seule compétence du juge de l'exécution, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 1134 ancien et 1728 du code civil. | Le non-respect des formalités édictées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce, bien que constitutif d'une infraction pénale, n'est pas sanctionné par la nullité de l'acte.
Une cour d'appel retient à bon droit que l'absence des mentions prescrites par ces textes sur une lettre de mise en demeure n'en a pas affecté la validité dès lors que son destinataire avait identifié son auteur, qui était son bailleur |
361 | CIV. 3
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 580 FS-P+B+I
Pourvoi n° T 19-14.168
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 septembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Oursel, société civile immobilière, dont le siège est 22 rue Honoré Oursel, 94290 Villeneuve-le-Roi, a formé le pourvoi n° T 19-14.168 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. I... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Oursel, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. X..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2018), à la suite de la résiliation d'un bail commercial stipulant que le preneur remboursera au bailleur un certain nombre de dépenses annuelles, la société Oursel, bailleresse, a assigné M. X..., en sa qualité de garant solidaire du cessionnaire pour l'exécution de toutes les conditions du bail, en condamnation à lui payer diverses sommes au titre d'un arriéré locatif.
2. M. X..., qui a soutenu que la créance en remboursement de dépenses au titre de charges et impôts n'était pas établie, a demandé la restitution des provisions appelées à ce titre.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Oursel fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en remboursement des provisions versées, alors :
«1°/ qu'il incombe à celui qui réclame la restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ; qu'en condamnant la société bailleresse à restituer au garant du locataire les sommes correspondant à des provisions sur charges et à la taxe foncière faute pour elle d'en justifier, quand il incombait au contraire au demandeur à la restitution de prouver que les charges et taxes s'ajoutant au loyer n'étaient pas dues, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil ;
2°/ que commet un déni de justice le juge qui, au motif de l'insuffisance des éléments produits par les parties, refuse d'évaluer une créance dont il constate l'existence en son principe ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail du 23 mars 2013 mettait exclusivement à la charge du preneur les charges et la taxe foncière afférentes au bien immobilier loué ; qu'en jugeant néanmoins que faute de fournir les justificatifs y afférents, la société bailleresse ne pouvait obtenir paiement au titre de l'appel des charges et de la taxe foncière mentionnées aux avis d'échéance, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes, d'établir sa créance en démontrant l'existence et le montant de ces charges.
5. La cour d'appel a relevé que la SCI Oursel, bailleresse, avait appelé des provisions pour charges et pour taxes foncières.
6. Elle a, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office, exactement retenu que la bailleresse devait pour conserver, en les affectant à sa créance de remboursement, les sommes versées au titre des provisions, justifier le montant des dépenses et que, faute d'y satisfaire, elle devait restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Oursel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Oursel ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Oursel
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI Oursel à payer à M. X... la somme de 23 908 euros au titre des provisions pour charges et taxes foncières non justifiées,
AUX MOTIFS QUE
« La cour relève que l'article IV-Charges et conditions du bail stipule que le preneur devra rembourser au propriétaire en même temps que chaque terme de loyer, sa part des charges locatives, notamment sa quote-part des dépenses d'eau, de chauffage, d'électricité, les taxes d'enlèvement des ordures ménagères, de l'entretien des communs intérieurs et extérieurs, hall, couloir, ascenseur, allées, pelouses, etc
, de manière à ce que le propriétaire n'ait à supporter personnellement aucune charge. Le bail met également la taxe foncière à la charge du locataire.
Les sommes appelées par la SCI Oursel dans les trois avis d'échéance versés aux débats adressés à M. X.../M... correspondent au loyer ainsi qu'à des provisions pour charges et à des provisions au titre de la taxe foncière.
Le bail ne prévoit pas expressément qu'une régularisation annuelle des charges doit intervenir. Toutefois, le bail ne prévoit pas le paiement d'un montant forfaitaire puisque le locataire doit régler la quote-part de diverses dépenses et taxes.
Il s'ensuit que la SCI Oursel doit pouvoir justifier du montant des charges appelées.
Elle produit à cette fin un tableau portant régularisation des charges mentionnant le montant de la quote-part réglée sur le montant total de chaque charge ventilée (EDF, commun, espaces verts, entretien, eau....)
Toutefois, alors que M. X... soulève le caractère non probant de cette régularisation faute de justificatifs y afférents, la cour constate qu'il n'est versé à l'appui de ce tableau aucun élément permettant de connaître les tantièmes affectés au local donné à bail à M. X... permettant de vérifier le montant de la quote-part, ni les justificatifs desdites charges qui donnent nécessairement lieu à un relevé général des dépenses afférentes à l'immeuble ou à facturation.
Par conséquent le tableau produit n'est pas suffisant en soi pour justifier du montant des charges réclamées à M. X.... En outre, il n'est produit aucun justificatif de la taxe foncière qui est un poste qui n'est pas mentionné dans le tableau de régularisation des charges alors que des provisions pour taxe foncière ont été appelées dans les avis d'échéance produits.
Par conséquent, faute pour la SCI Oursel de produire les justificatifs des charges et de la taxe foncière, M. X... a réglé les provisions de manière indue.
Il n'est pas prétendu par la bailleresse qu'après avoir été réglée de la somme de 23 904,40 euros en juin 2014, M. X... n'était pas à jour des loyers, charges et taxes.
La bailleresse admet avoir appelé les provisions pour charges à hauteur de 21 658 euros tel que figurant dans son tableau et les provisions pour taxes foncières s'élèvent à un total de 2 250 euros selon les trois avis d'échéances produits, les parties n'ayant pas versé aux débats l'avis d'échéance du 15 avril 2013 date d'effet du contrat de bail au 30 juin 2013.
Par conséquent, la SCI Oursel devra rembourser à M. X... la somme de 23 908 euros au titre des provisions pour charges et taxes foncières non justifiées.
Le jugement entrepris, qui a débouté M. X... de sa demande formée au titre des provisions pour charges non justifiées, sera donc infirmé » ;
1) ALORS QU'il incombe à celui qui réclame la restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ; qu'en condamnant la société bailleresse à restituer au garant du locataire les sommes correspondant à des provisions sur charges et à la taxe foncière faute pour elle d'en justifier, quand il incombait au contraire au demandeur à la restitution de prouver que les charges et taxes s'ajoutant au loyer n'étaient pas dues, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil ;
2) ALORS QUE commet un déni de justice le juge qui, au motif de l'insuffisance des éléments produits par les parties, refuse d'évaluer une créance dont il constate l'existence en son principe ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail du 23 mars 2013 mettait exclusivement à la charge du preneur les charges et la taxe foncière afférentes au bien immobilier loué ; qu'en jugeant néanmoins que faute de fournir les justificatifs y afférents, la société bailleresse ne pouvait obtenir paiement au titre de l'appel des charges et de la taxe foncière mentionnées aux avis d'échéance, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. | C'est sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office qu'une cour d'appel retient qu'un bailleur doit, pour conserver les provisions sur charges qu'il a reçues du preneur, justifier du montant des dépenses et que, faute d'y satisfaire, il doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions |
362 | CIV. 3
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 600 F-P+B+I
Pourvoi n° F 19-18.435
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
Mme Q... H..., divorcée S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° F 19-18.435 contre l'arrêt rendu le 25 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme J... F..., épouse A..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. T... A..., domicilié chez M. V..., [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme H..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019), par deux actes intitulés « bail saisonnier » des 26 janvier 2012 et 28 janvier 2013, Mme H... a donné à bail à Mme A... un même local respectivement pour des durées d'une année et de onze mois, pour se terminer les 25 janvier 2013 et 26 décembre 2013.
2. Le 20 décembre 2013, les parties ont conclu un bail dit « précaire » portant sur le même local pour une durée de vingt-trois mois à compter du 27 décembre 2013.
3. Par deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 27 et 30 octobre 2015, avant l'expiration du bail dérogatoire, Mme H... a rappelé à Mme A... que le bail arrivait à terme et qu'elle devait impérativement libérer les locaux.
4. Le 16 décembre 2015, Mme A... a assigné Mme H... afin notamment de voir juger que le statut des baux commerciaux était applicable aux baux conclus depuis le 26 janvier 2012 et qu'elle était titulaire d'un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 novembre 2015.
5. M. A..., conjoint collaborateur de Mme A..., est intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Mme H... fait grief à l'arrêt de recevoir l'intervention volontaire de M. A... et dire que celui-ci est cotitulaire avec Mme A... d'un bail commercial, alors :
« 1°/ que la copropriété entre époux, mariés sous le régime de la communauté légale, d'un fonds de commerce, n'entraîne pas la cotitularité du bail commercial dès lors que ce bail n'a été consenti qu'à un seul des époux ; qu'un époux commun en biens n'est donc pas recevable à intervenir volontairement à l'instance en vue d'élever une prétention, ou d'appuyer une prétention formulée par son conjoint, tendant à la revendication du statut des baux commerciaux en vertu d'un bail auquel il n'est pas partie ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire de M. A... au motif inopérant que le fonds de commerce était commun aux deux époux à défaut de preuve de l'antériorité de sa création par rapport au mariage, la cour d'appel a violé les articles 329 et 330 du code de procédure civile et 1401 du code civil ;
2°/ que le conjoint collaborateur du preneur n'est pas cotitulaire du bail commercial consenti à ce dernier ; qu'il n'est donc pas recevable à intervenir volontairement à l'instance en vue d'élever une prétention, ou d'appuyer une prétention formulée par son conjoint, tendant à la revendication du statut des baux commerciaux en vertu d'un bail auquel il n'est pas partie ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire de M. A..., au motif inopérant qu'il avait la qualité de conjoint collaborateur de son épouse régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a violé les articles 329 et 330 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-6, alinéa 1er, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 329 du code de procédure civile, 1401 du code civil et L. 121-6, alinéa 1er, du code de commerce :
7. Selon le premier de ces textes, l'intervention principale n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à la prétention qu'il élève.
8. Aux termes du deuxième, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. Il en résulte que le fait qu'un fonds de commerce constitue un acquêt de communauté est sans incidence sur la titularité du bail commercial qui n'a été consenti qu'à un seul des époux.
9. Selon le troisième, le conjoint collaborateur, lorsqu'il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, est réputé avoir reçu du chef d'entreprise le mandat d'accomplir au nom de ce dernier les actes d'administration concernant les besoins de l'entreprise.
10. Pour déclarer recevable l'intervention volontaire de M. A..., l'arrêt relève que M. et Mme A... se sont mariés le [...] sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et retient que le fonds de commerce est commun aux deux époux, à défaut de prouver que sa création est antérieure à la célébration du mariage, de sorte que M. A..., conjoint collaborateur de son épouse, a qualité pour agir.
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme A... était seule titulaire du bail des locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce, peu important le statut de conjoint collaborateur de M. A..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Mme H... fait grief à l'arrêt de dire que M. et Mme A... sont titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013, alors « que les actions qui tendent à l'application du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans ; qu'est soumise à la prescription biennale, l'action en requalification d'un bail saisonnier en bail dérogatoire au sens de l'article L. 145-5 du code de commerce ; qu'en décidant néanmoins que les baux conclus le 26 janvier 2012 et le 28 janvier 2013 n'étaient pas des baux saisonniers, ainsi qu'ils avaient été qualifiés par les parties, mais des baux dérogatoires, pour en déduire que M. et Mme A... étaient fondés à se prévaloir de ces baux dérogatoires, afin d'établir s'être maintenus dans les lieux pendant plus de deux années et prétendre ainsi être titulaires d'un bail commercial soumis au statut en application de l'article L. 145-5 du code de commerce, bien qu'il ait été constant que Mme A... avait engagé son action le 16 décembre 2015 de sorte que l'exception de prescription biennale faisait obstacle à de telles requalifications, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce, et l'article L. 145-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juin 2014. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 145-5 et L. 145-60 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18 juin 2014 :
13. Il résulte de ces textes que l'action en requalification d'un bail saisonnier en bail commercial est soumise à la prescription biennale.
14. Pour accueillir la demande de Mme A..., l'arrêt retient que les baux conclus le 26 janvier 2012 et le 28 janvier 2013 n'étaient pas des baux saisonniers, mais des baux dérogatoires, de sorte que les preneurs, qui s'étaient maintenus plus de deux ans dans les lieux, étaient titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013.
15. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'action en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux était prescrite pour avoir été engagée le 16 décembre 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Et sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
16. Mme H... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner Mme A... à lui restituer sa licence IV et de sa demande d'expertise aux fins d'évaluer la redevance d'une telle licence, alors « qu'il résulte tant de la déclaration de mutation de la licence IV du 26 janvier 2012, que du récépissé de cette déclaration, qu'ils ont été remplis et signés par Mme A... seule, sans l'intervention de Mme H... à cette déclaration ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait du récépissé de cette déclaration que Mme H... avait déclaré muter sa licence IV au profit de Mme A..., la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
17. Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
18. Pour rejeter les demandes de Mme H..., l'arrêt retient qu'il ressort d'un récépissé de déclaration du 26 janvier 2012 que Mme H..., propriétaire d'une licence IV, déclare muter cette licence au profit de Mme A....
19. En statuant ainsi, alors que ce document a été rédigé et signé par Mme A... sans l'intervention de Mme H..., la cour d'appel, qui l'a dénaturé, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il reçoit l'intervention volontaire de M. A..., dit que M. et Mme A... sont titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013, que les clauses de l'ancien bail, à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public du statut, sont maintenues, enjoint Mme H... d'établir un nouveau bail, sans astreinte, dit n'y avoir lieu à expertise aux fins d'évaluer la valeur locative, rejeté la demande de Mme H... de restitution de la licence IV et d'expertise, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. et Mme A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme A... à payer la somme de 3 000 euros à Mme H... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme H... divorcée S...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir reçu l'intervention volontaire de Monsieur T... A... à l'action engagée par Madame J... A... à l'encontre de Madame Q... H... par assignation du 16 décembre 2015, puis d'avoir décidé que Monsieur A... est cotitulaire, avec Madame A..., d'un bail commercial ayant pour objet les locaux appartenant Madame H... ;
AUX MOTIFS QUE les époux A... se sont mariés le [...] sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ; qu'un fonds de commerce est commun aux deux époux à défaut de preuve de l'antériorité de sa création par rapport au mariage ; que dès lors, Monsieur A..., conjoint collaborateur de sa femme régulièrement immatriculée, a qualité à agir et c'est par de motifs pertinents que le premier juge a déclaré recevable son intervention volontaire ;
1°) ALORS QUE la copropriété entre époux, mariés sous le régime de la communauté légale, d'un fonds de commerce, n'entraîne pas la cotitularité du bail commercial dès lors que ce bail n'a été consenti qu'à un seul des époux ; qu'un époux commun en biens n'est donc pas recevable à intervenir volontairement à l'instance en vue d'élever une prétention, ou d'appuyer une prétention formulée par son conjoint, tendant à la revendication du statut des baux commerciaux en vertu d'un bail auquel il n'est pas partie ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire de Monsieur A..., au motif inopérant que le fonds de commerce était commun aux deux époux à défaut de preuve de l'antériorité de sa création par rapport au mariage, la Cour d'appel a violé les articles 329 et 330 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1401 du Code civil ;
2°) ALORS QUE le conjoint collaborateur du preneur n'est pas cotitulaire du bail commercial consenti à ce dernier ; qu'il n'est donc pas recevable à intervenir volontairement à l'instance en vue d'élever une prétention, ou d'appuyer une prétention formulée par son conjoint, tendant à la revendication du statut des baux commerciaux en vertu d'un bail auquel il n'est pas partie ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire de Monsieur A..., au motif inopérant qu'il avait la qualité de conjoint collaborateur de son épouse régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, la Cour d'appel a violé les articles 329 et 330 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-6, alinéa 1er, du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Monsieur T... A... et Madame J... A... étaient titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, signé le 20 décembre 2013, à effet au 27 décembre 2013, pour une durée de neuf ans ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, notamment en raison de la prescription ; qu'en vertu de l'article 123 du même code, la fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause ; qu'elle peut donc être soulevée la première fois en cause d'appel ; que les modifications apportées à l'article L. 145-5 du code du commerce par la loi du 18 juin 2014 sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier septembre 2014 ; qu'aucun contrat n'a été conclu ou renouvelé entre les parties à compter de cette date ; que dès lors, c'est l'ancienne version de l'article L. 145-5 qui s'applique ; que dans cette version, l'article L. 145-5 du code du commerce, énonce [que] « les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans. Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local. Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier » ; que l'article L. 145-60 du code du commerce dispose que toutes les actions résultant du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans ; que l'action en requalification d'un contrat en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de sa signature ; que l'action de Monsieur et Madame A... en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux jouissant du statut est prescrite ; qu'en revanche, l'action tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale ; qu'il convient de constater, sans qu'il s'agisse d'une requalification en baux soumis aux statuts, que les deux premiers contrats signés par Madame A... ne peuvent s'analyser en des baux saisonniers ; qu'en effet, leurs durées respectives, le fait que Madame A... ait conservé la jouissance des lieux durant la période couvrant les deux premiers baux, le fait qu'elle ait réglé sans interruption l'abonnements d'électricité, témoignent qu'ils ne s'agissaient pas de baux saisonniers mais de baux dérogatoires ; qu'en application de l'article L. 145-5 du code du commerce dans sa version applicable, les parties ne pouvaient plus signer un nouveau bail dérogatoire portant sur les mêmes locaux dont le terme se situait au-delà du délai de deux ans à compter du 26 janvier 2012 ; que le droit au bénéfice du statut naît à l'expiration du délai de deux ans ; que ce n'est qu'à partir de ce moment que le locataire peut exprimer valablement sa renonciation ; que toute renonciation antérieure à l'expiration du bail est nulle ; qu'ainsi, lors de la signature du bail dit "précaire" le 20 décembre 2013, Madame A..., qui ne bénéficiait pas encore du droit au statut, n'était pas en mesure de renoncer à ce droit ; que la mention selon laquelle "le présent contrat de bail ne confère aucun droit au bénéfice du statut des baux commerciaux" est nulle ; que dès lors, le bail du 20 décembre 2013 doit être soumis au statut ; que les clauses de ce bail, à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public du statut, sont maintenues ; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a indiqué que les époux A... étaient titulaires d'un nouveau bail de neuf ans à compter du 27 novembre 2015 alors que le bail soumis au statut dont ils disposent prend effet au 27 décembre 2013 ;
ALORS QUE les actions qui tendent à l'application du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans ; qu'est soumise à la prescription biennale, l'action en requalification d'un bail saisonnier en bail dérogatoire au sens de l'article L. 145-5 du Code de commerce ; qu'en décidant néanmoins que les baux conclus le 26 janvier 2012 et le 28 janvier 2013 n'étaient pas des baux saisonniers, ainsi qu'ils avaient été qualifiés par les parties, mais des baux dérogatoires, pour en déduire que Monsieur et Madame A... étaient fondés à se prévaloir de ces baux dérogatoires, afin d'établir s'être maintenus dans les lieux pendant plus de deux années et prétendre ainsi être titulaires d'un bail commercial soumis au statut en application de l'article L. 145-5 du Code de commerce, bien qu'il ait été constant que Madame A... avait engagé son action le 16 décembre 2015, de sorte que l'exception de prescription biennale faisait obstacle à de telles requalifications, la Cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du Code de commerce, ensemble l'article L. 145-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Q... H... de sa demande tendant à voir acquise la clause résolutoire stipulée au bail consenti à Madame J... A... le 20 décembre 2013 et d'avoir déclaré nul et de nul effet les commandements visant la clause résolutoire délivrés à cette dernière les 24 août et 15 novembre 2017 ;
AUX MOTIFS QU'aux termes du bail du 20 décembre 2013 il est visé une clause résolutoire du bail : "à défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ainsi que des frais de commandement et autres frais de poursuites ou encore d'inexécution d'une seule des conditions du présent bail (...)" ; que sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail formée par Madame H... divorcée S... pour changement de destination des lieux, le 24 août 2017, Madame H... a délivré à Madame A... un commandement visant la clause résolutoire, au motif que son preneur aurait changé la destination des lieux en exerçant, non une activité de snack, mais une activité de "grande restauration", puisqu'étaient proposés à la clientèle les plats du jour suivants : "bavette sauce échalote, légumes et frites maison ; moules frites à volonté ; paëlla ; des viandes et des tartares" ; que les deux constatations d'huissier de justice des 17 et 25 novembre 2017, qui détaillent la carte des mets proposée par le commerce de Monsieur et Madame A... ne permettent pas de dire que la destination du bail commercial liant les parties de "bar-glacier-crêperie-snack" serait violée ; que les plats proposés entrent dans le cadre d'une activité de "snack" ; que ceux-ci, tout comme ceux visés dans le commandement du 24 août 2017, n'exigent pas de technicité particulière et correspondent à des repas rapides à prix modérés ; qu'il ne peut être déduit du site internet du fonds de commerce, qui mentionne une "cuisine savoureuse" permettant aux consommateurs de goûter la spécialité "moules/frites à volonté", qu'il ne s'agirait plus d'un snack et que Monsieur et Madame A... auraient donc violé la destination du bail ; que Madame H... sera donc déboutée de sa demande tendant à voir acquise la clause résolutoire à la suite de son commandement visant la clause résolutoire délivré le 24 août 2017 et de sa demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail ; que le commandement visant la clause résolutoire délivré le 24 août 2017 sera déclaré nul et de nul effet ; que sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail du fait de réalisation de travaux en infraction avec les clauses du bail, le 15 novembre 2017, Madame H... a délivré à Madame A... un commandement visant la clause résolutoire aux motifs que son preneur avait violé l'article 5 de son bail du 20 décembre 2013 ; que cet article mentionne que le locataire "ne pourra faire dans les locaux loués, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, aucune démolition, ni percement de murs, de cloisons, ni aucun changement de distribution" ; qu'aucun état des lieux d'entrée n'est produit au débat ; que le bailleur ne démontre pas que sa locataire aurait, dans les locaux loués, sans son autorisation, procédé à des démolitions, à des percements de murs ou de cloisons ou aurait procédé à des changements de distribution ; que la seule attestation de Madame I... M..., qui indique avoir loué en 2010 à Madame H... les locaux dans le cadre d'un bail précaire et qui souligne que la salle de réception était d'un seul tenant, n'est pas une pièce suffisante pour établir que Madame A..., qui a signé le premier bail saisonnier en janvier 2012, aurait modifié les lieux loués ; que Madame H... veuve S... ne démontre pas que Madame A..., qui dit avoir réalisé une chape de béton sur le domaine public, aurait violé les obligations du bail précédemment visées ; qu'il en est de même pour des travaux liés à un "agenda d'accessibilité programmée" autorisée par la commune ; que s'agissant de la mise en place de la hotte dans la cuisine, elle a été sollicitée par l'autorité administrative et n'est donc pas fautive ; qu'en conséquence, il n'est pas démontré d'infractions aux clauses du bail et Madame H... veuve S... ne peut en conséquence solliciter l'acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance du commandement du 15 novembre 2017 ni demander la résiliation judiciaire du bail ; que le commandement délivré le 15 novembre 2017 sera déclaré nul et de nul effet ;
1°) ALORS QUE toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit produit effet un mois après un commandement demeuré infructueux ; que la violation par le preneur de la destination contractuelle des lieux autorise le bailleur à se prévaloir de la cause résolutoire ; qu'en déboutant néanmoins Madame H... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, tirée de ce que Madame A... y avait exercé une activité de grande restauration, tandis que le bail stipulait que seule l'activité commerciale de « bar – glacier – crêperie - snack » pourrait être exercée dans les locaux, après avoir relevé que parmi les plats proposés à la clientèle, figuraient une « bavette sauce échalote, légume et frites maison », ainsi que des « moules frites à volonté ; paëlla ; des viandes et des tartares », ce dont il résultait que la destination contractuelle des locaux, telle que mentionnée au bail, avait été méconnue par le preneur, ce qui justifiait l'acquisition de la clause résolutoire, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, a violé l'article L. 145-41, alinéa 1er, du Code de commerce, ensemble les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1728, 1° du Code civil ;
2°) ALORS QUE toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit produit effet un mois après un commandement demeuré infructueux ; que l'exécution par le preneur de travaux au mépris des interdictions ou des autorisations requises par le bail autorise le bailleur à se prévaloir de la clause résolutoire ; qu'en déboutant néanmoins Madame H... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, tirée de ce que Madame A... avait installé une hotte aspirante bien que le bail ait fait interdiction au preneur de se livrer à toute démolition et de tout percement de murs ou de cloisons sans le consentement du bailleur, au motif inopérant que l'installation de cette hotte avait été sollicitée par l'autorité administrative, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41, alinéa 1er, du Code de commerce.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (également subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Q... H... de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail consenti à Madame J... A... le 20 décembre 2013, pour défaut d'assurance ;
AUX MOTIFS QUE sur l'assurance des locaux, la bailleresse ne démontre pas que l'attestation produite par Madame A..., pièce notant que cette dernière est assurée pour la période du premier janvier 2017 au 31 décembre 2018, serait un faux ; qu'elle sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du bail au motif d'une absence d'assurance des locaux pour les périodes comprises ente le premier janvier 2017 et le 26 janvier 2017, et les périodes comprises entre le premier janvier 2018 et 13 septembre 2018 ;
ALORS QU'en se bornant à énoncer, pour débouter Madame H... de sa demande de résiliation judiciaire du bail tiré d'un défaut d'assurance des locaux loués en contravention avec les clauses du bail, qu'elle ne démontrait pas que l'attestation produite par Madame A..., indiquant qu'elle était assurée pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018, était un faux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la fausseté de cette pièce ressortait de ce que l'assureur de Madame A... avait indiqué, par courriel du 31 janvier 2019, qu'elle avait été assurée à compter du 27 janvier 2017 et qu'il n'avait pas pu établir d'attestation automatique à une date antérieure, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (encore plus subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Q... H... de sa demande tendant à voir désigner un expert judiciaire avec pour mission de donner un avis sur la valeur locative du bien donné à bail à Madame J... A... et d'avoir fixé le loyer à la somme de 1.652,17 euros par mois ;
AUX MOTIFS QUE le bail signé le 20 décembre 2013 à effet au 27 décembre 2013 fixe le montant du loyer à hauteur de 38.000 euros pour onze mois [lire « vingt-trois mois »], soit un loyer mensuel 1.652,17 euros et il n'y a donc pas lieu d'ordonner une expertise ; que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
ALORS QUE le loyer du nouveau bail commercial prenant effet au terme d'un bail dérogatoire doit correspondre, à défaut d'accord entre les parties, à la valeur locative ; qu'en déboutant néanmoins Madame H... de sa demande d'expertise ayant pour objet de déterminer la valeur locative des lieux, au motif inopérant que le bail du 20 décembre 2013, à effet du 27 décembre 2013, fixait le montant du loyer à hauteur de 1.652,17 euros par mois, bien qu'elle ait été tenue, à défaut d'accord entre les parties, si besoin après expertise, de fixer le loyer du nouveau bail commercial à la valeur locative des lieux, la Cour d'appel a violé l'article L. 145-5 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Q... H... de sa demande tendant à voir condamner Madame J... A... à lui restituer sa licence IV et de sa demande d'expertise aux fins d'évaluer la redevance d'une telle licence ;
AUX MOTIFS QUE Madame H... divorcée S... était propriétaire d'une licence IV comme le montre une attestation notariée du 24 août 1993 ; qu'est versé au débat un récépissé de déclaration aux termes duquel Madame H... divorcée S... déclare muter sa licence IV au profit de Madame A... ; que Madame H... indique n'en être pas l'auteur ; que le récépissé versé au débat mentionne pourtant la date de la précédente déclaration qui correspond au bail du 25 mars 2011 précédemment signé par Madame H... divorcée S... ; que par ailleurs, durant les années de relations contractuelles entre cette dernière et Madame A... qui exploite un fonds de bar-glacier-snack, n'a jamais été mis en doute que cette dernière disposait bien de la licence IV, cette licence étant attachée au fonds exploité par Monsieur et Madame A... ; que dès lors, Madame H... divorcée S... sera déboutée de cette demande ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
ALORS QU'il résulte tant de la déclaration de mutation de la licence IV du 26 janvier 2012, que du récépissé de cette déclaration, qu'ils ont été remplis et signés par Madame A... seule, sans l'intervention de Madame H... à cette déclaration ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait du récépissé de cette déclaration que Madame H... avait déclaré muter sa licence IV au profit de Madame A..., la Cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. | Seul le titulaire du bail du local dans lequel est exploité un fonds de commerce a qualité pour revendiquer l'application du statut des baux commerciaux. L'intervention de son conjoint, même si le fonds de commerce est un bien commun et même s'il a le statut de conjoint collaborateur, est irrecevable |
363 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation partielle
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 681 F-P+B
Pourvoi n° W 18-25.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
L'association Epicentre, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-25.943 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2018 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Y... A..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de l'association Epicentre, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme A..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 septembre 2018), Mme A..., engagée par l'association Epicentre à compter du 29 janvier 2002 et qui exerçait les fonctions de coordinatrice, a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 6 août 2014 d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été licenciée pour faute lourde le 12 septembre 2014.
2. La salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que seule la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire de son auteur ; que pour écarter la cause réelle et sérieuse du licenciement et a fortiori la faute grave de la salariée, la cour d'appel a retenu que si les faits qui lui sont reprochés par son employeur et qui sont établis peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'ils caractérisent l'intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement ; qu'en écartant tant la cause réelle et sérieuse que la faute grave de la salariée au motif impropre à les écarter pris de ce que l'intention de nuire de la salariée n'était pas établie, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si les faits reprochés à la salariée, dont elle a relevé qu'ils pouvaient constituer des fautes, caractérisaient une faute justifiant ou non le licenciement de la salariée pour faute grave ou à tout le moins pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail :
4.S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
5. Pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel relève, s'agissant du grief relatif au non-encaissement des chèques correspondant aux droits d'emplacements de la braderie de juin 2004, que le fait de ne pas présenter cent trente-cinq chèques à la date convenue a entraîné un retard de trésorerie préjudiciable à l'association, ainsi qu'un préjudice d'image auprès des émetteurs de ces chèques qui ont été débités près de trois mois après la date prévue et ont dû s'assurer que le solde de leur compte bancaire permettait ce règlement ; que si ces faits peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'ils caractérisent l'intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les faits ainsi reprochés à la salariée n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ou d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme A... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'association Epicentre à lui payer les sommes de 3 840,66 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 384,06 euros pour les congés payés afférents, 4 864,83 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et 16 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour l'association Epicentre
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE par lettre du 10 septembre 2014, l'association Epicentre Union des commerçants d'Epinal a notifié à Mme Y... A... son licenciement pour faute lourde au motif que la salariée s'est livrée intentionnellement à des actes de désorganisation et de dénigrement qui lui ont gravement porté préjudice à l'association ; elle expose que : - Mme A... a volontairement refusé de négocier dans le cadre de son départ dans le but d'extorquer de l'argent à l'association ; - elle a tenté de déstabiliser et de désorganiser l'association en ne présentant à l'encaissement les chèques correspondant aux droits d'emplacement de la braderie de juin 2014, cette rétention rendant impossible l'attribution des places, et en omettant de régler certaines factures ; - elle a utilisé les avantages acquis par l'association auprès d'un opérateur téléphonique pour acquérir à moindre frais un téléphone mobile ; que s'agissant du premier grief, il convient de souligner que le fait de refuser une négociation ne peut en soi constituer une faute, la position soutenue par l'employeur selon laquelle l'attitude de Mme A... aurait eu pour but d' "extorquer de l'argent à l'association" relève de l'hypothèse sans fondement ; que s'agissant du dénigrement, l'association Epicentre Union des commerçants d'Epinal apporte au dossier les attestations établies par MM. R..., J... et T... qui font état de propos dénigrant tenus par Mme A... ; cependant, ces attestations sont rédigées de façon vague quant aux propos tenus et n'apportent aucun élément sur les circonstances et les dates les concernant ; que s'agissant de l'utilisation des avantages acquis auprès d'un opérateur téléphonique par l'association pour acquérir à moindre frais un téléphone mobile, l'association Epicentre Union des commerçants d'Epinal apporte au dossier une attestation établie par M. U... R... ainsi que les factures établies par Orange pour les mois d'octobre et novembre 2011 ; que cependant, l'attestation est rédigée de façon hypothétique et ne peut être retenue ; que par ailleurs, les factures de l'opérateur téléphonique, outre qu'elles datent de plus de deux mois de la date d'engagement de la procédure de licenciement et que l'association ne pouvait pas ne pas en avoir connaissance, ne font apparaître aucun élément concernant les faits reprochés à Mme A... ; que s'agissant du non-encaissement des chèques et mandats des commerçants pour les emplacement des braderies de juin et septembre 2014, il ressort d'un procès-verbal établi le 21 août 2014 par Maître M... D..., huissier de justice à Epinal, que Mme Y... A... a remis le 11 août 2014 un ensemble de documents notamment : - 135 chèques non encaissés concernant des réservations d'emplacements pour la braderie du 29 juin 2014 pour une somme de 10 903 euros ; - 117 chèques non encaissés concernant des réservations d'emplacements pour la braderie du 14 septembre 2014 ; - un chèque de règlement non signé en date du 30 décembre 2013 au profit du cabinet comptable de l'association ; - des factures de ce cabinet non réglées ; - deux relances d'un créancier réclamant le règlement de factures du mois de mai 2014 ; qu'il ressort du bulletin d'inscription à la braderie du 29 juin 2014 que les chèques seraient encaissés le 31 mai 2014 ; que le fait de ne pas présenter ces chèques a entraîné un retard de trésorerie préjudiciable à l'association, et un préjudice d'image auprès des émetteurs de ces chèques qui ont été débités près de trois mois après la date prévue, et donc dû s'assurer que le solde de leur compte bancaire permettait ce règlement ; que cependant, si ces faits peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'ils caractérisent l'intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement ; que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de constater que le grief sur lequel l'employeur fonde le licenciement n'est pas établi ; que le licenciement de Mme Y... A... est sans cause réelle est sérieuse, et la décision sera donc infirmée sur ce point ; que, sur l'indemnisation, du fait du motif de son licenciement, Mme Y... A... n'a pas perçu l'indemnité de préavis ; que la rémunération mensuelle brute de Mme A... était de 1 920,33 euros ; que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis doit être fixé à la somme de 3 840,66 euros outre la somme de 384,06 euros au titre des congés payés afférents ; qu'il convient de faire droit à la demande, et d'infirmer la décision entreprise sur ce point ; que Mme A... n'a pas davantage bénéficié de l'indemnité de licenciement ; qu'elle avait une ancienneté de 12 ans et 8 mois ; que conformément aux dispositions des articles L. 1243-9 et R. 1234-1 du code du travail, il y a lieu de fixer le montant de cette indemnité à la somme de 4 864,83 euros ; qu'il convient de faire droit à la demande, et d'infirmer la décision entreprise sur ce point ; que Mme Y... A... avait 49 ans et plus de 12 ans d'ancienneté lors de son licenciement ; qu'elle n'apporte aucun élément sur sa situation postérieure à son départ de l'association Epicentre Union des commerçants d'Epinal ; qu'il convient de faire droit à la demande relative à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 16 000 euros.
1° ALORS QUE seule la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire de son auteur ; que pour écarter la cause réelle et sérieuse du licenciement et a fortiori la faute grave de la salariée, la cour d'appel a retenu que si les faits qui lui sont reprochés par son employeur et qui sont établis peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'ils caractérisent l'intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement ; qu'en écartant tant la cause réelle et sérieuse que la faute grave de la salariés au motif impropre à les écarter pris de ce que l'intention de nuire de la salariée n'était pas établie, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail.
2° ALORS en tout cas QUE en s'abstenant de rechercher si les faits reprochés à la salariée, dont elle a relevé qu'ils pouvaient constituer des fautes, caractérisaient une faute justifiaient ou non le licenciement de la salariée pour faute grave ou à tout le moins pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail. | En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, écarte la faute lourde, sans rechercher si les faits invoqués n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ou d'une faute de nature à conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse |
364 | SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 699 F-P+B
Pourvoi n° Q 18-26.696
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
M. M... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-26.696 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2018 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Alten Sud-Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. D..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Alten Sud-Ouest, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Joly, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 novembre 2018), engagé le 6 juin 2011 par la société Alten Sud-Ouest en qualité d'ingénieur d'études, M. D... a été licencié le 6 novembre 2015.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, ordonner sa réintégration et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande subséquente de réintégration, alors :
« 1°/ que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en considérant que M. D... avait dénoncé des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral en persistant à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné "pendant plusieurs mois" les motifs de sa sortie de mission, cependant qu'il résultait de la lecture de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur avait, de son propre aveu, reconnu la bonne foi du salarié en énonçant que "vos accusations de harcèlement/dénigrement (dont vous semblez vous-même dans certains de vos écrits, douter de leur caractère approprié à la situation) sont des accusations graves, de surcroît sans aucun fondement ni lien avec la réalité des faits qu'il convient de ne pas utiliser de manière inconsidérée", ce dont il résultait que la lettre de licenciement n'invoquait pas la mauvaise foi du salarié dans sa relation d'agissements de harcèlement moral mais simplement que ceux-ci ne seraient pas avérés et que le salarié lui-même hésitait quant à la qualification adéquate, ce qui était exclusif de toute mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-6 du même code ;
2°/ qu'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et d'une intention de nuire ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que la connaissance qu'il avait de la fausseté de ses allégations se déduisait de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs qu'il était en droit d'estimer infondés, en alléguant d'un danger potentiel et inexistant, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié, a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
3°/ qu'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que le caractère répétitif et incantatoire des remerciements qu'il adressait à l'employeur et l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue permettaient de se convaincre de sa mauvaise foi, dès lors qu'il mettait en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié et a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Selon l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.
5. La cour d'appel a constaté que le salarié avait persisté à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné « pendant plusieurs mois » les motifs de sa sortie de mission alors qu'ils avaient été portés à sa connaissance par écrit le 1er juin 2015, qu'il était à l'origine du blocage de toute communication sur ce point et qu'en dénonçant des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral, l'intéressé, déniant tout pouvoir d'appréciation de l'employeur sur son comportement et sur son travail, avait adopté une stratégie lui permettant de se soustraire aux différents entretiens qui étaient fixés par l'employeur et à la discussion contradictoire qu'il appelait pourtant de ses voeux. Elle a également retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait, d'une part de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs, d'autre part du caractère répétitif des remerciements qu'il avait adressés à l'employeur et de l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue, alors qu'il avait mis en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive en refusant d'honorer tous les rendez-vous qui lui étaient donnés au mépris de ses obligations contractuelles.
6. La cour d'appel a ainsi caractérisé la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits de harcèlement moral.
7. Le moyen, inopérant en sa première branche, en ce que l'absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n'est pas exclusive de la mauvaise foi de l'intéressé, laquelle peut être alléguée par l'employeur devant le juge, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. D....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que le licenciement de M. M... D... pour cause réelle et sérieuse est justifié, motivé par l'exécution de ses obligations professionnelles, en dehors de tout harcèlement moral et en conséquence, débouté de ses demandes tendant à faire juger que son licenciement était entaché de nullité sur le fondement des articles L. 1152-2 et L. 1153 du code du travail et à ordonner sa réintégration sous astreinte,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
Sur la nullité du licenciement
M. D... soutient qu'il a été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et que son licenciement est entaché de nullité à ce titre. Il estime que la société intimée ne démontre pas sa mauvaise foi et la connaissance qu'il avait de la fausseté des faits dénoncés,
Il fait valoir également qu'il a été licencié pour avoir refusé de subir des agissements de harcèlement moral et que son licenciement est également entaché de nullité à ce titre,
La société intimée se prévaut de la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation de faits de harcèlement moral, estimant que celui-ci, en toute connaissance de cause, avait présenté des faits mensongers dans le cadre d'une stratégie de pression et de communication dérivée du chantage afin de s'affranchir de ses obligations contractuelles. Elle conteste le harcèlement moral allégué par le salarié,
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel,
L'article L. 1152-2 dispose qu'aucun salarié ne peut, être sanctionné (...) pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés,
L'article L. 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul,
L'article L. 1154-1, issu de la loi du 8 août 2016, prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement,
Il découle de l'article L. 1152-2 précité que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. En effet, la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, étant rappelé qu'il appartient à l'employeur d'établir la mauvaise foi du salarié,
Il convient cependant dans un premier temps de déterminer si les faits de harcèlement moral sont établis,
M. D... présente à la cour les éléments de fait suivants :
- il a subi son retrait injustifié de la mission Airbus, a été placé en situation d'inter-contrat pendant plusieurs mois en l'absence de réponse à ses questions, a été laissé sans activité à son domicile, voyant son avenir professionnel compromis par une perte d'employabilité manifeste ; il produit le compte rendu de l'entretien d'évaluation du 9 septembre 2014 qui relève que l'objectif d'amélioration de la communication qui lui avait été fixé était atteint, qu'il s'était bien intégré dans l'équipe Airbus EIA, qu'il devait continuer en ce sens en 2015 ; il produit également le courrier du 20 mai 2015 adressé à l'employeur dans lequel il se considère dans une situation proche du harcèlement dans la mesure où les motifs ayant conduit à sa sortie de mission ne lui ont pas été communiqués ; il produit également le courrier du 18 juin suivant que lui a adressé l'employeur dans lequel ce dernier le renvoie aux termes de son courrier du 1er juin 2015 qui expose les motifs de sa sortie de mission, concluant ainsi : "Nous considérons donc désormais ce sujet comme clos",
- à la suite de ce retrait, il a refusé de se rendre dans les locaux de la société car il se sentait dénigré, les motifs de la décision de l'employeur étant infondés, précisant que les accusations formulées dans le courrier du 1er juin 2015 avaient persisté de sorte qu'il s'était retrouvé en situation de souffrance professionnelle ; il produit les courriers du 30 juillet et du 30 septembre 2015 lui proposant des entretiens sur le site de Labège,
- l'employeur, alerté de cette situation, pour toute réponse, lui a adressé le 8 octobre 2015 une mise en demeure de se présenter le 14 octobre à un entretien, l'accusant d'avoir méconnu ses obligations contractuelles en ne se rendant pas aux entretiens précédents, lui a ensuite reproché d'avoir relaté des agissements de harcèlement moral et a initié une procédure de licenciement ; il produit le courrier portant mise en demeure en date du 8 octobre 2015 et sa convocation à l'entretien préalable au licenciement du 19 octobre 2015,
- il a été licencié pour avoir dénoncé des pressions de sa hiérarchie constitutives de harcèlement moral,
Ces agissements pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral susceptible d'altérer la santé mentale du salarié ou de compromettre son avenir professionnel, de sorte qu'il convient d'examiner d'une part si des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement y sont opposés par l'employeur et d'autre part si ce dernier établit la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation de tels faits,
La société Alten verse aux débats le contrat de travail de M. D... qui prévoit que celui-ci exercera ses fonctions aussi bien dans les locaux de la société que dans les établissements des clients de la société et précise que le salarié pourra être appelé à changer de lieu de travail à l'initiative de la société laquelle l'en informera dans les meilleurs délais,
M. D... a ainsi accepté que la société ait la possibilité de le retirer d'une mission et de le positionner sur une nouvelle mission sous réserve qu'il en soit informé,
La société intimée produit le courriel du 30 avril 2015 adressé à M. D... par M. F..., senior business manager, lequel lui confirme la fin de sa mission au sein du projet EIA sur le site d'Airbus,
Elle produit également le courriel de M. W... E... en date du 4 mai 2015, dont les termes ne sont pas contredits par le salarié, dans lequel le responsable ingénieur rappelle à ce dernier que son retrait du projet EIA à compter du 30 avril 2015 avait été porté à sa connaissance par M. P... et lui-même, début avril 2015, et l'informe qu'il reviendra vers lui "pour faire le point sur cette sortie de mission",
En réponse au courrier recommandé de M. D... du 20 mai 2015 dans lequel celui-ci, se disant dans une situation proche du harcèlement, demandait à l'employeur de lui préciser les motifs qui avaient conduit à la fin de sa mission, la société intimée lui a adressé, 11 jours plus tard, soit le 1er juin 2015, un courrier recommandé avec avis de réception qui en dresse une liste claire et précise. L'employeur invoque une communication insuffisante ou même absente du salarié avec le client Airbus qu'il illustre avec des exemples précis laquelle a eu des répercussions négatives sur la qualité des livrables et le respect des délais de livraison,
Ainsi, l'employeur relève des difficultés de communication du salarié qui se sont traduites notamment par un défaut volontaire de réponses à certains courriels ou appels téléphoniques du client, et une absence à certaines réunions sans que le client n'en soit préalablement prévenu,
L'employeur précise également qu'au cours d'une rencontre avec M. E... le 3 avril 2015, le salarié avait refusé de se remettre en question et de modifier son comportement de sorte qu'il n'avait eu d'autre choix que de mettre fin à sa prestation de façon anticipée. Il conteste avoir fait subir au salarié une situation de harcèlement, regrette que l'amélioration dans la communication actée dans le dernier bilan annuel de septembre 2014 n'ait pas perduré et conclut son courrier ainsi :
"Nous espérons que vous aurez désormais compris, au vu du présent courrier, les éléments qui ont conduit à votre sortie anticipée de mission, ainsi que la nécessité d'apporter toutes les corrections nécessaires à votre communication.
Nous comptons sur votre investissement sans faille dans l'attente de cet objectif indispensable et sommes prêts à examiner avec vous l'aide qui pourrait vous être apportée à cette fin",
M. D..., dans la réponse adressée à l'employeur 3 jours plus tard, ne contredit pas ce dernier sur les difficultés de communication qu'il a relevées et le remercie de sa proposition d'aide à l'amélioration de cette dernière,
La société Alten produit le bilan annuel 2013 qui établit qu'elle avait déjà été obligée de mettre fin à la mission de M. D... sur "Utilities" au regard de difficultés relatives à sa communication,
La société intimée établit ainsi, qu'après des entretiens menés début avril 2015 avec le salarié au cours desquels les problèmes de communication avec le client avaient été débattus, elle a décidé du retrait de ce dernier du projet EIA alors même qu'il ne souhaitait pas changer son comportement. Contrairement à ce que soutient le salarié, les motifs ayant présidé à cette décision lui ont été donnés,
Par ailleurs, la société Alten établit avoir à plusieurs reprises convoqué le salarié en entretien tant pour évoquer ses futures missions que pour revenir, conformément à la demande de ce dernier, sur les motifs de son retrait de la mission EIA,
C'est ainsi qu'il ressort des échanges de courriels relatifs au rendez-vous fixé le 31 juillet 2015 que le salarié, estimant ne pas avoir terminé le bilan sur la mission EIA, a demandé à l'employeur de lui préciser quels étaient les livrables qui avaient subi du retard de son fait. Alors que M. J... lui indiquait qu'ils feraient le point lors de l'entretien du 31 juillet, le salarié a refusé de se rendre au rendez-vous,
De même, alors que M. J... est revenu vers M. D... le 30 septembre 2015 et l'a informé qu'il souhaitait que celui-ci rencontre les différents managers et évoque avec lui les futures missions au cours d'un entretien fixé au 2 octobre suivant, lui confirmant clairement qu'ils pourraient parler des raisons de sa sortie de mission EIA et notamment des livrables qui auraient été livrés en retard, celui-ci a refusé de se rendre au rendez-vous,
Il apparaît dès lors que l'employeur, en fixant des rendez-vous au salarié, et en accédant à ses demandes tendant à revenir sur les motifs de son retrait de la mission EIA, a essayé de renouer un dialogue constructif et de positionner M. D..., qui se trouvait en situation d'inter-contrat, sur d'autres missions,
La mise en demeure de se présenter à l'entretien du 14 octobre 2015 notifiée au salarié s'inscrit dans le légitime pouvoir de direction de l'employeur, alors que le salarié refusait tous ses rendez-vous,
En conséquence, il résulte de tous ces éléments pris dans leur ensemble, que le harcèlement moral allégué par le salarié n'est pas établi,
Dans un deuxième temps, il y a lieu d'examiner si effectivement, la lettre de licenciement fait grief au salarié de dénoncer des faits de harcèlement et si l'employeur rapporte la preuve que M. D... avait connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonçait,
Il convient de rappeler les termes de la lettre de licenciement du 5 novembre 2015 qui fixe les limites du litige :
"Depuis votre sortie de mission anticipée le 30 avril 2015, vous refusez tout rendez-vous avec vos différents interlocuteurs au sein de l'entreprise.
Pour expliquer votre refus, vous prétextez ne pas avoir eu connaissance des raisons ayant conduit à votre sortie de mission, ce que vous assimilez à une forme de dénigrement, voire de harcèlement, et ce qui vous empêche, selon vous, d'envisager toute projection vers une autre mission.
Ces raisons vous ont pourtant été clairement données par courrier du 1er juin 2015 valant avertissement ; par ailleurs, les rendez-vous que nous vous avons demandé d'honorer auraient pu permettre de lever les doutes ou incompréhension semblant perdurer de votre part.
Vous apportez ainsi un refus réitéré à toutes nos demandes :
Le 23 juillet 2015, M. W... E..., votre responsable vous contacte en vous indiquant que la responsable RH souhaite faire un point avec vous. Il vous demande vos disponibilités pour organiser un rendez-vous sur Labège. Votre réponse est pour le moins laconique : "concernant X... O..., je suis dispo par tel si besoin".
Le 30 juillet 2015, suite aux différents échanges avec votre hiérarchie, M. Q... J..., directeur opérationnel, vous demande de venir à Labège, le 31 juillet à 14 heures, afin de faire un point avec vous.
Vous répondez le même jour que vous êtes enthousiaste et disponible sur le créneau indiqué mais que vous ne souhaitez pas vous rendre à Labège car vous vous sentez potentiellement en danger. Vous déclinez l'invitation mais proposez un point téléphonique.
M. Q... J... vous rassure en vous indiquant qu'il souhaite évoquer avec vous les possibilités de futures missions et que vous rencontriez les managers. C'est pour ces raisons qu'il a besoin de vous voir.
Il vous rappelle que, selon la charte inter-contrat, le consultant doit honorer les rendez-vous auxquels il est convié par l'entreprise.
Or, vous ne vous présentez pas au rendez-vous le 31 juillet 2015 comme cela vous avait été demandé par votre direction.
Pourtant, vous écrivez vous même dans votre mail du 31 juillet 2015 qu'il est nécessaire de partager un bilan sur votre mission précédente, que ce travail a débuté avec M. W... E..., et qu'il n'est selon vous pas terminé.
Ce rendez-vous aurait donc pu être le moment d'achever ce travail afin de pouvoir démarrer de nouveaux projets et partir sur de nouvelles bases.
Le 30 septembre 2015, M. Q... J... vous demande, par mail, de vous rendre à Labège, le 2 octobre 2015 pour faire un point sur votre période d'inter contrat, les pistes à exploiter et souhaite que vous rencontriez les managers.
Le même jour, vous répondez à M. Q... J... en le remerciant pour cette invitation et ajoutez que vous avez hâte de revenir à Labège et de retrouver une activité "normale". Vous indiquez également vouloir comprendre quelles ont été vos forces et faiblesses avec Alten dans le passé et souhaitez revenir sur les raisons de votre sortie de mission.
M. Q... J... vous répond en vous indiquant qu'il sera possible d'échanger sur ces différents points lors du rendez-vous, si vous le souhaitez.
Malgré sa réponse allant dans le sens de vos apparentes préoccupations, vous indiquez le 1er octobre 2015 qu'il y a peu de chances que vous veniez au rendez-vous.
Vous ne vous présentez effectivement pas le 2 octobre 2015.
Nous nous voyons donc contraints le 8 octobre 2015, face à votre attitude persistante de refus, de vous envoyer une mise en demeure, en courrier recommandé avec accusé de réception, de venir sur Labège pour faire un point le 14 octobre 2015 à 11 heures.
Nous croyons utile de vous préciser que dans l'hypothèse où vous n'honoreriez pas ce rendez-vous l'entreprise se verra dans l'obligation d'en tirer toutes les conséquences.
Pourtant, le 12 octobre 2015, vous envoyez un mail à M. Q... J... lui indiquant que vous êtes impatient de le voir à Labège, à condition qu'il cesse ses agissements que vous qualifiez de harcèlement moral.
Encore, vous réitérez vos accusations de harcèlement le 13 octobre 2015 cette fois par lettre recommandée avec accusé de réception. Selon vous, le harcèlement est constitué par les griefs infondés de l'entreprise ayant conduit à votre sortie de mission, et concluez votre courrier d'une manière pour le moins surprenant et ambigüe :
"convaincu que votre comportement n'est pas le reflet des valeurs véhiculées par notre entreprise, je suis confiant que celle-ci sera tirée les bonnes conséquences de ma non présence à votre convocation. Je reste d'ailleurs plus que jamais ouvert au dialogue (....)".
Nous constatons le 14 octobre 2015 que vous ne vous présentez pas au rendez-vous fixé dans le cadre de la mise en demeure.
Ce comportement est tout à fait inacceptable.
Sous le prétexte que vous êtes en désaccord avec les motifs ayant conduit à votre sortie de mission, vous vous soustrayez à vos obligations contractuelles ; notamment celle de vous présenter, en période d'intercom contrat, aux rendez-vous qui vous sont fixés.
Malgré les diverses mentions, pourtant explicites, de la charte inters contrat dont vous avez été destinataires, vous ne la respectez pas, alors que celle-ci fait partie intégrante de vos obligations contractuelles.
Pour mémoire, le contenu de cette charte pour le moins explicite : "le consultant reste à la disposition de l'entreprise", "sa présence n'est en principe pas obligatoire dans les locaux de l'agence à laquelle il est rattaché, sauf demande du responsable", "le consultant doit rester joignable disponible", "le manager peut demander au salarié de venir à l'agence (entretiens, travaux internes) ". "Le consultant s'engage à honorer tous les rendez-vous auxquelles il sera convié par l'entreprise".
Vous refusez en parallèle tout amorce de dialogue qui permettrait de dénouer la situation et, en tentant de vous apporter les explications nécessaires (mais celle-ci serait-elle seulement suffisant à vos yeux), De repartir sur des bases constructives.
Vous refusez même de rencontrer votre directeur de Département alors que ce dernier vous indique explicitement accepter aborder à nouveau avec vous, si vous le souhaitez, les raisons ayant conduits à votre sortie de mission.
Votre attitude de fermeture extrême ne permet en aucune façon de sortir de l'impasse dans laquelle vous vous êtes vous-même enfermé, et ce malgré la patience et les tentatives réitérées de vos différents interlocuteurs de trouver une issue positive à cette situation.
Enfin, vos accusations de harcèlement/dénigrement (dont vous semblez vous même, dans certains de vos écrits, douter de leur caractère approprié à la situation) sont des accusations graves, de surcroît sans aucun fondement ni lien avec la réalité des faits qu'il convient de ne pas utiliser de manière inconsidérée.
D'une part, sachez que votre sortie de mission anticipée ne s'est pas faite à la légère par notre entreprise, ceci d'autant plus compte tenu de votre connaissance de la mission du fait de votre antériorité au sein de celle-ci. En effet, nous n'avions aucun intérêt à abréger votre mission, si ce n'est pour pallier certains de vos manquements et répondre aux insatisfactions de notre client, aux fins de préserver la relation commerciale ; les raisons qui vous ont été données, par courrier du 1er juin 2015, ne peuvent s'apparenter à une quelconque forme de harcèlement.
D'autre part, le fait de ne pas être en accord avec les motifs ayant conduit à votre sortie de mission ne vous exonère pas de vos obligations contractuelles.
Enfin, le fait que votre hiérarchie vous demande d'honorer certains rendez-vous pendant votre période d'inter-contrat est tout à fait normal, courant dans notre activité et témoignent en tout état de cause du suivi de nos consultants en inter-contrat ; il ne saurait en aucun cas, là encore, être question de harcèlement moral.
Il ne vous appartient pas, par ailleurs et face à une telle demande, de choisir la forme du rendez-vous vous convenant (téléphonique plutôt que sur place).
En tout état de cause, vous persistez à méconnaître, non seulement vos obligations contractuelles, mais surtout les motivations à l'appui de nos demandes, à savoir votre repositionnement en mission.
Ces éléments engendrent chez nous un questionnement quant à votre volonté réelle d'être affecté sur une mission plutôt que de rester en période d'inter-contrat.
Ils confirment, si cela était encore nécessaire, les manquements importants en termes de communication, de comportement, d'absence de remise en cause dont nous avions déjà été amenés à vous alerter précédemment.
Votre comportement à la poursuite de nos relations impossible puisque vous refusez tout contact avec l'entreprise",
Il apparaît ainsi que la lettre de licenciement inclut dans les motifs de licenciement le fait pour le salarié d'avoir dénoncé une situation de harcèlement moral dont il aurait été victime,
Il a déjà été vu que M. D... a été informé dès le mois d'avril de sa sortie de mission EIA par M. P... et M. E.... Les courriels de M. F..., senior business manager et de M. E..., responsable ingénieur, déjà évoqués dans les développements sur le harcèlement moral allégué, le confirment, et dès le 4 mai 2015, le salarié était informé que M. E... souhaitait encore faire le point avec lui sur les raisons qui ont conduit à la décision de retrait,
Dès lors, M. D..., en indiquant dans sa lettre recommandée du 20 mai 2015, c'est-à-dire 16 jours plus tard, qu'il se considérait "dans une situation proche du harcèlement" avait nécessairement connaissance de la fausseté de la situation qu'il dénonçait,
La société intimée a d'ailleurs répondu par écrit à ses interrogations 11 jours plus tard, par courrier recommandé avec avis de réception du 1er juin 2015,
Il apparaît utile d'en rappeler précisément les termes :
"Collaborateur de notre société depuis le 6 juin 2011, nous souhaitons attirer votre attention sur les circonstances ayant conduit à votre sortie de mission anticipée en date du 30 avril 2015 au soir.
Ainsi, nous avons déploré, depuis quelque temps, d'importants problèmes de communication de votre part lors de votre mission pour notre client Airbus (département EIA) :
- difficultés dans votre communication avec notre client (communication non fluide, défaut de communication quant au statut d'avancement des livrables, alertes non remontées) ;
- défaut volontaire de votre part de réponses à certains courriels ou appels téléphoniques de notre client ;
- absences à certaines réunions clients sans motif et sans avoir prévenu de votre non-participation auxdites réunions au préalable.
Pour manquements ont eu des répercussions négatives sur la mission elle-même, dont, à titre d'exemples :
- manque de visibilité pour notre client sur l'avancement des livrables dont vous étiez en charge ;
- restitution de certains livrables incomplets en raison de votre défaut de demande au client d'informations manquantes ;
- retard dans la livraison de certains livrables ;
- des équilibres au sein de l'équipe, certains de vos collègues devant supporter une surcharge de travail pour pallier vos manquements et le chef de projet ayant dû vous accompagner ;
- reprises, voire réalisation, par le client lui-même de certains livrables dont vous aviez la charge.
Afin de tenter de remédier à vos carences, différentes actions ont été mises en place telles que notamment l'intervention du chef de projet Alten Sud-Ouest en interface avec notre client, la mise en place de points hebdomadaires entre vous et ledit chef de projet, ainsi que le suivi rapproché de vos activités par ce dernier.
Malgré cela, nous n'avons pas noté d'amélioration de votre part.
Bien au contraire, lorsque M. W... E..., votre responsable ingénieur, vous a rencontré le 3 avril 2015 en vous indiquant que vos problèmes de communication avec le client ne pouvaient en aucun cas perdurer, vous lui avez affirmé que, dans tous les cas, vous adopterez la même attitude. Cette absence de votre part de toute remise en cause et volonté d'améliorer vos échanges avec notre client ne nous a pas laissé d'autre choix que de mettre fin à votre prestation de façon anticipée afin de ne pas risquer de nuire gravement à l'image de notre société vis-à-vis de ce client.
En effet, les éléments décrits ci-dessus ont entraîné une insatisfaction de ce dernier ; en conséquence, et de manière plus générale, c'est l'image de l'entreprise qui remise en cause. Une telle situation est contraire à l'image de professionnalisme et de qualité que nous nous évertuons à donner à nos clients au travers de nos consultants. Nous vous rappelons que l'article 8 de votre contrat de travail stipule, entre autres, qu'au cours des missions qui vous sont confiées, vous devez vous efforcer de donner aux clients de la société la plus entière satisfaction. Ainsi, lors d'une mission pour un client, vous représentez la société et, à ce titre, vous devez porter une attention particulière à votre comportement afin de véhiculer l'image de marque de la société, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
Par ailleurs, il a été nécessaire de procéder à votre remplacement sur la mission avec une période de recouvrement d'environ trois semaines, période que nous serons dans l'impossibilité de refacturer à notre client",
Il a déjà été rappelé que l'employeur conclut son courrier ainsi :
"Nous espérons que vous aurez désormais compris, au vu du présent courrier, les éléments qui ont conduit à votre sortie anticipée de mission, ainsi que la nécessité d'apporter toutes les corrections nécessaires à votre communication",
Il en découle qu'à compter de la réception de ce courrier du 1er juin 2015, le salarié avait connaissance des motifs ayant présidé à sa sortie de mission,
M. D... a cependant persisté à dénoncer de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral,
L'employeur verse ainsi aux débats les courriers recommandés et les courriels suivants envoyés par ce dernier :
- le 4 juin 2015, en réponse au courrier du 1er juin de l'employeur, dans lequel le salarié, après avoir remercié pour la proposition d'aide relative à l'amélioration de sa communication y figurant, lui demande si parmi les motifs ayant conduit à sa sortie de mission, certains ne sont pas directement liés à la problématique découlant de "consignes client imprécises", sans autre précision, lesquelles pourraient être "recevables pour justifier sa décision",
- le 30 juillet 2015 dans lequel le salarié remercie M. J... de reprendre contact avec lui, se déclare "enthousiaste" et disponible pour faire le point souhaité par l'employeur le vendredi 31 juillet dans les locaux de Labège, mais l'informe qu'il ne souhaite pas encore se rendre à Labège, car il estime que la compréhension de l'employeur du dossier est encore insuffisante et qu'il se sent "potentiellement en danger..." proposant in fine à l'employeur de faire le point par téléphone,
- le 31 juillet 2015 dans lequel le salarié remercie M. J... de sa réponse (celui-ci lui a un effet précisé par courriel du même jour qu'il souhaitait évoquer avec le salarié les possibilités de futures missions), et l'informe qu'avant de se projeter sur d'autres missions, il souhaite partager un bilan sur la mission précédente, indiquant que l'employeur ne lui avait donné aucune précision sur les livrables concernés par le retard qui lui était reproché,
- le 30 septembre 2015 dans lequel le salarié remercie encore M. J... de son invitation à un entretien du 2 octobre à Labège pour rencontrer les différents managers et évoquer les futures missions, l'informe qu'il a effectivement hâte de revenir à Labège et de retrouver une activité normale mais qu'il doit éviter de "confondre vitesse et précipitation" ; le salarié indique qu'il a "besoin" d'avoir une discussion sérieuse sur les raisons de sa sortie de mission chez EIA, et demande que lui soit fournie notamment la liste des livrables dont le retard lui serait imputable,
- le 1er octobre 2015 dans lequel le salarié remercie M. J... de sa réponse (en effet, ce dernier lui a confirmé que l'échange porterait également sur les motifs de sa sortie de mission comme il le souhaitait), considère que leurs échanges sont très constructifs mais l'informe qu'il y a peu de chances qu'il se rende à l'entretien fixé le 2 octobre à Labège ; le salarié explique que depuis plusieurs semaines, il est accusé de "différents maux", sans autre précision, et qu'il n'a pas encore obtenu d'éléments factuels permettant de les étayer ; il considère que de tels agissements s'apparentent à du dénigrement, harcèlement, se déclarant désolé pour les imprécisions sur les termes et précise qu'il a besoin "d'une amélioration significative" des positions de M. J... avant d'envisager une rencontre à Labège, "vendredi ou un autre jour",
- le 12 et 13 octobre 2015 en réponse à la mise en demeure qui lui a été notifiée de se présenter à un entretien fixé au 14 octobre afin de définir une future mission : le salarié se déclare très impatient de revoir M. J... à Labège à condition que celui-ci cesse ses agissements de harcèlement moral caractérisé par les accusations formulées dans le courrier du 1er juin 2015 "concernant des notions totalement subjectives telles que la qualité de ma communication ou bien encore concernant des notions plus factuelles telles que le retard dans la production de livrables, sans aucun fondement ou preuve pour étayer vos propos",
Il découle de ces éléments que M. D..., non seulement persiste à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné "pendant plusieurs mois" les motifs de sa sortie de mission alors qu'ils avaient été portés à sa connaissance par écrit le 1er juin 2015 et qu'il était à l'origine du blocage de toute communication sur ce point, mais encore lui reproche de porter des accusations constitutives de harcèlement moral, lui déniant ainsi tout pouvoir d'appréciation sur son comportement et sur son travail. En dénonçant des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral, M. D... a adopté une stratégie lui permettant de se soustraire aux différents entretiens qui étaient fixés par l'employeur et à la discussion contradictoire qu'il appelait pourtant de ses voeux,
La connaissance qu'il avait de la fausseté de ses allégations se déduit de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs qu'il était en droit d'estimer infondés, en alléguant d'un danger potentiel et inexistant. Le caractère répétitif et incantatoire des remerciements qu'il adresse à l'employeur et l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue permettent de se convaincre de sa mauvaise foi alors qu'il met en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive,
Le salarié persiste dans ses derniers courriers à reprocher à l'employeur de maintenir ses "accusations" (autrement dit les motifs invoqués dans sa lettre du 1er juin) alors qu'il sait que ce dernier est prêt à en discuter,
Il finit par subordonner un éventuel entretien au retrait par M. J... des "accusations" portées dans le courrier du 1er juin, ce qui caractérise une forme de chantage. Dans un courrier du 28 octobre 2015, il s'estime victime de harcèlement moral alors qu'il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement auquel il refuse de se présenter, et reproche à M. J... de ne pas avoir répondu à ses interrogations et d'user régulièrement de son pouvoir hiérarchique pour le convoquer de manière plutôt brutale, ce qu'il sait être faux, l'employeur ayant fait preuve de patience malgré les refus récurrents du salarié d'honorer les rendez-vous donnés, au mépris de ses obligations contractuelles,
Il découle de tous ces éléments que la mauvaise foi du salarié lorsqu'il a dénoncé des faits de harcèlement moral est établie de sorte que celui-ci ne peut revendiquer à son profit les dispositions protectrices de l'article L. 1152-2 du code du travail,
Il convient en conséquence, par confirmation du jugement entrepris mais par substitution de motifs, de débouter M. D... de toutes ses demandes,
1° ALORS QUE le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en considérant que M. D... avait dénoncé des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral en persistant à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné "pendant plusieurs mois" les motifs de sa sortie de mission, cependant qu'il résultait de la lecture de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur avait, de son propre aveu, reconnu la bonne foi du salarié en énonçant que "vos accusations de harcèlement/dénigrement (dont vous semblez vous-même dans certains de vos écrits, douter de leur caractère approprié à la situation) sont des accusations graves, de surcroît sans aucun fondement ni lien avec la réalité des faits qu'il convient de ne pas utiliser de manière inconsidérée", ce dont il résultait que la lettre de licenciement n'invoquait pas la mauvaise foi du salarié dans sa relation d'agissements de harcèlement moral mais simplement que ceux-ci ne seraient pas avérés et que le salarié lui-même hésitait quant à la qualification adéquate, ce qui était exclusif de toute mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-6 du même code,
2° ALORS QU'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et d'une intention de nuire ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que la connaissance qu'il avait de la fausseté de ses allégations se déduisait de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs qu'il était en droit d'estimer infondés, en alléguant d'un danger potentiel et inexistant, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié, a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail,
3° ALORS QU'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que le caractère répétitif et incantatoire des remerciements qu'il adressait à l'employeur et l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue permettaient de se convaincre de sa mauvaise foi, dès lors qu'il mettait en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié et a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. | Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Selon l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.
L'absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n'est pas exclusive de la mauvaise foi de l'intéressé, laquelle peut être alléguée par l'employeur devant le juge |
365 | N° S 20-82.389 F-P+B+I
N° 1749
CG10
16 SEPTEMBRE 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 SEPTEMBRE 2020
REJET du pourvoi formé par M. B... A... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 13 mai 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. B... A..., et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, Mme Moracchini, avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. B... A..., gardien de la paix, a été mis en examen pour avoir tué sa compagne Mme W... D....
