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DEBATS/SEN_20111204_112.xml | MM. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour le sport ; Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour la jeunesse et la vie associative.
MM. Jean Boyer, Michel Le Scouarnec, Yvon Collin, Philippe Madrelle, Jean-François Humbert, Vincent Eblé, Mmes Catherine Procaccia, Dominique Gillot.
M. David Douillet, ministre des sports ; Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
M. le rapporteur spécial.
Rejet des crédits de la mission.
Amendements identiques n
Amendement n° II-112 de M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. – MM. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, le ministre, David Assouline, Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. – Retrait de l’amendement.
Amendement n° II-53 rectifié
Reprise de l’amendement n° II-53 rectifié
Philippe Dallier sous le n° II-458. – MM. Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Charles Guené, Claude Dilain.
Mme Marie-France Beaufils.
M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Dominique de Legge, Yvon Collin, Mmes Caroline Cayeux, Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; Marie-France Beaufils, M. François Marc, rapporteur spécial. – Rejet de l’amendement n° II-458.
Amendement n° II-54 de la commission. – M. François Marc, rapporteur spécial.
Amendement n° II-290 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Yvon Collin.
Amendement n° II-308 de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.
Amendement n° II-197 de M. Charles Guené. – M. Charles Guené.
Amendement n° II-261 rectifié de M. Yannick Vaugrenard. – M. Claude Dilain.
Amendement n° II-349 rectifié de Mme Caroline Cayeux. – Mme Caroline Cayeux.
Amendement n° II-310 de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.
Amendement n° II-262 rectifié de M. Gérard Collomb. – M. Claude Dilain.
Amendement n° II-312 de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.
Amendement n° II-285 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Yvon Collin.
MM. François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Charles Guené, Alain Richard, Mme Marie-France Beaufils, MM. Vincent Delahaye, Philippe Dallier, Pierre Jarlier, Claude Dilain. – Retrait des amendements n
Amendements identiques n
Amendements identiques n
MM. François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Claude Dilain. – Rejet des amendements n
Amendements identiques n
Amendement n° II-263 rectifié de M. Claude Dilain. – MM. Claude Dilain, François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Alain Richard, Charles Guené, Mmes la rapporteure générale, Marie-France Beaufils, MM. Dominique de Legge, Philippe Dallier. – Adoption.
Amendement n° II-264 de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. Jean-Pierre Caffet, François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Alain Richard, Philippe Dallier. – Rejet.
Amendement n° II-195 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, François Marc, rapporteur spécial ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° II-55
(priorité)
Amendement n° II-266 de M. Gérard Collomb. – M. Claude Dilain.
Amendements n
MM. François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Mme Marie-France Beaufils. – Adoption de l’amendement n° II-55, l’amendement n° II-266 devenant sans objet ; retrait des amendements n
Amendements identiques n
Amendement n° II-279 de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. Jean-Pierre Caffet, François Marc, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption.
Amendement n° II-337 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils, MM. François Marc, rapporteur spécial ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° II-463 de la commission. – MM. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. – Adoption.
Amendement n° II-269 rectifié de M. Michel Berson. – MM. Michel Berson, François Marc, rapporteur spécial ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° II-196 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre, Alain Richard. – Adoption.
Amendements identiques n
Amendement n° II-268 de M. Gérard Collomb. – M. Claude Dilain.
Amendement n° II-309 rectifié de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.
MM. François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Claude Dilain, Pierre Jarlier, Charles Guené, Philippe Dallier. – Retrait de l’amendement n° II-268 ; adoption de l’amendement n° II-309 rectifié.
Amendement n° II-464 de la commission. – Mme la rapporteure générale, M. le ministre. – Adoption.
Amendement n° II-272 rectifié de M. Yannick Vaugrenard. – Retrait.
Amendement n° II-455 de la commission. – MM. François Marc, rapporteur spécial ; le ministre, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, M. Philippe Dallier. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-333 de Mme Marie-France Beaufils. –Mme Marie-France Beaufils. – Retrait.
Amendement n° II-58 de la commission. – MM. Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption.
Amendement n° II-59 de la commission. – MM. Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption.
Amendement n° II-189 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre. – Rejet.
Amendements identiques n
Amendement n° II-273 de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. Claude Dilain, Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre, Roger Karoutchi, Philippe Dallier. – Retrait.
Amendements identiques n
Amendement n° II-274 rectifié
Amendement n° II-339 rectifié de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils.
Amendement n° II-239 rectifié de M. Roger Karoutchi. – M. Roger Karoutchi.
MM. Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre, Philippe Dallier, Alain Richard, Mme Nicole Bricq, MM. Roger Karoutchi, Claude Dilain. – Rejet des amendements n
Amendements n
Amendement n° II-237 de M. Roger Karoutchi. – M. Roger Karoutchi.
Amendement n° II-346 de M. Claude Dilain. – M. Claude Dilain.
MM. Pierre Jarlier, rapporteur spécial ; le ministre, Roger Karoutchi, Claude Dilain. – Retrait des amendements n
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-461 du Gouvernement. – Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; Mme la rapporteure générale. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-460 du Gouvernement. – Mmes la ministre, la rapporteure générale. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-456 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendements identiques n
Amendement n° II-438 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Mme la rapporteure générale.
Amendement n° II-380 de Mme Mireille Schurch. – Mmes Mireille Schurch, la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° II-399 de M. Vincent Eblé. – M. Michel Berson, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-402 de M. Thierry Repentin. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° II-401 de M. Thierry Repentin. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-400 de M. Thierry Repentin. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n
Amendement n° II-382 de Mme Mireille Schurch. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-352 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° II-412 de M. Thierry Repentin. – M. Claude Dilain, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-403 de M. Thierry Repentin. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait
Amendement n° II-404 rectifié
Amendement n° II-353 de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Mmes la ministre, Marie-France Beaufils. – Retrait du sous-amendement n° II-454 ; adoption des amendements n
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-354 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Amendements identiques n
Amendement n° II-405 de M. Georges Patient. – M. Michel Berson, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-362 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils.
Amendement n° II-356 de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Mmes la ministre, Marie-France Beaufils. – Retrait de l’amendement n
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques n
Amendements n
Adoption de l'article.
Amendement n° II-357 rectifié de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Amendements n
Amendement n° II-384 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° II-413 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann.
Mmes la rapporteure générale, Marie-Noëlle Lienemann, la ministre. – Rectification de l’amendement n° II-413 en sous-amendement ; adoption du sous-amendement n° II-413 rectifié et de l’amendement n° II-357 rectifié, modifié, l’amendement n° II-384 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° II-213 rectifié de M. Thierry Repentin. – M. Richard Yung, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-214 rectifié de M. Claude Dilain. – M. Claude Dilain, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° II-415 rectifié de M. Thierry Repentin. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, la rapporteure générale, la ministre, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-420 rectifié de M. Thierry Repentin. – M. Claude Dilain, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-361 rectifié
Amendement n° II-212 rectifié de M. Thierry Repentin. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, la rapporteure générale, la ministre, M. Philippe Dallier. – Retrait.
Amendement n° II-217 rectifié
Amendement n° II-414 de M. Thierry Repentin. – M. Richard Yung, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-466 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-381 de Mme Mireille Schurch. – Mmes Mireille Schurch, la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Marie-France Beaufils, M. le président.
M. le président, Mme la rapporteure générale.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
M. le président.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
M. le président.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le temps dont je dispose étant très limité, j’irai directement à l’essentiel : la commission des finances demande au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », qui lui paraissent marqués par un profond déséquilibre.
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial de la commission des finances.
Il y a, tout d’abord, déséquilibre entre les programmes. La légère augmentation, de 1 %, des crédits de la mission à périmètre constant résulte, comme les années précédentes, de deux mouvements opposés, une diminution notable, à hauteur de 5,6 %, de la dotation du programme « Sport » étant « compensée » par une hausse importante, atteignant 7,7 %, des crédits du programme « Jeunesse et vie associative ».
Il y a, ensuite, déséquilibre au sein de chaque programme. Ainsi, l’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, qui représentait déjà 68 % des crédits de paiement du programme « Sport » en 2011, regroupera 75,4 % de ceux-ci en 2012. Dans le même temps, les crédits dévolus à l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre, en baisse en valeur absolue, passeront de 8,3 % à tout juste 3,3 % des mêmes crédits de paiement.
Monsieur le ministre, vous objecterez sans doute que le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, agit en faveur du sport de masse, aux côtés de vos services. Mais est-il normal de sous-traiter presque entièrement cette politique à un établissement public, financé par des fonds extrabudgétaires ?
Quant au programme « Jeunesse et vie associative », il est, lui aussi, déséquilibré, avec, d’un côté, un service civique qui monte en puissance et mobilise entièrement, et même au-delà, la hausse des crédits, et, de l’autre, l’application d’une véritable politique d’austérité.
En outre, la commission doute de la sincérité de certaines lignes de ce projet de budget. Ainsi, contrairement à la pratique constante, aucune somme n’a été provisionnée au titre des primes qui seront octroyées aux médaillés français des prochains jeux Olympiques de Londres. Or, à Pékin, cela avait représenté une dépense de plus de 4 millions d’euros. Le budget qui nous est présenté ne serait donc tout simplement pas soutenable en cas de succès de nos couleurs cet été, succès que nous espérons tous.
Au-delà de ces remarques, qui justifient la position de la commission, je souhaiterais formuler quelques brèves observations.
S’agissant du Stade de France, la pénalité nette due par l’État apparaît en forte augmentation : elle devrait passer à 12 millions d’euros en 2012, contre 8,2 millions d’euros en réalisation probable en 2011. Cette évolution s’explique, en partie, par le contexte économique, mais aussi, ce qui est plus inquiétant, par des raisons structurelles. Ainsi, l’annuité traduit surtout les effets du nouveau partage de ressources financières entre la Fédération française de football, la FFF, et le Consortium Stade de France, bien plus favorable à la FFF que le contrat antérieur.
Par ailleurs, la Fédération française de rugby est désormais très engagée dans le projet qui doit aboutir, à l’horizon 2016 ou 2017, à la construction de son propre « grand stade ». Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que cette dépense soit maîtrisée ?
S’agissant du service civique, qui draine 108 millions d’euros et que vous avez qualifié, madame la secrétaire d'État, de « réel succès », pourriez-vous nous en préciser les objectifs de moyen terme ? En effet, l’ambition affichée de toucher 10 % d’une classe d’âge, soit environ 75 000 jeunes, dès 2014 n’est pas compatible avec l’évolution des crédits prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. La somme nécessaire, à savoir 500 millions d’euros, excède d’ailleurs la totalité des crédits de paiement de la mission prévus pour 2014, soit 460 millions d’euros.
Enfin, la trajectoire budgétaire du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, doté de seulement 5 millions d’euros par ce projet de budget, laisse à penser qu’il ne sera lui-même qu’une expérimentation. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous livrer votre vision de l’avenir de cet outil ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste
EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est pas inutile, à l’occasion de l’examen du dernier projet de loi de finances de la présente législature, d’effectuer un petit bilan de la politique sportive menée depuis cinq ans.
M. Jean-Jacques Lozach,
rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour le sport.
Le Président de la République avait pris un certain nombre d’engagements avant son élection. Les deux principaux étaient de porter le budget consacré au sport à 3 % du budget de l’État et de rattacher la politique sportive à un ministère couvrant les problématiques de la santé et du sport.
Or, si l’on prend en compte l’ensemble des moyens affectés à l’action du ministère des sports au titre des différentes missions de ce projet de loi de finances, on atteint la somme de 861,3 millions d’euros, ce qui représente moins de 0,3 % du budget de l’État. On est loin des 3 % annoncés !
Par ailleurs, l’ambitieux ministère de la santé et des sports a fait long feu : il a disparu en novembre 2010 avec la constitution d’un ministère des sports à part entière. Seul son personnel reste géré par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, comme dernier et curieux reliquat d’un ministère commun passé au crible de la RGPP.
Aux fluctuations du périmètre de compétence des ministres chargés du sport s’est ajoutée l’instabilité des responsables de cette politique : cinq ministres en cinq ans !
En réalité, aucune promesse n’a été tenue. Loin de garder le cap, le Gouvernement s’est contenté de naviguer à vue et a fini par s’échouer sur les rivages de la rigueur budgétaire et de l’inconstance de sa politique.
La seule réforme d’envergure engagée par le Gouvernement a finalement été la libéralisation des paris sportifs en ligne, qui a été décidée et mise en œuvre par le ministère du budget ! Les seules avancées législatives en matière sportive ont été d’initiative parlementaire. Saluons à cet égard nos collègues Jean-François Humbert et Yvon Collin, à l’origine de propositions de loi très intéressantes sur les agents sportifs et sur l’éthique dans le sport.
S’agissant de l’analyse des crédits pour 2012, je constate qu’ils sont en baisse de 4,8 %, leur hausse apparente étant liée au transfert de la masse salariale des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, les CREPS, vers le programme « Sport ».
Le sport de masse est indirectement la première victime de la raréfaction des crédits. C’est le CNDS qui subit le plus les effets de la rigueur budgétaire, avec des recettes en augmentation limitée, du fait du plafonnement de ses ressources affectées, mais des dépenses importantes destinées au financement des stades de l’Euro 2016. Cela traduit un désintérêt pour le sport de masse
(M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Le CNDS, dont relève le financement des projets amateurs locaux, supportera notamment, à partir de 2012, une charge annuelle supérieure de 4,5 millions d’euros à ce qui était prévu, afin de financer des stades destinés à des clubs professionnels. La commission de la culture a adopté un amendement visant à permettre un juste abondement du CNDS.
S’agissant du sport de haut niveau, il apparaît que le financement de la garantie contractuelle due par l’État au Consortium Stade de France en l’absence de club résident est de plus en plus lourd : il atteindra 12 millions d’euros en 2012. Une réflexion sur les moyens de réduire cette dotation devrait certainement être engagée.
Le nombre d’emplois dans les CREPS, qui ne sont plus que huit, contre seize auparavant, est en forte diminution : cinquante-trois emplois équivalent temps plein travaillé ont été supprimés, soit presque 5 % des effectifs ; on peut s’interroger sur la capacité des CREPS à mener à bien leur mission.
M. le rapporteur spécial l’a indiqué, les primes des futurs médaillés olympiques n’ont pas été provisionnées. Monsieur le ministre, c’est contraire à la fois à la tradition et au principe de sincérité budgétaire : cela constituera une mini-bombe à retardement pour le ministre qui devra trouver les financements nécessaires à la fin de l’année 2012 !
Enfin, les crédits que le ministère consacre à la lutte contre le dopage sont encore en baisse pour 2012. Ce constat renforce la position de la commission de la culture, qui souhaite élargir les pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage et consolider son financement. Veillons à ce que notre pays ne perde pas son image de référence internationale en matière de lutte contre le dopage.
Quant au programme « parcours animation sport », il voit ses crédits baisser de 22 %, alors qu’il s’agit de l’un des rares dispositifs gérés par le ministère des sports consacré aux jeunes, notamment ceux qui sont issus des zones urbaines sensibles.
Pour terminer, l’un des reproches majeurs que j’adresserai à ce projet de budget est de ne pas prendre en compte les débats de l’Assemblée du sport, une instance que l’on doit à votre prédécesseur Chantal Jouanno, monsieur le ministre.
Pour l’ensemble de ces raisons, et conformément à mes préconisations, la commission a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par faire observer que le programme « Jeunesse et vie associative » est rattaché à la même mission que le programme « Sport », alors que ces deux domaines relèvent de ministères différents.
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour la jeunesse et la vie associative.
Sans chercher à provoquer quiconque, je souhaite adresser un
satisfecit
Votre propos n’est pas dans l’esprit des débats de la commission !
M. David Assouline.
Alors que les gouvernements précédents avaient échoué, s’agissant notamment du service civil volontaire, la réforme du service civique, voulue consensuelle, a été menée à bien et ne pâtit pas des efforts que l’État doit mener en matière de réduction du déficit, bien au contraire.
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis.
En effet, le programme 163 regroupe 230 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 7,2 % par rapport à 2011. Je rappelle que cette augmentation confirme celle de 10 % qui a été inscrite dans la loi de finances de 2011 et celle de plus de 60 % qui figurait dans la loi de finances de 2010.
En matière de développement de la vie associative, le Gouvernement mène une politique de continuité, avec un soutien au Conseil du développement de la vie associative et un maintien des subventions FONJEP – pour fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire – aux centres de ressources et d’information des bénévoles. L’action n° 1 du programme « Jeunesse et vie associative » est ainsi financée à hauteur de 12,2 millions d’euros, soit davantage qu’en 2010.
Quant aux autres politiques de la jeunesse, elles ont été soit préservées, soit renforcées.
Le service civique est en ordre de marche : 25 000 volontaires devraient pouvoir s’engager dans le dispositif en 2012, avec un soutien de l’État de 134 millions d’euros, contre moins de 100 millions d’euros en 2011. L’objectif des 10 % d’une classe d’âge n’est pas atteint, mais nous sommes sur la bonne voie.
Le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse disposera pour sa part d’une dotation de 5,7 millions d’euros en 2012 et d’un budget de 40 millions d’euros, grâce aux crédits versés dans le cadre du plan de relance et aux contributeurs privés. Les premiers résultats sont intéressants ; nous attendons avec impatience le prochain rapport du conseil scientifique de ce fonds.
Les opérateurs de l’État sont quant à eux préservés, et bénéficieront de subventions stabilisées.
Ainsi, la subvention accordée aux offices franco-allemand et franco-québécois pour la jeunesse reste fixée à 12,5 millions d’euros.
L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, dont le format a été revu en 2010, conserve également les mêmes crédits qu’en 2011, tandis que le Centre d’information et de documentation jeunesse et ses déclinaisons régionales disposeront d’un montant de subventions stable, de 8,6 millions d’euros.
Le programme « Envie d’agir », dont les crédits avaient été supprimés en 2011, est doté de 3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2012. Un élément de souplesse intéressant est introduit, puisque cette dotation pourra également servir à financer des projets présentés sur l’initiative de jeunes dans le cadre d’autres dispositifs partenariaux.
Les politiques partenariales locales, dont les crédits cessent de diminuer, sont dotées de 12,9 millions d’euros dans le projet de loi de finances, ce qui devrait permettre aux services déconcentrés de remplir leurs missions.
Enfin, le volet animation du programme « parcours animation sport » est supprimé. Les crédits afférents étaient extrêmement limités et ne constituaient pas, à mon sens, une masse critique suffisante pour donner du souffle au dispositif. À cet égard, je considère que leur réaffectation au service civique est particulièrement pertinente. En effet, ce service civique constitue un outil très formateur pour les jeunes volontaires, et les résultats en matière de diversité sociale sont plutôt positifs, comme en témoignent les indicateurs de la mission.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous, à cet égard, nous donner des éléments sur la construction d’un indicateur relatif aux origines géographiques des jeunes engagés dans le service civique ?
Mes chers collègues, mes propos et mon analyse sont objectifs. Toutefois, la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
M. le président.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous le savons tous, le sport et la vie associative rassemblent des forces individuelles et collectives indispensables à la vitalité et à la cohésion sociale de notre pays.
M. Jean Boyer.
Aujourd’hui, dans presque toutes les communes de France, outre la mairie et le clocher de l’église, un stade et des salles associatives sont les symboles de la vie collective. Ces équipements démontrent la volonté de la France rurale d’offrir à ses habitants, et principalement à sa jeunesse, une « parité » à la fois sportive et sociale.
Très bien !
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, sauf exception, la jeunesse qui s’exprime sur les stades, dans les gymnases ou simplement par la pratique du sport en pleine nature n’est pas celle qui pose des problèmes à notre société. En effet, elle est porteuse d’un idéal, d’une volonté, d’un plaisir et d’un désir de vivre ensemble. Elle sait que le sport comme la vie sont des combats permanents et toujours inachevés, et qu’une vie sans combats est souvent une vie sans espérance, sans idéal, donc sans but.
M. Jean Boyer.
« Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport. […] Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. » Ces propos sont d’un grand Français, M. Aimé Jacquet, qui vit près de chez moi.
Monsieur le ministre, la France est fière de vous, car vous avez porté brillamment ses couleurs, au plus haut niveau mondial. Cependant, les responsables associatifs de la « France d’en bas » sont inquiets. Certes, la situation budgétaire est très difficile, et il faut savoir faire preuve de solidarité quand les temps sont durs, mais une réduction des crédits destinés au sport s’accompagne souvent d’un accroissement d’autres dépenses, moins positives.
En outre, des normes de plus en plus contraignantes s’imposent aux clubs sportifs : par exemple, il faut aujourd'hui deux chauffeurs pour se rendre en car d’un chef-lieu de département à un autre.
Je suis convaincu que l’on peut être responsable sans être désespéré, mais je suis également certain que la vitalité du monde sportif exige un minimum de moyens et une répartition constructive de ceux-ci.
La baisse très forte des crédits de l’action n° 1 du programme « Sport », Promotion du sport pour le plus grand nombre, inquiète les conseils généraux, dont les budgets sont devenus très difficiles à boucler, les dépenses de fonctionnement mobilisant la plus grande partie des ressources.
Les crédits des actions n
L’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, est dotée de 187 millions d’euros, soit 75 % du budget du programme. Ne connaissant pas suffisamment l’emploi de ces crédits pour faire d’autre commentaire, je me bornerai à relever que, dans certaines disciplines, les sportifs, particulièrement les « pros », bénéficient de salaires déconcertants, pouvant décourager les bénévoles de nos petites associations locales, qui donnent de leur temps sans autre contrepartie que la satisfaction de mesurer les résultats de leur action.
Ces bénévoles ne font pas la quête, mais ils doivent être compris et encouragés. Aujourd’hui, pour être bénévole, il faut avoir la foi et une générosité hors du commun ; il ne faut pas redouter l’ingratitude, qu’elle soit individuelle ou collective. Souvent même, les responsables des associations doivent pallier l’absence des parents, l’éclatement des familles, prendre en charge des jeunes qui, sinon, seraient livrés à eux-mêmes, dans la rue ou devant un écran d’ordinateur les confrontant à des images violentes ou choquantes.
Reconnaissons que sport décentralisé et sport d’élite sont complémentaires. Monsieur le ministre, vous êtes le mieux à même d’en parler : dans ces moments exceptionnels où les couleurs de la France flottent en haut du mât olympique et où retentit la
Marseillaise
Nous ne devons pas oublier les petits clubs de quartier ou de village, créateurs de lien social, qui manquent de moyens financiers et de bénévoles. Le bénévolat est l’oxygène de la vie associative et sportive ; redonnons à celle-ci du souffle, avant qu’il ne soit trop tard ! Le budget national doit aider les milliers de clubs répartis dans la France entière, qui font la richesse du pays. Monsieur le ministre, je vous remercie de prendre en compte ce message.
Il faut gagner ; on ne peut être à la fois responsable et désespéré. C'est la raison pour laquelle mon groupe votera ce projet de budget.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à première vue, les crédits de paiement de la mission sont en augmentation, puisqu’ils atteindront 478 millions d’euros en 2012, contre 429 millions d’euros en 2011.
M. Michel Le Scouarnec.
Ainsi, avec 247 millions d’euros de crédits de paiement, la dotation du programme « Sport » progresserait de 31 millions d’euros. En réalité, cette augmentation est liée à la modification de périmètres budgétaires : d’importants transferts de programmes en sont l’explication, certains personnels étant désormais pris en charge par le budget du sport. Par exemple, ces dépenses supplémentaires représentent 42,5 millions d’euros pour les CREPS et 817 000 euros pour le Musée national du sport. En tenant compte d’un taux d’inflation de 1,7 % et de ce transfert de masses salariales, le budget du programme « Sport » est donc, en fait, en diminution. Nous sommes très loin de la promesse du Président de la République de porter ce dernier à 3 % du budget de l’État ! Le Gouvernement ne s’est pas surpassé…
Selon nous, l’État doit immédiatement consacrer une part plus importante de son budget au sport, au profit en particulier du monde amateur. Allouer dès maintenant au sport 1 % du budget de l’État nous paraît indispensable pour affronter les défis de notre époque et permettre le rayonnement et l’épanouissement du plus grand nombre. Certes, c’est moins que 3 %, mais un tel effort est réaliste, et donc possible.
L’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, absorbe 75 % de l’ensemble des crédits du programme, quand l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre, ne reçoit que 8 millions d’euros et ne représente plus que 3 % de ce petit budget.
Il faudrait promouvoir l’accès à un service public du sport pour le plus grand nombre, en particulier les femmes, les handicapés et les personnes vivant dans des zones défavorisées. Dans ce domaine, le déficit démocratique est grand, alors même qu’une baisse du budget du sport pour tous est malheureusement prévue pour 2012.
Ce traitement inégalitaire, qui existait déjà les années précédentes, est encore aggravé au travers du projet de loi de finances pour 2012. Ainsi, entre 2009 et 2012, les crédits consacrés à l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre, auront diminué, passant de 22 millions d’euros à 8 millions d’euros, tandis que la dotation de l’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, a constamment augmenté, passant de 143 millions d’euros en 2009 à 247 millions d’euros aujourd’hui.
Nous déplorons cette orientation qui favorise la professionnalisation et la financiarisation du sport, au détriment de la pratique de masse, du sport amateur, du sport pour le plus grand nombre. De surcroît, la majorité des crédits accordés au sport de haut niveau sont absorbés par le financement d’un partenariat public-privé, celui qui concerne l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, l’INSEP. Nous regrettons l’engagement d’une telle opération, car l’intérêt public ne devrait pas se confondre avec l’intérêt privé.
Les moyens financiers, bien qu’insuffisants aujourd’hui, doivent être mutualisés pour garantir le maintien des liens de solidarité et de concertation entre les secteurs professionnel et amateur, lequel compte plus de 16 millions de licenciés.
Il faut refuser toute forme de défiscalisation et de réduction de cotisations sociales sur les revenus des sportifs professionnels, augmenter nettement le taux de la taxe « Buffet » sur les droits de diffusion des manifestations sportives à la télévision.
Le sport doit être moralisé ; il a besoin d’éthique et d’équité, de porter les valeurs éducatives en rejetant toute forme de tricherie, de dopage, de violence ou de discrimination.
La faiblesse des moyens accordés au sport, qui représentent seulement 0,5 % du budget de l’État, est à mettre en parallèle avec l’investissement des collectivités locales : celles-ci consacrent beaucoup d’argent à la construction d’équipements, à leur entretien, à leur fonctionnement, et versent des subventions à de nombreux clubs, qui ne pourraient exister sans ce soutien. Ainsi, Auray, ma commune, consacre chaque année plus de 600 000 euros aux sports au titre des seules dépenses de personnel et d’entretien, hors investissements, alors qu’elle ne compte que 13 000 habitants !
Le CNDS, opérateur de l’État non pris en compte dans le budget de la mission, est, quant à lui, doté de 295,8 millions d’euros, soit un montant supérieur à celui des crédits du ministère. Son action masque le désengagement de l’État, sans qu’il soit pour autant trop doté au regard de ses missions, car il met en œuvre, de fait, l’intégralité de la politique en matière de développement du sport amateur et devra, en outre, financer cette année des équipements en vue de l’Euro 2016, à hauteur de 168 millions d’euros. De plus, sa situation budgétaire dépend du niveau des ressources procurées par la taxe sur les paris en ligne, qui lui est affectée. Le produit de cette dernière est désormais plafonné, ce qui réduit encore la marge d’action publique en faveur du sport non professionnel.
Enfin, les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » sont en légère augmentation. Cependant, l’intégralité de la hausse du budget consacré à la jeunesse est captée par le service civique, à hauteur de 134 millions d’euros, au détriment du développement de la vie associative, de la politique de la jeunesse ou de l’éducation populaire.
Avec seulement 6 000 volontaires en 2010, le service civique n’atteint pas l’objectif de 10 % d’une classe d’âge fixé par le Gouvernement, objectif qui semble pourtant résumer son ambition actuelle en matière de politique de la jeunesse.
Le service civique n’est, à notre sens, qu’une béquille, censée remédier aux difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail et répondre à la montée de la pauvreté parmi ceux-ci par la création d’un « sous-contrat » de travail, ce dernier étant lui-même précaire et mal rémunéré.
Sans être opposé au service civique, je pense qu’il vaudrait mieux encourager et favoriser la vie associative et l’éducation populaire, qui, en matière de « civisme », représentent des piliers plus sûrs et plus durables. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de budget.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste
La parole est à M. Yvon Collin.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, faut-il encore rappeler que le sport constitue un facteur de cohésion sociale ? Faut-il encore souligner que le tissu associatif joue un rôle essentiel d’amortisseur en période de crise économique ? Oui, sans doute est-il nécessaire de réaffirmer ces évidences, au regard des crédits d’une mission dont le montant représente, hélas, moins de 0,3 % du budget de l’État, avec 861,3 millions d’euros.
M. Yvon Collin.
Certes, les crédits dédiés au sport, à la jeunesse et à la vie associative affichent, pour 2012, une augmentation de 1 %. Mais, comme l’ont très justement souligné nos collègues rapporteurs, à périmètre constant, on observe en réalité une baisse de 12 millions d’euros, qui affecte en particulier l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre.
Lorsque j’ai défendu, l’année dernière, la proposition de loi du groupe du RDSE visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, je n’ai pas seulement souhaité encourager le respect des valeurs consubstantielles au sport, qui passe notamment, à mon sens, par la lutte contre le dopage et la responsabilisation des fédérations et des ligues professionnelles. J’ai aussi voulu appeler au développement du sport en général, de ce que l’on pourrait appeler « l’école du vestiaire », qui cumule tant de vertus, car le respect de l’autre, qu’il soit partenaire ou adversaire, et la solidarité dans l’effort font du sport un invariant culturel qui traverse le temps et l’espace. Son universalisme le rend accessible à tous au titre de la pratique, mais aussi en tant que spectacle.
Vous connaissez tous, mes chers collègues, les bénéfices du sport pour l’ensemble de la société. Conscients de ces enjeux, les pouvoirs publics, en particulier les collectivités locales, s’appuient beaucoup sur le sport pour perpétuer un maillage territorial propice à l’animation locale, à la fois économique et récréative.
Dans ces conditions, prenons garde, monsieur le ministre, à ne pas trop dépouiller le programme « Sport » de ses moyens budgétaires, même si, je vous l’accorde, il ne représente que 30 % de l’effort total consacré par l’État au sport. Cependant, l’application de la révision générale des politiques publiques, conjuguée aux impératifs de rigueur imposés par le Gouvernement, pourrait avoir un effet désastreux sur un secteur qui se trouve au cœur de notre société et intéresse en particulier la jeunesse, qui a déjà fort à faire sur le front de l’emploi. Ne tuons pas, en plus, les espérances qu’elle place dans le sport !
Quoi qu’il en soit, je dois reconnaître, madame la secrétaire d’État, que les crédits dédiés aux deux programmes qui composent la mission connaissent une évolution divergente, très largement au bénéfice du service civique. Ayant été à l’origine de la création de ce dispositif – je revendique cette paternité !
(Sourires.)
Cette tendance traduit la montée en puissance du dispositif. En effet, nous sommes passés de 6 000 volontaires en 2010 à 15 000 cette année, et nous franchirons probablement la barre des 25 000 volontaires en 2012.
Je ne suis pas certain, en revanche, que nous atteindrons l’objectif d’attirer 10 % des effectifs d’une classe d’âge vers le service civique en 2014 – ce qui représenterait la bagatelle de 75 000 volontaires –, car le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 est à mon sens trop timide sur ce point. Vous pourrez peut-être, madame le secrétaire d’État, nous apporter votre éclairage sur ce sujet.
De surcroît, si le service civique rencontre un grand succès sur le plan quantitatif, il sera rapidement nécessaire de l’améliorer sur le plan qualitatif, ce qui pourrait nécessiter des moyens supplémentaires. Sur ce point, le comité stratégique du service civique, qui se réunit régulièrement sous la direction de Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique, a déjà tiré quelques enseignements. Les contributions des principaux acteurs du service civique font apparaître plusieurs pistes méritant d’être explorées : il faudrait, par exemple, soutenir l’accueil de jeunes ayant besoin d’un accompagnement renforcé, tels ceux présentant certains types de handicap ou ayant décroché sur le plan scolaire ; on pourrait également envisager que le montant de l’indemnité soit variable selon les ressources et la situation des jeunes, et revoir les critères d’attribution de l’aide complémentaire, afin de ne pas pénaliser les jeunes boursiers qui ont interrompu leurs études pour se consacrer pleinement au service civique.
D’autres aspects mériteraient une réflexion approfondie. Un travail devra être mené sur les structures d’accueil, qui doivent pouvoir disposer des outils leur permettant de garantir la qualité des missions proposées aux jeunes, surtout dans le contexte de montée en charge du dispositif que j’évoquais tout à l’heure.
Mes chers collègues, nous aurons certainement l’occasion de débattre du service civique, en faveur duquel je me suis fortement engagé. En effet, comme le sport, le service civique est un vecteur de cohésion sociale, mais aussi un creuset citoyen, qui répond, par ailleurs, au besoin plus individuel de sens manifesté par de nombreux jeunes. C’est pourquoi, en l’absence de perspectives budgétaires plus volontaristes pour cette mission, le groupe du RDSE ne pourra apporter son soutien au projet de budget qui nous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste
EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est devenu particulièrement difficile de lire et d’analyser la totalité de la masse budgétaire attribuée à la politique publique de la jeunesse et de la vie associative : la crise économique et sociale, les conséquences de la réforme des collectivités territoriales sur les finances locales, et donc sur leur capacité d’intervention, font peser de lourdes menaces sur le financement des associations. Dans un tel contexte, l’éparpillement des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » prive cette politique, que le Gouvernement qualifie d’« ambitieuse », de toute lisibilité !
M. Philippe Madrelle.
Les crédits budgétaires du programme 163 « Jeunesse et vie associative » s’élèvent à 230 millions d’euros pour 2012, soit une hausse de 7,2 % par rapport à 2011.
Cette augmentation est exclusivement due à la priorité donnée au service civique, au détriment de tous les autres crédits, notamment ceux de la vie associative et du secteur de l’éducation populaire. Force est de constater que, en dépit de discours en apparence généreux, la politique en direction de la jeunesse et de la vie associative ne figure pas parmi les priorités du Gouvernement, tant s’en faut. Ce budget est loin de pouvoir satisfaire les aspirations de la jeunesse !
Ce double discours est connu : d’une part, on flatte les associations en vantant leur contribution essentielle à la cohésion sociale et à l’innovation ; d’autre part, année après année, on les étrangle financièrement ou on les réduit à la sous-traitance de la seule commande publique ! Pourtant, vous le savez, madame la secrétaire d’État, ces associations sont des partenaires loyaux, évalués régulièrement et dont la mission de service public est reconnue.
Le programme 163 s’articule selon trois actions : l’action n° 1, Développement de la vie associative, se voit attribuer 12,7 millions d’euros, contre 13,4 millions d’euros en 2011, soit une baisse de 9 % ; les crédits de l’action n° 2, Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire, passent de 76,58 millions d’euros à 77,28 millions d’euros, soit une augmentation de 1 % ; enfin, les crédits de l’action n° 4, Actions particulières en direction de la jeunesse, sont les seuls à bénéficier de la croissance du programme, au détriment de ceux des autres actions.
Au sein de l’action n° 1, malgré une forte demande du mouvement associatif, le budget alloué à la formation des bénévoles stagne à 10,83 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2011, alors que, dans un récent rapport, le Centre d’analyse stratégique regrette que le « bénévolat ne [fasse] pas l’objet d’une politique structurée », afin de susciter davantage de vocations. Ne pensez-vous pas, madame la secrétaire d’État, qu’il serait urgent de résoudre cette contradiction ? Il y va de l’avenir du bénévolat, sans lequel il ne saurait y avoir de vie associative contribuant à la cohésion sociale sur l’ensemble du territoire.
La France compte actuellement plus de 12 millions de bénévoles actifs. Le volume de travail de ces bénévoles est estimé à 935 000 emplois en équivalent temps plein travaillé et a augmenté de 30 % entre 1999 et 2005. Tous ces chiffres, madame la secrétaire d’État, illustrent le rôle essentiel du bénévolat, qui n’est pas suffisamment soutenu, comme ce serait légitime.
Les crédits de l’action n° 2, Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire, sont stables. Au sein de ces crédits, on ne peut que constater et déplorer la nouvelle réduction de 4 % de ceux qui sont alloués aux associations nationales agréées « Jeunesse et éducation populaire ». Cette nouvelle baisse aggrave l’érosion continue du soutien de l’État aux associations de jeunesse et d’éducation populaire et aux projets qu’elles développent. Ainsi, en l’espace de quatre ans, nos associations auront subi une véritable saignée, avec une coupe budgétaire cumulée de 25 % !
Les crédits consacrés au Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, le FONJEP, sont en baisse de 3,2 %. La diminution des postes financés par le FONJEP a des conséquences désastreuses sur l’emploi associatif et accroît les charges des collectivités locales, qui doivent compenser ce désengagement de l’État. N’oublions pas que les jeunes sont les premiers touchés par ces suppressions d’emplois !
L’examen des crédits vient également confirmer la disparition des sous-actions liées à la protection des jeunes et de celles concernant le soutien aux métiers de l’animation, les budgets correspondants diminuant de 36 % et de 5,8 % respectivement. Avec 140 millions d’euros, les actions particulières en direction de la jeunesse connaissent une augmentation de leurs crédits de 14 %, le fameux service civique enregistrant notamment une nouvelle progression spectaculaire.
Cette volonté de développer le nombre de volontaires du service civique ne doit toutefois pas occulter les incertitudes qui demeurent sur l’aspect qualitatif des expériences proposées à ces jeunes. Ce service civique peut être comparé à un « faux nez » qui masque le désengagement massif et continu de l’État du soutien global aux activités des associations de jeunesse et d’éducation populaire. Vous préférez concentrer des moyens sur des programmes et des dispositifs gérés en direct, au détriment d’une politique d’accompagnement et de développement de la vie associative ! Ce service civique ne peut, à lui seul, tenir lieu de politique publique en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire ! S’agit-il d’une politique pour tous les jeunes ou de quelques mois de volontariat associatif pour quelques-uns ?
De nombreuses difficultés techniques sont apparues dans les procédures de gestion relatives au fonctionnement du service civique, ce qui a entraîné des retards dans le versement des indemnités aux volontaires. Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que vous disposez de moyens supplémentaires pour mettre fin à de tels dysfonctionnements ?
Un récent rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi relative au service civique a pointé de nombreux blocages remettant en cause le respect des objectifs assignés à ce dispositif : un défaut de mixité sociale, une sous-représentation des jeunes de niveau scolaire inférieur au baccalauréat, un moindre développement dans les territoires ruraux par manque de moyens, un défaut de contrôle, faute d’effectifs, par l’Agence du service civique de la qualité des missions et de leur conformité aux agréments délivrés, l’absence d’un réseau de pilotage de proximité, la conception du service civique comme un dispositif national, alors qu’il intègre tous les volontariats internationaux, beaucoup plus coûteux. Surtout, deux écueils importants ont été mis en évidence : le risque de substitution à l’emploi – 42% des engagés dans un service civique en 2010 étaient à la recherche d’un emploi – et le « recyclage » des missions antérieures.
En matière de tutorat et de formation civique et citoyenne des jeunes engagés dans un service civique, ce dispositif connaît un échec total. Quand pensez-vous, madame la secrétaire d’État, annoncer la parution du décret nécessaire pour autoriser l’Agence du service civique à subventionner les organismes d’accueil afin qu’ils puissent assurer cette formation ?
Le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse connaît une diminution de ses crédits : ils ont baissé de 44,4 %, pour s’établir, en 2011, à 20 millions d’euros, contre 45 millions d’euros en 2010. Aucune évaluation d’étape n’a été réalisée, alors qu’il est prévu que ce fonds existe jusqu’en 2014. Quels objectifs lui avez-vous fixés, madame la secrétaire d’État ?
Le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse et, plus largement, la politique en faveur de la jeunesse sont exemplaires du désengagement de l’État, dans un double mouvement de sollicitation des collectivités locales et du secteur privé, en l’espèce la société Total et l’Union des industries et des métiers de la métallurgie. C’est ainsi que l’entreprise Total s’est engagée, en partenariat avec l’État, à verser une contribution nette globale de 50 millions d’euros sur la période 2009‑2014. Nous souhaiterions plus de transparence dans l’intervention de tels crédits. Permettez-moi de vous faire part de nos inquiétudes, madame la secrétaire d’État, quant à cette menace de placer la politique de la jeunesse sous tutelle du secteur privé. L’introduction d’une logique marchande dans l’emploi de ces crédits budgétaires, illustrée par le recours aux procédures d’appel à projets, pose problème.
Une fois de plus, force est de constater le désengagement de l’État, qui abandonne le soutien à la vie associative alors que les bénévoles et les jeunes ont plus que jamais besoin de l’aide des pouvoirs publics.
Promouvoir et faciliter l’engagement bénévole, inscrire dans la durée les financements, améliorer les outils de connaissance de la vie associative, soutenir les regroupements associatifs, notamment les fédérations d’associations et les conférences, comme lieux de concertation, de mutualisation, d’expertise et de représentation, voilà autant de perspectives de nature à assurer l’essor de la vie associative.
Confiance réciproque et transparence dans le partenariat constituent les conditions essentielles du renouveau des relations entre le secteur associatif et les pouvoirs publics. La vie associative perdrait rapidement ses marques si elle n’était pas toujours soutenue par les collectivités territoriales.
Bref, ce projet de budget consacre la perte de moyens publics. Il s’inscrit dans une logique confirmée d’abandon de la mission éducative. C’est un projet de budget en trompe-l’œil, que notre groupe rejette donc.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste
EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le report de l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » de mercredi dernier à cet après-midi nous prive de la présence dans cet hémicycle de M. Alain Dufaut. Je vais donc vous faire part des réflexions qu’il aurait voulu vous soumettre lui-même.
M. Jean-François Humbert.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que vous bénéficiez d’un
Très bien !
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis.
Je consacrerai plus spécifiquement cette intervention au programme « Sport ».
M. Jean-François Humbert.
On pouvait s’attendre à ce que les crédits de ce programme pâtissent des arbitrages budgétaires, compte tenu du contexte économique très défavorable, mais l’examen détaillé du projet de budget fait apparaître que l’essentiel est préservé.
Tout d’abord, 726 équivalents temps plein travaillé sont transférés aux CREPS, ce qui représente au sein du programme « Sport », au titre de la subvention pour charges de service public, 43 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
En outre, dans le projet de loi de finances, 16 équivalents temps plein travaillé sont transférés au Musée national du sport, pour un montant total de crédits de 0,817 million d’euros.
Si l’on neutralise les effets de cette mesure, et hors amendements de réserve parlementaire, lesquels avaient abondé le budget du sport à hauteur de 8,25 millions d’euros dans la loi de finances pour 2011, on constate que, à périmètre budgétaire constant et hors fonds de concours, les crédits de paiement inscrits au programme « Sport », qui s’élèvent à 204,5 millions d’euros, ne diminuent que de 1,8 %, tandis que les autorisations d’engagement atteignent 201,3 millions d’euros, soit une hausse de 2,3 %.
Sur le fond, la volonté d’investir pour permettre à tous les Français d’accéder à la pratique du sport est clairement présente à l’heure de définir le budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». C’est pourquoi l’État maintient son soutien à l’accès au sport pour tous. Aussi la diminution des crédits qui doivent permettre d’atteindre cet objectif est-elle intégralement compensée par l’augmentation de 3,5 millions d’euros des crédits du fonds de concours provenant du CNDS. Les subventions accordées aux fédérations sportives dans le cadre des conventions d’objectifs seront donc maintenues en 2012 au même niveau qu’en 2011.
Les fédérations sportives soutiennent autant les amateurs de talent que les professionnels de haut niveau. Là aussi, le choix est fait d’investir au bénéfice du sport de haut niveau, à travers la rénovation des bâtiments de l’INSEP.
Dans un proche avenir, notre pays accueillera l’Euro 2016. Alain Dufaut a été rapporteur du projet de loi présenté par notre désormais collègue Chantal Jouanno visant à faciliter le financement par les collectivités territoriales des stades retenus pour accueillir cet événement. De manière plus générale, l’État se doit de poursuivre l’effort d’investissement en faveur des grands équipements sportifs, en particulier des stades. Après l’Euro 2016, la Ligue 1 de football disposera de stades permettant d’accueillir le public dans de bonnes conditions, notamment de sécurité.
Le CNDS contribuera donc au financement des stades de l’Euro 2016 à hauteur de 168 millions d’euros. Cet apport est garanti par l’attribution d’une recette nouvelle de 120 millions d’euros tirée d’un prélèvement sur les mises encaissées par la Française des jeux et par l’évolution du panier des recettes affectées au CNDS, en particulier la taxe créée en 2010 sur les jeux en ligne, qui rapportera 31 millions d’euros.
De plus, le CNDS dispose, à la fin de l’année 2011, d’une trésorerie très importante, s’élevant à 46 millions d’euros, qui ne doit pas rester inutilisée.
Dans le même esprit, la subvention de l’État au consortium gestionnaire du Stade de France sera en très forte progression et s’établira à 12 millions d’euros en 2012. Cette hausse traduit non seulement le souci de l’État de préserver cet équipement des répercussions de la crise économique, mais également le nouveau partage des ressources financières entre la Fédération française de football et le Consortium Stade de France.
Par ailleurs, si nous pouvons nous enorgueillir des réussites de nos sportifs nationaux, nous devons aussi saluer le fait que notre pays soit en pointe en matière de lutte anti-dopage. À ce sujet, je tiens à saluer l’extraordinaire travail accompli ces dernières années, notamment par l’ancien ministre Jean-François Lamour et par l’ancien président de l’Agence française de lutte contre le dopage, M. Pierre Bordry.
Cette politique de lutte contre le dopage doit se poursuivre. À cet égard, je salue la décision de reconduire la subvention de l’État à l’Agence française de lutte contre le dopage, qui s’établira à 7,8 millions d’euros en 2012. Toutefois, Alain Dufaut, rapporteur au Sénat de tous les textes relatifs au dopage, en particulier de la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs présentée par Jean-François Lamour, souhaitait évoquer les propos irresponsables de Yannick Noah, qui a frappé fort en accusant le sport espagnol et en demandant ensuite d’« accepter le dopage en France ». De tels propos sont scandaleux dans la bouche d’un ancien sportif de haut niveau, qui est de surcroît la personnalité préférée des Français. Les jeunes qui veulent faire une carrière sportive doivent-ils écouter M. Noah et prendre la fameuse « potion magique » qu’il évoque ? Ces propos sont graves. M. Noah a-t-il oublié que le dopage tue ? Faut-il lui rappeler les quarante morts, depuis 1973, parmi les anciens footballeurs italiens du
Vous avez, monsieur le ministre, largement exprimé votre consternation devant ces propos. Vous avez mille fois raison : on ne peut pas laisser M. Noah désavouer ainsi les acteurs de la lutte anti-dopage ou l’exemplarité du suivi biologique des athlètes français. Il est temps d’écarter les champions de la dope de toutes les compétitions nationales et internationales, afin de retrouver un sport propre, seul garant à la fois de l’éthique et de la santé des sportifs.
Enfin, le sport est un enjeu majeur en termes d’éducation, d’insertion sociale, d’apprentissage du respect des règles, du respect de l’autre. Ces valeurs qui font l’olympisme sont évidemment celles de toute société civilisée,
a fortiori
En conclusion, monsieur le ministre, je tenais à vous dire que la Haute Assemblée sera toujours disposée à mener à vos côtés et à soutenir toutes les actions bénéfiques au développement du sport français, de manière que la pratique sportive profite au plus grand nombre de nos concitoyens.
Le groupe UMP dans son ensemble votera, bien sûr, ce projet de budget.
La parole est à M. Vincent Eblé.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, chers collègues, c’est bien un budget du sport en baisse, et même en berne, que nous examinons aujourd'hui. Les chiffres sont éloquents : les crédits du programme « Sport » représentent moins de 0,3 % du budget de l’État ; on est très loin de l’objectif de 3 % annoncé par le Président de la République au début de son mandat.
M. Vincent Eblé.
Les orientations de ce projet de budget sont également très significatives. Le lien entre le sport et la santé ainsi que la promotion du sport pour tous étaient de grands objectifs du mandat du Président de la République : c’est donc très logiquement que les moyens alloués sont en baisse…
Jamais la source du financement du sport amateur n’a été à ce point tarie : jamais ! Or, tous les acteurs du sport que nous avons pu auditionner dans le cadre de l’examen de ce projet de budget nous ont dit que, sans le sport de masse, le sport de haut niveau ne serait pas ce qu’il est. Prioritaire en cette année olympique, le sport de haut niveau n’est d’ailleurs pas beaucoup mieux loti ; c’est dire !
Avant d’évoquer les grands axes de ce projet de budget, je ferai quelques remarques sur la façon incohérente dont il est construit.
En effet, la dotation de l’État prévue est inférieure à celle d’un fonds de concours provenant d’un organisme extrabudgétaire ! La gestion du personnel est, quant à elle, assurée par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. Cela est pour le moins surprenant et contraire aux principes posés par la loi organique relative aux lois de finances.
En outre, les changements de périmètres au fil des années, les modifications de présentation comptable, ainsi que la valse des ministres, ne contribuent pas à rendre lisibles les crédits de cette mission.
Ces remarques étant faites, j’en viens à l’examen de la répartition des crédits selon les grands axes du projet de budget.
En premier lieu, les moyens alloués à la promotion de la santé par le sport sont en baisse. Les crédits de l’Agence française de lutte contre le dopage sont constants, mais nous savons tous que cette lutte nécessite chaque année des innovations. Il est dommage de perdre du terrain alors que la France est reconnue partout comme étant en pointe dans ce domaine.
En deuxième lieu, la promotion du sport pour tous est le parent pauvre du projet de budget pour 2012, avec 8,21 millions d’euros de crédits en 2012, contre 26,18 millions d’euros trois ans plus tôt ! À ce niveau, il est difficile de croire que le ministère ambitionne de mener une politique d’intérêt général. La promotion du sport pour tous, action en direction du grand public, qui permet de détecter nos futurs champions, est pourtant le cœur de métier des fédérations.
Si les crédits alloués aux fédérations sont stables, c’est par la seule grâce des fonds de concours. Toutefois, nombre de représentants des fédérations ne peuvent atteindre les objectifs assignés de diversification des pratiques. Nous courons ainsi le risque de voir s’éloigner du sport un certain nombre de nos concitoyens : je pense aux personnes handicapées, aux publics socialement défavorisés, aux femmes ou encore aux habitants des zones rurales.
Le quatrième axe majeur de ce projet de budget est le sport de haut niveau. Force est de constater que l’échéance olympique n’amène pas vraiment à attribuer plus de moyens aux sportifs de haut niveau. La hausse spectaculaire des crédits résulte en effet du transfert de personnels des CREPS. Ne nous y trompons pas !
C’est dans ce contexte que s’achève la réforme des infrastructures accueillant les sportifs de haut niveau. Les CREPS ont ainsi recentré leurs missions et ont vu en conséquence leur nombre diminuer et leurs effectifs baisser de 5 %. Nous verrons prochainement si cette politique était la bonne.
La rénovation de l’INSEP est une bonne chose, à condition qu’on lui donne également les moyens de bien fonctionner au quotidien. De la même façon, si nous considérons avec bienveillance la mise en place d’un dispositif spécifique d’ouverture de droits à la retraite pour les sportifs amateurs de haut niveau représentant la France dans les compétitions internationales, nous estimons qu’il faut avoir en la matière la même ambition que celle qui s’impose à nos sportifs avant les grandes échéances : il faut étudier la possibilité d’étendre ce dispositif afin de mieux prendre en compte la durée réelle d’une carrière.
Enfin, le cas du CNDS est symptomatique à la fois de la volonté d’externaliser les politiques publiques et de l’incapacité à se placer à la hauteur des enjeux qui caractérisent ce projet de budget. Censé accompagner le financement des grands stades et permettre le développement du sport dans les territoires, le CNDS n’est pas doté de moyens à la mesure des missions qui lui sont assignées. Nous avons souhaité, dans cette assemblée, lui en donner davantage par le biais du prélèvement exceptionnel « Trucy ». La majorité de l’Assemblée nationale nous a suivis, monsieur le ministre, et elle est même allée plus loin, mais vous l’avez contredite en faisant rejeter cette mesure ! Dans ces conditions, il faudra nous expliquer comment le CNDS pourra assumer son rôle.
Parce que nous refusons ce recul, nous avons de nouveau déposé un amendement visant à permettre au CNDS de financer son action en relevant le taux du prélèvement opéré sur les mises encaissées par la Française des jeux.
Nous entendons également soutenir le financement du CDNS en élargissant l’assiette de la taxe « Buffet ». Cela permettra notamment de mettre à contribution les opérateurs fiscalement installés hors de France, qui étaient jusque-là injustement exemptés de cette taxe.
Nous soutiendrons donc les deux amendements adoptés par la commission.
Telles sont les inquiétudes et les réserves que nous inspire ce projet de budget. Le retrait de l’État oblige les collectivités à investir davantage alors qu’elles sont déjà les premières contributrices à la vie du mouvement et des équipements sportifs. Je pense notamment aux communes, qui y consacrent plus de 9 milliards d’euros chaque année. Dans un contexte d’étranglement budgétaire des collectivités, il n’est pas possible de pallier les défaillances de l’État. Collectivités et élus locaux sont donc condamnés à voir leurs associations et leurs équipements se dégrader. Devant ces difficultés, nombre de collectivités se voient contraintes de s’en remettre à l’offre privée, laquelle n’a pas pour vocation première de s’ouvrir au plus grand nombre. Je crains donc que la France n’ait de plus en plus de mal à demeurer une grande nation sportive, en dépit de l’engagement de nos bénévoles et de la qualité de nos athlètes.
Pour ces nombreuses raisons, je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste‑EELV, à voter contre les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste
EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis bientôt cinq ans, nous avons mis en œuvre de nombreuses réformes en faveur de la jeunesse, ayant pour point commun de viser à donner à tous nos enfants les moyens d’aller jusqu’au bout de leurs capacités et de leurs projets, l’objectif prioritaire étant de leur permettre d’accéder à l’autonomie, en conciliant responsabilité et solidarité.
Mme Catherine Procaccia.
Il me semble important de rappeler que l’action gouvernementale menée depuis 2007 en faveur des jeunes âgés de 16 à 25 ans témoigne d’une réelle ambition, fondée sur des méthodes innovantes et des dispositifs flexibles.
Sur l’initiative du Président de la République, un plan global « Agir pour la jeunesse » a été présenté à Avignon en 2009, afin de répondre aux besoins des jeunes et de leurs familles. Dans le même ordre d’idées, on peut aussi rappeler la réforme de l’université, celle du lycée, l’opération Campus, le développement de l’apprentissage et de l’alternance, le relèvement du montant des bourses, la défiscalisation des salaires des étudiants, l’extension du revenu de solidarité active aux jeunes de moins de 25 ans, la création de 40 000 places de logement étudiant en trois ans.
Cette année encore, dans le contexte général de réduction des dépenses publiques qui marque le projet de budget pour 2012, le programme « Jeunesse et vie associative » constitue une exception, qu’il convient de souligner, dans la mesure où les crédits qui lui sont affectés augmentent de près de 8 %, pour s’établir à 230 millions d’euros.
Les crédits de ce programme traduisent notamment l’effort de l’État pour accompagner la montée en puissance du service civique, créé par la loi du 10 mars 2010 – M. Collin en a revendiqué tout à l’heure la paternité ! – et dont la vocation est de valoriser l’engagement des jeunes souhaitant servir l’intérêt général.
Géré par un groupement d’intérêt public, l’Agence du service civique, le service civique est entré en application à la mi-2010. Je rappelle qu’il concerne principalement les jeunes âgés de 16 à 25 ans qui veulent s’engager pour une durée de six à douze mois.
Les premiers résultats sont encourageants : le service civique concernera 25 000 jeunes en 2012 et 10 % d’une classe d’âge en 2014.
Je me réjouis que le Gouvernement consacre des crédits importants à la montée en puissance de ce dispositif novateur : 134 millions d’euros lui sont alloués pour 2012.
À cet égard, permettez-moi, mes chers collègues, d’évoquer l’engagement exemplaire de nos jeunes à Haïti. Nous en sommes à la troisième promotion de volontaires du service civique en partance pour ce pays ami dévasté.
C’est très bien !
M. Yvon Collin.
Ces jeunes sont fiers de leur engagement : la solidarité n’est pas pour eux un mot creux. Dès le lendemain du séisme, des jeunes en provenance de nos territoires d’outre-mer étaient sur place. Si la première promotion a connu quelques difficultés, je tiens à saluer ici le courage de ces jeunes, d’autant que 60 % des engagés au titre du service civique sont des femmes, ce dont je me réjouis.
Mme Catherine Procaccia.
Si ce dispositif est exemplaire à bien des égards, je tiens néanmoins à en pointer quelques faiblesses, qu’il conviendrait de corriger.
En particulier, au vu des chiffres figurant dans le rapport sur la mise en application de la loi relative au service civique rédigé par les députés Bernard Lesterlin, du groupe SRC, et Jean-Philippe Maurer, du groupe UMP, la question de la mixité sociale se pose sérieusement. En effet, près de 70 % des jeunes qui effectuent un service civique sont au moins titulaires du baccalauréat. Il me semble donc qu’un effort supplémentaire devrait être fait en faveur des non-diplômés.
Par ailleurs, si l’Agence du service civique a déjà pris des mesures afin d’orienter davantage le dispositif vers les jeunes issus des quartiers en difficulté, nous devons multiplier les signatures de conventions avec les missions locales de la politique de la ville. L’objectif serait de toucher les jeunes de ces quartiers, notamment ceux que l’on appelle les « décrocheurs », afin de leur offrir, avec le service civique, l’occasion de se resocialiser et de bénéficier d’une expérience positive au sein de notre société.
Tout à fait !
M. Yvon Collin.
Enfin, il serait souhaitable de mettre en place un contrôle de l’application du service civique. Dans leur rapport, nos collègues constatent en effet que certains contrats au titre du service civique tendent à se substituer à l’emploi. Ce phénomène rappelle beaucoup celui des emplois déguisés en stages que j’ai souvent dénoncé à cette tribune.
Mme Catherine Procaccia.
Au-delà de la question des moyens financiers et de celle de l’élaboration de méthodes de contrôle, il est important de valoriser les compétences acquises lors de ces expériences si enrichissantes pour nos jeunes et de mieux accompagner ceux-ci à l’issue du service civique.
Je me réjouis que, en cette année emblématique – 2011 a été déclarée année européenne du bénévolat et du volontariat –qui est celle du cent-dixième anniversaire de la loi de 1901 et, bien plus modestement, du premier anniversaire de la mise en place du service civique, le Gouvernement accorde au monde associatif l’attention qui lui est due.
En effet, les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » sont eux aussi stabilisés : les subventions aux associations partenaires sont maintenues à hauteur de 10 millions d’euros, de même que les postes relevant du FONJEP, avec une dotation de 25 millions d’euros, les crédits affectés à la formation des bénévoles, à hauteur de 10,8 millions d’euros, ainsi que les crédits alloués au réseau information jeunesse, au véritable observatoire qu’est l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, l’INJEP, au programme « Envie d’agir », que le Gouvernement a pérennisé, au Fonds d’aide aux jeunes et à la mobilité internationale.
Mes chers collègues, si, depuis trois ans, nous agissons pour réduire nos déficits et revenir à l’équilibre budgétaire, c’est avant tout pour pouvoir transmettre aux générations qui viennent le modèle social que nous avons nous-mêmes reçu des générations qui nous ont précédés.
Agir pour la jeunesse, c’est donc le cœur du projet de la majorité présidentielle. Il faut placer l’innovation au centre de nos politiques publiques pour la jeunesse. Innover, c’est poursuivre le développement du service civique.
Nous sommes convaincus qu’il est nécessaire d’offrir aux jeunes désireux de s’engager au service d’une cause un cadre souple et efficace leur permettant d’aller jusqu’au bout de leurs projets.
Vous l’aurez compris, le groupe UMP votera avec enthousiasme les crédits de cette mission.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
La parole est à Mme Dominique Gillot.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en plus d’être une source de plaisir, d’épanouissement et de bien-être personnel, le sport est porteur de valeurs universelles. Aller au-delà de ses limites physiques est particulièrement important pour les personnes handicapées qui s’engagent dans une pratique sportive.
Mme Dominique Gillot.
Le ministère des sports ne prend pas suffisamment en considération les personnes handicapées dans le cadre de son action en direction du mouvement fédéral et du loisir sportif, non orienté vers la compétition.
Au sein du mouvement fédéral, la représentation des personnes handicapées reste faible. La Fédération française handisport compte 24 000 athlètes licenciés et la Fédération française du sport adapté 43 000, ce qui signifie que moins de 30 % des personnes handicapées ont une pratique sportive.
Par ailleurs, on constate de fortes disparités dans l’affectation des moyens de la Fédération française handisport. Comme pour les valides, le ministère porte une plus grande attention au sport de haut niveau, source de médailles et de prestige national, qu’au sport intégratif et non compétitif.
La diminution de 5 % en 2012 du budget du CREPS du Centre, le pôle ressources national sport et handicaps, est à ce titre inacceptable.
L’accès au sport loisir, sans prendre de licence, reste aussi en devenir. Mis en place en 2001, les labels « tourisme et handicap » restent peu répandus dans les structures de loisirs sportifs, à l’exception des aires de jeux, des campings ou autres centres de vacances éloignés des grands centres. Dans ce domaine, seule l’action des collectivités territoriales, sans aucune aide de l’État, semble efficace s’agissant des îlots de vie sociale que constituent les bases de plein air et de loisirs à vocation urbaine. À ce titre, monsieur le ministre, je vous invite à venir visiter la base de loisirs de Cergy-Pontoise, que je préside.
Je la connais !
M. David Douillet,
ministre des sports.
La région d’Île-de-France y a investi 1,8 million d’euros pour que toutes les activités sportives soient librement accessibles à toute personne handicapée, avec l’appui d’agents formés à cet effet par la base de loisirs.
Mme Dominique Gillot.
Il est de votre responsabilité, monsieur le ministre, de promouvoir toute pratique sportive. Facteur d’intégration sociale mais aussi de reconnaissance individuelle, le sport contribue à renforcer l’estime de soi chez ceux qui sont marqués par une déficience, qu’elle soit acquise ou de naissance. Pour ceux qui deviennent handicapés, le sport représente une occasion de développer de nouvelles aptitudes. Comme pour toute autre personne, la pratique sportive est pour eux un effort qui émancipe, qui libère et qui permet de révéler des capacités, à soi-même et à autrui.
Les athlètes handisport méritent la considération, le respect et l’admiration ! Qu’allez-vous faire, monsieur le ministre, pour que cela trouve une traduction lors des jeux Olympiques de 2012 ? Les jeux Paralympiques de Pékin ont passionné près de 4 milliards de personnes à travers le monde, soit plus de deux fois l’audience totale des jeux d’Athènes en 2004. Oui, les athlètes handisport soulèvent l’enthousiasme, et la télévision publique serait bien avisée de s’en rendre compte !
Les collectivités territoriales devront appliquer d’ici à 2015 les dispositions de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, sans bénéficier d’aucune aide de l’État. Malgré ce lourd transfert de charges, des progrès sont accomplis en matière d’accessibilité des infrastructures sportives. Mais la loi ne se limite pas aux seuls aspects matériels ; elle consacre aussi le droit des personnes handicapées à prendre toute leur place dans la société et vise à favoriser un changement de regard sur les personnes à besoins spécifiques ou d’aspect différent.
Un sportif handicapé, amateur ou même d’élite, doit développer des efforts plus importants encore que son congénère valide et se dépenser beaucoup plus que lui pour pouvoir se déplacer, s’équiper ou se faire reconnaître. Loin d’être un frein ou un poids dans un club, il est bien souvent un facteur de cohésion, de solidarité, d’exemplarité. Les différences commencent à s’estomper, notamment grâce à de magnifiques athlètes comme Oscar Pistorius, qui a gagné le droit de courir avec les valides, et même de les battre !
La démocratisation de ce mouvement sportif reste toutefois à faire. Les clubs ne sont pas assez soutenus dans l’intégration des athlètes handicapés. Ils ont du mal à financer les déplacements de leurs équipes, qui requièrent des moyens spécifiques. Les crédits destinés à la promotion du sport pour le plus grand nombre, bien qu’en forte diminution, devraient comporter un volet volontariste sur ce point.
Pour donner à chacun la possibilité d’accéder au sport de son choix, il faut aussi développer la formation aux enseignements d’éducation physique et sportive à destination des personnes handicapées. Il faudrait aussi généraliser l’aide individuelle au financement des licences handisport et sport adapté, comme le font déjà certaines collectivités territoriales.
L’égalité d’accès à l’activité physique et sportive est essentielle. Elle devrait être partie intégrante d’une politique de santé publique, de sport, de loisirs et d’éducation populaire partagée. Malheureusement, nos rapporteurs ont bien noté que nous nous trouvions à un point de rupture, seulement la moitié des crédits de l’action n° 3, Prévention par le sport et protection des sportifs, étant affectée à cette fin.
Le sport contribue au bien-être de tous, en particulier des publics spécifiques. Parce qu’il rassemble, le sport est un des moteurs de notre vie en commun. Accessible à tous, il est un formidable outil de mixité sociale et d’égalité au-delà des différences. Il permet à chacun, quel que soit son éventuel handicap de départ, de se surpasser.
Malheureusement, la part du budget de l’État consacrée à cette ambition républicaine est très largement insuffisante : c’est ce qui nous conduit à rejeter les crédits de la mission.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi un honneur, mais aussi un véritable plaisir, de présenter le programme « Sport » devant la Haute Assemblée.
M. David Douillet,
ministre des sports.
Ce budget est stable et je m’en réjouis. J’ai bien entendu la remarque des rapporteurs concernant le rôle croissant du Centre national pour le développement du sport dans le financement de la politique sportive. Je rappelle que le CNDS est un opérateur de l’État : il met en œuvre la politique de l’État au même titre que les services du ministère. C’est d’ailleurs le ministère des sports qui lui fixe ses orientations stratégiques chaque année.
J’observe que l’Assemblée nationale et le Sénat ne sont pas tenus à l’écart de la gestion du CNDS. Leurs rapporteurs des crédits de la mission « Sport » sont régulièrement invités aux réunions du conseil d’administration.
Vous le voyez, l’État ne se désengage pas en matière sportive, malgré un contexte budgétaire difficile. Le budget consolidé des sports soumis à la Haute Assemblée s’élève à 868 millions d’euros. Nous participons évidemment, comme tous les autres ministères, à l’effort d’économies demandé par le Premier ministre, à concurrence de 7 millions d’euros, par le biais d’un plafonnement du prélèvement sur les paris sportifs affecté au CNDS, pour 5 millions d’euros, et d’une diminution de 2 millions d’euros des crédits du programme 219.
Par ailleurs, je tiens à souligner les efforts budgétaires accomplis par le passé. Le budget du CNDS a ainsi augmenté de 58 % entre 2006 et 2012. Le budget consolidé des sports a lui aussi progressé de 58 %, entre 2002 et 2012.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République et le Premier ministre ont tenu à maintenir un ministère des sports de plein exercice, doté des moyens d’agir. C’est la preuve de leur détermination à mener une politique sportive volontaire et ambitieuse.
L’État reste concentré sur ses priorités, au premier rang desquelles figure, évidemment, le sport pour tous.
Quelques-uns d’entre vous ont manifesté une certaine inquiétude quant à l’engagement de l’État en faveur du sport de masse. Les moyens destinés à la promotion du sport pour le plus grand nombre seront de 388 millions d’euros en 2012. Ce volume de crédits est bien supérieur à celui qui est consacré au sport de haut niveau, à savoir 298 millions d’euros. Je ne crois donc pas que l’on puisse parler d’un sacrifice de la politique de développement du sport de masse !
Je suis par ailleurs, comme le sénateur Jean Boyer, très attentif à la question du bénévolat. Son développement constitue une priorité du Président de la République et de mon action au ministère. Je profiterai de la Journée internationale du bénévolat, lundi 5 décembre, pour lancer un plan de formation de 1 000 jeunes bénévoles, futurs dirigeants d’associations.
Dès ma nomination, j’ai tenu à maintenir le versement des petites aides, notamment celles se montant à 750 euros, aux petits clubs. Les aides devaient normalement être rehaussées et concentrées sur des clubs un peu mieux structurés, mais je considère que ces sommes modestes sont indispensables aux petits clubs. Pour avoir évolué dans l’un d’entre eux, je connais l’importance de 750 euros : ce montant compte parfois plus pour une petite structure que 5 000 ou 10 000 euros pour une plus grande, qui a souvent les moyens de se doter d’un dispositif de marketing sportif pouvant lui rapporter bien davantage.
Pour faciliter le développement du sport pour tous et protéger nos bénévoles, j’ai aussi procédé à une simplification des circulaires administratives et des dossiers de demande de subventions. J’ai demandé au CNDS de mettre en place cet allégement des charges administratives.
J’ai également demandé à ce que les centres de ressources et d’information des bénévoles, les CRIB, soient redynamisés : certains fonctionnent très bien, d’autres un peu moins.
Enfin, dernière preuve que ma première priorité est le développement du sport pour tous, j’ai demandé aux fédérations sportives,
Comme d’habitude, certains d’entre vous ont opposé sport de haut niveau et sport de masse, mais l’un ne va pas sans l’autre !
(M. Pierre Martin, rapporteur pour avis, applaudit
Très bien !
M. Jean-François Humbert.
En effet, nous avons besoin d’une large base de pratiquants pour faire émerger des champions. Réciproquement, le sport de haut niveau suscite énormément de vocations et a des répercussions concrètes sur les taux de pratique.
M. David Douillet,
Nous continuons donc également d’accompagner le sport de haut niveau. Le projet de budget pour 2012 attribue 46,6 millions d’euros à l’INSEP. À ce sujet, monsieur Le Scouarnec, les dépenses liées au partenariat public-privé concernant l’INSEP se limiteront, en 2012, à 12,4 millions d’euros, ce qui correspond, en réalité, à moins de 7 % des crédits du sport de haut niveau. Ce n’est donc pas l’essentiel de ce budget, comme vous l’avez affirmé.
Les écoles nationales et les CREPS bénéficieront de 74 millions d’euros. Nos établissements sont pleinement concentrés sur la préparation des échéances olympiques et paralympiques.
À ce propos, soyez assurée, madame Gillot, que je suis, moi aussi, extrêmement attaché au développement du handisport. Quel exemple donnent à la France ces athlètes qui, malgré leur handicap, réalisent de véritables exploits ! Au travers de la convention d’objectifs, les moyens alloués à cette politique ont augmenté, pour passer de 3,7 millions d’euros en 2003 à plus de 10 millions d’euros en 2011. Quelque 150 conseillers techniques sportifs sont affectés à la Fédération française handisport et à la Fédération française de sport adapté, ce qui représente une dépense de 1,3 million d’euros en faveur du sport pour les handicapés.
Comme d’habitude, certains d’entre vous s’interrogent sur la budgétisation des primes qui seront versées aux futurs médaillés des jeux Olympiques de Londres.
Pourquoi « comme d’habitude » ?
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
Je tiens à vous rassurer : ces primes seront bien financées et versées. Cependant, leur montant total est évidemment difficile à estimer et elles ont un caractère non régulier. Le Gouvernement a donc choisi de renvoyer le financement des primes à un projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en 2012.
M. David Douillet,
Le budget n’est donc pas sincère !
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
Cette méthode est inhabituelle !
M. Jean-Jacques Lozach,
rapporteur pour avis.
Concernant les grands équipements, nous continuons de rattraper notre retard. Une enveloppe de 50 millions d’euros a été réservée, sur le budget du CNDS, pour soutenir les collectivités qui porteront des projets d’« arena ».
M. David Douillet,
Je vous sais également préoccupés par la situation du Stade de France. Je vous comprends ! Le modèle économique qui justifiait les termes du contrat passé en 1995 ne convient évidemment plus. Il est anormal que l’État ait à verser une indemnité annuelle au Consortium du Stade de France encore aujourd'hui, qui atteindra 12 millions d’euros en 2012. L’État doit compenser l’absence de club résident, qui perdure quinze ans après la création du Stade de France. Cette situation n’est pas normale, c’est pourquoi j’ai engagé des discussions simultanées avec le Consortium Stade de France et les fédérations françaises de rugby et de football, afin de faire émerger un nouveau modèle économique, plus équilibré et plus favorable aux intérêts de l’État. En ce qui concerne le projet de grand stade de la Fédération française de rugby, ce dossier est intimement lié aux négociations que j’évoquais à l’instant.
Les membres de la commission des finances souhaitaient également des précisions sur les crédits consacrés au projet de base avancée en Guyane. Sachez que la participation de l’État s’élève à 14 millions d’euros, dont 8 millions d’euros apportés par le CNDS.
Enfin, j’aborderai la question du dopage. M. Jean-François Humbert a condamné à juste titre les propos tenus voilà quelques semaines par un ancien champion.
La lutte contre le dopage reste l’une de nos priorités. À ce titre, le financement de l’Agence française de lutte contre le dopage sera maintenu en 2012, à hauteur de 7,8 millions d’euros.
La semaine dernière, j’ai visité le laboratoire de l’AFLD à Châtenay-Malabry. Nous pouvons véritablement être fiers de cette structure, dont la qualité des travaux est saluée et reconnue à l’échelon international. C’est en son sein qu’a été créé le système de détection de l’érythropoïétine, l’EPO, permettant de confondre les athlètes qui ont recours à ce produit.
J’ai clairement pris position pour la pénalisation de l’usage de produits dopants par les sportifs. Je suis également favorable à la création d’un délit de corruption sportive pour les jeux et paris en ligne. À mes yeux, le dopage et la corruption sont des formes de tricherie qui appellent la plus grande fermeté.
Tout à fait !
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis.
Quand un athlète se dope, outre qu’il met sa vie en péril, il vole la médaille, la notoriété d’un autre. C’est une forme de « viol de vie » pour celui qui reçoit sa médaille
M. David Douillet,
a posteriori
Certains orateurs ont déploré l’absence de mesures législatives. Sachez que je soutiens ardemment l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2012 est l’expression de l’ambition du Gouvernement pour la jeunesse et la vie associative de notre pays. Il s’inscrit clairement dans la continuité des efforts et des réformes que nous avons menés et soutenus de manière volontariste depuis plus de quatre ans.
Mme Jeannette Bougrab,
secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Bien entendu, la politique en faveur de la jeunesse ne se résume pas aux crédits du programme 163. La lecture des documents budgétaires de politique transversale montrent que ce sont plus de 75 milliards d’euros qui seront consacrés à la jeunesse en 2012.
Alors que nous sommes dans un contexte budgétaire contraint, un effort a été consenti au bénéfice du programme 163, dont les crédits augmentent de 7,7 % par rapport à l’année précédente, pour s’établir à 230 millions d’euros, alors qu’ils dépassaient à peine 190 millions d’euros en 2010.
Cet effort vise à accompagner la montée en puissance du service civique, dispositif dont la mise en place résulte d’une initiative du groupe RDSE de votre assemblée, plus particulièrement de votre éminent collègue Yvon Collin. L’objectif est de permettre à notre jeunesse de révéler son potentiel, de donner une portée concrète à son désir de s’engager.
Les chiffres montrent que le service civique est un véritable succès. Aujourd’hui, près de 15 000 jeunes vont pouvoir accomplir un service volontaire. Ce dispositif répond aux véritables aspirations d’une jeunesse qui, contrairement aux clichés – selon un récent sondage, 80 % des adultes ont une image négative des jeunes, qu’ils jugent paresseux et égoïstes –, souhaite s’engager. La troisième promotion du service civique l’a montré en Haïti, par exemple, ou encore dans les territoires ultramarins, où des jeunes ont lutté contre l’épidémie de dengue.
Toutes les semaines, Luc Chatel et moi-même rencontrons des jeunes volontaires qui témoignent de l’expérience formidable qu’ils vivent dans le cadre du service civique. Certains d’entre eux disent y avoir trouvé un tremplin, une chance de donner du sens à leur vie ; nous croyons profondément que donner du sens à sa vie, c’est s’engager pour les autres.
J’aimerais rendre hommage au travail exemplaire qu’accomplissent Martin Hirsch et Jean-Benoît Dujol au sein de l’Agence du service civique. Selon un sondage de la TNS Sofres de mars 2011, plus de 88 % des jeunes qui effectuent un service civique en sont satisfaits et estiment que c’est pour eux une première expérience utile.
Oui, avec le service civique, nous disposons d’un outil moderne pour accompagner et soutenir la volonté d’engagement de cette jeunesse qui souhaite mettre toute son énergie au service de grandes causes. Il faut noter que chacun des candidats à la prochaine élection présidentielle veut le rendre obligatoire. C’est bien la preuve qu’il remplit les missions qui lui ont été assignées.
Depuis l’été 2010, le dispositif a connu une véritable montée en puissance puisque, cette année, 15 000 jeunes se sont engagés dans un service civique et que, l’année prochaine, nous financerons 25 000 missions, l’objectif étant bien qu’il concerne 10 % d’une classe d’âge, soit 75 000 jeunes, en 2014.
Nous tiendrons cet objectif en mettant prioritairement l’accent sur la qualité des missions. En effet, il ne s’agit pas d’offrir des missions tous azimuts qui ne correspondraient en réalité qu’à de pseudo-activités. Nous veillons, notamment lors de la procédure d’agrément des associations, qui nous permet d’exercer un contrôle
Nous assumons totalement qu’une place très importante soit réservée au service civique dans le cadre du programme 163, dont nous envisageons la construction en termes non pas de périmètre historique, mais de priorités politiques. Or le service civique est, depuis l’origine, une priorité pour le Gouvernement : nous nous réjouissons de l’augmentation des moyens qui lui sont alloués.
Madame Procaccia, vous l’avez à juste titre souligné, l’un des objectifs du service civique est la mixité sociale, que favorisait l’ancien service national, en permettait à des jeunes venus d’horizons différents de se retrouver, notamment au moment des classes.
À cet égard, s’il est vrai que 75 % des jeunes effectuant un service civique ont un niveau supérieur ou égal au baccalauréat, il ne faut pas oublier que près de 20 % d’entre eux sont issus des quartiers relevant de la politique de la ville. C’est aussi un indicateur de la mixité sociale que nous recherchons. Cela étant, nous nous engageons bien évidemment à faire davantage pour la promouvoir. La loi imposant au Gouvernement de présenter aux assemblées un rapport sur la mise en œuvre du dispositif du service civique, nous aurons l’occasion de faire le point et de discuter des éventuels réaménagements nécessaires. À cet égard, j’ai bien entendu les propositions du père du service civique !
J’ai une grande famille !
M. Yvon Collin.
(Sourires.)
Pour conclure sur ce sujet, je souhaiterais évoquer la valorisation
Mme Jeannette Bougrab,
secrétaire d'État.
a posteriori
Nous travaillons en outre à l’établissement de chartes avec les entreprises. Les directeurs des ressources humaines doivent être sensibilisés à la prise en considération du service civique et, plus largement, du bénévolat dans le cadre des recrutements et de l’insertion professionnelle. Je signerai une telle charte la semaine prochaine avec EDF.
Quant aux crédits dévolus aux missions classiques du programme « Jeunesse et vie associative », je tiens à préciser quelques points.
Les crédits consacrés à la vie associative sont maintenus. Je ne peux pas laisser dire qu’ils sont en baisse ! Je rappelle que les crédits déconcentrés représentent plus de 12,8 millions d’euros. S’agissant des politiques partenariales locales, je souligne que les subventions annuelles et pluriannuelles aux associations atteignent 10 millions d’euros, que le maintien des emplois FONJEP représente 25 millions d’euros, ou encore que les crédits destinés à la formation des bénévoles sont maintenus à 10,8 millions d’euros.
S’agissant des actions en faveur de la jeunesse, 8,6 millions d’euros sont consacrés au réseau information jeunesse, et 3 millions d’euros au programme « Envie d’agir ». Les crédits destinés aux organismes de mobilité internationale – l’Office franco-allemand pour la jeunesse, l’OFAJ, et l’Office franco-québécois pour la jeunesse, l’OFQJ – s’élèvent à plus de 12,5 millions d’euros.
Pour résumer, non, les crédits ne sont pas en baisse ; ils sont stabilisés alors même que, je le répète, la situation budgétaire est difficile. Ce projet de budget constitue donc un signal fort que nous adressons à la jeunesse et au monde associatif. Je souligne d’ailleurs que notre investissement en faveur du service civique profite à ce dernier, puisque 25 000 jeunes seront mis en 2012 à la disposition des associations. Ces jeunes représentent aussi un vivier qui permettra, demain, de rajeunir la population des bénévoles, dont la moyenne d’âge est supérieure aujourd’hui à 55 ans.
Le renforcement du soutien aux initiatives et à l’engagement des jeunes fait partie des priorités que Luc Chatel et moi-même avons définies. Nous la mettons en œuvre au travers du service civique et du programme « Envie d’agir ». N’oublions pas en outre que la pré-majorité associative permet désormais aux jeunes, dès l’âge de 16 ans, de créer leur propre association. La création du collège « jeunes » au sein du Conseil économique, social et environnemental relève du même esprit : nous croyons à l’engagement citoyen des jeunes
Mieux accompagner l’insertion des jeunes est aussi l’une de nos priorités. C’est ce que nous faisons au travers du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, grâce auquel 380 expérimentations ont été lancées sur l’ensemble du territoire. Je citerai l’aide à la préparation de l’examen du permis de conduire, dont le coût est au minimum de 1 500 euros. La mission locale de Bondy a bénéficié de plus de 1 million d’euros pour mettre en place cette action, qui a profité à quelque 700 jeunes et constitue un tremplin vers l’emploi, sachant que disposer d’un véhicule est nécessaire pour aller travailler à Roissy. Je pourrais évoquer bien d’autres actions, en faveur de la réussite scolaire, notamment avec les internats d’excellence, de l’accès au logement, de l’orientation scolaire, de l’égalité républicaine.
Je ne peux pas non plus laisser dire que l’utilisation du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse manque de transparence. Un conseil de gestion comportant des représentants de l’État est en place, ainsi qu’un conseil scientifique comptant des personnalités indépendantes, qui ont rendu un rapport. Je rappelle, monsieur Todeschini, que, pour la période 2009‑2013, 230 millions d’euros ont été alloués à ce fonds, dont 176 millions d’euros en provenance de l’État.
Pour ma part, je me réjouis que le secteur privé apporte des financements complémentaires à ceux de l’État. Je trouve très bien que des entreprises, à l’instar de Total, s’engagent aux côtés de l’État pour soutenir les politiques en faveur de la jeunesse. Aujourd’hui, les entreprises ne font pas suffisamment confiance aux jeunes, elles leur ferment la porte, en ne leur proposant souvent que des CDD, des emplois précaires.
Notre troisième priorité, ce sont les 14 millions de bénévoles, en cette Année européenne du bénévolat et du volontariat et en ce premier jour du Téléthon, campagne de dons à laquelle je vous invite à participer, mesdames, messieurs les sénateurs…
Ça alors !
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
C’est une initiative privée !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
J’estime normal de saluer cette action en faveur de la recherche, menée par des bénévoles !
Mme Jeannette Bougrab,
secrétaire d’État.
Ce projet de budget, en dépit de fortes contraintes, est ambitieux, puisqu’il affiche des crédits en augmentation de près de 8 %, et équilibré.
Le Gouvernement n’a absolument pas à rougir des mesures qu’il n’a cessé de prendre avec volontarisme, depuis 2007, en faveur de la jeunesse et du développement de la vie associative, notamment en mettant en place le Haut Conseil à la vie associative et en encourageant l’innovation et l’autonomie des jeunes par le biais du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Nous avons fait en sorte de renforcer la cohésion sociale au travers du monde associatif.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », figurant à l’état B.
M. le président.
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Sport, jeunesse et vie associative
481 477 351
484 632 688
251 595 872
254 751 209
Jeunesse et vie associative
229 881 479
229 881 479
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. le président.
Je confirme que la commission des finances est défavorable à l’adoption de ces crédits.
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L’amendement n° II-61 est présenté par M. Todeschini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-111 rectifié est présenté par M. Lozach et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 1609
novovicies
1° À la première phrase, le taux : « de 0,3 % » est supprimé ;
2° La deuxième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « En 2011, le taux de ce prélèvement est fixé à 0,3 % et son montant est plafonné à 24 millions d’euros. De 2012 à 2015, son taux est fixé à 0,36 % et son montant est plafonné à 28,5 millions d’euros par an. »
II. En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
Sport, jeunesse et vie associative
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-61.
Cet amendement vise à tirer les conséquences du choix, fait par le Gouvernement, d’augmenter la charge assumée par l’État au titre des travaux de construction ou de rénovation des stades en vue de l’organisation du championnat d’Europe de football de 2016. Au lieu de 150 millions d’euros, la quote-part de l’État passerait ainsi à 168 millions d’euros.
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
Cette charge est assumée par le CNDS, qui bénéficie, à cet effet, d’un prélèvement spécifique sur les mises encaissées par la Française des jeux, d’un taux de 0,3 % et dont le produit est plafonné à 24 millions d’euros par an, de 2011 à 2015. Ce dispositif résulte de l’adoption d’un amendement au projet de loi de finances pour 2011, qui avait été déposé par François Trucy.
Au total, le CNDS devrait donc bénéficier d’une ressource de 120 millions d’euros. La dépense prévue étant de 150 millions d’euros, cet établissement public est invité à puiser 30 millions d’euros dans son fonds de roulement. Après la décision du Gouvernement, cet effort risquait d’être porté à 48 millions d’euros.
Sur l’initiative de son rapporteur spécial, l’Assemblée nationale a donc proposé de majorer le prélèvement complémentaire de 2012 à 2015, pour un montant total de 18 millions d’euros, soit exactement la charge supplémentaire qui incombera au CNDS. Mais cette décision a été annulée lors de la seconde délibération à l’Assemblée nationale.
Le présent amendement vise à réintroduire le dispositif voté par les députés de la majorité présidentielle. Il ne s’agit pas là d’une initiative dépensière ; le prescripteur de la dépense publique est, en l’occurrence, le Gouvernement, qui a choisi d’augmenter de 18 millions d’euros la participation de l’État aux travaux de rénovation des stades devant accueillir l’Euro 2016, lui et personne d’autre.
Il ne s’agit pas non plus de défendre à tout prix un quelconque corporatisme. Ainsi, la commission des finances du Sénat a demandé une enquête sur le CNDS à la Cour des comptes, dont nous aurons les résultats l’an prochain. S’il devait apparaître, à l’issue de ces travaux, que cet établissement public dispose encore de confortables réserves, nous pourrions réviser notre position. Mais, pour l’heure, il est plus sage d’en rester à l’équilibre défini l’année dernière : tel est l’objet de cet amendement.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II‑111 rectifié.
M. le président.
Cet amendement a été adopté en termes identiques par les commissions des finances et de la culture du Sénat. Il vise à consolider le CNDS et à faire en sorte que son action corresponde davantage à ses missions originelles.
M. Jean-Jacques Lozach,
rapporteur pour avis.
Le CNDS subit cette année les effets de la rigueur budgétaire. Ses recettes connaissent une augmentation très limitée, alors qu’il doit assumer des dépenses importantes liées au financement de la construction ou de la modernisation des stades retenus pour accueillir l’Euro 2016.
Le coût anticipé, pour l’État, de ce soutien à l’organisation de l’Euro 2016 était, en 2011, de 150 millions d’euros par an pendant cinq ans. L’idée, étrange, était de le faire financer par le CNDS, dont l’objet est normalement de soutenir la réalisation des équipements sportifs locaux et le sport amateur.
Afin de faciliter ce projet critiquable, le Sénat avait décidé de créer une ressource complémentaire affectée, assise sur les mises encaissées par la Française des jeux. Il s’agissait de récolter 24 millions d’euros annuellement, soit 120 millions sur cinq ans, 30 millions d’euros étant puisés dans le fonds de roulement du CNDS.
Or, qu’apprend-on dans le « bleu » budgétaire pour 2012 ? Que le coût anticipé est en fait de 168 millions d’euros, et non plus de 150 millions d’euros, sans que l’État prenne en charge le surcoût, que devra supporter le CNDS.
Devant cette situation, les députés se sont quelque peu rebellés : le rapporteur de la commission de la culture, M. Bernard Depierre, issu de la majorité gouvernementale, est ainsi parvenu à faire adopter en commission, puis en séance publique, une augmentation du taux du prélèvement et le relèvement du plafonnement de 24 millions à 28,5 millions d’euros, afin de permettre au CNDS de faire face à l’augmentation de la surcharge annoncée de 18 millions d’euros. Le Gouvernement, en seconde délibération, a obtenu que l’Assemblée nationale revienne sur cette disposition.
La commission de la culture et la commission des finances du Sénat proposent donc l’adoption d’un amendement similaire à celui de M. Depierre, tendant à permettre au CNDS de financer ses missions en mobilisant le prélèvement exceptionnel sur les mises de la Française des jeux, par le biais d’une augmentation du taux et du relèvement du plafond pour la période 2012‑2015.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Nous sommes très vigilants sur ce sujet. Les 18 millions d’euros de surcoût en question sont financés, tout à fait correctement, à concurrence de 4,5 millions d’euros par an pendant quatre ans.
M. David Douillet,
L’organisation de l’Euro 2016 permettra de stimuler l’effort de construction et de modernisation des stades, sachant que nous sommes en retard dans ce domaine. L’État ne finançant que 10 % du montant global de la dépense, il n’y a pas lieu de craindre que ce chantier ne prenne une place excessive au sein du monde sportif.
D’ailleurs, l’un des onze projets qui avaient été retenus vient d’être abandonné, sans que cela menace pour autant la bonne organisation de l’Euro 2016, puisque, selon le préfet Lambert, qui dirige la structure conjointe mise en place par l’UEFA et la Fédération française de football, neuf stades suffiraient tout à fait.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur ces amendements. Nous devons veiller à réduire notre endettement et le déficit de nos comptes publics, car nous vivons au-dessus de nos moyens.
La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.
M. le président.
Qui va payer la rénovation des stades et comment ?
M. Pierre Martin.
On critique volontiers les financements croisés, mais ils permettent aux collectivités de donner leur avis sur les projets. Ainsi, c’est à la suite de l’avis défavorable émis par une instance locale que le projet de nouveau stade à Nancy a été abandonné.
Il existe diverses formes de financement : privés, publics et mixtes. Qui dans cette enceinte ne se réjouit pas que notre pays accueille l’Euro 2016 ? La France s’est battue pour obtenir le droit de l’organiser, nous devons maintenant mettre les stades aux normes, afin qu’ils soient propres à accueillir cette compétition, dont la dimension internationale appelle l’intervention de l’État,
Cela étant, après l’Euro 2016, les stades serviront aux clubs locaux. Il est donc logique que les collectivités territoriales concernées apportent leur contribution.
À mes yeux, ces amendements ont pour objet de mettre à la charge d’autrui ce que l’on ne veut pas payer soi-même. Le groupe UMP votera contre.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
En tant que défenseur du sport, M. le ministre aimerait sans doute soutenir ces amendements, qui visent à favoriser la construction de stades, s’il n’était tenu par la discipline gouvernementale…
M. David Assouline.
Mais puisqu’il est membre du Gouvernement, il a tenté de nous expliquer que mettre à la charge du CNDS ces 18 millions d’euros supplémentaires contribuerait à l’œuvre gigantesque du désendettement de l’État… Ce n’est pas convaincant !
D’ailleurs, l’Assemblée nationale, dont la majorité est pourtant de droite, avait adopté un amendement similaire à ceux de la commission des finances et de la commission de la culture du Sénat. C’est donc qu’il s’agit d’une proposition consensuelle et parfaitement raisonnable, qui tient compte en outre du fait que s’il faut réaliser des économies là où c’est possible, s’il faut faire des économies là où c’est possible, il convient aussi de préserver l’investissement, qui permettra à la France de sortir de la crise par le haut, de créer des emplois, d’enregistrer de la croissance.
À cet égard, l’organisation de l’Euro 2016 apportera, au travers de la construction d’infrastructures sportives, une contribution importante au développement économique des territoires. Il s’agit d’un investissement d’avenir.
J’ajoute que si la somme en question est certes importante à l’échelon du monde du sport, elle l’est beaucoup moins au regard de l’endettement de l’État. Des économies d’un montant bien plus élevé pourraient être obtenues beaucoup plus vite en réduisant ou en supprimant certaines niches fiscales.
Notre groupe votera donc ces amendements identiques.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. le président.
Je ne comprends pas que le groupe UMP refuse de voter ces amendements ! Il s’agit non pas de créer des dépenses supplémentaires, mais de faire ensemble œuvre utile pour le sport. Notre proposition amène de l’eau au moulin du ministre : c’est le Gouvernement qui a créé une dépense ; nous voulons simplement l’aider à la financer !
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
Les députés de la majorité présidentielle avaient d’ailleurs voté un amendement similaire, avant de reculer sous la pression de Bercy, qui, aujourd’hui comme hier, est un État dans l’État… Ressaisissez-vous, chers collègues de l’UMP !
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 61
M. le président.
L'amendement n° II-112, présenté par M. Lozach et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 302
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette contribution est due par toute personne qui procède à la cession de tels droits. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les cessions visées au premier alinéa sont réalisées par une personne dont le domicile fiscal ou le siège social n’est pas situé en France, la contribution est perçue par la voie d’une retenue à la source dont le redevable est le cessionnaire des droits. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Sport, jeunesse et vie associative
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis.
Je ne suis pas un défenseur acharné des crédits extrabudgétaires, au contraire. Je préférerais que toutes les masses financières que nous évoquons relèvent des crédits ministériels
M. Jean-Jacques Lozach,
rapporteur pour avis.
stricto sensu.
Cet organisme bénéficie de différentes sources de financement, notamment les taxes sur les paris « en dur », une taxe sur les paris sportifs en ligne et la taxe dite « Buffet », qui correspond à un prélèvement de 5 % sur les droits de retransmission télévisée, pour l’essentiel des rencontres de football.
Le rendement de ces différentes taxes est incertain pour l’année prochaine, notamment celui de la taxe Buffet. En effet, la volonté de différents diffuseurs de baisser les coûts d’acquisition des programmes sportifs est très forte, ce qui peut avoir des effets rapides sur le rendement de la taxe, très dépendante aujourd’hui des droits de retransmission télévisée de la Ligue 1 française de football.
Il n’y a donc, à mon sens, pas d’hésitation à avoir sur l’intérêt d’élargir l’assiette de la taxe Buffet afin de renforcer les missions du CNDS, financeur des équipements sportifs locaux.
En outre, la tentation peut être forte pour les diffuseurs d’acheter moins cher des droits de compétitions étrangères, qui viennent concurrencer les compétitions françaises, comme ceux de la Premier League anglaise de football.
Le fait que la retransmission de ces compétitions étrangères n’entre pas dans le champ de l’assiette de la taxe ne semble ni légitime, ni juste, ni efficient. Il en résulte une sorte de discrimination entre les compétitions organisées par des organismes dont le siège se trouve en France et celles qui sont organisées par des fédérations internationales dont le siège est situé hors du territoire national. Parce qu’il est difficile de taxer directement ces fédérations, la commission de la culture propose une taxation à la source.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission de la culture pose une bonne question : l’assiette de la taxe Buffet, créée en 1999, est-t-elle encore pertinente ? Elle l’a abordée sous l’angle de la localisation géographique des titulaires de droits télévisuels, même s’il n’est pas évident que les organisateurs de compétitions à l’étranger soient en concurrence avec des organisateurs français.
M. Jean-Marc Todeschini,
rapporteur spécial.
La question pourrait également être évoquée sous l’angle des droits liés aux nouveaux modes de diffusion non télévisuelle.
Dans les mois et les années à venir, ce sujet devra être étudié avec attention.
Cela étant, comme il n’est pas question d’adapter le taux de la taxe Buffet, l’adoption de cet amendement aboutirait à augmenter, dans des proportions indéterminées, les recettes ordinaires du CNDS.
La commission des finances ayant demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur cet établissement public, dont les conclusions seront rendues dans le courant de l’année 2012, elle préfère en rester au droit en vigueur. Il ne conviendrait pas non plus de remettre en cause l’équilibre atteint à l’article 16
C’est pourquoi, tout en reconnaissant la pertinence de la question posée et en convenant qu’il faudra travailler sur la piste proposée, je sollicite le retrait de l’amendement n° II‑112.
Très bien !
M. Jean-François Humbert.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je tiens à préciser que les droits de retransmission des compétitions sportives françaises sont taxés, que ces droits soient vendus en France ou à l’étranger.
M. David Douillet,
Taxer les droits de retransmission des compétitions sportives étrangères diffusées en France reviendrait à surtaxer les télévisions françaises. Cette mesure risque d’inciter ces dernières à ne plus diffuser certaines manifestations sportives ou à acheter les droits hors de France, ce qui leur compliquerait la tâche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à bien réfléchir. Les téléspectateurs pourraient être privés de la diffusion de manifestations sportives à la télévision. La retransmission du sport, notamment sur les chaînes du service public, n’est pas si simple. La diffusion télévisée de compétitions de haut niveau permet de donner envie à notre jeunesse de pratiquer un sport, quel qu’il soit. Évitons cet écueil !
Monsieur Lozach, vous avez raison sur un point : les droits de la Ligue 1 ne sont pas clôturés et risquent de connaître une baisse. Il manque environ 150 millions d’euros à la Ligue pour boucler son budget. Il pourrait en résulter un léger manque à gagner de 7,5 millions d’euros pour le CNDS.
Néanmoins, nous espérons que les droits pourront trouver d’autres acquéreurs à l’extérieur de nos frontières, ce qui permettrait de combler le déficit du marché français. Il faut savoir que la Grande-Bretagne ou l’Espagne, par exemple, n’enregistrent pas une baisse très importante.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis.
M. le président.
Cet amendement vise les conditions d’application de la taxe Buffet et n’a pas de lien avec les droits de retransmission télévisée des matchs de Ligue 1.
M. Jean-Jacques Lozach,
rapporteur pour avis.
Si, actuellement, des difficultés se font jour, c’est parce qu’il n’existe plus de véritable concurrence, en particulier entre Canal Plus et TF1.
Cet amendement a suscité quelque émoi, notamment de la part d’un certain nombre de groupes audiovisuels craignant de connaître des difficultés sur un marché devenu international et concurrentiel. En effet, des télévisions étrangères, notamment Al Jazeera et Sky, ont déjà emporté des appels d’offres pour la retransmission de championnats nationaux.
J’en conviens, tous les groupes audiovisuels ne se sont pas manifestés. Certains d’entre eux estiment en effet que l’impact financier correspondant serait très faible.
En réalité, quelle masse financière est en cause ? Même si un groupe audiovisuel, de façon quelque peu excessive, évoque plusieurs dizaines de millions d’euros, il s’agirait probablement de 3 millions à 4 millions d’euros par an.
J’espère que chacun d’entre vous, mes chers collègues, a bien compris que le présent amendement a pour objet de placer sur un pied d’égalité l’ensemble des organisateurs d’événements sportifs, quelle que soit la localisation de leur siège.
Quels sont les organismes concernés ? Le CIO, dont le siège est à Lausanne, en Suisse, pour les jeux Olympiques d’été, d’hiver et paralympiques ; l’UEFA, dont le siège est à Nyons, toujours en Suisse, pour l’organisation des matchs de la Champions League ; la FOA, c’est-à-dire Bernie Eccleston, pour le sport automobile, dont le groupe de tutelle, Delta Topco, est basé sur l’île de Jersey ; l’ERC, dont le siège est à Dublin, pour la coupe d’Europe de rugby, le Tournoi des six nations. Je pourrais citer bien d’autres exemples d’événements qui se déroulent en France et qui profitent des équipements financés par les contribuables de notre pays.
Cela dit, j’ai bien pris note des arguments qui viennent d’être avancés.
En fait, la commission de la culture avait pour objectif d’alimenter le CNDS, c’est-à-dire de financer le sport pour tous. Mais, dans le contexte actuel, le Gouvernement refusant de déplafonner les taxes affectées au CNDS, l’amendement n° II‑112 se trouve, en quelque sorte, « corseté » et perd un peu de sa pertinence.
Cet amendement ayant été déposé par la commission de la culture, je laisserai le soin à Mme la présidente de la commission de se prononcer sur le sort qu’elle entend lui réserver.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
En déposant cet amendement, la commission de la culture voulait appeler l’attention sur le lieu d’implantation des organisateurs de manifestations internationales – qui apprécient les pays à fiscalité avantageuse – et défendre nos intérêts nationaux.
M. David Assouline.
Cela étant, nous avons été alertés sur les effets pervers qu’entraînerait l’adoption de cet amendement pour l’audiovisuel en général et la télévision publique en particulier, secteur qui nous tient à cœur.
Il se pourrait que, dans quelques mois, voire dans quelques années, si la tendance se confirme, les amateurs du championnat de France de football doivent regarder, par exemple, la chaîne Al Jazeera. C’est d’ailleurs déjà à l’ordre du jour pour la Ligue 2.
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis.
Soyons vigilants, mes chers collègues. Faisons en sorte que l’exclusivité de la retransmission des manifestations sportives françaises appartienne à des groupes français, notamment à l’audiovisuel public.
M. David Assouline.
Je partage la volonté de la commission de la culture, mais, comme je l’ai dit, je ne peux nier l’effet pervers de cet amendement. Vous devinez, mes chers collègues, quel est mon sentiment. Je laisserai donc le soin à Mme la présidente de la commission de nous indiquer quoi faire.
La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.
M. le président.
J’espère qu’il n’existe pas de confusion : ce sont non pas les organisateurs, mais les diffuseurs qui seront taxés.
M. Pierre Martin.
M. David Assouline.
Cela risque de se traduire par un appauvrissement du marché et, donc, par de moindres retombées pour le CNDS.
M. Pierre Martin.
Je rejoins les propos de M. le ministre et je souscris au bon sens de M. le rapporteur spécial. Prudence !
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
M. le président.
J’ai entendu les différents orateurs prônant la prudence, la réflexion.
Mme Marie-Christine Blandin,
présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Soucieuse des moyens du CNDS et, par conséquent, des équipements de terrain, la commission de la culture vous a proposé, mes chers collègues, l’amendement n° II‑112. Je rappelle que ce dispositif était destiné à éradiquer les privilèges des organisateurs implantés à l’étranger.
Tout aussi soucieuse des moyens des chaînes de télévision concernées, qui clament haut et fort leur douleur, la commission de la culture n’a bien sûr pas l’intention de les mettre en difficulté en les sollicitant au-delà de leurs possibilités. Mais elle étudie attentivement la question.
Entre le moment de l’élaboration du présent amendement et ce jour, le Sénat a voté les recettes et entériné l’écrêtement d’organismes, comme le CNDS. Il a également adopté, voilà quelques instants, l’amendement déposé par M. Todeschini. Le contexte a donc changé.
Ce sujet mérite un nouveau débat approfondi. C’est pourquoi la commission de la culture retire l’amendement.
L'amendement n° II-112 est retiré.
M. le président.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Nous reprenons l’examen des articles rattachés aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
M. le président.
Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 58, dont je rappelle les termes.
I. – A. – Au titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, le chapitre VI devient le chapitre VII et comprend les articles L. 2336‑1, L. 2336‑2 et L. 2336‑3, qui deviennent, respectivement, les articles L. 2337‑1, L. 2337‑2 et L. 2337‑3.
B. – Au même titre III, il est rétabli un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Péréquation des ressources
Art. L. 2336
« II. – 1. Les ressources de ce fonds national de péréquation en 2012, 2013, 2014 et 2015 sont fixées, respectivement, à 250, 440, 625 et 815 millions d’euros. À compter de 2016, les ressources du fonds sont fixées à 2 % des recettes fiscales des communes et de leurs groupements dotés d’une fiscalité propre.
« 2. Les ressources fiscales mentionnées au 1 correspondent pour les communes à celles mentionnées au 1° du
« Les ressources retenues sont les ressources brutes de la dernière année dont les résultats sont connus.
« III. – Pour la mise en œuvre de ce fonds national de péréquation, un ensemble intercommunal est constitué d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et de ses communes membres au 1
« IV. – Pour la mise en œuvre de ce fonds de péréquation, sont définis des groupes démographiques communs aux ensembles intercommunaux et aux communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre en fonction de l’importance de leur population. Ces groupes démographiques sont définis comme suit :
Art. L. 2336
« 1° Le produit déterminé par l’application aux bases d’imposition communales de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties du taux moyen national d’imposition à chacune de ces taxes ;
« 2° La somme :
« 3° La somme des montants positifs ou négatifs résultant de l’application des 1.1 et 2.1 de l’article 78 de la loi n° 2009‑1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 perçus ou supportés par le groupement et ses communes membres l’année précédente ;
« 4° La somme des produits perçus par le groupement et ses communes membres au titre du prélèvement sur le produit des jeux prévu aux articles L. 2333‑54 à L. 2333‑57 du présent code, de la surtaxe sur les eaux minérales prévue à l’article 1582 du code général des impôts et de la redevance communale des mines prévue à l’article 1519 du même code ;
« 5° Les montants perçus l’année précédente par les communes appartenant au groupement au titre de leur part de la dotation forfaitaire définie au 3° de l’article L. 2334‑7 du présent code, hors le montant correspondant à la compensation prévue au 2°
« Les bases retenues sont les bases brutes de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l’assiette des impositions communales. Les produits retenus sont les produits bruts de la dernière année dont les résultats sont connus. Les taux moyens nationaux retenus sont ceux constatés lors de la dernière année dont les résultats sont connus.
« Le potentiel financier agrégé d’un ensemble intercommunal est égal à son potentiel fiscal agrégé, majoré de la somme des dotations forfaitaires définies à l’article L. 2334‑7 du présent code perçues par les communes membres l’année précédente, hors la part mentionnée au 3° du même article. Il est minoré, le cas échéant, des prélèvements sur le produit des impôts directs locaux mentionnés au dernier alinéa du même article L. 2334‑7 et au III de l’article L. 2334‑7‑2 et réalisés l’année précédente sur le groupement et ses communes membres.
« Le potentiel fiscal et le potentiel financier des communes n’appartenant à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sont calculés selon les modalités définies à l’article L. 2334‑4.
« II. – Pour les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre de la région d’Île-de-France, le potentiel financier agrégé ou le potentiel financier est minoré ou majoré, respectivement, de la somme des montants prélevés ou perçus l’année précédente en application des articles L. 2531‑13 et L. 2531‑14.
« III. – Le potentiel financier agrégé par habitant est égal au potentiel financier agrégé de l’ensemble intercommunal divisé par le nombre d’habitants constituant la population de cet ensemble.
« IV. – Le potentiel financier agrégé moyen par habitant d’un groupe démographique tel que défini au IV de l’article L. 2336‑1 est égal à la somme des potentiels financiers agrégés des ensembles intercommunaux et des potentiels financiers des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre du groupe démographique rapportée à la population de l’ensemble des communes du groupe démographique.
« 1° D’une part, la somme des produits des impôts, taxes et redevances, tels que définis à l’article L. 2334‑6, perçus par l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres au titre de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l’assiette des impositions communales ;
« 2° D’autre part, la part du potentiel fiscal agrégé visée au 1° du I du présent article.
« L’effort fiscal d’une commune n’appartenant à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est calculé dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l’article L. 2334‑5.
Art. L. 2336
« 1° Sont contributeurs au fonds :
« 2° Le prélèvement calculé afin d’atteindre chaque année le montant prévu au II de l’article L. 2336‑1 est réparti entre les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre mentionnés au 1° du présent I en fonction de l’écart relatif entre le potentiel financier agrégé par habitant de l’ensemble intercommunal ou le potentiel financier par habitant de la commune, d’une part, et 90 % du potentiel financier agrégé moyen par habitant de leur groupe démographique, d’autre part, multiplié par la population de l’ensemble intercommunal ou de la commune ;
« 3° Le prélèvement calculé pour chaque ensemble intercommunal conformément au 2° du présent I est réparti entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres au prorata des produits qu’ils ont perçus chacun au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336‑2, corrigées des attributions de compensation reçues de ou versées par l’établissement public de coopération intercommunale à ses communes membres et majorées ou minorées, pour les communes, de l’attribution de compensation versée par l’établissement public de coopération intercommunale ou versée à ce même établissement. Le prélèvement dû par les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est minoré à due concurrence des montants prélevés l’année précédente en application de l’article L. 2531‑13. Après application de cette minoration, le prélèvement est réparti entre les autres communes et l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au prorata des ressources mentionnées au 2° du présent I. Toutefois, les modalités de répartition interne de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité ;
« 4° La somme des prélèvements opérés en application du 2° du présent I et de ceux effectués en application de l’article L. 2531‑13 au titre de l’année précédente ne peut excéder, pour chaque ensemble intercommunal ou chaque commune mentionnés au 1° du présent I, 10 % du produit qu’il a perçu au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336‑2 l’année de répartition.
« II. – Le prélèvement individuel calculé pour chaque commune et chaque établissement public de coopération intercommunale conformément aux 2° et 3° du I du présent article est effectué sur les douzièmes, prévus par l’article L. 2332‑2 et le II de l’article 46 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, de la collectivité concernée.
« II. – L’enveloppe revenant aux communes et établissements publics de coopération intercommunale des départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte, est répartie dans les conditions prévues à l’article L. 2336‑5.
« Pour l’application du présent article, un potentiel financier agrégé de référence et un revenu par habitant de référence sont calculés pour l’ensemble des ensembles intercommunaux et des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre des départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte.
« 1° Bénéficie d’une attribution au titre du fonds, la première moitié des ensembles intercommunaux et des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre classés en fonction décroissante d’un indice synthétique de ressources et de charges ;
« 2° Pour chaque ensemble intercommunal et chaque commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, l’indice synthétique de ressources et de charges mentionné au 1° est fonction :
« Le revenu pris en compte est le dernier revenu fiscal de référence connu. La population prise en compte est celle issue du dernier recensement de population.
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports définis aux
« 3° L’attribution revenant à chaque ensemble intercommunal et chaque commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre mentionnés au 1° du présent I est calculée en fonction du produit de sa population par son indice synthétique défini au 2° ;
« 4° L’attribution revenant à chaque ensemble intercommunal mentionné au 3° est répartie entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres au prorata des produits qu’ils ont perçus chacun l’année précédente au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336‑2. Après répartition entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres, l’attribution restante est répartie entre les communes membres au prorata de leur population multipliée par un coefficient. Ce coefficient est égal à la somme des produits fiscaux par habitant perçus par l’ensemble des communes membres rapportée au produit fiscal par habitant perçu par chaque commune membre. Les produits fiscaux par habitant s’entendent des produits perçus l’année précédente au titre des ressources mentionnées aux mêmes 1° à 5°, divisés par le nombre d’habitants constituant la population de chacune de ces communes.
« II. – Toutefois, il peut être dérogé aux modalités de répartition définies au I dans les conditions suivantes :
« 1° Le conseil de l’établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux de ses communes membres peuvent procéder, par délibérations concordantes prises avant le 30 juin de l’année de répartition à la majorité qualifiée telle que mentionnée au premier alinéa du II de l’article L. 5211‑5, à une répartition du reversement mentionné au 3° du I du présent article entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres en fonction du coefficient d’intégration fiscale défini au III de l’article L. 5211‑30. La répartition du reversement entre communes membres est ensuite opérée au prorata des produits qu’elles ont perçus chacune l’année précédente au titre des ressources mentionnées au I de l’article L. 2336‑2 ;
« 2° Le conseil de l’établissement public de coopération intercommunale peut procéder par délibération prise à l’unanimité avant le 30 juin de l’année de répartition à une répartition du reversement mentionné au 3° du I du présent article selon des modalités librement fixées par le conseil.
« III. – Les reversements individuels déterminés pour chaque commune et chaque établissement public de coopération intercommunale conformément aux 3° et 4° du I sont opérés par voie de douzième.
II. – Au début des articles L. 2564‑69, L. 2573‑56, L. 3336‑1 et L. 4333‑1 du même code, les mots : « Les articles L. 2336‑1 à L. 2336‑3 sont applicables » sont remplacés par les mots : « Le chapitre VII du titre III du livre III de la deuxième partie est applicable ».
À la fin du dernier alinéa de l’article L. 331‑26 du code de l’urbanisme, les références : « les articles L. 2336‑1 et suivants du code général des collectivités territoriales » sont remplacées par la référence : « le chapitre VII du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales ».
III. – Les I à VII et le IX de l’article 125 de la loi n° 2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 sont abrogés.
IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
Le 30 novembre dernier, nous avions entamé l’examen de l'amendement n° II-53 rectifié
M. le président.
Cet amendement est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Le millésime :
est remplacé par le millésime :
II. - Alinéas 6 à 8
Rédiger ainsi ces alinéas :
« II. - Les ressources de ce fonds national de péréquation en 2013, 2014, 2015 et 2016 sont fixées, respectivement, à 250, 500, 750 et 1 000 millions d’euros.
« Avant le 15 février 2012, le Gouvernement transmet à l'Assemblée nationale et au Sénat un rapport présentant les simulations, par ensemble intercommunal et par commune, des effets du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales sur la base du présent article. Ce rapport présente, en outre, plusieurs scénarios alternatifs, en particulier l'hypothèse d'une prise en compte de critères de charges au niveau du prélèvement. Le rapport présente par ailleurs les mêmes simulations détaillées en cas de mise en œuvre, sur le modèle du dispositif servant au calcul de la dotation de base des communes, d'une majoration de la population des territoires par un coefficient croissant en fonction de leur population, en vue de remédier à la corrélation positive entre les ressources des territoires et leur taille.
« Avant le 1
« Les avis du Comité des finances locales sont joints à ces rapports.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Monsieur le président, j’interviendrai après les explications de vote pour indiquer la suite que je compte donner à cet amendement.
M. François Marc,
rapporteur spécial de la commission des finances.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Le débat doit être replacé dans un contexte plus général : le Gouvernement a exprimé son intention de faire participer les collectivités territoriales à sa politique de réduction des déficits. Vous l’avez rappelé récemment dans
Mme Marie-France Beaufils.
La Tribune
Toutefois, nous sommes en droit de nous interroger : comment les collectivités territoriales pourront-elles assurer leurs missions de service public, dont le périmètre a été élargi par les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, si l’on diminue encore leurs moyens ?
Je ferai un bref rappel historique.
Le premier contrat de stabilité entre l’État et les collectivités locales date de 1995. On invente alors l’enveloppe normée des concours budgétaires, dont la dotation de compensation de la taxe professionnelle constitue la variable d’ajustement.
En 1999, débute la suppression progressive de la part « salaires » de la taxe professionnelle. Si la compensation est intégrale la première année, elle diminue ensuite puisqu’elle ne prend pas en compte les évolutions de l’assiette théorique.
À partir de 2004, la compensation est intégrée à la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Cette intégration creuse encore l’écart entre les recettes qu’auraient dû percevoir les collectivités territoriales et les dotations censées compenser la perte de ces recettes.
Le pouvoir d’achat de la DGF forfaitaire n’a cessé de se dégrader. En outre, les transferts de compétences ont été mal compensés et le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, a bousculé les équilibres financiers des ressources des collectivités locales. Parallèlement, le Gouvernement a allégé sa contribution au titre des exonérations de taxe professionnelle. Par conséquent, les élus ne cessent de faire des efforts !
Tout cela relève bien de la péréquation horizontale. On peut y ajouter les augmentations de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, qui ont été financées par les dotations dites « variables d’ajustement de l’enveloppe normée » ; là aussi, il s'agit de péréquation horizontale.
La décision de prendre quelques mois pour réfléchir à une nouvelle péréquation horizontale plus sécurisée ne constituait pas une manœuvre dilatoire, mais traduisait la volonté de ne plus déstabiliser les recettes de nos collectivités. Je regrette donc que cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission des finances, et dont le contenu m’avait amenée à retirer mon amendement de suppression de l’article 58, ne puisse poursuivre sa vie et être voté par notre assemblée.
Le dispositif prévu risque de créer des difficultés plus importantes que ne le laissent augurer les chiffres actuels. J’ai cité plusieurs exemples lors de la séance de mercredi dernier ; je ne les reprendrai pas. Toutefois, je réaffirme mon inquiétude : la modification de ce dispositif peut engendrer des effets pervers, en diminuant l’intérêt qu’ont nos collectivités locales à accueillir de nouvelles activités économiques.