3. M. A... a été placé sous mandat de dépôt le 29 février 2016.
4. Une ordonnance de mise en accusation a été prise contre l'intéressé le 23 octobre 2018, par le juge d'instruction.
5. L'affaire a été audiencée devant la cour d'assises les 10 et 11 octobre 2019, toutefois, compte tenu du nombre de témoins et experts cités, un renvoi a été ordonné aux 5, 6, 7 et 8 octobre 2020.
6. Les avocats de M. A... ont déposé une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction le 10 avril 2020.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de l'accusé en écartant les moyens tirés de la violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors :
« 1°/ que le juge judiciaire, en tant que gardien de la liberté individuelle, doit veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant ; qu'en particulier, lorsque la chambre de l'instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n'a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne en l'astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire ; qu'en l'espèce, en se bornant à constater que la décision de mainlevée de l'isolement appartenait à l'administration pénitentiaire, sans répondre au moyen péremptoire tiré de la violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme du fait du maintien de l'accusé à l'isolement depuis plus de quatre ans, auquel il lui appartenait nécessairement de répondre, la chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que en considérant, pour rejeter le moyen tiré de la situation sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, que l'accusé n'établit pas que celle-ci a directement [affecté] l'accusé, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la surpopulation carcérale constatée dans la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone et le placement à l'isolement d'un détenu contaminé ne constituaient pas des éléments propres à établir le risque direct encouru par l'accusé, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité ; que dès lors, en rejetant la demande de mise en liberté sans faire procéder à de telles vérifications quand l'accusé décrivait de manière crédible, précise et actuelle le caractère indigne des conditions personnelles de sa détention, la chambre de l'instruction n'a pas rempli son office et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Il découle des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale que le juge, pour apprécier la nécessité de placer ou maintenir une personne en détention provisoire, se détermine en tenant compte des impératifs de la procédure judiciaire, des exigences de préservation de l'ordre public et du caractère raisonnable de la durée de cette détention.
10. Après que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, pour violation des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, au constat d'une insuffisance d'espace personnel, et de ce que le pouvoir d'injonction conféré au juge administratif ne lui permettait pas de mettre réellement fin à de telles conditions de détention, contraires à la Convention, (CEDH, arrêt du 30 janvier 2020, JMB et autres c. France, n°9671/15 et 31 autres), la Cour de cassation a retenu que le juge judiciaire a, dans un tel contexte, l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention (Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n°20-81.739).
11. L'isolement des personnes détenues est soumis à des règles qui sont fixées par les articles 726-1, R. 57-7-62 et suivants du code de procédure pénale ; le premier de ces textes prévoit que lorsqu'une personne détenue est soumise à une telle mesure, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
12. Par un arrêt du 7 juin 2019 (n°426772,publié au Recueil Lebon), le Conseil d'Etat a jugé qu'eu égard à son objet et à ses effets sur les conditions de détention, la décision plaçant d'office à l'isolement une personne détenue ainsi que les décisions prolongeant éventuellement un tel placement, prises sur le fondement de l'article 726-1 du code de procédure pénale, portent en principe, sauf à ce que l'administration pénitentiaire fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne détenue, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, puisse ordonner la suspension de leur exécution s'il estime remplie l'autre condition posée par cet article.
13. Il en résulte que la personne détenue dispose devant le juge administratif d'un recours préventif effectif de nature à faire cesser une éventuelle violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.
14. Pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. A..., l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que l'isolement est incontestablement une mesure affectant le régime de détention, qu'il a été originellement mis en place pour la protection même de M. A..., son avocat lors du débat de placement en détention provisoire ayant sollicité un aménagement de cellule.
15. Les juges ajoutent que cette décision relève de l'administration pénitentiaire après avis de l'institution judiciaire compétente, en l'espèce le parquet général, qui avait émis en novembre 2019 un avis favorable à la mainlevée d'une telle mesure.
16. Les juges relèvent, d'autre part, que les considérations générales tenant à la situation sanitaire actuelle, sans qu'il ne soit établi par les éléments fournis qu'elle touche à un titre ou à un autre directement M. A... n'apparaissent pas devoir être prises en considération dans le cadre d'une demande de mise en liberté.
17. En l'état de ces énonciations la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
18. En premier lieu, le demandeur n'est pas fondé à se prévaloir de l'incidence d'une mesure d'isolement sur ses conditions d'incarcération à l'occasion d'une demande ayant trait à la détention provisoire, dès lors qu'il dispose devant le juge administratif d'un recours effectif de nature à faire cesser celle-ci.
19. En second lieu, l'allégation d'un risque sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19 ne saurait pareillement prospérer, l'intéressé n'ayant pas préalablement allégué que sa vie avait été exposée à un risque réel et imminent en raison de conditions personnelles de détention dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, ni établi que les mesures sanitaires nécessaires pour prévenir l'entrée et/ou la propagation du virus Covid-19 au sein de l'établissement pénitentiaire concerné n'auraient pas été mises en oeuvre.
20. Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.
21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize septembre deux mille vingt. | La personne qui fait l'objet d'une mesure d'isolement dispose d'un recours effectif, devant le juge des référés administratif, pour la contester et demander qu'il y soit mis fin.
Dès lors, elle n'est pas fondée à se prévaloir de l'incidence d'un telle mesure sur ses conditions d'incarcération, à l'occasion d'une demande ayant trait à la détention provisoire |
366 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation sans renvoi
Mme BATUT, président
Arrêt n° 518 FS-P+B
Pourvoi n° M 18-20.023
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
M. E... N..., domicilié [...], agissant en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, a formé le pourvoi n° M 18-20.023 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. J... T..., domicilié [...],
2°/ à la société de la Villa Gal, société anonyme, dont le siège est [...] ,
3°/ à Mme O... R..., veuve V..., domiciliée [...],
défendeurs à la cassation.
M. W... B... est venu aux droits de M. N... en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. B..., ès qualités de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, venant aux droits de M. N..., ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société de la Villa Gal, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Donne acte à M. B... de ce qu'il reprend l'instance en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance.
Désistement partiel
2. Donne acte au liquidateur de la société Oakland Finance de son désistement en ce qu'il est dirigé contre Mme R....
Interruption d'instance
3. L'interruption d'instance, instituée à l'article 370 du code de procédure civile, n'est prévue qu'au bénéfice des héritiers de la partie décédée qui entendent reprendre l'instance. Dès lors que le décès allégué de J... T... n'a pas été notifié par ses héritiers, il n'y a pas lieu d'interrompre l'instance.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 juin 2016, pourvoi n° 15-13.837), et les productions, le 28 avril 1998, M. T... a acquis les actions de la société anonyme Villa Gal (la SAVG) pour un prix de 80 millions de francs. Les 8 juin et 3 juillet 1998, la SAVG a reconnu avoir emprunté à la société Oakland Finance une somme de 50 millions de francs. Par acte du 23 août 2000, cette somme a été portée à 60 millions. Deux hypothèques conventionnelles ont été prises en garantie les 22 juillet 1998 et 8 septembre 2000 par la société Oakland Finance sur l'immeuble de la SAVG. Le 17 avril 2002, la société Oakland Finance a été placée en liquidation.
5. Mise en demeure de payer par le liquidateur, la SAVG l'a assigné, ès qualités, devant le tribunal de grande instance de Nice pour obtenir la nullité de ces contrats et la mainlevée des hypothèques en soutenant que les prêts étaient dépourvus de cause, subsidiairement que leur cause était illicite. K... V... , trustee et représentant légal de la société EGA, est intervenu volontairement à l'instance.
6. Par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal a rejeté ces prétentions et dit que les actes sous seing privé des 8 juin 1998 et 23 août 2000 reposaient sur une cause réelle et licite.
7. Entre-temps, soutenant que si les prêts litigieux étaient supposés rembourser une dette contractée par la société SAVG envers la société EGA, dette ensuite cédée à la société Oakland Finance, aucune somme n'était due par la SAVG à la société EGA, la SAVG et M. T... ont saisi la High Court of Justice of London (la High Court) qui, par une décision du 19 novembre 2010, a dit qu'aucune somme n'était due par la SAVG à la société Oakland Finance.
8. Le greffier en chef d'un tribunal de grande instance ayant déclaré exécutoire en France cette décision, Mme R..., héritière de K... V... , a demandé la révocation de cette déclaration.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur les deuxième et troisième branches du moyen, réunies
Enoncé du moyen
10. M. B..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter la contestation formée à l'encontre du certificat de reconnaissance en France de la décision de la High Court of Justice du 19 novembre 2010,de confirmer la reconnaissance en France de cette décision et de dire qu'en conséquence ce jugement produira en France tous ses effets, alors :
« 1°/ que deux décisions sont inconciliables lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux jugements peuvent être inconciliables sans que les demandes sur lesquelles ils ont statué aient eu le même objet ; que tel est le cas du jugement qui statue sur la validité d'un contrat tandis que l'autre, statuant sur la demande d'exécution de ce contrat, considère qu'aucune créance n'a pu valablement naître de l'engagement litigieux ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause, tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ; que la cour d'appel en a déduit que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne s'étaient pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'en statuant ainsi, tandis que le jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite, peu important que les juges français et britannique n'aient pas été saisi des mêmes demandes, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
2°/ qu'en toute hypothèse, deux décisions, dont l'une admet la validité d'un contrat de prêt, dont il résulte une créance pour le prêteur, tandis que l'autre décide qu'aucune somme ne peut être due au prêteur en vertu du même prêt, en conséquence de la nullité de ce contrat, ne peuvent faire l'objet d'une exécution simultanée ; qu'en jugeant qu'était possible l'exécution simultanée du jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, et du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a dit valables les prêts litigieux, ce dont il résultait une créance de la société Oakland contre la SAVG, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 34, 3), du règlement CE nº 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I :
11. Selon l'article 33 point 1) de ce règlement, les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. L'article 34 de ce règlement prévoit toutefois à son 3) qu'une décision n'est pas reconnue si elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis. Statuant sur l'article 27.3° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dont les termes sont identiques à ceux de l'article 34, 3), la Cour de justice des Communautés européennes a précisé qu'afin d'établir s'il y a inconciliabilité au sens de ce texte, il convenait de rechercher si les décisions en cause entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement (CJCE Hoffmann c. Krieg 4 février 1988 C 145/86, point 22).
12. Pour rejeter la contestation du certificat de reconnaissance en France de la décision de la High Court du 19 novembre 2010, confirmer la reconnaissance en France de cette décision et dire qu'en conséquence ce jugement produira en France tous ses effets, après avoir énoncé que deux décisions sont inconciliables si elles sont incompatibles dans leur exécution, l'arrêt retient que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire, engagement réel soumis aux juridictions françaises, et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement, de sorte que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne se sont pas prononcées sur les mêmes questions et leur exécution simultanée est possible.
13. En statuant ainsi, alors que le jugement de la High Court du 19 novembre 2010, qui, après avoir retenu qu'aucune somme n'était due par la SAVG à la société EGA, a considéré qu'aucune créance n'avait pu valablement naître de l'engagement litigieux, entraînait des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement avec celles du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007 rejetant la demande en nullité de ce même engagement formée par la SAVG, laquelle soutenait que celui-ci était dépourvu de cause dès lors que la dette de la société EGA, supposée le fonder, avait été intégralement réglée avant la cession des actions, de sorte que ces décisions étaient inconciliables, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
14. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, comme il est suggéré en demande.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la décision rendue par la High Court of London le 19 novembre 2010 ne peut être reconnue en France ;
Annule la décision du greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice du 2 février 2011 reconnaissant cette décision en France ;
Condamne la société Villa Gal et M. T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Villa Gal et condamne M. T... et la société Villa Gal, in solidum, à payer à M. B..., ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. B..., ès qualités de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, venant aux droits de M. N..., ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N..., en sa qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Limited, de sa contestation formée à l'encontre du certificat de reconnaissance en France de la décision de la Haute Cour de Justice de Londres du 19 novembre 2010, établi par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice le 2 février 2011, d'avoir confirmé la déclaration de reconnaissance en France de la décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Justice, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'affaire nº4920 de 2002 Oakland Finance Limited entre M. J... T..., 1er demandeur, la SA de la Villa Gal (2ème demandeur), et M. E... N..., en sa qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Limited (1er défendeur), la succession de M. K... V... , décédé (2ème défendeur), Mme X... G... (3ème défendeur) et F... U..., (4ème défendeur), et d'avoir dit qu'en conséquence cette décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Justice produirait en France tous ses effets ;
AUX MOTIFS QUE, saisi par voie de requête par M. J... T... et la SAVG, sur le fondement des articles 38 et suivants du règlement CE nº44/2001 du 22 décembre 2000, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice a, par déclaration du 2 février 2011, reconnu en France la décision rendue le 19 novembre 2010 par la High Court of Justice of London, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'instance les opposant à M. E... N... en sa qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, à la succession de feu K... V... , à Mme X... G... et à M. F... U... ; que par acte du 2 mars 2011, M. E... N..., ès qualités, et Mme O... V... ont fait assigner M. J... T... et la SAVG devant le tribunal de grande instance de Nice, aux fins de voir prononcer l'annulation de la déclaration de reconnaissance en France établie le 2 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice ; que par jugement du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; qu'à la suite de la décision de la Cour de cassation du 22 juin 2016 cassant et annulant dans toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du novembre 2014, la cour d'appel de renvoi est à nouveau saisie de la contestation formée par M. E... N... de la reconnaissance en France de la décision anglaise du 19 novembre 2010, la SAVG et M. J... T..., pour leur part, soutenant que cette décision remplit tous les critères pour être pleinement reconnue en France ; que dans le cadre de l'Union européenne, la reconnaissance et l'exécution des décisions rendues en matière civile et commerciale par les Etats membres ne sont pas régies par le droit commun de l'exequatur mais par un Règlement communautaire ; qu'en l'occurrence le Règlement applicable était le règlement CE nº44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que l'article 33 de ce Règlement pose en son principe que « les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une autre procédure » ; que toute partie intéressée peut, par voie de requête présentée, conformément à l'article 39 point 1 du Règlement, à l'autorité compétente de l'Etat membre d'exécution, faire reconnaître la décision rendue dans un autre Etat membre en vue de permettre son exécution sur le territoire de l'Etat requis, l'autorité compétente étant, en France, le greffier en chef du tribunal de grande instance, qui ne peut cependant examiner si les conditions de la reconnaissance de la décision dans l'Etat membre requis sont réunies, un tel pouvoir lui étant refusé ; qu'un tel examen ne peut intervenir que dans le cadre du recours formé contre la délivrance du certificat devant la juridiction compétente de l'Etat requis, les motifs de non reconnaissance étant en revanche réduits et limitativement énumérés par l'article 34 du Règlement qui énonce que :
« Une décision n'est pas reconnue si :
1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis,
2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire,
3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis,
4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis » ;
qu'en l'espèce, M. E... N..., ès qualités, fonde sa demande d'annulation du certificat de reconnaissance en France établie le 2 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice, exclusivement sur le fondement de l'article 34 3) du Règlement susvisé, soutenant que la décision du 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Londres est inconciliable avec la décision définitive rendue le 10 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Nice ; que la Cour de justice des communautés européennes, optant pour une conception autonome de la notion d'inconciliabilité des décisions, a jugé que des décisions étaient inconciliables lorsqu'elles entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux décisions sont inconciliables si elles sont incompatibles dans leur exécution, plus particulièrement si l'exécution de l'une exclut nécessairement celle de l'autre ; qu'en d'autres termes, deux décisions sont inconciliables quand elles ne sont pas susceptibles d'une exécution simultanée, une telle impossibilité procédant de leur dispositif ; qu'il ressort des pièces produites que le tribunal de grande instance de Nice a été saisi par assignation délivrée à l'initiative de la SAVG à l'encontre de la société Oakland Finance Ltd, M. E... N..., ès qualités et Mme I... P..., aux fins de voir déclarer nuls et de nul effet les contrats des 8 juin 1998 et 23 août 2000 et l'avenant du 14 décembre 2001 et 11 janvier 2002 et de voir ordonner la mainlevée de l'hypothèque inscrite à la requête de M. D... le 8 septembre 2000 ; que la SAVG faisait en effet grief aux actes notariés d'être dépourvus de cause réelle et sérieuse ou d'être fondés sur une cause illicite ; que le tribunal de grande instance de Nice, dans son jugement du 10 décembre 2007, a :
- dit que les actes de prêts sous seing privé du 8 juin 1998 et 23 août 2000 reposent sur une cause réelle et licite,
- déclaré nul et de nul effet l'avenant des 11 décembre 2001 et 14 janvier 2006 relatif à ces prêts ;
que le tribunal a estimé que la démonstration de l'inexistence d'une cause ou de la cause illicite n'était pas rapportée et n'a statué qu'au regard de la notion de cause ; que de même il a annulé un avenant en vertu duquel la déchéance du terme était intervenue, toujours pour absence de cause ; qu'à aucun moment, dans sa décision, le tribunal de grande instance de Nice n'a reconnu que la SAVG était débitrice à l'égard de la société Oakland, ces points n'ayant pas été soumis à son appréciation, comme le reconnaît d'ailleurs M. E... N..., qui admet ne pas avoir sollicité la condamnation de la SAVG au paiement des sommes litigieuses qui auraient été contractées par le biais des prêts, au motif qu'il considérait à l'époque être détenteur d'un titre exécutoire, constitué par la copie exécutoire de l'acte notarié du 28 août 2000 ; que la décision britannique du 19 novembre 2010 a, quant à elle, déclaré que :
- aucune somme n'est due par la SAVG à Oakland ou à la succession de K... V... au titre des mêmes contrats de prêts,
- Oakland ou tout successeur de cette société y compris la succession de K... V... est irrecevable à prétendre que des sommes leur seraient dues par SAVG ;
que la juridiction anglaise, dont il ressort des éléments produits au dossier qu'elle avait été saisie avant l'introduction de la procédure par la SAVG devant la juridiction niçoise, puisque le litige avait été initié dès 2002 par la société Oakland et que son liquidateur avait, par acte déposé le 10 juin 2004, saisi cette juridiction aux fins notamment de statuer sur « le droit ultime de propriété des sommes dues ou pouvant l'être par la SAVG à la société Oakland Ltd mais ne s'étendant pas à la détermination de la validité du contrat de prêt et à l'hypothèque sous-jacente », a statué sur la question de l'exigibilité de la créance et donc de l'exécution du contrat, d'autant qu'elle était parfaitement compétente pour ce faire conformément à la clause attributive de compétence prévue dans les contrats de prêt ; que la décision rendue par le juge anglais le 6 juillet 2005 et dont fait état M. N... a ordonné la suspension de la procédure anglaise, initiée en premier, dans l'attente de la décision de la juridiction française ayant une compétence exclusive sur la validité des affectations hypothécaires portant sur un immeuble situé en France, conformément à l'article 22 du Règlement 44/2001 et ce afin d'éviter toute éventuelle contradiction de jugement ; que c'est ainsi que la SAVG a engagé son action devant le tribunal de grande Nice aux fins de contester la validité des affectations hypothécaires à la suite de la signification d'un commandement de payer et au regard de la menace de réalisation des garanties en France ; que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a, par décision du 3 novembre 2005, rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par M. E... N... qui prétendait que seule la juridiction anglaise était compétente pour trancher le litige dans son intégralité et a considéré les parties et objet du litige devant le juge anglais et le juge français n'étaient pas les mêmes, retenant donc la compétence de la juridiction française sur l'action en contestation de l'acte pour s'opposer à la réalisation de l'hypothèque conventionnelle inscrite sur la propriété de Villefranche-sur-Mer, sans remettre en cause la compétence de la juridiction britannique saisie la question de la créance contractuelle mais aussi de la propriété des actions transférées en fraude des droits de M. J... T... ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît que :
- le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire, engagement réel soumis aux juridictions françaises, et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause,
- le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ;
que les demandes n'avaient pas le même objet et ne peuvent donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne se sont pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'au regard de ces éléments, la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2000 n'est pas inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, leur exécution simultanée étant possible ; que M. E... N... soutient, par ailleurs, que l'argumentation présentée par la SAVG au titre des prêts et de l'hypothèque du 23 août 2000 est contradictoire avec l'argumentation déjà développée devant les juridictions françaises et qui a donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007 ; qu'il en tire pour conséquence que cette argumentation est irrecevable et demande à la cour de déclarer inopposable en France la décision rendue par la Haute Cour de Londres le 19 novembre 2010 ; que l'article 34 du règlement nº44/2001 ne donne au juge un quelconque pouvoir pour déclarer inopposable en France un jugement rendu par un autre Etat membre de l'Union européenne et encore moins ne prévoit une cause de non-reconnaissance de la décision étrangère tirée d'une prétendue contradiction dans l'argumentation développée par la partie demanderesse à la reconnaissance ; qu'en conséquence, M. E... N..., ès qualités, sera débouté de sa contestation formée à l'encontre de la reconnaissance de la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 établie par le greffier du tribunal de grande instance de Nice ; qu'il convient donc de confirmer cette déclaration de reconnaissance et de dire que la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 produira, en France, tous ses effets ;
1°) ALORS QUE deux décisions sont inconciliables, au sens de l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000, lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; qu'ainsi sont inconciliables les décisions dont l'une admet la validité d'un contrat et déboute une partie de son action en nullité, tandis que l'autre, rendue dans un autre Etat membre, décide qu'aucune obligation ne peut résulter du même contrat en conséquence de la fraude imputée à une partie lors de la formation du contrat ; que M. N... faisait valoir que la décision de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que l'exécution simultanée des décisions était possible ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les conséquences juridiques des deux décisions s'excluaient mutuellement, peu important que leur exécution simultanée fût éventuellement possible, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement précité ;
2°) ALORS QUE deux décisions sont inconciliables lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux jugements peuvent être inconciliables sans que les demandes sur lesquelles ils ont statué aient eu le même objet ; que tel est le cas du jugement qui statue sur la validité d'un contrat tandis que l'autre, statuant sur la demande d'exécution de ce contrat, considère qu'aucune créance n'a pu valablement naître de l'engagement litigieux ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause, tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ; que la cour d'appel en a déduit que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne s'étaient pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'en statuant ainsi, tandis que le jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite, peu important que les juges français et britannique n'aient pas été saisi des mêmes demandes, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000 ;
3°) ALORS QU' en toute hypothèse, deux décisions, dont l'une admet la validité d'un contrat de prêt, dont il résulte une créance pour le prêteur, tandis que l'autre décide qu'aucune somme ne peut être due au prêteur en vertu du même prêt, en conséquence de la nullité de ce contrat, ne peuvent faire l'objet d'une exécution simultanée ; qu'en jugeant qu'était possible l'exécution simultanée du jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, et du jugement du tribunal de grande instance de Nice du décembre 2007, qui a dit valables les prêts litigieux, ce dont il résultait une créance de la société Oakland contre la SAVG, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000. | L'interruption d'instance, instituée à l'article 370 du code de procédure civile, n'est prévue qu'au bénéfice des héritiers de la partie décédée qui entendent reprendre l'instance |
367 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 519 FS-P+B+R
Pourvois n°
H 18-50.080
X 19-11.251 JONCTION
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit du président du conseil départemental
du Vaucluse, en qualité d'administrateur ad hoc
de M... J....
Admissions du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date des 27 septembre 2019
et 12 novembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
I - Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier, domicilié en son parquet général, 1 rue Foch, 34023 Montpellier cedex 1, a formé le pourvoi n° H 18-50.080 contre un arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre A et B), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme S... Q..., domiciliée [...] ,
2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse, domicilié [...] ,
3°/ à Mme B... J..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
Parties intervenantes :
- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), dont le siège est [...] ,
- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE), dont le siège est [...] .
II - Mme S... Q... a formé le pourvoi n° X 19-11.251 contre le même arrêt et contre un arrêt rendu le 21 mars 2018 par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier,
2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse,
3°/ à Mme B... J...,
défendeurs à la cassation.
Parties intervenantes :
- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL),
- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE).
Le demandeur au pourvoi n° H 18-50.080 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° X 19-11.251 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de Mmes Q... et J..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du président du conseil départemental de Vaucluse, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des associations APGL et ACTHE, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 18-50.080 et X 19-11.251 sont joints.
Intervention
2. L'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE) sont reçues en leur intervention volontaire accessoire.
Déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251, examinée d'office
3. Selon l'article 978 du code de procédure civile, à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
4. Mme Q... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision.
5. Il y a lieu en conséquence de constater la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt.
Faits et procédure
6. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2018), Mme J... et M. Q... se sont mariés le [...] . Deux enfants sont nés de cette union, C... le [...] et W... le [...].
7. En 2009, M. Q... a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande de modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil. Un jugement du 3 février 2011 a accueilli sa demande et dit qu'il serait désormais inscrit à l'état civil comme étant de sexe féminin, avec S... pour prénom. Cette décision a été portée en marge de son acte de naissance et de son acte de mariage.
8. Le 18 mars 2014, Mme J... a donné naissance à un troisième enfant, M... J..., conçue avec Mme Q..., qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins. L'enfant a été déclarée à l'état civil comme née de Mme J....
9. Mme Q... a demandé la transcription, sur l'acte de naissance de l'enfant, de sa reconnaissance de maternité anténatale, ce qui lui a été refusé par l'officier de l'état civil.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° X 19-11.251, pris en ses deuxième et quatrième à huitième branches, en ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif rejetant la demande de transcription de la reconnaissance de maternité et les autres demandes de Mme Q...
Enoncé du moyen
10. Mme Q... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité faite avant la naissance et de rejeter ses autres demandes, alors :
« 1°/ que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un acte de l'état civil, le lien de filiation d'un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans précision de sa qualité de père ou de mère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir reconnaître la réalité de sa filiation biologique avec Mme Q... ; que l'établissement d'une filiation par la voie de l'adoption était, en l'occurrence, impossible ; que la cour d'appel a également constaté que le droit au respect de la vie privée de Mme Q... excluait qu'il puisse lui être imposé une filiation paternelle ; qu'il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme Q..., mais l'impossibilité de faire figurer sur l'acte de naissance de M... J... une filiation paternelle à l'égard de Mme Q..., que seule la mention de Mme Q... en qualité de mère, était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée de Mme Q... et de M... J... ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants et erronés qu'une telle filiation « aurait pour effet de nier à M... la filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3-1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;
2°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en jugeant que l'intérêt de l'enfant M... J... était de voir reconnaître avec Mme Q... un lien de filiation non sexué, aux motifs que l'établissement d'un lien de filiation maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et de brouiller la réalité de la filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à l'inverse le fait d'établir une filiation non maternelle avec Mme Q... n'était pas susceptible d'entraîner, pour l'enfant, des conséquences négatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 § 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;
3°/ qu'en application de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l'identité sexuelle des personnes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en refusant de faire produire effet à la reconnaissance prénatale de maternité établie par Mme Q... et de reconnaître Mme Q... comme la mère de M... J..., par des motifs inopérants, cependant qu'une personne née femme ayant accouché d'un enfant peut faire reconnaître le lien de filiation maternelle qui l'unit à son enfant biologique, la cour d'appel a créé entre les femmes ayant accouché de l'enfant et les autres mères génétiques une différence de traitement qui ne peut être considérée comme justifiée et proportionnée aux objectifs poursuivis, peu important à cet égard que cela conduise à l'établissement d'un double lien de filiation maternelle biologique, et a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que le conjoint de même sexe que le parent biologique d'un enfant est autorisé à adopter l'enfant dans le cadre d'une adoption plénière, de sorte qu'un enfant peut se voir reconnaître un lien de filiation avec deux personnes de même sexe ; que si le législateur a estimé qu'une double filiation maternelle ne pouvait être établie que par la voie de l'adoption, c'est pour ne pas porter atteinte à la vérité biologique ; que dès lors, l'établissement d'une double filiation maternelle par la voie de l'accouchement et de la reconnaissance prénatale doit être admise lorsqu'elle n'est pas contraire à la vérité biologique ; qu'en refusant à Mme Q... l'établissement d'un lien de filiation maternelle avec son enfant biologique, par des motifs inopérants tenant notamment au fait qu'elle était de même sexe que la mère biologique de l'enfant avec lequel un lien de filiation maternelle était déjà établi et que la loi nationale ne permettrait pas l'établissement d'une double filiation maternelle, la cour d'appel a créé une différence de traitement non justifiée entre les personnes pouvant adopter l'enfant de leur conjoint et les personnes liées biologiquement à un enfant et a ainsi derechef violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°/ que, en définitive, en refusant de reconnaître l'existence d'un lien de filiation maternelle entre Mme Q... et l'enfant M... J... aux motifs qu'une déclaration de maternité non gestatrice aurait « pour effet de nier à M... toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », tandis que la réalité du lien biologique unissant M... J... tant à Mme J... qu'à Mme Q... n'était pas contestée et que les deux filiations maternelles ainsi établies, l'une par la reconnaissance prénatale et l'autre par la mention du nom de Mme J... sur l'acte de naissance après l'accouchement, n'étaient pas concurrentes et ne se contredisaient pas, la cour d'appel a en réalité refusé de faire droit à la demande de Mme Q... en raison de sa transidentité et a, ainsi, violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6°/ que, subsidiairement, le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu'un lien de filiation maternelle peut être établi à l'égard d'une mère d'intention ; qu'en l'espèce, outre le lien biologique existant entre Mme Q... et M... J..., il n'était pas contesté que Mme Q... s'est toujours comportée, et se comporte toujours, comme une mère d'intention pour l'enfant ; qu'en application du droit au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant, la filiation maternelle entre Mme Q... et M... J... doit donc être reconnue et inscrite dans les registres d'état civil de l'enfant ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
11. Aux termes de l'article 61-5 du code civil, toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. Selon l'article 61-6 du même code, le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus d'accueillir la demande, de sorte que la modification du sexe à l'état civil peut désormais intervenir sans que l'intéressé ait perdu la faculté de procréer.
12. Si l'article 61-8 prévoit que la mention du sexe dans les actes de l'état civil est sans effet sur les obligations contractées à l'égard des tiers ni sur les filiations établies avant cette modification, aucun texte ne règle le mode d'établissement de la filiation des enfants engendrés ultérieurement.
13. Il convient dès lors, en présence d'une filiation non adoptive, de se référer aux dispositions relatives à l'établissement de la filiation prévues au titre VII du livre premier du code civil.
14. Aux termes de l'article 311-25 du code civil, la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant.
15. Aux termes de l'article 320 du même code, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.
16. Ces dispositions s'opposent à ce que deux filiations maternelles soient établies à l'égard d'un même enfant, hors adoption.
17. En application des articles 313 et 316, alinéa 1er, du code civil, la filiation de l'enfant peut, en revanche, être établie par une reconnaissance de paternité lorsque la présomption de paternité est écartée faute de désignation du mari en qualité de père dans l'acte de naissance de l'enfant.
18. De la combinaison de ces textes, il résulte qu'en l'état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l'état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l'enfant, mais ne peut le faire qu'en ayant recours aux modes d'établissement de la filiation réservés au père.
19. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Selon l'article 7, § 1, de cette Convention, l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.
20. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
21. Aux termes de l'article 14, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
22. Les dispositions du droit national précédemment exposées poursuivent un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elles tendent à assurer la sécurité juridique et à prévenir les conflits de filiation.
23. Elles sont conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant, d'une part, en ce qu'elles permettent l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de ses deux parents, élément essentiel de son identité et qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit à la connaissance de ses origines personnelles, d'autre part, en ce qu'elles confèrent à l'enfant né après la modification de la mention du sexe de son parent à l'état civil la même filiation que celle de ses frère et soeur, nés avant cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l'état civil l'indication d'une filiation paternelle à l'égard de leur géniteur, laquelle n'est au demeurant pas révélée aux tiers dans les extraits d'actes de naissance qui leur sont communiqués.
24. En ce qu'elles permettent, par la reconnaissance de paternité, l'établissement d'un lien de filiation conforme à la réalité biologique entre l'enfant et la personne transgenre - homme devenu femme - l'ayant conçu, ces dispositions concilient l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée et familiale de cette personne, droit auquel il n'est pas porté une atteinte disproportionnée, au regard du but légitime poursuivi, dès lors qu'en ce qui la concerne, celle-ci n'est pas contrainte par là-même de renoncer à l'identité de genre qui lui a été reconnue.
25. Enfin, ces dispositions ne créent pas de discrimination entre les femmes selon qu'elles ont ou non donné naissance à l'enfant, dès lors que la mère ayant accouché n'est pas placée dans la même situation que la femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil reproductif masculin et n'ayant pas accouché.
26. En conséquence, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a constaté l'impossibilité d'établissement d'une double filiation de nature maternelle pour l'enfant M..., en présence d'un refus de l'adoption intra-conjugale, et rejeté la demande de transcription, sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité de Mme Q... à l'égard de l'enfant.
Mais sur le moyen du pourvoi n° H 18-50.080
Enoncé du moyen
27. Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier fait grief à l'arrêt de juger que le lien biologique doit être retranscrit par l'officier de l'état civil, sur l'acte de naissance de la mineure sous la mention de Mme S... Q..., née le [...] à Paris 14e comme « parent biologique » de l'enfant, alors « que selon les dispositions de l'article 57 du code civil, l'acte de naissance d'un enfant mentionne ses seuls « père et mère », qu'en créant par voie prétorienne, une nouvelle catégorie non sexuée de « parent biologique », la cour d'appel de Montpellier, même en faisant appel à des principes supérieurs reconnus au niveau international, a violé les dispositions de l'article 57 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 57 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
28. La loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la mère de l'enfant comme « parent biologique ».
29. Pour ordonner la transcription de la mention « parent biologique » sur l'acte de naissance de l'enfant M... J..., s'agissant de la désignation de Mme Q..., l'arrêt retient que seule cette mention est de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Mme Q... de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec l'enfant et le droit au respect de sa vie privée consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le terme de « parent », neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision, « biologique », établissant la réalité du lien entre Mme Q... et son enfant.
30. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait créer une nouvelle catégorie à l'état civil et que, loin d'imposer une telle mention sur l'acte de naissance de l'enfant, le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressées y faisait obstacle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen du pourvoi n° X 19-11.251 ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour avis consultatif, la Cour :
CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de transcription sur les registres de l'état civil de la reconnaissance de maternité de Mme S... Q... à l'égard de l'enfant M... J..., l'arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° H 18-50.080 par le procureur général près la cour d'appel de Montpellier.
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi, en l'espèce l'article 57 du Code civil :
En ce que :
l'arrêt, au double constat de l'impossibilité légale d'établir un lien de filiation à l'égard de deux personnes de même sexe mariées si ce n'est par la voie de l'adoption et de l'existence -non contestée- d'un lien biologique unissant l'enfant M... J... à Madame S... Q..., épouse de B... J... , a jugé que ce lien biologique devait être retranscrit par l'officier d'État civil, sur l'acte de naissance de la mineure sous la mention de Madame S... Q... née le [...] à Paris XIVe comme « parent biologique» de l'enfant ;
Aux motifs que :
l'intérêt supérieur de l'enfant tel que défini par la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et notamment ses articles 3-1 et 7, imposait comme le demandait subsidiairement B... J..., « d'établir judiciairement la filiation de M... J... à l'égard de ses deux parents biologiques» ;
que seule, la mention sur l'acte de naissance de l'enfant de Madame Q... comme « parent biologique» était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Madame Q... de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec sa fille mineure et le droit au respect de sa vie privée consacrée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ne lui imposant pas un retour à son ancien sexe, même par le détour limité au rétablissement de la présomption de paternité, le terme de « parent », neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision « biologique » établissant de son côté, la réalité du lien entre Madame Q... et son enfant;
Alors que :
selon les dispositions de l'article 57 du Code civil, l'acte de naissance d'un enfant mentionne ses seuls «père et mère »,
qu'en créant par voie prétorienne, une nouvelle catégorie non sexuée de « parent biologique », la cour d'appel de Montpellier, même en faisant appel à des principes supérieurs reconnus au niveau international, a violé les dispositions de l'article 57 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi n° X 19-11.251 par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme Q....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de transcription sur les registres de l'état civil de la reconnaissance de maternité de Mme S... Q... à l'égard de l'enfant M... J..., d'avoir dit qu'il est dans l'intérêt de l'enfant M... J... née le [...] à Montpellier (34) de voir ce lien biologique retranscrit sur son acte de naissance sous la mention de Mme S... Q... née le [...] à Paris 14ème comme « parent biologique » de l'enfant ; d'avoir ordonné la transcription de cette mention sur l'acte de naissance de l'enfant M... J... et d'avoir débouté Mme Q... de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE le litige porte sur la question de savoir si une seconde maternité de l'enfant M... peut être établie au profit de Mme Q... en application des dispositions de l'article 316 du code civil, comme l'affirment principalement Mme Q... et Mme J..., ou si celle-ci est impossible, comme l'affirme le Ministère public dès lors qu'en droit français c'est l'accouchement qui définit la filiation maternelle biologique et que cette filiation maternelle a déjà été établie conformément aux dispositions de l'article 311-25 du code civil par le seul fait de l'accouchement, l'UDAF estimant pour sa part qu'il est de l'intérêt de l'enfant de voir établi que Mme Q... est le père biologique de l ‘enfant de manière à ce que M... J... bénéficie ainsi de la même filiation que ses deux frères ainés ; qu'au soutien de leurs demandes respectives, Madame Q..., Madame J..., et l'UDAF font état en outre du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et celui du droit au respect de la vie privée, les premières pour fonder juridiquement la retranscription à l'état civil de l'acte notarié de reconnaissance prénatale souscrit par Madame Q..., la seconde pour demander que Madame Q... soit reconnue comme le père biologique de cet enfant, traduisant ainsi une conception différente de ce qui constitue dans le cas d'espèce l'intérêt de l'enfant ; que Mme Q... soutient plus particulièrement que son rapport de filiation avec M... J... ne peut constituer un rapport de filiation paternelle, puisqu'elle est devenue femme, et qu'il doit, pour ce motif, être qualifié de rapport de filiation maternelle, avec la précision qu'il s'agit d'une « maternité non-gestatrice », qui n'entre pas en conflit avec la maternité gestatrice de Madame B... J..., mais au contraire la « complète » ; qu'elle conteste en outre la voie de l'adoption moralement et juridiquement impossible, qui lui est fermée en tout état de cause du fait de l'opposition de Madame J... à cette procédure d'adoption ; qu'elle observe que la confirmation de la décision entreprise aurait pour conséquence de la priver de toute possibilité de faire reconnaître son lien de filiation avec l'enfant, en contradiction avec les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le respect de sa vie privée, et en contradiction avec l'intérêt de l'enfant ; que la cour observe que la loi du 18 novembre 2016 qui a modifié les modalités de changement juridique de sexe ne comporte de fait aucune disposition spéciale relative à la déclaration à l'état civil d'une enfant née postérieurement au changement juridique de sexe de son auteur ; que le législateur s'est en effet borné à préciser, dans l'article 68-1 de la loi nouvelle que le changement de sexe restera sans incidence sur la filiation des enfants nés de la personne avant ce changement sans envisager la possibilité pourtant démontrée par ce dossier qu'un enfant naisse des relations sexuelles de deux personnes reconnues de sexe féminin ; que le visa par l'appelante de l'article 21 de la loi du 17 mai 2013 qui dispose que « le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets, à l'égard des époux et des enfants, en France » est inopérant au cas d'espèce car cet article concerne exclusivement les mariages entre personnes de même sexe contractés dans les pays étrangers qui en reconnaissent la validité alors que la France ne la reconnaissait pas encore, et qu'il avait pour but, en tant que mesure transitoire, de consolider leur situation ; qu'il apparaît à la seule lecture de la loi nationale un vide juridique quant au droit applicable à la situation particulière de Madame Q... et l'impossiblité d'une double reconnaissance maternelle selon l'argumentaire développé par les juges du premier degré et par le parquet général ; que néanmoins, le jugement déféré est critiquable en ce que, nonobstant l'interprétation qu'il fait des dispositions de l'article 316, il s'est limité pour statuer sur la demande de Madame Q... à considérer les seules dispositions du droit national, sans examiner si ces dispositions n'étaient pas contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant d'une part, au respect du droit à la vie privée de Madame Q... et/ou de M... J... d'autre part ; qu'une disposition de la loi ne saurait en effet en raison du principe de la hiérarchie des normes qui régit notre ordonnancement juridique aller en contradiction avec des dispositions du droit international issues d'une convention régulièrement ratifiée par la France ;qu'il convient de rappeler à cet égard l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il a été posé par l'article 3-1 de la déclaration internationale des droits de l'enfant (ci-après la CIDE) qui stipule : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; que la CIDE reconnaît également à l'enfant dans son article 7 « dans la mesure du possible le droit de connaître ses parents et d'être éduqué par eux » ; qu'à cet égard il n'est contesté par aucune partie la réalité de la filiation biologique de l'enfant M... J..., issue des relations sexuelles de Madame J... et de Madame Q... ; qu'il est manifeste qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation à l'égard de Madame Q... ; qu'il convient d'évoquer, à titre d'illustration de cette réalité, la situation qui résulterait pour M... du décès de Madame Q... en l'absence de tout lien de filiation reconnu avec son enfant, créant ainsi une inégalité de fait en matière de succession entre les trois enfants issus pourtant de la même union, ou, pour le cas où Madame J... et Madame Q..., toujours unies par les liens du mariage, divorceraient, les difficultés qui pourraient en résulter : l'exercice même de l'autorité parentale de cette dernière pouvant alors être contesté, alors qu'il est de l'intérêt de l'enfant que celle-ci puisse être exercée par ses deux parents ; qu'il est non moins certain que cette filiation ne saurait être établie par la voie de l'adoption, outre que celle-ci est rendue impossible par le refus de Madame J... - refus qui ne saurait constituer un abus de droit, dans la mesure où, comme son enfant, Madame J... a intérêt à ce que soit reconnu la réalité du lien biologique unissant M... à Madame Q... - elle viendrait directement à l'encontre de l'intérêt supérieur de M... de voir reconnaître à l'égal de ses frères la réalité de sa filiation biologique, et non pas la fiction d'une filiation par voie d'adoption ; que c'est d'ailleurs au regard de cet intérêt supérieur de M... J... à voir reconnaître la vérité de sa filiation biologique qu'il apparaît à la Cour qu'il ne peut pas être fait droit à la demande de Madame Q... d'être déclarée comme mère non gestatrice ; que cette déclaration aurait pour effet de nier à M... toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle, et qu'il convient sur ce point de confirmer la décision des premiers juges ; que même si la cour considère que notre droit offrait la possibilité à Madame Q..., tout en conservant son identité de femme, de se reconnaître comme le père biologique de l'enfant M..., une reconnaissance qui aurait traduit la réalité d'une situation certes complexe, le droit au respect de la vie privée de Madame Q..., dans la mesure où il n'est pas incompatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit prévaloir en tout état de cause, exclut qu'on puisse lui imposer cette reconnaissance de paternité ; qu'imposer à Madame Q... un retour à l'ancien sexe, même par le détour limité au rétablissement de la présomption de paternité, reviendrait en effet à la contraindre à renoncer partiellement à l'identité sexuelle qui lui a été reconnue et constituerait une ingérence dans le droit au respect de sa vie privée et de celle de l'enfant, dans la mesure où chaque production de son livret de famille serait l'occasion d'une révélation de la transidentité de son auteur, nonobstant par ailleurs le risque pour l'un et l'autre de discrimination ou d'intolérance ; que dans ces circonstances il est apparu à la cour qu'outre la reconnaissance de la pleine autorité parentale à Madame S... Q..., il convenait de faire droit à la demande subsidiaire de Madame J... « d'établir judiciairement la filation de M... J... à l'égard de ses deux parents biologiques », seule la mention sur l'acte de naissance de M... J... de Madame Q... comme « parent biologique » étant de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établi la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Madame Q... de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec son enfant M... et le droit au respect de sa vie privée consacré par l'article 8 de la CEDH, le terme de « parent »" - neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision, « biologique » - établissant de son côté la réalité du lien entre Madame Q... et son enfant ; que cet état sera donc mentionné sur l'acte de naissance de l'enfant ;
1°) ALORS QUE la loi fixe les règles concernant l'état des personnes ; que s'il incombe au juge de statuer au regard du droit existant, il ne lui appartient pas de créer de nouvelles catégories juridiques de personnes ; que les dispositions du code civil relatives à la filiation ne font référence qu'au père et à la mère, pour établir une filiation, à l'exclusion de toute mention d'une catégorie « neutre » intitulée « parent biologique » ; qu'en l'espèce, en refusant à Mme S... Q... de transcrire sur l'acte de naissance de M... J... la reconnaissance prénatale de maternité du 14 mars 2014 pour y substituer la mention de « parent biologique » tandis qu'une telle catégorie n'existe pas en droit français, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violant l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
2°) ALORS QUE la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un acte de l'état civil, le lien de filiation d'un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans précision de sa qualité de père ou de mère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir reconnaître la réalité de sa filiation biologique avec Mme S... Q... (arrêt, p. 11 § 1) ; que l'établissement d'une filiation par la voie de l'adoption était, en l'occurrence, impossible (arrêt, p. 10 in fine et p. 11 § 1) ; que la cour d'appel a également constaté que le droit au respect de la vie privée de Mme S... Q... excluait qu'il puisse lui être imposé une filiation paternelle (arrêt, p. 11 § 3 et 4) ; qu'il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme S... Q..., mais l'impossibilité de faire figurer sur l'acte de naissance de M... J... une filiation paternelle à l'égard de Mme S... Q..., que seule la mention de Mme S... Q... en qualité de mère, était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée de Mme Q... et de M... J... ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants et erronés qu'une telle filiation « aurait pour effet de nier à M... la filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3-1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;
3°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, en application de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'imposer à Mme S... Q... un lien de filiation paternel « constituerait une ingérence dans le droit au respect de sa vie privée et de celle de l'enfant, dans la mesure où chaque production de son livret de famille serait l'occasion d'une révélation de la transidentité de son auteur, nonobstant par ailleurs le risque pour l'un et l'autre de discrimination » (arrêt, p. 11 § 4) ; qu'en retenant que le terme de « parent biologique » était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établie la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Mme Q... de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec son enfant et le droit au respect de sa vie privée (arrêt, p. 11 in fine), sans expliquer en quoi une telle mention dans le livret de famille ne serait pas également l'occasion d'une révélation de la transidentité de Mme Q..., l'existence de la mention « parent biologique » n'existant pas en droit français et, en conséquence, sans rechercher quelles seraient les conséquences pratiques provoquées par la mention d'un « parent biologique » sur l'acte d'état civil de Mme M... J... au regard du droit à la vie privée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QUE dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme S... Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en jugeant que l'intérêt de l'enfant M... J... était de voir reconnaître avec Mme Q... un lien de filiation non sexué, aux motifs que l'établissement d'un lien de filiation maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et de brouiller la réalité de la filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à l'inverse le fait d'établir une filiation non maternelle avec Mme Q... n'était pas susceptible d'entraîner, pour l'enfant, des conséquences négatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 § 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;
5°) ALORS QUE en application de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l'identité sexuelle des personnes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme S... Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en refusant de faire produire effet à la reconnaissance prénatale de maternité établie par Mme Q... et de reconnaître Mme Q... comme la mère de M... J..., par des motifs inopérants, cependant qu'une personne née femme ayant accouché d'un enfant peut faire reconnaître le lien de filiation maternelle qui l'unit à son enfant biologique, la cour d'appel a créé entre les femmes ayant accouché de l'enfant et les autres mères génétiques une différence de traitement qui ne peut être considérée comme justifiée et proportionnée aux objectifs poursuivis, peu important à cet égard que cela conduise à l'établissement d'un double lien de filiation maternelle biologique, et a violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
6°) ALORS QUE le conjoint de même sexe que le parent biologique d'un enfant est autorisé à adopter l'enfant dans le cadre d'une adoption plénière, de sorte qu'un enfant peut se voir reconnaître un lien de filiation avec deux personnes de même sexe ; que si le législateur a estimé qu'une double filiation maternelle ne pouvait être établie que par la voie de l'adoption, c'est pour ne pas porter atteinte à la vérité biologique ; que dès lors, l'établissement d'une double filiation maternelle par la voie de de l'accouchement et de la reconnaissance prénatale doit être admise lorsqu'elle n'est pas contraire à la vérité biologique ; qu'en refusant à Mme Q... l'établissement d'un lien de filiation maternelle avec son enfant biologique, par des motifs inopérants tenant notamment au fait qu'elle était de même sexe que la mère biologique de l'enfant avec lequel un lien de filiation maternelle était déjà établi et que la loi nationale ne permettrait pas l'établissement d'une double filiation maternelle, la cour d'appel a créé une différence de traitement non justifiée entre les personnes pouvant adopter l'enfant de leur conjoint et les personnes liées biologiquement à un enfant et a ainsi derechef violé l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
7°) ALORS QUE, en définitive, en refusant de reconnaître l'existence d'un lien de filiation maternelle entre Mme Q... et l'enfant M... J... aux motifs qu'une déclaration de maternité non gestatrice aurait « pour effet de nier à M... toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », tandis que la réalité du lien biologique unissant M... J... tant à Mme J... qu'à Mme Q... n'était pas contestée et que les deux filiations maternelles ainsi établies, l'une par la reconnaissance prénatale et l'autre par la mention du nom de Mme J... sur l'acte de naissance après l'accouchement, n'étaient pas concurrentes et ne se contredisaient pas, la cour d'appel a en réalité refusé de faire droit à la demande de Mme Q... en raison de sa transidentité et a, ainsi, violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
8°) ALORS QUE, subsidiairement, le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu'un lien de filiation maternelle peut être établi à l'égard d'une mère d'intention ; qu'en l'espèce, outre le lien biologique existant entre Mme Q... et M... J..., il n'était pas contesté que Mme Q... s'est toujours comportée, et se comporte toujours, comme une mère d'intention pour l'enfant ; qu'en application du droit au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant, la filiation maternelle entre Mme Q... et M... J... doit donc être reconnue et inscrite dans les registres d'état civil de l'enfant ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 3-1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. | En l'état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l'état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l'enfant, mais ne peut le faire qu'en ayant recours aux modes d'établissement de la filiation réservés au père.
Ces dispositions du droit national sont conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant, d'une part, en ce qu'elles permettent l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de ses deux parents, élément essentiel de son identité et qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit à la connaissance de ses origines personnelles, d'autre part, en ce qu'elles confèrent à l'enfant né après la modification de la mention du sexe de son parent à l'état civil la même filiation que celle de ses frère et soeur, nés avant cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l'état civil l'indication d'une filiation paternelle à l'égard de leur géniteur, laquelle n'est au demeurant pas révélée aux tiers dans les extraits d'actes de naissance qui leur sont communiqués.
En ce qu'elles permettent, par la reconnaissance de paternité, l'établissement d'un lien de filiation conforme à la réalité biologique entre l'enfant et la personne transgenre - homme devenu femme - l'ayant conçu, ces dispositions concilient l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée et familiale de cette personne, droit auquel il n'est pas porté une atteinte disproportionnée, au regard du but légitime poursuivi, dès lors qu'en ce qui la concerne, celle-ci n'est pas contrainte par là-même de renoncer à l'identité de genre qui lui a été reconnue.
Enfin, ces dispositions ne créent pas de discrimination entre les femmes selon qu'elles ont ou non donné naissance à l'enfant, dès lors que la mère ayant accouché n'est pas placée dans la même situation que la femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil reproductif masculin et n'ayant pas accouché.
C'est en conséquence à bon droit et sans méconnaître les exigences conventionnelles qu'une cour d'appel constate l'impossible établissement d'une double filiation de nature maternelle pour l'enfant, en présence d'un refus de l'adoption intra conjugale, et rejette la demande de transcription, sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité anténatale établie par l'épouse de la mère |
368 | CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 520 FS-P+B
Pourvoi n° N 18-25.429
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. X... A... U... ,
2°/ Mme F... Q..., épouse A... U... ,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° N 18-25.429 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la famille), dans le litige les opposant :
1°/ à M. O... K..., domicilié [...] ,
2°/ à l'association d'aide aux victimes AVEDE-ACJE, dont le siège est [...] , prise en qualité d'administrateur ad hoc d'C... K...,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. A... U... et de Mme Q..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 septembre 2018), C... K... est né le [...] du mariage de M. K... et de Mme Q.... Le 8 janvier 2008, alors que ces derniers étaient en instance de divorce, M. A... U... a reconnu l'enfant. Une ordonnance de non-conciliation du 7 février 2008 a condamné M. K... à verser mensuellement à Mme Q... une somme de 300 euros à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation d'C.... Le 16 mai 2008, M. A... U... a engagé une action en contestation et en établissement de paternité, qui a été accueillie par jugement du 29 avril 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches et sur le second moyen, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur la quatrième branche du premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. A... U... et Mme Q... font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à M. K... la somme de 29 400 euros en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016, alors « que l'action en répétition de l'indu ne peut être engagée que contre celui qui a reçu le paiement ou pour le compte duquel le paiement a été reçu ; que pour condamner solidairement les époux A... U... au paiement d'une somme de 29 400 euros à M. K... en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement, en l'occurrence Mme A... U... , ou celui qui a évité une dépense, à savoir M. A... U... , et que c'est donc à bon droit que M. K... a dirigé son action à l'encontre de son ancienne épouse, créancière de la contribution, et du père biologique de l'enfant, qui n'a pas contribué à son entretien et s'est en conséquence enrichi ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il ne fut pas possible de condamner le père en répétition de l'indu parce qu'il n'était ni le réceptionnaire, ni le destinataire des paiements litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
4. Vu les articles 371-2 et 1376 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. L'effet déclaratif attaché à un jugement accueillant une action en contestation du lien de filiation fait disparaître rétroactivement l'obligation d'entretien qui pesait sur le parent évincé en application du premier de ces textes, en sorte que les paiements qu'il a fait pour subvenir aux besoins de l'enfant se trouvent dépourvus de cause. Selon le second, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
6. Il s'ensuit que l'action en répétition des paiements effectués au titre d'une contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation du lien de filiation ne peut être dirigée que contre celui qui en a reçu paiement en qualité de créancier.
7. Pour condamner solidairement M. A... U... , avec Mme Q..., à rembourser à M. K... une certaine somme au titre des paiements effectués en exécution de la contribution à l'entretien et à l'éducation d'C... [pendant la période du 07 février 2008 au 29 avril 2016], l'arrêt retient que l'action en répétition peut être dirigée tant à l'encontre de la mère, créancière de la contribution, que contre le père biologique de l'enfant.
8. En statuant ainsi, alors que seule une action fondée sur l'enrichissement injustifié pouvait être engagée contre le père ayant profité du paiement, aux conditions prévues par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur la troisième branche du même moyen
Enoncé du moyen
9. M. A... U... et Mme Q... font le même grief à l'arrêt, alors « que si l'effet déclaratif attaché au jugement décidant qu'une personne n'est pas le père d'un enfant fait disparaître rétroactivement l'obligation d'entretien qui pesait sur elle depuis la naissance de cet enfant, l'action en répétition de l'indu intentée par cette personne afin d'être remboursée des paiements faits pour subvenir aux besoins dudit enfant, qui se trouvent dépourvus de cause, est soumise à la prescription quinquennale ; que pour condamner les époux A... U... à payer à M. K... la somme de 29 400 euros, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation de paternité n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en statuant ainsi, bien que l'action en répétition de l'indu intentée par M. K... n'échappât pas au mécanisme de la prescription extinctive, peu important que les effets du jugement relatifs à la paternité remontassent à la naissance de l'enfant, la cour d'appel a violé à l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 et 1376 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
10. Aux termes du second de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
11. Ce délai, qui correspond à la prescription de droit commun, est applicable, à défaut de dispositions propres aux quasi contrats, à l'action en répétition des paiements effectués en exécution d'une contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation de paternité.
12. Pour condamner Mme Q... à payer à M. K... une certaine somme en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... versée du 7 février 2008, date de l'ordonnance de non conciliation, au 29 avril 2016, date d'établissement de la filiation à l'égard de M. A... U... , l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation de paternité n'est pas soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. A... U... et Mme Q... à payer à M. K... la somme de 29 400 euros, en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. A... U... et Mme Q... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. A... U... et Mme Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement M. X... A... U... et Mme F... Q... à payer à M. O... K... la somme de 29 400 euros en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016 ;
Aux motifs qu'« en matière de filiation, l'effet déclaratif attaché au jugement qui accueille l'action en contestation de paternité formée par le père véritable de l'enfant, prive celui-ci de la qualité d'enfant légitime du mari de la mère, et par voie de conséquence, fait disparaître rétroactivement l'obligation d'entretien qui pesait sur lui en sorte que les paiements opérés se trouvent dépourvus de cause, sauf à rapporter la preuve d'une intention libérale de celui qui aurait su ne pas être le père ; qu'en l'espèce, il est établi que O... K... s'est acquitté du paiement de la part contributive fixée à 300 euros par mois, en exécution des dispositions de l'ordonnance de non conciliation rendue le 7 février 2008, maintenues au stade du prononcé du divorce, et ce, jusqu'au mois d'avril 2016, date à laquelle la paternité de X... A... U... a été judiciairement déclarée ; qu'il n'a fait que se conformer aux prescriptions légales, qui veulent que tant que la paternité n'est pas judiciairement annulée, le père légitime de l'enfant est soumis à l'obligation posée par l'article 203 du code civil ; qu'il en résulte qu'aucune intention libérale ne peut être retenue en l'espèce ; qu'il sera enfin rappelé que l'action en répétition de l'indu fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation de paternité n'est pas soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil ; que l'action en répétition de l'indu peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement, en l'occurrence F... Q..., ou celui qui a évité une dépense, X... A... U... ; que c'est donc à bon droit que O... K... a dirigé son action à l'encontre de son ex épouse, créancière de la contribution et du père biologique de l'enfant, qui n'a pas contribué à son entretien et s'est en conséquence enrichi ; qu'aussi, par infirmation du jugement déféré, F... Q... et X... A... U... seront condamnés in solidum à payer à O... K... la somme de 29 400 euros, représentant sa contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016, soit pendant 8 ans et 2 mois » (arrêt, pages 9 à 10) ;
1° Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses écritures d'appel, M. K... sollicitait, à titre principal, la condamnation de M. A... U... à lui payer une somme de 33 000 euros, correspondant prétendument au montant total de la pension versée entre le 7 février 2008 et le 29 avril 2016, et ne demandait qu'à défaut la condamnation des époux A... U... au paiement de la même somme ; que pour condamner solidairement ces deniers au paiement d'une somme de 29 400 euros à M. K... en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement, en l'occurrence Mme Q..., ou celui qui a évité une dépense, M. A... U... , et que c'est donc à bon droit que M. K... a dirigé son action à l'encontre de son ancienne épouse, créancière de la contribution, et du père biologique de l'enfant, qui n'a pas contribué à son entretien et s'est en conséquence enrichi ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a occulté la demande principale en remboursement dirigée uniquement contre M. A... U... afin de donner directement satisfaction à la demande subsidiaire dirigée contre les deux époux A... U... , a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2° Alors que le juge, qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour condamner les époux A... U... à payer à M. K... la somme de 29 400 euros, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu, qui peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement ou celui qui a évité une dépense, n'est pas soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil lorsqu'elle est fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation de paternité ; qu'en relevant d'office, sans le soumettre préalablement à la discussion des parties, ce moyen tiré de ce que l'action intentée par M. K..., qui serait fondée sur le paiement de l'indu aussi bien envers M. U... qu'envers Mme Q..., échapperait au jeu de la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3° Alors que si l'effet déclaratif attaché au jugement décidant qu'une personne n'est pas le père d'un enfant fait disparaître rétroactivement l'obligation d'entretien qui pesait sur elle depuis la naissance de cet enfant, l'action en répétition de l'indu intentée par cette personne afin d'être remboursée des paiements faits pour subvenir aux besoins dudit enfant, qui se trouvent dépourvus de cause, est soumise à la prescription quinquennale ; que pour condamner les époux A... U... à payer à M. K... la somme de 29 400 euros, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation de paternité n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en statuant ainsi, bien que l'action en répétition de l'indu intentée par M. K... n'échappât pas au mécanisme de la prescription extinctive, peu important que les effets du jugement relatifs à la paternité remontassent à la naissance de l'enfant, la cour d'appel a violé à l'article 2224 du code civil ;
4° Alors que l'action en répétition de l'indu ne peut être engagée que contre celui qui a reçu le paiement ou pour le compte duquel le paiement a été reçu ; que pour condamner solidairement les époux A... U... au paiement d'une somme de 29 400 euros à M. K... en remboursement de la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation d'C... du 7 février 2008 au 29 avril 2016, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement, en l'occurrence Mme A... U... , ou celui qui a évité une dépense, à savoir M. A... U... , et que c'est donc à bon droit que M. K... a dirigé son action à l'encontre de son ancienne épouse, créancière de la contribution, et du père biologique de l'enfant, qui n'a pas contribué à son entretien et s'est en conséquence enrichi ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il ne fut pas possible de condamner le père en répétition de l'indu parce qu'il n'était ni le réceptionnaire, ni le destinataire des paiements litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5° Alors, subsidiairement, que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause a un caractère subsidiaire et ne peut être admise qu'à défaut de toute action ouverte au demandeur ; que pour condamner solidairement les époux A... U... au paiement d'une somme de 29 400 euros à M. K..., qui agissait contre le mari sur le fondement de l'enrichissement sans cause et contre la femme sur le fondement de la répétition de l'indu, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement, en l'occurrence Mme A... U... , ou celui qui a évité une dépense, à savoir M. A... U... , et que c'est donc à bon droit que M. K... a dirigé son action à l'encontre de son ancienne épouse, créancière de la contribution, et du père biologique de l'enfant, qui n'a pas contribué à son entretien et s'est en conséquence enrichi ; qu'en statuant ainsi, quand il apparaissait que M. K... disposait d'une action contre Mme A... U... , dont il n'était ni soutenu ni établi qu'elle serait insolvable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il résultait que l'action dirigée contre M. A... U... ne pouvait être admise, et a partant violé l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;
6° Alors, subsidiairement, que l'indemnité due au titre de l'enrichissement sans cause est égale à la plus faible des deux sommes représentatives, l'une de l'appauvrissement et l'autre de l'enrichissement subsistant dans le patrimoine de l'enrichi à la date de l'exercice de l'action ; que pour condamner M. A... U... solidairement avec son épouse à payer une somme de 29 400 euros à M. K..., qui agissait contre lui sur le fondement de l'enrichissement sans cause, l'arrêt retient que l'action en répétition de l'indu peut être dirigée contre celui qui a reçu le paiement, en l'occurrence Mme A... U... , ou celui qui a évité une dépense, à savoir M. A... U... , et que c'est donc à bon droit que M. K... a dirigé son action à l'encontre de son ancienne épouse, créancière de la contribution, et du père biologique de l'enfant, qui n'a pas contribué à son entretien et s'est en conséquence enrichi ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'enrichissement procuré au père, qui aurait été dispensé d'avoir à contribuer à l'entretien de son fils, n'était pas d'un montant inférieur à celui de l'appauvrissement subi par M. K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X... A... U... à payer à M. O... K... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
Aux motifs que « sur la demande de dommages et intérêts formulée par O... K..., c'est à bon droit que le tribunal a retenu que l'attitude de X... A... U... , qui n'ignorait pas sa paternité à l'égard d'C... depuis sa naissance et a instauré avec celui-ci une relation de père à fils et une vie familiale pendant 4 ans, à l'insu de O... K... et a laissé celui-ci s'investir affectivement et financièrement auprès d'C..., constituait une faute à l'origine d'un préjudice moral dont il pouvait obtenir réparation ; que le comportement tout aussi fautif de F... Q... a été sanctionné dans le cadre de la procédure de divorce, par sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1241 du code civil ; que dans ces circonstances, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné X... A... U... à payer à O... K... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, aucun élément ne justifiant de remettre en cause l'évaluation des premiers juges, et l'appelant sera débouté de sa demande de condamnation solidaire à rencontre de F... Q... » (arrêt, page 10) ;
Et aux motifs adoptés que « sur la demande de dommages et intérêts formée par O... K..., il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen que Mme Q... a d'ores et déjà été condamnée à lui payer, dans le cadre de leur divorce, la somme de 5 000 euros, pour avoir dissimulé à son mari une liaison extra-conjugale tout en le laissant s'investir quatre années durant auprès d'un enfant qui devait être reconnu par X... A... U... le 8 janvier 2008 ; qu'il résulte de cette décision et des attestations versées dont celle de I... A... U... que leurs enfants jumeaux aînés nés le [...] étaient tenus au courant de la liaison de leur mère et C... rencontrait très régulièrement X... A... U... et l'appelait "papa" ; qu'une vie de famille parallèle a été instaurée entre Mme Q... et X... A... U... à l'insu de O... K... ; qu'il résulte de ces éléments que X... A... U... n'ignorait nullement sa paternité à l'égard de l'enfant depuis sa naissance, qu'il a instauré à l'insu de O... K... une relation de père à fils avec C... dans le cadre d'une vie de famille parallèle tout en laissant O... K... dans l'ignorance de la situation et de sa non-paternité durant plus de quatre années, le laissant s'investir affectivement et financièrement auprès d'C... ; que cette attitude constitue une faute à l'origine d'un préjudice qui justifie de condamner X... A... U... à indemniser O... K... à hauteur de la somme de 5 000 euros » (jugement, page 9) ;
1° Alors que si la réparation du dommage doit être intégrale, elle ne saurait en tous cas excéder le montant du préjudice ; que pour condamner M. A... U... à payer une somme de 5 000 euros à M. K... à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le premier a fautivement causé un préjudice au second en instaurant à son insu avec C..., dont il connaissait la véritable filiation dès sa naissance, une relation de père à fils et une vie familiale pendant quatre ans, en laissant M. K... s'investir affectivement et financièrement auprès de l'enfant ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le comportement également fautif de la mère avait déjà été sanctionné dans le cadre de la procédure de divorce par sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros, la cour d'appel a réparé une deuxième fois le même préjudice, en violation de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
2° Alors, en toute hypothèse, que dans ses conclusions d'appel, M. A... U... faisait valoir que M. K... savait ne pas pouvoir concevoir d'enfant naturellement, ce dont témoignait le fait que la naissance des jumeaux R... et V... avait nécessité une fécondation in vitro, et qu'il s'était enfermé, dès avant la naissance d'C..., dans une attitude de déni, qui était la cause déterminante de son préjudice ; qu'en négligeant de répondre à ce moyen pertinent, de nature à exonérer partiellement ou totalement M. A... U... de sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile. | Il résulte des articles 371-2 et 1376 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que l'action en répétition des paiements effectués au titre d'une contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant fondée sur l'effet déclaratif d'un jugement accueillant une action en contestation du lien de filiation ne peut être dirigée que contre celui qui en a reçu paiement en qualité de créancier. Seule une action fondée sur l'enrichissement injustifié peut être engagée contre le père ayant profité du paiement, aux conditions prévues par la loi |
369 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 521 FS-P+B
Pourvoi n° T 19-15.939
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. F... I...,
2°/ Mme S... O..., épouse I...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° T 19-15.939 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Crédit industriel et commercial, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme I..., de Me Le Prado, avocat de la société Crédit industriel et commercial, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2019), M. I... s'est engagé, avec sa soeur, en qualité de caution solidaire auprès de la société Crédit industriel et commercial (la banque), pour garantir le règlement du prêt consenti à une société dans laquelle ils étaient associés et qui a été placée en liquidation judiciaire le 7 avril 2009. Par jugement du 26 mai 2010, le tribunal de commerce a inscrit au passif de cette liquidation la créance de la banque et condamné les cautions à payer à celle-ci la somme principale de 107 300,60 euros.
2. La banque a assigné M. I... et son épouse séparée de biens pour voir ordonner, sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, le partage de l'indivision existant entre eux et, pour y parvenir, la licitation du bien immobilier indivis servant au logement de la famille.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur la quatrième branche du moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme I... font grief à l'arrêt d'ordonner qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux et à la vente sur licitation de l'immeuble indivis sur une mise à prix de 350 000 euros, alors « que l'article 215, alinéa 3, du code civil est applicable à la demande en partage d'un bien indivis par lequel est assuré le logement de la famille ; qu'en affirmant, pour ordonner la licitation partage du logement familial des époux I..., que les dispositions de l'article 215, alinéa 3, du code civil ne sont pas opposables au créancier agissant sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, la cour d'appel a violé par refus d'application des dispositions de l'article 215, alinéa 3, du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Les dispositions protectrices du logement familial de l'article 215, alinéa 3, du code civil ne peuvent, hors le cas de fraude, être opposées aux créanciers personnels d'un indivisaire usant de la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur en application de l'article 815-17, alinéa 3, du même code.
6. C'est dès lors à bon droit qu'en l'absence de toute allégation de fraude, la cour d'appel a accueilli la demande de la banque tendant, sur le fondement de ce texte, au partage de l'indivision existant entre les époux I... et à la licitation du bien immobilier servant au logement de leur famille.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme I... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. et Mme I....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné qu'il soit procédé aux opérations de compte liquidation de partage des intérêts patrimoniaux de M. F... I... et de Mme S... O..., ordonné la vente sur licitation devant le tribunal de grande instance de Bobigny et en un seul lot de l'immeuble situé [...] , lots 1347, 710 et 368, fixé la mise à prix à 350 000 € avec possibilité en l'absence d'enchères de baisse du quart, puis du tiers du prix initialement fixé, dit que l'avocat poursuivant devra procéder aux formalités de publicité préalables à la vente par adjudication à la barre du tribunal par voie d'affichage aux emplacements prévus à cet effet, de publication sur un site internet spécialisé et dans deux journaux locaux de son choix, commis la SCP [...], Huissier de justice à Tremblay, afin de procéder à la visite sous quinzaine précédant la vente pour une durée de deux heures, désigné Maître Q... A..., Notaire, pour établir l'acte de partage et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
selon l'article 81 5-17 du code civil, le créancier personnel d'un indivisaire a la faculté de provoquer le partage de l'indivision au nom de son débiteur
Considérant que pour s'opposer en son principe à la demande en partage et licitation. les époux I... font valoir :
que l'action oblique se heurte aux dispositions impératives de l'article 1415 du code civil, s'appliquant selon eux sans aucune distinction à tous les régimes matrimoniaux, et qu'il aurait fallu que l'épouse consente expressément à l'engagement de cautionnement pris par son époux pour engager sa quote-part de propriété ;
que l'adage selon lequel nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision ne peut s'appliquer à une indivision maritale que dans le cadre du divorce ;
que pour être opposable à Mme I... O..., le jugement du tribunal de commerce de Versailles aurait dû lui être signifié en vertu de l'article 503 du code civil selon lequel les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés ;
que l'action en partage est irrecevable dès lors que le CIC ne justifie pas des démarches amiables exigées par l'article 1360 du code de procédure civile et que ne sauraient valoir comme telles, les courriers recommandés qui leur ont été adressés les 13 et 16 janvier 2012, mentionnant de façon erronée que faute pour les époux I... de satisfaire aux exigences de la banque, une procédure de vente judiciaire serait engagée devant le tribunal de grande instance de Versailles, alors que le bien est situé dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny ;
que l'action du CIC est également irrecevable tant que le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Versailles n'est pas purgé de la voie de la tierce opposition. ouverte à Mme O... pendant 30 ans à compter de la décision ;
Mais considérant que le CIC répond à juste titre
que l'article 1415 du code civil n'est applicable qu'aux époux mariés sous le régime de la communauté, la cour ajoutant que l'action oblique de l'article 815-17 alinéa 3 du code civil n'a pas pour effet de permettre au CIC de recouvrer sa créance sur la part devant revenir à Mme O..., laquelle n'est en effet pas débitrice de la banque, mais peut seulement arrêter le cours de l'action en payant la dette aux lieu et place de son mari, co-indivisaire.
que cette action n'est pas plus constitutive d'une voie d'exécution du jugement du tribunal de commerce de Versailles, de sorte Mme O... invoque à tort le non-respect des dispositions de l'article 503 du code de procédure civile, la cour ajoutant que ce jugement a en outre été finalement signifié à l'intéressée par exploit d'huissier du 3 février 2015;
que les dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile ne sont pas applicables au créancier personnel d'un indivisaire qui exerce l'action oblique en partage, et surabondamment qu'il a invité les époux I... à procéder à un partage amiable de l'indivision par lettres des 13 et 16 janvier 2012, les appelants ne justifiant pas du grief que leur causerait l'erreur commise sur la désignation du tribunal compétent pour connaître le cas échéant de la procédure de vente judiciaire ;
que l'article 815 du code civil, selon lequel nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision, s'applique sans exception à toutes les indivisions, de sorte qu'il importe peu qu'il s'agisse en l'espèce d'une indivision entre deux époux ;
que la tierce opposition a été purgée, dès lors que Mme S... O..., à qui le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 28 mai 2010 et celui rectificatif du 25 juin 2010, ont été signifiés à cette fin le 3 février 2015, n'a exercé aucun recours dans les deux mois qui lui étaient impartis, ainsi que cela résulte du certificat du greffe du tribunal de commerce du 11 mai 2015 ;
Qu'il suffit d'ajouter, pour répondre à d'autres moyens figurant dans le dispositif du jugement (relatifs à la protection du logement de la famille, et à l'impossibilité de le contraindre M. I... d'engager une action coutre son épouse), que les dispositions de l'article 215 alinéa 3 du code civil ne sont pas opposables au créancier agissant sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, que l'article 815-17 du code civil s'applique à toutes les indivisions quelles qu'elles soient
Considérant que les époux I... font valoir qu'ils sont de bonne foi et qu'à la date du 5 août 2018, ils avaient déjà versé la somme de 60.000 € ; qu'ils demandent une "suspension de la procédure pendant un délai de 2 ans suivi de délai de paiement à hauteur de 24 mois" ;que dans le corps de leurs écritures, ils offrent de verser une mensualité de 71.000 €, puis 21 mensualités de 1.200 €, le solde devant être apuré à la 24ème mensualité
Considérant que le CIC s'y oppose au motif que les époux I... ne justifient pas des moyens d'apurer la créance
Considérant qu'en vertu de l'article 815-17 alinéa 3 du code civil, le co-indivisaire peut arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur
Considérant qu'au vu du décompte actualisé au 14 août 2018, lequel tient compte des trois règlements de 20.000 € invoqués par les époux I.... il apparaît que la créance du CIC s'élève encore à la somme de 114.839,99 €
Que les époux I... ne fournissent aucun élément sur leur situation financière; que le CIC fait à juste titre observer que sur la somme de 71.000 € qu'ils avaient consignée en première instance, il ne reste plus, selon la lettre de leur propre conseil en date du 6 juin 2017, que celle de 31.000 €.
Qu'au vu de l'ancienneté de la dette et de l'absence de garantie de paiement fournie par le débiteur et le co-indivisaire, la demande tendant à l'octroi de délai de paiement sera rejetée.
Considérant que pour la vente aux enchères soit attractive, la mise à prix ne doit pas être équivalente à la valeur vénale du bien que cependant, l'appartement en cause est d'une surface de 112,5 m2 (selon les critères de la loi Carrez), comprend deux terrasses privatives, et est associé à un parking et une cave qu'au regard de sa localisation, proche de Paris, le montant de la mise à prix apparaît dérisoire et sera porté à 350.000 €
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera réformé de ce chef, toutes les autres dispositions étant confirmées,
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
Sur l'ouverture des opérations de compte-liquidation et de partage
Les époux I...-O... opposent à la banque le moyen tiré de l'application de l'article 1415 du code civil et avancent que la banque ne rapporte pas la preuve de ce que Mme S... O... a consenti à l'engagement de caution de son époux.
Cependant les défendeurs étant mariés sous le régime de la séparation de bien, cette disposition ne saurait faire échec au partage dès lors que nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision.
Les époux I...-O... opposent également à la banque les dispositions de l'article 503 du code de procédure civile, en ce que le jugement de condamnation ne pourrait être exécuté faute d'avoir été signifié à Mme O.... Il est cependant constant que l'action engagée par la banque ne constitue pas une voie d'exécution mais permet simplement au créancier d'exercer par la voie oblique l'action en liquidation partage de son débiteur inerte en application de l'article 815-17 du code civil, alors que sa créance peut être en péril.
Le moyen opposé par les défendeurs est donc inopérant.
Les époux I...-O... soutiennent encore que la banque n'a pas respecté la tentative de partage préalable exigée à l'article 1360 du code de procédure civile sous peine d'irrecevabilité.
Toutefois, le créancier est dispensé de rapporter la preuve d'une telle tentative lorsque l'action oblique en partage est engagée par le créancier personnel d'un indivisaire. En outre, et nonobstant cette dispense il est versé aux débats les courriers des 13 et 16 janvier 2012 restés sans réponse, aux termes desquels la banque a demandé aux époux s'ils entendaient procéder à un règlement amiable en vendant de gré à gré le bien ou en procédant à une cession des droits de M. I... au profit de son épouse.
Le moyen tiré de l'opposition à la poursuite des opérations de la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux doit donc être rejeté.
Les époux I...-O... font enfin valoir que le délai imparti à Mme O... pour former tierce opposition au jugement en application des articles 582 et 586 du code de procédure civile n'est pas purgé, de sorte que Mme O... peut encore contester le titre de condamnation sur le fondement duquel la banque entend provoquer le partage.
Il apparaît néanmoins que la banque a fait procéder à la signification du jugement du 28 mai 2010 à Mme O... le 3 février 2015. L'acte de notification mentionne de façon apparente le délai de 2 mois qui lui était imparti à compter de cette date pour faire réformer ou rétracter le jugement.
La banque produit le certificat du greffe du tribunal de commerce en date du 11 mai 2015, soit plus de deux mois après, établissant l'absence d'enregistrement d'une telle voie de recours.
Dans ces conditions le moyen opposé par les défendeurs est inopérant.
L'article 815-17 en ses alinéas 2 et 3 du code civil dispose que les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part sur les biens indivis, meubles ou immeubles, mais qu'ils ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur, et d'intervenir dans le partage provoqué par eux.
L'exercice de cette action oblique est subordonnée à la carence ou à la négligence de l'indivisaire débiteur compromettant les intérêts du créancier.
En l'espèce, il apparaît que M. I... n'a engagé aucune démarche concrète pour procéder au partage de l'indivision avec Mme O... composée notamment à l'actif du bien immobilier dans lequel il dispose de la moitié des droits, ni pour acquitter sa dette.
Son inaction certaine à demander le partage préjudicie à la banque et justifie l'intérêt sérieux et légitime de cette dernière à agir.
Les délais de paiement invoqués par M. I... ne sauraient empêcher le partage, dès lors qu'il n'est établi que la créance puisse être acquittée au vu de la somme restant en compte CARPA soit 31000 € seulement alors M. I... proposait dans ses dernières écritures de verser à la banque 71000€ dès la première mensualité.
Il s'ensuit que les conditions pour provoquer le partage sont réunies.
Il sera donc fait droit à la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation partage formée par la banque CIC,
1° ALORS QUE les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés ; qu'en l'espèce, la décision de condamnation de M. I..., époux co-indivisaire, fondant les poursuites aux fins de licitation partage de l'immeuble indivis n'a jamais été signifiée à Mme O..., épouse I..., de sorte qu'en retenant, pour décider qu'aucune signification n'était nécessaire à l'égard de l'épouse, que l'action de la CIC n'étant pas constitutive d'une voie d'exécution du jugement, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 503 du code de procédure civile,
2° ALORS QUE les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été préalablement été notifiés ; qu'en retenant, pour décider que la décision de condamnation de M. I..., époux co-indivisaire, fondant les poursuites aux fins de licitation partage de l'immeuble indivis, était opposable à Mme O..., épouse I..., que cette décision avait finalement été signifiée à l'épouse, le 3 février 2015, soit près de deux ans après l'assignation aux fins de licitation partage, la cour d'appel a encore méconnu les dispositions de l'article 503 du code de procédure civile,
3° ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances observer lui-même le principe du contradictoire et ne peut soulever d'office un moyen, même de pur droit sans inviter au préalable les parties à en débattre contradictoirement ; qu'en relevant d'office, pour ordonner la licitation partage du logement familial des époux I..., que les dispositions de l'article 215, alinéa 3, du code civil ne sont pas opposables au créancier agissant sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, sans avoir préalablement ordonné la réouverture les débats et sans avoir invité les parties à s'expliquer sur la non-application de l'article 215, alinéa 3, du code civil, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile,
4° ALORS QUE l'article 215, alinéa 3, du code civil est applicable à la demande en partage d'un bien indivis par lequel est assuré le logement de la famille ; qu'en affirmant, pour ordonner la licitation partage du logement familial des époux I..., que les dispositions de l'article 215, alinéa 3, du code civil ne sont pas opposables au créancier agissant sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, la cour d'appel a violé par refus d'application des dispositions de l'article 215, alinéa 3, du code civil. | Les dispositions protectrices du logement familial de l'article 215, alinéa 3, du code civil ne peuvent, hors le cas de fraude, être opposées aux créanciers personnels d'un indivisaire usant de la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur en application de l'article 815-17, alinéa 3, du même code |
370 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 522 FS-P+B
Pourvoi n° M 19-15.818
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
M. L... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.818 contre l'arrêt rendu le 15 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à Mme H... P..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. A..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme P..., et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2019), X... A..., née le [...] , est décédée le 13 avril 2014, laissant pour lui succéder son frère, M. A..., en l'état d'un testament olographe du 5 octobre 2012, léguant divers biens mobiliers et immobiliers à Mme P..., infirmière libérale.
2. Celle-ci a assigné M. A... en délivrance de son legs.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à constater l'incapacité de Mme P... à recevoir le legs consenti par X... A..., alors « que les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ; qu'en jugeant qu'une des conditions de l'article 909 du code civil n'était pas remplie en ce que le testament avait été rédigé avant que la maladie ait été diagnostiquée tout en constatant que Mme A... était déjà malade au jour de la rédaction du testament, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a violé l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 909 du code civil :
4. Selon ce texte, les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.
5. Pour dire que Mme P... a la capacité de recevoir le legs, l'arrêt retient qu'après avoir passé un scanner des sinus puis une IRM les 2 et 4 octobre 2012, examens qui ont objectivé un volumineux syndrome de masse au niveau du sinus maxillaire, X... A... a rédigé le testament le 5 octobre 2012, avant un examen tomodensitométrique effectué le 8 octobre et l'exérèse et la biopsie pratiquées le jour suivant, qui ont permis de poser le diagnostic du caractère malin de la masse, lequel ne pouvait être suspecté à partir des symptômes apparus courant septembre et octobre 2012. Il relève que si Mme P..., infirmière de profession, a prodigué des soins à X... A... au cours de cette période, le testament litigieux a été rédigé avant le diagnostic de la maladie dont cette dernière est décédée. Il ajoute que la libéralité trouve sa cause dans les liens affectifs anciens et libres de toute emprise, entretenus par la testatrice avec celle qui lui apportait son soutien et sa présence après le décès de son époux.
6. En statuant ainsi, alors que l'incapacité de recevoir un legs est conditionnée à l'existence, au jour de la rédaction du testament, de la maladie dont est décédé le disposant, peu important la date de son diagnostic, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt
et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. A....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. L... A... de sa demande que soit constaté que Mme H... P... n'a pas la capacité de recevoir le legs fait à son profit par Mme X... A..., épouse V..., dans son testament olographe du 5 octobre 2012 et, qu'en conséquence, Mme H... P... soit condamnée à restituer à M. L... A... l'ensemble des biens qui lui ont été légués et à payer les intérêts au taux légal sur la valeur de ces biens depuis le jour de leur délivrance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « considérant que tout en ne visant plus dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, que l'article 909 du code civil pour demander de constater que Mme P... n'a pas la capacité de recevoir le legs fait à son profit par X... A... et la voir condamner à lui restituer l'ensemble des biens qui lui ont été légués avec les intérêts au taux légal depuis le jour de leur délivrance, M. L... A... fait un développement sur l'emprise qu'aurait exercée Mme P... sur X... A... ; qu'il expose à ce titre que Mme P... qui exerce la profession d'infirmière libérale, s'est à ce titre occupée de L... V... mari de X... A..., auquel elle a prodigué des soins dès l'année 2002 jusqu'à son décès survenu le 10 février 2003 ; que dans le cadre de l'hospitalisation à domicile de celui-ci, elle s'est installée dans la propriété du couple et que selon une attestation qu'il produit aux débats, émanant de Mme I... infirmière, Mme P... qui n'était alors qu'en stage d'infirmière a fait en sorte de se voir confier la prise en charge complète de M. V... ; qu'il soutient que Mme P... a dès cette époque, mis en oeuvre une certaine emprise sur le couple âgé et fragilisé par la maladie de M. V... ; que Mme P... a fait le vide autour de sa patiente en l'isolant de sa famille et de ses proches et que c'est dans ces conditions, tandis qu'elle s'est retrouvée seule avec X... A..., qu'elle a pu se faire consentir le testament litigieux ; qu'il observe que Mme P... s'est installée sur place entre 2002 et 2014 alors qu'elle avait tout à fait les moyens de louer ou d'acheter un bien immobilier ; qu'il remarque que des actes "étranges" ont été signés par Mme P... et X... A..., tels que la constitution d'une SCI le 4 décembre 2009, dont Mme P... détenait la majeure partie du capital et l'achat par ladite SCI d'un studio à Paris, ce qui n'a rien d'anodin ; que le legs litigieux porte notamment sur les deux parts de SCI dont X... A... était porteuse ; que sans tirer de conséquences de ces affirmations en ce qu'il ne sollicite plus l'annulation du testament litigieux, M. L... A... fait valoir que ce contexte disqualifie toute relation d'amitié entre Mme P... et X... A... ; que M. L... A... entend voir juger que Mme P... doit être reconnue frappée de l'incapacité de recevoir concernant les membres des professions médicales sous certaines conditions, telle que prévue par l'article 909 du code civil ; qu'il fait valoir à cet effet que X... A... a rencontré des soucis au niveau de son oeil dès 2009, qui se sont aggravés durant l'été 2012 ; qu'un cancer a été diagnostiqué après des examens pratiqués en octobre 2012 et qu'elle a subi en urgence une intervention chirurgicale le 9 octobre 2012 après qu'un cancer a été diagnostiqué, localisé au niveau de ses fosses nasales ; qu'elle a ensuite été hospitalisée jusqu'au 18 octobre 2012, date à laquelle elle est revenue à son domicile où elle a été soignée par radio et chimiothérapie jusqu'à son décès ; que le cancer a été la cause de son décès et que durant celui-ci Mme P... lui a administré des soins en tant qu'infirmière, à domicile ; que le docteur T... a fait remonter le début de la maladie à une date bien antérieure, sans précision ; qu'il soutient que le néoplasme s'est développé de nombreux mois avant l'opération et avant la rédaction du testament ; qu'il a été la cause de l'opération de X... A... et des soins postopératoires ; que les soins infirmiers ont été administrés par Mme P... pour un montant total d'actes de 11 971,20 euros ; qu'ils constituent des actes tendant à soigner la défunte de sa dernière maladie durant laquelle le testament a été rédigé ; qu'il en déduit que Mme P... n'a pas la capacité de recevoir le legs ; considérant que l'intimée se défend de toute emprise exercée sur X... A... qui avait 68 ans lorsqu'elle l'a rencontrée pour la première fois, tandis qu'elle n'était encore qu'infirmière stagiaire ; que X... A... possédait toutes ses facultés physiques et intellectuelles non seulement à cette date mais jusqu'à son décès et que lors de leur rencontre elle n'avait aucunement besoin de soins infirmiers pour elle-même ; qu'elle avait au contraire un fort caractère et a toujours démontré une personnalité indépendante et produit à cet effet plusieurs attestations ; qu'elle conteste la valeur probante des attestations produites par M. L... A... et leur absence de crédibilité pour certaines, du fait de ce que leurs auteurs n'avaient plus de relations avec X... A... depuis de nombreuses années, ou vivaient à l'étranger ou se contredisent ; que d'autre part, Mme P... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les conditions d'application de l'article 909 du code civil n'étaient pas remplies, notamment en raison de ce qu'elle-même, ni la défunte n'avaient connaissance de la maladie lorsque la libéralité a été consentie, celle-ci ayant été diagnostiquée postérieurement ; considérant ceci exposé et en premier lieu que de nombreuses attestations produites par l'intimée, qui émanent pour la plupart de personnes qui ont bien connu la défunte, puisque s'agissant de voisins ou amis proches du couple, et les ayant fréquentés de longue date, convergent pour décrire X... A... comme une femme dynamique, enjouée, joyeuse, qui a travaillé toute sa vie, à la forte personnalité et ayant une vie mondaine au sens où elle sortait et recevait beaucoup, quasiment jusqu'à la fin de sa vie ; que Mme C... et Mme G..., cette dernière liée d'amitié à X... A... pendant 46 ans, ont gardé avec elle, sans aucune entrave, des relations et témoignent de ce que Mme P... constituait une compagnie agréable pour elle et qu'elle en parlait avec bienveillance ; que Mme C... a constaté entre elles beaucoup d'amitié et de connivence et a reçu de la défunte la confidence selon laquelle Mme P... lui apportait son soutien ; que ces témoignages combattent ceux produits par l'appelant qui émanent de personnes qui n'avaient pas les mêmes liens de proximité avec X... A... ou s'étaient éloignées géographiquement et ne sont pas à même d'évoquer les relations de Mme P... et de X... A... durant les dernières années ; que le témoignage de Mme I... qui concerne l'hospitalisation à domicile de M. V... apparaît confus et imprécis et surtout celle-ci qui n'a pas revu par la suite, soit après le décès de M. V... datant de 2003, X... A..., ne peut relater des constatations qu'elle a été menées à faire personnellement quant à la relation unissant cette dernière à S... ; que le témoignage fourni par la nièce de X... A..., Mme Q..., qui vise à décrire la personnalité de Mme P..., est contredit par les paroles et gestes d'affection que celle-ci manifestaient vis à vis tant de sa tante que de Mme P... lors de correspondances envoyées aux deux femmes et lors de son mariage en Irlande, auquel Mme P... a été conviée en 2009 ; qu'en cet état, la preuve n'est pas rapportée de l'emprise invoquée qui résulterait de la personnalité de Mme P... et de l'isolement qu'elle aurait organisé autour de X... A..., qui viendrait ternir le lien d'amitié ou d'affection que X... A... a pris le soin de rappeler de manière simple et claire dans l'expression de ses dernières volontés, afin, s'il en était besoin, de les justifier ; considérant d'autre part que selon l'article 909 alinéa 1er du code civil, les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ; considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que ce texte n'avait pas lieu à s'appliquer aux circonstances de l'espèce ; qu'il suffit de rappeler que les incapacités édictées par cet article sont d'interprétation stricte ; que surtout, il résulte des pièces médicales versées que X... A... a subi divers examens d'investigation à une date concomittante à l'établissement du testament litigieux, pour des saignements de nez récurrents ; qu'elle a ainsi passé un scanner des sinus puis une IRM les 2 et 4 octobre 2012, examens qui ont objectivé un volumineux syndrome de masse au niveau du sinus maxillaire et de la fosse nasale droit, laissant penser à un "papillome inversé", qui est la plupart du temps une tumeur bénigne ; qu'il résulte de l'attestation établie par le docteur O..., médecin spécialiste ORL ayant suivi X... A... à partir du mois de septembre 2012, qu'il a adressé celle-ci au docteur T..., médecin de la même spécialité pour exérèse et analyse histologique de la masse repérée au niveau des sinus ; que ce n'est qu'à la suite d'un examen tomodensitométrique du 8 octobre 2012 suivi du geste opératoire d'exérèse et de la biopsie pratiquée, qu'un diagnostic a été posé qui a constaté le caractère malin de la masse, lequel ne pouvait selon le praticien, être suspecté à partir des symptômes apparus courant septembre et octobre 201 se manifestant par des épistaxis et des signes oculaires ; que le diagnostic de cancer n'a donc pu être fait comme le prétend l'appelant, avant l'intervention du 9 octobre 2012 et l'analyse de la masse retirée ; que le testament litigieux a été rédigé le 5 octobre 2012 soit antérieurement ; que le certificat établi par le docteur T... dont se prévaut l'appelant est en fait un questionnaire renseigné par ce dernier le 24 juin 2013, destiné à être joint, comme l'imprimé l'indique, à une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées ; que le médecin y évoque l'existence d'un "néoplasme orl datant de 2011-2012", sans autres précisions ; que cependant le terme néoplasme désigne une tumeur constituée de cellules qui prolifèrent de façon excessive mais qui n'est pas nécessairement maligne ; qu'il a été vu que début octobre 2012 le diagnostic de tumeur cancéreuse n'était pas posé ; que cette pièce est inopérante ; que si Mme P... ne conteste pas avoir prodigué des soins à X... A... pendant la période précédant le diagnostic, voire après, il ne peut qu'être constaté que le testament litigieux avait été rédigé avant le diagnostic de la maladie dont X... A... est décédée ; que par conséquent, l'une des conditions d'application de l'article susvisé fait défaut ; qu'il est manifeste en outre et expressément proclamé par la défunte, que les soins prodigués par Mme P... ne sont pas à l'origine de la libéralité querellée, mais que celle-ci trouve sa cause dans les liens affectifs anciens entretenus par la testatrice avec celle qui lui apportait son soutien et sa présence dans le cadre de relations d'affection libres de toute emprise depuis plus de 10 ans, après le décès de son époux ; considérant que le tribunal a exactement dit que Mme P... n'est pas frappée d'une incapacité à recevoir le legs découlant de l'article 909 du code civil, que par conséquent le testament olographe et son codicille du 28 janvier 2014 doivent recevoir plein effet et ajustement condamné M. A... à verser à Mme P... les intérêts au taux légal sur la partie du legs constitué de sommes d'argent, à compter du 27 janvier 2015 ; »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la qualité de légataire de Madame P... et sur la délivrance de son legs ; qu'aux termes de l'article 1014 du code civil, "Tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause ; que néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu'à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie" ; qu'en l'espèce, la propriété des biens légués à Madame P... lui a été transmise de plein droit du seul fait du décès de la testatrice, ce transfert s'opérant sans formalité, puisque ses droits sur les biens légués sont établis par l'acte lui-même ; qu'en ce qui concerne la possession des biens légués, la demande de délivrance du legs par sommation du 9 octobre 2014 a permis à Madame P... de se mettre en possession de la chose léguée à compter de cette date et d'en prétendre les fruits, dont la jouissance ; que par ailleurs, Madame P... a bien accepté son legs par un courrier du 17 août 2014 ; qu'enfin, depuis le décès, Madame P... jouit de l'immeuble objet de son legs particulier, dont elle détient seule les clés ; qu'elle est donc en possession de l'immeuble et de son contenu, au vu et su de Monsieur A... ; que Monsieur A... ne s'étant pas opposé, en tant qu'héritier légitime, ni à la qualité de légataire de Madame P... au vu de l'acte de notoriété signé par lui le 14 octobre 2014, ni à la jouissance des biens légués à Madame P... par elle-même, dont il était au fait, il convient de constater que Monsieur A... a donné son consentement volontaire quoique tacite à la délivrance du legs de Madame P... ; qu'il lui revient donc de délivrer effectivement le legs à celle auquel il revient ; que sur la compétence du juge civil en matière d'abus de faiblesse ; qu'aux termes de l'article 223-15-2 du code pénal, constitue une infraction pénale l'abus frauduleux de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, pouvant notamment être due à son âge ou à une maladie, est apparente ou connue de son auteur, résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ; que le juge civil n'est donc pas compétent pour statuer sur l'existence d'un abus de faiblesse ; qu'en revanche, il est compétent pour apprécier l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte, laquelle témoignerait de la situation de faiblesse dans laquelle Madame V... se trouvait au moment de l'acte et fonderait la nullité de celui-ci ; que sur l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ; qu'aux termes de l'article 414-1 du code civil, "Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit ; que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte" ; qu'en l'espèce, Monsieur A... agit en nullité du testament olographe du 5 octobre 2012, il lui appartient donc de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ; qu'or il convient de constater que l'ensemble des pièces fournies n'apportent aucune preuve directe de l'existence d'un tel trouble ; que Madame V... a écrit un testament régulier en la forme, d'une écriture nette et sans aucune hésitation ; que le testament ne comporte aucune incohérence et l'expression est particulièrement soignée ; que par ailleurs, les deux certificats médicaux fournis par les parties, postérieurs à la rédaction du testament du 5 octobre 2012, attestent tous deux d'un état de santé physique et psychique peu compatible avec l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte, alors même que l'état de santé de Madame V... s'était particulièrement dégradé entre le moment de l'acte et celui de l'établissement de ces certificats médicaux ; qu'enfin, les attestations fournies par la défense censées justifier le comportement abusif de Madame P... envers Madame V... et, partant, témoigner de l'existence d'un trouble mental chez Madame V... au moment de la confection de son testament olographe ne sont pas suffisamment probantes, tant par la forme que par le fond, principalement en ce qu'elles ne permettent pas d'établir une corrélation suffisamment évidente et directe entre le comportement de Madame P... et son impact sur les décisions de Madame V... ; qu'elles ne permettent donc pas d'établir que Madame V... était sujette à un trouble mental au moment de l'acte ; que les éléments portés à la connaissance du juge sont donc insuffisants pour établir l'existence d'un tel trouble et, par conséquent, obtenir l'annulation du testament olographe du 5 octobre 2012. M. A... sera débouté de sa demande sur ce point ; que sur l 'incapacité de recevoir le legs eu égard aux dispositions de l'article 909 du code civil ; qu'aux termes de l'article 909, alinéa 1 du Code civil tel que modifié par la réforme du 5 mars 2007, "Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci" ; que selon les termes de cet article et de la jurisprudence qui en découle, qui édicte une présomption légale irréfragable de captation, l'incapacité de recevoir à titre gratuit édictée est subordonnée aux conditions suivantes : la personne en cause doit être membre des professions médicales, de la pharmacie, ou auxiliaire médicale ; la personne en cause doit avoir prodigué des soins au disposant, la nature des soins n'étant pas précisée, et donc non déterminante ; la libéralité doit être concomitante avec la maladie dont est finalement décédé le disposant, ce qui implique : que cette maladie ait été celle dont est mort le disposant, étant entendu que si le disposant n'était pas encore en état de dernière maladie lorsque la libéralité a été faite, celle-ci est validée, que la maladie visée à l'article 909 du code civil ait été celle pendant laquelle la libéralité a été consentie, étant entendu que la date de la confection d'un testament est celle à laquelle la libéralité a été faite, que la maladie visée à l'article 909 du code civil ait été celle à l'occasion de laquelle des soins ont été dispensés, étant entendu que les soins doivent avoir été prodigués en vue de lutter contre la maladie ; qu'en l'espèce, Madame P..., en sa qualité d'infirmière, est une auxiliaire médicale ; qu'elle est donc concernée par les dispositions de l'article 909, alinéa 1 du code civil ; qu'il est établi par les pièces versées que Madame P... a prodigué des soins à Madame V... durant l'année 2012 et durant l'année 2013, pour une valeur, à titre indicatif, d'environ 11.000 euros entre octobre 2012 et janvier 2013 ; que le fait que Madame P... soit seule à prodiguer des soins à Madame V... n'est en l'espèce pas déterminant ; que s'agissant de la troisième condition nécessaire pour que les dispositions de l'article 909 du code civil trouvent à s'appliquer, l'existence d'une concomitance entre la maladie et la libéralité, il convient d'étudier la chronologie des faits autour du 5 octobre 2012, date à laquelle Madame V... rédige son testament olographe ; qu'il est établi que les 2 et 4 octobre 2012, un scanner des sinus et une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du massif facial ont été réalisés, suite à prescription du Dr E..., ophtalmologiste, du 25 septembre 2012 ; que le 8 octobre 2012, un examen tomodensitométrique du massif facial est réalisé au Centre d'imagerie Médicale de l'Ouest Parisien ; que les conclusions des examens sont cantonnées à la masse sinusale et à l'impact de celle-ci sur l'orbite de Madame V... ; que selon l'attestation du Dr O... du 7 septembre 2015, aucun des éléments relevés lors de ces examens ne peut être rattaché à cette date à un cancer ; que ce n'est, poursuit le Dr O..., que lorsqu'un geste opératoire est intervenu, ultérieurement, qu'il a été permis de biopser la masse et de certifier son caractère malin ; que jusqu'alors, le diagnostic était centré sur des saignements de nez et des signes oculaires ; que de cette succession de faits, il convient de déduire tout à la fois : que la maladie qui affectait alors Madame V... n'était de fait pas celle dont elle est décédée, étant rappelé qu'il n'est nullement établi que tant Madame V... comme Madame P... avaient connaissance alors de l'existence de la maladie fatale dont allait décéder la de cujus, les données médicales collectées ne faisant état que de l'existence d'une masse dans les sinus ; que la maladie dont Madame V... est décédée n'est pas celle pendant laquelle la libéralité a été consentie, puisque le testament olographe date du 5 octobre 2012 et qu'à cette date, l'existence du cancer dont Madame V... est décédée n'était pas établie ; que les soins prodigués par Madame P... sur cette période étaient destinés à lutter contre la maladie sinusale de Madame V..., et non contre la maladie ayant conduit cette dernière à la mort ; qu'il convient également d'observer, à titre complémentaire, que Madame P... et Madame V... entretenaient des liens affectifs anciens et profonds ; qu'il n'est ainsi pas contesté que Madame P... était hébergée à titre gratuit chez Madame V... depuis 15 ans, qu'elle avait institué la de cujus comme bénéficiaire de différents contrats de prévoyance qu'elle avait souscrits en 2002 et que cette dernière avait de son côté souscrit une assurance vie au profit de Mme P... en 2004. Il y a lieu de rappeler, enfin, que Madame V... affirme dans son testament du 5 octobre 2012 considérer Madame P... comme sa fille ; que si cet élément ne permet pas, en l'espèce, de considérer que Madame P... n'agissait pas en tant qu'infirmière auprès de Madame V... mais exclusivement en qualité de proche, eu égard à l'importance des soins infirmiers prodigués à celle-ci, il peut être observé que les liens ainsi décrits sont peu compatibles avec l'existence d'une incapacité de recevoir ; qu'il convient d'en déduire que les conditions nécessaires d'application de l'article 909 alinéa 1 du code civil ne sont pas remplies en l'espèce ; qu'en conséquence, que Madame P... n'est pas frappée de l'incapacité de recevoir le legs consenti par Madame V... par testament olographe du 5 octobre 2012, et elle exige à bon droit la délivrance de son legs ; que sur les autres demandes formulées ; que Mme P... sollicite que la délivrance du legs soit assortie d'une astreinte, sans motiver cette demande. La résistance de M. A... à exécuter une décision de justice ne pouvant être présumée, il n'y a pas lieu d'y faire droit ; que Mme P... allègue d'un préjudice subi là encore sans apporter aucune précision sur ce point ; qu'elle ne précise ni l'existence ni l'étendue de celui-ci, n'indique pas s'il s'agit d'un préjudice matériel ou moral, et échoue donc à démonter qu'elle bénéficie en l'espèce d'un droit à réparation ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; qu'il est justifié, en revanche, de condamner Monsieur A... à verser à Madame P... les intérêts au taux légal sur la partie du legs constitué en sommes d'argent, à compter du 27 janvier 2015, date de l'assignation ; »
1°) ALORS QUE les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ; qu'en constatant que « si Mme P... ne conteste pas avoir prodigué des soins à X... A... pendant la période précédent le diagnostic, voir après, il ne peut qu'être constaté que le testament litigieux avait été rédigé avant le diagnostic de la maladie dont X... A... est décédée », c'est-à-dire en relevant que, lorsque le testament a été rédigé, Mme P... prodiguait des soins à Mme X... A... au cours de la maladie dont elle est décédée, la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil ;
2°) ALORS QUE les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ; qu'en jugeant qu'une des conditions de l'article 909 du code civil n'était pas remplie en ce que le testament avait été rédigé avant que la maladie ait été diagnostiquée tout en constatant que Mme A... était déjà malade au jour de la rédaction du testament, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a violé l'article susvisé ;
3°) ALORS, à titre subsidiaire, QU'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par M. L... A... dans ses conclusions d'appel (p. 7), si le fait que des soins aient été prodigués par Mme P... à Mme A..., antérieurement au diagnostic de la maladie, afin de la soulager de la pathologie dont elle finira par décéder ne démontrait pas que le testament litigieux avait été rédigé pendant la maladie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 909 du code civil. | L'incapacité de recevoir un legs prévue à l'article 909 du code civil est conditionnée à l'existence, au jour de la rédaction du testament, de la maladie dont est décédé le disposant, peu important la date de son diagnostic |
371 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 523 FS-P+B
Pourvoi n° Z 19-11.621
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
La société The Paragon Collection LLC, société de droit américain, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° Z 19-11.621 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Extended Software XT Soft, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. J... I... , en qualité de liquidateur judiciaire,
2°/ à la société de Keating, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. J... I... , en qualité de liquidateur judiciaire de la société Extended Software XT Soft,
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, 5 rue Carnot, 78000 Versailles,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société The Paragon Collection LLC, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Extended Software XT Soft et la société de Keating, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mmes Bozzi, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 janvier 2019), la société américaine The Paragon Collection (la société Paragon), ayant pour activité la distribution de logiciels informatiques, a conclu, le 2 avril 1996, avec la société française Extended Software XT Soft (la société XT Soft), société de conseil en informatique, un contrat de licence portant sur la commercialisation et la distribution de produits informatiques. A la suite d'un différend portant sur le montant des redevances, la société Paragon a, en application de la clause attributive de juridiction stipulée au contrat, assigné la société XT Soft devant la Cour de district de Californie (Etats-Unis d'Amérique) en responsabilité et paiement de diverses sommes. Par une ordonnance et un jugement du 22 septembre 2014, la juridiction américaine a condamné la société XT Soft à payer une somme de 502 391,15 dollars américains. Après avoir procédé, le 10 mars 2016, à une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la débitrice, la société Paragon l'a assignée, le 16 mars 2016, devant le tribunal de grande instance de Pontoise en exequatur des décisions américaines. En cours d'instance, la société XT Soft a, par jugement du 26 mars 2018, été placée en liquidation judiciaire, la société de Keating étant désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La société Paragon fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'exequatur, alors « que la contrariété à l'ordre public international de procédure d'une décision étrangère ne peut être admise que s'il est démontré que les intérêts légitimes d'une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de la procédure ; que s'il est protégé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit d'accès à un tribunal n'est pas pour autant absolu et se prête à des restrictions qui concernent notamment les conditions de recevabilité des recours ; que la limitation du droit de faire appel n'est dès lors pas, en soi, contraire à l'ordre public international ; qu'en l'espèce, le défendeur, auquel avait été régulièrement signifiée l'assignation, dans les conditions prévues par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification des actes judiciaires à l'étranger, n'avait marqué aucun intérêt pour la procédure engagée par la société Paragon devant le juge californien ; qu'il avait, en effet, sciemment fait défaut et avait choisi de ne pas y être représenté ; que s'il ne s'était pas ainsi désintéressé de la procédure qui le visait, il lui aurait été parfaitement loisible de prendre connaissance de la décision de condamnation le concernant dans le délai d'un an qui lui était imparti par le droit californien pour interjeter appel ; que, dans ces conditions, l'application au cas d'espèce des règles de droit californien, fixant à un an le délai pour interjeter appel à compter du jugement, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de la société XT Soft ; qu'en refusant néanmoins l'exequatur de l'ordonnance et du jugement californiens du 22 septembre 2014 en raison de leur prétendue contrariété à l'ordre public international français de procédure, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 509 du code de procédure civile et les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
3. Pour accorder l'exequatur, le juge français doit, en l'absence de convention internationale, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi que l'absence de fraude.
4. Pour rejeter la demande d'exequatur, l'arrêt relève, d'abord, que l'ordre public international français impose que la loi du for ouvre les recours indispensables contre le jugement de première instance, spécialement lorsqu'il a été rendu par défaut. Il constate, ensuite, que la loi californienne ouvre un délai de recours d'un an, qui court du prononcé du jugement, sans prévoir l'exigence d'un acte de signification. Il retient, enfin, que cette voie de recours ne pouvant être exercée par le défendeur défaillant que si celui-ci a eu connaissance de la décision par la notification qui lui a été faite, l'absence d'exigence légale d'une notification en bonne et due forme alliée à la circonstance que le délai de recours court dès le prononcé de la décision est de nature à priver le défendeur de tout recours effectif et que cette absence de garantie procédurale contrevient aux droits à un procès équitable et à un recours effectif garantis par les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la connaissance par la société XT Soft de l'assignation et de l'instance devant la juridiction californienne ne démontrait pas que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avaient été respectés, nonobstant l'absence de notification des décisions rendues, dès lors qu'elle disposait d'un délai d'un an à compter de la décision pour former un recours, ce dont il résultait qu'au regard des circonstances de l'espèce, les décisions américaines pouvaient ne pas révéler d'atteinte à l'ordre public international de procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Paragon fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le juge de l'exequatur, dont les pouvoirs se limitent en principe à la vérification des conditions de régularité internationale des décisions étrangères requises pour leur exequatur, ne peut statuer sur une demande accessoire ou reconventionnelle sans lien aucun avec l'instance en exequatur, et ajouter ainsi à la condamnation prononcée par le juge étranger ; qu'en faisant droit à la demande de dommages-intérêts présentée par la société XT Soft, à l'appui de laquelle était alléguée une prétendue faute de la société Paragon relative à une saisie conservatoire dénuée de tout lien avec la procédure d'exequatur, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 509 du code de procédure civile :
7. Le juge de l'exequatur, dont les pouvoirs se limitent à la vérification des conditions de l'exequatur, ne peut connaître d'une demande reconventionnelle en responsabilité fondée sur une faute qui n'a pas été commise au cours de l'instance dont il est saisi.
8. Pour retenir la responsabilité de la société Paragon, l'arrêt relève que la signification des décisions de condamnation américaines après expiration du délai de recours caractérise une déloyauté procédurale fautive, cette manoeuvre ayant permis la saisie conservatoire du compte bancaire de la société XT Soft qui présentait, à la date de la saisie, un solde créditeur.
9. En statuant ainsi, alors que la faute imputée à la société Paragon était étrangère à la procédure d'exequatur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société de Keating, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Extended Software XT Soft aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société The Paragon Collection ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société The Paragon Collection LLC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société The Paragon Collection de sa demande visant à voir déclarer exécutoires en France l'ordonnance et le jugement du 22 septembre 2014, rendus par le juge en chef de la Cour de District des Etats-Unis, District central de Californie ;
AUX MOTIFS QUE « l'ordre public international français impose que la loi du for étrangère ouvre les recours indispensables contre le jugement de première instance, spécialement lorsqu'il a été rendu par défaut comme tel est le cas en l'espèce ; que certes la loi californienne ouvre un délai de recours d'un an ; que celui-ci court toutefois dès le prononcé du jugement ; qu'en outre, comme l'a relevé le premier juge et comme la société The Paragon Collection LLC l'affirme elle-même, l'exigence d'un acte de signification en bonne et due forme n'y est pas aménagée ; qu'or, la voie de recours prévue par la loi californienne, dont le délai d'exercice court à compter du prononcé du jugement, ne peut être exercée que si le défendeur a eu connaissance de la décision, ce qui ne peut se faire, s'agissant d'un jugement rendu par défaut, que si celui-ci lui a été notifié ; qu'il s'ensuit que l'absence d'exigence légale d'une notification en bonne et due forme alliée à cette circonstance que le délai de recours court dès le prononcé de la décision est de nature à priver le défendeur de tout recours effectif si aucune diligence n'est effectuée pour porter la décision à sa connaissance en temps utile ; qu'ainsi, cette absence de garantie procédurale protectrice du droit à un recours effectif contrevient aux droits fondamentaux à un procès équitable posé à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et à un recours effectif édicté par l'article 13 de la même convention, ce qui ne peut que heurter les principes essentiels du droit français et s'opposer à rendre exécutoires en France l'ordonnance et le jugement rendus le 22 septembre 2014 par la cour de district des États Unis pour le district central de Californie dans le litige opposant la société Extended Software XT Soft et la société The Paragon Collection LLC ; qu'il sera par ailleurs précisé que la jurisprudence de 1971 de la Cour de cassation citée par l'intimée et qui vise une espèce où la décision avait bien été notifiée, n'est pas transposable ; que cette méconnaissance du droit fondamental à un recours effectif suffit à s'opposer à l'exequatur desdites décisions ; qu'il n'est donc pas nécessaire d'examiner plus avant les autres moyens développés par les parties ; que le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions, y compris accessoires » ;
ALORS, d'une part, QUE les conditions de régularité internationale des décisions étrangères doivent être examinées par le juge de l'exequatur au regard des seules décisions soumises à son contrôle, à l'exclusion de circonstances extrinsèques auxdites décisions ; que dans le cadre de l'appréciation d'une éventuelle contrariété de la décision étrangère à l'ordre public international du for, le juge de l'exequatur doit dès lors se borner à vérifier que la décision soumise à son contrôle ne contient rien de contraire à l'ordre public international du for ; que pour refuser l'exequatur à l'ordonnance et au jugement du 22 septembre 2014, rendus par la Cour de District de Californie, la cour d'appel s'est fondée non sur ces décisions, mais sur le fait que le droit californien n'exigerait aucune notification en bonne et due forme de la décision et ferait par ailleurs courir le délai de recours dès le prononcé de la décision ; qu'elle a en effet considéré que de telles dispositions étaient de nature à priver le défendeur de tout recours effectif si aucune diligence n'était effectuée pour porter la décision à sa connaissance en temps utile et que cette absence de garantie procédurale protectrice du droit à un recours effectif contrevenait aux droits fondamentaux à un procès équitable posé à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à un recours effectif édicté par l'article 13 de la même Convention ; qu'en se fondant de la sorte sur des circonstances extrinsèques aux décisions qui lui étaient déférées, lesquelles n'avaient fait l'objet d'aucun recours devant le juge californien, pour en apprécier la régularité, sans rechercher en quoi celles-ci heurtaient, par elles-mêmes, des principes essentiels du droit français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, d'autre part, et subsidiairement, QUE la contrariété à l'ordre public international de procédure d'une décision étrangère ne peut être admise que s'il est démontré que les intérêts légitimes d'une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de la procédure ; que s'il est protégé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit d'accès à un tribunal n'est pas pour autant absolu et se prête à des restrictions qui concernent notamment les conditions de recevabilité des recours ; que la limitation du droit de faire appel n'est dès lors pas, en soi, contraire à l'ordre public international ; qu'en l'espèce, le défendeur, auquel avait été régulièrement signifiée l'assignation, dans les conditions prévues par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification des actes judiciaires à l'étranger, n'avait marqué aucun intérêt pour la procédure engagée par la société The Paragon Collection devant le juge californien ; qu'il avait, en effet, sciemment fait défaut et avait choisi de ne pas y être représenté ; que s'il ne s'était pas ainsi désintéressé de la procédure qui le visait, il lui aurait été parfaitement loisible de prendre connaissance de la décision de condamnation le concernant dans le délai d'un an qui lui était imparti par le droit californien pour interjeter appel ; que, dans ces conditions, l'application au cas d'espèce des règles de droit californien, fixant à un an le délai pour interjeter appel à compter du jugement, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de la société XT Soft ; qu'en refusant néanmoins l'exequatur de l'ordonnance et du jugement californiens du 22 septembre 2014 en raison de leur prétendue contrariété à l'ordre public international français de procédure, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société The Paragon Collection à payer à la société De Keating, en sa qualité de liquidateur de la société Extended Software XT Soft, la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « la signification des décisions de condamnation américaines après expiration du délai d'appel caractérise une déloyauté procédurale fautive au sens de l'article 1240 du code civil ; que cette manoeuvre a permis la saisie conservatoire du compte bancaire de la société Extended Software XT Soft, qui présentait à la date de la saisie du 10 mars 2016 un solde créditeur de 96.947,35 euros (pièce n° 10 des appelantes), [et] a causé à la société Extended Software XT Soft un préjudice qu'il convient de réparer en condamnant la société The Paragon Collection LLC à payer à la Selarl De Keating en sa qualité de liquidateur de la société Extended Software XT Soft, la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts » ;
ALORS, d'une part, QUE le juge de l'exequatur, dont les pouvoirs se limitent en principe à la vérification des conditions de régularité internationale des décisions étrangères requises pour leur exequatur, ne peut statuer sur une demande accessoire ou reconventionnelle sans lien aucun avec l'instance en exequatur, et ajouter ainsi à la condamnation prononcée par le juge étranger ; qu'en faisant droit à la demande de dommages-intérêts présentée par la société XT Soft, à l'appui de laquelle était alléguée une prétendue faute de la société The Paragon Collection relative à une saisie conservatoire dénuée de tout lien avec la procédure d'exequatur, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
ALORS, d'autre part, et subsidiairement, QUE la décision étrangère constitue, dès son prononcé, et indépendamment de son exequatur, un titre permettant à son bénéficiaire de faire pratiquer en France des mesures conservatoires sans autorisation judiciaire ; que la société The Paragon Collection pouvait donc faire pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la société XT Soft dès le prononcé des décisions de condamnation américaines et indépendamment de leur exequatur, sans avoir à requérir d'autorisation judiciaire préalable ; qu'il était dès lors indifférent que la société XT Soft ait ou non été en mesure d'exercer un recours contre ces décisions ; qu'ainsi, à supposer même que la signification des décisions de condamnation américaines après l'expiration du délai d'appel puisse être imputée à tort à la société The Paragon Collection, cette faute n'entretiendrait de toute façon aucun lien de causalité avec le dommage subi par la société XT Soft à la suite de la saisie conservatoire de son compte bancaire ; qu'en retenant la responsabilité de la société The Paragon Collection au motif que la « manoeuvre » consistant à faire signifier les décisions de condamnation américaines après l'expiration du délai d'appel aurait permis la saisie conservatoire du compte bancaire de la société XT Soft et causé à cette dernière un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil, ensemble l'article 509 du code de procédure civile ;
ALORS, enfin, et très subsidiairement, QUE si la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est en principe celle du pays où le dommage survient, le juge doit, dans l'appréciation de la faute, tenir compte, en tant qu'élément de fait des règles de comportement en vigueur au lieu où sont intervenus les agissements susceptibles d'engager la responsabilité de leur auteur ; qu'en l'espèce, le comportement de la société The Paragon Collection devait dès lors être apprécié à l'aune des règles du droit californien ; que la cour d'appel a elle-même constaté, à la suite du premier juge, que l'exigence d'une signification en bonne et due forme n'y était pas aménagée ; qu'il s'ensuit que la société The Paragon Collection n'était nullement tenue de faire signifier les décisions de condamnation américaines rendues en sa faveur ; qu'en considérant que la signification des décisions de condamnation américaines après l'expiration du délai d'appel constituait de la part de la société The Paragon Collection une déloyauté procédurale fautive au sens de l'article 1240 du code civil, après avoir pourtant relevé que le droit californien n'obligeait nullement celle-ci à faire signifier lesdites décisions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1240 du code civil, ensemble les articles 4 et 15 du Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »). | Pour accorder l'exequatur, le juge français doit, en l'absence de convention internationale, s'assurer notamment de la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international de procédure. Toutefois, il ne saurait y avoir de contrariété avec l'ordre public international de procédure que s'il est démontré que les intérêts d'une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de la procédure.
En conséquence prive sa décision de base légale au regard des articles 509 du code de procédure civile et les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel, qui omet de rechercher, comme il le lui était demandé, si la connaissance par une société de l'assignation et de l'instance engagée devant une juridiction étrangère ne démontrait pas que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avaient été respectés, nonobstant l'absence de notification des décisions rendues, dès lors qu'elle disposait d'un délai d'un an à compter de la décision pour former un recours |
372 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 825 FS-P+B+I
Pourvoi n° K 19-10.366
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La caisse de Crédit mutuel Savigny-Epinay-sur-Orge, dont le siège est 70 avenue Charles de Gaulle, 91600 Savigny-sur-Orge, a formé le pourvoi n° K 19-10.366 contre la décision rendue le 4 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Nice (Juge de l'exécution), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. R... U...,
2°/ à Mme V... M..., épouse U...,
tous deux domiciliés le [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Martinel, conseiller doyen, les observations de Me Le Prado, avocat de la caisse de crédit mutuel Savigny-Epinay-sur-Orge, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen rapporteur, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée (juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, 4 décembre 2018), rendue en dernier ressort, par un jugement d'adjudication du 5 mars 2015, un juge de l'exécution a déclaré la caisse de Crédit mutuel Savigny Epinay sur Orge (la banque), à défaut d'enchères et en sa qualité de créancier poursuivant, adjudicataire du bien immobilier saisi, qui appartenait à M. et Mme U....
2. Par une requête en date du 6 avril 2018, la banque a demandé à un juge de l'exécution d'homologuer le projet de distribution amiable du prix de vente.
Recevabilité du pourvoi examinée d'office
Vu les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile et l'article R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution :
3. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application de ces textes.
4. Il résulte de ces textes que sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d' excès de pouvoir.
5. La banque s'est pourvue en cassation contre l'ordonnance refusant d'homologuer le projet de distribution amiable du prix de vente.
6. Cependant, cette décision n'a pas tranché une partie du principal, ni mis fin à l'instance relative à la procédure de saisie immobilière.
7. Le pourvoi n'est donc pas recevable, sauf si un excès de pouvoir se trouve caractérisé.
Examen du second moyen
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La banque fait grief à l'ordonnance de rejeter la requête en homologation du projet de distribution du prix d'adjudication, alors « que si le projet de distribution amiable notifié n'est pas contesté par les créanciers ou le débiteur dans le délai de quinze jours suivant la réception de ladite notification, ces derniers sont réputés l'avoir accepté et le créancier poursuivant peut solliciter l'homologation du projet, le juge devant alors "conf[érer] force exécutoire au projet de distribution après avoir vérifié que tous les créanciers parties à la procédure et le débiteur ont été en mesure de faire valoir leurs contestations ou réclamations" ; qu'en refusant de donner force exécutoire au projet de distribution amiable établi par elle, non pas à raison de ce que tous les créanciers et débiteurs n'auraient pu soumettre leur contestation ou d'un quelconque manquement à la procédure de distribution amiable, mais à raison d'une appréciation portée sur le fond du projet de distribution, tenant à l'impossibilité d'opposer la compensation bien que ce projet n'ait pas été contesté par les créanciers et débiteurs, le juge de l'exécution a excédé ses pouvoirs au regard de l'article R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6 du code civil et l'article R.332-6 du code des procédures civiles d'exécution :
9. Il résulte de ces textes que, saisi d'une demande d'homologation d'un projet de distribution amiable tendant à lui voir conférer force exécutoire après vérification que tous les créanciers à la procédure et le débiteur ont été en mesure de faire valoir leurs contestations et réclamations, le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir d'apprécier sur le fond le projet de distribution, sauf à vérifier la conformité de ce projet à l'ordre public.
10. Pour rejeter la requête en homologation du projet de distribution du prix d'adjudication, l'ordonnance retient que l'adjudicataire, malgré sa qualité de créancier poursuivant, qui s'est volontairement abstenu de payer le prix de la vente et les frais taxés, ne saurait valablement opposer la compensation de sa créance au stade de la distribution, alors même qu'il n'est pas partie à la procédure de distribution.
11. En statuant ainsi, alors que le projet de distribution n'avait pas été contesté dans le délai imparti et que la faculté, qui y était insérée, d'un paiement partiel du prix de vente par compensation n'était pas contraire à l'ordre public, le juge de l'exécution, qui n'avait pas le pouvoir d'apprécier sur le fond le projet de distribution, a, excédant ses pouvoirs, violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
DÉCLARE le pourvoi recevable ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 décembre 2018, entre les parties, par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse ;
Condamne M. et Mme U... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme U... à payer à la caisse de Crédit mutuel Savigny-Epinay-sur-Orge la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel Savigny-Epinay-sur-Orge
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée,
D'AVOIR rejeté la requête en homologation du projet de distribution de la Caisse de Crédit Mutuel Savigny-Epinay-sur-Orge ;
ALORS QUE toute décision de justice doit comporter le nom du juge qui l'a rendu ; qu'en l'espèce, l'ordonnance ne comporte aucune mention du nom du juge qui a statué ; qu'il a ainsi violé l'article 454 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée,
D'AVOIR rejeté la requête en homologation du projet de distribution de la Caisse de Crédit Mutuel Savigny-Epinay-sur-Orge ;
AUX MOTIFS QUE « le projet de distribution annexé à la requête aux fins d'homologation prévoit que « la société CCM Savigny-Epinay sur Orge percevra la somme de 170.530,64 € dont 170.000 € à percevoir au titre du solde de sa créance suivant décompte arrêté au juillet 2015 ».
La distribution du prix telle qu'organisée par les articles R. 331-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution suppose que l'adjudicataire ait procédé au paiement du prix et des frais taxés conformément à l'article R. 322-56.
La circonstance que l'article 15 du cahier des conditions de vente prévoit que « le créancier poursuivant de premier rang devenu acquéreur sous réserve des droits des créanciers privilégiés pouvant le primer, aura la faculté, par déclaration au séquestre désigné et aux parties, d'opposer sa créance en compensation légale totale ou partielle du prix, à ses risques et périls, dans les conditions de l'article 1289 et suivants du Code civil » est sans incidence sur l'obligation de paiement résultant de l'article R. 322-56, étant admis que le cahier des conditions de vente ne saurait déroger aux règles impératives de la saisie immobilière.
En outre, le cahier des conditions de vente en ce qu'il fixe les conditions juridiques de la vente aux enchères, imposées à peine de nullité par l'article R. 322-10 n'a pas vocation à régir la phase procédurale de distribution.
L'adjudicataire, malgré sa qualité de créancier poursuivant, qui s'est volontairement abstenu de payer le prix de la vente et les frais taxés ne saurait valablement opposer la compensation de sa créance au stade de la distribution, alors même qu'il n'est pas partie à la procédure de distribution.
En conséquence, il y a lieu de rejeter la requête en homologation du projet de distribution » ;
1°) ALORS QUE, si le projet de distribution amiable notifié n'est pas contesté par les créanciers ou le débiteur dans le délai de quinze jours suivant la réception de ladite notification, ces derniers sont réputés l'avoir accepté et le créancier poursuivant peut solliciter l'homologation du projet, le juge devant alors « conf[érer] force exécutoire au projet de distribution après avoir vérifié que tous les créanciers parties à la procédure et le débiteur ont été en mesure de faire valoir leurs contestations ou réclamations » ; qu'en refusant de donner force exécutoire au projet de distribution amiable établi par l'exposante, non pas à raison de ce que tous les créanciers et débiteurs n'auraient pu soumettre leur contestation ou d'un quelconque manquement à la procédure de distribution amiable, mais à raison d'une appréciation portée sur le fond du projet de distribution, tenant à l'impossibilité d'opposer la compensation bien que ce projet n'ait pas été contesté par les créanciers et débiteurs, le juge de l'exécution a excédé ses pouvoirs au regard de l'article R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la compensation est un mode de paiement qui éteint simultanément la créance et la dette dès que ses conditions sont réunies et, si un mécanisme de droit commun de paiement du prix d'adjudication est instauré par l'article R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution, rien n'interdit le règlement par compensation dans le cadre d'une procédure de distribution amiable du prix ; qu'en l'espèce, le projet de distribution du prix de vente prévoyait un paiement partiel de celui-ci par compensation entre la dette et la créance du Crédit Mutuel, créancier poursuivant ; qu'en refusant d'homologuer le projet, à raison de l'absence de paiement du prix dans les conditions de l'article R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution, lequel n'exclut pas le paiement pas compensation, le juge de l'exécution a violé les articles R. 322-56, R. 332-3, R. 332-4 et R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1347 du code civil. | Il résulte de l'article 6 du code civil et l'article R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution que, saisi d'une demande d'homologation d'un projet de distribution amiable tendant à lui voir conférer force exécutoire après vérification que tous les créanciers à la procédure et le débiteur ont été en mesure de faire valoir leurs contestations et réclamations, le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir d'apprécier sur le fond le projet de distribution, sauf à vérifier la conformité de ce projet à l'ordre public.
Doit être cassée l'ordonnance qui, pour rejeter la requête en homologation du projet de distribution du prix d'adjudication, retient que l'adjudicataire, malgré sa qualité de créancier poursuivant, qui s'est volontairement abstenu de payer le prix de la vente et les frais taxés, ne saurait valablement opposer la compensation de sa créance au stade de la distribution, alors que le projet de distribution n'avait pas été contesté dans le délai imparti et que la faculté qui y était insérée d'un paiement partiel du prix de vente par compensation n'était pas contraire à l'ordre public |
373 | CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 827 FS-P+B+I
Pourvoi n° C 18-23.626
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi, dont le siège est Büyükdere Cad. n° 143 Esentepe, 34394 Istanbul (Turquie), agissant en qualité de liquidateur de la banque T. Imar Bankasi T.A.S. représenté par T... O... , domicilé [...] (Turquie), a formé le pourvoi n° C 18-23.626 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. Y... L... N... , domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Müflis. T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. N..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2018), la société T. Imar Bankasi T.A.S.(la banque) ayant fait faillite, la société Müflis T. Imar bankasi T.A.S Iflas idaresi (le liquidateur), a engagé des procédures judiciaires à l'encontre de ses dirigeants, dont M. N.... Ce dernier ayant été condamné par des jugements du tribunal de première d'instance d'Istanbul à payer une certaine somme à la banque, le liquidateur de la banque a fait procéder à plusieurs saisies conservatoires de créances et de droits d'associé et valeurs mobilières, ainsi qu'à une saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée au domicile de M. N.... Ce dernier a saisi un juge de l'exécution à fin de contester ces mesures.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le liquidateur de la banque fait grief à l'arrêt d'annuler la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017, alors « que l'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès leurs conclusions mentionnées à l'article 905-2, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que l'article 954 ajoute que les prétentions sont récapitulées dans un dispositif, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en prononçant l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté la contestation de M. N... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et en ce qu'il avait condamné M. N... aux dépens, après avoir constaté que dans le dispositif de ses premières conclusions du 13 mars 2018, signifiées dans le délai d'un mois de l'article 905-2 du code de procédure civile, il n'était pas demandé l'infirmation du jugement, la cour d'appel a violé les articles 905-2, 910-4 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
5. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
6. Ayant constaté que dans le dispositif de ses conclusions, signifiées le 13 mars 2018, l'appelant ne demandait pas l'infirmation du jugement attaqué mais l'annulation des saisies, leur mainlevée ou leur cantonnement, la cour d'appel ne pouvait que confirmer ce jugement.
7. Toutefois, la déclaration d'appel étant antérieure au présent arrêt, il n'y a pas lieu d'appliquer la règle énoncée au paragraphe 4 au présent litige.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
9. Le liquidateur de la banque fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est applicable qu'aux mesures d'exécution forcée et non aux mesures conservatoires ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte étant inapplicable aux saisies conservatoires, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que la référence, par l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, en ce qu'elle laisse penser que le texte se rapporte à la seule saisie vente, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des travaux parlementaires, puisque l'exigence d'un commandement de payer pour une saisie conservatoire retirerait tout effet utile à la saisie, en affecte la cohérence et la clarté quant à son champ d'application ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'à supposer l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution applicable aux mesures conservatoires, le non-respect de cette disposition, qui prévoit qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte, à le supposer applicable aux saisies conservatoires, n'étant pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et des meubles.
11. Nonobstant l'emplacement de ce texte dans le Livre 1 du code des procédures civiles d'exécution, intitulé « dispositions générales », sa lettre même, qui exige que l'entrée dans un lieu servant à l'habitation et l'ouverture éventuelle des portes et des meubles soient précédées d'un commandement et que l'huissier de justice justifie d'un titre exécutoire, exclut son application à une mesure conservatoire, qui, en application de l'article L. 511-1 du même code, ne nécessite pas la délivrance préalable d'un commandement et peut être accomplie sans titre exécutoire.
12. Toutefois, s'il résulte de l'article L. 521-1 du même code, selon lequel la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens meubles, corporels ou incorporels appartenant au débiteur, que le créancier peut faire procéder à la saisie conservatoire des biens de son débiteur situés dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant procéder à cet effet à l'ouverture des portes et des meubles, le droit, à valeur constitutionnelle, au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile, également consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'une telle mesure puisse être pratiquée sans une autorisation donnée par un juge.
13. Une mesure conservatoire ne peut, par conséquent, être pratiquée dans un lieu affecté à l'habitation du débiteur par le créancier sans que le juge de l'exécution l' y ait autorisé en application de l'article R. 121-24 du code des procédures civiles d'exécution, et ce même dans l'hypothèse prévue à l'article L. 511-2 du même code dans laquelle le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. A défaut, la mesure doit être annulée.
14. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt, qui a constaté que l'huissier de justice n'était pas muni de l'autorisation d'un juge pour pénétrer dans le lieu servant à l'habitation de M. N..., se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi agissant en qualité de liquidateur de la banque T. Imar Bankasi T.A.S., représenté par T... O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi agissant en qualité de liquidateur de la banque T. Imar Bankasi T.A.S., représenté par T... O... et la condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la contestation de Monsieur N... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et en ce qu'il avait condamné Monsieur N... aux dépens et, statuant à nouveau, d'avoir annulé la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 ;
AUX MOTIFS que l'intimé soutient que Monsieur N... n'avait pas dans le dispositif de ses premières écritures du 13 mars 2018, qui seul saisit la cour, sollicité l'infirmation ou l'annulation du jugement querellé, qu'en l'absence de prétentions d'infirmation énoncées au dispositif et de l'énoncé des chefs de jugement critiqués, l'appel est irrecevable. Il ajoute que les écritures du 30 avril 2018, qui sollicitent dans leur dispositif l'infirmation ou l'annulation du jugement, postérieures au délai d'un mois prévu à l'article 905-2 du code de procédure civile, que cette demande nouvelle est irrecevable, que l'appel est caduc, à tout le moins irrecevable. L'appelant a signifié ses écritures dans le délai d'un mois prévu à l'article 905-2 du code de procédure civile de sorte que son appel n'est pas caduc. Il résulte, ainsi que l'invoque l'intimé, de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. En l'espèce, si le dispositif des précédentes écritures de l'appelant, signifiées le 13 mars 2018, ne demandait pas expressément l'infirmation du jugement attaqué, les demandes qui y étaient énoncées, tendant à voir annuler les saisies, ordonner leur mainlevée ou leur cantonnement, s'analysent nécessairement comme des critiques du jugement ayant rejeté les demandes de l'appelant tendant aux mêmes fins. L'appelant a ainsi satisfait aux exigences du texte susvisé, ce dont il s'évince que la cour est tenue de statuer sur ces chefs de demande. En outre, la déclaration d'appel mentionnait expressément que celui-ci tendait à la réformation ou à l'annulation du jugement attaqué et précisait, conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, les chefs du jugement critiqués et le dispositif des dernières écritures tend expressément à l'infirmation du jugement attaqué. L'appel est donc recevable.