C'est pourquoi je veux insister sur la nécessité d’améliorer la péréquation verticale. Nous maintenons notre proposition d’utiliser la fiscalité sur les actifs financiers pour alimenter cette péréquation, afin de favoriser, dans nos territoires, une dynamique qui participera au redressement de l’emploi et donc de notre pays.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Si la commission décidait de retirer son amendement, je le reprendrais, car je souhaite que chacun puisse se prononcer sur le sujet en son âme et conscience.
M. Philippe Dallier.
Depuis notre débat de mercredi soir, j’ai l’impression que la droite et la gauche se regardent en chiens de faïence, chaque camp soupçonnant l’autre de vouloir le mettre en difficulté, de sorte que nous ne parvenons pas à discuter du fond. Si ce qui vous gêne, chers collègues du groupe socialiste, c’est le fait que cet amendement ait été présenté par François Marc au nom de la commission des finances, je le répète, je suis prêt à le reprendre à titre personnel.
Nous sommes vraiment très mal embarqués dans cette affaire. Les propos de Mme Beaufils sont frappés au coin du bon sens : nous devrions prendre le temps d’y voir clair ! En effet, les simulations qui nous ont été transmises le week-end dernier montrent que le système adopté par l’Assemblée nationale est le pire de tous, avec des effets induits absolument insupportables ; je n’y reviendrai pas, puisque nous en avons déjà longuement débattu.
D’autres simulations nous ont été transmises, avec des curseurs différents, mais toujours dans le cadre du mécanisme retenu par le Gouvernement. Le résultat est certes un peu meilleur, mais il subsiste des effets indésirables manifestes.
Dans le cas où nous adopterions ce mécanisme sans l’amender, je crains fort qu’il ne devienne pérenne même si nous prévoyons une clause de revoyure et la remise d’un rapport : l’année prochaine, nous risquons de ne pouvoir le modifier qu’à la marge.
Pourquoi ce mécanisme pose-t-il problème ?
En fait, peuvent être taxables toutes les communes situées à partir de 0,9 fois le potentiel financier moyen agrégé de leur strate.
Prenons l’exemple de ma commune en Seine-Saint-Denis. Son potentiel financier moyen est inférieur de 25 % à la moyenne régionale mais, rapporté à la moyenne de la strate, je suis à 1,1. Je serai donc contributeur au FPIC, le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Si le seuil descend à 0,9, cela signifie 4 millions d'euros de recettes en moins pour moi, et je serais toujours imposable au titre du FPIC.
J’ai un autofinancement net de 2,5 millions d'euros ; même si j’avais un autofinancement net négatif de 1,5 million d'euros – alors que ma commune ne possède ni piscine, ni médiathèque, ni patinoire –, je serais quand même contributeur au FPIC. Il y a donc un problème !
On nous avait dit que le choix d’une assiette large et d’un faible taux de prélèvement serait compensé par des reversements ; c’est d’ailleurs ce que la commission des finances du Sénat avait proposé. Or le Gouvernement a décidé que seules 50 % des communes bénéficieront de ces reversements.
Si nous conservons ce dispositif, la frange des communes moyennes sera taxée, et parfois lourdement, quelle que soit la manière dont les curseurs seront ajustés. C’est donc la construction même de la mécanique, indépendamment des curseurs, qui fait que nous n’en sortirons pas, sauf à remettre complètement en cause l’année prochaine cette mécanique. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, je ne crois pas que cela sera possible.
Monsieur le ministre, si nous adoptons ce dispositif tel quel, il faut renoncer à l’objectif de 1 milliard d'euros d’ici à cinq ans, sinon cela reviendrait à pénaliser des communes qui, à mon sens, ne doivent pas l’être, puis rediscutons-en l’année prochaine.
Regardez ce qui va se passer pour une commune comme Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, qui n’est pas dirigée par une majorité UMP. Si le FPIC s’ajoute au FSRIF, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, cette ville perdra 2 millions d'euros dès 2012 et 8 millions d'euros au bout de quatre ans. Elle possède certes un potentiel financier agrégé non négligeable, puisqu’il est supérieur à la moyenne, mais elle n’en connaît pas moins de réelles difficultés sociales.
Je souhaite obtenir des garanties. Je veux en effet être certain que nous ne mettons pas le doigt dans un engrenage qui finira par nous avaler le bras.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. le président.
L’amendement n° II-53 rectifié
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Monsieur Dallier, je regrette que vous n’ayez pu être présent à la réunion de ce matin. Vous auriez pu participer à notre débat et nous apporter vos éclairages, comme vous venez de le faire à l’instant.
J’assistais à un enterrement !
M. Philippe Dallier.
En commission, nous avons donc examiné les solutions alternatives. Nous avons ainsi rédigé un nouvel amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, visant à instaurer un certain nombre de dispositifs d’évaluation et de contrôle pour l’exercice 2012. Nous les détaillerons lorsque l’amendement viendra en discussion.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Dans l’immédiat, la question est la suivante : qu’advient-il de l’amendement de report précédemment présenté par la commission ?
L’unanimité n’existant plus, l’amendement n’existe plus. En effet, ce dispositif n’avait d’autre objectif que de présenter à l’ensemble de nos collègues l’opinion unanime de la commission. Dans la mesure où il est tout à fait impossible de travailler de manière sérieuse en l’absence de simulations et d’informations précises, il est préférable de prolonger la réflexion jusqu’au 15 février prochain.
Il se trouve que certains de nos collègues – vous les connaissez, monsieur Dallier, puisque la plupart siègent sur vos travées – ont rompu le consensus, estimant que les choses devaient être examinées différemment.
Tout le monde est certes favorable à la péréquation. Toutefois, alors que le Gouvernement affirme qu’il veillera à la mettre en œuvre en 2012, nous estimons, pour notre part, qu’elle ne peut être instaurée dans n’importe quelles conditions. C'est la raison pour laquelle nous examinerons tous les amendements qui prévoient un cadrage du dispositif proposé par le Gouvernement, puis l’amendement validé ce matin par la commission, de manière à obtenir la garantie que ce dispositif peu élaboré et peu abouti n’entraînera pas trop d’effets pervers.
Nous espérons disposer d’une évaluation à la mi-2012. Nous souhaitons que la montée en puissance du FPIC, dont les ressources ne sont fixées qu’à 250 millions d'euros pour 2012 mais atteindrons à terme 1 milliard d'euros, puisse tenir compte de l’ensemble des corrections et modifications – le mot a été employé ce matin – qui nous assureront que, lorsque des montants bien plus élevés seront en jeu, le dispositif sera plus équitable et plus performant.
C’est dans cet esprit que je retire l’amendement n° II-53 rectifié
C’est la sagesse !
M. Claude Dilain.
J’en reprends le texte, monsieur le président.
M. Philippe Dallier.
Je suis donc saisi d’un amendement n° II-458, présenté par M. Dallier, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-53 rectifié
M. le président.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour le défendre.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. Philippe Dallier.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. le président.
Malheureusement, je n’ai pu être présent, moi non plus, à la réunion de la commission des finances qui s’est tenue ce matin.
M. Vincent Delahaye.
Il me semble regrettable que le consensus que nous avions trouvé sur cet amendement de report ait été rompu.
À qui la faute ?
M. Jean-Pierre Caffet.
À mon sens, il serait sage de reporter la création du dispositif, même si un travail important a été réalisé sur les modalités de mise en œuvre de cette péréquation que chacun appelle de ses vœux.
M. Vincent Delahaye.
En effet, je ne crois pas que nous soyons à un an près. J’ignore ce qui nous oblige à nous précipiter pour mettre en place un système forcément imparfait. Il demeurera certes imparfait à l’avenir, mais nous pouvons tout de même en réduire les effets néfastes.
Nous avons travaillé dur, au Comité des finances locales, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, mais un peu dans la précipitation. C'est pourquoi, je le répète, je regrette que l’amendement n° II-53 rectifié
J’espère que nous pourrons bientôt prendre une décision en toute sagesse, ce qui est normalement la qualité première de notre assemblée.
La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. le président.
Le vote de cet amendement, repris par M. Dallier, n’étant pas appelé à avoir la même portée que celle qu’il aurait eue s’il avait été adopté dans un contexte de consensus,…
M. Charles Guené.
C’est sûr !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous l’avez refusé !
M. Jean-Pierre Caffet.
… je peux maintenant m’y opposer à titre personnel, même si je partage les inquiétudes de M. Dallier, alors que je me serais abstenu précédemment.
M. Charles Guené.
Cela étant, dès lors que nous nous sommes accordés ce matin en commission sur un amendement prévoyant une clause de revoyure, dans des termes assez cadrés, j’estime que le dispositif proposé est tout à fait acceptable. Je fais en effet partie de ceux qui, tout en étant inquiets, ont pour préoccupation de voir la péréquation appliquée dès cette année.
Certes, la réforme est imparfaite, mais, comme toute réforme de ce type, elle est perfectible, et cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité en commission, permettra de corriger, si besoin en était, les imperfections que révélerait sa mise en œuvre en 2012.
La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. le président.
Pourquoi devrions-nous être pressés ? La réponse est claire : de nombreuses communes souffrent et ont des difficultés extrêmes à établir leur budget. Je signale tout de même que, l’année dernière et celle d’avant, plusieurs communes pauvres de banlieue ont voté des budgets en déséquilibre !
M. Claude Dilain.
Il y a donc urgence, d’autant que ces communes, qui n’ont aucune recette dynamique, voient en revanche leurs charges progresser, en grande partie du fait de la crise sociale, par laquelle elles sont en plus les premières à être frappées.
J’ajoute que, si nous attendons pour voter la péréquation horizontale d’avoir trouvé le système parfait, nous ne la voterons jamais, car il n’y a pas de système parfait.
Très bien !
M. Philippe Richert,
ministre chargé des collectivités territoriales.
La péréquation constitue en effet toujours un sujet difficile. En revanche, comme on l’a constaté avec la dotation de solidarité urbaine ou le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, c’est un mécanisme dynamique : sans cesse, il faut remettre l’ouvrage sur le métier. Or, plus tôt nous commencerons à mettre en œuvre la péréquation horizontale, plus tôt nous pourrons jauger ses effets, ce que nous permettra de faire la clause de revoyure.
M. Claude Dilain.
Il me semble donc que le dispositif est assez sage dans la mesure où, d’une part, les communes pourront bénéficier de la péréquation horizontale dès 2012 et, d’autre part, grâce à la clause de revoyure, nous n’irons pas à l’aveugle vers l’avenir.
À titre personnel, je voterai donc contre l’amendement de M. Dallier.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
M. le président.
Monsieur le président, une situation nouvelle s’est créée. Au nom du groupe CRC, je demande donc une suspension de séance de dix minutes.
Mme Marie-France Beaufils.
Je vous accorde cinq minutes !
M. le président.
Vous aviez donné une demi-heure au groupe de l’UMP mercredi soir !
Mme Marie-France Beaufils.
Je ne présidais pas ce soir-là.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)
La séance est reprise.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
Le Gouvernement ne veut pas, pour les raisons que vient encore de rappeler M Dilain, reporter d’une année supplémentaire la mise en œuvre de la péréquation horizontale.
M. Philippe Richert,
ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.
Nous avons procédé à toutes les simulations possibles et imaginables et, s’il apparaît que des ajustements sont encore nécessaires, nous sommes prêts à les faire.
À cet égard, je remercie la commission des finances du travail qu’elle a réalisée pour trouver une solution qui permette d’avancer tout en s’entourant de garanties, notamment grâce à la clause de revoyure. D’ailleurs, messieurs les rapporteurs spéciaux, si l’amendement n° II-455 est présenté tout à l’heure, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat comme marque de notre volonté de travailler ensemble. Mais le signal ne doit surtout pas être que la péréquation est un problème à ce point important que nous reculons son règlement d’année en année !
Je sais que le Sénat étudie depuis des années la question de la péréquation. Essayons donc de trouver ensemble les ajustements qui permettront d’harmoniser au mieux le dispositif. Je l’avais déjà dit mercredi et je viens de le redire, je suis prêt à apporter à celui-ci les ajustements nécessaires, y compris pendant la période intermédiaire de la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale.
Les principes que nous appliquons ont été clairement posés l’an dernier ; nous essayons de les mettre en œuvre.
Certes, je comprends que ceux dont les collectivités seront amenées demain à contribuer à la péréquation horizontale puissent être réticents, et ce faisant je ne dis pas que tous ceux qui y sont opposés le sont pour cette raison, mais c’est effectivement une raison qui peut conduire à être plus engagé dans le débat.
L’objet de cette intervention n’est donc pas d’attaquer l’un ou l’autre, mais de rappeler un simple constat : il est nécessaire que nous progressions. Dès lors, je regretterais que le dispositif sorte inchangé des travaux du Sénat, car nous serions alors en retrait non seulement par rapport aux attentes, mais aussi par rapport aux engagements que nous avons pris, avec l’Association des maires de France, notamment.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. le président.
Premier élément, en examinant un peu tous les secteurs et le mien en particulier, je reconnais que les simulations peuvent effectivement laisser perplexe : il y a des bizarreries, mais je crois qu’elles sont principalement liées aux strates. J’ai ainsi constaté qu’une petite communauté de communes à proximité de mon territoire et beaucoup plus pauvre que celui-ci allait devenir contributrice. Je sais que des amendements que nous examinerons plus tard viseront à corriger ce type de problème.
M. Dominique de Legge.
Deuxième élément, ce matin, alors que nous inaugurions une mairie en Ille-et-Vilaine, j’ai expliqué à nos collègues élus que nous avions deux solutions cet après-midi. Première solution : les simulations n’étant manifestement pas parfaites, renvoyer l’examen du dispositif à l’année prochaine et reporter sa mise en place. Deuxième solution : voter le principe en l’assortissant d’une clause de revoyure très stricte, ce qui éviterait d’hypothéquer la montée progressive du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. La réponse très sincère de tous a été la suivante : je vous en prie, voter le principe dès maintenant !
Troisième et dernier élément, l’importance de ce débat dépasse très largement nos travées. Pour ma part, je serais vraiment très malheureux si le Sénat portait la responsabilité d’un report et que ce soit finalement l’Assemblée nationale qui donne sa traduction concrète à l’idée que la péréquation entre les collectivités de notre territoire est une nécessité. Ce serait un message aux effets négatifs pour l’ensemble de notre institution.
Voilà pourquoi je me rallie très volontiers à l’amendement qui tend à prévoir une clause de revoyure. La commission des finances, à laquelle, comme plusieurs d’entre vous, je n’ai pas pu participer ce matin, a opté pour une position forte : poser le principe mais aussi garantir le réexamen de la question.
La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. le président.
Nous sommes tous pour la péréquation, mais nous savons combien c'est un exercice difficile, pour ne pas dire périlleux. Lorsque la commission des finances, pour tenter d’apporter une solution, a proposé cet amendement de sagesse, je m’y suis rallié spontanément, considérant qu’il s’agissait d’une solution d'attente satisfaisante.
M. Yvon Collin.
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, si je puis dire. Dès lors que cet amendement n’a plus fait l’unanimité, il a fallu trouver une porte de sortie. L'amendement des rapporteurs spéciaux qui a été adopté ce matin en commission me paraît pertinent.
C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE ne votera pas l'amendement n° II-458 et se ralliera à l'amendement n° II-455.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.
M. le président.
Je vous exposerai à mon tour les difficultés que je rencontre depuis une semaine dans mon territoire au sujet de la péréquation.
Mme Caroline Cayeux.
Péréquation signifie solidarité entre les communes, cela relève de l’évidence. Dominique de Legge l’a souligné à juste titre : il n'est pas question que ce soit le Sénat qui bloque ce dispositif. Pour autant, péréquation ne doit pas signifier pénalités pour certains territoires. Je pense notamment à ceux présidés par des villes moyennes. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, que je présenterai tout à l’heure au nom de la Fédération des maires des villes moyennes, que je copréside avec Christian Pierret.
Nous avons adressé au ministre un certain nombre de réflexions concernant le calcul de la péréquation. Les simulations qui ont été effectuées font apparaître que, dans les agglomérations présidées par des villes-centres moyennes, ce sont ces dernières qui vivraient le plus mal cette péréquation. Ainsi, la ville de Beauvais, qui touche une DSU mais dont personne ne peut pour autant affirmer qu’elle est riche, serait fortement pénalisée par le dispositif proposé. C’est pourquoi il faudrait non seulement prévoir des clauses de revoyure, mais aussi procéder à d’autres analyses pour trouver d’autres modes de calcul qui ne frapperaient pas autant les villes moyennes.
Je me range à la volonté du groupe de l’UMP, et je voterai contre l'amendement n° II-458. Cela étant, je resterai extrêmement vigilante sur les calculs que tendront à proposer les autres amendements en discussion, afin que nous parvenions à une péréquation qui ne soit pas pénalisante et qui permette une meilleure solidarité entre nos territoires.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Les jeux tactiques ont assez duré : votons !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Voilà bien qui est extraordinaire !
M. Philippe Dallier.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
M. le président.
J’aimerais que la commission des finances nous dise quels amendements n'auraient plus d'objet en cas d’adoption de l'amendement n° II-458.
Mme Marie-France Beaufils.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. le président.
C'est une bonne question. En fait, quelle que soit l’issue du vote, tous les amendements qui ont été déposés sur cet article pourront être examinés.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑458.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-54, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 10 à 17
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 30
Compléter cet alinéa par les mots :
, majorée par un coefficient croissant en fonction de la population de cet ensemble, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
III. – Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« IV. – Pour la mise en œuvre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le potentiel financier par habitant d’une commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre est égal au potentiel financier de la commune divisé par le nombre d’habitants constituant la population de cette commune, telle que définie à l’article L. 2334‑2, majorée par un coefficient croissant en fonction de la population de cette commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
IV. – Alinéa 31
Rédiger ainsi cet alinéa :
« ... – Le potentiel financier agrégé moyen par habitant est égal à la somme des potentiels financiers agrégés des ensembles intercommunaux et des potentiels financiers des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre rapportée à la somme des populations des ensembles intercommunaux et des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, majorées par les coefficients définis aux III et au IV.
V. – Alinéa 36
Supprimer les mots :
d’un groupe démographique tel que défini au IV de l’article L. 2336‑1
et les mots :
du groupe démographique
VI. – Alinéas 39 à 41
Supprimer les mots :
de leur groupe démographique
VII. – Alinéas 51 et 53
Supprimer les mots :
de son groupe démographique
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Nous abordons un sujet très sensible.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Le dispositif de péréquation qui sera décidé et qui se traduira par des prélèvements pour les uns et des redistributions pour les autres peut se heurter, dans sa mise en œuvre, à des obstacles qu'il convient soit de contourner, soit de lever. Je pense en particulier aux effets de seuil. En cas de stratification, ceux-ci pourraient avoir des conséquences non négligeables pour les collectivités situées à la frontière de deux strates.
La moyenne du potentiel financier de chacune des strates est différente. Par conséquent, lorsque l’on compare une collectivité à la moyenne, selon la strate dans laquelle elle se situe, cette différence peut lui être favorable ou défavorable.
Je prendrai un exemple pour illustrer les effets du dispositif proposé par le Gouvernement, en comparant la situation de deux communautés d’agglomération situées, non pas dans ma région, mais tout près d’ici.
Pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise,...
J'allais en parler !
M. Alain Richard.
(Sourires.)
... qui compte 192 650 habitants et dont le potentiel financier par habitant est de 1 278 euros, le montant du prélèvement serait deux fois supérieur à celui qui serait exigé de la communauté d'agglomération de Val-de-Bièvre, qui compte 201 000 habitants et se trouve donc au-dessus du seuil de 200 000 habitants. En d'autres termes, le prélèvement s'élèverait à 1,2 million d'euros pour la première, contre 0,6 million d'euros pour la seconde, alors qu’elles ont toutes deux à peu près la même population et que le potentiel financier par habitant de la communauté d'agglomération de Val-de-Bièvre, de l’ordre de 1 345 euros, est supérieur.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Par conséquent, pour ces deux collectivités situées de part et d’autre d’une frontière de strate, le prélèvement de l'une serait deux fois supérieur à celui de l'autre, et c’est la plus riche qui aurait un prélèvement moindre !
Cet exemple me semble illustrer parfaitement les effets de seuil. L’écart est considérable : on passe du simple au double. Imaginez ce qu'il en sera lorsque ce sera 1 milliard d’euros et non plus 250 millions d’euros : l'écart sera multiplié par quatre !
Nous savons que la suppression des strates assure une bien meilleure lisibilité prospective pour les collectivités. Celles-ci n'ont plus alors à spéculer sur les conséquences des modifications de périmètre sur la moyenne des strates, sur les conséquences des variations de population, sur les conséquences des variations des distributions des produits fiscaux par habitant.
Un débat nourri a été engagé cet été sur cette question entre petites et grandes collectivités. Si nous ne mettons pas en place un dispositif progressif qui corrige les effets de seuil, nous ne parviendrons pas à une situation de compromis.
Il faut donc trouver une méthode qui permette un compromis entre stratification ou déstratification. Elle existe : c'est la démarche logarithmique, progressive, qui est déjà appliquée par l'État pour une composante de base de la DGF.
Si cette méthode était retenue pour la péréquation, d’après les simulations que j'ai pu effectuer de manière artisanale en laboratoire – je ne dispose évidemment pas d'ordinateurs hyper-puissants comme ceux du ministère de l'intérieur –,...
De Bercy !
M. Philippe Richert,
... le prélèvement demandé aux deux collectivités que j’ai prises en exemple serait quasiment équivalent : 850 000 euros pour la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, contre 1 million d'euros environ pour la communauté d’agglomération de Val-de-Bièvre. S’il est un peu plus élevé pour cette dernière, c’est parce que celle-ci est plus riche.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
À nos yeux, ce dispositif, adopté par la commission des finances voilà plus de quinze jours, apporte la réponse appropriée. Il a été transmis aux services compétents du ministère afin d’y être testé. Cela n’a pas encore été fait, mais je puis d’ores et déjà annoncer que les résultats que nous avons obtenus par simulation se révèlent probants.
Mes chers collègues je soumets à votre approbation cet amendement, dont l’objet est de supprimer des effets de seuil qui peuvent se révéler redoutables et qui sont ressentis comme injustes sur le terrain. Cela permettrait de contourner l'un des obstacles auxquels nous nous heurtons dans la mise en œuvre du dispositif de péréquation horizontale à travers le FPIC et de combler l'une de ses lacunes.
L'amendement n° II-290 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéas 10 à 17
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 36
Supprimer les mots :
d’un groupe démographique tel que défini au IV de l’article L. 2336-1
et les mots :
du groupe démographique
III. – Alinéas 39 à 41
Supprimer les mots :
de leur groupe démographique
IV. – Alinéas 51 et 53
Supprimer les mots :
de son groupe démographique
La parole est à M. Yvon Collin.
Selon nous, tel qu’il est présenté à l’article 58, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ne permet pas d’aboutir à une péréquation fondée sur des principes d’équité et de justice. En effet, il prend pour référence un indice de strate démographique et non un indicateur de richesse national, ce qui revient à amoindrir fortement ses effets péréquateurs.
M. Yvon Collin.
Retenir le système des strates démographiques, même en l’aménageant par un coefficient croissant de population, comme le propose la commission des finances, revient à faire perdurer la cause essentielle d’inégalité. De nombreuses communes dont le potentiel financier est pourtant très faible devront contribuer à ce fonds.
Aussi, afin de corriger ces effets pervers, cet amendement vise à supprimer la notion de groupe démographique afin, d’une part, que la capacité contributive des collectivités soit comparée à toutes les autres et, d’autre part, que les communes faisant face à des difficultés économiques ne soient pas pénalisées par le fonds.
L'amendement n° II-186, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :
M. le président.
Alinéas 10 à 17
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-308, présenté par M. Jarlier, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 14
Rédiger ainsi ces alinéas :
« a) De 0 à 7 499 habitants ;
« a bis) De 7 500 à 14 999 habitants ;
« b) De 15 000 à 29 999 habitants ;
« c) De 30 000 à 49 999 habitants ;
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Je fais miens les arguments qu’a exposés François Marc, puisque j'ai cosigné l'amendement n° II-54, qui vise à mettre en place des outils logarithmiques pour éviter les effets de seuil. En outre, de nombreuses associations sont favorables à la suppression de ces effets : la Fédération des maires des villes moyennes, l'Association des petites villes de France, l’Association des maires ruraux de France, etc.
M. Pierre Jarlier.
Une autre raison plaide en faveur de cette suppression. À première vue, les strates les plus basses sont évidemment bénéficiaires : 18 millions d'euros de plus pour la strate la plus basse. Toutefois, lorsque l’on examine le montant du prélèvement par nombre d'habitants, on s’aperçoit que celui-ci est plus fort dans les petites strates. Ainsi, pour les EPCI inférieurs à 10 000 habitants, il est de 8,39 euros, contre 6,55 euros pour les EPCI supérieurs à 200 000 habitants.
Le principe logarithmique devrait permettre d'éviter de tels effets.
La dernière raison qui me conduit à vous proposer cet amendement de repli, tout en espérant que celui que nous avons déposé au nom de la commission des finances sera voté, réside dans la difficulté de mise en place des strates actuellement prévues. La première va jusqu’à 2 500 habitants, la seconde de 2 500 à 10 000 habitants. Cette répartition ne correspond pas vraiment à la typologie spécifique des EPCI.
Jusqu’à 7 500 habitants, les EPCI sont plutôt ruraux, avec un petit chef-lieu de canton. De 7 500 habitants à 15 000 habitants, voire à 20 000 habitants, l’EPCI est constitué autour d’une petite ville-centre, avec des communes rurales autour. Dans la première strate, il y a 1 095 EPCI ; dans la seconde, entre 7 500 et 15 000 habitants, il y a 724 EPCI. Pratiquement les deux tiers des EPCI se situent donc dans ces fourchettes.
Si l’amendement de déstratification n’était pas adopté, il faudrait au moins pouvoir modifier le niveau de ces strates
L'amendement n° II-197, présenté par MM. Guené et Dallier, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéas 18 à 31
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
Art. L. 2336
« II. – Pour les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre de la région d’Île‑de‑France, l’indicateur de ressources élargi agrégé ou l’indicateur de ressources élargi est minoré ou majoré, respectivement, de la somme des montants prélevés ou perçus l’année précédente en application des articles L. 2531‑13 et L. 2531‑14.
« III. – L’indicateur de ressources élargi agrégé par habitant est égal à l’indicateur de ressources élargi agrégé de l’ensemble intercommunal divisé par le nombre d’habitants constituant la population de cet ensemble, majoré par un coefficient croissant en fonction de la population de cet ensemble, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« IV. – Pour la mise en œuvre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, l’indicateur de ressources élargi par habitant d’une commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre est égal à l’indicateur de ressources élargi de la commune divisé par le nombre d’habitants constituant la population de cette commune, telle que définie à l’article L. 2334‑2, majorée par un coefficient croissant en fonction de la population de cette commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« V. - L’indicateur de ressources élargi agrégé moyen par habitant est égal à la somme des indicateurs de ressources élargis agrégés des ensembles intercommunaux et des indicateurs de ressources élargis des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre rapportée à la somme des populations des ensembles intercommunaux et des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, majorées par les coefficients définis aux III et IV.
II. – Alinéas 39 à 41
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° Le prélèvement calculé afin d’atteindre chaque année le montant prévu au II de l’article L. 2336‑1 est réparti entre les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre mentionnés au 1° du présent I en fonction de l’écart relatif entre l’indicateur de ressources élargi agrégé par habitant de l’ensemble intercommunal ou l’indicateur de ressources élargi par habitant de la commune, d’une part, et 90 % de l’indicateur de ressources élargi agrégé moyen par habitant, d’autre part, multiplié par la population de l’ensemble intercommunal ou de la commune ;
III. – Alinéa 47
Remplacer les mots :
potentiel financier
par les mots
indicateur de ressources élargi
IV. – Alinéa 51
Rédiger ainsi cet alinéa :
V. – Alinéa 53
Supprimer les mots :
de son groupe démographique
La parole est à M. Charles Guené.
Comme nous l’avions indiqué dans notre rapport, avec MM. Dallier, Jarlier et de Montgolfier, nous estimons que, pour appréhender la richesse de chaque territoire, il faut prendre en compte l’ensemble des ressources et utiliser le potentiel élargi.
M. Charles Guené.
Ce concept n’a été utilisé qu’en prospective, à dix ans. Nous le regrettons. Il y a quelques difficultés, nous le savons, à intégrer la totalité des ressources, surtout dans la période actuelle, dans la mesure où l’intercommunalité n’est pas achevée et où il est donc difficile d’intégrer la dotation d’intercommunalité.
Nous ignorons également ce que donnerait exactement l’intégration des dotations de péréquation verticale, mais il nous semble que c’eût été une approche intéressante à tester.
L'amendement n° II-260, présenté par M. Berson, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’année :
insérer les mots :
et sous réserve de l’application de la dérogation de l'article L. 5211-30,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-261 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collomb, Dilain, Mazuir, Miquel, Anziani et Delebarre, Mme Espagnac, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les communes ayant bénéficié avant le 1
La parole est à M. Claude Dilain.
Cet amendement concerne le cas très particulier des communes ayant bénéficié, avant le 1
M. Claude Dilain.
Ces villes, souvent détruites à près de 90 % pendant la guerre, connaissent une valeur locative très élevée, du fait de leur reconstruction récente. Cette cherté contribue évidemment à des écarts de richesse fiscale, qui sont en fait des illusions d’optique. Il s’agit, entre autres villes, de Dunkerque, du Havre ou de Saint‑Nazaire. Cette dernière a d’ailleurs, je crois, un revenu moyen par habitant parmi les plus faibles de France.
Par souci de justice fiscale, nous proposons donc de ne retenir qu’à hauteur de 75 % le produit de la taxe d’habitation des communes concernées pris en compte dans le calcul du potentiel fiscal agrégé.
Reste que ce problème ne se poserait pas s’il était procédé, comme nous le souhaitons tous ici, à une révision des bases locatives.
L'amendement n° II-349 rectifié, présenté par Mme Cayeux, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’alinéa 19
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Par cet amendement, je souhaite défendre l’idée que la richesse d’un territoire ne peut se mesurer qu’en fonction des ressources perçues ; je pense au potentiel financier agrégé. Il faut ainsi tenir compte de « l’effort fiscal » des habitants et des charges pesant, par ailleurs, sur ce territoire.
Mme Caroline Cayeux.
Le revenu par habitant et la proportion de bénéficiaires d’aides au logement sont des indicateurs de charges pour un territoire. En effet, moins les habitants ont de revenus, plus ils bénéficient d’aides au logement et plus le territoire doit donc mettre en œuvre des politiques publiques de soutien à ses habitants.
Sans cet amendement, qui vise à intégrer les aides au logement comme composantes du potentiel fiscal agrégé d’un ensemble intercommunal, un territoire riche en termes de ressources, mais dont la population serait pauvre, se retrouverait contributeur au FPIC, alors qu’il a besoin de ressources pour soutenir sa population.
L'amendement n° II-310, présenté par M. Jarlier, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
auxquels est appliquée une pondération assise sur le rapport entre le taux moyen national de base de la taxe professionnelle 2009 et le taux appliqué la même année sur le territoire
La parole est à M. Pierre Jarlier.
J’ai déjà largement défendu cet amendement lors de la discussion générale.
M. Pierre Jarlier.
Il s’agit de pondérer l’effet du Fonds national de garantie individuelle des ressources et de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle dans les calculs de potentiel financier. L’intégration du FNGIR et de la DCRTP modifiera en effet considérablement le niveau de richesse et le classement des différentes collectivités.
À cette fin, je propose que l’on puisse faire un rapport entre le taux moyen national de base de la taxe professionnelle 2009 et le taux appliqué la même année sur le territoire, de façon à revenir à un principe de potentiel fiscal qui ne pénaliserait pas une collectivité ayant des taux forts, parce qu’elle avait des bases faibles, et n’avantagerait pas, au contraire, une collectivité ayant des bases fortes et des taux très faibles.
L'amendement n° II-262 rectifié, présenté par MM. Collomb et Dilain, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette somme est plafonnée à 50 % du montant de la compensation relais versée en application du II de l’article 1640 B du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Dilain.
Il est défendu.
M. Claude Dilain.
Les deux amendements suivants sont identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-305 est présenté par MM. Collomb, Besson et Kaltenbach, Mme Génisson, M. Delebarre et Mmes Laurent-Perrigot et Cartron.
L'amendement n° II-312 est présenté par M. Jarlier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette somme est plafonnée au tiers du montant de la compensation relais versée en application du II de l’article 1640 B du code général des impôts.
L’amendement n° II-305 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l’amendement n° II‑312.
Il s’agit de prévoir une pondération forfaitaire, dans le même esprit que l’amendement que j’ai défendu précédemment.
M. Pierre Jarlier.
Son adoption permettrait de plafonner le montant de la DCRTP et du FNGIR pris en compte pour le calcul du potentiel financier agrégé au tiers du montant de la compensation relais versée en application du II de l’article 1640 B du code général des impôts.
L'amendement n° II-78 rectifié
M. le président.
Après l'alinéa 26
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« Le potentiel fiscal agrégé d'un ensemble intercommunal est corrigé d'un coefficient égal au rapport entre :
« 1° La somme des produits suivants :
« a) Le produit déterminé par l'application aux bases d'imposition communales ou, à défaut, aux bases d'imposition intercommunales, de la taxe d'habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la taxe professionnelle telles que résultant des dispositions antérieures à la loi de finances n° 2009‑1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, du taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes.
« Pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation, les bases retenues sont les bases brutes de l'année 2010, et les taux moyens nationaux sont ceux constatés en 2010. Pour la taxe professionnelle, les bases et le taux moyen sont ceux constatés en 2009 ;
« b) Les montants perçus en 2010 par les communes appartenant au groupement au titre de leur part de la dotation forfaitaire définie au 3° de l'article L. 2334-7 du présent code, hors le montant correspondant à la compensation prévue au 2°
« 2° Le potentiel fiscal agrégé de l'ensemble intercommunal de l'exercice 2011 si les dispositions de loi n° … du … de finances pour 2012 avaient été applicables cette année-là.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-285 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est également minoré de l'effort annuel du groupement et de ses communes membres en faveur du logement social tel qu'il est retracé dans le compte administratif précédant l'année de calcul du potentiel financier agrégé de l'ensemble intercommunal.
La parole est à M. Yvon Collin.
Cet amendement, à l’instar de son pendant, l’amendement n° II-286, qui viendra plus tard en discussion, vise à tirer les conséquences de la stratification, telle qu’elle est appliquée au dispositif d’abondement du FPIC. Il tend simplement à renforcer la prise en compte des sujétions particulières pesant sur certaines villes dans le calcul de leur contribution au fonds. Cette question a déjà été largement abordée dans nos débats.
M. Yvon Collin.
En l’espèce, nous souhaitons que l’effort en faveur du logement social des communes soit pris en compte. Il va de soi que le logement social doit être une priorité nationale, dans un contexte de crise aiguë qui frappe les populations les moins favorisées.
L’échec des politiques d’urbanisme menées depuis une trentaine d’années a conduit à la constitution de communes ghettoïsées, tandis que d’autres font tout ce qu’elles peuvent pour échapper à leurs obligations découlant de la loi SRU.
II peut advenir qu’une commune pauvre, donc aux ressources limitées, soit membre d’un EPCI riche, et qu’elle devienne, de fait, contributrice nette au FPIC, sans égard pour sa physionomie sociale particulière.
Il ne serait tout simplement pas juste que ces communes, qui font le plus d’efforts en matière de logement social, en y consacrant une part importante de leurs ressources, soient finalement pénalisées dans le calcul du potentiel financier intercommunal agrégé.
Par cet amendement, nous souhaitons corriger cette inégalité. C’’est pourquoi, mes chers collègues, je vous l’invite à l’adopter.
L'amendement n° II-184, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéa 51
Remplacer les mots :
de son groupe démographique défini à l’article L. 2336‑2
par les mots :
au niveau national
II. – Alinéas 53 à 55
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n
M. François Marc,
rapporteur spécial.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° II-197, car les effets pervers du FPIC révélés par les simulations portent déjà préjudice aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine. Par conséquent, il semble inopportun d’intégrer les dotations de péréquation verticale dans le calcul de la richesse.
L’amendement n° II-261 rectifié est intéressant, puisqu’il appelle notre attention sur une situation historique, à l’origine de problèmes dans un certain nombre de collectivités. La commission y est tout de même défavorable, car son adoption induirait une distorsion entre les communes, en fonction de leur statut au regard de la loi de 1940 relative à la reconstruction des immeubles d’habitation partiellement ou totalement détruits par suite de faits de guerre. Nous ne disposons pas des éléments permettant d’estimer que le produit de la taxe d’habitation est de 25 % plus élevé dans ces communes que dans les autres.
L’amendement n° II-349 rectifié a également reçu un avis défavorable, car le dispositif qu’il contient ne semble pas pouvoir être opérationnel dans l’immédiat. En outre, s’il l’était, il conduirait à prendre en compte des critères de charges dans le calcul du potentiel fiscal, alors que seuls des critères de ressources doivent être envisagés.
L’amendement n° II-310 a reçu un avis défavorable, même s’il soulève un problème intéressant. La commission a considéré que l’adoption de cet amendement conduirait à décorréler indéfiniment le potentiel fiscal des ressources effectivement perçues par chaque collectivité. Reste que cet amendement pose une question fondamentale, s’agissant de la pondération du poids du FNGIR. Il serait heureux, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des éclairages sur le sujet.
La commission est défavorable à l’amendement n° II‑262 rectifié, car il conduirait, lui aussi, à décorréler indéfiniment le potentiel financier des ensembles intercommunaux. Le questionnement est cependant le même que pour l’amendement précédent.
L’amendement n° II‑312 s’insère dans la même problématique. La commission a émis un avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. Néanmoins, nous sommes invités à être attentifs, pour l’avenir, au sujet du FNGIR.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° II‑285 rectifié conduirait à remettre en cause la notion de potentiel financier, qui n’a vocation qu’à retracer les ressources d’une commune ou d’un EPCI, et non à prendre en compte des critères de charges. Je suis enclin à en demander le retrait, puisqu’il est en contradiction avec la formulation de base retenue par la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Plusieurs points méritent d’être précisés très rapidement sur ce sujet.
M. Philippe Richert,
Si le Gouvernement a souhaité privilégier le principe des strates, en matière de péréquation, c’est dans le but d’éviter des dérives, susceptibles de conduire, en l’absence d’application logarithmique, à des prélèvements sans doute exagérés sur les collectivités les plus importantes.
En l’absence de stratification, le bloc des collectivités de plus de 200 000 habitants serait prélevé à hauteur de 93 millions d’euros. Dans le cadre d’un système avec strates, cette somme s’élèverait à environ 13 millions d’euros nets.
Dans l’hypothèse où les strates seraient supprimées, l’effet multiplicateur deviendrait encore plus pénalisant, notamment pour les collectivités les plus importantes. Dès lors que l’on met en avant un certain nombre de principes, il faut veiller à border à l’avance le dispositif prévu, afin d’éviter les excès.
Pourquoi avons-nous proposé un mécanisme reposant sur cinq ou six strates ? La raison en est simple : nous nous sommes conformés à ce que préconisaient MM. Dallier, Guené, Jarlier et de Montgolfier dans leur rapport d’information, enregistré le 6 juillet 2011, fait au nom de la commission des finances du Sénat. Voici ce qu’il y est écrit textuellement : « À l’issue de ses travaux, le groupe de travail a préconisé, de manière consensuelle, une stratification des EPCI et des communes isolées avec un nombre réduit de strates, limitées à 4 ou 6. » Certes, ce rapport n’est pas forcément parole d’évangile, mais il a servi de base de travail !
Quand bien même le principe d’une stratification serait validé et le nombre de groupes démographiques fixé, il resterait à régler quelques autres questions, notamment l’organisation à prévoir.
L’Assemblée nationale a introduit une modification des strates, scindant la première en deux : une strate allant de 0 à 2 499 habitants, une autre de 2 500 à 9 999 habitants. Ce nouveau mode d’organisation, je me dois de le reconnaître, ne correspond pas à la réalité.
Dans ce type d’approche, je préfère le schéma et les principes qu’a présentés M. Jarlier en défendant son amendement n° II‑308. C'est la raison pour laquelle j’y suis favorable.
J’émets, par ailleurs, un avis défavorable sur l'ensemble des autres amendements.
Ainsi, les auteurs de l’amendement n° II‑197 entendent intégrer d'ores et déjà des dotations de péréquation parmi les critères de recettes, ce qui, à mon sens, rendrait le dispositif encore plus complexe à gérer.
Dans les amendements n
Ne mélangeons pas tout, ne faisons pas un amalgame entre les deux phases : il y a, d’abord, un prélèvement sur ressources et, ensuite, une redistribution.
J’en viens aux amendements n
L’objet de ce fonds est de compenser des ressources qui ont disparu. Les sommes versées dans ce cadre s’apparentent donc, elles aussi, à des ressources. J’ai bien compris les préoccupations qui se sont exprimées. Nous nous efforcerons, dans le cadre de la navette, d’ici à la commission mixte paritaire, de reprendre de nouveau ce dossier, d’y regarder d’un peu plus près pour proposer une solution acceptable.
Il est difficile d’affecter un coefficient de minoration à des éléments qui sont des recettes réelles. Je suis néanmoins d’accord sur la nécessité d’être attentif aux évolutions futures : un certain nombre de facteurs sont liés et mériteraient peut-être d’être pris en compte.
Sans développer plus avant les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur les autres amendements, j’en arrive à l’amendement n° II‑54, présenté par M. Marc au nom de la commission des finances, qui vise à consacrer une logique de progression suivant une échelle logarithmique.
Aujourd'hui, monsieur Marc, compte tenu des éléments d’information que vous faites figurer dans cet amendement, il est évidemment difficile, en l’absence de paramétrage, d’obtenir des simulations immédiates. Il faudrait notamment mettre en place un système de bornage, afin d’éviter un certain nombre d’effets induits.
Je le redis, je préfère la proposition formulée par M. Jarlier. Si, d’aventure, la Haute Assemblée prenait la décision de voter l’amendement de la commission, nous profiterions du temps qui nous reste d’ici à la commission mixte paritaire pour valider la méthode de simulations la plus appropriée, celle qui nous permettrait d’englober l’ensemble des éléments et d’éviter ces effets induits indésirables que j’évoquais.
Par cet amendement, vous vous employez notamment à résoudre le problème posé par les effets de seuil. Ceux-ci existent, quoi que nous fassions. Nous avons essayé de les limiter au minimum, en fixant les seuils les plus pertinents à nos yeux pour obtenir des strates démographiques correspondant au mieux à la réalité observée sur le terrain, dans les différentes formes d’intercommunalités.
Il n’empêche, il y aura toujours des effets de seuil. Il convient donc de sortir de cette problématique pour se concentrer sur la logique de progression. Il serait en effet inacceptable et fortement dommageable de supprimer cette stratification sans rien proposer d’équivalent.
S’il s’avère que le choix d’une progression en fonction d’un coefficient logarithmique permet de nous affranchir des inconvénients propres au système des strates, il n’y a aucune raison pour ne pas aller dans cette direction. Avec les éléments aujourd'hui en notre possession, nous ne sommes pas en mesure de vérifier une telle hypothèse. Le ministère ne possède pas les ordinateurs suffisamment puissants dont il a été fait état. À titre d’information, pour être parfaitement clair, je précise que les simulations se font plutôt du côté de Bercy, qui dispose de calculateurs plus performants. Mais nous travaillons ensemble de manière tout à fait naturelle.
Pour autant, monsieur Marc, l’idée que vous développez mérite d’être approfondie, et j’y porte une attention toute particulière. À défaut de mieux, je veux vous donner l’assurance que le Gouvernement étudiera, avec l’Assemblée nationale et le Sénat, les possibilités d’évoluer sur ce sujet. À cette fin, il convient que vous nous donniez tous les éléments nécessaires au paramétrage pour obtenir les simulations les plus fines possible ; mais cela ne devrait pas poser de problèmes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour résumer, j’émets un avis défavorable sur l'ensemble des amendements, à l’exception de l’amendement n° II‑308. J’ai bien entendu toutes les remarques que vous avez exprimées. Comme je ne cesse de le répéter depuis le début du débat, je souhaite, comme vous, que nous puissions trouver le système le plus équitable, comportant le moins d’inconvénients possible. C’est la raison pour laquelle, y compris sur ce sujet, je reste encore ouvert à toute proposition.
La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. le président.
En ce qui me concerne, j’ai trouvé l’amendement n° II‑54 assez séduisant. Le dispositif qui y est proposé permet effectivement de gommer les effets de seuil et présente un autre avantage, qui n’a peut-être pas été suffisamment mis en avant dans l’objet même de l’amendement. Pour l’instant, à population égale, il n'y a pas de différences de traitement entre les territoires selon que l’on retienne le système des strates ou le coefficient logarithmique.
M. Charles Guené.
Dès lors qu’il y a agrégation, nous pourrions imaginer d’agréger les calculs obtenus par logarithme sur chaque entité composant un territoire, ce qui permettrait de tenir compte de la typologie de ce dernier. Ainsi, à population globale égale, un territoire essentiellement urbain serait mieux traité qu’un territoire uniquement rural. Voilà une réflexion qui serait à mes yeux intéressante à poursuivre dans le cadre des simulations, dans la mesure où, jusqu’à présent, il nous a été fait le reproche de ne pas intégrer la typologie dans notre approche.
Si l’amendement n° II‑54 devait être rejeté, je serais moi aussi favorable à l’amendement n° II‑308 de M. Jarlier, qui me paraît très pertinent. La solution proposée pour les strates me convient en effet beaucoup mieux que celle de l’Assemblée nationale : je me demande où nos collègues députés ont bien pu trouver l’inspiration pour introduire un seuil de 2 500 habitants !
S’agissant de l’amendement n° II‑197, que j’ai cosigné avec M. Dallier, je dirai simplement qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui correspond tout à fait à la philosophie ayant présidé à l’élaboration de notre rapport commun. Une fois que M. Dallier se sera exprimé, je le retirerai donc.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. le président.
Je soutiendrai l’amendement n° II‑54. Je tiens à remercier M. Marc, car il a fait preuve de pédagogie dans le choix de son exemple. Je n’irai pas plus loin, tant nous sommes un certain nombre, ici, à considérer qu’il est hors de question de se prononcer en fonction de l'intérêt de telle ou telle collectivité que l’on croit représenter de plus ou moins près.
M. Alain Richard.
Tout à fait !
M. Philippe Richert,
C'est la raison pour laquelle, d’ailleurs, en accord avec mon ami Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, nous avons décidé de ne pas nous associer à l’amendement n° II‑260 de M. Berson. Celui-ci, qui n’a finalement pas été soutenu, visait à faire un sort particulier aux communautés d’agglomération issues de syndicats d’agglomération nouvelle. Or, de notre point de vue, pour qu’une règle soit bonne, elle doit être juste et s’appliquer à tout le monde.
M. Alain Richard.
Je ne me sens d’ailleurs pas tout à fait isolé en défendant une telle éthique. Il n’est que de voir, en particulier, la façon dont mes amis élus de la capitale s’expriment au sein de Paris Métropole pour se rendre compte que certains savent se conduire avec impartialité, même si leurs intérêts sont en cause.
La solution proposée dans l’amendement n° II‑54 me semble bonne et, je crains de devoir le dire, la seule possible. Monsieur Jarlier, je me permets de vous faire observer que tout choix de seuil dans le cadre d’un système de strates reproduit le problème. C’est comme la savonnette tombée dans la baignoire et qui vous échappe toujours quand vous essayez de la ressaisir ! En l’espèce, vous retrouvez forcément des effets de seuil quelque part. Si le schéma que vous défendez colle parfaitement avec 7 490 habitants, dès que l’on atteint 7 510 habitants, ça commence à clocher !
Dès lors, la progression logarithmique est la seule à pouvoir être envisagée.
J’ai été frappé d’entendre M. Marc expliquer qu’un tel dispositif existait déjà. Je me suis donc empressé de rechercher sur le site Legifrance : c’est celui, si je ne me trompe, qui est prévu à l'article R. 2334‑3 du code général des collectivités territoriales, lequel régit le coefficient applicable dans la dotation forfaitaire.
Nous ferions donc un petit pas en avant si nous nous entendions pour ajouter, que, en l’espèce, le décret cité dans l’amendement renvoie à ce même dispositif, et pas à un autre. Le sujet est trop important pour que nous nous bornions à renvoyer à un décret qui fixe un coefficient croissant, sans préciser lequel, et ce serait une attitude un peu trop élastique par rapport au nécessaire encadrement du pouvoir réglementaire.
Comme j’ai pu le vérifier, cet article R. 2334‑3 résulte d’un décret du 31 mars 2005. Autrement dit, à bas bruit, cela fait six ans qu’on l’applique ! Point n’est donc besoin de déplacer les ordinateurs de Bercy à Place Beauvau – au demeurant, l’État est un, que je sache – pour savoir si, oui ou non, ce système logarithmique fonctionne.
Si nos voix se portent sur l’amendement n° II‑54, il serait bon que nous fassions explicitement référence à ce décret. Cela permettrait de lever tout risque d’incertitudes quant à la façon dont l’échelle logarithmique sera mise en œuvre.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Nous voterons, nous aussi, l’amendement n° II-54 en raison des complications induites par les effets de seuil, qui touchent des communes isolées et des EPCI.
Mme Marie-France Beaufils.
Forte des explications de François Marc selon lesquelles la proposition de la commission des finances s’inspire du modèle mis en œuvre pour le calcul de la dotation de base des communes, je me disais que nous devions disposer de tous les éléments nécessaires. J’avoue donc m’être inquiétée quand je vous ai entendu, monsieur le ministre, réclamer ces données à François Marc pour pouvoir procéder aux simulations. J’espère que cela ne pose pas de problème.
Je veux revenir un instant sur l’amendement de notre collègue Jarlier concernant l’intégration du FNGIR et de la DCRTP pour dire qu’il faudra regarder de plus près l’impact sur la situation des collectivités concernées.
Monsieur le ministre, vous semblez être ouvert aux simulations. Je crains cependant que nous manquions de temps avant la réunion de la commission mixte paritaire. J’espère, néanmoins, que, même si l’Assemblée nationale émet un vote différent, vous nous permettrez de regarder les choses d’un peu plus près et de faire en sorte que la clause de revoyure intervienne avant la discussion de la prochaine loi de finances.
Comme nos collègues Jarlier, de Legge et ceux du groupe socialiste, nous nous posons des questions sur l’application du dispositif à un certain nombre d’EPCI. Nous pensons justement avec Jean Germain à une communauté de communes de notre département qui va devenir contributrice alors qu’elle n’est pas exceptionnellement riche et que sa situation économique est en train de se dégrader. On voit bien là qu’il y a besoin d’affiner ces éléments.
Enfin, je tiens à indiquer que je suis farouchement opposée à l’intégration des dotations de péréquation horizontale, comme la DSU ou la DSR, dans le calcul de la richesse d’un territoire.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. le président.
Ces amendements ont un avantage, celui de soulever pas mal de bonnes questions, et ils ont un inconvénient, celui d’arriver au dernier moment, sans simulation. On nous demande donc de voter en quelque sorte à l’aveuglette, ce qui me paraît un peu difficile !
M. Vincent Delahaye.
Je voudrais faire quelques commentaires.
Concernant l’amendement de la commission et le coefficient logarithmique, je ne sais pas quelle échelle il faut retenir, mon cher collègue Richard, mais il semble difficile d’accepter que celui-ci vienne ainsi se substituer aux strates. Pourtant, je suis pour la suppression des effets de seuil, car ils sont négatifs dans tous les domaines.
Cela étant, qu’il y ait des anomalies avec les strates, je n’en disconviens pas. Reste qu’il serait un peu rapide d’adopter la suppression des strates et l’application d’une échelle logarithmique.
Elle fonctionne depuis cinq ans !
M. Alain Richard.
Nous n’avons aucune simulation ! J’ai participé à beaucoup de réunions sur le sujet et à, aucun moment, il ne nous en a été présenté. Je suis donc vraiment réticent par rapport à cette proposition.
M. Vincent Delahaye.
J’en viens à l’amendement n ° II-308 pour dire mon accord sur la première strate, à 7 500 habitants, sans pour autant méconnaître les défauts qui ont été mentionnés.
Je voterai l’amendement n° II-197. Les dotations d’intercommunalité, comme toutes les autres dotations, représentent des ressources pour les collectivités. Contrairement à Mme Beaufils, je ne vois pas au nom de quoi on pourrait les exclure d’un potentiel financier. Celui-ci doit tenir compte de toutes les ressources.
Par ailleurs, l’un des défauts du dispositif est de retenir le seul potentiel financier dans le calcul de la contribution des collectivités. On ne tient absolument pas compte de la population, des revenus ni des charges que peut supporter un territoire. Si l’amendement n° II-349 rectifié n’était pas adopté aujourd'hui, il faudra revenir sur la question des charges, y compris pour les contributeurs et pas uniquement pour les bénéficiaires. À titre personnel, donc, je le voterai.
Je souhaite qu’il y ait des simulations et que, lors des prochains mois, on tienne compte des différentes observations faites dans le cadre de l’examen de tous ces amendements.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je voudrais revenir sur l’amendement n° II-197, que j’ai cosigné avec M. Guené.
M. Philippe Dallier.
Monsieur le ministre, vous trouviez quelques vertus au rapport que nous avons rendu, sur certains points, en tout cas. Or cet amendement est la traduction des conclusions du groupe de travail constitué avant l’été par la commission des finances.
Le FPIC se veut la voiture-balai de tous les autres dispositifs puisqu’on n’a voulu revoir ni la DSU, dont la réforme a échoué voilà deux ans, ni la DGF qui, au fil des modifications successives, comporte maintenant quantité de bizarreries dont témoignent les situations de diverses communes !
Faute d’avoir voulu faire le travail difficile, on laisse au FPIC le soin de tout corriger. Dès lors, nous proposions d’y intégrer la totalité des ressources des collectivités locales. Je comprends les réticences de certains collègues, choqués à l’idée de l’intégration de la DSR, ou de la DSU, qui a une vocation spécifique. Même si cet amendement n° II-197 a une logique, nous allons donc le retirer.
La vraie question, c’est la dotation d’intercommunalité. Parce que celle-là, elle n’est pas liée à des problèmes sociaux ! Elle a été créée pour inciter les collectivités à entrer dans l’intercommunalité. Par conséquent, je ne vois absolument pas au nom de quoi on n’intégrerait pas cette ressource dans le calcul du potentiel financier agrégé.
Tant que la carte n’est pas définitivement figée, il y a probablement des problèmes de calcul. J’accepte d’entendre cet argument. Mais j’aimerais être rassuré sur l’intention du Gouvernement.
Dans quelque temps – le plus vite possible, je l’espère –, il faudra intégrer la dotation d’intercommunalité, car il n’y a vraiment aucune raison de ne pas le faire. Et on sait bien qu’en termes de dotations d’intercommunalité, les montants sont différents en fonction des situations. Certains en profitent plus que d’autres, selon les cas de figure. Je pense qu’il faut absolument en tenir compte.
L'amendement n° II-197 est retiré.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
Dans un souci de conciliation, je vais retirer l’amendement n° II-312.
M. Pierre Jarlier.
Les amendements n
Certes, monsieur le ministre, il s’agit d’une recette réelle, mais l’évolution de la richesse est une illusion d’optique. En réalité, la commune ne disposera pas d’un centime de plus que l’année précédente. Son potentiel financier augmentera d’autant plus que le FNGIR sera important en raison d’un effet très élevé sur le taux.
En outre, dans les bassins industriels ou dans les secteurs ruraux à faible base et, bien souvent, avec des taux plus forts, il y aura un effet mécanique d’augmentation de la richesse de ces collectivités puisque l’on va forcément venir leur appliquer la réalité de la recette.
Laissons vivre l’amendement n° II-310, au moins le temps de la navette, de façon à analyser les conséquences de l’intégration du FNGIR et de la DCRTP dans le potentiel financier. Mon objectif est en effet d’éviter de gonfler de façon optique le potentiel financier des communes et des EPCI et de leur éviter des prélèvements qui n’ont pas lieu d’être.
L’amendement n° II-312 est retiré.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Je remercie l’ensemble des orateurs des éclairages qu’ils ont apportés sur un sujet extrêmement délicat et complexe. Pour ma part, je voudrais expliquer la méthode proposée par la commission des finances.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Il s’agit d’atteindre deux objectifs : éviter les effets de seuils, qui sont préjudiciables, tout comme les effets pervers de la déstratification.
Pour répondre à notre collègue Alain Richard, je dirais que la méthode existe. Elle est utilisée pour la DGF. Mais l’échelle logarithmique suppose d’avoir un regard attentif sur la courbe et la série que l’on veut analyser. Telle est l’exigence de la mathématique.
Sachez que nous avons testé notre formule avec un vieil ordinateur au fond de notre garage. On peut donc penser que les machines super performantes de Bercy sauront obtenir un résultat en quinze minutes !
Je vous indique la méthode : elle consiste à poser des bornes à 10 000 habitants et à 500 000 habitants. On applique le coefficient logarithmique entre les deux bornes et on obtient un résultat particulièrement performant. Ainsi, on ne trouve pas les chiffres un peu inquiétants que vous nous annonciez, monsieur le ministre, qui reposaient sur une déstratification sans application de l’échelle logarithmique.
La méthode que nous avons testée nous a permis d’apporter la preuve que ce n’était ni le grand soir fiscal ni le grand soir du logarithme. Pour les blocs de plus de 200 000 habitants, la simulation du Gouvernement qui nous a été soumise aboutit à un prélèvement de 66 343 000 euros. Avec la méthode logarithmique, celle que nous proposons, le prélèvement serait de 63 964 000 euros.
On peut donc rassurer nos collègues élus de grandes villes. Prenons une communauté urbaine, celle de Lyon, au hasard.
(Sourires.)
Il s’agit bien de trouver un lissage qui ne lèse aucune catégorie de collectivités, mais qui aboutisse à éviter les effets préjudiciables. Tel est l’objet de la formule avec laquelle nous pensons être en mesure d’atteindre l’objectif recherché.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑54.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, les amendements n
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑261 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° II‑349 rectifié.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. le président.
La commission a vu d’un bon œil l'amendement n° II-310, mais elle s’est interrogée sur les problèmes que pourrait poser la déconnexion dans le temps. Elle a donc émis un avis défavorable.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Reste que Pierre Jarlier a eu raison de soulever cette question, qui mérite d’être approfondie. À titre personnel, je suis donc favorable à ce qu’on laisse vivre cet amendement jusqu’à la commission mixte paritaire.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire précédemment, le FNGIR est une vraie recette. Si les recettes réelles doivent être pondérées, la situation risque de devenir compliquée. Toutefois, je comprends que cela puisse faire une différence pour les communes. Mais, monsieur Jarlier, la difficulté selon moi, c’est ce qui va se passer dans les années qui viennent.
M. Philippe Richert,
Auparavant, les territoires industriels pouvaient maîtriser leurs taux. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus le faire. Je reconnais cette difficulté. Pour autant, j’ai du mal à accepter que les recettes réelles ne soient pas considérées comme telles. La pondération que vous proposez me pose donc problème.
Cela étant, je comprends que vous souhaitiez que votre amendement soit examiné par la commission mixte paritaire. Il faut en effet débattre de cette question. Pour ma part, je pensais qu’un bilan pourrait s’effectuer dans le cadre de la CVAE.
Aujourd'hui, il est trop tôt, me semble-t-il, pour intégrer la pondération que vous proposez. Je ne suis d’ailleurs pas certain que laisser vivre votre amendement jusqu’à l’étape suivante, comme le propose M. le rapporteur spécial, nous permette de trouver une réponse au problème que vous avez posé. Pour autant, je ne me prononcerai pas pour le rejet pur et simple de votre amendement.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l’amendement n° II-310.
M. le président.
Je voudrais quand même souligner devant notre assemblée que l’adoption de cet amendement nous amènerait à mettre le doigt dans un engrenage : alors que des euros sont encaissés, qu’ils entrent dans le budget de la collectivité, les recettes ne seraient pas des vraies recettes…
M. Alain Richard.
Alors, certes, dans le système antérieur, les recettes liées aux activités économiques étaient dynamiques ; maintenant, pour bon nombre de collectivités, elles sont stabilisées. Mais le fait qu’elles soient stabilisées signifie aussi qu’elles sont garanties, ce qui n’est pas le cas, loin de là, de toutes les recettes.
Monsieur Jarlier, si le système durable de péréquation que nous soutenons repose sur des comparaisons de richesses potentielles de toutes les collectivités, le fait qu’une recette stagne alors que les autres sont dynamiques entraînera nécessairement une moindre contribution de la collectivité concernée.
Mais si le système inclut la règle qu’une collectivité estime qu’il ne faut pas lui compter, ou qu’il ne faut ne lui compter qu’au tiers, des recettes qu’elle estime moins dynamiques ou moins encourageantes qu’avant, vous allez ouvrir une faille : toutes les catégories de collectivités vont déclarer que certaines recettes posent problème et qu’elles ne doivent donc pas, à ce titre, être prises en compte.
Le problème des recettes stabilisées qui sont devenues des dotations doit être réglé par un mécanisme qui permet une redistribution entre les contributeurs, et non en sous-estimant délibérément les recettes en cause et faisant payer les collectivités qui ne touchent que peu ou pas de recettes à caractère économique.
La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. le président.
Il y a une véritable différence entre la DSU et le FNGIR.
M. Claude Dilain.
La DSU est affectée : la preuve en est que la loi oblige les collectivités territoriales qui la touchent à faire un rapport pour montrer qu’elle a bien été utilisée pour des actions relatives à la politique de la ville.
Le FNGIR, quant à lui, n’est pas affecté : il s’agit d’une véritable recette.
En tout cas, pour ceux qui cotisent, c’est une vraie dépense…
C’est sûr !
M. Roger Karoutchi.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je vais soutenir la position du Gouvernement et apporter de l’eau au moulin de mes collègues Alain Richard et Claude Dilain.
M. Philippe Dallier.
J’aurais aimé être à la tête d’une collectivité locale bénéficiaire du FNGIR. Cela voudrait dire que mes recettes de taxe professionnelle étaient importantes et que, quelle que soit la conjoncture, que la CVAE progresse ou pas, elles auraient été tout à coup garanties
ad vitam aeternam
Je suis à la tête d’une collectivité locale qui n’est pas riche et, pourtant, je suis contributeur au FNGIR,…
Moi aussi !
M. Claude Dilain.
… car la taxe d’habitation était très élevée dans mon département. Alors, franchement, je trouve exagéré d’entendre certains d’entre vous, mes chers collègues, se plaindre de bénéficier d’un FNGIR important et du transfert de bases à la suite de la réforme de la taxe professionnelle...
M. Philippe Dallier.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. le président.
Comprenez-moi bien : mon amendement a pour objet non pas de remettre en cause la réalité du produit du FNGIR, mais de neutraliser l’effet taux. Les collectivités qui avaient des taux bas sont avantagées et celles qui avaient des taux élevés sont pénalisées. Je veux simplement appliquer une pondération assise sur le rapport entre le taux réel appliqué et le taux moyen, afin de retrouver le principe du potentiel fiscal.
M. Pierre Jarlier.
Mon amendement a un avantage : il permet d’éviter un bouleversement de l’ordre de classement de la richesse des collectivités.
On a vu que le débat avait été ouvert pour les départements, car leur ordre de classement a été complètement bouleversé par la prise en compte du FNGIR dans le calcul des nouveaux potentiels financiers.
On l’a vu également pour les régions, et le FNGIR a d’ailleurs été supprimé du calcul de la péréquation dans le projet de loi de finances.
C'est la raison pour laquelle il est important de neutraliser l’effet taux, au moins pour le bloc communal.
En tout cas, j’espère que mon amendement sera adopté et que le problème pourra être réglé avant la commission mixte paritaire.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑310.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° II‑262 rectifié.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Monsieur Collin, l'amendement n° II-285 rectifié est-il maintenu ?
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. Yvon Collin.
L'amendement n° II-285 rectifié est retiré.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements n
L'amendement n° II-235 est présenté par M. Karoutchi.
L'amendement n° II-347 est présenté par M. Dilain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Le prélèvement calculé pour chaque ensemble intercommunal conformément au 2° du I du présent article est réparti entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres au prorata des produits qu’ils ont perçus chacun au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du même I, corrigées des attributions de compensation versées par l’établissement public de coopération intercommunale à ses communes membres et majorées ou minorées, pour les communes, de l’attribution de compensation versée par l’établissement public de coopération intercommunale ou versée à ce même établissement. Le prélèvement dû par les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale est réparti entre ses communes membres et l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au prorata des ressources mentionnées au 2° du même I. Par exception, les communes contributrices au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, tel que défini à l'article 59 de la loi n° … du … de finances pour 2012, sont exonérées de ce prélèvement. Celui-ci est pris en charge par l’établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, les modalités de répartition interne de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l'amendement n° II-235.
Cet amendement vise à éviter que les communes d’Île-de-France contribuent au FSRIF et au FPIC lorsqu’elles sont membres d’un ensemble intercommunal à fiscalité propre contribuant lui-même au FPIC. Le prélèvement théorique qui devait être imputé aux communes resterait dû au FPIC, mais il serait pris en charge par l’établissement public de coopération intercommunale et non par la commune elle-même.
M. Roger Karoutchi.
La parole est à M. Claude Dilain, pour présenter l'amendement n° II-347.
M. le président.
Il est défendu.
M. Claude Dilain.
Les amendements n
M. le président.
L'amendement n° II-322 est présenté par M. Delahaye.
L'amendement n° II-348 est présenté par M. Dilain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Le prélèvement calculé pour chaque ensemble intercommunal conformément au 2° du I du présent article est réparti entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres au prorata des produits qu’ils ont perçus chacun au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du même I, corrigées des attributions de compensation versées par l’établissement public de coopération intercommunale à ses communes membres et majorées ou minorées, pour les communes, de l’attribution de compensation versée par l’établissement public de coopération intercommunale ou versée à ce même établissement. Le prélèvement dû par les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est minoré à due concurrence des montants prélevés l’année précédente en application de l’article L. 2531-13. Cette minoration est prise en charge par l’établissement public de coopération intercommunale. Les modalités de répartition interne de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° II-322.
Il est défendu.
M. Vincent Delahaye.
La parole est à M. Claude Dilain, pour présenter l'amendement n° II-348.
M. le président.
Il est également défendu.
M. Claude Dilain.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Les amendements n
M. François Marc,
rapporteur spécial.
La commission est également défavorable aux amendements n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Lorsqu’une commune est concernée à la fois par le FPIC et par le FSRIF, il est prévu qu’elle ne paye que la différence entre ce qu’elle doit au titre du FPIC et ce qu’elle a déjà payé au FSRIF.
M. Philippe Richert,
Imaginons qu’une commune de l’Île-de-France doive 8 millions d’euros au titre du FSRIF et 12 millions d’euros au titre du FPIC au plan national : elle ne payera que la différence entre les deux montants, soit 4 millions d’euros, ce qui est équitable.
Le dispositif n’a donc pas d’effet néfaste. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n
Concernant les amendements identiques n
La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. le président.
Les amendements que j’ai présentés, comme celui de M. Karoutchi, font suite à un accord voté à l’unanimité par le bureau de Paris Métropole. Cette précision n’est pas anodine, car, on le voit bien, il est difficile de nous mettre d’accord les uns avec les autres, entre contributeurs et receveurs. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, mais sachez que cet accord risque d’être menacé.
M. Claude Dilain.
Le problème ne porte pas uniquement sur les chiffres que vous avez donnés. Il est important de savoir aussi quelle collectivité paiera à la place de celle qui ne sera plus contributrice.
Imaginons – je ne caricature pas la situation, ce cas existe en Île-de-France – qu’une ville importante crée un EPCI avec une petite ville. Si la première est exonérée d’une partie de sa contribution au FPIC, cela retombera automatiquement, de manière tout à fait injuste, sur la petite ville, qui n’aura absolument pas les moyens de payer. Je ne vais pas citer les communes concernées, mais un certain nombre d’entre nous voient certainement celles auxquelles je pense.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n°II-322 et II-348.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-240 est présenté par M. Karoutchi.
L'amendement n° II-323 est présenté par M. Delahaye.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° La somme des prélèvements opérés en application du 2° du I et de ceux effectués en application de l’article L. 2531-13 au titre de l’année précédente ne peuvent excéder, pour chaque ensemble intercommunal ou chaque commune mentionnés au 1° du présent V, 10 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° II-240.
Je crains que cet amendement ne connaisse le même sort que le précédent.
M. Roger Karoutchi.
Il a pourtant lui aussi fait l’unanimité au bureau de Paris Métropole. Je le rappelle d’autant plus volontiers que je n’ai pas toujours été favorable à Paris Métropole et que j’ai eu beaucoup de difficultés à travailler avec cette structure ; c’est le moins que l’on puisse dire ! Je crois toutefois qu’aujourd'hui l’ensemble des communes d’Île-de-France, de gauche comme de droite, parviennent à travailler à peu près correctement et à trouver des systèmes permettant de faire évoluer les choses.
Au demeurant, comme le disait M. Dilain tout à l'heure, si, après avoir réussi enfin à nous mettre d’accord sur un certain nombre de mesures, nous n’arrivons pas ensuite à les faire adopter par le Parlement, cela rendra notre travail encore plus difficile.
J’en viens à l’objet de l’amendement n° II-240 : il vise à prendre en considération l’effort financier demandé dès 2012 aux ensembles intercommunaux et aux communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° II-323.
M. le président.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. Vincent Delahaye.
L'amendement n° II-323 est retiré.
M. le président.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-240 ?
La commission est défavorable
M. François Marc,
rapporteur spécial.
(M. Roger Karoutchi s’exclame.)
On l’a bien compris : si un prélèvement en faveur du FSRIF et antérieur au FPIC est minoré, ce sera pénalisant pour ce dernier. La commission ne peut donc l’accepter, au regard de l’objectif visé.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mon amitié pour Roger Karoutchi et mon envie de lui faire plaisir m’amènent à émettre un avis défavorable sur l’amendement !
M. Philippe Richert,
Permettez-moi d’en expliquer les raisons en deux mots : alors que nous avons fixé le plafond à 10 % des ressources fiscales, M. Karoutchi propose de le fixer à 10 % des dépenses.
En moyenne, les ressources fiscales équivalent à 58 % des dépenses. Donc, si l’on fixe le plafond à 10 % des dépenses, on va relever le plafond global et donc permettre des ponctions beaucoup plus importantes.
Monsieur Karoutchi, l’amendement n° II-240 est-il maintenu ?
M. le président.
L’explication du ministre m’a convaincu : je retire mon amendement.
M. Roger Karoutchi.
L'amendement n° II-240 est retiré.
M. le président.
C’est sage !
M. Jean-Pierre Caffet.
(Sourires.)
Monsieur Karoutchi, personne ne doute de votre sagesse !
M. le président.
(Nouveaux sourires.)
L'amendement n° II-263 rectifié, présenté par M. Dilain, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Richard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 40
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes visées aux 1° et 2° de l’article L. 2334-18-4 et à l’article L. 2334-22-1 sont exclues de la contribution au fonds. »
La parole est à M. Claude Dilain.
Il s’agit d’un amendement très important dans notre travail d’amélioration, voire de correction du projet de loi tel qu’il a été proposé par le Gouvernement et voté par l’Assemblée nationale.
M. Claude Dilain.
En effet, un certain nombre de dispositions nous paraissaient en fait contre-péréquatrices.
Je pense en particulier aux villes qui, bien que bénéficiaires de la « DSU cible » et de la « DSR cible » seraient tout de même amenées à cotiser au FPIC. Je rappelle que la « DSU cible » ne concerne que le premier étage de la fusée, à savoir les 250 premières villes les plus en difficulté d’après l’index synthétique, alors que la DSU normale concerne les trois quarts des villes de France.
L’amendement est très simple : il tend à ce que toutes les villes percevant la « DSU cible » soient exonérées de contribution au FPIC.
Il s’agit d’un point très important. Dans la discussion, on a souvent noté que le système comportait bien des imperfections. Les villes qui bénéficieraient de la « DSU cible » tout en cotisant ont été citées à ce titre. Presque 120 villes sont concernées, un peu partout : Grigny, Val-de-Reuil, Nœux-les-Mines, Villefontaine – dans l’Isère –, Vaulx-en-Velin, si Villeneuve-la-Garenne, Les Mureaux, Valenton, Gonesse, etc…
Grâce à cet amendement, ces villes ne seraient plus contributrices.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement est représentatif de la difficulté qu’a éprouvée la commission des finances à émettre ses avis sans connaître l’évolution de ce sur quoi nous légiférons.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Au moment où nous avons dû émettre un avis sur cet amendement, nous pensions pouvoir disposer d’un temps de réflexion supplémentaire pour en apprécier la dimension opérationnelle. Vous en êtes tous témoins : c’était notre idée de départ. M. Dallier est d'ailleurs resté très attaché à cette idée.
À partir du moment où nous nous donnions un temps de réflexion supplémentaire, nous avions considéré que ce qui pouvait poser un petit problème opérationnel pouvait s’inscrire dans la réflexion que nous allions mener ensemble.
Mais, aujourd'hui, nous sommes dans une logique un peu différente. Notre souci est maintenant de « border » le dispositif en essayant de fixer un certain nombre de marqueurs déterminants de ce que doit être ou ne pas être le FPIC.
En l’occurrence, ce que souligne notre collègue Claude Dilain mérite toute notre attention et, dirais-je même, notre bienveillance : il s’agit de s’assurer que ce fonds de péréquation en est bien un et qu’il remplit la fonction qu’il est censé remplir.
Nous devrons sans doute considérer l’applicabilité des dispositifs d’une façon un peu plus précise et plus détaillée.
Il me semble donc que, malgré son avis initial, qui consistait, je le répète, à donner un avis défavorable en attendant de revoir plus profondément la question, la commission doit en l’état actuel des choses donner un avis favorable sur cet amendement, qui a du sens en termes de péréquation.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement.
M. Philippe Richert,
Pour autant, nous partageons la préoccupation qui a été exprimée. J’ai déjà eu l’occasion, mercredi, d’en parler et de proposer un certain nombre de pistes, dont l’exploration n’a visiblement pas beaucoup progressé. Pour autant, je propose de les reprendre, en particulier pour les deux prochaines semaines, de manière à ce que nous puissions intégrer au mieux cette préoccupation.
Il me semble difficile d’exclure par principe les 250 communes bénéficiaires de la « DSU cible » et les 10 000 communes éligibles à la « DSR cible ».
En revanche, voir comment nous pouvons ajuster au mieux la prise en compte de la richesse, non pas seulement des communes, mais aussi des habitants, et pondérer la richesse des habitants dans l’ensemble de l’équation qui nous servira de calcul des attributions des uns et des autres sont des points sur lesquels nous devons, je pense, encore progresser.
Dans les simulations que nous avons réalisées et distribuées à tous les groupes et à la commission, nous avons fait varier la part respective attribuée au niveau de la répartition en ce qui concerne les revenus des habitants, le potentiel financier et la mobilisation de la fiscalité. En procédant de la sorte, nous pouvons arriver très largement à répondre au souhait que l’essentiel des communes percevant de la « DSU cible » ne soient pas touchées par le financement de cette dernière par la participation à la péréquation.
Je répète que c’est un sujet que nous avons abordé dès mercredi et pour lequel nous avons préparé un certain nombre d’évaluations. Nous allons une nouvelle fois examiner ce à quoi nous arrivons, soit avec la progression logarithmique évoquée tout à l'heure, soit avec une progression qui pourrait être linéaire et que nous allons travailler de manière à essayer d’éviter les phénomènes d’accélération, en vue de proposer des solutions satisfaisantes sans que l’on exclue pour autant d’office les 10 000 communes éligibles à la « DSR cible » et les 250 communes bénéficiaires de la DSU cible.
Monsieur Dilain, nous comprenons les préoccupations que vous avez exprimées et vous remercions de votre implication personnelle sur ces sujets.
Je vous remercie à mon tour !
M. Claude Dilain.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. le président.
J’ai cosigné cet amendement et je veux le soutenir. Toutefois, je le regrette, il me semble qu’il manque un petit chaînon dans le raisonnement. Il faut donc y remédier, surtout au cas où l’amendement serait adopté.
M. Alain Richard.
L’amendement tend à ce que les communes bénéficiaires de la « DSU cible » ou de la « DSR cible » soient exclues de la contribution. Or, comme on cherche toujours 250 millions d’euros, cela signifie que c’est l’ensemble des autres communes détenant un potentiel financier supérieur à 90 % de la moyenne, au niveau national, qui paieront la différence. Pour paraphraser l’homme qui tombe du dixième étage : jusque-là, ça va !
La question se pose quand lesdites communes sont membres d’un EPCI. En effet, avec l’amendement tel qu’il est actuellement rédigé, ce dernier verrait sa contribution calculée comme si de rien n’était. Et, quand on aura exclu du paiement de la contribution les communes percevant la « DSU cible » ou la « DSR cible », la répartition de la charge correspondante se fera uniquement sur les autres communes de l’EPCI.
Il me semble donc qu’un chaînon manque et qu’il faudrait ajouter la phrase suivante : « Lorsqu’elles sont membres d’un EPCI à fiscalité propre, leur potentiel financier est déduit de celui de l’établissement public pour le calcul de la contribution de celui-ci », de manière que les communes bénéficiaires de la « DSU cible » reportent la charge de leur contribution, non pas uniquement sur leurs voisines d’EPCI, mais sur l’ensemble national des collectivités contributrices.
La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. le président.
Je comprends le souci exprimé par M. Richard, mais il me semble que sa solution n’est pas meilleure que celle proposée par M. Dilain.
M. Charles Guené.
Je souhaitais cependant observer que, si l’on prenait en compte l’ensemble des ressources, y compris les dotations de péréquation, il serait beaucoup plus facile d’effectuer des corrections. En effet, en l’état, on ne tient pas compte de l’ensemble des autres ressources des collectivités visées, qui peuvent parfois être importantes.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Nous avons longuement débattu de l’ensemble du dispositif du FPIC, mercredi soir. Comme l’a dit M. le rapporteur spécial, nous nous trouvons dans une nouvelle configuration.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mercredi, j’ai écouté avec attention les interventions émanant de toutes les travées : la situation des communes bénéficiaires de la DSU a souvent été invoquée pour justifier un report de l’entrée en vigueur du FPIC. Ce qui était vrai mercredi doit l’être aujourd’hui.
Cet amendement me paraît très important : tout le monde a dit que le plus mauvais message qui pourrait être envoyé par ce dispositif serait qu’il reporte la charge sur les communes connaissant des difficultés, l’attribution de la DSU « cible » tenant lieu de reconnaissance officielle de ces difficultés. Si nous voulons êtres cohérents avec les arguments défendus par tous les intervenants, qu’ils soient favorables ou non au FPIC, je pense qu’il faut voter cet amendement.
La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. le président.
Je souhaite dire à M. Guené qu’il se trompe : une commune ne touche la DSU « cible » que sur la base d’un calcul mathématique qui prend en compte ses ressources et ses charges. Les 250 communes concernées, qui sont parmi les plus pauvres de France, ne disposent pas de recettes, sinon elles ne percevraient pas une DSU « cible ».
M. Claude Dilain.
En ce qui concerne l’objection faite par M. Richard, il me semble que le problème qu’il pose peut se régler autrement. Comme dans le cas du cumul du FSRIF et du FPIC, on peut maintenir la cotisation de l’EPCI telle qu’elle est, sans faire retomber la charge sur les autres communes.
On pourrait également envisager, bien que cela me paraisse extrêmement difficile sur le plan technique, de prendre en compte ces exonérations au niveau national, afin de répartir la charge. Dans l’idéal, ce serait peut-être la meilleure solution.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Comme cet amendement répond à une demande très ancienne de ma part, je voterai en sa faveur.
Mme Marie-France Beaufils.
Je reconnais cependant que quelques problèmes techniques restent à résoudre et qu’il faut le faire correctement. Nous savons bien que la partie « cible » de la DSU a été développée en réduisant la part de l’enveloppe de DGF attribuée. Des adaptations doivent donc être trouvées sur ce point.
Je crois cependant que nous avons accepté la création de la DSU « cible » parce que les communes concernées connaissent une situation difficile. Les exonérer de contribution au FPIC semble une nécessité au vu de ces difficultés.
Cela dit, j’ajoute qu’il ne faudra pas non plus oublier de régler la situation des intercommunalités dont certaines des communes bénéficient de la DSU « cible », qui, sans connaître les mêmes difficultés que ces dernières, se trouvent quand même dans une situation fragile.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. le président.
On parle beaucoup de la DSU, mais ce qui est vrai pour la DSU l’est aussi pour la DSR…
M. Dominique de Legge.
C’est évident !
Mme Marie-France Beaufils.
C’est prévu !
M. Claude Dilain.
Je l’ai bien noté, mais ce point n’est pas évoqué dans le débat. Je pense qu’il s’agit évidemment d’un élément de complexification du dossier, par rapport à tout ce qui a pu être dit jusqu’à maintenant. Je souhaite simplement le mentionner, sous réserve des explications qui pourraient nous être données par M. le ministre.
M. Dominique de Legge.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je suis plutôt favorable à l’idée d’exclure de toute contribution au FPIC les villes bénéficiaires de la DSU « cible ». Cela dit, le Gouvernement nous a transmis de nouvelles simulations, depuis celles du week-end dernier : en faisant varier le critère du potentiel financier par habitant, on observe des changements radicaux par rapport aux premières simulations qui nous avaient tous fait sursauter.
M. Philippe Dallier.
Comment articuler l’exclusion des communes qui touchent la DSU « cible » avec les autres critères ? Sans disposer de simulations, il est difficile de prendre position et je me trouve assez embarrassé. Si nous adoptons cet amendement, nous prenons une position de principe. Ensuite, comment faire varier les autres critères pour parvenir à une situation à peu près équilibrée ?
Nous en revenons toujours au même problème : on nous demande de prendre une décision importante au regard de ses enjeux financiers sans connaître les conséquences de notre décision.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. le président.
Nous mettons le doigt sur le point le plus délicat de ce dispositif, qui a fait monter au créneau l’ensemble des membres de la commission des finances. En effet, nous avons eu le sentiment que ce dispositif n’était pas achevé, monsieur le ministre. Nous avions imaginé une autre solution, sans parvenir à la faire aboutir. Maintenant, nous examinons l’amendement de notre collègue Claude Dilain qui vise à « border » ce dispositif pour en limiter les effets pervers, tout à fait incompréhensibles pour nos concitoyens.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Je souhaite que cet amendement soit adopté, mais je tiens à attirer votre attention sur un point, monsieur le ministre : vous nous dites que le problème est réel et que vous allez essayer de trouver des correctifs, grâce à des simulations faites sur le pouce d’ici à deux à trois jours…
Elles sont déjà faites !
M. Philippe Richert,
J’ai eu le temps de jeter un œil sur certaines simulations, mais sans pouvoir approfondir l’examen.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Nous essayons de mettre en place un dispositif de péréquation : l’exercice consiste à prélever sur les uns, les contributeurs, pour redistribuer aux autres, les bénéficiaires. Mais si l’on utilise des critères différents pour déterminer les contributeurs et les bénéficiaires, quelque chose ne va pas !
Or la dernière simulation, qui vise justement à apporter une réponse au problème posé par les villes qui touchent la DSU et les communes qui perçoivent la DSR, retient le critère du potentiel financier pour déterminer le prélèvement, mais celui-ci n’entre plus que pour 10 % dans le dispositif de redistribution des 250 millions d’euros ! Vous essayez de corriger un réel problème par des simulations d’une complexité inouïe, mais, ce faisant, vous démontrez par l’absurde que votre système de péréquation ne fonctionne pas, puisque le potentiel financier, seul critère retenu pour le prélèvement, n’entre plus que pour 10 % dans les critères de répartition – les autres critères étant les revenus, pour 80 %, et l’effort fiscal, pour 10 %.
Certes, vous parviendrez peut-être à apporter des correctifs aux aberrations que certains ont dénoncées, mais vous êtes en train de créer une œuvre de bienfaisance, qui n’a plus rien d’un système de péréquation !
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Pour répondre à M. le rapporteur spécial, je tiens à préciser qu’il n’y a aucune contradiction dans le système que nous proposons. D’une part, le critère du potentiel financier, ou l’évaluation de la richesse, est utilisé pour calculer qui doit être contributeur. D’autre part, la répartition doit prendre en compte, certes, l’état de richesse des communes moins riches que les communes contributrices, mais aussi les charges de ces communes, qui peuvent varier. Les critères déterminant la répartition ne sont donc effectivement pas les mêmes que ceux qui président à la répartition, mais je n’y vois absolument rien de contradictoire.
M. Philippe Richert,
Je souhaite également revenir sur les propos de M. Richard : si on ôte des contributeurs au FPIC les 10 000 communes bénéficiaires de la DSR « cible » et les 250 communes bénéficiaires de la DSU « cible », près d’un tiers des communes se trouvent exonérées. Comme nous nous fixons l’objectif de prélever 250 millions d’euros pour les répartir, cette charge reposera donc sur les autres communes.
Certaines intercommunalités peuvent compter un nombre non négligeable de communes exonérées. On ne peut donc pas simplement dire que les bénéficiaires de la DSU ne participent pas au prélèvement, il faut aussi « neutraliser » les effets de cette exonération au niveau de l’intercommunalité, ce qui suppose de soustraire la richesse et le nombre d’habitants des communes exonérées pour appliquer à ces intercommunalités les critères qui président au prélèvement. Sinon, lorsqu’une intercommunalité comporte des communes « riches » et des communes « pauvres » – veuillez excuser ce raccourci ! –, si l’on se contente de ne pas tenir compte des communes pauvres, l’intercommunalité va être évaluée comme étant « très riche », car elle subira une réévaluation importante de son potentiel financier.
Je tenais donc à insister sur le fait qu’il n’est pas possible d’adopter cet amendement en l’état, et je rejoins M. Richard sur ce point : il faudrait approfondir la réflexion sur la manière dont on évalue la contribution des collectivités qui ne sont pas exonérées de ce prélèvement.
C’est pourquoi j’avais indiqué, monsieur le rapporteur spécial, qu’il me semblait que, d’ici une à deux semaines, nous devrions pouvoir affiner le dispositif sur ce point. Je ne pense pas que vous puissiez me reprocher d’avoir apporté cette précision tout à l’heure.
Je mets aux voix l’amendement n° II‑263 rectifié.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n° II-275, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
, pondéré par un coefficient de deux tiers, et en fonction du rapport entre le revenu moyen par habitant des collectivités de métropole et le revenu par habitant de l’ensemble intercommunal ou de la commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, multiplié par la population de l’ensemble intercommunal ou de la commune, pondéré par un coefficient d’un tiers
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-264, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux, Bourzai et Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Richard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le prélèvement dû par les communes n’appartenant à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est minoré à due concurrence des montants prélevés l’année précédente en application de l’article L. 2531-13.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
Je ne me fais guère d’illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement : il vise à attirer l’attention sur le cumul du FSRIF et du FPIC, problème qui concerne essentiellement l’Île-de-France.
M. Jean-Pierre Caffet.
Les explications de M. le ministre étaient tout à fait exactes : si une commune doit 8 000 euros au titre du FSRIF qui est prélevé en premier et qu’elle se voit réclamer, ensuite, 12 000 euros au titre du FPIC, elle ne paie à ce dernier que la différence, soit 4 000 euros. Mais seules sont concernées par ce mécanisme les communes qui appartiennent à une intercommunalité, le manque à gagner pour le FPIC étant réparti entre les autres membres de l’intercommunalité. Sur ce dernier point, la loi devrait expliciter davantage les modalités de répartition, car le bon fonctionnement de ce mécanisme suppose une décision unanime de l’intercommunalité, ce qui ne va pas forcément de soi…
Je voulais également souligner que ce dispositif ne concerne en rien les communes isolées ; je pense notamment à celles de la première couronne, qui sont exonérées de l’obligation d’adhérer à une intercommunalité. On pourrait alors connaître la situation suivante : une commune riche appartenant à une intercommunalité serait exonérée d’une partie du paiement qu’elle doit au FPIC, parce qu’elle appartient à un EPCI à fiscalité propre, alors qu’une commune isolée paierait en totalité les deux prélèvements.
On m’objectera que la minoration de la contribution de la commune appartenant à un EPCI est supportée par les autres communes membres de cet EPCI, et que, finalement, on crée ainsi une prime à l’intercommunalité.
Je voulais insister sur ce problème, même s’il ne concerne que quelques communes de la petite couronne. Je ne me fais cependant aucune illusion sur le fait qu’il puisse être réglé ce soir ni sur la position que pourrait adopter l’Assemblée nationale sur ce sujet.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Mon cher collègue, nous savons que le principe de la « double lame » FSRIF et FPIC a été retenu comme philosophie de base pour les communes et les blocs intercommunaux de la région parisienne.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Quatre lames !
M. Jean-Pierre Caffet.
Cet amendement vise à ce que les communes isolées puissent déduire de leur prélèvement au FPIC le prélèvement éventuel qu’elles ont subi au titre du FSRIF.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
C’est une option sur laquelle nous avons déjà émis un avis défavorable. Il s’agirait en l’espèce de reporter la charge des prélèvements au FPIC des communes isolées et aisées d’Île-de-France vers l’ensemble des autres collectivités territoriales contributrices.
Nous ne pouvons qu’être défavorables à cet amendement, qui est contraire à la philosophie que la commission des finances a adoptée sur le sujet.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis que M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Richert,
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. le président.
Je voudrais appeler l’attention de la commission des finances sur un autre principe sur lequel tout le monde s’accorde, me semble-t-il, à savoir l’égalité de traitement entre les ensembles intercommunaux et les communes isolées. À partir du moment où vous avez protégé les ensembles intercommunaux contre une sur-cotisation, il n’y a pas de raison de ne pas faire de même pour les communes isolées.
M. Alain Richard.
M. Roger Karoutchi.
Nous sommes certes tentés de considérer que le problème est résiduel et que toutes les communes feront partie d’une communauté dans un an ou deux. Or, précisément, la loi prévoit qu’un certain nombre de communes, au sein de la petite couronne, pourront durablement rester isolées. Il va donc bien falloir continuer à respecter le principe d’égalité entre des communes isolées et des ensembles intercommunaux.
M. Alain Richard.
De ce point de vue, la position adoptée par la commission des finances ouvre une brèche sérieuse dans le principe d’égalité entre contributeurs, que nous avons tout de même intérêt à préserver.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne soutiendrai pas la proposition de notre collègue Caffet, même si je porte un intérêt tout particulier aux communes isolées de la première couronne ayant été à l’origine de l’amendement qui a permis de les exclure de l’obligation d’entrer dans une intercommunalité, en attendant le débat sur la gouvernance du Grand Paris.
M. Philippe Dallier.
Cela étant, notre collègue Richard pose un problème tout à fait réel. Il existe une différence de traitement, que l’on retrouve également dans l’absence de prise en compte de la dotation d’intercommunalité dans les ressources.
Cela n’a pas le même impact !
M. Alain Richard.
Peut-être, mais la différence est réelle ! Une commune isolée ne perçoit pas de dotation d’intercommunalité et on la compare, à population égale, avec des intercommunalités qui bénéficient, elles, d’une dotation de 40 à 60 euros par habitant. Ce n’est pas rien, rapporté au potentiel financier agrégé.
M. Philippe Dallier.
Effectivement, les communes isolées seront nombreuses pendant un certain temps encore – j’espère que nous en viendrons un jour à bout, monsieur le ministre. En tout cas, pendant cette période intermédiaire, il faut prêter attention à cette inégalité de traitement.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑264.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° II-195, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 41
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la détermination du prélèvement, s'applique à la moitié du produit défini à l’alinéa précédent, un coefficient modérateur égal à 1, 0,8 ou 0,6 en fonction de l’écart positif à la moyenne nationale du coût du logement. Pour l’application du présent alinéa, les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre sont classés, par arrêté des ministres chargés du logement et des collectivités territoriales, en trois groupes en fonction du niveau des loyers du parc privé effectivement constatés.
La parole est à M. Philippe Dallier.
Cet amendement, dont j’ignore si le sort qui lui sera réservé sera amical ou non, est une tentative d’introduire un critère de charge relatif à la cherté du logement.
M. Philippe Dallier.
Je persiste à penser que, à ressources par habitant équivalentes, le coût de la vie est si différent selon les parties du territoire qu’il faudrait en tenir compte dans les critères de charges des communes.
Je suis bien conscient de la difficulté de définir ces critères. Nous avons essayé de classer les communes en trois catégories, en fonction d’un découpage territorial du coût du logement qui est laissé à l’appréciation du Gouvernement.
Il s’agit avant tout d’un coup d’essai, destiné à attirer l’attention sur un problème réel.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission des finances a émis un avis défavorable, dans la mesure où elle a préconisé, dans un groupe de travail que Philippe Dallier connaît bien, un prélèvement au FPIC sur le seul critère du potentiel financier par habitant comparé à celui de la strate.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
La mesure que vous proposez est donc en contradiction avec la philosophie générale adoptée par la commission des finances. Les débats en commission ont permis de confirmer que cette hypothèse pourrait être étudiée dans le rapport que remettra le Gouvernement en 2012, dans le cadre des ajustements qui devront sans doute être apportés. C’est l’objet de l'amendement n° II-455 que nous examinerons ultérieurement.
Cet amendement est en contradiction avec notre ligne générale ; c’est pourquoi nous ne pouvons l’accepter. Cependant, monsieur le ministre, c’est un sujet qui mérite une attention soutenue.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Une fois n’est pas coutume, je partage l’avis de la commission. L’auteur de l’amendement, Philippe Dallier, a d'ailleurs lui-même présenté les critiques que l’on pourrait lui opposer. Il n’en reste pas moins que le problème est réel.
M. Philippe Richert,
Je m’en remettrai tout à l'heure à la sagesse du Sénat sur l’amendement prévoyant la remise au Parlement, avant l’examen du prochain projet de loi de finances, d’un rapport du Gouvernement évaluant l’application du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, notamment dans la perspective de sa pérennisation. L’ensemble des questions en suspens sera examiné à cette occasion. Dans l’immédiat, chacun comprendra, y compris l’auteur de l’amendement, qu’il m’est difficile de donner un avis favorable.
Monsieur Dallier, l'amendement n° II-195 est-il maintenu ?
M. le président.
Je le retire, monsieur le président.
M. Philippe Dallier.
Je précise simplement que j’avais déjà soulevé le problème lors des auditions du groupe de travail. La solution que j’avais proposée n’avait certes pas été retenue dans le rapport, mais je ne suis pas en contradiction avec moi-même sur ce sujet d’importance !
L'amendement n° II‑195 est retiré.
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Monsieur le président, je demande l’examen par priorité de l'amendement n° II-55, qui est de portée plus générale que l'amendement n° II-266.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président.
Favorable.
M. Philippe Richert,
La priorité est de droit.
M. le président.
L'amendement n° II-55, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 42, première phrase
1° Remplacer les mots :
des produits qu’ils ont perçus chacun au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336‑2, corrigées
par les mots :
de leur potentiel fiscal, corrigé
2° Remplacer les mots :
majorées ou minorées
par les mots :
majoré ou minoré
II. – Alinéa 57, première phrase
Remplacer les mots :
des produits qu’ils ont perçus chacun l’année précédente au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336‑2
par les mots :
de leur potentiel fiscal
La parole est à M. François Marc.
Afin de pondérer les prélèvements et les reversements pratiqués par le FPIC en prenant en compte les charges de centralité et l’effort fiscal des communes et des EPCI, cet amendement vise à substituer à la notion de produits fiscaux celle de potentiel fiscal dans les critères de répartition des prélèvements et des reversements au FPIC entre un EPCI et ses communes membres.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
L’adoption de cet amendement permettrait de clarifier le dispositif.
L'amendement n° II-266, présenté par MM. Collomb et Dilain, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Richard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Alinéa 42
Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :
« 3° Le prélèvement calculé pour chaque ensemble intercommunal conformément au 2° du présent I est réparti entre l’établissement public de coopération intercommunale d’une part et ses communes membres d’autre part en fonction du coefficient d’intégration fiscale défini au III de l’article L. 5211-30.
« Toutefois, les modalités de répartition interne de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité.
« 3° bis Le prélèvement calculé pour les communes membres selon le 3° du présent I est réparti entre les communes membres en fonction d’un indice synthétique de ressources et de charges.
« L’indice synthétique est constitué à partir des rapports suivants :
« a) Rapport entre le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble intercommunal d’une part et le potentiel financier par habitant de la commune membre d’autre part ;
« b) Rapport entre le revenu moyen par habitant de l’ensemble intercommunal d’une part et le revenu moyen par habitant de la commune membre d’autre part ;
« c) Rapport entre l’effort fiscal de l’ensemble intercommunal d’une part et l’effort fiscal de la commune membre d’autre part.
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports définis aux a, b et c en pondérant les deux premiers par 40 % et le troisième par 20 %.
« Toutefois, les modalités de répartition interne de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité.
II. - Alinéa 57, première phrase
Après les mots :
ses communes membres
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
en fonction du coefficient d’intégration fiscale défini au III de l’article L. 5211-30. Toutefois, les modalités de répartition interne de cette attribution peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité.
III. - Alinéas 58 à 60
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
« …° L’attribution calculée pour les communes membres selon le 4° est répartie entre les communes membres en fonction d’un indice synthétique de ressources et de charges. L’indice synthétique est constitué à partir des rapports suivants :
« a) Rapport entre le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble intercommunal d’une part et le potentiel financier par habitant de la commune membre d’autre part ;
« b) Rapport entre le revenu moyen par habitant de l’ensemble intercommunal d’une part et le revenu moyen par habitant de la commune membre d’autre part ;
« c) Rapport entre l’effort fiscal de l’ensemble intercommunal d’une part et l’effort fiscal de la commune membre d’autre part ;
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports définis aux a, b et c en pondérant les deux premiers par 40 % et le troisième par 20 %.
« Toutefois, les modalités de répartition interne de cette attribution peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité. »
La parole est à M. Claude Dilain.
Cet amendement, que devait défendre M. Collomb, est sous-tendu par l’idée suivante, dont nous avons souvent débattu depuis mercredi dernier : si les critères de charges sont extrêmement pertinents pour répartir le FPIC, ils devraient logiquement être pris en compte également pour le prélèvement.
M. Claude Dilain.
Il s’agit de répartir, dans un premier temps, le prélèvement ou l’attribution entre l’EPCI et ses communes membres en fonction du coefficient d’intégration fiscale, puis de répartir ces sommes entre les communes membres de l’ensemble intercommunal en fonction d’un indice synthétique de ressources et de charges combinant le potentiel financier par habitant, le revenu moyen par habitant et l’effort fiscal.
Dans chacune de ces hypothèses, nous offrons bien entendu la possibilité aux élus de fixer librement les modalités de répartition de ces montants, à condition de recueillir l’accord unanime du conseil communautaire.
L'amendement n° II-232, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Alinéa 42, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Après l'alinéa 42
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le potentiel financier d’une commune est inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique telle que définie à l’article L. 2334-3, cette dernière est exonérée de prélèvement. La part de prélèvement lui correspondant est alors répartie entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres. Cette exonération est calculée tous les ans.
« Toutefois, les modalités de répartition de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité ;
La parole est à M. Charles Guené.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément les amendements n
M. Charles Guené.
Dans le droit-fil de notre rapport, l'amendement n° II-232 prévoit, d’une part, que les communes soient prélevées sur la base de leur potentiel financier et non sur des produits perçus.
On m’objectera qu’il n’y a pas de potentiel financier dans le cas d’une intercommunalité. Cependant, nous aurions pu distinguer l’intercommunalité, puis nous référer au potentiel financier à l’intérieur du bloc communal. Je ne comprends pas très bien pourquoi cette solution n’a pas été retenue.
Pour mettre fin au syndrome de la commune pauvre au sein d’un ensemble riche, l’amendement n° II-232 prévoit, d’autre part, que la commune soit exonérée lorsque son potentiel financier par habitant est inférieur à 80 % de celui de sa strate. De cette manière, son prélèvement serait reporté sur les autres communes du territoire. Il est à noter que la présence de cette commune pauvre fait baisser le potentiel financier de l’ensemble. Les autres communes ne sont donc pas perdantes.
Ces deux dispositions sont reprises séparément dans les amendements n
(Sourires.)
L'amendement n° II-231, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Alinéa 42, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 42
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Le prélèvement calculé pour les communes membres selon le 3° du présent I est réparti entre elles au prorata du potentiel financier de chacune des communes membres dans le potentiel financier cumulé de l’ensemble des communes membres, tel que défini à l’article L. 2334-4.
« Toutefois, les modalités de répartition de ce prélèvement peuvent être fixées librement par délibération, prise avant le 30 juin de l’année de répartition, du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale statuant à l’unanimité ;
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° II-291 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéa 42, dernière phrase
Remplacer les mots :
à l’unanimité
par les mots :
à la majorité des deux tiers
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-230, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Lorsque le potentiel financier d’une commune est inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique telle que définie à l’article L. 2334-3, cette dernière est exonérée de prélèvement. La part de prélèvement lui correspondant est alors répartie entre l’établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres. Cette exonération est calculée tous les ans.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° II-292 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéa 57, première phrase
Remplacer les mots :
des produits qu’ils ont perçus chacun l’année précédente au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336-2
par les mots :
de leur potentiel fiscal
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
La commission des finances est défavorable à l’amendement n° II‑266, car il n’est pas compatible avec l'amendement n° II-55 qu’elle a adopté prévoyant une répartition des reversements du FPIC entre l’EPCI et ses communes membres en fonction du potentiel fiscal.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
En outre, l’EPCI peut toujours opter pour une répartition en fonction du coefficient d’intégration fiscale. En définitive, par l’ouverture générale qu’il offre, l’amendement de la commission permet la mise en œuvre du dispositif imaginé dans cet amendement. Celui-ci n’aurait donc plus d’objet si l’amendement de la commission était adopté.
La commission est défavorable à l’amendement n° II‑232, qui n’est pas compatible avec le sien. En outre, il revient sur le caractère intercommunal du prélèvement, qui est le fondement du FPIC.
En exonérant certaines communes, cet amendement conduirait, s’il était adopté, à reporter la charge du prélèvement sur les autres communes d’un EPCI, alors qu’il revient à l’EPCI de mettre en œuvre sa propre péréquation au sein de l’intercommunalité.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° II-231, car il ne semble pas opérationnel. L’article prévoit par ailleurs que les prélèvements sont répartis entre les communes membres d’un EPCI au prorata des produits de fiscalité perçus.
J’ai également le regret d’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° II-230, car il tend à revenir sur le caractère intercommunal du prélèvement. Cet amendement conduirait lui aussi, s’il était adopté, à reporter la charge du prélèvement sur les autres communes. Or, je le répète, c’est l’EPCI qui doit mettre en œuvre sa propre péréquation. Le dispositif proposé est en contradiction avec cette démarche intercommunale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° II-55 de la commission.
M. Philippe Richert,
En fait, aujourd'hui, le dispositif repose sur un potentiel financier agrégé, qui prend en compte à la fois la richesse communale et la richesse intercommunale. L’amendement de la commission tend à prévoir une répartition du prélèvement et son reversement au sein de l’ensemble intercommunal en fonction du potentiel fiscal.
Aujourd'hui, le principe est, lorsque l’on a une intercommunalité et des communes, de prendre en compte une partie du potentiel fiscal de l’intercommunalité pour évaluer le potentiel fiscal de la commune. Le dispositif proposé par la commission pose une difficulté puisqu’il établit un double compte à l’intérieur même de l’intercommunalité entre le potentiel fiscal des communes et le potentiel fiscal de l’intercommunalité, ce qui est défavorable aux communes.
Nous pensons qu’il est plus judicieux de rester sur les principes qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° II-266, qui vise à prévoir la répartition entre les communes membres en fonction d’un indice synthétique. J’aurais préféré que nous en restions à ce que nous avions proposé, quitte à modifier la répartition en fonction des indices que j’avais déjà évoqués précédemment.
L’amendement n° II-232 vise à exonérer de contributions les communes dont le potentiel financier est inférieur à 80 % du potentiel financier de leur strate. À cet égard, l’amendement qui a été adopté concernant la DSU devrait répondre à votre préoccupation, monsieur Guené.
L’amendement n° II-231 soulève la même interrogation sur la répartition. Dès lors que l’on exclut DSU et DSR, que fait-on de la richesse des communes concernées ? Les exclut-on totalement ? Dans ce cas, cela signifie qu’il faut également exclure la population. Cela conduirait à modifier le potentiel financier de l’ensemble de l’intercommunalité. Aujourd'hui, je suis défavorable à cet amendement, comme d’ailleurs à l’amendement n° II-230.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° II-55.
M. le président.
Nous allons bien évidemment voter l’amendement de la commission.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le ministre, ces questionnements montrent qu’un véritable travail de fond aurait été nécessaire sur ces sujets. Si nous avions pu en débattre en dehors de la période budgétaire, comme cela a déjà été dit avant-hier, nous aurions été plus efficaces.
Le potentiel fiscal permettrait, semble-t-il, de mieux mesurer ce que pourrait être la richesse si la collectivité mettait en place des taux nationaux. Cela étant, on sait très bien que la réalité n’est pas toujours si simple à l’échelon local, compte tenu de l’histoire du territoire.
Force est de constater que nous avançons un peu avec des lunettes brouillées sur ces sujets. Je trouve qu’il est dommage que nous ayons cette réflexion en un laps de temps si court.
Il ne fallait pas en discuter à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est bien ce que je dis !
Mme Marie-France Beaufils.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑55.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° II‑266 n'a plus d'objet.
M. le président.
Monsieur Guené, les amendements n
Non, je les retire, monsieur le président.
M. Charles Guené.
Les amendements n
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-56 est présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-302 est présenté par MM. Collomb, Besson et Kaltenbach, Mme Génisson, MM. Delebarre et Dilain et Mmes Laurent-Perrigot et Cartron.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer le pourcentage :
par le pourcentage :
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-56.
L’Assemblée nationale a abaissé le plafonnement commun des prélèvements au titre du FSRIF et du FPIC à 10 % du potentiel fiscal des communes ou des ensembles intercommunaux.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Cet abaissement, qui vise à protéger les communes et les intercommunalités les plus riches, est en contradiction avec l’objectif de péréquation fixé au FPIC. Il conduirait à un report de la solidarité territoriale sur les communes et les ensembles intercommunaux ayant moins de ressources.
Par conséquent, cet amendement vise à revenir au plafonnement prévu dans le texte initial du Gouvernement, soit 15 % du potentiel fiscal des communes ou des ensembles intercommunaux.
La parole est à M. Claude Dilain, pour présenter l'amendement n° II-302.
M. le président.
Il est défendu, monsieur le président.
M. Claude Dilain.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. Philippe Richert,
Nous avons accepté d’abaisser ce taux de 15 % à 10 % parce que les communes, en particulier celles de l’Île-de-France, sont soumises au FPIC ou au FSRIF. Le fait de porter de nouveau ce taux à 15 % conduirait ces communes à acquitter une contribution d’un montant non négligeable.
Nous avons pensé qu’il fallait leur permettre de s’adapter progressivement à un effort important. Selon les uns et les autres, aller plus vite et plus loin poserait quelques difficultés.
Telle est la raison pour laquelle nous avons accepté d’abaisser ce taux à 10 %. À titre personnel, je pense que c’est suffisant pour la première année.
Je ne doute pas que votre amendement sera adopté, monsieur le rapporteur. Toutefois, je vous propose d’en rester aujourd'hui au taux de 10 % et de faire le bilan de ce dispositif à l’automne.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. le président.
En fait, monsieur le ministre, s’il était adopté, ce dispositif concernerait les trois communes les plus riches de la région parisienne.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Vous le voyez, nous ne sommes pas en train d’assommer toutes les agglomérations de la région parisienne !
La ville de Paris est-elle concernée ?
M. Roger Karoutchi.
Oui, elle l’est.
M. Philippe Richert,
Pour reprendre l’expression d’un humoriste bien connu, elles peuvent payer. Nous ne sommes pas bien méchants !
M. François Marc,
rapporteur spécial.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le ministre, si vous vous interrogez sur ce dispositif, est-ce parce que vous êtes pessimiste sur l’évolution de la CVAE ?
Mme Marie-France Beaufils.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Paris contribue au titre, notamment, du Fonds départemental de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, et cette contribution n’est pas négligeable. Certes, Paris est riche, c’est évident. Mais Paris contribue aussi au titre du FSRIF et du FPIC. Ces contributions ne sont pas négligeables non plus.
M. Philippe Richert,
Il m’a semblé que cela faisait beaucoup. C’est parce que j’ai été attentif à ce qu’on m’a rapporté à l’Assemblée nationale que j’ai émis un avis favorable sur l’abaissement du taux à 10 %. Je ne peux pas me dédire aujourd'hui au Sénat !
Ce serait vous déjuger !
M. Jean-Pierre Caffet.
(Sourires.)
J’essaie de garder une certaine cohérence, mais je comprends parfaitement que le Sénat veuille modifier le taux adopté par l’Assemblée nationale. Cela ne me pose aucune difficulté d’ordre psychologique !
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
L'amendement n° II-279, présenté par M. Caffet et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour la collectivité mentionnée à l’article L. 2512-1, les montants mentionnés au 1° à 5° de l’article L. 2336-2 sont minorés du versement prévu au dernier alinéa de l’article L. 3334-3.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° II-242, adopté mercredi dernier, et l’amendement n° II-55.
M. Jean-Pierre Caffet.
L’amendement n° II-242 a institutionnalisé le versement par la commune de Paris de 150 millions d’euros au département de Paris afin de compenser la faiblesse de la DGF forfaitaire perçue par le département de Paris.
L’amendement n° II-279 vise à prévoir la prise en compte de ce versement dans le potentiel financier de la commune de Paris pour le calcul du cumul du FSRIF et du FPIC. La commune de Paris étant extrêmement riche, elle paiera plein pot, les prélèvements au titre du FSRIF et du FPIC étant plafonnés à 15 % du potentiel fiscal, et non plus à 10 %, comme cela avait été acté à l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission des finances est favorable à cet amendement de coordination avec l’amendement n° II-242, déposé sur l’article 53, lequel visait à institutionnaliser un versement de 150 millions d’euros par an par la commune de Paris au département de Paris.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Dans la mesure où j’étais défavorable à l’amendement n° II-242, vous comprendrez que je le sois évidemment aussi à l’amendement qui nous est présenté ici.
M. Philippe Richert,
Vous vous en êtes rendu compte à l’occasion des amendements précédents, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne tiens pas à tout prix à accabler la ville de Paris. Néanmoins, je tiens à faire remarquer que le fait de réduire la participation de la ville de Paris aura des conséquences sur quelques communes de l’Île-de-France, ce qui est un problème.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑279.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° II-337, présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 43
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les prélèvements ne sont pas effectués lorsque les communes contributives ou représentant la majorité de la population de l’établissement de coopération intercommunale auxquelles elles participent sont éligibles aux dotations prévues aux articles L. 2334‑15 et L. 2334‑20.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
L’indice synthétique des ressources et des charges est au cœur de nos débats.
Mme Marie-France Beaufils.
La réduction des inégalités de ressources est une question importante. Je ne pense pas que le fonds de péréquation dont nous débattons aujourd'hui permettra de résoudre à lui seul, compte tenu de son ampleur, l’ensemble des problèmes que nous connaissons tous.
À l’échelon national, notre territoire est en effet pour le moins contrasté. On a beaucoup évoqué l’Île-de-France, mais c’est également le cas ailleurs dans nos régions. On sait qu’un territoire très riche économiquement peut avoir une population très fragile.
Nous aurions aimé que la question des dotations de solidarité soit traitée non pas simplement sur la question cible, mais plus largement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement, au demeurant fort sympathique, est satisfait. En effet, l’amendement n° II-263 rectifié que nous avons adopté tout à l’heure, permet de donner satisfaction à l’essentiel de cet amendement.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Mme Beaufils, l’amendement n° II-337 est-il maintenu ?
M. le président.
Il est maintenu, monsieur le président.
Mme Marie-France Beaufils.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement vise à étendre le champ des communes non soumises au prélèvement au FPIC au-delà des seules communes bénéficiaires de la DSU et de la DSR « cibles », puisqu’il propose d’y inclure toutes les communes percevant la DSU et la DSR !
M. Philippe Richert,
Il y a 250 communes éligibles à la DSU « cible », et 750 à la DSU. Les communes éligibles à la DSR « cible » sont 10 000, celles à la DSR 33 000 ! Exclure 33 000 communes du dispositif de la péréquation pourrait poser quelques problèmes !
(M. Roger Karoutchi s’esclaffe
On ne veut surtout pas cela !
M. Jean-Pierre Caffet.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑337.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° II-299, présenté par MM. Collomb, Besson et Kaltenbach, Mme Génisson, M. Delebarre et Mmes Laurent-Perrigot et Cartron, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’alinéa 44
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« III. – Toutefois, s’agissant de l’année 2012, un montant de 50 millions d’euros est mis en réserve. Ce montant est déduit des douzièmes susceptibles d’être prélevés au premier semestre de l’année en application du 2° du présent article. Avant le 31 mai 2012, sur décision du Comité des finances locales, le prélèvement de 50 millions d’euros mis en réserve fait l’objet d’une répartition tenant compte, d’une part, des notifications de dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de dotation de solidarité rurale et, d’autre part, des inscriptions budgétaires que les établissements publics de coopération intercommunale ont fait au bénéfice de leurs communes membres bénéficiant de l’augmentation de dotation selon les dispositions de l’article L. 2334-18-4. Les douzièmes susceptibles d’être prélevés au second semestre de l’année 2012 intègrent les décisions du Comité susmentionné.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du III.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-276, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par les mots :
et dont l’effort fiscal est supérieur à 0,5
Cet amendement n'est pas soutenu.
La commission en reprend le texte, monsieur le président.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Je suis donc saisi d’un amendement n° II-463, présenté par MM. Pierre Jarlier et François Marc, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-276.
M. le président.
Vous avez la parole pour le présenter, monsieur le rapporteur spécial.
Cet amendement intéressant vise à exclure de tout bénéfice d’un reversement au titre du FPIC les communes et les ensembles intercommunaux dont l’effort fiscal est inférieur à 0,5.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
En effet, il revient à ces collectivités de mobiliser leurs ressources fiscales avant de prétendre aux reversements au titre de la péréquation horizontale.
Il s’agit donc de s’assurer que les collectivités fournissent un minimum d’effort fiscal pour pouvoir prétendre à la péréquation.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement est réellement bien vu. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° II-463.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° II-269 rectifié, présenté par M. Berson, Mme Campion, MM. Dilain et Collomb, Mme M. André, MM. M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Remplacer les mots :
revenu moyen par habitant
par les mots :
premier décile du revenu moyen par habitant
et les mots :
revenu par habitant
par les mots :
premier décile du revenu par habitant
La parole est à M. Michel Berson.
L’alinéa 52 de l’article 58 dispose que l’indice synthétique de ressources et de charges est fonction du revenu moyen par habitant.
M. Michel Berson.
En ne tenant compte que du revenu moyen par habitant, l’indice synthétique de ressources et de charges ne prend pas suffisamment la mesure des charges inhérentes à la présence sur le territoire des collectivités d’une population à très faibles ressources.
Le calcul d’une moyenne par habitant du territoire a pour effet de niveler les disparités importantes existant entre les habitants d’un même ensemble intercommunal ou d’une même commune.
Dans l’état actuel de la législation, ces disparités de richesses sur un même territoire ne sont que peu ou pas compensées par des recettes fiscales supplémentaires.
De ce fait, les collectivités dont une part de la population est privée de ressources se trouvent pénalisées et verront, en l’absence de reversement du fonds, diminuer leur soutien aux populations les plus faibles.
Cet amendement a donc pour objet de retenir au sein de l’indice synthétique le revenu moyen des 10 % des habitants les plus pauvres de la collectivité, comparé au revenu moyen des 10 % les plus pauvres de la strate.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement est intéressant car il vise à prendre en compte comme critère de charge le revenu moyen des 10 % de la population les moins riches au sein de chaque commune ou ensemble intercommunal, au lieu du revenu moyen global des habitants de la collectivité.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Il risque toutefois d’avoir des effets pervers en ne tenant pas du tout compte des populations aisées au sein du critère du revenu par habitant.