ALORS QUE l'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès leurs conclusions mentionnées à l'article 905-2, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que l'article 954 ajoute que les prétentions sont récapitulées dans un dispositif, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en prononçant l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté la contestation de Monsieur N... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et en ce qu'il avait condamné Monsieur N... aux dépens, après avoir constaté que dans le dispositif de ses premières conclusions du 13 mars 2018, signifiées dans le délai d'un mois de l'article 905-2 du code de procédure civile, il n'était pas demandé l'infirmation du jugement, la cour d'appel a violé les articles 905-2, 910-4 et 954 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la contestation de Monsieur N... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et, statuant à nouveau, d'avoir annulé la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 ;
AUX MOTIFS que contrairement à ce qui est soutenu par l'intimé, qui s'approprie également les motifs du premier juge, si l'autorisation du juge n'est pas requise pour qu'un créancier, détenteur d'une décision de justice non exécutoire fasse procéder à une saisie conservatoire, il résulte a contrario de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution que l'huissier de justice non porteur d'un titre exécutoire ou de l'autorisation d'un juge ne peut procéder à l'ouverture forcée des portes d'un lieu servant à l'habitation ou d'un coffre-fort. Il convient donc, l'huissier de justice ayant fait procéder à l'ouverture forcée des portes du domicile de Monsieur N... et à celle d'un coffre-fort s'y trouvant sans être porteur d'un titre exécutoire ou de l'autorisation d'un juge, d'annuler la saisie conservatoire du 25 août 2017 et la saisie conservatoire du contenu du coffre-fort, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à son encontre par Monsieur N... ;
1°) ALORS QUE l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est applicable qu'aux mesures d'exécution forcée et non aux mesures conservatoires ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte étant inapplicable aux saisies conservatoires, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS QU'aucun texte ne permet au juge de l'exécution d'accorder sur requête l'autorisation de pénétrer au domicile d'une partie en matière de saisie conservatoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris qu'il « résulte a contrario de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution que l'huissier de justice non porteur d'un titre exécutoire ou de l'autorisation d'un juge ne peut procéder à l'ouverture forcée des portes d'un lieu servant à l'habitation ou d'un coffre-fort », la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la référence, par l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, en ce qu'elle laisse penser que le texte se rapporte à la seule saisie vente, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des travaux parlementaires, puisque l'exigence d'un commandement de payer pour une saisie conservatoire retirerait tout effet utile à la saisie, en affecte la cohérence et la clarté quant à son champ d'application ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution applicable aux mesures conservatoires, le non-respect de cette disposition, qui prévoit qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte, à le supposer applicable aux saisies conservatoires, n'étant pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution. | Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
L'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
En conséquence, se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui infirme un jugement sans que cette infirmation n'ait été demandée dès lors que la déclaration d'appel est antérieure au présent arrêt |
374 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 septembre 2020
Irrecevabilité
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 836 F-P+B+I
Pourvoi n° Z 19-15.255
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. G....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juillet 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. N... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-15.255 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre D), dans le litige l'opposant à M. N... G..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. F..., de la SCP Richard, avocat de M. G..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Examen de la recevabilité du pourvoi contestée par la défense
Vu l'article 609 du code de procédure civile :
1. Il résulte de ce texte que le pourvoi en cassation n'est recevable que si la partie demanderesse a intérêt à agir.
2. M. F... a interjeté appel le 28 février 2018 d'un jugement rendu 16 février 2018 par un juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance dans un litige l'opposant notamment à M. G....
3. M. F... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 6 décembre 2018 qui lui a donné acte de son désistement d'appel et à M. G... de son acceptation et a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la juridiction.
4. Le dispositif de la décision attaquée ne lui préjudiciant pas, M. F... n'a pas d'intérêt à agir pour voir statuer sur le pourvoi.
5. Le pourvoi n'est donc pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;
Condamne M. F... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. F... et le condamne à payer à la SCP Richard la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. | Est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir l'auteur du pourvoi formé contre un arrêt donnant acte à l'appelant de son désistement d'appel, de l'acceptation de l'intimé et constatant l'extinction de l'instance, ainsi que le dessaisissement de la juridiction |
375 | CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 838 F-P+B+I
Pourvoi n° U 19-18.608
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, dont le siège est département juridique, boulevard François Mitterrand, 91039 Evry cedex, a formé le pourvoi n° U 19-18.608 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) (section accidents du travail), dans le litige l'opposant à la société Pomona, société anonyme, dont le siège est 3 avenue du docteur Tenine, 92160 Antony, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Pomona, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 30 avril 2019), la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) a interjeté appel, le 8 avril 2016, d'un jugement rendu par un tribunal du contentieux de l'incapacité dans un litige l'opposant à la société Pomona, notifié le 17 mars 2016.
2. La déclaration d'appel a été formée par un agent de la caisse dépourvu du pouvoir spécial requis par l'article 931 du code de procédure civile. Un pouvoir spécial daté du 4 septembre 2018 a été produit à l'audience des débats.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de constater la nullité de l'appel, alors « que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure tel qu'une irrégularité de fond, interrompt les délais de prescription comme de forclusion, de sorte qu'il est possible de régulariser une déclaration d'appel entachée d'un vice de procédure jusqu'au moment ou le juge statue ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que l'acte d'appel formé pour le compte de la caisse le 8 avril 2016 était entaché d'une irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir de la responsable du département juridique ; qu'en constatant la nullité de cet acte d'appel formé le 8 avril 2016 au prétexte qu'il n'avait été régularisé par le directeur général de la caisse que le 4 septembre 2018, soit après le délai d'un mois pour former appel, lorsque la régularisation de la déclaration d'appel demeurait possible jusqu'a ce que le juge statue, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification a violé les articles 2241, alinéa 2, du code civil et l'article 121 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile :
4. Il résulte du premier de ces textes que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion.
5. Pour constater la nullité de l'appel, l'arrêt retient que l'acte d'appel, affecté d'une irrégularité de fond, a été régularisé après l'expiration du délai d'appel d'un mois.
6. En statuant ainsi, alors que la déclaration d'appel, entachée d'une irrégularité de fond en l'absence de pouvoir spécial de l'agent de la caisse mandaté pour former appel, avait interrompu le délai d'appel et que sa régularisation restait possible jusqu'à ce que le juge statue, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Pomona aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pomona et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la nullité de l'appel formé le 8 avril 2016 par Mme P... D..., responsable juridique de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.
AUX MOTIFS QUE l'article R. 121-2 du code de la sécurité sociale dispose que les organismes sont représentés de plein droit en justice et dans tous les actes de la vie civile par leur président qui peut déléguer ses pouvoirs au directeur par un mandat spécial ou général ; que les articles L. 122-1 et R. 122-3 8ème alinéa prévoient que le directeur peut donner mandat à des agents de l'organisme en vue d'assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile et que l'article 931 du code de procédure civile stipule que le représentant doit s'il n'est avocat ou avoué, justifier d'un pouvoir spécial ; qu'en l'espèce, la caisse a interjeté appel sous la signature d'un agent agissant pour le responsable du département juridique par courrier recommandé posté le 8 avril 2016 ; que le directeur n'a pas donné mandat à cet agent pour représenter l'organise en justice et qu'aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, le défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte ; que l'acte d'appel n'a été régularisé, par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, que le 4 septembre 2018 soit après le délai d'un mois prévu à l'article R. 143-23 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, la signataire de l'acte d'appel, qui n'avait pas qualité pour relever appel du jugement à la date du 8 avril 2016, ne pouvait valablement agir au nom de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ; qu'en conséquence, s'agissant d'une irrégularité de fond en application de l'article 117 du code de procédure civile, il y a lieu de constater la nullité de l'acte d'appel sans qu'il soit nécessaire pour la partie intimée de justifier d'un grief ;
ALORS QUE l'acte de saisine de la juridiction, même entachée d'un vice de procédure tel qu'une irrégularité de fond, interrompt les délais de prescription comme de forclusion, de sorte qu'il est possible de régulariser une déclaration d'appel entachée d'un vice de procédure jusqu'au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que l'acte d'appel formé pour le compte de la Caisse le 8 avril 2016 était entaché une irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir de la responsable du département juridique; qu'en constatant la nullité de cet acte d'appel formé le 8 avril 2016 au prétexte qu'il n'avait été régularisé par le directeur général de la caisse que le 4 septembre 2018, soit après le délai d'un mois pour former appel, lorsque la régularisation de la déclaration d'appel demeurait possible jusqu'à ce que le juge statue, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification a violé les articles 2241 alinéa 2 du code civil et l'article 121 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre | La déclaration d'appel, entachée d'une irrégularité de fond en l'absence de pouvoir spécial de l'agent de l'organisme social mandaté pour interjeter appel, ayant interrompu le délai d'appel en application de l'article 2241, alinéa 2, du code civil, sa régularisation, par la production du pouvoir spécial faisant défaut, reste possible jusqu'à ce que le juge statue |
376 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 840 F-P+B+I
Pourvoi n° N 19-17.360
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. K... I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-17.360 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société C3F, société par actions simplifiée, dont le siège est 45 chemin du Moulin Carron, 69570 Dardilly, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. I..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société C3F, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2019), un conseil des prud'hommes a, par jugement du 15 septembre 2016, dit que la convention de rupture conventionnelle passée entre M. I... et son employeur, la société C3F, était régulière mais a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires.
2. Le jugement a été notifié à M. I..., le 4 octobre 2016. La notification comportait une erreur relative aux modalités de représentation devant la cour d'appel.
3. M. I... a interjeté appel du jugement par le Réseau Privé Virtuel Avocat (RPVA) devant la cour d'appel de Paris, le 3 novembre 2016.
4. Une seconde notification a été reçue le 4 novembre 2016, par M. I... mentionnant que la représentation était obligatoire devant la cour d'appel.
5. Par ordonnance du 9 novembre 2016, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel de M. I... irrecevable.
6. M. I... a formé un nouvel appel devant la cour d'appel de Versailles, le 3 avril 2017. Le président de la chambre saisie a fixé un calendrier de procédure, le 5 juillet 2017 faisant application des dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile. Il a, par ordonnance du 23 janvier 2019, déclaré irrecevable l'incident tendant à voir déclarer cet appel irrecevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7.M. I... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors :
« 1°/ qu'une seconde notification d'un jugement, faisant suite à une première notification ayant comporté des mentions erronées quant aux modalités d'exercice du recours juridictionnel, n'est pas de nature à faire courir le délai d'appel, même si elle n'est pas entachée d'erreur en ce qui a trait aux modalités d'exercice du recours, sauf si cette seconde notification indique que la précédente était erronée et qu'elle se substitue à elle ou la rectifie ; qu'en retenant au contraire qu'en l'état d'une première notification erronée, il n'était pas nécessaire que la seconde notification indique être rectificative de la précédente pour que puisse courir le délai du recours juridictionnel, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 651, 680 et 693 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en privant le salarié d'accès au juge d'appel, sans qu'il soit constaté que la seconde notification avait indiqué rectifier la précédente ni donc que le salarié avait été mis en mesure de connaître les modalités d'appel dans des conditions lui permettant d'exercer utilement son droit au recours, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 651 et 680 du code de procédure civile, et l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
8. Il résulte de ces textes qu'une notification, intervenue après une première notification irrégulière, ne peut faire courir le délai de recours si elle ne précise pas qu'elle se substitue à la première.
9. Pour déclarer l'appel formé le 3 avril 2017 irrecevable comme tardif, l'arrêt retient que la première notification reçue le 4 octobre 2016, qui comportait l'adresse du greffe de la cour d'appel de Versailles au verso de l'acte, sous la mention « appel », ne mentionnait pas les modalités précises modifiées substantiellement depuis le 1er août 2016 mais contenait les modalités de la procédure orale applicable antérieurement à cette date et que, par conséquent, cette notification ne faisait pas courir le délai d'appel.
10. L'arrêt ajoute que la seconde notification contenant les nouvelles modalités de la procédure écrite, reçue le 4 novembre 2016, était nécessairement rectificative, même sans mention expresse alors qu'elle succédait à la première notification erronée.
11. En statuant ainsi, alors que la notification effectuée par le greffe, le 4 novembre 2016 ne précisait pas qu'elle se substituait à celle irrégulièrement faite auparavant, le 4 octobre 2016, de sorte que cette notification irrégulière n'avait pas fait courir le délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société C3F aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. I...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté par monsieur I... ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de l'appel interjeté le 3 avril 2017 devant la cour d'appel de Versailles, l'article 680 du code de procédure civile disposait que l'acte de notification d'un jugement devait indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours était ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours pouvait être exercé ; qu'une notification omettant d'indiquer la voie de recours appropriée ne faisait pas courir le délai ; que l'article R.1461-1 du code du travail disposait que le délai d'appel était d'un mois ; qu'en l'espèce, il résultait du dossier de première instance que la première notification du jugement envoyée le 28 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt avait été reçue le 30 septembre 2016 par la société, comme en attestait l'accusé de réception ; qu'il comportait le tampon et la signature de la société C3F ; que la première notification reçue le 4 octobre 2016 par le salarié, qui comportait l'adresse du greffe de la cour d'appel de Versailles au verso de l'acte de notification sous la mention « APPEL * code du travail (extraits) », ne mentionnait cependant pas les modalités précises d'appel modifiées substantiellement depuis le 1er août 2016 mais contenait les modalités de la procédure orale applicables antérieurement à cette date ; qu'ainsi, en application de l'article 680 du code de procédure civile, cette notification n'avait pas fait courir le délai d'appel ; que la seconde notification contenant les nouvelles modalités sur la procédure écrite qui avait été notifiée le 3 novembre 2016, avait été reçue le 4 novembre 2016 par le salarié ; que même sans mention expresse à ce sujet, succédant à une première notification, elle était nécessairement rectificative ; qu'il devait donc être constaté que le jugement avait été régulièrement notifié le 4 novembre 2016 ; que le jugement ayant été régulièrement notifié le 4 novembre 2016, l'appel formé par monsieur I... le 3 avril 2017 était irrecevable (arrêt pp. 3 et 4) ;
ALORS QU'une seconde notification d'un jugement, faisant suite à une première notification ayant comporté des mentions erronées quant aux modalités d'exercice du recours juridictionnel, n'est pas de nature à faire courir le délai d'appel, même si elle n'est pas entachée d'erreur en ce qui a trait aux modalités d'exercice du recours, sauf si cette seconde notification indique que la précédente était erronée et qu'elle se substitue à elle ou la rectifie ; qu'en retenant au contraire qu'en l'état d'une première notification erronée, il n'était pas nécessaire que la seconde notification indique être rectificative de la précédente pour que puisse courir le délai du recours juridictionnel, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 651, 680 et 693 du code de procédure civile ;
ALORS, DE SURCROÎT, QU'en privant le salarié d'accès au juge d'appel, sans qu'il soit constaté que la seconde notification avait indiqué rectifier la précédente ni donc que le salarié avait été mis en mesure de connaître les modalités d'appel dans des conditions lui permettant d'exercer utilement son droit au recours, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. | Une notification, intervenue après une première notification irrégulière, ne peut faire courir le délai de recours, si elle ne précise pas qu'elle se substitue à la première |
377 | CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 841 F-P+B+I
Pourvoi n° J 19-17.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. O... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 19-17.449 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, ayant pour nom commercial Crédit Agricole des Savoie, dont le siège est 4 avenue du Pré-Félin, 74942 Annecy-le-Vieux, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. C..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 mars 2019), le 16 août 1999, M. C... a souscrit un crédit immobilier in fine auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie ( la banque). Deux avenants ont été signés le 20 août 2010 et le 11 juillet 2012.
2. Le 16 juillet 2014, M. C... a assigné la banque devant un tribunal de grande instance à fin, notamment, de la voir condamner à substituer le taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel.
3. Par jugement en date du 16 novembre 2017, ce tribunal a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. C... et a rejeté toutes les autres demandes.
4. Le 3 janvier 2018, M. C... a relevé appel du jugement.
Sur le premier moyen , pris en ses deux premières branches et sur le second moyen, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
6. M C... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes relatives aux avenants de 2010 et 2012 alors « que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que les demandes en substitution du taux d'intérêt légal aux intérêts conventionnels pour les avenants en date du 20 août 2010 et du 11 janvier 2012 au prêt initial consenti à M. C... par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie constituaient le complément ou la conséquence de la demande en déchéance au droit aux intérêts conventionnels de la banque pour le prêt initial en raison de la nullité du taux effectif global ; qu'en décidant que ces demandes étaient irrecevables comme nouvelles, sans rechercher si ces demandes n'étaient pas la conséquence ou le complément nécessaire de la demande formée en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 566 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 564 à 567 du code de procédure civile :
7. La cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés si la demande est nouvelle. Il résulte de l'article 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.
8. Pour déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes relatives aux avenants de 2010 et 2012, l'arrêt retient que ces demandes n'ont jamais été formées en première instance et ne tendent pas aux mêmes fins, la nature des prêts étant différente et les demandes présentées supposant une analyse différente.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées par M. C... en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables comme nouvelles les demandes relatives aux avenants de 2010 et 2012, l'arrêt rendu le 21 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. C....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme nouvelles les demandes formées sur les avenants de 2010 et 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « O... C... a assigné le Crédit Agricole, arguant que le taux effectif global était erroné et que les frais relatifs à la souscription de parts sociales et à la souscription du contrat d'assurance-vie donné en nantissement n'avaient pas été intégrés dans le calcul du taux effectif global ;
Attendu que le premier juge a justement rappelé qu'il résulte des dispositions des articles 1304 ancien, 1907 et 2224 du Code civil et de l'article L. 313-2 ancien du code de la consommation, que la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, court à compter du jour ou l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur; Que le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur et/où que l'emprunteur était en mesure de déceler par lui-même, à la lecture de 1'acte, l'erreur affectant le taux effectif global ;
Attendu que O... C... le 27 août 1999 a fait l'acquisition d'un bien immobilier pour un montant de 1 858 000 francs et a souscrit un prêt de 1 590 000 francs auprès du Crédit Agricole ; Que l'offre de prêt investissement immobilier 'In Fine' du 16 Août 1999, acceptée le 30 août 1999, comprend un paragraphe 6 décrivant les modalités de calcul du taux effectif global et que les conditions particulières dans ses paragraphes 105 et 106 évoquent le taux du prêt ; Qu'il est mentionné de façon expresse le coût total du crédit, qu'il est également mentionné le montant des intérêts, le montant de l'assurance, les frais de constitution du dossier pour 3 000 francs et les frais d'acte et de garantie pour 538 francs, le montant des parts sociales figurant également dans ce paragraphe 6 pour 100 francs ;
Attendu que O... C... était employé de banque à la BNP et qu'il est devenu directeur d'agence du 01 septembre 1998 au 27 septembre 2006 au sein de la banque HSBC suivant certificat de travail versé aux débats ; Qu'il ne peut valablement soutenir qu'il était dans l'ignorance totale des modalités d'octroi d'un crédit ni des subtilités relatives au taux d'intérêt applicable en cas de crédit ; Que le tribunal n'a pas considéré qu'il avait le statut de professionnel mais a justement souligné que sa profession impliquait des connaissances particulières qui lui permettaient de s'interroger sur le calcul du TEG et d'en déceler les vices dont il se prévaut dans le cadre de la présente instance ;
Attendu que O... C... était donc en mesure de s'interroger sur le calcul du TEG et d'en déceler les vices s'agissant de l'intégration du coût de souscription au capital social et du coût de nantissement de son assurance vie et de l'assurance dommage dés l'acceptation de l'offre de prêt en 1999, date à laquelle il était directeur d'agence et si tant est que son expérience était récente en 1999, il avait sept années d'expérience professionnelle en qualité de directeur d'agence en 2005 lorsque le contrat a été réaménagé et qu'à cette date il était à même de pouvoir déceler les erreurs invoquées ;
Attendu que dans tous les cas l'action a été engagée le 16 juillet 2014 et qu'elle est prescrite ainsi que l'a relevée le premier juge qui sera confirmé sur ce point ;
Attendu que les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ; Que O... C... critique devant la Cour le taux porté sur les avenants régularisés postérieurement à l'offre de prêt de 1999 ; Que seul l'avenant du 22 juillet 2010 est versé aux débats par l'intimé, l'avenant de 2012 dont O... C... se prévaut également n'étant pas communiqué et les éléments portés sur le rapport A... n'étant pas clairs à cet effet ; Que ces demandes n'ont jamais été formées en première instance et ne tendent pas aux mêmes fins, la nature du prêt étant différente et les demandes formées supposant une analyse différente ; Que ces demandes sont irrecevables » ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions récapitulatives de première instance du 6 septembre 2016 (dispositif, p. 7 in fine et p. 8, alinéa 1), M. C... avait demandé au tribunal de juger que « le Crédit agricole des Savoie n'a pas satisfait aux exigences posées par l'article L 313-1 du Code de la consommation » puis de « condamner le Crédit agricole des Savoie à procéder au recalcul des intérêts du prêt souscrit sur la base du taux d'intérêts légal et ce, depuis la souscription du contrat de prêt, en tenant compte des évolutions du contrat (transformation du prêt in fine en prêt amortissable, renégociations intervenues etc...) » ; qu'en retenant que M. C... critiquait pour la première fois devant la cour d'appel le taux porté sur les avenants régularisés postérieurement à l'offre de prêt de 1999, quand ce dernier avait demandé au tribunal de tirer les conséquences de l'absence de validité du taux effectif global mentionné tant dans l'offre de prêt initiale que dans les évolutions du contrat, soit la transformation du prêt in fine en prêt amortissable ainsi que les renégociations intervenues, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE le jugement de première instance (p. 2, alinéas 4-5) mentionnait qu'« aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 septembre 2016, au visa de l'article L 313-1 du code de la consommation, Monsieur O... C... demande au Tribunal de : condamner le CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE à procéder au re-calcul des intérêts du prêt souscrit sur la base du taux d'intérêts légal et ce, depuis la souscription du contrat de prêt, en tenant compte des évolutions du contrat (transformation du prêt in fine amortissable, renégociations intervenues etc
) » ; qu'en retenant que M. C... critiquait pour la première fois devant la cour d'appel le taux porté sur les avenants régularisés postérieurement à l'offre de prêt de 1999, quand ce dernier avait demandé au tribunal de tirer les conséquences de l'absence de validité du taux effectif global mentionné tant dans l'offre de prêt initiale que dans les évolutions du contrat, soit la transformation du prêt in fine en prêt amortissable ainsi que les renégociations intervenues, la cour d'appel a dénaturé le jugement du 16 novembre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Chambéry, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que M. O... C... avait sollicité, devant les juges de première instance, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie pour le crédit immobilier initial du 16 août 1999 en raison de l'irrégularité du taux effectif global ; qu'en considérant comme nouvelles les demandes en déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque fondées sur les avenants des 20 août 2010 et du 11 janvier 2012 au crédit immobilier initial quand ces demandes tendaient aux mêmes fins que celle formée devant le tribunal, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile ;
4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que les demandes en substitution du taux d'intérêt légal aux intérêts conventionnels pour les avenants en date du 20 août 2010 et du 11 janvier 2012 au prêt initial consenti à M. C... par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie constituaient le complément ou la conséquence de la demande en déchéance au droit aux intérêts conventionnels de la banque pour le prêt initial en raison de la nullité du taux effectif global ; qu'en décidant que ces demandes étaient irrecevables comme nouvelles, sans rechercher si ces demandes n'étaient pas la conséquence ou le complément nécessaire de la demande formée en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 566 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré qui avait déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. C..., d'avoir déclaré irrecevables comme nouvelles les demandes formées sur les avenants de 2010 et 2012 et d'avoir débouté M. C... de toutes demandes plus amples ou contraires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « O... C... a assigné le Crédit Agricole, arguant que le taux effectif global était erroné et que les frais relatifs à la souscription de parts sociales et à la souscription du contrat d'assurance-vie donné en nantissement n'avaient pas été intégrés dans le calcul du taux effectif global ;
Attendu que le premier juge a justement rappelé qu'il résulte des dispositions des articles 1304 ancien, 1907 et 2224 du code civil et de l'article L. 313-2 ancien du code de la consommation, que la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, court à compter du jour ou l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; Que le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur et/où que l'emprunteur était en mesure de déceler par lui-même, à la lecture de l'acte, l'erreur affectant le taux effectif global ;
Attendu que O... C... le 27 août 1999 a fait l'acquisition d'un bien immobilier pour un montant de 1 858 000 francs et a souscrit un prêt de 1 590 000 francs auprès du Crédit Agricole ; Que l'offre de prêt investissement immobilier "In Fine" du 16 août 1999, acceptée le 30 août 1999, comprend un paragraphe 6 décrivant les modalités de calcul du taux effectif global et que les conditions particulières dans ses paragraphes 105 et 106 évoquent le taux du prêt ; Qu'il est mentionné de façon expresse le coût total du crédit, qu'il est également mentionné le montant des intérêts, le montant de l'assurance, les frais de constitution du dossier pour 3 000 francs et les frais d'acte et de garantie pour 538 francs, le montant des parts sociales figurant également dans ce paragraphe 6 pour 100 francs ;
Attendu que O... C... était employé de banque à la BNP et qu'il est devenu directeur d'agence du 1er septembre 1998 au 27 septembre 2006 au sein de la banque HSBC suivant certificat de travail versé aux débats ; Qu'il ne peut valablement soutenir qu'il était dans l'ignorance totale des modalités d'octroi d'un crédit ni des subtilités relatives au taux d'intérêt applicable en cas de crédit ; Que le tribunal n'a pas considéré qu'il avait le statut de professionnel mais a justement souligné que sa profession impliquait des connaissances particulières qui lui permettaient de s'interroger sur le calcul du TEG et d'en déceler les vices dont il se prévaut dans le cadre de la présente instance ;
Attendu que O... C... était donc en mesure de s'interroger sur le calcul du TEG et d'en déceler les vices s'agissant de l'intégration du coût de souscription au capital social et du coût de nantissement de son assurance vie et de l'assurance dommage dés l'acceptation de l'offre de prêt en 1999, date à laquelle il était directeur d'agence et si tant est que son expérience était récente en 1999, il avait sept années d'expérience professionnelle en qualité de directeur d'agence en 2005 lorsque le contrat a été réaménagé et qu'à cette date il était à même de pouvoir déceler les erreurs invoquées ;
Attendu que dans tous les cas l'action a été engagée le 16 juillet 2014 et qu'elle est prescrite ainsi que l'a relevée le premier juge qui sera confirmé sur ce point ;
Attendu que les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ; Que O... C... critique devant la Cour le taux porté sur les avenants régularisés postérieurement à l'offre de prêt de 1999 ; Que seul l'avenant du 22 juillet 2010 est versé aux débats par l'intimé, l'avenant de 2012 dont O... C... se prévaut également n'étant pas communiqué et les éléments portés sur le rapport A... n'étant pas clairs à cet effet ; Que ces demandes n'ont jamais été formées en première instance et ne tendent pas aux mêmes fins, la nature du prêt étant différente et les demandes formées supposant une analyse différente ; Que ces demandes sont irrecevables ;
Attendu que la demande en dommages et intérêts formée par O... C... au titre du rapport A... qu'il a fait établir à l'appui de ses demandes sera rejetée, son appel n'ayant pas prospéré » ;
ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QU'« Il résulte des dispositions des articles 1304, 1907 et 2224 du code civil et de l'article L. 313-2 du code de la consommation que le délai de la prescription quinquennale débute le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur de calcul du taux effectif global et que le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur et que l'emprunteur était en mesure de déceler par lui-même, à la lecture de l'acte, l'erreur affectant le taux effectif global.
Il résulte des pièces versées aux débats que l'offre de prêt était assortie d'un tableau d'amortissement prévoyant 203 échéances de 6492,50 francs au titre des intérêts et une dernière échéance de 1596492,50 francs au titre des intérêts et du remboursement du capital.
Il n'est pas contesté que M. O... C... n'avait pas la qualité de professionnel. Toutefois, il résulte des pièces produites par le Crédit Agricole des Savoie et notamment d'un document intitulé "réaménagement" en date du 5 janvier 205, relatif au prêt in fine Habitat régularisé par M. O... C... et signé par le demandeur qu'à cette date ce dernier exerçait la profession non contestée de directeur d'établissement bancaire.
En conséquence, de par ses connaissances particulières tirées de sa profession, M. O... C... était à même de s'interroger sur le calcul du TEG et d'en déceler les vices tel qu'il allègue dans le cadre de la présente instance relativement à la non intégration du coût de souscription au capital social et du coût de nantissement de son assurance vie intervenus en 1999.
Il y a lieu d'en déduire que M. O... C... a été en mesure de s'interroger sur le calcul du TEG, non lors de la souscription de l'offre de prêt du 16 août 1999, mais à compter de la date à laquelle il n'est pas contesté qu'il exerçait la profession de directeur de banque, soit à compter du 5 janvier 2005.
Il en résulte que la date d'acquisition de la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel de M. O... C... à l'encontre du Crédit Agricole des Savoie était le 6 janvier 2010.
Les demandes de M. O... C... sont en conséquence irrecevables, son action à l'encontre du Crédit Agricole des Savoie étant prescrite à la date d'assignation, le 16 juillet 2014.
Sa demande tendant à voir juger que les sommes d'ores et déjà versées s'imputeront d'abord sur le montant recalculé du taux effectif global sur la base du taux d'intérêts légal est par conséquent sans objet » ;
ALORS QUE commet un excès de pouvoir le juge qui, après avoir constaté l'irrecevabilité d'une action ou d'une demande, statue néanmoins sur son bien-fondé ; qu'en déboutant M. C... de toutes demandes plus amples ou contraires après avoir prononcé l'irrecevabilité de ses demandes initiales fondées sur l'irrégularité du taux effectif global stipulée dans l'offre de prêt du 16 août 1999 en raison de l'acquisition de la prescription et celle de ses demandes formées en cause d'appel, qui étaient fondées sur les avenants de 2010 et 2012, en raison de leur nouveauté, la cour d'appel a violé les articles 122 et 562 du code de procédure civile. | La cour d'appel est tenue d'examiner d'office, au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile, si une demande est nouvelle |
378 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 843 F-PBI
Pourvoi n° E 19-17.721
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. B... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 19-17.721 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant à M. T... G..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. N..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. G..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 12 mai 2016, pourvoi n° 15-18.052), M. N... a été condamné, le 3 avril 2006, par un jugement assorti de l'exécution provisoire, à payer une certaine somme à M. G..., qui a fait procéder à la saisie d'un véhicule automobile appartenant à M. N..., le 12 septembre 2006. Ce jugement a été confirmé par l'arrêt d'une cour d'appel du 23 février 2010.
2. Par jugement du 2 septembre 2007, assorti de l'exécution provisoire, un juge de l'exécution a rejeté la demande de mainlevée de la mesure d'exécution formée par M. N..., qui soutenait que le véhicule saisi, nécessaire à son activité professionnelle, était insaisissable.
3. Ce jugement a été infirmé par un arrêt du 29 juin 2009, qui a ordonné la mainlevée de la saisie.
4. Le véhicule ayant, entre-temps, été vendu aux enchères publiques, M. N... a saisi un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de divers préjudices. L'arrêt de la cour d'appel qui avait accueilli partiellement ces demandes a été cassé en toutes ses dispositions, au visa de l'article 12, alinéa 1er, du code de procédure civile, la cour d'appel n'ayant pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, faute d'avoir précisé le fondement juridique de sa décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. N... fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond et, statuant à nouveau, de dire qu'il ne rapporte pas la preuve d'une faute de M. G... et de rejeter toutes ses demandes en paiement, alors « que l'exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer, en cas d'infirmation de la décision exécutée, les conséquences dommageables sans qu'il soit nécessaire de relever une faute à son encontre ; qu'en déboutant M. N... de ses prétentions indemnitaires découlant de l'exécution provisoire du jugement rendu par le juge de l'exécution en date du 2 août 2007, infirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 19 juin 2009, en relevant que la preuve ne serait pas rapportée que M.G... aurait commis une faute en poursuivant l'exécution provisoire d'une décision de justice, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1382 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution :
6. Selon cet article, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4 du même code, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. Elle n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables et de rétablir ainsi le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.
7. Pour infirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond et rejeter toutes les demandes en paiement de M. N... dirigées contre M. G..., l'arrêt retient qu'il ne rapporte pas la preuve d'une faute de ce dernier.
8. En statuant ainsi, en se fondant sur le fait que la preuve ne serait pas rapportée que M. G... aurait commis une faute en poursuivant l'exécution provisoire d'une décision de justice, alors qu'il avait poursuivi l'exécution de la saisie jusqu'à son terme, à ses risques, quand bien même un appel avait été exercé contre le jugement, exécutoire par provision, qui avait rejeté la contestation de la saisie formée par le débiteur et ordonné la mainlevée de la saisie avait été ordonnée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. G... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. G... et le condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt et par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. N...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions au fond et statuant à nouveau, d'AVOIR dit que Monsieur N... ne rapporte pas la preuve d'une faute de Monsieur G... et d'AVOIR rejeté toutes ses demandes en paiement à son encontre ;
AUX MOTIFS QUE le 21 décembre 2001, Monsieur G... a cédé à M. N... 1907 parts sociales dans le capital d'une société Neuhofer profil France moyennant la somme de 27 425 € payable dans les 90 jours de la cession ; que cependant, M. G... expose qu'il n'a jamais été payé et qu'il a donc saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande en condamnation de ce chef ; qu'aux termes de la procédure ainsi diligentée, la cour d'appel a, le 23 février 2010, confirmé le jugement du tribunal de grande instance en date du 3 avril 2006 qui avait condamné M. N... au paiement de la somme de 27 425 €; que par suite de ce jugement du 3 avril 2006 prononcé avec le bénéfice de l'exécution provisoire, M. G... a fait procéder, le 12 septembre 2006, à la saisie du véhicule de Monsieur N... ; que ce dernier a saisi le juge de l'exécution d'une contestation; que par jugement du 2 août 2007, il a été débouté de sa demande de mainlevée, mais que la cour d'appel de Colmar, dans un arrêt du 19 juin 2009, a estimé que la saisie avait été pratiquée en violation de l'article 39 du décret du 31 juillet 1992 qui prohibe la saisie des véhicules à usage professionnel ; que c'est dans ces circonstances que M. N... a demandé la condamnation de M. G... à lui payer une somme de 83 616,17 euros à titre de dommages et intérêts, exposant que le véhicule avait été vendu à tort, que M. G... ne peut le lui restituer et qu'il doit être condamné à réparer son préjudice de ce chef par équivalence pécuniaire ; que M G... disposait d'un titre exécutoire lorsqu'il a fait procéder à la saisie du véhicule ; qu'il n'est pas démontré qu'il se soit heurté à une contestation de son débiteur lors de l'exécution de la mesure, celui-ci n'établissant pas lui avoir alors opposé, notamment, le fait ultérieurement retenu par la cour d'appel de Colmar en 2009 que son véhicule lui était nécessaire pour travailler, et le procès-verbal de saisie de l'huissier, qui n'est pas produit, ne pouvant apporter de ce chef aux débats aucune information utile ; que devant la cour, le débiteur n'en a d'ailleurs justifié que sur un arrêt de réouverture des débats lui demandant de justifier de sa qualité d'agent commercial, la cour retenant à ce sujet dans sa décision de 2009 que M. N... produisait un extrait du registre spécial des agents commerciaux faisant état d'un début d'activité au 8 juillet 2003, de son assujettissement à la TVA, des conditions de l'assurance du véhicule ainsi que du kilométrage parcouru ; que si le créancier qui dispose d'un titre exécutoire agit à ses risques et périls lorsqu'il procède à son exécution, encore faut-il pour que sa responsabilité, qui est alors d'ordre délictuel, puisse de ce chef être recherchée, que le demandeur à l'indemnisation, en l'espèce, M. N..., démontre l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux ; qu'au vu à la fois du titre du créancier et de l'absence de production de tous éléments relatifs aux conditions de déroulement de la saisie, M. N... manque à la preuve qui lui incombe en ce qu'il ne démontre pas qu'il aurait signalé, au moment de la saisie, le caractère professionnel de son véhicule à son créancier ou même à l'huissier en charge de la saisie, et en ce qu'il n'établit pas plus qu'il eût alors existé quelqu'indice de nature à permettre au créancier ou à son huissier d'envisager une telle occurrence ; qu'aucune autre faute, ni abus de saisie à son encontre ne sont, dans le cadre de ces débats, démontrés, l'analyse des pièces produites ne permettant en effet pas de retenir par exemple que l'exécution aurait été initiée sans raison valable, sans titre exécutoire ou sur le fondement d'une créance réglée ou encore qu'elle aurait été menée de façon intempestive, disproportionnée ou dans des conditions révélant une intention de nuire ; que le fait que M G... ait vu la plainte avec constitution de partie civile qu'il avait déposée pour faire admettre que "M. N... aurait commis une escroquerie au jugement en produisant à la cour d'appel de Colmar une attestation d'inscription au registre spécial des agents commerciaux alors qu'il n 'aurait plus été inscrit ait fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu est sans incidence sur l'appréciation ci-dessus faite des conditions de la mise en jeu de la responsabilité civile de M. G... au titre de la saisie, objet de ces débats ; que le jugement sera réformé, M. N... étant débouté de toutes ses demandes ;
ALORS QUE l'exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer, en cas d'infirmation de la décision exécutée, les conséquences dommageables sans qu'il soit nécessaire de relever une faute à son encontre ; qu'en déboutant Monsieur N... de ses prétentions indemnitaires découlant de l'exécution provisoire du jugement rendu par le juge de l'exécution en date du 2 août 2007, infirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 19 juin 2009, en relevant que la preuve ne serait pas rapportée que Monsieur G... aurait commis une faute en poursuivant l'exécution provisoire d'une décision de justice, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1382 du code civil ; | En application de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables.
Viole ces dispositions la cour d'appel qui rejette, au motif de l'absence de faute prouvée à l'encontre du créancier poursuivant, la demande de réparation formée par un débiteur saisi dont le véhicule a été vendu au terme d'une procédure de saisie ultérieurement annulée |
379 | CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Irrecevabilité
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 844 F-P+B+I
Pourvoi n° F 19-17.469
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. B....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 mars 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. P... B..., domicilié [...] , agissant en qualité de dirigeant de la société civile immobilière Home Confort en liquidation judiciaire, a formé le pourvoi n° F 19-17.469 contre l'ordonnance rendue le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJ Alpes, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est 91-93 rue de la Libération, CS 91014, 38307 Bourgoin-Jallieu, prise en la personne de M. E... I... et Mme N... K..., en qualité de mandataire judiciaire de la société civile immobilière Home Confort,
2°/ à la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est 56 rue de Lille, 75356 Paris,
3°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, dont le siège est PAE Les Glaisins, 4 avenue du Pré Félin, Annecy-le-Vieux, 74985 Annecy cedex 9,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. B..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société MJ Alpes et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Examen de la recevabilité du pourvoi contestée par la défense
Vu les articles 605, 905 et 916 du code de procédure civile :
1. Il résulte de ces textes que, dans une procédure d'appel à bref délai, les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou l'irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2 du même code, peuvent être déférées à la cour d'appel.
2. M. B..., en qualité de dirigeant de la société Home Confort, s'est pourvu en cassation contre une ordonnance du président de chambre de la cour d'appel de Grenoble rendue le 27 septembre 2018, dans une procédure d'appel à bref délai, qui a déclaré caduque la déclaration d'appel formée contre l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu en date du 25 mai 2018.
9. Cette ordonnance étant susceptible d'un déféré, le pourvoi n'est pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;
Condamne M. B..., agissant en qualité de dirigeant de la société Home Confort, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. B..., agissant en qualité de dirigeant de la SCI Home Confort.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
P/Le conseiller rapporteur empêche le président
Le greffier de chambre | Dans une procédure à bref délai, les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président statuant sur la caducité ou l'irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile sont susceptibles de déféré et ne peuvent donc faire l'objet d'un pourvoi |
380 | CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 845 F-P+B+I
Pourvoi n° H 19-15.814
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
M. F... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-15.814 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Firalp, société anonyme, dont le siège est 416 rue du Château, BP 23, 69480 Lachassagne, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. O..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Firalp, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2019), M. O... a relevé appel, le 23 novembre 2017, par l'intermédiaire de son avocat, inscrit au barreau de Nîmes, d'un jugement du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, l'ayant débouté de demandes qu'il formait contre son ancien employeur, la société Firalp.
2. Le 4 décembre 2017, M. X..., avocat inscrit au barreau de Marseille, membre de la société d'exercice libéral E... V... et associés (la société d'avocats), société inter-barreaux dont le siège est établi à Lyon, a déclaré avoir été constitué par la société Firalp et a notifié cette constitution à l'avocat de M. O....
3. Le 2 février 2018, l'appelant a envoyé ses conclusions par lettres recommandées adressées au greffe de la cour d'appel et à la société d'avocats, à l'adresse de son siège à Lyon.
4. M. O... a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel.
Examen des moyens
Sur le moyen, ci-après annexé, du pourvoi incident éventuel, qui est préalable
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. O... fait grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel, alors « que chaque avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral exerce les fonctions d'avocat au nom de la société de sorte que le mandat donné à un avocat associé d'une société d'exercice libéral d'avocats vaut pour la société et pour tous les avocats membres de celle-ci ; que dès lors, en retenant, pour considérer qu'était irrégulière la notification des conclusions d'appel faite par M. O... à la Selca E... et V... et associés, société d'avocat inter-barreaux, à l'adresse de son siège situé à Lyon, au sein de laquelle M. J... X..., avocat postulant pour la société Firalp, était associé, que seul ce dernier, dont le cabinet se trouve à Marseille avait reçu mandat de représenter la société Firalp devant la cour d'appel de Marseille (lire « Aix-en-Provence »), la cour d'appel, qui a méconnu la portée du mandat ad litem confié à un avocat membre d'une société d'exercice libérale, a violé l'article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 :
7. Selon ce texte, chaque avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral exerce les fonctions d'avocat au nom de la société.
8. Pour confirmer l'ordonnance déférée, l'arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 908 et 911 du code de procédure civile, relève que l'avocat constitué par l'intimé est M. X..., avocat au barreau de Marseille, qui est membre de la société d'exercice libéral en commandite par action E... V... et associés, société inter-barreaux, dont le siège est à Lyon, comptant 70 avocats répartis sur 7 barreaux, et que les conclusions de M. O... ont été adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à cette adresse. L'arrêt énonce, ensuite, que la caducité invoquée, qui ne sanctionne pas une nullité de forme, n'exige nullement la démonstration d'un grief, de sorte qu'il importe peu que l'intimée ait conclu dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile. L'arrêt retient, enfin, que la notification prévue à l'article 911 susmentionné ne peut concerner que les avocats chargés de représenter les parties devant la cour d'appel, qu'a seul mandat de représentation devant la cour d'appel, emportant pouvoir et devoir d'accomplir au nom de son mandant les actes de procédure, l'avocat constitué devant cette cour, soit M. X..., avocat au barreau de Marseille, dont le cabinet se trouve dans cette ville, de sorte que la notification faite à la société E... et V... et associés est inopérante, peu important que l'avocat constitué soit membre de la même société d'exercice libéral, dès lors que la notification aurait du être envoyée à l'adresse de cette société, à Marseille.
9. Cet arrêt encourt la censure pour les motifs suivants.
10. La cour d'appel ayant constaté que M. X... agissait au nom de la société d'avocats dont il était membre, il s'en déduit que seule cette société avait été constituée par l'intimé.
11. Or, en application de l'article 690 du code de procédure civile, les notifications entre avocats sont régulièrement accomplies, à l'égard d'une société d'avocats, au siège de celle-ci. Il n'est dérogé, s'il y a lieu, à cette règle que pour les affaires soumises à une postulation par avocat, hypothèse dans laquelle il résulte de l'article 8, III, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que les notifications sont, à peine de nullité pour vice de forme, adressées au lieu où est établi l'avocat membre de la société d'avocats par le ministère duquel celle-ci postule.
12. En statuant comme elle l'a fait, dans une affaire prud'homale qui n'était pas soumise aux règles de la postulation par avocat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 2 et 8 que les conclusions d'appelant ont été régulièrement notifiées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, excluant le prononcé sur ce fondement de la caducité de la déclaration d'appel.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident éventuel de la société Firalp ;
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel de M. O... et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er août 2018, mais seulement en ce qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel et condamné M. O... aux dépens d'appel ;
DIT n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M. O... en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile ;
DIT que l'instance se poursuivra devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT que les dépens de l'incident devant le conseiller de la mise en état et du déféré suivront le sort de l'instance d'appel ;
CONDAMNE la société Firalp aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Firalp et la condamne à payer à M. O... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
P/Le conseiller référendaire rapporteur empeche le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. O..., demandeur principal.
M. O... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la caducité de la déclaration d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des dispositions des articles 908 et 911 du code de procédure civile, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant doit, dans le délai de trois mois à compter de celle-ci, conclure et remettre copie de ses conclusions au greffe et les notifier dans le délai de leur remise aux intimés constitués ou les signifier dans le délai de quatre mois suivant la déclaration d'appel lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat ; qu'il est établi que l'appelant a remis ses conclusions au greffe de la cour par lettre recommandée du 2 février 2018, parvenue au greffe le 5 février 2018, soit dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile qui expirait le 23 février 2018 ; que l'intimée reproche à l'appelant de ne pas lui avoir notifié régulièrement ses conclusions dans ledit délai dès lors qu'il ne les a pas adressées à l'avocat constitué, mais à l'avocat plaidant ; qu'il est constant que l'avocat constitué est Me J... X..., avocat au barreau de Marseille, qui est membre de la société d'exercice libéral en commandite par actions (Selca) E... V... et associés, société inter-barreaux, dont le siège est 94, Charles-de-Gaulle à Lyon, comptant 70 avocats répartis sur sept barreaux ; qu'il est également constant que les conclusions de Me O... ont été adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à cette adresse ; que M. O... fait observer que l'avocat plaidant et l'avocat postulant de la société Firalp exercent au sein d'une même société d'avocats la Selca E... et V... et associés, société inter-barreaux ayant son siège à Lyon, à laquelle peuvent être adressées toutes les correspondances ; qu'il ajoute que l'intimée ne justifie d'aucun grief, qu'il a d'ailleurs notifié ses conclusions dans le délai prescrit ; qu'il est relevé immédiatement que la caducité invoquée ne sanctionne pas une nullité de forme et n'exige nullement la démonstration d'un grief, de sorte qu'il importe peu que l'intimée ait conclu dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile ; que la notification prévue à l'article 911 du code de procédure civile ne peut concerner que les avocats chargés de représenter les parties devant la cour d'appel ; or, a seul mandat de représentation devant la cour emportant pouvoir et devoir d'accomplir au nom de son mandant les actes de procédure, l'avocat constitué devant la cour, soit Me J... X..., avocat au barreau de Marseille, dont le cabinet se trouve dans cette ville ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que l'intimée fait valoir que la notification faite à la Selca E... et V... et associés, société inter-barreaux, ayant son siège à Lyon, est inopérante ; certes, l'avocat constitué est membre de la même société d'exercice libéral, mais la notification aurait dû être envoyée à l'adresse de la Selca à [...] ; qu'enfin, la cour observe que les avocats ayant, sur tout le territoire français, la possibilité de communiquer entre eux par voie électronique, il eut suffi à l'avocat de M. O... de notifier ses conclusions à Me J... X... par cette voie ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE que si, selon l'avis rendu par la Cour de cassation le 5 mai 2017, les règles de la postulation ne s'appliquent pas devant les cours d'appel statuant en matière prud'homale, il n'en reste pas moins que les parties doivent y supporter les rigueurs de la procédure écrite et en particulier celles de l'article 909 du code de procédure civile lequel laisse à l'intimé à peine d'irrecevabilité relevée d'office, un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévu à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ; qu'ainsi, la notification des conclusions d'appelant à une adresse ou n'exerce pas l'avocat constitué, sans même désigner l'avocat plaidant fait grief à l'intimé en amputant le délai de trois mois précités qui lui est alloué du temps nécessaire au ré-adressage des conclusions, à supposer même que l'organisation du secrétariat de la structure inter-barreaux le permet effectivement ; que dès lors, la notification des conclusions à la SELCA est inopérante il convient de dire caduque la déclaration d'appel ;
1°) ALORS QUE chaque avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral exerce les fonctions d'avocat au nom de la société de sorte que le mandat donné à un avocat associé d'une société d'exercice libéral d'avocats vaut pour la société et pour tous les avocats membres de celle-ci ; que dès lors, en retenant, pour considérer qu'était irrégulière la notification des conclusions d'appel faite par M. O... à la Selca E... et V... et associés, société d'avocat interbarreaux, à l'adresse de son siège situé à Lyon, au sein de laquelle Me J... X..., avocat postulant pour la société Firalp, était associé, que seul ce dernier, dont le cabinet se trouve à Marseille avait reçu mandat de représenter la société Firalp devant la cour d'appel de Marseille, la cour d'appel, qui a méconnu la portée du mandat ad litem confié à un avocat membre d'une société d'exercice libérale, a violé l'article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE M. O... faisant valoir que ses conclusions d'appel avaient été adressées à la Selca E... V..., [...] , unique adresse figurant sur les écritures de la société Firalp, lesquelles précisaient que l'avocat plaidant, Me G... H..., et l'avocat postulant, Me J... X..., appartenaient tous deux au Cabinet E... et V... et associés; que dès lors, en se bornant à énoncer que la notification des conclusions d'appel faite par M. O... à la Selca E... et V... et associés à l'adresse de son siège situé à Lyon, et non à l'adresse du cabinet de Me J... X... à Marseille, était irrégulière dans la mesure où seul Me X... avait reçu mandat pour représenter la société Firalp, sans répondre à ces conclusions pourtant de nature à établir que cet avocat se considérait lui-même comme domicilié à l'adresse à laquelle les conclusions litigieuses lui ont été notifiées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE si le défaut de notification des conclusions d'appel dans un délai de trois mois est sanctionné par la caducité de la déclaration d'appel, la notification des conclusions à une adresse erronée constitue une irrégularité de forme si bien que la caducité de la déclaration d'appel ne peut alors être encourue qu'en cas d'annulation de cet acte, ce qui suppose la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que dès lors, en retenant que la caducité de la déclaration d'appel de M. O..., qui ne découlait pourtant pas d'une absence de notification des conclusions à l'avocat de l'intimée mais d'une notification à une adresse erronée, n'était pas subordonnée à la preuve d'un grief et qu'il importait donc peu que la société Firalp ait pu notifier ses propres conclusions en réponse dans le délai légal de trois mois, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 114, 909 et 911 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Gatineau, avocat aux Conseils, pour la société Firalp, demanderesse au pourvoi incident éventuel.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé l'ordonnance déférée qui avait constaté la caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles, sauf à préciser que l'appel de M. F... O... était recevable ;
AUX MOTIFS QUE « 1. Sur la recevabilité de l'appel et des conclusions de l'appelant, Selon l'article 930-1 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En l'espèce la déclaration d'appel a été remise sur support papier au greffe de la juridiction par l'avocat de M. O..., inscrit au barreau de Nîmes, extérieur au ressort de la cour. La société Firalp critique l'ordonnance déférée en ce qu'elle a considéré que constitue une cause étrangère au sens du texte susvisé le fait que l'avocat de l'appelant, qui est inscrit au barreau de Nîmes, ne peut avoir accès au RPVA de la présente cour pour des raisons techniques qui ne lui sont pas imputables. Elle soutient que le seul tempérament prévu par la loi est le défenseur syndical et qu'il suffit à l'avocat d'un barreau extérieur, qui n'ignore pas qu'il n'a pas accès au RPVA de la cour, de faire appel à un confrère disposant de cette faculté. Cependant, dès lors que les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-& de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, ne s'appliquent pas devant les cours d'appel statuant en matière prud'homale, tout avocat quel que soit son barreau de rattachement, peut représenter une partie devant la chambre sociale de la cour. Or, ce dernier n'a pas pour l'instant la possibilité de communiquer par voie électronique avec la cour. En conséquence, c'est à juste titre que le conseiller de la mise en état a jugé que l'avocat d'un barreau extérieur, dans l'impossibilité pour des raisons techniques qui ne lui sont pas imputables d'accéder au RPVA, se trouve confronté à une cause étrangère, qui lui permet de remettre ou transmettre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception les actes de procédure sur support papier. L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevables la déclaration d'appel de M. O... ainsi que ses conclusions d'appelant remises à la cour sur support papier » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « 1/ Sur l'usage du RPVA par un avocat d'un barreau extérieur à la cour, L'article L. 930-1 du code de procédure civile dispose que : "À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué. Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen. Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur. Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique." En l'espèce, constitue "une cause étrangère" au sens de l'article précité, le fait que l'avocat de l'appelant, qui est inscrit au barreau de Nîmes, ne peut avoir un accès au RPVA de la cour d'appel de céans, cela pour des raisons techniques qui ne lui sont pas imputables, puisqu'en l'état y ont seulement accès les avocats rattachés professionnellement au ressort géographique de ladite cour. En conséquence, les actes de l'appelant n'encourent pas la critique de ce chef » ;
ALORS QUE ce n'est que lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, qu'il peut être établi sur support papier et remis au greffe ; que l'impossibilité de transmettre un acte par voie électronique pour une cause étrangère n'est pas caractérisée dans l'hypothèse où un avocat est inscrit à un barreau extérieur au ressort de la cour d'appel et ne peut de ce fait communiquer avec elle par RPVA ; qu'en effet, dans une telle hypothèse, il peut, même en matière sociale, solliciter un confrère exerçant dans le ressort de la cour d'appel pour transmettre les actes de procédures par voie électronique ; qu'en retenant au contraire que c'est à juste titre que le conseiller de la mise en état avait jugé que l'avocat d'un barreau extérieur qui est dans l'impossibilité, pour des raisons techniques qui ne lui sont pas imputables, d'accéder au RPVA, se trouve confronté à une cause étrangère qui lui permet de remettre ou transmettre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception les actes de procédure sur support papier, la cour d'appel a violé l'article 930-1 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre | Selon l'article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993, chaque avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral exerce les fonctions d'avocat au nom de la société.
En outre, en application de l'article 690 du code de procédure civile, les notifications entre avocats sont régulièrement accomplies, à l'égard d'une société d'avocats, au siège de celle-ci. Il n'est dérogé, s'il y a lieu, à cette règle que pour les affaires soumises à une postulation par avocat, hypothèse dans laquelle il résulte de l'article 8, III, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que les notifications sont, à peine de nullité pour vice de forme, adressées au lieu où est établi l'avocat membre de la société d'avocats par le ministère duquel celle-ci postule.
Encourt en conséquence la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui prononce la caducité d'une déclaration d'appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile, au motif que l'appelant avait notifié ses conclusions à l'adresse de la société d'avocats plutôt qu'à l'adresse de celui de ses membres en charge de la défense de l'intimé, alors qu'elle statuait dans une affaire prud'homale, qui n'était pas soumise aux règles de la postulation par avocat |
381 | CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 847 F-P+B+I
Pourvoi n° C 19-17.673
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
Mme N... W..., épouse O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 19-17.673 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Reverdy, société anonyme, dont le siège est rond-point Nord, BP 25, 45500 Gien,
2°/ à la société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est 13-15 quai Le Gallo, 92100 Boulogne-Billancourt,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de Me Brouchot, avocat de Mme W..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Reverdy, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Renault, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 novembre 2018), la société Reverdy a vendu un véhicule à Mme O....
2. Ayant constaté des désordres sur le véhicule, Mme O... a assigné les sociétés Reverdy et Renault à fin d'expertise, laquelle a été ordonnée par une ordonnance de référé.
3. Mme O... a, ensuite, assigné la société Reverdy devant un tribunal de grande instance afin de la voir condamnée au titre de sa responsabilité et de la garantie des vices cachés. La société Reverdy a assigné en intervention forcée la société Renault afin d'obtenir sa condamnation à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
4. Le tribunal de grande instance a débouté Mme O... de l'ensemble de ses demandes et a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie.
5.Mme O... a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6.Mme O... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses entières demandes formées à l'encontre de la société Reverdy en réparation de ses préjudices et de la condamner à verser à la société Reverdy la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel déposées au-delà des délais réglementairement prévus ont autorité de la chose jugée au principal ; que, statuant sur un incident soulevé par Mme O..., le conseiller de la mise en état avait, par une ordonnance du 9 janvier 2018, devenue définitive, déclaré irrecevables comme tardivement notifiées les conclusions d'intimé notifiées le 5 septembre 2017 par la société Reverdy, en ce qu'elles n'avaient pas été signifiées dans le délai de deux mois courant à compter de la notification des conclusions de Mme O... le 25 avril 2017 ; qu'en statuant cependant au fond, en prenant en considération lesdites conclusions de la société Reverdy, expressément visées, pour faire droit à ses demandes, tant de rejet des prétentions de Mme O... que de condamnation de cette dernière à lui verser une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a méconnu l'interdiction qui lui était faite de statuer à partir de ces conclusions déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état pour cause de tardiveté de leur signification, violant ainsi les articles 902, 909 et 910 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. La société Reverdy conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
8. Cependant, est recevable le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, lorsqu'il est d'ordre public et qu'il résulte d'un fait dont la cour d'appel avait été mise à même d'avoir connaissance.
9.Or, le moyen tiré de la violation de l'autorité de chose jugée est d'ordre public quand, au cours de la même instance, il est statué dans la suite d'une précédente décision.
10. En outre, en application de l'article 727 du code de procédure civile, sont versées au dossier de la cour d'appel les copies des décisions auxquelles l'affaire donne lieu.
11. Il en résulte que le moyen tiré de la violation de l'autorité de chose jugée par la cour d'appel de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, rendue au cours de la même instance et qui était versée au dossier de la cour d'appel, est un moyen d'ordre public reposant sur un fait dont la cour d'appel avait été mise à même d'avoir connaissance.
12. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1355 du code civil et 914, dernier alinéa, du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.
14. Pour confirmer le jugement entrepris et condamner Mme O... à verser à la société Reverdy la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel s'est fondée sur les conclusions notifiées par la société Reverdy le 6 septembre 2017.
15. En statuant ainsi, alors que ces conclusions avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 janvier 2018, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives au rejet des demandes formées par Mme O... à l'encontre de la société Reverdy et à sa condamnation à lui payer une indemnité de procédure entraîne la cassation, par voie de conséquence, des dispositions relatives à la garantie de la société Renault qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Demande de mise hors de cause
17. Il n'y a pas lieu de mettre la société Renault hors de cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Renault ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne les sociétés Reverdy et Renault aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Reverdy et la société Renault et condamne la société Reverdy à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour Mme O...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme O... de ses entières demandes formées à l'encontre de la société Reverdy en réparation de ses préjudices et de l'AVOIR condamnée à verser à la société Reverdy la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur la garantie des vices cachés, quand bien même la société Reverdy a, comme le fait valoir Mme O..., la qualité de professionnel auquel peut être opposée une présomption de connaissance du défaut affectant le véhicule, ne peut prospérer l'action qu'elle a engagée qui ne satisfait pas aux conditions légales requises sur le fondement des articles 1641 et 1645 du code civil ; que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Reverdy, Mme O... qui présente sa demande en termes généraux en mettant notamment en cause une pluralité d'intervenants, sans s'attacher à préciser l'intervention ou les interventions de la société Reverdy qu'elle vise ni son identité avec un nouveau dommage ni davantage le lien de causalité entre ce nouveau dommage et l'intervention du garagiste doit être déboutée de sa demande à ce titre ; que l'équité conduit à condamner Mme O... à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel déposées au-delà des délais réglementairement prévus ont autorité de la chose jugée au principal ; que, statuant sur un incident soulevé par Mme O..., le conseiller de la mise en état avait, par une ordonnance du 9 janvier 2018, devenue définitive, déclaré irrecevables comme tardivement notifiées les conclusions d'intimé notifiées le 5 septembre 2017 par la société Reverdy, en ce qu'elles n'avaient pas été signifiées dans le délai de deux mois courant à compter de la notification des conclusions de Mme O... le 25 avril 2017 ; qu'en statuant cependant au fond, en prenant en considération lesdites conclusions de la société Reverdy, expressément visées, pour faire droit à ses demandes, tant de rejet des prétentions de Mme O... que de condamnation de cette dernière à lui verser une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a méconnu l'interdiction qui lui était faite de statuer à partir de ces conclusions déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état pour cause de tardiveté de leur signification, violant ainsi les articles 902, 909 et 910 du code de procédure civile. | Le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation est recevable lorsqu'il est d'ordre public et qu'il résulte d'un fait dont la cour d'appel avait été mise à même d'avoir connaissance.
Or, le moyen tiré de la violation de l'autorité de chose jugée est d'ordre public quand, au cours de la même instance, il est statué dans la suite d'une précédente décision. En outre, en application de l'article 727 du code de procédure civile, sont versées au dossier de la cour d'appel les copies des décisions auxquelles l'affaire donne lieu.
En conséquence, le moyen tiré de la violation de l'autorité de chose jugée par la cour d'appel de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, rendue au cours de la même instance et qui était versée au dossier de la cour d'appel, est recevable même s'il est invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation |
382 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
Mme BATUT, président
Arrêt n° 431 FS-P+B
Pourvoi n° S 19-12.235
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
M. Q... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-12.235 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la commune de Juvigny-les-Vallées,
venant aux droits de la commune de Chérencé-le-Roussel, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité, [...], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. S..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la commune de Juvigny-les-Vallées, venant aux droits de la commune de Chérencé-le-Roussel, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 novembre 2018), M. S... (l'exploitant) est exploitant agricole sur la commune de Chérencé-le-Roussel, aux droits de laquelle se trouve la commune de Juvigny-les-Vallées (la commune).
2. Contestant le montant de la facture établie le 17 décembre 2012 par la commune au titre de la consommation d'eau pour les besoins de son exploitation, l'exploitant a assigné la commune aux fins d'obtenir sa rectification. Il a demandé, en outre, le remboursement par la commune de la redevance pour pollution de l'eau pour les années 2008 à 2012.
3. L'exploitant a été condamné au paiement de la facture litigieuse et sa demande de remboursement a été rejetée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 76, alinéa 2, du code de procédure civile, la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article L. 213-10 du code de l'environnement :
6. Selon le premier de ces textes, le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire peut être relevé d'office par la Cour de cassation.
7. Selon le troisième, en application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l'environnement, l'agence de l'eau établit et perçoit auprès des personnes publiques ou privées des redevances pour atteintes aux ressources en eau, au milieu marin et à la biodiversité et, en particulier, des redevances pour pollution de l'eau.
8. Ces redevances constituent, par leur nature, des impositions dont le contentieux ressortit à la compétence de la juridiction administrative.
9. Pour rejeter la demande de remboursement de la redevance pour pollution de l'eau, l'arrêt retient que, si l'exploitant n'en était pas débiteur, dès lors que le branchement litigieux alimentait exclusivement l'abreuvoir situé sur sa parcelle et que les abreuvoirs et branchements de pré sont exonérés du paiement de cette taxe par l'annexe II de la circulaire n° 6/DE du 15 février 2008 relative à l'application des redevances prévues aux articles L. 213-10-1 et suivants du code de l'environnement, la commune se bornait à collecter la redevance qui lui était réclamée pour le compte de l'agence de l'eau Seine-Normandie à laquelle cette somme était reversée et qui était seule concernée par la demande de remboursement.
10. En statuant sur cette demande qui ne relevait pas de sa compétence, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
13. Il y a lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir s'agissant de la demande de remboursement de la redevance pour pollution de l'eau.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en remboursement de la somme de 1 756,59 euros facturée au titre de la redevance pour pollution de l'eau, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige concernant la demande de remboursement de la redevance pour pollution de l'eau ;
Renvoie, sur ce point, les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne M. S... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juridictions du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. S....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. S... au paiement à la commune de Chérencé-Le-Roussel de la somme de 5 620,90 euros au titre de la facture d'eau du 17 décembre 2012 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Devant la cour monsieur S... ne conteste plus qu'il ne peut prétendre à l'écrêtement de la facture du 14 novembre 2012, les dispositions de l'article L. 2224-12-4 III bis du code général des collectivités territoriales lui étant inapplicables ;
Monsieur S... soutient désormais que la commune de CHERENCE LE ROUSSEL n'apporte pas la preuve qui lui incombe, du volume d'eau de 4 061 m³ facturé à l'appelant le 17 décembre 2012 et ne correspondant à aucune consommation réelle ;
Mais il n'est pas discuté que cette facturation fait suite à une première facture du 14 novembre 2012 portant sur une consommation de 6 158 m² relevée au compteur fin octobre 2012 par l'employé communal, monsieur C..., qui a avisé immédiatement monsieur S... de l'existence d'une fuite et fermé le compteur ;
Comme le confirment les courriers échangés avec la commune intimée dès le 19 novembre 2012 monsieur S... n'a jamais contesté ce relevé initial, ses démarches visant exclusivement à obtenir l'écrêtement de cette facture sur le fondement du texte précité qui s'est révélé inapplicable ;
La facture du 17 décembre 2012 intègre un dégrèvement de 2 097 m³ consenti par la commune de CHERENCE LE ROUSSEL ;
En ce qu'il résulte de ce dégrèvement le nombre de 4 061 m³ d'eau facturés le 17 décembre 2012 est effectivement sans lien avec la consommation réelle qui était de 6 158 m³ selon le relevé effectué par monsieur C... pour l'année 2012 ;
Mais l'appelant qui n'a jamais contesté le relevé initial de 6 158 m³ ne peut sans mauvaise foi en tirer argument pour soutenir qu'il ne doit pas la somme qui lui est finalement facturée pour une consommation ramenée à 4 061 m³ sauf à s'exposer au paiement de la somme de 8 470,72 € initialement facturée le 19 novembre 2012 pour la consommation réelle ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné monsieur S... à payer à la commune de CHERENCE LE ROUSSEL la somme réclamée de 5 620,90 € au titre de la facture d'eau du 17 décembre 2012 » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« Sur la demande en paiement :
Monsieur S... a reçu le 14 novembre 2012 une facture d'eau de 8 480,72 euros ;
Suite au courrier du 19 novembre 2012 de Monsieur et Madame S..., le conseil municipal a décidé de lui accorder, gracieusement, au vu des circonstances par délibération du 27 novembre 2012 une réduction de sa facture à la somme de 5 620,90 euros qui lui a été notifiée le 17 décembre 2012 ;
Monsieur S... n'apporte aucun élément pertinent de nature à voir réduire ou annuler cette facture. Il sera condamné à son paiement » ;
ALORS QUE toute facture d'eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné ; qu'en condamnant M. S... à payer à la commune de Chérencé-le-Roussel la somme de 5 620,90 euros au titre de la facture d'eau du 17 décembre 2012, après avoir pourtant constaté que le nombre de 4 061 m³ d'eau facturés était sans lien avec la consommation réelle de M. S..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 2224-12-4, I, du code général des collectivités territoriales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. S... de sa demande de remboursement de la somme de 1 756,59 euros indûment facturée au titre de la taxe pollution ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Monsieur S... soutient qu'au moins depuis l'année 2008 il ne doit pas la taxe pollution perçue par la commune intimée à laquelle il réclame à ce titre le remboursement d'une somme de 1 756,59 € ;
Il reproche au premier juge de l'avoir débouté à tort de cette demande sans tenir compte des dispositions de l'annexe II de la circulaire N°6/DE du 15 février 2008 relatives à l'application des redevances prévues aux articles L. 213-10-1 et suivants du code de l'environnement ;
Selon cette annexe II les abreuvoirs et branchements de pré sont exonérés du paiement de cette taxe ;
Or il n'est pas discuté que le branchement litigieux alimente exclusivement l'abreuvoir situé sur la parcelle exploitée par monsieur S... sur la commune de [...] ;
Selon cette annexe monsieur S... n'est donc pas débiteur de cette taxe ;
Mais la commune intimée justifie par la production des notifications qui lui sont adressées par l'agence de l'eau Seine Normandie, établissement public administratif de l'Etat, qu'elle se borne à collecter la redevance qui lui est réclamée pour le compte de l'Etat auquel cette somme est reversée et qui est seul concerné par la demande de remboursement de monsieur S... ;
Par conséquent le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté monsieur S... de sa demande en paiement par l'intimée de la somme de 1 755,59 € et de celle subséquente tendant à la compensation des dettes réciproques alléguées » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« 2°) Sur la taxe pollution :
Monsieur S... soutient en dernier lieu qu'il lui a été facturé à tort la taxe pollution ;
Il apparaît pourtant à la lecture de l'article 3.3 de la circulaire du 15 février 2008 retranscrite par le requérant lui-même que sont exonérés de la taxe pollution les élevages dont le réseau de distribution dessert le bâtiment d'habitation, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, Monsieur S... n'est pas domicilié sur la commune de CHERENCE LE ROUSSEL où la distribution d'eau n'alimente que son exploitation agricole » ;
ALORS QUE lorsque l'exploitant du service de l'eau facture et encaisse indûment des sommes à titre de redevance pour pollution de l'eau, il appartient à celui-ci seul de rembourser ces sommes à l'usager, puis de mentionner la rectification ainsi intervenue dans la déclaration établie pour l'année au cours de laquelle elle a eu lieu adressée à l'agence de l'eau compétente, et enfin d'imputer le montant en cause sur le montant total des redevances perçues à reverser à ladite agence ; qu'en déboutant néanmoins M. S... de sa demande formée contre la commune de Chérencé-le-Roussel en remboursement des sommes facturées à titre de redevance pour pollution de l'eau pour les années 2008 à 2012, dont elle avait pourtant constaté le caractère indû, motif pris que, la commune se bornant à collecter la redevance pour le compte de l'agence de l'eau Seine Normandie, établissement public administratif de l'Etat, auquel elle est reversée, ce dernier aurait été seul concerné par la demande de remboursement de M. S..., la cour d'appel a violé les articles L. 213-10-1, L. 213-11, R. 213-48-21, R. 213-48-25, R. 213-48-35 et R. 213-48-42 du code de l'environnement et la circulaire n° 6/DE du 15 février 2008 relative à l'application des redevances prévues aux articles L. 213-10-1 et suivants du code de l'environnement. | Les redevances pour pollution de l'eau perçues par les agences de l'eau en application de l'article L. 213-10 du code de l'environnement constituent, par leur nature, des impositions dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative.
Dès lors, excède ses pouvoirs et viole la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, une cour d'appel qui statue sur une demande de remboursement d'une telle redevance |
383 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 432 FS-P+B
Pourvoi n° A 19-14.934
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-14.934 contre l'arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. G... V...,
2°/ à Mme E... R...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. V... et de Mme R..., l'avis écrit de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, et l'avis oral de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 7 février 2019), suivant offre acceptée le 19 janvier 2013, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la banque) a consenti à M. V... et Mme R... (les emprunteurs) deux prêts destinés à l'acquisition d'un bien immobilier, le premier ayant fait l'objet d'un remboursement anticipé en juin 2014 et le second ayant été modifié par avenant du 25 septembre 2015.
2. Soutenant que la clause du contrat qui prévoyait un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours présentait un caractère abusif, les emprunteurs ont assigné la banque en substitution de l'intérêt légal et remboursement des intérêts déjà versés excédant le taux légal.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer abusive et non-écrite la clause de calcul des intérêts pendant la phase d'amortissement, de la condamner à restituer la différence entre le montant des intérêts conventionnels versés au titre des prêts et le montant des intérêts au taux légal, et d'ordonner la substitution de l'intérêt légal pour les échéances à venir, alors « que le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, caractérisant une clause abusive, doit s'apprécier en comparant la situation juridique du consommateur telle qu'elle résulte de la clause critiquée avec celle qui résulterait de la loi si cette clause n'avait pas été stipulée ; que le déséquilibre significatif n'est caractérisé que si la clause porte une atteinte suffisamment grave aux droits que le consommateur tirait ainsi de la loi ; qu'au cas présent, la banque soutenait que le calcul des intérêts journaliers sur la base d'une année de trois cent soixante jours, tel que résultant de la clause critiquée, avait généré un surcoût d'un montant de 11,65 euros au détriment des emprunteurs par rapport au calcul sur la base d'une année civile de trois cent soixante-cinq jours, tel que résultant de la loi ; que, pour déclarer la clause critiquée abusive, la cour d'appel a dit que l'importance de son impact réel ne devait pas être prise en compte ; qu'en faisant ainsi abstraction de l'impact réel de la clause sur le montant des intérêts, la cour d'appel a refusé de procéder à la comparaison entre la situation juridique du consommateur telle qu'elle résulte de la clause et telle qu'elle résulterait de la loi, et s'est mise dans l'impossibilité de déterminer si la clause portait une atteinte suffisamment grave aux droits légaux des emprunteurs, violant l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
4. Aux termes de ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
5. Il en résulte qu'il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
6. Pour déclarer abusive la clause du contrat de prêt selon laquelle, durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt mentionné dans l'acte sur la base d'une année bancaire de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, l'arrêt retient que la stipulation qui fait référence à un calcul des intérêts sur une durée de trois cent soixante jours et non d'une année civile de trois cent soixante-cinq jours prive les consommateurs de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, qu'elle présente comme telle un caractère abusif, quelle que soit l'importance de son impact réel et qu'elle doit être déclarée non écrite.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. V... et Mme R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin.
Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir déclaré abusive et non-écrite la clause selon laquelle « Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », d'avoir condamné la banque à restituer aux emprunteurs la différence entre le montant des intérêts conventionnels par eux versés au titre du prêt d'un montant de 360 000 euros remboursé par anticipation en juin 2014 et le montant des intérêts au taux légal auxquels la banque pouvait prétendre depuis la conclusion du contrat jusqu'au remboursement anticipé et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2017, d'avoir condamné la banque à restituer aux emprunteurs la différence entre le montant des intérêts conventionnels par eux versés au titre du prêt d'un montant de 225 100,81 euros renégocié le 25 septembre 2015 et le montant des intérêts auquel la banque pouvait prétendre entre la conclusion du contrat et le jour du jugement et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2017 pour la somme représentant la différence entre les intérêts conventionnels et les intérêts au taux légal échus à cette date et à compter de leur date de perception pour les intérêts indûment perçus à compter du 24 février 2017, et d'avoir condamné la banque à communiquer aux emprunteurs un avenant accompagné du nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération la substitution du taux d'intérêt légal applicable par année au taux conventionnel puis, à chaque publication du taux d'intérêt légal, un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux d'intérêt conventionnel du taux d'intérêt légal applicable au titre du prêt de 225 100,81 euros renégocié le 25 septembre 2015 ;
aux motifs propres que « les deux prêts en cause correspondent à des crédits immobiliers qui ont été consentis à des emprunteurs non professionnels, lesquels bénéficient des dispositions protectrices du code de la consommation ; que l'offre des deux prêts stipule que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » ; qu'en application combinée des articles 1907 du code civil et L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, ces derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, le taux d'intérêt conventionnel mentionné par écrit ans un crédit immobilier consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur l'année civile (cass. Civ. 1ère, 19 juin 2013, Bull. 2013 I n° 132) ; que la stipulation figurant dans les prêts immobiliers consentis aux emprunteurs, qui fait référence à un calcul d'intérêts sur la base d'une année de 360 jours et non d'une année civile de 365 jours, prive les intéressés de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que cette stipulation présentait, comme telle, un caractère abusif, quelle que soit l'importance de son impact réel, et qu'elle devait être déclarée non écrite ; que les premiers juges ont tiré les exactes conséquences de cette situation en décidant que la banque ne pouvait prétendre qu'aux intérêts au taux légal sur les sommes dues et en condamnant, en conséquence, cet établissement de crédit à rembourser aux emprunteurs le trop versé d'intérêts depuis la conclusion du contrat » ;
et aux motifs adoptés que « sur la clause relative au calcul des intérêts conventionnels, aux termes de l'article L. 131-2 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le code de la consommation précise également que le caractère abusif s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat et que la sanction applicable si le caractère abusif de la clause est avéré est qu'elle est réputée non écrite, le contrat restant applicable dans ses autres dispositions ; qu'en l'espèce, G... V... et E... R... excipent notamment de la recommandation n° 05-02 (BOCCRF du 20 septembre 2005) de la commission des clauses abusives, selon laquelle : « Considérant qu'une clause prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours ; qu'une telle clause, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile et qui ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » pour entendre notre tribunal dire que la clause de l'offre de prêt en date du 19 janvier 2013 qu'ils ont signée selon laquelle : « Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » est parfaitement illégale puisqu'elle se réfère directement à l'année lombarde et contraire aux dispositions de l'article L. 131-2 du code de la consommation ; qu'ils invoquent également notamment un arrêt de la Cour de cassation en date du 17 juin 2015 qui a jugé que : « Le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global être calculé sur la base de l'année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel » ; que la banque répond que la recommandation n° 05-02 de la commission des clauses abusives concerne les conventions de comptes bancaires et aucunement les crédits immobiliers, que les demandeurs font un amalgame erroné puisqu'à la différence des intérêts de découvert bancaire, ceux en matière de prêt immobilier sont calculés non en référence à un nombre de jours mais bien par référence à un mois normalisé, en application de l'annexe du R. 331-1 du code de la consommation et que cette clause 30/360 ne pose aucun problème de déséquilibre significatif en matière de prêt immobilier car il s'agit d'une clause d'équivalence mathématique ; que la banque réfute l'arrêt de la Cour de cassation qui est invoqué au motif qu'il y a eu depuis lors un revirement de jurisprudence en ce que la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer dans un arrêt en date du 30 novembre 2016 sur la valeur du rapport 30/360 au rapport 30,41666/365, le rapport étant dans les deux cas égal à 0,0833 dans les termes suivants : « Attendu que pour prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel, ordonner la substitution de l'intérêt au taux légal et prescrire la mainlevée du commandement de payer, l'arrêt se fonde exclusivement sur un rapport d'expertise établi non contradictoirement, à la demande de M. D...
; qu'en statuant ainsi, sans asseoir sa décision sur d'autres éléments du débat ou de preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé » ; que pourtant, il sera rappelé tout d'abord que l'information donnée dans l'offre de prêt au consommateur relative aux modalités de calcul du taux d'intérêt conventionnel est destinée à lui permettre de connaître le coût total du crédit et à être en mesure de comparer les coûts entre différents organismes bancaires qu'il devra supporter et ce, sans faire appel à des usages et des notions réservés aux professionnels du crédit ; que par ailleurs, l'annexe de l'article R 313-1 du code de la consommation contient la remarque c) selon laquelle « l'écart entre les dates utilisées pour le calcul (du TEG) est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois compte 30,41666 jours (c'est-à-dire 365 sur 12), que l'année soit bissextile ou non » ; qu'en indiquant dans le contrat que « les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », il est incontestable que cette clause ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile et que ce faisant, elle ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en résulter à son détriment et que ceci est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; que l'organisme de crédit n'informe pas le consommateur, dans la clause critiquée, qu'en réalité, les modalités de calcul qui seront réellement appliquées sont équivalentes à des modalités prenant en considération une année de référence de 365 ou de 366 jours dans la mesure où les intérêts du prêt sont bien calculés sur la base d'une année divisée en 12 périodes d'un mois normalisé de 30,41666 jours, conformément à l'article R. 313-1 ; et qu'en tout état de cause, par les calculs qu'effectuent les demandeurs dans la présente instance, il est démontré que cette équivalence n'est pas totale et que si l'on peut admettre une équivalence financière entre les deux modalités de calcul fondées soit sur l'année bancaire de 360 jours soit sur l'année civile de 365 jours s'agissant d'échéances portant sur des mois complets, il y a une différence de résultat entre les deux formules de calcul, s'agissant d'échéances portant sur des mois incomplets et devant être calculées en jours réels ; que peu importe que la différence ne porte que sur des sommes peu importantes en valeur puisqu'il apparaît que le dénominateur de 360 jours conduit à une majoration du montant des intérêts conventionnels ; que l'arrêt de la Cour de cassation invoqué par la banque ne remet pas en cause le principe de la référence à une année de 365 jours dans le mode de calcul des intérêts conventionnels alors qu'il reproche à l'arrêt de la cour d'appel de ne s'être fondé dans le cas d'espèce que sur un rapport d'expertise non contradictoire pour statuer sur la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel ; que le tribunal constate donc que la clause critiquée par les consorts V... R... doit être réputée non écrite comme étant abusive ; qu'à titre principal, les demandeurs sollicitent la déchéance du droit à tout intérêt et à titre subsidiaire, la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel ; que la Caisse d'Epargne s'oppose à ce que la déchéance du droit à tout intérêt soit prononcé et invoque l'article L 312-33 du code de la consommation alors que la sanction facultative de l'irrégularité des mentions impératives d'offre de crédit immobilier, qui est la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, est prononcée à l'appréciation du juge « en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » ; qu'elle demande même à notre tribunal, compte tenu de ce que le différentiel d'intérêts ne porte pour le prêt PRIMO 2 A que sur 7,42 € et pour le prêt PRIMO 2 que sur 4,23 € de rejeter même la demande de substitution des intérêts au taux légal aux intérêts au taux conventionnel comme constituant une sanction disproportionnée ; que selon la banque, l'erreur commise dans le calcul des intérêts ne pourrait que générer des dommages intérêts sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil et en l'espèce, faute de préjudice, aucun dommage intérêt ne pourrait être alloué aux emprunteurs ; que, pourtant, dès lors que le tribunal retient en l'espèce le caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêt en ce qu'elle fait référence à une année de 360 jours et non de 365 ou 366 jours, ce qui ne permet pas aux emprunteurs de calculer le coût réel de leur crédit, c'est la sanction du réputé non écrit qui s'applique, de telle sorte que l'organisme de crédit ne peut prétendre qu'aux intérêts au taux légal sur les sommes dues ; qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la sanction de la déchéance du droit aux intérêts en l'espèce et dès lors, E... R... et G... V... sont bien fondés à solliciter la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la conclusion du contrat jusqu'à son remboursement anticipé pour le prêt de 360.000 € et jusqu'à ce jour pour le prêt de 225.100,81 € ; qu'il appartiendra à la Caisse d'Epargne de calculer la différence entre les intérêts versés par E... R... et G... V... au titre du prêt de 360.000 e remboursé par anticipation en juin 2014 et le montant des intérêts au taux légal auxquels elle pouvait prétendre de la conclusion du contrat et le jour du présent jugement et elle sera condamnée à restituer cette différence aux emprunteurs ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à dire que le taux légal s'appliquera tant qu'il sera inférieur au taux contractuel intervenu en dernier lieu au titre du contrat en cours alors que la clause de stipulation des intérêts contractuels étant réputée non écrite, elle a pour conséquence l'application de l'intérêt au taux légal qui est du à compter de la date du prêt par application de l'article 1907 du code civil et aucun motif ne justifie que les intérêts restitués par le prêteur viennent s'imputer sur le capital restant dû comme demandé par les emprunteurs ; qu'enfin, les consorts R... V... demandent que les sommes restituées soient augmentée des intérêts produits au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement ; que cependant, il résulte de la combinaison des articles 1231-6, 1344-1 et 1352-7 du code civil que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue ne doit les intérêts qu'à compter du jour de la demande et ne les doit à compter du jour où il a perçu la somme indue que s'il l'a perçue de mauvaise foi ; qu'en conséquence, faute de caractériser la mauvaise foi de la banque dans la présente espèce, les intérêts au taux légal sur les sommes devant être restituées par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin ne pourront qu'à compter de l'assignation en date du 24 février 2017 valant sommation de payer suffisante pour la somme représentant la différence entre les intérêts conventionnels et les intérêts au taux légal échus à cette date et à compter de leur date de perception pour les intérêts indûment perçus à compter de l'exploit introductif d'instance du 24 février 2017 ; que par ailleurs, concernant le prêt encore en cours de remboursement, la banque devra communiquer aux emprunteurs un avenant accompagné du nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération la substitution du taux d'intérêt légal applicable par année, au taux conventionnel, puis, à chaque publication du taux d'intérêt légal, communiquer aux emprunteurs un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux d'intérêt conventionnel du taux d'intérêt légal applicable » ;
alors 1°/ que le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, caractérisant une clause abusive, doit s'apprécier en comparant la situation juridique du consommateur telle qu'elle résulte de la clause critiquée avec celle qui résulterait de la loi si cette clause n'avait pas été stipulée ; que le déséquilibre significatif n'est caractérisé que si la clause porte une atteinte suffisamment grave aux droits que le consommateur tirait ainsi de la loi ; qu'au cas présent, la banque soutenait que le calcul des intérêts journaliers sur la base d'une année de 360 jours, tel que résultant de la clause critiquée, avait généré un surcoût d'un montant de 11,65 euros au détriment des emprunteurs par rapport au calcul sur la base d'une année civile de 365 jours, tel que résultant de la loi ; que pour déclarer la clause critiquée abusive, la cour d'appel a dit que l'importance de son impact réel ne devait pas être prise en compte ; qu'en faisant ainsi abstraction de l'impact réel de la clause sur le montant des intérêts, la cour d'appel a refusé de procéder à la comparaison entre la situation juridique du consommateur telle qu'elle résulte de la clause et telle qu'elle résulterait de la loi, et s'est mise dans l'impossibilité de déterminer si la clause portait une atteinte suffisamment grave aux droits légaux des emprunteurs, violant l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable ;
alors 2°/ que si une clause peut être déclarée abusive indépendamment des conséquences financières qu'elle entraîne pour le consommateur, c'est à condition qu'elle ne satisfasse pas à l'exigence d'une rédaction claire et lorsque sa rédaction, en raison de son manque de clarté, peut induire le consommateur en erreur sur sa situation juridique telle qu'elle découle du contrat ; que la clause litigieuse, selon laquelle « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », ne présente pas ces caractéristiques, dans la mesure où elle ne serait pas davantage claire ni compréhensible pour le consommateur si elle se référait à une année de 365 jours sans prise en compte de la durée des semestres, des trimestres et des mois, la complexité de la clause provenant, non de sa rédaction, mais de la matière même du calcul des intérêts d'un prêt, qui nécessite la connaissance de la formule mathématique adéquate ; qu'en déclarant pourtant abusive la clause critiquée au seul prétexte qu'elle ne mettait pas les emprunteurs en mesure d'évaluer le surcoût susceptible de résulter de son application et les privait de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable ;
alors 3°/ que si une clause peut être déclarée abusive indépendamment des conséquences financières qu'elle entraîne pour le consommateur, c'est à condition qu'elle ne satisfasse pas à l'exigence d'une rédaction claire et lorsque sa rédaction, en raison de son manque de clarté, peut induire le consommateur en erreur sur sa situation juridique telle qu'elle découle du contrat ; que la clause litigieuse, selon laquelle « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », ne présente pas ces caractéristiques, car dès lors que l'emprunteur connaît la formule mathématique de calcul des intérêts journaliers et mensuels, la clause lui fournit les informations nécessaires pour en tirer le montant des intérêts dus et le comparer, le cas échéant, au montant qui résulterait d'un calcul sur 365 jours ; qu'en déclarant pourtant abusive la clause critiquée au seul prétexte qu'elle ne mettait pas les emprunteurs en mesure d'évaluer le surcoût susceptible de résulter de son application et les privait de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable ;
alors 4°/ que n'est pas abusive une clause susceptible d'engendrer un surcoût au détriment du consommateur comme au détriment du professionnel, le risque étant également réparti de part et d'autre ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse stipule que les intérêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours ; que si les intérêts sont calculés sur une période qui contient un mois de 31 jours, le dernier jour de ce mois n'est pas pris en compte, puisqu'en vertu de la clause, les mois sont réputés ne comporter que 30 jours ; qu'en pareille hypothèse, les intérêts sont nécessairement moins importants que s'ils avaient été calculés sur la base d'un mois de 31 jours et d'une année de 365 jours ; qu'ainsi, l'incidence de la clause sur le montant des intérêts sera donc favorable ou défavorable à l'emprunteur suivant que la période d'intérêts comporte ou non un mois de 31 jours ; qu'en déclarant pourtant abusive cette clause, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable ;
alors 5°/ que le juge qui constate le caractère abusif d'une clause ne peut priver d'effet que cette clause, et non une autre ; qu'au cas présent, les juges du fond ont déclaré abusives les clauses relatives au calcul des intérêts selon lesquelles « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » ; qu'en annulant également les stipulations fixant le taux des intérêts, pourtant distinctes des clauses fixant les modalités de calcul des intérêts, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction alors applicable. | Il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours, d'un semestre de cent-quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Dès lors, viole l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, une cour d'appel, qui pour déclarer abusive une telle clause dans un contrat de prêt, retient que celle-ci prive les consommateurs de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, qu'elle présente comme telle un caractère abusif, quelle que soit l'importance de son impact réel |
384 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 441 F-P+B
Pourvoi n° C 19-14.568
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société Compagnie européenne de garanties et cautions, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société CEGI, venant elle-même aux droits de la société SACCEF, a formé le pourvoi n° C 19-14.568 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. V... P... Q... ,
2°/ à Mme S... G..., épouse P... Q...,
domiciliés tous deux [...],
3°/ à la société My Money Bank, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée GE Money Bank,
défendeurs à la cassation.
M. et Mme P... Q... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme P... Q... , de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 janvier 2019), la société GE Money Bank, devenue My Money Bank (la banque), a consenti à M. et Mme P... Q... (les emprunteurs) un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société SACCEF, devenue la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la caution). A la suite d'échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme. Après avoir payé à la banque les sommes réclamées, la caution a mis les emprunteurs en demeure de lui rembourser ces sommes. Les emprunteurs ont alors assigné la banque et la caution en nullité du contrat de prêt et du cautionnement et en paiement de dommages-intérêts et la caution a assigné les emprunteurs en remboursement.
2. La nullité du contrat de prêt a été prononcée, en raison d'un démarchage irrégulier des emprunteurs.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. La caution reproche à l'arrêt de limiter la condamnation des emprunteurs à lui payer le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes versées par les emprunteurs, alors :
« 1°/ que le juge est tenu de répondre à tous les moyens qui lui sont soumis ; qu'au cas présent, la caution fondait sa demande en paiement sur son recours personnel et sur son recours subrogatoire ; qu'en ne répondant qu'au moyen fondé sur le recours subrogatoire aux motifs que la caution invoquait « principalement son recours subrogatoire », la cour d'appel, qui n'a pas examiné le moyen fondé sur le recours personnel, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civil ;
2°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir que les deux premières conditions de l'article 2308 du code civil (tenant au paiement sur poursuite de la banque et à l'avertissement du débiteur) étaient remplies, que le tribunal avait relevé que la caution avait désintéressé la banque sur simple lettre de sa part l'engageant à la tenir informée de sa décision suite au non-paiement par les emprunteurs et sans avoir informé préalablement les débiteurs de cette sollicitation, sans se prononcer sur la justesse de ces constatations et donc sans rechercher elle-même, comme elle y était invitée si les emprunteurs n'avaient pas été avertis du prochain paiement par la caution et si la caution n'avait pas payé sur poursuite du créancier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la caution ne perd son recours contre le débiteur principal qu'à la triple condition d'avoir payé sans être poursuivie, sans avoir averti le débiteur principal, lequel au moment du paiement avait des moyens de faire déclarer la dette éteinte ; que l'avertissement du débiteur au sens de l'article 2308 du code civil ne résulte pas nécessairement d'une information expresse par la caution de son prochain paiement, mais peut résulter aussi bien des circonstances de l'espèce ; qu'au cas présent, il était constant que la banque avait notifié aux débiteurs, le 11 mai 2013, la déchéance du terme, que le contrat de prêt précisait, d'une part, que le prêt était garanti par la caution solidaire de la SACCEF, et d'autre part, qu'« en cas de défaillance des emprunteurs dans le remboursement de leur prêt et, consécutivement, d'exécution par la SACCEF de son obligation de règlement, la SACCEF exercera son recours contre les emprunteurs, conformément aux dispositions de l'article 2305 et suivant du code civil » ; qu'il en résultait que les débiteurs étaient avertis de ce que, la déchéance du terme ayant été prononcée par la banque, la caution allait payer à leur place ; qu'en retenant néanmoins que les conditions de l'article 2308 du code civil étaient réunies aux motifs que la caution avait désintéressé la banque sans avoir informé préalablement les débiteurs de la sollicitation de la banque, la cour d'appel a violé l'article 2308 du code civil ;
4°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'au cas présent, la banque avait adressé un courrier recommandé avec avis de réception à la caution « pour prise en charge » du prêt ; qu'en énonçant néanmoins que la caution avait payé sur « simple lettre » de la banque, l'engageant seulement « à la tenir informée de sa décision suite au non-paiement par les emprunteurs » la cour d'appel a dénaturé le document en question, et partant violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 dudit code. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt constate que la caution a désintéressé la banque à la suite de la présentation d'une lettre de sa part, l'engageant à la tenir informée de sa décision à la suite d'impayés des emprunteurs, et qu'elle n'a pas averti de cette sollicitation ces derniers qui disposaient alors d'un moyen de nullité permettant d'invalider partiellement leur obligation principale de remboursement.
5. Ayant ainsi procédé à la recherche prétendument omise, sans dénaturer la lettre adressée par la banque à la caution, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, qu'en l'absence d'information préalable des emprunteurs conformément aux dispositions de l'article 2308 du code civil, la caution avait manqué à ses obligations à leur égard et devait être déchue de son droit à remboursement à hauteur des sommes que ces derniers n'auraient pas eu à acquitter.
6. Le moyen, inopérant en sa première branche, en l'absence d'incidence sur la solution du litige du défaut de réponse invoqué, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le moyen unique du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la caution le capital prêté avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes qu'ils ont déjà payées, alors « que la caution qui paye sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal n'a pas de recours contre ce dernier dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; qu'en retenant, après avoir jugé que la caution avait payé sans être poursuivie et sans en avoir préalablement averti les emprunteurs, que « M. et Mme P... Q... , ayant eu au moment du paiement, les moyens pour faire déclarer leur dette partiellement éteinte, la demande en remboursement de la CEGC, compte tenu de la subrogation et de la nullité du prêt ne peut être qu'égale qu'au capital prêté avec intérêts légaux à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes payées par les emprunteurs », cependant que dès lors qu'elle avait payé sans être poursuivie et sans les avoir préalablement informés, la caution était privée de tout recours à l'encontre des emprunteurs et pouvait uniquement agir en répétition de l'indu envers le prêteur, la cour d'appel a violé l'article 2308, alinéa 2, du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des constatations de l'arrêt qu'au moment du paiement effectué par la caution, les emprunteurs n'avaient pas de moyens de faire déclarer leur dette éteinte, mais disposaient de la possibilité d'obtenir l'annulation du contrat de prêt.
9. Dès lors que cette annulation conduisait à ce qu'ils restituent à la banque le capital versé, déduction faite des sommes déjà payées, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que leur obligation de remboursement à l'égard de la caution devait être limitée dans cette proportion.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. V... Q... et Mme S... G..., épouse P... Q... , à payer à la SA Compagnie Européenne de Garanties et de Caution le capital prêté de 281 358€ avec intérêts légaux à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes payées par les emprunteurs ;
Aux motifs que « sur le recours de la caution : le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, conformément à l'article 2289 du code civil, mais la caution est tenue de garantir les restitutions consécutives à l'annulation du contrat principal, car tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable, et dès lors le cautionnement, en considération duquel le prêt a été consenti, subsiste tant que cette obligation valable n'est pas éteinte ; que l'acte de cautionnement n'est donc pas nul du seul fait de la nullité du contrat principal ; mais qu'en l'espèce, si la caution qui a payé la dette au créancier, dispose à l'égard du débiteur, d'un recours personnel fondé sur l'article 2305 du code civil et d'un recours subrogatoire reposant sur l'article 2306 et peut exercer les deux recours simultanément, contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, en l'espèce, la CEGC invoque principalement son recours subrogatoire ainsi qu'il résulte d'une part de ses écritures où elle indique qu'elle bénéficie au titre des dispositions légales et conventionnelles d'un recours subrogatoire, d'autre part du fait qu'elle réclame paiement des accessoires de la dette et que devant le tribunal elle demandait non pas le simple paiement du montant de la quittance subrogative de 280 944,57 € mais également les intérêts au taux contractuel de 5,70% sur 482,61 € et l'indemnité légale de 7% pour 19 666,11 €, soit un total de 301 093,19 €, et ce en application de la clause contenue au contrat de prêt : « De convention expresse, les emprunteurs et la SACCEF conviennent que le recours de la caution portera également sur le recouvrement des intérêts au taux conventionnel prévu au contrat principal conclu entre les emprunteurs et le créancier, ainsi que sur tous les autres accessoires au contrat principal » ; qu'en vertu des règles qui gouvernent la subrogation, les appelants sont donc recevables à opposer à la caution les exceptions qu'ils eussent pu opposer au créancier originaire, la banque, qui est d'ailleurs dans la cause ;
qu'or, après avoir relevé que la CEGC avait désintéressé la banque sur une simple lettre de sa part l'engageant à la tenir informée de sa décision suite au non-paiement par les époux P... Q... et sans avoir informé préalablement les débiteurs de cette sollicitation, c'est à tort que le tribunal a relevé qu'au moment où la caution a désintéressé la banque, les moyens de nullité du prêt aujourd'hui invoqués par les appelants n'avaient pas encore été soutenus dans le cadre d'une action en justice et encore moins été accueillis par une décision de justice de sorte que les dispositions de l'article 2289 du code civil ne trouvent pas matière à s'appliquer au cas d'espèce puisque la nullité invoquée est postérieure au paiement effectué par la caution pour le compte des emprunteurs, ce qui revient à ajouter à la loi, puisqu'il suffit en réalité conformément à l'article 2308 précité, que les débiteurs établissent qu'ils disposaient au jour du paiement par la caution des moyens de faire déclarer leur dette éteinte ; qu'or, tel est bien le cas en l'espèce puisque M. et Mme P... Q... , au moment où la caution a payé, disposaient du moyen de nullité d'ordre public de direction pouvant invalider partiellement leur obligation principale ci-dessus exposé et en application de l'article 2308 du code civil, la CEGC ne peut qu'être déchue de son droit à remboursement sur le fondement de l'article 2308 du code civil, aux termes duquel, « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier » ; que M. et Mme P... Q... , ayant eu au moment du paiement, les moyens pour faire déclarer leur dette partiellement éteinte, la demande en remboursement de la CEGC, compte tenu de la subrogation et de la nullité du prêt, ne peut être égale qu'au capital prêté avec intérêts légaux à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes payées par les emprunteurs » (arrêt attaqué, p. 14 et 15) ;
1) Alors que le juge est tenu de répondre à tous les moyens qui lui sont soumis ; qu'au cas présent, la CEGC fondait sa demande en paiement sur son recours personnel et sur son recours subrogatoire ; qu'en ne répondant qu'au moyen fondé sur le recours subrogatoire aux motifs que la CEGC invoquait « principalement son recours subrogatoire », la cour d'appel, qui n'a pas examiné le moyen fondé sur le recours personnel, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civil ;
2) Alors que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir que les deux premières conditions de l'article 2308 du code civil (tenant au paiement sur poursuite de la banque et à l'avertissement du débiteur) étaient remplies, que le tribunal avait relevé que la CEGC avait désintéressé la banque sur simple lettre de sa part l'engageant à la tenir informée de sa décision suite au non-paiement par les époux P... Q... et sans avoir informé préalablement les débiteurs de cette sollicitation, sans se prononcer sur la justesse de ces constatations et donc sans rechercher elle-même, comme elle y était invitée (conclusions CEGC, p. 17, § 1) si les époux P... Q... n'avaient pas été avertis du prochain paiement par la caution et si la CEGC n'avait pas payé sur poursuite du créancier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) Alors que la caution ne perd son recours contre le débiteur principal qu'à la triple condition d'avoir payé sans être poursuivie, sans avoir averti le débiteur principal, lequel au moment du paiement avait des moyens de faire déclarer la dette éteinte ; que l'avertissement du débiteur au sens de l'article 2308 du code civil ne résulte pas nécessairement d'une information expresse par la caution de son prochain paiement, mais peut résulter aussi bien des circonstances de l'espèce ; qu'au cas présent, il était constant que la banque avait notifié aux débiteurs, le 11 mai 2013, la déchéance du terme, que le contrat de prêt précisait, d'une part, que le prêt était garanti par la caution solidaire de la SACCEF, et d'autre part, qu' « en cas de défaillance des emprunteurs dans le remboursement de leur prêt et, consécutivement, d'exécution par la SACCEF de son obligation de règlement, la SACCEF exercera son recours contre les emprunteurs, conformément aux dispositions de l'article 2305 et suivant du code civil » ; qu'il en résultait que les débiteurs étaient avertis de ce que, la déchéance du terme ayant été prononcée par la banque, la caution allait payer à leur place ; qu'en retenant néanmoins que les conditions de l'article 2308 du code civil étaient réunies aux motifs que la CEGC avait désintéressé la banque sans avoir informé préalablement les débiteurs de la sollicitation de la banque, la cour d'appel a violé l'article 2308 du code civil ;
4) Alors que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'au cas présent, la GE Money Bank avait adressé un courrier recommandé avec avis de réception (pièce d'appel n° 20, prod.) à la caution « pour prise en charge » du prêt ; qu'en énonçant néanmoins que la caution avait payé sur « simple lettre » de la banque, l'engageant seulement « à la tenir informée de sa décision suite au non-paiement par les époux P... Q... » la cour d'appel a dénaturé le document en question, et partant violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 dudit code ; Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme P... Q... .
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR accueilli seulement partiellement les demandes de M. V... P... Q... et Mme S... G..., épouse P... Q... et de les avoir condamnés à payer à la SA Compagnie Européenne de Garanties et Caution le capital prêté de 281 358 euros avec intérêts légaux à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes payées par les emprunteurs ;
AUX MOTIFS QUE le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, conformément à l'article 2289 du code civil mais la caution est tenue de garantir les restitutions consécutives à l'annulation du contrat principal, car tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable, et dès lors le cautionnement, en considération duquel le prêt a été consenti, subsiste tant que cette obligation valable n'est pas éteinte ; que l'acte de cautionnement n'est donc pas nul du seul fait de la nullité du contrat principal ; mais qu'en l'espèce, si la caution qui a payé la dette au créancier, dispose à l'égard du débiteur, d'un recours personnel fondé sur l'article 2305 du code civil et d'un recours subrogatoire reposant sur l'article 2306 et peut exercer les deux recours simultanément, contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, en l'espèce, la CEGC invoque principalement son recours subrogatoire ainsi qu'il résulte d'une part de ses écritures où elle indique qu'elle bénéficie au titre des dispositions légales et conventionnelles d'un recours subrogatoire, d'autre part du fait qu'elle réclame paiement des accessoires de la dette et que devant le tribunal elle demandait non pas le simple paiement du montant de la quittance subrogative de 280 944,57 € mais également les intérêts au taux contractuel de 5,70 % sur 482,61 € et l'indemnité légale de 7 % pour 19 666,11 € soit un total de 301 093,19 €, et ce en application de la clause contenue au contrat de prêt : "De convention expresse, les emprunteurs et la SACCEF conviennent que le recours de la caution portera également sur le recouvrement des intérêts au taux conventionnel prévu au contrat principal conclu entre les emprunteurs et le créancier, ainsi que sur tous les autres accessoires au contrat principal" ; qu'en vertu des règles qui gouvernent la subrogation les appelants sont donc recevables à opposer à la caution les exceptions qu'ils eussent pu opposer au créancier originaire, la banque, qui est d'ailleurs dans la cause ; qu'après avoir relevé que la CEGC avait désintéressé la banque sur une simple lettre de sa part l'engageant à la tenir informée de sa décision suite au non-paiement par les époux P... Q... et sans avoir informé préalablement les débiteurs de cette sollicitation, c'est à tort que le tribunal a relevé qu'au moment où la caution a désintéressé la banque, les moyens de nullité du prêt aujourd'hui invoqués par les appelants n'avaient pas encore étés soutenus dans le cadre d'une action en justice et encore moins été accueillis par une décision de justice de sorte que les dispositions de l'article 2289 du code civil ne trouvent pas matière à s'appliquer au cas d'espèce puisque la nullité invoquée est postérieure au paiement effectué par la caution pour le compte des emprunteurs, ce qui revient à ajouter à la loi, puisqu'il suffit en réalité conformément à l'article 2308 précité, que les débiteurs établissent qu'ils disposaient au jour du paiement par la caution des moyens de faire déclarer leur dette éteinte ; que tel est bien le cas en l'espèce puisque M. et Mme P... Q... , au moment où la caution a payé, disposaient du moyen de nullité d'ordre public de direction pouvant invalider partiellement leur obligation principale ci-dessus exposé et en application de l'article 2308 du code civile, la CEGC ne peut qu'être déchue de son droit à remboursement sur le fondement de l'article 2308 du Code civil, aux termes duquel, "lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier" ; que M. et Mme P... Q... , ayant eu au moment du paiement, les moyens pour faire déclarer leur dette partiellement éteinte, la demande en remboursement de la CEGC, compte tenu de la subrogation et de la nullité du prêt ne peut être qu'égale qu'au capital prêté avec intérêts légaux à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes payées par les emprunteurs ;
ALORS QUE la caution qui paye sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal n'a pas de recours contre ce dernier dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; qu'en retenant, après avoir jugé que la caution avait payé sans être poursuivie et sans en avoir préalablement averti les emprunteurs, que « M. et Mme P... Q..., ayant eu au moment du paiement, les moyens pour faire déclarer leur dette partiellement éteinte, la demande en remboursement de la CEGC, compte tenu de la subrogation et de la nullité du prêt ne peut être qu'égale qu'au capital prêté avec intérêts légaux à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes payées par les emprunteurs » (arrêt, p. 15, al. 2), cependant que dès lors qu'elle avait payé sans être poursuivie et sans les avoir préalablement informés, la caution était privée de tout recours à l'encontre des emprunteurs et pouvait uniquement agir en répétition de l'indu envers le prêteur, la cour d'appel a violé l'article 2308, alinéa 2, du code civil. | Ayant constaté qu'une caution avait désintéressé une banque à la suite de la présentation d'une lettre de sa part, l'engageant à la tenir informée de sa décision à la suite d'impayés des emprunteurs, et qu'elle n'avait pas averti de cette sollicitation ces derniers qui disposaient d'un moyen de nullité permettant d'invalider partiellement leur obligation principale de remboursement, une cour d'appel en a déduit, à bon droit, qu'en l'absence d'information préalable des emprunteurs conformément aux dispositions de l'article 2308 du code civil, la caution avait manqué à ses obligations à leur égard et devait être déchue de son droit à remboursement à hauteur des sommes que ces derniers n'auraient pas eu à acquitter |
385 | CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 450 F-P+B
Pourvoi n° J 19-12.573
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. V... R...,
2°/ Mme E... A..., épouse R...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° J 19-12.573 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2018 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme P... G..., veuve M...,
2°/ à Mme L... M...,
toutes deux domiciliées [...] ,
3°/ à Mme X... M..., domiciliée [...] ,
4°/ à la société Office notarial de l'estuaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée SCP [...] ,
5°/ à la société Square habitat Atlantique Vendée, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société AJ immobilier,
6°/ à la société B... D..., T... U..., W... Y... notaires associés, société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de M. et Mme R..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Office notarial de l'estuaire et de la société B... D..., T... U..., W... Y... notaires associés, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Square habitat Atlantique Vendée, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme G... et de Mmes L... et X... M..., et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 décembre 2018), par acte sous seing privé du 25 octobre 2007, établi avec le concours de la société AJ immobilier, aux droits de laquelle vient la société Square habitat Atlantique Vendée (l'agence immobilière), M. et Mme R... (les acquéreurs) se sont engagés à acquérir une maison d'habitation située sur le territoire de la commune de Saint-Crespin-sur-Moine et appartenant à Mmes P..., L... et X... M... (les vendeurs). L'acte de vente a été reçu le 26 mars 2008 par M. U..., notaire associé au sein de la SCP D..., U... et Y..., avec la participation de M. H..., notaire associé au sein de la SCP [...], devenue la société Office notarial de l'estuaire (les notaires). Cet acte mentionne qu'il n'existe pas de plan de prévention des risques technologiques (PPRT) applicable à l'immeuble et comporte, en annexe, un état des risques naturels et technologiques établi sur la base des informations résultant d'un arrêté préfectoral du 16 février 2006.
2. Reprochant aux vendeurs, à l'agence immobilière et aux notaires de ne pas les avoir informés que l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford implanté à Saint-Crespin-sur-Moine avait été prescrite par arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007, les acquéreurs les ont assignés en résolution de la vente. Le PPRT approuvé par arrêté interpréfectoral du 28 octobre 2013 ayant classé leur immeuble en zone d'aléa faible, ils ont, en cours d'instance, abandonné leur demande en résolution et sollicité le remboursement du coût de travaux, ainsi que l'allocation de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner in solidum les vendeurs, les notaires et l'agence immobilière à leur payer la somme de 3 593,39 euros, représentant le montant de travaux de reprise, outre la somme de 6 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et de jouissance, alors :
« 1°/ qu'en vertu de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, les acquéreurs de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, sont informés par le vendeur de l'existence des risques visés par ce plan ; que la cour d'appel a constaté que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux époux R... une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, informations figurant sur l'état des risques naturels et technologiques annexé à l'acte de vente ; qu'ayant constaté l'existence d'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin- sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et considéré que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait pour la vente litigieuse aux acquéreurs, la cour d'appel, pour débouter ceux-ci de leurs demandes à l'encontre des vendeurs, a relevé que ceux-ci s'étaient fait assister de professionnels et notamment de l'agence immobilière chargée de solliciter toutes les pièces nécessaires au dossier, de sorte qu'il n'était ni démontré ni allégué qu'ils auraient eu connaissance du PPRT ; qu'en statuant par des motifs insusceptibles d'exonérer les vendeurs de leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
2°/ que, tenus d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité de ces actes et notamment vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'ils dressent, et notamment les informations concernant les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux acquéreurs ; que, pour exonérer la SCP B... D... T... U... W... Y... de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré, d'une part, que les notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'ils n'avaient pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité, et d'autre part, que le notaire rédacteur, implanté non loin de Saint-Crespin-sur-Moine, pouvait certes à tout le moins connaître l'existence de l'usine Nitro-Bickford, dont la présence n'avait toutefois pendant longtemps pas donné lieu à un PPRT ; qu'en statuant ainsi, cependant que, tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il dressait, le notaire avait l'obligation de procéder à toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a fortiori au regard de l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil ;
3°/ que, tenus d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité de ces actes et notamment vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'ils dressent, et notamment les informations concernant les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que pour exonérer la SCP [...] de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré que les notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'ils n'avaient pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité ; qu'en statuant ainsi, cependant que le notaire avait l'obligation de procéder à toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a fortiori au regard de l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que, pour exonérer l'agence immobilière, la société AJ immobilier aux droits de laquelle se trouve la Square Habitat, de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré qu'elle avait consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'elle n'avait pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'elle avait des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le mandat donné à l'agence immobilière d'obtenir et solliciter toutes pièces, actes et certificats nécessaires au dossier, auprès de toute personne publique ou privée, n'englobait pas l'obligation de faire toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. L'article L. 125-5, I et III, du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable en la cause, dispose que :
« I.- Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.
A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet. En cas de mise en vente de l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.
[...]
III.- Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte. »
5. Conformément aux articles R. 125-23 à R. 125-26 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause, l'obligation d'information instituée par le texte précité au profit de l'acquéreur s'applique, dans chacune des communes dont la liste est arrêtée par le préfet, pour les biens immobiliers situés dans le périmètre mis à l'étude dans le cadre de l'élaboration d'un PPRT prescrit, et impose au vendeur d'établir un état des risques qui sont mentionnés dans les documents dont la liste est arrêtée par le préfet, ainsi que dans le dossier annexé à cet arrêté.
6. Selon l'article R. 125-27 dudit code, cette obligation est applicable à compter du premier jour du quatrième mois suivant la publication au recueil des actes administratifs dans le département des arrêtés prévus au III de l'article L. 125-5 précité.
7. Il s'ensuit que le vendeur d'un bien immobilier n'est tenu d'informer l'acquéreur de l'existence des risques visés par un PPRT prescrit qu'après que le préfet a arrêté la liste des communes concernées, ainsi que, pour chacune d'entre elles, la liste des risques technologiques auxquels elle est exposée et des documents auxquels le vendeur peut se référer.
8. En l'espèce, l'arrêt relève que ce n'est que par arrêté du 3 mars 2009 que le préfet de Maine-et-Loire a fixé la liste des communes concernées par le PPRT dont l'élaboration avait été prescrite par arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007, ainsi que les éléments nécessaires à l'information des acquéreurs.
9. Il en résulte qu'au jour de la conclusion de la promesse de vente comme au jour de la signature de l'acte authentique, ni les vendeurs ni, par suite, l'agence immobilière et les notaires n'étaient tenus d'informer les acquéreurs de l'existence des risques visés par ce plan.
10. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme R...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR débouté les époux R... de l'intégralité de leurs demandes tendant à voir condamner in solidum les consorts M..., la SCP [...] , la SCP B... D... T... U... W... Y... et la société Square Habitat à leur payer la somme de 3 593,39 euros représentant le montant de travaux de reprise, outre la somme de 6 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de jouissance ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable :
"l.-Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.
A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet. En cas de mise en vente de l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.
II.-En cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III. -Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte".
que selon l'article R. 125-23 du même code :
"L'obligation d'information prévue au I de l'article L. 125-5 s'applique, dans chacune des communes dont la liste est arrêtée parle préfet en application du III du même article, pour les biens immobiliers situés :
1 ° Dans le périmètre d'exposition aux risques délimité par un plan de prévention des risques technologiques approuvé ;
2° Dans une zone exposée aux risques délimitée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou dont certaines dispositions ont été rendues immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 ;
3° Dans le périmètre mis à l'étude dans le cadre de l'élaboration d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles prescrit ;
4° Dans une des zones de sismicité I a, I b, Il ou III mentionnées à l'article R563-4 du code de l'environnement".
que l'arrêté inter-préfectoral du 25 septembre 2007, prescrit l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford implantée à Saint Crespin sur Moine "sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine, Clisson, Gétigné et F... et des communautés de communes de la Vallée de Clisson, de Vallet et du Val de Moine potentiellement exposées à des phénomènes dangereux générés parles installations de la société précitée pouvant entraîner des effets sur la santé et la sécurité publiques.
Ces parties déterminent le périmètre d'étude pour l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques".
qu'en application de l'article R125-23 3°) précité, il apparaît donc que l'obligation d'information s'imposait pour la vente de la maison des consorts M... aux époux R... ; que les appelants font reproche aux vendeurs, à l'agence immobilière et aux notaires d'avoir manqué à leur devoir d'information et de conseil, au motif qu'une consultation du recueil des actes administratifs, voire des démarches en mairie les auraient conduits à découvrir l'existence d'un PPRT prescrit en raison d'une entreprise située sur la commune de Saint Crespin sur Moine ;
qu'en ce qui concerne les consorts M..., ils s'étaient fait assister de professionnels, et en particulier de l'agence immobilière, à laquelle ils avaient donné mandat d'"obtenir, solliciter toutes pièces, actes et certificats nécessaires au dossier, auprès de toutes personnes publiques ou privées", de sorte qu'il ne pouvait être exigé d'eux qu'ils se livrent à de telles investigations ; que dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, qu'ils avaient eu, d'une manière ou d'une autre, connaissance du projet de PPRT, leur responsabilité ne peut donc être recherchée ;
que l'agence immobilière, dont le siège est à Vertou, en Loire Atlantique, et les notaires, ont consulté le dossier communal, établi sur du papier à en-tête de la Préfecture de Maine-et-Loire, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT ; qu'il n'est justifié par aucune pièce qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier qui se fondait expressément sur "les informations mises à la disposition par le préfet du département" et contenait un extrait des arrêts préfectoraux portant reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité, étant précisé que même si, à tout le moins le notaire rédacteur, implanté non loin de Saint Crespin sur Moine, pouvait avoir connaissance de l'existence de l'usine Nitro-Bickford, celle-ci était là depuis de nombreuses années, sans que cela donne lieu à la prescription d'un PPRT ; qu'il ne peut donc leur être fait grief de ne pas avoir fait des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs ; qu'en conséquence, il apparaît que ni les consorts M..., ni l'agence immobilière ni les deux SCP de notaires n'ont commis de faute engageant leur responsabilité ; que la décision entreprise sera donc confirmée ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sincérité des actes qu'il dresse et est tenu en conséquence d'un devoir d'information et de conseil à l'égard des parties à l'acte ; que dans le cadre de son obligation d'information et de conseil, il lui appartient de se renseigner sur les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente mais il ne peut être tenu au delà des prescriptions telles qu' elles résultent en l'espèce des lois et règlements ; qu'il engage sa responsabilité, en sa qualité de rédacteur d'acte, sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour manquement à ses obligations professionnelles susvisées et, en sa qualité d'assistant d'une des parties à l'acte, en l'espèce, à l'égard de monsieur et madame R..., sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de telle sorte qu'il convient de rechercher si les notaires ont commis une faute dans l'exercice de leur mission ; que Monsieur et madame R... recherchent la responsabilité des consorts M..., qui ne sont pas des professionnels de l'immobilier, pour manquement à leurs obligations résultant de l'article L125-5 du code de l'environnement ; qu'aux termes de l'article L125-5,1, du code de l'environnement, les acquéreurs de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, sont informés par le vendeur de l'existence des risques visés par ce plan ; qu'à cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet ; qu'en vertu du III de l'article susvisé, le préfet arrête la liste des commîmes dans lesquelles ces dispositions sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte ; qu'aux termes de l'article R125-23 du code de l'environnement, l'obligation d'information prévue à l'article L125-5,I, susvisée s'applique dans chacune des communes dont la liste est arrêtée par le préfet en application du IH du même article ; que le PPRT est élaboré et mis en oeuvre par l'Etat ; qu'en l'espèce, par un arrêté interpréfectoral en date du 25 septembre 2007, soit antérieurement au compromis de vente en date du 25 octobre 2007, a été prescrit un PPRT, l'article 1 de cet arrêté précisant que l'élaboration d'un tel plan est prescrite autour du site de la société NITRO BICKFORD, implantée à Saint Crespin sur Moine, sur des parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine, Clisson, Gétigné et autres communes potentiellement exposées à des phénomènes dangereux générés par les installations de cette société pouvant entraîner des effets sur la santé et la sécurité publiques ; (
) ; qu'il s'ensuit que les consorts M..., qui ont fait appel à des professionnels tels qu'une agence immobilière, la société AJ Immobilier exerçant sous l'enseigne Square Habitat et à un notaire, Maître H..., ainsi que le notaire rédacteur de l'acte de vente, n'ont pas commis de faute ni manqué à leurs obligations ; que le fait que l'arrêté interpréfectoral du 22 octobre 2007 vise expressément la commune de Saint Crespin sur Moine est inopérant en l'espèce puisque l'obligation d'information prévue à l'article L125-5 du code de l'environnement ne s'applique qu'aux communes qui ont fait l'objet d'une liste déterminée par arrêté préfectoral, ce qui n'était pas encore le cas lors du compromis de vente et de la vente ; qu'au vu de ces éléments, monsieur et madame R... seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes ;
1°) ALORS QU'en vertu de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, les acquéreurs de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, sont informés par le vendeur de l'existence des risques visés par ce plan ; que la cour d'appel a constaté que les consorts M... avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux époux R... une maison située sur la commune de Saint Crespin sur Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques (PPRT), informations figurant sur l'état des risques naturels et technologiques annexé à l'acte de vente ; qu'ayant constaté l'existence d'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint Crespin sur Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et considéré que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait pour la vente litigieuse aux époux R..., la cour d'appel, pour débouter ceux-ci de leurs demandes à l'encontre des consorts M..., leurs vendeurs, a relevé que ceux-ci s'étaient fait assister de professionnels et notamment de l'agence immobilière chargée de solliciter toutes les pièces nécessaires au dossier, de sorte qu'il n'était ni démontré ni allégué qu'ils auraient eu connaissance du PPRT ; qu'en statuant par des motifs insusceptibles d'exonérer les vendeurs de leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
2°) ALORS QUE, tenus d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité de ces actes et notamment vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'ils dressent, et notamment les informations concernant les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les consorts M... avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux époux R... une maison située sur la commune de Saint Crespin sur Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques (PPRT), et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint Crespin sur Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que pour exonérer la SCP B... D... T... U... W... Y... de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré, d'une part,que les notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'ils n'avaient pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité, et d'autre part, que le notaire rédacteur, implanté non loin de Saint Crespin sur Moine, pouvait certes à tout le moins connaître l'existence de l'usine Nitro-Bickford, dont la présence n'avait toutefois pendant longtemps pas donné lieu à un PPRT ; qu'en statuant ainsi, cependant que, tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il dressait, le notaire avait l'obligation de procéder à toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a fortiori au regard de l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil ;
3°) ALORS QUE, tenus d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité de ces actes et notamment vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'ils dressent, et notamment les informations concernant les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les consorts M... avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux époux R... une maison située sur la commune de Saint Crespin sur Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques (PPRT), et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint Crespin sur Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que pour exonérer la SCP [...] de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré que les notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'ils n'avaient pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité ; qu'en statuant ainsi, cependant que le notaire avait l'obligation de procéder à toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a fortiori au regard de l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les consorts M... avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux époux R... une maison située sur la commune de Saint Crespin sur Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques (PPRT), et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint Crespin sur Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que pour exonérer l'agence immobilière, la société AJ immobilier aux droits de laquelle se trouve la Square Habitat, de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré qu'elle avait consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'elle n'avait pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'elle avait des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le mandat donné à la société Square Habitat d'obtenir et solliciter toutes pièces, actes et certificats nécessaires au dossier, auprès de toute personne publique ou privée, n'englobait pas l'obligation de faire toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil. | Il résulte des articles L. 125-5, I et III, et R. 125-23 à R. 125-27 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable en la cause, que le vendeur d'un bien immobilier n'est tenu d'informer l'acquéreur de l'existence des risques visés par un plan de prévention des risques technologiques prescrit qu'après que le préfet a arrêté la liste des communes concernées, ainsi que, pour chacune d'entre elles, la liste des risques technologiques auxquels elle est exposée et des documents auxquels le vendeur peut se référer |
386 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 495 FS-P+B
Pourvoi n° H 18-26.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. I... F..., domicilié [...] ,
2°/ Mme Y... F..., épouse B..., domiciliée [...] ,
ont formé le pourvoi n° H 18-26.390 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2018 par la cour d'appel de Besançon (première chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme F..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 16 octobre 2018), par acte authentique dressé le 7 juin 2005 par la SCP [...], aux droits de laquelle se trouve la SCP [...] (le notaire), M. F... (l'acquéreur) a fait l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation cadastré section [...] , [...] et [...]. L'acte précisait qu'il existait sur la parcelle [...] un passage commun au profit d'autres propriétaires. Toutefois, au cours des pourparlers antérieurs à la vente, le notaire avait écrit à l'acquéreur que la parcelle en cause lui appartiendrait en totalité.
2. Le 2 août 2006, les voisins de l'acquéreur l'ont assigné aux fins de voir juger que la parcelle [...] était soumise au régime de l'indivision. Cette demande a été accueillie par jugement du 4 septembre 2012, confirmé par arrêt du 20 février 2014, devenu irrévocable par suite du rejet du pourvoi en cassation formé contre lui, selon décision du 29 septembre 2015.
3. Le 20 septembre 2016, l'acquéreur a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation ; que le dommage constitué par la déclaration judiciaire des droits reconnus aux voisins n'est réalisé que par la décision de justice reconnaissant ces droits et non par l'assignation des voisins, qui ne crée qu'une éventualité de dommage ; qu'en faisant courir la prescription dès le jour de l'assignation du 2 août 2006 et non du jour du jugement du 4 septembre 2012, ou de l'arrêt confirmatif du 20 février 2014 déclarant que la parcelle acquise par l'acquéreur était en indivision avec ses voisins et ordonnant la rectification en ce sens de l'acte notarié du 7 juin 2005, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil :
5. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient que, bien que le caractère indivis de la parcelle ne soit devenu définitif qu'en vertu de l'arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2015, l'acte notarié est contesté depuis que l'acquéreur a été assigné par ses voisins, soit depuis le 2 août 2006.
7. En statuant ainsi, alors que le dommage subi par l'acquéreur ne s'est manifesté qu'à compter de la décision passée en force de chose jugée du 20 février 2014 déclarant que la parcelle litigieuse était soumise au régime de l'indivision, de sorte que le délai de prescription de l'action en responsabilité exercée contre le notaire a commencé à courir à compter de cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. et Mme F....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité formée par M. F... contre la SCP [...] ;
AUX MOTIFS QUE « la SCP [...] soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription en faisant valoir que le point de départ de l'action en responsabilité délictuelle à l'encontre du notaire correspond au moment où la victime a disposé des informations qui lui ont permis d'engager son action, c'est-à-dire soit le moment où s'est réalisé le fait dommageable, soit le moment où il s'est manifesté à elle si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance précédemment ;
Qu'en l'espèce, l'acte notarié est querellé depuis que M. I... F... s'est fait assigner par ses voisins devant le tribunal de grande instance de Dijon, soit le 2 août 2006 ;
Qu'en conséquence, en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, M. I... F... disposait, pour agir en responsabilité contre le notaire, d'un délai expirant le 18 juin 2013 et ce, nonobstant le fait que le caractère indivis de la parcelle au profit des voisins de M. I... F... n'est devenu définitif que depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2015 ;
Or M. I... F... n'a assigné Me X... que le 20 septembre 2016, de sorte que ses demandes sont irrecevables comme prescrites ;
Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Me X... à payer à M. I... F... la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts » ;
ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation ; que le dommage constitué par la déclaration judiciaire des droits reconnus aux voisins n'est réalisé que par la décision de justice reconnaissant ces droits et non par l'assignation des voisins, qui ne crée qu'une éventualité de dommage ; qu'en faisant courir la prescription dès le jour de l'assignation du 2 août 2006 et non du jour du jugement du 4 septembre 2012, ou de l'arrêt confirmatif du 20 février 2014 déclarant que la parcelle acquise par M. F... était en indivision avec ses voisins et ordonnant la rectification en ce sens de l'acte notarié du 7 juin 2005, la cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil. | Viole l'article 2224 du code civil une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité exercée par l'acquéreur d'une parcelle contre le notaire ayant dressé l'acte de vente, retient comme point de départ de la prescription la date de l'assignation délivrée à l'acquéreur par ses voisins aux fins de voir juger que la parcelle litigieuse était soumise au régime de l'indivision, alors que le dommage subi par l'acquéreur ne s'est manifesté qu'à compter de la décision passée en force de chose jugée déclarant que ladite parcelle était soumise au régime de l'indivision, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir à compter de cette date |
387 | CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 506 F-P+B
Pourvoi n° R 19-17.271
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société Suez eau France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-17.271 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Fédération départementale du Rhône et de la métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique, dont le siège est [...] ,
2°/ au Syndicat intercommunal des Rossandes, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Provol et Lachenal, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Suez eau France, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la Fédération départementale du Rhône et de la métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Provol et Lachenal, de la SCP Didier et Pinet, avocat du Syndicat intercommunal des Rossandes, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2019), rendu en référé, le Syndicat intercommunal des Rossandes (le SIVU) a confié à la société Suez eau France (la société Suez) l'exploitation de la station de traitement et d'épuration des Rossandes, en vue d'assurer le traitement, à titre principal, des eaux usées domestiques et, à titre résiduel, des rejets industriels déversés par les entreprises établies sur le territoire des communes membres de ce syndicat intercommunal à vocation unique.
2. Après avoir procédé à des prélèvements et analyses qui ont mis en évidence une pollution du cours d'eau « La Brévenne » à la sortie de la station de traitement et d'épuration, la Fédération départementale du Rhône et de la métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique (la fédération) a, d'une part, alerté le préfet du Rhône qui, par arrêté du 24 août 2018, a mis en demeure le SIVU de prendre diverses mesures destinées à faire cesser la pollution, selon un calendrier déterminé, d'autre part, assigné le SIVU et la société Suez, ainsi que la société Provol et Lachenal, dont l'activité nécessite l'usage d'eau, aux fins de voir ordonner la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions réglementaires, invoquant le trouble manifestement illicite en résultant. La société MMA IARD assurances mutuelles (la société MMA) est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur de la société Provol et Lachenal.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société Suez fait grief à l'arrêt de lui ordonner de cesser le rejet d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008, à compter du 1er octobre 2018 et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, alors « que le juge judiciaire ne peut pas légalement adresser à l'exploitant d'une station de traitement et d'épuration des injonctions contrariant les prescriptions édictées par l'autorité administrative titulaire de prérogatives de police spéciale ; qu'en confirmant l'injonction prononcée par le juge de première instance, sans rechercher si cette injonction était compatible avec les mesures et le calendrier fixés par le préfet du Rhône à l'occasion de son arrêté du 24 août 2018 en vue de mettre un terme à la pollution constatée au droit de La Brévenne, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 171-8 et L. 216-1 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 171-8, L. 214-1 et L. 216-1 du code de l'environnement :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge civil ordonne des mesures qui contrarient les prescriptions que l'autorité administrative a édictées, dans l'exercice de ses pouvoirs de police de l'eau et des milieux aquatiques, à la suite de l'inobservation des dispositions applicables aux installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants.