Nous ne disposons par ailleurs d’aucune information sur les conséquences induites par cette modification.
Compte tenu des incertitudes entourant les conditions d’application d’un tel dispositif, la commission demande à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je partage tout à fait l’avis du rapporteur. Cet amendement est vraiment intéressant. Je comprends fort bien l’intérêt qui s’attache à prendre en compte la part de population la plus fragile. Ce peut-être un indicateur plus intéressant que le revenu moyen global. Pour autant, je n’écarte pas ce dernier critère. En effet, nous ne disposons pas aujourd'hui de simulations ni d’éléments chiffrés sur la prise en compte du critère défendu par cet amendement.
M. Philippe Richert,
C’est un sujet que nous pourrions examiner dans le cadre de la revoyure qui a été décidée. Il faut voir les conséquences que cet amendement induit, d’autant que les revenus fragiles ne se trouvent pas qu’en milieu urbain. Le phénomène touche aussi le monde rural et les populations agricoles fragiles.
Ce sujet mérite donc d’être envisagé de façon plus globale.
Ainsi, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, mais assure son auteur de sa volonté de prolonger la réflexion autour de ce thème.
Monsieur Berson, l’amendement n° II-269 rectifié est-il maintenu ?
M. le président.
Monsieur le ministre, votre proposition nous renvoyant à la clause de revoyure est intéressante. Effectivement, une simulation semble s’imposer. Elle pourrait être menée sur la base de deux critères différents : la prise en compte du premier décile, d’une part, mais aussi, critère qui semble plus intéressant, celle du revenu médian, et non plus du revenu moyen.
M. Michel Berson.
C’est une bonne idée !
M. Philippe Dallier.
Le critère du revenu médian devrait nous permettre de répondre précisément à la problématique posée par cet amendement. Le critère du premier décile peut en effet avoir des effets pervers ou être coûteux pour le dispositif. Le revenu médian, en revanche, semble une notion plus juste et équitable. Elle paraît répondre à notre volonté de réduire les inégalités sociales sur nos territoires.
M. Michel Berson.
Je suis d’accord.
M. Claude Dilain.
Monsieur le président, je retire donc cet amendement. Je souhaite néanmoins, monsieur le ministre, que vous puissiez nous faire parvenir dans les meilleurs délais une simulation élaborée à partir de ces deux critères différents.
M. Michel Berson.
(M. le ministre acquiesce
L’amendement n° II-269 rectifié est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II-196, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Pour le calcul de ce rapport, le revenu par habitant de l’ensemble intercommunal ou de la commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre est pondéré à hauteur de 50 % d’un coefficient modérateur égal à 1, 0,8 ou 0,6 en fonction de l’écart positif à la moyenne nationale du coût du logement. Pour l’application du présent alinéa, les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre sont classés, par arrêté des ministres chargés du logement et des collectivités territoriales, en trois groupes en fonction du niveau des loyers du parc privé effectivement constatés.
La parole est à M. Philippe Dallier.
Cet amendement est dans le même esprit que l’amendement n° II-195 que j’ai présenté il y a quelques instants, et que j’ai été conduit à retirer à la suite du souhait formulé par M. le ministre.
M. Philippe Dallier.
Son idée s’inscrit dans la même lignée que l’amendement précédent, présenté par M. Berson. Il vise à prendre compte le coût de la vie locale en fonction de la cherté des loyers dans le revenu par habitant.
J’espère que, dans la suite du débat ou en commission mixte paritaire, cette dimension sera intégrée dans des propositions.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission émet un avis favorable, monsieur le président.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il est défavorable, monsieur le président. C’est du reste cohérent avec sa position sur l’amendement précédent !
M. Philippe Richert,
L’importance de ce sujet est réelle. Nous devons en effet regarder dans cette direction. Mais je ne peux pas dire aujourd'hui quelles seront les conséquences de l’adoption de cet amendement, qui semble assez compliqué à mettre en place. Je ne suis en outre pas certain d’avoir tous les éléments qui permettent de voir s’il est possible de pondérer le revenu par habitant comme vous le souhaitez. Son adoption risquerait de nous placer dans une situation délicate.
Monsieur Dallier, la prise en compte du prix du logement que vous avez préconisée dans l’amendement n° II-195 ou celle de la cherté de la vie locale, considérée dans le présent amendement nous semblent liés. Nous aurons donc l’occasion d’élaborer une réponse à ces questions dans les semaines qui viennent, mais aussi lors de la revoyure que nous avons évoquée à plusieurs reprises.
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. le président.
Le dispositif prévu par cet amendement mériterait d’être soumis à des simulations.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi.
En effet, pour éviter que certaines communes en difficulté ne soient trop gravement touchées, on a tendance dans les critères de reversement à « pousser » le critère du revenu par habitant, qui est compris dans l’indice synthétique de charges.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Il se peut néanmoins que cesse à un moment l’adéquation entre le niveau de revenu et l’évolution des loyers. Les dispositions de cet amendement posent donc une vraie question.
Au demeurant, les simulations que vous nous avez transmises nous le prouvent, monsieur le ministre, une difficulté risque d’apparaître si nous ne prenons pas en compte le niveau des loyers qui peut être important dans certains secteurs.
Cette idée mérite donc d’être creusée au cours de nos travaux à venir.
En conséquence, je suis plutôt favorable à cet amendement.
Monsieur Dallier, l'amendement n° II-196 est-il maintenu ?
M. le président.
La commission est si enthousiaste au sujet de cet amendement que je vais le maintenir, monsieur le président, quitte à faire un peu de peine à M. le ministre !
M. Philippe Dallier.
Je n’ai pas parlé d’enthousiasme !
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
On verra bien le sort qui lui sera réservé plus tard.
M. Philippe Dallier.
Je me réjouis que ce sujet, tout comme la question du revenu médian soulevée par M. Berson, soit désormais pris en considération.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. le président.
Je désire montrer les implications assez étranges que pourrait avoir un tel dispositif.
M. Alain Richard.
Prenez le revenu moyen de la commune ou de l’intercommunalité que vous connaissez. Multipliez-le par 1,5. Multipliez aussi par 1,5 le niveau de loyer courant de la collectivité en question. Il est très vraisemblable que le changement de type de population qu’entraînera un tel mouvement aura pour conséquence de réduire très substantiellement les charges liées à la jeunesse de la population ou aux transferts sociaux.
Honnêtement, je n’arrive pas à voir l’intérêt de pondérer le revenu par habitant par le coût du loyer, car c’est le niveau du revenu qui est déterminant pour considérer les charges sociales d’une commune, et ce quel que soit le niveau du loyer.
(Mme la rapporteure générale acquiesce
Je mets aux voix l'amendement n° II‑196.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-57 rectifié est présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-270 est présenté par MM. Collomb et Dilain, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Richard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
neuf dixièmes
par le mot :
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Cet amendement vise à relever le plafond de prise en compte de l’effort fiscal dans les critères de reversement du FPIC.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
L’effort fiscal a été intégré à la suite des travaux de l’Assemblée nationale à hauteur de 20 % dans les critères de redistribution. Mais, pour l’instant, le coefficient de prise en compte de ces ressources a été fixé à 0,9.
Il passerait de 0,9 à 1 si cet amendement était adopté, ce qui permettrait de ne pas défavoriser les communes qui mobilisent leurs ressources fiscales, dans la limite de la moyenne nationale.
La parole est à M. Claude Dilain, pour présenter l’amendement n° II-270.
M. le président.
Il est défendu, monsieur le président.
M. Claude Dilain.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
Les amendements n
L'amendement n° II-268 est présenté par MM. Collomb et Dilain, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Richard, Anziani et Besson, Mme Campion, MM. Chastan et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° II-280 est présenté par Mme Cayeux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l'alinéa 54
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« d) Et du rapport entre la proportion du total des bénéficiaires d'aides au logement, y compris leur conjoint et les personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer, dans le nombre total de logements de la commune et cette même proportion constatée dans l'ensemble des communes ;
II. - Alinéa 55
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition de ces rapports, pondérés chacun à hauteur de 25 %.
La parole est à M. Claude Dilain.
Cet amendement risque de recevoir les mêmes avis que les amendements précédents et de se voir opposer l’absence de simulation sur le sujet.
M. Claude Dilain.
Il tend à intégrer dans l’indice synthétique de ressources et de charges le nombre des bénéficiaires d’aides au logement sociaux.
L’amendement n° II-280 n’est pas soutenu.
M. le président.
L'amendement n° II-286 rectifié
I. - Après l'alinéa 54
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« d) Et du rapport entre la proportion de logements sociaux tels que définis à l’article L. 2334-17, dans le total des logements de l’ensemble intercommunal ou de la commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, et la proportion nationale de logements sociaux en métropole.
II. - Alinéa 55
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition de ces rapports, pondérés chacun à hauteur de 25 %.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-309 rectifié, présenté par M. Jarlier, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
les deux premiers par 40 %
par les mots :
le premier par 20 %, le second par 60 %
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Cet amendement vise à corriger les effets pervers des différents types de répartition que l’on nous propose au regard du potentiel financier, du revenu moyen et de l’effort fiscal.
M. Pierre Jarlier.
En effet, nous avons constaté que, malheureusement, un certain nombre de communes attributaires de la DSU « cible » – plus de 130, nous en avons longuement parlé tout à l’heure – ou de la DSR « cible » étaient concernées par le prélèvement et qu’elles ne bénéficiaient pas toujours suffisamment de la péréquation.
Cet amendement a donc pour objet de corriger cet effet en faisant passer, dans le calcul du reversement, la part du revenu moyen par habitant à 60 % et celle du potentiel financier à 20 %, la part de l’effort fiscal étant maintenue à 20 %.
De cette façon, les critères de reversement seraient plus équitables et tiendraient mieux compte de la réalité des charges de certains territoires.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission des finances s’est prononcée pour des critères simples et limités de reversement. Les trois critères actuels – potentiel financier, revenu et effort fiscal – pourraient être pondérés différemment afin d’améliorer le dispositif. C’est ce qui a été imaginé par les auteurs de l’amendement n° II-268.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Cela étant, nous ne disposons d’aucune simulation sur la prise en compte des bénéficiaires d’aides au logement. La commission n’a pas été en mesure d’émettre un avis plus circonstancié. Elle demande le retrait de cet amendement.
Quant à l’amendement n° II-309 rectifié, il vise à répartir les reversements à hauteur de 60 % pour le revenu, 20 % pour le potentiel financier agrégé, 20 % pour l’effort fiscal. Là non plus, nous ne disposons pas de simulations sur les effets de cet amendement. Nous aimerions donc connaître l’avis du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Sur l’amendement n° II–268, au-delà de l’avis donné par le rapporteur auquel je me rallie, je précise que nous n’avons pas de données concernant l’APL pour ce qui concerne les communes de moins de 3 500 habitants. L’application d’une telle disposition risque par conséquent d’être difficile.
M. Philippe Richert,
Dans l’immédiat, je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement.
En revanche, je suis favorable à l’amendement n° II–309 rectifié, car le rééquilibrage que propose M. Jarlier me paraît opportun, notamment pour prendre en compte la dimension du revenu, question qui est en fait sous-jacente dans plusieurs des amendements qui ont été présentés, y compris dans celui qu’a défendu à l’instant M. Dilain. La question du revenu des foyers est liée à celle des allocations logements perçues.
Il me semble donc qu’au moins pour partie l’amendement n° II–309 rectifié devrait donner satisfaction aux auteurs de l'amendement n° II–268.
Monsieur Dilain, l'amendement n° II-268 est-il maintenu ?
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. Claude Dilain.
L'amendement n° II-268 est retiré.
M. le président.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Dans son amendement, M. Jarlier propose que l’effort fiscal soit pris en compte pour 20 %, le revenu moyen pour 60 % et le potentiel financier pour 20 %.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
À titre personnel, je considère que tout ce qui conduit à déséquilibrer le dispositif prélèvement-reversement et à diminuer la part du potentiel financier ne va pas dans le bon sens. J’ai du mal à accepter l’idée qu’on abaisse le potentiel financier à 20 % alors qu’à l’origine il était à 50 %.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. le président.
Plus on prendra en compte le critère du revenu, mieux on réglera le problème des communes à DSU « cible ». L’idée est de répondre à la juste préoccupation de nombreux élus qui ont vivement réagi il y a quelques jours lorsqu’ils ont eu connaissance des simulations qui montraient que 130 des 260 communes éligibles à la DSU cible étaient touchées par certains prélèvements.
M. Pierre Jarlier.
Mon amendement permettrait d’atténuer ces effets. J’espère qu’il sera adopté pour que l’on puisse aller plus loin ensuite dans les simulations et éviter que les communes les plus fragiles ne soient concernées par ces prélèvements ou ne bénéficient pas suffisamment des mécanismes de péréquation.
La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. le président.
L’amendement n° II‑309 rectifié est intéressant mais certaines simulations qui ont déjà été faites vont beaucoup plus loin, notamment en prenant en compte le revenu moyen jusqu’à 80 %. Quitte à adopter un amendement, ne pourrait-on le modifier pour augmenter le niveau de prise en compte du revenu moyen ? C’est en tout cas ce que je souhaite.
M. Charles Guené.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Étant donné les résultats des simulations qui ont été produites, il me paraît assez difficile d’en rester à la répartition de 40 %, 40 % et 20 % prévue à l'Assemblée nationale. Cela étant, où faut-il placer le curseur ? Là, je suis très ennuyé et je ne suis pas tout à fait persuadé que la proposition de M. Jarlier soit acceptable. Comment va-t-elle notamment se combiner avec les dispositions que nous avons évoquées sur les critères du logement ? Je ne sais plus…
M. Philippe Dallier.
Pour autant, dans la mesure où en rester au 40-40-20 ne me plait pas et que je souhaite voir avancer les choses, je voterai l’amendement n° II‑309 rectifié, mais sans enthousiasme.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑309 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° II-287 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
M. le président.
1° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
au prorata de leur population multipliée par un coefficient
par les mots :
à l'inverse du prorata de leur contribution respective au potentiel financier agrégé de l'ensemble intercommunal
2° Avant-dernière et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
Cet amendement n'est pas soutenu.
J’en reprends le texte.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je suis donc saisi d’un amendement n° II-464, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, et dont le libellé est strictement identique à l'amendement n° II-287 rectifié.
M. le président.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
. La commission des finances avait émis un avis favorable sur l'amendement n° II-287 rectifié. C'est la raison pour laquelle je le reprends.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances
Les ressources dont bénéficie un EPCI au titre du FPIC sont calculées en fonction de son potentiel financier agrégé et de celui de ses communes.
Une fois qu’a été répartie la dotation entre l’EPCI et ses communes membres au prorata des produits reçus, il paraît cohérent que la seconde répartition tienne compte de la contribution de chaque commune au potentiel financier agrégé en proportion inverse de cette contribution.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le projet du Gouvernement prévoit que soient prises en compte les ressources fiscales réelles et non potentielles pour la répartition du reversement au sein de l’ensemble intercommunal.
M. Philippe Richert,
Or cet amendement prévoit, en ce qui concerne la mesure de la richesse à l’intérieur de l’ensemble intercommunal, que soit prise en compte la richesse potentielle et non réelle. Néanmoins, il est proposé de ne plus prendre en compte que l’inverse du potentiel financier agrégé sans que soit prise en compte l’importance de la population d’une commune membre.
Je considère que ce mécanisme n’est pas parfaitement juste. Une commune peu peuplée avec des ressources très faibles se verrait ainsi reverser des montants équivalents à ceux perçus par une commune très peuplée disposant des mêmes ressources.
Sur la base de cette réserve d’importance, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement, sinon il émettra un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑464.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-293 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 59
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 60
Remplacer les mots :
à l’unanimité
par les mots :
à la majorité des deux tiers
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-321, présenté par MM. Collomb, Besson et Kaltenbach, Mme Génisson, MM. Chastan et Delebarre et Mmes Laurent-Perrigot et Cartron, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 59, seconde phrase
Après les mots :
est ensuite opérée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
en fonction d’un indice synthétique de ressources et de charges. L’indice synthétique est constitué à partir des rapports suivants :
II. – Après l’alinéa 59
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« a) Rapport entre le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble intercommunal d’une part et le potentiel financier par habitant de la commune membre d’autre part ;
« b) Rapport entre le revenu moyen par habitant de l’ensemble intercommunal d’une part et le revenu moyen par habitant de la commune membre d’autre part ;
« c) Rapport entre l’effort fiscal de l’ensemble intercommunal d’une part et l’effort fiscal de la commune membre d’autre part.
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports définis aux a, b et c en pondérant les deux premiers par 40 % et le troisième par 20 %.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-272 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux et Bourzai, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Compléter cet article, par un paragraphe ainsi rédigé :
« … - Le I du présent article entre en vigueur après qu’une simulation par commune ou groupement des calculs mentionnés au I ait été publiée au Journal Officiel de la République française. »
La parole est à Mme Michèle André.
Je le retire.
Mme Michèle André.
L'amendement n° II-272 rectifié est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II-455, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
- Avant le 1
Ce rapport précise :
1° le montant des contributions et des reversements opérés au titre de l’année 2012, par ensemble intercommunal et par commune ;
2° les effets péréquateurs du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales au regard de l’objectif de réduction des écarts de ressources au sein du bloc communal, mesuré sur la base de l’indicateur de ressources élargi par habitant.
Il propose les modifications nécessaires pour permettre, par l’action des dotations de péréquation verticale et du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, d’atteindre l’objectif de réduction des écarts de ressources fixé à l’article 53 A de la loi n° … du … de finances pour 2012. Ces propositions sont accompagnées de simulations détaillées.
L’avis du Comité des finances locales est joint à ce rapport.
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Cet amendement, qui a suscité ce matin une discussion en commission, prévoit la remise au Parlement, avant l’examen de la loi de finances pour 2013, d’un rapport du Gouvernement évaluant l’application du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.
M. François Marc,
rapporteur spécial.
Ce rapport précisera le montant des contributions et des reversements opérés au titre de l’année 2012, par ensemble intercommunal et par commune.
Il présentera les effets péréquateurs du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales au regard de l’objectif de réduction des écarts de ressources au sein du bloc communal, prévue par l’amendement n° II-43 de la commission des finances.
En outre, il proposera les modifications nécessaires pour permettre, par l’action des dotations de péréquation verticale et du fonds national, d’atteindre cet objectif dans un délai de dix ans.
Ces propositions seront accompagnées de simulations détaillées.
Enfin, l’avis du Comité des finances locales sera joint au rapport.
Mes chers collègues, il s’agit de considérer qu’une fois le dispositif entré en application, dès 2012, il sera nécessaire que le Parlement puisse juger, au vu des résultats détaillés et précis qui lui seront communiqués dans un délai le plus bref possible – l’été 2012 nous a semblé un terme acceptable – quelles corrections doivent être apportées.
C’est donc dans cet esprit que la commission souhaite compléter l’ensemble des amendements qui ont été retenus cet après-midi, lesquels permettront sans doute, monsieur le ministre, s’ils sont maintenus par la commission mixte paritaire et par l’Assemblée nationale, d’affiner les modalités concrètes d’application quant à l’objectif visé d’une réelle péréquation.
En tout cas, le rapport prévu par cet amendement n° II–455 apportera des éclaircissements utiles au jugement que le Parlement sera amené à porter sur la mise en œuvre du dispositif.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
J’ai déjà fait référence à plusieurs reprises à cet amendement au cours du débat cet après-midi. Je confirme l’approche positive qu’en a le Gouvernement. L’analyse des données relatives à l’application du FPIC constituera un moment important que nous aurons à partager. Nous sommes tous en effet conscients que la création de ce fonds représente une avancée majeure dans la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de réduction des inégalités entre collectivités territoriales. Je suis heureux d’avoir pu constater, tout au long des débats, la volonté des uns et des autres d’avancer dans ce domaine.
M. Philippe Richert,
Il est évident que cette première expérience doit faire l’objet d’une évaluation transparente et détaillée, comprenant des simulations propres à affiner un dispositif innovant. Cette évaluation doit aussi nous permettre, le cas échéant, d’aller plus loin par des corrections ultérieures.
Je reste en ce qui me concerne sceptique sur la question de l’objectif législatif de réduction des écarts de ressources pour des raisons que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer.
Pour autant, j’émets un avis de sagesse positive sur cet amendement n° II-455.
La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
M. le président.
Nous soutiendrons, comme ce matin en commission des finances, l’amendement présenté par les rapporteurs spéciaux.
Mme Michèle André.
Au terme de la discussion des amendements sur l’article 58, plusieurs d’entre eux ont été adoptés. Ils sont symboliques et doivent être le fondement des dispositifs de péréquation.
Après son examen par le Sénat, le projet de loi de finances va poursuivre la procédure parlementaire. Durant cette période, nous espérons que le Gouvernement sera en mesure de proposer des simulations et les modifications techniques éventuellement nécessaires pour respecter les principes votés aujourd’hui par le Sénat.
La majorité sénatoriale a adopté courageusement un objectif de réduction des inégalités territoriales, qu’il s’agit aujourd’hui de mettre en œuvre.
Nous pourrons, grâce au rapport d’évaluation proposé par l’amendement de la commission, évaluer dès l’année prochaine les effets du FPIC et procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires pour permettre au fonds de contribuer pleinement à la réalisation de cet objectif.
Néanmoins, l’action du fonds seul n’y suffira pas. Les dotations de péréquation ont un rôle important à jouer. Elles doivent être réformées et abondées par l’État pour prendre pleinement leur part à cet effort collectif.
Dans la clause de revoyure adoptée par la majorité gouvernementale en loi de finances pour 2010, il était prévu une réforme de la dotation globale de fonctionnement destinée à conforter sa vocation péréquatrice. Une fois encore, l’engagement n’a pas été tenu et le Gouvernement décide aujourd’hui de renvoyer la charge de la péréquation aux seules collectivités territoriales.
Nous avons adopté en première partie une majoration des dotations de péréquation de 250 millions d’euros, soit un effort identique à celui demandé aux collectivités locales, aujourd’hui, pour le FPIC.
Nous espérons que cette majoration parviendra au terme de la discussion budgétaire. C’est alors que nous pourrons confirmer nos positions sur les mécanismes de péréquation, qui ne peuvent s’apprécier que de manière globale, verticale et horizontale.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Vous dites, monsieur le ministre, que la création de ce fonds était le signe d’une politique ambitieuse. Vous me permettrez de ne pas partager votre point de vue, loin s’en faut.
Mme Marie-France Beaufils.
La péréquation pour l’année 2012 sera de 250 millions d’euros et atteindra au maximum 1 milliard. Si nous ne disposons pas, comme l’a proposé ce matin la commission des finances, d’une véritable analyse des apports des péréquations verticale et horizontale mises en place, nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs contenus dans notre premier amendement, adopté en commission, qui visait à réduire les écarts de richesse entre les différentes collectivités territoriales.
Nous avons décidé, depuis le début de cette discussion budgétaire, de faire évoluer une part importante des recettes. Nous devons désormais réfléchir à un éventuel retour de ces recettes vers les collectivités territoriales.
Le groupe CRC votera donc l’amendement déposé par la commission.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je vais également voter cet amendement, mais j’aurais préféré que nous disposions de tous les éléments d’information avant de délibérer. Il est en effet bien difficile, nous le constatons, de procéder à des ajustements.
M. Philippe Dallier.
Je suis perplexe, car je ne sais pas très bien quelles mesures efficaces nous pourrons prendre, après la réunion de la commission mixte paritaire et avant le vote définitif du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale.
Cela étant dit, je ne vois pas pourquoi je m’opposerais à ce que le Gouvernement nous transmette, avant l’été ou le mois de septembre prochain, un rapport nous permettant de réfléchir à nouveau sur cette question.
J’aurais volontiers voté cet article, même avec toutes ses imperfections, si l’on n’avait pas tenu
Pour le reste, il n’y a pas de problème : nous verrons ce que l’on pourra corriger avant le passage devant l’Assemblée nationale. Mais maintenir cet objectif de 1 milliard, sans connaître les résultats de la projection à quatre ans, c’est nous engager de manière très importante, et nous aurons du mal à nous en expliquer devant les maires qui nous ont demandé de rendre des comptes.
Je mets aux voix l’amendement n° II-455.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 58, modifié.
M. le président.
(L’article 58 est adopté.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.)
La séance est reprise.
M. le président.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de l’examen des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », nous en sommes parvenus à l’article 59.
I. – L’article L. 2531‑13 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
Art. L. 2531
« II. – Le fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France est alimenté par des prélèvements sur les ressources des communes de la région d’Île-de-France selon les modalités suivantes :
« 1° Sont contributrices au fonds les communes de la région d’Île-de-France dont le potentiel financier par habitant est supérieur au potentiel financier moyen par habitant des communes de la région d’Île-de-France. Ce dernier est égal à la somme des potentiels financiers des communes de la région d’Île-de-France rapportée à la population de l’ensemble de ces communes ;
« 2° Le prélèvement, calculé afin d’atteindre chaque année le montant fixé au I du présent article, est réparti entre les communes contributrices en proportion de leur écart relatif au carré entre le potentiel financier par habitant de la commune et le potentiel financier moyen par habitant des communes de la région d’Île-de-France, multiplié par la population de la commune telle que définie à l’article L. 2334‑2. Ce prélèvement respecte les conditions suivantes :
« III. – Le prélèvement est effectué sur les douzièmes prévus à l’article L. 2332‑2 et au II de l’article 46 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 de la commune concernée. »
II. – L’article L. 2531‑14 du même code est ainsi rédigé :
Art. L. 2531
« II. – L’indice synthétique de ressources et de charges est constitué à partir des rapports suivants :
« 1° Rapport entre le potentiel financier moyen par habitant des communes de la région d’Île-de-France et le potentiel financier par habitant de la commune défini à l’article L. 2334‑4 ;
« 2° Rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de la région d’Île-de-France et le revenu par habitant de la commune. Le revenu pris en compte est le dernier revenu fiscal de référence connu ;
« 3° Rapport entre la proportion de logements sociaux, tels qu’ils sont définis à l’article L. 2334‑17, dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 5 000 habitants et plus de la région d’Île-de-France.
« L’indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports visés aux 1°, 2° et 3°, en pondérant le premier à hauteur de 50 %, le deuxième à hauteur de 25 % et le troisième à hauteur de 25 %.
« III. – L’attribution revenant à chaque commune éligible est calculée en fonction du produit de sa population par son indice synthétique défini au II. Ce produit est pondéré par un coefficient variant uniformément de 2 à 0,5, dans l’ordre croissant du rang de classement des communes éligibles.
« IV. – Une commune bénéficiaire d’un reversement du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France conformément au II ne peut percevoir une attribution inférieure à 50 % de l’attribution perçue au titre de l’exercice précédent.
« V. – Les communes qui cessent d’être éligibles au reversement des ressources du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France perçoivent la première année au titre de laquelle elles ont cessé d’être éligibles, à titre de garantie non renouvelable, une attribution égale à la moitié de celle perçue l’année précédente. Les sommes nécessaires sont prélevées sur les ressources du fonds avant application du I.
« VI. – La population à prendre en compte pour l’application du présent article, à l’exception du 2° du II du présent article, est celle définie à l’article L. 2334‑2. Pour l’application de ce même 2°, la population à prendre en compte est celle qui résulte du recensement. »
III et IV. –
(Supprimés)
L’amendement n° II-333, présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
S’il est une région de notre pays où les inégalités de ressources entre collectivités, mais surtout les disparités et discriminations sociales sont fortes, c’est bien l’Île-de-France.
Mme Marie-France Beaufils.
Le débat vient de montrer, avec force arguments, que l’Île-de-France va supporter en grande partie l’effort de financement du FPIC.
Pour que les choses soient claires, je précise qu’y contribueront Paris, la Seine-Saint-Denis, exception faite de deux structures intercommunales – il eût été inquiétant de voir contribuer Clichy-Montfermeil ! –, les Hauts-de-Seine, etc.
La région Île-de-France dispose de son fonds de péréquation propre, en l’espèce le fonds de solidarité de la région Île-de-France, le FSRIF, que cet article 59 tend à modifier, et que les élus ont eux-mêmes construit.
Cette antériorité dans la péréquation horizontale est de fait, pour nous, un élément de réflexion utile pour la mise en œuvre du nouveau fonds de péréquation. Il nous indique quelques voies à suivre en termes d’évaluation des ressources et des charges comme en matière d’attribution.
« Ressources et charges » : si le premier terme nous convient, celui de charges est plus connoté et mérite examen. Il serait plus juste de parler de besoins collectifs des populations, car les inégalités infrarégionales sont telles qu’il faut bien trouver une solution.
Prenons la question du revenu moyen. Si nous examinons les derniers chiffres de l’imposition pour 2009, que constatons-nous ?
Gennevilliers ? Moins de 17 000 euros par foyer fiscal. Garges-lès-Gonesse ? 14 500 euros. Clichy-sous-Bois ? 15 540 euros. Montereau ? 15 570 euros. Grigny ? 14 735 euros ... Ces ressources ne sont guère importantes, loin s’en faut.
Je tiens à vous faire observer, à ce stade du débat, que des disparités existent : Gennevilliers devrait apporter 2 millions d’euros environ au Fonds de péréquation national, que Grigny fait partie d’une intercommunalité mise à contribution au même titre pour 265 000 euros, et que Montereau participe à une structure contributrice pour plus de 400 000 euros !
La réflexion que nous menons implique, notamment, d’éviter que certaines structures de coopération ne soient mises en cause, sur le fond, au travers d’une montée en charge du FSRIF qui les priverait des ressources nécessaires à leur activité, à la solidarité intercommunale et à leurs interventions en direction des populations.
Nous avons entamé ce débat au sujet du FPIC ; il est nécessaire de le poursuivre. C’est pourquoi je retire le présent amendement de suppression.
L’amendement n° II-333 est retiré.
M. le président.
L’amendement n° II-58, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigés :
... – Après le premier alinéa de l’article L. 2531-12 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il a pour objectif de conduire à ce qu’aucune commune de plus de 5 000 habitants de la région Île-de-France n’ait, en 2015, un indicateur de ressources élargi par habitant, corrigé par les dispositifs de péréquation horizontale, inférieur à 60 % de la moyenne de celui des communes de la région Île-de-France. »
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
Cet amendement vise à fixer au FSRIF un objectif de réduction des inégalités par le rapprochement progressif des ressources des collectivités territoriales, mesurées par l’indicateur de ressources élargi corrigé de la péréquation horizontale.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Cet amendement est dans le droit fil de ce que nous avons adopté pour le FPIC.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement avait déjà exprimé, s’agissant du FPIC, son opposition à l’instauration d’un « SMIC » communal.
M. Philippe Richert,
J’émets donc, de nouveau, un avis défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° II-58.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n° II-59, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
M. le président.
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
Art. L. 2531
« Avant le 1
« L’avis du comité mentionné par le présent article est joint à ce rapport.
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
Cet amendement tend à proposer, comme pour le FPIC, une clause de revoyure en 2015, afin d’évaluer les effets péréquateurs du FSRIF et des dispositifs de péréquation verticale, et d’être en mesure de prévoir les modalités d’une poursuite de la montée en puissance de ce fonds à compter de 2016.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l’amendement n° II-59.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n° II-189, présenté par MM. Dallier et Guené, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéa 4
1° Première phrase
Remplacer les mots :
le potentiel financier
par les mots :
l’indicateur de ressources élargi
et les mots :
au potentiel financier
par les mots :
à l’indicateur de ressources élargi
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
potentiels financiers
par les mots :
indicateurs de ressources élargis
II. – Alinéa 5, première phrase, et alinéa 13
Remplacer (quatre fois) les mots :
le potentiel financier
par les mots :
l’indicateur de ressources élargi
La parole est à M. Philippe Dallier.
Cet amendement tend à proposer, dans la ligne des conclusions du groupe de travail de la commission des finances sur la mise en œuvre de la péréquation, la prise en compte de l’indicateur de ressources élargi communal pour le calcul des prélèvements au FSRIF et de ses reversements.
M. Philippe Dallier.
La logique est la même que celle de l’amendement relatif au FPIC que j’avais déposé avec Charles Guené. Nous souhaitons que l’IRE permette de prendre en compte la totalité des ressources des collectivités.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il est vrai que ce principe a été retenu par le groupe de travail.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Comme pour le FPIC, la commission a finalement décidé que l’IRE ne serait qu’un instrument de mesure des effets de péréquation. Il est en effet très important de disposer d’un indicateur élargi prenant en compte les péréquations verticale et horizontale qui nous permettra d’apprécier l’efficacité des dispositifs que nous mettrons en place demain. Mais nous ne souhaitons l’utiliser qu’à cette fin.
L’avis est donc défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il est défavorable, pour la même raison. Paris Métropole n’avait d’ailleurs pas proposé un tel élément d’appréciation.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l’amendement n° II-189.
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L’amendement n° II-238 rectifié est présenté par M. Karoutchi.
L’amendement n° II-345 rectifié est présenté par M. Dilain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les communes dont l’indice synthétique tel que défini à l’article L. 2531-14 est supérieur à la médiane ne sont pas contributrices.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° II-238 rectifié.
Le présent amendement, validé par le bureau de Paris Métropole, vise à s’assurer que des communes qui disposent d’un potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne régionale, mais doivent faire face à une situation sociale très fragile, mesurée par l’indice synthétique, ne seront pas contributrices au FSRIF.
M. Roger Karoutchi.
La parole est à M. Claude Dilain, pour présenter l'amendement n° II-345 rectifié.
M. le président.
Il a été défendu.
M. Claude Dilain.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’indice synthétique de ressources et de charges – potentiel financier, revenu par habitant, pourcentage de logements sociaux – étant différent du critère de prélèvement, c’est-à-dire le potentiel financier, ces amendements visent à garantir les communes situées en dessous de la médiane de l’indice de tout prélèvement.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Telle n’est pas la position de la commission des finances, qui a toujours considéré que la situation d’une collectivité par rapport au FSRIF devait s’apprécier
La commission s’en remet néanmoins à la sagesse du Sénat.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
L'amendement n° II-273, présenté par MM. Caffet et Dilain, Mme M. André, MM. Berson, M. Bourquin et Botrel, Mmes Bouchoux, Bourzai et Cartron, MM. Mazuir, Miquel, Vaugrenard, Richard, Anziani, Besson et Delebarre, Mmes Demontès, Espagnac et Génisson, M. Germain, Mme D. Gillot, MM. Kaltenbach, Massion, Patriat, Percheron, Rome, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Remplacer le pourcentage :
par le pourcentage :
et le pourcentage :
par le pourcentage :
et le pourcentage :
par le pourcentage :
La parole est à M. Claude Dilain.
Cet amendement vise à déterminer un lissage un peu différent pour les contributeurs du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, tout en maintenant l’objectif de 150 % pour l’année 2015.
M. Claude Dilain.
À la place des paliers fixés par le texte – 120 %, 130 %, 140 % et 150 % pour les années 2012 à 2015 –, il s’agit de mettre en place un lissage plus lent, de façon que les contributeurs soient moins pénalisés. Cet amendement tend à abaisser en particulier le premier palier, qui risque d’être un peu difficile à franchir.
Vous remarquerez que cet amendement traduit mon souci de défendre l’intérêt des communes contributrices.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Avis favorable.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis est défavorable. En réalité, les montants prélevés ne sont pas modifiés par cet amendement, à cette différence près que les communes fortement contributrices ne seront plus autant prélevées, ce qui entraînera mécaniquement une augmentation du prélèvement pour les communes moins contributrices.
M. Philippe Richert,
Autrement dit, monsieur Dilain, je ne suis pas sûr que votre amendement soit conforme aux positions que vous avez défendues jusqu’à présent.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur Dilain, au sein de Paris Métropole, nous nous sommes mis d’accord – encore que cette formule ne soit pas vraiment appropriée –, au-delà des clivages politiques, sur un système.
M. Roger Karoutchi.
Le consensus ainsi trouvé est tout de même suffisamment exceptionnel, dans ce pays, pour que l’on évite de déposer des amendements visant à apporter des modifications, fussent-elles légères, audit système. Quelle que soit la bonne volonté de leurs auteurs, de tels amendements mettent nécessairement en cause l’accord qui a été passé au sein de Paris Métropole.
Le montant global des prélèvements n’étant pas modifié par l’amendement, la modification du lissage aura pour conséquence d’alourdir la charge des prélèvements pour certaines communes.
Je préférerais donc que l’on s’en tienne à l’accord. Cela conférerait plus de visibilité et de crédit aux décisions prises et dans le cadre de Paris Métropole et dans cet hémicycle.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
J’abonderai dans le sens de Roger Karoutchi.
M. Philippe Dallier.
Je sais bien qu’il existe un accord entre la Ville de Paris et la commune de Clichy-sous-Bois.
(Sourires.)
La Ville de Paris a fait manifestement adopter dans cet hémicycle certains amendements dont on peut penser qu’ils visent à encadrer la progressivité de sa contribution au FPIC et, maintenant, au FSRIF.
Je peux certes comprendre l’idée qui a motivé le dépôt de cet amendement. Néanmoins, comme l’a expliqué Roger Karoutchi, dès lors qu’il existe un accord global, transcendant les clivages politiques, il est nécessaire de s’y tenir et ne pas venir perturber cet équilibre par des amendements de cette nature, d’autant qu’il est impossible d’en mesurer l’impact. Il est en effet à craindre qu’il n’entraîne des « effets de bord » importants.
Monsieur Dilain, l’amendement n° II-273 est-il maintenu ??
M. le président.
Convaincu par ces deux brillants argumentaires, je le retire.
M. Claude Dilain.
L'amendement n° II-273 est retiré.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-236 est présenté par M. Karoutchi.
L'amendement n° II-340 est présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-344 est présenté par M. Dilain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Remplacer le nombre :
par les mots :
la médiane
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° II-236.
Dans le même esprit que tout à l’heure, et dans le cadre de cette vision globale définie au sein de Paris Métropole, la modification que je propose permet d’assurer prioritairement le bénéfice du FSRIF aux collectivités les plus défavorisées d’Île-de-France.
M. Roger Karoutchi.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° II-340.
M. le président.
Nos amendements à l’article 59 visent à encadrer de la manière la plus précise possible la mise en œuvre du fonds de solidarité.
Mme Marie-France Beaufils.
Notre souhait est aussi de satisfaire les attentes que les élus locaux de la région Île-de-France ont exprimées au travers de prises de position consensuelles, ce qui n’est pas évident sur un sujet touchant à la solidarité. L’objectif est de donner aux collectivités les moyens de répondre aux besoins des populations d’Île-de-France.
Je reviens à ce titre sur la question du constat de carence pour les communes concernées par l’effort de construction de logements sociaux.
L’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation est tout à fait clair : la carence n’est prononcée que lorsque la bonne volonté de la commune concernée n’a pas été prouvée.
De fait, les préoccupations qui animent certains de nos collègues me semblent pouvoir être prises en compte de manière à ce que les communes soumises au prélèvement prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation soient exclues du bénéfice du fonds.
Se pose en outre le problème de l’indice synthétique des ressources et des charges, dont il est évident qu’il concentre une bonne part de la charge de financement du fonds sur des communes qui pourraient fort bien prétendre, dans le même temps, à l’attribution d’une dotation de solidarité, qu’elle soit urbaine ou rurale.
Des villes à population pauvre mais accueillant un volume d’activités économiques important, nous en connaissons tous en région Île-de-France.
Il serait pour le moins paradoxal que des élus et populations qui se sont mobilisés contre la liquidation des activités productives, pour l’implantation de nouvelles activités et la requalification des friches industrielle se trouvent en quelque sorte pénalisés par le fait qu’ils auraient tiré parti des atouts que pouvaient constituer la proximité de la capitale : l’existence de réseaux et voies de communication, les moindres coûts d’acquisition foncière ou encore la présence d’une main-d’œuvre relativement abondante et plutôt qualifiée.
Le département de la Seine-Saint-Denis, par exemple, n’est pas le département francilien où la population est la plus riche, mais elle est l’un des départements où l’activité économique est la plus florissante. Le département se situe en effet à la septième place nationale pour le PIB réalisé par les entreprises locales et à la quatrième place en termes de production par salarié.
Le contraste entre ce dynamisme économique et la faiblesse du revenu moyen par habitant est saisissant.
Dans ce contexte, il nous faut nous assurer que le FSRIF soit en mesure de rendre les services que l’on attend de lui. Tel est le sens de nos amendements.
La parole est à M. Claude Dilain, pour défendre l’amendement n° II-344.
M. le président.
Il est défendu, monsieur le président.
M. Claude Dilain.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Favorable.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-274 rectifié
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes soumises au prélèvement prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation sont exclues du bénéfice du fonds. »
La parole est à M. Claude Dilain.
Cet amendement a, en fait, été défendu par Mme Beaufils dans sa présentation de l’amendement n° II-340.
M. Claude Dilain.
L'amendement n° II-339 rectifié, présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes qui font l’objet d'un constat de carence au titre des articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l'habitation ne peuvent être bénéficiaires du fonds.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Il est défendu, monsieur le président.
Mme Marie-France Beaufils.
L'amendement n° II-239 rectifié, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes qui font l’objet de deux constats de carence successifs au titre des articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l'habitation ne peuvent être bénéficiaires du fonds.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Nous avions effectivement, en commission des finances, envisagé d’exclure du bénéfice du fonds les communes faisant l’objet d’un constat de carence.
M. Roger Karoutchi.
Après discussion au sein de la commission des finances et avec un certain nombre d’élus, notamment Philippe Dallier, nous avons décidé d’exclure du bénéfice du fonds les seules communes qui ont fait l’objet de deux constats de carence successifs.
En effet, il existe des communes qui font des efforts mais qui, de façon exceptionnelle, ne parviennent pas à satisfaire aux exigences légales relatives à la construction de logements sociaux. Il me semble donc sage de ne pas sanctionner les communes dès le premier constat de carence et de leur laisser le temps de se mettre en conformité avec la loi.
Cette position était d’ailleurs partagée par l’ensemble des membres de la commission des finances.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Nous avons eu un long débat sur ce sujet, certains souhaitant que les communes en constat de carence soient systématiquement exclues du bénéfice du FSRIF. Un compromis a finalement été trouvé avec l’amendement de M. Karoutchi, qui permet d’exclure du bénéfice du FSRIF les communes ayant fait l’objet de deux constats de carence successifs.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Il a été mis en avant que certaines communes ayant fait l’objet d’un constat de carence accomplissent des efforts pour se mettre en conformité avec l’obligation de construction de logements sociaux et qu’il convient de prendre en compte cette bonne volonté.
À titre personnel, j’étais plutôt favorable au principe de la sanction au premier constat de carence. La commission s’est néanmoins prononcée en faveur de la solution préconisée par M. Karoutchi et est donc défavorable aux amendements présentés par M. Dilain et Mme Beaufils.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les communes déficitaires en logements sociaux sont déjà sanctionnées par l’État puisqu’elles sont obligées de payer une amende. L’article 59 instaure donc une « double peine » puisque, en plus de l’amende infligée par l’État, ces communes seraient exclues du bénéfice du FSRIF.
M. Philippe Richert,
Je préfère que l’on ne mette pas en place cette double peine, tout en exigeant par ailleurs que les communes satisfassent à l’obligation de construction de logements sociaux et acquittent une amende lorsqu’elles manquent à cette obligation.
Le Gouvernement est donc défavorable aux trois amendements.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je rappelle que les communes concernées par cette disposition sont celles qui seraient bénéficiaires du FSRIF et feraient dans le même temps l’objet d’un constat de carence.
M. Philippe Dallier.
Il s’agit donc de communes relativement pauvres au regard des critères retenus pour bénéficier du FSRIF. Lorsque l’on sait la part que le nombre de logements sociaux et les allocataires de l’aide personnalisée au logement occupent dans l’indice synthétique du FSRIF, il apparaît évident que l’on a affaire à des communes dont la population est relativement pauvre. Ce ne sont donc pas des communes riches.
(Mme la rapporteure générale de la commission des finances proteste.)
Madame le rapporteur général, laissez-moi exposer mon point de vue avant de le contredire ! De grâce, écoutez-moi, car je ne pense pas avancer des arguments de mauvaise foi !
Ces communes doivent bien entendu fournir un effort de rattrapage pour atteindre l’obligation de 20 % de logements sociaux. Il convient de rappeler que l’article 55 de la loi SRU impose à ces communes un objectif triennal de construction.
Or il est tout à fait possible de remplir 200 % ou 300 % de son objectif triennal et de ne plus être en mesure de le remplir dans de la période qui suit. Vous savez ce qu’il en est en matière de construction de logements sociaux : la programmation n’est pas linéaire, et je parle en connaissance de cause.
En qualité d’élu, je n’ai jamais fait l’objet d’un constat de carence et je remplis systématiquement mes objectifs. Mais je connais bien la réalité. Ma commune remplit parfois 200 % de son objectif triennal, et se retrouve ensuite dans l’impossibilité de le remplir, pour des raisons diverses, qu’il s’agisse d’un problème lié à l’achat du terrain ou d’un recours devant la juridiction administrative.
Si l’on applique la sanction au premier constat de carence, ma commune risquera de se retrouver doublement sanctionnée alors même que ses élus n’auront pas fait preuve de mauvaise volonté.
Certes, ma commune n’est pas éligible au FSRIF – elle ne l’a été qu’une seule année –, mais vous aurez compris le sens de mon raisonnement !
C’est pourquoi je soutiens l’idée défendue par Roger Karoutchi : un seul constat de carence ne suffit pas à démontrer la mauvaise volonté des élus de la commune concernée ; en revanche, lorsqu’une commune fait l’objet de deux constats de carence successifs, ce qui correspond au non-respect des objectifs imposés par la loi sur une période de six ans, l’exclusion du bénéfice du FSRIF peut être justifiée.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. le président.
Je voudrais, moi aussi, suggérer au Sénat de s’intéresser à la proposition la plus pondérée.
M. Alain Richard.
Il suffit de dialoguer avec nos collègues élus locaux qui sont confrontés à la mise en œuvre de l’obligation imposée par la loi SRU pour prendre conscience que la réalisation de logements sociaux peut se heurter à de sérieux obstacles.
Je rappelle que le constat de carence émane du représentant de l’État. On pourrait naturellement supposer que l’ensemble des préfets de la République ont le même mode d’appréciation des considérations susceptibles d’aboutir à un constat de carence. Or, rien qu’en Île-de-France, sans mettre une seconde en doute la bonne foi et la rigueur des différents représentants de l’État, il apparaît que ceux-ci, d’un département à l’autre, ont des appréciations différentes. Du reste, certains élus ont engagé des contentieux à cet égard et ont obtenu satisfaction.
Nous pouvons en tout cas nous réjouir d’une chose : alors que la loi SRU n’avait pas été adoptée à l’unanimité – nous sommes quelques-uns ici à nous en souvenir –, certains l’ayant même plutôt accueillie assez peu chaleureusement, aujourd'hui, ce texte est devenu consensuel. En effet, malgré de multiples initiatives parlementaires tendant à le remettre en cause, depuis 2002, le bien-fondé de l’objectif n’a pas été contesté et le système de sanction est demeuré intact.
Si nous voulons poursuivre dans la voie de la recherche d’un consensus, mieux vaut donner une deuxième chance, en quelque sorte, aux communes qui s’efforcent de rattraper leur retard en matière de logements sociaux.
Gardons bien à l’esprit qu’une commune peut avoir moins de 10 % de logements sociaux pour des raisons tenant à son histoire, parce qu’il y a peu de foncier disponible ou encore parce que ses ressources sont insuffisantes pour lui permettre d’investir ou de préempter – et la faiblesse de ses ressources la rend potentiellement bénéficiaire du FSRIF, comme l’a indiqué M. Dallier. Ne serait-il pas un peu sévère, au motif qu’elle a raté la marche une première fois, de lui retirer une recette de solidarité à laquelle elle aurait droit du fait du niveau de ressources de sa population ?
Honnêtement, si nous pouvions continuer à faire progresser le caractère consensuel de cette obligation de rétablissement du parc social, nous ferions du bon travail.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑274 rectifié
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° II‑339 rectifié.
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° II‑239 rectifié.
M. le président.
C’est à titre personnel que je vais m’exprimer en cet instant, d’autant que je vais soutenir une position différente de celle de la commission des finances.
Mme Nicole Bricq.
La loi SRU, je l’ai votée et je considère qu’elle doit s’appliquer. Je m’efforce aussi d’être cohérente avec les positions que mon groupe défend par ailleurs : il a déposé une proposition de loi tendant à multiplier par quatre – ce qui, au passage, me paraît excessif – les sanctions appliquées aux collectivités qui ne respectent pas cette loi. Mais je ne peux pas voter pour cet amendement, pas plus en séance publique que je ne l’ai fait en commission.
Certes, je n’ignore rien des difficultés qui peuvent exister, mais je connais des communes qui ne sont pas riches et qui fournissent néanmoins des efforts importants pour respecter la loi SRU.
Bien sûr !
M. Philippe Dallier.
En Île-de-France, en particulier, des communes sont confrontées à un certain nombre d’obstacles pour y parvenir, à commencer par la pression foncière.
Mme Nicole Bricq.
Il n’en reste pas moins que je souscris à la position du Gouvernement : une loi existe, elle doit être respectée. Si tel n’était pas le cas, où serait l’incitation ?
J’essaie d’être cohérente et je défends la même position d’un texte à l’autre !
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Certes, madame Bricq, la loi est la loi. L’article 55 de la loi SRU existe, et nous ne demandons pas qu’il soit modifié.
M. Philippe Dallier.
Permettez-moi de vous donner des ordres de grandeur.
Je les connais par cœur !
Mme Nicole Bricq.
Mais, madame, on ne légifère pas « hors-sol », indépendamment de cas concrets !
M. Philippe Dallier.
Je parle ici de communes pauvres en ressources qui ne disposent pas des 20 % de logements sociaux. Vous me pardonnerez d’évoquer la mienne, située en Seine-Saint-Denis. Il s’agit d’une commune de 20 000 habitants qui, étant éligible au FSRIF, a perçu à ce titre 750 000 euros : excusez du peu ! L’indemnité qu’elle doit acquitter parce que son parc immobilier ne comporte pas 20 % de logements sociaux s’élève à 115 000 euros. Et vous proposez de la priver des 750 000 euros parce que, en raison d’incidents de parcours, sur une période triennale, elle n’aurait pas rempli ses obligations !
Je crois que cela mérite tout de même réflexion !
Vous noterez d’ailleurs que l’amendement n° II‑239 rectifié vise bien à durcir les sanctions puisque celle qu’il prévoit n’existe pas dans la loi SRU.
C'est pourquoi j’y suis opposé !
M. Philippe Richert,
Penser que, de manière linéaire, sur vingt ans, on peut systématiquement, par périodes triennales, atteindre les 100 %, c’est une vue de l’esprit ! Toutes les collectivités, à un moment donné, connaissent un incident de parcours. Leur faire perdre le bénéfice du FSRIF, alors que ce ne sont manifestement pas des communes riches, relève d’une position dogmatique.
M. Philippe Dallier.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. le président.
Comme vient de le dire Philippe Dallier, le problème n’est pas de revenir sur l’article 55 de la loi SRU. Ce texte existe, il s’applique.
M. Roger Karoutchi.
Ainsi que l’a excellemment indiqué notre collègue Alain Richard, il n’a pas fait l’unanimité, ni lors de son adoption ni dans les années qui ont suivi, mais, aujourd'hui, tout le monde, quelles que soient les tendances politiques, estime qu’il faut trouver des moyens de l’appliquer et d’avancer dans ce domaine.
Ce soir, personne ne remet en cause les sanctions liées à cet article. Ce n’est pas du tout le sujet.
Peut-on accepter que soit pénalisée, dans le cadre du FSRIF, une commune qui fait des efforts pour atteindre le taux de 20 % de logements sociaux qu’elle n’avait pas respecté en raison de son histoire, mais qui, sur une période de trois ans, pour des raisons foncières, n’y parvient pas ? On sait bien que, en Île-de-France, toutes les communes, quel que soit le département dans lequel elles sont situées, rencontrent des difficultés à cet égard. Franchement, ce qui compte dans la loi SRU, c’est le mouvement, la dynamique, la volonté d’avancer, l’incitation à construire du logement social.
Ne commençons pas à tacler les communes dès qu’un constat de carence est établi, en faisant en sorte qu’elles ne bénéficient plus du FSRIF. Ce serait absurde ! Ce serait même aller à l’opposé de l’objectif poursuivi lors de l’adoption de l’article 55 de la loi SRU.
Si nous voulons que toutes les communes remplissent leurs obligations au regard du taux de logements sociaux, il faut, en parallèle des sanctions prévues par l’article 55, que nous ayons une vision à peu près cohérente et commune du FSRIF.
Prévoir deux constats de carence revient à convenir que l’on veut aller plus loin, mais que l’on reconnaît l’existence de difficultés et que l’on veut œuvrer ensemble.
La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. le président.
Le constat de carence est établi par le préfet après étude. S’il existe un problème manifeste de foncier, le représentant de l’État n’est pas obligé de constater la carence. Il y a donc une marge de sécurité.
M. Claude Dilain.
Cher Philippe Dallier, vous le savez au moins aussi bien que moi, la situation du logement, en particulier dans la région d’Île-de-France, est tellement grave qu’il faut être sévère. Certes, je m’y prends un peu tard pour le dire…
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. le président.
L’amendement déposé par M. Karoutchi était au départ identique à ceux qu’ont présentés Mme Beaufils et M. Dilain. À la suite de discussions, la commission des finances, à une large majorité, a accepté de retenir l’exigence de deux constats de carence successifs.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
J’ajoute que, si nous ne votons pas l’amendement n° II‑239 rectifié, aucun moyen ne permettra de priver du FSRIF les communes qui ne respectent pas la loi SRU.
Et voilà !
M. Philippe Dallier.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑239 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, tous deux présentés par M. Dallier.
M. le président.
L'amendement n° II-190 rectifié est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
, 2° et 3°
par les mots :
et après les mots :
le deuxième à hauteur de
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
L'amendement n° II-191 rectifié est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Rapport entre la proportion du total des bénéficiaires d'aides au logement, telles qu'elles sont définies à l'article L. 2334‑17, y compris leur conjoint et les personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer, dans le nombre total de logements de la commune et cette même proportion constatée dans l'ensemble des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Île-de-France ;
II. – Alinéa 16
Après la référence :
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, 3° et 4°, en pondérant le premier à hauteur de 55 %, le deuxième à hauteur de 10 %, le troisième à hauteur de 15 % et le quatrième à hauteur de 20 %.
La parole est à M. Philippe Dallier.
Je souhaite en fait que le Sénat adopte plutôt l’amendement n° II‑191 rectifié, bien qu’il s’agisse d’un amendement de repli, et je retire l’amendement n° II‑190 rectifié.
M. Philippe Dallier.
La question est de savoir quels critères retenir dans le calcul de l’indice synthétique de ressources et de charges utilisé pour la répartition du FSRIF. Ce débat a eu lieu au sein de Paris Métropole. Pour l’ancien FSRIF, on prenait en compte aussi bien le nombre de logements sociaux que celui d’allocataires de l’APL, ce qui me semblait un bon système pour classer les communes en fonction des difficultés qu’elles rencontrent eu égard à leur population.
L’amendement n° II‑191 rectifié tend à revenir à la prise en compte de ces deux critères, alors que la tendance qui se dégage est une prise en considération du potentiel financier et des ressources par habitant, ce qui n’est pas suffisant. Cela dit, l’écart observé dans les simulations entre les différentes versions n’est pas très important.
L'amendement n° II-190 rectifié est retiré.
M. le président.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II‑191 rectifié ?
Favorable.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑191 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-237, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette attribution, ajoutée au potentiel financier de la collectivité, garantit prioritairement pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine au titre de l’année précédente un montant par habitant supérieur ou égal à 60 % du potentiel financier moyen des communes d'Île-de-France.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Il s’agit d’une modification du dispositif qui correspond au principe validé par le bureau de Paris Métropole.
M. Roger Karoutchi.
L'amendement n° II-346, présenté par M. Dilain, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette attribution, ajoutée au potentiel financier de la collectivité, garantit prioritairement pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine au titre de l'exercice précédent, un montant par habitant supérieur ou égal à 60 % du potentiel financier moyen des communes d'Île de France.
La parole est à M. Claude Dilain.
Je souscris aux explications que vient de fournir M. Karoutchi.
M. Claude Dilain.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ces deux amendements étant satisfaits par l’amendement n° II‑58, la commission des finances demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur spécial.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Par cohérence avec ce que j’ai indiqué tout à l’heure sur l’instauration d’un « SMIC » pour les collectivités, j’émets de nouveau un avis défavorable.
M. Philippe Richert,
Monsieur Karoutchi, l'amendement n° II-237 est-il maintenu ?
M. le président.
Eu égard à l’adoption de l’amendement n° II‑58, je le retire, monsieur le président.
M. Roger Karoutchi.
Je retire également mon amendement, monsieur le président.
M. Claude Dilain.
Les amendements n
M. le président.
Je mets aux voix l'article 59, modifié.
(L'article 59 est adopté.)
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)
La séance est reprise.
M. le président.
Dans la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, nous en arrivons à l’examen des articles de récapitulation des crédits.
Tous les crédits afférents aux missions ayant été examinés, le Sénat va maintenant statuer, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, sur les articles qui portent récapitulation de ces crédits.
M. le président.
Je vais appeler les articles 32 à 35 et les états B à E, qui leur sont respectivement annexés.
M. le président.
La direction de la séance a procédé à la rectification des états B, C et D de manière à tenir compte des votes qui sont intervenus lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
Il est ouvert aux ministres, pour 2012, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant, respectivement, aux montants de 191 295 525 326 € et de 189 942 676 383 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
Autorisations
d’engagement
de paiement
Action extérieure de l’État
Action de la France en Europe et dans le monde
Dont titre 2
Diplomatie culturelle et d’influence
Dont titre 2
Français à l’étranger et affaires consulaires
Dont titre 2
Présidence française du G20 et du G8
Administration générale et territoriale de l’État
Administration territoriale
Dont titre 2
Vie politique, cultuelle et associative
Dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
Dont titre 2
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
Dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Dont titre 2
Aide publique au développement
2 757 703 909
3 322 990 246
Aide économique et financière au développement
649 461 363
1 191 903 953
Solidarité à l’égard des pays en développement
2 083 242 546
2 106 086 293
Dont titre 2
222 400 283
222 400 283
Développement solidaire et migrations
25 000 000
25 000 000
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
3 180 595 291
3 169 919 611
Liens entre la Nation et son armée
109 997 812
98 997 812
Dont titre 2
86 770 031
86 770 031
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
2 944 602 520
2 944 602 520
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
125 994 959
126 319 279
Dont titre 2
Conseil et contrôle de l’État
595 076 041
599 963 390
Conseil d’État et autres juridictions administratives
344 186 557
348 663 347
Dont titre 2
284 719 711
284 719 711
Conseil économique, social et environnemental
37 473 575
37 473 575
Dont titre 2
31 011 200
31 011 200
Cour des comptes et autres juridictions financières
213 415 909
213 826 468
Dont titre 2
185 201 628
185 201 628
Patrimoines
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont titre 2
39 961 987 879
38 001 433 791
Environnement et prospective de la politique de défense
1 982 884 765
1 788 993 378
Dont titre 2
596 825 496
596 825 496
Préparation et emploi des forces
22 899 666 726
22 204 404 848
Dont titre 2
15 533 878 811
15 533 878 811
Soutien de la politique de la défense
3 375 891 973
3 045 524 096
Dont titre 2
1 171 145 996
1 171 145 996
Équipement des forces
11 703 544 415
10 962 511 469
Dont titre 2
1 893 664 546
1 893 664 546
Direction de l’action du Gouvernement
Coordination du travail gouvernemental
Dont titre 2
Protection des droits et libertés
Dont titre 2
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Écologie, développement et aménagement durables
Infrastructures et services de transports
Sécurité et circulation routières
Sécurité et affaires maritimes
Météorologie
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité
Information géographique et cartographique
Prévention des risques
Dont titre 2
Énergie, climat et après-mines
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer
Dont titre 2
Développement des entreprises et de l’emploi
Dont titre 2
Statistiques et études économiques
Dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
Dont titre 2
Engagements financiers de l’État
49 921 176 591
49 921 176 591
Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)
48 773 000 000
48 773 000 000
Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)
189 400 000
189 400 000
773 776 591
773 776 591
Majoration de rentes
185 000 000
185 000 000
Enseignement scolaire
Enseignement scolaire public du premier degré
Dont titre 2
Enseignement scolaire public du second degré
Dont titre 2
Vie de l’élève
Dont titre 2
Enseignement privé du premier et du second degrés
Dont titre 2
Soutien de la politique de l’éducation nationale
Dont titre 2
Enseignement technique agricole
Dont titre 2
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local
Dont titre 2
Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État
Dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques économique et financière
Dont titre 2
Facilitation et sécurisation des échanges
Dont titre 2
Entretien des bâtiments de l’État
Fonction publique
Dont titre 2
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Dont titre 2
Intégration et accès à la nationalité française
Justice judiciaire
Dont titre 2
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
Conseil supérieur de la magistrature
Dont titre 2
Médias, livre et industries culturelles
1 268 178 091
1 288 294 091
385 820 042
390 320 042
Livre et industries culturelles
259 381 850
274 997 850
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
472 888 891
472 888 891
Action audiovisuelle extérieure
150 087 308
150 087 308
Emploi outre-mer
Dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Politique des territoires
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
Dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Pouvoirs publics
997 257 303
997 257 303
Présidence de la République
108 929 739
108 929 739
Assemblée nationale
517 890 000
517 890 000
323 584 600
323 584 600
La Chaîne parlementaire
35 037 514
35 037 514
Indemnités des représentants français au Parlement européen
Conseil constitutionnel
10 998 000
10 998 000
Haute Cour
Cour de justice de la République
Provisions
Provision relative aux rémunérations publiques
Dépenses accidentelles et imprévisibles
Recherche et enseignement supérieur
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont titre 2
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
Dont titre 2
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont titre 2
Régimes sociaux et de retraite
6 618 706 092
6 618 706 092
Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres
4 080 200 000
4 080 200 000
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins
856 456 092
856 456 092
Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers
1 682 050 000
1 682 050 000
Dont titre 2
250 000 000
250 000 000
Relations avec les collectivités territoriales
Concours financiers aux communes et groupements de communes
Concours financiers aux départements
Concours financiers aux régions
Concours spécifiques et administration
Remboursements et dégrèvements
85 574 430 000
85 574 430 000
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)
75 264 430 000
75 264 430 000
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)
10 310 000 000
10 310 000 000
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
Protection maladie
Police nationale
Dont titre 2
Gendarmerie nationale
Dont titre 2
Sécurité civile
420 414 129
448 505 268
Intervention des services opérationnels
264 887 977
269 906 977
Dont titre 2
159 389 023
159 389 023
Coordination des moyens de secours
155 526 152
178 598 291
Solidarité, insertion et égalité des chances
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales
Actions en faveur des familles vulnérables
Handicap et dépendance
Égalité entre les hommes et les femmes
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
Dont titre 2
Sport, jeunesse et vie associative
Jeunesse et vie associative
Travail et emploi
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail
Dont titre 2
Ville et logement
Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Développement et amélioration de l’offre de logement
Politique de la ville et Grand Paris
191 295 525 326
189 942 676 383
Je mets aux voix l’ensemble de l’article 32 et de l’état B annexé.
M. le président.
(L’article 32 et l’état B sont adoptés.)
Il est ouvert aux ministres, pour 2012, au titre des budgets annexes, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant, respectivement, aux montants de 2 052 911 962
€ et de 2 040 784 562
€, conformément à la répartition par budget annexe donnée à l’état C annexé à la présente loi.
Autorisations
d’engagement
de paiement
Contrôle et exploitation aériens
2 052 911 962
2 040 784 562
Soutien aux prestations de l’aviation civile
1 390 092 222
1 384 336 223
Dont charges de personnel
1 104 687 752
1 104 687 752
Navigation aérienne
514 295 377
509 889 305
Transports aériens, surveillance et certification
49 759 955
47 794 626
Formation aéronautique
98 764 408
98 764 408
Publications officielles et information administrative
Édition et diffusion
Dont charges de personnel
Pilotage et activités de développement des publications
Dont charges de personnel
2 052 911 962
2 040 784 562
Je mets aux voix l’ensemble de l’article 33 et de l’état C annexé.
M. le président.
(L’article 33 et l’état C sont adoptés.)
Il est ouvert aux ministres, pour 2012, au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant, respectivement, aux montants de 160 229 864 029 € et de 164 019 864 029 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.
Autorisations
d’engagement
de paiement
Aides à l’acquisition de véhicules propres
Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres
Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
1 397 672 833
1 397 672 833
156 000 000
156 000 000
Fichier national du permis de conduire
16 000 000
16 000 000
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
37 051 628
37 051 628
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
661 922 239
661 922 239
Désendettement de l’État
526 698 966
526 698 966
Développement agricole et rural
110 500 000
110 500 000
Développement et transfert en agriculture
54 953 250
54 953 250
Recherche appliquée et innovation en agriculture
55 546 750
55 546 750
Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
30 000 000
30 000 000
Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce
30 000 000
30 000 000
Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
Péréquation entre régions des ressources de la taxe d’apprentissage
Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage
Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Contribution au désendettement de l’État
Contribution aux dépenses immobilières
Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
900 000 000
900 000 000
Désendettement de l’État
Optimisation de l’usage du spectre hertzien
900 000 000
900 000 000
Participations financières de l’État
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
54 636 259 589
54 636 259 589
Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité
50 354 000 000
50 354 000 000
Dont titre 2
50 353 500 000
50 353 500 000
Ouvriers des établissements industriels de l’État
1 827 518 594
1 827 518 594
Dont titre 2
1 818 762 874
1 818 762 874
Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions
2 454 740 995
2 454 740 995
Dont titre 2
15 900 000
15 900 000
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Exploitation des services nationaux de transport conventionnés
Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés
57 074 432 422
57 074 432 422
Autorisations
d’engagement
de paiement
Accords monétaires internationaux
Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine
Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale
Relations avec l’Union des Comores
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
7 812 891 607
7 812 891 607
Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune
7 500 000 000
7 500 000 000
Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics
62 600 000
62 600 000
Avances à des services de l’État
250 291 607
250 291 607
Avances à l’audiovisuel public
3 290 400 000
3 290 400 000
France Télévisions
2 126 294 421
2 126 294 421
ARTE France
270 187 230
270 187 230
Radio France
629 763 010
629 763 010
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure
170 264 179
170 264 179
Institut national de l’audiovisuel
93 891 160
93 891 160
Avances au fonds d’aide
à l’acquisition de véhicules propres
(ligne supprimée)
Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres
(ligne supprimée)
Avances au titre du paiement de la majoration de l’aide à l’acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d’un véhicule de plus de quinze ans
(ligne supprimée)
Avances aux collectivités territoriales
90 243 000 000
90 243 000 000
Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie
Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes
90 237 000 000
90 237 000 000
Prêts à des États étrangers
1 798 640 000
5 588 640 000
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure
400 000 000
390 000 000
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
986 640 000
986 640 000
Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
412 000 000
318 000 000
Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro
3 894 000 000
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
10 500 000
10 500 000
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État
Prêts pour le développement économique et social
10 000 000
10 000 000
Prêts à la filière automobile
Prêts et avances au Fonds de prévention des risques naturels majeurs
103 155 431 607
106 945 431 607
Je mets aux voix l’ensemble de l'article 34 et de l’état D annexé.
M. le président.
(L'article 34 et l’état D sont adoptés.)
I. – Les autorisations de découvert accordées aux ministres, pour 2012, au titre des comptes de commerce, sont fixées au montant de 20 579 309 800 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état E annexé à la présente loi.
II. – Les autorisations de découvert accordées au ministre chargé de l’économie, pour 2012, au titre des comptes d’opérations monétaires, sont fixées au montant de 400 000 000 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état E annexé à la présente loi.
Numéro du compte
Intitulé du compte
Autorisation de découvert
Approvisionnement des armées en produits pétroliers
125 000 000
Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire
23 000 000
Couverture des risques financiers de l’État
826 000 000
Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
19 200 000 000
Section 1 Opérations relatives à la dette primaire et gestion de la trésorerie
17 500 000 000
Section 2 Opérations de gestion active de la dette au moyen d’instruments financiers à terme
1 700 000 000
Gestion des actifs carbone de l’État
400 000 000
Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes
Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses
Opérations commerciales des domaines
Régie industrielle des établissements pénitentiaires
Renouvellement des concessions hydroélectriques
20 579 309 800
Numéro du compte
Intitulé du compte
Autorisation de découvert
Émission des monnaies métalliques
Opérations avec le Fonds monétaire international
Pertes et bénéfices de change
400 000 000
400 000 000
Je mets aux voix l’ensemble de l'article 35 et de l’état E annexé.
M. le président.
(L'article 35 et l’état E sont adoptés.)
Nous en arrivons aux articles relatifs aux plafonds des autorisations d’emplois pour 2012.
M. le président.
Le plafond des autorisations d’emplois de l’État pour 2012, exprimé en équivalents temps plein travaillé, est réparti comme suit :
Désignation du ministère ou du budget annexe
Plafond exprimé en équivalents temps plein travaillé
I. – Budget général
Affaires étrangères et européennes
Agriculture, alimentation, pêche, ruralité et aménagement du territoire
Budget, comptes publics et réforme de l’État
Culture et communication
Défense et anciens combattants
Écologie, développement durable, transports et logement
Économie, finances et industrie
Éducation nationale, jeunesse et vie associative
Enseignement supérieur et recherche
Fonction publique
Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration
Justice et libertés
Services du Premier ministre
Solidarités et cohésion sociale
Travail, emploi et santé
II. – Budgets annexes
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Total général
L'amendement n° II-461, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
M. le président.
Alinéa 2, tableau
Modifier ainsi ce tableau :
1° à la ligne : I. - Budget général
Remplacer le nombre :
par le nombre :
2° à la ligne : Agriculture, alimentation, pêche, ruralité et aménagement du territoire
Remplacer le nombre :
par le nombre :
3° à la ligne : Culture et communication
Remplacer le nombre :
par le nombre :
4° à la ligne : Écologie, développement durable, transports et logement
Remplacer le nombre :
par le nombre :
5° à la ligne : Éducation nationale, jeunesse et vie associative
Remplacer le nombre :
par le nombre :
6° à la ligne : Travail, emploi et santé
Remplacer le nombre :
par le nombre :
7° à la ligne : Total général
Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à tirer les conséquences, sur les plafonds des autorisations d’emplois en équivalents temps plein travaillé – ETPT – de l’État en 2012, des transferts de personnels vers les collectivités territoriales et les opérateurs de l’État.
Mme Valérie Pécresse,
ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Ces transferts, qui représentent 786 ETPT, concernent principalement le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement – 739 ETPT –, au titre de la décentralisation des parcs de l’équipement.
Cet amendement est cohérent avec les différents amendements de crédits déposés par le Gouvernement lors de l’examen de la seconde partie.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑461.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 36, modifié.
M. le président.
(L'article 36 est adopté.)
Le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État pour 2012, exprimé en équivalents temps plein, est fixé à 373 501 emplois. Ce plafond est réparti comme suit :
Mission / Programme
Plafond exprimé en équivalents temps plein
Action extérieure de l’État
Diplomatie culturelle et d’influence
Administration générale et territoriale de l’État
Administration territoriale
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Aide publique au développement
Solidarité à l’égard des pays en développement
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Patrimoines
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Environnement et prospective de la politique de défense
Soutien de la politique de la défense
Direction de l’action du Gouvernement
Coordination du travail gouvernemental
Écologie, développement et aménagement durables
Infrastructures et services de transports
Sécurité et affaires maritimes
Météorologie
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité
Information géographique et cartographique
Prévention des risques
Énergie, climat et après-mines
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer
Développement des entreprises et de l’emploi
Enseignement scolaire
Soutien de la politique de l’éducation nationale
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Fonction publique
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Intégration et accès à la nationalité française
Justice judiciaire
Administration pénitentiaire
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Médias, livre et industries culturelles
Livre et industries culturelles
Emploi outre-mer
Recherche et enseignement supérieur
Formations supérieures et recherche universitaire
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Régimes sociaux et de retraite
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
Protection maladie
Police nationale
Solidarité, insertion et égalité des chances
Actions en faveur des familles vulnérables
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
Sport, jeunesse et vie associative
Jeunesse et vie associative
Travail et emploi
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail
Ville et logement
Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables
Développement et amélioration de l’offre de logement
Politique de la ville et Grand Paris
Contrôle et exploitation aériens
Formation aéronautique
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
L'amendement n° II-460, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Alinéa 1, première phrase
Remplacer le nombre :
par le nombre :
II. - Alinéa 2, tableau
Modifier ainsi ce tableau :
1° À la ligne : Culture
Remplacer le nombre :
par le nombre :
2° À la ligne : Patrimoines
Remplacer le nombre :
par le nombre :
3° À la ligne : Total
Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à augmenter de 17 ETPT le plafond d’emplois des opérateurs rattachés au programme « Patrimoines » de la mission « Culture ». Cette augmentation est la conséquence du transfert de 17 agents non titulaires du ministère de la culture et de la communication à l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie.
Mme Valérie Pécresse,
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑460.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 37, modifié.
M. le président.
(L'article 37 est adopté.)
I. – Pour 2012, le plafond des autorisations d’emplois des agents de droit local des établissements à autonomie financière mentionnés à l’article 66 de la loi de finances pour 1974 (n° 73‑1150 du 27 décembre 1973), exprimé en équivalents temps plein, est fixé à 3 540. Ce plafond est réparti comme suit :
Mission / Programme
Plafond exprimé en équivalents temps plein
Action extérieure de l’État
Diplomatie culturelle et d’influence
II. – Ce plafond s’applique exclusivement aux agents de droit local recrutés à durée indéterminée. –
Pour 2012, le plafond des autorisations d’emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et des autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé, est fixé à 2 225 emplois. Ce plafond est réparti comme suit :
Plafond exprimé en équivalents temps plein travaillés
Agence française de lutte contre le dopage
Autorité de contrôle prudentiel
Autorité des marchés financiers
Haute Autorité de santé
Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
Haut Conseil du commissariat aux comptes
Médiateur national de l’énergie
L'amendement n° II-456, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Nous avons examiné très attentivement l’article 38
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cet article institue un plafond d’emplois pour les autorités publiques indépendantes, les API, dotées de la personnalité morale, principalement l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, et la Haute autorité de santé, la HAS. Le dispositif concerne aussi l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, qui n’est pas une API dans la mesure où elle n’a pas la personnalité morale, mais qui n’est pas non plus une autorité administrative indépendante comme les autres puisqu’elle est rattachée à la Banque de France, qui est elle-même une personne publique
sui generis
L’intention des députés est claire : ils veulent mettre sous plafond d’emplois des emplois publics qui ne le sont pas. Cette volonté s’inscrit dans une démarche plus globale de renforcement du contrôle du Parlement sur toutes les structures qui dépensent de l’argent public.
Dans ce cadre, l’article 47
quaterdecies
Pourquoi la question de la mise sous plafond des emplois des API et de l’ACP fait-elle débat ?
Première raison : des régulateurs importants – l’AMF et l’ACP, notamment – s’inquiètent des conséquences de ce dispositif sur l’appréciation portée par les acteurs économiques – qui ne sont pas forcément français – sur leur caractère réellement indépendant.
Cette inquiétude n’est pas fondée, car, en France, beaucoup de régulateurs sont déjà soumis à des plafonds d’emplois – le CSA, la CNIL et toutes les AAI – et n’en sont pas moins indépendants. Toutefois, il faut tenir compte de cette inquiétude, car les observateurs extérieurs ne sont pas toujours au fait des subtilités du droit public français.
Deuxième raison : je ne parviens pas, madame la ministre, à me faire une idée de la portée juridique exacte de ce dispositif.
Si j’interprète littéralement l’article introduit par l’Assemblée nationale, je constate que la loi fixe, pour sept autorités, le plafond d’emplois qu’elles doivent respecter en 2012. J’en déduis que toute autorité qui ne respecterait pas ce plafond serait en contravention avec la loi. Cependant, en pratique, quelle serait la sanction ?
Cette question renvoie à la différence de nature entre, d’une part, le plafond des emplois de l’État, qui est limitatif et s’applique dans les conditions prévues par l’article 9 de la LOLF, et, d’autre part, le plafond d’emplois des opérateurs, qui ne constitue – pour reprendre les termes des projets de loi de finances – que le « mandat » des représentants de l’État siégeant dans leurs conseils d’administration.
En effet, puisque les opérateurs ont la personnalité morale, ce sont leurs organes dirigeants, et non l’État, qui prennent les décisions en matière de recrutement. Le plafond des opérateurs qui figure dans la loi de finances n’est donc qu’indicatif : si une majorité d’administrateurs décide de passer outre, il ne s’applique pas.
Néanmoins, le régime des opérateurs ne peut pas être transposé aux autorités publiques indépendantes. En effet, si ces deux catégories ont en commun d’avoir la personnalité morale, les API sont, par définition, indépendantes et aucun représentant de l’État ne siège dans leur collège. Le plafond des API qui serait voté dans le cadre du projet de loi de finances ne pourrait donc même pas constituer un mandat donné aux représentants de l’État.
En conclusion, sur le plan des principes, on peut difficilement envisager que le plafond applicable aux autorités indépendantes dotées de la personnalité morale soit plus contraignant que celui qui s’applique aux opérateurs, qui ont aussi la personnalité morale, mais sont sous la tutelle de l’État ; sur le plan pratique, dès lors que les API sont indépendantes et ne sont pas soumises au contrôle financier, on ne voit pas qui pourrait s’opposer à une politique de recrutement allant au-delà des plafonds, ni quelles seraient les sanctions possibles.
En revanche, on imagine que les contribuables des taxes affectées qui financent ces autorités – ce sont souvent les personnes régulées par ces mêmes autorités – pourraient tirer prétexte d’un dépassement desdites taxes pour contester leurs délibérations devant les tribunaux ou mettre en cause leur « train de vie ». L’autorité du régulateur en serait affaiblie et le fonctionnement du secteur en serait affecté.
Par conséquent, dans l’attente d’une analyse juridique plus aboutie, la commission des finances propose la suppression de l’article 38
En tout état de cause, le nouveau « jaune » budgétaire permettra au Parlement de bénéficier d’une meilleure information et d’en tirer éventuellement des conséquences sur les crédits ou les taxes affectés à ces autorités.
L’amendement n° II-453, qu’ont déposé M. Patriat et Mme M. André, vise à retrancher l’ACP de la liste des autorités soumises à plafond d’emplois. Il me semble préférable de supprimer l’article 38
Pour la clarté du débat, j’appelle également en discussion l'amendement n° II-453, présenté par M. Patriat et Mme M. André, qui est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
et des autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État
par les mots :
mentionnées ci-après
et le nombre :
par le nombre :
II. – Alinéa 2, tableau
1° Troisième ligne
Supprimer cette ligne ;
2° Dernière ligne, seconde colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-456 ?
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme Valérie Pécresse,
L’article 38
Ces plafonds sont fixés de manière à permettre à ces autorités d’accomplir efficacement leurs missions en 2012. L’idée est que le Parlement puisse apprécier chaque année le niveau de ces plafonds.
Environ 80 % des personnels de ces autorités sont mis à leur disposition par l’État, et relèvent donc des plafonds d’emplois ministériels. Néanmoins, les députés ont préféré voter des plafonds d’emplois pour chaque autorité indépendante, afin d’éviter que leurs effectifs n’évoluent de manière incontrôlée.
L’amendement qui a introduit cet article n’est pas le fruit d’une initiative gouvernementale et, pour tout dire, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée nationale lors de son examen. Toutefois, j’estime qu’il s’agit d’une bonne mesure, qui participe d’une bonne gestion, au plus près des effectifs des autorités indépendantes.
Je rappelle que la question des plafonds d’emplois a toujours été chère au Sénat, en tout cas dans son ancienne composition. Par exemple, Michel Charasse avait été extrêmement actif sur ce sujet.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je mets aux voix l'amendement n° II‑456.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 38
M. le président.
Les reports de 2011 sur 2012 susceptibles d’être effectués à partir des programmes mentionnés dans le tableau figurant ci-dessous ne pourront excéder le montant des crédits ouverts sur ces mêmes programmes par la loi n° 2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
Intitulé du programme 2011
Intitulé de la mission de rattachement 2011
Intitulé du programme 2012
Intitulé de la mission de rattachement 2012
Action de la France en Europe et dans le monde
Action extérieure de l’État
Action de la France en Europe et dans le monde
Action extérieure de l’État
Présidence française du G20 et du G8
Action extérieure de l’État
Présidence française du G20 et du G8
Action extérieure de l’État
Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Conseil d’État et autres juridictions administratives
Conseil et contrôle de l’État
Conseil d’État et autres juridictions administratives
Conseil et contrôle de l’État
Cour des comptes et autres juridictions financières
Conseil et contrôle de l’État
Cour des comptes et autres juridictions financières
Conseil et contrôle de l’État
Soutien de la politique de la défense
Soutien de la politique de la défense
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Direction de l’action du Gouvernement
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Direction de l’action du Gouvernement
Entretien des bâtiments de l’État
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Entretien des bâtiments de l’État
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Fonction publique
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Fonction publique
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Immigration et asile
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Immigration, asile et intégration
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Médias, livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Médias, livre et industries culturelles
Conditions de vie outre-mer
Conditions de vie outre-mer
Concours spécifiques et administration
Relations avec les collectivités territoriales
Concours spécifiques et administration
Relations avec les collectivités territoriales
Intervention des services opérationnels
Sécurité civile
Intervention des services opérationnels
Sécurité civile
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Travail et emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Travail et emploi
Développement et amélioration de l’offre de logement
Ville et logement
Développement et amélioration de l’offre de logement
Ville et logement
Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables
Ville et logement
Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables
Ville et logement
Nous avons achevé l’examen des articles de récapitulation des crédits.
M. le président.
Nous abordons maintenant l’examen des articles non rattachés.
M. le président.
Par dérogation aux dispositions du septième alinéa de l’article L. 351‑3 du code de la construction et de l’habitation ainsi qu’aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 542‑5 du code de la sécurité sociale et du troisième alinéa de l’article L. 831‑4 du même code, les paramètres de calcul de l’aide personnalisée au logement et ceux des allocations logement sont revalorisés de 1 % pour l’année 2012.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-350 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-379 est présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Nous souhaitons que soient conservées les modalités d'indexation de droit commun des aides personnelles au logement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’article 40 A, qui retient une augmentation de 1 % en 2012 au lieu de l’indexation de droit sur l’IRL, l’indice de référence des loyers, pèsera directement sur les revenus des ménages bénéficiaires des aides personnelles au logement, alors que 75 % de ces ménages ont un revenu inférieur au SMIC.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° II-379.
M. le président.
Nous sommes également opposés à la limitation préconisée par le présent article concernant le relèvement du niveau de l’ensemble des aides au logement, notamment des APL.
Mme Mireille Schurch.
La revalorisation de ces aides à hauteur de 1 %, qui est dérogatoire au droit commun puisqu’elles sont normalement indexées sur l’indice de référence des loyers, induit clairement une amputation du pouvoir d’achat des familles.
Ainsi, alors que les dépenses courantes de logement nettes d’aides personnelles représentaient en moyenne 17 % du budget des ménages en 1984, elles en représentent 21,4 % en 2009. On conçoit donc que les ménages aient de plus en plus de mal à assumer les dépenses courantes liées au logement, notamment les charges : le prix du gaz, par exemple, a augmenté de 60 % depuis 2004.
De plus, selon l’INSEE, les prix à la consommation et les loyers des résidences principales ont augmenté respectivement de 19 % et de 25 % entre 1998 et 2008, alors que le revenu disponible médian des ménages n’a augmenté que de 13 %.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il est défavorable, car il s’agit d’une mesure importante du plan de réduction des déficits annoncé par le Premier ministre le 7 novembre.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
En conséquence, l'article 40 A est supprimé.
M. le président.
L'amendement n° II-438, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 40 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 57 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’évaluation du prix normal d’achat ou de vente peut s’effectuer à partir du prix appliqué aux mêmes produits et services réalisés ou assurés en France métropolitaine.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Un des moyens utilisés par les grands groupes pour dissimuler le maximum de matière fiscale est de pratiquer largement les prix de transfert. Ils procèdent à des opérations de facturation intra-groupe n’ayant rien à voir avec la réalité des coûts sur le lieu de production, se livrant ainsi à une sorte de « cache-cache fiscal » en vue de faire correspondre l’impôt sur les sociétés payé par le groupe aux objectifs comptables et stratégiques que celui-ci s’assigne.
Mme Marie-France Beaufils.
Prenons l’exemple d’un groupe pétrolier qui, au-delà de la production de pétrole brut, procéderait à certaines opérations de transformation plus près des lieux de production et plus loin des lieux de vente : il choisira, par exemple, de raffiner une partie de sa production près du lieu de production alors même qu’il dispose d’une capacité de raffinage en France métropolitaine.
Une telle démarche permet d’éviter que ne soient appliquées à sa production un certain nombre de taxes – par exemple la taxe générale sur les activités polluantes, mais pas seulement – et de prélèvements sociaux qui pourraient venir grever la rentabilité de l’opération.
Le schéma est clair : d’un prix A dans le pays de production, on s’éloigne du prix B qui serait celui pratiqué dans notre pays et l’on se retrouve avec un prix intermédiaire qui permet la « domiciliation » du bénéfice dans le premier pays.
C’est ainsi que procède le groupe Total pour mettre en cause le fonctionnement de ses installations de raffinage en France.
Plutôt que de pratiquer je ne sais quelle « TVA emploi » ou « TVA sociale » – peu importe la dénomination ! –, il nous semble plus pertinent de requalifier les prix de transfert et de réintégrer le bénéfice réel pour le « domicilier » en quelque sorte dans le pays de production et de raffinage.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
On ne peut que reconnaître la constance du groupe CRC sur ce sujet important, à propos duquel la commission des finances a déjà beaucoup travaillé ; je crois me souvenir que c’était un sujet de prédilection de M. Arthuis.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il arrive en effet que la pratique des prix de transfert au sein des multinationales, qui n’est pas condamnable en elle-même, soit utilisée, dans une certaine opacité, comme moyen d’optimisation fiscale.
Votre groupe, madame Beaufils, avait déposé un amendement identique en loi de finances l’année dernière, à la suite de quoi un questionnaire a été envoyé, au printemps, au service du ministère par le rapporteur général d’alors, Philippe Marini. Les réponses qu’il a obtenues ont, pour partie, servi de base de travail à la commission lorsqu’elle a élaboré sa proposition de résolution sur la directive « accises ». Cela a permis que certaines clarifications soient apportées.
Il apparaît que la mesure que vous proposez est de nature essentiellement réglementaire et devrait plutôt être intégrée aux dispositions du livre des procédures fiscales qui concernent les obligations documentaires en matière de prix de transfert. Ces obligations documentaires ont d’ailleurs été sensiblement renforcées par la loi de finances rectificative de 2009. Il était en effet indispensable de conforter la portée normative de ces obligations, qui visent les groupes réalisant plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires.
L’amendement est, par ailleurs, en bonne partie satisfait par la pratique existante de l’administration fiscale, qui se conforme aux principes de l’OCDE.
En outre, l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales prévoit que l’entreprise doit fournir à l’administration « lorsque la méthode choisie le requiert, une analyse des éléments de comparaison considérés comme pertinents par l’entreprise ».
Sans entrer dans les détails, il convient de rappeler que le principe cardinal en matière de prix de transfert intra-groupe est celui du « prix de pleine concurrence », ce qui signifie que le prix pratiqué entre des entreprises dépendantes doit être le même que celui qui aurait été pratiqué sur le marché entre deux entreprises indépendantes. Or c’est bien, madame Beaufils, ce que vous souhaitez obtenir.
L’entreprise doit, dans un premier temps, procéder à une analyse des fonctions qu’elle exerce ainsi que les risques qu’elle assume et recenser les actifs et les moyens utilisés. Elle doit ensuite déterminer la méthode et le prix des transactions intra-groupe. Enfin, elle doit s’assurer de la conformité de la tarification retenue au prix de pleine concurrence.
Si la documentation est incomplète ou absente, ou que le prix pratiqué n’est pas conforme au principe de pleine concurrence, les bénéfices ainsi transférés aux entreprises liées sont susceptibles d’être rapportés au résultat par l’administration fiscale.
Les méthodes de détermination du prix le plus fréquemment rencontrées s’inspirent des cinq méthodes préconisées par OCDE selon le type de fonction exercée, trois méthodes dites « traditionnelles », fondées sur les transactions, et deux méthodes dites « transactionnelles », fondées sur les bénéfices.
La méthode du prix comparable sur le marché libre est proche de celle qui est préconisée par cet amendement. Elle est la plus simple et la plus satisfaisante, mais suppose qu’il n’existe pas de différence importante entre les transactions comparées ou les entreprises effectuant ces transactions.
Sous le bénéfice de ces explications, et en vous remerciant de la clarification que votre amendement a permis d’apporter, je vous invite, madame Beaufils, à le retirer.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable : cet amendement est en effet satisfait.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
J’ai entendu que, sur le plan réglementaire, les choses s’étaient améliorées. J’aurais toutefois apprécié que Mme la ministre soit un peu moins laconique et me donne l’assurance que les services fiscaux avaient pu mener à bien leur travail de vérification, y compris dans le cas que j’ai évoqué.
Mme Marie-France Beaufils.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Madame Beaufils, ce que vous prônez correspond, bien sûr, à ce que pratique l’administration fiscale au quotidien.
Mme Valérie Pécresse,
J’ajoute que, pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale ou, plus exactement, la lutte contre l’optimisation fiscale excessive, pour dire les choses pudiquement, j’ai demandé à l’Inspection générale des finances de faire une étude complémentaire sur les méthodes de calcul des prix de transfert dans les pays voisins, de façon à améliorer le suivi des prix de transfert, si jamais notre administration avait omis tel ou tel paramètre.
En réalité, la meilleure méthode pour s’assurer que les prix de transfert sont bien calculés est de vérifier qu’il n’y a pas de changement de méthodologie, ce qui serait évidemment un signe avant-coureur d’une optimisation fiscale… excessive.
Madame Beaufils, l'amendement n° II-438 est-il maintenu ?
M. le président.
Les observations de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre me conduisent à retirer cet amendement.
Mme Marie-France Beaufils.
Madame la ministre, je serai particulièrement attentive aux résultats de l’étude que vous avez évoquée, car j’ai lu dans la presse que quelques-uns de nos voisins européens utilisaient des méthodes qui, en effet, sur le plan technique, avaient permis d’obtenir de meilleurs résultats que ceux auxquels ont donné lieu les méthodes mises en œuvre chez nous.
J’espère aussi que nous pourrons prochainement procéder à un bilan plus précis sur l’application de cette réglementation.
L'amendement n° II-438 est retiré.
M. le président.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Lorsque, dans le cadre de la loi de finances rectificative, le Gouvernement nous avait proposé toute une série de dispositions pour lutter contre la fraude, notamment à l’encontre des pays « non coopératifs », nous avions dit qu’il faudrait, à un moment donné, envisager des sanctions très lourdes. Cela a, du reste fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La commission des finances, qui s’est toujours beaucoup intéressée à ce sujet, attend d’ailleurs le bilan du travail engagé depuis 2009 par la cellule spécialisée, dont il est normal que la mise en place ait pris du temps – cela s’est fait tout au long de l’année 2010 –, mais qui doit maintenant être opérationnelle.
I. – L’article 199
septvicies
A. – Le I est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « 1. » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par des 2 et 3 ainsi rédigés :
« 2. La réduction d’impôt s’applique dans les mêmes conditions :
« 3. L’achèvement du logement doit intervenir dans les trente mois qui suivent la date de la déclaration d’ouverture de chantier dans le cas d’un logement acquis en l’état futur d’achèvement ou la date de l’obtention du permis de construire dans le cas d’un logement que le contribuable fait construire. L’achèvement des travaux mentionnés aux
3° Au début du troisième alinéa, est ajoutée la mention : « 4. » ;
4° Au cinquième alinéa, la référence : « quatrième alinéa » est remplacée par la référence : « deuxième alinéa du présent 4 » ;
B. – Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, pour les logements acquis neufs ou en l’état futur d’achèvement par le contribuable ou que celui-ci fait construire, qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire du 1
C. – Le IV est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « pour sa fraction inférieure à » sont remplacés par les mots : « dans la limite de plafonds par mètre carré de surface habitable fixés par décret en fonction de la localisation du logement et sans pouvoir dépasser » ;
2° Le cinquième alinéa est supprimé ;
3° Après le mot : « neuf », la fin du sixième alinéa est ainsi rédigée : « à raison duquel il justifie du niveau de performance énergétique globale mentionné au dernier alinéa du II, ce taux est porté à 22 %. » ;
4° Après le sixième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« – 16 % pour les logements acquis en 2012 qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire au plus tard le 31 décembre 2011 et pour lesquels le contribuable justifie du niveau de performance énergétique globale mentionné au dernier alinéa du II.
« Toutefois, pour les logements qui font l’objet d’un dépôt de permis de construire au plus tard le 31 décembre 2011 pour lesquels le contribuable ne justifie pas d’un tel niveau de performance énergétique globale, la réduction d’impôt s’applique au taux de 8 % ;
« – 16 % pour les logements acquis ou construits en 2012 qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire à compter du 1
5° Au dernier alinéa :
D. – Le VIII est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est supprimé ;
2° Au sixième alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « cinquième » et, après la référence : « du IV, », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « ce taux est porté à 22 % ; »
3° Après le sixième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« – 16 % pour les souscriptions réalisées en 2012, à la condition que 95 % de la souscription serve exclusivement à financer des logements qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire au plus tard le 31 décembre 2011 et qui respectent le niveau de performance énergétique globale mentionné au dernier alinéa du II.
« Toutefois, pour les souscriptions réalisées en 2012 autres que celles mentionnées au sixième alinéa qui servent à financer des logements qui ont fait l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire au plus tard le 31 décembre 2011, la réduction d’impôt s’applique au taux de 8 % ;
« – 16 % pour les souscriptions réalisées en 2012 qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire à compter du 1
4° À la dernière phrase du septième alinéa, après le mot : « souscription », il est inséré le mot : « annuelle » ;
E. – Le XI est ainsi modifié :
1° Aux 2° et 3° du
2° Après le 3° du
« Le dernier alinéa du II n’est pas applicable au présent XI. »
II. – A. – Pour les logements qui ont fait l’objet de travaux avant leur acquisition par le contribuable, les quatrième à septième alinéas du 2° du A du I s’appliquent à ceux pour lesquels une demande de permis de construire est déposée à compter du 1
B. – Le 4° du D du I s’applique aux investissements réalisés à compter du 1
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-380, présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 199
septvicies
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Le présent article prévoit de recentrer la réduction d’impôt dite « Scellier » en ramenant son taux à 16 % et en poursuivant le « verdissement » du dispositif, ce que nous approuvons, même si ce qui est fait à cet égard nous semble insuffisant.
Mme Mireille Schurch.
Dans sa rédaction initiale, cet article visait également, sous la pression du secteur immobilier, à proroger l’application du dispositif « Scellier » jusqu’au 31 décembre 2015. Cet objectif a été abandonné lors de la discussion à l’Assemblée nationale, à la suite des annonces du Premier ministre. Pour autant, le « Scellier » sera conservé jusqu’au 31 décembre 2012, soit l’échéance prévue à sa création.
Outre que son coût, dénoncé par Gilles Carrez, rapporteur général de l’Assemblée nationale, est particulièrement lourd pour le budget de l’État, cette niche fiscale a eu un effet pervers sur la politique du logement et n’a pas permis de résoudre la crise que nous traversons aujourd’hui.
Pis, les opérations « Scellier » ont accompagné la bulle spéculative autour du logement, les prix de sortie de telles opérations ne prenant pas en compte l’effort financier public réalisé pour les lancer. Le « Scellier » a même constitué un effet d’aubaine particulièrement séduisant pour les investisseurs.
Sur le fond, ce dispositif témoigne du glissement d’une politique du logement public à des aides individualisées tournées presque exclusivement vers des investisseurs – privés de préférence.
Cela fait à peu près seize ans que les lois destinées à « doper » le secteur immobilier se succèdent, quand elles ne se chevauchent pas. Seuls le nom des auteurs et les modalités de défiscalisation changent : loi Périssol, loi Besson, loi Robien, loi Borloo et, maintenant, loi Scellier…
Le coût des niches fiscales liées au logement est tout de même estimé à près de 13 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2012, soit une somme deux fois plus importante que les crédits consacrés à cette mission, ce qui ne peut manquer de nous troubler.
Le coût du dispositif Scellier, quant à lui, est estimé à 430 millions d'euros, soit un niveau bien supérieur aux économies que le Gouvernement souhaite réaliser en limitant le relèvement des aides au logement.
Pour notre part, nous prônons une relance du logement qui passe par des aides à la pierre, par le financement de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, par un retour du 1 % à sa mission première, par une régulation des prix des loyers ainsi que de l’immobilier.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, non pas d’attendre la fin de 2012, mais de décider dès aujourd’hui la suppression de ce dispositif.
L'amendement n° II-203 rectifié, présenté par M. Dubois, Mme Morin-Desailly et MM. Lasserre, Roche, Détraigne, Merceron et Tandonnet, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et du A de l’article 1594 F
II. - En conséquence, alinéa 25
Compléter cet alinéa par les mots :
et du A de l’article 1594 F
III – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-204 rectifié, présenté par M. Dubois, Mme Morin-Desailly et MM. Lasserre, Roche, Merceron et Tandonnet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 16
Supprimer cet alinéa
II. - En conséquence, alinéa 46, première phrase
Remplacer les mots :
Les 1° et 4°
par les mots :
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-201 rectifié, présenté par M. Dubois, Mme Morin-Desailly et MM. Lasserre et Roche, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 26
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« V. – Lorsque le logement est loué dans les conditions mentionnées à la seconde phrase du l du f du 1° du I de l’article 31, le taux de la réduction mentionné au IV du présent article est majoré de 4 points. Si le logement reste loué dans les mêmes conditions à l’issue de la période de l’engagement de location mentionnée au I du présent article par période de trois ans, le contribuable continue de bénéficier de la réduction d’impôt prévue au présent article pendant au plus six années supplémentaires.
« Toutefois, les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas aux logements situés dans des communes classées dans la zone géographique caractérisée le moins par un déséquilibre de l’offre et de la demande de logements mentionnée à l’article 18-0
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-439, présenté par MM. P. Dominati, Carle et Houel et Mme Sittler, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« D. - Les dispositions du 3° du D et les dispositions du a du 1° B du E du I s'appliquent, s'agissant des associés de sociétés civiles de placement immobilier régies par les articles L. 214-50 et suivants du code monétaire et financier, aux souscriptions réalisées à compter du 1
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci‑dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° II-380 ?
Je comprends l’impatience du groupe CRC. Il est vrai que le Gouvernement a tardé à reconnaître que ce dispositif de défiscalisation était inflationniste, ne répondait pas à l’objectif qui lui avait été assigné et coûtait cher.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
On pourrait donc être tenté de mettre immédiatement terme à ce mécanisme. Pourtant, un arrêt aussi brutal que celui qui est proposé par nos collègues du groupe CRC risquerait de déstabiliser le secteur de la construction ; il faut malgré tout y prendre garde.
Au demeurant, l’avantage du dispositif Scellier se réduira très fortement en 2012. Il ne sera plus que de 16 % hors rabot général et de 14% en tenant compte de celui-ci, contre respectivement 25 % et 22 % en 2011.
Vous avez vous-même admis, ma chère collègue, que le champ d'application du dispositif était restreint, seuls les logements en basse consommation d’énergie y étant encore éligibles. De toute façon, vous l’avez dit également, le dispositif doit prendre fin au 31 décembre 2012.
Il faut donc laisser mourir cet outil de défiscalisation, sans qu’il soit besoin de lui porter dès à présent le coup de grâce, d’autant que, je le répète, cela aurait des effets assez graves sur le secteur de la construction.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑380.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 40.
M. le président.
(L'article 40 est adopté.)
Après le deuxième alinéa du II de l’article 199
« Toutefois, pour les logements acquis en 2012, le taux de la réduction d’impôt est de 14 %. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux acquisitions pour lesquelles le contribuable justifie qu’il a pris, au plus tard le 31 décembre 2011, l’engagement de réaliser un investissement immobilier. À titre transitoire, l’engagement de réaliser un investissement immobilier peut prendre la forme d’une réservation, à condition qu’elle soit enregistrée chez un notaire ou au service des impôts avant le 31 décembre 2011 et que l’acte authentique soit passé au plus tard le 31 mars 2012. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-385 rectifié
L'amendement n° II-399 est présenté par MM. Eblé et Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 2, deuxième phrase
Après les mots :
ne s’appliquent pas aux
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
logements acquis, soit neufs ou en l’état futur d’achèvement et ayant fait l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire avant le 1
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci‑dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° II-385 rectifié
La parole est à M. Michel Berson, pour présenter l'amendement n° II-399.
Cet amendement vise à mieux assurer la sécurité juridique des contribuables et des promoteurs dans le dispositif dit « Censi-Bouvard », qui est un peu plus complexe que le dispositif Scellier et qui s’applique aux résidences pour étudiants, aux résidences pour personnes âgées et aux résidences touristiques. Il ne s’agit donc pas de la vente de logements individuels, mais de la vente d’ensembles, avec des services et des parties communes.
M. Michel Berson.
On s’achemine vers la fin d’un accompagnement des résidences de tourisme par la défiscalisation. Or, vous le savez, le secteur touristique est confronté à deux nécessités : la poursuite de la construction de résidences neuves et la rénovation d’ensembles anciens.
Il ne serait pas raisonnable que les logements qui relèvent de programmes de rénovation et qui ont été mis en vente en 2011, mais qui ne font pas encore l’objet d’une promesse de vente au 1
Un certain nombre de programmes en rénovation ne seront pas achevés avant le 31 décembre 2012. Sans ce dispositif de défiscalisation, l’équilibre financier de ces opérations déjà lancées serait profondément modifié et certaines opérations risqueraient de ne pas pouvoir être menées à bien. Si tel était le cas, les sociétés seraient amenées à passer des provisions pour dépréciations, ce qui entraînerait une diminution du produit de l’impôt sur les sociétés.
Le montage financier de ces opérations est conçu en fonction d’une vue d’ensemble. Si l’aide au financement des travaux de rénovation était interrompue après la première tranche, ces opérations ne pourraient plus être achevées. Il faudrait les abandonner et l’on aurait alors des friches touristiques qui ne seraient plus commercialisables.
Il convient donc de permettre aux opérations préalablement identifiées d’aller à leur terme, dans les conditions de leur montage initial. Tel est le sens de cet amendement.
Nous ne devons pas risquer de nous trouver dans une situation qui conduirait, à la fin de 2012, à un constat de non-solvabilité des opérations dont nous avons encouragé le montage parce que la défiscalisation nous permettait de sortir d’une situation dégradée. À défaut d’une adoption de cet amendement, nous nous acheminerions vers des catastrophes.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Contrairement au dispositif Scellier, le dispositif Censi-Bouvard a été ciblé en fonction de l’utilité sociale des logements produits. En outre, il s’agit non pas de logements nus, mais de logements meublés dans des résidences, avec services qui reposent sur des équilibres économiques de long terme, ainsi que cela a été rappelé.
Dans ces conditions, il n’est pas souhaitable, sauf à remettre en cause certains programmes, de procéder au rabotage de ce dispositif avec autant de sévérité que pour le dispositif Scellier. L’aspect financier et économique des opérations en cours doit être pris en compte au moins autant que l’avantage retiré par l’investisseur.
C’est ce que font les auteurs de l’amendement en prévoyant l’application des conditions de 2011 aux opérations déjà engagées au 1
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
J’avoue ne pas comprendre la position de la commission des finances. En protégeant plus le dispositif Censi-Bouvard que le dispositif Scellier, elle privilégie les résidences de vacances par rapport aux résidences principales. Le Gouvernement estime au contraire que les deux mécanismes doivent évoluer de la même façon.
Mme Valérie Pécresse,
Cet amendement vise à sécuriser l’ensemble du stock des programmes immobiliers en cours, donc les promoteurs. C’est une mesure qui aurait un coût important, dans un contexte de réduction des déficits.
Le Gouvernement préfère assurer la sécurité juridique des investisseurs, qu’il s’agisse des résidences principales ou secondaires, avec le dispositif Scellier, ou des résidences hôtelières et des résidences de vacances, avec le dispositif Censi-Bouvard. C’est l’objet de la disposition transitoire que nous prévoyons : les réservations réalisées avant le 31 décembre 2011 continueront à bénéficier du taux prévu pour 2011, soit 18 %.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Je ne voudrais pas laisser croire que le dispositif Censi-Bouvard concerne uniquement les résidences de tourisme.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mme Valérie Pécresse,
Oui, il concerne les résidences de tourisme classées, mais je me permets de rappeler que l’Île-de-France est une région touristique à part entière et que l’industrie touristique y est une source de création de richesse, et cela bien au-delà de Paris.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cela étant, le dispositif Censi-Bouvard vise aussi des investissements qui sont destinés à la location meublée dans une résidence avec services pour personnes âgées ou handicapées ayant obtenu un agrément quant à leur qualité, dans un établissement social ou médico-social qui accueille des personnes âgées ou des adultes handicapés, dans un établissement comportant un hébergement et délivrant des soins de longue durée à des personnes qui ont perdu leur autonomie et dont l’état nécessite une surveillance médicale constante, dans un ensemble de logements géré par un groupement de coopération social ou médico-social et affecté à l’accueil de personnes âgées ou handicapées, dans une résidence avec services pour étudiants.
L’utilité sociale du dispositif n’est pas à démontrer, non plus que son utilité économique. Nous sommes loin du dispositif Scellier !
Je mets aux voix l'amendement n° II‑399.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 41, modifié.
M. le président.
(L'article 41 est adopté.)
« Par dérogation au premier alinéa du présent
« 1° Soit l’étude, la réalisation ou la gestion de construction de logements à destination de personnes défavorisées ou en situation de rupture d’autonomie et sélectionnées par une commission de personnes qualifiées, la société bénéficiant d’un agrément de maîtrise d’ouvrage en application des articles L. 365‑1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ;
« 2° Soit l’acquisition, la construction, la réhabilitation, la gestion et l’exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers en vue de favoriser l’amélioration des conditions de logement ou d’accueil et la réinsertion de personnes défavorisées ou en situation de rupture d’autonomie, la société bénéficiant d’un agrément d’intérêt collectif.
« Le bénéfice de la dérogation mentionnée au deuxième alinéa du présent
« – la société ne procède pas à la distribution de dividendes ;
« – la société réalise son objet social sur l’ensemble du territoire national. »
II. – Le I s’applique aux souscriptions effectuées à compter du 1
L'amendement n° II-402, présenté par M. Repentin, Mme Lienemann, MM. Dilain et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 41
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le second alinéa du 1
« Dans le cas d’une non perception partielle du loyer, celui-ci ne doit pas dépasser les montants des loyers maximaux définis en application des articles L. 321‑4 et L. 321‑8 du code de la construction et de l’habitation.
« Cette mesure s'applique pour les logements situés dans les communes classées dans les zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements définies par arrêté.
« Elle ne peut se cumuler avec les dispositions prévues à l’article 31 du code général des impôts. »
II. ‑ La perte de recettes résultant pour l’État résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il s’agit de favoriser les opérations montées par les organismes d’intermédiation locative en leur permettant de bénéficier plus largement des avantages fiscaux pour mobiliser le parc privé en zone tendue. En d’autres termes, cet amendement, comme les deux suivants, n
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission est tout à fait réservée sur cet amendement, qui tend à créer une réduction d’impôt pour les propriétaires louant leur logement à un organisme en vue de sa sous-location dans le cadre d’un mécanisme d’intermédiation locative. Il s’agit en fait de créer un système dans lequel c’est l’État qui assure une partie du paiement du loyer au propriétaire en accordant une réduction d’impôt. C’est ce qu’on appelle une niche !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En outre, le risque que le loyer soit systématiquement fixé au niveau maximal afin de bénéficier de la réduction d’impôt la plus importante possible est réel.
Par ailleurs, le coût de cette mesure n’est pas évalué.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Mme Valérie Pécresse,
Franchement, madame Lienemann, proposer ce type d’amendement le jour où se déroule le Téléthon me semble tout à fait incongru ! La France possède le régime fiscal le plus favorable pour les dons aux œuvres humanitaires : 66 % de défiscalisation. Autrement dit, pour un don de 3 euros, l’État, donc le contribuable, en prend 2 à sa charge. Ce régime est tellement généreux que les députés ont voulu le remettre en cause ! Le Gouvernement ne l’a pas souhaité, car, dans la situation de crise aiguë que nous traversons, les associations humanitaires ont besoin de cet argent.
Appliquer ce régime à des impayés de loyer m’apparaît comme une idée tout à fait… folle.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne pense pas que la Fondation Abbé Pierre et les associations caritatives qui suivent l’intermédiation locative aient à leur tête des gens irresponsables et fous !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Ils ont le plus grand mal à obtenir des opérations en intermédiation locative parce que l’actuelle législation sur les dons apparente à un don la mise à disposition gratuite d’un appartement dans le cadre de l’intermédiation locative. Or il se trouve que cette faculté n’est quasiment jamais utilisée. Par conséquent, ils demandent que toute baisse substantielle du loyer par rapport au loyer estimé soit assimilée à un don.
Je rappelle en outre que l’intermédiation locative est une activité très encadrée.
Cela étant dit, j’ai entendu les arguments de Mme la rapporteure générale, qui redoute notamment des effets pervers, et je vais retirer cet amendement.
Il reste, madame la ministre, qu’une telle proposition est loin d’être absurde. Les responsables des associations intervenant dans ce secteur sont de bons gestionnaires et sont en même temps tout à fait sensibles aux causes telles que celle que défend le Téléthon.
L’amendement n° II‑402 est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II-401, présenté par M. Repentin, Mme Lienemann, MM. Dilain et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 41 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le c du 4° quater du 1 de l’article 207 du code général des impôts, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
quinquies.
« a. Les produits engendrés par les locaux annexes et accessoires des ensembles d'habitations mentionnés à l'article L. 411‑1 du même code, à la condition que ces locaux soient nécessaires à la vie économique et sociale de ces ensembles ;
« b. Les produits financiers issus du placement de la trésorerie de ces organismes ; »
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Cet amendement tend à répondre à la volonté qui s’est exprimée, du côté des associations agréées œuvrant dans le domaine du droit au logement et de la gestion du logement très social, de bénéficier du même type d’avantages fiscaux que les organismes d’HLM.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
En l’occurrence, il s’agit plus particulièrement de l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour les revenus patrimoniaux des organismes de logement d’insertion, s’agissant des revenus tirés des logements en question, de leurs annexes que sont les locaux communs et des rez-de-chaussée de ces immeubles, souvent occupés par des commerces de proximité et trop peu valorisés financièrement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’amendement vise à créer un double avantage fiscal en faveur des organismes agréés agissant en faveur du logement des personnes défavorisées, sous la forme d’une exonération d’impôt sur les sociétés pour les produits tirés des locaux annexes et les produits financiers issus du placement de leur trésorerie.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame Lienemann, vous proposez d’étendre à tous les organismes agissant en faveur du logement et de l’insertion ces avantages, actuellement réservés aux organismes d’HLM. Il s’agit donc, là encore, d’étendre une niche.
En outre, le coût de cette mesure n’est pas évalué.
L’avis de la commission est donc plutôt défavorable.
Sagesse défavorable ?...
Mme Marie-France Beaufils.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Les organismes d’HLM sont déjà exonérés d’impôt sur les sociétés, dans le cadre de leurs activités de bailleurs sociaux, au titre du service d’intérêt général, pour les produits engendrés par les locaux annexes et accessoires à leurs logements sociaux, à la condition qu’ils soient nécessaires à la vie économique et sociale de ces logements. Sont également exonérés d’impôt sur les sociétés les produits financiers issus du placement de leur trésorerie.
Dans le contexte budgétaire actuel, il n’est pas envisageable de créer une nouvelle dépense fiscale.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑401.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41
M. le président.
L'amendement n° II-400, présenté par M. Repentin, Mme Lienemann, MM. Dilain et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 41
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au 1° bis de l’article 1051 du code général des impôts, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2013 ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Toujours dans le même esprit, il s’agit de reporter du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2013 la date limite à laquelle la cession des immeubles des organismes œuvrant pour le logement des personnes défavorisées, mais qui n’assurent plus la maîtrise d’ouvrage des opérations, est facilitée.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Aux termes de la législation actuelle, l’avantage fiscal visé n’est accordé que si l’opération est réalisée dans un délai d’un an. Or nous savons bien que le montage de ce type d’opérations par les associations de droit au logement ou les associations caritatives œuvrant pour le logement nécessite souvent plus d’une année.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Il s’agit certes de proroger une dépense fiscale, mais l’objet n’est pas absurde…
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑400.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41
M. le président.
I. – Après la section III du chapitre III du titre I
« Section IV
« Taxe sur les loyers élevés des logements de petite surface
Art. 234. –
« Le montant mentionné au premier alinéa peut être majoré, par le décret mentionné au même alinéa, au maximum de 10 % pour les locations meublées. Il peut, par le même décret, être modulé selon la tension du marché locatif au sein des zones géographiques concernées.
« Le montant mentionné au premier alinéa, éventuellement majoré ou modulé dans les conditions prévues au deuxième alinéa, ainsi que les limites de 30 et 45 € mentionnées au premier alinéa du présent article sont révisés au 1
« Un arrêté des ministres chargés du budget et du logement, révisé au moins tous les trois ans, établit le classement des communes par zone.
« La taxe s’applique exclusivement aux loyers perçus au titre des logements donnés en location nue ou meublée et exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée conformément aux 2° et 4° de l’article 261 D du présent code.
« II. – La taxe, due par le bailleur, est assise sur le montant des loyers perçus au cours de l’année civile considérée au titre des logements imposables définis au I.
« III. – Le taux de la taxe est fixé à :
« IV. – 1. Pour les personnes physiques, la taxe est établie, contrôlée et recouvrée comme en matière d’impôt sur le revenu et sous les mêmes garanties et sanctions. Le seuil de mise en recouvrement mentionné au 1
« 2. Pour les personnes soumises à l’impôt sur les sociétés, la taxe est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles d’assiette, d’exigibilité, de liquidation, de recouvrement et de contrôle que l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« 3. Pour les personnes relevant du régime défini à l’article 8, la taxe est déclarée, contrôlée et recouvrée, respectivement, selon les mêmes règles d’assiette, d’exigibilité, de liquidation, de recouvrement et de contrôle et sous les mêmes garanties et sanctions que l’impôt sur le revenu, au prorata des droits des associés personnes physiques, et selon les mêmes règles d’assiette, d’exigibilité, de liquidation, de recouvrement et de contrôle et sous les mêmes garanties et sanctions que l’impôt sur les sociétés, au prorata des droits des associés soumis à cet impôt.
« V. – La taxe n’est pas déductible des revenus soumis à l’impôt sur le revenu ou du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. »
II. – L’article 234 du code général des impôts s’applique aux loyers perçus à compter du 1
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-351 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-383 est présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° II‑351.
L’article 42 tend à créer une taxe sur les loyers abusifs des micrologements, c'est-à-dire les logements de moins de 14 mètres carrés.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le Gouvernement a multiplié les dérogations fiscales en matière de logement – nous avons parlé du dispositif Scellier tout à l’heure – qui ont coûté très cher et ont encouragé le mouvement inflationniste dans l’immobilier sans résoudre pour autant les problèmes de logement.
J’ai bien l’impression que, en fin de législature, il souhaite se donner bonne conscience avec une mesure d’affichage, qui comporte certains effets pervers et qui ne correspond en tout cas certainement pas à l’ampleur du problème.
Nous le savons, il y a un problème de montant des loyers au cœur des grandes agglomérations, à Paris, bien sûr, et dans d’autres grandes villes, mais aussi dans bon nombre de communes suburbaines.