6. Pour ordonner à la société Suez de cesser le rejet d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008, à compter du 1er octobre 2018 et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de cette date, après avoir constaté que les prélèvements et analyses réalisés établissent que les eaux traitées rejetées par la station de traitement et d'épuration des Rossandes n'étaient pas conformes aux prescriptions réglementaires, l'arrêt énonce que cette pollution constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser, sans avoir à examiner la question de la compétence en matière de police administrative.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si l'injonction qu'elle prononçait ne contrariait pas les prescriptions de l'arrêté pris le 24 août 2018 par le préfet du Rhône, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Demande de mise hors de cause
8. Il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, la société MMA, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'exception de sursis à statuer soulevée par la Fédération départementale du Rhône et de la métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique et en ce qu'il rejette les demandes formées par cette dernière à l'encontre de la société Provol et Lachenal, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Met hors de cause la société MMA IARD assurances mutuelles ;
Condamne la Fédération départementale du Rhône et de la métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Suez eau France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné à la société Suez Eau France de cesser le rejet d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 à compter du 1er octobre 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE : « [
] Sur la qualité à agir de la FDAAPPMA / Les associations agréées de protection de l'environnement au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement sont recevables à agir devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à la protection de l'environnement, et devant les juridictions où elles exercent les droits reconnus à la partie et civiles en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles défendent, en ce compris notamment la lutte contre la pollution. / La loi du 16 novembre 2016 de modernisation de la justice XXIème a introduit les dispositions de l'article L. 142-3-1 du code de l'environnement aux termes duquel plusieurs personnes subissent des préjudices résultant d'un dommage, notamment au titre de la protection et de la lutte contre les pollutions, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile, cette action pouvant tendre à la cessation du manquement. / Par ailleurs, les statuts de la FDAAPPMA prévoient expressément que la fédération a notamment pour objet la protection des milieux aquatiques, la mise en valeur et la surveillance du domaine piscicole départemental, qu'elle est par ailleurs chargée de concourir à la police de la pêche en participant à la lutte contre la pollution des eaux. / En dehors de toute habilitation législative, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. / Aussi, dans la mesure où il n'est pas contesté que la FDAAPPMA est une association agréée au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, que la faculté de saisir une juridiction civile en matière de lutte contre les pollutions est expressément prévue et que, au surplus, son objet le prévoit, la FDAAPPMA dispose du droit et de la qualité à agir pour faire cesser un trouble manifestement illicite caractérisé par une pollution, étant précisé que l'action en trouble anormal du voisinage n'est pas réservée aux titulaires d'un droit réel. / Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et les mesures sollicitées / En application des articles 808 et 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend et que même en présence d'une contestation sérieuse, il peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. / Il en résulte que si la méconnaissance évidente d'une disposition légale ou réglementaire est effectivement de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ce n'est pas une condition de l'intervention du juge des référés et le respect des dispositions légales conventionnelles ou réglementaires n'exclut pas l'existence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage susceptibles de revêtir un caractère manifestement illicite, indépendamment de toute faute de son auteur. / En l'espèce, l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, pour les ouvrages recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg / j de DBO5, abrogeant les dispositions de l'arrêté du 22 juin 2007 ayant le même objet, fixe les performances minimales de traitement attendues pour les paramètres de Demande Biochimique en Oxygène à 5 jours (DBO5), de Demande Chimique en Oxygène (DCO) et de Matières En Suspension (MES). / Le dossier de déclaration « Loi sur l'eau » déposé par le syndicat intercommunal des Rossandes dans le cadre de l'agrandissement de la capacité de traitement de la STEP prévoit le respect des dispositions issues des arrêtés préfectoraux en vigueur en prévoit des objectifs à atteindre en matière de traitement des eaux usées selon la classification SEQ-EAU, sans pour autant qu'il s'agisse de valeurs rédhibitoires. / Lors du contrôle de conformité 2017 du système d'assainissement, réalisé par l'inspecteur de l'environnement le 29 mars 2018, il a été constaté une surcharge hydraulique générant des flux polluants dépassant la capacité nominale de traitement de la STEP des Rossandes. / Les résultats d'analyses effectuées par le laboratoire Eurofins pour des prélèvements réalisés du 13 au 16 juillet 2018 rendent compte d'une concentration en DBO5 supérieure aux prescriptions réglementaires. / Les mesures réalisées par la société Suez Eau France entre le 25 juillet et le 7 août 2018 ont mis en évidence un dépassement des seuils réglementaires s'agissant notamment des MES et du DCO. / Par ailleurs, les prélèvements effectués par la FDAAPPMA le 2 octobre 2018 et analysé par le laboratoire Eurofins font état de fortes concentrations en ammonium (NH4) au niveau des rejets de la STEP. / Si ce dernier paramètre n'est pas repris par l'arrêté du 21 juillet 2018, l'article L. 432-2 du code de l'environnement prévoit qu'est constitutif d'une infraction le rejet de substances, dans le milieu naturel, contribuant à une mortalité du domaine piscicole, ce dont fait état M. L... X..., inspecteur de l'environnement pour l'Agence Française pour la Biodiversité, aux termes d'un courrier électronique du 2 août 2018. / Selon prélèvements effectués par l'inspecteur de l'environnement pour le compte de l'Agence Française de la Biodiversité les 14 et 15 novembre 2018, les paramètres soumis à prescriptions réglementaires (DBO5, DCO et MES) sont conformes à l'arrêté du 21 juillet 2015. / Il résulte de ces éléments que les eaux traitées rejetées par la STEP des Rossandes étaient non-conformes aux prescriptions réglementaires, à tout le moins jusqu'aux résultats d'analyses des 14 et 15 novembre 2018. / La pollution ainsi établie constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser, sans avoir à examiner la question de la compétence en matière de police administrative, et sans qu'un délai supplémentaire puisse être accordé. Sur la demande dirigée contre la société Suez Eau France / L'arrêté du 21 juillet 2015 prévoit que les systèmes de collecte et les stations de traitement des eaux usées sont exploités et entretenus de manière à minimiser la quantité totale de matière polluante déversée au milieu récepteur, dans toutes les conditions de fonctionnement, de sorte que le moyen tiré de surcharge hydraulique ou d'une pollution en aval n'exonère pas l'exploitant de ses obligations réglementaires, y compris lors des situations inhabituelles. / Le CCTP annexé au contrat de marché public aux termes duquel le syndicat intercommunal des Rossandes a confié l'exploitation de la STEP à la société Suez Eau France prévoit que lorsqu'une brusque dégradation de la qualité de l'eau est relevée, l'exploitant est tenu d'informer le maître d'ouvrage (le syndicat intercommunal des Rossandes) et de « mettre un oeuvre tous les moyens technique et humain dont il dispose pour rétablir le plus rapidement possible un fonctionnement normal des installations, en liaison avec le syndicat intercommunal des Rossandes et le préfet ». / L'arrêté du 21 juillet 2015 prévoit qu'il incombe au maître d'ouvrage, en l'espèce le syndicat intercommunal des Rossandes, de prendre les mesures visant à limiter les pollutions résultant des situations inhabituelles telles que celles résultant de circonstances exceptionnelles en ce compris les catastrophes naturelles, inondations, pannes ou dysfonctionnements non liés à un défaut de conception ou d'entretien, rejets accidentels dans le réseau de substances chimiques ou actes de malveillance. / Aussi, indépendamment de la démonstration d'une faute, il incombait tout autant au syndicat intercommunal des Rossandes, de prendre les mesures idoines dans le cas où les rejets seraient non conformes aux seuils réglementaires et constitueraient une pollution et, par voie de conséquence, un trouble manifestement illicite. / Elle a d'ailleurs mis en demeure la société Provol & Lachenal le 20 août 2018 de prendre des mesures permettant de vérifier l'implication de ses effluents sur le dysfonctionnement de la STEP. / Les mesures prises par le premier juge dont il est demandé la confirmation par la FDAAPPMA étaient proportionnés au trouble subi et nécessaires pour y mettre fin. / La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a ordonné à la société Suez Eau France la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « La Brévenne », et ce à compter du premier octobre 2018. / L'astreinte, garantissant l'exécution de cette décision, fixée à 100 euros par jour de retard, doit être en outre confirmée. » ;
Le cas échéant, AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « SUR LA QUALITE A AGIR DE LA FDAAPPMA / Attendu que la loi du 2 février 1995 dite Barnier a donné une habilitation générale aux « associations agréées de protection de l'environnement » de l'article L. 141-1 du code de l'environnement pour exercer « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre en constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, ainsi qu'aux textes pris pour leur application » (art. L. 142-2) ; / Qu'il est de principe établi que les actions des associations de protection de l'environnement peuvent agir en réparation en réparation de l'intérêt collectif qu'elles ont pour objet de défendre, non seulement devant les juridictions répressives, mais également devant les juridictions civiles ; / Attendu en l'espèce qu'il n'est pas contesté que la FDAAPPMA est bien une association agrée au sens des dispositions de l'article L. 141 en ce qu'elle regroupe différentes associations agréées exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la protection de l'eau ; / Attendu en conséquence qu'il convient de constater que la FDAAPPMA a bien qualité pour agir devant le juge des référés de céans ; / SUR LES DEMANDES EN CESSATION DE LA POLLUTION DES EAUX DE LA BREVENNE / Attendu que les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile prévoient que « le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; / Attendu qu'il est de principe constant que le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la norme juridique obligatoire, qui peut être délictuelle ou contractuelle, l'illicéité pouvant tenir au procédé utilisé pour éviter d'assumer une obligation, peu important dès lors que l'auteur du trouble ait ou non raison sur le fond du droit ; / que nul ne devant causer à autrui un trouble anormal du voisinage, et sans qu'il soit nécessaire de caractériser de faute, le juge des référés est ainsi compétent pour prescrire les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, y compris par arrêt de l'exploitation de la structure à l'origine des nuisances ou pollution ; / Sur les demandes dirigées contre la SAS Suez France / Attendu en l'espèce que les mesure effectuées le 30 juillet 2018 par le laboratoire Eurofins le 30 juillet 2018 dans la Brevenne en sortie de la STEP démontrent que les concentrations de polluants en rejet de la STEP dépassent largement les dispositions fixées par la déclaration Loi sur l'eau du 27 juin 2008 ; qu'ainsi l'analyse Eurofins fait ressortir une concentration en DB 05 de 51 mg / l pour les eaux de surface de la STEP, au lieu d'une concentration maximale autorisée de 25 mg / l ; que les mesures réalisées par le laboratoire Le Lab'eau entre le 25 juillet et le 07 août 2018 sur commande de la SAS Suez, et donc non critiquable par elle, confirme le dépassement des seuils réglementaires applicables aux rejets de la STEP des Rossandes en Azote global, en Phosphore, en Matières en suspension totales et de demande chimique en oxygène ; qu'il en est résultat au final une mortalité des poissons de la rivières ; / Attendu dès lors, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'origine exacte de la pollution, qu'il est suffisamment établi que les rejets de la STEP dans la Brévenne, en aucun cas conformes avec les seuils imposés par la réglementation, sont de nature à causer une pollution des eaux, cette pollution étant elle-même indiscutablement constitutive d'un trouble manifestement excessif du voisinage ; que quelle qu'en soit l'origine, la STEP, dont la mission première est le traitement des eaux, pleinement consciente de ses rejets polluant dans la Brévenne, trouble ancien puisque connu des différents intervenants depuis plusieurs mois, avait l'entière possibilité d'agir matériellement ou juridique pour faire cesser cette pollution ou ses causes, mais qu'elle a délibérément continué à fonctionner en surcharge hors du cadre réglementaire de la Loi sur l'eau ; qu'il sera cependant relevé qu'un délai est nécessaire pour assurer le retour à fonctionnement normal de la station d'épuration ; / Attendu en conséquence qu'il convient de faire cesser ce trouble manifestement illicite en ordonnant à la société Suez Eau France, la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « la Brévenne », et ce compter à compter du premier octobre 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de cette date » ;
1) – ALORS QUE la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des litiges relatifs aux dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont les collectivités territoriales et les exploitants du service public ont la charge ; que le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire peut être relevé d'office par la Cour de cassation ; qu'en admettant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la demande de la fédération FDAAPPMA tendant à ce que des injonctions soient adressées à la société Suez Eau France pour mettre un terme aux dommages causés aux tiers par le fonctionnement de la station de traitement et d'épuration de Sainte-Foy-L'Argentière, ouvrage public affecté au service public du traitement des eaux ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble l'article 92 alinéa 2 du code de procédure civile ;
2) – ALORS QUE la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions des tiers fondées sur l'existence de nuisances excédant les troubles normaux du voisinage imputables au fonctionnement d'un ouvrage public ; que le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire peut être relevé d'office par la Cour de cassation ; qu'en admettant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la demande de la fédération FDAAPPMA tendant à ce que des injonctions soient adressées à la société Suez Eau France pour mettre un terme aux troubles anormaux du voisinage résultant du fonctionnement de la station de traitement et d'épuration de Sainte-Foy-L'Argentière, ouvrage public ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble l'article 92 alinéa 2 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné à la société Suez Eau France de cesser le rejet d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 à compter du 1er octobre 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE : « [
] Sur la qualité à agir de la FDAAPPMA / Les associations agréées de protection de l'environnement au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement sont recevables à agir devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à la protection de l'environnement, et devant les juridictions où elles exercent les droits reconnus à la partie et civiles en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles défendent, en ce compris notamment la lutte contre la pollution. / La loi du 16 novembre 2016 de modernisation de la justice XXIème a introduit les dispositions de l'article L. 142-3-1 du code de l'environnement aux termes duquel plusieurs personnes subissent des préjudices résultant d'un dommage, notamment au titre de la protection et de la lutte contre les pollutions, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile, cette action pouvant tendre à la cessation du manquement. / Par ailleurs, les statuts de la FDAAPPMA prévoient expressément que la fédération a notamment pour objet la protection des milieux aquatiques, la mise en valeur et la surveillance du domaine piscicole départemental, qu'elle est par ailleurs chargée de concourir à la police de la pêche en participant à la lutte contre la pollution des eaux. / En dehors de toute habilitation législative, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. / Aussi, dans la mesure où il n'est pas contesté que la FDAAPPMA est une association agréée au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, que la faculté de saisir une juridiction civile en matière de lutte contre les pollutions est expressément prévue et que, au surplus, son objet le prévoit, la FDAAPPMA dispose du droit et de la qualité à agir pour faire cesser un trouble manifestement illicite caractérisé par une pollution, étant précisé que l'action en trouble anormal du voisinage n'est pas réservée aux titulaires d'un droit réel. / Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et les mesures sollicitées / En application des articles 808 et 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend et que même en présence d'une contestation sérieuse, il peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. / Il en résulte que si la méconnaissance évidente d'une disposition légale ou réglementaire est effectivement de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ce n'est pas une condition de l'intervention du juge des référés et le respect des dispositions légales conventionnelles ou réglementaires n'exclut pas l'existence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage susceptibles de revêtir un caractère manifestement illicite, indépendamment de toute faute de son auteur. / En l'espèce, l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, pour les ouvrages recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg / j de DBO5, abrogeant les dispositions de l'arrêté du 22 juin 2007 ayant le même objet, fixe les performances minimales de traitement attendues pour les paramètres de Demande Biochimique en Oxygène à 5 jours (DBO5), de Demande Chimique en Oxygène (DCO) et de Matières En Suspension (MES). / Le dossier de déclaration « Loi sur l'eau » déposé par le syndicat intercommunal des Rossandes dans le cadre de l'agrandissement de la capacité de traitement de la STEP prévoit le respect des dispositions issues des arrêtés préfectoraux en vigueur en prévoit des objectifs à atteindre en matière de traitement des eaux usées selon la classification SEQ-EAU, sans pour autant qu'il s'agisse de valeurs rédhibitoires. / Lors du contrôle de conformité 2017 du système d'assainissement, réalisé par l'inspecteur de l'environnement le 29 mars 2018, il a été constaté une surcharge hydraulique générant des flux polluants dépassant la capacité nominale de traitement de la STEP des Rossandes. / Les résultats d'analyses effectuées par le laboratoire Eurofins pour des prélèvements réalisés du 13 au 16 juillet 2018 rendent compte d'une concentration en DBO5 supérieure aux prescriptions réglementaires. / Les mesures réalisées par la société Suez Eau France entre le 25 juillet et le 7 août 2018 ont mis en évidence un dépassement des seuils réglementaires s'agissant notamment des MES et du DCO. / Par ailleurs, les prélèvements effectués par la FDAAPPMA le 2 octobre 2018 et analysé par le laboratoire Eurofins font état de fortes concentrations en ammonium (NH4) au niveau des rejets de la STEP. / Si ce dernier paramètre n'est pas repris par l'arrêté du 21 juillet 2018, l'article L. 432-2 du code de l'environnement prévoit qu'est constitutif d'une infraction le rejet de substances, dans le milieu naturel, contribuant à une mortalité du domaine piscicole, ce dont fait état M. L... X..., inspecteur de l'environnement pour l'Agence Française pour la Biodiversité, aux termes d'un courrier électronique du 2 août 2018. / Selon prélèvements effectués par l'inspecteur de l'environnement pour le compte de l'Agence Française de la Biodiversité les 14 et 15 novembre 2018, les paramètres soumis à prescriptions réglementaires (DBO5, DCO et MES) sont conformes à l'arrêté du 21 juillet 2015. / Il résulte de ces éléments que les eaux traitées rejetées par la STEP des Rossandes étaient non-conformes aux prescriptions réglementaires, à tout le moins jusqu'aux résultats d'analyses des 14 et 15 novembre 2018. / La pollution ainsi établie constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser, sans avoir à examiner la question de la compétence en matière de police administrative, et sans qu'un délai supplémentaire puisse être accordé. Sur la demande dirigée contre la société Suez Eau France / L'arrêté du 21 juillet 2015 prévoit que les systèmes de collecte et les stations de traitement des eaux usées sont exploités et entretenus de manière à minimiser la quantité totale de matière polluante déversée au milieu récepteur, dans toutes les conditions de fonctionnement, de sorte que le moyen tiré de surcharge hydraulique ou d'une pollution en aval n'exonère pas l'exploitant de ses obligations réglementaires, y compris lors des situations inhabituelles. / Le CCTP annexé au contrat de marché public aux termes duquel le syndicat intercommunal des Rossandes a confié l'exploitation de la STEP à la société Suez Eau France prévoit que lorsqu'une brusque dégradation de la qualité de l'eau est relevée, l'exploitant est tenu d'informer le maître d'ouvrage (le syndicat intercommunal des Rossandes) et de « mettre un oeuvre tous les moyens technique et humain dont il dispose pour rétablir le plus rapidement possible un fonctionnement normal des installations, en liaison avec le syndicat intercommunal des Rossandes et le préfet ». / L'arrêté du 21 juillet 2015 prévoit qu'il incombe au maître d'ouvrage, en l'espèce le syndicat intercommunal des Rossandes, de prendre les mesures visant à limiter les pollutions résultant des situations inhabituelles telles que celles résultant de circonstances exceptionnelles en ce compris les catastrophes naturelles, inondations, pannes ou dysfonctionnements non liés à un défaut de conception ou d'entretien, rejets accidentels dans le réseau de substances chimiques ou actes de malveillance. / Aussi, indépendamment de la démonstration d'une faute, il incombait tout autant au syndicat intercommunal des Rossandes, de prendre les mesures idoines dans le cas où les rejets seraient non conformes aux seuils réglementaires et constitueraient une pollution et, par voie de conséquence, un trouble manifestement illicite. / Elle a d'ailleurs mis en demeure la société Provol & Lachenal le 20 août 2018 de prendre des mesures permettant de vérifier l'implication de ses effluents sur le dysfonctionnement de la STEP. / Les mesures prises par le premier juge dont il est demandé la confirmation par la FDAAPPMA étaient proportionnés au trouble subi et nécessaires pour y mettre fin. / La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a ordonné à la société Suez Eau France la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « La Brévenne », et ce à compter du premier octobre 2018. / L'astreinte, garantissant l'exécution de cette décision, fixée à 100 euros par jour de retard, doit être en outre confirmée. » ;
Le cas échéant, AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « SUR LA QUALITE A AGIR DE LA FDAAPPMA / Attendu que la loi du 2 février 1995 dite Barnier a donné une habilitation générale aux « associations agréées de protection de l'environnement » de l'article L. 141-1 du code de l'environnement pour exercer « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre en constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, ainsi qu'aux textes pris pour leur application » (art. L. 142-2) ; / Qu'il est de principe établi que les actions des associations de protection de l'environnement peuvent agir en réparation en réparation de l'intérêt collectif qu'elles ont pour objet de défendre, non seulement devant les juridictions répressives, mais également devant les juridictions civiles ; / Attendu en l'espèce qu'il n'est pas contesté que la FDAAPPMA est bien une association agrée au sens des dispositions de l'article L. 141 en ce qu'elle regroupe différentes associations agréées exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la protection de l'eau ; / Attendu en conséquence qu'il convient de constater que la FDAAPPMA a bien qualité pour agir devant le juge des référés de céans ; / SUR LES DEMANDES EN CESSATION DE LA POLLUTION DES EAUX DE LA BREVENNE / Attendu que les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile prévoient que « le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; / Attendu qu'il est de principe constant que le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la norme juridique obligatoire, qui peut être délictuelle ou contractuelle, l'illicéité pouvant tenir au procédé utilisé pour éviter d'assumer une obligation, peu important dès lors que l'auteur du trouble ait ou non raison sur le fond du droit ; / que nul ne devant causer à autrui un trouble anormal du voisinage, et sans qu'il soit nécessaire de caractériser de faute, le juge des référés est ainsi compétent pour prescrire les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, y compris par arrêt de l'exploitation de la structure à l'origine des nuisances ou pollution ; / Sur les demandes dirigées contre la SAS Suez France / Attendu en l'espèce que les mesure effectuées le 30 juillet 2018 par le laboratoire Eurofins le 30 juillet 2018 dans la Brevenne en sortie de la STEP démontrent que les concentrations de polluants en rejet de la STEP dépassent largement les dispositions fixées par la déclaration Loi sur l'eau du 27 juin 2008 ; qu'ainsi l'analyse Eurofins fait ressortir une concentration en DB 05 de 51 mg / l pour les eaux de surface de la STEP, au lieu d'une concentration maximale autorisée de 25 mg / l ; que les mesures réalisées par le laboratoire Le Lab'eau entre le 25 juillet et le 07 août 2018 sur commande de la SAS Suez, et donc non critiquable par elle, confirme le dépassement des seuils réglementaires applicables aux rejets de la STEP des Rossandes en Azote global, en Phosphore, en Matières en suspension totales et de demande chimique en oxygène ; qu'il en est résultat au final une mortalité des poissons de la rivières ; / Attendu dès lors, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'origine exacte de la pollution, qu'il est suffisamment établi que les rejets de la STEP dans la Brévenne, en aucun cas conformes avec les seuils imposés par la réglementation, sont de nature à causer une pollution des eaux, cette pollution étant elle-même indiscutablement constitutive d'un trouble manifestement excessif du voisinage ; que quelle qu'en soit l'origine, la STEP, dont la mission première est le traitement des eaux, pleinement consciente de ses rejets polluant dans la Brévenne, trouble ancien puisque connu des différents intervenants depuis plusieurs mois, avait l'entière possibilité d'agir matériellement ou juridique pour faire cesser cette pollution ou ses causes, mais qu'elle a délibérément continué à fonctionner en surcharge hors du cadre réglementaire de la Loi sur l'eau ; qu'il sera cependant relevé qu'un délai est nécessaire pour assurer le retour à fonctionnement normal de la station d'épuration ; / Attendu en conséquence qu'il convient de faire cesser ce trouble manifestement illicite en ordonnant à la société Suez Eau France, la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « la Brévenne », et ce compter à compter du premier octobre 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de cette date ».
1) – ALORS QUE lorsque l'autorité administrative a fait usage de ses prérogatives de police spéciale en vue de rétablir le fonctionnement normal d'une station de traitement et d'épuration, le juge judiciaire ne peut pas légalement ordonner aux personnes concernées l'adoption de nouvelles mesures poursuivant les mêmes fins ; qu'à défaut, le juge judiciaire s'immiscerait dans l'exercice de cette police spéciale en substituant sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée sur les mesures devant être prises pour mettre un terme aux dysfonctionnements constatés ; qu'en ordonnant à la société Suez Eau France de prendre certaines nouvelles mesures pour mettre un terme à la pollution constatée au droit de La Brévenne en dépit des prescriptions déjà fixées par l'arrêté du préfet du Rhône du 24 août 2018 pour résorber les mêmes dysfonctionnements, la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble les articles L. 171-8 et L. 216-1 du code de l'environnement ;
2) – ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le juge judiciaire ne peut pas légalement adresser à l'exploitant d'une station de traitement et d'épuration des injonctions contrariant les prescriptions édictées par l'autorité administrative titulaire de prérogatives de police spéciale ; qu'en confirmant l'injonction prononcée par le juge de première instance sans rechercher si cette injonction était compatible avec les mesures et le calendrier fixés par le préfet du Rhône à l'occasion de son arrêté du 24 août 2018 en vue de mettre un terme à la pollution constatée au droit de La Brévenne, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 171-8 et L. 216-1 du code de l'environnement ;
3) – ALORS QUE l'action fondée sur le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est réservée aux personnes physiques ou morales ayant la qualité de voisin ; qu'en l'espèce, la fédération FDAAPPMA, en sa seule qualité d'association agréée pour la protection de l'environnement, ne pouvait être regardée comme étant voisine de la station de traitement et d'épuration de Sainte-Foy-L'Argentière, de sorte qu'en faisant droit à sa demande tendant à obtenir des mesures de nature à mettre fin à un trouble manifestement illicite caractérisé par un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel a violé le principe précité ;
4) – ALORS QUE la responsabilité de l'exploitant d'une station de traitement et d'épuration ne peut pas être retenue sur le fondement du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, lorsque cet exploitant n'est pas à l'origine des nuisances qui lui sont reprochées ; qu'en ordonnant à la société Suez Eau France de prendre certaines mesures pour mettre un terme à la pollution constatée au droit de La Brévenne, la cour d'appel, qui a relevé l'exercice et la poursuite de l'activité de cette société en conformité avec les prescriptions fixées par l'autorité administrative, circonstance excluant qu'elle puisse être à l'origine des nuisances, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe précité ;
5) – ALORS QU'en ordonnant à la société Suez Eau France de cesser le rejet d'effluents pollués au droit de La Brévenne, sans répondre à ses conclusions d'appel (notamment, p. 17, § 1 ; p. 26, §§ 1 et 5 ; p. 29, §§ 1 et 2) dans lesquelles elle soutenait que, faute d'être investie de pouvoirs de police et en l'absence de moyens techniques permettant d'extraire du réseau d'assainissement collectif les effluents industriels non autorisés, elle se trouvait dans l'impossibilité de remédier à la pollution constatée sauf pour elle à fermer la station de traitement et d'épuration en méconnaissance du principe de continuité du service public, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) – ALORS QU'en ordonnant à la société Suez Eau France de cesser le rejet d'effluents pollués au droit de La Brévenne, sans répondre à ses conclusions d'appel (notamment, p. 22, §2 ; p. 24, dernier § ; p. 28, §2) dans lesquelles elle soutenait qu'en sa qualité de simple exploitant de la station de traitement et d'épuration, elle ne pouvait pas légalement procéder à l'exécution d'une telle injonction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7) – ALORS QU'en ordonnant à la société Suez Eau France de cesser le rejet d'effluents pollués au droit de La Brévenne, sans répondre à ses conclusions d'appel (notamment, p. 28, §2 ; p. 30, §3, §4, §5) dans lesquelles elle soutenait que l'exécution de cette injonction était juridiquement, matériellement et techniquement impossible, eu égard en particulier aux contraintes inhérentes au transfert des eaux usées de la station de traitement et d'épuration du SIVU des Rossandes vers une autre station, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | Le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge civil ordonne des mesures qui contrarient les prescriptions que l'autorité administrative a édictées, dans l'exercice de ses pouvoirs de police de l'eau et des milieux aquatiques, à la suite de l'inobservation des dispositions applicables aux installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants.
Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel, qui, pour ordonner à l'exploitant d'une station de traitement et d'épuration de cesser le rejet d'effluents outrepassant les prescriptions réglementaires, énonce que cette pollution constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser, sans rechercher, comme il le lui incombait, si une telle injonction ne contrariait pas les prescriptions de l'arrêté préfectoral mettant en demeure le syndicat intercommunal propriétaire de l'installation en cause de prendre diverses mesures destinées à faire cesser la pollution, selon un calendrier déterminé |
388 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
Mme BATUT, président
Arrêt n° 525 FS-P+B
Pourvoi n° G 19-11.882
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme P....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 avril 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
1°/ La société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, ayant un établissement secondaire Carrefour Mably, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Zurich Insurance Public Limited Company, société de droit étranger, ayant un établissement [...] ,
ont formé le pourvoi n° G 19-11.882 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, dont le siège est [...] ,
2°/ à Mme S... P..., domiciliée [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés Carrefour hypermarchés et Zurich Insurance Public Limited Company, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme P..., l'avis écrit de M. Lavigne, avocat général, l'avis oral de M. Chaumont, avocat général, et après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 décembre 2018), Mme P... a été victime d'une chute au sein d'un magasin exploité par la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), après avoir trébuché sur un panneau publicitaire métallique.
2. Elle a obtenu en référé la désignation d'un expert, puis a assigné en responsabilité et indemnisation la société Carrefour, ainsi que son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la CPAM), qui a demandé le remboursement de ses débours.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Carrefour et son assureur font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer différentes sommes à Mme P... en réparation de son préjudice corporel et à la CPAM au titre de ses débours, alors « que l'arrêt a constaté, en fait, que Mme P... s'était fracturé le poignet en trébuchant sur un panneau publicitaire métallique dans l'hypermarché Carrefour de Mably ; que la responsabilité de l'exploitant d'un magasin en libre-service ne peut être recherchée, par une personne ayant fait une chute dans le magasin, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et non sur celui de l'article L. 221-1, devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation, ainsi que l'a indiqué l'arrêt isolé et non publié rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20 septembre 2017 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté la responsabilité délictuelle de la société Carrefour hypermarchés en l'absence de preuve du positionnement anormal du panneau ; que dès lors, en retenant néanmoins sa responsabilité sur le fondement du principe posé par l'arrêt du 20 septembre 2017 précité, la cour d'appel a violé l'article L. 221-1, devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation, par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil et L. 221-1, alinéa 1er, devenu L. 421-3 du code de la consommation :
4. La responsabilité de l'exploitant d'un magasin dont l'entrée est libre ne peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce magasin et dont une chose inerte serait à l'origine, que sur le fondement du premier des textes susvisés, à charge pour la victime de démontrer que cette chose, placée dans une position anormale ou en mauvais état, a été l'instrument du dommage.
5. Si le second de ces textes édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, il ne soumet pas l'exploitant d'un tel magasin à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle, contrairement à ce qui a été jugé (1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.109).
6. Pour accueillir les demandes de Mme P... et de la CPAM, après avoir estimé que la preuve du positionnement anormal du panneau publicitaire litigieux n'était pas rapportée et en avoir déduit que la responsabilité de la société Carrefour ne pouvait pas être engagée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil, l'arrêt énonce que, conformément à l'article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation, cette dernière est débitrice d'une obligation générale de sécurité de résultat et que le fait que Mme P... ait été blessée suffit à retenir sa responsabilité sur ce fondement.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Les demandes formées par Mme P... à l'encontre de la société Carrefour, sur le fondement de l'article L. 221-1, alinéa 1er, devenu L. 421-3 du code de la consommation, doivent être rejetées, ainsi que la demande en remboursement de ses débours formée par la CPAM.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande formée par Mme P... sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil, l'arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE les demandes formées à l'encontre de la société Carrefour hypermarchés par Mme P... sur le fondement de l'article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation ;
REJETTE la demande formée à l'encontre de la société Carrefour hypermarchés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ;
Condamne Mme P... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour les sociétés Carrefour hypermarchés et Zurich Insurance Public Limited Company.
Les sociétés Carrefour Hypermarchés et Zurich Insurance Public Limited Company font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision déférée sauf en ce qu'elle avait débouté Mme P... de sa demande fondée sur l'article 1384 al. 1 du code civil (devenu 1242 du même code), de les avoir condamnées solidairement à payer à Mme P... la somme de 1 347,80 € au titre de son déficit fonctionnel temporaire, la somme de 3 000 € au titre de son pretium doloris, la somme de 750 € au titre de son préjudice esthétique, la somme de 5 000 € au titre de son déficit fonctionnel permanent, la somme de 480 € au titre de l'assistance par une tierce personne, soit la somme de 7 577,80 €, après déduction d'un montant de 3 000 € déjà perçu, outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, et de les avoir condamnées solidairement à payer à la CPAM la somme de 2 708,91 € outre intérêts de droit ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande principale : la présomption de responsabilité de l'article 1384 alinéa 1 du code civil devenu l'article 1242 du même code) à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui suppose, rapportée par la victime, la preuve que la chose a été, ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage ; qu'une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage si la preuve n'est pas rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état ; que Mme P... est tenue de rapporter la preuve du positionnement anormal du panneau publicitaire à l'origine selon elle de sa chute, son mauvais état ou sa défectuosité n'étant pas allégués ; que l'attestation de déclaration est un document à remplir par la victime, qu'il comporte en bas la mention soulignée qu'il s'agit d'un simple constat d'accident « qui n'emporte aucune reconnaissance de responsabilité de la part du magasin » ; que même s'il n'a pas été renseigné par Mme P... elle-même, sans doute en raison de sa blessure, ce document, signé par elle, malgré la maladresse rédactionnelle de l'emploi du terme « la victime » au lieu de « je », relate ses propres déclarations et ne peut en aucun cas constituer une reconnaissance de responsabilité de la part du magasin ; qu'il ne peut être déduit de la remise des coordonnées de l'assureur du magasin ou du fait de s'être enquis de ses nouvelles, aucune reconnaissance de responsabilité de la part de celui-ci ; que les photographies accompagnées de dessins, qui émanent de Mme P... ou ont été établis en fonction de ses propres déclarations, et non par un tiers ayant assisté à la scène, ne peuvent servir de preuve, nul ne pouvant prouver pour soi-même ; que la preuve n'est pas rapportée par Mme P..., qui en a la charge, du positionnement anormal du panneau ; que dès lors c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte pour le surplus, que le premier juge l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 1384 du code civil devenu l'article 1242 du code civil ; sur la demande subsidiaire sur le fondement de l'article L. 221-1 devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation : que l'appelante fonde son action, à titre subsidiaire, sur les dispositions de l'article L. 221-1 devenu L. 421-3 du code de la consommation ; que la société Carrefour Hypermarchés soutient que l'arrêt de la cour de cassation qui retient qu'une entreprise de distribution est débitrice à l'égard de sa clientèle d'une obligation générale de sécurité de résultat est isolé et que la pérennité de la solution est douteuse, plusieurs arrêts récents confirmant la jurisprudence de la Cour de cassation sur le fondement de l'article 1384 du code civil, le demandeur devant rapporter la preuve de l'anormalité de la chose inerte objet du dommage, que de plus, sur le fondement de l'article L. 221-1 devenu L. 421-3 du code de la consommation, il n'est pas démontré par l'appelante que le panneau ait joué un rôle dans la chute, ni, si tant est qu'on l'admet, qu'il ne présentait pas la sécurité à laquelle un consommateur peut s'attendre dans des conditions normales d'utilisation ; qu'une entreprise de distribution, la société Carrefour Hypermarché, est débitrice d'une obligation générale de sécurité résultant de l'article L. 221-1 devenu L. 421-3 du code de la consommation, que dès lors le simple fait d'être blessé suffit à prouver la faute du magasin, puisque le résultat n'est pas atteint et que Mme P..., à laquelle aucune faute présentant les caractères de la force majeure n'est reprochée par les intimés, n'a à rapporter la preuve que de son dommage corporel en dehors des circonstances précises de sa chute ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QU'aux termes de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde » ; Madame P... soutient que sa chute dans le rayon frais de l'hypermarché a été provoquée par un panneau publicitaire métallique vertical positionné au sol ; s'agissant d'une chose inerte, elle est dès lors tenue de démontrer que ce panneau se trouvait dans une position anormale ou comportait un défaut ; que pour apporter cette démonstration de l'existence du critère d'anormalité, elle se fonde sur les mentions figurant sur le document intitulé « sinistre responsabilité civile, attestation de déclaration à remplir par la victime » à l'en-tête de la société Carrefour en date du 16 mai 2013, soutenant que le salarié de cette société a rempli ce formulaire, puisqu'elle ne pouvait elle-même le faire en raison de la fracture de son poignet droit, et que celui-ci a précisé sans ambiguïté que le panneau publicitaire était mal placé dans le rayon frais ; qu'il résulte cependant de l'examen du document en question que les mentions au terme desquelles il est indiqué que « la victime n'a pas vu un panneau publicitaire qui était mal placé dans le rayon frais, blessé au poignet droit » figurent sous l'intitulé « exposé par la victime des faits et des circonstances qui sont à l'origine du sinistre » ; qu'il apparaît ainsi qu'à considérer que le salarié de la société Carrefour a rempli ce formulaire, ce qui n'est au demeurant pas établi, et l'ait fait ensuite signer par Madame P..., les propos dont s'agit ne peuvent être que ceux qu'il a transcrits à partir des déclarations de la victime ; que le document est explicite et il s'agit bien de la déclaration de la victime qui a été rapportée, signée par cette dernière, alors qu'il est indiqué au bas du même document que celui-ci ne constitue qu'un simple constat d'accident qui n'emporte aucune reconnaissance de responsabilité de la part du magasin ; qu'il résulte donc de ces éléments que cet écrit ne saurait constituer à lui seul une preuve de la position anormale du panneau publicitaire dans le rayon frais ; qu'il en est de même de l'attitude du directeur de l'hypermarché qui, en contactant Madame P... et en prenant de ses nouvelles tout en l'invitant à faire valoir ses doléances auprès de la compagnie d'assurances de la société Carrefour, ne peut être considéré comme avoir, par-là même, reconnu la position anormale du panneau publicitaire et donc une quelconque responsabilité dans la survenance du sinistre subi par la demanderesse ; que dans le même temps, force est de constater que le témoin de l'accident dont le numéro de téléphone mobile a été noté au dos du formulaire de déclaration n'a pu être retrouvé, puisque ledit numéro n'est plus attribué ; qu'ainsi, Madame P... ne peut-elle apporter la preuve du positionnement anormal du panneau publicitaire le jour des faits, indiquant d'ailleurs elle-même qu'il est parfaitement clair qu'elle ne reproche nullement à la société Carrefour la présence de panneaux publicitaires au niveau des allées ou rayons du magasin, alors que ses propos rapportés dans la déclaration du 16 mai 2013 font mention d'un panneau dans le rayon frais ; qu'il doit être d'ailleurs relevé que la présence de tels panneaux, souvent promotionnels, est fréquente dans les allées et rayons de ce type de commerces ; qu'en outre, et s'agissant des caractéristiques exactes des panneaux publicitaires litigieux, le débat sur ce point apparaît en réalité stérile quant à la solution devant être donnée au litige ; qu'il résulte en effet de l'examen des photographies versées aux débats tant par Madame P... que par les sociétés défenderesses qu'il s'agit dans les deux cas de panneaux imposants dans leurs dimensions qui les rendent parfaitement visibles à plusieurs mètres de distance ; que dans le même temps, Madame P... précise qu'elle se déplaçait dans le rayon frais ; qu'elle a donc nécessairement pris en considération en entrant dans le rayon ce panneau ainsi que son emplacement ; que le seul besoin de le contourner ainsi que la survenance de la chute et des blessures qui s'en sont suivies sont évidemment tout aussi insuffisantes à établir sa position anormale et ce d'autant qu'il était visible à plusieurs mètres de distance eu égard à ses dimensions alors que Madame P... était âgée de 54 ans moment des faits et qu'elle ne fait état d'aucun problème de santé particulier qui aurait alors altéré ses capacités de vision, de détection et d'anticipation ; qu'il apparaît ainsi manifeste au vu de ces observations que c'est par inattention ou maladresse que Madame P... a buté contre ce panneau et qu'elle s'est blessée en tombant ; que faute par Madame P... d'apporter la démonstration selon laquelle le panneau se trouvait dans une position anormale ou encore comportait un défaut, ce qu'elle ne fait pas davantage ni même n'allègue, la responsabilité de la société Carrefour, propriétaire du panneau, qui en est aussi le gardien, n'est pas engagée ;
1./ ALORS QUE l'arrêt attaqué a constaté, en fait, que Mme P... s'était fracturé le poignet en trébuchant sur un panneau publicitaire métallique dans l'hypermarché Carrefour de Mably ; que la responsabilité de l'exploitant d'un magasin en libre-service ne peut être recherchée, par une personne ayant fait une chute dans le magasin, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et non sur celui de l'article L. 221-1, devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation, ainsi que l'a indiqué l'arrêt isolé et non publié rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 20 septembre 2017 ; qu'en l'espèce la cour d'appel a écarté la responsabilité délictuelle de la société Carrefour Hypermarchés en l'absence de preuve positionnement anormal du panneau ; que dès lors, en retenant néanmoins sa responsabilité sur le fondement du principe posé par l'arrêt du 20 septembre 2017 précité, la cour d'appel a violé l'article L. 221-1, devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation, par fausse application ;
2./ ALORS, en toute hypothèse, QUE la responsabilité de l'exploitant d'un magasin en libre-service ne peut être engagée à l'égard d'une personne ayant fait une chute dans le magasin, sur le fondement de l'article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation, qu'à la condition qu'il soit établi que l'établissement « ne présent(ait) pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre » », dans « des conditions normales d'utilisation » ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour engager la responsabilité de la société Carrefour Hypermarchés sur le fondement de l'article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la sécurité, qu'en tant qu'entreprise de distribution, elle était débitrice d'une obligation générale de sécurité de résultat et que le simple fait que Mme [...] ait été blessée « suffi(sai)t à prouver la faute du magasin puisque le résultat n'(était) pas atteint », peu important « les circonstances précises de sa chute », la cour d'appel a violé les dispositions du texte précité. | La responsabilité de l'exploitant d'un magasin dont l'entrée est libre ne peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce magasin et dont une chose inerte serait à l'origine, que sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil, à charge pour la victime de démontrer que cette chose, placée dans une position anormale ou en mauvais état, a été l'instrument du dommage.
Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour accueillir la demande indemnitaire formée par une cliente ayant trébuché sur un panneau publicitaire, énonce que, conformément à l'article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation, l'exploitant d'un tel magasin est débiteur d'une obligation générale de sécurité de résultat |
389 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 526 FS-P+B
Pourvoi n° K 19-16.415
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 5 février 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
Mme N... X..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-16.415 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme G... W..., domiciliée [...] ,
2°/ à la société 17 Juin média, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme X..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société 17 Juin média, de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme W..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société France télévisions, l'avis écrit de M. Sudre, avocat général, l'avis oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 juin 2018), Mme X... a été victime, le 27 décembre 1985, de faits d'enlèvement, séquestration, violences volontaires et viol commis par C... Y... et Mme D..., auteur et complice de faits similaires commis sur six autres femmes, dont deux ont été assassinées. C... Y... est décédé le [...], au cours de son interpellation. En 1989, la cour d'assises a condamné Mme D... à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, au terme de débats tenus à huis clos. Lors de ce procès, Mme X... s'est constituée partie civile et a été assistée par Mme W..., avocate inscrite au barreau de Pau.
2. En 2007, la société 17 Juin média a produit pour la société France télévisions un numéro de l'émission de télévision intitulée « Faites entrer l'accusé » consacré à cette affaire, qui a été diffusé les 27 novembre 2007 et 3 février 2009 sur la chaîne France 2.
3. Ayant constaté que son avocate avait, sans recueillir son accord, participé à cette émission et relaté les faits dont elle avait été victime, Mme X..., qui, quant à elle, n'avait pas donné suite aux sollicitations du producteur, a assigné, d'une part, Mme W..., d'autre part, les sociétés France télévisions et 17 Juin média, pour obtenir réparation de l'atteinte portée au respect dû à sa vie privée. Les instances ont été jointes.
4. Soutenant que l'action engagée par Mme X... relevait des dispositions de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, Mme W... et les sociétés France télévisions et 17 Juin média ont sollicité sa requalification et soulevé la nullité de l'assignation et la prescription de l'action.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Mais sur la seconde branche du moyen
Enoncé du moyen
6. Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de requalification, de déclarer son action irrecevable comme prescrite et, en conséquence, de rejeter ses demandes tendant à obtenir le paiement de dommages-intérêts et l'interdiction de diffuser sur Internet l'émission litigieuse, alors « qu'aux termes de l'article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée ; que constitue une atteinte au respect de la vie privée, la révélation d'informations précises et de détails sur les circonstances d'un crime dont une personne a été victime ; que cette atteinte au respect de la vie privée ouvre droit à réparation, indépendamment de la révélation de l'identité de la victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle, relevant des dispositions de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que la victime peut, en conséquence, décider d'exercer, sur le fondement de l'article 9 du code civil, la seule action en réparation de l'atteinte portée au respect de sa vie privée du fait de la révélation d'informations précises et de détails sur les circonstances d'un crime commis à son encontre, sans solliciter la réparation du préjudice subi du seul fait de la divulgation de son identité ; qu'en décidant néanmoins que l'atteinte au respect de la vie privée dont se prévalait Mme X... ayant nécessairement supposé la révélation de son identité, elle ne pouvait agir que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil, ensemble l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code civil et 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 :
7. Aux termes du premier de ces textes, chacun a droit au respect de sa vie privée.
8. Le second, qui est d'interprétation stricte, dispose que :
« Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable est puni de 15 000 euros d'amende.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la victime a donné son accord écrit. »
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, si la diffusion de l'identité d'une personne et de la nature sexuelle des crimes ou délits dont elle a été victime est poursuivie sur le fondement de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, la divulgation, sans le consentement de l'intéressée, d'informations relatives aux circonstances précises dans lesquelles ces infractions ont été commises est un fait distinct constitutif d'une atteinte à sa vie privée, qui peut être sanctionné sur le fondement de l'article 9 du code civil.
10. Pour dire que l'action engagée par Mme X... relève de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 et la déclarer irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient que l'entier préjudice invoqué par celle-ci au titre de l'atteinte à sa vie privée tient à la révélation de son identité, puisqu'à défaut d'identification de la victime des crimes subis, cette atteinte ne peut être constituée, et que son action n'est pas dissociable de celle encadrée par les dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881.
11. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, Mme X... invoquait l'atteinte au respect dû à sa vie privée résultant de la révélation d'informations précises et de détails sordides sur les circonstances des crimes dont elle avait été victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme W... et les sociétés France télévisions et 17 Juin média aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Mme W... et les sociétés France télévisions et 17 Juin média à payer à la SCP Yves Richard la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame N... X... de ses demandes tendant à voir condamner Madame G... W... à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, à voir condamner in solidum la Société FRANCE TELEVISIONS et la Société 17 JUIN MEDIA à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts et à voir condamner ces dernières, sous astreinte, à s'abstenir de diffuser et de rendre accessible sur internet l'épisode sept de la saison huit de l'émission « Faites entrer l'accusé » ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... recherche, sur le fondement des dispositions des articles 9, 16 et 1382 ancien du Code civil, la responsabilité civile des sociétés FRANCE TELEVISIONS et 17 juin MEDIA et de Mme W... pour avoir porté atteinte au respect de sa vie privée et à sa dignité au cours de l'émission " Faites entrer l'accusé" diffusée sur la chaîne de télévision FRANCE 2 les 27 novembre 2007 et 3 février 2009, en révélant son identité et en fournissant des détails crus sur les crimes sexuels dont elle avait été victime en décembre 1985 ; qu'en réplique, il est sollicité la requalification de cette action sur le fondement de l'article 39 quinquiès de la loi du 29 juillet 1881, qui dispose : " Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, est puni de 15.000 € d'amende, Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la victime a donné son accord écrit." ; que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne pouvant être réparés sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, il appartient au juge saisi d'une action fondée sur ce texte, de restituer aux faits allégués leur exacte qualification au regard du droit de la presse, sans s'arrêter à la dénomination retenue par le plaignant, par application des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile ; que l'action fondée sur les articles 1382 ancien, 16 ou 9 du Code civil reste toutefois recevable si les faits invoqués sont différents de ceux constituant des infractions prévues et réprimées par la loi de 1881 ; que Mme X... confirme que les faits allégués constituent bien, à l'égard des sociétés en cause, le délit précité prévu et réprimé par la loi sur la presse mais elle soutient cependant que la requalification réclamée ne peut intervenir dans la mesure où elle se plaint de faits distincts des atteintes constitutives de l'infraction ; qu'elle estime en effet qu'au-delà de la révélation de son identité comme victime d'une agression sexuelle, seule visée par les dispositions de l'article 39 quinquiès de la loi du 29 juillet 1881, le préjudice subi a pour origine la révélation d'informations précises et de détail sordides sur les circonstances des viols, agression, actes de torture et de barbarie commis sur elle ; qu'il est cependant manifeste, comme le font remarquer les autres parties, que l'entier préjudice invoqué par Mme X... au titre de l'atteinte à sa vie privée et à sa dignité tient à la révélation de son identité, puisqu'à défaut d'identification de la victime des crimes subis, cette atteinte ne peut être constituée ; qu'une victime restée anonyme ne justifiant d'aucun intérêt à agir en réparation des atteintes à sa vie privée et à sa dignité, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que son action à l'égard des sociétés de production et de diffusion du programme incriminé serait dissociable de celle encadrée par les dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881 ; que l'action sera en conséquence requalifiée sur le fondement de l'article 39 quinquiès de cette loi, par infirmation du jugement, à l'égard des deux sociétés appelantes ; que d'agissant de l'action engagée à l'encontre de Mme W..., Mme X... demande la confirmation du jugement qui l'a reçue, en considérant que Mme W..., qui n'est ni journaliste ni diffuseur d'information mais avocate de la victime au cours de la procédure pénale, ne pouvait se prévaloir des dispositions protectrices de la loi sur la presse ; que Mme X... expose que l'article 39 quinquiès précité, qui sanctionne le fait de diffuser par tous moyens, des renseignements sur l'identité d'une victime d'infraction sexuelle, n'est pas applicable à Mme W..., qui n'a pas diffusé l'émission litigieuse mais y a seulement participé en accordant une interview aux journalistes ; que cette argumentaire ne peut être suivi pour les raisons suivantes : que le champ d'application des sanctions édictées par la loi du 29 juillet 1881 ne se limite pas aux seuls professionnels de la presse, ainsi qu'il résulte notamment de l'article 43 de la loi, qui prévoit que les auteurs des délits de presse seront poursuivis comme complices lorsque les directeurs de publication ou éditeurs seront en cause, ainsi que dans tous les cas, les personnes complices au sens des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal ; que les dispositions des articles 42 et 43 de la loi précitée, qui ne sont pas en principe applicables à la radiodiffusion et à la télévision, le sont néanmoins aux émissions produites en différé (Crim. 29 octobre 1991), ce qui est le cas de l'émission télévisée litigieuse ; que la diffusion des renseignements prohibés par l'article 39quinquiès de la loi n'est pas limitée aux professionnels de la presse et quand bien même elle le serait, les tiers participants à l'action de diffusion pourraient être considérés comme complice par l'aide ou l'assistance apportée aux journalistes et aux organes de diffusion ; que Mme W..., qui a participé à l'émission télévisée en cause en accordant, sans autorisation écrite de sa cliente, une interview désignant Mme X... comme la victime des viols et actes de torture commis par le couple Y... / D..., qu'elle a détaillés, pourrait ainsi se voir reprocher la complicité du délit prévu et sanctionné par l'article 39 quinquiès ; que c'est donc à tort que le premier juge a considéré que Mme W... ne pouvait se prévaloir des dispositions de la loi sur la presse et qu'il a rejeté la demande de requalification de l'action également à son égard ; que, sur la recevabilité de l'action requalifiée, en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, applicable devant la juridiction civile, l'action engagée par Mme X..., telle que requalifiée par la Cour, devait être engagée dans les trois mois suivant la diffusion de l'émission "Faites entrer l'accusé", intervenue les 27 novembre 2007 et 3 février 2009, étant par ailleurs observé qu'il n'est pas démontré que cette émission ait été visible ultérieurement sur le site internet de la chaîne FRANCE 2, dépendant du groupe FRANCE TELEVISION ; que l'action engagée en février et mars 2013 par Mme X... apparaît ainsi irrecevable comme prescrite, sans qu'il soit utile d'examiner les autres causes d'irrecevabilité invoquée ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée ; que l'action en réparation de l'atteinte à la vie privée peut être exercée concurremment à une action fondée sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ; qu'en décidant néanmoins que l'action exercée par Madame X..., tendant à obtenir réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de la révélation d'informations précises et de détails sordides sur les circonstances des viols, agressions, actes de torture et de barbarie commis sur sa personne, étant susceptible d'être fondée sur les dispositions de l'article 39 quinquiès de la loi du 29 juillet 1881, réprimant le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, Madame X... n'était pas recevable à solliciter, sur le fondement de l'article 9 du Code civil, la réparation de l'atteinte portée au respect de sa vie privée, la Cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil, ensemble l'article 39 quinquiès de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, aux termes de l'article 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée ; que constitue une atteinte au respect de la vie privée, la révélation d'informations précises et de détails sur les circonstances d'un crime dont une personne a été victime ; que cette atteinte au respect de la vie privée ouvre droit à réparation, indépendamment de la révélation de l'identité de la victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle, relevant des dispositions de l'article 39 quinquiès de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que la victime peut, en conséquence, décider d'exercer, sur le fondement de l'article 9 du Code civil, la seule action en réparation de l'atteinte portée au respect de sa vie privée du fait de la révélation d'informations précises et de détails sur les circonstances d'un crime commis à son encontre, sans solliciter la réparation du préjudice subi du seul fait de la divulgation de son identité ; qu'en décidant néanmoins que l'atteinte au respect de la vie privée dont se prévalait Madame X... ayant nécessairement supposé la révélation de son identité, elle ne pouvait agir que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, la Cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil, ensemble l'article 39 quinquiès de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. | Si la diffusion de l'identité d'une personne et de la nature sexuelle des crimes ou délits dont elle a été victime est poursuivie sur le fondement de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la divulgation, sans le consentement de l'intéressée, d'informations relatives aux circonstances précises dans lesquelles ces infractions ont été commises est un fait distinct constitutif d'une atteinte à sa vie privée, qui peut être sanctionné sur le fondement de l'article 9 du code civil |
390 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 527 FS-P+B
Pourvoi n° G 19-19.196
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
Mme W... L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-19.196 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme I... R..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. O... V..., domicilié [...] , pris en qualité de directeur de la publication du Journal de Saône-et-Loire,
3°/ à la société Est Bourgogne média, société anonyme à conseil d'administration, ont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme L..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme R..., de M. V..., ès qualités, et de la société Est Bourgogne média, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 mai 2019), estimant qu'un article publié le 25 février 2017 dans le Journal de Saône-et-Loire contenait des propos diffamatoires à son égard, Mme L... a, par actes des 18 et 23 mai 2017, assigné en réparation, sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, la société Est Bourgogne média, M. V..., pris en sa qualité de directeur de la publication, et Mme R..., auteur de l'article litigieux. Ces derniers ont soulevé la nullité de l'assignation, invoquant des irrégularités tenant, notamment, à l'absence de notification au ministère public dans le délai imparti.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme L... fait grief à l'arrêt d'annuler l'assignation délivrée à M. V..., à la société Est Bourgogne média et à Mme R..., pour défaut de notification au ministère public dans le délai imparti, alors :
« 1°/ qu'en l'absence de précision expresse posée par l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, l'assignation doit être notifiée au ministère public en temps utile, c'est-à-dire à une date laissant suffisamment de temps à ce dernier avant la clôture des débats pour lui permettre de conclure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la notification au ministère public devait intervenir avant l'expiration du délai pour conclure figurant sur le premier avis notifié aux parties, qui correspond à la date de la première évocation de l'affaire, soit en l'espèce le 20 septembre 2017 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a ajouté à la loi et violé l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;
2°/ que, subsidiairement, un manquement à l'obligation de notifier l'assignation au ministère public ne pouvant pas être relevé en tout état de cause, cette exigence constitue un vice de forme, qui ne peut être sanctionné que sur justification, par celui qui l'invoque, d'un grief causé par ledit vice ; qu'en l'espèce, Mme L... avait démontré que la date à laquelle l'assignation avait été notifiée, le 25 octobre 2017, n'avait causé aucun grief à quiconque, le ministère public ayant disposé du temps requis pour intervenir efficacement, puisqu'il avait pu participer à la première audience du 6 novembre 2017 et qu'un renvoi au 8 janvier 2018 avait ensuite été ordonné ; qu'en déclarant néanmoins nulle l'assignation, sans constater que les parties qui s'en prévalaient justifiaient d'un grief résultant de la prétendue tardiveté de cette notification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile ;
3°/ que, très subsidiairement, s'il était considéré que la tardiveté de la notification de l'assignation au ministère public constituait un vice de fond, il s'en déduirait que celui-ci est régularisé lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, Mme L... faisait valoir que l'assignation avait été signifiée au ministère public avant que le tribunal ne statue, de sorte qu'un éventuel vice à ce titre avait été régularisé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en tout état de cause, constitue un obstacle excessif à l'accès au juge le fait d'interpréter une loi pour en tirer un délai qu'elle ne formule pas et dont aucune raison n'exigeait qu'il soit opposé à une partie qui ne pouvait pas le connaître ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 n'instaurait aucun délai pour notifier l'assignation au ministère public et que la question était affectée par la mise en place des procédures dématérialisées, sans qu'aucun texte, ni aucune jurisprudence ne fixe clairement le terme du délai dans lequel l'assignation devait être notifiée, et a retenu une date ultime de notification, le 20 septembre 2017, très différente de celle fixée par le premier juge, à savoir le 6 juillet 2017 ; qu'en déclarant néanmoins nul l'acte introductif d'instance, au motif qu'il avait été délivré le 25 octobre 2017, la cour d'appel a soumis l'exercice par Mme L... de son droit d'agir en justice à une condition qui n'était pas clairement établie, qu'elle ne connaissait pas auparavant, dont la rigueur n'était pas justifiée puisqu'aucun grief ne résultait du non-respect de cette règle et, partant, à un obstacle illégitime et excessif et a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
3. Conformément à l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui doit recevoir application devant la juridiction civile (Ass. plén., 15 février 2013, pourvoi n° 11-14.637, Bull. 2013, Ass. plén., n° 1), la citation délivrée à la requête du plaignant est notifiée au ministère public, à peine de nullité de la poursuite.
4. Cette notification doit être effectuée, devant la juridiction pénale, avant la date à laquelle le prévenu est appelé à comparaître aux termes de la citation introductive d'instance (Crim., 30 mai 1967, pourvoi n° 66-91.606, Bull. crim. 1967, n° 166 ; Crim., 18 février 1986, pourvoi n° 85-91.178, Bull. crim. 1986, n° 64 ; Crim., 20 mai 2008, pourvoi n° 07-81.113).
5. Le principe de l'unicité du procès de presse, consacré par l'assemblée plénière de la Cour de cassation dans l'arrêt, précité, du 15 février 2013, conduit à juger que, devant la juridiction civile, l'assignation doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure.
6. Le moyen de nullité tiré du défaut d'accomplissement d'une telle formalité est une exception de procédure qui doit, en application des articles 73 et 74, alinéa 1er, du code de procédure civile, être invoquée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (2e Civ., 9 décembre 1999, pourvoi n° 97-21.074, Bull. 1999, n° 187), sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (2e Civ., 6 février 2003, pourvoi n° 00-22.697, Bull. 2003, II, n° 30).
7. Ces règles de procédure, destinées à préserver les droits de la défense de l'auteur des propos incriminés et à garantir le respect de sa liberté d'expression, poursuivent un but légitime au regard du droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Dès lors, après avoir constaté que l'affaire avait pour la première fois été appelée à l'audience du 20 septembre 2017 et que l'assignation n'avait été notifiée au parquet de Chalon-sur-Saône que le 25 octobre suivant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la deuxième branche du moyen ni de répondre à des conclusions inopérantes, en a exactement déduit que cette assignation était nulle.
9. Elle n'a pas, ainsi, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal de Mme L..., la règle dont elle a fait application étant, au jour de la délivrance de l'acte en cause, suffisamment prévisible, eu égard à la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, précitée, et au principe de l'unicité du procès de presse affirmé depuis le 15 février 2013.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme L....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait annulé l'assignation délivrée le 18 mai 2017 par Madame L... à Monsieur O... V..., à la SA Est Bourgogne Média et à Madame R..., pour défaut de notification de l'assignation au ministère public dans le délai imparti ;
AUX MOTIFS QUE, « selon l'article 53 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui doit recevoir application devant la juridiction civile, l'assignation délivrée par le plaignant doit à peine de nullité être notifiée au Ministère public ;
Que la jurisprudence applicable à la procédure devant les juridictions civiles exige que cette notification intervienne avant la première conférence présidentielle qui constitue le premier appel de la cause, en application des articles 758 et 759 du Code de procédure civile en vertu desquels le président fixe les jours et heure auxquels l'affaire sera appelée et s'il y a lieu désigne la chambre à laquelle elle est distribuée, avis en étant donné aux avocats constitués et au jour fixé l'affaire est obligatoirement appelée devant le président de la chambre à laquelle elle a été distribuée ;
Qu'ainsi que l'a relevé le juge de la mise en état, du fait de la mise en oeuvre de la communication par voie électronique, la présente procédure n'a pas été appelée à une conférence présidentielle, cette audience n'ayant plus vocation à être tenue en présence des conseils et du président de chambre ;
Que toutefois, il ne peut être exigé du demandeur à la procédure de notifier l'assignation au ministère public avant même la délivrance du premier avis de conclure au défendeur notifié par voie électronique aux parties, alors que celles-ci n'ont aucune connaissance de la date à laquelle cet avis va être délivré ;
Que dès lors, la notification au ministère public doit intervenir avant l'expiration du délai pour conclure figurant sur le premier avis notifié aux parties, qui correspond à la date de la première évocation de l'affaire, soit en l'espèce le 20 septembre 2017, permettant ainsi au défendeur d'exciper avant toute défense au fond de l'absence d'accomplissement de cette formalité substantielle d'ordre public ;
Que la notification au parquet de Chalon-sur-Saône de l'assignation délivrée le 18 mai 2017 par Madame L... étant intervenue le 25 octobre 2017, l'acte introductif d'instance est nul et l'ordonnance mérite également confirmation en ce qu'elle a annulé cet acte » ;
1°) ALORS QUE, en l'absence de précision expresse posée par l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, l'assignation doit être notifiée au ministère public en temps utile, c'est-à-dire à une date laissant suffisamment de temps à ce dernier avant la clôture des débats pour lui permettre de conclure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la notification au ministère public devait intervenir avant l'expiration du délai pour conclure figurant sur le premier avis notifié aux parties, qui correspond à la date de la première évocation de l'affaire, soit en l'espèce le 20 septembre 2017 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a ajouté à la loi et violé l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, un manquement à l'obligation de notifier l'assignation au ministère public ne pouvant pas être relevé en tout état de cause, cette exigence constitue un vice de forme, qui ne peut être sanctionné que sur justification, par celui qui l'invoque, d'un grief causé par ledit vice ; qu'en l'espèce, Mme L... avait démontré que la date à laquelle l'assignation avait été notifiée, le 25 octobre 2017, n'avait causé aucun grief à quiconque, le ministère public ayant disposé du temps requis pour intervenir efficacement, puisqu'il avait pu participer à la première audience du 6 novembre 2017 et qu'un renvoi au 8 janvier 2018 avait ensuite été ordonné ; qu'en déclarant néanmoins nulle l'assignation, sans constater que les parties qui s'en prévalaient justifiaient d'un grief résultant de la prétendue tardiveté de cette notification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS TRÈS SUBSIDIAIREMENT QUE, s'il était considéré que la tardiveté de la notification de l'assignation au ministère public constituait un vice de fond, il s'en déduirait que celui-ci est régularisé lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, Mme L... faisait valoir que l'assignation avait été signifiée au ministère public avant que le tribunal ne statue, de sorte qu'un éventuel vice à ce titre avait été régularisé (V. concl., p. 6, §2 à 4) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE constitue un obstacle excessif à l'accès au juge le fait d'interpréter une loi pour en tirer un délai qu'elle ne formule pas et dont aucune raison n'exigeait qu'il soit opposé à une partie qui ne pouvait pas le connaître ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 n'instaurait aucun délai pour notifier l'assignation au ministère public et que la question était affectée par la mise en place des procédures dématérialisées, sans qu'aucun texte, ni aucune jurisprudence ne fixe clairement le terme du délai dans lequel l'assignation devait être notifiée, et a retenu une date ultime de notification, le 20 septembre 2017, très différente de celle fixée par le premier juge, à savoir le 6 juillet 2017 ; qu'en déclarant néanmoins nul l'acte introductif d'instance, au motif qu'il avait été délivré le 25 octobre 2017, la cour d'appel a soumis l'exercice par l'exposante de son droit d'agir en justice à une condition qui n'était pas clairement établie, qu'elle ne connaissait pas auparavant, dont la rigueur n'était pas justifiée puisqu'aucun grief ne résultait du non-respect de cette règle et, partant, à un obstacle illégitime et excessif et a violé l'article 6, §1 de la Convention ESDH. | Devant la juridiction civile, l'assignation délivrée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure |
391 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 554 F-P+B
Pourvoi n° K 19-16.047
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. R... B...,
2°/ Mme U... I..., épouse B...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° K 19-16.047 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à M. H... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme B..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. P..., après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseille doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 avril 2019), à la suite d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée Mélanie, l'administration fiscale a considéré, d'une part, que M. B..., associé et gérant de cette société, avait bénéficié d'avances laissées à sa disposition, sans intérêts, sur son compte courant d'associé en 2006, 2007 et 2008, d'autre part, que les sommes de 127 013,29 euros et 126 866,71 euros inscrites en 2008 au crédit de son compte courant devaient être regardées comme des revenus distribués. Le 17 décembre 2009, elle a notifié à l'intéressé une proposition de rectification de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales pour les années 2006 à 2008.
2. Après que ses contestations ont été rejetées par un arrêt, devenu définitif, rendu le 18 juillet 2014 par la cour administrative d'appel de Versailles, M. B... a assigné en responsabilité et indemnisation son conseil, M. P... (l'avocat), lui reprochant principalement de ne pas avoir produit, devant la juridiction administrative, l'ensemble des pièces utiles à sa défense. Mme B..., son épouse, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme B... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que le transfert à une société du solde créditeur d'un compte courant d'un associé correspondant à une créance détenue par l'associé sur une autre société, par l'effet de l'acquisition par la seconde des titres de la première et des droits et obligations en résultant constitue une délégation conduisant à un changement de débiteur et non une cession de créance, si bien que les dispositions de l'article 1690 du code civil sont en la matière inapplicables ; qu'en se fondant, après avoir pourtant constaté que M. B... produisait les actes de cession de parts sociales des SCI à la SARL Mélanie, et les actes de délégation en résultant, sur l'absence de notification du transfert de compte courant d'associé des SCI Majjs et Avner à la société Mélanie pour en déduire que, quels que soient les documents produits, M. B... ne disposait d'aucune chance de voir son recours tendant à la décharge des impositions prospérer, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1690 du code civil ;
2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que M. B... justifiait amplement de ce qu'il disposait de créances en compte courant d'associé provenant des SCI Avner et MJJS lesquelles ont été transférées à la SARL Mélanie, quand les délégations produites ne concernaient pas le transfert des créances de M. B... sur les SCI Avner et Majjs à la SARL Mélanie, mais le transfert des dettes des SCI à l'égard de M. B... à la SARL Mélanie, formalisé par le transfert des soldes créditeurs des comptes courants d'associé, la cour d'appel a dénaturé ces actes de délégation clairs et non équivoques produits aux débats et ainsi violé le principe susvisé ;
3°/ subsidiairement, que les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé ne constituent un revenu réputé distribué qu'à défaut de preuve contraire, laquelle peut être rapportée par tous moyens ; qu'en se fondant sur l'absence de respect des formalités prévues à l'article 1690 du code civil pour considérer que M. B... ne disposait d'aucune chance de voir son recours tendant à la décharge des impositions prospérer quand la démonstration de la cession de créance peut s'effectuer par tout moyen pour justifier l'existence d'une créance de l'associé sur la société afin d'écarter la qualification de revenu réputé distribué, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
4°/ qu'indépendamment de la qualification donnée à cette opération, la preuve de l'existence d'un solde créditeur d'un compte courant d'associé dans une société et du transfert de ce solde à une autre société par acquisition des titres de la première justifie le solde créditeur du compte courant d'associé dans la société acquéreuse et fait ainsi obstacle à l'imposition des sommes y figurant comme des revenus réputés distribués ; qu'en jugeant que la production par l'avocat de l'ensemble des pièces n'aurait pas permis d'obtenir une décision plus favorable tout en relevant que les pièces que M. et Mme B... versaient aux présents débats étaient de nature à justifier le transfert à la SARL Mélanie des soldes créditeurs des comptes courants dont M. B... disposait auprès des sociétés civiles immobilières Majjs et Avner, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
5°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la seule justification complète par l'avocat devant le juge de l'impôt des cessions de créances au profit de la SARL Mélanie n'était pas de nature à permettre à M. B... d'obtenir ni du tribunal administratif de Montreuil ni de la cour administrative d'appel de Versailles une décision plus favorable en l'absence de toute justification desdites sommes dans la comptabilité de la SARL Mélanie, après avoir pourtant relevé que les pièces que M. et Mme B... versaient aux présents débats étaient de nature à justifier le transfert à la SARL Mélanie des soldes créditeurs des comptes courants dont M. B... disposait auprès des sociétés civiles immobilières Majjs et Avner, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que les sommes directement versées à un associé sont, au même titre que les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé, imposées comme des revenus distribués si elles ne sont pas justifiées ; qu'en jugeant que le redressement était fondé sur l'absence de remboursement à M. B... du solde créditeur de son compte courant d'associé sur la SARL Mélanie, quand un tel remboursement aurait évidemment également donné lieu à imposition en l'absence de justification du versement de telles sommes, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
7°/ que le transfert d'un compte courant de l'associé d'une société vers le compte courant du même associé d'une autre société n'a pas à apparaître sur les déclarations d'ISF de l'intéressé ; qu'en se fondant notamment sur la circonstance que la délégation de créance invoquée n'apparaissait pas dans les déclarations d'ISF de M. B..., pour en déduire que la production des pièces relatives à la délégation de créance n'auraient pas permis à M. B... d'obtenir la décharge des impositions en cause, la cour d'appel, qui s'est fondé sur un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
8°/ que seules des avances, prêts et acomptes peuvent être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du a) de l'article 111 du code général des impôts ; qu'en examinant les chances de succès du recours tendant à la décharge des impositions au regard des dispositions de l'article 111 a), du code général des impôts pour ce qui concerne le redressement relatif aux intérêts non versés par M. B... à la SARL Mélanie, la cour d'appel a violé, les dispositions de l'article 111, a), du code général des impôts ;
9°/ que le juge judiciaire, saisi d'un recours en responsabilité civile professionnelle à l'encontre d'un avocat ayant défendu un client dans un procès, est tenu par l'autorité de chose jugée attachée à la décision ayant clos ce procès ; qu'en examinant les chances de succès du recours tendant à la décharge des impositions au regard des dispositions de l'article 111, a), du code général des impôts tout en constatant, par motifs adoptés, que la cour administrative d'appel avait jugé que cet article n'était pas applicable, la cour d'appel a ignoré l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt et violé les dispositions de l'article 1355 du code civil ;
10°/ que les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé ne constituent des sommes mises à sa disposition, et devant à ce titre donner lieu à production d'intérêts au profit de la société qu'en l'absence de justification de cette inscription par un autre motif ; qu'en jugeant que la justification du transfert de créances n'aurait pas permis à M. B... d'obtenir gain de cause devant le juge de l'impôt, quand cette justification suffisait à écarter la qualification de somme mise à la disposition de l'associé devant donner lieu à production d'intérêts, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 111, a), du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
4. Selon une jurisprudence administrative constante (CE, 20 mars 1989, M. Alaux, n° 63562 et 63563 ; CE, 8 février 1999, Mme Boelcke, n° 140062 ; CE, 27 décembre 2019, n° 420478), il résulte de l'article 109 du code général des impôts que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
5. Après avoir retenu l'existence de manquements de l'avocat à son devoir de conseil et à son obligation de diligence, la cour d'appel a estimé que, si les pièces que M. B... versait aux débats, et que l'avocat aurait dû lui réclamer, établissaient qu'il disposait de créances en compte courant d'associé auprès des SCI Avner et Majjs et que ces créances avaient été transférées à la société Mélanie, il ne rapportait la preuve ni du traitement comptable, au sein de cette société, des sommes de 127 013,29 euros et 126 866,71 euros inscrites en juin 2008 au crédit de son compte courant d'associé, ni de l'existence d'une contrepartie justifiant la dispense d'intérêts au titre des soldes débiteurs dudit compte au cours des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.
6. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, elle a retenu, à bon droit et sans se contredire, que la production des pièces litigieuses, insuffisante à écarter la présomption instituée par le texte précité, n'aurait pas permis à M. B... d'obtenir une décision plus favorable devant la juridiction administrative, de sorte que la responsabilité de l'avocat n'était pas engagée.
7. Le moyen, inopérant en ses première, deuxième, troisième, septième, huitième et neuvième branches qui critiquent des motifs erronés mais surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme B... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme B....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, d'AVOIR débouté M. B... et Mme I... épouse B... de leur demande au titre de la responsabilité civile professionnelle et de la responsabilité délictuelle de Maître P...