Le groupe socialiste-EELV a fait des propositions pour que la puissance publique, à tous les échelons territoriaux, s’assure de la maîtrise foncière au travers d’établissements publics, car là se trouve le nœud du problème, particulièrement en Île-de-France. L’absence de terrains à construire disponibles, compte tenu de la pression urbaine, renchérit les coûts. Nous suggérons des choix ambitieux en la matière.
Nous avons aussi fait des propositions pour encadrer le prix des loyers. Ces solutions n’ont de vertu que si elles restent transitoires ; sinon, elles pourraient avoir l’effet inverse de celui qui est recherché.
Du reste, s’agissant de la Ville de Paris, je crois savoir qu’un rapport a été remis au maire hier ou avant-hier, préconisant des mesures d’encadrement des loyers. Je le redis, cette solution ne peut être que transitoire puisque le problème de l’inflation des loyers est avant tout lié à l’insuffisance de l’offre, et donc au foncier.
Les solutions que nous voulons promouvoir se retrouvent dans des amendements que nous avons déposés, ainsi que dans une proposition de loi qui sera très bientôt débattue au Sénat.
À l’inverse, la solution que souhaite imposer le Gouvernement est une mesure cosmétique ne réglant absolument pas le problème. Elle est même porteuse, je le répète, d’un certain nombre d’effets pervers.
À mon sens, il n’est pas sérieux de proposer, en fin de mandature, un dispositif très compliqué, avec cinq taux différents et une géographie évolutive, pour un produit des plus modiques, estimé à moins de 1 million d’euros, et qui, loin d’avoir une vertu dissuasive, encouragera au contraire les comportements d’évitement.
Une telle proposition n’est pas à la hauteur de ce qu’il convient de faire pour traiter un problème tout à fait sérieux, notamment au regard de son incidence sur le pouvoir d’achat, le loyer représentant souvent la moitié du revenu des ménages défavorisés.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° II-383.
M. le président.
Nous estimons que la taxe créée par cet article n’est pas une bonne idée, même si nous pouvons partager les considérants qui ont conduit à la faire germer.
Mme Mireille Schurch.
En effet, afin de lutter contre les loyers excessifs pour les petites surfaces, le présent article instaure une taxe qui serait payée par le bailleur lorsque le loyer dépasse un montant qui devrait être défini par décret, mais se situant dans une fourchette de 30 à 45 euros.
Comment ne pas voir que, au final, l’excès de loyer ira simplement de la poche du locataire au budget de l’État en passant par la case « bailleur » ? À l’évidence, le locataire ne s’en trouvera pas moins pénalisé !
De surcroît, la fourchette de 30 à 45 euros nous paraît particulièrement favorable aux bailleurs. Elle est même de nature à légitimer, si l’on ose dire, une augmentation pour ceux d’entre eux qui pratiqueraient des loyers inférieurs.
Nous pensons qu’il faudrait prendre le temps de la réflexion sur la surface plancher en deçà de laquelle un logement ne peut être loué. Actuellement, le seuil de 9 mètres carrés nous semble extrêmement bas, voire indigne.
Nous regrettons également que le produit escompté de cette nouvelle taxe n’ait pas été « fléché » pour financer le logement.
Sur le fond, une telle taxe ne résout pas le problème de l’accès au logement pour les catégories les plus modestes. Le loyer payé par le locataire resterait identique : seul le bénéficiaire changerait, l’État se substituant au bailleur.
Pour notre part, nous préconisons un encadrement des loyers, conjugué à un seuil minimum en deçà duquel une surface ne peut être mise en location. Cela permettrait d’endiguer la hausse vertigineuse des loyers que nous observons, particulièrement en Île-de-France.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.
Mme Valérie Pécresse,
La taxe mise en place vise à décourager la pratique des loyers excessivement élevés. Aucune taxation spécifique n’était jusque-là prévue pour lutter contre ce phénomène. L’idée est évidemment d’inciter fortement les bailleurs à diminuer le montant des loyers pratiqués.
Madame Schurch, il faut savoir que, à Paris, les loyers moyens pour les appartements d’une pièce sont supérieurs à 22 euros par mètre carré. Je réponds là par anticipation à votre amendement n° II-382, qui, en prévoyant un seuil de 20 euros, ne nous paraît donc pas adapté.
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
En conséquence, l'article 42 est supprimé et l'amendement n° II‑382 n'a plus d'objet.
M. le président.
Pour l’information du Sénat, j’indique que cet amendement, présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
, fixé par décret, compris entre 30 et 45
par les mots :
II. – En conséquence, alinéa 6
Remplacer les mots :
, ainsi que les limites de 30 et 45 € mentionnées au premier alinéa du présent article sont révisés
par les mots :
est révisé
et le mot :
par le mot :
L'amendement n° II-440, présenté par M. Repentin, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 331-6 du code de l’urbanisme, après les mots : « de reconstruction » sont insérés les mots : « , de changement de destination d’un bâtiment agricole ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
I. – L’article 150‑0 D
A. – Le I est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux d’actions ou de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts peut être reportée si les conditions prévues au II du présent article sont remplies.
« Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l’article 170. » ;
2° Au 2, les mots : « est réduit de l’abattement » sont remplacés par les mots : « fait également l’objet du report d’imposition » ;
B. – Le II est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « de l’abattement » sont remplacés par les mots : « du report d’imposition » ;
2° Le 1° est remplacé par des 1° et 1°
« 1° Les titres ou droits cédés doivent avoir été détenus de manière continue depuis plus de huit ans ;
3° À la seconde phrase du
4° Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Le report d’imposition est en outre subordonné au respect des conditions suivantes :
« Lorsque les titres font l’objet d’une transmission, d’un rachat ou d’une annulation ou, si cet événement est antérieur, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans les conditions prévues à l’article 167
C. – Le III est remplacé par des III et III
« III. – Le report d’imposition prévu au présent article est exclusif de l’application des articles 199
« Le non-respect de l’une des conditions prévues au II du présent article entraîne l’exigibilité immédiate de l’impôt sur la plus-value, sans préjudice de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 décompté de la date à laquelle cet impôt aurait dû être acquitté.
« L’imposition de la plus-value antérieurement reportée peut, à la demande du contribuable, être reportée de nouveau lorsque les titres souscrits conformément au 3° du II du présent article font l’objet d’une opération d’échange dans les conditions prévues à l’article 150‑0 B. Dans ce cas, le délai de cinq ans est apprécié à compter de la date de souscription des titres échangés.
« Le premier alinéa du présent III
D. – Le V est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « 1 du I » est remplacée par la référence : « 1° du II » ;
2° Aux 1° à 4°, les mots : « à partir du 1
3° Le 6° est abrogé ;
II. – Au premier alinéa des I et II de l’article 150‑0 D
III. – L’article 167
1° Après la première occurrence du mot : « prévu », la fin du premier alinéa du 3 du I est ainsi rédigée : « à l’article 150‑0 D
2° Au II, la référence : « et de l’article 150‑0 B
3° La première phrase du
4° Le 1 du VII est complété par un
5° Après le second alinéa du 3 du VII, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’impôt établi dans les conditions du II du présent article et afférent aux plus-values de cession reportées en application de l’article 150‑0 D
6° Aux deux premiers alinéas du 3 du VIII, la référence : « aux articles 150‑0 D
IV. – Au dernier alinéa du 1 de l’article 170 et au
V. – L’article L. 136‑6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
2° Après le même
3° Au neuvième alinéa, la référence : « 150‑0 D
L’amendement n° II-352, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
M. le président.
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 150-0 D
a) Au premier alinéa du 1, les mots : « et sous réserve du respect des conditions prévues au 1° et au c du 2° du II de l’article 150-0 D
b) Le 5 est ainsi rédigé :
« 5. Pour l’appréciation de la durée de détention prévue au 1, la durée de détention est décomptée à partir du 1
« 1° En cas de cession de titres ou droits effectuée par une personne interposée, à partir du 1
« 2° En cas de vente ultérieure de titres ou droits reçus à l’occasion d’opérations mentionnées à l’article 150-0 B ou au II de l’article 150 UB, à partir du 1
« 3° En cas de cession à titre onéreux de titres ou droits reçus en rémunération d’un apport réalisé sous le régime prévu au I
« 4° Pour les titres ou droits acquis ou souscrits avant le 1
3° Au premier alinéa des I et II de l’article 150-0 D
II. – Au neuvième alinéa du I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, les mots : « , à l’article 150-0 D
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement vise à aller au bout de la démarche engagée par l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Constatant que l’application, à compter de 2012, d’abattements sur le montant des plus-values de cession de valeurs mobilières allait engendrer une perte de recettes de l’ordre de 1 milliard d’euros à compter de 2014, les députés ont souhaité empêcher que pareil phénomène se produise.
Madame la ministre, vous vous en souvenez sans doute, la commission des finances du Sénat, partant de la même analyse, avait adopté, sur la première partie, un amendement tendant à abroger de tels abattements. Cet amendement a été par la suite retiré, de façon à concentrer le débat sur le dispositif introduit, dans la deuxième partie cette fois, par les députés au travers de l’article 42
L’Assemblée nationale a cependant tenté de sauvegarder une partie de l’esprit du mécanisme actuel en transformant les abattements en reports d’imposition dans le cas où un contribuable détenant plus de 10 % des titres d’une société les vendrait et réinvestirait plus de 80 % de sa plus-value nette dans le capital d’une autre société, ce qui lui permettrait de bénéficier ainsi d’une exonération au bout d’un certain nombre d’années.
Le gain net attendu des dispositions de l’article 42
La condition de remploi des plus-values de cession paraît séduisante au premier abord, car elle constitue une incitation à investir en fonds propres dans des entreprises.
Cependant, le dispositif proposé est complexe et pourrait donner lieu à de multiples contournements et optimisations.
Dans ces conditions, mieux vaut supprimer intégralement le régime d’abattements sur les plus-values de cession de valeurs mobilières et éviter une perte de recettes pour l’État de 1 milliard d’euros, ce qui ne nous interdit pas d’imaginer des modalités plus simples pour utiliser l’enveloppe de 150 millions d’euros en faveur du financement des entreprises.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Madame la rapporteure générale, le nouveau dispositif que vous critiquez résulte d’une étroite collaboration entre le Gouvernement et la commission des finances de l’Assemblée nationale. Son coût s’élève, non pas à 1 milliard d’euros, mais à une centaine de millions d’euros.
Mme Valérie Pécresse,
Oui, 150 millions d’euros !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est vous qui avez évoqué un coût de un milliard d’euros !
Mme Valérie Pécresse,
Ce sont les députés qui s’en sont aperçus, grâce au débat engagé par la commission des finances du Sénat !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cela fait déjà un moment que les députés ont compris que le dispositif antérieurement prévu ne fonctionnerait pas.
Mme Valérie Pécresse,
Pour éviter toute ambiguïté, je répète que le nouveau mécanisme coûtera, non pas 1 milliard, mais 150 millions d’euros.
En proposant de ne plus exonérer les plus-values lors de cessions mobilières, sauf lorsque les sommes en cause sont réinvesties dans des PME, l’objectif est de maintenir, voire de favoriser l’investissement dans ce type d’entreprises.
Nous le savons bien, les Français investissent peu en actions, surtout lorsqu’il s’agit de PME, et notre pays ne compte pas suffisamment de
business angels
Nous le savons bien, de tels mécanismes de réinvestissement dans les PME doivent bénéficier d’une incitation fiscale, faute de quoi ils ne sont pas suffisamment attractifs au regard de la rentabilité offerte par des investissements beaucoup plus sûrs, comme l’assurance vie ou le PEA.
Nous souhaitons maintenir l’article 42
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Madame la ministre, vous ne cessez de faire référence aux PME. Mais rien, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, ne permet d’affirmer que le dispositif joue spécifiquement en leur faveur ! Or je l’ai lu et relu : toutes les entreprises sont concernées.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le montage mis en place conjointement par les députés de la majorité à l’Assemblée nationale et vos services est très complexe : c’est une véritable usine à gaz, qui va encourager des montages ayant la défiscalisation pour unique objet.
Mieux vaut jouer la carte de la simplicité : il est plus honnête et plus juste de supprimer ce dispositif d’abattements. À quoi bon insister pour le maintenir s’il ne bénéficie, en définitive, qu’à une petite minorité aisée, capable de s’offrir les services de professionnels de la défiscalisation ? En tout cas, ne prétendez pas qu’il s’agit d’encourager l’investissement dans les PME !
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Madame la rapporteure générale, le texte de l’article 42
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Madame la ministre, ce débat est intéressant et mérite qu’il soit mené jusqu’à son terme.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le dispositif peut tout aussi bien s’adresser à un cabinet spécialisé qui crée des holdings – cela existe ! – et procède à des investissements diversifiés dans des sociétés cotées, éventuellement des sociétés du CAC 40. Ces holdings proposent ensuite à des contribuables de remployer leurs fonds, en veillant à ce que la taille de chacun de ces véhicules assure la détention d’au moins 5 % des droits de vote pour chaque porteur de parts. Pour les investissements à venir, de tels montages pourraient d’ailleurs s’envisager dès la première étape, les contribuables devant, cette fois, détenir 10 % du capital ou des droits de vote de la holding considérée.
L’article 42
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
La rédaction de cet article a été particulièrement soignée. C’est le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale qui a tenu la plume d’une main experte, en liaison avec mes services.
Mme Valérie Pécresse,
L’objectif est de faire détenir des parts, non pas de sociétés d’intermédiation ou de holdings, mais bien de PME, d’entreprises de l’économie réelle.
On n’a aucune garantie !
M. Yann Gaillard.
Même M. Gaillard est d’accord avec nous !
Mme Marie-France Beaufils.
C’est dans cet esprit qu’a été rédigé l’article, même si les multiples références qu’il comporte nécessite, j’en conviens, de naviguer entre d’assez nombreux articles du code général des impôts pour en comprendre pleinement le sens.
Mme Valérie Pécresse,
Je le dis solennellement devant la représentation nationale, car les débats au Parlement font foi lorsqu’il s’agit d’interpréter une loi fiscale : cette disposition ne vise pas l’acquisition de parts de sociétés financières ; elle est destinée à encourager la détention de parts de PME de l’économie réelle.
Cela étant, la Haute Assemblée est évidemment souveraine dans ses votes.
Je mets aux voix l’amendement n° II‑352.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, l’article 42
M. le président.
L’amendement n° II-441, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 150-0 B
1° Après le b), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de transmission à titre gratuit des titres reçus en contrepartie de l’apport à un héritier en ligne directe du contribuable en situation de report d’imposition, l’imposition des plus-values antérieurement reportée peut, sur option expresse du bénéficiaire de la transmission à titre gratuit, être reportée de nouveau au moment où s’opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres reçus.
« Le maintien du report d’imposition est subordonné à la condition que le bénéficiaire de la transmission à titre gratuit, lorsqu’il opte expressément pour le report d’imposition, s’engage à acquitter l’impôt sur le revenu reporté lors de la transmission, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres reçus.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
I. – L’article 200
A. – Le 1 est ainsi modifié :
2° Le 2° du
« Toutefois, lorsque l’acquisition de tels matériaux est réalisée pour une maison individuelle, le crédit d’impôt ne s’applique qu’à la condition que d’autres travaux mentionnés au 5
« 4° Payés entre le 1
4° Le premier alinéa du
5° Il est ajouté un
B. – Le 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de garantir la qualité de l’installation ou de la pose des équipements, matériaux et appareils, un décret précise les travaux pour lesquels est exigé, pour l’application du crédit d’impôt, le respect de critères de qualification de l’entreprise ou de qualité de l’installation. » ;
C. – À la première phrase des premier et second alinéas du 4, l’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2015 » ;
D. – Le 5 est ainsi modifié :
1° Le tableau du
À compter de 2012
2° Il est ajouté un
E. – Après le 5, il est inséré un 5
« Ces majorations s’appliquent dans la limite d’un taux de 50 % pour un même matériau, équipement ou appareil. » ;
F. – Le 6 est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : «
2° Le second alinéa est remplacé par des
« Cette facture comporte, outre les mentions prévues à l’article 289 du présent code :
« 1° Le lieu de réalisation des travaux ou du diagnostic de performance énergétique ;
« 2° La nature de ces travaux ainsi que la désignation, le montant et, le cas échéant, les caractéristiques et les critères de performances, mentionnés à la deuxième phrase du premier alinéa du 2, des équipements, matériaux et appareils ;
« 3° Dans le cas de l’acquisition et de la pose de matériaux d’isolation thermique des parois opaques, la surface en mètres carrés des parois opaques isolées, en distinguant ce qui relève de l’isolation par l’extérieur de ce qui relève de l’isolation par l’intérieur ;
« 4° Dans le cas de l’acquisition d’équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable, la puissance en kilowatt-crête des équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et la surface en mètres carrés des équipements de production d’énergie utilisant l’énergie solaire thermique ;
« 5° Lorsque les travaux d’installation des équipements, matériaux et appareils y sont soumis, les critères de qualification de l’entreprise ou de qualité de l’installation ;
« 6° Dans le cas du remplacement d’une chaudière à bois ou autres biomasses ou d’un équipement de chauffage ou de production d’eau chaude indépendant fonctionnant au bois ou autres biomasses, et pour le bénéfice du taux de 31 % mentionné à la dernière ligne du tableau du
G. – Après le mot : « égale », la fin de la première phrase du second alinéa du 7 est ainsi rédigée : « au montant de l’avantage fiscal accordé à raison de la somme qui a été remboursée. »
II. – L’article 244
1° Le 7 du I est ainsi rédigé :
« 7. Les dépenses de travaux financées par une avance remboursable peuvent ouvrir droit au crédit d’impôt sur le revenu prévu à l’article 200
2° Le I est complété par un 9 ainsi rédigé :
3° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :
« Le montant du crédit d’impôt est égal à l’écart entre la somme actualisée des mensualités dues au titre de l’avance remboursable sans intérêt et la somme actualisée des montants perçus au titre d’un prêt de mêmes montant et durée de remboursement, consenti à des conditions normales de taux à la date d’émission de l’offre de prêt ne portant pas intérêt. »
III. – Le I s’applique aux dépenses payées à compter du 1
L’amendement n° II‑154 rectifié
M. le président.
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
ne s’applique qu’à
par les mots :
est majoré de dix points, à
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si cette condition n’est pas remplie, le taux du crédit d’impôt est celui fixé au
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° II‑9 rectifié, présenté par MM. Sido, P. Leroy et Bécot, Mme Sittler et MM. Tandonnet, Houel, Dubois, G. Bailly, Grignon, Cornu, Pointereau, Chatillon, Huré, Revet et Merceron, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 10
Après le mot :
micro-cogénération
supprimer le mot :
II – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-206 rectifié, présenté par Mme Keller, MM. Doublet, Laurent et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot, M. Milon, Mme Sittler, MM. Revet, Couderc, Pintat et J.P. Fournier, Mme Jouanno et M. Reichardt, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 47
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° A Le 4° du 2 du I est rétabli dans la rédaction suivante :
« 4° Soit de travaux prescrits aux propriétaires d’habitation au titre du IV de l’article L. 515-16 du code de l’environnement. ».
II. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - La disposition mentionnée au 1° A du II du présent article n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
... - La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II‑99 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° II-398 est présenté par M. Reichardt.
L’amendement n° II-412 est présenté par M. Repentin, Mme Lienemann, MM. Dilain et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mmes Ghali, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 49
Remplacer le montant :
par le montant :
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les amendements n
La parole est à M. Claude Dilain, pour présenter l’amendement n° II‑412.
Cet amendement a pour objet de maintenir à 45 000 euros le plafond de ressources permettant le cumul de l’éco-prêt à taux zéro, dit éco-PTZ, et du crédit d’impôt développement durable, dit CIDD.
M. Claude Dilain.
Pour mémoire, l’éco-prêt à taux zéro permet de financer des travaux effectués dans les logements pour réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Le crédit d’impôt développement durable, quant à lui, a pour but de réduire l’impôt sur le revenu des ménages d’une partie des dépenses réalisées pour certains travaux d’amélioration énergétique.
En janvier 2009, à l’occasion du plan de relance, le Gouvernement et le Parlement avaient décidé d’autoriser le cumul de ces deux dispositifs, en posant toutefois une limite : le revenu fiscal de référence ne pouvait dépasser 45 000 euros.
Cette mesure a constitué un soutien important à l’activité dans le secteur du bâtiment et, ce faisant, a contribué à la relance de l’économie et à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments.
En rétablissant la possibilité de cumuler l’éco-PTZ et le CIDD, mais en abaissant le plafond de ressources à 30 000 euros, l’Assemblée nationale a fortement limité l’impact écologique de cette mesure, mais aussi son intérêt économique, car elle est en outre un moyen de lutter contre le chômage. C’est pourquoi nous proposons de porter à nouveau ce plafond à son niveau antérieur.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’article 43 rétablit la possibilité d’un cumul entre le crédit d’impôt développement durable et l’éco-PTZ lorsque les revenus du foyer fiscal n’excèdent pas 30 000 euros.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le présent amendement vise à rétablir le plafond à hauteur de 45 000 euros, soit le niveau constaté avant la suppression, à partir du 1
D’après les chiffres transmis par le ministère de l’écologie, le retour au plafond de 45 000 euros se traduirait par un coût générationnel, c’est-à-dire cumulé sur cinq ans, donc jusqu’en 2017, de l’ordre de 170 millions d’euros. Le coût supplémentaire serait inférieur à 20 millions d’euros en 2013, puis oscillerait entre 30 millions et 35 millions d’euros à partir de 2014. Mais, à mon sens, il reste supportable et somme toute assez modeste au regard de l’effet obtenu.
En effet, l’adoption de cet amendement, grâce au relèvement significatif du plafond, rendrait le cumul accessible à 80 % des bénéficiaires de l’éco-PTZ, contre 45 % avec un plafond de 30 000 euros.
Par conséquent, nous ne pouvons qu’être favorables à l’amendement n° II‑412.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car la mesure proposée est contraire à la volonté du Gouvernement, qui souhaite resserrer cet avantage fiscal.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l’amendement n° II‑412.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 43, modifié.
M. le président.
(L'article 43 est adopté.)
I. – L’article 200
1° Aux 1° à 3° du
« Au titre des dépenses mentionnées au
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. le président.
L’amendement n° II-207 rectifié, présenté par Mme Keller, MM. Doublet, Laurent et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot, M. Milon, Mme Sittler, MM. Revet, Couderc, Pintat et J.P. Fournier, Mme Jouanno et M. Reichardt, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 200
a) Aux 1°, 2° et 3° du a du 1, au c du 1 et à la première phrase du 4, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2014 » ;
b) Le b du 1 est abrogé ;
2° Après l’article 200
Art. ... -
« Ce crédit d’impôt s’applique aux dépenses payées entre le 1
« 2. Le crédit d’impôt s’applique pour le calcul de l’impôt dû au titre de l’année du paiement de la dépense par le contribuable.
« 3. Pour un même logement, le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder, au titre d’une période de trois années civiles consécutives comprises entre le 1
« 4. Le crédit d’impôt est égal à 40 % du montant des dépenses mentionnées au 1.
« 5. Les travaux mentionnés au 1 s’entendent de ceux figurant sur la facture d’une entreprise. Le crédit d’impôt est accordé sur présentation des factures, autres que les factures d’acompte, des entreprises ayant réalisé les travaux et comportant, outre les mentions prévues à l’article 289 du présent code, l’adresse de réalisation des travaux, leur nature ainsi que la désignation et le montant des travaux mentionnés au 1.
« 6. Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199
« 7. Lorsque le bénéficiaire du crédit d’impôt est remboursé dans un délai de cinq ans de tout ou partie du montant des dépenses qui ont ouvert droit à cet avantage, il fait l’objet, au titre de l’année de remboursement et dans la limite du crédit d’impôt obtenu, d’une reprise égale à 40 % de la somme remboursée. Toutefois, aucune reprise n’est pratiquée lorsque le remboursement fait suite à un sinistre survenu après que les dépenses ont été payées. »
II. - Ces dispositions ne sont applicables qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. - La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° II‑403, présenté par MM. Repentin, Dilain, Germain et Carvounas, Mme Lienemann, M. Vaugrenard, Mme Bourzai, M. M. Bourquin, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d’impôt est accordé dans les mêmes conditions aux descendants et collatéraux de personnes âgées de plus de soixante-dix ans qui assurent la charge effective des dépenses d’installation ou de remplacement mentionnées au a du 1 dans des logements occupés à titre d’habitation principale par leurs ascendants ou collatéraux, à concurrence de leur contribution. Le transfert du crédit de l’impôt aux descendants et collatéraux ne peut être sollicité si des subventions ont par ailleurs été accordées par l’Agence nationale de l’habitat pour la même cause. »
II. - Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9. Sont seules éligibles au crédit d’impôt, les dépenses réalisées au logement des personnes dont les ressources ne dépassent pas les plafonds mentionnés au 11° du I de l’article R. 321‑12 du code de la construction et de l’habitation. »
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il s’agit du transfert de crédit d’impôt aux descendants et collatéraux des personnes âgées. En l’occurrence, cet amendement vient compléter l’article 44 en faveur de la prorogation du crédit d’impôt prévue à l’article 200
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Cet amendement, qui prévoit de nouvelles conditions d’éligibilité, avec l’insertion d’un critère de ressources, ouvre le droit au bénéfice du crédit d’impôt aux descendants et collatéraux qui acquittent directement les dépenses de travaux d’équipement pour les personnes âgées ne sollicitant pas les subventions de l’ANAH.
Il est inutile d’insister sur l’importance qu’il y a pour les personnes âgées à pouvoir faire réaliser certains travaux dans leur logement, en particulier en vue d’éviter les chutes et de garantir leur autonomie. Comme elles n’ont pas toujours les moyens de faire faire elles-mêmes ces travaux, ce sont souvent des proches, collatéraux ou descendants, qui les prennent en charge. Nous proposons donc de permettre à ceux-ci de bénéficier du même crédit d’impôt que celui auquel aurait eu droit la personne âgée.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Si je comprends parfaitement l’intention des auteurs de cet amendement, je me dois de souligner les faiblesses de la solution qu’ils proposent.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
D’abord, on ne peut pas en chiffrer le coût, faute de connaître le nombre des bénéficiaires éventuels dans cette nouvelle catégorie, qui est large.
Ensuite, l’application du dispositif proposé apparaît tout de même très complexe. Il introduit des conditions d’âge, de lien de parentalité, une condition négative de non-perception de subventions qui risque de rendre l’ensemble difficilement justifiable, voire inopérant devant l’administration fiscale.
Dans l’état actuel du droit, le crédit d’impôt est simple et il est prorogé par l’article en discussion. Pour en bénéficier, il suffit que les équipements installés correspondent à la liste établie par l’administration fiscale.
Au-delà des questions relatives aux modalités d’application, se pose surtout un problème de principe qui a conduit la commission à émettre un avis défavorable : dès lors qu’on ouvrirait ce droit aux collatéraux qui assument la charge des dépenses d’installation en faveur d’une personne âgée de plus de soixante-dix ans, il n’y a plus de raison que ça s’arrête ! Il serait donc très ennuyeux qu’un tel amendement soit adopté. C’est pourquoi j’en demande le retrait.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
Mme Valérie Pécresse,
Madame Lienemann, l’amendement n° II-403 est-il maintenu ?
M. le président.
J’ai entendu les objections de Mme la rapporteure générale et je vais le retirer.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
L’idée mérite d’être soutenue, mais le dispositif doit sans doute être mieux encadré. En l’état actuel de sa rédaction, l’amendement est peut-être trop large.
L’amendement n° II‑403 est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II-404 rectifié
I. – Alinéa 4
Remplacer le montant :
par le montant :
et le montant :
par le montant :
II. - ... – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
L’amendement vise à augmenter les plafonds de dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt pour les travaux obligatoires de renforcement des habitations situées au sein du périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques, ou PPRT.
M. Richard Yung.
Le plafonnement passerait de 5 000 à 10 000 euros pour une personne célibataire, de 10 000 à 20 000 euros pour un couple. Cela permettrait de revenir aux dispositions introduites dans le cadre de la loi Grenelle 2.
L’expérience montre que les riverains des zones à risques technologiques ne sont pas particulièrement aisés. Or ils se voient imposer des investissements relativement lourds – changement des vitrages, création d’une pièce de confinement… –, dont le coût varie généralement entre 15 000 et 20 000 euros.
Dans certains cas, les propriétaires ne réalisent pas ces travaux, faute de moyens. Il convient donc de les encourager sur le plan fiscal.
Le sous-amendement n° II-454, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Amendement n° 404 rectifié
Rédiger ainsi le I de cet amendement :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Au titre des dépenses mentionnées au b du 1, la somme mentionnée au premier alinéa est majorée de 20 000 euros. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cette question des travaux dans les habitations situées autour des sites Seveso concerne bien souvent des ménages modestes, notamment les ouvriers ou les anciens ouvriers des entreprises en cause.
Mme Marie-France Beaufils.
Notre sous-amendement tend simplement à permettre de bien prendre en compte la réalité du coût des travaux de mise en conformité de logements exposés aux risques technologiques au regard des moyens effectifs des personnes qui vivent dans ces logements.
Actuellement, le droit fiscal fait une différence selon que c’est un couple ou une personne seule qui habite dans le logement. Pourtant, ce qui compte, c’est bien le coût des travaux à effectuer dans la maison d’habitation. Dès lors, le crédit d’impôt ne peut pas être différent selon que c’est une personne ou un couple qui occupe le logement !
Nous souhaiterions que soit pris en compte le coût des travaux du logement concerné par l’opération, qu’il soit occupé par une personne seule ou par un couple.
L'amendement n° II-353, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
Le 2° du I du présent article est applicable
par les mots :
Les 2° et 3° du I du présent article sont applicables
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - La perte de recettes pour l’Etat résultant de l'augmentation du taux du crédit d'impôt mentionné au a
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II-404 rectifié
L’amendement n° II‑353 vise à rétablir le taux initial du crédit d’impôt en faveur des dépenses prescrites par un PPRT, qui avait été fixé à 40 % dans la loi Grenelle 2. Le surcoût induit par cet amendement – du fait du passage de 30 % à 40 % – serait inférieur à 3 millions d’euros. Mais, madame la ministre, peut-être êtes-vous mieux placée que moi pour l’évaluer…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La réduction du plafonnement qui avait été adoptée posait évidemment un vrai problème pour la réalisation des travaux dans la mesure où, comme l’a rappelé Mme Beaufils, les propriétaires concernés sont souvent des ménages non imposables, en tout cas des ménages aux revenus modestes. Ils éprouvent donc de grandes difficultés pour réaliser ces travaux.
L’amendement n° II‑404 rectifié
Mme Beaufils pose une vraie question. Le coût des travaux varie-t-il selon que l’on vit seul ou en couple ? La différence de niveau du plafond entre une personne seule et un couple est-elle justifiée ?
Toutefois, madame Beaufils, il faudrait que vous précisiez ce que vous visez. Peut-être pensez-vous aux veuves ?
Ou aux veufs !
Mme Marie-France Beaufils.
Il y en a moins !
M. Richard Yung.
(Sourires.)
Vous pensez donc aux personnes qui occupaient un logement assez grand pour une famille et qui s’y retrouvent seules à un moment donné de leur existence.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils.
Je ne suis pas sûre que votre proposition soit juste du point de vue juridique. Ce que je crois, c’est que votre rédaction est ambiguë, car vous visez l’alinéa 4 de l’article 44, alors qu’il semble que vous vouliez en fait modifier l’alinéa 4 de l’article 200
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
J’ai bien compris votre préoccupation, mais je pense qu’il ne faut pas entacher l’amendement n° II-404 rectifié
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II‑404 rectifié
M. le président.
Le Gouvernement a été extrêmement sensible à la situation des Français qui résident dans des zones à risques technologiques. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé, lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, de doubler le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt pour les travaux de prévention contre les risques technologiques. Ce crédit d’impôt est passé de 10 000 euros à 20 000 euros.
Mme Valérie Pécresse,
Bien sûr, on peut toujours faire plus !
Vous proposez de le doubler après l’avoir baissé ! La somme proposée au Grenelle a été baissée !
Mme Marie-France Beaufils.
Mais nous l’avons remontée ! Faute avouée est à moitié pardonnée !
Mme Valérie Pécresse,
Pourquoi nous en tenir à 20 000 euros et ne pas aller jusqu’à 30 000 euros ? Et pourquoi ne pas passer de 30 % à 40 % ? Nous pensons avoir atteint, dans un contexte budgétaire contraint, un équilibre raisonnable, qui tient compte de la sensibilité de la situation et de l’importance de la prévention des risques technologiques.
J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur les trois propositions.
Madame Beaufils, le sous-amendement n° II-454 est-il maintenu ?
M. le président.
J’ai entendu les remarques de Mme la rapporteure générale.
Mme Marie-France Beaufils.
Cela dit, notre sous-amendement renvoie à une situation que je connais bien. Il y a trois sites Seveso dans ma commune. Là, comme dans de nombreuses communes dont je connais les maires, les habitants des périmètres Seveso ont emménagé alors que l’entreprise était déjà installée. Ils étaient, à l’époque, ses salariés et sont aujourd’hui à la retraite. Bien souvent, il ne reste qu’un seul des conjoints à vivre dans les lieux. Et les travaux à réaliser sont bien lourds pour lui !
Vous dites, madame la ministre, que nous demandons toujours plus. Mais nous vous demandons simplement de revenir à l’engagement du Grenelle 2 ! Cet engagement, il a été pris envers les familles qui habitent dans ces périmètres, et pas par nous, les élus, mais par les services de l’État ! Pour rencontrer ces personnes sur le terrain, je vous assure qu’elles ont entendu que le Gouvernement ne prenait pas en compte les obligations qu’elles allaient devoir supporter dans le cadre de la révision en cours des PPRT.
Pour des foyers modestes tels que ceux dont je parle, réaliser les travaux demandés pour se prémunir, si survenait un souffle du type AZF, contre des dégâts tels que ceux qui sont liés aux bris de vitres, c’est quelque chose de lourd !
De plus, ces personnes ne savent toujours pas si la réalisation de ces travaux est ou non une obligation. D’ailleurs, elles ne peuvent jamais savoir exactement où elles en sont parce qu’on leur dit tous les dix ans que le PPRT va être révisé !
Alors non, madame la ministre, nous ne demandons pas « toujours plus » ! Nous demandons simplement que les choses se fassent correctement !
Et je rappelle que, si un PPRT impose de procéder à des délaissements ou à des expropriations, la ou les collectivités concernées sont appelées à participer au dédommagement des familles contraintes de déménager.
Je retire donc le sous-amendement n° II‑454, me réservant de présenter, dans le cadre d’un autre texte, une proposition mieux conçue mais ayant le même objet.
Le sous-amendement n° II‑454 est retiré.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑404 rectifié
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° II‑353.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 44, modifié.
M. le président.
(L'article 44 est adopté.)
I. – L’avantage en impôt résultant des réductions et crédits d’impôt retenus au
1° Les taux des réductions et crédits d’impôt, les plafonds d’imputation annuelle de réduction ou de crédit d’impôt et les plafonds de réduction ou de crédit d’impôt admis en imputation, exprimés en euros ou en pourcentage d’un revenu, tels qu’ils sont prévus dans le code général des impôts pour l’imposition des revenus de l’année 2012, sont multipliés par 0,85. Pour l’application de la phrase précédente, les taux et plafonds d’imputation s’entendent après prise en compte de leurs majorations éventuelles ;
2° Les résultats des opérations mentionnées au 1° sont arrondis à l’unité inférieure ;
3° Lorsque plusieurs avantages fiscaux sont soumis à un plafond commun, autre que celui prévu à l’article 200‑0 A du code général des impôts, celui-ci est diminué dans les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article, à l’exception des plafonds mentionnés aux premier et deuxième alinéas du I et aux premier et troisième alinéas du III de l’article 199
4° Le taux utilisé pour le calcul de la reprise éventuelle des crédits et réductions d’impôt est le taux qui a été appliqué pour le calcul des mêmes crédits et réductions d’impôt.
II. – La traduction mathématique des taux et des montants qui résultent de l’application des 1° à 4° du I est introduite dans le code général des impôts par décret en Conseil d’État avant le 30 avril 2012. Le droit pris pour référence pour ce calcul est celui en vigueur au 1
III. – L’article 199
1° Le I est ainsi modifié :
(Supprimés)
« Lorsque la réduction d’impôt mentionnée au présent I est acquise dans les conditions prévues aux vingt-sixième et vingt-neuvième alinéas et que la fraction de la réduction d’impôt rétrocédée à l’entreprise locataire est de 62,5 %, les taux de 38,25 % et 45,9 % mentionnés au dix-septième alinéa sont, respectivement, portés à 40,8 % et 48,96 % et les taux de 48,6 % et 53,55 % mentionnés à la cinquième phrase du même alinéa sont, respectivement, portés à 48,96 % et 57,12 %. Dans les mêmes conditions, le taux de 53,55 % mentionné au dix-huitième alinéa est porté à 57,12 %. » ;
« Lorsque la réduction d’impôt mentionnée au présent I est acquise dans les conditions prévues aux vingt-sixième et vingt-neuvième alinéas et que la fraction de la réduction d’impôt rétrocédée à l’entreprise locataire est de 52,63 %, les taux de 38,25 % et 45,9 % mentionnés au dix-septième alinéa sont, respectivement, portés à 40,375 % et 48,45 % et les taux de 45,9 % et 53,55 % mentionnés à la cinquième phrase du même alinéa sont, respectivement, portés à 48,45 % et 56,525 %. Dans les mêmes conditions, le taux de 53,55 % mentionné au dix-huitième alinéa est porté à 56,525 %. » ;
(Supprimé)
IV et V. –
(Supprimés)
VI. – Les I à V sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2012 pour les dépenses payées à compter du 1
L'amendement n° II-354, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
M. le président.
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
III. - Par dérogation au II, pour l'application du I, l’article 199
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement de précision vise à éviter que la dépense fiscale en faveur des investissements productifs outre-mer ne soit « rabotée » deux fois, une première fois par le III de l’alinéa 7 de l’article, qui modifie directement le code général des impôts, et une seconde fois par le rabot « de droit commun » de 15 %, prévu au II de ce même alinéa.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ce double rabot ne correspond manifestement pas à l’intention du législateur. C’est pourquoi nous proposons de ne raboter qu'une seule fois cette dépense fiscale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis favorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑354.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-355 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-406 est présenté par MM. Patient, Antoinette et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque la réduction d’impôt mentionnée au présent I est acquise dans les conditions prévues aux vingt-sixième et vingt-neuvième alinéas et que la fraction de la réduction d’impôt rétrocédée à l’entreprise locataire est de 62,5 %, les taux de 38,25 % et 45,9 % mentionnés au dix-septième alinéa sont, respectivement, portés à 45,3 % et 54,36 % et les taux de 45,9 % et 53,55 % mentionnés à la cinquième phrase du même alinéa sont, respectivement, portés à 54,36 % et 63,42 %. Dans les mêmes conditions, le taux de 53,55 % mentionné au dix-huitième alinéa est porté à 63,42 %. » ;
II. – Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque la réduction d’impôt mentionnée au présent I est acquise dans les conditions prévues aux vingt-sixième et vingt-neuvième alinéas et que la fraction de la réduction d’impôt rétrocédée à l’entreprise locataire est de 52,63 %, les taux de 38,25 % et 45,9 % mentionnés au dix-septième alinéa sont, respectivement, portés à 44,12 % et 52,95 % et les taux de 45,9 % et 53,55 % mentionnés à la cinquième phrase du même alinéa sont, respectivement, portés à 52,95 % et 61,77 %. Dans les mêmes conditions, le taux de 53,55 % mentionné au dix-huitième alinéa est porté à 61,77 %. » ;
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° II-355.
Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle. Le texte initial du projet de loi de finances prévoyait de raboter le crédit d’impôt en faveur des investissements productifs outre-mer de 3,8 %, en rabotant de 10 % la part revenant à l’investisseur et sans raboter la part revenant à l’entreprise locale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’Assemblée nationale a souhaité que l’effort porte dans les mêmes proportions sur les deux parts. Parallèlement, elle a aussi porté de 10 % à 15 % le taux du rabot général. Mais, en combinant les deux opérations, elle a porté à 15 % le rabot sur chacune des parts.
Il importe de corriger ce qui, de toute évidence, ne correspond pas à l'intention de nos collègues députés, tout en conservant, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, le même taux de rabot pour le contribuable et pour l'entreprise.
La parole est à M. Michel Berson, pour présenter l'amendement n° II-406.
M. le président.
Il est défendu, monsieur le président.
M. Michel Berson.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Manifestement, il y a un malentendu entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur cette disposition, dont la rédaction correspond rigoureusement à la volonté à la fois des députés, notamment ultramarins, et des professionnels du secteur.
Mme Valérie Pécresse,
Pour les investissements outre-mer, le crédit d’impôt de l’investisseur est en partie reversé aux professionnels du secteur. À l’origine, il avait été décidé de geler la part revenant à l’exploitant et de faire porter le rabot sur la seule part de l’investisseur. Le Parlement avait adopté ce dispositif pour préserver la vie économique ultramarine.
Les élus d’outre-mer et les professionnels du secteur nous ont signalé que le gel de la part revenant aux professionnels et le rabot sur la part de l’investisseur avaient rendu les investissements beaucoup moins rentables. Il faut donc faire peser le rabot non pas uniquement sur la part de l’investisseur, mais de manière équilibrée entre l’investisseur et le professionnel, c'est-à-dire sur l’intégralité de l’investissement ultramarin.
Le Gouvernement n’est pas favorable à la correction proposée, car elle conduirait à maintenir le rabot sur la part de l’investisseur au lieu de le répartir sur les deux parts, comme l’ont souhaité, je le répète, les élus et les acteurs économiques ultramarins.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Madame la ministre, Georges Patient est le premier signataire d’un amendement identique au mien. C’est bien la preuve que l’initiative de la commission se justifie.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ainsi que je l’ai indiqué, le taux du rabot est bien équilibré entre le contribuable et l’entreprise. Mais les députés l’ont porté à 15 %. Nous pensons que ce n’était pas leur intention.
Aussi, nous proposons, dans le cas où le bien est loué à une entreprise, de porter le taux du rabot de 3,8 % à 5,625 %.
Notre amendement, qui est d’ailleurs identique à celui de M. Patient, est tout à fait équilibré.
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
L'amendement n° II-405, présenté par MM. Patient, Antoinette et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Après l'alinéa 16
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 3 de l’article 200‑0 A du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application du plafonnement mentionné au 1, les réductions d’impôt acquises au titre des investissements mentionnés à la première phrase des vingt-sixième et vingt-septième alinéas du I de l’article 199
« Les modalités de délivrance de ladite attestation feront l’objet d’un décret d’application du présent article.
« En cas d’absence d’attestation ou d’attestation non conforme, la réduction d’impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la première phrase des vingt-sixième et vingt-septième alinéas du I de l’article 199
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Berson.
L’amendement vise à remédier à un arbitrage injuste et défavorable à l’outre-mer, consistant à calculer le plafonnement global par l’alignement du calcul de la quote-part des réductions d’impôt, effectivement conservées par les contribuables dans le cadre de montages locatifs, sur la réalité économique des ces montages.
M. Michel Berson.
Dans le contexte de baisse régulière du plafonnement global, une telle surévaluation du gain net de l’investisseur risque de conduire les investisseurs à des arbitrages défavorables à l’outre-mer.
Pour éviter un assèchement de la collecte, il est proposé de coller à la réalité des opérations réalisées par le contribuable, en définissant le gain net de l’investisseur comme la différence entre la réduction d’impôt totale acquise et les apports réalisés par l’investisseur à fonds perdus.
J’attirer votre attention sur le fait que cet amendement n’a aucune conséquence budgétaire. En effet, la décision de procéder à des investissements outre-mer provient non pas de contribuables soumis au plafonnement général souhaitant réduire leur impôt, mais d’entreprises ultramarines qui bénéficient d’une quote-part des réductions d’impôt liées à ces investissements et qui doivent assurer la charge du solde de financement. En d’autres termes, le coût annuel du dispositif dépend des volumes d’investissement de ces entreprises ultramarines.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement semble viser un objectif de bon sens, sinon de justice, mais il soulève plusieurs difficultés.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
D’abord, le dispositif proposé contribuerait à renforcer une dépense fiscale jugée peu efficace, à laquelle le rapport de l’Inspection générale des finances, qui est tout de même une référence, fût-elle administrative, attribue la note de 1 sur une échelle qui va de 0 à 3. D’ailleurs, le coût de la mesure envisagée n’est pas connu.
Ensuite, le rabot applicable aux investissements d’outre-mer, qui est de 5,625 %, est déjà moins élevé que le rabot « de droit commun ».
En outre, vous avez invoqué la justice, monsieur Berson, mais je ne suis pas certaine que votre amendement soit véritablement équitable. La dépense fiscale concernée n’est pas la seule à devoir être en partie reversée par le contribuable à une entreprise ; il s’agit même plutôt de la norme. Quand un contribuable bénéficie d’un crédit d’impôt pour faire des travaux sur son logement, l’entreprise en profite généralement pour augmenter ses prix. Votre amendement risque donc de susciter des abus.
Enfin, l’administration fiscale risque de rencontrer des difficultés pour vérifier la véracité des déclarations sur le montant de la part de la niche qui bénéficie effectivement aux contribuables.
Par conséquent, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Nous partageons les réserves de la commission.
Mme Valérie Pécresse,
La situation de fait qui motive l’amendement, c'est-à-dire le risque d’une surestimation ou d’une sous-estimation des montants, ne nous paraît pas avérée. En réalité, nous craignons plus un risque de fraude. Il faut laisser le plafonnement tel qu’il est, d’autant que les modalités de calcul sont d’ores et déjà relativement généreuses.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Monsieur Berson, l'amendement n° II-405 est-il maintenu ?
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. Michel Berson.
L'amendement n° II-405 est retiré.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
L'amendement n° II-127 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 200
Cet amendement n'est pas soutenu.
I. – Au premier alinéa de l’article 200‑0 A du code général des impôts, le taux : « 6 % » est remplacé par le taux : « 4 % ».
II. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de 2012, sous réserve des dispositions spécifiques mentionnées au III.
III. – Pour l’application du I, il est tenu compte des avantages fiscaux accordés au titre des dépenses payées, des investissements réalisés ou des aides accordées à compter du 1
Toutefois, il n’est pas tenu compte des avantages procurés :
1° Par les réductions d’impôt sur le revenu mentionnées aux articles 199
2° Par la réduction d’impôt sur le revenu prévue à l’article 199
3° Par la réduction d’impôt sur le revenu prévue à l’article 199
septvicies
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-362, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Au premier alinéa de l’article 200-0 A du code général des impôts, après les mots : « supérieure à », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « un montant de 10 000 euros. »
II. – Les dispositions du I. ci-dessus s’appliquent à compter de l’imposition des revenus 2012.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement de fond concerne le plafonnement des niches fiscales, compte tenu des propositions qui sont formulées en matière de dépenses fiscales dans le présent projet de loi de finances.
Mme Marie-France Beaufils.
Si nous sommes opposés à des niches fiscales, ce n’est pas uniquement parce qu’elles nuisent à la situation budgétaire de l’État et qu’elles témoignent de la course au moins-disant fiscal qui caractérise malheureusement l’Europe depuis une bonne trentaine d’années, une tendance sans doute à l’origine des déficits cumulés comme de la dette publique. Non, si nous sommes opposés à ces niches, c’est d’abord parce qu’elles participent d’une rupture du principe d’égalité devant l’impôt, un principe constitutionnel auquel nous tenons.
Priver l’État de ressources parfois importantes au bénéfice de quelques-uns ou d’un nombre limité de contribuables, c’est lui retirer des moyens de répondre aux besoins de la collectivité.
Pour le seul impôt sur le revenu, les niches fiscales se sont élevées à environ 40 milliards d’euros, soit entre les deux tiers et les quatre cinquièmes de son produit !
Il faut donc réduire sensiblement les niches existantes, en les centrant sur quelques principes clés, et non en appliquant un système de rabot aveugle.
Que les particuliers soient incités à faire des dons aux œuvres d’utilité publique, qu’ils soient aidés parce que leurs enfants sont accueillis en crèche collective ou qu’ils participent à la vie démocratique du pays en aidant le parti politique ou le syndicat de leur choix, tout cela ne me semble pas problématique.
Malheureusement, bien d’autres niches ont été mises en place ces dernières années, et nous en connaissons les coûts. Je pourrais évoquer certaines des aides aux entreprises qui ont été mentionnées précédemment. Pourtant, on nous dit toujours que, dans une économie libérale, nous n’avons pas besoin d’État…
Il est nécessaire de plafonner les niches fiscales pour éviter une trop grande inégalité devant l’impôt. Nous proposons de fixer le plafond à 10 000 euros, rejoignant en cela Mme la rapporteure générale.
L'amendement n° II-356, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le premier alinéa de l'article 200-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. Le total des avantages fiscaux mentionnés au 2 ne peut pas procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 10 000 euros. »
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II-362.
L’amendement de la commission vise à abaisser le plafond global à 10 000 euros, et ce sans part variable du revenu imposable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est mesure franche et efficace, dont le rendement – certes, ce n’est pas l’objectif principal – est estimé à 245 millions d’euros, pour 32 500 contribuables concernés, ce qui n’est tout de même pas négligeable.
Nous voulons éviter la multiplication des niches fiscales, dont le plafond global reste élevé, même s’il a été abaissé progressivement à 18 000 euros. Par cet amendement, nous proposons de le ramener à 10 000 euros.
L’amendement n° II-362 a la même finalité, puisqu’il tend aussi à fixer le plafond à 10 000 euros. Toutefois, je demande à ses auteurs de se rallier à l’amendement de la commission.
En effet, à la différence du groupe CRC, qui souhaite réécrire intégralement l’article 45
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Une telle baisse du plafond global des niches fiscales nous paraît excessivement brutale. Comme vous le savez, c’est ce gouvernement qui a plafonné le premier les niches fiscales, d’abord à 25 000 euros, puis à 20 000 euros et, aujourd'hui, à 18 000 euros, avec 6 % du revenu imposable. Dans le présent projet de loi de finances, c’est 18 000 euros avec 4 % du revenu, à la demande du groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale.
Passer de 18 000 euros à 10 000 euros sans ajout d’une fraction de revenu imposable conduirait à porter un coup très dur au secteur des emplois à domicile et favoriserait le travail « au noir ». Comme vous vous en doutez, ce n’est pas le choix du Gouvernement, surtout en période de remontée du chômage.
Madame Beaufils, l'amendement n° II-362 est-il maintenu ?
M. le président.
Non, monsieur le président, je le retire au profit de l’amendement de la commission.
Mme Marie-France Beaufils.
Madame la ministre, vous avez indiqué qu’il fallait aider les emplois à domiciles. Mais justement : les personnes qu’il faut aider sont précisément celles qui, compte tenu de leur situation financière, continueraient à bénéficier du dispositif si le plafond global des niches fiscales était ramené à 10 000 euros !
L'amendement n° II–362 est retiré.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑356.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 45
M. le président.
(L'article 45
est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n° II-363 rectifié est présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-407 rectifié
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3 de l’article 199
1° Aux premier et deuxième alinéas, et aux première et avant-dernière phrases du dernier alinéa, le montant : « 12 000 euros » est remplacé par le montant : « 7 000 euros » ;
2° Au deuxième alinéa, à l'avant-dernière et à la dernière phrase du dernier alinéa, le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 euros ».
II. – Ces dispositions sont applicables aux revenus perçus au titre de l’année 2012.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° II-363 rectifié
Cet amendement vise à rendre à la réduction d’impôt pour emploi à domicile son usage initial, qui est de favoriser l’emploi.
Mme Mireille Schurch.
Nous souhaitons que le dispositif cesse d’être un outil d’optimisation fiscale pour ménages aisés, bien au-delà de ce que nombre de foyers modestes – je pense notamment aux personnes âgées – font valoir à ce titre.
Il faut ramener la réduction d’impôt à un niveau conforme à notre volonté de maîtriser la dépense fiscale en général.
Par conséquent, si nous disons oui à une mesure qui favorise l’autonomie des personnes âgées ou qui représente une aide ponctuelle pour les familles devant faire garder leurs enfants, nous disons non à une niche fiscale qui permet à quelques ménages très aisés de ne plus payer d’impôts, notamment grâce à la prise en compte du personnel de gardiennage de leurs propriétés ou de leurs résidences secondaires.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° II-407 rectifié
M. le président.
Cet amendement a pour objet de rendre son usage initial à la niche fiscale relative à l’emploi des salariés à domicile, aujourd’hui transformée en outil au service de quelques familles très aisées.
M. Richard Yung.
La majorité présidentielle ne peut pas s’abriter éternellement derrière le fait que la mesure a été mise en place par un gouvernement socialiste pour refuser d’admettre que les hausses considérables du plafond des dépenses prises en compte la font totalement changer de cible et de nature.
Alors qu’il était initialement fixé à 3 811 euros, le plafond de dépenses avait été relevé à 3 964 euros en 1994 et à 13 720 euros, soit une multiplication par quatre, dans le projet de loi de finances pour 1995 ! Il y a là clairement une dérive.
Dans le projet de loi de finances pour 1998, les députés socialistes ont réduit le plafond de moitié, le ramenant à 6 860 euros, mais l’actuelle majorité présidentielle est revenue en 2005 à un niveau de déduction proche de celui qui avait été atteint en 1995, en établissant un plafond de 12 000 euros.
Dès lors, et en conformité avec les multiples engagements qui ont été pris de remettre en cause les niches fiscales n’ayant pas fait la preuve indéniable de leur utilité, nous proposons de revenir à un niveau raisonnable, proche de celui qui existait en 2002, c’est-à-dire 7 000 euros.
D'ailleurs, la lecture du rapport commandé à l’Inspection générale des finances prouve que le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales se montre sans concession sur cette exonération.
Avec moins de 2 % des bénéficiaires, le plafond actuel ne reste qu’une hypothèse théorique. En effet, la dépense médiane est de l’ordre de 1 270 euros par foyer concerné !
Le relèvement du plafond a rendu la niche encore plus injuste, en la faisant bénéficier, pour plus des deux tiers, aux 10 % de nos concitoyens les plus aisés.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui tend à rétablir la justice fiscale s’agissant d’un dispositif très coûteux profitant essentiellement aux ménages les plus aisés.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer davantage, mais j’ai procédé à une estimation.
Sachant que les amendements visent à revenir au plafond antérieur à 2002, que le coût de la dépense fiscale est d’environ 3,1 milliards d’euros pour 2012, dont 1,3 milliard d’euros pour la réduction d’impôt et 1,8 milliard d’euros pour le crédit d’impôt, et que la dépense fiscale a doublé depuis 2003, on peut considérer que la réduction du plafond à 10 000 euros permettrait, en théorie, de diviser par deux le coût de la niche, donc de la ramener aux alentours de 1,5 milliard d’euros. Peut-être cette affirmation doit-elle être nuancée, peut-être la somme doit-elle être revue... À vous de nous le dire, madame la ministre.
En outre, même si je ne veux pas revenir sur les emplois à domicile – le débat avait beaucoup agité le Sénat comme l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi de finances pour 2011 –, il me semble toutefois que la suppression des exonérations spécifiques des cotisations sociales à la charge de l’employeur dans le domaine des services à la personne était assez incohérente. Si elle a peut-être représenté un gain immédiat pour les finances publiques, elle a également créé un surcoût pour les employeurs.
Nous avons reçu la Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM, qui nous a alertés sur la baisse très significative du nombre d’heures déclarées. Je pense que les particuliers employeurs comme les employés ont donc subi un tel préjudice.
Pour notre part, avec ces deux amendements identiques, nous prenons une mesure de justice, d’économie et de cohérence.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme Valérie Pécresse,
Madame la rapporteure générale, même si nous ne sommes pas en mesure d’estimer avec exactitude la recette fiscale qui découlerait d’un tel dispositif, nous pensons toutefois qu’elle se chiffrerait bien plus en centaines de millions d’euros qu’en milliards d’euros.
Donnez-nous des chiffres précis !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Nous ne pouvons pas le faire, car cela dépend du comportement des particuliers employeurs !
Mme Valérie Pécresse,
Aujourd'hui, l’importance du secteur des emplois à domicile, avec 2 millions de salariés et un chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, est considérable. Et c’est le développement de la niche fiscale dont nous discutons actuellement qui en a permis l’essor !
Sur ce sujet, je vous renvoie à un rapport rédigé par M. Thomas Piketty, qui inspire régulièrement le parti socialiste. Pour lui, en France, le travail non qualifié pâtit largement du manque de services à domicile et de l’absence de développement d’un véritable secteur du service à domicile, avec des clients solvables. Cela renvoie évidemment au problème du coût du travail, notamment des charges sociales qui pèsent sur l’emploi non qualifié.
Nous avons apporté des solutions. Il s’est agi non pas de baisser les charges sociales sur le coût du travail non qualifié, du moins pas pour les particuliers employeurs, mais de défiscalisant les emplois concernés. Les réductions des charges sociales que nous avons décidées étant liées aux allocations familiales.
On peut, certes, porter un regard moral sur le développement des emplois à domicile. Mais on peut aussi en faire une lecture économique, en considérant les créations d’emplois. C’est ce que fait l’Inspection générale des finances, qui attribue à cette niche fiscale un score de 2 sur 3. Il faut donc maintenir le dispositif.
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements sont adoptés.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 45
M. le président.
I. – L’article 242
1° Le premier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« L’activité professionnelle consistant à obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus aux articles 199
« Ne peuvent être inscrites sur ce registre que les entreprises qui satisfont aux conditions suivantes :
« 1° Justifier de l’aptitude professionnelle des dirigeants et associés ;
« 2° Être à jour de leurs obligations fiscales et sociales ;
« 3° Contracter une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle ;
« 4° Présenter, pour chacun des dirigeants et associés, un bulletin n° 3 du casier judiciaire vierge de toute condamnation ;
« 5° Justifier d’une certification annuelle de leurs comptes par un commissaire aux comptes ;
« 6° Avoir signé une charte de déontologie. » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « du » est remplacé par les mots : « des dispositions mentionnées au » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
« Le onzième alinéa du présent article ne s’applique pas aux opérations pour lesquelles les entreprises mentionnées au premier alinéa ont été missionnées avant la date de promulgation de la loi n° … du … précitée. »
II. – À l’article L. 135 Z du livre des procédures fiscales, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « neuvième ».
III. – Le IV de l’article 101 de la loi n° 2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est abrogé.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-408, présenté par MM. Patient, Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava et Vergoz, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après les mots :
tenu par le
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
bureau des agréments et rescrits de la Direction générale des finances publiques.
II. – Alinéas 5 et 8
Supprimer les mots :
et associés
III. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
La loi de finances pour 2011 contient plusieurs mesures visant à moraliser la profession des cabinets de défiscalisation. Certaines de ces mesures n’ont pas pu être mises en œuvre, pour des motifs techniques. D’autres ont créé des disparités entre les cabinets, selon le lieu d’implantation de leur siège social.
M. Jean-Étienne Antoinette.
Cet amendement vise à permettre à tous les cabinets de conseil en défiscalisation en outre-mer de bénéficier d’une inscription nationale, indispensable pour qu’ils puissent continuer à exercer. Nous proposons que le registre soit tenu par la Direction générale des finances publiques, la DGFIP.
L’amendement tend également à supprimer l’obligation de contracter une assurance de responsabilité civile professionnelle, ou assurance RCP, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, une telle assurance ne prend pas en charge le risque qu’entend couvrir le législateur, à savoir une éventuelle remise en cause des réductions d’impôt sur le revenu liées à un comportement frauduleux de monteurs défaillants, étant rappelé par ailleurs que le code général des impôts prévoit déjà de sévères sanctions pour ces cas, depuis la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
A contrario
Deuxièmement, compte tenu justement des cas que je viens d’évoquer, il ne reste plus à ce jour qu’une compagnie d’assurance disposée à couvrir ce type d’activités, pour un montant maximum annuel de 1 million d’euros, soit un montant relativement faible comparé à la taille des opérations, avec une franchise élevée, 500 000 euros, le tout à un coût prohibitif – la prime est de l’ordre de 12 % – et sans que nous ayons la moindre garantie quant la pérennité d’une telle offre.
L'amendement n° II-409, présenté par MM. Patient, Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava et Vergoz, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – alinéa 3
Après les mots :
registre tenu par
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
la Délégation générale à l’outre-mer.
II. – Alinéas 5 et 8
Supprimer les mots :
et associés
III.. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
Il est défendu, monsieur le président
M. Jean-Étienne Antoinette.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ces deux amendements visent à assouplir l’encadrement de l’activité des cabinets de conseil en défiscalisation en outre-mer. Nous n’y sommes pas favorables.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je vous rappelle que l’article 45
Dans l’amendement n° II–408, vous prévoyez que le registre de ces cabinets soit tenu par la DGFIP, et non par les représentants de l’État dans chaque département. Or la DGFIP refuse de prendre en charge la tenue de ce registre, arguant que ce n’est pas son métier.
L’adoption d’un tel amendement risquerait d’entraîner la non-application du dispositif voté par l’Assemblée nationale.
L’amendement n° II–409 tend à confier, en solution de repli, la prise en charge de la tenue du registre à la Délégation générale à l’outre-mer. Or cette dernière ne veut pas d’une telle tâche.
Nous ne souhaitons pas remettre en cause le travail effectué par nos collègues députés. L’avis de la commission est donc défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l’amendement n° II‑408.
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n° II‑409.
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’article 45
M. le président.
(L’article 45
est adopté.)
I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 31‑10‑2 est ainsi rédigé :
« Les prêts mentionnés au présent chapitre sont octroyés aux personnes physiques, sous condition de ressources, lorsqu’elles acquièrent ou font construire leur résidence principale neuve en accession à la première propriété. Les prêts émis à compter du 1
2° L’article L. 31‑10‑3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Remplissent la condition de ressources mentionnée à l’article L. 31‑10‑2 les personnes physiques dont le montant total des ressources, mentionné au
3° Au premier alinéa de l’article L. 31‑10‑12, après le mot : « suivant », sont insérés les mots : « un maximum de ».
II. – À la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l’article 244
III. – Les I et II s’appliquent aux prêts émis à compter du 1
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. le président.
L’amendement n° II-357, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
Supprimer le mot :
2° Deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque le logement est neuf, les prêts émis à compter du 1
II. – Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° L’article L. 31-10-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant total des ressources à prendre en compte ne doit pas excéder 64 875 euros. » ;
III. – Alinéa 7
Remplacer la somme :
800 millions
par la somme :
1,2 milliard
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement, qui concerne le prêt à taux zéro plus, ou PTZ+, a trois objectifs.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
D’abord, il tend à relever à 1,2 milliard d’euros le plafond de dépense « générationnelle » autorisée du PTZ+. En effet, cette dépense fiscale présente la particularité d’être soumise à un plafonnement global, fixé à 2,6 milliards d’euros en 2011.
Le Gouvernement a décidé de ramener le niveau de ce plafonnement à 800 millions d’euros. Nous souhaitons le relever à 1,2 milliard d’euros sur plusieurs années, car le PTZ+ plus constitue désormais le seul dispositif en faveur de l’accession à la propriété. La réduction du plafond global était trop brutale. Il est donc proposé de revenir à un « plafond générationnel » correspondant à celui de l’ancien prêt à 0 %.
Ensuite, nous voulons conserver l’extension de l’application du PTZ+ à l’ensemble du territoire, votée par l’Assemblée nationale, mais sans la limiter exclusivement à l’acquisition de logements neufs. Le dispositif doit aussi être ouvert à l’acquisition de logements anciens, sous condition de travaux, comme le proposait initialement le Gouvernement. À défaut, on prendrait le risque d’exclure nombre de jeunes ménages ne disposant pas de revenus suffisants pour acheter un logement neuf.
Enfin, la commission propose de retenir un plafond de ressources de 64 875 euros annuels, qui correspond à celui de l’ancien prêt à 0 %.
Le sous-amendement n° II-459, présenté par MM. Repentin et Marc, est ainsi libellé :
M. le président.
Amendement n° II-357, alinéa 7, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou lorsque le logement appartient à un organisme d'habitation à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 ou à une société d'économie mixte mentionnée à l'article L. 481-1
Ce sous-amendement n’est pas soutenu.
Monsieur le président, je rectifie, au nom de la commission, l’amendement n° II–357, afin de reprendre le dispositif envisagé par les auteurs de ce sous-amendement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je suis donc saisi d’un amendement n° II-357 rectifié, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
Supprimer le mot :
2° Deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque le logement est neuf, les prêts émis à compter du 1
II. – Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° L’article L. 31-10-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant total des ressources à prendre en compte ne doit pas excéder 64 875 euros. » ;
III. – Alinéa 7
Remplacer la somme :
800 millions
par la somme :
1,2 milliard
Vous avez la parole, madame la rapporteure générale.
Le sous-amendement n° II–459 de nos collègues Thierry Repentin et François Marc avait pour objet de maintenir le bénéfice du PTZ+ pour la vente des logements HLM à leurs occupants.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il me semble utile d’intégrer une telle précision dans l’amendement de la commission.
L'amendement n° II-396 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Vanlerenberghe et Deneux et Mmes Morin-Desailly et Létard, est ainsi libellé :
M. le président.
I. Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
principale
Rédiger ainsi la fin de la phrase :
en accession à la première propriété
II. Alinéa 3, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
lorsque le logement est neuf, et sous condition de travaux lorsque le logement est ancien.
III. Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° L’article L. 31-10-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le plafond des ressources à prendre en compte est fixé à 64 875 euros. »
IV. Alinéa 7
Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Cet amendement serait satisfait par l’adoption de l’amendement de la commission des finances.
M. Pierre Jarlier.
Je tiens cependant à souligner combien il est important que les primo-accédants, dont les revenus sont le plus souvent faibles, puissent bénéficier du PTZ+ même pour acheter un logement ancien.
Le dispositif a été « fléché » vers les ménages à faibles revenus, mais il faut se donner les moyens d’atteindre les objectifs fixés, les personnes concernées ayant rarement les moyens d’acquérir un logement neuf.
De plus, cela nous permet d’être en phase avec les objectifs du Grenelle de l’environnement, en incitant à la rénovation des logements.
Aussi, je me félicite que la commission des finances ait proposé un tel dispositif. Je retire donc l’amendement n° II–396 rectifié, sous réserve, évidemment, de l’adoption de l’amendement n° II–357 rectifié.
L'amendement n° II–396 rectifié est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II–397 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Vanlerenberghe et Deneux et Mmes Morin-Desailly et Létard, est ainsi libellé :
I. Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
principale
Rédiger ainsi la fin de la phrase :
en accession à la première propriété.
II. Alinéa 3, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
lorsque le logement est neuf, et sous condition de travaux lorsque le logement est ancien.
III. Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° L’article L. 31-10-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le plafond des ressources à prendre en compte est fixé à 64 875 euros. »
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Il s’agissait d’un amendement de repli. Je le retire également.
M. Pierre Jarlier.
L’amendement n° II-397 rectifié est retiré.
M. le président.
L’amendement n° II-157, présenté par M. Repentin, au nom de la commission de l’économie, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
« ou lorsqu’elles acquièrent en accession à la première propriété un logement ancien appartenant à un organisme d’habitation à loyer modéré mentionné à l’article L. 411-2 ou à une société d’économie mixte mentionnée à l’article L. 481-1 afin d’en faire leur résidence principale »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État de l’extension du bénéfice du prêt à taux zéro renforcé est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-384, présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Le Gouvernement veut recentrer le prêt à taux zéro plus, en soumettant son accès à des conditions supplémentaires. Il prône notamment la limitation de l’octroi du PTZ+ à l’acquisition de logements neufs. Nous sommes donc tout à fait d’accord avec Mme la rapporteure générale, qui souhaite étendre le dispositif du PTZ+ aux logements anciens.
Mme Mireille Schurch.
En effet, la distinction entre le neuf et l’ancien ne repose sur aucun fondement, sauf à bannir du dispositif les personnes qui ne peuvent pas acheter des logements neufs, dont les prix sont bien plus élevés.
Nous estimons également que l’exclusion des logements anciens du dispositif aura des effets pernicieux, notamment en ne permettant pas aux jeunes d’accéder à la propriété en centre-bourg ou en centre-ville, alors que ces zones se caractérisent souvent par un habitat ancien. Or il faut éviter l’étalement urbain, en accord avec les principes du développement durable et les objectifs du Grenelle de l’environnement.
Par ailleurs, l’introduction de conditions de ressources pour bénéficier du PTZ+ nous semble tout à fait opportune : l’effort de l’État doit bénéficier aux catégories sociales qui en ont le plus besoin. Ce dispositif ne doit pas créer d’effet d’aubaine pour ceux qui peuvent accéder au logement par leurs propres moyens.
Cela dit, le Gouvernement a également soumis l’octroi du PTZ+ à une condition de performance énergétique du bien acheté. Si cette condition a toujours existé pour définir le montant du prêt, elle n’en a jamais constitué un élément d’exclusion. Nous souhaitons évidemment que les logements construits répondent à des critères de performance énergétique. Mais nous estimons que ce n’est pas aux acquéreurs, souvent jeunes, d’en faire les frais. Tel n’est pas non plus l’objectif de ce prêt, qui doit permettre l’accès à la propriété de ceux qui en seraient exclus en l’absence d’aide financière spécifique.
Nous vous proposons donc cet amendement, non par hostilité à l’existence de critères de performance énergétique, mais parce que nous voulons permettre aux jeunes qui accèdent à de tels logements d’avoir le temps de réaliser des travaux de remise aux normes.
L’amendement n° II-413, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Alinéa 3, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette condition ne s’applique pas à l’acquisition de logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière, qui font l’objet, dans les conditions fixées par décret, d’une convention et d’une décision d’agrément prise par le représentant de l’État dans le département avant le 1
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Nous venons d’évoquer les critères de performance énergétique retenus pour la mise en œuvre du PTZ+. Cet amendement vise le cas particulier des logements acquis avec un prêt social location-accession, ou PSLA.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Nous souhaitons préserver la situation de personnes ayant acheté un bien neuf voilà au maximum un an, deux ans ou trois ans, dans le cadre d’un contrat de location-accession. Dans ce type de contrat, le passage de la location à l’accession à la propriété donne lieu à l’octroi d’un PTZ+. Lorsque ces personnes ont signé leur contrat, les conditions de performance énergétiques ne s’imposaient pas : ces ménages risqueraient donc de se trouver privés de la possibilité d’accéder à la propriété si le respect de cette condition était maintenant exigé.
Par conséquent, nous estimons qu’il ne faut pas imposer la contrainte du respect des normes « bâtiment basse consommation », ou BBC, dans le cadre des PSLA engagés avant le 1
Environ 2 000 prêts seraient concernés. L’adoption de cet amendement ne représenterait donc pas une dépense très importante pour l’État, et elle lui permettrait de respecter sa parole.
En outre, les organismes d’HLM, notamment les coopératives, qui ont accompagné ces accédants modestes à la propriété dans le cadre de la location-accession auraient beaucoup de mal à assumer les conséquences de la non-réalisation de ces contrats.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n
M. le président.
L’amendement n° II-384 tend à supprimer la condition de performance énergétique pour les logements anciens éligibles au PTZ+. Je n’y suis pas favorable, car j’estime qu’il s’agirait d’un mauvais signal adressé aux constructeurs.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le dispositif proposé par la commission concerne l’acquisition de logements anciens sous condition de travaux. Si tel est également votre objectif, madame Schurch, les travaux peuvent être consacrés à améliorer la performance énergétique du logement.
Mais ne croyez pas que je sois une enragée de la performance énergétique. Pour preuve, je suis favorable à l’amendement de Mme Lienemann tendant à assouplir l’application du critère de performance.
En effet, cet amendement est utile, car certains ménages ayant signé un contrat de location-accession risqueraient de perdre le bénéfice du PTZ+ si la contrainte de performance énergétique était appliquée à des logements pour lesquels ils ne pourront lever l’option d’achat avant le 1
Je demande simplement à Mme Lienemann de transformer son amendement en sous-amendement à l’amendement n° II-357 rectifié, pour rendre le dispositif compatible avec ce que la commission propose.
Madame Lienemann, acceptez-vous de transformer votre amendement en sous-amendement à l’amendement n° II-357 rectifié, ainsi que vous y invite Mme la rapporteure générale ?
M. le président.
Oui, monsieur le président.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° II-413 rectifié, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, et ainsi libellé :
M. le président.
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette condition ne s’applique pas à l’acquisition de logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière, qui font l’objet, dans les conditions fixées par décret, d’une convention et d’une décision d’agrément prise par le représentant de l’État dans le département avant le 1
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n
Le Gouvernement considère que l’adoption de l’amendement n° II-384 serait un mauvais signal. En effet, elle laisserait penser que la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2, qui prévoit le passage à une nouvelle réglementation thermique en 2013, ne sera pas respectée. Or nous souhaitons accompagner les ménages dans cette transition historique.
Mme Valérie Pécresse,
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Le dispositif que l’amendement n° II-357 rectifié vise à instituer représenterait un coût supplémentaire de 400 millions d’euros en régime de croisière. Le Gouvernement souhaite recentrer le PTZ+ ; c’est un élément essentiel du plan de retour à l’équilibre des finances publiques présenté par M. le Premier ministre.
Par conséquent, il n’est pas envisageable de relever de 50 % le plafond de dépense générationnelle totale.
Au demeurant, le plafond de ressources proposé par les auteurs de l’amendement n’est pas cohérent avec les plafonds retenus pour l’accession sociale à la propriété.
Par conséquent, l’avis est également défavorable sur cet amendement, ainsi que sur le sous-amendement n° II-413 rectifié.
En effet, l’adoption de ce sous-amendement aurait, là encore, pour conséquence d’envoyer comme signal que les engagements de la loi Grenelle 2 ne seront pas tenus.
Nous parlons de biens qui ont déjà été achetés, madame la ministre !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
De plus, l’ouverture des PTZ+ est réalisée à enveloppe constante. En saupoudrant les aides, nous en réduirons le nombre. Et cela remettra en cause des opérations dans le neuf, donc de l’activité économique.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix le sous-amendement n° II-413 rectifié.
M. le président.
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° II-357 rectifié, modifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l’amendement n° II-384 n’a plus d’objet.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 46
(L'article 46
est adopté.)
L'amendement n° II-213 rectifié, présenté par MM. Repentin, Dilain, Germain et Carvounas, Mme Lienemann, M. Vaugrenard, Mme Bourzai, M. M. Bourquin, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au I de l’article 234
quaterdecies
II. - Les conséquences financières pour l’État résultant du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement vise à rendre plus pérennes et ambitieuses les ressources de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, qui est un outil indispensable de mobilisation du parc privé locatif.
M. Richard Yung.
L’Agence dispose de ressources variées, qui proviennent notamment de la participation des employeurs à la construction et de recettes fiscales affectées.
Afin de consolider ces moyens, nous souhaitons asseoir les ressources de l’ANAH sur une recette fiscale, en redonnant vie à l’ancienne taxe additionnelle au droit de bail, qui a été rebaptisée depuis contribution annuelle sur les revenus locatifs. Il est proposé de soumettre les bailleurs personnes physiques à cette taxe, alors qu’ils en avaient été exonérés en 2005, et d’en affecter le produit à l’ANAH.
L’amendement vise aussi à supprimer la ponction prélevée sur les organismes d’HLM depuis l’année dernière, en vertu de l’article 99 du projet de loi de finances pour 2011, rattaché à la mission « Ville et logement ».
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement tend à remettre en vigueur la taxe additionnelle au droit de bail, devenue la contribution sur les revenus locatifs, la CRL, en soumettant de nouveau les bailleurs personnes physiques à cette taxe – elle s’élève à 2,5 % du montant des loyers et s’applique aux immeubles achevés depuis quinze ans au moins – et à en affecter le montant à l’ANAH.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le rétablissement de cet impôt, qui a été supprimé pour les bailleurs personnes physiques en 2005, risque de se répercuter sur le montant des loyers.
Par ailleurs, l’ANAH est un opérateur de l’État. Or nous avons longuement débattu, en première partie du projet de loi de finances, de la mise en place d’un mécanisme visant à plafonner les taxes et les ressources affectées aux opérateurs de l’État, voire à les écrêter au-delà d’un certain montant. Dans ces conditions, le dispositif envisagé par les auteurs de cet amendement apparaît peu opérationnel.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑213 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
L'amendement n° II-214 rectifié, présenté par M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Repentin et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 683
« Cette taxe de solidarité urbaine n’est perçue que pour la vente de biens situés dans des quartiers ou secteurs géographiques dont les prix sont supérieurs de 15 % à la valeur moyenne constatée dans l’aire urbaine. Un décret détermine les prix de référence applicables dans chaque aire urbaine.
« Le produit de cette taxe est affecté à l’Agence nationale de rénovation urbaine. »
La parole est à M. Claude Dilain.
L’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, s’est imposée au fil du temps comme un outil performant pour la réalisation des programmes locaux de rénovation urbaine.
M. Claude Dilain.
Mais l’État finance directement moins d’un dixième seulement des crédits distribués par l’Agence, ce qui n’est pas sans conséquences sur les arbitrages de son comité d’engagement ou de son conseil d’administration. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le souligner ici même voilà quelques jours devant M. le ministre de la ville, en évoquant le logement social et le financement des équipements publics.
Par ailleurs, il convient de prévoir une bosse des paiements de l’ANRU de l’ordre de 1,5 milliard d’euros pour 2012. Il est donc essentiel de trouver une ressource pérenne.
Nous proposons de créer une ressource dont le produit serait affecté à l’ANRU. Il s’agit d’une taxe de solidarité urbaine assise sur les transactions immobilières, proportionnée aux survalorisations des logements des quartiers chers par rapport aux prix moyens de l’aire urbaine.
Le prix de référence de la valeur moyenne des biens immobiliers serait établi par l’analyse statistique des mutations enregistrées par la Direction générale des impôts au cours de l’année civile écoulée et se traduirait dans un barème de prix au mètre carré, par type de biens, corrigé d’un coefficient de structure permettant de tenir compte des variations de prix selon la surface dans chaque catégorie de biens.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je comprends la finalité d’un tel amendement, qui tend à créer une taxe de solidarité urbaine affectée à l’ANRU en vue d’assurer la pérennité de son financement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Monsieur Dilain, l’année dernière, nous avons eu une discussion mouvementée – M. Dallier pourrait en témoigner – sur le financement de la bosse de l’ANRU. Nous avons adopté un dispositif, qualifié de « fusée à trois étages » par le rapporteur général de l’époque, consistant à dériver des sommes destinées à la Société du Grand Paris pour les affecter à l’ANRU. Ce dispositif compliqué nous a retenus de longues heures en séance publique et en commission. Aussi n’est-il peut-être pas utile d’y revenir...
Cet amendement a un mérite. Il traduit une volonté de pérenniser les ressources de l’ANRU. Mais, en l’état, il encourt le risque d’inconstitutionnalité ; je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer afin de le retravailler, monsieur le sénateur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
Mme Valérie Pécresse,
Monsieur Dilain, l'amendement n° II-214 rectifié est-il maintenu ?
M. le président.
Non, monsieur le président. Je le retire pour le retravailler, comme m’y invite la commission.
M. Claude Dilain.
L'amendement n° II-214 rectifié est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II-415 rectifié, présenté par M. Repentin, Mme Lienemann, MM. Dilain et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 46 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le I de l’article 1384 C du code général des impôts, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :
« a. modalités de conception, notamment assistance technique du maître d’ouvrage par un professionnel ayant des compétences en matière d’environnement ;
« b. modalités de réalisation, notamment gestion des déchets du chantier ;
« c. performance énergétique ;
« d. utilisation d’énergie et de matériaux renouvelables ;
« e. maîtrise des fluides.
« Pour bénéficier de cette durée d’exonération, le redevable de la taxe doit, à l’achèvement des travaux, adresser au service des impôts du lieu de situation des biens un certificat établi au niveau départemental par l’administration chargée de l’équipement constatant le respect des critères de qualité environnementale des travaux d’amélioration.
« La définition technique de ces critères, le contenu ainsi que les modalités de délivrance du certificat sont fixés par décret en Conseil d’État.
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Actuellement, les logements acquis avec le concours financier de l’État ou avec une subvention de l’ANRU en vue de leur location sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant une durée de quinze ans à compter de l’année suivant celle de leur acquisition.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Pour toute subvention ou prêt intervenant jusqu’au 31 décembre 2014, l’exonération est portée à vingt-cinq ans.
Peuvent également bénéficier de ces exonérations les logements permettant la mise en œuvre du droit au logement, avec le soutien financier de l’ANAH.
En conséquence, un tel dispositif fiscal soutient pleinement la politique du logement.
Afin de conjuguer cette ambition avec une exigence environnementale, notre amendement vise à prolonger de cinq ans la durée de telles exonérations lorsque les logements locatifs sociaux font l’objet d’une réhabilitation répondant à des critères de qualité environnementale. Il s’agit de permettre une mise en œuvre ambitieuse du Grenelle de l’environnement dans le secteur HLM.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Mme Lienemann propose de porter de quinze ans à vingt ans la durée d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements locatifs sociaux acquis ou faisant l’objet d’une réhabilitation aidée par l’ANAH si les travaux de réhabilitation répondent à des critères de qualité environnementale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties doivent être d’application stricte et demeurer exceptionnelles. Il existe déjà des dispositifs favorables en matière de fiscalité directe locale qui démontrent l’engagement du Gouvernement et des collectivités territoriales en faveur du logement social et de la préservation de l’environnement.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne comprends pas bien la position du Gouvernement, madame la ministre.
Mme Marie-France Beaufils.
Lorsque nous proposons d’allonger la durée d’exonération, vous nous répondez que des procédures existent déjà. En l’espèce, nous parlons de logements sociaux qui ne bénéficient plus du dégrèvement. Vous le savez comme moi, les dégrèvements sont prévus dans les zones urbaines sensibles. Les parcs de logement social situés hors de ces zones pourraient, en cas de réhabilitation, bénéficier de cet accompagnement.
La réponse que vous nous faites paraît logique, sauf qu’elle n’est pas conforme à la situation de la totalité des parcs de logement social.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑415 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
L'amendement n° II–420 rectifié, présenté par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le III de l’article 1389 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « à l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux locaux annexes à ces logements »
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, il prend effet à la date de dépôt de la demande d’autorisation ou de la subvention susvisée. »
II. - Les pertes de recettes pour l’État résultant du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Dilain.
Cet amendement technique est très important.
M. Claude Dilain.
Le paragraphe III de l’article 1389 du code général des impôts permet aux organismes d’HLM d’obtenir un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des logements vacants depuis plus de trois mois lorsque cette vacance est justifiée par un projet de démolition de l’immeuble ou de travaux de rénovation.
Toutefois, en cas de démolition, le texte subordonne le dégrèvement à la présentation par le propriétaire de l'autorisation de démolir prévue à l'article L. 443-15-1 du code de la construction et de l’habitation.
Or, en pratique, l’autorisation est souvent délivrée très tardivement, notamment lorsque la libération des logements s’étale sur plusieurs années, comme c’est souvent le cas. Cette situation pénalise les organismes d’HLM, qui, dans le cadre des projets de rénovation urbaine et de restructuration menés en concertation avec les autorités locales, doivent supporter, dans l’attente de l’autorisation, des charges importantes au titre de la taxe foncière sur tous les logements déjà vacants des immeubles à démolir.
C’est pourquoi il est proposé de conserver la condition relative à l’obtention de ladite autorisation, mais en prévoyant que le dégrèvement pourra commencer à courir rétroactivement à compter du dépôt de la demande d’autorisation.
Par ailleurs, il est envisagé d’améliorer la rédaction du paragraphe III de l’article 1389 du code général des impôts pour mettre fin à certaines divergences d’interprétation s’agissant de la possibilité d’obtenir un dégrèvement au titre des locaux annexes aux logements situés dans des immeubles destinés à être démolis.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Avis favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties pour vacances déroge au principe selon lequel la taxe est due à raison de la propriété d’un bien, et non de son utilisation.
Ses modalités d’application doivent donc s’apprécier très strictement. L’octroi de ce dégrèvement constitue d’ores et déjà une mesure très favorable pour les bailleurs sociaux. Il faut que cela reste incitatif.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Cet amendement est important, car les délais sont toujours très longs dans les opérations de démolition ou de reconstruction.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Absolument !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il reste quelquefois, dans un immeuble voué à la démolition, deux ou trois appartements occupés pendant plusieurs mois. Il faut alors négocier. Et, pendant ce temps, la taxe foncière sur les propriétés bâties continue d’être prélevée.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En outre, l’amendement prévoit que le dégrèvement est subordonné à la présentation de l’autorisation de démolir ou de la décision de subvention des travaux. Cela signifie que les travaux auront forcément lieu.
C’est une difficulté que l’on rencontre dans toutes les opérations lourdes que mène l’ANRU. Je ne pense donc pas qu’il s’agisse d’une question « technique », monsieur Dilain. C’est un problème très sérieux qu’il faut résoudre.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Je comprends bien votre générosité, mesdames, messieurs les sénateurs...
Mme Valérie Pécresse,
Ce n’est pas de la générosité, madame la ministre !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Simplement, madame Bricq, un tel dispositif serait à la charge de l’État, et non des communes.
Mme Valérie Pécresse,
Il est utile !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Certes, mais je pourrais alors vous suggérer de le mettre à la charge des communes...
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. le président.
Dans une opération qui s’effectue presque toujours en concession, le surcoût est effectivement répercuté sur le concédant, qui est souvent une commune pauvre.
M. Claude Dilain.
Mais ce surcoût résulte de la difficulté d’obtenir des autorisations et des notifications en temps et en heure ; il ne relève donc de la responsabilité ni des HLM ni des collectivités territoriales. Sauf qu’il finit toujours par retomber sur les communes les plus pauvres !
Je mets aux voix l'amendement n° II‑420 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
L'amendement n° II-361 rectifié
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 1387 du code général des impôts, il est inséré un article 1387-1 ainsi rédigé :
Art 1387-1.
« La délibération prévue au premier alinéa fixe la durée de l'exonération qui ne peut excéder celle de la convention. »
II. - Les dispositions du I sont applicables aux logements conventionnés à compter de la date de la promulgation de la présente loi.
III. - Les dépenses engagées par les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au titre des dispositions du I sont déductibles du prélèvement prévu à l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation.
IV. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
Cet amendement vise à permettre aux collectivités locales qui le souhaiteraient d’accorder des réductions de taxe foncière aux propriétaires acceptant de conventionner leur logement. Il s’agit de créer un outil incitatif supplémentaire.
M. Philippe Dallier.
La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement en raison de son III, qui a pour objet de permettre aux communes de déduire cette dépense du prélèvement opéré au titre de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU.
Je propose donc de rectifier mon amendement, en supprimant le III et en conservant seulement la possibilité offerte aux communes d’accorder une réduction de taxe foncière aux propriétaires acceptant de conventionner leur logement. Ainsi, l’État n’aurait pas à compenser les pertes de recettes résultant de cette disposition, dont la mise en œuvre dépendrait de la volonté du conseil municipal.
S’il est nécessaire de construire des logements sociaux dans les zones tendues, on sait que ce n’est pas toujours très facile en raison du manque de terrains disponibles. Le dispositif que nous proposons paraît donc être un bon moyen de mettre sur le marché des logements à prix relativement bas.
L’adoption de cet amendement offrirait une faculté supplémentaire aux communes, tout en ne coûtant rien à l’État.
Je suis donc saisi d’un amendement n° II-361 rectifié
M. le président.
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 1387 du code général des impôts, il est inséré un article 1387-1 ainsi rédigé :
Art 1387-1
« La délibération prévue au premier alinéa fixe la durée de l'exonération qui ne peut excéder celle de la convention. »
II. - Les dispositions du I sont applicables aux logements conventionnés à compter de la date de la promulgation de la présente loi.
III. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'Etat, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Quel est l’avis de la commission ?
La commission des finances avait en effet rejeté l’amendement de M. Dallier, car il n’était pas acceptable de rendre les dépenses engagées par les communes déductibles du prélèvement opéré au titre de l’article 55 de la loi SRU.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
M. Dallier souhaite encourager les bailleurs à conventionner des logements et développer ainsi une offre de logements conventionnés. Il avait d’ailleurs déjà défendu cette idée dans une proposition de loi.
Cet amendement, qui vient d’être rectifié, vise à instituer une exonération facultative et non compensée par l’État. Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement, qui partage la préoccupation de M. Dallier, s’en remet également à la sagesse du Sénat.
Mme Valérie Pécresse,
Car, contrairement à ce qui était proposé dans les amendements précédents, là, ce sont bien les communes et les EPCI qui pourront décider d’accorder une exonération. Il n’y aura donc aucun coût supplémentaire pour l’État.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑361 rectifié
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
L'amendement n° II-212 rectifié, présenté par M. Repentin, Mme Lienemann, MM. Dilain et Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « fixé à 20 % du » sont remplacés par les mots : « égal au ».
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Comme nous venons de voter en faveur de l’amendement de M. Dallier, j’espère qu’il nous rendra la pareille sur cet amendement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Nous proposons de multiplier la pénalité sur les communes qui ne respectent pas l’article 55 de la loi SRU par cinq.
(M. Philippe Dallier s’esclaffe.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je reconnais bien là l’ardeur de Mme Lienemann !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Sourires.)
Cet amendement vise à multiplier par cinq le montant des prélèvements effectués sur les recettes fiscales auquel sont soumises les communes disposant de moins de 20 % de logements sociaux.
J’ai rappelé tout à l’heure que j’étais absolument favorable à l’application de la loi SRU – je me suis d’ailleurs opposé à un amendement de M. Karoutchi –, une loi que j’ai votée en 2000. Mais votre proposition me paraît excessive, ma chère collègue. Je sais bien qu’une telle mesure figure dans une certaine proposition de loi, mais je ne la crois pas raisonnable.
Je n’ose imaginer ce que devraient payer certaines villes alors qu’elles font un effort de rattrapage depuis 2001 pour que les engagements pris soient tenus à l’horizon 2014. Vous voyez à quelle ville je faisais allusion…
Les Pavillons-sous-Bois ?
M. Philippe Dallier.
(Sourires.)
Mais ce n’est pas la seule ville dans ce cas.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Par conséquent, une telle idée ne me paraît guère judicieuse. Je prends peut-être un peu de liberté avec les fondamentaux, mais j’ai relu les propositions du parti socialiste sur le logement, et je ne crois pas que cette disposition y figure.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Marques d’ironie sur les travées de
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. le président.
Je suis rassuré : puisque cette mesure ne figure pas dans le programme du parti socialiste, je peux voter contre !
M. Philippe Dallier.
(Sourires.)
Plus sérieusement, madame Lienemann, vous ne vous attaquez pas aux communes qui font l’objet d’un constat de carence. Vous visez le premier prélèvement, auquel sont soumises l’ensemble des communes qui ne disposent pas de 20 % de logements sociaux, y compris celles qui respectent leurs engagements triennaux !
Je n’ai de cesse de le répéter : je ne comprends pas cette volonté de taper, en l’occurrence à coups de massue, sur les collectivités locales qui respectent leurs engagements au regard de l’article 55 de la loi SRU.
Si vous visiez les communes faisant l’objet d’un constat de carence, nous pourrions discuter de votre proposition. Mais viser indifféremment celles qui font des efforts et celles qui n’en font pas, c’est totalement déraisonnable !
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
M. le président.
Je propose de rectifier mon amendement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Comme l’a rappelé Mme Bricq, la disposition que je propose est tirée d’une proposition de loi déposée par Jean-Pierre Bel et Thierry Repentin, qui sont donc tout aussi excessifs que moi !
Permettez-moi au préalable d’étayer mon argumentation. Nombre de communes ne paient pas les amendes qu’elles devraient acquitter pour une raison simple : ces amendes sont déductibles des investissements effectués en faveur du logement social.
C’est normal !
M. Philippe Dallier.
En effet, monsieur Dallier. C’est prévu par la loi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Dès lors, la multiplication par cinq que je propose ne conduirait pas à augmenter le prélèvement de la plupart des communes. Elle les contraindrait simplement à investir davantage dans le logement social.
Aujourd’hui, la ville de Neuilly-sur-Seine ne paie pas un centime. En effet, le montant de l’amende n’est pas lié au prix du logement sur le marché ; il est forfaitaire et identique sur l’ensemble du territoire, et s’élève, je crois, à 40 000 euros. Il suffit donc à cette ville, qui est très loin des 20 % de logements sociaux, d’acheter quatre ou cinq petits terrains pour consommer l’intégralité des crédits qu’elle est censée investir dans logement social. Résultat : elle ne paie pas un centime !
Je n’ai rien contre Neuilly-sur-Seine. Le même raisonnement vaut pour Paris, dont je suis la sénatrice.
La multiplication par cinq que je propose ne me paraît donc pas excessive, car elle obligerait les collectivités locales à acheter du foncier. Cela n’accroîtrait pas les problèmes d’une ville comme Paris, dont les investissements dans le foncier sont supérieurs au montant de la taxe liée à la loi SRU.
Politiquement, il me paraît important de durcir la taxation. Mais, dans un souci de pacification, je propose de ne la multiplier que par deux, ce qui est très modéré.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Compte tenu de l’heure tardive, je suggère à Mme Lienemann de retirer son amendement et de le déposer dans le cadre du collectif budgétaire, ce qui lui laissera le temps de le rectifier.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame Lienemann, l'amendement n° 212 rectifié est-il maintenu ?
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
L'amendement n° 212 rectifié est retiré.
M. le président.
L'amendement n° II-217 rectifié
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 423-14 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa et complété par les mots : « et sur leur autofinancement » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prélèvement », sont insérés les mots : « sur le potentiel financier » ;
3° Au cinquième alinéa, le nombre : « 175 » est remplacé par le nombre : « 125 » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le prélèvement sur l’autofinancement, dont le produit total annuel sur l’ensemble des organismes est limité à 50 millions d’euros, est égal à 2,85 % de l’autofinancement net de l’organisme calculé en déduisant les remboursements d’emprunts liés à l’activité locative, à l’exception des remboursements anticipés, de la différence entre les produits et les charges de l’exercice, dans les conditions définies par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Cet amendement vise à rendre plus équitable le dispositif de péréquation entre les organismes d’HLM.
M. Pierre Jarlier.
La loi de finances pour 2011 a introduit un mécanisme de péréquation entre ces organismes qui est assis sur le potentiel financier et qui s’élève à 175 millions d’euros.
Toutefois, le dispositif adopté présente des inconvénients pour les organismes d’HLM les plus fragiles. Le mode de calcul du prélèvement, qui ne tient compte ni de la taille de l’organisme, ni des efforts réalisés en termes de gestion du patrimoine, ni de sa situation financière réelle, se révèle en effet injuste, inégal et disproportionné.
La prise en compte du seul potentiel financier dans le calcul de la contribution aux offices d’HLM au titre du financement des logements sociaux risque de pénaliser les organismes les plus fragiles, qui sont fortement endettés et ne disposent que d’un autofinancement très limité.
Ces organismes sont condamnés à une double peine, car la contribution dont ils sont redevables peut les conduire à l’inaction dans le meilleur des cas, voire à des difficultés financières. À titre d’exemple, un office qui assume une charge liée aux annuités locatives égale à plus de 56 % des loyers, alors que la moyenne nationale s’établit à 42 %, voit sa participation à la solidarité s’élever cette année à 800 000 euros. Cet office n’a plus aucune marge de manœuvre pour mener à bien sa mission.
Afin de prévenir un tel risque, et considérant que le potentiel financier ne constitue pas seul un indicateur suffisamment performant de la richesse d’un organisme d’HLM, nous proposons d’utiliser le prélèvement sur le potentiel financier à hauteur de 125 millions d’euros et de recourir à un second prélèvement sur l’autofinancement, indicateur plus pérenne, à hauteur de 50 millions d’euros.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Pour mémoire, monsieur Jarlier, je reviendrai sur ce qui s’est passé l’année dernière. J’ai évoqué tout à l’heure la « fusée ». Le prélèvement HLM en était le premier étage. L’opposition de naguère, devenue depuis la majorité sénatoriale, avait alors beaucoup bataillé contre le principe d’un tel prélèvement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous souhaitez effectuer un prélèvement sur la part d’autofinancement des organismes d’HLM. Or cela pose une difficulté que nous avions déjà voulu écarter l’année dernière. Il n’est pas question en effet de pénaliser les organismes des communes bâtisseuses : ce n’est pas parce qu’on a une capacité d’autofinancement qu’on n’investit pas.
Votre amendement vise à revenir sur le mécanisme de l’année dernière et à adouber le principe du prélèvement. La commission a donc émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Les organismes d’HLM sont confrontés à des difficultés du fait des ponctions qui leur sont imposées.
Mme Marie-France Beaufils.
J’ai examiné le cas de l’office d’HLM de mon département. Ses fonds propres, qui sont constitués des loyers versés par les locataires, ne sont pas mis en sommeil. Ils sont investis et utilisés pour effectuer des travaux de réhabilitation ou construire des logements neufs.
Le prélèvement qui sera effectué équivaudra à l’augmentation des loyers décidée au mois de juillet dernier. Cela me pose un problème.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. le président.
Cet amendement ne vise pas à doubler le montant du prélèvement. Il s’agit juste de modifier les critères à l’intérieur de la même enveloppe de prélèvement, en tenant compte non plus seulement du potentiel financier des HLM, ce qui conduit parfois à des situations aberrantes, mais également de leur autofinancement.
M. Pierre Jarlier.
Certains organismes ayant beaucoup investi et se trouvant ainsi très endettés sont fortement pénalisés par le dispositif actuel.
En outre, et Mme Beaufils vient de l’indiquer, le mécanisme peut poser de nombreux problèmes. En Auvergne, le montant total du prélèvement devrait se situer entre 5 millions d’euros et 7 millions d’euros pour l’ensemble des organismes d’HLM, alors que la dotation d’aide à la pierre s’élèvera seulement à 2,3 millions d’euros. C’est une situation totalement aberrante !
Les caractéristiques actuelles du prélèvement mettent en difficulté nombre d’offices d’HLM. Ce que je remets en cause, ce n’est pas le montant de 175 millions d’euros prévu par la loi ; c’est le mode de calcul qui permet d’y aboutir, car il est injuste !
Il me paraît vraiment nécessaire de faire évoluer les critères.
Je mets aux voix l'amendement n° II‑217 rectifié
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° II-218 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l'article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre II du Titre IV du livre IV du code des assurances est complété par une section V ainsi rédigée :
« Section V
« Garantie des risques locatifs
« Art. L. 442-7. –
II. – Au premier alinéa de l’article 200
III. – Les présentes dispositions s’appliquent à compter du 1
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-414, présenté par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre II du Titre IV du livre IV du code des assurances est complété par une section ainsi rédigée :
« Section V
« Garantie des loyers impayés
II. – Au g de l’article L. 313‑3 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « organismes d’assurance qui proposent des contrats d’assurance contre les impayés de loyer qui respectent un cahier des charges fixé par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « les entreprises visées à l’article L. 442‑7 du code des assurances ».
III. – Le a
IV. – Le dernier alinéa de l’article 200
V. – Les dispositions du présent article s’appliquent à compter du 1
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement vise à améliorer la garantie des risques locatifs, ou GRL.
M. Richard Yung.
Il s’agit de réformer le dispositif crée par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi Boutin, dont on constate chaque jour l’inefficacité. Cette nouvelle GRL serait définie par les partenaires sociaux et l’État, en lien avec la Fédération française des sociétés d’assurance, ou FFSA, et le Groupement des entreprises mutuelles d’assurances, le GEMA, selon des modalités de gestion pluralistes. La nouvelle GRL respectera à la fois les règles de concurrence et les règles européennes.
Enfin, la dimension humaine et le bénéfice tant social que politique de la mise en place d’un dispositif unique de GRL s’inscrivent dans une démarche solidaire et d’intérêt général.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
C’est un sujet important, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer. L’amendement n° II-414 vise à créer un contrat unique d’assurance de perte de loyers, remplaçant la garantie des loyers impayés, ou GLI, et la garantie des risques locatifs cofinancée par Action logement et l’État.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le système actuel de la GRL est un échec. Le Sénat avait donc remis l’ouvrage sur le métier l’année dernière, et le groupe centriste avait proposé en loi de finances pour 2011 de créer une taxe sur les contrats de garantie des loyers impayés, ou GLI, pour rétablir l’équilibre de la concurrence. L’amendement avait été retiré à la demande insistante du Gouvernement, contre l’engagement de poursuivre avec succès les négociations. Or elles sont encore au point mort.
M. Vanlerenberghe reprend l’idée de créer un produit unique dans l’amendement n° II-218 rectifié, qui n’est pas soutenu, et dans l’amendement n° II-219 rectifié – nous l’examinerons dans quelques instants –, qui me semble compatible avec l’amendement n° II-414. Face aux difficultés actuelles, il faut créer un nouveau contrat !
La solution n’est sans doute pas techniquement parfaite, mais elle constitue un progrès par rapport à la situation actuelle. La commission des finances a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° II-414. En outre, elle soutient l’amendement n° II-219 rectifié, dont l’objet est d’instituer une taxation permettant de dissuader la commercialisation de contrats qui ne respectent pas le cahier des charges et de financer partiellement le système.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑414.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
L'amendement n° II-219 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l'article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la section VII du chapitre III du titre I
« Section …
« Garantie des risques locatifs
« La taxe est égale à 15 % du montant des sommes stipulées au profit de l'assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l'assuré.
« Le produit de la taxe est versé au fonds de garantie universelle des risques locatifs mentionné au IV de l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation. »
II. - Le I s'applique à compter du 1
Cet amendement n'est pas soutenu.
Monsieur le président, comme je l’ai indiqué, je suis favorable à cet amendement. Je souhaite donc le reprendre au nom de la commission.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je suis donc saisi d’un amendement n° II-466, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-219 rectifié.
M. le président.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑466.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
L'amendement n° II-381, présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2012, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la création d’un dispositif de prêt à taux zéro pour les bailleurs sociaux dans le cadre du financement de la construction de logements de type Prêt locatif aidé d’intégration et Prêt locatif à usage social.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Nous faisons un constat simple. Aujourd’hui, les offices d’HLM sont dans une situation très difficile, du fait de la faiblesse des aides à la pierre, des ponctions qu’elles subissent afin de financer l’ANRU et de la hausse annoncée du taux de TVA sur les travaux. Tout cela empêche la construction de logements sociaux à hauteur des besoins.
Mme Mireille Schurch.
Plus d’un million de personnes attendent désespérément un logement social. C’est, certes, la conséquence de la crise, qui a réduit le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Mais c’est également dû à la spéculation implacable dans le domaine du logement, qui aboutit des hausses vertigineuses des loyers dans le privé.
Comment offrir concrètement des marges de manœuvre aux offices d’HLM afin de leur permettre de financer la construction de logements publics, notamment à travers des prêts locatifs aidés d’intégration, des PLAI, et des prêts locatifs à usage social, des PLUS ?
Remarquons au préalable que, parmi les quatre postes contribuant à la formation du prix de revient d’un logement neuf – je pense au foncier, aux études et frais divers, à la construction et aux intérêts des emprunts –, deux d’entre eux ne correspondent à aucun travail, à aucune production matérielle ou à aucun enrichissement autre que spéculatif.
Cela nous fonde à formuler deux hypothèses de travail, qui sont autant de leviers pouvant permettre la construction de logements par les offices : celle d’une réduction de la charge de l’emprunt, d’une part, et celle d’une limitation de la tendance à la hausse du foncier, d’autre part.
Cet amendement concerne particulièrement la charge de l’emprunt. Force est de constater que, comme cela a été rappelé, tous les dispositifs d’accompagnement de la fiscalité de l’immobilier ont visé à casser la notion même de « parc social », à la réintégrer comme produit banalisé au sein de la sphère marchande de l’immobilier privé, et à encourager dans le même temps l’investissement rentier.
Conséquence de toutes ces évolutions, l’État finance plus l’accession à la propriété et l’investissement locatif à but lucratif que la construction sociale et solidaire !
Alors, soyons visionnaires. Pourquoi ne pas imaginer un prêt à taux zéro pour la construction sociale réalisée par les bailleurs, comme cela se fait pour l’accession individuelle à la propriété ? Un tel prêt pourrait être supporté notamment par la Caisse des dépôts et consignations, à condition que soit réaffirmée la centralisation totale de la ressource livret A au sein de la Caisse.
Nous vous proposons donc, par cet amendement, que le Gouvernement étudie cette question et remette un rapport au Parlement d’ici à la fin du mois de juin 2012. Il faut que des pistes législatives en la matière puissent être envisagées.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Avis favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° II‑381.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46
M. le président.
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 423‑15 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une société d’habitation à loyer modéré peut, dans les conditions du premier alinéa du présent article, consentir une avance en compte courant à une société visée à l’article L. 472‑1‑9 dont elle détient des parts ou actions. »
II. – L’article L. 511‑6 du code monétaire et financier est complété par un 7 ainsi rédigé :
« 7. Dans le cadre des opérations prévues à l’article 199
III. – Les I et II sont applicables à compter du 1
I. – L’article 72 F du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque le résultat imposable d’un exercice est en hausse par rapport à celui de l’exercice précédent, l’à-valoir visé au premier alinéa non versé à la clôture de l’exercice est néanmoins déductible dans la limite de 20 % de la hausse constatée, à condition que ce versement soit effectué dans les six mois de la clôture de l’exercice et au plus tard à la date de dépôt de la déclaration des résultats se rapportant à l’exercice au titre duquel la déduction est pratiquée. La fraction de l’à-valoir ainsi déduite n’est plus déductible au titre de l’exercice de versement. »
II. – Le présent article s’applique à partir du 1
Le deuxième alinéa de l’article 317 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase, les mots : « , pour une durée de dix années à compter du 1
2° À la seconde phrase, les mots : « , pour une durée de dix années à compter du 1
L’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le I, il est inséré un I
« Le montant global de taxe à recouvrer est réparti, dans la limite de deux millions d’euros par an, entre les titulaires d’autorisation d’utilisation de fréquences de la bande mentionnée au premier alinéa, selon une clef de répartition définie par bloc de fréquences et correspondant à la part des brouillages susceptibles d’être causés par l’utilisation de chacun des blocs qui leur sont attribués. Les redevables acquittent en début d’année la taxe due au titre de l’année civile précédente auprès de l’agent comptable de l’Agence nationale des fréquences, dans un délai de trente jours à compter de l’émission du titre de recettes correspondant à la liquidation de la taxe.
« Pour l’application du présent I
« Les modalités d’application du présent article, notamment la clef de répartition entre les titulaires d’autorisation d’utilisation de chacun des blocs de fréquences, sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
2° À la première phrase du V, après le mot : « publiques », sont insérés les mots : « , le produit de la taxe mentionnée au I
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
M. le président.
Je tiens à préciser que le groupe CRC a voté contre les articles 37 et 38.
Mme Marie-France Beaufils.
Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au
M. le président.
Journal officiel
Mes chers collègues, en raison de l’avancement de nos travaux, il ne semble plus nécessaire que le Sénat siège dimanche après-midi et lundi matin. Je vous propose donc que la prochaine séance débute lundi à quatorze heures trente.
M. le président.
Qu’en pensez-vous, madame la rapporteure générale ?
J’approuve totalement votre suggestion, monsieur le président. Je m’apprêtais d’ailleurs à la formuler moi-même.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je consulte le Sénat sur cette proposition.
M. le président.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au lundi 5 décembre 2011 à quatorze heures trente et le soir :
M. le président.
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).
- Suite de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le dimanche 4 décembre 2011, à une heure cinquante-cinq.)
|
DEBATS/SEN_20111118_100.xml | M. le président, François Trucy.
MM. Philippe Adnot, le président.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François Fortassin, Philippe Dallier.
Discussion générale : Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; Philippe Marini, président de la commission des finances.
MM. Aymeri de Montesquiou, Éric Bocquet, Yvon Collin, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. François Marc, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Marc Massion, Thierry Foucaud, Philippe Dominati, Claude Haut, Georges Patient, Jean-Claude Frécon, Richard Yung, Jean-Vincent Placé.
Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale.
M. le président de la commission.
Renvoi de la suite de la discussion.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Je demande la parole.
M. François Trucy.
La parole est à M. François Trucy.
M. le président.
Je souhaite faire une remarque sur le compte rendu analytique de la séance historique qui s’est déroulée la nuit dernière. Il y est en effet attribué à M. Rémy Pointereau, à l’issue du scrutin sur la motion tendant à opposer la question préalable, la phrase suivante : « J’espère que M. Guérini a bien voté ».
M. François Trucy.
Je revendique la paternité de cette intervention, car cette question me tracassait beaucoup à l’époque, et je ne voudrais pas susciter à M. Rémy Pointereau le moindre problème.
Je vous donne acte de votre mise au point, mon cher collègue.
M. le président.
Il n’y a pas d’autre observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. le président.
Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet d’un vote.
M. Philippe Adnot.
Lors du vote de l’article unique de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, c’est par erreur que j’ai été déclaré comme m’étant abstenu. Chacun aura compris que je souhaitais voter pour.
Ça oui, on avait compris : c’était clair !
M. Philippe Dallier.
(Sourires.)
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au
M. le président.
Journal officiel
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour un rappel au règlement
M. le président.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Après l’élection de M. Bel, nous avons cru que les principes de respect de l’opposition que nous avions arrêtés sous la présidence de M. Larcher seraient pérennisés, conformément à ce qui avait été annoncé publiquement.
Or, depuis le début du mois d’octobre, nous constatons ou plutôt, devrais-je dire, nous subissons l’incapacité de la majorité sénatoriale à organiser, programmer, tenir les calendriers qu’elle s’est elle-même fixés.
Permettez-moi un petit rappel.
La conférence des présidents du Sénat qui s’est réunie voilà quinze jours dans l’urgence, à notre demande, a décidé, dans la panique générale, de prolonger au vendredi l’examen de la précédente proposition de loi socialiste de M. Sueur sur les EPCI. La majorité sénatoriale, il est vrai, était minoritaire en séance.
La conférence des présidents du Sénat s’est réunie hier, à dix-neuf heures : elle a décidé de reporter la proposition de loi de Mme David sur le travail dominical au vendredi 9 décembre. La majorité sénatoriale, il est vrai, était encore minoritaire en séance durant tout l’après-midi, et même la soirée.
La conférence des présidents d’hier soir a décidé que la discussion de la proposition de loi constitutionnelle sur le droit de vote des étrangers devait se poursuivre en dehors de l’espace, de quatre heures, réservé au groupe socialiste.
La conférence des présidents d’hier – particulièrement riche, comme vous le voyez ! – a décidé d’inscrire une réforme du règlement du Sénat, sans avoir engagé de dialogue ni même présenté un projet de texte à l’opposition sénatoriale que nous représentons.
La conférence des présidents d’hier, encore et toujours, n’a pas remis en cause l’heure de fin de nos travaux, la nuit dernière, c’est-à-dire minuit trente.
Quelle n’a donc pas été notre surprise d’apprendre, quelques petites heures après cette décision collégiale, qu’un membre éminent du groupe socialiste, de surcroît vice-président du Sénat, faisant fi de cette décision, avait demandé, pour satisfaire des intérêts partisans, tacticiens et bassement politiciens, la prolongation de la discussion au-delà de minuit, entraînant par là même le report de l’examen du projet de loi de finances !
Je tiens à rappeler, à cette occasion, que la majorité sénatoriale est restée minoritaire toute la nuit, imposant au Sénat de délibérer uniquement par scrutins publics. Trouvez-vous que ce soient des manières correctes d’agir ?
Vous privilégiez votre démagogie électoraliste, au détriment de l’intérêt collectif des Français.
En repoussant le débat sur le projet de loi de finances, vous vous asseyez lourdement sur la Constitution et méprisez le socle financier de notre République. Cessez de vouloir faire passer en force des textes, au seul bénéfice de vos manœuvres politiciennes !
Monsieur le président, il n’est pas acceptable d’entretenir cette confusion dans l’organisation de nos travaux.
Nous dénonçons cette machination de la nouvelle gouvernance du Sénat, qui effectue un véritable hold-up sur l’ordre du jour et le temps de travail sénatorial.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP. – Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’est reposée !
Mme Nicole Bricq.
Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Il sera transmis à M. le président du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Je me félicite que Mme Des Esgaulx ait retrouvé la sérénité qui a parfois pu lui manquer lors de notre intéressante nuit de débat.
M. Jean-Pierre Sueur,
présidentde la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Ma chère collègue, je voudrais vous faire observer que le Sénat fonctionne conformément au règlement, à la loi et à la Constitution.
Nous nous interrogeons ! Et l’article 29
M. Philippe Dallier.
C’est toute la question !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Il a été décidé légitimement en conférence des présidents que l’important débat sur l’intercommunalité irait jusqu’à son terme.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Par ailleurs, je ne doute pas que la proposition de loi qui a été adoptée hier suscitera l’intérêt des députés. Notre collègue Jacques Pélissard a d’ailleurs dit publiquement qu’il trouvait notre proposition intéressante et tout à fait convergente avec la sienne. Nous apportons donc, ensemble, des réponses concrètes aux difficultés que rencontrent les élus locaux.
La proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial présentée par Mme Borvo, M. Rebsamen, M. Mézard, et nombre de nos collègues, était donc inscrite à l’ordre du jour de la séance d’hier.
La nouvelle opposition du Sénat fait actuellement l’apprentissage de l’opposition. Hier, elle a ainsi pratiqué l’obstruction, pour certains avec un réel talent. Pour d’autres, en revanche, on sentait bien que c’était une première et qu’il restait encore à apprendre. Ceux qui, comme moi, sont parlementaires depuis plus de vingt ans, ont apprécié en connaisseurs ... Qu’y a-t-il là de choquant au regard de la démocratie ?
Vous avez parlé, madame Des Esgaulx, de « panique ». Avez-vous devant les yeux, monsieur le président, une assemblée paniquée ?
Il n’y a personne !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
sur les travées de l’UMP.)
Vous avez également parlé de manipulation et de passage en force...
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Que s’est-il passé, en réalité ?
Vous avez fait la nuit dernière, mes chers collègues, de nombreuses interventions, présenté une quarantaine de rappels au règlement, qui m’ont d’ailleurs tous intéressé, des explications de vote, puis demandé que l’on vérifie le quorum, ce qui a rallongé le débat d’une heure. Somme toute, nos travaux se sont déroulés de façon assez sereine.
Vous en conviendrez en toute franchise, madame Des Esgaulx, le but que vous recherchiez en agissant ainsi était que le texte ne soit pas voté à l’heure prévue. Nous avons donc sollicité, conformément au règlement, une modification de l’ordre du jour.
Le Sénat, je le rappelle, est maître de son ordre du jour !
Nous avons demandé que cette demande de modification fût mise aux voix, ce que le président de séance, qui ne pouvait agir autrement, a fait en appliquant scrupuleusement le règlement et, je dois le dire, avec beaucoup de sagesse. Ce changement de l’ordre du jour a donc été voté démocratiquement par notre assemblée.
Vous dites que nous avons délibéré par scrutins publics. Que je sache, le scrutin public fait partie du règlement du Sénat, et de ses habitudes !
(Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.)
Nous avons ensuite poursuivi notre débat et voté la proposition de loi, à cinq heures quinze du matin.
Ce texte est très important. Nous sommes en effet convaincus que le conseiller territorial cristallise le cumul des mandats, porte atteinte à la parité, crée la confusion et fait du tort aux régions. N’ayez crainte, je ne vais pas recommencer le débat ...
(Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Je regrette simplement, sur un plan purement matériel et convivial, qu’il ait été un peu trop tôt, à l’issue de nos travaux, pour prendre un café et trouver des croissants dans le quartier...
De la soupe à l’oignon, peut-être...
Mme Nathalie Goulet.
(Sourires.)
Nous aurions certes pu prolonger quelque peu notre discussion, mais au risque d’abuser de la grande disponibilité des collaborateurs du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur
, président de la commission des lois.
Je ne vois donc là rien d’autre que le fonctionnement normal de la démocratie dans une assemblée qui a changé de majorité !
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
M. le président.
Je tiens également à me féliciter de l’excellente nuit que nous avons passée. Je ressens toutefois une certaine frustration.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Le propre du débat parlementaire étant de déboucher sur un vote, nous avions le souci de poursuivre le débat démocratiquement jusqu’à son terme, d’autant plus qu’il s’agissait d’une proposition de loi déposée par notre majorité.
J’observe que nous avons fait preuve d’une certaine discrétion en nous abstenant de participer au débat.
Cela a dû vous coûter !
M. Philippe Dallier.
(Sourires.)
C’est la vérité ! L’opposition, en revanche, a largement pu s’exprimer. Chaque sénateur de l’UMP s’est en effet s’expliqué, et même à plusieurs reprises.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je déplore l’attitude de ceux qui ont cru bon de nous interpeller directement, plusieurs fois, et de façon très agressive
(M. Philippe Dallier s’exclame.).
C’est très difficile...
M. Jean-Pierre Sueur
, président de la commission des lois.
(Sourires.)
Lorsque la droite était majoritaire, nous avons eu l’habitude, avant de pouvoir prendre la parole, d’entendre l’UMP s’exprimer durant deux heures sur chaque texte, par la voix de ses ministres, rapporteurs et présidents de commissions. Cette pratique était conforme au règlement, nous l’avons donc acceptée longtemps.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Aujourd’hui, chers collègues de l’opposition, vous faites toujours partie de la majorité présidentielle, au nom de laquelle s’expriment les ministres, et vous avez toute latitude pour faire entendre votre voix ! Ainsi, hier, vous vous êtes largement exprimés ! Mais vous ne pouvez pas empêcher les présidents de commission de prendre la parole quand ils le souhaitent, sous prétexte qu’ils ne sont pas membres du groupe UMP !
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Il s’agit là d’une atteinte inacceptable au règlement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je le répète, dans un Parlement démocratique, la majorité doit pouvoir conduire jusqu’à son terme l’examen des textes qu’elle soumet au vote !
Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour organiser le débat dans les meilleures conditions possibles. Cependant, vous ne pouvez pas prétendre empêcher à toute force la majorité d’examiner les propositions de loi jusqu’au vote, sous prétexte que l’issue du scrutin ne sera sans doute pas conforme à vos vœux !
La parole est à M. François Fortassin, pour un rappel au règlement.
M. le président.
Mes chers collègues, pour avoir représenté hier soir mon ami Jacques Mézard à la conférence des présidents, je peux vous assurer que l’atmosphère y était à la fois très sereine et très consensuelle.
M. François Fortassin.
(M. Philippe Dallier s’exclame.
Aussi, je m’étonne quelque peu de certaines interventions. Je ne suis certes pas un nouveau sénateur, mais je ne siège pas non plus depuis si longtemps sur ces travées ; toutefois, en onze ans, j’ai assisté à de nombreux débats au cours desquels la majorité de l’époque était minoritaire dans l’hémicycle et demandait des scrutins publics, sans pour autant que cette situation suscite des émois de rosière effarouchée !
(Exclamations et rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
C’est la règle, c’est ainsi.
De manière amusée, j’ajoute que cet ubuesque conseiller territorial s’est montré bien ingrat envers vous, chers collègues de l’opposition ; vous ne devriez pas le défendre si farouchement. En effet, pour m’être livré – comme d’autres – à un tourisme assidu dans mon département au cours des mois d’été, j’ai la conviction qu’il est pour une large part à l’origine de votre insuccès aux élections sénatoriales !
(Applaudissements
sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Très bien !
Mme Nathalie Goulet.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour un rappel au règlement.
M. le président.
Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 40 du règlement du Sénat.
M. Philippe Dallier.
Chers collègues de la majorité, cessons de nous mettre en cause les uns les autres. Qu’avons-nous dit hier ? Que vous aviez prévu quatre heures pour l’examen de cette proposition de loi, et qu’à l’évidence ce délai était trop court pour venir à bout de ce texte ! Nous en avons fait la démonstration.
Mais il n’y avait qu’un seul article !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Le fait qu’il y ait un, douze ou trente articles ne détermine pas nécessairement la durée du débat !
M. Philippe Dallier.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Marie-France Beaufils.
Et si nous passions au budget !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
C’est exactement ce que j’allais dire, monsieur le président de la commission.
M. Philippe Dallier.
Nous sommes venus pour entendre Mme Pécresse !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
(Mme la ministre sourit
Je disais donc que la durée du débat n’est par proportionnelle au nombre d’amendements. Il n’y a aucune règle en la matière.
M. Philippe Dallier.
Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
En réalité, vous souhaitez absolument voir adopter le plus grand nombre de vos propositions de loi dans un laps de temps très réduit, pour démonter ce que nous avons construit pendant quatre années ! Voilà comment nous en arrivons à des situations comme celle d’hier soir, et nous le regrettons !
M. Philippe Dallier.
Cessons les mises en causes personnelles et mettons-nous au travail. Ainsi, nous serons bien plus efficaces !
J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a transmis, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-819 du 20 juillet 2010 tendant à l’élimination des armes à sous-munitions.
M. le président.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et est disponible au bureau de la distribution.
J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (n° 106, 2011-2012), dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale.
M. le président.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (projet n° 106, rapport n° 107).
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, un budget c’est tout à la fois le reflet d’une réalité et l’expression d’une volonté.
Mme Valérie Pécresse,
ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
La réalité, nous la connaissons. C’est une croissance mondiale qui ralentit. Ce sont des incertitudes économiques qui ont conduit le Gouvernement à faire le choix de la prudence et à revoir à 1 % sa prévision de croissance pour 2012.
Mais la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez sur toutes ces travées, ce sont aussi trente-cinq années de laxisme budgétaire, durant lesquelles la France n’a jamais retrouvé l’équilibre, quelle que soit la majorité et quelle que soit la conjoncture ! Au tournant des années 2000, l’Allemagne profitait ainsi de la vague de forte croissance pour dégager un excédent budgétaire de 1,1 %. Au même moment, le gouvernement français, lui, préférait baisser les impôts et augmenter les dépenses, creusant ainsi notre déficit structurel.
Je le dis très clairement : concernant ces trente-cinq années d’incurie budgétaire, les responsabilités sont partagées. En effet, jusqu’à aujourd’hui, personne, à droite comme à gauche, n’était parvenu à mettre un terme à la hausse permanente des dépenses. La réalité est simple : nous dépensons trop depuis des décennies et nous ne pourrons jamais élever nos recettes au niveau de nos dépenses ; nous devons tout simplement faire des économies.
Depuis trois ans, c’est le socle de notre stratégie, sa composante de base qui, année après année, porte ses fruits. Et c’est pourquoi, malgré le ralentissement de la croissance, nous ne changerons pas de cap. La France tiendra ses engagements : en 2011, le déficit public s’élève, comme prévu, à 5,7 % ; il sera réduit à 4,5 % en 2012, puis à 3 % en 2013.
La crise que nous traversons est une crise de confiance, et la meilleure manière d’y répondre, c’est de faire preuve de constance et de détermination. C’est pourquoi, comme l’a annoncé le Premier ministre la semaine dernière, la France continuera à avancer sur le chemin du désendettement.
Avec un effort supplémentaire de 7 milliards d’euros, nous sécurisons notre objectif de réduction du déficit à 4,5 % en 2012 et nous franchissons une nouvelle étape sur la voie qui nous conduira à l’équilibre en 2016, grâce à un effort cumulé de 115 milliards d’euros, dont les deux tiers portent sur les dépenses.
Le plan du Premier ministre parachève ainsi trois années de lutte contre les déficits, trois années fondées sur une stratégie intangible qui se résume très simplement : priorité absolue à la maîtrise des dépenses publiques.
Cette stratégie se fonde sur la baisse des dépenses de l’État, qui marque un tournant historique dans notre chronologie budgétaire. En effet, nous avons atteint cet objectif de réduction avec un an d’avance.
Vous le constaterez en examinant le projet de loi de finances rectificative que nous venons de déposer : grâce à notre gestion prudente et rigoureuse, le budget de l’État baisse dès 2011 de 200 millions d’euros, hors dette et pensions. En 2012, nous irons plus loin encore, avec un nouvel effort d’économies qui atteindra 1,5 milliard d’euros. C’est tout simplement sans précédent depuis 1945 !
Dans notre stratégie de réduction des déficits, les recettes ne peuvent jouer qu’un rôle complémentaire. C’est pourquoi ce budget est à la fois un budget d’équilibre et d’équité. Un budget d’équilibre, car les décisions prises par le Gouvernement ne pèseront ni sur la croissance ni sur l’emploi. Un budget d’équité, car chacun contribuera à sa juste mesure au redressement de nos finances publiques. Et nous demanderons plus à ceux qui peuvent plus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le cœur de notre stratégie ce sont des réformes, encore des réformes, toujours des réformes.
La baisse historique des dépenses que j’évoquais à l’instant, c’est avant tout le fruit de cinq années de réforme de l’État.
Cinq ans de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’État, tout d’abord, soit 150 000 postes de fonctionnaires d'État en moins. Cet effort sans précédent, nous l’avons mené à bien en réorganisant et en modernisant nos administrations. Il aboutira en 2012 à une première historique : la masse salariale de l’État sera réduite de près de 120 millions d’euros.
Nous avons également réduit le train de vie de l’État, en nous fixant un objectif de baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement entre 2011 et 2013. Nous avons déjà beaucoup fait : 300 000 mètres carrés en moins dans l’immobilier de l'État, 10 000 voitures de fonction en moins, un tiers de logements de fonction supprimés ou bien encore 500 millions d’euros déjà économisés sur nos achats. Et, comme l’a annoncé le Premier ministre, nous irons plus loin encore.
Cet impératif d’économies vaut non seulement pour les ministères mais aussi pour les opérateurs de l’État, dont 3 700 emplois ont été supprimés en 2011 et 2012. Le mouvement a été lancé. Il doit se poursuivre et c’est la raison pour laquelle un effort particulier a été demandé aux opérateurs, qui disposent souvent de taxes affectées et donc de recettes très dynamiques, dans le cadre des mesures d’économies supplémentaires votées par l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les réformes nous ont également permis de maîtriser les dépenses sociales mieux qu’elles ne l’avaient sans doute jamais été. Ainsi, la réforme des retraites aura un impact de 5,5 milliards d’euros dès 2012. La maîtrise de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM – autre rupture majeure –, ce sont 11 milliards d’euros d’économisés depuis 2008. Et là aussi, nous irons plus loin en 2012.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les acteurs publics se mobilisent pour réaliser des économies. Et c’est logique, car le principe, c’est : à effort d’intérêt général, engagement national.
Ces économies supplémentaires de 1,5 milliard d’euros, nous les avons réparties en toute coresponsabilité avec l’Assemblée nationale. Et nous avons veillé à ce que chaque acteur public en assume sa juste part.
C’est pourquoi, outre la reconduction du gel des dotations, les députés ont choisi de réduire de 200 millions d’euros les concours versés par l’État aux collectivités territoriales ; mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes particulièrement sensibles à ce sujet. Cette décision était aussi responsable que raisonnable : elle traduit la contribution des collectivités à l’effort national de désendettement.
Votre commission des finances juge insoutenable une réduction d’un millième du budget consolidé des acteurs locaux ! Vous comprendrez que, à l’heure où le pays est engagé dans un effort qui représente 52 milliards d’euros en 2011 et en 2012, le Gouvernement ne puisse partager un seul instant cette analyse.
Je l’affirme solennellement devant les représentants des collectivités territoriales : l’heure est à la responsabilité partagée. Aucun acteur public, aucune institution ne peut s’exempter de cet effort d’intérêt national. Que direz-vous aux Français à qui nous demandons tous, aujourd’hui, de faire des efforts ? La dépense publique locale, c’est près de 240 milliards d’euros chaque année. Mesdames, messieurs les sénateurs, croyez-vous vraiment que les collectivités ne puissent pas apporter une contribution de 200 millions d’euros au désendettement de la France ?
Ce n’est pas assez ! C’est symbolique !
M. Jean Arthuis.
Cet effort d’économie, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons le concilier avec des priorités budgétaires fortes et respectées.
Mme Valérie Pécresse,
Nous avons rompu avec la culture du saupoudrage, qui, en fonction des urgences politiques du moment, semait ici et là quelques crédits supplémentaires sans obtenir le moindre résultat. Notre stratégie est diamétralement opposée : nos priorités sont en petit nombre, mais ce sont de vraies priorités, et cela change tout.
Tout d’abord, priorité absolue est donnée à l’innovation, à laquelle vous êtes particulièrement attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui est le moteur de la croissance de demain.
Souvenez-vous de l’université française en 2007. Cinq années plus tard, avec l’autonomie, elle a changé de visage et elle n’hésite plus à afficher ses ambitions, grâce à 9 milliards d’euros supplémentaires en cinq ans : 9 milliards d’euros pour faire réussir nos étudiants et renaître la fierté universitaire !
Depuis cinq ans, avec la réforme de l’université et de la recherche, avec le triplement du crédit d’impôt recherche, avec les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir, nous construisons une France plus forte et plus compétitive. Et c’est notre deuxième priorité : investir pour permettre à notre pays de s’imposer dans la mondialisation.
Les résultats sont là : madame la rapporteure générale, j’en veux pour preuve le bilan chiffré que vous dressez de la suppression de la taxe professionnelle. Les grandes gagnantes de cette réforme, vous le soulignez vous-même, ce sont nos industries, nos PME et nos entreprises de taille intermédiaire.
Cela, c’est vous qui le dites !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Nous avons donc renforcé chacun des maillons-clefs de notre tissu économique. La suppression de la taxe professionnelle, c’est sans aucun doute l’un des meilleurs investissements que l’État ait faits depuis longtemps.
Mme Valérie Pécresse,
Notre troisième priorité budgétaire, c’est la protection des plus fragiles. Et, sur ce point aussi, je souhaite rappeler quelques faits.
Depuis le début du quinquennat, nous avons revalorisé de 25 % le minimum vieillesse et l’allocation aux adultes handicapés ! Nous avons créé le revenu de solidarité active, le RSA. Pour un couple avec deux enfants qui gagne l’équivalent d’un SMIC, ce dispositif représente 256 euros supplémentaires chaque mois !
Au total, sur le quinquennat, les dépenses sociales financées par l’État ont augmenté de 4,4 milliards d’euros, soit une hausse de 37 % ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les filets de protection sociale n’ont jamais été si solides dans notre pays. Chez nombre de nos voisins européens – vous les connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs –, qu’ils aient des gouvernements de droite ou de gauche, les politiques de solidarité sont les premières victimes de la crise. Ce n’est pas le cas en France. Cette année encore, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent de 328 millions d’euros.
Enfin, notre quatrième priorité, c’est évidemment l’exercice des missions régaliennes de l’État, au premier rang desquelles figure la justice, dont nous avons augmenté le budget de 20 % en cinq ans. Année après année, le ministère qui a en charge ce secteur a été le seul à bénéficier de créations d’emplois.
Plus largement, sur le quinquennat, nous aurons augmenté de 2,2 milliards d’euros les moyens dont disposent les ministères de la défense, de l’intérieur et de la justice, parce que le premier devoir de l’État, c’est de garantir la sécurité des Français.
Notre culture, vous le savez, est celle des résultats. C’est pourquoi notre effort budgétaire s’est accompagné d’une réorganisation en profondeur, car tous les moyens du monde ne suffiront jamais si nous ne transformons pas les structures : nous avons agi, par exemple, pour que les forces de police soient présentes là où les Français en ont besoin.
Ce n’est pas le cas partout !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la rapporteure générale, c’est la Cour des comptes elle-même, institution désormais présidée par un éminent représentant de la gauche qui fait ce constat : entre 2005 et 2009, la présence des policiers sur le terrain a augmenté de 10 %.
Mme Valérie Pécresse,
Face à la crise, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons plus que jamais un devoir de vérité. Or la vérité, c’est que, dans l’un des pays les plus taxés au monde, la hausse générale des impôts n’a aucun avenir. Dans notre stratégie de désendettement, les recettes ne peuvent donc jouer qu’un rôle complémentaire. Et je suis convaincue que, en réalité, nul ne l’ignore au sein de la Haute Assemblée.
Certes, sur certaines travées, d’aucuns appellent de leurs vœux un « grand soir fiscal » qui verrait la fusion de l’impôt sur les revenus et de la CSG. Mais, pour utiliser vos propres termes, madame la rapporteure générale, encore faudrait-il d’abord « poser un grand nombre de questions méthodologiques » et « pratiques ». Parmi ces détails pratiques, figurent tout de même le maintien, ou non, du quotient familial…
Bonne remarque !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
… ou encore les effets – ou l’absence d’effet – sur la progressivité de l’impôt et singulièrement sur les classes moyennes. En réalité, poser ces questions, madame la rapporteure générale, c’est déjà y répondre : votre « grand impôt sur les personnes » pèsera d’abord sur les familles et sur les classes moyennes.
Mme Valérie Pécresse,
Le Gouvernement, lui, a construit sa politique fiscale autour de principes clairs, au premier rang desquels se trouve l’équité. Je me réjouis que la commission des finances le reconnaisse, en se ralliant à la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus que nous créons dans le présent projet de budget et que, me semble-t-il, madame la rapporteure générale, vous souhaitez rendre perpétuelle. Mais, selon nous, ce ne sera pas nécessaire, car cette contribution parachève l’action menée au cours de cinq années pour renforcer la justice de notre système fiscal, à travers vingt-cinq mesures qui alourdissent la fiscalité pesant sur les ménages les plus aisés.
Les foyers les plus riches ont plus de revenus, plus de biens immobiliers et plus de patrimoine. Avec les mesures que nous avons prises cette année, ils seront taxés trois fois. Et ce seront aussi les détenteurs des patrimoines les plus importants qui supporteront le coût de la réforme de l’ISF.
Ce n’est pas vrai !
M. François Marc.
Aujourd’hui, je le dis à la majorité comme à l’opposition, les hauts revenus, surtout ceux du patrimoine, seront, lorsque le présent projet de budget aura été adopté, beaucoup plus taxés en France qu’en Allemagne ! La différence de taxation s’élèvera à 15 %.
Mme Valérie Pécresse,
Il faudra le prouver !
M. François Marc.
À l’inverse, l’impôt sur le revenu des classes moyennes est bien moins élevé dans notre pays qu’en Allemagne. Telle est notre conception de la justice, madame la rapporteure générale.
Mme Valérie Pécresse,
Sauf que ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La réforme fiscale, nous l’avons faite, et ce en engageant un effort sans précédent de réduction des niches fiscales et sociales.
Mme Valérie Pécresse,
Notre stratégie en la matière est très claire. Ces avantages fiscaux et sociaux mitent nos prélèvements obligatoires. Ils affaiblissent les recettes de l’État. Ils conduisent parfois à des situations aberrantes. Nous avons donc agi sur ces trois plans à la fois.
Premièrement, avec le plafonnement global des niches, nous avons donné un coup d’arrêt inédit à l’optimisation fiscale sur l’impôt sur le revenu.
Soyons très précis : en 2007 – mais c’était vrai aussi en 2000, et le Gouvernement à l’époque n’était pas de la même couleur politique –, un foyer qui gagnait 1 million d’euros pouvait, en ayant recours aux bonnes niches, n’acquitter aucun impôt sur le revenu. Avec le plafonnement global des niches, désormais, il payera au moins 300 000 euros, voire 320 000 euros avec la baisse du plafond adoptée à l’Assemblée nationale. La progressivité de l’impôt, c’est ce Gouvernement qui l’a restaurée !
Deuxièmement, avec le coup de rabot transversal sur les niches, nous avons réduit leur coût global pour les finances publiques. Là encore, il s’agit d’un effort sans précédent : ce coup de rabot s’établissait à 10 % l’an dernier, et cette année, nous allons continuer dans cette voie en proposant une nouvelle baisse de 15 %.
Mais je veux être très claire : ce gouvernement refusera toujours de remettre en cause les avantages fiscaux et sociaux qui soutiennent la croissance et qui renforcent la cohésion sociale. En période de crise, ce serait une faute ; c’est pourquoi les avantages fiscaux liés aux services à la personne sont exclus du rabot, tout comme l’investissement dans le logement social ultramarin.
Je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs, certains ont affirmé, parfois même sur ces travées, qu’en supprimant des tombereaux de niches, on pourrait combler tous nos déficits.
Personne n’a dit cela dans cette enceinte !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ce serait un véritable contresens, car certaines incitations fiscales et sociales sont parfaitement justifiées. Et, pour ne prendre qu’un seul exemple, je pense aux exonérations de charges sur les bas salaires, par exemple, qui ont permis d’amortir partiellement le coût des 35 heures. Nous avons d’ailleurs discuté de ce sujet voilà quelques jours.
Mme Valérie Pécresse,
C’est pourquoi nous ne supprimons que des niches inefficaces ou dont les effets ne justifient pas le coût pour les finances publiques.
Troisièmement, nous travaillons par conséquent dispositif par dispositif, afin de vous soumettre une refonte, un maintien ou une remise en cause des niches fiscales.
C’est pourquoi nous avons proposé à l’Assemblée nationale de mettre un terme, à compter de 2013, aux dispositifs dits « Scellier » et « Censi-Bouvard », qui représentaient une charge très importante pour l’État tandis qu’ils produisaient des effets limités sur l’investissement locatif.
Il y a très longtemps que nous le disions !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Certains rapports les dénonçaient même et les accusaient de provoquer une hausse artificielle des prix du marché immobilier.
Mme Valérie Pécresse,
De même, par souci d’efficacité, le projet de budget qui vous est aujourd’hui soumis rationalise le crédit d’impôt en faveur du développement durable, ou CIDD, et le prêt à taux zéro +, qui sera réservé à l’acquisition sociale à la propriété dans le neuf.
La modernisation de nos prélèvements obligatoires, mesdames, messieurs les sénateurs, passe enfin par l’essor d’une fiscalité nouvelle et originale : la fiscalité comportementale.
Ce projet de budget prévoit ainsi la création de taxes sur les boissons à sucres ajoutés, sur les alcools et sur les tabacs. Ce sont des taxes de santé publique, destinées à envoyer un signal à nos concitoyens afin de les inciter à modifier leurs comportements et à prévenir l’obésité, les maladies cardiovasculaires. La prévention en la matière consiste à pousser les Français à agir différemment le plus tôt et le plus en amont possible.
Dans la même optique, nous vous proposerons d’instituer une taxe sur les loyers exorbitants frappant certaines petites surfaces, singulièrement en Île-de-France, et ce pour changer le comportement des bailleurs. Voilà une fiscalité moderne !
C’est grâce à cette stratégie que la France avance sur le chemin du désendettement. Depuis trois ans, nous agissons, et le plan de retour à l’équilibre annoncé par le Premier ministre s’inscrit dans la droite ligne de cette stratégie, pour garantir le respect de nos engagements malgré les incertitudes économiques.
Ce plan repose d’abord sur des économies réalisées sur les dépenses, comme en témoigne le projet de budget qui vous est soumis aujourd’hui.
Il amplifie également les effets des réformes qui ont permis de mettre notre modèle social à l’abri de la crise ; je pense à la réforme des retraites, bien sûr, dont la mise en œuvre sera accélérée, mais également à celles de l’assurance-maladie et de l’hôpital, qui nous permettront de fixer l’ONDAM à un niveau plus bas encore.
Et parce que le désendettement est une cause d’intérêt national, ce plan demandera aux Français des efforts complémentaires, que nous avons soigneusement et scrupuleusement veillé à répartir équitablement.
C’est pourquoi, tant que nous n’aurons pas atteint le retour à l’équilibre, le Gouvernement imposera une contribution exceptionnelle à ceux qui peuvent verser des taxes plus élevées. Je pense aux grandes entreprises, qui devront acquitter un impôt sur les sociétés majoré de 5 %. Je pense également aux foyers les plus aisés, qui seront directement concernés par le gel des barèmes de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur la fortune et des droits de succession.
Tout cela est provisoire !
M. François Marc.
Ces mesures s’appliqueront tant que nous ne serons pas parvenus à un déficit de 3 %, puis à l’équilibre, monsieur le sénateur.
Mme Valérie Pécresse,
Face à la crise, nous continuerons à protéger les Français les plus fragiles. C’est la raison pour laquelle les produits d’alimentation, l’énergie et les biens et services destinés aux handicapés ne seront pas concernés par la création d’un deuxième taux de TVA réduit fixé à 7 %.
Vous le savez, ce gouvernement s’est toujours refusé à toute baisse des prestations sociales. Je le répète, nos filets de protection n’ont jamais été aussi solides. Ils le resteront : nos dépenses sociales continueront donc d’augmenter, contrairement à ce qui se passe dans les pays voisins, mais leurs modalités d’indexation seront revues pour qu’elles évoluent au même rythme que la création de richesse dans notre pays. Nous ne devons pas dépenser au-delà de la richesse créée.
Cette revalorisation, limitée à 1 %, comme la croissance en 2012, ne concernera ni les victimes d’accident du travail, ni les personnes invalides, ni les retraités. Autrement dit, les revenus de remplacement évolueront toujours au même rythme que les prix. L’accélération de la réforme des retraites que nous avons décidée permet en effet de geler ou de limiter les effets sur les pensions du faible taux de croissance de notre pays. La revalorisation susvisée ne touchera pas non plus les bénéficiaires des minima sociaux, soit 6 millions de Français. La revalorisation de 25 % du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés sera donc menée jusqu’à son terme, comme s’y était engagé le Président de la République.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2012 marquera une étape décisive sur le chemin qui nous conduira à l’équilibre d’ici à 2016.
Le présent projet de budget prévoyait initialement une réduction du déficit de l’État de 15 %, le solde étant ramené à 80,8 milliards d’euros. Grâce au travail mené avec l’Assemblée nationale, le texte qui vous est soumis marque une nouvelle amélioration de 1 milliard d’euros, prévoyant un déficit de 79,7 milliards d’euros.
Au cours de l’examen de la première partie de ce texte, le Gouvernement vous présentera une série d’amendements. Ils traduiront, tout d’abord, les effets de la révision de la prévision de croissance : les recettes afficheront une baisse de 3,9 milliards d’euros, dont 2,7 milliards d’euros pour le seul impôt sur les sociétés et 0,8 milliard d’euros pour la TVA.
Nous reverrons également à la hausse de 400 millions d’euros la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, pour l’ajuster en fonction des toutes dernières informations dont nous disposons.
Ces amendements traduiront aussi, par coordination avec le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, les effets des mesures du plan que je viens de vous présenter. Ces dispositions permettront d’améliorer le solde budgétaire de 5,3 milliards d’euros et compenseront donc intégralement les conséquences du ralentissement de la croissance.
Au total, le solde de l’État sera même amélioré de près de l milliard d’euros par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, avec un déficit réduit à 78,8 milliards d’euros.
Cela témoigne, mesdames, messieurs les sénateurs, de la détermination de la France à préserver en toutes circonstances sa crédibilité. Aujourd’hui, c’est notre modèle social que nous défendons. C’est pourquoi chacun est appelé à prendre sa juste part de cet effort d’intérêt collectif.
Plus que jamais, l’heure est donc au sérieux et à la responsabilité.
Le sérieux, c’est regarder la vérité en face : ce n’est pas en créant des kyrielles de taxes ou en décrétant la fin des niches fiscales que nous ramènerons le déficit à zéro. C’est en poursuivant toutes ces réformes, différées depuis trop longtemps, et en agissant sur nos dépenses publiques pour cesser de vivre au-dessus de nos moyens que nous y parviendrons.
La responsabilité, c’est soutenir la croissance tout en continuant à avancer, étape par étape, sur le chemin du désendettement. Notre calendrier est le bon. Notre stratégie est la bonne. La France, quoi qu’il arrive, sera au rendez-vous de ses engagements. Ce projet de budget pour 2012 en apporte la démonstration.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
(Nouveaux applaudissements
sur les mêmes travées.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, eu égard à l’actualité économique particulièrement chargée de ces dernières semaines, la présentation du projet de loi de finances pour 2012 prend une importance toute particulière.
M. François Baroin,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne reviendrai pas sur les mesures excellemment exposées avec force et conviction par Valérie Pécresse.
Avec talent !
M. Jean-Claude Lenoir.
Et avec clarté !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Personne ne remet en question cela.
M. François Baroin,
Je voudrais simplement rappeler à mon tour, devant la Haute Assemblée, que les mesures présentées avec beaucoup de talent, donc, par Valérie Pécresse sont impératives car elles nous permettront de tenir nos engagements. C’est la colonne vertébrale, la martingale, le fil directeur – ou le fil d’Ariane – de la stratégie choisie par le Gouvernement depuis au moins deux ans, et singulièrement depuis la mise en œuvre de la réforme des retraites, de la politique de réduction méthodique des niches fiscales et sociales et de l’adaptation de notre politique budgétaire à l’évolution de l’activité économique internationale, qui touche naturellement notre pays.
Le Gouvernement fait preuve d’une grande vigilance et demeure à l’écoute de tous les messages, afin de pouvoir formuler les réponses pertinentes en faisant preuve de réactivité – c’est la force et l’atout de notre pays –, et ce dans la plus grande transparence vis-à-vis du Parlement et de l’ensemble des Français.
Nous sommes, Valérie Pécresse et moi-même, parfaitement conscients des difficultés du travail préalable en commission, et sommes naturellement très reconnaissants envers la représentation nationale d’avoir accepté de faire preuve de la même réactivité, compte tenu du contexte particulièrement turbulent dans lequel nous exerçons nos responsabilités. Quelles que soient nos divergences sur le fond, je tiens donc à saluer le travail accompli.
Je voudrais fournir quelques-uns des éléments de cadrage macroéconomique qui ont motivé les arbitrages présentés par le Président de la République et le Premier ministre, et que Valérie Pécresse et moi-même défendons devant votre assemblée.
Je dirai d'abord un mot de la zone euro, qui traverse – c’est peu de le dire – une période de très fortes turbulences, de très forte instabilité.
Si, en général, les mauvaises nouvelles sont davantage mises en lumière que les bonnes, je voudrais, pour ma part, insister sur les avancées obtenues récemment grâce à la coordination entre les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro.
Vous le savez, un accord important a été conclu le 27 octobre. Les pays confrontés à des situations budgétaires problématiques se sont engagés dans des efforts sans précédent.
L’Espagne, par exemple, a fait preuve d’un volontarisme remarquable, en inscrivant une « règle d’or budgétaire » dans sa Constitution.
L’Italie a décidé de faire appel à la Commission européenne, à la Banque centrale européenne, BCE, et au Fonds monétaire international, FMI, pour certifier ses résultats sur une base trimestrielle. Elle a également fait le choix politique de confier la responsabilité gouvernementale à des personnalités qualifiées pudiquement de « techniciens », mais qui sont en réalité des personnes remarquablement expérimentées. Cela devrait contribuer au renforcement de la crédibilité de la mise en œuvre de réformes structurelles difficiles et exigeantes pour la population italienne.
Le même esprit anime, sous d’autres formes, le Portugal et l’Irlande, qui poursuivent leurs programmes de réforme sous le contrôle de leurs créanciers, dont les membres de la zone euro font partie.
La France ne déroge pas à cette nécessité de redresser ses comptes publics : je le réaffirme devant vous, nous nous sommes adaptés avec réalisme à la conjoncture, de manière à respecter nos engagements en termes de réduction des déficits. Nous l’avons fait le 24 août dernier, en raison du ralentissement constaté au deuxième trimestre ; nous le refaisons aujourd’hui, parce que le contexte international a encore évolué : aux États-Unis, la croissance peine à repartir ; en Europe, la conjoncture s’est détériorée dans tous les pays ; les grands pays émergents font face eux aussi à un ralentissement.
Ces efforts individuels s’accompagneront de la mise en œuvre d’un plan global de réponse à la crise en Europe.
Nous avons formulé une réponse à la crise grecque, en contrepartie d’engagements forts de ce pays. L’accord du 26 octobre prévoit notamment un nouveau plan d’aide de 100 milliards d’euros, ainsi que la participation du secteur privé, également à hauteur de 100 milliards d’euros. Le gouvernement d’union nationale a clairement réaffirmé son engagement de respecter cet accord ; nous nous en félicitons.
Nous avons également construit un « pare-feu » contre la contagion, en renforçant les moyens d’intervention du Fonds européen de stabilité financière, FESF. En dépit de l’évolution actuelle des marchés financiers, nous espérons que l’effet de levier généré par les nouveaux mécanismes sera trois ou quatre fois supérieur aux ressources disponibles. Nous souhaitons atteindre l’objectif des 1 000 milliards d’euros.
Je réaffirme la position défendue par la France dans les négociations : la solution la plus opérationnelle serait l’attribution d’une licence bancaire pour ce fonds européen. Toutefois, compte tenu des réserves allemandes sur ce point – vous les connaissez –, nous réfléchissons à d’autres mesures.
Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La première est la mise en place de garanties à l'égard des obligations d’État émises par les pays en difficulté, qui suscitent actuellement la méfiance des marchés. Ce système de garantie par le FESF permettra une relance des transactions sur le marché secondaire.
M. François Baroin,
La seconde est l’utilisation de l’effet de levier que j’ai évoqué, c'est-à-dire la multiplication d’une base
C’est à partir de ces éléments que la feuille de route a été définie la semaine dernière, dans le cadre de l’Eurogroupe et du conseil Ecofin. Cette feuille de route a été confiée à M. Riegling, le directeur du FESF, qui a maintenant toute latitude pour parcourir le monde afin de trouver des partenaires prêts à investir dans ce fonds, en l’efficacité duquel nous croyons.
Avec nos partenaires de la zone euro, nous veillons enfin à garantir la solidité des banques européennes.
Vous le savez, l’Autorité bancaire européenne a fixé un ratio de fonds propres – 9 % en juin 2012, sur une base actualisée en septembre – qui a fait l’objet d’un très large consensus parmi les membres de la zone euro et, au-delà, parmi les vingt-sept membres de l’Union européenne réunis au sein du conseil Ecofin. Cela signifie que les fonds propres des banques européennes seront renforcés à hauteur de 106 milliards d’euros, dont 8,8 milliards d’euros pour les banques françaises.
Des engagements ont été pris et un calendrier a été fixé. C’est dans ce cadre que doivent s’inscrire les actions des établissements bancaires. Le Gouvernement sera très attentif à ce que les banques augmentent leurs fonds propres en réduisant les dividendes et bonus et non en réduisant leur degré d’implication dans l’économie, ce qui entraverait l’accès au crédit des entreprises et des particuliers.
Dans le même élan, le G20, sous présidence française, a pris la mesure des difficultés que nous traversons, et s’est engagé à mettre en œuvre un ensemble de mesures courageuses.
C’est la zone euro qui est actuellement mise à l’épreuve, mais – vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs – le problème est global. Les économies sont si imbriquées et interconnectées que, lorsqu’une zone s’enrhume, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui tousse. C’est vrai aujourd'hui, alors que l’épicentre de la crise mondiale est en Europe. Cela l’était également lorsque, entre 2007 et 2008, l’épicentre se trouvait aux États-Unis, avec d'abord la crise des
Lehman Brothers
Les conclusions du sommet de Cannes sont à la hauteur de ces enjeux. Contrairement à ce qui s’était passé lors des sommets de Toronto et de Londres, à l’issue desquels un seul axe avait été défini – tout pour la consolidation budgétaire, ou au contraire tout pour la relance économique –, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de mettre en œuvre des politiques différenciées selon les marges de manœuvre dont chaque pays dispose, en s’appuyant sur un jugement objectif, réaliste et adapté à la situation de chacun d’entre eux.
Les pays affichant un excédent budgétaire ont accepté de prendre l’engagement de conduire une politique de relance. La Chine a fait évoluer ses positions, qui étaient initialement assez fermées ; il en a été de même du Canada ou d’autres pays excédentaires. À l’inverse, les pays affichant un déficit budgétaire ont pris l’engagement de poursuivre leurs efforts de consolidation budgétaire.
C’est l’acquis essentiel du sommet de Cannes : une initiative globale, cohérente, structurée, équilibrée et coordonnée à l’intérieur des différentes zones – puissances économiquement avancées ou émergentes – qui participeront au soutien de l’activité économique, afin d’éviter que le ralentissement ne se transforme en une récession dont les conséquences sociales seraient douloureuses.
Les pays du G20 se sont également engagés à réformer le système monétaire international. Dans ce domaine également, il faut souligner l’évolution des positions de la Chine.
Les pays du G20 se sont également engagés à renforcer les moyens du FMI en cas de besoin, afin que l’institution internationale puisse jouer son rôle de rempart contre les risques systémiques. Dans cet esprit, nous examinons des pistes très concrètes : une contribution bilatérale pour le FMI, l’utilisation des droits de tirages spéciaux par zone ou encore la possibilité de créer une entité spécifique au sein du FMI. Cela constitue une avancée significative.
J’achèverai ce tour d’horizon des grands enjeux internationaux par un point sur les évolutions constatées dernièrement sur les marchés financiers.
La situation sur les marchés financiers est complexe – je ne vous apprends rien. Les tensions sont présentes, et la France n’est pas épargnée. Toutefois, il est important, s'agissant de questions aussi techniques, de conserver une approche lucide et pragmatique.
La lucidité, c’est de constater que ces tensions agitent d’abord le marché secondaire, plus exposé aujourd’hui à la spéculation sur les taux. En revanche, sur le marché primaire, nos adjudications se déroulent dans des conditions satisfaisantes. Les taux des titres que nous émettons sont identiques à ceux qui prévalaient en avril dernier : il n’y a donc pas de défiance vis-à-vis de la France. L’adjudication de ce matin s’est déroulée normalement, et notre offre de titres a été sursouscrite.
Il est d’ailleurs important de ne pas confondre cet écart de taux – le
Bien entendu, avec nos homologues allemands, nous suivons très attentivement l’évolution des marchés. Nous sommes en contact permanent : hier à midi, j’étais encore au téléphone avec Wolfgang Schäuble. Les interrogations existant sur l’évolution des
Nous prenons toutes nos responsabilités et sommes attentifs à l’exactitude des informations qui s’échangent au sujet de notre dette souveraine. Jeudi dernier – vous le savez –, l’agence de notation
Standard and Poor’s
Tout le monde peut commettre des erreurs ;
Standard and Poor’s
C'est pourquoi nous ne laisserons passer aucun message négatif qui mettrait en cause la sincérité de l’action entreprise par le Gouvernement et sa stratégie d’assainissement en profondeur de nos finances publiques,
a fortiori
Nous entrons dans une nouvelle époque : nous tournons définitivement le dos au financement des politiques publiques par l’endettement, qui équivaut à faire payer aux générations futures le confort d’un modèle social que nous souhaitons certes préserver, mais qui a besoin d’autres financements.
Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Vous avez mis le temps !
M. François Marc.
L’enjeu est suffisamment important pour que les responsables politiques, dont certains se préparent – c’est légitime – à des échéances électorales, n’alimentent pas, par des propos infondés, l’inquiétude sur les perspectives d’évolution de la notation de la France.
M. François Baroin,
Je voudrais à présent rappeler brièvement certains éléments de cadrage macroéconomique.
L’économie mondiale est entrée dans une phase de ralentissement ; je n’y reviens pas.
Le niveau de la croissance du PIB au troisième trimestre, que l’INSEE vient d’indiquer, montre que l’activité résiste bien en France. Nous avons enregistré une croissance de 0,4 %, malgré un environnement international incertain. Comme je l’avais précisé avant l’été, le fort ralentissement du deuxième trimestre était donc temporaire. La consommation des ménages a nettement rebondi, l’investissement a progressé de 0,4 % et le commerce extérieur – qui constitue l’une de nos faiblesses, nous le savons – a apporté une contribution légèrement positive à notre croissance.
Ces résultats montrent que les mesures des plans antérieurs répondaient à l’objectif d’équilibre que nous avions formulé : d'une part, réaliser des économies afin de réduire le déficit public, y compris du point de vue structurel ; d'autre part, prendre des mesures qui n’affectent pas le pouvoir d’achat des Français, dont nous savons qu’il nourrit la consommation, principal moteur de notre activité économique. La bonne tenue de ce pouvoir d'achat, qui a stimulé l’activité économique au troisième trimestre, prouve la pertinence des choix faits par le Gouvernement lors de la préparation du budget pour l’année 2011. À l’époque, Valérie Pécresse avait défendu avec talent les mesures de soutien de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui ont d'ailleurs été soutenus continûment durant cette législature.
Dans ce contexte général, nous avons adapté notre prévision de croissance pour 2012 : nous l’avons abaissée à 1 %, contre 1,7 % initialement prévu. Nos partenaires allemands ont effectué exactement la même adaptation.
La diminution de notre prévision de croissance pour 2012 s’explique, en premier lieu, par le ralentissement mondial, qui affectera la demande étrangère adressée à la France et donc nos exportations. La conjoncture défavorable se répercutera sur notre demande intérieure, même si celle-ci continue de progresser par rapport à 2011.
Toujours selon notre hypothèse, le pouvoir d’achat des ménages continuerait de croître, soutenu par la bonne tenue de la masse salariale et la modération des prix.
Cette évolution, couplée à une baisse modérée du taux d’épargne, permettrait à la consommation des ménages, premier moteur de la croissance, de progresser en 2012 au même rythme qu’en 2011. La moindre demande intérieure se traduirait par des importations moins dynamiques : la contribution de l’extérieur serait ainsi neutre sur la croissance.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de cadrage macroéconomique que je voulais porter aujourd’hui à votre connaissance. Les difficultés que j’ai évoquées, vous l’aurez compris, justifient pleinement les mesures exigeantes qui sont contenues dans le projet de loi de finances pour 2012 ainsi que dans les textes rectificatifs qui vous seront soumis en parallèle et dont le détail vient de vous être présenté.
Avec l’adoption de leur règle d’or, nos voisins espagnols ont montré que le temps n’était plus à l’opposition stérile entre partis et qu’il fallait travailler ensemble à l’élaboration de solutions audacieuses, nonobstant les divergences de convictions ou de points de vue.
Nous devons tenir un discours de vérité aux Français et nous accorder sur les mesures nécessaires et justes qui nous permettront de traverser la crise sans porter atteinte – c’est aussi le fil conducteur de l’action gouvernementale – à notre modèle social non plus qu’à notre croissance, et nous devons le faire sans attendre.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’ici à la fin de l’année nous aurons examiné – si le calendrier n’est pas encore bouleversé – quatre lois financières, à commencer, bien sûr, par celle qui nous occupe aujourd'hui, que je souhaite, dans un premier temps, analyser à la lumière de la trajectoire budgétaire que le Gouvernement a tracée.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il s’agirait donc de faire passer notre déficit public de 5,7 % du produit intérieur brut à la fin de 2011 à 4,5 % à la fin de 2012.
Il faut relever, si l’on retient l’objectif ainsi fixé, que, dans l’hypothèse où celui-ci ne serait pas rempli, la capacité à franchir la marche suivante – celle de 2013 et du retour à un déficit limité à 3 % du produit intérieur brut, dont chacun sait qu’elle est la plus périlleuse – serait remise en cause. Pour passer de 4,5 % en 2012 à 3 % en 2013, il faudrait donc réduire le déficit de 1,5 point de produit intérieur brut en une seule année. Or les séries statistiques que j’ai consultées font apparaître que jamais la France n’a réussi une telle performance depuis 1960. C’est un fait que je veux rappeler au Sénat.
Je trace ce cadre d’ensemble avec une certaine gravité car, dans une période confuse où le Gouvernement prend à répétition des mesures improvisées, il faut avoir bien en tête les objectifs avant d’examiner le projet de loi de finances pour 2012.
Le cycle budgétaire dans lequel nous entrons, mes chers collègues, se déroulera durant vingt jours pendant lesquels l’évolution du contexte européen sera, M. le ministre l’a rappelé, décisive et pourra – c’est par précaution oratoire que j’emploie ce verbe… – infirmer les déclarations et actions des uns et des autres. La France se finance aujourd’hui aux conditions qui étaient celles de l’Italie voilà six mois et la situation est donc, en effet, très critique.
La réalité appelle à la lucidité : lors du sommet du 26 octobre, la France n’a pas réussi à convaincre ses partenaires s’agissant du rôle de la Banque centrale européenne.
Comme il fallait s’y attendre, l’idée qu’il serait possible de conférer un « effet de levier » aux financements du Fonds européen de stabilité financière sans implication de la Banque centrale européenne n’a pas convaincu, c’est le moins que l’on puisse dire, les investisseurs
Il faut avouer qu’il est difficile de comprendre comment a pu s’enclencher ce processus de fuite en avant fondée sur la pensée que la zone euro pourrait régler ses problèmes en recourant à des techniques financières complexes et politiquement illisibles venues des États-Unis – celles-là mêmes qui ont contribué à provoquer la crise de 2008 ! –, notamment le rehaussement de crédit et les CDO, les
collateralized debt obligations.
Ces incompréhensions, voire ces malentendus, nous incitent à développer les dialogues bilatéraux, comme nous avons commencé de le faire au printemps 2011, sous la conduite de M. Arthuis, lorsque la commission des finances a effectué plusieurs déplacements en Europe, en particulier Bruxelles, à Berlin et à La Haye.
Je crois savoir, monsieur le président de la commission des finances, que vous êtes vous-même très enclin à renouveler cette expérience.
Je le confirme !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ce ne devrait pas être une simple expérience, car il faudra nous habituer à nous parler, car la solution à cette crise passera nécessairement par plus de coordination entre les politiques économiques.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cependant, je voudrais que l’on s’entende bien sur lesdites politiques économiques, car les effets récessifs des politiques d’ajustement budgétaire conduites par certains États seront supportables seulement si d’autres États soutiennent leur demande intérieure, et donc la demande mondiale.
J’ai bien noté à ce sujet que le plan d’action pour la croissance et l’emploi, adopté lors du G20 de Cannes, prévoyait que certains États, dont l’Allemagne et la Chine, s’engageaient à laisser jouer leurs stabilisateurs automatiques et à soutenir leur demande intérieure si les conditions économiques venaient à se dégrader en Europe.
M. le ministre de l’économie a dû quitter notre assemblée, mais ses collaborateurs sont restés, et j’aimerais bien que l’on nous en dise plus, à nous parlementaires, sur les conditions qui pourraient conduire ces États à s’engager dans cette voie.
En tout état de cause, s’agissant de la gouvernance de la zone euro, je tiens à dire – et je le fais sous le contrôle de M. Arthuis, qui vient d’être nommé parlementaire en mission sur le sujet – que nous sommes dans une situation tout de même paradoxale : au mois de septembre, les États et le Parlement européens ont accouché aux forceps d’un « paquet gouvernance » conçu pour être mis en œuvre « à traité constant », mais voilà que les États, à peine deux mois après que l’encre de l’accord entre la Commission et le Parlement européen a séché, envisagent à nouveau une modification des traités !
Ce qui était impossible devient donc possible. Tout cela manque de cohérence et de lisibilité, et est très difficile à expliquer à l’ensemble des citoyens européens !
Dans ce contexte mouvant, il est assez étonnant que le Gouvernement tienne – et vous avez continué de le faire, madame la ministre – un discours systématiquement en décalage avec ses actes. Je crois qu’il nuit ainsi à la crédibilité de la parole publique.
S’agissant de la méthode d’abord, puisque vous avez insisté, madame la ministre, sur les aspects méthodiques, le Gouvernement présente l’adoption à répétition de plans – « Fillon I » au mois d’août, « Fillon II » en novembre – comme le témoignage de sa réactivité et de son adaptation aux circonstances. Ce faisant, il ne rassure ni les investisseurs, ni les agents économiques nationaux que sont les collectivités locales, les entreprises et les ménages.
À un gouvernement dans la tempête – où se trouve la France, comme d’autres États européens – on demande d’anticiper. Or, plan après plan, le Gouvernent parie toujours sur un improbable retournement à la hausse de la conjoncture plutôt que de prendre, une fois pour toutes, ses responsabilités.
C’est vrai !
M. François Marc.
Pourquoi a-t-il fallu attendre le 24 août pour que le Premier ministre annonce des mesures complémentaires pour 2012 alors qu’elles auraient pu être prises dans le collectif examiné au mois de juin ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Dès le 26 avril, la commission des finances du Sénat avait estimé, dans son rapport sur le programme de stabilité, qu’il faudrait une dizaine de milliards d’euros supplémentaires pour 2012.
Dans ses observations sur le programme de stabilité de la France, la Commission européenne relevait en particulier que le scénario macroéconomique du Gouvernement était trop optimiste. Cela aussi aurait dû vous inciter à changer de sens !
Pourquoi ne pas avoir rompu avec cette approche lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2012, en vous rapprochant des prévisions toutes plus réalistes des économistes plutôt que de faire éclater le calendrier budgétaire en cours de route ? On peut en conclure qu’il s’agissait plus de gagner du temps que d’être réactif…
La France a pris le 26 octobre avec les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro l’engagement de construire désormais les budgets nationaux en fonction d’hypothèses « indépendantes ». J’aimerais et, nous aimerions tous, savoir si vous tiendrez cet engagement et selon quelles modalités.
La politique budgétaire du Gouvernement se construit au jour le jour, par une succession d’annonces
Le 2 novembre, en commission, juste après l’annonce par le Président de la République de l’effort supplémentaire de 6 milliards à 8 milliards d’euros, je me suis permise d’indiquer à mes collègues que, dès qu’étaient envisagées des hypothèses moins favorables – légèrement moins favorables – que celles qui avaient été retenues par le Gouvernement, le montant des efforts à réaliser pour 2012 pouvait vite atteindre 15 milliards, voire 17,5 milliards d’euros.
Dans ses prévisions économiques d’automne, rendues publiques le 10 novembre, la Commission européenne fait aussi le constat de l’insuffisance des plans « Fillon ». Il faudra donc y revenir, mais quand ? C’est la question que se posent tous les Français.
Au début de 2012, madame la ministre, en pleine campagne électorale ?... Permettez-moi de dire que, si tel était le cas, cela signifierait que le Gouvernement instrumentalise la crise, à un moment choisi par lui, et joue avec le feu, mais c’est une hypothèse que je me refuse à admettre et j’attends pour ma part que vous la démentiez par vos actes.
S’agissant ensuite du fond des dispositions, j’observe, encore une fois, un fossé entre le discours du Gouvernement et la réalité.
Selon le Gouvernement, il y aurait en France deux options bien tranchées : d’un côté, on augmenterait massivement les prélèvements obligatoires ; de l’autre, on réduirait massivement les dépenses.
Je rappelle tout de même que j’ai exprimé, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, ma préférence – préférence que je n’ai pas été la seule de mon groupe à exprimer – pour une stratégie équilibrée entre recettes et dépenses, mais sans doute alors n’ai-je pas été assez claire…
Vous ne l’êtes toujours pas !
Mme Valérie Pécresse,
… et je vais donc revenir sur cette question.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Premièrement, de 2007 à 2012, le Gouvernement aura augmenté les prélèvements obligatoires de 17,5 milliards d’euros en net, c'est-à-dire en tenant compte tant des baisses constatées en 2007, 2008 et 2009 que des mesures annoncées le 7 novembre par le Premier ministre.
Cependant, si l’on considère les seules années 2010, 2011 et 2012, on constate que ce sont des hausses des prélèvements obligatoires de plus de 40 milliards d’euros qui ont été décidées par la majorité actuelle.
De 2010 à 2012, les mesures de réduction de déficit portent plus sur les recettes, avec 2 points de produit intérieur brut, soit une quarantaine de milliards d’euros, que sur les dépenses, avec 1,5 point.
Madame la ministre, « c’est d’abord grâce aux économies sur les dépenses que nous parviendrons à désendetter la France », avez-vous déclaré lors du débat sur les prélèvements obligatoires.
Tout à l’heure, vous avez répété ce que vous nous aviez déjà dit : « Les recettes fiscales – je vous cite encore – ne peuvent être qu’un outil complémentaire. » Je viens de démontrer que c’était exactement le contraire.
Mme Valérie Pécresse,
Je suppose donc que vous voulez faire une critique de l’action menée par le Gouvernement depuis 2008 et des annonces faites par le Premier ministre le 7 novembre.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Deuxièmement, l’augmentation des prélèvements obligatoires s’est faite de manière désordonnée et sans cohérence, car le Gouvernement s’est engagé dans cette voie, en 2010, à contrecœur et dans l’urgence.
C’est pourquoi, madame la ministre, vous ne pouvez pas dire, comme vous l’avez dit, que l’intégralité de l’augmentation du déficit entre 2007 et 2012 est liée a la crise.
Je ne l’ai pas dit !
Mme Valérie Pécresse,
C’est exactement l’inverse : c’est la crise qui motive votre prise de conscience sur l’impératif de réduction des déficits.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est juste !
M. François Marc.
Si la crise ne vous avait pas acculés à changer votre approche, vous auriez poursuivi la politique de démantèlement des recettes publiques que vous aviez engagée dès juillet 2007 avec la loi TEPA, qui a fragilisé notre pays dans la crise, et continue d’ailleurs à le fragiliser, puisque vous n’avez pas complètement renoncé à cette loi qui va encore coûter 9,3 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est un cocktail explosif !
M. François Marc.
Troisièmement, madame la ministre, vous répétez à l’envi – et les membres du Gouvernement avec vous – que « la hausse générale des impôts n’a pas d’avenir en France ».
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mme Valérie Pécresse,
Les contribuables qui supporteront en 2012 et en 2013 la non-indexation généralisée du barème – et ils sont nombreux, puisque cela concerne toutes les tranches – apprécieront ! J’ajoute que le retour de bâton risque d’être sévère, lorsque nos concitoyens auront réalisé les implications de cette revalorisation dans le bas du barème. Nous devons encore le vérifier – nous avons le temps –, mais il y a certainement des contribuables qui deviendront imposables et qui, de ce fait, perdront le bénéfice des allégements d’impôts locaux.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est sûr !
Mme Marie-France Beaufils.
Il faut l’annoncer aux Français. Or vous ne le faites pas !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la ministre, sur mon initiative, la commission des finances a formulé des propositions relatives à la fiscalité patrimoniale qui, outre qu’elles frappent les plus gros héritages et non le travail, ne pèsent pas autant sur la consommation – et donc sur la croissance – que les mesures que vous avez prises et préconisez pour demain.
Pour l’avenir, vous vantez le plan Fillon II, qui reposerait plus sur les recettes en début de parcours, avant de mettre l’accent en fin de période sur la maîtrise des dépenses.
Là encore, je souhaite rétablir la vérité. Pour 2012 et 2013, comme le Gouvernement est tout de même obligé d’annoncer comment il compte atteindre ses objectifs, vous choisissez prioritairement des mesures de recettes. Mais, pour l’avenir lointain, c'est-à-dire 2013 – l’année périlleuse ! –, vous vous contentez de déclarations d’intentions en matière de maîtrise des dépenses. En effet, sur les 7,2 milliards d'euros d’économies de dépenses que vous annoncez sur l’État et la sécurité sociale, 6 milliards d'euros ne reposent sur aucun élément tangible. Tant que vous ne révélerez pas comment vous ferez, vos engagements sur l’ONDAM et sur les dépenses de l’État, pris à six mois de l’élection présidentielle, sont déclaratifs et perdent toute crédibilité.
Quand on pense que vous escomptez faire en 2012 des économies sur les aides à l’emploi, alors que la crise s’aggrave et que le chômage augmente, on prend la mesure du sérieux de vos hypothèses !
Ce sont des mesures de périmètre.
Mme Valérie Pécresse,
Madame la ministre, vous n’étayez pas vos déclarations dans les documents budgétaires.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mme Valérie Pécresse,
Pourtant, programme de stabilité après programme de stabilité, la Commission européenne, tout comme la commission des finances du Sénat, vous exhorte à assortir de données chiffrées vos annonces en matière de dépenses. Vous êtes aux commandes des finances publiques, c’est donc sur vous que pèse la charge de la preuve. Ne l’exigez pas de ceux qui ne sont pas en responsabilité gouvernementale !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la ministre, non seulement vous entretenez le flou, mais vous persistez dans des travers que l’on aurait aimés d’un autre âge en matière de programmation pluriannuelle des finances publiques.
Alors que, le 26 octobre dernier, le Président de la République s’est engagé à Bruxelles à retenir des hypothèses de croissance « indépendantes » pour l’élaboration des lois de finances, vous manipulez délibérément l’autre variable essentielle du respect des programmations pluriannuelles : le taux de croissance des dépenses publiques. Vous fondez votre trajectoire 2011-2016 sur une augmentation en volume des dépenses de 0,5 % par an. Comment imaginer que cette hypothèse soit réaliste alors que, de 2008 à 2012, la vérité m’oblige à dire que la moyenne se situe à 1,4 % et alors que, depuis 2010, ce taux augmente chaque année ? Tant qu’à faire, pourquoi ne pas avoir inscrit 0 % ? Le Gouvernement aurait peut-être eu l’air plus vertueux tout en étant aussi peu crédible !
En résumé, malgré ses déclarations d’intention, lorsqu’il est dos au mur, le Gouvernement n’hésite pas à recréer une « réalité budgétaire virtuelle », en se fondant sur une hypothèse d’évolution des dépenses publiques irréaliste, et ainsi à nuire à la crédibilité du pays. Vous savez tellement que vous êtes en défaut, madame la ministre – et, avec vous, le Gouvernement tout entier –, que vous concentrez vos attaques sur le candidat socialiste, l’accusant de « nuire aux intérêts de la France ».
(Exclamations sur les travées de l’UMP.)
J’en viens au volet recettes de ce projet de budget.
L’examen des amendements montrera que d’autres choix fiscaux sont possibles. Lors du débat sur les prélèvements obligatoires, madame la ministre, vous avez évoqué l’écart « inacceptable » de taxation entre petites et grandes entreprises, de même que l’écart d’imposition entre le capital et le travail, qui conduit « à taxer moins ceux qui [ont] plus ». C’est tout à fait ce que nous constatons depuis des années. Par conséquent, nous vous donnerons les moyens, en vous permettant de vous rallier à nos amendements, de passer des paroles aux actes !
Toutefois, si nous montrerons que d’autres choix fiscaux sont possibles, je le répète, notre ambition n’est pas de proposer dès aujourd’hui un « contre-modèle fiscal » tout ficelé, malgré l’impatience que j’ai pu constater en commission de certains de nos collègues.
Je l’ai souvent répété : certes, la discussion au Sénat doit consister en un examen de tous les articles, pour les modifier si besoin et permettre un dialogue entre les deux assemblées, mais elle doit surtout être l’occasion, comme ce fut d’ailleurs le cas lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 – les rôles étaient alors inversés –, d’éclairer les enjeux du débat présidentiel et d’aider nos concitoyens à choisir entre les solutions qui leur seront proposées lors de la campagne électorale. C’est la vocation pédagogique du rapport général que j’ai rédigé au nom de la commission des finances.
Sur le volet dépenses, les rapporteurs spéciaux livreront leurs observations mission par mission. Je rappelle simplement que la Constitution et la LOLF nous obligent à être binaires dans nos votes. Par conséquent, lorsque nous désapprouvons l’action du Gouvernement dans un domaine de politique publique donné, nous voterons contre les crédits.
Pour cette raison, le solde budgétaire au sortir du Sénat n’aura pas grande signification, je vous l’accorde. C’est le lot des Sénat d’opposition au Gouvernement que de devoir se résoudre à un cadre juridique qui les empêche d’aller au bout de leur logique.
Avant de conclure, je formulerai quelques observations sur les tendances lourdes.
Le poids de la charge de la dette augmente rapidement.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Or il menace notre modèle social, puisque nos impôts et nos emprunts servent de plus en plus à rembourser nos dettes et de moins en moins à financer des dépenses actives, celles-là mêmes qui précisément peuvent soutenir la croissance.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour prendre la mesure de cette menace, je rappelle qu’un choc de 1 % sur l’ensemble des taux auxquels la France se finance aboutirait à un surcroît de charge d’intérêts de 14 milliards d’euros en dix ans. Il est donc impératif de stabiliser la progression de la dette.
Dans la période actuelle, je tiens à insister sur ce point, la nécessité du redressement budgétaire ne doit pas occulter le besoin de renforcer le potentiel de croissance de notre économie.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Or c’est le grand oublié de tous les plans qui se succèdent. Le Gouvernement communique beaucoup à ce propos – vous l’avez encore fait tout à l’heure, madame la ministre – et met notamment en avant son effort en faveur de la recherche.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la ministre, vous avez évoqué tout à l’heure la suppression de la taxe professionnelle et m’avez prêté des propos que je n’ai pas tenus. Par honnêteté intellectuelle, j’ai fait figurer dans le rapport sur les prélèvements obligatoires les éléments chiffrés communiqués par vos services, sans que l’on ait pu en mesurer véritablement les conséquences en termes de compétitivité et de soutien à l’emploi et à l’économie réelle. Ce n’est pas encore fait, mais la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’y attachera et une mission parlementaire y travaillera ardemment.
Quand on décide une impasse budgétaire de 5 milliards d'euros en faveur des entreprises, on peut tout de même en attendre quelques résultats. Certes, le tableau qui nous a été fourni par vos services fait apparaître des gagnants, mais aussi des perdants. Il ne faut pas l’oublier, nous le constatons partout dans nos territoires.
Sur la recherche et l’enseignement supérieur, je renvoie aux travaux de Michel Berson et Philippe Adnot, rapporteurs spéciaux de la mission. On y découvre que, une fois corrigés les artifices de présentation, l’augmentation réelle des moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur de 2007 à 2012 est non pas d’environ 9 milliards d’euros, ainsi que le prétend le Gouvernement, mais de l’ordre de 5 milliards d'euros.
C’est déjà pas mal : 5 milliards d'euros, ce n’est pas rien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Par ailleurs, il faut absolument en finir avec la politique actuelle qui consiste à faire en sorte que le fonctionnement des services de l’État devienne tellement dégradé qu’il ne resterait pas d’autre solution que de les supprimer. Nous pensons tous aux méfaits de la RGPP.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En outre, Thierry Foucaud et Claude Haut, rapporteurs spéciaux de la mission « Enseignement scolaire », nous apprennent que, dans l’éducation nationale, les dépenses relatives aux heures supplémentaires sont de l’ordre de 1,31 milliard d’euros pour l’année scolaire 2010-2011, en hausse de 3,1 % par rapport à l’année scolaire 2009-2010, ce qui représente 40 000 équivalents temps plein travaillé. Certes, pour beaucoup, il s’agit effectivement d’heures supplémentaires, mais le rapport de nos deux collègues montre aussi que plus de la moitié d’entre elles correspondent à des emplois pérennes, qui devraient être créés. Par conséquent, les heures supplémentaires tendent à devenir une variable d’ajustement de plus en plus utilisée pour combler la désorganisation du service public qui résulte, pour l’enseignement scolaire, de la suppression de 66 000 postes depuis 2007.
Par ailleurs, madame la ministre, il faut s’interroger sur la politique que vous conduisez dans la fonction publique.
Ainsi, vous avez encore répété que la baisse de la masse salariale était historique depuis 1945 et en attribuez les mérites à la RGPP. Je tiens pourtant à vous rappeler que, sans le gel du point d’indice, vous ne pourriez autant claironner. Il ne faut donc pas attribuer à la politique de non-remplacement de tous les départs à la retraite les économies que vous prétendez réaliser. Vous avez baissé la masse salariale au prix du gel du point d’indice de la fonction publique !
En revanche, on voit que cette politique se traduit principalement par la réduction des effectifs des services déconcentrés, et non des administrations centrales. Ce sont bien les administrations de réseau et les services publics de proximité qui constituent la variable d’ajustement des suppressions d’emplois publics.
Nous pensons tous qu’il faut renouer avec un partenariat constructif entre l’État et les collectivités territoriales, car celles-ci sont des agents économiques majeurs et participent au lien social, si important dans cette période de crise. Leur demander aujourd’hui de consentir des efforts sans aucune perspective de dialogue n’est pas acceptable. Nous aurons l’occasion de nous en expliquer longuement au cours de ce débat.
Mes chers collègues, je pressens que, cette année, nos débats budgétaires ne seront pas monotones ou ronronnants.
Tant mieux !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Sourires.)
L’alternance au Sénat doit servir à décrypter en détail le dernier budget de la majorité sortante et à montrer aux Français pourquoi il est temps de dire « stop » à des ajustements budgétaires précipités, sans vision claire des efforts à engager et sans assurance qu’ils seront justement partagés.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Monsieur le président, madame le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous allons entamer l’examen d’un budget inédit, dans le cadre d’une situation inédite, par un Sénat inédit.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Sourires.)
D’ici à la fin de l’année, la République italienne devra refinancer 20 milliards d'euros de dettes. Au cours du premier trimestre 2012, elle devra à nouveau refinancer de l’ordre de 200 milliards d'euros de dettes.
Les questions monétaires et financières internationales ont été évoquées, tour à tour, par M. le ministre de l’économie et par Mme la rapporteure générale. Elles sont absolument au cœur de la réalité que nous vivons, et pas ailleurs. Elles concernent non pas seulement cette Europe institutionnelle et désincarnée, mais aussi la vie de chacune et chacun de nos concitoyens.
Alors, certes, nous sommes bien en peine d’imaginer ce que pourra être le chemin de ces prochains mois. Nous savons, comme l’a dit M. François Baroin, qu’il faudra s’évader d’un réseau de contraintes trop rigides, trop doctrinales, contradictoires les unes par rapport aux autres. Il est clair que le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, dans la configuration qui lui a été donnée, n’est pas suffisant pour faire face à la situation et inspirer confiance. Il est non moins clair que la Banque centrale européenne, la BCE, comme le Fonds monétaire international, le FMI, seront nécessairement les leviers, les lieux où pourront se décider de nouvelles stratégies.
Je n’en dirai pas plus sur cet aspect des choses, mais que chacune et chacun d’entre nous mesurent la gravité avec laquelle il faut aborder, à présent, les questions de finances publiques.
Mes chers collègues, le moment ne se prête pas au dénigrement systématique. Nous devons tous espérer le succès des efforts du Gouvernement pour notre pays, et ce quelle que soit l’issue de la consultation essentielle du printemps 2012 et quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons. En mai, juin ou juillet 2012, la situation sera ce qu’elle sera et elle devra être prise comme telle.
Il faudra alors faire face, pour que la France reste la France, pour qu’elle préserve sa liberté de décision et, partant, sa souveraineté et pour qu’elle soit en mesure de faire prévaloir la cohésion sociale, tout en renouant, autant que faire se peut, avec la croissance économique, malgré un potentiel qui aura été certainement bien entamé par la crise et les soubresauts que nous allons encore connaître dans les prochains mois.
Mes chers collègues, ce budget inédit, dans une situation inédite, est examiné par un Sénat inédit. Après tout, si le débat public est gagnant, si nous parvenons à mieux confronter, avec ce sens de la pédagogie qui nous est indispensable, nos thèses, nos propositions, nos analyses respectives, sans trop de passion, avec pondération, en apportant des arguments, je pense que, en cette période de crise, nous travaillerons à la crédibilité de notre pays, qui est l’enjeu essentiel.
Ce n’est pas une affaire de partis ni de groupes politiques ! C’est l’affaire de la France de voir renforcée sa crédibilité, ce qui passe par les efforts auxquels nous devons appeler nos concitoyens.
Dans ce cadre, je trouve bien sûr que, parmi les éléments que nous a exposés Mme la rapporteure générale, il y a lieu à analyse et – qu’elle veuille bien l’accepter, ainsi que ses amis – à quelques critiques.
Vous nous dites que la majorité et le Gouvernement ont relevé de manière significative les prélèvements obligatoires. Or l’analyse des amendements que vous avez votés ou allez voter, en trois phases successives, nous montre, une fois l’addition effectuée, que vous êtes sur le point d’augmenter d’une bonne douzaine de milliards d’euros supplémentaires les prélèvements obligatoires.
M. Jean-Claude Lenoir.
Ce ne sont pas les mêmes qui paient ! C’est toute la différence !
Mme Nicole Bricq
, rapporteure générale de la commission des finances.
Permettez-moi de reprendre cette petite addition et nous débattrons de tout cela de façon aussi professionnelle que possible, je l’espère.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Avec plaisir !
M. François Marc.
Le premier acte fut l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Dix-sept taxes en plus !
M. Jean-Claude Lenoir.
Pour ma part, je m’intéresserai seulement à une mesure : la fin de l’allégement des charges sociales sur les heures supplémentaires.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ça, c’est grave !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Je comprends que d’aucuns puissent porter un regard critique sur cette législation, mais, à mon sens, lorsqu’on se veut défenseur du pouvoir d’achat et que l’on constate, notamment aux deuxième et troisième trimestres de cette année, que la consommation est encore un petit moteur de la croissance, il n’est pas vraiment très opportun d’inciter, précisément en ce moment, les entreprises à contracter le volume des heures supplémentaires.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Bien sûr que non !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Est-ce un service à rendre à des salariés de condition moyenne bénéficiant de ces heures supplémentaires ?
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Le second acte est constitué par les amendements que Mme la rapporteure générale a fait voter par la commission des finances. Deux éléments principaux méritent que l’on s’y arrête.
D’une part, vous avez de nouveau souhaité revenir sur la loi TEPA de 2007 en ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit, en d’autres termes les droits de succession.
La franchise, qui était à 150 000 euros environ par part, est abaissée à 50 000 euros. Combien de mètres carrés de logement correspondent à cette somme dans une ville ?
Vous parlez pour Paris.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mes chers collègues, lorsqu’on se veut le parti défenseur des classes moyennes urbaines, n’y a-t-il pas lieu de se poser une petite question de cohérence ?
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir.
Je me permets simplement de vous poser cette question qui vaut 2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires, essentiellement sur les classes moyennes urbaines.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Les enquêtes d’opinion montrent qu’il s’agit d’un enjeu tout à fait essentiel, pour nos formations politiques respectives.
D’autre part, plus de 2 milliards d’euros supplémentaires affecteront les entreprises, en particulier en raison de la remise en cause de la fiscalité des groupes d’entreprises. Je comprends bien tous les éloges faits un peu partout sur le thème du «
small is beautiful
Il est louable de s’intéresser aux petites et moyennes entreprises, certes extrêmement estimables. Mais pour qui veut promouvoir l’emploi, la compétitivité, les centres de décision, bref, compter à l’échelle du monde, il est toujours possible de plaider pour le développement et le déploiement dans le monde entier de nos petites, moyennes et intermédiaires entreprises, mais il faut aussi prendre les grandes en considération.
Comme PSA ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je veux parler de celles qui ont leur quartier général à Paris. Autrement, notre compétitivité dans des secteurs qui sont aujourd’hui des atouts pour la France sera pénalisée.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Or que faite-vous avec ces 2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires ? Au lieu de considérer la réalité économique d’un groupe, vous concentrez la fiscalité sur chaque société prise individuellement au sein du groupe.
C’est une vision qui n’est pas moderne, qui ne tient pas compte de la réalité et des enjeux de l’économie. Ce n’est pas une approche réaliste. Au surplus, vous ne nous dites pas si ce dispositif se combinerait ou se cumulerait avec la surtaxe exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés, dont je ne sais pas si vous préconiserez de la voter.
Le troisième acte se jouera probablement demain matin. Je suppose que vous allez nous proposer de revenir sur la loi de finances rectificative du mois de juin, c’est-à-dire sur la réforme de l’impôt sur le patrimoine.
Mme Nicole Bricq
, rapporteure générale de la commission des finances.
Vous nous proposerez aussi très probablement de créer une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu, tout en vous apprêtant vraisemblablement à voter la surtaxe sur les hauts revenus, qui figure dans le plan Fillon annoncé à la fin du mois d’août.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Au total, l’addition portera sur environ 12 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires, alors que vous nous accusez d’en avoir créé trop !
Je le répète, ce ne sont pas les mêmes qui paient !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Du côté des dépenses, lorsque j’examine avec vous les fascicules budgétaires, j’observe que vous rejetez tout ce qui est économies de dépenses, ainsi que les économies des plans d’ajustement Fillon I et II.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Si je résume : augmentation de prélèvements et aucun accord pour les économies de dépenses. Vous nous l’avez d’ailleurs démontré dans votre exposé, madame la rapporteure générale. Autant je pouvais me trouver très largement en harmonie avec votre introduction et votre première partie, autant, lorsque vous avez abordé les crédits, j’ai pu mesurer le décalage existant entre nous.
Comme chacun le sait, il y a un sujet tout à fait emblématique : les crédits de personnel dans l’éducation nationale. Si l’on fait le compte de ce qui a fait l’objet d’un engagement du candidat que vous allez soutenir …
Que je soutiens !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… il faudra compenser. Mais compenser où et comment ? Avec quelles conséquences, au détriment de qui, en respectant quel plan de convergence ? Voilà autant de questions et de réponses à apporter !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Impatient !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la ministre, à l’orée de cette discussion budgétaire, je voudrais dire, après avoir relevé ce que je crois être des contradictions et des incohérences dans l’analyse de la majorité sénatoriale – nous allons alimenter nos futurs débats avec des aspects prospectifs, bien entendu – que le Gouvernement me semble avoir fait la preuve de son courage dans l’élaboration de ce projet de budget.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Il a repris un certain nombre de propositions qu’avait formulées jusqu’ici la commission des finances du Sénat, en particulier sous l’impulsion de Jean Arthuis. Ainsi, il a enfin accepté, dans le cadre d’un plan de convergence, de toucher un peu à l’architecture des taux de TVA. J’incite, bien entendu, l’ensemble de nos collègues à soutenir vigoureusement le Gouvernement sur ce passage du taux réduit de 5,5 % à 7 % pour tous les biens et services autres que de première nécessité, sans se laisser impressionner par quelque lobby ou groupe d’intérêt que ce soit.
Mme Nathalie Goulet.
J’imagine que la majorité sénatoriale actuelle n’approuvera pas ce relèvement, pourtant modéré de la TVA, dont les conséquences seront peu perceptibles, alors que dans le même temps, je le redis, elle met en cause le volume des heures supplémentaires distribuées dans l’économie. En termes de pouvoir d’achat, cela m’apparaît comme un acte beaucoup plus grave que de relever de 1,5 point la TVA afférente à un certain nombre de biens et de services.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances va poursuivre son travail, dans les conditions habituelles, malgré cette situation inédite. En ce qui me concerne, je ne peux que redire l’intérêt que j’attache, dans cette période, à des démarches aussi équitables et horizontales que possible. Vous le savez, je ne crois pas beaucoup aux économies ciblées, mais je crois aux économies générales, à la même contrainte partagée partout, en matière de dépenses tant fiscales que budgétaires.
Cela étant dit, je mesure les efforts que vous faites, lesquels permettront, à mon sens, d’aller dans la bonne direction.
Mes chers collègues, nous sommes, certes, à quelques mois d’un enjeu essentiel. Le devoir, l’honneur de ce gouvernement et de la majorité présidentielle qui le soutient, c’est de faire tous ces efforts, si ingrats qu’ils puissent être, et ce sans préjuger du reste ; c’est aussi de faire en sorte que, le jour où s’ouvrira un nouveau quinquennat, la situation soit aussi saine et aussi nette que possible, afin que les orientations décidées par le peuple français trouvent à s’appliquer.
Tel est, selon moi, l’enjeu essentiel de nos débats. Puissions-nous les faire vivre, sans « trop » d’esprit partisan –soyons raisonnables dans nos attentes ! –, dans le souci de relever les défis exceptionnels qui sont devant nous. Que nous le voulions ou non, nous allons entrer, l’année prochaine, dans un monde nouveau.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les difficultés extrêmes rencontrées par la Grèce, peut-être sans solution à court terme, les cures, non pas de rigueur, mais d’austérité de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne, et bientôt de l’Italie ont fait mieux comprendre aux Français que les largesses d’un État étaient payées par les finances du pays, d’abord, et par les contribuables, donc les citoyens, ensuite.
M. Aymeri de Montesquiou.
Ces derniers ont été mis en mesure, sinon en demeure, de faire des comparaisons. La notion de compétitivité est devenue une de leurs préoccupations. C’est pourquoi, aujourd’hui, aucune formation politique n’oserait proposer une semaine de travail à 35 heures ni une retraite à 60 ans.
Galbraith affirmait qu’« une crise financière épure le système bancaire, le système industriel et, dans une certaine mesure, le gouvernement de leurs incompétences. » Une telle formule devrait vous exhorter, madame la ministre, à être d’une extrême compétence et enjoindre les parlementaires que nous sommes, mes chers collègues, de modérer leurs ardeurs partisanes, qui font fi de la compétence.
Malgré les circonlocutions habituelles, ce débat s’insère à l’évidence dans la future campagne présidentielle. Une réalité, cependant, s’impose à l’esprit : ce ne sont pas ceux qui proposeront la loi de finances la plus complaisante pour nos concitoyens qui récolteront le plus de voix.
Aujourd’hui, le courage et la justice sont les réponses à donner aux attentes des Français.
Revenons à des choses simples, à des données factuelles : les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires attendus pour 2012 représentent respectivement 55,8 % et 44,5 % du PIB. Ce gigantesque et consternant différentiel, entre des dépenses publiques himalayennes et des prélèvements obligatoires parmi les plus importants de l'Union européenne, illustre trente années de médiocres compromis.
L’objectif absolument prioritaire ne peut être qu’une baisse de nos dépenses, à plus forte raison lorsqu’on les compare avec celles de l’Allemagne : l’écart est de 163 milliards d’euros !
Bien sûr, il est très difficile de tailler fortement dans les dépenses publiques sans que la croissance, déjà faible, en souffre trop. L’objectif idéal est de laisser le plus de moyens financiers dans le secteur marchand, plus créateur de richesses, et donc d’emplois, plutôt que de les prélever et de les réinjecter dans le fonctionnement d’un État déjà boursouflé.
Boursouflé, l’État l’est à plusieurs niveaux : notre dette frise les 1 700 milliards d’euros, soit plus de six années cumulées de recettes fiscales ; 83 % des recettes de l’impôt sur le revenu sont consacrés à son remboursement ; les recettes de l’État ne couvriront que 79 % de ses dépenses.
Quel ménage, quelle entreprise pourrait soutenir de telles dettes, de tels déficits ? Nous devons gérer l’État comme une entreprise, non comme la maison d’
Alice au pays des merveilles
Excellente formule !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La colonne vertébrale de ce projet de loi de finances pour 2012 est la maîtrise des dépenses publiques. Enfin ! Mais allons-nous y parvenir ? C’est l’axe essentiel de la politique budgétaire inlassablement réclamée par la commission des finances du Sénat. C’est encore et toujours une solution de bon sens, car il serait irresponsable d’augmenter les prélèvements obligatoires, au risque de les rendre confiscatoires et, partant, de stériliser notre économie.
M. Aymeri de Montesquiou.
L’exercice 2012 se caractérise par un effort en valeur d’un milliard d’euros, hors dette et pensions. C’est une première, alors que cela aurait dû être fait depuis longtemps. La commission des finances le réclamait année après année ; on lui répondait par de nouvelles dépenses.
C’est un choix peut-être contraint, mais exigé par un principe qui doit demeurer intangible : la réduction du déficit doit suivre la trajectoire fixée jusqu’à descendre à 3 % du PIB en 2013. Ambitieux, très difficile, mais impérieux, le respect de cette trajectoire s’attaque à la composante structurelle de notre déficit. Des pays comme le Canada, la Suède ou la Nouvelle-Zélande, entre autres, ont eu la volonté et le courage de revenir à l’équilibre budgétaire ; ils ont atteint leur objectif. Suivons leur exemple.
La partie recettes du projet de loi de finances pour 2012 accumule des mesures de rendement budgétaire, âprement discutées à l’Assemblée nationale, puis au sein de notre commission des finances, avant de connaître, en conclusion, des votes contraires. Ces débats ont, certes, leur utilité, mais ils ne sont pas, encore moins que les querelles, souvent dogmatiques, à la hauteur de la gravité de la situation.
Ainsi, la taxe sur les boissons sucrées, doublée et étendue aux édulcorants à l’Assemblée nationale, a été supprimée par la commission des finances du Sénat, alors qu’elle rapporterait quelque 250 millions d’euros. Autre exemple : notre commission a pérennisé le niveau de la contribution exceptionnelle et temporaire sur les hauts revenus, dont le seuil d’imposition avait pourtant été abaissé par les députés et qui devrait générer 200 millions d’euros de recettes.
Au-delà de ces escarmouches, dérisoires au regard de l’ampleur des problèmes, une réflexion en profondeur sur les recettes est absolument nécessaire.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour faire en sorte que tout ce qui doit revenir à l’État lui revienne bien, pourquoi ne pas privilégier, comme aux États-Unis, le critère de la nationalité au lieu de celui de la résidence des personnes physiques, pour déterminer leur contribution au Trésor français ? Seriez-vous, madame la ministre, en mesure de faire une projection en termes d’imposition sur le revenu ?
M. Aymeri de Montesquiou.
Il serait normal que les grandes sociétés du CAC 40, qui réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires à l’étranger, s’acquittent de leurs impôts sur les bénéfices en France, lieu de leur siège social. Avez-vous un chiffrage de cette hypothèse et une possibilité légale de la concrétiser ?
Quelle est votre position sur la création d’une cinquième tranche d’impôt sur le revenu, demandée par le groupe de l’Union centriste et républicaine ?
Très bien !
Mme Nathalie Goulet.
Enfin, la question des niches fiscales est récurrente. Celles-ci représentent 65 milliards d'euros de dépenses fiscales. Le rapport Guillaume fait un état des lieux en la matière et conclut à l’inefficacité de nombre d’entre elles. Évaluer, une à une, l’efficacité de ces niches serait souhaitable, mais prendrait beaucoup trop de temps. En effet, chacune trouverait des défenseurs pour expliquer qu’il faut s’attaquer aux autres.
M. Aymeri de Montesquiou.
Un coup de rabot généralisé de 15 % serait douloureux mais efficace, car immédiat, et rapporterait près de 10 milliards d'euros. Cette mesure est sans doute moins fondée qu’un examen individuel des niches, mais le sort de chacune d’entre elles étant identique, elle serait plus facilement acceptée.
Le contexte économique international et l’état de nos finances publiques nous incitent à prendre des décisions fortes et difficiles, certes, mais indispensables. Ayons à l’esprit, avant de voter le projet de loi de finances pour 2012, la perspective d’une perte du triple A et ses conséquences très négatives.
Compétitivité et croissance sont les leviers qui relanceront notre économie, et donc nos recettes fiscales.
Or la compétitivité de nos entreprises est en chute libre. Le rapport du Forum économique mondial de Davos a rétrogradé la France du quinzième au dix-huitième rang mondial. Nous avons perdu, en moyenne, 2,4 % de parts de marché entre 2000 et 2008, alors que l’Allemagne améliorait ses résultats de 1,2 % par an. Pourquoi ?
De même, les exportations de notre agriculture sont passées, en Europe, du premier au troisième rang, voire au quatrième. Ce n’est pas acceptable.
La compétitivité de nos PME est une priorité absolue. À l’opposé de leurs voisines allemandes et italiennes, elles ont en effet les plus grandes difficultés à s’internationaliser. Plus grave, elles sont, en proportion, infiniment plus taxées que nos groupes multinationaux : 30 %, contre 10 % à 15 %.
De surcroît, et c’est un point crucial, les charges sociales des employeurs français s’élèvent à 11 % du PIB, alors que la moyenne de l’OCDE est de 5,5%. Quelle en est la raison ?
La compétitivité de nos PME est grevée par les charges qui se répercutent nécessairement sur le prix de vente des biens et services qu’elles produisent. À ce titre, je milite pour qu’une partie de ces cotisations soit transférée sur la TVA. Cette proposition n’est pas nouvelle, mais sa mise en œuvre s’avère indispensable. L’Allemagne s’est dotée, en janvier 2007, d’un point de « TVA compétitivité », mais le Danemark et le Japon l’ont fait bien avant.
La Cour des comptes, dans son rapport sur la convergence fiscale franco-allemande, a fortement souhaité, comme l’OCDE quelques mois plus tard, que la France se dote d’un tel dispositif. Cela aurait le mérite de faciliter la fiscalisation du financement des risques « famille » et « maladie », désormais universalisés.
Le niveau de déficit de notre balance commerciale – 75 milliards d'euros –, entraînant chômage et perte de recettes, est une plaie au flanc qui nous appauvrit chaque jour.
Favoriser la compétitivité de nos entreprises me semble donc d’une exigence évidente, mais la mise en œuvre d’un tel objectif prendra, hélas ! du temps. La mission d’information de l’Assemblée nationale sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale n’a pu déboucher sur des analyses communes ni sur des propositions concrètes, en raison d’incompatibilités idéologiques, ce qui est consternant alors qu’il y a urgence.
Enfin, la croissance est, bien sûr, un des fondamentaux de l’économie, un socle sur lequel reposent emplois et recettes. Les prévisions dans ce domaine doivent être réalistes, sous peine de rendre les projets de loi de finances, au mieux incertains, au pire caducs dans les mois qui suivent leur discussion.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, adoptée à la toute fin de l’année dernière, était fondée sur une prévision de croissance, encore une fois trop optimiste, de 2 %, ramenée à 1,75 % avant d’être enfin évaluée à 1 %, soit le taux qui faisait consensus parmi les experts.
Les divergences de prévisions ne permettent pas d’être péremptoires sur cette croissance, et donc sur les ressources qui seront celles du pays. Il serait pragmatique de mettre en place, dès à présent, des ressources supérieures à celles qui sont prévues pour atteindre l’objectif du déficit programmé, à savoir 4,6 % pour 2012. S’il y a excédent, il pourra être affecté à la dette.
Madame la ministre, mes chers collègues, soyez pédagogues, dites la vérité aux Français, montrez l’exemple ! Soyez cohérents, innovants, imaginatifs. Surtout, soyez justes ! Nos concitoyens, alors, vous suivront.
Chaque Français attend de vous courage politique et justice fiscale. Il comprendra qu’il est temps que nous soyons tous solidaires dans l’effort, car la crédibilité et l’avenir de notre pays sont en jeu.
Ayons à l’esprit que celui, de droite ou de gauche, qui présidera aux destinées de notre pays devra conduire une politique peu différente de celle qui aurait été menée par son concurrent.
Ne nous perdons pas dans des querelles idéologiques ! Il n’y a pas deux solutions opposées pour résoudre un même problème : il n’y a que des différences de façade.
Les prélèvements ne sauraient, globalement, être augmentés. Déjà trop lourds par rapport à ce qu’ils sont chez nos concurrents, ils ne peuvent être que plus orientés vers les hauts revenus et les grandes entreprises. En Grande-Bretagne, où règne la
J’ajouterai que les transactions financières appartiennent à l’économie virtuelle et ne rapportent rien à la richesse nationale. On peut s’interroger sur le point de savoir si un banquier taxé à 0,001 % va quitter une place financière… Ne soyons pas victimes des lobbys financiers ! Je le dis d’autant plus volontiers que cette taxe nous rapporterait quelque 12 milliards d’euros.
C’est dans les dépenses de l’État que réside le véritable gisement. Là aussi, soyons convaincus que les efforts ne doivent pas être demandés aux plus fragiles, car un sentiment d’injustice rendrait inopérante toute politique fiscale.
Madame la ministre, la devise des mousquetaires, « Un pour tous et tous pour un », doit devenir la devise des Français.
Bon sang ne saurait mentir !
Mme Nathalie Goulet.
(Sourires.)
. Faisons-lui honneur en privilégiant l’intérêt général par rapport aux querelles partisanes !
M. Aymeri de Montesquiou
(Applaudissements
sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
Il faut quitter l’UMP ! Il est encore temps !
M. Michel Vergoz.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons, depuis hier, nous poser des questions sur le contenu de la discussion que nous allons entamer.
M. Éric Bocquet.
En effet, depuis quelque temps, tout portait à croire que le cadrage économique de ce projet de loi de finances pour 2012 était passablement obsolète et ne correspondait plus tout à fait à la réalité de la situation du pays, qu’il s’agisse de la croissance attendue, du niveau et de la qualité de l’emploi ou de la situation de nos échanges extérieurs.
Il est même probable que le service de la dette publique connaisse en 2012 une petite poussée de fièvre puisque la position de la France est, entendons-nous dire, en voie de dégradation relative ces temps derniers et que le fameux triple A accordé à notre dette publique n’en a apparemment plus pour très longtemps.
Au demeurant, ce triple A ne nous rapporte finalement pas grand-chose puisque les taux longs imposés à la France sont d’ores et déjà largement supérieurs à ceux qui sont consentis à l’Allemagne, et même supérieurs à ceux qui grèvent la dette publique des États-Unis. Nous en sommes à 3,22 % pour les obligations à dix ans quand l’Allemagne, de son côté, obtient 1,77 % !
Et voilà que le projet de loi de finances rectificative pour 2011, le quatrième du nom, qui vient d’être présenté au conseil des ministres, solde l’affaire !
Nous sommes, si tout est normal, amenés à débattre d’un projet de loi de finances pour 2012 qui n’a pas de sens et s’approche beaucoup plus de l’hypothèse d’école que de la réalité. Comment, d’ailleurs, parler de véritable débat quand nos ministres nous expliquent, à longueur d’intervention, qu’il n’y a pas d’alternative ? Margaret Thatcher, Premier ministre de la Grande-Bretagne de 1979 à 1990, portait déjà, en son temps, le surnom de TINA, acronyme de sa formule favorite :
there is no alternative.
Très bien !
M. François Marc.
Voici maintenant que nous allons débattre pour la forme, mais cela nous permettra finalement de mieux appréhender les orientations profondes de chaque force politique engagée dans le débat démocratique instauré en vue de l’élection présidentielle d’avril-mai prochains et des législatives qui suivront. Oublions donc notre amertume de discuter un texte « mort né », mes chers collègues, pour voir si cette discussion générale peut, à tout le moins, éclairer nos concitoyens sur les enjeux de la politique budgétaire et économique, au moment où nous nous apprêtons à solliciter leur opinion.
M. Éric Bocquet.
Depuis déjà quelque temps, les membres du Gouvernement nous expliquent que la situation de crise que connaît notre pays est telle que nombre des réformes mises en œuvre depuis 2007 n’ont pas pu pleinement faire jouer leurs effets pour le bien-être général. Il est vrai qu’un catalogue de quelques-unes des mesures prises depuis lors montre assez vite les limites de l’exercice.
Je commencerai par la défiscalisation des heures supplémentaires.
Cette mesure, qui devait traduire dans les faits la logique du « travailler plus pour gagner plus », a été épinglée par la Cour des comptes, laquelle a considéré, à juste titre, qu’elle coûtait plus cher qu’elle ne rapportait à l’économie du pays.
La situation du chômage dans notre pays, indépendamment de la crise, celle des comptes sociaux, grevés par les exonérations associées, la stagnation même de la productivité apparente du travail sont autant de preuves que l’orientation fixée n’était pas la bonne du point de vue du plus grand nombre.
Pour les entreprises, en revanche, il semble bien que l’affaire ait été relativement fructueuse, puisqu’elles ont vu se réduire leur contribution au financement de la protection sociale et que la rémunération des heures supplémentaires leur a permis de faire l’économie, de temps à autre, d’une hausse normale des salaires plus importante.
Pour l’État, notons, au chapitre des menues recettes, une petite baisse du poids de la prime pour l’emploi, ce qui était l’objectif réel de la manœuvre.
Qu’en est-il de la réforme de l’imposition des patrimoines ? Je passe rapidement sur l’exonération de droits du conjoint survivant qui, dans bien des familles relativement modestes, a permis de gérer au mieux le traumatisme de la succession.
Pour en revenir à l’essentiel, je dirai qu’au nom d’une solidarité nationale inversée le Gouvernement a largement aidé les familles les plus aisées et les patrimoines les plus substantiels à faire de l’optimisation fiscale grâce au jeu subtil des donations-partages et à ses effets sur le montant des droits de succession à venir comme des droits appelés au titre de l’ISF chaque année.
Un ISF qui, pour des raisons purement électoralistes, a été « réformé » de telle sorte que les 300 000 plus modestes anciens redevables de cet impôt – qui disposent tout de même d’un patrimoine dont la valeur est comprise entre 790 000 euros et 1,3 million d’euros – ne paient désormais plus rien, tandis que ceux qui restent imposés ont bénéficié d’un très bel allégement de leur facture !
Même si vous êtes en partie revenus, au mois de septembre, un peu contraints et forcés, sur une partie des allégements de la fiscalité du patrimoine que vous aviez mis en œuvre, vous vous êtes évidemment gardés de revenir sur l’abaissement de l’ISF et vous avez préféré faire payer un peu plus d’impôt sur les plus-values aux véritables classes moyennes !
La mission assignée au Président Sarkozy d’alléger la fiscalité des plus hauts patrimoines a été largement respectée, et ce résultat peut être mis à l’actif de la législature…
Parmi les autres réformes mises en œuvre, celle de la fiscalité locale appelle, bien sûr, un regard particulier.
Après de longues années de propagande acharnée, après force colloques, articles de presse, interventions télévisées ou radiodiffusées, le patronat français a enfin trouvé le Gouvernement susceptible de mettre en œuvre la courageuse suppression de la taxe professionnelle, principale recette fiscale des collectivités locales. Si cet impôt méritait sans doute d’être réformé, fallait-il pour autant le supprimer et faire ainsi droit à une revendication fort ancienne du patronat puisqu’il la réitérait depuis 1976, le CNPF ayant passé le relais au MEDEF ?
En 2010, la taxe professionnelle a donc disparu, pour devenir cet impôt croupion que constitue la contribution économique territoriale, dont une part importante échappe d’ailleurs à toute décision locale puisqu’elle est fixée et répartie au niveau national au travers de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
L’affaire n’a pas été sans coûter quelques ressources puisque la suppression de la taxe professionnelle a mobilisé 11 milliards d’euros bruts pour être compensée.
Les plans sociaux ont-ils cessé ? Le nombre des chômeurs a-t-il diminué ? L’activité économique est-elle repartie de plus belle ? S’il fallait que nous ayons à prouver que la suppression de la TP n’a pas changé grand-chose à la situation économique de ce pays, ce serait bien par la réponse négative que nous pouvons apporter à ces trois questions !
À une époque où l’argent public doit être judicieusement utilisé, ainsi qu’on ne cesse de nous le répéter, le moins que l’on puisse dire est que vous n’avez pas été regardants sur la dépense, non plus que sur le résultat !
Le contribuable local, qui voit, lui, sa taxe d’enlèvement des ordures ménagères augmenter tous les ans, peut être amené à ne pas apprécier ce gaspillage !
Nous nous étonnerons toujours, mes chers collègues, que le débat sur la fiscalité locale n’ait jamais, depuis fort longtemps, concerné que le volet entreprises et que la révision des valeurs locatives soit toujours en panne.
Une autre réforme ? Je me souviens qu’en 2008, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, le Gouvernement avait fait passer à la fois la création du statut d’auto-entrepreneur et l’ouverture à la concurrence de la distribution du livret A.
Dans le premier cas, je ne sais pas si le bilan est très probant. Un grand nombre d’entreprises se trouvent sous le régime de l’auto-entrepreneur, mais leur activité demeure assez réduite puisqu’elle permet de réaliser un chiffre d’affaires se situant aux alentours d’un de 600 à 700 euros par mois, ce qui ne peut évidemment suffire à assurer un revenu suffisant aux intéressés.
La seule chose dont on soit sûr, c’est que l’auto- entreprenariat a permis à l’État, comme à la sécurité sociale, de récupérer quelques recettes de poche, parce que le travail au noir a pu ainsi reculer. Il a donné en outre à quelques entreprises le moyen de gérer en douceur des plans sociaux, en transformant leurs salariés en pseudo-entrepreneurs indépendants.
Pour le livret A, le résultat n’est vraiment guère convaincant non plus. C’est que le livret A a fait, comme le livret de développement durable, l’objet d’une centralisation à géométrie variable, qui s’est surtout traduite par la mise à disposition des banques privées de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’épargne populaire, sans obligation d’affectation.
Ni la construction de logements sociaux, indispensable pour répondre aux besoins collectifs – et il convient de demander au passage ce qu’est devenu le droit au logement opposable, dans l’état de tension que nous connaissons sur le marché immobilier des grandes agglomérations – ni le crédit aux PME n’ont connu dans la dernière période la moindre embellie, bien au contraire !
Il doit y avoir quelque chose qui n’a pas fonctionné – ou qui a trop bien fonctionné – dans ces différentes réformes ! On peut l’exprimer dans la formule suivante : l’argent a bel et bien été mis sous la coupe des marchés financiers, mais son utilisation n’a pas été aussi positive qu’on aurait pu le souhaiter.
Si le Gouvernement a respecté la feuille de route qui lui avait été fixée – alléger la fiscalité du patrimoine, liquider la taxe professionnelle, réduire encore le coût du travail –, tout cela s’est déroulé alors même que les comptes publics connaissaient des difficultés majeures et sans qu’aucun des maux dont souffre notre société – chômage, pauvreté, emploi des jeunes – ne trouve remède.
Changer de politique en changeant de budget est donc plus que jamais d’actualité et procède de la même nécessité.
Notre groupe ne votera évidemment pas ce projet de loi de finances pour 2012, adopté par la majorité à l’Assemblée nationale, car il est une nouvelle production des politiques que nous combattons bec et ongles puis 2007 !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. Yvon Collin.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, c’est dans un environnement macro-économique fortement dégradé que nous abordons l’examen du projet de loi de finances pour 2012.
M. Yvon Collin.
Depuis la crise des
Aujourd’hui, la crise paroxystique des dettes publiques au sein de la zone euro contraint les États à réajuster sans cesse leurs politiques publiques, en particulier leur politique budgétaire.
Si la France n’est pas en première ligne sur le front des turbulences, elle est toutefois juste derrière la Grèce, l’Irlande et l’Espagne.
La situation du solde public de notre pays est critique. En effet, la prévision d’un déficit de 95,5 milliards d’euros pour 2011 nous place dans une position fragile, très fragile. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a défini une trajectoire de redressement des comptes publics. Comme vous le savez, mes chers collègues, l’objectif affiché est celui d’un déficit cantonné à 3 % du PIB en 2013.
À cet égard, dans l’opposition comme dans la majorité, on peut le souligner, nous partageons la volonté de ramener la dette publique française à un niveau soutenable et accepté par la Commission européenne, mais aussi, ajouterai-je, toléré par les agences de notation.
Car, qu’on le veuille ou non, conserver le triple A est, vous le savez bien, madame la ministre, fondamental, d’une part, pour assurer un faible coût du capital pour les ménages, les entreprises et l’État, d’autre part, pour garantir la crédibilité du dispositif de stabilité financière de la zone euro, fondé sur les États crédités de cette notation ; je pense, en particulier, à la France et à l’Allemagne.
Cependant, pour réduire significativement notre déficit budgétaire, on ne saurait compter seulement sur un espoir de croissance, espoir qui risque fort d’être déçu dans le contexte économique actuel.
Même si l’acquis de croissance pour 2011 est confirmé à 1,7 %, alimenté par un léger rebond constaté au troisième trimestre – mais rien n’est moins sûr ! –, nous ne sommes pas au bout de nos difficultés, bien au contraire, car nous devrions entrer au quatrième trimestre dans une phase récessive, probablement annonciatrice d’une stagnation en 2012.
Dans ces conditions, les marges de manœuvre budgétaires sont faibles et une hausse des recettes fiscales paraît absolument inévitable. Madame la ministre, il est préférable de le dire franchement à nos concitoyens, qui se sont déclarés prêts à des efforts pourvu qu’ils se fassent dans la clarté et selon le principe de justice fiscale, à la différence de ce qu’ils ont pu observer au cours des dernières années.
À cet égard, j’évoquerai le débat sur les prélèvements obligatoires que nous avons eu voilà quelques jours. Nous avons été nombreux, sur les travées de la majorité sénatoriale, à relever, grâce à l’excellent rapport d’information de notre collègue Nicole Bricq, le temps perdu, le gâchis fiscal et l’improvisation.
Très bien !
Mme Nathalie Goulet.
Madame la ministre, vous me pardonnerez de me répéter, mais nous avions cru comprendre que, aux termes programme de stabilité 2009-2012, il était envisagé de ramener le taux des prélèvements obligatoires de 44 points à 43,4 points de PIB. Notre taux, qui figure déjà parmi les plus élevés de l’Union européenne, devrait sans doute atteindre 45 points de PIB. Autant dire que vous n’avez pas réussi à inverser la tendance.
M. Yvon Collin.
Mais la crise n’explique pas tout : la Cour des comptes a estimé à 0,7 point de PIB l’augmentation du déficit structurel due aux mesures prises depuis 2007.
Madame la ministre, nous vous avons très souvent mise en garde – trop souvent peut-être, à votre goût ! – contre les conséquences de la loi TEPA. Vous auriez pu faire vôtre l’adage « faute avouée est à moitié pardonnée », mais c’est maintenant trop tard ! Beaucoup de nos concitoyens ont fait les frais de vos choix hasardeux, et j’espère qu’ils l’exprimeront l’année prochaine.
Vous avez bien tenté, il est vrai, de reprendre quelques-uns des cadeaux fiscaux que vous aviez accordés aux plus favorisés, en supprimant le bouclier fiscal ou encore en intégrant les heures supplémentaires dans le barème du calcul des allégements de charges. Malgré cela, la loi TEPA nous coûtera encore la bagatelle de 9,3 milliards en 2012.
Au regard de l’équilibre du projet de loi de finances pour 2012, je constate que vous persistez malheureusement à maintenir un cap qui vous a pourtant conduit à l’échec. Et l’aboutissement de cette politique, c’est désormais la rigueur, encore la rigueur, toujours la rigueur. Tout ce que vous pouvez offrir à nos concitoyens, au bout de quatre années d’exercice du pouvoir, c’est une cure d’austérité !
Vous nous avez encore expliqué tout à l’heure que nous n’avions pas le choix. Pourtant, la commission des finances du Sénat vous a démontré le contraire : nous avons adopté une trentaine d’amendements, qui traduisent ce souci d’équité, de rigueur et de justice, ce même souci qui a fait défaut à votre politique fiscale.
Mes chers collègues, les amendements proposés par la commission, que Mme la rapporteure générale vous a présentés tout à l'heure, prévoient des recettes supplémentaires pour un montant de 5,5 milliards d’euros. Naturellement, les sénateurs du RDSE qui sont membres de la commission des finances les soutiennent.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Nous sommes notamment favorables à la taxation de l’ensemble des revenus de l’épargne selon le barème progressif. Le projet de loi de finances pour 2012 ouvre d’ailleurs ce chantier – c’est une première étape –, en commençant par les revenus tirés des dividendes.
M. Yvon Collin.
Le Gouvernement a certes pris une initiative qui mérite d’être soulignée ; je veux parler de la contribution exceptionnelle de 3 % sur les hauts revenus. Mais pourquoi ne pas l’avoir rendue pérenne ? C’est ce que propose de faire la commission des finances.
Comme vous pouviez vous y attendre, nous sommes revenus sur certains volets de la loi TEPA, qui, contrairement à ce que vous martelez, n’étaient pas de nature à favoriser les petites successions. Ainsi que l’a démontré le rapport Guillaume, de nombreux dispositifs de la fiscalité immobilière se sont révélés juteux pour certains investisseurs particuliers, mais ils ont été totalement inefficaces, voire contre-productifs, quant à la fluidification du marché de l’immobilier. Là encore, je dois le dire, la commission a modifié le texte avec beaucoup de pertinence.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques commentaires que je souhaitais vous livrer sur ce projet de budget, non seulement dans sa version initiale, mais également dans la version revue et corrigée que vous proposera la commission, une version que je crois plus juste et plus cohérente. La commission des finances a bien travaillé ; c’est en tout cas notre point de vue.
Pour autant, si ce rééquilibrage entre tous les contribuables est le bienvenu et si la restauration d’une trajectoire crédible de nos finances publiques est indispensable, il faudra beaucoup œuvrer pour stimuler la croissance.
À cet égard, j’espère que la zone euro ne va pas s’arrêter à une seule ambition commune : le retour à un solde public décent pour chacun des États membres. Il est impératif que les politiques budgétaires européennes convergent également sur leur contenu, car, actuellement, la diversité d’options dans les politiques nationales aboutit, nous le savons, à la survivance d’intérêts qui se concurrencent.
Dès 2007, j’avais publié, avec mon excellent collègue Joël Bourdin, au nom de la délégation du Sénat pour la planification,…
Tout à fait !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… un rapport d’information au titre prémonitoire : « La coordination des politiques économiques en Europe : le malaise avant la crise ? »
M. Yvon Collin.
M. François Marc.
J’avais, à l’époque, identifié les germes de la crise de l’euro, qui se sont nourris d’un défaut de coordination des politiques économiques en Europe. Et ce qui devait arriver est arrivé !
M. Yvon Collin.
Il est urgent que les politiques des États membres se fassent plus coopératives pour que le projet européen sorte de l’ornière où il est tombé.
Il est également urgent que l’Europe prenne conscience des problèmes structurels qu’elle devra affronter à plus long terme du fait des perspectives très disparates de chaque pays en termes de croissance potentielle.
Par ailleurs, il faudra mieux asseoir la convergence économique en Europe et, pour ce faire, mieux assurer, par exemple, la rencontre entre l’épargne et l’investissement dans l’ensemble européen.
Enfin, il faudra résoudre les graves problèmes de concurrence fiscale qui minent les finances publiques des États qui choisissent de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté.
L’Europe traverse une crise qui mérite mieux que certaines gesticulations, telles celles que l’on a pu observer lors du sommet du G20 à Cannes. Là aussi, j’espère que nos concitoyens feront confiance à ceux qui voient l’Europe comme un espace d’espérance et de progrès, pas seulement comme un vaste marché obligataire sous pression.
Mes chers collègues, l’actuel quinquennat se clôt sur l’échec d’une politique fiscale,…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… une politique qu’il faudra, de toute évidence, revoir dès le début du prochain quinquennat. Cette politique aura aggravé les inégalités, pesé sur la croissance, mis à mal le pouvoir d’achat des Français, déséquilibré les équilibres budgétaires et ébranlé la crédibilité de la France.
M. Yvon Collin.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de budget pour 2012 s’inscrit dans un contexte de crise que je ne rappellerai pas ici, me bornant simplement à préciser que cette crise est non pas une crise française ni une crise européenne, mais une crise planétaire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Cette crise, qui est véritablement systémique, appelle, de ma part, quelques réflexions.
D’abord, elle exige de notre part réactivité, ténacité, responsabilité et vérité.
Le Gouvernement, avec le Président de la République en tête de pont, est à la barre du « navire France » et sait parfaitement faire preuve de la réactivité, de la ténacité, de la responsabilité et de la vérité qui s’imposent.
Permettez-moi de reprendre ces points un à un.
Réactivité : la critique formulée quant à la caducité d’une partie du présent budget, à la suite de l’annonce, il y a quelques jours, de nouvelles mesures et de la révision à la baisse, par le Gouvernement, de l’hypothèse de croissance pour 2012, est infondée. À moins qu’elle ne repose sur de vieux réflexes qui prouvent que d’aucuns n’ont pas pris conscience que plus rien ne sera comme avant et que la réactivité doit être permanente…
La meilleure preuve de cette réactivité est que certaines des mesures du plan Fillon du 7 novembre dernier ont déjà été intégrées par l’Assemblée nationale dans le projet de loi de finances dont nous entamons la discussion.
Ténacité : elle est parfaitement incarnée par Nicolas Sarkozy, dont personne ne remet en cause le volontarisme salutaire dans cette crise,…
Il faut le dire aux marchés !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… à l’opposé d’un capitaine de pédalo.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Nathalie Goulet proteste également.)
La capacité de négociation de notre Président et son implication personnelle lors du G20, nuit et jour, comme un capitaine à la barre, ont été remarquables, et particulièrement remarquées par nos partenaires européens.
Responsabilité : celle de ne pas renoncer aux mesures nécessaires, voire impopulaires, même à la veille d’une élection présidentielle. Et il en est de même de la responsabilité des collectivités territoriales, qui doivent aussi participer à l’effort ; j’y reviendrai ultérieurement.
Quant à la vérité, elle consiste à reconnaître que nous sommes, à droite et à gauche, coresponsables de la situation actuelle de nos finances publiques. Nous avons laissé filer nos déficits. Nous nous sommes reposés sur des acquis qu’il convenait de faire évoluer : 40 % de notre déficit est lié à la crise, et donc conjoncturel, les 60 % restants résultant de l’accumulation de déficits structurels hérités de ces trente dernières années, accumulés sous des gouvernements de droite, mais aussi de gauche.
Pour ma part, je souhaite rester optimiste : sans doute d’un mal naîtra un bien. Le fait de se retrouver au pied du mur peut même être salutaire. Il faut plus de gouvernance européenne, ce qui ne diluera pas pour autant la France dans une entité supranationale. La France ne sera jamais aussi forte qu’au sein d’une Europe forte.
L’enjeu de cette crise fait ressortir comme jamais notre souveraineté nationale, car des finances publiques saines, c’est la garantie de notre indépendance à l’égard des marchés.
La critique des agences de notation est évidemment de mise : elles n’ont vu venir ni la faillite d’Enron ni celle de Lehman Brothers. Concernant la dette américaine, certaines d’entre telles se trompent, paraît-il, de 2 000 milliards de dollars ! Et que dire de l’annonce erronée de la dégradation de la note de la France, censée avoir perdu son triple A ! Excusez du peu !
Toutefois, nous ne pouvons nous retrancher derrière tout cela, car les agences de notation sont quand même le miroir de nos faiblesses ! Il est toujours difficile, reconnaissons-le, de s’entendre dire certaines vérités. Mais, quoi qu’il en soit, il convient de remédier à nos faiblesses, de conforter l’avenir et, surtout, de ne pas léguer à nos enfants une dette abyssale, des retraites non financées, un système de soins déséquilibré.
Les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances vont assurément dans le bon sens. Le budget que nous examinons, c’est, comme l’a indiqué Mme la ministre, le budget des engagements tenus, avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale.
L’objectif d’augmentation maximale des dépenses fixé par le Parlement n’avait jamais été respecté depuis 1997. Or il l’est de nouveau depuis 2010.
En Europe, tous les pays, sans exception, font des économies sur leurs dépenses publiques, les considérant comme un pilier de leur stratégie de désendettement, en s’appuyant sur les mêmes leviers que nous : notamment le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la réduction du train de vie des administrations ou encore la réforme des systèmes de retraite.
C’est cette politique mise en œuvre par le Gouvernement qui nous a jusqu’à présent permis de conserver notre triple A et nous a évité de connaître une situation analogue à celle que vivent actuellement la Grèce, le Portugal ou encore l’Irlande, des pays qui ont dû baisser les pensions et les salaires. Cette note n’est attribuée, ne l’oublions pas, qu’à douze autres pays dans le monde.
Cet effort d’économie de dépenses doit être partagé par tous, y compris les collectivités territoriales. Dans le cadre du plan Fillon du 24 août dernier, les dépenses de l’État seront réduites, en 2012, de 1 milliard d’euros supplémentaires. Les collectivités territoriales apporteront leur contribution à hauteur de 200 millions d’euros, l’équivalent du poids qu’elles représentent dans le budget de l’État hors charges de la dette et pensions, soit 20 %.
Le groupe UMP approuve pleinement cette politique d’efforts partagés. J’ajoute que, dans un objectif de cohérence avec le strict respect des règles que l’État applique à ses propres dépenses, la répartition de ces 200 millions d’euros a été assurée de manière à en minimiser l’impact. Le choix a été fait de stabiliser en valeur les dotations pour lesquelles une augmentation était prévue.
Des ponctions sur des compensations à venir, ainsi qu’un prélèvement exceptionnel sur les amendes, dont le produit devrait théoriquement augmenter, viennent compléter l’ensemble.
Cet effort s’accompagne d’une sanctuarisation de la DGF, première dotation en valeur. En outre, l’État poursuit ses ajustements de compensation des charges transférées aux collectivités territoriales.
Ainsi, la clause de revoyure prévue pour le revenu de solidarité active va permettre de réévaluer la compensation versée aux départements de manière pérenne, à laquelle s’ajoutent des ajustements ponctuels et la reconduction du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion.
Le Gouvernement n’oublie pas non plus les territoires les plus fragiles. Au sein des dotations de l’État, le développement de la péréquation communale verticale va se poursuivre. Le Gouvernement développe également la péréquation horizontale.
Au-delà du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, qui est reconduit cette année, la mise en place en 2012 du fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales, le FNPRIC, est une avancée majeure en termes d’équité pour nos territoires.
Ce mécanisme de solidarité entre communes et communautés consiste à prélever une partie des ressources des intercommunalités et des communes isolées les plus riches pour la reverser aux intercommunalités et communes les plus défavorisées, classées en fonction d’un indice tenant compte de leurs ressources, du revenu moyen de leurs habitants et de leur effort fiscal. En fonction de ce classement, la moitié des intercommunalités et des communes isolées recevront une attribution de ce fonds.
Cette solidarité au sein du bloc communal se mettra en place progressivement : 250 millions d’euros en 2012, puis une montée en puissance chaque année pour atteindre, à partir de 2016 et chaque année, 2 % des ressources communales et intercommunales, soit plus de 1 milliard d’euros.
C’est la première fois qu’un tel fonds est mis en place au niveau national. C’est aussi la première fois que les intercommunalités sont désignées comme l’échelon de référence de ce mécanisme de solidarité, en cohérence avec la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales.
À titre personnel, madame le rapporteur général, je déplore que vous n’ayez pas davantage souligné ces avancées contenues dans le budget 2012. Vous n’avez pas ménagé vos critiques ; pourtant, l’effort proposé par le Gouvernement est important et bien calibré. Vous déplorez un rendement maximal des mesures contenues dans ce budget de seulement 8 milliards d’euros. Mais c’est faux ! L’effort total supplémentaire sera de 17,4 milliards d’euros d’ici à 2016, dont 7 milliards d’euros en 2012.
Évidemment, sur l’après 2012, on peut raconter ce que l’on veut !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ces mesures s’ajoutent à celles du collectif de septembre, qui représentaient déjà 11 milliards d’euros.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Vous accusez le Gouvernement de feindre d’ignorer qu’il s’agit d’un ajustement
Avec retard !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
... en fonction des évolutions réelles de l’économie et en jouant sur tous les fronts.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Vous semblez préconiser une action forte et rapide, mais c’est le meilleur moyen de casser la faible croissance que nous connaissons aujourd’hui et de déstabiliser notre économie.
Comment faites-vous, alors, pour arriver à 3 % en 2013 ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Selon vous, notre prévision de croissance de 1 % en 2012 est trop importante. Mais le groupe UMP la juge raisonnable et rappelle à ses collègues de la nouvelle majorité sénatoriale ce que le Gouvernement a prévu : 6 milliards d’euros de crédits « mis en réserve » dans le budget de 2012, qui seront, justement, utilisés si la croissance s’avérait plus faible l’année prochaine.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Je ne vais pas détailler vos propositions, madame le rapporteur général. Sur certaines, nous pouvons d’ailleurs nous retrouver : je pense, par exemple, aux jeunes entreprises innovantes.
Néanmoins, je constate que les 5 milliards de recettes supplémentaires provenant des mesures que vous avez proposées reposent entièrement sur des augmentations de prélèvements obligatoires.
Mais ce ne sont pas les mêmes qui paient !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Où sont les économies de dépenses ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Je ne suis pas ministre du budget !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je n’en vois aucune ! C’est d’ailleurs une notion qui paraît vous être totalement étrangère !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
J’ai listé quelques-unes des mesures que vous préconisez : la remise à plat de la réforme des retraites avec un départ possible à soixante ans, la création d’emplois d’avenir, la création de 600 000 emplois verts, un plan pluriannuel de recrutement d’enseignants et de conseillers d’éducation, le rattrapage du pouvoir d’achat du SMIC et des minima sociaux, l’abandon de la révision générale des politiques publiques…
Des dépenses, toujours des dépenses, et aucune économie !
C’est un meeting ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Enfin, quel est le contenu exact de l’accord que votre parti, le parti socialiste, vient de conclure avec les Verts ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
J’avais compris que l’accord était plutôt un désaccord !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quelles en sont les véritables conséquences financières pour notre pays ? Et je ne place que sur le plan financier…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Vous refusez de diminuer les dépenses et de voter une règle d’or, mais vous proposez toujours la même solution : augmenter les impôts.
Et que propose votre candidat, François Hollande, dont vous vous recommandez ? Rien d’autre que ce que le parti socialiste annonce, à savoir une augmentation des impôts de 50 milliards d’euros sur cinq ans, dont la moitié serait affectée à la réduction de la dette.
Mais la vérité du chiffrage est beaucoup plus douloureuse : il est probable que, avec vous, on sera beaucoup plus proche de 126 milliards de nouvelles taxes sur cinq ans et que l’on dépassera les 250 milliards de dépenses supplémentaires entre 2012 et 2017.