AUX MOTIFS QUE le jugement déféré est confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la faute de Me P... au cours de la procédure contentieuse fiscale ; que c'est donc à tort que M. R... B... prétend que son préjudice est constitué d'une imposition qu'il n'aurait pas dû subir ; qu'au contraire, c'est à raison que le tribunal a retenu qu'il lui appartenait d'établir que, mieux défendu par Me P... au cours de la phase judiciaire, il aurait eu la chance d'obtenir du juge administratif l'annulation des impositions mises en recouvrement le 31 juillet 2010 ; que M. R... B... fait essentiellement valoir que si son conseil avait produit devant le juge de l'impôt les documents qu'il était en mesure de lui fournir et qu'il ne lui a pas réclamés, les impositions contestées auraient été annulées ; qu'il soutient en effet que les créances en compte courant d'associé dont il disposait respectivement auprès des SCI MJJS et Avner ont été déléguées à la SARL Mélanie suite à la cession de parts sociales dont il disposait au sein de ces deux SCI au profit de cette SARL ; que par conséquent ces sommes avaient d'une part déjà été assujetties à l'impôt et d'autre part déclarées au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'il verse en ce sens les cessions de parts sociales des SCI intervenues le 20 juin 2008, les deux actes de délégation signés par les SCI Avner et MJJS, les déclarations n° 2072 des deux SCI pour 2007 et 2008, les balances des comptes des SCI au 31 décembre 2007, au 31 décembre 2008 et au 31 décembre 2009, l'édition du compte courant de M. R... B... ouvert dans les livres de la SARL Mélanie, les éditions du compte courant ouvert au nom de M. R... B... dans les écritures des deux SCI, les déclarations ISF 2008, 2009 et 2010 du couple B... et deux attestations du commissaire aux comptes des deux SCI Avner et MJJS datées du 28 janvier 2015 ; que les attestations du commissaire aux comptes sont datées du 28 janvier 2015 ; que, comme l'observe Me P..., elles ne pouvaient donc être produites ni devant le tribunal d'instance de Montreuil qui a rendu son jugement le 16 novembre 2012 ni devant la cour administrative d'appel de Versailles qui a rendu son arrêt le 18 juillet 2014 ; que, quoiqu'il en soit, ces attestations (pièce n° 20 de M. R... B...) ne font que confirmer ce qu'enseigne la lecture des comptes, à savoir que M. R... B... avait bien en compte courant une créance exigible et liquide sur la SCI MJJS d'un montant de 127 013,29 € et d'un montant de 126 856,71 € sur la SCI Avner au moment des cessions des dits comptes au profit de la SARL Mélanie ; que tout au plus ajoutent-t-elles que la réalité et l'origine des comptes courants d'associés de R... B... dans les SCI a été contrôlée ; que cette origine n'est toutefois nullement dévoilée par ces documents ; que, néanmoins, il résulte du mémoire adressé par le conseil de M. R... B... au conseil d'État (pièce n° 3 de M. R... B...) que le ministre de l'économie et des finances dans son mémoire en défense indiquait que M. B... avait produit en première instance des « copies de ces comptes courants, extraits du grand livre des sociétés MJJS et Avner qui présentaient au 31 décembre 2007 un solde créditeur de 127 011,29 € pour la société MJJS et 126 856,71 € pour la société Avner » ; qu'il en résulte que ces pièces, qui établissent à suffisance la réalité des comptes courants d'associé de M. B... dans les deux SCI, déjà produites depuis l'instance devant le tribunal administratif de Montreuil n'ont pas permis à M. B... d'obtenir gain de cause devant le juge de l'impôt qui a confirmé, en première instance puis en appel, les redressements émis par l'administration fiscale ; qu'il est reproché à Me P... de ne pas avoir produit devant le juge de l'impôt les actes de cession des parts sociales que les époux B... détenaient dans les sociétés Avner et MJJS au bénéfice de la société Mélanie, les actes de délégation des créances des comptes courants d'associé de M. B... dans lesdites sociétés au profit de la société Mélanie, les différentes déclarations fiscales des sociétés régularisées pour les années ayant fait l'objet du redressement fiscal et les déclarations ISF du couple B... ; sachant que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 juillet 2014 produit devant la présente cour concerne la SARL Mélanie et non M. B..., il résulte néanmoins des motifs de cet arrêt rappelés par le premier juge que ce transfert de créance n'avait fait l'objet ni des formalités prévues à l'article 1690 du code civil ni d'un enregistrement auprès de l'administration fiscale et que la cour administrative d'appel de Versailles avait considéré que M. B... n'apportait aucun autre élément pour en justifier ; que les pièces que M. B... verse aux présents débats et que Me P... aurait dû lui réclamer étaient de nature à justifier le transfert à la SARL Mélanie des soldes créditeurs des comptes courants dont M. B... disposait auprès des sociétés civiles immobilières MJJS et Avner ; que, néanmoins, faute d'accomplissement des formalités prévues à l'article 1690 du code civil et d'enregistrement auprès de l'administration fiscale, les délégations de créance, bien qu'établies, étaient inopposables aux tiers et en particulier à l'administration fiscale de sorte qu'il n'est pas établi que, correctement justifiées devant le juge de l'impôt, elles auraient permis à M. B... d'obtenir gain de cause devant celui-ci ; en tout état de cause qu'il convient de revenir sur les motifs du redressement tels qu'énoncés dans la proposition de rectification adressée le 17 décembre 2009 par l'administration fiscale à M. B... (pièce n° 22) ; que l'administration indique en premier lieu que M. A... W... a déclaré que M. R... B... était le seul à utiliser le compte courant d'associé de la SARL Mélanie et qu'au cours des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, la SARL Mélanie avait effectué des avances en compte à M. R... B... pour différents montants ainsi que le montraient les différents soldes du compte 455 ; que ce compte est un compte de tiers qui enregistre les avances à court terme en compte courant faites par les associés ; que celles-ci sont portées au crédit de ce compte par le débit d'un compte financier de la classe 5, généralement le compte «banque» ; que, dans sa proposition de rectification, l'administration constate toutefois que des avances ont été consenties à M. R... B..., ce qui signifie au contraire que celles-ci ont été portées au débit du compte 455 ; qu'elle a donc fait application de l'article 111.a du code général des impôts qui dispose que sont notamment considérés comme revenus distribués sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes et considéré que ces avances auraient dû générer des intérêts non perçus par la société, lesquels constituaient donc des revenus réputés distribués selon l'article 111.a du code général des impôts ; que, force est de constater que si M. B... justifie amplement de ce qu'il disposait de créances en compte courant d'associé provenant des SCI Avner et MJJS lesquelles ont été transférées à la SARL Mélanie, il ne justifie toujours pas de la contrepartie supposée compenser l'absence de comptabilisation d'intérêts au profit de la SARL Mélanie ; qu'au demeurant, il ne justifie pas plus du traitement comptable de ces sommes par ladite SARL Mélanie ; que, plus précisément, il ne justifie ni de l'origine ni du devenir des fonds correspondants ; que les déclarations n° 2072 des SCI Avner et MJJS ne font état que de faibles revenus à répartir entre les associés et en tout état de cause, sans commune mesure avec le montant retrouvé par l'administration fiscale sur le compte courant d'associé de M. B... dans les livres de la SARL Mélanie au 31 décembre 2008 ; qu'il s'en déduit que, comme l'a très exactement retenu le premier juge, la seule justification complète de ce transfert de créances n'aurait de toute évidence pas permis à M. B... d'obtenir gain de cause devant le juge de l'impôt, s'agissant de ce premier motif de redressement ; en outre que l'administration fiscale a retenu une distribution du passif injustifié et fait application des dispositions de l'article 109.1.2 du code général des impôts aux termes duquel sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital et 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ; que ce chef de redressement est fondé sur les montants portés cette fois au crédit du compte 455 « compte courant d'associé - B... R...» présentant un solde créditeur de 253 870 € au 31 décembre 2008 ; qu'une fois encore M. B... invoque les créances qu'il détenait sur les SCI Avner et MJJS transférées le 20 juin 2008 à la SARL Mélanie ; qu'il reproche plus précisément au tribunal d'avoir considéré qu'il n'était produit aucun document comptable et fiscal, en particulier le grand livre et la balance des comptes généraux, les relevés bancaires et les déclarations fiscales de la société Mélanie justifiant que ces sommes ont effectivement été incorporées dans son capital social ; qu'à l'appui, il fait valoir que ces avances lui ont été remboursées ; qu'elles n'ont donc pas été incorporées au capital social et qu'elles ne pouvaient pas non plus figurer sur les relevés bancaires ; qu'or, précisément, si ces avances avaient effectivement été remboursées par la SARL Mélanie à M. B..., le compte 45501 aurait été apuré par le crédit du compte du «banque» de sorte que la trace de ce mouvement bancaire en aurait nécessairement été retrouvée ; que c'est donc dans ces conditions que l'administration a considéré devoir faire application des dispositions de l'article 109.1.2 du code général des impôts, la société Mélanie elle-même, comme l'a exactement retenu le tribunal, n'ayant pas justifié les sommes de 127 013,29 € et 126 856,71 € alors que leur inscription au crédit du compte 455 «R... B...» rendait celui-ci créditeur à hauteur de 97 093,70 € à la clôture de l'exercice clos en 2008 ; que c'est bien précisément parce que ce compte était créditeur et n'avait par conséquent pas été apuré par le remboursement justifié des dites sommes à M. B... que le redressement est intervenu ; que, s'agissant des déclarations ISF du couple B..., sont produites la déclaration ISF 2008 du couple qui mentionne 126 920 € de liquidités pour la SCI Avner et 127 013 € pour la SCI MJJS et -178 893 pour la SARL Mélanie ; que ce document n'est donc pas de nature à expliquer les mouvements créditeurs sur le compte 45501 de la SARL Mélanie ; qu'il en est de même de la déclaration ISF 2009 qui porte pour la SCI Avner 148 920 € de liquidités, 22 900 € de liquidités pour la SCI MJJS et 4237 € de liquidités pour la SARL Mélanie ; qu'il en est de même de la déclaration ISF 2010 supposée justifier du transfert des comptes à la SARL Mélanie, lequel n'est pas contesté puisque l'administration a bien constaté l'existence d'un solde créditeur au compte 45501, la problématique étant celle de l'origine des fonds qui n'est toujours pas expliquée ; que c'est tout aussi vainement que M. B... reproche au tribunal d'avoir retenu qu'il ne justifiait pas que ces sommes avaient effectivement été incorporées dans le capital social de la SARL Mélanie ; qu'en effet, comme rappelé ci-dessus, il n'était pas inconcevable que les sommes portées au crédit du compte 41501, qui enregistre les avances à court terme, soient consolidées et donc incorporées au capital social de la SARL Mélanie ; qu'aucune justification de cette nature n'a jamais été apportée ; que M. B... se borne à expliquer que ces avances lui ont été remboursées mais il n'en justifie d'aucune manière ; en résumé que la seule justification complète par Me P... devant le juge de l'impôt des cessions de créances au profit de la SARL Mélanie n'était pas de nature à permettre à M. B... d'obtenir ni du tribunal administratif de Montreuil ni de la cour administrative d'appel de Versailles une décision plus favorable en l'absence de toute justification desdites sommes dans la comptabilité de la SARL Mélanie vérifiée par l'administration fiscale ; que force est de constater qu'au dernier état de la procédure, ni M. ni Mme B... n'ont versé le moindre document concernant la SARL Mélanie ; en conséquence qu'ils ne justifient pas d'une perte de chance d'avoir pu obtenir gain de cause devant le juge de l'impôt si les diligences de Me P... avaient été complètes ;
que le lien de causalité entre les fautes reprochées à l'avocat et le préjudice invoqué n'est donc pas établi ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme F. de toutes leurs demandes indemnitaires ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le préjudice en lien causal avec la faute auquel M. B... peut prétendre est la perte de chance de voir son affaire jugée favorablement si Me P... avait soulevé devant le juge fiscal l'ensemble des moyens nécessaires à sa défense et produit toutes les pièces pour en justifier ; que s'agissant du premier motif de redressement, concernant les distributions relatives aux produits financiers, la cour administrative d'appel, rappelant les dispositions de l'article 109 1" du code général des impôts qui dispose que sont considérés comme revenus distribués "tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital, et de l'article 111 a du même code selon lequel "sont notamment considérés comme revenus distribués, sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes'", a jugé que : - "l'administration a relevé que M. B... avait bénéficié de la part de la SARL Mélanie, dont il était gérant et associé, d'importantes avances sans intérêts comptabilisées dans son compte courant d'associé en 2006, 2007 et 2008 ; qu'elle a considéré cette dispense d'intérêts, sans contrepartie, comme un acte anormal de gestion et a réintégré dans les bénéfices imposables de la société les intérêts normalement dus sur les soldes débiteurs constatés sur ces trois années ; que les sommes correspondant à ces intérêts ont été réputées distribuées au profit de M. B... sur le fondement des dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts ; -si M. B... soutient que les avances que lui a consenties la SARL Mélanie au titre des trois dernières années en litige comportaient des contreparties pour celle-ci justifiant qu'il ne lui verse pas d'intérêts, il ne l'établit pas ; qu'ainsi, les intérêts auxquels la SARL Mélanie aurait pu normalement prétendre constituent des revenus distribués imposables entre les mains de M. B... ; que toutefois, ces sommes ne correspondant ni à des avances, ni à des prêts, ni à des acomptes, l'administration ne pouvait pas légalement les imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts ; -que l'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, sous réserve de ne pas priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi ; que l'administration fait valoir dans ses écritures en défense que l'imposition de cette somme dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers peut être maintenue sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du même code et demande à la Cour de substituer cette base légale à celle du a de l'article 111 du code général des impôts ; qu'en l'espèce, cette substitution de base légale, à laquelle le requérant ne s'oppose pas, ne prive ce dernier d'aucune garantie légale ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande" ; qu'au titre du second motif de redressement fiscal, concernant les distributions relatives aux sommes inscrites au crédit du compte-courant de M. B..., la cour administrative d'appel, a jugé, au visa de l'article 109 12° du code général des impôts qui dispose que ‘‘Sont considérés comme revenus distribués toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices", que : - ‘‘l'administration a constaté que le solde du compte-courant d'associé de M. B... détenait dans la SARL Mélanie était créditeur, au 31 décembre 2008, d'un montant de 97.094 euros résultant notamment de l'inscription à son crédit le 20 juin 2008 des sommes de 127,013,29 euros et 126.866,71 euros et a considéré que la dette constatée à l'égard de M. B... n 'était pas justifiée ; qu'elle a réintégré le solde dudit compte courant dans les bénéfices imposables de la société et regardé la somme de 253.870 euros mise à la disposition de M. B... comme des distributions au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; -M. B... n'établit pas que les sommes de 127.013,29 euros et 126.866,71 euros proviennent d'un transfert des soldes créditeurs des comptes-courants dont il disposait auprès des sociétés civiles immobilières Majjs et Avner dont son épouse et lui-même ont cédé leurs parts à la société Mélanie ; qu 'en effet, il ne conteste pas que le transfert des créances dont il se prévaut n 'a fait l'objet ni des formalités prévues à l'article 1690 du code civil ni d'un enregistrement auprès de l'administration fiscale et n 'apporte aucun autre élément pour en justifier ; que c 'est ainsi à bon droit que l'administration a considéré que M. B..., qui est gérant de la SARL Mélanie et détient 50% de ses parts, devait être regardé comme ayant appréhendé ces sommes ; que, par ailleurs, M. B... ne peut pas utilement soutenir que ces sommes ne sont pas imposables en France au motif qu'elles proviennent de ses comptes-courants dans les sociétés Majjs et Avner situées à l'étranger et non passibles de l'impôt sur les sociétés dans la mesure où les sommes en litige figurent dans les écritures comptables de la SARL Mélanie, société domiciliée en France et passible de l'impôt sur les sociétés ; qu‘ainsi, c 'est à bon droit que l'administration a imposé entre ses mains la somme de 253.870 euros au titre de l'année 2008", que pour contester le supplément d'impôt mis à la charge de M. B..., ce dernier et Mme B... versent aux débats : -l'acte de cession de parts sociales conclu entre M. et Mme B... et la société Mélanie en date du 20 juin 2008, portant le transfert de propriété et de jouissance de huit parts sociales que possédaient chacun des époux B... dans la société Avner au profit de la société Mélanie, cet acte ayant été enregistré au SIE de Montreuil le 14 août 2008, -l'acte de cession de parts sociales conclu entre M. et Mme B... et la société Mélanie en date du 20 juin 2008, portant le transfert de propriété et de jouissance de cinq parts sociales que possédaient chacun des époux B... dans la société Majj au profit de la société Mélanie, cet acte ayant été enregistré au SIE de Montreuil le 14 août 2008, -l'acte de délégation en date du 20 juin 2008 conclu entre la société Avner, la société Mélanie et M. B..., par lequel la société Avner, dont M. B... est créancier au titre d'avances en compte-courant à hauteur de 126.856,71 euros au 31 décembre 2007, délègue cette créance à la société Mélanie laquelle se reconnaît débitrice envers M. B... de ladite somme, dont se trouve augmenté le compte-courant de M. B... dans la société Mélanie ; il n'est cependant pas justifié de la publication de cet acte ; -l'acte de délégation en date du 20 juin 2008 conclu entre la société Majjs, la société Mélanie et M. B..., par lequel la société Majsj, dont M. B... est créancier au titre d'avances en compte-courant à hauteur de 127.013,29 euros au 31 décembre euros, délègue cette créance à la société Mélanie laquelle se reconnaît débitrice envers M. B... de ladite somme, dont se trouve augmenté le compte-courant de M. B... dans la société Mélanie ; il n'est pas plus justifié de la publication de cet acte ; -les extraits du grand livre et la balance des comptes généraux de la société Avner confirmant que le compte-courant d'associé de M. B... était de 126,920,25 euros au 31 décembre 2007 et enregistrant la délégation intervenue en 2008, cette somme étant alors renseignée dans le compte-courant d'associé de la société Mélanie ; -les extraits du grand livre et la balance des comptes généraux de la société Majjs confirmant que le compte courant d'associé de M. B... était de 127.013,29 euros au 31 décembre 2007 et enregistrant la délégation intervenue en 2008, cette somme étant alors renseignée dans le compte courant d'associé de la société Mélanie ; -deux attestations du commissaire aux comptes des sociétés Avner et Majjs en date du 28 janvier 2015 confirmant que M. B... était détenteur d'un compte-courant d'associé auprès desdites sociétés, pour les montants susvisés ; -les déclarations ISF de M. B... pour l'année 2008 renseignant les sommes susvisées au titre des valeurs mobilières dans les sociétés Avner et Majjs que s'agissant du premier motif de redressement, il ne ressort nullement des développements des époux B... ni des pièces produites, l'existence d'une contrepartie justifiant la dispense d'intérêts dus au titre des soldes débiteurs du compte-courant d'associé de M. B... auprès de la société Mélanie en 2006,2007 et 2008 ; que ces sommes doivent donc être regardées comme des revenus distribués ; que s'agissant du second motif de redressement, il est justifié de la cession de parts sociales des époux B... dans les sociétés Avner et Majjs au bénéfice de la société Mélanie ainsi que de l'existence des comptes-courants d'associé de M. B... dans les sociétés Avner et Majjs ; que cependant, en l'absence du respect des formalités requises par les dispositions de l'article 1690 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de déclaration des actes de délégation de créances à l'administration fiscale, la seule justification de l'inscription des opérations résultant de ces délégations dans les écritures comptables des sociétés Avner et Majj, de la réduction du compte courant d'associé de M. B... dans lesdites sociétés et de l'augmentation corrélative du compte-courant d'associé de la société Mélanie à hauteur du montant des créances cédées, ne suffit pas à établir la réalité du transfert de créance au bénéfice de la société Mélanie ; qu'en effet, il n'est produit aucun document comptable et fiscal, en particulier le grand livre et la balance des comptes généraux, les relevés bancaires et les déclarations fiscales de la société Mélanie justifiant que ces sommes ont effectivement été incorporées dans son capital social ; qu'il sera en outre relevé que la rectification d'imposition dont a fait l'objet la société Mélanie était motivée par le fait que celle-ci "n ‘a pas justifié les sommes de 127.013,29 euros et 126.856,71 euros alors que leur inscription au crédit du compte 455 "R... B... '' rend celui-ci créditeur à hauteur de 97.093,70 euros à la clôture de l'exercice clos en 2008" ; qu'enfin, la délégation de créance au profit de la société Mélanie n'apparaît pas dans les déclarations d'ISF de M. B..., dont les valeurs mobilières dans ladite société sont déclarées pour les montants de -178.893 euros en 2008,4.237 euros en 2009 (alors que les délégations de créances ont bien été enregistrées dans les écritures comptables des sociétés Avner et Majjs) et de 7.094 euros en 2010 ; que dans ces conditions, la production des pièces versées aux débats n'aurait pas permis à M. B... de bénéficier du dégrèvement des impôts mis à sa charge ; que M. B... ne démontrant pas que du fait des fautes de son avocat il a perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir une décision de justice favorable sera donc débouté de l'ensemble de ses demande (
) ; que Mme B... faisant sienne l'argumentation de M. B..., échoue à caractériser un préjudice en lien causal avec les fautes commises par Me P... dans la défense des intérêts de M. B... ;
1°) ALORS QUE le transfert à une société du solde créditeur d'un compte courant d'un associé correspondant à une créance détenue par l'associé sur une autre société, par l'effet de l'acquisition par la seconde des titres de la première et des droits et obligations en résultant constitue une délégation conduisant à un changement de débiteur et non une cession de créance, si bien que les dispositions de l'article 1690 du code civil sont en la matière inapplicables ; qu'en se fondant, après avoir pourtant constaté que M. B... produisait les actes de cession de parts sociales des SCI à la SARL Mélanie, et les actes de délégation en résultant, sur l'absence de notification du transfert de compte courant d'associé des SCI MAJJS et Avner à la société Mélanie pour en déduire que quels que soient les documents produits, M. B... ne disposait d'aucune chance de voir son recours tendant à la décharge des impositions prospérer, la cour d'appel a violé, les dispositions de l'article 1690 du code civil ;
2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que M. B... justifiait amplement de ce qu'il disposait de créances en compte courant d'associé provenant des SCI Avner et MJJS lesquelles ont été transférées à la SARL Mélanie, quand les délégations produites ne concernaient pas le transfert des créances de M. B... sur les SCI Avner et MAJJS à la SARL Mélanie, mais le transfert des dettes des SCI à l'égard de M. B... à la SARL Mélanie, formalisé par le transfert des soldes créditeurs des comptes courants d'associé, la cour d'appel a dénaturé ces actes de délégation clairs et non équivoques produits aux débats (Prod.) et ainsi violé le principe susvisé ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT, QUE les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé ne constituent un revenu réputé distribué qu'à défaut de preuve contraire, laquelle peut être rapportée par tous moyens ; qu'en se fondant sur l'absence de respect des formalités prévues à l'article 1690 du code civil pour considérer que M. B... ne disposait d'aucune chance de voir son recours tendant à la décharge des impositions prospérer quand la démonstration de la cession de créance peut s'effectuer par tout moyen pour justifier l'existence d'une créance de l'associé sur la société afin d'écarter la qualification de revenu réputé distribué, la cour d'appel a violé, les dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
4°) ALORS QU'indépendamment de la qualification donnée à cette opération, la preuve de l'existence d'un solde créditeur d'un compte courant d'associé dans une société et du transfert de ce solde à une autre société par acquisition des titres de la première justifie le solde créditeur du compte courant d'associé dans la société acquéreuse et fait ainsi obstacle à l'imposition des sommes y figurant comme des revenus réputés distribués ; qu'en jugeant que la production par Maître P... de l'ensemble des pièces n'aurait pas permis d'obtenir une décision plus favorable tout en relevant que les pièces que l'exposant versait aux présents débats étaient de nature à justifier le transfert à la SARL Mélanie des soldes créditeurs des comptes courants dont M. B... disposait auprès des sociétés civiles immobilières MJJS et Avner, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
5°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la seule justification complète par Me P... devant le juge de l'impôt des cessions de créances au profit de la SARL Mélanie n'était pas de nature à permettre à M. B... d'obtenir ni du tribunal administratif de Montreuil ni de la cour administrative d'appel de Versailles une décision plus favorable en l'absence de toute justification desdites sommes dans la comptabilité de la SARL Mélanie après avoir pourtant relevé que les pièces que l'exposant versait aux présents débats étaient de nature à justifier le transfert à la SARL Mélanie des soldes créditeurs des comptes courants dont M. B... disposait auprès des sociétés civiles immobilières MJJS et Avner, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE les sommes directement versées à un associé sont, au même titre que les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé, imposées comme des revenus distribués si elles ne sont pas justifiées ; qu'en jugeant que le redressement était fondé sur l'absence de remboursement à M. B... du solde créditeur de son compte courant d'associé sur la SARL Mélanie quand un tel remboursement aurait évidemment également donné lieu à imposition en l'absence de justification du versement de telles sommes, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
7°) ALORS QUE le transfert d'un compte courant de l'associé d'une société vers le compte courant du même associé d'une autre société n'a pas à apparaître sur les déclarations d'ISF de l'intéressé ; qu'en se fondant notamment sur la circonstance que la délégation de créance invoquée n'apparaissait pas dans les déclarations d'ISF de M. B..., pour en déduire que la production des pièces relatives à la délégation de créance n'auraient pas permis à M. B... d'obtenir la décharge des impositions en cause, la cour d'appel, qui s'est fondé sur un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 109 du code général des impôts ;
8°) ALORS QUE seules des avances, prêts et acomptes peuvent être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du a) de l'article 111 du code général des impôts ; qu'en examinant les chances de succès du recours tendant à la décharge des impositions au regard des dispositions de l'article 111a) du code général des impôts pour ce qui concerne le redressement relatif aux intérêts non versés par M. B... à la SARL Mélanie, la cour d'appel a violé, les dispositions de l'article 111 a) du code général des impôts ;
9°) ALORS QUE le juge judiciaire, saisi d'un recours en responsabilité civile professionnelle à l'encontre d'un avocat ayant défendu un client dans un procès est tenu par l'autorité de chose jugée attachée à la décision ayant clos ce procès ; qu'en examinant les chances de succès du recours tendant à la décharge des impositions au regard des dispositions de l'article 111a) du code général des impôts tout en constatant, par motifs adoptés, que la cour administrative d'appel avait jugé que cet article n'était pas applicable, la cour d'appel a ignoré l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt et violé les dispositions de l'article 1355 du code civil ;
10°) ET ALORS QUE les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé ne constituent des sommes mises à sa disposition, et devant à ce titre donner lieu à production d'intérêts au profit de la société qu'en l'absence de justification de cette inscription par un autre motif ; qu'en jugeant que la justification du transfert de créances n'aurait pas permis à M. B... d'obtenir gain de cause devant le juge de l'impôt, quand cette justification suffisait à écarter la qualification de somme mise à la disposition de l'associé devant donner lieu à production d'intérêts, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 111 a) du code général des impôts. | Selon une jurisprudence administrative constante, il résulte de l'article 109 du code général des impôts que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Dès lors, après avoir souverainement estimé que, si les pièces que l'avocat avait omis de produire, à l'occasion de la contestation de la proposition de rectification de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales dont son client avait fait l'objet, établissaient que celui-ci disposait de créances en compte courant d'associé auprès de deux SCI et que ces créances avaient été transférées à une autre société, l'intéressé ne rapportait la preuve ni du traitement comptable, au sein de cette société, des sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé, ni de l'existence d'une contrepartie justifiant la dispense d'intérêts au titre des soldes débiteurs dudit compte, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la production des pièces litigieuses, insuffisante à écarter la présomption instituée par le texte précité, ne lui aurait pas permis d'obtenir une décision plus favorable devant la juridiction administrative, de sorte que la responsabilité de l'avocat n'était pas engagée |
392 | CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 471 FS-P+B+I
Pourvoi n° N 19-20.856
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
M. C... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-20.856 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile, baux ruraux), dans le litige l'opposant à la société Tournavaux, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. H..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Tournavaux, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, conseillers, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 6 juin 2019), M. H... et Mme E... ont constitué la société civile d'exploitation agricole Tournavaux (la SCEA), dont ils étaient tous deux associés exploitants.
2. Par convention du 3 juin 2010, M. H... a mis à disposition de cette société, pour une durée de dix ans, des parcelles de terre dont il est propriétaire.
3. M. H..., qui a pris sa retraite et démissionné de la gérance de la société, est devenu associé non exploitant à compter du 1er janvier 2011.
4. Par requête du 18 mai 2017, la SCEA a sollicité la reconnaissance d'un bail rural verbal. M. H... a demandé reconventionnellement le paiement des taxes foncières.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, réunis
Enoncé du moyen
5. M. H... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :
« 1°/ que l'action en reconnaissance d'un bail rural verbal se prescrit par cinq ans à compter du jour où il a été prétendument conclu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Scea Tournavaux demandait la reconnaissance d'un bail rural verbal sur la propriété de M. H... à compter du jour où ce dernier avait cessé de participer à l'exploitation, soit au 1er janvier 2011 et que cette demande avait été formée auprès du tribunal paritaire des baux ruraux par requête du 18 mai 2017 ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action de la Scea de Tournavaux, qui était prescrite dès le 1er janvier 2016, soit cinq ans après le jour de la prétendue conclusion du bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile ;
2°/ que l'action en reconnaissance d'un bail rural verbal se prescrit par cinq ans à compter du jour de sa conclusion ; que la circonstance que le bail litigieux est toujours en cours à la date de la présentation de l'action en reconnaissance n'a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription ; qu'en déclarant recevable l'action de la Scea Tournavaux au motif en réalité inopérant que le bail rural était toujours en cours au jour où elle a introduit son action, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile ;
3°/ que le statut du fermage n'est pas applicable à la mise à disposition de biens agricoles au profit d'une société d'exploitation ; que lorsque la mise à disposition a été conclue pour une durée déterminée, elle perdure jusqu'au terme convenu initialement par les parties, même en cas de cessation anticipée par le propriétaire de toute participation effective à l'exploitation au sein de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3 de la convention de mise à disposition conclue le 3 juin 2010 prévoyait que celle-ci était consentie et acceptée pour une durée de dix années entières et consécutives qui prendrait effet le 1er juin 2010 pour finir le 31 mai 2020 ; qu'en affirmant, pour dire qu'un bail avait succédé à la convention de mise à disposition à compter du 1er janvier 2011, que la cessation de la participation personnelle de M. H... à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne lui permettait plus à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime doit être interprété en ce sens que la cessation de la participation personnelle à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne permet plus à l'auteur de celle-ci, à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition.
7. Ayant relevé que M. H... était devenu associé non exploitant à compter du 1er janvier 2011, ne s'était pas retiré de la SCEA, n'avait pas mis fin à la mise à disposition, au profit de cette société, des terres dont il était propriétaire, et avait continué à percevoir le prix convenu dans la convention du 3 juin 2010, et que l'action intentée par la SCEA tendait à voir constater que les conditions justifiant l'exclusion du statut du fermage n'étaient plus remplies le 1er janvier 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que les relations entre les parties étaient régies à compter de cette date par un bail rural verbal, qui était toujours en cours, de sorte que la demande de la SCEA n'était pas prescrite.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. H... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. H....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable la demande de la Scea Tournavaux ;
AUX MOTIFS QU'avant de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, il est nécessaire de s'interroger sur la portée des textes applicables aux faits de la cause ; que selon l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est régie par le statut du fermage, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2 ; que ce dernier texte stipule, en son dernier alinéa, que les dispositions de l'article L. 411-1 ne sont pas applicables aux biens mis à la disposition d'une société par une personne qui participe effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci ; que M. H... soutient que ce texte doit être interprété en ce sens que l'exclusion du statut du fermage est subordonnée à la participation effective à l'exploitation des biens mis à disposition de la société au moment de cette mise à disposition et qu'elle perdure jusqu'au terme de la convention. Au contraire, la Scea Tournavaux, qui ne conteste pas que M. H... participait bien à l'exploitation au moment de la mise à disposition, prétend que l'exclusion du statut du fermage a cessé lorsque cette condition de participation à l'exploitation n'a plus été remplie, soit au 1er janvier 2011 ; qu'il importe de relever, en premier lieu, que la dérogation prévue à l'article L. 411-2 dernier alinéa ne s'applique pas à une convention, comme il est précisé pour les cas énumérés aux autres alinéas de ce texte, mais à une situation de fait, ce qui laisse présumer que l'application du statut du fermage n'est écartée qu'autant que dure cette situation de fait ; qu'en second lieu, à défaut de toute autre jurisprudence véritablement pertinente, il n'est pas sans intérêt d'analyser l'arrêt de la 3e chambre civile de la cour de cassation du 5 décembre 2001, cité par M. H... lui-même à l'appui de sa thèse ; que le 30 décembre 1990, trois propriétaires indivis avaient mis à la disposition d'un groupement agricole d'exploitation en commun, devenu ensuite une exploitation agricole à responsabilité limitée, une propriété agricole, puis deux d'entre eux avaient décidé de se retirer de la société et de ne plus participer aux travaux courant 1994 et 1995. Le 18 février 1997, l'Earl, représentée par le troisième, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour faire juger que la convention du 30 décembre 1990 était soumise au statut du fermage. La cour d'appel l'ayant débouté de cette demande, l'Earl s'est pourvue en cassation en soutenant que l'exception apportée par l'article L. 411-2 du code rural cesse lorsque l'auteur de la mise à disposition abandonne volontairement sa participation aux travaux.
La Cour de cassation a rejeté son pourvoi au motif qu'ayant constaté que les deux propriétaires indivis avaient manifesté leur intention de se retirer de la société bénéficiaire de la mise à disposition et de reprendre en conséquence la libre disposition des terres, en même temps qu'ils cessaient leur participation personnelle à l'exploitation, la cour d'appel avait pu en déduire que le statut du fermage n'était pas applicable à la convention de mise à disposition du 30 décembre 1990 ; qu'il ne saurait être déduit des termes de cet arrêt que l'exclusion du statut du fermage est subordonnée à la seule participation effective à l'exploitation des biens mis à disposition au moment où elle a été consentie, ni que cette exclusion perdure jusqu'au terme convenu initialement par les parties, même en cas de cessation anticipée de la participation effective à l'exploitation au sein de la société. Au contraire, pour répondre au moyen soulevé à l'appui du pourvoi et justifier l'exclusion du statut du fermage, la Cour de cassation a pris soin de préciser que les deux propriétaires indivis, en même temps qu'ils avaient cessé leur participation personnelle à l'exploitation, avaient manifesté leur intention de se retirer de la société et de reprendre la libre disposition des terres ; qu'ainsi, l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime doit être interprété en ce sens que la cessation de la participation personnelle à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne permet plus à l'auteur de celle-ci, à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition ; qu'en l'espèce, il est constant que M. H..., qui a cessé, le 31 décembre 2010, de participer personnellement à l'exploitation des biens mis à disposition et s'est vu reconnaître, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 18 janvier 2011, le statut d'associé non exploitant de l'Earl Tournavaux avec effet le 1er janvier 2011, ne s'est retiré de la société et surtout n'a pas mis fin à la mise à disposition, considérant au contraire que cette mise à disposition devait se poursuivre jusqu'à son terme le 31 mai 2010 et continuant à percevoir le prix convenu dans la convention ; que dès lors, aucune prescription ne pouvait être opposée à la demande de la Scea Tournavaux, formée auprès du tribunal paritaire des baux ruraux par requête du 18 mai 2017, et tendant à voir constater que la situation de fait justifiant l'exclusion du statut du fermage avait pris fin le 1er janvier 2011 et que les relations entre les partes étaient régies, à compter de cette date, par un « bail rural verbal », lequel était toujours en cours à la date de présentation de la demande ;
1) ALORS QUE l'action en reconnaissance d'un bail rural verbal se prescrit par cinq ans à compter du jour où il a été prétendument conclu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Scea Tournavaux demandait la reconnaissance d'un bail rural verbal sur la propriété de M. H... à compter du jour où ce dernier avait cessé de participer à l'exploitation, soit au 1er janvier 2011 et que cette demande avait été formée auprès du tribunal paritaire des baux ruraux par requête du 18 mai 2017 (cf. arrêt, p. 10) ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action de la Scea de Tournavaux, qui était prescrite dès le 1er janvier 2016, soit cinq ans après le jour de la prétendue conclusion du bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'action en reconnaissance d'un bail rural verbal se prescrit par cinq ans à compter du jour de sa conclusion ; que la circonstance que le bail litigieux est toujours en cours à la date de la présentation de l'action en reconnaissance n'a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription ; qu'en déclarant recevable l'action de la Scea Tournavaux au motif en réalité inopérant que le bail rural était toujours en cours au jour où elle a introduit son action, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Scea Tournavaux bénéficie, depuis le 1er janvier 2011, d'un bail rural verbal de la part de M. C... H..., portant sur les parcelles et bâtiments énumérés dans la convention de mise à disposition du 3 juin 2010, d'AVOIR condamné la Scea Tournavaux à payer à M. C... H... uniquement la somme de 2 852,14 euros au titre de sa part sur les taxes foncières des années 2013 à 2018 incluses et d'AVOIR débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
AUX MOTIFS QUE sur le fond, dès lors que M. H... a cessé de participer effectivement à l'exploitation des parcelles mises à disposition au sein de l'Earl Tournavaux à compter du 1er janvier 2011, la poursuite par les parties, postérieurement à cette date, de cette mise à disposition des parcelles et des bâtiments en vue de les exploiter à un usage agricole, moyennant la contrepartie onéreuse prévue dans la convention initiale, est soumise au statut du fermage et peut s'analyser en un bail rural verbal ayant pris effet à cette date ; que la Scea Tournavaux prétend inclure dans l'assiette de ce bail, outre les parcelles comprises dans l convention initiale de mise à disposition, la parcelle [...] ainsi que la partie de la parcelle [...] non comprise dans cette convention, sur lesquelles se trouvent les bâtiments d'habitation ; qu'ainsi, elle fait valoir que le loyer de 5 000 euros prévu pour les bâtiments d'exploitation est manifestement trop élevé pour ces seuls derniers bâtiments ; cependant, aucun élément n'est produit par la Scea Tournavaux pour démontrer que le loyer de 5.000 euros applicable aux bâtiments d'exploitation serait trop élevé pour ces seuls bâtiments et correspondrait donc pour partie aux bâtiments d'habitation ; que la seule photographie aérienne des lieux est insuffisante à établir, comme elle le prétend également, que la location porterait nécessairement sur l'ensemble des bâtiments d'exploitation et d'habitation, fussent-ils situés à proximité les uns des autres ; que par ailleurs, les factures d'eau et d'électricité produites par la Scea Tournavaux et réglées par elle ne sont pas de nature à démontrer, ainsi qu'elle le soutient encore, qu'il n'existerait qu'un seul compteur pour l'ensemble des bâtiments d'exploitation et d'habitation ; que l'attestation du salarié de la Scea Tournavaux ; selon laquelle il payait un loyer à M. H... pour la maison d'habitation, ne peut bien évidemment pas établir l'existence d'une location de cette maison au profit de la Scea Tournavaux ; que les avis de taxes foncières produits par M. H..., dont il réclame le paiement à la Scea Tournavaux, ne comportent que la première page, sur laquelle ne figure pas la description des biens concernés, et sont donc insuffisants à démontrer qu'ils concerneraient également la maison d'habitation ;
Qu'enfin, il sera relevé, d'une part, que Mme W... S... divorcée H... affirme, dans une attestation, avoir constaté que Mme E... avait quitté son domicile de Tournavaux au mois de mai 2013, emmenant avec elle une partie des meubles, notamment ceux qui se trouvaient dans le bureau, et, d'autre part, qu'il n'est justifié par celle-ci ou la Scea Tournavaux d'aucun avis de taxe d'habitation à leur nom portant sur cette maison ; qu'en conséquence, l'assiette du bail reconnu à la Scea Tournavaux sera limité aux seules parcelles et bâtiments d'exploitation énumérés dans la convention initiale de mise à disposition ; que M. H... soutient, à juste titre, que sa demande en paiement des taxes foncières ne peut être considérée comme nouvelle, et donc irrecevable, en cause d'appel, dès lors qu'elle s'analyse comme l'accessoire de la demande formée par lui en première instance et tendant à voir dire que la convention de mise à disposition devra produire ses effets jusqu'au 1er juin 2020 ; que cependant, la cour ayant considéré que la convention de mise à disposition avait cessé de produire ses effets au 1er janvier 2011 et que les relations entre les parties sont gouvernées par un bail soumis au statut du fermage, cette demande en paiement ne saurait porter sur la totalité des taxes foncières, mais seulement sur la part mise à la charge du preneur, laquelle doit être fixée à un cinquième en l'absence d'accord sur ce point, comme il est dit à l'article L. 415-3 du code rural et de la pêche maritime ; au regard des pièces communiquées, la part mise à la charge du preneur pour les années 2013 à 2018 incluses doit être fixé à 2 852,14 euros (14 260,68/5) ;
ALORS QUE le statut du fermage n'est pas applicable à la mise à disposition de biens agricoles au profit d'une société d'exploitation ; que lorsque la mise à disposition a été conclue pour une durée déterminée, elle perdure jusqu'au terme convenu initialement par les parties, même en cas de cessation anticipée par le propriétaire de toute participation effective à l'exploitation au sein de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3 de la convention de mise à disposition conclue le 3 juin 2010 prévoyait que celle-ci était consentie et acceptée pour une durée de dix années entières et consécutives qui prendrait effet le 1er juin 2010 pour finir le 31 mai 2020 ; qu'en affirmant, pour dire qu'un bail avait succédé à la convention de mise à disposition à compter du 1er janvier 2011, que la cessation de la participation personnelle de M. H... à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne lui permettait plus à compter de la date de cet évènement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. | L'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime doit être interprété en ce sens que la cessation de la participation personnelle à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire d'une mise à disposition ne permet plus à l'auteur de celle-ci, à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à la mise à disposition |
393 | CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 472 FS-P+B+I
Pourvoi n° D 19-13.373
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
Mme J... X..., épouse W..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° D 19-13.373 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires de la copropriété [...] (SDC), dont le siège est [...] , représenté par son syndic la société Aximm, ayant pour nom commercial Aximmo,
2°/ à M. K... S... , domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme X... épouse W..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété [...] , et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, conseillers, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 27 novembre 2018), Mme W..., propriétaire d'une maison d'habitation dont le terrain arrière jouxte un immeuble soumis au statut de la copropriété, soutenant que les fenêtres percées dans le mur en limite de propriété créaient des vues droites sur son terrain et que les tablettes des fenêtres débordaient sur sa propriété, a assigné le syndicat des copropriétaires en suppression de ces vues et tablettes et en dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en suppression des vues et tablettes, alors « que le syndicat des copropriétaires qui a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes, a qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférents ; qu'en se fondant pour déclarer irrecevable l'action de Mme W... en suppression par le syndicat des copropriétaires des fenêtres et de leurs tablettes et des jours percés dans le mur séparatif et dans la toiture qui sont des parties communes de l'immeuble en copropriété, sur la circonstance que ces fenêtres, jours et tablettes constituent selon le règlement de copropriété des parties privatives, la cour d'appel a violé les articles 15 et 14 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel a relevé que, si les travaux litigieux touchaient au mur de façade et à la toiture, définis comme des parties communes, il ressortait de l'article 1er du règlement de copropriété que tel n'était pas le cas des fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises et que, si les ornements de façade étaient communs, les balustrades des balcons et balconnets, les persiennes, fenêtres, volets et accessoires ne l'étaient pas.
4. Elle en a déduit, à bon droit, que, les fenêtres percées dans le mur de façade, la fenêtre de toit installée en toiture et les tablettes constituant des parties privatives, l'action ne pouvait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réparation du préjudice résultant des vues droites et jours illicites, alors « que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par le fait duquel il est arrivé à le réparer ; que si les fenêtres percées dans le mur de façade et le velux installé en toiture, dont il est demandé la suppression constituent des parties privatives aux propriétaires qui les ont créées, le syndicat des copropriétaires qui a autorisé le percement de fenêtres et jours illicites dans les parties communes de l'immeuble, avait néanmoins qualité pour défendre à l'action en réparation du préjudice résultant de sa faute ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que Mme W... ait soutenu que le syndicat des copropriétaires avait commis une faute en autorisant le percement des fenêtres et jours dans les mur et toiture.
8. Le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme W... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme W... et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.
LE CONSEILLER DOYEN le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X... épouse W....
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande présentée par Mme W... à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la copropriété située [...] en suppression des vues droites, des jours illicites implantés dans le mur et la toiture de l'immeuble et en suppression des tablettes débordant sur sa propriété ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de l'action dirigée contre le syndicat des copropriétaires, l'appelante expose que le syndicat des copropriétaires a pris la responsabilité d'autoriser les travaux litigieux au cours de son assemblée générale ordinaire du 29 octobre 2012, permettant ainsi à des copropriétaires de porter atteinte au mur de façade implanté en limite séparative de propriété, et elle considère qu'il appartient ainsi à ce seul syndicat de défendre à l'action qu'elle a engagée et qu'il lui appartenait d'appeler en cause les copropriétaires concernés pour leur rendre opposable la décision ; Qu'elle soutient, d'autre part, que la création des ouvertures litigieuses a été opérée sur un mur de façade, commun à tous les copropriétaires, et dans la toiture, également commune, ajoutant que le gros oeuvre est dans tous les cas considéré comme relevant des parties communes ; Qu'elle ajoute que les travaux effectués sur les parties communes ayant été réalisés sur autorisation du syndicat des copropriétaires, ce dernier en demeurait responsable dès lors qu'il devait exercer un contrôle à tout moment en se faisant communiquer les conditions et modalités de réalisation des travaux et qu'il lui appartenait de vérifier que les travaux réalisés sur une toiture et un mur de façade communs respectaient les prescriptions des articles 675 et suivants du code civil ; Qu'elle rappelle que l'action des tiers relative aux parties communes n'est pas recevable contre les copropriétaires mais uniquement contre le syndicat qui a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et qui a qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférant ; que l'intimé, se fondant sur l'article 1er du règlement de copropriété disposant que les balustrades des balcons et balconnets, les persiennes, fenêtres, volets et accessoires ne sont pas des choses et parties communes, et que sont communs les fondations, les gros murs des façades, des pignons et de refend, la charpente et la toiture, mais pas les fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises, prétend que les travaux contestés ne relèvent pas de sa responsabilité ; Qu'il rappelle que ces travaux ont été décidés par les propriétaires concernés, après autorisations administratives, et qu'ils ont été réalisés à leurs frais exclusifs, après autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, sous leur seule responsabilité puisqu'il s'agissait de parties privatives par nature ; Qu'il fait enfin valoir que la fin de non-recevoir qu'il oppose se double d'une violation manifeste du principe du contradictoire, considérant qu'il est indispensable que les auteurs des travaux puissent se défendre alors que l'appelante cherche manifestement à obtenir un arrêt à leur encontre, en leur absence ; que si les travaux litigieux touchent au mur de façade et à la toiture, définis comme des parties communes, il ressort toutefois de l'article 1er du règlement de copropriété, que si les fondations, les gros murs des façades, la toiture sont communs entre les copropriétaires, tel n'est pas le cas des fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises et que, de la même manière, les ornements de façade sont communs, à l'exception des balustrades des balcons et balconnets, des persiennes, fenêtres, volets et accessoires ; Qu'ainsi que l'a justement apprécié le tribunal, les fenêtres percées dans le mur de façade et le velux installé en toiture, dont il est demandé la suppression par l'appelante, constituent des parties privatives aux propriétaires qui les ont créées, de sorte que l'action initiée à l'encontre du syndicat des copropriétaires par Mme W... est irrecevable, ce dernier n'ayant pas qualité pour défendre à cette action, et le jugement déféré mérite ainsi confirmation en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE le syndicat des copropriétaires qui a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes, a qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférents ; qu'en se fondant pour déclarer irrecevable l'action de Mme W... en suppression par le syndicat des copropriétaires des fenêtres et de leurs tablettes et des jours percés dans le mur séparatif et dans la toiture qui sont des parties communes de l'immeuble en copropriété, sur la circonstance que ces fenêtres, jours et tablettes constituent selon le règlement de copropriété des parties privatives, la Cour d'appel a violé les articles 15 et 14 de la loi du 10 juillet 1965.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande présentée par Mme W... à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la copropriété située [...] en réparation du préjudice résultant des vues droites et jours illicites implantés dans le mur et la toiture de l'immeuble ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de l'action dirigée contre le syndicat des copropriétaires, l'appelante expose que le syndicat des copropriétaires a pris la responsabilité d'autoriser les travaux litigieux au cours de son assemblée générale ordinaire du 29 octobre 2012, permettant ainsi à des copropriétaires de porter atteinte au mur de façade implanté en limite séparative de propriété, et elle considère qu'il appartient ainsi à ce seul syndicat de défendre à l'action qu'elle a engagée et qu'il lui appartenait d'appeler en cause les copropriétaires concernés pour leur rendre opposable la décision ; Qu'elle soutient, d'autre part, que la création des ouvertures litigieuses a été opérée sur un mur de façade, commun à tous les copropriétaires, et dans la toiture, également commune, ajoutant que le gros oeuvre est dans tous les cas considéré comme relevant des parties communes ; Qu'elle ajoute que les travaux effectués sur les parties communes ayant été réalisés sur autorisation du syndicat des copropriétaires, ce dernier en demeurait responsable dès lors qu'il devait exercer un contrôle à tout moment en se faisant communiquer les conditions et modalités de réalisation des travaux et qu'il lui appartenait de vérifier que les travaux réalisés sur une toiture et un mur de façade communs respectaient les prescriptions des articles 675 et suivants du code civil ; Qu'elle rappelle que l'action des tiers relative aux parties communes n'est pas recevable contre les copropriétaires mais uniquement contre le syndicat qui a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et qui a qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférant ; que l'intimé, se fondant sur l'article 1er du règlement de copropriété disposant que les balustrades des balcons et balconnets, les persiennes, fenêtres, volets et accessoires ne sont pas des choses et parties communes, et que sont communs les fondations, les gros murs des façades, des pignons et de refend, la charpente et la toiture, mais pas les fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises, prétend que les travaux contestés ne relèvent pas de sa responsabilité ; Qu'il rappelle que ces travaux ont été décidés par les propriétaires concernés, après autorisations administratives, et qu'ils ont été réalisés à leurs frais exclusifs, après autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, sous leur seule responsabilité puisqu'il s'agissait de parties privatives par nature ; Qu'il fait enfin valoir que la fin de non-recevoir qu'il oppose se double d'une violation manifeste du principe du contradictoire, considérant qu'il est indispensable que les auteurs des travaux puissent se défendre alors que l'appelante cherche manifestement à obtenir un arrêt à leur encontre, en leur absence ; que si les travaux litigieux touchent au mur de façade et à la toiture, définis comme des parties communes, il ressort toutefois de l'article 1er du règlement de copropriété, que si les fondations, les gros murs des façades, la toiture sont communs entre les copropriétaires, tel n'est pas le cas des fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises et que, de la même manière, les ornements de façade sont communs, à l'exception des balustrades des balcons et balconnets, des persiennes, fenêtres, volets et accessoires ; Qu'ainsi que l'a justement apprécié le tribunal, les fenêtres percées dans le mur de façade et le velux installé en toiture, dont il est demandé la suppression par l'appelante, constituent des parties privatives aux propriétaires qui les ont créées, de sorte que l'action initiée à l'encontre du syndicat des copropriétaires par Mme W... est irrecevable, ce dernier n'ayant pas qualité pour défendre à cette action, et le jugement déféré mérite ainsi confirmation en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par le fait duquel il est arrivé à le réparer ; que si les fenêtres percées dans le mur de façade et le velux installé en toiture, dont il est demandé la suppression constituent des parties privatives aux propriétaires qui les ont créées, le syndicat des copropriétaires qui a autorisé le percement de fenêtres et jours illicites dans les parties communes de l'immeuble, avait néanmoins qualité pour défendre à l'action en réparation du préjudice résultant de sa faute ; qu'ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil.
Le greffier de chambre | Saisie par le propriétaire d'une maison, dont le terrain jouxte un immeuble en copropriété, d'une action, dirigée contre le syndicat de copropriétaires, en suppression de fenêtres percées dans le mur en limite de propriété et créant des vues droites sur son terrain, ainsi que de tablettes débordant sur sa propriété, une cour d'appel juge à bon droit que, les fenêtres percées dans le mur de façade, la fenêtre de toit installée en toiture et les tablettes constituant des parties privatives, l'action est irrecevable |
394 | CIV. [...]
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 septembre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 542 FS-P+B+I
Pourvoi n° V 19-17.045
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
1°/ la société Auteuil-Boulogne, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, [...] , représenté par son syndic la société Auteuil-Boulogne, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° V 19-17.045 contre l'arrêt rendu le 27 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre, 2e section), dans le litige les opposant :
1°/ à M. S... Q... X... , domicilié [...] ,
2°/ à la société Groupe immobilier Europe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Auteuil-Boulogne et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble, [...] , de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. Q... X... et de la société Groupe immobilier Europe, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 janvier 2018, pourvoi n° 16-26.072, Bull. 2018, III, n° 4), par acte du 31 mai 1983, l'immeuble situé [...] , composé de deux lots, a été placé sous le régime de la copropriété. Par acte du 30 mai 1984, le lot n° [...] a été divisé et remplacé par les lots n° [...] à [...]. Une assemblée générale du 21 juin 2011 a, en sa résolution n° 5, contesté la légalité du modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 et exigé sa rectification.
2. M. Q... X..., propriétaire des lots [...] , ... et [...], a assigné le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne, propriétaire du lot [...] , en annulation de cette résolution. Le syndicat des copropriétaires a appelé la société Groupe immobilier Europe à l'instance.
3. La société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires ont invoqué l'inopposabilité à leur égard de l'acte du 30 mai 1984.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et sixième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième et le cinquième moyens, réunis
Enoncé du moyen
5. La société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors :
« 1°/ que l'action tendant à voir déclarer une clause inopposable, comme non écrite, parce qu'elle a pour objet de mettre le règlement de la copropriété en conformité avec le droit existant, est imprescriptible ; qu'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposable, c'est-à-dire non écrite, au syndicat de copropriétaires la répartition des charges des lots 3 à [...] au motif qu'il s'agirait d'une action personnelle soumise au régime de prescription de dix ans prévu à l'article 42 de la loi de 1965, la cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°/ que l'action tendant à voir déclarer une clause non écrite, parce qu'elle a pour objet de mettre le règlement de la copropriété en conformité avec le droit existant, est imprescriptible ; qu'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposable au syndicat de copropriétaires l'état descriptif de division des mêmes lots et la répartition en parties communes spéciales au motif qu'il s'agirait d'une action personnelle soumise au régime de prescription de dix ans prévu à l'article 42 de la loi de 1965, la cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction alors applicable :
6. Selon ce texte, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et à celles du décret pris pour leur application sont réputées non écrites.
7. Pour rejeter la demande de la société Auteuil-Boulogne et du syndicat des copropriétaires, l'arrêt retient que, si la répartition des quotes-parts de parties communes et de charges entre les lots n° 3 à [...] n'a pas été soumise à une assemblée générale, contrairement à ce qu'exige l'article 11, alinéa 3, et si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et que l'imprescriptibilité invoquée par la société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, ce qui ne peut être effectué que par le juge, et que l'annulation de la résolution n° 5 de l'assemblée générale et les motifs qui y ont conduit entraînent le rejet de la demande tendant à l'inopposabilité à la société Auteuil-Boulogne et au syndicat des copropriétaires de l'acte modificatif du 30 mai 1984.
8. En statuant ainsi, alors que l'assemblée générale des copropriétaires est l'organe habilité à modifier le règlement de copropriété, que l'article 43 précité n'exclut pas le pouvoir de cette assemblée de reconnaître le caractère non écrit d'une clause d'un règlement de copropriété et que tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peuvent, à tout moment, faire constater l'absence de conformité aux dispositions de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, de la clause de répartition des charges, qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale, et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors « que l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que sont réputées non écrites les clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37 de cette loi ; que son article 11 prévoit que la répartition des charges ne peut être modifiée que par l'assemblée générale des copropriétaires ; que, constatant que la modification de la répartition des quotes-parts et des charges par l'acte modificatif de 1984 n'avait pas été soumise au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel, qui se refuse néanmoins à déclarer cette modification non écrite, a violé les articles 11 et 43 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 11, alinéa 2, et 43 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction alors applicable :
10. Aux termes du premier de ces textes, en cas d'aliénation séparée d'une ou plusieurs fractions d'un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu'elle n'est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l'approbation de l'assemblée générale statuant à la majorité prévue à l'article 24. Aux termes du second, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et à celles du décret pris pour leur application sont réputées non écrites. Lorsque le juge, en application de l'alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition.
11. Pour rejeter la demande tendant à déclarer non écrites les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, l'arrêt retient que le fait que la répartition des charges n'ait pas fait l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des copropriétaires, ce qui n'est pas contesté, est insusceptible de rendre la clause IV et les tableaux contraires à la loi du 10 juillet 1965, puisque cette exigence figure expressément en page 4 de l'acte du 31 mai 1984, en partie III « répartition des charges », qui renvoie au tableau.
12. En statuant ainsi, alors que, le lot initial disparaissant en cas de division et de nouveaux lots étant créés, une modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division est alors nécessaire et que la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu'elle n'est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l'approbation de l'assemblée générale, quand bien même le total des quotes-parts des nouveaux lots est égal à celui des lots dont ils sont issus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du quatrième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leurs demandes tendant à dire que l'acte du 30 mai 1984 est inopposable au syndicat des copropriétaires, ainsi que la répartition des charges des lots n° [...] à [...], l'état descriptif de division des mêmes lots et la répartition en parties communes, de leur demande subsidiaire tendant à déclarer non écrites : la répartition des quotes-parts de division de l'immeuble de fond de cour, la répartition des charges figurant dans le document du 30 mai 1984, la création des parties communes exclusives à certains lots, le tableau de répartition des charges qui comporte des erreurs entre millièmes généraux et la colonne charges, le rez-de-chaussée bénéficie d'une différence en sa faveur de -6,8 %, les premier, deuxième et troisième étages supportent cette différence de charges en plus, le règlement de copropriété du 31 mai 1983 ne classe pas les escaliers parmi les parties communes spéciales, de leur demande de désignation d'un expert, de leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. Q... X... et la société Groupe immobilier Europe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Q... X... et la société Groupe immobilier Europe et les condamne à payer à la société Auteuil-Boulogne et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] .