(Mme la rapporteure générale s’apprête à quitter l’hémicycle.)
Je constate que ce que je dis est tellement difficile à entendre pour vous que cela vous fait quitter l’hémicycle…
Rassurez-vous, je vais revenir !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Résultat : les impôts augmenteront sans régler la question de la dette, et les finances de la France et des Français se retrouveront dans le rouge.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
La première victime de cette politique sera la famille, que vous percevez comme une vache à lait fiscale, avec la suppression du quotient familial et le rétablissement des droits de succession, par exemple, mais aussi une augmentation incontrôlée et non finançable des dépenses publiques, une multiplication des impôts sur les classes moyennes, une explosion de la dette, une fragilisation de notre tissu entrepreneurial et des emplois qui y sont liés.
Je vous le dis : si, demain, vous êtes au Gouvernement, c’est la faillite assurée de la France et des Français !
Ben voyons !
M. Serge Larcher.
Vous voulez, paraît-il, « réenchanter le rêve français ». La vérité, c’est que, derrière ce discours qui se veut enchanteur, vous nous préparez des lendemains qui déchantent !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. François Marc.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat entame aujourd’hui l’examen d’un projet de budget comportant 362 milliards d’euros de dépenses et 274 milliards d’euros de recettes.
M. François Marc.
En conséquence, en 2012, la France devra encore emprunter plus de 80 milliards d’euros pour faire face à ses dépenses courantes et, à la fin de l’année, l’endettement sera ainsi porté à 1 807 milliards d’euros, soit 87,4 % du PIB. Du jamais vu dans notre pays !
Cette dérive de nos finances publiques s’inscrit dans un contexte inquiétant de crise profonde de la finance de marché et d’un système bancaire gangrené par une spéculation sans limites.
À vrai dire, voilà déjà dix ans que l’état de crise s’est profondément installé dans les économies occidentales. Le 2 décembre 2001, la colossale faillite de la société américaine Enron secouait la finance mondiale. Une première bulle spéculative, celle de ce que l’on appelait la « nouvelle économie », explosait, avec toutes les conséquences que l’on sait.
Tirant les enseignements de ce déclenchement de crise, les économistes et les experts furent nombreux à pointer les dérives du capitalisme financier. L’un d’entre eux, Patrick Artus, économiste bien connu, titrait son ouvrage très remarqué :
Le capitalisme est en train de s’autodétruire
Durant cette décennie troublée, qu’a entrepris le gouvernement français pour parer aux effets pervers de cette dérive et entreprendre une meilleure régulation économique ? Très peu de choses à vrai dire !
Pourtant, les véhicules législatifs n’ont pas manqué aux gouvernements de droite en place depuis 2002 pour renforcer les outils d’incitations, de régulation et de contrôle. Je pense à la loi dite « de sécurité financière » en 2003, à la loi de transposition de la directive sur les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF, en 2005, ou encore à la loi de modernisation de l’économie en 2008.
Lors de chacun de ces débats législatifs, j’ai, avec mon groupe, formulé de nombreuses propositions d’amendements pour durcir la régulation, restreindre les rémunérations éhontées des dirigeants ou fiscaliser plus durement les activités spéculatives. Peine perdue...
La vérité, c’est que la philosophie « libérale » des gouvernements en place ces dernières années s’est, dans les faits, accommodée d’une régulation
Résultat de cette régulation
L’enseignement à tirer est très clair à mes yeux : depuis toutes ces années, les gouvernements se sont endormis en laissant libre cours à la voracité des marchés. Ils se sont satisfaits, de façon coupable, du vœu pieux de l’« autorégulation » des financiers et des banquiers.
D’ailleurs, avant de partir pour Washington, Mme Christine Lagarde ne nous assurait-elle pas, ici même, au printemps dernier, que tout allait bien pour les banques françaises, qui n’avaient, selon elle, nul besoin d’être recapitalisées ? À travers la dégringolade accélérée de cet été, on a vu où menait cette vision pour le moins angélique et déconnectée de la réalité !
Si la crise financière a créé un état de défiance généralisé et gravement affecté l’état de nos finances publiques, appelées à la rescousse, elle n’est pourtant responsable que d’un tiers du très lourd déficit – de 87 milliards d’euros – présenté dans ce budget. Le déficit de la France est structurel pour deux tiers et conjoncturel pour un tiers. Le constat est donc accablant pour les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 !
Madame la ministre, vous nous disiez qu’il fallait retenir trente-cinq années de dérive, de laxisme ou d’incurie. Notez bien que, sur les 1 800 milliards de dette, 500 milliards s’expliquent par la politique menée en France depuis l’élection de Nicolas Sarkozy !
Il y a eu une crise !
Mme Valérie Pécresse,
En cinq années, nous aurons eu une dette supplémentaire de 500 milliards ! C’est considérable !
M. François Marc.
Mais il y a eu une crise, monsieur Marc !
Mme Valérie Pécresse,
Le coût de la dette devient progressivement le principal poste des dépenses du budget et les projections sont extrêmement préoccupantes.
M. François Marc.
Pourtant, depuis des années, nous vous alertons, avec mon groupe, sur l’inconséquence des choix fiscaux de la décennie. Au total, pas moins de 18,4 milliards de cadeaux fiscaux par an ! En cause : les réformes successives de l’impôt sur le revenu, la baisse des droits de mutation à titre gratuit, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier et j’en passe…
Madame la ministre, pourquoi ne pas reconnaître que cette politique de recettes a creusé le déficit et gonflé la dette ? Voilà des années que notre pays aurait dû sortir de l’économie d’endettement. Or la France se trouve actuellement dans une situation complètement insensée : ses conditions de financement réelles, le fameux « standing de créance », sont moins bonnes que celles des grandes entreprises privées internationales, comme Danone ou Coca-Cola ! C’est dire où nous en sommes...
Nos mauvais résultats ne trompent pas nos créanciers. Notre pays flirte avec la récession. En octobre, l’activité économique a reculé, industrie et services compris : ralentissement de l’investissement des entreprises, déficit commercial record de 73,1 milliards, baisse de la consommation des ménages...
Dans ce contexte, il semble évident que le Parlement examine un budget déjà obsolète. Mais nous sommes habitués à cette navigation à vue. Depuis quatre ans, à travers les collectifs budgétaires récurrents auxquels il recourt, le Gouvernement a pris la manie de se déjuger continuellement. Une fois de plus, on est dans l’improvisation la plus totale, avec des projets de lois de finances rectificatives qui se succèdent !
Cette politique fiscale aventureuse était annoncée comme porteuse de résultats prometteurs sur la croissance et l’emploi... Depuis 2002, en effet, les ministres successifs de l’économie garantissaient au Parlement que les baisses d’impôts seraient salutaires pour notre pays et sources de croissance additionnelle.
En septembre 2007, alors que François Fillon se disait être « à la tête d’un État en situation de faillite », le conseiller spécial de l’Élysée, Henri Guaino, faisait une déclaration qui illustre l’ensemble de la démonstration : « On ne peut pas rechercher l’équilibre des comptes publics en soi, sinon, il ne reste plus qu’à se jeter par la fenêtre. Les déficits génèrent de la croissance, qui permettra ensuite de les combler. » CQFD !
Henri Guaino est un grand keynésien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je répète : CQFD. Il faut créer du déficit, ce qui permet de stimuler de la croissance, laquelle permet ensuite de combler les déficits !
M. François Marc.
Mes chers collègues, avec cette politique fiscale désastreuse, on voit où nous en sommes rendus aujourd’hui. Seul résultat observable : la dette publique a bondi de près de 500 milliards d’euros, mais pas de croissance supplémentaire. Un vrai fiasco !
J’en viens à présent à la teneur de ce projet de budget pour 2012. Ses différentes composantes seront examinées dans le détail dans les prochains jours et nous manifesterons, à travers nos nombreux amendements, une ambition forte pour le rééquilibrage de la fiscalité, la recherche d’une plus grande équité, sans oublier les nécessaires réponses à apporter aux attentes des populations les plus fragilisées par la crise.
Dès lors, en cet instant, je m’en tiendrai à trois observations portant sur les collectivités locales, les entreprises et la fiscalité des ménages.
Mon premier sujet de préoccupation a trait à la désinvolture manifestée, dans ce budget, à l’égard des collectivités locales.
Depuis 1982, les collectivités locales se sont vu confier des compétences multiples par notre République, constitutionnellement décentralisée depuis 2004. Pour autant, la question des moyens des services publics de proximité décentralisés se pose de façon lancinante.
Si l’autonomie financière a, elle aussi, fait l’objet d’une inscription dans la Constitution en 2004, elle vient d’être totalement remise en question par la loi de finances pour 2010, qui porte réforme de la taxe professionnelle : désormais, régions et départements ne disposent quasiment plus d’aucune autonomie fiscale !
Comment l’État se soucie-t-il d’apporter la compensation nécessaire à cette perte d’autonomie ? La réponse ne manque pas d’inquiéter tous nos élus des territoires...
Ces dernières années, les collectivités ont largement contribué – à hauteur de près de 75 % – à l’investissement public en France. Vont-elles pouvoir poursuivre cet indispensable effort d’équipement et de soutien au développement local ? Rien n’est moins sûr !
Elles subissaient déjà les rigueurs du gel en valeur des concours financiers de l’État. Or ce budget pour 2012 entend les faire contribuer à hauteur de 200 millions d’euros à l’effort supplémentaire de réduction des dépenses. Pourquoi un tel acharnement ?
Vous nous indiquiez tout l’heure, madame la ministre, que les collectivités doivent participer à l’effort collectif. Mais j’attire votre attention sur le fait que les départements supportent aujourd’hui une charge supplémentaire « mécanique » de 1 milliard d’euros par an. Ils fonctionnent en effet à guichet ouvert, l’État fixant les conditions d’accès aux droits servis par les départements.
M. Albéric de Montgolfier.
Dans ces conditions, comment faire face ? Cet effort de 200 millions d’euros qui est imposé aux collectivités impacte directement la solidarité financière. Pourquoi pénaliser ainsi la péréquation, spécialement au regard du danger lié aux inégalités territoriales, déjà criantes ?
M. François Marc.
Plusieurs modifications s’imposent donc à nos yeux, et nous proposerons des amendements à cet égard.
Pour ce qui concerne les nouveaux mécanismes de péréquation horizontale, le Sénat, lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales », se devra d’adopter les amendements visant à permettre une meilleure égalité de traitement des territoires.
Pour les obligations de péréquation verticale, dont l’État ne peut se dessaisir, je proposerai d’abonder de 350 millions d’euros les dotations de solidarité aux territoires les plus démunis.
Il sera essentiel, par ailleurs, d’inscrire dans le présent projet de loi de finances nos ambitions, qu’il conviendra de chiffrer, pour ce qui concerne la réduction programmée des écarts de richesses entre collectivités, à l’instar de ce que prévoit le dispositif allemand.
Enfin, notre groupe soutiendra la proposition de la commission des finances visant à rejeter le prélèvement exceptionnel de 200 millions d’euros sur les collectivités.
Je souhaite évoquer à présent la situation faite aux PME dans notre pays.
Chacun le sait, durant ces dernières années, un sensible rééquilibrage de la fiscalité s’est opéré au détriment des ménages et en faveur des entreprises. Le rapporteur général de l’Assemblée nationale indiquait d’ailleurs récemment que les entreprises étaient les grandes gagnantes de la politique fiscale de ce gouvernement.
Permettez-moi de rappeler quelques faveurs octroyées depuis trois ans : 5 milliards à 6 milliards d’euros par an grâce à la réforme de la taxe professionnelle ; 1,4 milliard d’euros à la suite de la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle ; 5,3 milliards d’euros, l’an prochain, en vertu du renforcement du crédit d’impôt recherche ; 3 milliards d’euros grâce à l’adoption d’une TVA à taux réduit dans la restauration ; et, enfin, montée en puissance de diverses niches fiscales adossées à l’impôt sur les sociétés.
Indépendamment des appréciations que l’on peut porter sur ce rééquilibrage de la fiscalité des entreprises au détriment des ménages, se pose la question du traitement réservé aux PME.
Je souhaite, mes chers collègues, attirer votre attention sur une dépêche parue aujourd’hui dans
Vous vous en réjouissez, bien sûr…
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Loin de là, monsieur le président de la commission !
M. François Marc.
En quoi la politique fiscale peut-elle favoriser le développement des PME ? La question est cruciale, car leur poids et leur rôle dans l’économie française est fondamental. Ces entreprises représentent plus de la moitié de l’emploi salarié, 42 % de la valeur ajoutée et sont essentielles pour l’insertion professionnelle des jeunes, dont nous avons beaucoup parlé aujourd’hui.
Si l’État souhaite réellement améliorer la situation de l’emploi, il doit résolument se tourner du côté des PME, car elles enrichissent l’économie réelle du pays.
Au printemps 2011, dans notre proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l'impôt sur les sociétés et à favoriser l'investissement, nous nous étions notamment penchés sur l’injustice fiscale entre entreprises. Malheureusement, aucune suite n’a été donnée à ce texte.
Aujourd’hui, la situation semble évoluer dans le bon sens. L’actualité est à la dénonciation des inégalités fiscales entre les grands groupes et les PME. Le Gouvernement a fini par les reconnaître, comme en témoigne la surtaxe d’impôt sur les sociétés, qui serait acquittée à titre provisoire par les grands groupes. J’aurai l’occasion de revenir, au cours de l’examen des articles, sur l’amélioration de l’égalité fiscale des entreprises en France, en reprenant l’idée majeure que nous avions évoquée dans notre proposition de loi.
En rester à cette avancée bien trop modeste et temporaire du projet de loi de finances ne peut nous suffire. Il est aujourd’hui essentiel d’enclencher une stratégie de croissance orientée et adossée au tissu des PME. C’est une vraie politique de l’innovation en France qui créera des emplois dans la durée. Pour retrouver son élan et son dynamisme, notre pays est tout à fait capable de se retrousser les manches. Encore faut-il qu’il valorise bien davantage ses PME par des choix fiscaux plus volontaristes.
Enfin, parce qu’il ne peut y avoir de croissance sans une meilleure justice fiscale, je veux aborder la question de l’iniquité de notre système fiscal et souligner la nécessité de sa réforme globale. Le constat est en effet accablant.
Madame la ministre, cet été, les experts du ministère de l’économie ont identifié, dans un rapport que vous connaissez bien, des niches fiscales et sociales représentant plusieurs dizaines de milliards d’euros et susceptibles d’être abrogées. Sans impact significatif sur l’économie française, la suppression de ces niches engendrerait des recettes très substantielles.
Pourquoi le Gouvernement ne suit-il pas ces préconisations dans ce projet de loi de finances ? À la place, il préfère des hausses d’impôts furtives, et aussi indolores que possible. L’exemple type en est le taux intermédiaire de TVA sur un certain nombre d’activités et produits.
Ne serait-il pas plus juste et plus pertinent de supprimer purement et simplement certaines niches fiscales, repérées comme économiquement inutiles ?
Au contraire, avec sa trentaine de taxes nouvelles, le projet de budget pour 2012 prévoit l’instauration d’un prélèvement de 1,1 milliard d’euros sur les mutuelles, une augmentation de 800 millions d’euros la CSG et une hausse des taxes sur les tabacs et l’alcool. Rien de très cohérent dans cette cascade de taxes sournoises ! Le système fiscal en sort de plus en plus complexe, illisible et injuste.
Solliciter davantage ceux qui ont le plus de moyens en s’appuyant sur une trajectoire lisible : voilà qui apporterait de la crédibilité à ce budget, tout en répondant au problème actuel des inégalités croissantes.
Le projet de budget qui nous est proposé pour 2012 tourne le dos à ces objectifs. Malgré des mesures d’affichage, l’effort reste très déséquilibré entre les ménages.
La taxe sur les très hauts revenus représentera 400 millions d’euros, alors que les ménages aisés continueront à bénéficier à plein du maintien des niches fiscales « officielles » annexées au projet de loi de finances pour 2012, qui leur permettront globalement de conserver pour eux 65,9 milliards d’euros !
Comme l’an dernier, les classes moyennes, les jeunes actifs et les femmes seront les grands perdants. En 2012, ils subiront l’effet concomitant du ralentissement de la croissance sur leurs salaires, de la baisse des budgets sociaux et éducatifs et de la poursuite de la remontée du chômage, particulièrement chez les jeunes.
Faut-il le rappeler, en 2013, les nouvelles hausses d’impôts du plan Fillon II pèseront, pour 86 % d’entre elles, sur les ménages.
Tout cela rappelle les inquiétantes conclusions du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, selon lequel les prestations sociales réduisent moins les inégalités de revenus que par le passé, tandis que l’impôt sur les ménages est devenu moins progressif et moins redistributif.
Ce projet de budget pour 2012 ne fait que confirmer la poursuite d’une politique fiscale injuste et inefficace.
Madame la ministre, mes chers collègues, ma conclusion ne surprendra donc personne : la politique fiscale dont la France a besoin ne saurait être un assemblage d’annonces de plusieurs cures d’amaigrissement sans véritable cohérence.
Le projet de loi de finances pour 2012 peut être l’occasion d’une remobilisation des Français au travers de la mise en place de mesures équitables et comprises par tous.
Force est de constater, madame la ministre, que votre texte est profondément éloigné de cette exigence. Soyez donc assurée que la majorité sénatoriale s’attachera, par les amendements qu’elle a déposés, à promouvoir une autre voie financière, plus ambitieuse pour la France et plus juste pour les Français !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Serge Dassault.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à mes yeux, ce qui est fondamental, c’est le retour à l’équilibre budgétaire. Or beaucoup omettent d’en parler, n’évoquant que la nécessité de réduire la dette. Certes, la diminution de la dette est fondamentale, mais elle ne pourra se produire que lorsque nous serons revenus à l’équilibre budgétaire. Celui-ci est, en effet, la condition impérative d’un arrêt de l’augmentation de la dette, et le fait de dégager un excédent budgétaire nous mettra en mesure de rembourser une partie du capital de la dette.
M. Serge Dassault.
En résumé, tant que l’équilibre budgétaire ne sera pas atteint, la dette continuera à augmenter chaque année du montant du déficit, la charge de la dette s’accroissant de 3 milliards à 4 milliards d’euros par an, et cela à supposer que les taux restent constants…
Pour cette raison, l’objectif consistant à ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013 et à l’équilibre en 2016 est un objectif majeur.
Depuis 1981, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont multiplié aides, réductions de charges et allégements d’impôt, qu’ils ont financés par des emprunts.
Pas tous !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il faut le reconnaître, une telle politique n’est plus possible, car nous n’en avons plus les moyens. Ce n’est pas à l’État de payer les charges et les impôts à la place des contribuables et des entreprises. Car, ce faisant, il se prive de recettes et doit ensuite emprunter
M. Serge Dassault.
Permettez-moi, madame la ministre, mes chers collègues, de vous soumettre quelques propositions.
Il est flagrant que, avec nos 35 heures, nous ne travaillons plus assez par rapport à nos concurrents. Sans doute est-ce très agréable de ne pas travailler, mais nous n’avons plus les moyens de financer les 35 heures ! D’autant qu’elles nous coûtent à tous – personne ne le dit – 24 milliards d’euros d’allégements de charges chaque année, et cela pour ne pas travailler… C’est tout de même un peu excessif !
J’estime donc qu’il faudrait revenir aux 39 heures légales payées 39, comme avant 1998 – quand personne ne demandait rien ! –, ce qui permettrait au passage de supprimer tous les allégements de charges qui n’existaient pas à l’époque.
Cette mesure est vitale, aussi bien pour réduire nos déficits que pour favoriser la reprise tant attendue de notre croissance, laquelle dépend essentiellement de nos exportations.
Mais il faut aussi reconnaître à cet égard que la valeur trop élevée de l’euro pénalise nos exportations vers la zone dollar. C’est pourquoi il conviendrait en outre de parvenir à dévaluer l’euro – mais ce n’est pas l’objet du débat de cette après-midi.
Chacun doit comprendre que les aides diverses accordées depuis 1997 par l’État sont difficilement compatibles avec la volonté de réduire nos déficits, même si chacun peut aussi trouver un intérêt à leur existence.
Il faudrait s’interroger non seulement sur les allégements de charges pesant sur les entreprises, mais aussi sur l’utilité de certains dispositifs qui coûtent très cher : les contrats aidés non marchands, dont l’efficacité n’est pas mesurable ; la prime pour l’emploi, dont on ignore les effets réels ; la réduction d’impôt pour les emplois à domicile, dont on ne sait pas s’ils contribuent vraiment à réduire le chômage et le travail au noir. Et pourquoi ne pas revenir au taux normal de TVA dans le secteur de la restauration, puisque l’application du taux réduit n’a pas produit la baisse des prix attendue ? On pourrait également, comme cela a été dit, aller plus loin dans la suppression des niches fiscales.
Quoi qu'il en soit, tout cela représenterait des économies appréciables.
J’ajoute que revenir à la situation de 1997, ce ne serait pas mener une politique de « rigueur » puisque les mesures que j’ai mentionnées n’existaient pas avant 1997 et que personne, alors, ne prétendait que nous étions dans la « rigueur »…
Je rappelle que ce n’est pas à l’État de payer des charges et des impôts à la place des contribuables et des entreprises. Ou alors, qu’il les supprime ! Ce serait plus simple !
La création d’une TVA sociale permettrait, en revanche, de réduire les charges pesant sur les salaires, mais seulement en partie.
Je propose aussi de mettre en place un « coefficient d’activité » : il permettrait de réduire les charges au titre de la maladie et de la famille pour les entreprises de main-d’œuvre en les reportant sur les entreprises de services, les importateurs et les délocalisateurs. Notre production nationale s’en trouverait favorisée.
Je soutiens, enfin, une augmentation de la réserve de participation, dont le montant pourrait devenir égal à celui des dividendes distribués. Cette mesure augmenterait le pouvoir d’achat des salariés sans alourdir le coût de la production. J’applique ce principe au sein de Dassault Aviation depuis plus de vingt ans : nous distribuons chaque année aux salariés trois à quatre mois de salaire sous forme de participation.
En tout cas, toute augmentation de dépenses serait catastrophique, de même que l’arrêt de nos centrales nucléaires.
Telles étaient, madame le ministre, mes chers collègues, les propositions dont je voulais vous faire part.
J’insiste en particulier sur la nécessité d’un retour aussi rapide que possible aux 39 heures, qui représenterait une économie de 24 milliards d’euros. Ce supplément de travail serait en outre salutaire pour les entreprises. Et, surtout, qu’on ne touche pas à nos centrales nucléaires, qui ne posent aucun problème !
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait plus de trois décennies que le Parlement n’a pas voté un budget en équilibre. Depuis 1975, nous vivons à crédit. Comme l’a écrit le fabuliste, « ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ».
M. Vincent Delahaye.
L’État, notre système de protection sociale, nos retraites, nos collectivités territoriales, nos fonctionnaires et nous-mêmes, mes chers collègues, vivons à crédit du mois de septembre au mois de décembre… Heureusement que nous avons encore des prêteurs : sinon, nous serions sur la paille !
Pendant trop longtemps, nous avons attendu le retour d’une croissance économique providentielle pour soulager notre addiction à la dépense publique ; pendant trop longtemps, nous avons dépensé à crédit sur le compte des générations à venir.
Nous n’avons tout simplement pas compris que le modèle de secteur public bâti pendant les Trente Glorieuses, quand notre croissance annuelle était de 5 % et que notre démographie nous permettait de financer notre protection sociale par des cotisations, est aujourd’hui révolu.
L’actuelle crise des dettes souveraines nous ramène brutalement à la triste réalité : nos créanciers nous demandent des comptes et perdent confiance en notre signature. Je ne suis pas sûr que, si nous lancions aujourd’hui un emprunt d’État, les Français seraient très nombreux à transformer leur épargne en obligations de l’État français…
L’augmentation des taux auxquels nous empruntons alourdira la charge de notre dette lors des prochains exercices. Nous sommes engagés dans un cercle vicieux, pis, dans une spirale infernale !
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a fixé la trajectoire que doit suivre la réduction de notre déficit. Les marchés n’ont pas été aussi patients ; ils nous ont pris de court. On peut les juger excessifs, mais la réalité demeure.
Le projet de loi de finances pour 2012 est décisif : en sus d’envoyer un signal clair et fort à nos investisseurs, nous devons nous engager fortement et durablement dans la voie du désendettement et du retour à l’équilibre.
Si l’objectif est connu, les moyens de l’atteindre le sont moins ; ils appellent d’importants choix politiques. Trois possibilités nous sont offertes : augmenter les recettes et alourdir notre fiscalité, diminuer nos dépenses à fiscalité constante ou combiner ces deux options.
Le projet de loi initial du Gouvernement, voté par l’Assemblée nationale et renforcé par les annonces que le Premier ministre a faites le 7 novembre dernier, combine précisément augmentation des recettes et réduction des dépenses. Malheureusement, les recettes nouvelles sont beaucoup trop nombreuses par rapport à l’effort consenti sur les dépenses : sur les 18 milliards d’euros d’efforts annoncés, 2 milliards d’euros seulement proviennent d’une baisse des dépenses.
Nous proposons d’aller plus loin en liant l’effort sur les recettes et l’effort sur les dépenses. Pourquoi ne pas nous mettre d’accord sur cette norme générale : un euro de dépense en moins pour un euro de recette en plus ?
En effet, c’est une très bonne règle !
Mme Valérie Pécresse,
Je souhaite faire deux remarques générales au sujet des hypothèses sur lesquelles repose en partie la construction du budget.
M. Vincent Delahaye.
Pour ma part, je m’attends en 2012 à une croissance économique malheureusement plus proche de 0 % que de l’hypothèse de 1 % retenue par le Gouvernement. Sans prétendre avoir une compétence scientifique comparable à celle des services du ministère des finances, je m’interroge sur la sincérité de ce budget. J’espère obtenir quelques précisions dans le cours de la discussion.
De nombreux États membres de l’Union européenne construisent leurs budgets sur des hypothèses volontairement restrictives : c’est notamment le cas du Danemark et des Pays-Bas.
Nous pourrions retenir cette méthode : prendre pour référence la moyenne des estimations des économistes – elle est aujourd’hui de 0,9 %, au mieux – et retrancher un demi-point, dans un souci de prudence.
La prudence, principe de base de la comptabilité, est aussi une vertu s’agissant de budget. Elle nous épargnera, j’en suis sûr, des mauvaises surprises ; et, en matière financière, elles sont toujours particulièrement désagréables !
En examinant les dispositions du projet de loi de finances relatives aux recettes, nous avons aussi remarqué l’inscription, au titre des recettes non fiscales, de 5 milliards d’euros provenant d’opérations de cession de participations de l’État. Or nous ne disposons d’aucune indication sur les actifs qui pourraient être concernés. Quelles participations seraient cédées et selon quel calendrier ? Est-il vraiment réaliste de compter sur cette recette très hypothétique ? La sincérité de notre budget ne s’en trouve-t-elle pas compromise ?
Ces remarques sur la prudence et la sincérité étant faites, j’aborde la question des recettes fiscales.
Le groupe de l’Union centriste et républicaine est attaché à une évolution de la fiscalité favorisant davantage la compétitivité économique, donc la création d’emplois.
Nous ne souhaitons pas nous lancer dans une concurrence fiscale préjudiciable aussi bien à nos finances publiques qu’à celles de nos voisins européens ; loin de nous l’idée de soutenir un quelconque
Comme les États-Unis, nous accusons un double déficit : à celui de notre budget s’ajoute celui de notre balance commerciale, qui représente 75 milliards d’euros. C’est autant de richesses qui ne sont pas réinvesties au profit de nos entreprises.
Une fiscalité moins compétitive signifie de l’activité en moins, des chômeurs en plus et des recettes d’impôt sur le revenu, de CSG et de TVA grevées à mesure que les caisses d’assurance chômage se vident.
Au-delà de la seule mécanique économique de l’impôt, notre système s’enfonce dans des subtilités byzantines qui le rendent aussi illisible qu’injuste.
L’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés sont grevés par plus de 65 milliards d’euros de niches fiscales. Elles sont une source d’iniquité dans notre société et contribuent à rendre notre système fiscal de plus en plus dégressif, donc injuste envers les moins favorisés.
L’impôt sur les sociétés est marqué par une divergence sans cesse plus grande entre son taux facial, que toutes les entreprises devraient supporter, et son taux réel, qui peut s’avérer dérisoire pour certains groupes.
Il ne s’agit pas d’aligner l’imposition de toutes les sociétés sur le taux le plus élevé, mais de refonder globalement la fiscalité des entreprises pour éviter de pénaliser la production tout en disposant d’impôts justes, aux rendements performants.
Songez, mes chers collègues, que l’imposition de la production représente dans notre pays près de quinze points de la richesse annuelle, soit deux points de plus que dans l’ensemble de l’Union européenne et quatre points de plus qu’en Allemagne. Structurellement défavorisés par rapport à nos principaux partenaires commerciaux, nous devenons de moins en moins compétitifs. Or moins de compétitivité, c’est moins de croissance, moins d’emplois, donc moins de recettes fiscales de toute sorte.
En matière de taxes, les récents débats ont montré que l’imagination était au pouvoir, y compris au Sénat. Tout, décidément, aura été essayé : même la création, en une seule soirée, de dix-sept nouveaux prélèvements pour un montant global de 5 milliards d’euros…
Des mesures s’imposent pour restaurer la compétitivité et l’efficacité fiscales. Pour leur part, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine sont attachés à une réforme profonde et globale, qui nous permette de sortir de l’ornière du déficit public structurel.
Notre collègue Aymeri de Montesquiou a, dans son excellente intervention, évoqué l’instauration d’une « TVA-compétitivité » destinée à soutenir la modernisation de notre économie.
Nous proposons également une réduction importante des niches fiscales, propre à restaurer l’efficacité de nos impôts dans la forme, c’est-à-dire selon l’assiette et le taux qui sont réellement les leurs.
Cette réforme doit servir de préalable à la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu, voire de deux, ce qui permettra d’accroître le produit de ce prélèvement.
C’est la raison pour laquelle nous proposerons, sur l’initiative de Jean Arthuis, de remplacer la contribution exceptionnelle prévue à l’article 3 du projet de loi de finances par deux tranches supplémentaires d’impôt sur le revenu.
Très bien !
Mme Nathalie Goulet.
De la sorte, l’alourdissement de l’imposition des hauts revenus sera plus durable qu’avec le dispositif proposé par le Gouvernement.
M. Vincent Delahaye.
Ces orientations fiscales sont seulement le premier pilier d’une véritable politique d’assainissement de nos finances.
Après la question des recettes, il me faut aborder celle de la nécessaire réduction de nos dépenses publiques.
Le secteur public est comptabilisé dans notre produit intérieur brut par le montant de ses dépenses : celles-ci représentent aujourd’hui près de 56 % de notre production nationale. Mais, derrière la réalité comptable, il convient de se représenter les grandes masses en jeu.
Certaines dépenses semblent – j’insiste bien sur ce verbe – incompressibles. C’est le cas du service de notre dette, deuxième poste de dépenses de l’État, qui représentera près de 49 milliards d’euros en 2012. À moins de vouloir nous placer tout de suite en situation de défaut, nous ne pouvons pas y toucher : il y va de la qualité de notre signature.
Les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne sont rendus obligatoires par notre participation aux institutions de l’UE : nous ne pouvons pas non plus y toucher.
De la même manière, les rémunérations et pensions de retraite nous sont présentées comme intouchables.
Quant aux dotations aux collectivités territoriales, elles ont d’ores et déjà été limitées dans le cadre du gel de l’enveloppe, en volume comme en valeur. N’y touchons plus !
Ainsi, avant même le début de tout examen détaillé, il apparaît que 240 milliards d’euros de dépenses sur les 360 milliards d’euros inscrits au budget de l’État ne peuvent être rognés…
Restent les missions de la deuxième partie du projet de loi de finances, qui représentent 120 milliards d’euros de dépenses, hors rémunérations. Or, à ma grande surprise, les propositions de réduction de dépenses se font rares, y compris sur les travées de la majorité sénatoriale, qui, en commission des finances, vote souvent contre des crédits qu’elle juge insuffisants…
Force est de le constater, nous sommes face au paradoxe des grandes et des petites missions. Les missions les plus importantes sont gourmandes en moyens : jamais l’éducation nationale n’a disposé de crédits aussi importants, mais les moyens paraissent toujours manquer !
À l’inverse, on nous répète à l’envi que les crédits des missions plus modestes peuvent croître : les montants en cause seraient « indolores », ce seraient autant de gouttelettes dans l’océan de la dépense publique…
Par exemple, j’ai été choqué de découvrir le budget de l’audiovisuel et de l’aide à la presse.
Mme Nathalie Goulet.
Un petit budget, disent certains. Mais il représente tout de même 2,7 milliards d’euros : beaucoup s’en contenteraient !
M. Vincent Delahaye.
Je n’ai entendu nulle part, ni au Gouvernement ni sur les travées de l’opposition, ou plus exactement de la majorité sénatoriale – excusez-moi, mes chers collègues ! –, que l’audiovisuel et la presse étaient des priorités en ces temps de crise aiguë de nos finances publiques. Eh bien, figurez-vous que les crédits concernés augmenteront en 2012 de 2,7 %, c'est-à-dire de 60 millions d’euros. Et pas question d’y toucher : c’est trop dangereux !
Avec des raisonnements pareils, nous n’y arriverons jamais !
Aucune administration ne souhaite voir ses crédits réduits. L’effort est toujours effrayant. Il est pourtant possible, comme vous nous en avez fait la démonstration, madame la ministre, en annonçant une économie supplémentaire de 200 millions d’euros sur l’exercice 2011.
Madame la ministre, mes chers collègues, il nous faudra faire preuve d’un supplément de courage pour 2012. La période électorale, qui s’est ouverte très tôt, n’est pas propice à la rigueur. Nous le savons bien, cette rigueur est pourtant indispensable pour échapper à la catastrophe.
L’effort ne pèsera pas que sur les autres. Nous devons tous en prendre notre part de manière juste et équitable. En des temps aussi troubles, la justice et la transparence sont plus que jamais impératives.
On a coutume de dire que la sagesse est une vertu largement répandue sur les travées de notre Haute Assemblée. Je suis sûr que le courage l’est aussi. Il y a parmi nous beaucoup plus de courageux qu’on ne le pense:
Et de courageuses !
Mme Nathalie Goulet.
Et de courageuses, bien sûr !
M. Vincent Delahaye.
(Sourires.)
Le moment est venu de le montrer.
Après le festival de taxes de la première partie, qui m’a, il faut bien le dire, plutôt donné la nausée, j’ai hâte d’assister, madame la ministre, mes chers collègues, au réveil des courageux : vivement la seconde partie !
(Applaudissements
sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
La parole est à M. Marc Massion.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes dans une situation un peu particulière dans la mesure où nous débattons d’un budget qui n’est plus totalement d’actualité depuis l’annonce du dernier plan de rigueur. Ce budget, qui sera amélioré par nos amendements, sera sans doute malheureusement laminé par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale.
M. Marc Massion.
Tant pis pour eux !
Mme Nathalie Goulet.
Pourquoi cette situation de budget quasi caduc ? Parce que le Gouvernement s’est entêté à maintenir dans ses prévisions un taux de croissance de 1,75 %, alors que tous les indicateurs européens et nationaux annonçaient que cela ne serait pas tenable.
M. Marc Massion.
Vous avez cru rassurer les marchés et, comme l’hypothèse n’était pas viable, vous avez été rattrapés par la nécessité d’une révision du taux de croissance.
Et vous recommencez avec le dernier plan présenté par le Premier ministre, avec une croissance estimée à 1 % !
Je m’interroge. Trois jours après cette annonce, la Commission européenne faisait savoir que la croissance ne serait au mieux que de 0,6 % et que de nouvelles mesures s’imposaient. Je m’interroge parce que j’imagine que, entre Bruxelles et Paris, il y a quand même des échanges d’informations. En annonçant 1 % de croissance, saviez-vous que, trois jours plus tard, la Commission allait indiquer 0,6 % ? Avez-vous volontairement annoncé un taux de croissance qui serait aussitôt remis en cause ?
Je n’ignore pas que, pour tous les gouvernements, la tendance est à inclure dans la prévision de croissance une part de volontarisme. Mais cela n’est pas de mise quand la situation est particulièrement sérieuse, comme aujourd’hui. Le volontarisme doit céder la place à la lucidité et à la vérité.
« Il faut dire la vérité aux Français », prônez-vous régulièrement. Mais votre vérité semble vous interdire l’emploi de certains mots. Il en est ainsi du mot « rigueur ». M. Bruno Le Maire serait le premier membre du Gouvernement à avoir osé l’employer et à l’assumer. J’ai tendance à le croire : il sait de quoi il parle ! D’autant qu’il est chargé du projet de l’UMP pour la présidentielle.
Autre mot apparemment tabou, celui de « récession ». Y a-t-il un risque de récession dans notre pays en 2012 ? C’est au Gouvernement de le dire clairement. Ce n’est pas aux commentateurs, aux journalistes, si compétents soient-ils, de le dire ou de le laisser supposer.
C’est la responsabilité du Gouvernement de dire la vérité aux Français. Mais la vérité, vous ne la dites pas !
Par exemple, s’agissant de la dette, j’entendais le Premier ministre affirmer que, depuis trente ans, tous les gouvernements, de gauche et de droite, avaient présenté des budgets en déficit et ainsi alimenté la dette. Gauche et droite dans le même sac ! À égalité !
Il m’est alors revenu une expression de Coluche, qui disait ceci : « On est tous égaux, mais il y en a qui le sont un peu plus que d’autres ! »
(Sourires.)
Mme Nathalie Goulet et M. François Marc.
Eh bien, il en va de même quant à la responsabilité des divers gouvernements dans l’accumulation de la dette, François Marc l’a démontré tout à l’heure. Nous sommes tous responsables, mais il y a des gouvernements qui sont plus responsables que d’autres. Et c’est sous les gouvernements Fillon, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, que la dette a véritablement explosé.
M. Marc Massion.
Il ne suffit pas d’invoquer la vérité, il faut la dire aux Français.
Par ailleurs, vous donnez l’impression d’improviser des mesures sans en percevoir les conséquences réelles.
Je veux prendre un exemple concret, celui des travailleurs de Renault-Sandouville, qui ont quitté leur entreprise sur la base du volontariat, sous certaines conditions, en attendant d’arriver à l’âge de la retraite. Or votre décision de revoir l’âge de départ à la retraite fait que ces salariés vont devoir reprendre le travail pour quelques mois afin d’atteindre le nombre d’annuités requis. Et il leur est même proposé de travailler sur d’autres sites.
C’est vrai !
Mme Marie-France Beaufils et M. Thierry Foucaud.
Je sais que Thierry Foucaud connaît parfaitement cette situation.
M. Marc Massion.
Il y a certainement d’autres exemples.
Quelle est votre politique ? Vous proposez des mesures qui vont essentiellement toucher au porte-monnaie du plus grand nombre, et donc des plus modestes.
La mesure « emblématique », si je puis dire, est la taxe sur les mutuelles, qui vont devoir augmenter le montant des cotisations. Savez-vous que, de plus en plus, nos compatriotes hésitent à se faire soigner parce qu’ils ne peuvent plus payer leur cotisation de mutuelle ? Et ce sont les médecins qui nous le disent. Savez-vous que, dans nos villes, les centres communaux d’action sociale sont de plus en plus sollicités pour aider les habitants à acquitter leurs cotisations ?
Objectivement, on peut reconnaître au pouvoir une cohérence dans sa démarche depuis plusieurs années.
Au début du quinquennat, il s’agissait de favoriser les hauts revenus. Avec les difficultés, il s’agit de les épargner, ce qui revient finalement toujours à les favoriser par rapport à la très grande majorité de nos compatriotes qui sont, eux, très sollicités.
Et ce n’est pas la contribution exceptionnelle proposée dans le budget – à titre provisoire, rappelons-le – qui peut faire illusion.
Les amendements que nous proposerons pendant le débat confirment que nous sommes autant que vous, quoi que vous en disiez, soucieux du retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Nous, le mot « rigueur » ne nous effraie pas dans la mesure où les décisions qui sont prises vont dans le sens d’un effort partagé, suivant un impératif de justice sociale.
Pourquoi refusez-vous la création d’une nouvelle tranche au barème de l’impôt sur le revenu ? Nous proposons 45 % à partir de 100 000 euros par part. En Allemagne, la tranche supérieure est de 45 %, et même de 47 % si l’on prend en compte la surtaxe de solidarité.
J’avais cru entendre le Président de la République dire qu’il fallait s’aligner sur le système allemand...
M. François Marc.
On voit bien vers quels Français va toute votre sollicitude !
M. Marc Massion.
Quant aux collectivités territoriales, vous continuez à les malmener alors même que ce sont elles qui assurent la plus grande partie de l’investissement public et, par là même, l’emploi.
Pendant ce temps, la dette ne cesse d’augmenter. Selon les nouvelles du jour, l’écart entre l’Allemagne et la France sur les taux d’emprunt continue de croître. À l’évidence, cet écart fragilise encore plus notre pays en Europe et dans le monde. Personne ne s’en réjouit, mais nous pensons, ou plutôt nous constatons que vos décisions, votre politique ne sont pas à la mesure de l’enjeu.
Je crains fort que la France que vous nous laisserez en mai prochain ne soit dans une situation très dégradée, qu’il s’agisse de ses finances publiques ou de l’emploi.
(M. Philippe Dominati s’exclame.)
La télévision montrait l’autre jour une ancienne déclaration de Nicolas Sarkozy : « À la fin de mon quinquennat, affirmait-il, le taux de chômage sera abaissé à 5 %. » On est très loin du compte et les dernières annonces nous font craindre une forte dégradation de la situation de l’emploi.
Quand les médias évoquent des suppressions d’emplois dans tel ou tel secteur, c’est parce qu’elles sont massives…
Chez Honeywell, par exemple !
Mme Nathalie Goulet.
… mais, sur le terrain, nous en voyons beaucoup d’autres, dont les médias ne se font pas l’écho parce qu’elles touchent moins de personnes. Il n’en reste pas moins que leur accumulation affecte durement l’ensemble de l’activité économique.
M. Marc Massion.
Finances publiques dégradées, fort chômage, injustice sociale et fiscale : tel sera votre bilan, mais aussi notre héritage, auquel nous nous préparons à faire face avec l’ensemble de la gauche.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
On peut toujours rêver !
M. Bruno Sido.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à la crise économique qui a pris, voilà peu, une nouvelle forme, il n’y a pas beaucoup d’attitudes possibles.
M. Thierry Foucaud.
La première, celle qui, pour l’heure, semble privilégiée, c’est la soumission pure et simple à la loi des marchés financiers, au motif que tout passe par là, qu’il s’agisse du financement de l’économie, des ressources des entreprises ou de celles des États.
Il est vrai qu’il y a une étrange coïncidence : depuis près de quarante ans, d’un côté, la Banque de France n’est plus habilitée à faire la moindre avance au Trésor public en imprimant de la monnaie – pas plus que la Banque centrale européenne, dont elle est devenue la succursale –, de l’autre côté, nos comptes publics n’ont cessé de se dégrader plus ou moins fortement.
Quoi qu’il en soit, toutes les politiques menées en Europe ces temps derniers vont dans la même direction : pratiquer les ajustements budgétaires permettant de s’acquitter de la dette, alors même que le risque patent des politiques d’austérité qui en découlent est précisément d’inscrire dans la durée déficits publics et endettement.
Car le problème est bien là : le remède est pire que le mal et les exemples de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne, pays déjà soumis à la loi de l’austérité sous les bons auspices de la Commission européenne, de la Banque centrale et du Conseil des ministres, sont là pour nous montrer que les choses peuvent fort bien aller de mal en pis.
Explosion du chômage, effondrement du pouvoir d’achat, baisse sensible de l’activité économique et récession, tout montre que les pays faisant déjà l’objet de la cure d’austérité à l’œuvre connaissent une aggravation de leur situation.
Le tiers des municipalités portugaises, par exemple, est au bord du dépôt de bilan et un autre tiers connaît de grandes difficultés.
Cette soumission à la loi des marchés, nous la retrouvons, mes chers collègues, dans le contenu de ce projet de loi de finances pour 2012, où l’on partage en quelque sorte l’amère potion de l’austérité, comme dans les autres mesures annoncées dans le prochain collectif, qui obéissent aux mêmes attendus.
L’appel à la rigueur a quelque chose de piquant, venant d’un gouvernement qui, en début de législature, a multiplié les cadeaux fiscaux, allégé l’impôt de solidarité sur la fortune, renforcé le bouclier fiscal, permis l’optimisation des patrimoines, et qui, en cours de route, a supprimé la taxe professionnelle et autorisé la niche Copé. Cette rigueur-là a, pour ainsi dire, un drôle de goût !
Votre plan de rigueur, madame la ministre, ce sont 2 milliards d’euros d’ISF en moins au mois de juillet, puis 1 milliard d’euros pris dans la poche des assurés sociaux en septembre, et enfin 2 milliards d’euros que vous allez prendre aux salariés et aux retraités, essentiellement au titre de l’impôt sur le revenu qu’ils acquitteront en 2012.
Aux uns les cadeaux dispendieux, qui n’ont fait que grossir les fortunes et les patrimoines, aux autres les efforts !
D’ailleurs, l’ensemble du paquet fiscal de la loi TEPA, qui n’a pas fait grand-chose pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat – mais qui a, en revanche, fait beaucoup pour les plus riches –, va encore nous coûter, cette année, plus de 9 milliards d’euros.
M. le président de la commission des finances a eu beau jeu de nous expliquer, voilà quelques instants – mais nous avons l’habitude : il le fait chaque année, même si c’était auparavant en tant que r&apporteur général –, que ces mesures constituent un facteur de croissance.
Je suis constant sur ma ligne ! Vous n’allez pas me le reprocher !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
M. Thierry Foucaud.
Vous aussi, d’ailleurs, vous êtes constants.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Tout à fait !
M. Thierry Foucaud.
Vous nous expliquez, monsieur le président de la commission des finances, qu’il faut tenir compte des enjeux de l’économie. De notre point de vue, l’enjeu clé, c’est de ne pas céder à la pression des marchés financiers !
Je n’aurai pas le mauvais goût de rappeler ici les discours du Président de la République sur la régulation des marchés financiers, discours qui, d’ailleurs, n’ont pas encore trouvé l’amorce de l’esquisse d’une traduction concrète. C’est si vrai que, dans la sphère financière, les mots « taxe » et « impôt » sont pratiquement inconnus.
Vous exagérez juste un peu… mais bon !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Monsieur le président de la commission des finances, si l’on ne veut pas céder à la pression des marchés, il faut commencer par modifier une large part de notre fiscalité. Ainsi, nous devons nous demander pourquoi l’ensemble des revenus financiers bénéficie, aujourd’hui encore, d’un traitement fiscal privilégié.
M. Thierry Foucaud.
Je partage le point de vue de Mme la rapporteure générale : le relèvement annoncé des taux de prélèvement libératoire ne doit pas faire oublier l’essentiel, à savoir les raisons de ces formes d’imposition allégée. Il faut aussi se demander pourquoi subsisteront des produits continuant à bénéficier d’un traitement de faveur.
Elle ne va donc pas assez loin !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Il en est ainsi des plans d’épargne en actions ou des dispositifs concernant les opérations sur titres des plus grandes entreprises.
M. Thierry Foucaud.
Nous considérons, pour notre part, qu’il est nécessaire que soit promu, autant que faire se peut, tout circuit de financement de l’économie qui échappe à la logique de la bourse et des marchés.
Nous avons, d’ailleurs, en France, avec le livret A, le livret de développement durable et bien d’autres outils financiers, de quoi intervenir dans un premier temps et de quoi envisager de nouvelles sources de financement de l’activité économique.
La « banalisation » du livret A, gaspillage pour gaspillage, ce sont 60 milliards à 80 milliards d’euros d’épargne populaire qui ont été confiés aux établissements bancaires, lesquels ont pu en user et en abuser ! Les mal-logés, demandeurs de logements sociaux financés sur ces ressources, peuvent attendre ! Or la construction de logements est aussi un facteur de croissance.
Mais attardons-nous un peu sur les établissements bancaires. Nos banques gèrent un flux de plus de 1 500 milliards d’euros, somme de l’épargne à vue des entreprises et des ménages, non rémunérée. Il serait temps de s’attacher à ce que ces sommes soient utilisées au mieux. Or nous n’avons pas l’impression, au vu des difficultés que rencontrent nombre de PME pour obtenir le moindre crédit, que ce soit tout à fait le cas.
Dans le numéro de
La Tribune
En tout état de cause, il va bien falloir se décider à mettre en place une taxation des transactions financières. La disposition a été votée en loi de financement de la sécurité sociale. Indépendamment de ce vote, une telle mesure illustre bien la volonté, largement partagée dans l’opinion, de ne plus laisser libre cours aux dérèglements des marchés.
Allons plus loin sur la question des choix fiscaux que nous devons porter : la situation des comptes publics trouve son origine dans l’accumulation ininterrompue de divers cadeaux fiscaux qui ont, au fil du temps, creusé les déficits publics sans régler les questions essentielles de l’emploi, de l’équilibre de notre industrie, de notre potentiel de développement. Marc Massion et François Marc ont évoqué l’exemple de la réforme de la taxe professionnelle.
Nombreux sont ceux qui, sans la moindre preuve, répandent sur les ondes, dans la presse, ou par tout moyen moderne de communication, la fable de l’excès de dépenses publiques dans notre pays. Mon cher Marc Massion, je vous rejoins également sur ce point.
Ce n’est pas l’excès de dépenses publiques qui a créé le déficit public, en tout cas celui de l’État. Car, voyez-vous, les données sont terribles !
En 1985, la part des dépenses de l’État dans le PIB était de 20 % environ. Nous avons connu, à partir de cette année-là, un long « effort », toujours en cours, de réduction des obligations fiscales et sociales des entreprises. Où en est-on aujourd’hui ? Nous avons plus de 1 300 milliards d’euros de dette d’État et le PIB atteint environ 1 960 milliards d’euros en 2011. Or, pour 2012, nous avons, entre l’État et les budgets annexes, 380 milliards d’euros de dépenses, dont presque 50 milliards d’euros, pour le seul service de la dette.
En d’autres termes, mes chers collègues, nous en sommes au même taux de 20 % du PIB pour les dépenses de l’État. Cela signifie tout simplement que la situation n’a pas profondément évolué depuis 1985...
Qu’on cesse donc de stigmatiser l’excès des dépenses publiques en France ! Ce discours ne vise qu’à cacher ce que vous faites pour les entreprises et qui n’est pas bon pour notre pays.
La stabilité des dépenses publiques d’État n’a nullement empêché le creusement des déficits. Cela prouve bien que ce sont des années et des années de diminution des recettes fiscales qui ont conduit à la situation que nous connaissons.
On a ainsi réduit les cotisations sociales des entreprises pour « alléger le coût du travail », diminué l’impôt sur les sociétés pour « assurer la compétitivité de nos entreprises » – M. le président de la commission des finances a repris cette antienne tout à l'heure –, réformé la taxe professionnelle pour « ne pas pénaliser l’embauche et l’investissement », mais cela n’a créé aucun emploi. Nous avons par ailleurs multiplié les régimes fiscaux particuliers, les niches fiscales et, surtout, nous avons creusé les déficits... Il faut mettre fin à cette logique !
Mais je vois qu’il me faut maintenant conclure.
La dictature des marchés, les peuples n’en veulent pas et ils ne manqueront pas, le moment venu, de nous le faire savoir.
La France n’a besoin ni d’un Mario Monti ni d’un Loukas Papademos ; elle a besoin d’une nouvelle politique, d’une nouvelle espérance, d’un nouveau projet. Ce nouveau projet, que nous tentons de définir et que nous défendrons, est bien différent de celui qui nous est proposé. Nous ne voterons donc pas le présent projet de loi de finances.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. le président.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur général, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de m’associer au rappel au règlement de ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx.
M. Philippe Dominati.
Nous entamons la discussion du projet de loi de finances avec retard.
(Mme la ministre fait un signe d’approbation.)
Non, cinq heures quinze !
M. François Marc.
En outre, les textes en discussion visaient à proposer non pas des dispositions concrètes pour soutenir les entreprises de notre pays ou les collectivités territoriales, mais des mesures particulièrement destructrices.
M. Philippe Dominati.
J’ai apprécié la démarche de M. Marc, qui a procédé par comparaisons à l’échelle de la décennie.
Voilà dix ans, les réserves mondiales de change étaient détenues aux deux tiers par l’Europe, le Japon, les États-Unis, et quelques autres pays occidentaux.
À partir de 2005, la répartition s’est équilibrée : les pays émergents ont accumulé des réserves de change, au rythme d’environ 500 milliards de dollars par an, pendant que l’Europe, les États-Unis, le Japon peinaient à assurer leur croissance.
En 2010, le rapport est inversé. Alors que les réserves de change sont cinq fois plus importantes, ce sont maintenant les pays émergents qui détiennent les deux tiers des réserves mondiales, et l’Europe vacille.
Le Président de la République, assumant sa responsabilité de président du G20, a promu des mesures propres à répondre à la crise financière, tout en rassurant et en essayant de faire comprendre aux Français la nécessité de poursuivre les réformes.
Et cela induit un certain changement dans le ton du débat budgétaire. Moi qui ai pris part à la discussion de nombreux projets de loi de finances, je perçois, sur toutes nos travées, une différence par rapport aux années précédentes. Du fait de la dynamique lancée par le Président de la République lors du G20, le débat de cette année a été placé sous le signe de la convergence avec l’Allemagne, et cela se traduit par un changement de langage.
Pour la première fois, à l’exception peut-être de M. Bocquet, personne n’a dénoncé une « politique ultralibérale ». Pourquoi ? Tout simplement parce que, au nom du désendettement, qui concerne toutes les formations politiques, on s’aperçoit, enfin, que l’on est obligé de mener une politique plus libérale.
Une politique plus libérale, c’est une politique plus réaliste, une politique où la dépense publique compte moins, où l’on ne fait pas croire que la dépense entraîne nécessairement la croissance, surtout si elle n’est pas consentie avec parcimonie et orientée de manière judicieuse.
La convergence avec l’Allemagne nous amène à prendre en considération plusieurs réalités.
Tout d’abord, l’écart entre la part de la dépense publique française – 56 % du PIB, monsieur Foucaud – et la part de la dépense publique allemande est de dix points, contre six points en moyenne pour les autres pays européens.
Nous devons également témoigner de notre capacité de réactivité. Là encore, nous pouvons nous inspirer de l’exemple allemand. Lorsque nous avons annoncé un plan de relance par la dépense publique, l’Allemagne baissait de 30 milliards d’euros ses prélèvements obligatoires. Or, nous ne devons pas l’oublier, la France reste en Europe et au sein du G20 le champion des prélèvements obligatoires.
Pourquoi l’Allemagne compte-t-elle 6 000 écoles primaires de moins que la France, alors que sa population est autrement plus nombreuse ?
Pourquoi l’audiovisuel public a-t-il, en Allemagne, beaucoup moins de poids qu’en France ?
Pourquoi la vision allemande des transports est-elle si différente de celle qui prévaut chez nous ?
Ils ont aussi la Grosse Bertha !
M. Richard Yung.
Ce sont, pour nous, autant d’exemples à suivre, en même temps que de considérables gisements d’économies pour nos finances publiques ?
M. Philippe Dominati.
De même, chez nos voisins allemands, les PME sont dans le sillage des grandes entreprises.
Il a déjà été beaucoup question de compétitivité. Mais la compétitivité se fait essentiellement sur les prix. Or les prix ne dépendent pas seulement de la fiscalité. Il se trouve que les charges sociales acquittées par les entreprises allemandes sont beaucoup moins lourdes que celles que paient les entreprises françaises. C’est une réalité !
Ça fait dix ans que vous dites la même chose, alors que vous êtes au pouvoir !
M. Richard Yung.
Et le cours élevé de l’euro n’empêche pas l’Allemagne d’être la première puissance exportatrice du monde.
M. Philippe Dominati.
Avec quels contrats de travail ?
M. Richard Yung.
La nécessité de la convergence avec l’Allemagne s’est imposée sur toutes les travées de notre assemblée.
M. Philippe Dominati.
Vous vous livrez ainsi, madame le ministre, sous l’autorité du Président de la République, à un exercice extrêmement difficile et courageux. Vous le faites avec justesse, pour tenir compte d’une situation délicate, fruit d’une évolution qui s’est déroulée sur des décennies. Faute d’avoir eu cette culture-là, nous sommes aujourd’hui obligés de nous adapter. Or seules les réformes peuvent nous permettre de nous adapter. De ce point de vue, quelques observations s’imposent.
Tout d’abord, si nous voulons faire preuve de réactivité, nous sommes obligés de donner un signal immédiat. Cette réactivité doit sans doute se manifester davantage sur les prélèvements obligatoires que sur la dépense.
Il est absolument nécessaire de veiller à un meilleur équilibre de nos comptes. Alors que Mme Bricq propose, pour les cinq années à venir, un effort à 50/50, il vous faut, madame le ministre, comme plusieurs intervenants vous y ont encouragée, faire porter l’effort essentiellement sur la réduction de la dépense publique. C’est ce qui s’est fait dans tous les pays qui ont renoué rapidement avec la croissance. C’est indispensable si nous voulons, dans quelques exercices, retrouver des taux de croissance plus substantiels.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer la question des finances de nos collectivités territoriales et revenir sur la compétitivité nos entreprises.
S’agissant des collectivités territoriales, il est vrai que la décentralisation doit s’orienter vers l’attribution à celles-ci de ressources propres. Ce n’est pas simplement avec le mécanisme de la péréquation que nous pourrons résoudre les problèmes qui se posent à elles.
Après le débat que nous avons eu hier, mes chers collègues, il paraît vraiment impératif que notre pays s’engage dans une réforme structurelle concernant les collectivités territoriales, à l’instar de ce qui s’est produit partout ailleurs. Ce n’est pas en optant pour le
Pour ce qui est de la compétitivité des entreprises, il ne fait aucun doute que le financement des 35 heures par l’État, notre collègue Serge Dassault en a parlé, doit être réexaminé. D’une manière générale, la question du temps et de la liberté de travail doit de nouveau être traitée par notre majorité.
Tels sont, madame le ministre, les axes sur lesquels je voulais particulièrement insister.
Je souhaite vraiment que, très prochainement, vous nous soumettiez des propositions concrètes pour réduire le périmètre de l’État.
En tout cas, vous êtes sur la bonne voie. Pour la première fois depuis 1945, vous l’avez souligné, un gouvernement, à la veille d’une échéance présidentielle, prend des mesures particulièrement courageuses dans l’intérêt général, pour la France et pour l’Europe. Je vous en félicite.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Claude Haut.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, inutile de vous dire que je partage, comme l’ensemble de mes collègues sur toutes les travées de notre assemblée, le diagnostic sur la gravité de la situation de nos finances publiques et sur l’état de notre économie. Nous divergeons simplement sur les moyens d’en sortir et sur la responsabilité qu’il convient d’attribuer aux uns et aux autres.
M. Claude Haut.
Il est à cet égard très étonnant, madame la ministre, que vous donniez l’impression que vous venez d’arriver au pouvoir, comme si vous aviez découvert il y a un an une situation calamiteuse que vous pouviez imputer à vos prédécesseurs.
Or les faits sont têtus : la droite est au pouvoir dans notre pays depuis dix ans et Nicolas Sarkozy est Président de la République depuis cinq ans. Rien ne sert de remonter au siècle dernier pour trouver des responsables !
Bien sûr !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La crise n’explique pas tous les déficits, et vous le savez fort bien puisque la Cour des comptes l’a rappelé à maintes reprises : une part significative de notre déficit public est imputable aux mesures prises en 2007 et 2008, notamment à celles qui figuraient dans la fameuse loi TEPA. D’ailleurs, mon collègue François Marc a fait état des 500 milliards d’euros de dettes supplémentaires que nous avons accumulées depuis l’arrivée au pouvoir du Président Sarkozy.
M. Claude Haut.
On ne rappellera jamais assez les 75 milliards d’euros de cadeaux fiscaux attribués depuis 2007 aux plus favorisés et qui grèvent aujourd’hui si lourdement la situation de nos finances publiques.
Mais mon propos, aujourd’hui, ne se limite pas à ce constat. Je voudrais vous faire part de la stupéfaction, mais plus encore de l’irritation croissante de la grande majorité des élus locaux devant cette mise en cause permanente, cette suspicion généralisée, ces procès en mauvaise gestion dont les collectivités locales sont l’objet. Les résultats des élections sénatoriales de septembre dernier vous ont d’ailleurs permis d’apprécier de façon précise le jugement que portent sur votre politique les élus locaux.
Cela ne prouve rien !
M. Bruno Sido.
(Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Apparemment, vous n’avez pas entendu le message ! Je n’en étais pas très sûr, mais maintenant j’en ai la certitude !
M. Claude Haut.
Quand ce ne sont pas vos prédécesseurs, madame la ministre, ce sont donc les collectivités locales qui portent la responsabilité des déficits publics.
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Valérie Pécresse,
C’est pourtant ce que j’ai souvent entendu, même si vous ne l’avez pas dit aujourd’hui…
M. Claude Haut.
Vous savez bien que tout cela n’est pas vrai et mieux vaudrait renoncer à cette stratégie du bouc émissaire.
Vous me permettrez de citer à ce propos – une fois n’est pas coutume – un député de la majorité. Il s’agit de Charles de Courson,…
Encore lui !
M. Bruno Sido.
M. Claude Haut.
… partisan de la plus grande orthodoxie en matière de finances publiques, qui a déclaré ceci : « Les collectivités territoriales ne posent pas de problème ; elles sont par définition, puisque la loi le leur impose, en équilibre de fonctionnement. »
Il n’en sait rien, il n’est pas président de conseil général !
M. Bruno Sido.
Allons bon !
M. Claude Haut.
Il est tout de même vice-président de conseil général.
M. Albéric de Montgolfier.
Il gère un syndicat mixte, et il le fait très mal !
M. Bruno Sido.
Je lui transmettrai cette appréciation !
M. Claude Haut.
Pourtant, comme l’an dernier, l’État se défausse une nouvelle fois de ses responsabilités sur les collectivités locales. Il l’a fait, comme toujours, en gelant les dotations aux collectivités et en ne finançant pas les dépenses qu’il a mises à leur charge, notamment des dépenses de solidarité nationale qui augmentent fortement les charges des départements.
Nous avons dû faire le deuil de l’indexation des dotations sur l’inflation et sur une part du taux de croissance, qui se pratiquait sous le gouvernement de Lionel Jospin, période durant laquelle, soit dit en passant, les déficits publics ont été réduits. En n’indexant pas les dotations d’État aux collectivités au moins sur l’inflation, vous faites porter la réduction des déficits publics sur les collectivités, qui ne sont en rien responsables de cette situation, et surtout vous cassez un des rares outils de la croissance et de l’emploi encore en état de marche dans ce pays.
Comment pouvez-vous continuer à nier cette réalité qui fait que c’est au cœur des territoires que nous trouverons la croissance ? Vous persistez à occulter l’intelligence territoriale ! Est-ce donc par idéologie que vous souhaitez à tout prix diminuer dans ce pays l’action publique locale ? Ce serait franchement inquiétant !
Longtemps proche de 73 % à 75 %, la part de l’investissement public local dans l’investissement public total vient de chuter à 63 %. Les effets n’ont, du reste, pas tardé à se faire sentir : vous économisez ainsi 500 millions d’euros sur le Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. Mais ce n’est pas comme cela que l’on soutiendra la croissance et l’emploi, alors que nous sommes proches de la récession !
En dépit de tout cela, vous persistez à attaquer les collectivités territoriales. Un rapport paru au début de ce mois et publié fort opportunément par l’administration de Bercy conclut à une forte progression des effectifs des collectivités territoriales entre 2002 et 2009. La publication aujourd’hui de ce rapport est loin d’être anodine, au moment où le Gouvernement a annoncé coup sur coup le gel en valeur des dotations d’État jusqu’en 2014, une nouvelle ponction de 200 millions d’euros sur les budgets locaux, et plus récemment, par la voix du Premier ministre, l’obligation, pour les collectivités de plus de 10 000 habitants, de la publication de l’évolution de leurs effectifs et de leurs dépenses de « train de vie » !
(M. Albéric de Montgolfier s’exclame.)
Au vu du dernier rapport de la Cour des comptes portant sur les budgets de communication du Gouvernement et des ministres, on se dit vraiment que les collectivités locales ont encore de la marge. L’État n’a pas de quoi être fier à ce sujet !
Je suis d’accord !
M. Bruno Sido.
C’est encore et toujours la suspicion ! On avance des chiffres contestables et qui sont d’ailleurs contestés dans leur pertinence par la Cour des comptes, laquelle a souligné dans son rapport de 2010 la rigueur de la gestion des administrations locales et la modération des frais de personnel.
M. Claude Haut.
Au-delà des mises en cause permanentes, il serait temps que l’État et les collectivités locales s’assoient enfin à la même table pour discuter des meilleurs moyens de lutter contre les déficits, et surtout de relancer la croissance et l’emploi. Les élus locaux et leurs associations y sont prêts.
Nous pourrions aussi évoquer le problème de la Conférence nationale des exécutifs, qui ne se réunit plus. Cette instance permettait pourtant de procéder à une concertation permanente entre l’État et les collectivités.
Ne comprenez-vous pas que de telles méthodes de décision, étrangères à toute concertation, ne sont en rien conformes à l’esprit de la décentralisation et de tout ce qui a cours aujourd’hui en Europe ?
Madame la ministre, je ne saurais terminer mon propos sans vous alerter sur la gravité de la situation financière des départements et la très grande difficulté qu’ont nombre d’entre eux pour boucler leurs budgets de 2012. Et c’est sur eux que vous faites porter la moitié de l’effort de 200 millions d’euros que vous demandez aux collectivités territoriales.
C’est incompréhensible !
M. François Marc.
Une telle mise à contribution n’est pas admissible. Les départements – je suis sûr que M. Sido en sera d’accord – font face avec détermination et constance à leurs responsabilités, qui sont essentielles en matière sociale et éducative.
M. Claude Haut.
De nombreuses dépenses des départements sont d’ailleurs inhérentes à l’état de notre société, car nos collectivités reflètent la situation d’une société qui va mal. Nous ne décidons pas du nombre de personnes âgées dépendantes, pas plus que du nombre d’allocataires du RSA. Or, partout, la précarité augmente.
Chaque année, les dépenses liées aux trois allocations APA, RSA et PCH enregistrent une hausse de 800 millions d’euros à 1 milliard d’euros. La progression des dépenses à caractère social a été de presque 8 % par an en moyenne depuis 2004, chiffre à rapprocher de l’évolution des dotations d’État, qui stagnent ou diminuent depuis deux ans maintenant.
La cohésion sociale, ce n’est pas seulement les actions de solidarité, c’est aussi l’éducation, la culture, la jeunesse et les sports. Là encore, les départements n’ont pas à rougir de leur action. Ils ont continué à innover et investir dans le contexte de crise économique, mais aussi malgré la suppression de la taxe professionnelle, qui limite fortement leur autonomie financière.
À cela s’ajoute maintenant la raréfaction des crédits accordés par les banques à certaines collectivités. Ce phénomène nouveau risque de pénaliser durablement l’investissement territorial et, par conséquent, la croissance de nos territoires et de notre pays.
Voilà nos difficultés.
Nous pensons que les départements sont aujourd’hui à un carrefour : doivent-ils continuer, pour le compte de la solidarité nationale, à assurer la mise en œuvre des allocations individuelles, en l’absence de toute solution pérenne de financement, ou demander à l’État de reprendre à sa charge cette mission de solidarité ?
Il est donc temps, et ce sera ma conclusion, madame la ministre, d’établir des relations financières saines, stables et équitables entre l’État et les collectivités territoriales. Il est temps de clarifier et d’engager une troisième phase de décentralisation, et surtout d’œuvrer pour de nouveaux mécanismes de solidarité entre collectivités. Vous n’avez pas ou vous avez peu agi en la matière. Vous ne l’avez pas voulu, ou vous ne l’avez pas pu. Il appartiendra à d’autres le faire.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Georges Patient.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de finances, qui ne cesse de subir des modifications, intervient dans un contexte de crise qui oblige à l’instauration de plans de rigueur ou d’austérité.
M. Georges Patient.
On appelle au courage et à la solidarité, quand ces deux mots ne sont pas martelés, pour affronter cette dure épreuve censée s’imposer à tous de la même manière. Cependant, en ma qualité d’ultramarin, je ne peux m’empêcher de poser la question légitime de l’égalité et de l’équité dans le traitement de la situation.
Peut-on raisonnablement ponctionner de la même manière que les économies avancées des économies qui sont déjà très fragiles, des territoires dont les caractéristiques s’apparentent à celles de pays en voie de développement, des territoires au bord de l’explosion sociale ?
La crise, madame la ministre, les outre-mer la vivent depuis longtemps déjà. Ils sont devenus les « brûlots de l’empire ». Souvenez-vous, c’était à la fin de 2008 en Guyane, puis dans le courant de l’année 2009 en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion. Aujourd'hui, c’est au tour de Mayotte, avec un feu qui ne s’éteint pas et une réalité socio-économique qui, une fois encore, n’a visiblement pas été suffisamment prise en considération. On assiste également à des tensions en Nouvelle-Calédonie et la Polynésie est au bord de la faillite.
Les raisons d’un tel brasier sont connues, madame la ministre, et vous ne les ignorez pas. Il s’agit bien évidemment de la vie chère, dans un contexte de pauvreté.
En effet, les ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté représentent le quart de la population ultramarine.
Les bénéficiaires du revenu de solidarité active représentent 18,8 % de la population active d’outre-mer, contre 5,5 % en métropole.
Le taux de chômage est de 25 % en moyenne – 21 % en Guyane et en Martinique, 23,8 % en Guadeloupe, environ 30 % à la Réunion, et jusqu’à 60 % dans certaines zones de ces départements. Ces taux sont parmi les plus élevés des régions de l’Union européenne à vingt-sept, et ce chômage frappe surtout les femmes et les jeunes.
Le produit intérieur brut par habitant y est près de deux fois plus faible qu’en métropole – de 16 000 à 17 000 euros, contre 30 000 euros –, et le revenu disponible par habitant de 1,4 à 2 fois moins important, selon les chiffres de 2008.
En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion, plus de 150 000 personnes vivent dans quelque 50 000 locaux insalubres. Si l’on rapportait ce chiffre à la population métropolitaine, cela représenterait près de 6 millions de personnes.
Enfin, la santé publique est défaillante, avec, par exemple, un taux de mortalité infantile de 9 ‰.
Nous sommes donc très loin de l’objectif de rattrapage ou, mieux, comme il est écrit dans le document de politique transversale pour l’outre-mer, « du rapprochement des conditions de vie des habitants d’outre-mer avec celles des habitants de métropole ». Cette situation est légitimement préoccupante : il faut donc s’en préoccuper. Or ce n’est pas le cas.
Pourtant, après les événements de 2009, le Gouvernement s’était engagé, à travers les dispositions de la loi pour le développement économique des outre-mer et le Conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, à lancer une nouvelle politique de croissance fondée sur le développement endogène. Il faut le reconnaître, cette stratégie était de bonne inspiration ; malheureusement, les moyens n’ont pas suivi.
Cela n’a pas empêché le Gouvernement d’afficher une certaine autosatisfaction quand il a annoncé récemment, lors du conseil des ministres du 26 octobre dernier, que 90 % des mesures du CIOM étaient réalisées ou en cours de l’être. Tout est dans la nuance !
Madame la ministre, si ce taux est exact, la situation que je vous ai décrite et les indicateurs que l’on retrouve dans vos propres documents budgétaires sont là pour démontrer que vos mesures n’étaient pas appropriées à la situation. À moins – c’est aussi une hypothèse plausible – qu’elles n’aient pas encore pu produire leur plein effet, nombre d’entre elles venant tout juste d’être mises en œuvre ou étant d’application trop récente.
Quelle est donc la cohérence de cette politique pour l’outre-mer issue des événements de 2009, dont l’objectif avoué était de renforcer les capacités des outre-mer à produire un développement économique endogène afin de résorber le chômage ?
Pourquoi remettez-vous déjà en cause des mesures que vous avez fait adopter voilà deux ans à peine, sans même proposer de solutions de remplacement ?
Je pense à la diminution très forte des dépenses fiscales en faveur de l’outre-mer, pour près de 500 millions d’euros.
Mon intention n’est pas de remettre en cause les efforts nécessaires en vue de limiter le coût des niches fiscales pour les finances publiques. Je souhaite toutefois attirer votre attention sur le fait que cette politique de réduction des niches n’a pas des conséquences identiques pour l’ensemble des territoires. L’aide à l’investissement outre-mer a permis de réaliser près de 3 milliards d’euros d’investissements en 2010, de créer au moins 3 600 emplois et d’en maintenir des milliers d’autres dans des territoires qui connaissent un chômage moyen supérieur à 25 %.
Il faut donc veiller à ne pas pénaliser excessivement les territoires ultramarins, pour lesquels la dépense fiscale a historiquement constitué un axe d’action privilégié. Aussi, eu égard aux réductions successives de la dépense fiscale, l’heure n’est-elle pas venue de se poser la question des avantages comparés de la dépense budgétaire et de la dépense fiscale afin de savoir si, à dépense globale constante, la substitution de certaines dépenses budgétaires à certaines dépenses fiscales ne permettrait pas d’accroître le soutien de l’État aux collectivités locales ?
Bonne idée !
M. François Marc.
Je pense aussi à la suppression de l’abattement de 30 % sur le bénéfice des entreprises imposables en outre-mer. Le Gouvernement avait promis que les mesures de réduction ne toucheraient pas les dispositifs de la croissance économique. L’annonce de la suppression de cet abattement d’un tiers pour les sociétés ultramarines en fournit la preuve contraire. L’objectif de l’instauration de l’abattement d’impôt sur les sociétés en outre-mer était d’abaisser le coût de financement et d’améliorer les capitaux propres des petites et moyennes entreprises ultramarines, qui ont plus difficilement accès au financement externe que les grandes entreprises.
M. Georges Patient.
Supprimer dès l’année prochaine cette mesure, qui devait être efficiente jusqu’en 2017, ôterait toute possibilité d’autonomie financière à ces entreprises, pivots du dynamisme ultramarin. Son maintien me semble vital pour ces sociétés.
Nous sommes néanmoins conscients des urgences actuelles. Dès lors, une solution pourrait être de maintenir cet abattement pour les seules entreprises éligibles au dispositif des zones franches d’activités qui réinvestissent leurs résultats dans l’entreprise.
De même, je pense au dispositif du gel de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises ou de la baisse de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, appliqué indistinctement à l’ensemble des chambres de commerce et d’industrie régionales, les CCIR, qu’elles soient ou non constituées de plusieurs chambres de commerce et d’industrie territoriales, les CCIT. Or les chambres de commerce et d’industrie des départements d’outre-mer, de par l’organisation administrative et institutionnelle de ces derniers, ont la double qualité de CCIT et de CCIR, et se trouvent donc, de ce fait, dans l’incapacité de réaliser des mutualisations. C’est pourquoi il nous semble que ce dispositif doit également être revu, la perte correspondante pouvant être prise en charge par le Fonds de péréquation de la recette de la taxe additionnelle à la CVAE.
Madame la ministre, mes chers collègues, il faut arrêter de considérer que les outre-mer coûtent très cher à la nation parce que le total de l’effort budgétaire et fiscal de l’État en leur faveur pour 2012 s’élèverait à 16,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 16,4 milliards d’euros en crédits de paiement.
En présentant les choses de cette façon, on peut certes montrer que les outre-mer pèsent 4,6 % des dépenses du budget général et 20,4 % du déficit budgétaire, ce qui autoriserait ou justifierait aisément toutes les coupes budgétaires. Mais n’oublions pas que les outre-mer constituent aussi une population de 2,7 millions d’habitants, soit 4,2 % de la population totale française, qu’ils permettent à la France d’être présente dans toutes les parties du monde et qu’ils lui offrent également une zone économique exclusive de plus de 10 millions de kilomètres carrés, avec un potentiel de ressources énorme – biodiversité, ressources halieutiques, minières, terrestres et pétrolifères – qui fait de la France une puissance maritime de premier ordre, la deuxième au monde.
A-t-on fait l’évaluation de ces richesses et les met-on dans la balance ? Il s’agit d’autant d’éléments qui permettent d’appréhender autrement le rôle et l’importance des outre-mer pour la France, de rompre avec cette vision cartiériste trop répandue.
Les outre-mer ne quémandent pas, mais ne veulent pas non plus de l’assistanat. Ils disposent d’importants atouts, qui sont autant de perspectives de développement à même d’améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Mais encore faut-il qu’on laisse aux acteurs locaux la latitude nécessaire pour valoriser ces atouts dans l’intérêt de leur territoire et que des moyens appropriés soient mis à leur disposition pour l’exploitation de ces richesses. Or, en la matière, les freins sont nombreux – je pense notamment au problème des normes européennes, qui, trop souvent, sont appliquées aveuglément dans nos territoires, ou encore à l’absence de financements bancaires.
Il est aussi essentiel que les collectivités d’outre-mer soient rétablies dans la totalité de leurs droits financiers et, surtout, fiscaux. En effet, en cette période de raréfaction des recettes provenant de l’État, de gel des finances des collectivités locales, les recettes fiscales peuvent jouer un rôle essentiel, à la condition toutefois que leur gestion soit mieux assurée. Or celle-ci incombe à l’État, qui accumule dans ce domaine un certain nombre de lacunes.
Un tout récent rapport de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes d’outre-mer, en date de juillet 2011, est très révélateur à ce sujet. Il établit les constats suivants : aucune actualisation des bases n’est intervenue outre-mer en 1980, contrairement à la métropole ; de nombreux abattements et exonérations mis en place par l’État ne sont pas compensés par ce dernier ; des bases cadastrales sont peu ou mal renseignées, faute de géomètres, d’où des pertes financières très lourdes pour les collectivités locales.
La Cour des comptes prend l’exemple de la Guyane, dont l’écart de potentiel brut mobilisable s’élève, selon la direction régionale des finances publiques, à 32 millions d’euros, ce qui se traduirait par une perte de recettes annuelles de 12 millions d’euros environ pour les communes. Ce chiffre est à rapprocher du montant des recettes réelles de fonctionnement perçu par les communes de Guyane, qui s’élève à 220 millions d’euros environ.
Je tiens à rappeler que, par un arrêt du Conseil d’État du 6 mars 2006, la responsabilité de l’État a déjà été engagée en raison de l’absence prolongée d’actualisation des bases cadastrales de la ville de Kourou et du manque à gagner fiscal qui en est résulté pour les finances locales. Il ne faudrait pas que nous soyons toujours obligés d’en arriver à cette extrémité.
Aussi, madame la ministre, mes chers collègues, j’espère que, en dépit de la priorité donnée à la réduction du déficit budgétaire, certaines propositions que mes collègues ultramarins et moi-même serons amenés à faire, dans l’intérêt des outre-mer – lequel n’est pas contraire à celui de la nation –, recevront votre assentiment.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune ayant surtout évoqué les grands principes, j’aborderai pour ma part quatre points plus techniques qui concernent nos collectivités territoriales.
M. Jean-Claude Frécon.
Vous le savez, madame la ministre – cela a d’ailleurs été rappelé par plusieurs de nos collègues, notamment Claude Haut à l’instant –, l’inquiétude est vive dans les territoires.
En premier lieu, le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, le nouveau FPIC, comporte une innovation de taille, qui consiste à mesurer la richesse au niveau d’un ensemble intercommunal, par agrégation des ressources de la communauté et de ses communes membres, ce qui permet ensuite de définir les contributeurs et les bénéficiaires du fonds.
Il est prévu de comparer le nouvel indicateur de richesse, le potentiel financier agrégé par habitant d’un territoire, au potentiel financier agrégé moyen de l’ensemble des territoires de la même strate démographique, et non à la seule moyenne nationale.
Nous reviendrons largement sur ce point à l’occasion de la discussion des articles. Madame la ministre, ce que nous redoutons surtout, c’est que ce mécanisme n’aboutisse à la création d’une nouvelle usine à gaz !
En deuxième lieu, je souhaite attirer votre attention sur les modifications apportées aux notions de potentiel fiscal et de potentiel financier.
Les potentiels fiscal et financier des communes et EPCI à fiscalité propre, utilisés pour la répartition des dotations, font en effet l’objet de profondes modifications, à l’instar de ceux qui sont utilisés pour le futur Fonds de péréquation horizontal.
Bien qu’aucune simulation n’ait été fournie, l’on peut imaginer que ces changements auront des incidences très importantes sur la répartition des dotations à partir de 2012. Preuve en est d’ailleurs que de nouvelles garanties s’appliqueront, sur trois ans, en cas de perte d’éligibilité à la plupart de ces dotations. Par ailleurs, des garanties s’appliqueront également pour la dotation de solidarité rurale, la dotation nationale de péréquation et la dotation d’intercommunalité, afin que le montant de celles-ci soit compris à l’intérieur d’une fourchette comprise entre 90 % et 120 % du montant perçu l’année précédente. Malgré cela, il est impossible d’évaluer précisément le montant de ses propres dotations communales et intercommunales pour 2012. Nous ne sommes certes pas opposés à toute évolution du système, mais de quelle lisibilité allons-nous disposer pour établir les budgets locaux l’an prochain ?
J’en viens, en troisième lieu, à la question des strates démographiques, utilisées pour comparer les potentiels fiscal et financier, mais traitées de façon très disparate. Le trouble des élus est croissant, et je vais vous en donner trois exemples.
Premier exemple, le potentiel fiscal, utilisé pour l’éventuelle diminution de la dotation de garantie, est comparé au potentiel moyen national, c’est-à-dire une seule strate.
Deuxième exemple, le potentiel financier, utilisé pour la répartition des dotations de l’État, est comparé au potentiel moyen de la strate – quinze strates sont retenues.
Troisième exemple, les potentiels fiscal et financier utilisés pour le Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales sont comparés aux potentiels moyens de la strate – sept strates sont retenues.
Suivant le dispositif appliqué, la notion de strate est totalement différente. Là aussi, quelle est la lisibilité du système ?
Pour faciliter la compréhension des différents dispositifs et de leurs objectifs, il serait nécessaire d’envisager une coordination des modes de calcul.
En quatrième lieu, la commission des finances du Sénat, qui a réalisé un excellent travail, a trouvé une solution intelligente pour essayer de résoudre le problème des strates en intégrant un système proche de celui appliqué pour la part « population » de la dotation forfaitaire des communes. Ce système de progression logarithmique serait certainement très apprécié par notre ancien collègue Yves Fréville, qui était un grand partisan de ce mode de calcul.
Effectivement !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Enfin, avant de terminer mon intervention, madame la ministre, je formulerai quelques commentaires sur l’équilibre général du budget que vous nous proposez.
M. Jean-Claude Frécon.
En tant que rapporteur de la mission « Engagements financiers de l’État », je ne peux que constater le niveau record atteint par notre déficit public, spécialement au cours de ces quatre ou cinq dernières années : jusqu’à 7,5 % du PIB ! Mes collègues François Marc et Marc Massion sont largement intervenus sur ce point.
Si vous nous proposez maintenant de diminuer le déficit pour respecter le plafond fixé par les traités européens à 3 %, c’est non pas pour ce budget 2012, mais pour celui de 2013, dont personne ne sait actuellement si c’est vous qui l’établirez ou pas…
Par ailleurs – ce sera ma conclusion –, pour revenir sur la question des collectivités territoriales dont j’ai parlé précédemment, je veux rappeler que le déficit public de l’État, estimé cette année à 87 milliards d’euros, n’est induit par les collectivités locales que pour 4 % de son montant, par la sécurité sociale pour un peu moins de 10 % et pour l’État pour 86 %.
Le discours que nous avons entendu voilà encore quelques mois, selon lequel les collectivités locales sont responsables d’une partie importante de ce déficit, ne tient plus !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
C’est l’État qui finance les dotations !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La parole est à M. Richard Yung.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire remarquer qu’il n’y a pas beaucoup de sénateurs sur les travées de la droite…
M. Richard Yung.
Oui, mais ils sont de qualité !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Vous avez les meilleurs, les autres sont fatigués !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Et le ministre est là !
Mme Valérie Pécresse,
Visiblement, le budget n’intéresse pas beaucoup !
M. Richard Yung.
Je souhaite profiter de mon temps de parole pour replacer notre débat dans un cadre européen. On a beaucoup parlé des collectivités locales, il faut aussi, me semble-t-il, parler de l’Europe en matière budgétaire.
On en a parlé au début !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, je vais essayer de montrer pour quelles raisons il est toujours bon d’y revenir.
M. Richard Yung.
Pourquoi pas ? C’est toujours intéressant !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Le présent projet de loi de finances est censé respecter le programme de stabilité pour la période 2011-2014 que le Gouvernement avait transmis à la Commission européenne au mois d’avril dernier, dans le cadre de la nouvelle procédure du « semestre européen » que nous avons étudiée en son temps. Or, ce programme de stabilité, validé en juin par la Commission européenne, repose sur une hypothèse de croissance – 2,25 % – dont nous savons tous qu’elle est dépassée. Nous en sommes loin pour 2012…
M. Richard Yung.
Afin de pallier ce défaut de la procédure du semestre européen, le Conseil européen du 27 octobre dernier a proposé que les budgets nationaux soient à l’avenir fondés sur des prévisions de croissance indépendantes. Voilà une idée positive et je pense que la France tirerait de nombreux avantages à s’en inspirer. D’autres pays le font déjà et le fait d’avoir des experts indépendants qui expriment leur opinion sera certainement un progrès.
Il est également prévu que la Commission assure le suivi de l’exécution des budgets des États membres de la zone euro faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif et, si nécessaire, propose des modifications en cours d’exercice. C’est en soi une bonne démarche, mais permettez-moi d’exprimer la crainte que cette commission « libérale » – je le dis à M. Dominati – n’en profite pour remettre en cause un certain nombre d’acquis sociaux et de systèmes nationaux de solidarité. Cela a été déjà le cas avec le contrat à durée indéterminée français et avec le projet de mise en place d’une TVA sociale.
La dernière loi de finances rectificative pour 2011, le « plan de rigueur n° 1 », et le projet de loi de finances rectificative pour 2012, le « plan de rigueur n° 2 », présenté hier, comprennent des mesures qui n’ont fait l’objet d’aucune concertation ni avec la Commission ni avec nos partenaires, mesures qui, soit dit en passant, ont déjà été jugées insuffisantes par M. Olli Rehn, le commissaire européen aux affaires économiques.
Pour résoudre cette difficulté, l’accord européen du 27 octobre dernier prévoit la « consultation de la Commission et des autres États membres de la zone euro avant l’adoption de tout programme important de réforme de la politique budgétaire ou économique susceptible d’avoir des effets sur les partenaires ». Excusez la phraséologie ! Cela n’a pas été fait cette fois-ci.
Par ailleurs, lors du dernier Conseil européen, le projet de « règle d’or » est revenu sur le devant de la scène. Nous étions nombreux à croire que cette initiative inopportune, inutile et surtout inefficace était abandonnée. Ce point de vue – je ne le dis pas de façon partisane – est notamment partagé par la Commission européenne et par le président du Conseil européen. J’ai entendu moi-même M. Van Rompuy lors de l’académie d’été d’HEC – vous voyez que j’ai de bonnes fréquentations ! – dire devant 3 000 chefs d’entreprise que cette mesure était parfaitement inutile.
C’était même dans le journal !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Alors c’est tout dire !
M. Richard Yung.
Cette règle ne peut pas nuire !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Au lieu de graver la règle d’or dans le marbre constitutionnel, il serait plus efficace d’adopter, au début de chaque législature, une loi de programmation des finances publiques conforme à nos engagements européens – un déficit inférieur à 3 % du PIB et une dette inférieure à 60 % du PIB –, plutôt que de se voter le droit d’appliquer des politiques dérogeant à ces critères.
M. Richard Yung.
Il est temps de mettre en place un véritable fédéralisme budgétaire dont l’objectif serait la relance de la croissance européenne. L’intégration budgétaire européenne, ce n’est pas simplement le travail de surveillance comptable des budgets de chaque pays ; c’est aussi, à notre sens, une politique active, comme l’ont relevé de nombreuses personnalités – je pense à Guy Verhofstadt, qui n’est pourtant pas susceptible d’être qualifié de socialiste.
C’est un fédéraliste !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
C’est un fédéraliste, mais oui !
M. Richard Yung.
On peut l’être ou ne pas l’être !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Il y a des gens très bien aussi chez les fédéralistes, monsieur le président.
M. Richard Yung.
M. François Marc.
Et je m’en réclame avec fierté : je le suis depuis quarante ans ! Parfois, on prêche dans le désert, mais on finira par y arriver…
M. Richard Yung.
Il y a des utopies fondatrices !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Exactement !
M. Richard Yung.
Sur le plan européen, cette intégration budgétaire suppose la mise en place d’un budget européen afin de faciliter certaines dépenses volontaires, d’investissement, d’avenir, garantissant un certain nombre d’emprunts au niveau de l’Union européenne. Tels sont les termes du débat sur les ressources de l’Union.
De nouveaux impôts !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
C’est le débat sur les obligations européennes visant à financer des grands travaux. S’y ajoute la nécessité d’harmoniser certains impôts, comme l’impôt sur les sociétés. On y fait toujours référence dans les différents communiqués des Conseils européens, mais on n’avance pas, ni sur l’assiette ni sur le taux, et pourtant nous ne devons pas être loin d’une possible harmonisation, au moins avec les Allemands. Il faut également encourager les Irlandais à augmenter leurs taxes.
M. Richard Yung.
Avec les Irlandais, nous en sommes loin !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Enfin, il faut créer cette taxe sur les transactions financières, même si la
M. Richard Yung.
Certes, mais c’est là qu’ont lieu les transactions !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ce n’est pas une raison ! Dans ce cas-là, on ne fait jamais rien, monsieur le président.
M. Richard Yung.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
À notre sens, cette taxe sur les transactions financières devrait abonder le budget européen…
M. Richard Yung.
Ce sera sans effet !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
… et non pas servir de « prétexte » – le mot est peut-être un peu fort –, de raison pour les États membres de ne plus acquitter leur contribution au budget européen. S’il en était ainsi, ce serait un coup d’épée dans l’eau, et, à ce moment-là, je vous rejoindrais, monsieur le président.
M. Richard Yung.
Ainsi, nous pourrions, me semble-t-il, poursuivre une politique d’assainissement des finances publiques et réduire notre niveau d’endettement, sans étouffer la croissance, comme c’est le cas actuellement.
Une juxtaposition de politiques budgétaires nationales restrictives nous plonge progressivement dans l’austérité. On a tué la Grèce, alors il ne faut pas s’étonner maintenant si le cadavre ne bouge plus… Le malade est guéri, mais il est mort !
Toutefois, l’austérité n’est pas une fatalité. Un chemin difficile et étroit doit être trouvé entre, d’une part, une politique de désendettement et de réduction de la dette et, d’autre part, une politique d’investissement.
Il nous faut pour cela une politique plus ambitieuse sur le plan budgétaire et financier européen. De ce point de vue, la politique française est trop suiviste et trop timorée. Nous sommes enfermés dans une relation purement bilatérale avec l’Allemagne. Or l’Union européenne compte d’autres pays importants, qui doivent aussi être pris en compte. Il n’y a pas que la relation avec la CDU et Mme Merkel, que je respecte. Avec l’Allemagne, nous l’avons dit à maintes reprises, nous n’avançons que trop peu et trop tard.
Monsieur le président, mes chers collègues, voilà ce que nous avons l’ambition de changer ! Nous nous y préparons par des discussions et des rapprochements très positifs avec le SPD de Sigmar Gabriel en vue de 2013 et de 2014.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Très bien !
M. François Marc.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, la crise que nous vivons depuis quelques années est la crise structurelle d’un modèle de développement obsolète. En lisant le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui, on peine à croire que le Gouvernement en ait conscience.
M. Jean-Vincent Placé.
Le modèle de prospérité mis en œuvre depuis quelques décennies par les néolibéraux, le capitalisme d’endettement, repose tout à la fois sur une dérégulation économique et financière et sur un transfert massif de la valeur ajoutée, des salaires vers le capital.
Madame la ministre, si les écologistes ont toujours prédit l’inexorable effondrement de cette course en avant, votre famille politique a, pour sa part, très spontanément accompagné cette évolution. Rappelez-vous que, avant 2008, vous considériez encore la taxe sur les transactions financières comme une fantaisie d’extrême gauche ! Au pied du mur, vous la jugez aujourd’hui inévitable.
Les socialistes l’avaient voté en 2001 !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Depuis 2008, il s’agit donc non plus de prédire la crise, mais de la gérer. Même si, en ce moment, chaque prise de parole des responsables de la majorité s’agrémente, sans conviction, d’une petite variation sur la métaphore du capitaine dans la tempête, force est de constater que votre échec à cet égard est patent.
M. Jean-Vincent Placé.
Votre imprévoyance, votre incapacité à analyser la situation sont étonnantes. En septembre dernier, lors de l’examen au Parlement du plan d’aide à la Grèce, que vous présentiez comme le remède définitif, les écologistes, avec d’autres, avaient plaidé qu’il ne serait évidemment pas suffisant. À peine deux mois plus tard, la restructuration de la dette grecque s’est imposée d’elle-même. Que de temps perdu et d’efforts vains pour le peuple grec !
En matière budgétaire, le même aveuglement prévaut. Alors qu’il ne se trouvait pas un économiste pour valider vos hypothèses, vous vous êtes entêtés à présenter un budget fondé sur une croissance illusoire. Voilà le Parlement désormais contraint d’examiner, dans des délais intenables, des collectifs budgétaires fébrilement élaborés à la hâte, à la chaîne.
Quant à votre action, elle n’est malheureusement pas plus efficace que votre analyse n’est pertinente. En 2009, M. Sarkozy déclarait : « Les paradis fiscaux, c’est fini ! », et réclamait la plus grande « fermeté » quant aux rémunérations indues des
En ce qui concerne la fiscalité, qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui, votre politique est à l’avenant. Au cœur de ce que vous qualifiez vous-même de crise inédite depuis 1929, vous entérinez des cadeaux fiscaux pour les plus fortunés qui, même en période faste, auraient déjà semblé inéquitables. Était-il vraiment nécessaire, au printemps dernier, d’offrir 2 milliards d’euros aux contribuables assujettis à l’ISF pour venir, ensuite, nous présenter l’austérité comme incontournable ?
Vous avez augmenté la dette de 40 % en quatre ans ! Et les rapports les plus sérieux, notamment ceux de la Cour des comptes et de Gilles Carrez, n’imputent qu’un tiers de cet endettement à la crise. Les deux autres tiers constituent le prix à payer pour vos largesses fiscales. Faute d’avoir pris les devants alors que la crise avait déjà éclaté, vous en êtes donc aujourd’hui réduits à vous laisser dicter la politique de la France par ces obscures officines que sont les agences de notation.
Toutefois, même ainsi acculés, vous n’avez pas le sursaut de courage ou de responsabilité nécessaire pour avouer que vous vous êtes trompés, qu’il faut revenir sur l’allégement de l’ISF, qu’il faut vraiment supprimer le bouclier fiscal, qu’il faut taxer le capital au moins autant que le travail... Vous préférez empiler sur vos mesures injustes d’autres mesures en trompe-l’œil, comme la taxe – temporaire ! – sur les hauts revenus, qui ne rapportera que 400 millions d’euros, ou la fameuse prime indexée sur les dividendes, qui ne fait qu’offrir à des salariés atterrés une augmentation de quelques euros par an...
Dans cette politique erratique, la seule ligne qui émerge clairement est celle d’un discours, proprement terrifiant, sur les voleurs de minima sociaux, sur les malades irresponsables et sur les profiteurs du RSA. Comme les dirigeants grecs, qui ont renouvelé l’intégralité de leur état-major militaire et fait entrer l’extrême droite au gouvernement, vous êtes tentés, faute de pouvoir proposer un espoir, par le repli autoritaire.
Cet espoir ne vous sera pas accessible, tant que vous persisterez à nier que cette crise est aussi, si ce n’est pas avant tout, une crise écologique.
La croissance indue de ces dernières décennies s’est appuyée sur une dette financière, mais aussi écologique. Nous avons consommé plus que la nature ne produit. Aujourd’hui, le climat se dégrade, menaçant nos territoires. Les marchés des matières premières sont de plus en plus tendus. La raréfaction des ressources naturelles, voire leur épuisement, pour certaines d’entre elles, s’oppose irrémédiablement à cet accroissement infini de la production qui constitue votre seul horizon politique.
Il est urgent d’agir, pourtant, car des solutions existent pour ménager nos ressources, réduire les inégalités et retrouver le sens du bien commun. Il s’agit d’engager la transformation écologique de l’économie, de passer d’une production matérielle excessive à une production orientée vers le lien social, la santé, la culture, le savoir...
Parce qu’elles sont économes en ressources, les activités durables sont riches en emplois, le plus souvent non délocalisables. Ce travail doit être partagé entre tous. On ne peut plus accepter une société où des chômeurs côtoient des salariés détruits par la pression de leur employeur.
La maîtrise de nos finances publiques, elle, ne sera acquise qu’au prix d’une lutte sans merci contre les excès de la dérégulation financière, les paradis fiscaux et l’évasion fiscale. Ce ne sont pas les outils techniques qui font aujourd’hui défaut, c’est la volonté politique de s’attaquer à une industrie financière, dont on a voulu faire le moteur de notre développement, et aux rentiers qui s’en sont emparés. L’épargne doit servir à financer l’économie réelle.
En matière fiscale, enfin, les solutions sont simples, pour peu que l’on ne se sente pas tenu par le dogme libéral, voire ultralibéral. Une large contribution climat-énergie permettrait de réorienter les activités vers davantage de responsabilité environnementale. Son produit serait intégralement recyclé dans l’économie, pour aider les ménages les moins aisés à économiser de l’énergie, pour aider les entreprises à investir dans des activités durables, pour aider les travailleurs dont les industries ont vocation à décroître et à se reconvertir dans les filières nouvelles... Le Danemark l’a fait depuis longtemps.
Pour les particuliers, il faut un impôt sur le revenu lisible, à l’encontre de la stratégie de complexification du Gouvernement. Cet impôt devrait être prélevé à la source, individuel, vraiment progressif, intégrant les revenus du capital et ceux du travail. La fiscalité sur le patrimoine doit être élargie, notamment par la révision de l’exonération des biens professionnels.
Quant aux niches fiscales, pour peu que l’on ose affronter quelques intérêts privés, leur refonte permettrait de dégager de larges marges de manœuvre pour le bien public.
Monsieur le président, mes chers collègues, si l’on pose le bon diagnostic, des solutions existent. Peut-être cette crise aura-t-elle, à tout le moins, la vertu de décrédibiliser définitivement votre approche périmée du développement économique ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont succédé à la tribune.
Mme Valérie Pécresse,
Chacun en a conscience, nous traversons une période décisive. Le président de la commission des finances l’a souligné, fort de la longue expérience qui est la sienne : nous faisons face à des circonstances exceptionnelles, et même inédites.
Les choix que nous faisons engagent aujourd’hui notre avenir, et c’est pour cette raison que le Gouvernement a tenu à y associer étroitement la représentation nationale.
Vous nous faites donc, madame la rapporteure générale, un bien mauvais procès.
Le Gouvernement fait preuve d’une lucidité sans précédent. Toutes les majorités qui nous ont précédés ont préféré, lorsque la conjoncture s’assombrissait, remettre les ajustements au lendemain, et vider ainsi de son sens le débat parlementaire.
On ne change pas un budget à la dernière minute :…
Mais on change une équipe qui perd !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
... telle était la règle fixée par Lionel Jospin, qui refusa de changer son hypothèse de croissance après le 11 septembre 2001, alors que l’économie mondiale allait, dès lors, être profondément bouleversée.
Mme Valérie Pécresse,
Il n’a pas forcément eu raison !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il est vrai qu’une élection présidentielle devait se tenir quelque mois plus tard. Peut-être y songeait-il ?
Mme Valérie Pécresse,
Cela lui a beaucoup servi...
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Sourires.)
En modifiant notre prévision de croissance pour l’année de l’élection présidentielle, nous agissons à l’inverse : nous disons la vérité et faisons preuve de réactivité.
Mme Valérie Pécresse,
Oui, monsieur Placé, nous avons fait un choix bien différent du vôtre. En procédant à cette révision le 24 août dernier, nous avons pris en compte les événements de l’été.
Effectivement, monsieur Massion, au mois d’août, notre prévision, qui recueillait un certain consensus, concordait avec celles de l’OCDE et du FMI. Face à la crise, pourtant, nous n’avons pas hésité un seul instant : nous avons dit la vérité aux Français et présenté au Parlement un budget construit sur des hypothèses sincères. D’autres, auparavant, n’avaient pas eu le même respect pour les parlementaires.
Aujourd’hui, dans une situation de forte incertitude, nous faisons le choix de la prudence, et nous en tirons toutes les conséquences.
Madame Bricq, il n’y aura pas de troisième plan de redressement.
(Marques de scepticisme
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
On en reparlera !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Et ce pour une bonne et simple raison : ce projet de budget est crédible, sincère.
Mme Valérie Pécresse,
Un bon amortisseur !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
En outre, il comprend une réserve de précaution dont le montant, comme vous le savez, s’élève à 6 milliards d’euros.
Mme Valérie Pécresse,
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Cette réserve est destinée à faire face à un très fort ralentissement ou à un éventuel accident de croissance qui surviendrait en cours d’année.
Mme Valérie Pécresse,
Cette prudence, mesdames, messieurs les sénateurs, est consusbstantielle à ce projet de budget, et nous devrions tous nous en réjouir.
La prévision est un art difficile ; elle supporte mal les certitudes trop tranchées. Le taux de croissance pour le troisième trimestre de 2011 – il est de 0,4 % – vient nous le rappeler une nouvelle fois.
La croissance française est faible, mais elle existe. Elle est fragile ; nous devons donc la consolider. On ne doit pas la rayer d’un trait de plume, comme le font ceux qui souhaitent visiblement que la France aille plus mal !
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
C’est vous qui êtes responsables de la décroissance ; je ne fais qu’en parler !
M. Jean-Vincent Placé.
À la veille d’une échéance électorale, ce gouvernement est sans doute le seul de notre histoire récente à avoir eu le courage de dire aux Français que des efforts étaient nécessaires pour tenir nos objectifs de réduction des déficits et pour continuer à avancer sur le chemin du désendettement.
Mme Valérie Pécresse,
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Comme l’a très justement dit Serge Dassault, c’est aujourd’hui une nécessité absolue. Il faut cependant avancer au bon rythme, en réduisant les déficits sans casser la croissance.
Mme Valérie Pécresse,
Cet équilibre est au cœur de notre politique, et vous pouvez compter sur notre ténacité pour chercher à l’atteindre. Oui, madame Des Esgaulx, nous continuerons dans cette voie !
S’agissant de la maîtrise des dépenses, vous avez cité, madame la rapporteure générale, un certain nombre des chiffres ; encore faudrait-il qu’ils soient pertinents...
Ils sont exacts !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous prenez comme référence la période 2008-2012, ce qui est pour le moins curieux !
Mme Valérie Pécresse,
En effet, 2008 et 2009 sont deux années de crise et de récession, durant lesquelles le Gouvernement a laissé jouer à plein les stabilisateurs automatiques. Nous avons augmenté les dépenses pour protéger les Français ; si nous avions fait le contraire, vous nous l’auriez reproché ... C’était notre devoir, et nous l’assumons totalement.
Depuis 2010, les dépenses publiques progressent en moyenne de 0,8 % chaque année, contre 2,4 % en moyenne au cours des vingt dernières années.
Madame la ministre, 4 % en 2009 ! Il faut raisonner en moyenne sur la période.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Si vous en doutiez encore, ce projet de budget traduit à nouveau une baisse historique des dépenses de l’État, hors dettes et pensions. Comme l’a démontré Aymeri de Montesquiou, 1,5 milliard d’euros représente un effort sans précédent !
Mme Valérie Pécresse,
Dans le rapport de Mme Bricq, il est écrit que, sur la période, l’effort structurel a plus porté sur les dépenses, soit 1,1 point de PIB, que sur les recettes, soit 0,7 point de PIB.
De quelle période parlez-vous ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je parle de la période 2010-2012, celle du redressement et de la réduction des déficits...
Mme Valérie Pécresse,
Je parlais quant à moi de l’ensemble du quinquennat !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je le répète, nous continuerons dans cette voie.
Mme Valérie Pécresse,
Pour la période 2011-2016, l’effort total représentera 115 milliards d’euros, dont les deux tiers en dépenses.
Par ailleurs, si nous n’avions pas appliqué la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la masse salariale continuerait à augmenter de 800 millions d’euros par an. Vous le savez, le gel du point d’indice ne suffit pas,...
La RGPP non plus !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
... car il n’empêche pas l’augmentation, de l’ordre de 3 % par an, de la rémunération des fonctionnaires par le mécanisme du glissement-vieillesse-technicité.
Mme Valérie Pécresse,
C’est la faute des fonctionnaires...
M. Richard Yung.
Vous désapprouvez la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Soit ! Mais reconnaissez qu’elle nous a permis de réduire les dépenses de personnel de l’État.
Mme Valérie Pécresse,
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
C’est dérisoire au regard des enjeux !
M. Jean-Vincent Placé.
Vous refusez les économies quelles qu’elles soient !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Mais, monsieur Placé, nous raisonnons sur soixante ans ! Non seulement l’État recrute un fonctionnaire pour quarante et un ans et demi, mais ensuite il lui verse une pension de retraite pour le restant de ses jours ! Ces décisions ont donc un impact majeur sur l’équilibre financier de la France, à très long terme.
Mme Valérie Pécresse,
C’est tout le danger des calculs de M. Hollande, quand il prétend recruter 60 000 fonctionnaires supplémentaires !
Madame la rapporteure générale, concernant les recettes, vous ne pouvez pas non plus faire l’impasse sur la crise. Vous choisissez 2010 comme point de repère, mais il s’agit de l’année de la reprise, au cours de laquelle les recettes, après s’être effondrées, se sont spontanément redressées ! En outre, certaines d’entre elles sont encore très marquées par la crise, comme l’impôt sur les sociétés, qui n’a toujours pas retrouvé son niveau de 2007.
M. Marc nous a invités à supprimer des dizaines de milliards d’euros de niches fiscales, qui ne seraient pas justifiées sur le plan économique. Mais lesquelles allez-vous remettre en cause, monsieur le sénateur ? Les exonérations de CSG ? Les abattements d’impôt sur le revenu pour les retraités ? Les aides à l’emploi à domicile ?
Lisez les amendements que nous avons déposés !
M. François Marc.
La TVA à 5,5 % sur les équipements à destination des personnes handicapées ?
Mme Valérie Pécresse,
Nous venons de le dire !
M. François Marc.
Il s’agit des niches les moins bien notées par l’inspection générale des finances, mais ces dispositifs remplissent un rôle de cohésion sociale. Le Gouvernement ne les supprimera donc pas, et nous assumons totalement ce choix.
Mme Valérie Pécresse,
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Monsieur Patient, c’est au nom de la cohésion sociale et territoriale que nous avons refusé – à une exception près – de remettre en cause les dispositifs sociaux et fiscaux qui soutiennent la croissance outre-mer. Le développement endogène des territoires ultramarins constitue une priorité absolue du Président de la République.
Mme Valérie Pécresse,
Nous ne nous en étions pas aperçus !
M. Serge Larcher.
Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour continuer à avancer dans cette voie.
Mme Valérie Pécresse,
J’ai entendu les propos de Thierry Foucaud et de Claude Haut. Toutefois, on ne peut pas reprocher au Gouvernement d’avoir à la fois augmenté les prélèvements obligatoires et offert de prétendus cadeaux fiscaux !
Si ! C’est la vérité !
Mme Marie-France Beaufils.
Et l’ISF ?
M. Jean-Vincent Placé.
Nous pouvons être en désaccord, mais encore faudrait-il savoir sur quels points. La suppression de la première tranche de l’ISF est compensée par une série de mesures qui pèseront sur les plus riches : il s’agit donc d’une réforme équilibrée !
Mme Valérie Pécresse,
En outre, nous gelons aujourd’hui les barèmes de l’ISF et de l’impôt sur le revenu. Et nous allons taxer les revenus du patrimoine à la même hauteur que les revenus du travail. Jamais cela n’a été fait dans notre pays !
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Cela représente beaucoup d’argent !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Mais c’est un film !
M. Jean-Vincent Placé.
Vous n’étiez pas présent en début de séance, monsieur Placé ! En matière de justice fiscale, nous sommes en mesure de donner des leçons, nous n’avons pas à en recevoir !
Mme Valérie Pécresse,
(Mme Marie-France Beaufils
s’exclame.)
Cela va fort !
M. François Marc.
Concernant la participation des collectivités territoriales à l’effort de désendettement, la conviction du Gouvernement est claire : l’heure est à la responsabilité. Du reste, la Haute Assemblée le sait parfaitement : le principe de l’équilibre réel n’a jamais empêché une collectivité de s’endetter…
Mme Valérie Pécresse,
M. François Marc.
Et la capacité de remboursement des collectivités ?
Mme Marie-France Beaufils.
Démonstration en a encore été faite ce matin au conseil régional d’Île-de-France. La dépense locale faisant partie intégrante de la dépense publique, les collectivités doivent participer à l’effort de maîtrise des déficits publics. C’est tout le sens des 200 millions d’euros d’économies votés à l’Assemblée nationale. Je le rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, cette somme ne représente qu’un millième du budget consolidé des collectivités locales en France !
Mme Valérie Pécresse,
J’ajoute que, dans le plan de retour à l’équilibre des finances publiques d’ici à 2016 présenté par le Gouvernement, la part prise en charge par les collectivités territoriales représente moins de 10 % de l’effort demandé à l’ensemble de la sphère publique.
Monsieur Frécon, le dispositif de péréquation que ce budget instaure pour les communes et les EPCI représente, vous en conviendrez, une avancée très significative : en effet, il renforce considérablement la solidarité entre les collectivités.
Mme Marie-France Beaufils.
Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur ce point le moment venu. Je rappelle simplement que ce dispositif a fait l’objet d’une concertation approfondie au sein du comité des finances locales.
Mme Valérie Pécresse,
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai également entendu beaucoup d’interrogations au sujet du pouvoir d’achat. Or le souci de protéger les Français les plus fragiles nous a précisément conduits à exclure du nouveau taux réduit de la TVA à 7 % les produits de première nécessité dans les domaines de l’alimentation et de l’énergie, sans oublier les biens et les services à destination des personnes handicapées. En outre, c’est pour préserver le pouvoir d’achat des ménages que nous faisons peser la majorité des efforts sur les dépenses.
Madame la rapporteure générale, c’est ainsi que nous éviterons toute hausse générale des impôts. J’ajoute qu’on ne peut pas, comme l’a parfaitement souligné M. le président de la commission, préserver le pouvoir d’achat d’une part et, de l’autre – comme le souhaiterait M. Bocquet – retirer 450 euros par an…
C’est beaucoup d’argent !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
… aux neuf millions de Français qui perçoivent un salaire mensuel moyen de 1 500 euros et qui, grâce à la loi TEPA, accomplissent des heures supplémentaires, bref travaillent plus pour gagner plus !
Mme Valérie Pécresse,
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Ce sont des bêtises ! Tout cela, c’est fini !
M. Thierry Foucaud.
C’est la réalité !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
MM. Delahaye et Dominati l’ont souligné fort à propos : le redressement de nos finances publiques soulève également un enjeu de compétitivité. En effet, nos déficits pèsent sur la croissance. Le retour à l’équilibre est le seul moyen d’alléger le poids de la dette qui freine notre économie.
Mme Valérie Pécresse,
Yvon Collin l’a rappelé pour sa part, la crise que nous traversons doit nous conduire à rompre avec nos habitudes, à modifier tous nos points de repères. Toutefois, il faut aller au terme de cette démarche : la crise nous a appris que la bonne marche de l’économie va de pair avec une bonne gestion des finances publiques.
Monsieur Yung, je vous l’affirme : tous les pays d’Europe opèrent aujourd’hui le même choix que le nôtre, celui de réduire les déficits en concentrant avant tout leurs efforts sur les dépenses.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est le seul chemin crédible sur la voie du désendettement, et c’est celui que le Gouvernement vous propose d’emprunter. Je regrette, avec Aymeri de Montesquiou, que ce combat, mené dans l’intérêt commun, ne donne pas lieu ici à une véritable union nationale, sous les auspices de la devise des mousquetaires : « Tous pour un, un pour tous » !
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Bravo ! Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
M. le président.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
Monsieur le président, la commission sollicite une courte interruption de séance pour permettre à ses membres de se prononcer sur la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Mes chers collègues, chacun d’entre nous conçoit qu’il s’agit d’un moment important. En effet, selon la préconisation qui sera formulée et le vote qui aura lieu, nous poursuivrons ou non l’examen du projet de loi de finances pour 2012 !
Monsieur le président, nous sommes en mesure de nous prononcer rapidement. Il sera ensuite possible de reprendre la séance pour l’achever aux alentours de vingt heures.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le président.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)
La séance est reprise.
M. le président.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n°I-194.
M. le président.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 106, 2011‑2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Thierry Foucaud et Éric Bocquet ont rappelé la situation particulière dans laquelle nous sommes amenés à nous prononcer sur ce projet de budget pour 2012.
Mme Marie-France Beaufils.
Les annonces ne cessent de se multiplier depuis que le débat s’est engagé à l’Assemblée nationale. La dernière en date est, bien évidemment, le nouveau plan de rigueur, le nouveau projet de loi de finances rectificative, que vous avez présenté ce mercredi et qui n’est pas sans conséquence sur le texte dont nous discutons aujourd'hui.
Vous le savez, ce texte a été élaboré sur la base de prévisions, en particulier de croissance, qui manquent de crédibilité, et ce d’autant plus que les préconisations, qu’elles soient européennes ou qu’elles émanent du Fonds monétaire international, vont toutes dans le même sens : il faut faire payer au plus grand nombre les conséquences de la crise financière déclenchée par la crise des
Toutes ces annonces successives et l’instabilité qui a présidé à l’élaboration du projet de budget pour 2012 ont amené certains commentateurs à considérer que le Gouvernement avait des difficultés à affirmer son plan d’austérité. Celui-ci est peut-être ardu à assumer à l’approche d’élections présidentielle et législatives, mais il me semble qu’il est surtout difficile d’expliquer une politique d’austérité renforcée, alors que vous savez qu’elle n’apportera aucune réponse à la situation du pays, particulièrement à la réduction de son déficit.
Cette politique d’austérité n’a qu’un seul objet : essayer d’envoyer un signal aux marchés financiers auxquels vous vous êtes soumis en acceptant le pouvoir que les agences de notation et leurs actionnaires se sont arrogé ces dernières années.
Or, nous savons tous où mènent ces choix. La Grèce en est la victime la plus marquante, mais l’Espagne, le Portugal, l’Italie ne sont pas en reste. Les plans d’austérité imposés par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à l’échelon européen ne peuvent ni contribuer à redresser la situation économique ni permettre de retrouver enfin la capacité de répondre aux besoins de ces pays et de leurs habitants.
M. Jouyet, aujourd’hui président de l’Autorité des marchés financiers, explique très clairement le comportement actuel des marchés : « Ils ont fait pression sur le jeu démocratique. C’est le troisième gouvernement qui saute à leur initiative pour cause de dette excessive. Aux appréciations quantitatives qu’ils sont amenés à faire pour évaluer la capacité d’un État à rembourser ses dettes sont venus s’ajouter des jugements qualitatifs. Pour les marchés, Silvio Berlusconi n’était plus l’homme de la situation et l’envolée des taux d’intérêt de la dette italienne a été leur bulletin de vote. […] Mais à terme, les citoyens se révolteront contre cette dictature de fait. Notons au passage que la Grèce a nommé Premier ministre un banquier central et que l’Italie s’apprête à désigner un ancien commissaire européen et homme de Goldman Sachs... » C’est chose faite, puisque Mario Monti a été nommé président du Conseil.