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir constater l'inexistence juridique du syndicat des copropriétaires secondaire constitué sur l'ancien lot [...] ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 9 alinéa 2 du règlement de copropriété stipule : « de même que ces deux lots de copropriété pourront être divisés en copropriété verticale. Cette faculté se fera à la seule initiative de l'un ou l'autre des propriétaires des lots. Ce droit étant individuellement acquis au profit de chaque lot, sans qu'il soit nécessaire de réunir une assemblée ou de solliciter un quelconque accord préalable » ; il est ajouté que : « - le futur propriétaire du lot numéro 1 a d'ores et déjà prévu de solliciter une autorisation administrative pour surélever le bâtiment sur rue (
) de même qu'il a prévu de réunir les deux propriétés du [...] et le numéro 1 du présent règlement de copropriété pour en faire une copropriété verticale. - Et le futur copropriétaire du lot numéro 2 du présent règlement de copropriété a l'intention de son côté, de réaménager les constructions édifiées sur son lot et de créer une copropriété verticale de division » ; il convient de préciser que le futur copropriétaire du lot [...] était la SCI Auteuil-Boulogne gérée par M. T... et celui du lot [...] la société GIE gérée par M. Q... X... ; la faculté ainsi offerte aux copropriétaires des lots n°1 et 2 de créer sur leur lot respectif une organisation distincte du syndicat des copropriétaires d'origine, a été improprement qualifiée de copropriété verticale, dès lors qu'il est manifeste qu'une copropriété horizontale et une copropriété verticale comportant des lots identiques, ne peuvent coexister ; en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il dit que le syndicat des copropriétaires de la copropriété verticale du [...] existe ; pour le même motif, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a dit que le syndicat des copropriétaires de la copropriété horizontale et la SCI Auteuil-Boulogne étaient irrecevables à discuter et contester la qualification des parties communes relevant du syndicat des copropriétaires de la copropriété verticale et la répartition des charges concernant les lots n°[...] à [...] et à solliciter une mesure d'expertise judiciaire pour établir une répartition des charges et un état descriptif de division conformes à la loi du 10 juillet 1965 pour les mêmes lots ; il est cependant tout aussi manifeste que la volonté des auteurs du règlement de copropriété a été de permettre une gestion partiellement autonome des deux lots initiaux ; il ne peut s'agir, puisque des lots sont communs aux deux organisations, que d'un syndicat secondaire ; c'est d'ailleurs ce que soutiennent les intimés, en soulignant que ce syndicat a fonctionné au moins depuis 2001 et a été accepté par le syndicat principal et le syndic puisqu'il a convoqué les copropriétaires des lots n°[...] à [...] aux assemblées générales (du syndicat principal), a accepté leurs votes et le paiement de leurs charges ; que M. T... , gérant de la SCI Auteuil-Boulogne a même été désigné en qualité de syndic de ce syndicat secondaire ; en effet, la faculté offerte par l'article 9 ne peut être interprétée comme une autorisation donnée aux propriétaires des lots [...] et 2 de diviser leur lot dès lors que cette liberté est expressément rappelée à l'article 22 du même règlement de copropriété ; si, comme le font valoir les appelants, cet article 9 est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 en ce qu'il dispense les copropriétaires de soumettre la création de leur syndicat secondaire à un vote de l'assemblée générale, il convient de constater que la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires ne demandent pas dans le dispositif de leurs écritures que cet article soit déclaré non écrit ; en conséquence, ils seront déboutés de leurs demandes tendant à voir reconnaître l'inexistence de ce syndicat secondaire ;
AUX MOTIFS A SUPPOSER ADOPTES QU'aux termes de l'acte notarié du 31 mai 1983, l'immeuble situé [...] a été divisé en deux lots composés chacun d'une parcelle et d'un bâtiment et soumis à un règlement de copropriété. Il s'agit en l'espèce d'une copropriété horizontale ; l'article 9 de l'acte du 31 mai 1953 stipule, dans son deuxième paragraphe : « De même que ces deux lots de copropriété pourront être divisés en copropriété verticale. Cette faculté se fera à la seule initiative de l'un ou l'autre des propriétaires des lots. Ce droit étant individuellement acquis au profit de chaque lot, sans qu'il soit nécessaire de réunir une assemblée ou de solliciter un quelconque accord préalable » ; l'acte notarié du 30 mai 1934 qui se présente comme un modificatif à l'état descriptif de division crée les lots n°[...] à [...] en lieu et place du lot n° [...] et crée ainsi une copropriété verticale soumise au statut de la loi du 10 juillet 1965 ; la naissance de cette copropriété verticale implique nécessairement la mise en place d'un syndicat autonome par rapport au syndicat de la copropriété horizontale, appelé en l'espèce syndicat secondaire alors que sa création ne relève pas en réalité de l'application de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 ; de plus, en vertu du deuxième alinéa de l'article 9 précité de l'acte du 31 mai 1983, le propriétaire du lot [...] pouvait diviser son lot sans avoir à soumettre ce projet à l'assemblée ; dans ces conditions, la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de la copropriété horizontale du [...] ne peuvent valablement soutenir que le syndicat « secondaire » n'a pas été approuvé par l'assemblée spéciale mentionnée à l'alinéa premier de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'il n'existe pas ; la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de la copropriété horizontale n'ont pas qualité pour discuter et contester la qualification des parties communes relevant du syndicat des copropriétaires de la copropriété verticale ni la répartition des charges concernant les lots n°[...] à [...] ; ils ne sont donc pas recevables à solliciter une mesure d'expertise judiciaire pour établir une répartition des charges et un état descriptif de division conformes à la loi du 10 juillet 1965 pour les lots n°[...] à [...] ;
ALORS QUE l'article 27 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que lorsqu'un immeuble comporte plusieurs bâtiments, les copropriétaires dont les lots composent l'un de ces bâtiments peuvent, réunis en assemblée spéciale, décider la constitution entre eux d'un syndicat, dit secondaire ; que faute de relever l'existence d'une quelconque décision de constitution d'un syndicat secondaire, la cour d'appel, en constatant l'existence d'un syndicat secondaire, a violé l'article 27 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait annulé la résolution n°5 du procès-verbal du 21 juin 2011 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les articles 3 et 4 du règlement de copropriété de 1983 définissent ainsi les parties privatives et parties communes de l'immeuble : « article 3 : les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division ci-après établi sont compris dans la composition d'un lot, sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré et comme tels constituent des « parties privatives ». Article 4 : les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Elles comprennent notamment : - la partie cochère sur la rue [...] - l'alimentation de gaz - d'électricité - le raccordement à l'égout de la rue [...] recevant les eaux pluviales, les eaux usées et les eaux vannes. Les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires » ; l'état descriptif de division (article 7 du règlement de copropriété) désigne comme suit les deux lots initiaux : « lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent soixante-dix mètres carrés trente, située en façade sur une largeur de sept mètres virgule dix-sept, sur la [...] et une profondeur d'environ vingt-quatre mètres virgule quinze sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée à usage commercial (boutiques) et d'un premier étage à usage d'habitation, grenier au-dessus, partiellement aménagé en habitation, le tout couvert en tuiles. Et les cinq cent soixante-quinze/millièmes (575/1000èmes) du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires ; Lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent vingt-cinq mètres carrés soixante-dix située en prolongement du lot [...], d'une profondeur de dix-huit mètres virgule trente environ, sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée et de trois étages d'habitation, le tout couvert en tuiles. Et les 425/1000e du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires » ; il résulte de ces articles que, contrairement à ce que soutiennent le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne (page 8 de leurs conclusions), il n'est pas nécessaire en l'espèce de se référer aux dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, qui liste les parties réputées communes en cas de silence ou de contradiction des titres, pour déterminer les parties communes et parties privatives du syndicat des copropriétaires d'origine ; il résulte en effet clairement des articles du règlement de copropriété ci-dessus cités que les parties communes sont constituées par la porte cochère sur la rue et les équipements communs que sont les réseaux de gaz, d'électricité et d'assainissement ; les parties privatives sont celles qui sont comprises dans la composition d'un lot et qu'en l'espèce, les lots n°1 et 2 contiennent non seulement le bâtiment édifié sur chacun d'eux (en façade pour le lot n°1 et en fond de cour pour le lot [...]), mais également la superficie du sol telle qu'arrêtée dans l'état descriptif de division, qui va bien au-delà de l'assiette du bâtiment, puisqu'elle correspond à la superficie totale de la parcelle [...] , divisée en deux pour constituer les lots [...] et 2, à la seule exception de la partie correspondant à la porte cochère ; en conséquence, le sol du lot [...] constitue en totalité une partie privative, contrairement à ce que prétendent les appelants, puisqu'en outre la porte cochère se situe sur le lot n°1 ; par l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, la société GIE a procédé à la division de son lot en substituant les lots n°[...] à [...] au lot [...] ; tout copropriétaire a le droit de diviser son lot sans avoir à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale, ce qui est d'ailleurs en l'espèce expressément reconnu par l'article 22 du règlement de copropriété ; cette division s'est accompagnée de la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots, réalisée exclusivement sur la partie privative constituant le lot [...] ; les 425/1000èmes des parties communes générales du lot [...] ont été divisés entre les lots n°[...] à [...] ; c'est donc à tort que l'assemblée générale du 21 juin 2011 a, dans sa résolution n°5, considéré comme non écrites certaines stipulations de l'acte modificatif de 1984 et demandé une « rectification » de cet acte en ce qu'il porte création de parties communes spéciales qui auraient été prélevées sur les parties communes générales et en ce qu'il dispense certains des nouveaux lots de paiement des charges d'entretien des escaliers alors que ces derniers seraient des parties communes générales au terme du règlement de copropriété de 1983 ; outre le fait que, contrairement à ce que prétendent les intimés, il n'appartient pas à une assemblée générale de « réputer non écrites des dispositions qui sont irrégulières » ce pouvoir étant attribué par l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 (et celui-ci ne pouvant se saisir d'office), les motifs invoqués sont contraires au règlement de copropriété de 1983 ainsi qu'il a été précédemment retenu ; pour ce motif déjà, la résolution litigieuse doit sur ces deux points être annulée ; sur les deux autres points de la résolution en cause, c'est-à-dire, la contestation de la répartition des quotes-parts de parties communes et des charges entre les lots n°[...] à [...], qu'il n'est pas contestable, comme le font valoir les appelants, que ces répartitions n'ont pas été soumises à une décision de l'assemblée générale contrairement à ce qu'exige l'article 11 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 (la répartition des charges résultant de celle des quotes-parts de parties communes) ; si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que, comme le soulignent les intimés, le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et qu'en outre, depuis 1984, le syndicat des copropriétaires et son syndic, la SCI Auteuil-Boulogne en ont accepté les stipulations en convoquant les copropriétaires des lots n°[...] à [...] aux assemblées générales du syndicat principal et en procédant aux appels de charges conformément à la répartition prévue par l'acte modificatif litigieux ; l'imprescriptibilité invoquée par les appelants ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, qui ainsi qu'il a déjà été exposé, ne peut être prononcée que par le juge ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la résolution n° 5 ; cette annulation et les motifs qui y ont conduit, entraîne le rejet de la demande de la SCI et du syndicat des copropriétaires tendant à voir dire que l'acte modificatif du 30 mai 1984 leur est inopposable notamment en ce qu'il porte état descriptif de division, répartition des parties communes spéciales et des charges ; il peut être ajouté, en ce qui concerne la demande des intimés relative à la résolution n°4, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il ne lui appartenait pas de dire ou juger qu'elle était sans fondement et sans objet dès lors qu'elle n'avait pas donné lieu à un vote et qu'elle ne constituait pas une décision ; que la demande des intimés sur ce point sera rejetée ; sur la demande tendant à voir déclarer non écrites des clauses de l'acte modificatif du 30 mai 1984 : contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette demande, bien que formulée pour la première fois en cause d'appel, est recevable dans la mesure où il s'agit d'une demande reconventionnelle qui se rattache par un lien suffisant à la demande principale, puisqu'il s'agit de faire déclarer non écrites des stipulations qui étaient contestées dans la résolution n°5 ; la SCI et le syndicat des copropriétaires demandent que les clauses de l'acte de 1984 soient déclarées non écrites en ce qu'elles : - fixent la répartition des quotes-parts de division de l'immeuble de fond de cour, - fixent la répartition des charges, -créent des parties communes exclusives à certains lots, - comportement des erreurs dans le tableau de répartition des charges, - le règlement de 1983 ne classe pas les escaliers parmi les parties communes spéciales ; il convient tout d'abord de relever que les points ainsi argués d'irrégularité sont ceux de la résolution n°5 et non des clauses de l'acte modificatif du 30 mai 1984 et que les appelants ne désignent pas les clauses qu'ils veulent voir déclarer non écrites ; en se référant aux questions évoquées, il est possible de retrouver les clauses concernées : il s'agirait de la partie « IV : parties communes spéciales » et du tableau annexé portant répartition des quotes-parts de parties communes et répartition des charges ; toutefois, il appartient aux parties et non au juge de déterminer précisément l'objet de leur demande et en l'espèce, de citer les clauses concernées et de dire si la demande porte sur la totalité de la clause et dans la négative, quelles sont les parties considérées comme entachées de nullité ; en outre, il convient de constater que les appelants, qui invoquent dans leurs écritures une violation des articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965, n'expliquent pas en quoi ces articles auraient été violés par ces clauses et tableaux ; en toute hypothèse, le fait que la répartition des charges n'ait pas fait l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des copropriétaires, ce qui n'est pas contesté, est insusceptible de rendre la clause IV et les tableaux, contraires à la loi du 10 juillet 1965, puisque cette exigence figure expressément en page 4 de l'acte du 30 mai 1984 en partie III « répartition des charges », qui renvoie au tableau ; enfin, la prétendue violation des stipulations de l'acte du 30 mai 1983 en raison de création de parties communes spéciales sur des parties communes générales a été précédemment écartée ; les appelants seront donc déboutés de leur demande subsidiaire ; pour l'ensemble des motifs qui précèdent, ils seront également déboutés de leur demande tendant à la désignation d'un expert, devenue sans objet ;
AUX MOTIFS A SUPPOSER ADOPTES QUE sur les résolutions n°4 et 5 de l'assemblée générale du 21 juin 2011 ; la résolution n°4 intitulée « Constitution d'un syndicat secondaire (conformément à l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965) » n'a pas donné lieu à un vote ; à ce titre, elle n'est pas une décision de l'assemblée ; le tribunal n'a pas à dire et juger qu'elle est sans fondement et sans objet ; la résolution n°5 intitulée « Contestation du « modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 » (art. 25 de la loi du 10 juillet 1965) » a été adoptée à la majorité de l'article 25 ; en substance, cette résolution a pour objet de contester au titre de « clauses réputées non écrites » le modificatif du 30 mai 1984 et d'exiger une rectification sur les points suivants : - la répartition des quotes-parts de division du bâtiment fond de cour ; - la création de parties communes exclusives à certains lots, tel le jardin privatif de 14 m2 à jouissance exclusive au lot n°[...] du rez-de-chaussée et l'attribution des paliers des 2ème et 3ème étages de la cage d'escalier aux lots n°[...] ; - le tableau de répartition des charges qui comporte des erreurs entre millièmes généraux et la colonne « charges », le rez-de-chaussée bénéficie d'une différence en sa faveur de 6,8%, les premier, deuxième et troisième étages supportent cette différence de charges en patio ; - le règlement de copropriété du 31 mai 1983 « (le vrai) » ne classe pas les escaliers parmi les parties communes spéciales. Tous les copropriétaires sont tenus de participer aux dépenses d'entretien, de conservation et d'administration de cette cage d'escalier, partie commune générale alors que le modificatif du 30 mai 1984 prétend dispenser le rez-de-chaussée des charges d'escalier ; M. Q... X... et la société CIE allèguent un abus de majorité à l'appui de leur demande en annulation ; il ressort des développements qui précèdent que l'assemblée générale des copropriétaires de la copropriété horizontale n'a pas compétence pour contester la légalité des clauses du règlement de copropriété de la copropriété verticale née de l'acte du 30 mai 1984 ; en votant la résolution n°4, elle a commis un abus de pouvoir qui sera sanctionné par l'annulation de cette résolution ;
ALORS QU'il résulte de l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 que l'assemblée générale des copropriétaires peut autoriser le syndic à agir en justice ; qu'en annulant la résolution n°5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 21 juin 2011, qui avait pour objet la contestation des clauses de l'acte modificatif de 1984, contestation présentée par le syndic à titre de demande reconventionnelle devant la cour d'appel, cette dernière a violé l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposables au syndicat de copropriétaires les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 modifiant la répartition des quotes-parts et des charges des lots n°[...] à [...] ;
AUX MOTIFS QUE les articles 3 et 4 du règlement de copropriété de 1983 définissent ainsi les parties privatives et parties communes de l'immeuble : « article 3 : les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division ci-après établi sont compris dans la composition d'un lot, sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré et comme tels constituent des « parties privatives ». Article 4 : les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Elles comprennent notamment : - la partie cochère sur la rue [...] - l'alimentation de gaz - d'électricité - le raccordement à l'égout de la rue [...] recevant les eaux pluviales, les eaux usées et les eaux vannes. Les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires » ; l'état descriptif de division (article 7 du règlement de copropriété) désigne comme suit les deux lots initiaux : « lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent soixante-dix mètre carrés trente, située en façade sur une largeur de sept mètres virgule dix-sept, sur la [...] et une profondeur d'environ vingt-quatre mètres virgule quinze sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée à usage commercial (boutiques) et d'un premier étage à usage d'habitation, grenier au-dessus, partiellement aménagé en habitation, le tout couvert en tuiles. Et les cinq cent soixante-quinze/millièmes (575/1000èmes) du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires ; Lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent vingt-cinq mètres carrés soixante-dix située en prolongement du lot [...], d'une profondeur de dix-huit mètres virgule trente environ, sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée et de trois étages d'habitation, le tout couvert en tuiles. Et les 425/1000e du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires » ; il résulte de ces articles que, contrairement à ce que soutiennent le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne (page 8 de leurs conclusions), il n'est pas nécessaire en l'espèce de se référer aux dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, qui liste les parties réputées communes en cas de silence ou de contradiction des titres, pour déterminer les parties communes et parties privatives du syndicat des copropriétaires d'origine ; il résulte en effet clairement des articles du règlement de copropriété ci-dessus cités que les parties communes sont constituées par la porte cochère sur la rue et les équipements communs que sont les réseaux de gaz, d'électricité et d'assainissement ; les parties privatives sont celles qui sont comprises dans la composition d'un lot et qu'en l'espèce, les lots n°1 et 2 contiennent non seulement le bâtiment édifié sur chacun d'eux (en façade pour le lot n°1 et en fond de cour pour le lot [...]), mais également la superficie du sol telle qu'arrêtée dans l'état descriptif de division, qui va bien au-delà de l'assiette du bâtiment, puisqu'elle correspond à la superficie totale de la parcelle [...] , divisée en deux pour constituer les lots [...] et 2, à la seule exception de la partie correspondant à la porte cochère ; en conséquence, le sol du lot [...] constitue en totalité une partie privative, contrairement à ce que prétendent les appelants, puisqu'en outre la porte cochère se situe sur le lot n°1 ; par l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, la société GIE a procédé à la division de son lot en substituant les lots n°[...] à [...] au lot [...] ; tout copropriétaire a le droit de diviser son lot sans avoir à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale, ce qui est d'ailleurs en l'espèce expressément reconnu par l'article 22 du règlement de copropriété ; cette division s'est accompagnée de la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots, réalisée exclusivement sur la partie privative constituant le lot [...] ; les 425/1000èmes des parties communes générales du lot [...] ont été divisés entre les lots n°[...] à [...] ; c'est donc à tort que l'assemblée générale du 21 juin 2011 a, dans sa résolution n°5, considéré comme non écrites certaines stipulations de l'acte modificatif de 1984 et demandé une « rectification » de cet acte en ce qu'il porte création de parties communes spéciales qui auraient été prélevées sur les parties communes générales et en ce qu'il dispense certains des nouveaux lots de paiement des charges d'entretien des escaliers alors que ces derniers seraient des parties communes générales au terme du règlement de copropriété de 1983 ; outre le fait que, contrairement à ce que prétendent les intimés, il n'appartient pas à une assemblée générale de « réputer non écrites des dispositions qui sont irrégulières » ce pouvoir étant attribué par l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 (et celui-ci ne pouvant se saisir d'office), les motifs invoqués sont contraires au règlement de copropriété de 1983 ainsi qu'il a été précédemment retenu ; pour ce motif déjà, la résolution litigieuse doit sur ces deux points être annulée ; sur les deux autres points de la résolution en cause, c'est-à-dire, la contestation de la répartition des quotes-parts de parties communes et des charges entre les lots n°[...] à [...], qu'il n'est pas contestable, comme le font valoir les appelants, que ces répartitions n'ont pas été soumises à une décision de l'assemblée générale contrairement à ce qu'exige l'article 11 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 (la répartition des charges résultant de celle des quotes-parts de parties communes) ; si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que, comme le soulignent les intimés, le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et qu'en outre, depuis 1984, le syndicat des copropriétaires et son syndic, la SCI Auteuil-Boulogne en ont accepté les stipulations en convoquant les copropriétaires des lots n°[...] à [...] aux assemblées générales du syndicat principal et en procédant aux appels de charges conformément à la répartition prévue par l'acte modificatif litigieux ; l'imprescriptibilité invoquée par les appelants ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, qui ainsi qu'il a déjà été exposé, ne peut être prononcée que par le juge ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la résolution n° 5 ; cette annulation et les motifs qui y ont conduit, entraîne le rejet de la demande de la SCI et du syndicat des copropriétaires tendant à voir dire que l'acte modificatif du 30 mai 1984 leur est inopposable notamment en ce qu'il porte état descriptif de division, répartition des parties communes spéciales et des charges ; il peut être ajouté, en ce qui concerne la demande des intimés relative à la résolution n°4, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il ne lui appartenait pas de dire ou juger qu'elle était sans fondement et sans objet dès lors qu'elle n'avait pas donné lieu à un vote et qu'elle ne constituait pas une décision ; que la demande des intimés sur ce point sera rejetée ;
ALORS QUE l'action tendant à voir déclarer une clause inopposable, comme non écrite, parce qu'elle a pour objet de mettre le règlement de la copropriété en conformité avec le droit existant, est imprescriptible ; qu'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposable, c'est-à-dire non écrite, au syndicat de copropriétaires la répartition des charges des lots 3 à [...] au motif qu'il s'agirait d'une action personnelle soumise au régime de prescription de dix ans prévu à l'article 42 de la loi de 1965, la cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer non-écrites les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 modifiant la répartition des quotes-parts et des charges des lots n°[...] à [...] ;
AUX MOTIFS QUE les articles 3 et 4 du règlement de copropriété de 1983 définissent ainsi les parties privatives et parties communes de l'immeuble : « article 3 : les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division ci-après établi sont compris dans la composition d'un lot, sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré et comme tels constituent des « parties privatives ». Article 4 : les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Elles comprennent notamment : - la partie cochère sur la rue [...] - l'alimentation de gaz - d'électricité - le raccordement à l'égout de la rue [...] recevant les eaux pluviales, les eaux usées et les eaux vannes. Les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires » ; l'état descriptif de division (article 7 du règlement de copropriété) désigne comme suit les deux lots initiaux : « lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent soixante-dix mètre carrés trente, située en façade sur une largeur de sept mètres virgule dix-sept, sur la [...] et une profondeur d'environ vingt-quatre mètres virgule quinze sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée à usage commercial (boutiques) et d'un premier étage à usage d'habitation, grenier au-dessus, partiellement aménagé en habitation, le tout couvert en tuiles. Et les cinq cent soixante-quinze/millièmes (575/1000èmes) du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires ; Lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent vingt-cinq mètres carrés soixante-dix située en prolongement du lot [...], d'une profondeur de dix-huit mètres virgule trente environ, sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée et de trois étages d'habitation, le tout couvert en tuiles. Et les 425/1000e du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires » ; il résulte de ces articles que, contrairement à ce que soutiennent le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne (page 8 de leurs conclusions), il n'est pas nécessaire en l'espèce de se référer aux dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, qui liste les parties réputées communes en cas de silence ou de contradiction des titres, pour déterminer les parties communes et parties privatives du syndicat des copropriétaires d'origine ; il résulte en effet clairement des articles du règlement de copropriété ci-dessus cités que les parties communes sont constituées par la porte cochère sur la rue et les équipements communs que sont les réseaux de gaz, d'électricité et d'assainissement ; les parties privatives sont celles qui sont comprises dans la composition d'un lot et qu'en l'espèce, les lots n°1 et 2 contiennent non seulement le bâtiment édifié sur chacun d'eux (en façade pour le lot n°1 et en fond de cour pour le lot [...]), mais également la superficie du sol telle qu'arrêtée dans l'état descriptif de division, qui va bien au-delà de l'assiette du bâtiment, puisqu'elle correspond à la superficie totale de la parcelle [...] , divisée en deux pour constituer les lots [...] et 2, à la seule exception de la partie correspondant à la porte cochère ; en conséquence, le sol du lot [...] constitue en totalité une partie privative, contrairement à ce que prétendent les appelants, puisqu'en outre la porte cochère se situe sur le lot n°1 ; par l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, la société GIE a procédé à la division de son lot en substituant les lots n°[...] à [...] au lot [...] ; tout copropriétaire a le droit de diviser son lot sans avoir à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale, ce qui est d'ailleurs en l'espèce expressément reconnu par l'article 22 du règlement de copropriété ; cette division s'est accompagnée de la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots, réalisée exclusivement sur la partie privative constituant le lot [...] ; les 425/1000èmes des parties communes générales du lot [...] ont été divisés entre les lots n°[...] à [...] ; c'est donc à tort que l'assemblée générale du 21 juin 2011 a, dans sa résolution n°5, considéré comme non écrites certaines stipulations de l'acte modificatif de 1984 et demandé une « rectification » de cet acte en ce qu'il porte création de parties communes spéciales qui auraient été prélevées sur les parties communes générales et en ce qu'il dispense certains des nouveaux lots de paiement des charges d'entretien des escaliers alors que ces derniers seraient des parties communes générales au terme du règlement de copropriété de 1983 ; outre le fait que, contrairement à ce que prétendent les intimés, il n'appartient pas à une assemblée générale de « réputer non écrites des dispositions qui sont irrégulières » ce pouvoir étant attribué par l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 (et celui-ci ne pouvant se saisir d'office), les motifs invoqués sont contraires au règlement de copropriété de 1983 ainsi qu'il a été précédemment retenu ; pour ce motif déjà, la résolution litigieuse doit sur ces deux points être annulée ; sur les deux autres points de la résolution en cause, c'est-à-dire, la contestation de la répartition des quotes-parts de parties communes et des charges entre les lots n°[...] à [...], qu'il n'est pas contestable, comme le font valoir les appelants, que ces répartitions n'ont pas été soumises à une décision de l'assemblée générale contrairement à ce qu'exige l'article 11 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 (la répartition des charges résultant de celle des quotes-parts de parties communes) ; si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que, comme le soulignent les intimés, le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et qu'en outre, depuis 1984, le syndicat des copropriétaires et son syndic, la SCI Auteuil-Boulogne en ont accepté les stipulations en convoquant les copropriétaires des lots n°[...] à [...] aux assemblées générales du syndicat principal et en procédant aux appels de charges conformément à la répartition prévue par l'acte modificatif litigieux ; l'imprescriptibilité invoquée par les appelants ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, qui ainsi qu'il a déjà été exposé, ne peut être prononcée que par le juge ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la résolution n° 5 ; cette annulation et les motifs qui y ont conduit, entraîne le rejet de la demande de la SCI et du syndicat des copropriétaires tendant à voir dire que l'acte modificatif du 30 mai 1984 leur est inopposable notamment en ce qu'il porte état descriptif de division, répartition des parties communes spéciales et des charges ; il peut être ajouté, en ce qui concerne la demande des intimés relative à la résolution n°4, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il ne lui appartenait pas de dire ou juger qu'elle était sans fondement et sans objet dès lors qu'elle n'avait pas donné lieu à un vote et qu'elle ne constituait pas une décision ; que la demande des intimés sur ce point sera rejetée ;
1°/ ALORS QUE l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que sont réputées non écrites les clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37 de cette loi ; que son article 11 prévoit que la répartition des charges ne peut être modifiée que par l'assemblée générale des copropriétaires ; que, constatant que la modification de la répartition des quotes-parts et des charges par l'acte modificatif de 1984 n'avait pas été soumise au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel, qui se refuse néanmoins à déclarer cette modification non écrite, a violé les articles 11 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°/ ALORS QU'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer non-écrites les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 modifiant la répartition des quotes-parts et des charges des lots n°[...] à [...], en relevant que relevant que le fait que la répartition des charges n'ait pas fait l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des copropriétaires, ce qui n'est pas contesté, est insusceptible de rendre la clause IV et les tableaux, contraires à la loi du 10 juillet 1965, puisque cette exigence figure expressément en page 4 de l'acte du 30 mai 1984 en partie III « répartition des charges », qui renvoie au tableau, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposables au syndicat de copropriétaires les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 comportant la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots n°[...] à [...] ;
AUX MOTIFS QUE les articles 3 et 4 du règlement de copropriété de 1983 définissent ainsi les parties privatives et parties communes de l'immeuble : « article 3 : les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division ci-après établi sont compris dans la composition d'un lot, sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré et comme tels constituent des « parties privatives ». Article 4 : les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Elles comprennent notamment : - la partie cochère sur la rue [...] - l'alimentation de gaz - d'électricité - le raccordement à l'égout de la rue [...] recevant les eaux pluviales, les eaux usées et les eaux vannes. Les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires » ; l'état descriptif de division (article 7 du règlement de copropriété) désigne comme suit les deux lots initiaux : « lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent soixante-dix mètre carrés trente, située en façade sur une largeur de sept mètres virgule dix-sept, sur la [...] et une profondeur d'environ vingt-quatre mètres virgule quinze sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée à usage commercial (boutiques) et d'un premier étage à usage d'habitation, grenier au-dessus, partiellement aménagé en habitation, le tout couvert en tuiles. Et les cinq cent soixante-quinze/millièmes (575/1000èmes) du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires ; Lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent vingt-cinq mètres carrés soixante-dix située en prolongement du lot [...], d'une profondeur de dix-huit mètres virgule trente environ, sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée et de trois étages d'habitation, le tout couvert en tuiles. Et les 425/1000e du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires » ; il résulte de ces articles que, contrairement à ce que soutiennent le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne (page 8 de leurs conclusions), il n'est pas nécessaire en l'espèce de se référer aux dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, qui liste les parties réputées communes en cas de silence ou de contradiction des titres, pour déterminer les parties communes et parties privatives du syndicat des copropriétaires d'origine ; il résulte en effet clairement des articles du règlement de copropriété ci-dessus cités que les parties communes sont constituées par la porte cochère sur la rue et les équipements communs que sont les réseaux de gaz, d'électricité et d'assainissement ; les parties privatives sont celles qui sont comprises dans la composition d'un lot et qu'en l'espèce, les lots n°1 et 2 contiennent non seulement le bâtiment édifié sur chacun d'eux (en façade pour le lot n°1 et en fond de cour pour le lot [...]), mais également la superficie du sol telle qu'arrêtée dans l'état descriptif de division, qui va bien au-delà de l'assiette du bâtiment, puisqu'elle correspond à la superficie totale de la parcelle [...] , divisée en deux pour constituer les lots [...] et 2, à la seule exception de la partie correspondant à la porte cochère ; en conséquence, le sol du lot [...] constitue en totalité une partie privative, contrairement à ce que prétendent les appelants, puisqu'en outre la porte cochère se situe sur le lot n°1 ; par l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, la société GIE a procédé à la division de son lot en substituant les lots n°[...] à [...] au lot [...] ; tout copropriétaire a le droit de diviser son lot sans avoir à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale, ce qui est d'ailleurs en l'espèce expressément reconnu par l'article 22 du règlement de copropriété ; cette division s'est accompagnée de la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots, réalisée exclusivement sur la partie privative constituant le lot [...] ; les 425/1000èmes des parties communes générales du lot [...] ont été divisés entre les lots n°[...] à [...] ; c'est donc à tort que l'assemblée générale du 21 juin 2011 a, dans sa résolution n°5, considéré comme non écrites certaines stipulations de l'acte modificatif de 1984 et demandé une « rectification » de cet acte en ce qu'il porte création de parties communes spéciales qui auraient été prélevées sur les parties communes générales et en ce qu'il dispense certains des nouveaux lots de paiement des charges d'entretien des escaliers alors que ces derniers seraient des parties communes générales au terme du règlement de copropriété de 1983 ; outre le fait que, contrairement à ce que prétendent les intimés, il n'appartient pas à une assemblée générale de « réputer non écrites des dispositions qui sont irrégulières » ce pouvoir étant attribué par l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 (et celui-ci ne pouvant se saisir d'office), les motifs invoqués sont contraires au règlement de copropriété de 1983 ainsi qu'il a été précédemment retenu ; pour ce motif déjà, la résolution litigieuse doit sur ces deux points être annulée ; sur les deux autres points de la résolution en cause, c'est-à-dire, la contestation de la répartition des quotes-parts de parties communes et des charges entre les lots n°3 à [...], qu'il n'est pas contestable, comme le font valoir les appelants, que ces répartitions n'ont pas été soumises à une décision de l'assemblée générale contrairement à ce qu'exige l'article 11 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 (la répartition des charges résultant de celle des quotes-parts de parties communes) ; si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que, comme le soulignent les intimés, le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et qu'en outre, depuis 1984, le syndicat des copropriétaires et son syndic, la SCI Auteuil-Boulogne en ont accepté les stipulations en convoquant les copropriétaires des lots n°[...] à [...] aux assemblées générales du syndicat principal et en procédant aux appels de charges conformément à la répartition prévue par l'acte modificatif litigieux ; l'imprescriptibilité invoquée par les appelants ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, qui ainsi qu'il a déjà été exposé, ne peut être prononcée que par le juge ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la résolution n° 5 ; cette annulation et les motifs qui y ont conduit, entraîne le rejet de la demande de la SCI et du syndicat des copropriétaires tendant à voir dire que l'acte modificatif du 30 mai 1984 leur est inopposable notamment en ce qu'il porte état descriptif de division, répartition des parties communes spéciales et des charges ; il peut être ajouté, en ce qui concerne la demande des intimés relative à la résolution n°4, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il ne lui appartenait pas de dire ou juger qu'elle était sans fondement et sans objet dès lors qu'elle n'avait pas donné lieu à un vote et qu'elle ne constituait pas une décision ; que la demande des intimés sur ce point sera rejetée ; sur la demande tendant à voir déclarer non écrites des clauses de l'acte modificatif du 30 mai 1984 : contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette demande, bien que formulée pour la première fois en cause d'appel, est recevable dans la mesure où il s'agit d'une demande reconventionnelle qui se rattache par un lien suffisant à la demande principale, puisqu'il s'agit de faire déclarer non écrites des stipulations qui étaient contestées dans la résolution n°5 ; la SCI et le syndicat des copropriétaires demandent que les clauses de l'acte de 1984 soient déclarées non écrites en ce qu'elles : - fixent la répartition des quotes-parts de division de l'immeuble de fond de cour, - fixent la répartition des charges, -créent des parties communes exclusives à certains lots, - comportement des erreurs dans le tableau de répartition des charges, - le règlement de 1983 ne classe pas les escaliers parmi les parties communes spéciales ; il convient tout d'abord de relever que les points ainsi argués d'irrégularité sont ceux de la résolution n°5 et non des clauses de l'acte modificatif du 30 mai 1984 et que les appelants ne désignent pas les clauses qu'ils veulent voir déclarer non écrites ; en se référant aux questions évoquées, il est possible de retrouver les clauses concernées : il s'agirait de la partie « IV : parties communes spéciales » et du tableau annexé portant répartition des quotes-parts de parties communes et répartition des charges ; toutefois, il appartient aux parties et non au juge de déterminer précisément l'objet de leur demande et en l'espèce, de citer les clauses concernées et de dire si la demande porte sur la totalité de la clause et dans la négative, quelles sont les parties considérées comme entachées de nullité ; en outre, il convient de constater que les appelants, qui invoquent dans leurs écritures une violation des articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965, n'expliquent pas en quoi ces articles auraient été violés par ces clauses et tableaux ; en toute hypothèse, le fait que la répartition des charges n'ait pas fait l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des copropriétaires, ce qui n'est pas contesté, est insusceptible de rendre la clause IV et les tableaux, contraires à la loi du 10 juillet 1965, puisque cette exigence figure expressément en page 4 de l'acte du 30 mai 1984 en partie III « répartition des charges », qui renvoie au tableau ; enfin, la prétendue violation des stipulations de l'acte du 30 mai 1983 en raison de création de parties communes spéciales sur des parties communes générales a été précédemment écartée ; les appelants seront donc déboutés de leur demande subsidiaire ; pour l'ensemble des motifs qui précèdent, ils seront également déboutés de leur demande tendant à la désignation d'un expert, devenue sans objet ;
ALORS QUE l'action tendant à voir déclarer une clause non écrite, parce qu'elle a pour objet de mettre le règlement de la copropriété en conformité avec le droit existant, est imprescriptible ; qu'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposable au syndicat de copropriétaires l'état descriptif de division des mêmes lots et la répartition en parties communes spéciales au motif qu'il s'agirait d'une action personnelle soumise au régime de prescription de dix ans prévu à l'article 42 de la loi de 1965, la cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 comportant la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots n°3 à [...] ;
AUX MOTIFS QUE les articles 3 et 4 du règlement de copropriété de 1983 définissent ainsi les parties privatives et parties communes de l'immeuble : « article 3 : les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division ci-après établi sont compris dans la composition d'un lot, sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré et comme tels constituent des « parties privatives ». Article 4 : les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Elles comprennent notamment : - la partie cochère sur la rue [...] - l'alimentation de gaz - d'électricité - le raccordement à l'égout de la rue [...] recevant les eaux pluviales, les eaux usées et les eaux vannes. Les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires » ; l'état descriptif de division (article 7 du règlement de copropriété) désigne comme suit les deux lots initiaux : « lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent soixante-dix mètre carrés trente, située en façade sur une largeur de sept mètres virgule dix-sept, sur la [...] et une profondeur d'environ vingt-quatre mètres virgule quinze sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée à usage commercial (boutiques) et d'un premier étage à usage d'habitation, grenier au-dessus, partiellement aménagé en habitation, le tout couvert en tuiles. Et les cinq cent soixante-quinze/millièmes (575/1000èmes) du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires ; Lot [...] : une parcelle d'une superficie de cent vingt-cinq mètres carrés soixante-dix située en prolongement du lot [...], d'une profondeur de dix-huit mètres virgule trente environ, sur laquelle est édifié un bâtiment élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée et de trois étages d'habitation, le tout couvert en tuiles. Et les 425/1000e du sol de l'ensemble de l'immeuble et des parties communes à tous les copropriétaires » ; il résulte de ces articles que, contrairement à ce que soutiennent le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne (page 8 de leurs conclusions), il n'est pas nécessaire en l'espèce de se référer aux dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, qui liste les parties réputées communes en cas de silence ou de contradiction des titres, pour déterminer les parties communes et parties privatives du syndicat des copropriétaires d'origine ; il résulte en effet clairement des articles du règlement de copropriété ci-dessus cités que les parties communes sont constituées par la porte cochère sur la rue et les équipements communs que sont les réseaux de gaz, d'électricité et d'assainissement ; les parties privatives sont celles qui sont comprises dans la composition d'un lot et qu'en l'espèce, les lots n°1 et 2 contiennent non seulement le bâtiment édifié sur chacun d'eux (en façade pour le lot n°1 et en fond de cour pour le lot [...]), mais également la superficie du sol telle qu'arrêtée dans l'état descriptif de division, qui va bien au-delà de l'assiette du bâtiment, puisqu'elle correspond à la superficie totale de la parcelle [...] , divisée en deux pour constituer les lots [...] et 2, à la seule exception de la partie correspondant à la porte cochère ; en conséquence, le sol du lot [...] constitue en totalité une partie privative, contrairement à ce que prétendent les appelants, puisqu'en outre la porte cochère se situe sur le lot n°1 ; par l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, la société GIE a procédé à la division de son lot en substituant les lots n°[...] à [...] au lot [...] ; tout copropriétaire a le droit de diviser son lot sans avoir à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale, ce qui est d'ailleurs en l'espèce expressément reconnu par l'article 22 du règlement de copropriété ; cette division s'est accompagnée de la création de parties communes spéciales aux nouveaux lots, réalisée exclusivement sur la partie privative constituant le lot [...] ; les 425/1000èmes des parties communes générales du lot [...] ont été divisés entre les lots n°[...] à [...] ; c'est donc à tort que l'assemblée générale du 21 juin 2011 a, dans sa résolution n°5, considéré comme non écrites certaines stipulations de l'acte modificatif de 1984 et demandé une « rectification » de cet acte en ce qu'il porte création de parties communes spéciales qui auraient été prélevées sur les parties communes générales et en ce qu'il dispense certains des nouveaux lots de paiement des charges d'entretien des escaliers alors que ces derniers seraient des parties communes générales au terme du règlement de copropriété de 1983 ; outre le fait que, contrairement à ce que prétendent les intimés, il n'appartient pas à une assemblée générale de « réputer non écrites des dispositions qui sont irrégulières » ce pouvoir étant attribué par l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 (et celui-ci ne pouvant se saisir d'office), les motifs invoqués sont contraires au règlement de copropriété de 1983 ainsi qu'il a été précédemment retenu ; pour ce motif déjà, la résolution litigieuse doit sur ces deux points être annulée ; sur les deux autres points de la résolution en cause, c'est-à-dire, la contestation de la répartition des quotes-parts de parties communes et des charges entre les lots n°3 à [...], qu'il n'est pas contestable, comme le font valoir les appelants, que ces répartitions n'ont pas été soumises à une décision de l'assemblée générale contrairement à ce qu'exige l'article 11 alinéa [...] de la loi du 10 juillet 1965 (la répartition des charges résultant de celle des quotes-parts de parties communes) ; si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que, comme le soulignent les intimés, le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et qu'en outre, depuis 1984, le syndicat des copropriétaires et son syndic, la SCI Auteuil-Boulogne en ont accepté les stipulations en convoquant les copropriétaires des lots n°[...] à [...] aux assemblées générales du syndicat principal et en procédant aux appels de charges conformément à la répartition prévue par l'acte modificatif litigieux ; l'imprescriptibilité invoquée par les appelants ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, qui ainsi qu'il a déjà été exposé, ne peut être prononcée que par le juge ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la résolution n° 5 ; cette annulation et les motifs qui y ont conduit, entraîne le rejet de la demande de la SCI et du syndicat des copropriétaires tendant à voir dire que l'acte modificatif du 30 mai 1984 leur est inopposable notamment en ce qu'il porte état descriptif de division, répartition des parties communes spéciales et des charges ; il peut être ajouté, en ce qui concerne la demande des intimés relative à la résolution n°4, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il ne lui appartenait pas de dire ou juger qu'elle était sans fondement et sans objet dès lors qu'elle n'avait pas donné lieu à un vote et qu'elle ne constituait pas une décision ; que la demande des intimés sur ce point sera rejetée ; sur la demande tendant à voir déclarer non écrites des clauses de l'acte modificatif du 30 mai 1984 : contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette demande, bien que formulée pour la première fois en cause d'appel, est recevable dans la mesure où il s'agit d'une demande reconventionnelle qui se rattache par un lien suffisant à la demande principale, puisqu'il s'agit de faire déclarer non écrites des stipulations qui étaient contestées dans la résolution n°5 ; la SCI et le syndicat des copropriétaires demandent que les clauses de l'acte de 1984 soient déclarées non écrites en ce qu'elles : - fixent la répartition des quotes-parts de division de l'immeuble de fond de cour, - fixent la répartition des charges, -créent des parties communes exclusives à certains lots, - comportement des erreurs dans le tableau de répartition des charges, - le règlement de 1983 ne classe pas les escaliers parmi les parties communes spéciales ; il convient tout d'abord de relever que les points ainsi argués d'irrégularité sont ceux de la résolution n°5 et non des clauses de l'acte modificatif du 30 mai 1984 et que les appelants ne désignent pas les clauses qu'ils veulent voir déclarer non écrites ; en se référant aux questions évoquées, il est possible de retrouver les clauses concernées : il s'agirait de la partie « IV : parties communes spéciales » et du tableau annexé portant répartition des quotes-parts de parties communes et répartition des charges ; toutefois, il appartient aux parties et non au juge de déterminer précisément l'objet de leur demande et en l'espèce, de citer les clauses concernées et de dire si la demande porte sur la totalité de la clause et dans la négative, quelles sont les parties considérées comme entachées de nullité ; en outre, il convient de constater que les appelants, qui invoquent dans leurs écritures une violation des articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965, n'expliquent pas en quoi ces articles auraient été violés par ces clauses et tableaux ; en toute hypothèse, le fait que la répartition des charges n'ait pas fait l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des copropriétaires, ce qui n'est pas contesté, est insusceptible de rendre la clause IV et les tableaux, contraires à la loi du 10 juillet 1965, puisque cette exigence figure expressément en page 4 de l'acte du 30 mai 1984 en partie III « répartition des charges », qui renvoie au tableau ; enfin, la prétendue violation des stipulations de l'acte du 30 mai 1983 en raison de création de parties communes spéciales sur des parties communes générales a été précédemment écartée ; les appelants seront donc déboutés de leur demande subsidiaire ; pour l'ensemble des motifs qui précèdent, ils seront également déboutés de leur demande tendant à la désignation d'un expert, devenue sans objet ;
ALORS QUE l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions affectant la jouissance, l'usage ou l'administration des parties communes ; que la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte de ce que les parties privatives des lots n°1 et 2 étaient grevées de servitudes au profit de l'un et l'autre des lots, et qui a omis en conséquence de rechercher si la division du lot [...] et la création de parties communes spéciales n'était pas de nature à affecter l'entière copropriété, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965. | L'assemblée générale des copropriétaires est l'organe habilité à modifier le règlement de copropriété, l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 n'exclut pas le pouvoir de cette assemblée de reconnaître le caractère non écrit d'une clause d'un règlement de copropriété et tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peuvent, à tout moment, faire constater l'absence de conformité aux dispositions de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, de la clause de répartition des charges, qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale, et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions |
395 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 406 F-P+B
Pourvoi n° D 18-26.824
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société Clodeleva, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-26.824 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), dans le litige l'opposant à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [...] , en la personne de M. T... K..., prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Clodeleva, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Clodeleva, et l'avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 octobre 2018), la SCI Clodeleva (la SCI) a été mise en redressement judiciaire le 9 mai 2017, M. K... étant désigné mandataire judiciaire.
2. Sur demande de ce dernier, le tribunal a converti la procédure en liquidation judiciaire et désigné la société BTSG² liquidateur. La SCI a fait appel de la décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches
Enoncé du moyen
3. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors :
« 1°/ que la seule faculté pour le ministère public d'interjeter appel d'une décision prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'il n'a pas demandée ne lui confère pas la qualité de partie principale à l'instance mais celle de partie jointe, en sorte que le principe d'indivisibilité ne s'applique pas à lui, dans cette hypothèse ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'appel de la SCI Clodeleva à l'encontre du jugement ouvrant une liquidation judiciaire à son encontre, que la faculté offerte au ministère public d'interjeter appel d'une décision ayant trait à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le plaçait sur le même plan que les autres parties à la procédure en sorte que ce dernier, présent en première instance, devait, en application du principe d'indivisibilité applicable en matière de liquidation judiciaire, faire l'objet d'une mise en cause en phase d'appel du jugement, la cour d'appel, qui a appliqué le principe d'indivisibilité au ministère public après avoir pourtant constaté qu'il n'avait pas demandé l'ouverture de la liquidation judiciaire, a violé les articles 424, 425 et 553 du code de procédure civile ensemble les articles L. 631-15 et L. 661-1 2°du code de commerce ;
2°/ que la communication au ministère public d'une procédure de liquidation judiciaire incombe, en l'absence de disposition particulière, au juge et non au demandeur ; qu'en relevant encore, pour déclarer irrecevable l'appel de la SCI Clodeleva, qu'il s'évince de l'article 425 du code de procédure civile que le ministère public doit obligatoirement avoir communication des procédures de liquidation judiciaire et que, présent en première instance, il devait être en mesure de faire connaître son avis en appel et faire l'objet d'une mise en cause en phase d'appel du jugement, la cour d'appel, qui a mis à la charge de l'appelante la communication au ministère public de la procédure de liquidation judiciaire, a violé les articles 425 et 428 du code de procédure civile ensemble l'article L. 631-15 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 661,1,2°, et R 661-6, 1°, du code de commerce, et l'article 424 du code de procédure civile :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, si le débiteur qui fait appel du jugement prononçant sa liquidation judiciaire doit intimer les mandataires de justice, à raison du lien d'indivisibilité existant, en cette matière, entre le débiteur et ces mandataires, un tel lien n'existe pas à l'égard du ministère public, partie jointe, auquel il appartient seulement à la cour d'appel de communiquer l'affaire.
5. Pour déclarer irrecevable l'appel de la SCI, l'arrêt retient que la faculté ouverte au ministère public par l'article L. 661,1, 2°, du code de commerce de former appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire le met sur le même plan que les autres parties à la procédure, d'autant qu'il doit être en mesure de faire connaître son avis en appel. Il en déduit qu'au titre de l'indivisibilité applicable en matière de liquidation judiciaire, il appartenait à la SCI de le mettre en cause en dénonçant l'assignation au procureur général.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société BTSG², en qualité de liquidateur de la société Clodeleva aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Clodeleva.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Clodeleva.
La Sci Clodeleva fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir déclaré irrecevable son appel, confirmé en toutes ses dispositions le jugement ayant ouvert la liquidation judiciaire en son encontre ;
AUX MOTIFS QU' en application de l'article 553 du code de procédure civile, l'appel formé contre une partie n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance en cas d'indivisibilité ; qu'au-delà des moyens de l'appelant qui ressortent d'une contestation de créance de la compétence du juge-commissaire et non de la cour de céans, l'article L. 661-1 2° du code de commerce stipule que sont susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation, les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ; qu'il résulte de l'article cette faculté ouverte au ministère public d'interjeter appel d'une décision ayant trait à une ouverture de liquidation judiciaire le met sur le même plan que les autres parties à la procédure ; que les procédures afférentes à l'ouverture d'une liquidation judiciaire affectent l'ordre public puisqu'il s'évince de l'article 425 du code de procédure civile que le ministère public doit obligatoirement avoir communication des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire ; que le ministère public, présent en première instance, devait être mis en mesure de faire connaître son avis en appel et, au titre de l'indivisibilité applicable en matière de liquidation judiciaire, faire l'objet d'une mise cause en phase d'appel du jugement ; qu'il appartenait en conséquence à la Sci Clodeleva de dénoncer par acte d'huissier l'assignation au procureur général et que force est de constater que compte tenu de l'indivisibilité du litige, cette carence de la part de l'appelant rend l'appel de la Sci Clodeleva irrecevable ; qu'en conséquence et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens subsidiaires présentés par les parties, il y a lieu de déclarer l'appel de la Sci Clodeleva contre le jugement rendu le 18 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nice irrecevable ;
1°) ALORS QU'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui, après avoir déclaré l'appel irrecevable, statue au fond ; qu'après avoir déclaré irrecevable l'appel formé par la Sci Clodeleva la cour d'appel, qui a confirmé le jugement ayant ouvert la liquidation judiciaire à son encontre, a commis un excès de pouvoir en violation de l'article 562 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la seule faculté pour le ministère public d'interjeter appel d'une décision prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'il n'a pas demandée ne lui confère pas la qualité de partie principale à l'instance mais celle de partie jointe, en sorte que le principe d'indivisibilité ne s'applique pas à lui, dans cette hypothèse ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'appel de la Sci Clodeleva à l'encontre du jugement ouvrant une liquidation judiciaire à son encontre, que la faculté offerte au ministère public d'interjeter appel d'une décision ayant trait à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le plaçait sur le même plan que les autres parties à la procédure en sorte que ce dernier, présent en première instance, devait, en application du principe d'indivisibilité applicable en matière de liquidation judiciaire, faire l'objet d'une mise en cause en phase d'appel du jugement, la cour d'appel, qui a appliqué le principe d'indivisibilité au ministère public après avoir pourtant constaté qu'il n'avait pas demandé l'ouverture de la liquidation judiciaire, a violé les articles 424, 425 et 553 du code de procédure civile ensemble les articles L. 631-15 et L 661-1 2°du code de commerce ;
3°) ALORS QUE la communication au ministère public d'une procédure de liquidation judiciaire incombe, en l'absence de disposition particulière, au juge et non au demandeur ; qu'en relevant encore, pour déclarer irrecevable l'appel de la Sci Clodeleva, qu'il s'évince de l'article 425 du code de procédure civile que le ministère public doit obligatoirement avoir communication des procédures de liquidation judiciaire et que, présent en première instance, il devait être en mesure de faire connaître son avis en appel et faire l'objet d'une mise en cause en phase d'appel du jugement, la cour d'appel, qui a mis à la charge de l'appelante la communication au ministère public de la procédure de liquidation judiciaire, a violé les articles 425 et 428 du code de procédure civile ensemble l'article L 631-15 du code de commerce. | Il résulte de la combinaison des articles L. 661-1, 2°, et R. 661-6, 1°, du code de commerce, et de l'article 424 du code de procédure civile que, si le débiteur qui fait appel du jugement prononçant sa liquidation judiciaire doit intimer les mandataires de justice, à raison du lien d'indivisibilité existant, en cette matière, entre le débiteur et ces mandataires, un tel lien n'existe pas à l'égard du ministère public, partie jointe, auquel il appartient seulement à la cour d'appel de communiquer l'affaire.
Dès lors, viole les textes précités, la cour d'appel, qui, pour déclarer irrecevable l'appel du débiteur, retient qu'en raison de l'indivisibilité applicable en matière de liquidation judiciaire, il appartenait à ce dernier de mettre en cause le ministère public en dénonçant l'assignation au procureur général |
396 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 415 F-P+B
Pourvoi n° V 19-10.651
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
M. H... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-10.651 contre l'arrêt n° RG : 17/00865 rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société JP Morgan Bank Dublin Public Limited Company, défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 novembre 2018, RG n° 17/00865), par un acte du 9 octobre 2007, la société Bear Stearns Bank, devenue la société JP Morgan Bank Dublin, a consenti à M. et Mme X... deux prêts, destinés à restructurer un crédit immobilier et des crédits à la consommation. La société JP Morgan Dublin Bank a, par un bordereau du 18 décembre 2013, cédé un certain nombre de créances au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages (le FCT), dont les créances relatives aux prêts consentis à M. et Mme X.... Ces derniers ayant été défaillants, le FCT, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, a saisi un tribunal d'instance d'une requête en saisie des rémunérations de M. X....
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. M. X... fait grief à l'arrêt d'autoriser la saisie pour le paiement des sommes dues au titre de ses emprunts, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur en soit informé ; qu'en retenant que la société de gestion France Titrisation avait qualité pour agir en recouvrement des créances cédées au FCT Marsollier Mortgages, quand elle avait pourtant relevé que la société JP Morgan Europe avait été chargée du recouvrement des créances cédées, ce dont il résultait que la société de gestion France Titrisation n'était pas chargée de ce recouvrement et que, faute de qualité à agir à cette fin, l'action qu'elle avait formée à l'encontre de M. X... était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article L. 214-46 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la cause, par fausse interprétation. »
Réponse de la Cour
3. S'il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction alors applicable, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, et si, par suite, l'action du fonds de titrisation était irrecevable à la date du dépôt de la requête en saisie des rémunérations de M. X..., la disparition de cette fin de non-recevoir, en application de l'article 126 du code de procédure civile, a résulté de l'entrée en vigueur, le 3 janvier 2018 en cours d'instance, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, modifiant l'article L. 214-172 du code monétaire et financier et conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée du chef écartant la fin de non-recevoir pour défaut de qualité opposée par M. X....
4. En conséquence, le moyen ne peut être accueilli.
Et sur le second moyen
5. M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du TEG ne peut être fixé à la date de la convention que si l'emprunteur était effectivement en mesure de déceler, par lui-même, à la lecture de l'acte de prêt, l'erreur affectant le TEG ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la date de la conclusion du contrat litigieux comme point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formée par M. X... et partant déclarer l'action prescrite, que dès la signature du contrat celui-ci disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du TEG, sans toutefois rechercher, comme elle le devait, si M. X... était effectivement en mesure de déceler l'erreur invoquée, à la seule lecture de l'acte de prêt, en procédant lui-même au calcul litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en rejetant au fond la demande de M. X... tirée du caractère erroné du TEG, après avoir pourtant jugé son action irrecevable car prescrite, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir relevé qu'il ressortait des propres explications de M. X... que le caractère erroné du taux était apparent dès la souscription de l'offre au terme d'une simple vérification, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que, dès la signature du contrat, M. X... disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du taux effectif global, de sorte que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de la conclusion du contrat, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef.
7. En conséquence, le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. X... et le condamne à payer au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la saisie était autorisée pour le paiement des sommes de 60 101,56 euros au titre de la tranche du prêt n° 20070005314 et 114 416,52 euros au titre de la tranche du prêt n° 20071005314, d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que la contestation émise par M. X... était recevable mais mal fondée et d'AVOIR débouté M. X... de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur la qualité à agir de la société France Titrisation : [
] si l'acte de cession précise que l'acte emporte obligation pour JP Morgan Europe Limited en sa qualité d'établissement en charge du recouvrement de procéder, à la demande du cessionnaire, à la conservation des créances, ainsi qu'à tous actes nécessaires à la conservation, ces dispositions n'interdisent aucunement au fonds commun de titrisation de procéder au recouvrement et ce conformément aux dispositions de l'article L 214-172 deuxième alinéa agissant par sa société de gestion étant sur ce point rappelé que les débiteurs à l'instar de M. X... sont tiers à la relation existant entre la société de gestion et le fonds commun de titrisation (arrêt, p. 5, in limine) ;
ALORS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur en soit informé ; qu'en retenant que la société de gestion France Titrisation avait qualité pour agir en recouvrement des créances cédées au FCT Marsollier Mortgages, quand elle avait pourtant relevé que la société JP Morgan Europe avait été chargée du recouvrement des créances cédées, ce dont il résultait que la société de gestion France Titrisation n'était pas chargée de ce recouvrement et que, faute de qualité à agir à cette fin, l'action qu'elle avait formée à l'encontre de M. X... était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article L. 214-46 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la cause, par fausse interprétation.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la saisie était autorisée pour le paiement des sommes de 60 101,56 euros au titre de la tranche du prêt n° 20070005314 et 114 416,52 euros au titre de la tranche du prêt n° 20071005314, d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que la contestation émise par M. X... était recevable mais mal fondée et d'AVOIR débouté M. X... de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur le montant de la créance, M. X... soulève l'irrégularité du calcul du taux effectif global des contrats de prêts faisant valoir qu'ils ont été calculés sur une année de 360 jours et non de 365 jours ; qu'il soulève en conséquence la déchéance du droit aux intérêts et subsidiairement la nullité de la clause d'intérêts ; [
] que la société France Titrisation soulève la prescription de l'action en nullité du taux effectif global ; que par application de l'article 1304 du code civil l'action en nullité du taux effectif global se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle M. X... a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le TEG ; que M. X... soutient au cas d'espèce que ce n'est qu'après le jugement querellé qu'il a eu connaissance de l'existence de la cause de nullité de la stipulation d'intérêts ; mais qu'il convient de relever que selon les propres explications de M. X... l'irrégularité du taux effectif global ressort du simple calcul de la première échéance au vu des données ressortant de l'acte de prêt faisant ressortir que le calcul de la mensualité a été réalisé par référence à une année de 360 jours au lieu de 365 impliquant nécessairement le caractère erroné du TEG ; qu'il ressort ainsi des propres explications de M. X... que le caractère erroné du taux dont il entend se prévaloir était apparent dès la souscription de l'offre au terme d'une simple vérification du calcul de la mensualité ; qu'il apparaît ainsi que dès la signature du contrat M. X... disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du taux effectif global qu'ainsi le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date de conclusion du contrat et que dès lors la nullité de la stipulation d'intérêt étant sollicité plus de cinq ans après la conclusion du contrat doit être rejetée comme étant prescrite ; que, de manière surabondante, il conviendra de relever que la société France Titrisation fait valoir à bon droit qu'il ne saurait lui être fait grief de ce que le calcul de la mensualité constante a été réalisé sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours correspondant au 12e de 365, confirmant le calcul de la mensualité telle que décomptée par le prêteur ; que le caractère erroné du taux effectif global ne peut être déduit du calcul de mensualité sur 360 jours tel que proposé par M. X... et aboutissant à un montant identique ; qu'en considération de ces éléments, il sera retenu que la société France Titrisation a qualité à agir et qu'elle est fondée à obtenir le paiement des causes impayées des deux tranches de prêts consentis le 9 octobre 2007 (arrêt, p. 5, antépénultième al., à p. 6, al. 9).
1°) ALORS QUE le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du TEG ne peut être fixé à la date de la convention que si l'emprunteur était effectivement en mesure de déceler, par lui-même, à la lecture de l'acte de prêt, l'erreur affectant le TEG ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la date de la conclusion du contrat litigieux comme point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formée par M. X... et partant déclarer l'action prescrite, que dès la signature du contrat celui-ci disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du TEG, sans toutefois rechercher, comme elle le devait, si M. X... était effectivement en mesure de déceler l'erreur invoquée, à la seule lecture de l'acte de prêt, en procédant lui-même au calcul litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en rejetant au fond la demande de M. X... tirée du caractère erroné du TEG, après avoir pourtant jugé son action irrecevable car prescrite, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. | Il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, ce dont il résultait qu'en l'absence de l'une de ces conditions, l'action de la société de gestion, contre le débiteur cédé, était irrecevable.
Toutefois, en application de l'article 126 du code de procédure civile, cette fin de non recevoir a disparu à la suite a de l'entrée en vigueur, en cours d'instance, de l'ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017, modifiant l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, qui a conféré à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées |
397 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 416 F-P+B
Pourvoi n° W 19-10.652
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
Mme J... S..., épouse M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-10.652 contre l'arrêt n° RG : 17/00868 rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, représentée par sa société de gestion, la société France titrisation, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société JP Morgan Bank Dublin Public Limited Company, défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme M..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 novembre 2018, RG n° 17/00868), par un acte du 9 octobre 2007, la société Bear Stearns Bank, devenue la société JP Morgan Bank Dublin, a consenti à M. et Mme M... deux prêts, destinés à restructurer un crédit immobilier et des crédits à la consommation. La société JP Morgan Dublin Bank a, par un bordereau du 18 décembre 2013, cédé un certain nombre de créances au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages (le FCT), dont les créances relatives aux prêts consentis à M. et Mme M.... Ces derniers ayant été défaillants, le FCT, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, a saisi le tribunal d'instance d'une requête en saisie des rémunérations de Mme M....
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. Mme M... fait grief à l'arrêt d'autoriser la saisie pour le paiement des sommes dues au titre de ses emprunts, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur en soit informé ; qu'en retenant que la société de gestion France titrisation avait qualité pour agir en recouvrement des créances cédées au FCT Marsollier Mortgages, quand elle avait pourtant relevé que la société JP Morgan Europe avait été chargée du recouvrement des créances cédées, ce dont il résultait que la société de gestion France titrisation n'était pas chargée de ce recouvrement et que, faute de qualité à agir à cette fin, l'action qu'elle avait formée à l'encontre de Mme M... était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article L. 214-46 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la cause, par fausse interprétation. »
Réponse de la Cour
3. S'il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction alors applicable, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avait été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, et si, par suite, l'action du fonds de titrisation était irrecevable à la date du dépôt de la requête en saisie des rémunérations de Mme M..., la disparition de cette fin de non-recevoir, en application de l'article 126 du code de procédure civile, a résulté de l'entrée en vigueur, le 3 janvier 2018 en cours d'instance, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, modifiant l'article L. 214-172 du code monétaire et financier et conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée du chef écartant la fin de non-recevoir pour défaut de qualité opposée par Mme M....
4. En conséquence, le moyen ne peut être accueilli.
Et sur le second moyen
5. Mme M... fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du TEG ne peut être fixé à la date de la convention que si l'emprunteur était effectivement en mesure de déceler, par lui-même, à la lecture de l'acte de prêt, l'erreur affectant le TEG ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la date de la conclusion du contrat litigieux comme point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formée par Mme M... et partant déclarer l'action prescrite, que dès la signature du contrat celui-ci disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du TEG, sans toutefois rechercher, comme elle le devait, si Mme M... était effectivement en mesure de déceler l'erreur invoquée, à la seule lecture de l'acte de prêt, en procédant lui-même au calcul litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en rejetant au fond la demande de Mme M... tirée du caractère erroné du TEG, après avoir pourtant jugé son action irrecevable car prescrite, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir relevé qu'il ressortait des propres explications de Mme M... que le caractère erroné du taux était apparent dès la souscription de l'offre au terme d'une simple vérification, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que, dès la signature du contrat, Mme M... disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du taux effectif global, de sorte que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de la conclusion du contrat, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef.
7. En conséquence, le moyen, qui manque en fait, en sa seconde branche n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme M... aux dépens ;
Rejette la demande formée par Mme M... ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme M... et la condamne à payer au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme M....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la saisie était autorisée pour le paiement des sommes de 60 101,56 euros au titre de la tranche du prêt [...] et 114 416,52 euros au titre de la tranche du prêt [...], d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que la contestation émise par Mme M... était recevable mais mal fondée et d'AVOIR débouté Mme M... de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur la qualité à agir de la société France Titrisation : [
] si l'acte de cession précise que l'acte emporte obligation pour JP Morgan Europe Limited en sa qualité d'établissement en charge du recouvrement de procéder, à la demande du cessionnaire, à la conservation des créances, ainsi qu'à tous actes nécessaires à la conservation, ces dispositions n'interdisent aucunement au fonds commun de titrisation de procéder au recouvrement et ce conformément aux dispositions de l'article L 214-172 deuxième alinéa agissant par sa société de gestion étant sur ce point rappelé que les débiteurs à l'instar de Mme M... sont tiers à la relation existant entre la société de gestion et le fonds commun de titrisation (arrêt, p. 5, al. 2) ;
ALORS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur en soit informé ; qu'en retenant que la société de gestion France Titrisation avait qualité pour agir en recouvrement des créances cédées au FCT Marsollier Mortgages, quand elle avait pourtant relevé que la société JP Morgan Europe avait été chargée du recouvrement des créances cédées, ce dont il résultait que la société de gestion France Titrisation n'était pas chargée de ce recouvrement et que, faute de qualité à agir à cette fin, l'action qu'elle avait formée à l'encontre de Mme M... était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article L. 214-46 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la cause, par fausse interprétation.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la saisie était autorisée pour le paiement des sommes de 60 101,56 euros au titre de la tranche du prêt [...] et 114 416,52 euros au titre de la tranche du prêt [...], d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que la contestation émise par Mme M... était recevable mais mal fondée et d'AVOIR débouté Mme M... de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur le montant de la créance, Mme M... soulève l'irrégularité du calcul du taux effectif global des contrats de prêts faisant valoir qu'ils ont été calculés sur une année de 360 jours et non de 365 jours ; qu'elle soulève en conséquence la déchéance du droit aux intérêts et subsidiairement la nullité de la clause d'intérêts ; [
] que la société France Titrisation soulève la prescription de l'action en nullité du taux effectif global ; que par application de l'article 1304 du code civil l'action en nullité du taux effectif global se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle Mme M... a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le TEG ; que Mme M... soutient au cas d'espèce que ce n'est qu'après le jugement querellé qu'elle a eu connaissance de l'existence de la cause de nullité de la stipulation d'intérêts ; mais qu'il convient de relever que selon les propres explications de Mme M... l'irrégularité du taux effectif global ressort du simple calcul de la première échéance au vu des données ressortant de l'acte de prêt faisant ressortir que le calcul de la mensualité a été réalisé par référence à une année de 360 jours au lieu de 365 impliquant nécessairement le caractère erroné du TEG ; qu'il ressort ainsi des propres explications de Mme M... que le caractère erroné du taux dont elle entend se prévaloir était apparent dès la souscription de l'offre au terme d'une simple vérification du calcul de la mensualité ; qu'il apparaît ainsi que dès la signature du contrat Mme M... disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du taux effectif global qu'ainsi le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date de conclusion du contrat et que dès lors la nullité de la stipulation d'intérêt étant sollicité plus de cinq ans après la conclusion du contrat doit être rejetée comme étant prescrite ; que, de manière surabondante, il conviendra de relever que la société France Titrisation fait valoir à bon droit qu'il ne saurait lui être fait grief de ce que le calcul de la mensualité constante a été réalisé sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours correspondant au 12e de 365, confirmant le calcul de la mensualité telle que décomptée par le prêteur ; que le caractère erroné du taux effectif global ne peut être déduit du calcul de mensualité sur 360 jours tel que proposé par Mme M... et aboutissant à un montant identique ; qu'en considération de ces éléments, il sera retenu que la société France Titrisation a qualité à agir et qu'elle est fondée à obtenir le paiement des causes impayées des deux tranches de prêts consentis le 9 octobre 2007 (arrêt, p. 5, antépénultième al., à p. 6, al. 9).
1°) ALORS QUE le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du TEG ne peut être fixé à la date de la convention que si l'emprunteur était effectivement en mesure de déceler, par lui-même, à la lecture de l'acte de prêt, l'erreur affectant le TEG ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la date de la conclusion du contrat litigieux comme point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formée par Mme M... et partant déclarer l'action prescrite, que dès la signature du contrat celle-ci disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du TEG, sans toutefois rechercher, comme elle le devait, si Mme M... était effectivement en mesure de déceler l'erreur invoquée, à la seule lecture de l'acte de prêt, en procédant elle-même au calcul litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en rejetant au fond la demande de Mme M... tirée du caractère erroné du TEG, après avoir pourtant jugé son action irrecevable car prescrite, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. | Il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, ce dont il résultait qu'en l'absence de l'une de ces conditions, l'action de la société de gestion, contre le débiteur cédé, était irrecevable.
Toutefois, en application de l'article 126 du code de procédure civile, cette fin de non recevoir a disparu à la suite a de l'entrée en vigueur, en cours d'instance, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, modifiant l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, qui a conféré à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées |
398 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Cassation
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 417 F-P+B
Pourvoi n° F 19-15.422
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société Groupe française de gastronomie, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 19-15.422 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Larzul, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du Parlement de Bretagne, CS 66423, 35064 Rennes cedex,
3°/ à la société Vectora, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Groupe française de gastronomie, de la SCP Gaschignard, avocat de la société Larzul et de la société Vectora, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 février 2019), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d'apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d'apport et l'augmentation de capital subséquente.
2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA.
3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004.
4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d'un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l'arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ».
5. Sur requête de la société FDG, le juge commis à la surveillance de ce registre a, par une ordonnance du 6 juillet 2012, enjoint au greffier de procéder à l'annulation de ces modifications et de rétablir l'état antérieur de ces inscriptions.
Examen du moyen unique
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société FDG fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés du 6 juillet 2012, alors « que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut, soit d'office, soit à la requête de toute personne justifiant y avoir intérêt, enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes ; qu'en infirmant l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du 6 juillet 2012 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'elle faisait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique telle qu'elle résultait de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012 au motif que la société FDG n'avait pas qualité pour saisir le juge commis à la surveillance du registre à cette fin, la cour d'appel a violé l'article L. 123-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 123-3, alinéas 1 et 2, du code de commerce :
7. Il résulte de ce texte que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut, à la requête de toute personne, justifiant y avoir intérêt, enjoindre à toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés qui ne les aurait pas requises de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
8. Pour déclarer irrecevable la requête de la société FDG, et infirmer l'ordonnance du 6 juillet 2012, l'arrêt retient qu'aucun texte ne lui permettait de saisir le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés d'une demande d'annulation d'une mention de ce registre afférente à l'inscription d'une autre société.
9. En statuant ainsi, alors que la société FDG , en qualité d'associé de la société Larzul assujettie à l'obligation d'immatriculation, avait un intérêt à saisir le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés pour faire procéder à la rectification de déclarations inexactes de l'assujettie, mentionnées au registre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Larzul et la société Vectora aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Larzul et la société Vectora et les condamne à payer à la société Groupe française de gastronomie la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Groupe française de gastronomie.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés en date du 6 juillet 2012 et d'avoir déclaré irrecevable la requête de la société Groupe française de gastronomie en date du 20 juin 2012 par laquelle elle a demandé au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés d'enjoindre au greffe du tribunal de commerce de Quimper de procéder à l'annulation des modifications inscrites à l'extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l'état antérieur à ces modifications ;
Aux motifs que « La société Larzul fait valoir que la société FDG était irrecevable à saisir le juge commis à la surveillance du registre comme n'étant pas la personne dont les mentions sur le registre étaient en cause. La société FDG fait valoir que c'est sur le fondement des dispositions de l'article R. 123-87 du code de commerce qu'elle a demandé la modification des inscriptions sur le registre du commerce.
Ce texte prévoit que les demandes d'inscription modificative et de radiation peuvent être signées par toute personne justifiant y avoir un intérêt :
‘Article R. 123-87 du code de commerce :
Les demandes d'inscription modificative et de radiation peuvent être signées par toute personne justifiant y avoir intérêt.
Le greffier en informe la personne immatriculée'.
Mais ce texte ne permet pas à toute personne intéressée de présenter une demande de modification, et ce d'autant moins que les textes législatifs, notamment les articles L. 123-3 et L. 123-5-1 du code de commerce, réservent à certaines qu'ils qualifient le droit de demander une inscription ou modification du registre. Sauf dans certains cas où des inscriptions ou modifications sont prévues d'office, c'est à la personne physique ou morale assujettie qu'il revient de présenter une demande de modification ou de radiation du registre, les textes prévoyant les cas dans lesquels elle peut y être enjointe.
La société FDG n'avait pas qualité pour demander la modification du registre.
Le juge commis à la surveillance du registre a statué dans son ordonnance de 6juilet 2012 au visa de l'article R. 123-84 du code de commerce. Ce texte régit les modalités de présentation des déclarations dont il est demandé l'inscription mais ne prévoit pas la possibilité pour tout intéressé de demander l'annulation d'une mention portée au RCS :
‘§ 2 Des inscriptions sur déclaration
Sous-§ 1er De la présentation des déclarations
Article R123-84 du code de commerce (rédaction en vigueur du 27 mars 2007 au 1er septembre 2012) :
Sous réserve de la procédure prévue aux articles R. 123-1 et suivants, les demandes sont présentées en deux exemplaires au greffe du tribunal compétent sur des formulaires définis par l'arrêté prévu à l'article R. 123-166.
Elles sont accompagnées des actes et pièces mentionnées aux articles R. 123-102 à R. 123-110 ainsi que des pièces répondant aux prescriptions de l'article L. 123-2.
La liste des pièces justificatives est fixée par l'arrêté mentionné au premier alinéa.
Toutefois, dispense d'une pièce peut être accordée par le juge, soit définitivement, soit provisoirement. Dans ce dernier cas, il est procédé à la radiation d'office si la pièce n'est pas produite dans le délai imparti'.
Si le greffier peut inviter la personne immatriculée à régulariser son dossier en application des dispositions de l'article R.123-110 du code de commerce, ce texte n'est pas applicable en l'espèce, l'annulation de la mention du registre n'ayant pas été effectuée par le juge commis à l'initiative du greffier mais à la demande d'un tiers :
‘Article R123-100 du code de commerce :
Le greffier peut à tout moment, vérifier la permanence de la conformité des inscriptions effectuées aux dispositions mentionnées aux articles R. 123-95 et R. 123-96.
En cas de non-conformité, invitation est faite à la personne immatriculée d'avoir à régulariser son dossier. Faute par celle-ci de déférer à cette invitation dans le délai d'un mois à compter de la date de cette dernière, le greffier saisit le juge commis à la surveillance du registre'.
Aucun texte ne permettait à la société FDG de saisir le juge commis à la surveillance du registre d'une demande d'annulation d'une mention de ce registre afférente à l'inscription d'une autre société qu'elle-même.
Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance 6 juillet 2012 et de déclarer irrecevable la requête de la société FDG en date du 20 juin 2012.
Il convient de faire remarquer, en outre et en tout état de cause, que les mentions figurant au registre du commerce n'ont qu'un effet informatif à destination des tiers. Un actionnaire ne pourrait ainsi être évincé ou un dirigeant révoqué du seul fait d'une modification des mentions du registre du commerce et des sociétés. Une telle éviction ou révocation ne pourrait en effet résulter que d'une décision de justice ou des organes sociaux. La société FDG n'a donc pas été évincée du seul fait des inscriptions sur le registre qu'elle a contestées ».
1°) Alors que, d'une part, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut, soit d'office, soit à la requête de toute personne justifiant y avoir intérêt, enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes ; qu'en infirmant l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du 6 juillet 2012 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'elle faisait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique telle qu'elle résultait de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012 au motif que la société FDG n'avait pas qualité pour saisir le juge commis à la surveillance du registre à cette fin, la cour d'appel a violé l'article L. 123-3 du code de commerce ;
2°) Alors que, d'autre part, les demandes d'inscription modificative relatives aux mentions inscrites au registre du commerce et des sociétés peuvent être signées par toute personne justifiant y avoir un intérêt ; que tout demandeur à une inscription au registre peut saisir le juge commis à la surveillance du registre lorsque le greffier ne procède pas à l'inscription demandée dans le délai qui lui est imparti ; qu'en déclarant irrecevable la requête de la société Française de gastronomie en date du 20 juin 2012 par laquelle cette société avait saisi le juge commis à la surveillance du registre faisant suite au refus du greffier du tribunal de commerce de Quimper de procéder à une inscription modificative concernant la société Larzul, cependant que la société Française de gastronomie avait intérêt à cette inscription modificative en sa qualité d'associé, la cour d'appel a violé les articles R. 123-87 et R. 123-97 du code de commerce. | Il résulte de l'article L. 123-3, alinéas 1 et 2, du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut, à la requête de toute personne justifiant y avoir intérêt, enjoindre à toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés qui ne les aurait pas requises de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
Justifie d'un tel intérêt l'associé d'une société immatriculée au registre du commerce, qui, sollicite la rectification de déclarations inexactes de cette société mentionnées au registre |
399 | COMM.
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Non-lieu à statuer
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 517 FS-P+B
Pourvoi n° T 18-25.365
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
1°/ la société Antilles pour Jules, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par M. S... W..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Antilles pour Jules,
ont formé le pourvoi n° T 18-25.365 contre l'arrêt rendu le 23 juillet 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. G... Y..., domicilié [...] ,
2°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par M. L... O..., prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Antilles pour Jules,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Antilles pour Jules et de la société [...], ès qualités, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, conseillers, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Vu les articles L. 622-22 du code de commerce et 372 du code de procédure civile :
1. Il résulte du premier de ces textes que les instances en cours tendant au paiement d'une somme d'argent sont interrompues par l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du débiteur et ne sont régulièrement reprises qu'après que le créancier poursuivant a procédé à la déclaration de sa créance et mis en cause le mandataire judiciaire et, le cas échéant l'administrateur. Selon le second texte, les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus.
2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 23 juillet 2018), M. Y... a assigné, le 10 novembre 2015, la SCI Antilles pour Jules (la SCI) en paiement de dommages-intérêts. Une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la SCI par un jugement du 8 décembre 2015 qui a nommé un administrateur judiciaire avec une mission d'assistance. Un jugement du 3 novembre 2016 a condamné la SCI à payer à M. Y... des dommages-intérêts, sans que l'instance ait été préalablement reprise. La SCI en a relevé appel sans l'assistance de l'administrateur.
3. La cour d'appel ayant déclaré l'appel irrecevable, la SCI a formé un pourvoi en cassation.
4. Toutefois, en raison de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SCI, l'instance en cours avait été interrompue de plein droit devant le tribunal, qui n'était pas dessaisi, et devait être reprise devant lui après justification de la déclaration de créance et la mise en cause du mandataire judiciaire et de l'administrateur. De même qu'il n'y avait pas lieu pour la cour d'appel, qui devait se borner à constater que le jugement était réputé non avenu, de statuer sur l'appel, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi formé contre l'arrêt, lui-même réputé non avenu.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi ;
Constate que le jugement rendu le 3 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre (RG n° 15/02471) et l'arrêt rendu le 23 juillet 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (RG n° 17/00055) sont réputés non avenus ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. | L'instance en paiement d'une somme d'argent devant un tribunal étant, en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, interrompue de plein droit par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, cette juridiction n'est pas dessaisie tant que l'instance n'est pas reprise sur justification par le créancier de la déclaration de sa créance et la mise en cause du mandataire judiciaire et de l'administrateur. Le jugement rendu en violation de ce texte est en conséquence, en application de l'article 372 du code de procédure civile, réputé non avenu, ce que la cour d'appel, saisie du recours, doit alors se borner à constater. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le pourvoi frappant l'arrêt qui a statué sur l'appel et doit être lui-même réputé non avenu |