On ne saurait en effet mieux dire ce dont il est question, à savoir le choix qu’il nous faut désormais effectuer. Michel Pébereau, président de BNP-Paribas, a déclaré dans un discours prononcé le 25 octobre et repris par
Ce discours nous ramène aux choix que nous devons faire : allons-nous continuer à accepter le diktat des marchés financiers ou allons-nous enfin considérer que la politique peut imposer d’autres choix ? Nous discutons soit d’un projet de budget répondant aux exigences de ces agences et, malheureusement, à celles portées par le couple franco-allemand en Europe, soit d’un projet de loi de finances volontaire, déterminé, courageux, faisant échapper les politiques publiques aux fausses vérités et évidences que l’on assène aux Français.
En effet, au nom de l’effort, et si possible d’un effort « également partagé », nous dit-on, l’on demande aux Françaises et aux Français, et, en premier chef, au monde du travail, de consentir des reculs sociaux significatifs, touchant tous les aspects de la vie, qu’il s’agisse de la dépense publique d’éducation, de la qualité de notre système de soins, de la pertinence de nos infrastructures de transport, de notre système solidaire d’accès au logement !
Le projet de loi de finances peut bien sûr être amendé ; des propositions de recettes nouvelles peuvent tout à fait être adoptées par le Sénat dans sa nouvelle composition. Nous avons travaillé en ce sens. Mais les grandes politiques publiques qui doivent être définies dans le projet de budget, sont bloquées, LOLF oblige. À moins que le Gouvernement n’accepte de revoir sa copie, car l’effort partagé dont vous parlez est bien particulier !
Certes, vous avez pris en considération la réaction populaire face à ces niveaux de profits et de rémunération inacceptables, que rien ne justifie. Mais vous refusez de reconnaître que cette crise est celle du système capitaliste, qui montre ainsi ses limites.
Vous nous proposez la taxation « exceptionnelle » des plus hauts revenus, soit un rendement de 200 millions d’euros au total, c’est-à-dire, pour avoir en tête les ordres de grandeur, quatre dixièmes de point de l’impôt sur le revenu attendu ! Non seulement cette somme est modeste, mais, en plus, vous considérez que cette taxe ne peut être qu’« exceptionnelle », conformément à la suggestion de ces grands patrons qui l’ont proposée pour mieux se dédouaner de leurs responsabilités.
Comparons, de surcroît, ces 200 millions d’euros, de prélèvement exceptionnel aux 1 857 millions d’ISF rendus aux ménages les plus fortunés par le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet ! De qui se moque-t-on ?
La majoration attendue du produit de l’impôt sur les sociétés, est, quant à elle, estimée aujourd’hui à 1,1 milliard d’euros. Remarquable effort, il est vrai, qui ne représente que le quart, ou peu s’en faut, des sommes que Total,
Quand on nous parle d’efforts « également partagés », je pense que nous ne donnons pas le même sens aux mots. Quels contribuables, dans notre pays, ont bénéficié d’une réduction de leur imposition de plus d’un tiers durant cette législature ? Avec la réforme de 2009, les entreprises assujetties à la taxe professionnelle ont gagné quelque 11 milliards d’euros pour la première année, somme considérable pour les budgets publics, mais qui ne représente qu’un demi-point de PIB et ne semble pas, au regard de la situation de l’emploi, avoir changé quoi que ce soit. Mesure de trésorerie peut-être pour certains, mais la contribution économique territoriale ne pèse pas le même poids que la taxe professionnelle pour bon nombre d’activités.
En revanche, les très petites entreprises, ou TPE, et un certain nombre de moyennes et petites entreprises font l’expérience d’une absence de baisse de leur contribution fiscale, le bonus ayant été capté par les autres !
Par votre politique, vous avez cherché, de manière purement idéologique, à réduire constamment à la fois les impôts dus par les entreprises et les obligations fiscales des ménages les plus aisés. On a ainsi vu se réduire le rendement de l’impôt sur les sociétés, des droits d’enregistrement et de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Les aides au redressement des banques ont été accordées sans aucune obligation de nouvelles orientations, particulièrement pour le financement de l’activité économique, et surtout industrielle.
À chaque loi de finances, initiale ou rectificative, un lot de taxes nouvelles sur la consommation, sans parler, évidemment, de la mise en question permanente de la dépense publique, avec son contingent de réduction des personnels des services publics, ont été décidées. Quelle est l’efficacité de ces choix ?
Le remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est devenu un dogme, que certains rêvent d’imposer aux collectivités locales. Mais que rapporte cette mesure au budget de l’État ? On parle de 4 milliards d’euros d’économies budgétaires sur la durée du quinquennat, c’est dire !
En corollaire, combien de personnels en préfecture, dans les directions départementales des territoires pour répondre aux habitants, aux élus ? Combien d’enseignants pour assurer une scolarité de qualité, prenant en compte la situation fragile de nos concitoyens des quartiers d’habitat social ou de nos communes rurales ? Quels moyens pour nos tribunaux, particulièrement ceux qui sont chargés de l’enfance ?
Quand la bourse de Paris perd en une séance deux points, comme avant-hier, elle perd quatre fois ce que le Gouvernement est fier d’avoir économisé sur la dépense publique !
Autre prétendue vérité assenée : l’impôt ne doit pas nuire à la compétitivité de nos entreprises ! En 2011, nous arrivons au terme d’un long cycle, engagé voilà près de trente ans, de réduction continue du poids des obligations fiscales et sociales des entreprises dans notre pays. Tous les chapitres ont été revisités, la TVA, l’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle, les cotisations sociales ; qu’il soit question des taux comme de l’assiette de ces prélèvements, une seule orientation a prévalu : celle du moins-disant fiscal. Objectif atteint ! Avec un taux de 33,33 %, l’impôt sur les sociétés en France paraît l’un des plus élevés d’Europe. Pourtant, un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur ce sujet a établi la vérité : la part de l’impôt sur les sociétés demeure faible dans le PIB ; dans le même temps, nous dépensons des sommes considérables et effectuons des efforts importants pour ne pas l’appliquer !
Notre législation comporte des dispositions favorables à la spéculation, comme la niche Copé relative aux plus-values de cession de titres du capital dans les groupes, soit 8 milliards d’euros cette année,…
Mais non !
Mme Valérie Pécresse,
… des mesures favorables aux opérations purement boursières, comme les plans de rachat d’actions, sans parler, bien entendu, du traitement des plus-values, qui va fréquemment de pair avec des restructurations meurtrières pour l’emploi et pour les capacités de production !
Mme Marie-France Beaufils.
Cette course à la rentabilité financière maximale est un véritable cancer pour notre industrie. Nous en avons tous des exemples dans nos départements.
Nous devons clairement passer au filtre de l’efficacité sociale et économique l’ensemble de ces choix gouvernementaux, qui n’ont pas empêché le démembrement de notre appareil industriel, l’aggravation de notre déficit commercial extérieur, la progression de la précarité de l’emploi et, de manière générale, l’atonie de notre croissance économique.
Puisque l’accumulation des cadeaux fiscaux n’a pas produit les résultats attendus, il est peut-être temps de penser les choses autrement.
Enfin, je ne peux manquer de parler quelques instants des collectivités territoriales. À écouter certains, celles-ci ne savent pas se réfréner et dépensent trop ! C’est un peu ce que vous avez dit tout à l'heure, madame la ministre.
Comme elles n’ont pas compris le sens des réformes et celui du changement, on réduit leurs moyens financiers, avant de s’attaquer à leur nombre – il faut diminuer le nombre des communes et des niveaux de collectivités, nous dit-on, car ils constituent un véritable « mille-feuille » local – ainsi qu’à leurs prérogatives et compétences.
Pour faire bonne mesure, les regroupements autoritaires sous l’égide des préfets sont préférés aux démarches volontaires de coopération et de développement des synergies locales.
Nous pouvons nous demander ce que les élus locaux ont fait de si terrible pour justifier un tel acharnement à réduire toujours plus leurs ressources, leurs compétences et leurs pouvoirs. Les collectivités territoriales financent pourtant 70 % des investissements publics, contribuant ainsi au maintien d’une activité dynamique dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, dont nous avons tant besoin.
Depuis 1993 et la réforme de la dotation globale de fonctionnement sans majoration, les relations entre l’État et les collectivités locales se sont un peu déroulées sur le mode du mariage forcé. Depuis lors, en effet, l’État a fait en sorte que les collectivités territoriales aient toujours plus à lui rendre. De pactes de stabilité en gel des dotations, ce sont à chaque fois plusieurs dizaines ou centaines de millions d’euros qui ont été déduits des ressources des collectivités territoriales. Vous vous êtes pourtant félicités du rôle d’amortisseur social que jouent nos collectivités…
Aujourd'hui, c’est une ponction supplémentaire – de quelques centaines de millions d’euros – sur les ressources des collectivités locales que vous soumettez à notre vote, dans le seul but de réduire d’autant le déficit budgétaire !
Alors même que nous n’avons aucun recul sur le résultat d’une campagne annuelle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE – c’est ce que nous disent les services –, vous annoncez une nouvelle répartition des ressources des collectivités, mais entre elles. C’est la mise en place d’une réforme à effet retardé, celle de la péréquation horizontale...
La péréquation horizontale, dans un schéma fiscal de plus en plus contraint – les seuls leviers restants sont la cotisation foncière des entreprises, CFE, et les impôts dits « ménages » –, ne peut apporter de réponse aux déséquilibres territoriaux actuels.
De fait, la démarche entreprise remettra en question l’idée même de péréquation – objectif que chacun peut partager –, tout simplement parce qu’on ne peut la fonder sur un simple transfert de ressources interne à chaque niveau de collectivités territoriales.
Nous vous avions déjà proposé, au printemps dernier, un système de péréquation horizontale rénové dont le financement, basé sur une recette affectée, n’alourdirait pas le budget de l’État.
J’en viens à mon dernier argument à l’appui de cette motion.
Le collectif de fin d’année prévoit des mesures d’une certaine importance, comme la hausse de la TVA sur les produits soumis au taux réduit ou le gel du barème de l’impôt sur le revenu – cette dernière mesure pèsera plus nettement sur le pouvoir d’achat des salariés et de leurs familles que toute réduction des dépenses publiques. Elles ont quelque effet sur le contenu de ce projet de loi de finances, et auraient donc dû y être intégrées pour être débattues dès maintenant.
En juillet, alors même que la situation des comptes publics n’était guère meilleure qu’aujourd'hui, vous avez, mes chers collègues de l’opposition, voté un collectif qui allégeait de 2 milliards d’euros le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune ! Il faut croire que vous pensiez que le budget de l’État pouvait le supporter…
Cela a été compensé !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
En septembre, vous avez décidé de prendre un milliard d’euros dans la poche des salariés et des assurés sociaux en augmentant les cotisations mutualistes !
Mme Marie-France Beaufils.
Cette manière de faire, totalement inacceptable, risque pourtant de perdurer en début d’année 2012, puisque rien ne garantit qu’aucun autre collectif ne sera présenté, même si, madame la ministre, vous nous avez dit que ce ne serait pas le cas.
Tel est le sens de la motion de procédure que nous avons déposée.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission souhaite que la discussion de ce projet de budget se poursuive, et ce pour une triple raison.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
D’abord, il va sans dire que tous, dans cet hémicycle, quelle que soit notre sensibilité politique, nous souhaitons débattre du texte. Lors d’une de nos réunions, la semaine dernière, nous avions déjà eu de vifs échanges à ce propos ; la discussion générale a par ailleurs montré que la droite et la gauche proposent des choix différents. Dès lors, il ne me semble pas utile d’instrumentaliser une motion de procédure.
Ensuite, nous sommes tous attachés au bicamérisme.
Enfin, il ne faut pas négliger le travail important accompli par les rapporteurs, notamment par les rapporteurs spéciaux.
Étant attachée au pluralisme de l’expression et des votes, je peux accepter qu’un groupe utilise une telle procédure pour défendre ses idées.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, vous avez pu exprimer votre point de vue, et vous aurez tout le loisir de continuer à le faire. Du reste, vous avez déposé des amendements intéressants. Je vous demande donc de retirer votre motion.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. le président.
Lors de la réunion de la commission des finances, les prises de position des membres du groupe UMP m’ont paru assez surprenantes, puisque ces derniers semblent trouver insoutenable le contenu même de la motion.
M. Thierry Foucaud.
(Protestations sur les travées de l’UMP.)
Les sénateurs de droite ont profité de cette motion tendant à opposer la question préalable pour essayer de faire de la politique politicienne et créer des divisions au sein de la gauche…
La gauche se divise toute seule !
Mme Fabienne Keller.
Vous n’avez pas besoin de nous !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
… au sujet des propositions que nous avons présentées pour trouver des recettes supplémentaires et pour mettre ainsi en œuvre une autre politique, comme l’a très bien dit Marie-France Beaufils.
M. Thierry Foucaud.
Je rappelle tout de même que tous autant que nous sommes à gauche de cet hémicycle, nous nous retrouvons pour dénoncer l’injustice fiscale et sociale et la réduction arbitraire des dépenses publiques et pour défendre la prise en compte des besoins sociaux ; tel était d’ailleurs l’objet de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mais, pour ne pas laisser le champ libre aux manœuvres politiciennes, nous retirons cette motion.
sur les travées de l’UMP.)
C’est grâce à nous !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Toutefois, nous ferons bientôt de nouveau la démonstration qu’il est possible de percevoir d’autres recettes, et ce même si nous savons qu’il ne nous sera malheureusement pas possible, notamment à cause de la LOLF, d’obtenir satisfaction et de réussir à financer les dépenses que nous souhaiterions pour la France et les Français.
M. Thierry Foucaud.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
La motion tendant à opposer la question préalable est retirée.
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 18 novembre 2011, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
M. le président.
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012). Examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole BRICQ, rapporteure générale de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
n° 1486 ‑ Le 24 novembre 2011 ‑
M. Jean‑Pierre CHAUVEAU
M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire
Ainsi, alors que l’Union européenne est déficitaire en sucre, la suppression des quotas et du prix minimum garanti risque de déstabiliser une filière pourtant reconnue pour la qualité de son organisation. La colère des planteurs est accentuée par le fait que la Commission européenne n’a transmis aucune explication aux représentants de la profession. Cette position est d’autant plus surprenante qu’elle s’oppose à celle du Parlement européen qui demande, quant à lui, la reconduction du règlement sucre jusqu’en 2020. Cette position du Parlement européen semble acceptable.
Il s’agit d’un sujet très important puisque l’économie betteravière représente en France plus de 25 000 planteurs pour un chiffre d’affaire de 800 millions d’euros. Avec près de 30 millions de tonnes de betteraves, la France est d’ailleurs le premier producteur mondial de sucre de betteraves.
Il l’interroge donc sur la position que le Gouvernement français entend adopter pour défendre la filière betteravière.
n° 1487 ‑ Le 24 novembre 2011 ‑
Mme Anne‑Marie ESCOFFIER
M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire
Les études diligentées en particulier auprès du Museum national d’histoire naturelle, pour connaître du frelon asiatique et des incidences de son apparition en métropole sur l’activité apicole, confirment les craintes des apiculteurs : sans aucun doute, le frelon à pattes jaunes décime les essaims et endommage les ruchers. Les solutions intermédiaires recommandées, mais mises en œuvre à titre individuel par les apiculteurs pour endiguer ce fléau, se révèlent inefficaces. C’est pourquoi, elle réaffirme la nécessité d’une action collective et lui demande de faire le point sur les mesures que le Gouvernement entend effectivement arrêter dans le cadre de son nouveau plan de lutte contre ce nuisible, tant sur les moyens matériels et scientifiques à mettre en œuvre pour éradiquer ce fléau, que sur les moyens financiers nécessaires pour indemniser les personnes soumises à ce phénomène.
n° 1488 ‑ Le 24 novembre 2011 ‑
M. Gilbert ROGER
M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
Afin d’agir sur les délais de procédure, et de réduire le délai d’instruction des contentieux d’urbanisme, le Gouvernement pourrait opportunément réfléchir à la création d’une section spécialisée du contentieux d’urbanisme au sein des tribunaux administratifs, afin d’en réduire l’engorgement et de lutter contre le sentiment de désintérêt des tribunaux souvent éprouvé par les citoyens et les collectivités territoriales engagés dans des conflits d’urbanisme.
Il souhaiterait savoir si le Gouvernement est disposé à faire évoluer notre législation sur ce sujet.
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DEBATS/SEN_20111119_101.xml | Mme Marie-France Beaufils, M. Jean Louis Masson.
Amendement n° I-36 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson.
Amendement n° I-40 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils.
Amendement n° I-111 de M. François Marc. – M. François Marc.
Mmes Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; M. Philippe Marini, président de la commission des finances ; François Marc, Jean Louis Masson, Philippe Dallier, Mme Marie-France Beaufils, M. Thierry Foucaud. – Adoption par scrutin public, après une demande de priorité, de l’amendement n
M. Roger Karoutchi, Mme la présidente.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Amendement n° I-43 rectifié de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mme la rapporteure générale. – Retrait.
Amendement n° I-51 rectifié de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-37 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Amendement n° I-47 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-35 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson, Mmes la rapporteure générale, la ministre, Catherine Procaccia, M. Roger Karoutchi, Mme Nathalie Goulet, M. Yann Gaillard. – Rejet.
Amendement n° I-112 de M. François Marc. – M. Marc Massion, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission, Mme Marie-France Beaufils, M. François Marc, Mme Catherine Procaccia. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-41 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. le président de la commission, Jean-Pierre Caffet, Philippe Dallier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n
Amendement n° I-1 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° I-53 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mme la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-4 de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Amendement n° I-44 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils.
Amendement n° I-45 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils.
Mme la ministre, M. le président de la commission, Mmes la rapporteure générale, Marie-France Beaufils, M. François Marc. – Adoption de l'amendement n° I-4 insérant un article additionnel, les amendements n
Amendement n° I-54 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° I-49 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. François Marc. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-115 de M. François Marc. – MM. François Marc, Mmes la rapporteure générale, la ministre, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-5 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-3 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-2 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. Albéric de Montgolfier, le président de la commission, Mme Catherine Procaccia, M. Philippe Dallier, Mme Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-48 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-50 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, le ministre, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Philippe Dominati, François Marc, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-70 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. Yann Gaillard, le président de la commission, Philippe Dominati, Mme Marie-France Beaufils. – Rejet.
Amendement n° I-46 rectifié de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-166 de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre, MM. le président de la commission, Albéric de Montgolfier, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° I-52 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-114 de M. François Marc. – M. Jean-Marc Todeschini, Mmes la rapporteure générale, la ministre, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-195 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-117 de Mme Virginie Klès. – Mmes Michèle André, la rapporteure générale, la ministre, Nathalie Goulet, Catherine Procaccia, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-205 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Amendement n° I-84 rectifié
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° I-201 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-91 rectifié de M. Michel Houel. – M. Philippe Dominati, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-7 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-118 rectifié de M. Georges Patient. – M. Georges Patient, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. Serge Larcher. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
M. le président de la commission.
M. Vincent Delahaye, Mme la présidente.
Amendement n° I-56 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° I-121 de M. François Marc. – M. Richard Yung.
Mmes Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; MM. Thierry Foucaud, Richard Yung. – Retrait de l’amendement n
Amendement n° I-120 rectifié
Amendement n° I-10 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. Thierry Foucaud, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-57 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Amendement n° I-55 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Amendement n° I-119 rectifié de M. François Marc. – M. François Marc, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-69 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-173 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Anne-Marie Escoffier, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-8 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-9 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-11 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-92 rectifié de M. Michel Houel. – M. Philippe Dallier, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-12 rectifié de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Amendement n° I-13 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. Richard Yung. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
M. le président de la commission.
Renvoi de la suite de la discussion.
La séance est ouverte.
Mme la présidente.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Mme la présidente
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier du vendredi 18 novembre 2011, une décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 191-2011, n° 194-2011, n° 195-2011, n° 196-2011 et n° 197-2011 QPC).
Mme la présidente.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (projet n° 106, rapport n° 107).
Mme la présidente.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles de la première partie.
I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2012 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2011 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 ;
3° À compter du 1
Je mets aux voix l'article 1
Mme la présidente.
(L'article 1
est adopté.)
I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 088 € le taux de :
« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 088 € et inférieure ou égale à 12 146 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 12 146 € et inférieure ou égale à 26 975 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 975 € et inférieure ou égale à 72 317 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 72 317 €. » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
3° Au 4, le montant : « 439 € » est remplacé par le montant : « 448 € ».
II. – À la première phrase du second alinéa de l’article 196 B du même code, le montant : « 5 698 € » est remplacé par le montant : « 5 817 € ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure générale,…
Mme Marie-France Beaufils.
Rien que des femmes, cela change !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… mes chers collègues, l’article 2 du projet de loi de finances pour 2012 porte, comme d’habitude, sur le barème de l’impôt progressif sur le revenu.
Mme Marie-France Beaufils.
Je ne ferai pas de longs développements sur notre conception générale de la fiscalité et la place que doit y trouver l’impôt sur le revenu, présumé le plus juste de nos impôts puisqu’il tient compte du revenu des assujettis. Nous avons souvent regretté qu’il n’occupe pas une place plus importante dans l’architecture de nos prélèvements obligatoires. En fait, c’est une véritable réhabilitation de l’impôt que nous entendons exprimer et une vraie progressivité que nous voulons mettre en œuvre,…
À 72 %, c’est de la progressivité !
M. Roger Karoutchi.
… afin de mieux faire vivre le principe selon lequel chacun doit contribuer, en fonction de ses capacités, à l’intérêt général.
Mme Marie-France Beaufils.
Nous souhaitons donc rendre toute sa place à l’impôt sur le revenu et en accroître le rendement, et cela pour une raison simple : il est temps d’imprimer à notre droit fiscal une évolution majeure, en abandonnant les vieilles formules de taxation indirecte de la consommation qui pénalisent les ménages les plus modestes et en rendant à l’impôt direct républicain toutes ses vertus.
Depuis dix ans, la majorité gouvernementale soutient, sans avoir toujours mesuré l’ampleur des conséquences, une politique qui a conduit au doublement de la dette publique, au creusement des déficits, à l’atonie de la croissance.
Si nous tirons quelques leçons de cette gestion, c’est d'abord que le taux de nos prélèvements obligatoires n’a jamais été aussi élevé, à plus de 44 %. Vous vous souvenez peut-être des déclarations d’un ancien Président de la République, selon lesquelles au-dessus de 40 % de prélèvements on était dans une société socialiste ! Ce n’est pourtant pas le cas, me semble-t-il…
Cela dépend !
M. Roger Karoutchi.
En dix ans, le nombre de chômeurs de catégorie 1 est passé de près de 2 millions à 3 millions !
Mme Marie-France Beaufils.
Le bilan du quinquennat, nous le connaissons : une croissance faible en 2007, une surchauffe financière et une récession en 2008 ; à peine relancée, la machine se fatigue à nouveau et le commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires évalue à 0,6 % le taux de croissance de notre PIB en 2012, même si Mme la ministre annonçait hier un taux de 1 %.
Tous les paris économiques tentés par la majorité de droite depuis dix ans ont échoué à résoudre les problèmes que subissent nos compatriotes : la stagnation des salaires et du pouvoir d’achat, la désindustrialisation, la précarisation du travail, les difficultés d’intégration des jeunes dans l’entreprise, rien n’a été résolu !
Par contre, il est vrai que les personnes dont les revenus sont les plus élevés ont vu baisser leurs impôts, que les entreprises ont gagné de nouvelles niches fiscales et la suppression de la taxe professionnelle, que les patrimoines les plus importants sont de plus en plus épargnés.
Du côté de la baisse de la pression fiscale sur les plus riches, les objectifs auront été atteints ! Quant aux grands groupes, ils ont engrangé de très bons résultats et amélioré leur rentabilité.
Cet argent n’a pas fait le bonheur de la grande majorité des habitants de notre pays. Nous voulons donc mieux traiter cette population, comme l’avait souhaité le Président de la République dans l’une de ses déclarations, en faisant en sorte que cet impôt progressif soit plus efficace.
La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour réduire la dette et améliorer l’équilibre budgétaire de la France, la solution est simple : si je compare ce problème à celui posé par le remplissage d’une baignoire, il faut à la fois réduire l’écoulement de l’eau et ouvrir plus grand le robinet.
M. Jean Louis Masson.
Or je regrette que le Gouvernement et le Président de la République essaient uniquement de réduire les dépenses, alors que la gravité de la situation commande d’augmenter aussi les recettes.
Il serait donc tout à fait opportun de créer une ou plusieurs tranches d’impôt sur les très hauts revenus. Dans le système actuel, en effet, les gens les plus favorisés peuvent tout de même faire un effort.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-36, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« – 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 € et inférieure ou égale à 100 000 € ;
« – 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 € et inférieure ou égale à 250 000 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € ;
« – 47,5 % pour la fraction supérieure à 500 000 €. » ;
La parole est à M. Jean Louis Masson.
Le redressement des finances publiques passe à la fois par des économies budgétaires et par un effort fiscal supplémentaire, chacun contribuant alors dans la juste proportion de ses moyens. Nous devons donc accepter le principe de cet effort fiscal et, plus encore, celui d’une réelle équité dans sa répartition ; cela passe par un signal fort pour plus de justice fiscale.
M. Jean Louis Masson.
Actuellement, la tranche d’impôt sur le revenu la plus élevée est de 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros par part. Dans un souci de solidarité nationale, le présent amendement vise à créer trois nouvelles tranches d’imposition sur le revenu aux taux de 42,5 %, 45 % et 47,5 %, afin de mettre plus fortement à contribution les très hauts revenus.
L'amendement n° I-40, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
1° Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure à 100 000 €
2° Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« – 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 € ;
« – 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 € ; »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement a pour objet de poser de nouveau la question des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu et de revenir sur le rendement même de cet impôt.
Mme Marie-France Beaufils.
L’impôt sur le revenu est, au fond, assez mal défini. L’un de ses défauts essentiels réside dans son assiette, par trop réduite, notamment au regard de la contribution sociale généralisée, qui s’apparente de plus en plus à un impôt sur le revenu minimal.
Cette étroitesse de l’assiette de l’impôt relativise toujours le débat que nous avons sur les taux d’imposition des tranches du barème. À nos yeux, la question du taux marginal est donc importante, sans être nécessairement déterminante.
Il ne s’agit pas pour nous d’un dogme immuable de notre système fiscal, d’un signe fort qu’il conviendrait de préserver coûte que coûte : c’est tout simplement une nécessité.
Nous nous attachons depuis de longues années à défendre et à illustrer le principe constitutionnel en vertu duquel chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés.
Je ne citerai pas ici les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais les conditions sont peut-être réunies, dans notre assemblée, pour leur donner un relief particulier. Il est bon aussi que l’opinion publique puisse entendre les propositions que nous sommes en mesure de porter.
La défense et l’illustration de ce principe passent, à notre sens, par un double mouvement de renforcement de la progressivité de l’impôt par le biais du barème et de rééquilibrage du traitement de la matière fiscale pour chacune des catégories de revenu. Cet amendement vise à favoriser le premier terme de ce mouvement, en affirmant plus clairement la progressivité du barème.
C’est aussi pour des raisons évidentes de rendement de l’impôt que nous avons déposé cet amendement. Si l’on s’en tient aux seuls contribuables dont le revenu excède 100 000 euros, cette mesure est susceptible de rapporter 7 à 10 milliards d’euros de recettes.
Autant de recettes qui permettraient de prendre en charge les dépenses utiles, de réduire les déficits et, donc, dans les années à venir, de diminuer les impôts de tout le monde et d’éviter à la France les travers de l’austérité durable !
L'amendement n° I-170, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure à 100 000 € ;
II. - Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - 46 % pour la fraction supérieure à 100 000 €.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-80 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou, Jarlier et Delahaye, Mme Dini, MM. Amoudry, Merceron, Dubois, Deneux et J. Boyer, Mme Gourault, M. Détraigne, Mmes Férat et N. Goulet et MM. Tandonnet, Capo-Canellas, Namy, Roche, Lasserre et Maurey, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure ou égale à 150 000 euros
II. – Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« – 45 % pour la fraction supérieure à 150 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ;
« – 50 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-111, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure à 100 000 euros ;
II. – En conséquence, après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros. » ;
La parole est à M. François Marc.
Cet amendement est, à nos yeux, essentiel. En période de crise, dans un contexte budgétaire marqué par la raréfaction de l’argent public et la régression de la solidarité, il importe de donner un signal fort à nos concitoyens à travers l’impôt sur le revenu.
M. François Marc.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à considérer que le système social français est moins redistributif qu’il y a vingt ans. Une étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, le 16 novembre dernier vient de l’établir.
Depuis 1990, le système est moins redistributif. En particulier, la redistribution qui était assise sur l’impôt sur le revenu s’effectue dans des conditions nettement moins favorables.
Ces éléments ont été confirmés dans une étude récente menée par trois économistes de renom, à savoir Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, dans un ouvrage bien connu publié il y a quelques mois.
Cet ouvrage montre comment les systèmes fiscaux très progressifs mis en place aux États-Unis et en Europe dans les années soixante ont été peu à peu démantelés
Mes chers collègues, c’est dans ce contexte de déperdition manifeste des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu que nous vous proposons aujourd'hui cet amendement.
Bien sûr, le Gouvernement prévoit une taxation provisoire de 3 % des revenus à partir de 500 000 euros par part pour les contribuables célibataires et à partir d’un million d’euros pour les contribuables soumis à imposition commune, mais cette taxation est selon nous bien faible. Notre système fiscal demeure injuste, les contribuables aisés payant moins d’impôts, proportionnellement à leurs revenus, que les Français moyens et modestes.
Nous souhaitons donc rétablir une forme d’équilibre, réintroduire davantage de progressivité, restaurer la confiance de nos concitoyens dans l’impôt et, bien sûr, parvenir à l’équilibre des comptes publics, madame la ministre, car c’est là une préoccupation que nous partageons tous.
Dans cette période particulièrement troublée, nous devons aujourd'hui en France, comme l’ont fait les Allemands en instaurant une tranche à 45 %, comme l’ont fait les Britanniques en créant une tranche à 50 %, envoyer le signal que la fiscalité sur les revenus doit être plus importante pour les revenus les plus élevés.
Tel est dont l’objet de l’amendement n° I-111, qui tend à créer une tranche supplémentaire à 45 % pour la fraction de chaque part de revenu qui excède 100 000 euros.
Si elle était adoptée, cette disposition constituerait la première étape d’une réforme bien plus vaste, que nous pourrions envisager pour la suite, de la fiscalité des revenus. Toutefois, dès aujourd'hui, je le répète, ce serait là envoyer un signal très fort à nos concitoyens.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n
Mme la présidente.
Je rappelle, pour la clarté de nos débats, que l’amendement n° I-36 de M. Masson vise à créer une tranche à 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros et inférieure ou égale à 100 000 euros ; à 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et inférieure ou égale à 250 000 euros, à 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ; à 47,5 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’amendement n° I-40 du groupe CRC a pour objet de créer deux tranches supplémentaires : une tranche à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et une autre à 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros.
L’amendement n° I-111 du groupe socialiste tend à créer une tranche à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros.
François Marc a montré, une fois de plus, que l’impôt sur le revenu avait perdu en progressivité, notamment depuis la réforme de 2006 et le passage de sept à cinq tranches d’imposition. Cet impôt est même devenu dégressif pour les contribuables très aisés, car le taux net d’imposition décroît après le dernier centile de la distribution.
Je rappelle qu’il n’est pas le seul impôt sur le revenu. La CSG, la contribution sociale généralisée, dont l’assiette est plus large et qui est un impôt proportionnel, a un rendement de 88,7 milliards d’euros pour 2012, contre 58,4 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu.
Je précise, afin que nous ayons une vision globale de la fiscalité des personnes physiques, que le Gouvernement crée à l’article 3 un troisième impôt sur le revenu applicable aux seuls contribuables dont les revenus excèdent 250 000 euros et dont l’assiette, comme le barème, est encore différente.
Je tire deux enseignements de cet état des lieux. Le premier, c’est qu’il serait peut-être plus clair et plus lisible de regrouper tous ces dispositifs en un seul. Le second, c’est que, à droit constant, et en l’absence de réforme globale de la fiscalité des personnes physiques, à laquelle certains ici sont très attachés, il faut rétablir de la progressivité dans le dispositif. À cet effet, il faut à la fois réduire les niches fiscales et « reprofiler » le barème.
Quelles conséquences opérationnelles allons-nous en tirer ?
Mes chers collègues, nous n’allons pas aujourd'hui refonder l’impôt sur le revenu des personnes physiques, car nous n’en avons ni les moyens ni le temps. Cela étant, il faudra bien le faire un jour. Pour l’heure, nous allons adopter des amendements qui visent à éclairer l’avenir et à faire sens pour le présent.
L’amendement n° I-111 du groupe socialiste tend à créer une seule tranche supplémentaire, à un taux d’imposition correct – fixé à 45 % – pour la fraction supérieure à 100 000 euros. Si je commence par évoquer cet amendement, c’est parce qu’il me semble être le plus rationnel.
Si nous créions deux tranches supplémentaires, comme nous le propose le groupe CRC, nous devrions, par souci de cohérence, supprimer l’article 3 du projet de loi de finances. En effet, le produit du nouvel impôt crée par le Gouvernement à l’article 3 est sensiblement équivalent à celui de l’une des tranches que souhaite instaurer le groupe CRC. Pour ma part, je préfère que nous conservions l’article 3.
Je rappelle que dans la version initiale du texte, telle qu’elle a été transmise par l’Assemblée nationale, ce nouvel impôt était d’une durée limitée. Il était en effet prévu que cette surtaxation – il s’agit en fait d’une nouvelle modification du barème – disparaisse dès le retour à l’équilibre de nos finances publiques. La commission des finances du Sénat l’a pérennisée. Telle est la raison pour laquelle je préfère que nous conservions l’article 3.
J’ajoute, Madame la ministre, qu’il est assez intéressant qu’un gouvernement de droite, car vous l’assumez comme tel, propose un impôt sur le revenu à l’assiette large,…
Mme Valérie Pécresse,
ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
… plus large en tout cas, et qui taxe selon un même barème progressif les revenus du travail et les revenus du capital. Puisque vous vous rangez aux propositions que formule le groupe socialiste depuis des années, il faut le faire sur l’ensemble des impositions sur le revenu ! Nous y reviendrons.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je souhaite que le Sénat se rallie à l’amendement n° I-111 du groupe socialiste. Je le dis notamment à nos collègues du groupe CRC. Vous avez votre cohérence, mes chers collègues, je ne la nie pas – vous avez d’ailleurs déposé un amendement de suppression de l’article 3. Toutefois, il me semble nécessaire, je le répète, de conserver le nouvel impôt créé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale. On engrange ! Ce nouvel impôt repose sur des bases proches des nôtres. Il faut instaurer une tranche supplémentaire à 45 %, car créer deux tranches, ce serait aller vers des eaux tout de même assez fortes pour les contribuables.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° I-36 de M. Masson.
Enfin, madame la présidente, je demande le vote par priorité de l’amendement n° I-111.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Valérie Pécresse,
La priorité est de droit.
Mme la présidente.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion ?
Le Gouvernement est défavorable à la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros, comme tend à le prévoir l’amendement auquel Mme la rapporteure générale demande à l’hémicycle de se rallier.
Mme Valérie Pécresse,
Nous sommes contre cette proposition, comme nous sommes opposés à toutes les créations de tranches supérieures. En effet, si l’objectif aujourd'hui est que ceux qui ont le plus contribuent davantage à la solidarité, il faut frapper les ménages qui sont véritablement les plus aisés. De ce point de vue, la contribution de solidarité à la réduction des déficits que propose le Gouvernement à l’article 3 est un outil beaucoup plus puissant et bien plus efficace.
(M. François Marc manifeste son scepticisme
Je vais vous expliquer pourquoi, monsieur Marc. C’est très simple : le dispositif du Gouvernement permet un rendement de 400 millions d’euros pour 20 000 foyers. La mesure que propose le groupe socialiste aurait un rendement de 500 millions d’euros pour 300 000 foyers. Vous voyez bien que vous ne touchez pas les mêmes personnes.
Pour notre part, nous considérons que l’assiette doit être très large et inclure à la fois les revenus des personnes physiques et ceux du patrimoine. En effet, les revenus des personnes véritablement aisées sont non pas des revenus d’activité ou de retraite, mais des revenus du patrimoine. C’est à partir de 250 000 euros par part – ce seuil nous semble pertinent – que la bascule s’opère : c’est alors davantage grâce à son patrimoine qu’à ses revenus d’activité que l’on est riche.
Le seuil que nous proposons nous paraît adapté à la taxation des ménages véritablement aisés. La contribution de solidarité à la réduction des déficits, je le rappelle, va progressivement faire passer le taux de fiscalité de l’impôt sur le revenu de 41 % à 45 %.
Si l’on prend en compte l’ensemble des mesures annoncées par le Premier ministre, le taux de fiscalité des revenus du patrimoine sera, pour la première fois dans notre pays, le même que celui des revenus du travail. Nous aurons autant mis à contribution les revenus du patrimoine que ceux du travail.
J’ajoute que si l’on met en parallèle la situation de la France et celle de l’Allemagne – une comparaison à laquelle on procède beaucoup sur ces travées –, on constate que les revenus du patrimoine en France sont taxés 15 % de plus qu’en Allemagne. C’est cela l’équité ! Cette solidarité est nécessaire à la réduction de nos déficits.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements n
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le souvenir que l’ancienne commission des finances avait défendu à différentes reprises lors de nos débats, plusieurs années de suite, ce que nous appelions la « trilogie », c'est-à-dire la suppression du bouclier fiscal – c’est fait –, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune – il a été réformé –, et la création d’une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Cette trilogie n’est naturellement plus à l’ordre du jour : le bouclier fiscal a été abrogé dans son principe et sa suppression effective est en cours ; l’impôt sur le patrimoine a été « reprofilé » et ses taux ont été redéfinis afin de réduire les effets antiéconomiques ou pervers que l’on connaissait. Par conséquent, le troisième élément de la trilogie ne se justifie absolument plus. Je le rappelle par souci de continuité des positions prises.
Cela dit, mes chers collègues, j’avoue être assez surpris – j’aurai bien des occasions dans la suite de cette discussion de vous exprimer mon étonnement, ce que je tenterai de faire avec un minimum de mots – que la nouvelle majorité sénatoriale ne veuille pas et ne sache pas choisir entre deux dispositifs, c'est-à-dire entre la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus d’un côté et la tranche marginale supplémentaire de l’autre. En effet, ces deux dispositifs sont redondants.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ils sont redondants ! Tous deux visent le même objectif.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Mme la ministre vient de démontrer le contraire !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Après tout, pourquoi ne pas « reprofiler » l’article 3 si vous estimez, chers collègues, qu’il ne répond pas exactement à vos attentes ?
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Vous pouvez relever le taux de la contribution ou élargir son assiette, mais pourquoi ajouter un dispositif à l’autre ?
Je rappelle enfin que, d’année en année, l’effort de réduction des dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu se poursuit. Le plafonnement des avantages fiscaux est chaque année plus contraignant et les mesures ciblées s’ajoutent les unes aux autres. Ainsi, le cliché voulant que les hauts et les très hauts revenus puissent habilement utiliser tous les dispositifs possibles et imaginables pour faire baisser leur impôt devient de moins en moins vrai. Il ne correspond plus aujourd'hui à la réalité, comme c’était le cas il y a quelques années.
Du point de vue de la précédente commission des finances, dont je m’efforce, en quelque sorte, d’être le gardien de la continuité,…
Le gardien du temple !
M. Roger Karoutchi.
sur les travées de l’UMP.)
… je ne puis qu’être tout à fait opposé aux amendements relatifs à la création d’une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Toutefois, je ne répéterai pas ma position lors des discussions à venir sur le sujet, car cela me paraît inutile.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Comme les membres de la minorité de la commission des finances actuelle l’ont fait ce matin, je voterai, bien entendu, contre l’amendement n° I-111.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° I-111.
Mme la présidente.
Je souhaite expliquer l’importance que revêt l’adoption de cet amendement, que j’ai présenté tout à l’heure comme un signal adressé à nos concitoyens.
M. François Marc.
Madame la ministre, la croissance des inégalités en matière de patrimoine et de richesse entre nos concitoyens est admise par tous.
C’est pourquoi le Gouvernement, comme de nombreux acteurs politiques aujourd'hui, préconise de taxer davantage le patrimoine. Nous n’y voyons pas d’objection. Le groupe socialiste-EELV va d’ailleurs proposer des amendements qui vont encore plus loin dans ce domaine.
Je souhaiterais ensuite réagir à l’intervention de M. président de la commission des finances, qui nous a, effectivement, parlé à de nombreuses reprises de sa fameuse trilogie. Nous avons le sentiment que, depuis lors, les choses ont plutôt régressé. En effet, la trilogie de l’ancien rapporteur général consistait à supprimer le bouclier fiscal et l’ISF et à créer une tranche d’impôt sur le revenu supplémentaire.
Le bouclier fiscal a bien été supprimé, ce qui a rapporté 600 millions d’euros de recettes supplémentaires. Toutefois, la réforme de l’ISF nous a fait perdre plus de 1,5 milliard d’euros de recettes !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cela a été compensé !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Au total, ces deux réformes ont donc fait perdre environ 1 milliard d’euros au budget de l’État !
M. François Marc.
Par conséquent, il est tout à fait légitime de revendiquer l’application volontariste du troisième terme de la trilogie ! Cette justification semble parfaitement rationnelle, monsieur le président de la commission des finances.
Je terminerai mon intervention en insistant sur un constat que l’INSEE vient de rappeler dans sa dernière étude. Selon les auteurs de cette dernière : « L’impôt sur le revenu est devenu nettement moins progressif. Les ménages du dernier quintile – les 20 % les plus riches – acquittent un montant d’impôt sur le revenu plus faible avec la législation de 2010 qu’avec celle de 1990, la différence correspondant à 5 % de leur niveau de vie ».
Voilà un argument de poids en faveur de cet amendement : la situation s’est aggravée. Ces différences croissantes de revenus entre nos concitoyens requièrent que nous envoyions, comme cela a été fait Allemagne ou au Royaume-Uni, un signal fort aux Français. Il faut leur montrer que l’effort sera porté par ceux qui en ont les moyens.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Les dispositions de cet amendement relèvent plus d’une logique de rééquilibrage de la progressivité – ou plutôt de lutte contre la dégressivité ! – de l’impôt sur le revenu que du souci de réduire le déficit et de créer de nouvelles recettes. Sinon, elles auraient pour corollaire la suppression de l’article 3 !
M. Jean Louis Masson.
Je préfère la logique de l’amendement n° I-36 que j’ai déposé – quoi de plus normal ? –, car elle permet d’introduire une dose de progressivité. L’amendement n° I-36 vise non pas la création
ex abrupto
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on veut absolument faire voter le Sénat sur l’amendement n° I-111 en priorité. Il y a quelque chose d’un peu déplaisant dans ce procédé.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre l’amendement n° I-111.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Au-delà de la minorité de la commission des finances, le groupe UMP dans son ensemble s’opposera à cet amendement.
M. Philippe Dallier.
Nous ne sommes pas opposés à toute évolution sur le sujet. Vous avez d’ailleurs noté, chers collègues, que notre position bougeait. Cela dit, pour reprendre les arguments de Mme la rapporteure générale, on ne peut pas réformer l’impôt sur le revenu sur un coin de table, pour ainsi dire. Nous savons tous qu’il faudra une grande réforme en la matière, qui posera également la question du financement de la protection sociale, donc du devenir de la CSG. Pourquoi, à ce titre, ne pas reparler de la TVA sociale, puisqu’il semblerait que le sujet ne soit désormais plus tabou ?
L’article 3, me semble-t-il, répond en partie à la préoccupation de Mme la rapporteure générale. Il permet de taxer les plus hauts revenus de manière exceptionnelle. Mme la ministre nous a en outre expliqué que cette taxation avait un rendement intéressant. Laissons le débat s’ouvrir. La campagne présidentielle va s’y prêter, et l’année 2012 verra peut-être la mise en place d’une réforme plus générale.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Notre proposition naît du constat de la diminution de la progressivité de l’impôt sur le revenu, depuis que la droite est au pouvoir. On en a vu les conséquences, notamment en termes de pertes de ressources pour notre pays. On a aussi pu constater que, peu à peu, les revenus moyens contribuaient beaucoup plus à l’équilibre du budget que les plus hauts.
Mme Marie-France Beaufils.
Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, notre proposition est cohérente avec celle qui vise à supprimer le prélèvement exceptionnel.
En effet, madame la ministre, vous n’avez pas évoqué dans votre intervention le caractère exceptionnel de la mesure que vous défendez. Cela signifie que, pour vous, demander aux hauts revenus de contribuer au redressement du pays ne peut être que temporaire. Une fois redressé, le pays n’aurait plus besoin de la contribution de ces revenus ? Nous ne partageons pas cette analyse. C’est pourquoi nous prônons l’affirmation d’un impôt sur le revenu véritablement progressif. Tel est le sens de notre amendement.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais répondre à l’intervention de M. le président de la commission des finances.
M. Thierry Foucaud.
Sa trilogie est un trompe-l’œil. Je partage sur ce point l’avis de François Marc, même si nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur les chiffres ! En effet, le bouclier fiscal ne sera abrogé qu’en janvier 2013. Son coût s’est élevé à 700 millions d’euros en 2011. Il représentera encore 300 millions d’euros en 2012 ! En revanche, la réforme de l’ISF s’appliquera dès janvier 2012, soit un coût pour le budget de 1,9 milliard d’euros. En tout, ce seront donc 2,2 milliards d’euros qui seront dépensés en 2012, toujours au bénéfice des mêmes : les plus fortunés !
De plus, le barème de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, dont le niveau des tranches est actualisé tous les ans en fonction, notamment, de l’indice des prix,…
Pas cette année ! Il a été gelé !
Mme Valérie Pécresse,
… ne sera plus indexé sur l’inflation en 2012 et 2013. Cela signifie que le barème relatif aux revenus perçus en 2011 et 2012 sera identique à celui de 2010.
M. Thierry Foucaud.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Ce débat est important, et je sais gré aux parlementaires de toutes tendances de l’enrichir. Il se poursuivra au cours du semestre qui vient. Notre objectif est d’éclairer les choix budgétaires, et à travers eux les choix fiscaux des uns et des autres.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mme la ministre nous dit qu’elle est attachée à la progressivité de l’impôt : j’en prends acte. Mais la meilleure manière pour ce faire consiste à intégrer tous les revenus dans le barème, y compris ceux du capital. Nous en reparlerons après l’examen de l’article 3.
Je voudrais aussi dire au rapporteur général
(Sourires.)
Au rapporteur général ?
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Nouveaux sourires.)
Pardon, au président de la commission des finances, bien sûr !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Les habitudes sont tenaces !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
M. Marini a été rapporteur général pendant treize ans, tout de même, il sait donc de quoi il parle !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Nouveaux sourires.)
Pour répondre au président de la commission des finances, donc, le mécanisme de la tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu et celui de la surtaxe ne sont pas redondants. J’ai bien écouté Mme la ministre : elle nous a démontré le contraire. Elle s’est en effet opposée à la tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu proposée par les groupes socialiste-EELV et CRC, au motif qu’avait été créée une nouvelle imposition sur les plus aisés. Elle nous a même reproché de prévoir une assiette plus large que celle de la nouvelle contribution.
Non, moins large !
Mme Valérie Pécresse,
À mon avis, les deux propositions ne sont donc pas redondantes.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Nous pourrons continuer cette conversation tout à l’heure, lorsque nous étudierons les amendements déposés par Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Pécresse,
Pourquoi avons-nous choisi, dans le cadre des plans anti-déficit « Fillon I » et « Fillon II », de créer cette taxation exceptionnelle, et non pas, comme nous aurions aussi pu le faire, d’intégrer tous les revenus du patrimoine dans l’imposition sur le revenu, ce qui aurait eu, peut-être, le mérite de la simplicité ? Tout simplement parce que se serait produit dans ce cas un décalage de trésorerie de 4,4 milliards d’euros !
Je le sais !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ayant déjà vécu, d’ailleurs avec douleur, une difficulté similaire avec la réforme de l’ISF, qui est totalement compensée et équilibrée en vitesse de croisière par la taxation des plus hauts patrimoines, mais qui présente un décalage de trésorerie d’un an à cause du report de la suppression du bouclier fiscal à janvier 2013, nous n’avons pas voulu rencontrer ce problème une nouvelle fois ! Nous avons donc décidé d’augmenter les taux plutôt que de changer l’impôt.
Mme Valérie Pécresse,
C’est bien ce que disait Mme la rapporteure générale : on ne réforme pas la fiscalité sur un coin de table.
Le Sénat n’est pas un coin de table !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je veux dire que l’on ne peut pas le faire de manière trop rapide, au risque de faire perdre 4,4 milliards d’euros de recettes au budget de l’État, dans une année où chaque euro compte.
Mme Valérie Pécresse,
Nous y reviendrons.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Nous avons donc préféré créer, pour cette année, la contribution de solidarité.
Mme Valérie Pécresse,
J’en profite pour répondre au groupe CRC : cette contribution vise à permettre la réduction du déficit. L’objectif du Gouvernement n’est pas d’alourdir la charge fiscale.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑111.
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
(Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Ça commence !
Mme Catherine Procaccia.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici le résultat du scrutin n° 48 :
Mme la présidente.
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements n
Je vais mettre aux voix l'article 2, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
(Protestations sur les travées de l’UMP.)
Ça vous est arrivé aussi, mes chers collègues !
Mme Marie-France Beaufils.
Justement ! Vous nous avez suffisamment fait la leçon !
M. Philippe Dallier.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
Mme la présidente.
Je ne voudrais pas jouer les donneurs de leçons – d’ailleurs, nous serions peut-être mal placés pour cela –, mais, au cours des années précédentes, j’ai entendu M. Jean-Pierre Bel clamer que les scrutins publics étaient « insupportables » et exhorter les groupes de la majorité à mobiliser leurs membres pour être effectivement majoritaires en séance et, par là, dignes de leur prépondérance.
M. Roger Karoutchi.
Or, depuis le début de la semaine, nous allons de scrutin public en scrutin public et les débats s’éternisent, parce que la gauche n’arrive pas à mobiliser sur sa réforme fiscale !
La majorité, c’est le combustible du budget !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
sur les travées de l’UMP.)
Je croyais que c’était le MOX, mais restons-en là !
M. Roger Karoutchi.
(Mêmes mouvements.)
Nous ne pouvons pas continuer le débat budgétaire dans ces conditions. Je n’ai pas de conseil à donner aux présidents des groupes de gauche, mais il serait tout de même préférable de faire en sorte de ne pas avoir de scrutin public sur chaque article ou amendement.
Le scrutin public a déjà été annoncé par Mme la présidente !
M. Jean-Marc Todeschini.
Je parle des scrutins publics en général, pas forcément de celui-là en particulier. Mobilisez un peu dans vos rangs, chers collègues !
M. Roger Karoutchi.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Karoutchi.
Mme la présidente.
Je mets donc aux voix l’article 2, modifié.
Je rappelle que j’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
L'avis de la commission est favorable et l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici le résultat du scrutin n° 49 :
Mme la présidente.
Le Sénat a adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-43 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 200‑0 A du code général des impôts, après les mots : « supérieure à », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « un montant de 10 000 euros. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° I-51 rectifié.
M. Thierry Foucaud.
L’amendement n° I-43 rectifié a pour objet d’abaisser le niveau du plafonnement global des dispositifs fiscaux dérogatoires à 10 000 euros, au lieu de 18 000 euros, sans ajout d’une fraction de revenu imposable.
L’amendement n° I-51 rectifié vise à revenir à un plafond raisonnable pour la réduction d’impôt pour les dépenses liées à l’emploi d’un salarié à domicile.
En effet, voilà plusieurs années que le Gouvernement et l’ancienne majorité augmentent ce plafond de manière déraisonnable. Et cela n’a bénéficié – vous le savez, mes chers collègues – qu’à un nombre restreint de familles, détournant ainsi l’esprit d’une mesure d’ailleurs adoptée lorsque la gauche était aux responsabilités.
M. Roger Karoutchi.
Le plafond a été relevé en plusieurs étapes, mais chaque fois de manière excessive ! À l’origine, il était fixé à 3 811 euros, soit, à l’époque, 25 000 francs. Il a été porté à 3 964 euros, puis à 13 720 euros. Revenue au pouvoir entre 1997 et 2002 – et sans effraction particulière !
M. Thierry Foucaud.
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
En 2005, la majorité de droite a ramené la déduction à un niveau proche de celui qui avait été atteint en 1995. Aujourd'hui, le plafond est fixé à 12 000 euros, et il peut parfois atteindre 15 000 euros, voire 20 000 euros dans certains cas.
Les hausses massives du plafond modifient complètement la cible et la nature d’un dispositif à l’origine destiné à faciliter le recours aux services à la personne, notamment pour les jeunes couples salariés, les retraités modestes ou les familles.
Là, nous sommes bel et bien passés à une plantureuse niche fiscale en faveur des ménages aisés qui possèdent une résidence privée avec gardien ou qui inscrivent leurs enfants à cours particuliers.
Mme Nathalie Goulet.
D’ailleurs, je pense que nous devrions nous pencher sérieusement sur cette question. Pour ma part, et je fais référence à nos débats sur l’enseignement, je trouve scandaleux de réduire les impôts des personnes qui font suivre des cours privés à leurs enfants !
M. Thierry Foucaud.
(Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
Dès lors, et par souci de cohérence avec notre volonté de réduire le poids de la dépense fiscale et de rétablir la justice fiscale et sociale, nous proposons de ramener le plafond à son niveau de 2002, soit 7 000 euros.
L'amendement n° I-172 rectifié
Mme la présidente.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après les mots : « supérieure à », la fin du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts est ainsi rédigée : « un montant de 15 000 € ».
II. – Cette disposition s’applique aux revenus imposés au titre de l’année 2011.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
L’amendement n° I-43 rectifié vise à ramener le niveau du plafonnement global des dispositifs fiscaux dérogatoires à 10 000 euros sans fraction supplémentaire du revenu imposable. J’en partage la philosophie et les objectifs.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour autant, je propose, et je ferai de même pour d’autres mesures, d’insérer ce dispositif plutôt dans la seconde partie du projet de loi de finances.
Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils.
Cela permettrait, compte tenu des modalités de paiement de l’impôt sur le revenu, d’éviter le problème de la rétroactivité. En outre, ce serait plus cohérent.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Monsieur Foucaud, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-43 rectifié est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je remercie Mme la rapporteure générale de ses propos et je retire mon amendement, madame la présidente. Nous défendrons un dispositif similaire lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
M. Thierry Foucaud.
L'amendement n° I-43 rectifié est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-51 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux premier et deuxième alinéas et aux première et avant-dernière phrases du dernier alinéa, le nombre : « 12 000 » est remplacé par le nombre : « 7 000 » ;
2° Au deuxième alinéa, le nombre : « 15 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».
II. – Ces dispositions sont applicables aux revenus perçus au titre de l’année 2011.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je le retire, comme l’amendement précédent et pour les mêmes raisons, madame la présidente !
M. Thierry Foucaud.
L'amendement n° I-51 rectifié est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-37, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199
1° Le 4 est ainsi rédigé :
« 4. Pour l’ensemble des contribuables, l’aide prend la forme d’un crédit d’impôt sur le revenu égal à 50 % des dépenses mentionnées au 3 au titre des services définis aux articles L. 7231‑1 et D. 7231‑1 du code du travail, supportées au titre de l’emploi, à leur résidence, d’un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné aux b ou c du 1. Les dispositions du présent alinéa ne s’appliquent qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû. » ;
2° Le 5 est abrogé.
II. – 1. Les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.
2. Les I et II de l’article 30 de la loi n° 2011‑900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 sont abrogés.
III. – Les pertes de recettes susceptibles de résulter pour l’État des I et II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 402
La parole est à M. Jean Louis Masson.
Le présent amendement vise à remédier à la grande injustice dont sont victimes les personnes retraitées, lesquelles ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile.
M. Jean Louis Masson.
Le code général des impôts octroie à la plupart des contribuables un crédit d’impôt sur le revenu pour l’emploi d’un salarié à domicile. Ce crédit est égal à 50 % des dépenses. Lorsque le contribuable ne paie pas d’impôt sur le revenu ou s’il en paie peu, la partie de la réduction qui excède l’impôt peut lui être remboursée au titre du crédit d’impôt.
Toutefois, les retraités ont seulement droit à une réduction et non à un crédit d’impôt.
Un retraité fortuné peut donc utiliser pleinement l’avantage fiscal en déduisant de son impôt sur le revenu l’emploi de salariés, contrairement au retraité modeste et non imposable qui est exclu, par ailleurs, du régime du crédit d’impôt.
Or ce sont les personnes âgées qui ont le plus besoin des services à la personne – aide à la mobilité, tâches ménagères, petits travaux. Le dispositif actuel est donc à la fois injuste et discriminatoire, car il pénalise sélectivement les retraités par rapport aux actifs et, au sein des retraités, les plus modestes.
À mon sens, il s’agit d’un amendement de justice fiscale et d’équité à l’égard des personnes les plus défavorisées.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
M. Masson souhaite modifier le dispositif concernant la réduction d’impôt accordée aux retraités pour l’emploi de salariés à domicile.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’avantage fiscal relatif à l’emploi d’un salarié à domicile comporte, en réalité, deux dispositifs : un crédit d’impôt pour les actifs et une réduction d’impôt pour les non-actifs.
Notre collègue veut mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les retraités. Toutefois, a-t-il chiffré le coût d’une telle mesure ? Celui-ci sera forcément important.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le coût de cet amendement est important, monsieur Masson, puisqu’il s’élève à 1 milliard d’euros.
Mme Valérie Pécresse,
Par ailleurs, votre proposition me paraît contraire à la logique du dispositif. Le crédit d’impôt a été réservé dès l’origine aux personnes qui exercent une activité professionnelle ou aux demandeurs d’emploi, pour lesquels la charge d’un salarié à domicile peut sembler excessive.
Quant à la suppression du bouclier fiscal dès 2012, elle serait source d’insécurité juridique et d’iniquité pour les contribuables qui ont décidé d’investir en fonction de la législation en vigueur en 2010.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il est un peu facile d’objecter que cette mesure coûterait de l’argent.
M. Jean Louis Masson.
C’est pourtant vrai !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Soyez logiques : vous ne voyez rien à redire à ce que les retraités qui ont des revenus très importants puissent bénéficier d’une réduction d’impôt, mais dès qu’il s’agit d’aider les retraités modestes, qui tirent le diable par la queue, qui ont du mal à employer un salarié à domicile parce qu’ils payent plein pot et n’ont droit à aucune déduction, alors là vous trouvez que ça coûte de l’argent !
M. Jean Louis Masson.
Le système actuel favorise sélectivement les retraités les plus riches et n’aide absolument pas les retraités modestes, qui ont souvent peu de ressources.
Par ailleurs, pourquoi une personne active, certes, mais qui dispose de revenus très importants, peut-elle déduire de son impôt la quasi-totalité des sommes qu’elle consacre à l’emploi d’un salarié à domicile et bénéficier, de surcroît, d’un crédit d’impôt, contrairement au petit retraité modeste ?
C’est la négation même de la justice fiscale !
Je mets aux voix l'amendement n° I‑37.
Mme la présidente.
C’est 1 milliard d’euros de dépenses en plus !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I-47 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 4 de l’article 200
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre des revenus perçus pour l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Je reviens sur un sujet qui a déjà été discuté l’année dernière, si ma mémoire est bonne.
Mme Marie-France Beaufils.
Le présent amendement vise à doubler les plafonds de dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt pour les travaux obligatoires de renforcement des habitations situées dans le périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques, un PPRT, introduit dans le cadre de la loi dite « Grenelle 2 ».
Les populations qui vivent dans le périmètre des PPRT connaissent souvent une situation très difficile. Dois-je rappeler qu’il s’agit ordinairement de populations ouvrières venues habiter, pour certaines depuis des décennies, à proximité de leur lieu de travail ? Ces gens ne peuvent pas toujours supporter le coût de tels travaux. Il est dommage que les aides initialement prévues aient été revues à la baisse. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Mme Beaufils revient sur un sujet important. L’année dernière, notre collègue Marc Massion avait défendu un amendement similaire, sans succès.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à instituer un dispositif proche de celui que vous préconisez, ma chère collègue. Étudions plutôt votre proposition lors de l’examen de la seconde partie du texte, plus précisément à l’article 44.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avant que Mme Beaufils ne retire son amendement, je souhaite lui dire que son combat est juste et que sa proposition est justifiée.
Mme Valérie Pécresse,
Madame la sénatrice, vous avez été entendue avant même que vous ne vous exprimiez puisque l’Assemblée nationale a voté le doublement du plafond du crédit d’impôt pour les personnes qui résident dans des zones à risques technologiques. L’actuel projet de loi prévoit donc déjà le doublement, que vous proposez, du plafond des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt.
C’est pourquoi le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
Madame Beaufils, l'amendement n° I-47 rectifié est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Marie-France Beaufils.
Toutefois, s’il se révèle que le dispositif introduit par l’Assemblée nationale, que je n’ai pas encore eu le temps d’étudier, ne correspond pas à nos attentes, nous présenterons un amendement identique dans la seconde partie du texte.
C’est le même dispositif que celui que vous proposez !
Mme Valérie Pécresse,
L'amendement n° I-47 rectifié est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-35, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3 de l’article 200 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour chaque personne majeure du foyer fiscal, n’ouvrent droit à une réduction d’impôt que les dons à un seul parti ou groupement politique. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
La réglementation du financement des partis politique interdit les dons supérieurs à 7 500 euros pour le financement d’un même parti politique.
M. Jean Louis Masson.
En revanche, une personne peut effectuer un don de 7 500 euros à plusieurs partis politiques – même vingt ou trente ! – et cumuler autant de fois les réductions correspondantes d’impôt sur le revenu.
Afin de permettre à un donateur de se soustraire au plafond de 7 500 euros, certains grands partis ont donc favorisé la création de satellites, lesquels rétrocèdent ensuite les dons au parti principal. C’est ce que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques appelle « un détournement de l’esprit de la loi » dans un article publié par
Or si un donateur agit par conviction et en dehors de tout artifice fiscal, il ne soutient pas simultanément plusieurs partis politiques.
Le présent amendement a donc pour objet de remédier à ces anomalies. S’il était adopté, une même personne physique ne pourrait pas cumuler les réductions d’impôt sur le revenu pour les dons effectués à plus d’un parti ou groupement politique.
En première lecture à l’Assemblée nationale, le problème a été évoqué à propos d’un amendement similaire présenté par un député UMP. Très curieusement, le Gouvernement s’est déclaré plutôt favorable à la mesure, comme les orateurs du parti socialiste d’ailleurs, et les orateurs de l’UMP ont reconnu qu’il existait, effectivement, une anomalie. Puis, soudain, l’amendement a été retiré.
Si tout le monde est d’accord pour considérer qu’il existe un problème et qu’il faut normaliser la situation, pourquoi ne pas agir ?
Qu’une personne verse des sommes considérables à des partis politiques ne me gêne pas. Mais qu’elle offre des sommes considérables et arrive, par le biais de divers partis satellites, à faire supporter par le budget de l’État 66 % de ses dons, cela me paraît anormal. L’État n’a pas à participer à de tels financements, surtout dans une période où chacun considère, à juste titre, qu’il faut faire des économies et lutter contre les abus.
Telle est la logique de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
M. Masson nous propose, à la faveur de l’examen du projet de loi de finances, de modifier le code électoral.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le droit commun des dons, quelle que soit leur affectation – association ou parti politique –, donne lieu à une réduction d’impôt égale à 66 % du montant des sommes versées retenues dans la limite de 20 % du revenu imposable.
En application de ces dispositions et dans le respect du plafond de droit commun pour les dons, il est effectivement possible de verser le montant de 7 500 euros à plusieurs partis différents.
L’amendement de M. Masson trouverait certainement un meilleur cadre de discussion dans un texte sur le financement des partis politiques plutôt que dans un projet de loi de finances.
La commission émet donc un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Il serait prématuré d’adopter un tel amendement. Certes, monsieur Masson, j’ai émis un avis favorable au nom du Gouvernement sur le plafonnement de la défiscalisation des dons pour les partis politiques en première lecture du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale. Toutefois, les députés nous ont demandé de constituer un groupe de travail, qui pourrait être bicaméral et transpartisan afin d’apporter la meilleure réponse possible à ce problème.
Mme Valérie Pécresse,
Il est évident que le pluralisme politique et la vie démocratique de notre pays ne se résument pas à des règles fiscales, mais il est évident aussi que la défiscalisation des dons permet à de petits partis et à des courants minoritaires au sein de grands partis d’exister et de mener une action politique.
S’il ne faut pas que nous tuions le pluralisme au sein de la vie politique, il ne faut pas non plus qu’il y ait des abus. Voilà pourquoi le Gouvernement a accepté que soit mis en place un groupe de travail à l’Assemblée nationale. Si Mme la rapporteure générale et M. le président de la commission des finances en étaient d’accord, ce groupe pourrait être bicaméral et nous conduire à proposer des mesures qui seraient inscrites, soit dans le projet de loi de finances rectificative, soit dans un autre texte d’ici à janvier.
Il n’y a pas forcément urgence !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
En attendant, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la rapporteure générale, il est un peu fort de dire que la mesure proposée modifie le code électoral alors que l’article visé est un article du code général des impôts ! Vous bottez en touche, tout simplement pour essayer de maintenir le système existant.
M. Jean Louis Masson.
Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : il est nécessaire de permettre aux courants d’opinions minoritaires et aux petits partis d’exister. Toutefois, le problème n’est pas là. Que quelqu’un fasse un don à un petit parti ou à une association, pourquoi pas. Le vrai problème est qu’une personne puisse détourner le système pour faire des dons à dix ou à vingt partis satellites, et tout cela aux frais de l’État.
Il faudrait être richissime !
M. Roger Karoutchi.
Dois-je rappeler qu’une somme de 1 million d’euros diluée en plusieurs dons représente 660 000 euros de déductions fiscales ? Si cela ne concerne pas le budget, qu’est-ce qui le concerne !
M. Jean Louis Masson.
Ces derniers temps, un grand nombre d’affaires de ce type sont apparues. Si cette mesure de protection du budget de l’État avait été prévue par la loi, elles n’auraient peut-être pas pu se produire.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Si l’amendement de M. Masson n’a peut-être pas sa place dans une loi de finances, il me paraît viser un réel problème.
Mme Catherine Procaccia.
En prévoyant que la réduction d’impôt ne s’applique pour chaque personne qu’aux dons versés à un seul parti ou groupement politique, on limite le pluralisme en dissuadant le donataire de changer d’avis au cours d’une même année et de soutenir d’autres partis, certes.
Cela étant, renvoyer la résolution de cette question au code électoral est un moyen de ne rien faire, car on prendra toujours prétexte des élections qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans l’intervalle. Peut-être aurait-on pu prévoir un plafond ?
Il y en a un !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’ai bien entendu les propos de M. Masson et les réponses de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre.
M. Roger Karoutchi.
Sincèrement, une assemblée comme la nôtre peut-elle examiner le financement de l’activité politique uniquement par le petit bout des dons ? En définitive, c’est l’État qui, au travers de la subvention publique, fait partiellement vivre les partis politiques, lesquels disposent également des contributions individuelles.
Si l’on veut remettre à plat le financement des formations politiques, il faut revoir l’ensemble du système de subventionnement public et de contribution des particuliers, en discutant de tout ce qui s’est pratiqué autrefois, qui ne se fait plus et qui pourrait exister dans un cadre plus organisé.
On ne peut pas, tout d’un coup, décider de baisser les subventions publiques, sans parler des contributions des particuliers. Je comprends l’intérêt du plafonnement et la volonté d’empêcher tout détournement d’une formation politique vers une autre. Toutefois, de grâce, si l’on veut évoquer le financement des formations politiques, expression de la démocratie, il faut remettre à plat l’ensemble du système.
Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Les interventions précédentes me confortent dans l’idée que nous devons rassembler nos forces dans la mission « Pouvoirs publics ». En effet, la dotation accordée par l’État à chaque parlementaire étant de l’ordre de 46 000 euros par an, nous pourrions peut-être, dans cette période d’austérité, envisager une petite diminution.
Mme Nathalie Goulet.
Que ne déposez-vous un amendement !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Absolument, il est en cours de rédaction !
Mme Nathalie Goulet.
Les dispositions de l’amendement n° I-35 soulèvent en tout cas un problème réel, et je pense que la mission « Pouvoirs publics » sera le cadre idéal pour en débattre.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Pour une fois, je suis d’accord avec M. Masson. Si ses idées sont souvent étonnantes, là, il vise juste.
M. Yann Gaillard.
En effet, on prétend qu’on va diligenter des études approfondies et mettre en place des groupes de travail extraordinaires, tout en sachant que rien ne sera jamais fait. L’adoption de cet amendement obligerait peut-être à progresser sur cette question. Il est tout de même scandaleux de multiplier les réductions d’impôt en finançant plusieurs partis politiques.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑35.
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I-112, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le IV de l’article 200
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Marc Massion.
Lors de la loi de finances pour 2008, le Gouvernement avait proposé une mesure d’indexation de la prime pour l’emploi, la PPE, en fonction de l’inflation sur l’année 2007. En 2008, l’inflation fut forte – 2,8 % en moyenne –, mais, pour 2009, 2010 et 2011, le barème de la PPE a été gelé. Cela signifie que le salaire de référence pour en bénéficier et le montant attribué ne progressent plus.
M. Marc Massion.
Alors que 9,1 millions de foyers bénéficiaient de la PPE en 2005, ils n’étaient plus que 7,7 millions en 2010. De même, alors que le montant moyen de PPE distribué était de 502 euros en 2008, il n’a été que de 470 euros en 2010. Il n’est pas acceptable que le nombre de bénéficiaires de la PPE diminue en même temps que le montant de prime perçu, alors que la situation de l’emploi s’aggrave.
Or cette prime constitue une réelle incitation à la reprise d’un emploi : elle représente un outil de soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat pour les faibles revenus.
Compte tenu du coût total de la prime, qui s’est élevé à 3,6 milliards d’euros l’an dernier, le coût d’une mesure d’indexation devrait être bien moindre que celui de la mesure visant les heures supplémentaires dans le cadre du paquet fiscal, soit 4 milliards d’euros. Contrairement à cette destruction d’emplois opérée sur fonds publics, la mesure ici proposée permettrait de soutenir le pouvoir d’achat, tout en incitant à la reprise d’emploi.
Il convient donc d’indexer automatiquement les seuils et les barèmes de la prime pour l’emploi.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Les auteurs de cet amendement souhaitent réintroduire une revalorisation annuelle de la prime pour l’emploi suivant la même évolution que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Il a donc bien sa place en première partie.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En gelant la prime pour l’emploi, le Gouvernement a réalisé une économie substantielle, qui ne touche pas les foyers les plus aisés.
Depuis l’introduction du RSA, la PPE a, il est vrai, perdu en lisibilité. Elle s’est quelque peu écartée de son objectif originel, qui était de soutenir le retour à l’emploi. Néanmoins, il s'agit d’une mesure de soutien aux populations les plus modestes.
Je suis favorable au dégel de cette prime pour l’emploi,…
On ne sait même pas ce qu’on veut en faire !
M. Roger Karoutchi.
… parce que, au moment où elle a été gelée, le Gouvernement dégelait, si j’ose dire, l’indexation du barème de l’ISF. Ce serait une mesure de justice par rapport à ce qui a été fait pour l’impôt sur la fortune.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Outre que le coût de cet amendement est de 275 millions d'euros – mais ce n’est pas le problème financier qui nous arrête –, nous avons, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, créé un dispositif beaucoup plus puissant de réinsertion par le travail, le revenu de solidarité active, ou RSA, qui coûte au budget de l’État 2 milliards d'euros.
Mme Valérie Pécresse,
Néanmoins, nous n’avons pas souhaité retirer le bénéfice de la PPE aux salariés les plus modestes, pour la bonne et simple raison qu’il n’y avait pas recoupement total des deux publics. À l’évidence, le RSA a vocation à se substituer progressivement à la PPE parce que c’est un outil beaucoup plus puissant, nettement plus proche du terrain et qui correspond beaucoup mieux à l’accompagnement de salariés sur la voie de la réinsertion, notamment dans son volet complémentaire, le RSA « activité ».
Nous souhaitons geler le barème de la PPE, et ce n’est pas inéquitable puisque nous gelons aussi celui de l’impôt sur le revenu pour les ménages plus aisés qui acquittent cet impôt.
Et le barème de l’ISF ?
M. François Marc.
Ainsi que le barème de l’ISF ; monsieur Marc, vous avez fait bien de me le faire remarquer !
Mme Valérie Pécresse,
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
. Au cours des années passées, il nous est arrivé de nous interroger sur l’adéquation de la PPE aux objectifs visés.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances
On se souvient que ce dispositif était né comme impôt négatif, qu’il s’agissait d’un levier pour favoriser le retour à l’emploi. Or, comme le rappelait Mme Pécresse, la mise en œuvre progressive du RSA, ainsi que les modifications ayant affecté le dispositif même de la PPE, ont pour conséquence que des appréciations mitigées sont portées sur le tableau actuel.
En réalité, si nous avions accepté, voire souhaité que l’on fige le barème de la PPE, c’est parce que nous n’étions plus suffisamment convaincus de son efficacité. N’est-elle pas trop dispersée, trop largement répartie ? Ne devrait-elle pas, comme certaines études l’ont montré, être davantage concentrée sur certains segments sociaux, c'est-à-dire sur ceux qui ont le plus besoin d’être encouragés à revenir vers l’emploi ?
Ce sont là des questions qui n’ont pas vraiment été traitées. Il est clair qu’elles ne peuvent guère l’être au cours de la séquence 2011-2012, madame la ministre, mais il faudra le faire à l’avenir.
Réévaluer le barème de la prime pour l’emploi ne me paraît pas une bonne mesure, précisément parce que cette prime mérite sans doute d’être réétudiée, focalisée sur les bénéficiaires les plus légitimes et rendue plus efficace.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Lors de l’institution de la prime pour l’emploi, nous étions réservés. Nous le sommes toujours, après son application, car elle n’a pas du tout favorisé le retour à l’emploi, pas plus d’ailleurs que ne le permet le RSA en ce qui concerne les salariés.
Mme Marie-France Beaufils.
En effet, en période de récession économique, il est encore plus difficile d’accompagner le retour à l’emploi, surtout quand le Gouvernement diminue les moyens de Pôle emploi. Nous sommes dans une période plus que complexe.
Aujourd'hui, la part de la PPE reçue par chaque personne est plus faible, de façon non négligeable, alors que la situation économique rend plus que fragile le pouvoir d’achat.
Nous voterons donc la proposition du groupe socialiste, mais en maintenant nos réserves sur ce type de solution, qui n’en est pas une et qui a d’ailleurs plutôt pour effet d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi de vous citer quelques chiffres : le nombre de bénéficiaires de la PPE n’a fait que diminuer depuis 2005, passant de 9 millions cette année-là à 6,7 millions en 2011. Il n’y a donc pas d’éparpillement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je ferai un parallèle, non sans une pointe de malignité, mais faute avouée…
M. Roger Karoutchi.
(Sourires.)
Ainsi, l’économie que, en gelant la PPE, le Gouvernement a réalisée…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ce n’est pas le Gouvernement, c’est l’État !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
C’est lui qui prend les mesures !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ce sont les choix du Gouvernement !
Mme Marie-France Beaufils.
Cette économie, donc, est de 2 milliards d'euros, tandis que l’allégement de l’ISF intervenu il y a quelques mois représente 1,9 milliard d'euros. Si je voulais vraiment être désagréable, je dirais, chers collègues, que vous avez payé cet allégement avec la PPE ; je voulais en tout cas montrer que la droite et la gauche n’agissent pas forcément en faveur des mêmes personnes.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C'est pourquoi je soutiens cet amendement, auquel le groupe socialiste est attaché.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
Mme la présidente.
À la suite des propos de Mme la ministre concernant la situation à laquelle nous souhaitons remédier, je voudrais insister sur un point : les inégalités ne cessent de s’accroître entre les travailleurs modestes et les travailleurs les mieux rémunérés.
M. François Marc.
Ainsi, sur les dix dernières années, le niveau de vie moyen des 10 % de salariés les plus pauvres a progressé de 13 % et celui des 10 % de salariés les plus aisés a augmenté de 27 %, soit plus du double.
Sans entrer dans le détail, aujourd'hui, le niveau de vie des salariés modestes progresse sensiblement moins vite que celui des salariés les plus aisés.
Dans ces conditions, est-il anormal de vouloir que la PPE, versée aux plus modestes, puisse être revalorisée d’une façon modérée, à hauteur de l’inflation ?
Il n’est pas du tout injuste de procéder ainsi : quand on a conscience de l’écart, voire du fossé qui se creuse entre les salariés, quand on sait que, pour les plus modestes de ces derniers, la réalité est de plus en plus dure, on trouve cet amendement totalement justifié. Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑112.
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
(Exclamations sur les travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour un rappel au règlement.
Mon intervention se fonde sur l’article 33 du règlement.
Mme Catherine Procaccia.
Je m’adresse aux représentants ici présents de la majorité, en particulier du groupe socialiste. Chers collègues, à réclamer ainsi des scrutins publics sur chacun des amendements, de qui vous moquez-vous : des sénateurs UMP, et uniquement d’eux, ou aussi des sénateurs communistes qui vous soutiennent, ainsi que des sénateurs qui votent en toute indépendance, quel que soit leur groupe ?
Madame la rapporteure générale, je pense qu’il faudrait que vous vous posiez des questions sur la stratégie de votre groupe, qui consacre toutes ses troupes et toute son énergie, quitte à les épuiser, à l’examen, jusqu’à trois ou cinq heures du matin, de propositions de loi dont la moitié des Français se moquent éperdument,…
C’est vous qui le dites !
M. Jean-Marc Todeschini.
… mais qui semble considérer que vos propositions sur le projet de loi de finances sont moins importantes. Quant à nous, il n’est pas certain que votre stratégie nous épuise !
Mme Catherine Procaccia.
Cette semaine, vous avez débattu jusqu’à cinq heures du matin d’une proposition de loi qui devait être examinée en quatre heures ; la semaine dernière, vous avez consacré dix ou onze heures à l’examen d’une autre proposition de loi. Siéger des jours et des nuits entières sur des éléments moins importants que le budget ne semble pas vous déranger !
Alors que vous êtes en train de nous donner des indications très claires sur les orientations que prendrait la fiscalité dans l’hypothèse où les socialistes s’empareraient du pouvoir, je me rends compte que cela ne paraît pas important à la majorité sénatoriale, ce qui me désole.
Pour ma part, j’aimerais que l’on respecte un peu plus les règles. Nous sommes vendredi ; il est prévu que le Sénat siège également demain samedi. Jusqu’à présent, notre assemblée a toujours siégé le vendredi, le samedi et le lundi pour l’examen du PLF, mais nous avancions à un rythme normal ! Est-ce à dire que, désormais, nous allons dépasser les délais et travailler jusqu’à trois heures du matin,…
Voire le dimanche !
M. Roger Karoutchi.
… tout simplement parce que vous n’êtes que vingt sénateurs présents et que vous ne mobilisez pas les absents ?
Mme Catherine Procaccia.
Vous avez critiqué la formule « travailler plus pour gagner plus ». Une chose est sûre : le personnel du Sénat contraint au travail de nuit va, par votre faute, travailler plus pour être payé autant !
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Procaccia.
Mme la présidente.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Madame Procaccia, vos propos me surprennent : j’ai plutôt l’impression que c’est vous qui retardez les débats !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je vous rassure, nous respecterons les délais d’examen de la loi de finances, qui sont d'ailleurs constitutionnels.
À quelles conditions ?
Mme Catherine Procaccia.
Comme d’habitude, nous n’échapperons pas à l’obligation de siéger le samedi, voire, comme cela nous est déjà arrivé, le dimanche.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Comme vous, je déplore que la loi de finances n’attire pas les foules
(M. Philippe Dallier approuve.)
Toutefois, ne m’attribuez pas des mérites que je n’ai pas. Je ne suis que la modeste rapporteure générale de votre commission des finances
(Sourires.)
(M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Je mets donc aux voix l’amendement n° I-112.
Mme la présidente.
Je rappelle que j'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
L'avis de la commission est favorable, et celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici le résultat du scrutin n° 50 :
Mme la présidente.
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 2.
L'amendement n° I-41, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Je ne ferai pas de longs développements techniques sur cet amendement, présenté par notre groupe, qui vise à confirmer la volonté de la majorité sénatoriale de voir disparaître le dispositif de défiscalisation et de « désocialisation » des heures supplémentaires introduit dans la loi TEPA.
M. Thierry Foucaud.
Selon certains, la suppression de ce dispositif porterait atteinte au pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et mettrait en cause l’emploi et la qualité de vie de millions de salariés.
Je rappellerai simplement que, entre la défiscalisation des heures supplémentaires – valables, je le rappelle, pour les entreprises comme pour les ménages – et l’absence de certaines cotisations sociales, ce sont 4,3 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales qui sont perdus. Au regard de cette somme, d’après les analyses les plus officielles, le bénéfice du dispositif pour le PIB ne s’élèverait qu’à 3 milliards d’euros…
En clair, la mesure coûte plus aux caisses de l’État et de la sécurité sociale qu’elle ne leur rapporte.
Toutefois, nous pourrions aussi nous demander si la division de cette somme de 4,3 milliards d’euros par le chiffre de 9 millions de salariés ne donnerait pas une idée de l’impact de la mesure. Faisons d'ailleurs cette petite division : la portée du dispositif – exonérations patronales comprises, rappelons-le –est alors réduite à 500 euros environ par an et par salarié, soit 42 euros par mois.
Autrement dit, la réalité de la mesure n’est pas aussi reluisante que M. Xavier Bertrand a cherché à nous le faire croire avant-hier, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical.
En outre, ces fameuses « heures sup » pèsent sur certains droits dits « connexes ». Soyons clairs sur ce point : plus vous effectuez d’heures supplémentaires, moins le montant de votre prime pour l’emploi est élevé, et moins vos impôts locaux seront plafonnés. Surtout, ne l’oublions jamais, une rémunération exonérée de cotisations sociales n’ouvre droit à aucune prestation et, singulièrement, à aucune prestation différée.
Travaillez plus et votre retraite sera plus faible : telle est la vérité de la loi TEPA !
La mesure comporte d’autres effets pervers, en ce qui concerne bien sûr l’emploi, car l’arbitrage entre intérim, embauches et « heures sup » se fait au seul bénéfice du résultat de l’entreprise, mais aussi en termes de modération salariale. Comme nous avons déjà défendu dans cet hémicycle un amendement ayant le même objet, je m’arrêterai là.
Pour toutes ces raisons, nous devons supprimer cette mesure dont la finalité est depuis longtemps connue : il s’agit de donner au patronat un outil supplémentaire de rendement maximal du travail salarié.
En conséquence, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cela ne surprendra personne : je suis favorable à cet amendement, qui avait été introduit par le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale mais qui a depuis lors été supprimé par l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire n’étant pas parvenue à l’adoption d’un texte commun. Aussi, cette disposition de suppression de la mesure emblématique de la loi TEPA de 2007 garde tout son sens.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je rappellerai simplement que l’inefficacité des exonérations des heures supplémentaires a été démontrée dans plusieurs rapports. Je pense à celui du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, rédigé sous l’égide de l’Inspection générale des finances, ainsi qu’au rapport parlementaire de référence qu’est le document cosigné par MM. Jean-Pierre Gorges, député UMP, et Jean Mallot, député socialiste, au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Ces deux rapports ont abouti à la même conclusion : celle d’un dispositif à l’effet négatif.
Outre celui du coût, je reçois assez mal l’argument selon lequel supprimer l’article 1
(Mme Marie-France Beaufils approuve.)
Je m’appuierai d'abord sur quelques chiffres. La mesure a surtout bénéficié aux ménages aisés : les exonérations ont fait gagner, en moyenne, 900 euros de revenu disponible au dernier décile, contre moins de 300 euros pour chacun des cinq premiers déciles. Il s’agit donc là d’une mesure plus qu’inégalitaire.
En outre, dans une période de chômage massif, avec une situation qui risque de se dégrader encore dans les prochains mois, cette mesure est non seulement coûteuse, mais aussi absurde. En effet, elle pénalise l’emploi, alors même que celui-ci n’a pas retrouvé son niveau de 2007. Or, pour trouver des recettes à la fois pour la sécurité sociale et pour le budget de l’État, il faut augmenter le plus possible le volume du travail, de manière à ce qu’il y ait davantage de rentrées fiscales.
Ce dispositif est donc inefficace sur le plan fiscal, inégalitaire dans son attribution et pénalisant pour l’emploi. En période de chômage massif, le maintenir serait une hérésie !
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
M. Foucaud est constant, le Gouvernement l’est aussi : 9 millions de Français touchent en moyenne 450 euros par an au titre des heures supplémentaires défiscalisées, pour un revenu moyen de 1 500 euros par mois. Cette mesure est donc essentielle pour soutenir le pouvoir d’achat ; elle constitue le cœur de la loi TEPA, que vous condamnez ici.
Mme Valérie Pécresse,
Quoi qu’il arrive, la défense du pouvoir d’achat et la promotion du travail font partie des valeurs que nous défendons et que nous continuerons à défendre !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Nous devons tous assumer nos choix politiques – c’est bien légitime dans une démocratie ! –, mais il me semble que, si la pertinence de cette mesure peut être discutée du point de vue des créations d’emplois – chacun a sa propre interprétation du sujet et je comprends bien les arguments que vous êtes susceptible d’invoquer, madame le rapporteur général –, il est évident, en revanche, qu’elle a un effet positif sur la quantité de travail diffusée dans l’économie.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Nous aurons sans doute l’occasion, à l’avenir, de remettre à plat tous les dispositifs d’aide existants pour chercher à accroître leur efficacité. Toutefois, dans une conjoncture extrêmement difficile, avec une croissance atone, nous savons que nous devrons parcourir un chemin particulièrement ardu dans les mois à venir. Or, si l’on devait supprimer ces allégements, il est très probable, voire certain, que la quantité d’heures supplémentaires se contracterait.
Elle n’a pas augmenté !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Elle n’a pas peut-être pas augmenté, mais elle diminuerait, dès lors que ces heures supplémentaires se trouveraient substantiellement renchéries pour les entreprises. Cette diminution provoquerait mécaniquement une perte de pouvoir d’achat pour les salariés qui effectuent aujourd’hui des heures supplémentaires.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
C’est pourquoi il me semble, pour l’instant, qu’il vaut mieux défendre le
Enfin, la majorité sénatoriale a souhaité rétablir, tout à l’heure, l’indexation du barème de la prime pour l’emploi, au nom de la défense du pouvoir d’achat. Pourtant, l’influence de cette indexation serait minime, par rapport à la perte de pouvoir d’achat qui résulterait de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Dans le même esprit, vous aurez l’occasion de nous dire que vous êtes hostiles à la hausse de 5,5 % à 7 % du taux de la TVA sur une série de produits et de services, au nom de la défense du pouvoir d’achat. Pourtant, il ne fait pas de doute que cette hausse représente un enjeu très faible en termes de pouvoir d’achat, par rapport aux conséquences dommageables de la suppression des exonérations en faveur des heures supplémentaires.
Il me semble donc, mes chers collègues, que l’opposition sénatoriale doit, sans sourciller, se montrer fidèle à l’esprit des mesures votées en 2007 et sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir, surtout dans la conjoncture économique actuelle.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Monsieur le président de la commission des finances, je crois que vous commettez une erreur en affirmant que la suppression des exonérations fiscales et sociales en faveur des heures supplémentaires diminuerait mécaniquement la quantité de travail.
M. Jean-Pierre Caffet.
En effet, la quantité d’heures travaillées ne dépend pas du statut de l’heure de travail accomplie, mais de la demande effective. C’est ensuite seulement que la répartition entre les heures de travail normales et supplémentaires intervient, en fonction des effets d’aubaine offerts, si vous me permettez l’expression.
Dans le cas particulier qui nous occupe, la loi TEPA crée typiquement un effet d’aubaine. Sinon, comment expliquer que, dans la première année de mise en œuvre de ce dispositif, les heures supplémentaires aient augmenté de 35 %, alors même que l’activité économique ralentissait ? Il est évident que ce n’est pas le niveau de la demande qui est à l’origine de cette augmentation, mais l’effet d’aubaine dont ont profité les entreprises, plus que de raison, selon moi.
J’ajoute que le Gouvernement lui-même, dans le rapport qu’il a transmis au Parlement, affirme que le coût de cette mesure est supérieur à la valeur de la production réalisée grâce à ces heures supplémentaires : ainsi, cette mesure représente un coût de cinq milliards d’euros pour les finances publiques et la production supplémentaire résultant de ces heures supplémentaires est évaluée à moins de cinq milliards d’euros.
Monsieur le président de la commission des finances, dans le débat de fond qui nous oppose, je crois que vous avez tort sur ce point.
Cela prouve que le débat mérite de se poursuivre !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souhaite rappeler les termes d’un article commentant le rapport Gorges-Mallot publié par l’Assemblée nationale.
M. Thierry Foucaud.
« Votée pendant l’été de 2007, la loi TEPA, symbole du quinquennat de Nicolas Sarkozy, est aujourd’hui une coquille vide. Seule subsiste la défiscalisation des heures supplémentaires, concrétisation du slogan de campagne “ travailler plus pour gagner plus ”. »
Le rapport de Jean-Pierre Gorges et de Jean Mallot dresse un bilan peu flatteur du dispositif qui exonère les entreprises et les salariés des charges sociales sur les heures travaillées au-delà de la durée légale et conclut à l’inefficacité et au coût trop élevé – 4,5 milliards d’euros en moyenne de manque à gagner par an pour les finances publiques – de ces incitations fiscales et sociales en faveur des heures supplémentaires : au total, la mesure a coûté 0,23 % du PIB et n’a rapporté que 0,15 % ; elle est inefficace, car « l’objectif visé, la valorisation du travail, n’a pas été atteint », explique le député d’Eure-et-Loir Jean-Pierre Gorges.
Néanmoins, ce dispositif ne bénéficie ni aux non-salariés ni aux salariés à temps partiel et il ne s’applique, dans sa globalité, qu’aux seuls salariés imposables, c’est-à-dire qu’il exclut les revenus les plus modestes, comme l’a expliqué le député de l’Allier Jean Mallot. En revanche, il offre 1,3 milliard d’euros d’exonérations aux entreprises.
La défiscalisation des heures supplémentaires a surtout facilité les restructurations, notamment dans la fonction publique d’État – le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Soyons clairs : les salariés qui travaillaient déjà, avant l’intervention de cette mesure, 39 heures ou 40 heures et qui récupéraient le manque à gagner sous forme de réductions de temps de travail ou de primes salariales ont « officialisé » ces heures supplémentaires et les ont donc déclarées, « sans qu’il y ait, pour autant, d’heures supplémentaires supplémentaires ».
Pour preuve, comme vient de le rappeler Jean-Pierre Caffet, le volume d’heures déclarées est resté relativement stable, même en période de crise et de ralentissement de l’activité : 730 millions en 2007, 727 millions en 2008, 677 millions en 2009 et 704 millions en 2010.
Ce constat a d’ailleurs été confirmé en 2010 par Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo. Selon ces deux économistes, si le nombre d’heures supplémentaires payées a progressé de 25 % depuis 2007, la durée du travail, c’est-à-dire le nombre d’heures travaillées, n’a pas changé. Ils en concluent que la défiscalisation des heures supplémentaires est en réalité, comme nous l’avons toujours dit et comme vient de le rappeler Mme la rapporteure générale, un outil d’optimisation fiscale pour les entreprises.
Ces éléments prouvent donc, madame la ministre, que ces exonérations grèvent nos comptes publics, sans rien changer aux problèmes du monde du travail.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Sur cette question, on entend vraiment dire tout et son contraire. La gauche nous demande sans cesse de favoriser le pouvoir d’achat en distribuant des allocations et elle plaide pour une augmentation généralisée des salaires, dans la fonction publique comme dans le secteur privé.
M. Philippe Dallier.
Vous, vous préférez la défiscalisation !
M. Thierry Foucaud.
Les exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires sont favorables au pouvoir d’achat, même si leur coût élevé peut être discuté. Sur toutes les travées, certains estiment que cinq milliards d’euros, par les temps qui courent, représenteraient une économie non négligeable. Nous pouvons en débattre. Cependant, quand j’entends dire que ces exonérations sont strictement inutiles et ne contribuent pas à l’augmentation du pouvoir d’achat, les bras m’en tombent !
M. Philippe Dallier.
Nous avons d’ailleurs entendu des arguments assez étranges. M. Foucaud nous a dit que l’application de cette mesure faisait passer certains salariés au-dessus du seuil d’exonération de la taxe d’habitation, par exemple. Le problème des effets de seuil est bien connu, mais il n’est pas dû uniquement aux heures supplémentaires. Mme Bricq, quant à elle, nous explique que, proportionnellement, le dernier décile des assujettis à l’impôt sur le revenu bénéficie plus de ces mesures…
Trois fois plus !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… que les cinq premiers déciles. Effectivement, les heures supplémentaires étant rémunérées selon un taux horaire, le taux auquel sont rémunérés les premiers déciles des contribuables à l’impôt sur le revenu est généralement inférieur au taux de rémunération du dernier décile ! Cela dit, les cadres sont souvent payés au forfait et ils sont assez peu nombreux à toucher des heures supplémentaires.
M. Philippe Dallier.
Cette mesure crée un effet d’aubaine pour les entreprises, un point, c’est tout !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Si nous réalisions cette économie de cinq milliards d’euros, il est évident qu’elle aurait des conséquences négatives importantes pour nombre de nos concitoyens dont le pouvoir d’achat se trouverait réduit.
M. Philippe Dallier.
Par ailleurs, les entreprises ont peut-être bénéficié, en partie, d’un effet d’aubaine,…
C’est évident !
M. François Marc.
… je n’en disconviens pas, mais les heures supplémentaires sont aussi un facteur de flexibilité. Par les temps qui courent, nous savons très bien que toutes les heures supplémentaires supprimées ne seraient pas automatiquement transformées en emplois à plein temps. Il serait absurde de prétendre le contraire.
M. Philippe Dallier.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je veux bien que l’on discute du montant des exonérations, qui est effectivement important, mais leur remise en cause totale me semble largement excessive.
M. Philippe Dallier.
Le groupe UMP votera donc contre cet amendement.
Nous ne sommes pas contre les heures supplémentaires, mais nous refusons de leur consacrer plus qu’elles ne rapportent !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l’amendement n° I‑41.
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 2.
Mme la présidente.
L’amendement n° I-183 rectifié, présenté par MM. Plancade, Fortassin et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du 1° de l’article 81 du code général des impôts est supprimée.
Cet amendement n’est pas soutenu.
I. – Au début du chapitre III du titre I
« Section 0I
« Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus
« Art. 223
« – 3 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 € et inférieure ou égale à 1 000 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune ;
« – 4 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 000 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
« 2. La contribution est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu’en matière d’impôt sur le revenu.
« II. – 1. Toutefois si, au titre de l’année d’imposition à la contribution mentionnée au 1 du I, le revenu fiscal de référence du contribuable est supérieur ou égal à une fois et demie la moyenne des revenus fiscaux de référence des deux années précédentes, la fraction du revenu fiscal de l’année d’imposition supérieure à cette moyenne est divisée par deux, puis le montant ainsi obtenu est ajouté à cette même moyenne. La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux.
« Le premier alinéa du présent 1 est applicable aux contribuables dont le revenu fiscal de référence au titre de l’année précédant celle de l’imposition n’a pas excédé 250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
« Cette disposition est applicable aux contribuables qui ont été passibles de l’impôt sur le revenu au titre des deux années précédant celle de l’imposition pour plus de la moitié de leurs revenus de source française ou étrangère de même nature que ceux entrant dans la composition du revenu fiscal de référence.
« 2. En cas de modification de la situation de famille du contribuable au cours de l’année d’imposition ou des deux années précédentes, les revenus fiscaux de référence mentionnés au 1 sont ceux :
« Toutefois, en cas d’option au titre de l’année d’établissement de la contribution pour l’imposition séparée définie au second alinéa du 5 de l’article 6, le
« Le bénéfice du présent 2 est subordonné au dépôt d’une réclamation comprenant les informations nécessaires au calcul de la moyenne calculée selon les modalités ainsi précisées.
« Les réclamations sont adressées au service des impôts dans le délai prévu aux articles R. 196‑1 et R. 196‑3 du livre des procédures fiscales. Elles sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d’impôt sur le revenu.
« 3. Pour le calcul de la moyenne mentionnée au présent II, le revenu fiscal de référence déterminé au titre des années 2009 et 2010 s’entend de celui défini au 1° du IV de l’article 1417. Il s’entend de celui défini au 1 du I du présent article pour les revenus fiscaux de référence déterminés à compter de 2011. »
II. – Le dernier alinéa du 1 de l’article 170 du même code est ainsi modifié :
1° Après la référence : « 163
2° Sont ajoutés les mots : « et le montant net imposable des plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UD ».
III. – A. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011 et jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul. Ce déficit est constaté dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 3 du règlement (CE) n° 479/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, relatif à l’application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne.
B. – Le II s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L’amendement n° I-42 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° I-191 est présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou et Delahaye, Mme Dini, MM. Merceron et Deneux, Mme Férat, M. Détraigne, Mme N. Goulet et MM. Dubois, Amoudry, Capo-Canellas, Tandonnet, Namy, Roche et Lasserre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Je serai très brève, puisque j’ai déjà abordé cette question tout à l’heure. Compte tenu des positions que nous avons défendues sur l’impôt sur le revenu – mes chers collègues, je vous ai expliqué notre intérêt pour le renforcement de sa progressivité –, on pourrait s’étonner que nous nous opposions à la création d’une contribution exceptionnelle des plus hauts revenus au redressement des comptes publics.
Mme Marie-France Beaufils.
Rien de plus logique, cependant, car nous sommes partisans d’une contribution citoyenne « durable », et pas seulement occasionnelle ou exceptionnelle, destinée autant à réduire les déficits qu’à créer les conditions d’un nouveau développement de l’action publique – celle-ci étant rénovée – au service de la population et du pays, s’appuyant sur l’expertise et la compétence des salariés du secteur public et sur leur implication. En effet, nous voulons mettre un terme à une révision générale des politiques publiques qui défait peu à peu le lien entre le citoyen usager et le service public.
Dans cet esprit, il est logique que nous proposions la suppression de l’article 3, qui prévoit d’ailleurs une contribution somme toute assez réduite, puisqu’elle ne représente que quatre dixièmes de point du rendement de l’actuel impôt sur le revenu.
Le Gouvernement a en outre trouvé le moyen de procéder, parallèlement, à des hausses d’impôt frappant plus directement les autres ménages, notamment les plus modestes d’entre eux, en particulier par le biais de la hausse de la TVA envisagée. Cette hausse pèsera bien plus lourdement sur les ménages populaires que sur les foyers disposant de ressources plus élevées.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I‑191.
Mme la présidente.
Je dois le retirer, puisqu’il est en fait le corollaire de l’excellent amendement n° I-80 rectifié, qui n’a pu être défendu. Il s’agissait d’ajouter deux tranches supplémentaires au barème de l'impôt sur le revenu, l’une au taux de 45 % pour la fraction des revenus comprise entre 150 000 euros et 500 000 euros, l’autre au taux de 50 % pour la fraction des revenus au-delà de 500 000 euros. Le Sénat a manqué une occasion exceptionnelle de se prononcer sur cet amendement exceptionnel !
Mme Nathalie Goulet.
L'amendement n° I-191 est retiré.
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I‑42 ?
Madame Beaufils, j’ai déjà expliqué pourquoi la commission n’est pas favorable à la suppression de l’article 3.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Tout d’abord, le rendement de la contribution exceptionnelle en question, que la commission, je le rappelle, a proposé de pérenniser, sera finalement plus important que celui d’une tranche au taux marginal de 50 % pour la fraction des revenus au-delà de 250 000 euros.
Ensuite, l’adoption de cet amendement entraverait le débat sur la réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques que nous appelons de nos vœux, en vue de redonner de la progressivité à celui-ci. Nous souhaitons que l’assiette soit le plus large possible et qu’un barème progressif s’applique aussi bien aux revenus du capital qu’à ceux du travail.
Madame la ministre, je profite de cette occasion pour vous rappeler que, en application de l’article 59 de la première loi de finances rectificative pour 2011, le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 1
En tout état de cause, j’invite les auteurs de l’amendement n° I-42 à se rallier à l’amendement n° I‑1 de la commission, qui vise à pérenniser la contribution prévue à l’article 3.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La création de cette contribution exceptionnelle est une mesure d’équité majeure de notre dispositif fiscal. J’ajoute que ce n’est pas la seule de cette nature, puisque les ménages les plus aisés seront désormais plus fortement taxés à un triple titre : sur les plus-values immobilières, sur les revenus du patrimoine et sur les revenus du travail.
C’est là, me semble-t-il, un effort d’équité louable, qui mérite d’être souligné. Il convient de ne pas supprimer cet article.
Madame Beaufils, l'amendement n° I-42 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Cet amendement s’inscrit dans la logique de notre démarche, qui va au-delà de la suppression de l’article 3, comme on le verra dans la suite du débat.
Mme Marie-France Beaufils.
Je sais, madame la rapporteure générale, que la commission a déposé un amendement visant à ôter son caractère exceptionnel à la contribution prévue à l’article 3. Je vais donc retirer le nôtre, mais en insistant sur la nécessité d’instaurer beaucoup plus de clarté dans notre système d’imposition. C’est ce qu’attendent nos concitoyens, or le dispositif de l’article 3, fût-il amendé, ne me semble pas constituer la meilleure des réponses à cet égard.
L'amendement n° I-42 est retiré.
Mme la présidente.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-1, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Même s’il préfère ne pas l’appeler ainsi, pour des raisons d’ailleurs bien compréhensibles, le Gouvernement crée en fait, sous le nom de contribution exceptionnelle, un troisième impôt sur le revenu. Il convient donc de pérenniser cette mesure, sans l’assortir d’une limite temporelle, car elle a vocation à être incorporée à un grand système d’imposition sur le revenu, progressif, assis sur une large assiette intégrant les revenus du capital au même titre que ceux du travail.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L'amendement n° I-171, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin et Bertrand, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Alinéa 21, première phrase
Remplacer les mots :
le déficit public des administrations publiques est nul
par les mots :
l’équilibre des comptes des administrations publiques est atteint
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° I‑1 ?
Il est défavorable. L’Assemblée nationale a voté, avec avis favorable du Gouvernement, la prolongation du dispositif jusqu’au retour complet à l’équilibre des finances publiques, c'est-à-dire jusqu’à 2016.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° I‑1.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° I-38, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés. Les I et II de l’article 30 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 sont abrogés.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
L'amendement n° I-53, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 80
2° Au 8° de l’article 81, les mots : « à hauteur de 50 % de leur montant, ainsi que les » sont supprimés.
II. – Le I du présent article s’applique pour les rentes versées au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Chacun peut trouver des niches fiscales à supprimer où il veut…
M. Thierry Foucaud.
À cet égard, je rappellerai que, à l’automne 2009, lors de l’examen du projet de loi de finances, certains de nos collègues avaient proposé et fait adopter, vers une heure du matin, la suppression de l’exemption fiscale des indemnités versées aux salariés victimes d’accidents du travail ayant entraîné une incapacité temporaire de travail. Il s’agissait de percevoir quelque 230 millions d’euros de recettes fiscales, de mémoire, aux dépens des victimes d’accidents du travail. Nous avions fortement combattu cette mesure, dont nous ne partageons évidemment pas la philosophie.
Aujourd'hui, nous estimons que le temps de la rapporter est venu, sauf à ce que quelqu’un ait le courage – ou l’inconscience – d’essayer de nous prouver que les salariés causent délibérément les accidents qui les frappent !
En 2009, ce débat sur la fiscalisation des indemnités temporaires versées en cas d’accident du travail nous avait d’ailleurs empêchés d’aborder les vraies questions : la sécurité au travail, les rythmes, les horaires ou encore les contraintes, notamment en termes de présence. Mes chers collègues, à votre avis, qu’est-ce qui coûte le plus cher à la collectivité : la non-imposition de ces indemnités ou la dégradation de la situation sanitaire d’une bonne part de la population à mesure que se développent le travail précaire et des conditions de travail irrespectueuses de la personne ?...
Il s’agit tout simplement ici d’un amendement humain.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Par cohérence avec la position que nous avions défendue lorsque nous étions dans l’opposition, je donne un avis favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° I‑53.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-4, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 117
2° Au II de l’article 154
3° Le 3 de l’article 158 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa du 1°, les mots : « aux articles 117
4° Au dernier alinéa du 1 de l’article 170, les mots : « aux articles 117
6° L’article 1671 C est abrogé ;
7° Le 1 de l’article 1681
a) À la première phrase, les mots : « aux articles 117
b) À la seconde phrase, les mots : « du III de l’article 117
II. – Au 2° de l’article L. 169 A du livre des procédures fiscales, les mots : « aux articles 117
III. – L’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les trois derniers alinéas du I sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts sont également assujetties à cette contribution. » ;
3° Le second alinéa du V est supprimé.
IV. – Les I à III s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1
V. – Le décalage de trésorerie résultant pour l'État du I ci-dessus est compensé, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Nous en venons à un sujet important, celui des niveaux de taxation respectifs des revenus du travail et des revenus du capital.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
On le sait, nous défendons avec constance un rééquilibrage entre ces deux types de revenus en matière de prélèvements, en nous plaçant dans la perspective d’une refonte globale de la fiscalité pour les personnes physiques, dont nous espérons qu’elle permettra de trancher la question de la place respective des impôts proportionnels et des impôts progressifs.
Le Premier ministre a déclaré souscrire à cet objectif, et si je vous ai bien entendue, madame la ministre, vous avez corroboré ses propos.
Vous avez annoncé, en présentant en conseil des ministres, mercredi dernier, le projet de loi de finances rectificative qui contient cette mesure, le relèvement à 24 % du prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et les dividendes.
En effet !
Mme Valérie Pécresse,
Nous ne suivons pas la même logique sur cette question.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour notre part, nous défendons le principe de la soumission à l’impôt sur le revenu des dividendes et des intérêts, donc celui de la progressivité, tandis que le Gouvernement maintient le principe de la proportionnalité, même s'il augmente le taux du prélèvement forfaitaire libératoire. Cela étant, notre amendement ne vise à intégrer dans les revenus soumis à l’impôt progressif que les seuls dividendes, parce que je ne méconnais pas le coût de trésorerie que représente, pour l'État, le décalage dans le temps de la perception de cet impôt. Si le dispositif que nous présentons concernait également les intérêts, ce coût risquerait d'être beaucoup trop important. Cependant, dès lors que l'on considère que tous les revenus ont vocation à être soumis au barème progressif, il convient de lisser le coût de trésorerie par une transition progressive. C’est bien ce que nous proposons ici, en limitant aux dividendes le champ d’une mesure qui devrait rapporter au moins 300 millions d'euros à compter de 2013.
Vous le voyez, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes soucieux des deniers de l'État. Toutefois, nous refusons de déroger au principe suivant : tous les revenus, qu’ils soient issus du capital ou du travail, doivent être soumis à un grand impôt progressif, égalitaire, ce que n'est plus l'impôt sur le revenu avec la multiplication des prélèvements forfaitaires libératoires.
Je rappelle d’ailleurs que le Gouvernement a, dans le passé, progressivement ramené le taux de ces prélèvements de 25 % à 18 %. Depuis deux ans, certes, il fait machine arrière, mais en continuant néanmoins à s’inscrire dans une logique de proportionnalité, et non de progressivité.
Par ailleurs, j’indique que l’adoption de l’amendement de la commission rendrait sans objet les amendements n
L'amendement n° I-44, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 117
2° Les articles 125 A à 125 C sont abrogés ;
3° Le quatrième alinéa du 1 de l’article 187 est supprimé.
II. – Le présent article est applicable aux revenus perçus ainsi qu’aux gains et profits réalisés à compter de la promulgation de la loi n° … du … de finances pour 2012.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la hausse de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
L’assiette de l’impôt sur le revenu est essentiellement constituée par des revenus d’activité salariée, dans des proportions au demeurant supérieures à ce que les salaires, traitements et allocations de remplacement assimilées peuvent représenter dans le revenu des ménages.
Mme Marie-France Beaufils.
Dans ces conditions, le gel du barème de l’impôt sur le revenu annoncé par le Gouvernement frappera essentiellement les salariés et les retraités, qui devront payer le principal de la facture adressée aux Français.
On peut toujours gloser sur les augmentations des prélèvements demandées par la gauche sénatoriale, mais les mesures qu’elle propose ont au moins l’élégance de la clarté, alors que celles que vous mettez en place, madame la ministre, ne sont que des mesures d’injustice dissimulées !
Sur le fond, les promesses de baisse des impôts faites en 2007 sont bien loin : quand le taux de prélèvements obligatoires dépasse 44 %, il faut savoir être critique à l’égard de sa propre action !
L'impôt sur le revenu, quant à lui, a été plus que réduit, particulièrement à cause de l’extension du champ des prélèvements forfaitaires libératoires. Ainsi, alors que les revenus du capital et du patrimoine constituent de 11 % à 12 % de l’assiette de la CSG, ils ne contribuent plus qu’à hauteur de 3 % à 4 % à l’assiette de l’impôt sur le revenu.
On a donc, d’un côté, un impôt sur le revenu rapportant moins de 60 milliards d’euros par an, de l’autre une CSG plutôt dynamique, qui apporte à la sécurité sociale près de 89 milliards d’euros de ressources. C’est ce décalage que nous proposons de réduire, en revenant sur quelques-uns des prélèvements libératoires les plus significatifs, qui n’ont d’ailleurs d’intérêt que pour les contribuables dont le montant des revenus justifie pleinement d’y recourir.
En effet, même avec un taux marginal d’imposition qui a été progressivement ramené à 40 % pour la tranche la plus haute du barème, le prélèvement forfaitaire libératoire n’avantage que les contribuables aux revenus les plus élevés, c'est-à-dire ceux qui sont soumis à ce même taux marginal.
L'amendement n° I-174 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du 1 du I de l'article 117
II. – Les dispositions du I sont applicables aux revenus perçus ainsi qu’aux gains et profits réalisés à compter du 1
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-45, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 200 A est ainsi modifié :
a) Au 2, les mots : « taux forfaitaire de 19 % » sont remplacés par les mots : « titre de l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires selon le barème visé à l’article 197 » ;
b) Les quatrième à avant-dernier alinéas sont supprimés ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article 200 B, les mots : « taux forfaitaire de 19 % » sont remplacés par les mots : « titre de l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires selon le barème visé à l’article 197 ».
II. – Le présent article est applicable aux revenus perçus ainsi qu’aux gains et profits réalisés à compter du 1
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Avec cet amendement, nous abordons la question de la taxation particulière des plus-values sur cession d’actifs.
Mme Marie-France Beaufils.
Dans notre législation fiscale, ces plus-values font l’objet d’un traitement spécifique, offrant la possibilité aux détenteurs de tels revenus de bénéficier d’un taux minoré d’imposition. Cette opération n’a d’ailleurs de sens et de portée, comme pour les prélèvements libératoires, que si l’on dispose d’un certain montant de plus-values à déclarer, susceptible d’être assujetti au taux marginal de l’impôt sur le revenu. Le régime particulier des plus-values n’est pleinement intéressant que pour les titulaires de revenus élevés, dépassant par exemple les seuils les plus élevés du barème de l’impôt sur le revenu.
Un tel dispositif, censé récompenser l’investisseur qui a conservé un certain temps des titres ou un bien immobilier, a toutefois pour effet pervers de favoriser la reproduction des inégalités sociales, puisque ce sont les plus gros patrimoines, les plus gros revenus et les plus grosses opérations qui permettent d’obtenir le plus fort rendement fiscal.
Ainsi, un ménage de cadres qui revend sa résidence secondaire dégagera peut-être une plus-value, mais celle-ci lui permettra, au mieux, de constituer un apport pour un nouvel achat ; le plus souvent, cela lui donnera seulement quelques moyens financiers supplémentaires pour faire face au quotidien.
En revanche, un propriétaire immobilier à la tête d’une bonne centaine de logements dont il a fait l’une de ses sources de revenus disposera, après en avoir revendu un, deux ou quatre, des liquidités nécessaires pour tirer parti du nouveau dispositif d’incitation à l’investissement immobilier, sans que son train de vie en soit affecté !
Il est donc normal que nous revenions sur le régime particulier de taxation des plus-values sur cession d’actifs, qui de plus se trouve aussi parfois à l’origine d’une forme de spéculation, d’autant plus aisée que le niveau d’imposition ultime se révèle finalement réduit.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n
Mme la présidente.
Comme je l’ai indiqué en présentant l’amendement n° I-4, l’avis de la commission est défavorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements restant en discussion commune.
Mme Valérie Pécresse,
Madame la rapporteure générale, vous découvrez à votre tour les difficultés liées aux décalages de trésorerie lorsque l'on envisage de réformer l'impôt sur le revenu. La France ne peut pas se permettre de perdre 1 milliard d'euros à ce titre en 2012.
J’ajoute qu’en limitant aux seuls dividendes le champ de la mesure que vous préconisez, les intérêts issus de tous les produits d'épargne demeurant quant à eux éligibles au prélèvement forfaitaire libératoire, vous ne contribuez pas à simplifier notre système fiscal !
Le Gouvernement avait pour sa part envisagé de soumettre intérêts et dividendes à l'impôt sur le revenu. Malheureusement, une telle mesure aurait représenté une perte fiscale de 4 milliards d'euros au titre de 2012, ce qui n'était pas supportable pour le budget de l'État.
Par conséquent, il me semble préférable de porter le taux du prélèvement forfaitaire libératoire à 24 % pour les dividendes et les intérêts, ce qui présente l’avantage de les fiscaliser au même taux que celui de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. L’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire perdant ainsi tout intérêt, les contribuables réintégreront d’eux-mêmes dividendes et intérêts dans l’assiette de l'impôt sur le revenu.
Par ailleurs, madame Beaufils, je rappelle que le Gouvernement avait initialement proposé que les plus-values immobilières réalisées sur les ventes de résidences secondaires ou de placements immobiliers soient soumises à l'impôt sur le revenu. L'Assemblée nationale en a décidé autrement, mais vous conviendrez avec moi qu'elle a singulièrement alourdi la fiscalité des plus-values immobilières pour les biens autres que la résidence principale. Ainsi, aujourd'hui, plus aucun revenu, fût-il exceptionnel, n’échappe à l'impôt.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
La question de la fiscalité des dividendes s'est posée dès la fin du dispositif de l'avoir fiscal, dont on pouvait comprendre la logique économique : éviter la double taxation.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je me souviens des débats que nous avons eus, au début de la période 2002‑2007, avec le ministre délégué au budget de l'époque, M. Alain Lambert : nous nous étions très fortement opposés sur ce sujet. M. Lambert était convaincu que l'avoir fiscal était condamné par le droit communautaire. Personnellement, je n'ai jamais souscrit à cette analyse, mais c'était celle de Bercy et, contre Bercy, naturellement, aucun parlementaire ne saurait avoir raison !
(Sourires.)
C'est donc à la suite de la suppression de l’avoir fiscal qu'a été créé le prélèvement forfaitaire libératoire, par la loi de finances de 2008. Cette création est excellemment retracée, de façon aussi précise et concrète qu’on puisse le souhaiter, dans le rapport de Mme la rapporteure générale sur la première partie de la loi de finances.
En réalité, en termes de niveau de taxation, d'effort demandé aux contribuables les mieux pourvus, on ne relève pas de grande différence entre le dispositif de l'amendement n° I‑4 de la commission et la position du Gouvernement. On pourrait même considérer, à la limite, que le système prévu par le Gouvernement va un peu plus loin.
Merci de le reconnaître !
Mme Valérie Pécresse,
Pas du tout !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En tout cas, on peut en débattre.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ce qui distingue vos positions, madame la ministre, madame la rapporteure générale, c'est non pas le niveau de taxation des revenus les plus élevés, mais plutôt une question de principe : les dividendes doivent-ils être soumis à l’impôt sur le revenu ?
Il me semble très difficile de trancher cette question sans disposer d’un minimum d’études comparatives. J’estime sincèrement qu’il ne serait pas raisonnable de le faire dans un cadre purement franco-français. Le problème de la mobilité de l'épargne et de l’attractivité du « site France » se posera nécessairement. Nous aurons à consentir des efforts, qu’il faudra répartir de façon équitable en s’appuyant, je le répète, sur une démarche comparative.
Dans l'immédiat, ce que propose le Gouvernement, c'est une formule d'urgence, liée aux plans d'ajustement. Il est indispensable de procéder avec équité. Vous le faites, madame la ministre, sans modifier sur le fond le dispositif actuel, dont la création ne remonte qu’à 2008. Cela me semble sage.
En tout état de cause, je suis bien sûr favorable au maintien du texte de l’Assemblée nationale. Néanmoins, je comprends les interrogations de Mme la rapporteure générale. Nous devrons nous efforcer d’y répondre dans un cadre plus général, et surtout en prenant en considération les solutions retenues par nos voisins européens.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
La multiplication des plans gouvernementaux trouble quelque peu le débat, dans la mesure où Mme la ministre anticipe sur le projet de loi de finances rectificative à venir. Or nous débattons pour l’heure du projet de loi de finances pour 2012.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
J’ai bien compris que le Gouvernement n’était pas favorable à la réintégration des revenus du capital dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Cependant, je propose non pas une mesure brutale, mais une transition progressive, afin de tenir compte des difficultés liées aux coûts de trésorerie, dont j’ai pleinement conscience. C’est pourquoi notre amendement ne vise pas l’ensemble des revenus du capital.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez bien pointé la différence de fond qui nous sépare : tandis que nous sommes pour la progressivité, le Gouvernement et la minorité sénatoriale persistent à préférer la proportionnalité, parce qu’ils sont acculés à trouver des recettes immédiates, compte tenu de l’état de nos finances publiques.
Par ailleurs, monsieur Marini, vous avez parlé d’équité. Or la mesure que présentera le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative n’est pas aussi juste que celle que je propose ! En effet, l’application du barème de l’impôt sur le revenu est beaucoup plus équitable que l’augmentation du taux du prélèvement forfaitaire libératoire, en ce qu’elle ne pénalisera que les contribuables assujettis au taux marginal de 41 % et touchant, excusez du peu, plus de 20 000 euros de dividendes par an. Tous les autres seront gagnants, ce qui n’est pas le cas avec votre système !
En outre, madame la ministre, vous ne pouvez ignorer que les conseillers fiscaux incitent beaucoup de contribuables à opter pour le prélèvement libératoire, ce qui amoindrit le produit de l’impôt sur le revenu, dont l’assiette est déjà réduite par toutes sortes de dispositifs. Notre démarche s’inscrit dans une logique non pas de proportionnalité, comme celle du Gouvernement, mais de progressivité. C’est une différence de fond.
Je me plais à penser que nous pourrions accéder aux responsabilités l’année prochaine… En attendant, cet amendement nous permet de manifester notre attachement à la progressivité de l’impôt : il s’agit d’un premier pas, qui, je l’espère, sera suivi d’autres à l’avenir.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° I-4.
Mme la présidente.
Nos amendements étant appelés à devenir sans objet si celui de la commission est adopté, je voudrais répondre dès à présent à certaines objections qui nous ont été faites.
Mme Marie-France Beaufils.
Mme la rapporteure générale a observé que la mise en œuvre de nos propositions pourrait pénaliser les contribuables relevant des tranches les plus basses du barème de l’impôt sur le revenu. Or elle vient elle-même d’apporter l’argument que je m’apprêtais à lui opposer : bien souvent, des conseillers financiers proposent à des personnes modestes ayant voulu faire quelques placements autres que les livrets classiques d’opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire, alors qu’elles seront ainsi beaucoup plus taxées que si elles avaient déclaré leurs dividendes et intérêts au titre de l’impôt sur le revenu.
Cela pose le problème de la complexité de notre système fiscal. Une clarification est nécessaire. À cet égard, renforcer la progressivité et l’efficacité de l’impôt serait une solution pertinente. Dans cet esprit, nous voterons l’amendement de la commission.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
Mme la présidente.
L’amendement de la commission est cohérent avec les positions que nous défendons.
M. François Marc.
Il est nécessaire d’améliorer la progressivité de l’impôt, principe qui, toutes les études le montrent, a été largement bafoué ces dernières années. Dans ces conditions, intégrer dans l’assiette de l’impôt sur le revenu une partie des revenus tirés du capital, en l’occurrence les dividendes, est une bonne mesure.
Par ailleurs, le dispositif proposé ne désavantagera que les contribuables disposant de hauts revenus, soumis au taux marginal de 41 %, et ayant perçu au moins 20 000 euros de dividendes. On le voit, seuls les titulaires de revenus particulièrement élevés seront touchés.
M. le président de la commission des finances a appelé de ses vœux la réalisation d’études comparatives et de simulations. S’il avait fallu, sur d’autres dossiers, attendre que de tels travaux aient été menés, nous n’aurions pas adopté beaucoup de textes ces dernières années ! L’ancienne majorité sénatoriale ne s’est pas embarrassée de telles considérations avant de faire valoir son point de vue sur des sujets importants…
Enfin, notre proposition est de nature à répondre au souhait exprimé par M. le Premier ministre que le niveau de taxation des revenus du capital soit proche de celui des revenus du travail.
Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à adopter le présent amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑4.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3, et les amendements n
Mme la présidente.
L'amendement n° I-54, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du II de l’article 125‑0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Cet amendement tend à allonger la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit à des taux réduits de prélèvement forfaitaire. Il est proposé de porter de quatre à huit ans la durée de détention nécessaire pour bénéficier du taux de prélèvement de 15 %, et de huit à douze ans celle qui est requise pour bénéficier du taux de prélèvement de 7,5 %.
M. Thierry Foucaud.
Cette mesure vise à encourager l’épargne à long terme et à favoriser le financement en fonds propres des entreprises.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Nous partageons tous l’objectif visé par les auteurs de l’amendement. Notre pays a certes besoin d’une épargne longue, mais il faut savoir que 64 % des contrats sont aujourd’hui détenus pendant plus de huit ans et 47 % pendant plus de douze ans, ce qui n’est déjà pas mal à cet égard.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En ce qui concerne le financement en fonds propres des entreprises, qui représente effectivement un véritable enjeu, les assureurs ont l’obligation légale d’y consacrer 2 % des fonds qu’ils gèrent, mais il est vrai qu’il est bien difficile de contrôler le respect de cette obligation.
(Mme la ministre acquiesce.)
Cela étant, je ne suis pas sûre que la méthode proposée pour encourager le financement des entreprises soit la bonne, car l’amendement ne comporte aucune disposition susceptible d’inciter les assureurs à investir davantage en actions. C’est pourquoi j’en solliciterai le retrait.
Au demeurant, une réflexion est en cours sur le soutien aux PME, toujours dans le cadre de la préparation du débat de la campagne présidentielle. Elle s’oriente plutôt vers la création d’un livret d’épargne dédié au financement des entreprises.
À cet égard, la commission des finances du Sénat a beaucoup travaillé sur les conséquences de la banalisation du livret A, dont les fonds ne sont plus centralisés à la Caisse des dépôts et consignations. L’outil statistique de la Banque de France ne nous permet pas de nous faire une opinion sur le fléchage des ressources du livret A vers le financement des entreprises. Pour y voir clair, la meilleure solution serait de mettre en place un produit d’épargne entièrement consacré au financement des petites et moyennes entreprises.
En conclusion, si nous partageons tous les préoccupations des auteurs de l’amendement, le dispositif proposé ne m’apparaît pas adapté pour atteindre les objectifs visés. Le volume de l’épargne privée est déjà important en France, le problème est d’orienter celle-ci vers l’investissement et le soutien aux entreprises.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’objectif d’encourager le financement de l’économie réelle par l’épargne des Français est tout à fait louable. Cela étant, je partage certaines des réticences exprimées par Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Pécresse,
S’agissant de l’assurance-vie, nous constatons que les épargnants adaptent systématiquement leur comportement aux évolutions de la fiscalité. Par conséquent, l’allongement proposé de la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit aux taux réduits de prélèvements risquerait d’entraîner un gel de l’épargne des Français pendant quatre années supplémentaires, ce qui n’est évidemment pas notre souhait, car il convient de favoriser la consommation.
Par ailleurs, l’assurance-vie traverse aujourd’hui une période très difficile dans notre pays, puisqu’elle est à la limite de la décollecte. Or l’assurance-vie détient une part importante de la dette souveraine française, ce qui n’est pas à négliger dans le contexte actuel.
Il faut donc aborder cette question avec beaucoup de prudence, car un équilibre très subtil doit être respecté. L’assurance-vie, qui est le produit d’épargne préféré des Français, est largement investie dans des obligations d’État.
J’ajoute qu’il n’est pas du tout certain qu’un allongement de la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant le bénéfice des taux réduits de prélèvements amènerait un renforcement de l’investissement en actions, surtout dans le climat actuel de morosité sur les marchés.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je peux admettre que cet amendement doive être amélioré. C’est ce que nous ferons, mais, pour l’heure, nous le maintenons.
M. Thierry Foucaud.
Il faut rappeler que le développement des produits d’assurance-vie, depuis une bonne trentaine d’années, est allé de pair avec l’accroissement du recours aux marchés financiers pour le financement de l’État et celui des entreprises. L’assurance-vie, assortie d’importantes incitations fiscales, a ainsi permis à l’État d’adosser son endettement à l’épargne nationale.
En proposant d’allonger les durées à partir desquelles le dénouement des contrats d’assurance-vie supporte des taux d'imposition minorés, nous nous attachons non seulement à réduire marginalement le coût, pour les finances publiques, de cet avantage fiscal, mais aussi à assurer une certaine stabilité de l’épargne ainsi mobilisée.
Plus la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit à réduction du taux de prélèvements sera longue, plus nos compagnies d’assurances seront en mesure d’investir prioritairement l’épargne des Français dans le financement de l'économie nationale et de l’action publique.
N’oublions jamais que les Français eux-mêmes sont, d’une certaine manière, au travers de leur épargne, copropriétaires d’une dette publique sans doute élevée, mais en bénéficiant tout de même de sérieuses contreparties.
Puisque dette il y a, autant s’assurer de la stabilité de notre épargne. Tel est aussi le sens de notre amendement, que nous essaierons donc d’améliorer encore.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Le dispositif présenté n’est sans doute pas opportun dans l’immédiat, mais il méritera examen. Les normes comptables internationales conduisant les institutions financières à diminuer leurs engagements en fonds propres, il est permis de penser que l’allongement de la durée de détention de ce produit d’épargne bénéficiant d’une dépense fiscale très élevée, de l’ordre de 1 milliard d'euros, est effectivement l’une des pistes à étudier. Il est à souhaiter que ce sujet important soit approfondi à l’avenir, non pas d’une manière précipitée, mais dans le cadre d’un réexamen de la politique fiscale en matière d’épargne.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑54.
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I‑49, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 2° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».
II. – Le I ci-dessus est applicable pour l’établissement des impositions perçues en 2011.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Cet amendement s’inspire d’une proposition formulée par le Conseil des prélèvements obligatoires. Il vise à réduire de 40 % à 20 % le taux de l’abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus.
M. Thierry Foucaud.
Historiquement, le taux actuel de cet abattement qui a remplacé l’avoir fiscal pouvait se justifier quand le taux de l’impôt sur les sociétés était de l’ordre de 50 %. Ce dernier est, aujourd’hui, de 33,33 %, le taux effectif s’élevant toutefois plutôt à 12 % ou à 13 %. On constate que, en pratique, il est très faible pour les grandes entreprises et plus élevé pour les petites. De plus, de nombreux bénéfices échappent à cette imposition, grâce à divers dispositifs, notamment ce que nous appelons la « niche Copé ».
Dans son rapport sur la progressivité et les effets redistributifs des prélèvements obligatoires sur les ménages, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé à quelque 2 milliards d’euros, pour l’année 2009, le coût fiscal de cet abattement.
Bien entendu, nous visons ici les plus gros bénéficiaires de la dépense fiscale associée au crédit d’impôt sur les dividendes, qui ne fait que conforter leur situation déjà privilégiée, et non les tout petits détenteurs de titres et de parts de sociétés.
Au travers de cet amendement, nous nous rallions à la juste préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires de réduire quelque peu la portée de la mesure.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
En proposant, monsieur Foucaud, de ramener de 40 % à 20 % le taux de l’abattement applicable au montant des dividendes perçus soumis à l'impôt sur le revenu, vous abordez encore un vrai sujet.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le Conseil des prélèvements obligatoires, auquel vous avez fait référence, justifie cet abattement par le souci d’éviter une double imposition, mais son rapport ne fait état d’aucune corrélation arithmétique entre le taux de cet avantage fiscal et celui de l'impôt sur les sociétés réellement acquitté.
Le Conseil des prélèvements obligatoires relève, il est vrai, que le cumul de cet abattement et du deuxième abattement de 1 525 euros conduit à un niveau élevé d’affranchissement de l’impôt sur le revenu. Il a estimé que la réduction du taux de l’abattement était une « piste envisageable », mais il n’a pas, en conclusion, préconisé de taux de substitution. Dans ces conditions, comment justifier votre proposition de retenir un taux de 20 % ?
De plus, le dispositif de l’amendement a une portée rétroactive, puisqu’il s’appliquerait aux dividendes perçus en 2011, ce qui est quelque peu ennuyeux.
Par conséquent, si la piste est intéressante, le sujet mérite d’être approfondi. Dans l’immédiat, la commission demande le retrait de cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
Monsieur Foucaud, l’amendement n° I‑49 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je suis prêt à rectifier cet amendement pour tenir compte de votre remarque sur la rétroactivité de son dispositif, madame la rapporteure générale. L’essentiel est d’agir sur le fond.
M. Thierry Foucaud.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Je vous remercie, monsieur Foucaud, de cette avancée, mais peut-on proposer un nouveau taux pour l’abattement sans avoir vérifié sa pertinence ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je le redis, je comprends votre objectif. Vous avez raison, une telle piste mérite d’être envisagée, mais il aurait été préférable que le Conseil des prélèvements obligatoires formule une préconisation s’agissant du taux à retenir. Il faut poursuivre la réflexion. Dans l’immédiat, la commission maintient sa demande de retrait de l’amendement.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la rapporteure générale, nous n’avons pas à nous aligner forcément sur la position du Conseil des prélèvements obligatoires…
M. Thierry Foucaud.
Nous maintenons l’amendement pour affirmer le principe d’une réduction de l’abattement, la discussion restant ouverte sur le taux à retenir.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens. Il conviendrait de le faire vivre jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire. Le taux proposé pour l’abattement pourra alors être ajusté le cas échéant.
M. François Marc.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑49.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-115, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase de l’article 199
quindecies
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
Nous proposons de transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt actuellement accordée pour les dépenses liées à l’hébergement de personnes dépendantes.
M. François Marc.
En effet, le mécanisme de cette réduction d’impôt nous paraît fiscalement injuste : d'une part, ne s’adressant qu’aux seules personnes imposables, il exclut de son bénéfice la moitié des foyers fiscaux, dont les ménages les plus modestes ; d'autre part, sa mise en œuvre conduit à ce que le coût de l’hébergement, après réduction d’impôt, soit, d’une certaine façon, plus avantageux pour les personnes aux revenus élevés.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Nous proposerons une réforme de la prise en charge de la dépendance qui inclura l'ensemble des dispositifs.
Mme Valérie Pécresse,
Quand ? Après 2012 ?
MM. François Marc et Jean-Marc Todeschini.
Vous n’aurez qu’à le faire vous-mêmes quand vous serez au pouvoir ! Comme cela, la réforme correspondra à ce que vous voulez !
Mme Catherine Procaccia.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous voterons cet amendement, car nous sommes résolus à avancer sur ce sujet récurrent. Cela fait trop longtemps que nous est annoncée une réforme de la prise en charge de la dépendance : ce travail devait être achevé cette année, mais, telle sœur Anne, nous ne voyons toujours rien venir…
Mme Marie-France Beaufils.
Il n’est plus possible d’attendre davantage, car les dépenses liées à l’hébergement d’une personne dépendante dans une structure dédiée pèsent lourdement sur les finances de nombreuses familles. Nous voterons donc cet amendement avec conviction !
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je rappelle à la Haute Assemblée que cette réduction d’impôt a été créée par le Président de la République lui-même lorsqu’il était ministre du budget.
Mme Valérie Pécresse,
Quelle référence…
M. Jean-Marc Todeschini.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑115.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-5, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1° du I de l’article 726 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 2 % » ;
2° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Nous proposons de supprimer le plafond de 5 000 euros de droits d’enregistrement applicable aux actes portant cessions d’actions ou de parts de sociétés cotées ainsi qu’aux cessions d’actions ou de parts de sociétés non cotées. L’assiette de ces droits se trouvant ainsi élargie, nous proposons en outre de réduire leur taux de 3 % à 2 %.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il n’est guère cohérent de maintenir un plafonnement, de surcroît extrêmement bas, pour ce type de cessions.
En effet, les droits d’enregistrement auxquels sont soumises les cessions de parts sociales de sociétés non divisées en actions, comme les SARL, ne sont pas plafonnés. En outre, d’autres droits voisins ne le sont pas non plus, par exemple les « frais de notaire » frappant les acquisitions de biens immobiliers.
Cette mesure de rendement devrait rapporter 930 millions d’euros à l’État. Avec le nouveau taux proposé, elle est d’autant moins susceptible d’empêcher les transmissions de sociétés à titre onéreux que, dans la très grande majorité des cas, ces achats de sociétés divisées en actions sont le fait d’autres sociétés, les droits d’enregistrement constituant alors une charge déductible.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme Valérie Pécresse,
La mise en œuvre de cette mesure constituerait un handicap supplémentaire pour les entreprises françaises, en entravant la cession d’actions, donc la fluidité du marché et la mobilité des actifs. Elle pénaliserait la transmission des entreprises, irait à l’encontre du nécessaire renforcement capitalistique des entreprises françaises, ainsi que de l’effort d’harmonisation, à hauteur de 3 %, du taux de taxation des droits sociaux avec celui des fonds de commerce réalisée au travers de la loi de modernisation de l’économie. Or cette harmonisation était un signal fort pour les détenteurs de droits sociaux et de fonds de commerce.
À force de vouloir tout taxer, on va finir par pénaliser lourdement nos entreprises !
Ce n’est pas une entrave !
M. François Marc.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Pour bien me faire comprendre, je prendrai un exemple précis et parlant, celui d’un professionnel qui aurait dû payer environ 420 000 euros de droits en l’absence de plafonnement, mais n’acquittera en fait que moins de 35 000 euros…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Trop, c’est trop !
M. François Marc.
Votre proposition représente tout de même 1 milliard d’euros d’impôts supplémentaires pour les entreprises !
Mme Valérie Pécresse,
Comparez avec les droits de mutation acquittés par les particuliers ! Je rappelle en outre que nous proposons d’abaisser le taux en même temps que nous élargissons l’assiette : ce sera une bonne taxe !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑5.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 3.
Mme la présidente.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-87 rectifié est présenté par M. Portelli.
L'amendement n° I-192 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Fortassin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La seconde phrase du dernier alinéa du 1° du I. de l’article 726 du code général des impôts est ainsi rédigée :
« L’imposition au titre des cessions susvisées est plafonnée à 5 000 euros par mutation.
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° I-3, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À l’article 730
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1
III. - La perte de recettes éventuelle pour l’État résultant de la baisse du taux de partage de 1,4 point est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement vise à revenir sur un dispositif parfaitement injuste adopté tout récemment.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour financer l’allégement de 1,9 milliard d’euros de l’impôt de solidarité sur la fortune, le Gouvernement a choisi d’augmenter le droit de partage. Cela signifie qu’il fait payer par tout le monde une mesure qui profite à une minorité de Français !
J’observe que ce dispositif a été adopté peu après que l’on eut supprimé le bénéfice de la triple déclaration en cas de mariage. Ceux qui divorceront après s’être mariés sous le nouveau régime de déclaration fiscale subiront donc la double peine !
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est bien entendu défavorable à cet amendement. Nous avons déjà eu cette discussion au moment de la réforme de l’ISF. Celle-ci est financée par les Français qui ont un patrimoine, car il faut en avoir un pour être redevable du droit de partage !
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° I‑3.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-2, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 775
2° L’article 779 est ainsi rédigé :
« Entre les représentants des enfants prédécédés, cet abattement se divise d’après les règles de la dévolution légale.
« En cas de donation, les enfants décédés du donateur sont, pour l’application de l’abattement, représentés par leurs descendants donataires dans les conditions prévues par le code civil en matière de représentation successorale.
« II. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du premier alinéa.
« III. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué en cas de donation ou, lorsque les dispositions de l’article 796-0
3° Le I de l’article 788 est rétabli dans la rédaction suivante :
« I. - L’abattement mentionné à l’article 775
4° L’article 790 C est rétabli dans la rédaction suivante :
Art. 790 C
5° L’article 790 G est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement vise à revenir au
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
statu quo ante
Ainsi, la proportion de successions imposées passerait de 5 % environ aujourd’hui à quelque 25 %. Comme avant 2007, le quart des successions seraient imposées, à des taux n’ayant rien de confiscatoire.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Nous tenons à cette défiscalisation des successions. Ceux de nos concitoyens qui ont passé leur vie à constituer un capital et veulent le léguer à leurs enfants doivent pouvoir le faire sans acquitter de droits, pour autant qu’ils ne fassent pas partie des 5 % de Français disposant de patrimoines très importants.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Cet amendement va exactement à l’encontre de l’objectif de justice fiscale qui a été invoqué par Mme la rapporteure générale.
M. Albéric de Montgolfier.
À cet égard, je rappelle que le taux de taxation des successions de plus de 1,8 million d’euros a été augmenté de 5 % dans le collectif du mois de juillet.
En revanche, la mesure présentée par Mme la rapporteure générale toucherait clairement la majorité des Français, d’autant qu’elle ne tient pas compte de la forte augmentation des prix de l’immobilier. Aujourd’hui, 50 000 euros ne représentent plus grand-chose sur le marché immobilier, que ce soit en province ou,
a fortiori
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Je voudrais abonder dans le sens de M. de Montgolfier.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La mesure que l’on nous propose cible vraiment les classes moyennes urbaines.
C’est vrai !
Mme Valérie Pécresse,
En effet, 50 000 euros par part successorale, cela ne représente vraiment pas beaucoup de mètres carrés, même près des Buttes-Chaumont ! Abaisser ainsi le seuil d’imposition au titre des droits de succession serait une mesure assez violente ! Elle rapporterait chaque année de l’ordre de 2 milliards d’euros, prélevés sur les successions dont le montant est compris entre 50 000 et 153 000 euros par part… Mes chers collègues, que chacun prenne ses responsabilités !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Une telle disposition s’attaque aux familles, aux enfants qui perdent leurs parents !
Mme Catherine Procaccia.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste
EELV et du groupe CRC.)
Avec 50 000 euros, on peut à peine acheter trente mètres carrés en région parisienne, et encore à condition de ne pas viser les beaux quartiers, où le prix du mètre carré est plutôt de l’ordre de 7 000 ou de 8 000 euros ! Et on nous dit qu’on veut aider les jeunes à s’installer !
Et on nous parle d’équité fiscale !
M. Albéric de Montgolfier.
Que vous vouliez revoir le seuil d’imposition des successions, soit, mais l’abaisser au chiffre dérisoire de 50 000 euros ne fera qu’encourager la fraude, qui sera le seul moyen de transmettre quelque chose à ses enfants !
Mme Catherine Procaccia.
Vous exagérez !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais préciser certains ordres de grandeur…
M. Philippe Dallier.
En Seine-Saint-Denis, département où les prix ne sont pourtant pas parmi les plus élevés, il faut compter au moins 150 000 euros pour un appartement neuf de quarante mètres carrés. Dans l’ancien, les prix ne sont pas beaucoup plus bas, et les logements sont souvent dans un état très dégradé ! Avec 50 000 euros, on ne va donc pas loin…
Abaisser le seuil d’exonération à 50 000 euros par part successorale toucherait presque tout le monde. Il serait regrettable de prendre une telle décision. D’autres mesures de la loi TEPA ont pu paraître contestables et ont été contestées, mais celle-là doit absolument être maintenue !
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi on veut absolument transformer ces 50 000 euros en mètres carrés !
Mme Marie-France Beaufils.
(Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mais c’est d’abord de l’immobilier qu’on transmet à ses enfants !
Mme Catherine Procaccia.
On ne peut pas raisonner comme cela, ce n’est pas sérieux !
Mme Marie-France Beaufils.
Mme Catherine Procaccia.
Ce qui est proposé, c’est d’abaisser le seuil à 50 000 euros par part successorale, or il est rare qu’une succession ne concerne qu’une seule personne ! Dans l’objet de l’amendement, il est rappelé que le patrimoine médian des Français s’établit à 117 000 euros. Dès lors qu’il y a au moins deux enfants, un tel patrimoine restera exonéré. Alors cessez de nous faire pleurer !
Mme Marie-France Beaufils.
On ne veut pas vous faire pleurer !
M. Philippe Dallier.
Votre objectif est surtout de défendre des patrimoines beaucoup plus importants, mais vous n’avez pas le courage de le faire ouvertement !
Mme Marie-France Beaufils.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Il est normal que ce débat enflamme le Sénat,…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
N’exagérons rien !
M. Philippe Dallier.
Ce n’est pas un grand incendie !
Mme Catherine Procaccia.
… car il met en évidence ce qui nous sépare et porte sur nos conceptions respectives de la société.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mme Beaufils a rappelé à juste titre qu’il s’agissait de 50 000 euros par part successorale et que le patrimoine médian des Français s’élève à 117 000 euros. Dans la grande majorité des cas, un tel patrimoine restera exonéré si notre amendement est adopté. Avec deux enfants, un patrimoine d’un montant de 234 000 euros, aujourd’hui exonéré, sera taxé à 5,6 % au titre des droits de mutation à titre gratuit. Dans le même cas de figure, un patrimoine de 1 million d’euros sera taxé à hauteur de 16,6 %, contre 13,3 % aujourd’hui.
Par ailleurs, si vous avez le souci de défendre les familles, madame Procaccia, pour ma part j’ai aussi celui de protéger les conjoints survivants, qui sont le plus souvent des veuves : ils ne sont pas concernés par la mesure proposée par la commission.
Quant aux références immobilières que vous avez prises, je ferai observer que tout le monde n’habite pas le VI
J’ai parlé de la Seine-Saint-Denis !
M. Philippe Dallier.
Chacun sait que ces arrondissements sont hors marché, même pour les Parisiens fortunés, car les prix sont poussés vers le haut par la demande internationale : on peut observer ce phénomène dans toutes les grandes capitales. Ainsi, la vente sur plans d’appartements situés rue de Sèvres a été close au bout de quarante-huit heures !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je ne vous parle pas de la rue de Sèvres ! Je n’habite pas Paris !
Mme Catherine Procaccia.
Non, mais vous vous référez à des prix qui sont ceux de ces quartiers de Paris.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Sur le fond, hériter d’un appartement dont le prix est supérieur au seuil d’exonération n’est tout de même pas inintéressant : on peut percevoir un loyer si on le loue ou en économiser un si on l’occupe, on peut aussi vendre à bon prix. Bref, que vous le vouliez ou non, un tel héritage procure une capacité contributive, et il n’est pas indécent de vouloir le taxer selon un barème progressif.
Nous tenons à cet amendement, qui relève sans doute d’une certaine conception de la société.
C’est clair !
Mme Catherine Procaccia.
Pour ma part, madame Procaccia, je crois à la responsabilité individuelle : doit-on forcément attendre d’être doté par ses parents ? Il me semble que l’on peut faire fructifier, par son travail, le capital public reçu, par exemple, de l’éducation nationale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste
Vous devriez abaisser le seuil à zéro !
M. Albéric de Montgolfier.
Je mets aux voix l’amendement n° I‑2.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 3.
Mme la présidente.
Cela fait partie des mesures sur lesquelles nous pourrons communiquer… Les Français apprécieront !
Mme Catherine Procaccia.
Ceux qui n’ont rien, oui !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’amendement n° I-48, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :
Art. 885 U
FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLE
DU PATRIMOINE
applicable (%)
N’excédant pas 800 000 €
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €
Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €
Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 €
Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 €
Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 €
Supérieure à 16 790 000 €
« Les limites des tranches du tarif prévu dans le tableau du présent article sont actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondies à la dizaine de milliers d’euros la plus proche. »
II. – Ces dispositions s´appliquent pour l´imposition du patrimoine au titre de l´année 2011.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Au mois de juillet dernier, le Gouvernement, dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, a procédé à une très sensible réduction du rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, passant notamment par une réorganisation du tarif de cette contribution essentielle à la justice sociale et fiscale.
Mme Marie-France Beaufils.
Cette mesure est en complet décalage avec la situation dramatique des comptes publics telle que nous la découvrons aujourd’hui.
Vous appelez à l’effort et à la rigueur, alors même que, cet été, rien ne semblait devoir s’opposer à l’opération à laquelle nous avons assisté : vous avez mis hors champ de l’impôt de solidarité sur la fortune plus de 300 000 contribuables qui y étaient jusqu’à présent assujettis. Ces personnes disposent d’un patrimoine compris entre 800 000 et 1,3 million d’euros, ce qui doit représenter de cinq à dix fois le patrimoine moyen des Français.
Il y a donc des Français dont le pouvoir d’achat aura été préservé cette année, et ce sans qu’ils aient eu à fournir d’effort particulier, sinon celui de solder cet automne, grâce au délai ouvert par la discussion de la réforme, un ISF minoré.
La situation des comptes publics est telle qu’il nous faut revenir, me semble-t-il, sur cette mesure dont le coût fiscal est particulièrement élevé, puisqu’il avoisine, selon les documents les plus officiels, 1,9 milliard d’euros ! Que les divorcés, et singulièrement les femmes divorcées, aient payé la facture de ce cadeau fiscal éhonté nous donne au moins une autre bonne raison de le faire.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement visant à revenir sur la réforme de l’ISF intervenue au printemps dernier recueille lui aussi mon assentiment, mais, comme je l’ai dit ce matin en commission, je lui préfère l’amendement n° I‑50, qui me paraît meilleur et plus large, sous réserve de le rectifier pour lui enlever toute portée rétroactive. À cette condition, je souhaiterais donc, madame Beaufils, que vous acceptiez de retirer l’amendement n° I-48 à son bénéfice.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’amendement n° I-50 présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les III et IV de l’article 1
Madame Beaufils, acceptez-vous de retirer l’amendement n° I‑48 et de rectifier l’amendement n° I‑50 dans le sens souhaité par Mme la rapporteure générale ?
Oui, madame la présidente.
Mme Marie-France Beaufils.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’amendement n° I-48 est retiré.
Mme la présidente.
Je suis donc saisie d’un amendement n° I-50 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour le présenter.
Il est défendu.
Mme Marie-France Beaufils.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement, qui tend, conformément à la volonté de la commission, à abroger la réforme de l’ISF, est à la fois clair, simple et lisible. L’avis est donc favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Il est défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je tiens à dire, au nom de mes collègues socialistes, que nous approuvons pleinement cette initiative. Notre pays ne peut se permettre, compte tenu de la situation de nos comptes publics, de perdre de 1,6 milliard à 1,9 milliard d’euros.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il s’agit en outre d’une mesure particulièrement juste, car elle permettra de faire participer un certain nombre de nos concitoyens qui en ont les moyens au redressement des comptes publics.
On nous oppose souvent que des fortunes risquent de fuir à l’étranger. Or cet argument n’est pas fondé, car l’assiette de l’ISF est constituée pour l’essentiel de biens immobiliers situés en France, qui ne sont pas délocalisables. Son évolution résulte d’ailleurs d’un enrichissement sans cause, pour reprendre une formule de François Mitterrand, puisque les possesseurs de ces biens n’ont le plus souvent rien fait pour que leur valeur augmente.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Il ne me semble pas très heureux d’invoquer François Mitterrand à cet instant, madame Lienemann, car il y aurait beaucoup à dire sur son rapport à l’argent…
Mme Valérie Pécresse,
(Protestations sur les travées du groupe socialiste
Pourquoi ? Vous pouvez développer ?
M. Richard Yung.
Ça dérape !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
J’ai eu vingt ans à l’époque de son second mandat, et ce que je voyais ne me donnait pas envie de voter à gauche, je vous l’assure !
Mme Valérie Pécresse,
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Nous pourrions parler du rapport à l’argent d’un autre président…
M. Jean-Marc Todeschini.
L’impôt de solidarité sur la fortune, madame Lienemann, n’a pas été supprimé par le Gouvernement. Comme vous le savez, nous en avons relevé le seuil afin de tenir compte de la hausse des prix de l’immobilier, qui entraînait l’assujettissement à l’ISF de personnes non pas fortunées, mais simplement propriétaires, en Île-de-France ou dans une ville touristique, d’un appartement ou d’une maison.
Mme Valérie Pécresse,
Des biens d’une valeur de plus de 1 million d’euros !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Je ne peux vous laisser dire des contre-vérités. Cette réforme est totalement équilibrée, puisque ce sont les titulaires des plus hauts patrimoines qui paieront pour la suppression de la première tranche de l’ISF.
Mme Valérie Pécresse,
M. Jean-Marc Todeschini.
À partir de cette année !
Mme Valérie Pécresse,
(Non ! sur les travées du groupe socialiste
Pas du tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Vous savez bien qu’il y a un décalage de trésorerie ! Nous avons évoqué ce sujet avec Mme Bricq à propos de la réforme de la fiscalité des dividendes qu’elle a proposée. Ce décalage est lié au fait que le bouclier fiscal, qui est fonction de l’impôt de l’année dernière, doit encore jouer cette année : on ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route !
Mme Valérie Pécresse,
Ce sont toujours les mêmes qui en profitent !
M. Jean-Marc Todeschini.
Cela représente 2 milliards pour les riches !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je ne doute pas que vous aimeriez le supprimer d’un trait de plume, quitte à faire fi des engagements pris par l’État à l’égard des contribuables !
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Depuis que je suis parlementaire, je dépose chaque année, au cours de la discussion budgétaire, quatre amendements, dont l’un, radical, tendant à supprimer l’ISF.
M. Philippe Dominati.
Je ne l’ai pas fait cette année, me doutant que la discussion budgétaire serait suffisamment perturbée sans cela par un certain nombre d’initiatives et que le texte du projet de loi de finances issu des travaux du Sénat serait probablement modifié par l’Assemblée nationale.
Néanmoins, il n’est plus à démontrer que l’ISF n’est pas un impôt pertinent. Nombre de gouvernements de tendance socialiste ou social-démocrate, en Europe, ont d’ailleurs supprimé cette taxe ridicule. La France est l’un des derniers pays à la maintenir.
Contrairement à ce que vous affirmez, madame Lienemann, nombre de nos compatriotes redevables de l’ISF, notamment des entrepreneurs, ont quitté la France et résident désormais dans d’autres pays européens. L’assiette de l’ISF n’est pas seulement constituée de biens immobiliers.
Je regrette finalement de ne pas avoir déposé, cette année encore, d’amendement visant à supprimer l’ISF…
Ça nous manque !
M. Jean-Marc Todeschini.
Il n’ose pas…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Il va de soi que je ne voterai pas l’amendement n° I‑50 rectifié.
M. Philippe Dominati.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Monsieur Dominati, les gouvernements socialistes qui avaient supprimé l’impôt sur la fortune l’ont rétabli ensuite. Dans un contexte de crise, il faut savoir faire appel à la solidarité de ceux qui peuvent contribuer davantage.
M. François Marc.
Madame la ministre, la France saigne et sa situation budgétaire est épouvantable. Or vous privez le budget national de 1,9 milliard de recettes : comment pouvez-vous justifier cela ?
Par un tour de passe-passe !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
En tant que ministre du budget, vous avez la responsabilité d’équilibrer les comptes ! Il n’est pas acceptable de relever le seuil de l’ISF, c’est pourquoi nous devons revenir au dispositif qui était en vigueur avant le mois de juin dernier, comme nous le proposent les auteurs de l’amendement n° I‑50 rectifié.
M. François Marc.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Monsieur Marc, vous reconnaissez – je le note avec satisfaction – que la perte de trésorerie liée à la réforme de l’ISF ne jouera que pour l’année 2012,…
Mme Valérie Pécresse,
Mais c’est une année très importante !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
… et non pour les dix années à venir, comme l’a affirmé Mme Lienemann !
Mme Valérie Pécresse,
Cela signifie que, à partir de 2013, cette perte de trésorerie sera entièrement compensée.
(M. François Marc manifeste son désaccord.
Mais non !
M. Jean-Marc Todeschini.
En outre, les foyers les plus aisés devront supporter 1,9 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires en 2012 : la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine représentera un surcroît de recettes de 700 millions d’euros, versés par les 5 % de foyers les plus aisés ; le relèvement du taux marginal de l’impôt sur le revenu à 41 % produira 230 millions d’euros ; l’augmentation de 18 % à 19 % du taux du prélèvement forfaitaire libératoire devait rapporter 265 millions d’euros, mais puisque ce taux sera finalement porté à 24 %, la recette supplémentaire sera de 600 millions d’euros ; la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sera acquittée par 5 000 foyers fiscaux, pour un montant de 400 millions d’euros ; la réforme des plus-values immobilières, avec un doublement de la période de détention nécessaire à leur exonération, portée à trente ans, rapportera 310 millions d’euros pour les plus-values immobilières supérieures à 250 000 euros, qui représentent 15 % de l’ensemble…
Mme Valérie Pécresse,
Au total, je le répète, le Gouvernement demandera aux ménages les plus aisés de verser 2,2 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2012. Cette somme fait largement plus que compenser la perte de trésorerie que vous évoquez !
Ces mesures compensent les cadeaux offerts aux plus riches ! L’opération est donc nulle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Et on prend une journée de salaire de plus à celui qui tombe malade !
M. Jean-Marc Todeschini.
J’ajoute qu’il s’agit de mesures pérennes !
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la ministre, les mesures que vous avez énumérées ne feront que compenser le cadeau que vous avait consenti aux contribuables les plus aisés en relevant le seuil de l’ISF ! Dans ces conditions, il s’agira d’une opération blanche !
Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Cette année seulement !
Mme Valérie Pécresse,
Oui, avant les élections !
M. Jean-Marc Todeschini.
Au total, si l’on dresse le bilan pour les années 2011 et 2012, c’est aux foyers les plus modestes qu’un effort supplémentaire sera demandé pour payer la facture de la crise !
Mme Marie-France Beaufils.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la ministre, cessez de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Mme Marie-France Beaufils.
Lorsque j’ai souhaité étudier le profil et la situation patrimoniale des bénéficiaires du bouclier fiscal, notamment en matière d’immobilier, je n’ai jamais pu obtenir de réponse des services de l’État. Il aurait pourtant été intéressant de pouvoir mener une enquête approfondie sur ce sujet. Mais si de tels renseignements nous ont été refusés, c’est sans doute qu’ils auraient conforté nos analyses…
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Je souhaite réaffirmer mon attachement à la loi de finances rectificative de juillet dernier.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
En effet, ce texte a procédé à un aménagement raisonnable du dispositif de l’ISF, en prenant en considération non seulement le cas des classes moyennes piégées par l’envolée des cours de l’immobilier, mais aussi celui des contribuables ne disposant pas de revenus suffisants pour acquitter l’impôt annuel sur le patrimoine – lequel doit être ajouté, rappelons-le, aux taxes foncières.
Par ailleurs, cette réforme a permis de mettre en cohérence le barème de l’ISF et les taux de rendement des actifs financiers. Elle a été menée par François Baroin dans un souci d’équilibre et d’équité, et je me félicite d’y avoir pris part !
Il me semblerait donc tout à fait dommageable de revenir si précocement sur ce dispositif : l’impression d’instabilité qui en résulterait serait préjudiciable à notre pays, car il ne faudrait tout de même pas oublier que des comparaisons sont établies à l’échelon européen !
Je n’en dirai pas davantage, mais les raisons qui m’ont conduit à prendre une part active à l’élaboration de cette réforme, puis à la défendre devant le Sénat, me semblent demeurer parfaitement valides. Par conséquent, je voterai contre l’amendement n° I‑50 rectifié.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Mme la ministre a posé des additions pour nous démontrer que le Gouvernement s’attaquait aux couches les plus aisées de la population. Le total de 2,2 milliards d’euros auquel elle a abouti ne me semble toutefois constituer qu’un bien modeste rattrapage par rapport aux nombreux avantages qui ont été accordés aux plus riches depuis une petite dizaine d’années !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Non ! Il y a aussi la fiscalité des stock-options ! Je n’ai pas tout additionné…
Mme Valérie Pécresse,
Pour ma part, je pourrais effectuer d’autres calculs, en additionnant la taxe sur les mutuelles,…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
M. Jean-Pierre Caffet.
Il s’agit de la suppression d’une niche !
Mme Valérie Pécresse,
… qui pénalise tous les Français, particulièrement les plus modestes d’entre eux, au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui touchera notamment les contribuables relevant des premières tranches du barème : on atteint aisément la somme de 2,2 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour combien de foyers imposables ?
Mme Valérie Pécresse,
Cela étant, nous ferons le bilan, en matière de répartition de l’effort fiscal, au terme de nos débats.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour l’heure, revenons-en au sujet qui nous occupe, à savoir l’ISF. Madame la ministre, vous avez affirmé que son allégement de 1,9 milliard d’euros serait compensé, mais il a été démontré, notamment par M. Carrez, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, que cette compensation n’était pas au rendez-vous. En effet, elle est assise sur les droits de partage et sur la lutte contre l’évasion fiscale, or ces mesures ne sont pas pérennes. Si l’on en fait abstraction, il apparaît que l’impasse budgétaire due à la réforme de l’ISF s’élèvera à 441 millions d’euros en 2011, à 629 millions d’euros en 2012 et à 695 millions d’euros en 2013, la décrue ne s’amorçant qu’en 2014 !
Cette situation n’est guère réjouissante pour le gouvernement qui sera formé au lendemain des élections de 2012 ! L’année 2013 sera particulièrement difficile, étant donné l’engagement qui a été pris de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB à cette échéance.
Parfaitement !
M. Richard Yung.
Le gouvernement qui sera alors en place, quel qu’il soit, devra assumer l’impasse que j’évoquais. Ce n’est pas là une bonne manière faite à vos successeurs, madame la ministre !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Permettez donc que nous revenions sur le relèvement du seuil de l’ISF que vous avez décidé et qui constitue bien plus qu’un simple allégement.
Encore un cadeau pour les plus riches !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Pour notre part, nous pensons aux années à venir.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-70, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts, sont insérés les mots : « Dans la limite de deux millions d’euros, ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
La recherche de la justice fiscale et celle de l’efficacité économique de l’impôt constituent les deux principaux axes de notre démarche.
M. Thierry Foucaud.
Or, dans les faits, l’ISF est aujourd’hui insuffisant pour répondre à ces deux exigences.
L’assiette de cet impôt est largement tronquée, puisque nombre de biens parfaitement représentatifs de la réalité des patrimoines les plus importants sont exonérés ou pris en compte très en deçà de leur valeur. Quant à son taux, il est devenu quasiment symbolique depuis l’adoption de la loi de finances rectificative de juillet dernier, époque à laquelle, chose étrange, l’État semblait disposer encore de moyens suffisants pour alléger sensiblement la fiscalité du patrimoine !
Cet amendement a donc pour objet de revenir au principe de réalité, en faisant en sorte que la justice la plus élémentaire s’applique entre les contribuables.
Nous n’avons jamais jugé normal – j’insiste sur ce point – que les biens professionnels se trouvent exclus de l’assiette de l’ISF, d’autant qu’il ne s’agit bien souvent que de titres et de parts de sociétés, patrimoine dont la matérialité se résume à celle de morceaux de papiers imprimés…
Ainsi persiste dans notre fiscalité un traitement différencié des titres, à nos yeux injustifié : exonération de droits pour les biens professionnels ; exonération possible en cas de participation à un pacte d’actionnaires qui, en règle générale, n’entraîne d’ailleurs aucune conséquence en termes d’implication desdits actionnaires dans la vie quotidienne de l’entreprise concernée ; exonération impossible pour les titres détenus par des actionnaires minoritaires n’étant pas liés par un tel pacte.
Notre démarche est simple : rendons imposables les biens professionnels au-delà du seuil de 2 millions d’euros, afin de rétablir l’égalité de traitement entre les actionnaires. Mettons ainsi un terme à une situation qui constitue une inégalité de traitement entre contribuables et entraîne une perte de recettes non négligeable pour les finances publiques !
J’ajoute que notre proposition reste relativement mesurée, eu égard au taux actuel de l’ISF, et même au taux moyen d’imposition.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Monsieur Foucaud, vous abordez un sujet ô combien délicat : celui de l’assiette de l’ISF ! Vous proposez d’y intégrer les biens professionnels, comme vous le ferez d’ailleurs également, de manière plus radicale, au travers de l’amendement n° I‑46 rectifié.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Lorsque l’ISF a été créé, à la fin des années quatre-vingt, un tel débat sur la prise en compte des biens professionnels s’était déjà tenu. Si l’on élargit l’assiette, il faudra modifier le barème, sauf à encourir un risque réel, pour le coup, d’évasion de capitaux – productifs en l’occurrence.
M. Roger Karoutchi.
Cette question a été abordée lors de la table ronde sur la fiscalité du patrimoine, à laquelle ont pris part des spécialistes de la question de tous horizons. La définition de l’assiette de l’ISF est un vrai sujet, qui mérite une réflexion approfondie. Je doute que nous puissions la mener à bien aujourd’hui, c’est pourquoi je vous prie, monsieur Foucaud, de bien vouloir retirer l’amendement n° I-70.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Taxer à hauteur de 0,5 % les biens professionnels au-delà de 2 millions d’euros ne représente pas une charge insupportable, madame la rapporteure générale. Un taux de 1,8 % resterait même tout à fait raisonnable, au regard du rendement des opérations que l’on peut mener sur le capital, notamment en matière de cessions partielles ou de récupération des dividendes, dès lors qu’une part importante du patrimoine est constituée de titres de sociétés non cotées.
M. Thierry Foucaud.
Il y va là encore de l’égalité de traitement entre redevables de l’ISF. Nous sommes ouverts à la discussion, mais, pour le principe, nous maintenons l’amendement n° I-70.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous venons de vivre un moment très intéressant : l’échange que viennent d’avoir Mme la rapporteure générale et M. Foucaud me paraît anticiper les problèmes auxquels serait confronté un éventuel gouvernement de gauche…
M. Yann Gaillard.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Sans invoquer à mon tour les mânes du président Mitterrand, je voudrais tout de même rappeler que le présent amendement porte atteinte à l’un des principes de base de l’impôt sur le patrimoine dans notre pays, à savoir l’exclusion de son assiette des biens professionnels. Il s’agit d’éviter l’hémorragie des capitaux…
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste
EELV et du groupe CRC.)
On voit ce que cela donne !
M. Jean-Marc Todeschini.
Ces sujets ont été étudiés par nos prédécesseurs, qui ont été placés devant leurs responsabilités : je crois sincèrement que vous auriez tort de mépriser leur travail !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
On peut considérer que l’ISF est un mauvais impôt, mais il l’eût été encore bien plus, du point de vue du maintien du tissu économique et de celui de la détention du capital des entreprises, si les biens professionnels avaient été inclus dans son champ ! La question de l’évaluation de ceux-ci se serait évidemment posée pour les entreprises non cotées sur un marché, qui forment l’écrasante majorité.
On peut certes se faire plaisir en déposant des amendements, surtout lorsque l’on sait qu’ils ne deviendront pas des textes normatifs, mais il est des sujets, me semble-t-il, que l’on ne doit toucher qu’avec beaucoup de précautions, d’une main tremblante, car ils intéressent la compétitivité de notre économie et la confiance des investisseurs.
Notre attitude face à de tels amendements, fussent-ils putatifs, revêt une importance particulière. À cet égard, sachant les contraintes auxquelles elle est confrontée, je dois dire que j’ai apprécié les réponses formulées par Mme la rapporteure générale !
Les compliments sont durs…
M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Pierre Caffet.
Timeo Danaos et dona ferentes
La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Alors qu’ils supportent l’ISF tant qu’ils sont en activité, nombre de chefs d’entreprise quittent notre territoire au moment de la retraite, les biens professionnels étant alors réintégrés dans leur patrimoine. Tous les fiscalistes vous le diront !
M. Philippe Dominati.
Ils vont en Belgique !
M. Roger Karoutchi.
C’est un autre aspect pervers de cet impôt imbécile.
M. Philippe Dominati.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
La situation a changé depuis l’époque de la création de l’ISF. Il nous semble important d’en discuter, y compris au sein de la gauche, monsieur Gaillard. Cela me paraît très sain, républicain et démocratique.
Mme Marie-France Beaufils.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑70.
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I-46 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 885 I
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Je signale aux nostalgiques de François Mitterrand qui siègent sur les travées de droite de notre hémicycle que trente années se sont écoulées depuis 1981…
M. Thierry Foucaud.
Le présent amendement tend à supprimer certaines dispositions correctrices de l’ISF qui, selon nous, nuisent à sa bonne répartition entre les contribuables.
Est d’abord visée la disposition permettant aux membres de pactes d’actionnaires, qui constituent le « noyau dur » de l’actionnariat d’une entreprise, de diminuer leur contribution à l’ISF à proportion de leur participation. Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l’initiative économique, dite « loi Dutreïl », n’a pas rencontré un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient, à l’époque, dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été élaborée.
À en croire l’évaluation des voies et moyens associée au projet de loi de finances, 12 700 ménages recourraient à ce dispositif en 2012, pour une dépense fiscale globale de 63 millions d’euros. Ce coût a d’ailleurs été revu à la baisse depuis le mois de juillet, compte tenu de la manière dont vous avez réformé l’ISF !
S’agissant du dispositif de l’article 885 I
Cela signifie qu’un peu plus de 3 % des redevables de l’ISF seulement font jouer ces dispositifs pourtant déjà relativement anciens, de fait peu utilisés.
Le pacte d’actionnaires concerne au premier chef des actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l’entreprise : il s’agit d’abord d’une technique d’optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l’entreprise se limite à la perception de dividendes. Elle est fort utile aux riches dynasties industrielles que notre pays compte encore.
De moins en moins…
Mme Nathalie Goulet.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Depuis son examen par la commission ce matin, le présent amendement a été rectifié. Il visait initialement l’exonération à 75 % des parts de sociétés dont le contribuable est salarié ou mandataire social.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La rectification intervenue, qui n’est pas que rédactionnelle, aboutit à augmenter le rendement de la mesure en visant d’autres exonérations. La commission ne s’étant pas prononcée sur cette nouvelle version, je laisse toute latitude au Sénat pour se déterminer… J’indique toutefois que les montants en cause semblent raisonnables.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Cet amendement porte atteinte au régime dit « Dutreil » des pactes d’actionnaires, permettant, en particulier, à des personnes physiques qui n’appartiennent pas à l’équipe dirigeante de l’entreprise de bénéficier d’un régime leur évitant d’avoir à payer chaque année l’impôt sur le patrimoine alors qu’elles ne disposent pas nécessairement des revenus correspondants, notamment de dividendes, liés à la détention des parts sociales ou des actions dont il s’agit. Je souligne ce point à toutes fins utiles.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Le maintien de ce régime contribue à la stabilisation du capital des entreprises, évite des prises de contrôle qui peuvent être à l’origine de restructurations, et donc éventuellement de pertes d’emplois. Il est de nature à sécuriser le capital de bon nombre d’entreprises moyennes ou intermédiaires.
À mon sens, l’amendement que nous examinons présente un danger tout à fait sérieux !
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il serait très intéressant de procéder à l’évaluation économique et sociale du dispositif de la loi Dutreil, qui, selon nous, est inefficace. Est-il pertinent au regard du nombre d’emplois réellement créés dans les entreprises concernées et des performances économiques, ainsi que de la préservation du cadre de vie et de l’environnement ?
M. Thierry Foucaud.
Bien évidemment, je souscris aux propos qui ont été tenus par Mme la rapporteure générale.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑46 rectifié.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-166, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 885-0 V
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Inventé par la loi TEPA, le dispositif ISF-PME n’a jamais rencontré le succès que ses promoteurs pouvaient en attendre.
Mme Marie-France Beaufils.
On peut comprendre leur préoccupation de départ. Il s’agissait de permettre aux petites et moyennes entreprises de disposer de fonds propres versés par de généreux donateurs sous forme de souscription de parts, d’actions, de titres, etc. Nous partageons nous aussi ce souci d’assurer le financement des PME.
Cependant, très vite, la question de la pertinence et de la consistance de la mesure s’est posée. En effet, étant donné le taux d’abattement particulièrement élevé – 100 euros souscrits ouvrant droit à 75 euros de réduction sur l’ISF, le dispositif est encore plus généreux que celui auquel a fait allusion Jean Louis Masson –, cette mesure est plus proche de la niche fiscale très confortable que de l’incitation au financement des entreprises et au réinvestissement de l’épargne des ménages dans l’économie.
Cette mesure a rapidement montré ses limites et sa nature : elle coûte fort cher – et de plus en plus cher ! – pour un montant relativement faible de fonds levés. Nous avions d’ailleurs dénoncé le coût exorbitant qu’elle représente pour les finances publiques – plus de 700 millions d’euros – au regard des faibles sommes mises en jeu – tout au plus 1,2 milliard à 1,3 milliard d’euros. À titre de comparaison, gardons en tête que les banques implantées en France gèrent un encours de crédits de près de 1 900 milliards d’euros…
Comme on pouvait le craindre dès l’origine, la volonté d’optimisation fiscale de cette niche a bien souvent pris le pas sur toute autre considération, notamment l’éventuel intérêt pour la gestion des PME ainsi financées. Nombre de contribuables sollicitant le dispositif ISF-PME n’ont versé que la somme nécessaire pour ne pas payer l’ISF, ajustant leur concours aux PME en fonction de cette contribution. La baisse du montant de la réduction d’impôt prévisible pour 2012 illustre d’ailleurs cette situation. Si les contribuables de l’ISF ont moins à payer au titre de cet impôt, ils adapteront leur versement.
Nicole Bricq a évoqué la possibilité de réfléchir à un autre type de « véhicule » pour financer les PME. J’estime que c’est dans cette direction qu’il nous faudrait aller. Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer un dispositif coûteux, aux objectifs dévoyés, afin que nous puissions travailler efficacement à la recherche d’autres sources de financement pour les PME, et plus particulièrement pour les très petites entreprises.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Le dispositif ISF-PME est une grosse niche, qui coûterait 750 millions d'euros en cas de rétablissement de l’ancien barème.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je me dois de dire, par honnêteté, que le taux n’est plus de 75 %.
Merci de le préciser !
Mme Valérie Pécresse,
En effet, le Gouvernement s’est rendu compte que cette niche galopait allègrement, si j’ose dire, et a donc apporté son soutien à un amendement, présenté par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale, qui prévoyait une réduction de l’avantage à 50 % des versements effectués.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
En outre, des dispositifs « anti-abus » ont été mis en place. Il faut dire que les publicités avaient fleuri sur internet et dans certaines publications – nous en avions même apporté un florilège dans cet hémicycle – expliquant comment bénéficier de cette niche pour acquérir des caves à vin, partir en vacances ou acheter des appartements en Floride.
Madame Beaufils, vous posez aujourd'hui la question du maintien de cette niche ; il y a là un vrai sujet. Toutefois, le problème est que je ne dispose d’aucune évaluation des effets de cette dépense fiscale. Il est très difficile de savoir si celle-ci est efficace, si elle a atteint son objectif. Lorsque nous avons débattu de ce dispositif, en juillet 2007, Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, nous avait expliqué que celui-ci permettrait d’accroître la compétitivité des PME.
Le comité Guillaume, qui a accompli un travail important et utile – certes de nature administrative –, dont nous pouvons nous inspirer, puisqu’il apporte des références qui nous manquaient auparavant, n’a pas pu procéder à une évaluation, faute de données exploitables. Il est tout de même ennuyeux qu’on ne puisse pas évaluer une niche qui existe depuis maintenant quatre ans. M. Marini recommande d’ailleurs depuis longtemps des niches à durée déterminée, des NDD.
Absolument !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Cela étant, on peut supposer que le dispositif profite quand même à certaines PME, même si je ne connais pas leur nombre. Mais n’oublions pas non plus qu’il a aussi été instauré pour permettre à certains de ne pas payer l’ISF. Quoi qu’il en soit, peut-être a-t-il une utilité ; nous ne le savons pas. Qui plus est, une suppression brutale – et elle le serait forcément – risquerait de déstabiliser certains secteurs économiques.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C'est pourquoi, en commission, j’avais sollicité le retrait de cet amendement ; je maintiens cette demande.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je salue la volonté de Mme la rapporteure générale de supprimer des niches fiscales. J’aimerais qu’elle fasse preuve de la même ferveur lorsqu’il s’agit de supprimer une niche concernant les mutuelles et les contrats « solidaires et responsables », qui représentent plus de 90 % des contrats.
Mme Valérie Pécresse,
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Ce n’est pas une niche !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Si, madame la rapporteure générale ! Il s'agit d’une exonération fiscale, c'est donc une niche.
Mme Valérie Pécresse,
Vous taxez les malades !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV.
Nous avons supprimé l’exonération fiscale, et non taxé les malades, contrairement à ce que vous essayez de faire croire.
Mme Valérie Pécresse,
Vous empêchez les malades de se soigner !
M. Jean-Marc Todeschini.
C’est scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Non, je le répète, nous ne taxons pas les malades : nous n’augmentons ni le ticket modérateur ni aucune franchise, nous ne déremboursons pas les médicaments.
Mme Valérie Pécresse,
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Revenons au sujet !
M. Jean-Pierre Caffet.
S'agissant du dispositif ISF-PME, en 2010, 1,4 milliard d'euros a été investi dans les PME, pour un coût de 700 millions d'euros environ, soit 50 % des sommes investies.
Mme Valérie Pécresse,
À nos yeux, ce dispositif a atteint son objectif. Il est devenu indispensable au financement en fonds propres de nos PME,
a fortiori
Vous l’avez dit, le recentrage du dispositif était nécessaire : un abattement de 75 %, c’était trop. Un taux de 50 % me paraît être satisfaisant.
Cela coûte cher !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je vous l’accorde, mais on ne peut à la fois déplorer depuis des années que les Français n’investissent pas assez dans les PME, préférant placer leur épargne sous forme d’assurance vie ou de livret A – des produits sans risque, donc –, et critiquer un dispositif qui les a rendus actionnaires, entrepreneurs.
Mme Valérie Pécresse,
On n’en sait rien !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mais si, 1,4 milliard d'euros a été investi en 2010 !
Mme Valérie Pécresse,
Ces investissements auraient-ils été réalisés sans cette défiscalisation ? Nous savons bien que les Français n’investissent pas dans les PME et qu’il existe un véritable problème d’actionnariat dans notre pays.
Vous ne parlez pas du rôle des intermédiaires !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Demandez au monde de l’entreprise s’il considère que ce dispositif a été bénéfique ou non !
Mme Valérie Pécresse,
Pour ma part, j’estime que cette niche a été extrêmement efficace, à l’instar de celles que nous avons créées pour favoriser le mécénat et les dons aux associations humanitaires. Le Gouvernement était défavorable à la suppression de ces niches ; il l’est tout autant à la suppression du dispositif ISF-PME, à plus forte raison dans le contexte actuel.
Très bien !
M. Robert del Picchia.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Je voudrais rappeler que, à une époque où je n’espérais pas la suppression de l’ISF, c'est-à-dire pendant la campagne présidentielle de 2007, j’ai fait partie de ceux qui ont lancé l’idée d’un abattement sur l’ISF, dans la limite d’un plafond de 50 000 euros, pour les contribuables qui investissent dans le capital des PME. Je continue à penser que cet « impôt choisi » était une heureuse initiative.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Madame la ministre, vous citez la somme de 1,4 milliard d’euros. Toutefois, il nous serait utile de savoir le montant réellement investi, et ce sur plusieurs années, en fonds propres des entreprises. Il existe en effet de nombreuses structures intermédiaires.
Au Sénat, nous nous sommes efforcés plusieurs années de suite de bien calibrer ce régime d’exonération et d’éviter une trop grande mutualisation des risques entre des souscripteurs trop nombreux. C’est pour cette raison que nous avons voulu limiter le nombre d’associés dans les structures de
C’est vrai !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il serait donc utile que vous répondiez à la demande de notre rapporteure générale, dont je pense pouvoir dire qu’elle est celle de l’ensemble de la commission : nous souhaitons disposer d’un historique aussi précis que possible non seulement des versements des contribuables, mais aussi des investissements et de leur devenir. Il est sans doute possible de trouver de bons indicateurs, qui nous permettront de connaître la réalité. Je pense que cela dépassionnerait, s’il en était besoin, cette partie du débat sur l’ISF.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je tiens également à souligner que le montant des souscriptions dans le cadre du dispositif ISF-PME, dont vous avez indiqué qu’il avait été de 1,4 milliard d'euros en 2010, avait été initialement évalué à 900 millions d'euros ou 1 milliard d'euros. Il y a donc eu une amplification importante, alors même que nous sommes dans une période de raréfaction des fonds propres compte tenu des difficultés de plus en plus grandes que rencontrent les investisseurs institutionnels pour entrer au capital d’entreprises, en particulier d’entreprises moyennes ou de taille intermédiaire. C'est pourquoi les informations que vous nous communiquerez seront extrêmement précieuses.
Dans l’immédiat, il me semble préférable que l’amendement déposé par le groupe CRC puisse être retiré.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
M. le président de la commission vient de rappeler le contexte actuel, caractérisé par les difficultés que rencontrent les PME pour accéder au crédit et constituer des fonds propres. Dans ces conditions, il serait totalement suicidaire de supprimer l’exonération ISF-PME, qui a été – il faut le rappeler – améliorée par le dispositif « anti-abus », qui a mis fin aux situations les plus contestables.
M. Albéric de Montgolfier.
Il n’en reste pas moins qu’un effort de transparence doit être fourni, s'agissant tant des investissements éligibles que des frais perçus par les intermédiaires. Il me semble qu’un décret a limité ces frais, mais le dispositif demeure imparfait.
L’argent doit aller aux PME, et non nourrir des intermédiaires.
Tout à fait !
Mme Valérie Pécresse,
Je le répète, c’est un bon dispositif, à condition que ce soit vraiment les PME qui en profitent.
M. Albéric de Montgolfier.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Après les brillantes explications du président de la commission des finances, dont nous sommes coutumiers, j’ajoute qu’il serait intéressant que nous ayons connaissance du suivi des investissements et de la ventilation par secteur d’activité.
Mme Nathalie Goulet.
En effet, la somme globale de 1,4 milliard d'euros ne nous donne pas une image exacte des investissements. Nous pourrions ainsi déterminer quels sont les secteurs les plus attractifs pour ce crédit d’impôt.
Madame Beaufils, l’amendement n° I-166 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je maintiens mon amendement, non parce que je suis insensible à la nécessité d’une investigation, mais parce qu’il est difficile d’obtenir des réponses. Nous connaissons les chiffres, mais nous ne savons pas à quoi l’argent a servi. C’est d'ailleurs souvent le cas.
Mme Marie-France Beaufils.
M. le président de la commission des finances nous dit que le type d’aide au financement des petites et moyennes entreprises qu’il a proposé était un « impôt choisi ». Dans les faits, je constate qu’il s’agit plutôt d’une optimisation fiscale que d’un outil au service des petites et moyennes entreprises. Les intermédiaires ne s’y sont d’ailleurs pas trompés.
Je déplore depuis de nombreuses années que notre système bancaire n’ait jamais véritablement été obligé de participer au financement des PME. Dernièrement, lorsque les banques ont été aidées par le Gouvernement, il a fallu prévoir des systèmes d’accompagnement pour soutenir les PME. Les banques n’ont jamais été sollicitées directement.
On le constate sur le terrain, les conseillers bancaires offrent rarement des solutions adaptées aux besoins des petites et moyennes entreprises : par exemple, ils proposent des découverts là où il faudrait des prêts de trésorerie. J’ai moi-même été souvent confrontée à cette situation, que je trouve particulièrement néfaste. Cela montre que notre système bancaire ne contribue pas au maintien d’un tissu de PME, dont on s’étonne qu’il soit moins dense qu’en Allemagne.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
J’entends la demande de clarification sur l’ensemble des travées concernant l’utilisation des fonds issus de la défiscalisation ISF-PME. Mes services vont étudier la question, et je vous transmettrai les informations.
Mme Valérie Pécresse,
L’administration et l’État n’ont rien à cacher. Nous voulons que cet argent profite aux PME et certainement pas à des intermédiaires qui ne réinvestiraient pas. Nous allons vous donner la preuve que ce dispositif fonctionne !
Merci, madame la ministre !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑166.
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Les socialistes ne suivent pas la rapporteure générale : ils n’ont pas voté !
Mme Catherine Procaccia.
Heureusement que nous sommes là !
M. Philippe Dominati.
sur les travées de l’UMP.)
L'amendement n° I-52, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l’article 990 I du code général des impôts, le montant : « 152 500 euros » est remplacé par le montant : « 50 000 euros ».
II. – Le I ci-dessus est applicable aux contrats conclus à compter de la promulgation de la loi n° … du … de finances pour 2012.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Nous devons informer madame Procaccia que Mme la rapporteure générale n’est pas la responsable du groupe socialiste !
Mme Marie-France Beaufils.
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Nous souhaitons modifier le régime des droits de succession en cas de transmission d’un patrimoine sous forme de contrat d’assurance vie capitalisé.
Je voudrais rappeler ce que pointait un député UMP, Olivier Carré, lors des débats budgétaires du printemps dernier : « La fiscalité de l’assurance-vie permet au souscripteur de transférer un patrimoine en franchise de droits, et cela sans limitation de montant, d’une part au profit de son conjoint survivant […], d’autre part au profit par exemple de ses enfants, en recourant au démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie.
« En effet, seul le bénéficiaire en usufruit est actuellement redevable du prélèvement spécial de 20 % prévu [dans le] code général des impôts lorsqu’il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. Or, lorsqu’il s’agit du conjoint survivant ou du partenaire lié au défunt par un PACS, l’usufruitier est exonéré de ce prélèvement, d’une part et, d’autre part, au décès de l’usufruitier, les nus-propriétaires reçoivent leur créance en franchise de droits.
« Afin de supprimer cette faculté d’optimisation fiscale, il est proposé que la taxation au prélèvement de 20 % des sommes, rentes ou valeurs versées au décès de l’assuré soit répartie entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en faisant application du barème d’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété […]. L’abattement de 152 500 euros par bénéficiaire au-delà duquel le prélèvement est applicable serait réparti selon les mêmes modalités.
« Le bénéficiaire demeurerait exonéré pour la part lui revenant, lorsqu’il s’agit du conjoint survivant ou du partenaire du défunt. »
Or cet abattement nous semble quelque peu excessif, notamment au regard des règles propres au tarif des droits d’enregistrement. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de prolonger la réforme entreprise, en vous invitant à le réduire.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a demandé le retrait de cet amendement. Je ne peux pas dire que je n’ai pas de sympathie pour ce dispositif, puisqu’il s’agit du volet décès de l’assurance vie et donc de l’héritage, qui est toujours un facteur d’inégalités sociales, mais, dans la période troublée que traversent les Français, je me demande s’il est vraiment opportun de s’attaquer à leur placement préféré.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je voudrais vous citer quelques chiffres : les trois quarts des détenteurs d’assurance sur la vie sont des retraités pour 28 %, des ouvriers pour 12 %, des employés pour 16 % et des commerçants pour 8 %. Les deux tiers des ménages détenteurs gagnent moins de 3 000 euros par mois. Parviennent-ils à doter leurs contrats de plus de 50 000 euros ? Je l’ignore.
Il convient aussi de tenir compte du mouvement de décollecte de l’assurance vie, qui est un support de l’épargne longue. En outre, nous avons besoin de ces investissements en obligations d’État et d’entreprise à au moment où les banques sont en train de vendre massivement les bons du Trésor, ce qui n’est guère patriotique.
Je le répète, je ne suis pas sûre qu’il soit aujourd'hui opportun de prendre une telle mesure concernant l’assurance décès.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est cohérent : il a souhaité maintenir l’abattement de 150 000 euros pour les successions ; de la même façon, il souhaite maintenir ce seuil pour l’assurance vie.
Mme Valérie Pécresse,
L’assurance vie, vous le savez bien, est le placement que choisissent les Français qui, n’ayant pas descendant, veulent léguer une partie de leurs biens à la personne de leur choix.
Nous voulons absolument donner la liberté aux Français de choisir leur « descendant de cœur », y compris lorsqu’ils n’ont pas de lien de filiation direct. Il faut donc que nous maintenions ce dispositif au même niveau que celui de la défiscalisation sur les droits de succession.
Pour financer la réforme de l’ISF, pour que celle-ci soit équilibrée et que le contribuable n’y perde pas, j’ajoute que nous avons augmenté le taux de fiscalité pesant sur l’assurance vie : il est de 25 % au-delà du seuil de 152 500 euros.
Madame Beaufils, l'amendement n° I-52 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je le reconnais, nous avons proposé un déplafonnement assez brutal. Nous aurons sans doute l’occasion de rediscuter de ce sujet et de parvenir à une diminution progressive du plafond de 152 500 euros. En attendant, je retire cet amendement.
Mme Marie-France Beaufils.
L'amendement n° I-52 est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-114, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 30 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est ainsi modifié :
1° Au I, l’année : « 2010 » est remplacée par l’année : « 2009 » ;
2° Aux premier et troisième alinéas du II, l’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2011 ».
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Nous proposons tout simplement de supprimer dès maintenant le bouclier fiscal.
M. Jean-Marc Todeschini.
Pour alléger le poids de l’ISF sur les plus gros contribuables, un plafonnement de celui-ci a été instauré en 1989, un « bouclier fiscal » mis en place en 2005 puis renforcé en 2007.
Sous la pression de l’opposition, de l’opinion publique et dans la perspective des prochaines échéances électorales, le Gouvernement en est venu à proposer une modification
Cette année, les socialistes n’ont cessé de dénoncer un dispositif prévoyant la suppression d’une tranche de l’ISF, avec un allégement des taux – ce qui constitue un nouveau cadeau pour les plus aisés –, un relèvement du seuil d’assujettissement à l’ISF de 800 000 euros à 1,3 million d’euros qui intervient dès 2011 et une suppression du bouclier fiscal – plafonnement total des impôts directs à 50 % du revenu déclaré – différée d’un an, c’est-à-dire après l’élection présidentielle de 2012.
Résultat : en 2012, la nécessité pour l’État de continuer à restituer les sommes induites par le bouclier fiscal va provoquer un besoin de recettes supplémentaires de l’ordre de 300 millions à 500 millions d’euros !
Après 2011, les 1 900 ménages possédant plus de 17 millions d’euros de patrimoine auront une meilleure situation fiscale du fait de la réforme : ils vont perdre 800 millions d’euros avec la suppression du bouclier fiscal, mais gagner plus du double, soit 1,8 milliard d’euros, grâce à la réforme de I’ISF.
Les 1 700 plus gros contribuables français verront leur impôt diminuer en moyenne de 30 000 euros.
Ce dispositif de plafonnement des impositions, rendu encore plus injuste par son extension dans le cadre du « paquet fiscal » voté à l’été 2007, continue donc, malgré les apparences, de parachever l’œuvre de remise en cause de la progressivité du système fiscal et de démantèlement de l’impôt de solidarité sur la fortune entamée en 2002 et poursuivie par les gouvernements successifs depuis cette date.
Ce dispositif ne vise en réalité que les ménages les plus aisés soumis à l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est ce que démontrent toutes les estimations effectuées sur l’application de cet impôt. Il est donc urgent de supprimer cette machine à « inégaliser », ce drôle de « bouclier » qui protège les forts contre les faibles !
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Nous avons déjà examiné cet amendement sous la plume du sénateur Masson.
Mme Valérie Pécresse,
Une telle disposition me paraît nécessairement rétroactive, madame la rapporteure générale. Or la non-rétroactivité est un principe cher à la commission des finances, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, qui le rappelle à de nombreuses reprises au ministre du budget pour protéger le contribuable.
La rétroactivité étant en réalité un engagement non tenu de l’État, je ne m’engagerai pas dans cette voie. J’émets donc un avis défavorable.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Je me suis exprimée un peu brièvement afin de ne pas lasser l’assemblée, mais je vais revenir sur votre argumentation, madame la ministre, que j’avais anticipée.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il est vrai que les revenus de 2010 ont été encaissés. Les « stratégies fiscales » pour 2011 ont été élaborées en prenant en compte l’existence du bouclier fiscal. Toutefois, le code général des impôts, que vous connaissez sans doute aussi bien que moi, prévoit que « le droit à restitution […] est acquis par le contribuable au 1
Si je fais les comptes, le droit de 2012 n’est pas acquis. L’amendement n’a donc pas de portée rétroactive.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous avons combattu le bouclier fiscal dès sa création et nous avons systématiquement demandé sa suppression à l’occasion de chaque débat budgétaire. Aujourd'hui, nous ne pouvons qu’approuver cet amendement visant à consacrer la disparition de cet objet fiscal pour le moins déroutant et parfaitement inutile.
Mme Marie-France Beaufils.
Comme nous avons eu l’occasion de le souligner à maintes reprises, le bouclier fiscal n’a jamais permis d’atteindre les objectifs que s’était fixés le Gouvernement. La démonstration est faite que nous avions raison lorsque nous dénoncions sa création.
Le bouclier fiscal n’a été inventé que pour alléger l’ISF, tout simplement parce que c’était le seul impôt, sauf pour quelques redevables de la taxe foncière ne disposant que de ressources exonérées, qui pouvait conduire à dépasser le fameux seuil de 50 %. En outre, les remboursements concernaient, d’abord et avant tout, la dizaine de milliers de redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ayant tenté l’aventure du bouclier fiscal.
À cet égard, je rappelle qu’Éric Woerth, alors ministre du budget, avait été obligé de mobiliser les personnels des services des impôts afin de relancer les redevables de l’ISF et que ces contribuables daignent solliciter le bouclier fiscal. Avouez que c’est tout de même un peu particulier !
Sur ce sujet, on ne peut que suivre la proposition du groupe socialiste-EELV, laquelle est totalement conforme à notre démarche permanente.
J’ajoute, sur le fondement des documents budgétaires – je suis rapporteure spéciale de la mission « Remboursements et dégrèvements » – que l’ISF n’est pas complètement clos en termes de versement. Il y a en effet un décalage entre le moment où le bouclier fiscal intervient et le paiement de l’impôt.
Même les services fiscaux n’ont pas été en mesure de nous dire jusqu’à quand nous devions inscrire dans la mission « Remboursements et dégrèvements » les éléments fiscaux nécessaires à la couverture financière du bouclier fiscal. Il n’y a donc pas de rétroactivité. Nous pouvons tout à fait prendre des dispositions pour la fin des années.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑114.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-195, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre II du Titre I
« Section ...
« Choix du mode de paiement chez un commerçant
Art. L. 112-13
Art. L. 112-14
La parole est à M. Philippe Dominati.
Cet amendement a pour objet de permettre au consommateur d’avoir le choix de son mode de paiement. En effet, dans un certain nombre de stations balnéaires ou de zones touristiques, les clients ne peuvent régler qu’en espèces, le commerçant refusant les paiements par cartes bancaires ou par chèque. Cette pratique, qui a généralement cours dans les secteurs des loisirs et de la restauration, n’est le fait que d’une minorité de commerçants, mais elle nuit à toute la commune ou à toute la région.
M. Philippe Dominati.
À titre dissuasif et exceptionnel, je propose d’instaurer une sorte de taxe déguisée ou une amende pour obliger, au-delà d’un certain chiffre d’affaires, les commerçants à proposer à leur clientèle deux modes de paiement. Cela éviterait aux touristes étrangers de se trouver démunis au moment de la transaction.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Monsieur Dominati, vous avez raison de défendre le tourisme. N’oublions pas que ce secteur d’activité représente des dizaines de milliers d’emplois, particulièrement en Île-de-France et dans la capitale. Le Sénat y est d’ailleurs sensible, comme le montre le rapport commun que nos collègues André Ferrand et Michel Bécot ont rendu public au mois de septembre.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Toutefois, est-il vraiment nécessaire de créer une nouvelle taxe – nous en avons débattu ce matin – afin de pénaliser les commerçants n’acceptant pas les paiements par carte bancaire ou par chèque ? Il est vrai qu’à La Haye ou à Stockholm et même chez d’autres de nos voisins européens, à l’exception de l’Allemagne, on paie beaucoup plus facilement par carte bancaire, y compris pour acheter son journal.
Allons-nous régler les problèmes d’accueil et de service en instaurant une taxe destinée à obliger les commerçants à accepter ce mode de paiement ? Si de nombreux commerçants n’acceptent pas les cartes bancaires, c’est parce que les banques leur imposent des frais très élevés, pour ne pas dire exorbitants. Certains se sont équipés d’un terminal, avant d’y renoncer. Les services du Gouvernement ont essayé de trouver une solution moins pénalisante.
Je ne pense pas que l’instauration de la taxe que vous proposez permettra d’augmenter la part du tourisme dans la balance commerciale de la France.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je suis également sensible à votre amendement, monsieur le sénateur. Il est évident que, pour développer le tourisme, il faudrait davantage permettre l’usage de la carte bancaire pour le règlement de petites sommes, le chèque étant évidemment inapproprié.
Mme Valérie Pécresse,
Néanmoins, comme Mme la rapporteure générale l’a indiqué, je pense qu’il serait préférable de travailler sur les commissions bancaires. Tel était l’objet des mesures mises en œuvre à la suite des travaux de M. Mallié, M. Debré et Mme Branget à l’Assemblée nationale. Les banques se sont engagées, dans le cadre de ce dialogue avec l’Assemblée nationale, à proposer aux commerçants une offre attractive pour les paiements de petits montants. Aujourd'hui, nous attendons cette offre. Il est évident qu’il faut réduire les marges sur l’utilisation des cartes bancaires chez les petits commerçants de façon à développer l’usage de ce moyen de paiement.
En conséquence, votre amendement, s’il est tout à fait pertinent, me paraît un peu prématuré. Il nous faut attendre que les banques concrétisent leurs engagements avant de demander aux commerçants de faire un effort supplémentaire. Certains commerçants, comme l’a dit Mme la rapporteure générale, se sont équipés d’un terminal, avant d’y renoncer. Il faut que nous parvenions à concilier les intérêts des commerçants et ceux des banques, dans l’intérêt général, afin de développer le tourisme et l’accueil des étrangers en France.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur Dominati, l'amendement n° I-195 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je suis satisfait des réponses de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre. Je retire donc mon amendement, mais je serai attentif aux évolutions sur cette question.
M. Philippe Dominati.
L'amendement n° I-195 est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-117, présenté par Mme Klès, M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante :
Art. L. 723-4.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci‑dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michèle André.
S’il avait fallu choisir un article emblématique du projet de loi de finances pour 2011, nul doute que l’article 41, devenu l’article 74 de la loi promulguée, dissimulé au sein de la première partie du projet de loi, l’aurait emporté, pour ses « qualités » à la fois de fond et de forme.
Mme Michèle André.
J’évoquerai tout d’abord le fond.
Afin de réunir les 11 milliards d’euros d’augmentations d’impôts prévues dans le projet de budget pour 2011, il a été demandé aux justiciables les plus défavorisés bénéficiant de l’aide juridictionnelle de verser à leur avocat un droit de plaidoirie de 8,84 euros, cette mesure permettant de récupérer 5 millions d’euros, soit moins de 2 % des montants alloués au titre de l’aide juridictionnelle. L’objectif financier de cette mesure est modeste.
En outre, la mesure prévue à l’article 74 est contraire à un principe fondamental de notre droit, l’accès à la justice, lequel oblige l’État à assurer aux citoyens un recours juridictionnel effectif. Elle est également peut-être contraire à la Constitution ou à la Convention européenne des droits de l’homme.
Surtout, la mesure instaurée par l’article 74 concerne des personnes en situation de précarité ou de faiblesse, comme les enfants aux prises avec le divorce délicat de leurs parents. Ces enfants n’ont pas, en principe, de moyens financiers, mais ils peuvent bénéficier des services des avocats pour enfants, lesquels sont rémunérés par l’aide juridictionnelle et non par l’un des parents, la parole des enfants ne devant pas souffrir de considérations financières.
Selon l’exposé des motifs de l’article 74, il s’agissait d’instaurer une « participation financière permettant de sensibiliser les justiciables au coût de l’aide juridictionnelle et de limiter les recours abusifs ». Permettez-moi de trouver la mesure – et la formule – aussi ridicule que dérisoire !
De plus, comme les avocats ne peuvent guère récupérer auprès des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle les droits de plaidoirie qu’ils doivent, pour leur part, reverser à la Caisse nationale des barreaux français – la caisse de prévoyance et de retraite des avocats –, la suppression de la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie revient à transférer une charge de l’État vers la profession des avocats. Le modèle de la mesure existe : c’est celui du transfert par l’État aux collectivités territoriales de charges non compensées.
J’évoquerai ensuite la forme.
Intituler l’article 41 initial : « Amélioration du recouvrement et maîtrise de la dépense d’aide juridictionnelle » et prétendre vouloir « pérenniser le dispositif d’aide juridictionnelle tout en respectant l’objectif gouvernemental de réduction des dépenses d’intervention » est d’une grande hypocrisie. Il aurait mieux valu l’intituler : « Paiement par les avocats d’une partie de la prise en charge par l’État de l’aide juridictionnelle pour faire une petite "gratte" sur les dépenses ». C’est aussi hypocrite que de déclarer qu’il n’y aurait pas d’augmentations d’impôts dans le projet de loi de finances pour 2011, alors que celui-ci prévoyait 11 milliards d’euros d’augmentations !
Il est donc indispensable de supprimer le dispositif de l’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement porte sur un principe qui nous est cher : l’accès à la justice doit être le plus large possible. Dans l’esprit, il est proche de celui que la commission des finances a adopté avant-hier sur l’initiative du rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Justice », M. Edmond Hervé, lequel tend à prévoir la suppression de la contribution de 35 euros pesant sur le justiciable au titre du financement de l’aide juridique.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, qui tend à préserver le libre accès au service public de la justice.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je ne reviendrai pas sur une réforme qui a été adoptée en 2011, et dont nous avons déjà beaucoup débattu.
Mme Valérie Pécresse,
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’aide juridictionnelle est aujourd'hui de plus en plus coûteuse, car nous avons considérablement renforcé les droits de la défense. Nous avons notamment autorisé la présence de l’avocat au cours de la garde à vue. Les droits du justiciable sont désormais beaucoup mieux protégés.
L’aide juridictionnelle doit être de qualité et, pour cela, elle doit bien entendu être revalorisée.
L’instauration d’un droit de timbre de 35 euros dont doivent s’acquitter les justiciables qui ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle à taux plein ainsi que la perception des quelques droits supplémentaires ne sont pas de nature à priver les Français de l’accès à la justice, bien au contraire ! Il s’agit de mesures de responsabilisation, comme il en existe dans le domaine de l’accès à la santé avec les franchises sur les médicaments ou le ticket modérateur.
On ne saisit pas la justice sans concourir un peu aux frais qu’elle occasionne, d’autant que le montant réclamé est faible en comparaison du coût d’un avocat ou d’une aide juridique, par exemple. Ces frais représentent donc un effort soigneusement dosé afin qu’ils ne pèsent pas excessivement sur le justiciable.
En outre, quand un justiciable gagne son procès, il obtient le remboursement de l’intégralité des frais de justice engagés. Cela dit, je ne sous-estime pas le fait que certains justiciables peuvent perdre tout en étant de bonne foi, mais il s’agit tout de même d’une minorité.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voterai cet amendement des deux mains.
Mme Nathalie Goulet.
Remettons les choses dans leur contexte : de plus en plus de gens rencontrent des difficultés pour accéder à la justice, notamment en raison de la nouvelle carte judiciaire. Dans le département de l’Orne, certaines communes n’ont plus de juges aux affaires familiales. Cela peut paraître peu de chose, mais les justiciables doivent attendre six mois avant d’obtenir une audience de non-conciliation. Certains n’ont pas non plus les moyens de se payer les services d’un avocat.
Cette disposition avait déjà été présentée l’année dernière dans le cadre de l’examen du programme « Accès au droit et à la justice », dont Yves Détraigne était rapporteur pour avis. À ce moment-là, la discussion s’était résumée à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ce n’est pas une méthode pour réconcilier les Français avec leur justice, dont nous examinerons d’ailleurs les crédits dans quelques jours.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Depuis 2002, les crédits budgétaires consacrés à l’aide juridictionnelle n’ont cessé d’augmenter. Ils sont passés de 220 millions d’euros à 312 millions d’euros en 2011. Dans le projet de loi de finances pour 2012, la dotation prévue est en hausse de 8 %, passant à 336 millions d’euros, ce qui montre l’intérêt que le Gouvernement porte à ce dispositif primordial pour l’accès au droit et à la justice.
Mme Catherine Procaccia.
Le champ des contentieux couverts par l’aide juridictionnelle a été élargi. Le nombre de bénéficiaires est passé de 688 000 à 900 000.
C’est aussi l’effet d’une répression plus lourde !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Étant donné le contexte budgétaire actuel, où priorité est donnée aux réductions des déficits, il est nécessaire de trouver des financements nouveaux pour faire face à une partie de l’accroissement du coût.
Mme Catherine Procaccia.
Le groupe de l’UMP ne souhaite pas que soit remis en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Or, une nouvelle fois, la majorité sénatoriale veut revenir sur des dispositions que nous avons adoptées. C’est à se demander si ce n’est pas par manque d’imagination qu’ils cherchent à défaire ce que nous avons fait.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
C’était mal fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Ces arguments sont un peu courts !
M. Jean-Marc Todeschini.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme la présidente.
C’est la deuxième fois que j’interviens après vous, madame Procaccia.
Mme Marie-France Beaufils.
Il n’y a que des femmes dans cet hémicycle !
Mme Valérie Pécresse,
(Sourires.)
Cela me donne l’occasion de vous rappeler que quelqu’un a dit ici qu’il fallait déconstruire ce qui avait été réalisé en 1945 !
Mme Marie-France Beaufils.
1945 n’est pas 2011 !
Mme Catherine Procaccia.
Pour notre part, nous ne nous inscrivons pas dans la même démarche. Lisez le rapport d’Edmond Hervé, qu’il nous a présenté l’autre jour en commission des finances, qui établit un constat très clair des difficultés de la justice.
Mme Marie-France Beaufils.
Vous parlez de la hausse des crédits de l’aide juridictionnelle et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires, mais ce ne sont que des chiffres. Vous n’expliquez pas que, si le montant alloué à l’aide juridictionnelle a augmenté, c’est aussi parce que le pouvoir d’achat d’un certain nombre de justiciables a baissé. Il faut regarder les choses en face !
Je suis particulièrement choquée par l’idée de payer une franchise pour avoir droit à un jugement équitable. C’est contraire aux principes de notre République, notamment à l’égalité de tous devant la justice.
De plus, avec la baisse des moyens alloués aux tribunaux depuis quelques années, on s’aperçoit que les affaires traînent souvent en longueur, ce qui empêche qu’elles se déroulent dans de bonnes conditions.
Placer un obstacle supplémentaire sur la route de celui qui demande justice va encore créer plus de difficultés. C’est pourquoi, au nom du groupe CRC, je voterai l’amendement proposé par le groupe socialiste-EELV.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑117.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Mme la présidente.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 1° du II de l’article 150 U, il est inséré un 1°
« L’exonération est applicable à la fraction du prix de cession défini à l’article 150 VA que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l’acquisition ou la construction d’un logement qu’il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de manquement à l’une de ces conditions, l’exonération est remise en cause au titre de l’année du manquement ; »
2° Au dernier alinéa du 1 de l’article 170, après la référence : « 163
3° Après le premier alinéa du II de l’article 726, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S’agissant des titres visés au 2° du I, l’assiette du droit d’enregistrement comprend, à concurrence de la fraction des titres cédés, la valeur réelle des biens et droits immobiliers détenus, directement ou indirectement, au travers d’autres personnes morales à prépondérance immobilière, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition desdits biens et droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d’actifs bruts. »
II. – Le 1° du I s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1
L'amendement n° I-205, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
applicable
insérer les mots :
, dans la limite de 300 000 euros,
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet article a trait à un aspect particulier de la taxation des plus-values de cessions immobilières : il concerne un bien détenu par un contribuable qui n’est pas propriétaire de sa résidence principale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le régime qui s’applique, ou plus exactement celui qui entrera en vigueur à compter du 1
Considérant que l’allongement de quinze à trente ans de la durée d’exonération durcissait trop les conditions faites au contribuable non-propriétaire de sa résidence principale, les députés sont revenus sur leur vote de septembre. Ils ont donc introduit le présent article dans le projet de loi de finances pour 2012. Ils auront mis à peine deux mois pour changer d’avis…
Que prévoit l’article 3
La première cession d’un logement qui n’est pas la résidence principale est exonérée de l’impôt sur les plus-values à deux conditions : le cédant ne doit pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession ; l’exonération ne s’applique qu’à la fraction du prix de cession remployée, dans un délai de vingt-quatre mois, à l’acquisition d’un logement affecté à la résidence principale.
Le coût de cette mesure est évalué à 150 millions d’euros. C’est cher ! Le dispositif est donc gagé par la suppression d’une niche concernant les sociétés civiles immobilières, ce qui est sans rapport avec la taxation des plus-values immobilières. Allez comprendre…
J’en viens à l’amendement de la commission des finances.
La précédente réforme des plus-values immobilières, qui date de 2004, avait instauré un prélèvement fiscal forfaitaire, qui, avec les cotisations sociales, atteint actuellement le taux unique de 31,3 %. Appliquer le même taux d’imposition, quels que soient les revenus des ménages, était une erreur. Pour autant, j’admets que des cas particuliers peuvent exister – les membres de l’opposition m’ont donné nombre d’exemples en commission des finances – et qu’il pourrait être injuste de ne pas les prendre en compte.
À défaut de réformer complètement le mécanisme actuel, je suis donc d’accord pour en corriger les effets pervers. C’est pourquoi je propose un compromis : maintenir l’exonération prévue par les députés dans la limite d’un prix de cession de 300 000 euros. Au-delà de ce seuil, le droit commun s’applique : une imposition dégressive à partir de la cinquième année, puis une exonération totale au bout de trente ans.
Comme toute limite, elle pourra être jugée arbitraire. Elle a toutefois le mérite d’exister. Elle permettra sans doute de rendre la réforme possible, à un coût moindre pour les finances de l’État.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame la rapporteure générale, je suis sensible à votre volonté de limiter les dépenses fiscales de l’État ou de permettre à celui-ci d’augmenter ses recettes. Reste que je suis sensible à l’équité.
Mme Valérie Pécresse,
Cette disposition a été introduite dans le projet de loi de finances par les députés, qui ont fait preuve de beaucoup de sagesse, pour tenir compte d’une situation qui me paraît être d’une iniquité flagrante.
Vous le savez, la plus-value réalisée lors de la cession de la résidence principale est totalement exonérée.
C’était déjà le cas avant !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Prenons l’exemple d’un appartement dans le VII
Mme Valérie Pécresse,
Dans le même temps, imaginez un jeune couple de locataires à Meaux. Ne pouvant pas devenir propriétaire dans sa région – les résidences en Île-de-France sont malheureusement trop chères –, il acquiert une belle ferme dans l’un des beaux départements que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dans l’Orne !
Mme Nathalie Goulet.
Avec des chevaux !
M. François Marc.
Et deux ânes !
M. Jean-Marc Todeschini.
C’est bien trop cher !
M. Philippe Dominati.
Mme Valérie Pécresse,
(Sourires.)
Les députés ont considéré que cette situation était injuste. C’est particulièrement vrai pour les habitants de l’Île-de-France, des grandes zones urbaines ou des zones touristiques, où l’immobilier est beaucoup plus cher qu’ailleurs. C’est pourquoi ils ont décidé que la plus-value réalisée lors de la première cession d’une résidence secondaire devait être exonérée au même titre que celle réalisée lors de la vente d’une résidence principale.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement de Mme Bricq.
C’est l’amendement de la commission !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Excusez-moi : le Gouvernement émet avis défavorable sur l’amendement de la commission des finances, qui vise à plafonner la défiscalisation à 300 000 euros.
Mme Valérie Pécresse,
Je le répète, ce seuil créerait une iniquité. Je vous rappelle que la vente d’une résidence principale est exonérée d’impôt sur les plus-values même si celle-ci vaut 10 millions, voire 50 millions d’euros. Si vous n’êtes pas propriétaire de votre résidence principale, il me paraît donc logique de défiscaliser une plus-value de 500 000 euros sur la vente de votre résidence secondaire.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Je précise que cet amendement, dont nous avons longuement débattu, a été adopté à l’unanimité par la commission des finances.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Dans sa version initiale, le dispositif proposé était plus « raide », mais j’ai tenu compte des observations qui m’ont été adressées.
Si j’avais un doute quant à la pertinence du seuil retenu, vous venez de le lever grâce à l’exemple que vous avez pris, madame la ministre. Avec 300 000 euros, on peut parfaitement se loger à Meaux !
Je mets aux voix l'amendement n° I‑205.
Mme la présidente.
J’y insiste : l’amendement bénéficie du soutien unanime de la commission des finances !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(L'amendement est adopté.)
Vos amis ne vous ont pas suivi, monsieur le président de la commission. Heureusement que nous sommes là !
M. Jean-Marc Todeschini.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
L'amendement n° I-84 rectifié
Mme la présidente.
I. – Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes pour l’État résultant du 1°
La parole est à Mme Esther Sittler.
La récente modification de la taxe sur les plus-values immobilières constituera un sérieux coup de frein pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale dans la réalisation de leurs objectifs de construction de logements.
Mme Esther Sittler.
En effet, cette taxe constitue le principal argument avancé par les propriétaires sollicités pour ne pas céder leur terrain aux collectivités en vue de l'aménagement de lotissements d'habitation. Or celles-ci ont généralement pour objectif de permettre aux jeunes ménages de devenir propriétaires de leur habitation à un prix raisonnable.
Par conséquent, cet amendement vise à remédier au problème de l'acquisition foncière en exonérant de taxe sur les plus-values immobilières les particuliers qui cèdent leur bien immobilier à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale ou à un établissement public foncier en vue de l'aménagement de lotissements d'habitation ou de zones d'activité dont ils ont la maîtrise d'ouvrage.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption ouvrirait une grosse brèche dans un dispositif qui est encore très frais.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je comprends la logique qui sous-tend l’amendement de Mme Sittler, et j’aurais aimé pouvoir y donner une suite favorable. Malheureusement, cette mesure serait coûteuse. Dans le contexte financier actuel, nous ne voulons pas élargir le champ des niches fiscales.
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
Mme la présidente.
En tant que maire d’une commune rurale, j’ai fait construire des lotissements sous maîtrise d’ouvrage communale alors que je n’avais pas beaucoup de moyens.
Mme Esther Sittler.
L’objectif d’un maire est de satisfaire à la fois les jeunes désireux de rester et les autres personnes qui souhaitent s’installer. J’ai eu la chance d’accueillir dans mon village un sapeur-pompier professionnel de Strasbourg qui n’avait pas les moyens de construire dans sa ville, car je pouvais maîtriser les coûts grâce à un prix d’acquisition raisonnable.
Il existe un précédent : c’est l’exonération pour logements sociaux. Je propose simplement de permettre aux communes rurales – c’est essentiellement d’elles qu’il s’agit – de construire des lotissements en maîtrisant les coûts d’aménagement, afin de permettre à des jeunes d’y résider.
C'est la raison pour laquelle je regrette la position tant de la commission que du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Madame Sittler, je retiens votre idée. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, votre amendement me pose un problème. En effet, il tend à élargir l’exonération, et non à la proroger. Or le dispositif arrive à expiration en 2012. Je vous suggère donc de prendre contact avec mes collaborateurs pour voir comment insérer une telle mesure dans le projet de loi de finances lorsque l’Assemblée nationale en sera à nouveau saisie.
Mme Valérie Pécresse,
Sachez que je comprends votre préoccupation. J’aurais pu m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais la rédaction de votre amendement ne permet pas, me semble-t-il, d’atteindre vos objectifs. Je vous invite donc à le retirer.
Madame Sittler, l'amendement n° I–84 rectifié
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente, et je remercie Mme la ministre de laisser une porte entrouverte.
Mme Esther Sittler.
L'amendement n° I–84 rectifié
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 3
(L'article 3
est adopté.)
L'amendement n° I-201, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa du II de l'article premier de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par les mots : «, à l’exception des cessions pour lesquelles une promesse unilatérale de vente ou une promesse synallagmatique de vente a été conclue et enregistrée avant le 19 septembre 2011 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
Le projet de loi de finances rectificative que nous avons adopté le 8 septembre dernier modifie le régime fiscal des plus-values immobilières pour toutes les ventes hors résidence principale, c'est-à-dire les résidences secondaires, les terrains et les investissements locatifs.
M. Philippe Dominati.
Dans sa formulation actuelle, le texte piège de nombreux propriétaires de terrains, qui, ayant signé une promesse avant l’annonce du plan de rigueur par M. le Premier ministre le 24 août, ne pourront pas finaliser leur vente avant le 1
Cela tient aux dispositions particulières ou aux lourdeurs administratives qui concernent les cessions de terrain. Elles sont nombreuses et sont en général le fait des pouvoirs publics ou des collectivités territoriales : attente d’une modification de la réglementation locale d'urbanisme, fouilles archéologiques préventives ou autorisations administratives liées à l’assainissement. Ces conditions sont suspensives.
Par conséquent, il faudrait corriger une situation aussi inéquitable en revenant à l'esprit initial de la loi, c'est-à-dire en considérant que promesse de vente vaut vente. Accordons donc ce délai !
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à accorder un délai supplémentaire pour l’entrée en vigueur de la réforme de la taxation des plus-values immobilières. Il tend à revenir sur un régime fiscal que vous-même avez adopté, monsieur le sénateur.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
À l’origine, le Gouvernement avait déjà appliqué sa réforme à toutes les cessions consécutives à des promesses ou compromis de vente signés après le 24 août 2011, reportant ainsi la date d’entrée en vigueur du dispositif. Or vous voulez encore la proroger !
Si nous vous suivions, plus personne ne comprendrait quoi que ce soit au dispositif. La commission a donc émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je ne partage pas tout à fait l’analyse de Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Pécresse,
L’objectif n’est pas de reporter la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions fiscales, qui reste fixée au 1
L’entrée en vigueur du dispositif pourrait être postérieure au 1
Je retiens votre argumentation, monsieur le sénateur. Il arrive que des délais soient majorés pour certaines opérations d’urbanisme et d’aménagement. Toutefois, à l’heure actuelle, je ne suis pas capable d’évaluer le nombre d’opérations qui seraient concernées par une telle mesure. Nous sommes donc en train de procéder à des expertises pour évaluer si le problème soulevé est réel.
L’objectif n’est pas, comme l’a dit Mme la rapporteure générale, de reporter la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions fiscales aux calendes grecques.
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous avez dit qu’il fallait cesser de reporter la date d’entrée en vigueur. J’abonde dans votre sens !
Mme Valérie Pécresse,
Si certaines opérations d’aménagement nécessitent un traitement particulier, nous en tiendrons évidemment compte en loi de finances rectificative. En attendant, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Monsieur Dominati, l'amendement n° I–201 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
M. Philippe Dominati.
Je précise que, moi non plus, je ne souhaite pas reporter la date d’entrée en vigueur du dispositif fiscal. Je demande simplement que soit prise en considération la situation spécifique des promesses de vente intervenues avant le 19 septembre.
L'amendement n° I–201 est retiré.
Mme la présidente.
Après le mot : « il », la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l’article 150 VB du code général des impôts est ainsi rédigée : « est stipulé dans l’acte, étant précisé que ce prix s’entend de l’existant et des travaux dans le cas d’une acquisition réalisée selon le régime juridique de la vente d’immeuble à rénover. » –
Le II de l’article 150 VC du code général des impôts est abrogé. –
I. – Après le
III. – Après la première occurrence de la référence : « 208 », la fin de la dernière phrase du 4° du I de l’article L. 221‑31 du code monétaire et financier est ainsi rédigée : « du même code. »
IV. – Le III du présent article entre en vigueur le 21 octobre 2011. Par dérogation à l’article L. 221‑31 du code monétaire et financier dans sa rédaction entrant en vigueur le 21 octobre 2011, les titres des sociétés visées à l’article 208 C du code général des impôts et des sociétés présentant des caractéristiques similaires ou soumises à une réglementation équivalente à celles des sociétés mentionnées au même article 208 C et ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales qui figurent au 21 octobre 2011 dans un plan d’épargne en actions peuvent y demeurer et continuer à bénéficier du régime d’exonération de l’impôt sur le revenu applicable aux produits figurant dans un plan d’épargne en actions. –
Au premier alinéa du 1 de l’article 199
L'amendement n° I-91 rectifié, présenté par MM. Houel, Dallier, P. Dominati, Cambon et Bécot, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 4° du II de l’article 199
« Dès le 2 janvier de chaque année, les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l' annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie) peuvent obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d'une estimation de la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année précédente et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de cette même année.
« Le montant de crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année précédente et utilisé pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre de cette même année est diminué du montant du remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II.
« Si le montant du remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II excède le montant du crédit d'impôt prévu au onzième alinéa du présent II, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année précédente est majoré de cet excédent.
« Lorsque le montant du remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II excède de plus de 20 % la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année précédente et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année précédente, cet excédent fait l'objet :
« a) De la majoration prévue, selon le cas, à l'article 1730 ou à l'article 1731 ;
« b) D'un intérêt de retard dont le taux correspond à celui mentionné à l'article 1727. Cet intérêt de retard est calculé à partir du premier jour du mois qui suit le remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II jusqu'au dernier jour du mois du dépôt de la déclaration de crédit d'impôt calculé à raison des dépenses engagées au titre de l’année précédente. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
Parmi les 15 000 entreprises concernées par le dispositif du crédit d’impôt recherche, 83 % sont des TPE-PME. Selon les dernières statistiques du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le montant moyen du CIR obtenu par les PME est de 190 000 euros.
M. Philippe Dominati.
Pour une entreprise qui ne paie pas ou qui paie peu d’impôt sur les sociétés, ce qui est le cas d’un grand nombre de ces entreprises innovantes, le CIR est actuellement remboursable lors du dépôt de l’avis de liquidation d’impôt sur les sociétés, soit en général trois mois et demi après la date de clôture fiscale.
Cet amendement vise à renouveler un dispositif appliqué lors du plan de relance, à la fin de l’année 2008, puis supprimé. Afin de tenir compte de la conjoncture actuelle, qui est particulièrement difficile, il est proposé d’accorder un crédit d’impôt aux entreprises pour leur permettre d’avoir de la trésorerie. Nous souhaitons qu’elles puissent en bénéficier dès le 2 janvier de l’année suivant l’investissement.
Tel est l’objet de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement est pour l’essentiel satisfait, puisque l’article 41 de la loi de finances pour 2011 pérennise la mesure concernée pour les PME.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(M. Philippe Dominati acquiesce.)
M. Dominati veut modifier le droit actuel pour que le remboursement du crédit d’impôt recherche intervienne dès le 2 janvier de l’année suivant l’investissement, et non simplement en cours d’année. Or, même s’il s’agit de faciliter la trésorerie, un tel dispositif serait coûteux.
Cela se faisait les années précédentes !
M. Philippe Dominati.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, la mesure proposée serait coûteuse.
Mme Valérie Pécresse,
Nous devons stabiliser le dispositif du crédit d’impôt recherche, qui est extrêmement favorable – vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs –, et en garantir l’effectivité.
Les PME continuent de bénéficier d’un système très avantageux : lorsqu’elles font leur déclaration au mois de mai, elles obtiennent le remboursement immédiat de leur crédit d’impôt recherche sur les dépenses engagées l’année précédente. Il y a donc un décalage de trésorerie de quatre mois par rapport au dispositif que vous proposez, monsieur le sénateur, qui prévoit de rembourser de manière anticipée le crédit d’impôt recherche, avant la remise des déclarations définitives au mois de janvier sur la base des déclarations provisoires, ainsi que nous l’avions autorisé dans le cadre du plan de relance.
Sachant que le crédit d’impôt recherche représente plusieurs milliards d’euros par an, je vous laisse imaginer le coût d’une telle avance de trésorerie, fût-elle de quatre mois !
Je suis donc au regret d’émettre un avis défavorable.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’ai peut-être été un peu rapide dans ma présentation.
M. Philippe Dominati.
Madame la ministre, cet amendement vise à stabiliser le dispositif. La mesure proposée existait, mais la loi de finances pour 2011 l’a supprimée brutalement en fin d’année, prenant de court de nombreux chefs d’entreprise dans les PME, ce qui a entraîné un problème de trésorerie.
Si nous avions fait perdurer le système tel qu’il existait précédemment, il n’y aurait eu aucun problème. Or, tout en maintenant le dispositif, on a modifié le mode de paiement. L’amendement que j’ai présenté, et que je vais retirer, a simplement pour objet de corriger cet effet divergent.
J’aimerais que vos services étudient véritablement la difficulté de trésorerie que rencontrent les entreprises qui bénéficiaient de cette disposition. La loi de finances étant votée en décembre, de nombreux chefs d’entreprise ont été pris de court et n’ont plus droit au crédit d’impôt.
L'amendement n° I-91 rectifié est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-7, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le IV de l’article 200
quaterdecies
1° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 1 875 » ;
2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa, deux fois, le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 3 750 » ;
3° Aux deuxième et dernière phrases du premier alinéa, le montant : « 500 » est remplacé par le montant : « 250 » ;
4° Au second alinéa, le montant : « 15 000 » est remplacé par le montant : « 7 500 ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement a pour objet de revenir sur une disposition du « paquet fiscal » ou loi TEPA de 2007 qui continue à être très coûteuse pour les finances publiques, je veux parler du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Depuis le 1
Le coût de cette dépense fiscale est de 1,9 milliard d’euros en 2011 et aurait atteint 3,7 milliards d’euros en 2018 si rien n’avait été fait.
Dans le débat fort animé de juillet 2007, ici, au Sénat, beaucoup de voix s’étaient élevées contre cette mesure. Je pense notamment à Jean Arthuis et aux sénateurs du groupe de l’Union centriste, qui avaient mis en garde notre assemblée et le Gouvernement contre le coût de ce dispositif.
Certes, le Gouvernement a décidé sa mise en extinction, mais il coûte encore très cher, car il ne prendra définitivement fin qu’en 2016. Or un passage difficile nous attend en 2012 et encore plus en 2013 dans la lutte contre le déficit.
Par ailleurs, selon le mode de calcul du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, plus le contribuable dispose de hauts revenus, plus la subvention est élevée. Le dispositif, en plus d’être onéreux, est donc injuste.
Cet amendement vise à diviser par deux, dès l’imposition des revenus de 2011 acquittée en 2012, le plafond des intérêts pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt. Il importe en effet de réduire dès 2012 le coût de cette dépense fiscale improductive. Je suis certaine que cette disposition ne pourra pas être considérée comme modifiant en cours de route l’équilibre économique des opérations d’acquisition et donc comme étant rétroactive.
Le gain attendu d’une telle mesure peut être évalué à 900 millions d’euros en 2012 et à 800 millions d’euros en 2013.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Quand l’État prend des engagements à l’égard des ménages, il doit les tenir.
Mme Valérie Pécresse,
Il se trouve effectivement que le dispositif issu de la loi TEPA pour les primo-accédants à la propriété leur est très favorable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, dès 2011, a décidé de substituer à ce dispositif le mécanisme du prêt à taux zéro, qui a encore été resserré, pour des raisons d’économies budgétaires, dans l’actuel projet de loi de finances puisqu’il a été mis sous condition de ressources et sera maintenant réservé à l’achat dans le neuf.
Néanmoins, il ne me paraît pas possible de revenir sur un droit à déduction fiscale qui a été accordé à des ménages au moment où ils ont acheté un logement. Ces ménages ont investi en sachant que pendant cinq ans, voire sept ans s’ils acquéraient un logement basse consommation, ils bénéficieraient d’une déduction fiscale.
Le Gouvernement ne trahit pas les engagements de l’État à l’égard des ménages. Quand les contribuables ont acheté, ils pensaient que la défiscalisation était acquise pour cinq ou sept ans. Il faut tenir les engagements qui ont été pris. Il y va de la continuité de l’action de l’État et de la confiance légitime des contribuables. Je ne dérogerai pas à ces principes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Je ne suis pas surprise, Mme la ministre utilise l’argument qu’elle devait utiliser. Néanmoins, dans le cas du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, il ne vaut pas.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ce mécanisme, qu’il me soit permis de le lui rappeler, n’a pas été instauré pour les primo-accédants.
Mme Valérie Pécresse,
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le Conseil constitutionnel en a décidé ainsi !
Mme Valérie Pécresse,
La situation est la suivante : le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt est fermé depuis le 31 décembre 2010.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Tout à fait !
Mme Valérie Pécresse,
Il est fermé précisément parce qu’il n’avait pas d’incidence sur l’équilibre économique des opérations d’achat de logement puisqu’il était versé non pas au moment de l’acquisition, mais après. Par conséquent, ce crédit d’impôt ne constituait pas une aide à l’accession à la propriété.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Bien sûr que si !
Mme Valérie Pécresse,
C’était une subvention aux contribuables remboursant un emprunt immobilier.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est la même chose !
Mme Valérie Pécresse,
Non, ce n’est pas la même chose !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il est donc possible de moduler le montant de cette subvention, puisque c’en est une, d’une année sur l’autre, comme cela se pratique pour toutes les autres subventions, pour les prestations sociales ou pour le barème de l’impôt sur le revenu.
Ce n’est pas comme cela que l’on raisonne !
Mme Valérie Pécresse,
D’ailleurs, c’est exactement ce que vous allez faire dans le projet de loi de finances rectificative, qui prévoit de geler le barème de l’impôt sur le revenu applicable en 2012 aux revenus de 2011.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cela ne porte pas sur les mêmes montants !
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° I‑7.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3
Mme la présidente.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Le VI de l’article 44
quaterdecies
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « avant imputation de celui prévu à l’article 217
3° Au troisième alinéa, la référence : « et à l’article 217
B. – Au trente et unième alinéa du I de l’article 199
C. – L’article 217
D. – À la fin du premier alinéa du IV
quaterdecies
quaterdecies
E. – Aux deux dernières phrases du premier alinéa et à la fin de la première phrase du sixième alinéa de l’article 223 A, à la fin du premier alinéa de l’article 223 B et au premier alinéa des
F. – À la fin du premier alinéa de l’article 223 D, la référence : « et 217
G. – Le 4 de l’article 223 L est abrogé.
II. – À la première phrase du 1° de l’article L. 3324–1 du code du travail, les références : «, 208 C et 217
L'amendement n° I-118 rectifié, présenté par MM. Patient, Antoinette, Antiste, Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
L’article 217
« Les dispositions du présent article s’appliquent aux résultats des exercices clos jusqu’au 31 décembre 2017. »
La parole est à M. Georges Patient.
L’instauration d’un abattement au titre de l’impôt sur les sociétés en outre-mer avait pour objet d’abaisser le coût de financement et d’améliorer les capitaux propres des petites et moyennes entreprises ultramarines qui ont un accès au financement externe plus difficile que les grandes entreprises.
M. Georges Patient.
Il est important d’aider les TPE et les PME des DOM, car elles constituent l’essentiel du tissu économique de nos territoires : elles représentent 95 % des entreprises domiennes et sont celles qui créent le plus d’emplois.
En supprimant l’article 217
Retirer dès l’année prochaine cette mesure qui devait être efficiente jusqu’en 2017 ôterait toute possibilité d’autonomie financière à ces entreprises, pivots du dynamisme ultramarin.
C’est pourquoi le maintien de cet abattement est vital pour elles. Conscient néanmoins des urgences actuelles, une solution pourrait être de maintenir cet abattement aux seules entreprises qui emploient moins de dix salariés.
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, de juin 2011, indiquait que les entreprises de moins de dix salariés bénéficiant de l’abattement étaient au nombre de 6 815 sur un total de 9 219 bénéficiaires.
Cet amendement vise donc à maintenir l’abattement d’un tiers des bénéfices imposés dont jouissent les entreprises des DOM en le limitant aux entreprises qui emploient moins de dix salariés.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je remercie M. Patient et ses collègues d’avoir rectifié l’amendement n° I-118, sur lequel nous avons débattu ce matin.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La commission émet donc un avis favorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement a décidé dans son analyse des niches fiscales de conserver toutes les niches fiscales de cohésion territoriale avec l’outre-mer, toutes sauf une. C’est un effort mesuré que nous demandons à nos amis des territoires ultramarins.
Mme Valérie Pécresse,
L’effort que nous exigeons de tous les Français doit être équitablement réparti, et les territoires ultramarins doivent en prendre leur part. Cet effort est minime puisque toutes les autres défiscalisations sont maintenues. Je n’en citerai qu’une, qui est extrêmement importante : le logement social outre-mer est totalement exonéré du plafond global des niches applicables à l’impôt sur le revenu alors même que toutes les dépenses des autres niches sont en train de passer progressivement sous ce plafond.
Si le Gouvernement a proposé de supprimer l’abattement du tiers applicable à l’impôt sur les sociétés sur le résultat des exploitations situées dans les DOM, c’est parce que l’utilité de ce dispositif n’a pas été démontrée par l’Inspection générale des finances dans le cadre du rapport d’évaluation des dépenses fiscales. Le score de cette mesure est de zéro.
Le groupe socialiste, pardon la commission des finances désormais propose de supprimer le dispositif de soutien aux heures supplémentaires que le Gouvernement a mis en place. Ce dispositif avait pourtant une meilleure note que celui des exonérations pour les entreprises d’outre-mer. Il y a un manque de cohérence dans les choix de la commission des finances, qui défend le maintien d’un abattement noté zéro dans le rapport sur les niches fiscales et sociales !
Vous n’utilisez pas ce rapport d’habitude !
M. François Marc.
J’ajoute que la LODEOM a introduit un dispositif plus pertinent à l’article 44
Mme Valérie Pécresse,
quaterdecies
Les conséquences de la suppression de l’abattement du tiers seront supportées, pour l’essentiel, par des entreprises qui sont rentables et qui ne sont pas considérées comme fragiles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Madame la ministre, j’ai bien pris la précaution de préciser que le rapport de l’Inspection générale des finances était un document administratif et qu’il n’avait pas de valeur normative.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je remarque que les niches auxquelles vous vous attaquez, même si c’est quelquefois modérément, sont celles qui sont le mieux cotées par le rapport Guillaume.
Lesquelles ?
Mme Valérie Pécresse,
N’utilisez donc pas la notation comme un argument !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il n’y en a qu’une, c’est celle sur les assurances. Or elle a atteint son but !
Mme Valérie Pécresse,
Oui, mais il est difficile de comprendre que vous vous attaquiez à des niches cotées 2,5 !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
J’ai dressé une liste, voulez-vous que je vous la lise ? L’annualisation des allégements généraux des charges sociales est cotée 3 ; la taxe sur les conventions d’assurance, la TSCA, est cotée 3…
Elle est cotée 3, mais elle a atteint son objectif !
Mme Valérie Pécresse,
Je vous renvoie au rapport sur les prélèvements obligatoires !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
M. Patient et ses collèges ont fait un effort. Ce qu’ils veulent, c’est que cet abattement soit maintenu, que la disposition demeure inscrite dans le code général des impôts. Ils en ont donc limité l’application aux entreprises qui en ont le plus besoin. Nous devons répondre à cet effort en en faisant un autre dans leur sens.
La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais, pour employer un langage sportif, remettre la balle au centre.
M. Serge Larcher.
Madame la ministre, je vous ai entendu dire cet après-midi que lorsque le Gouvernement prend un engagement, il tient parole.
Prenez la liste des engagements que le Gouvernement a pris vis-à-vis des DOM et sur lesquels il est revenu, vous serez vraiment impressionnée. La LODEOM, c’était il y a seulement deux ans ! Mais, avant, nous avions eu la loi Pons, la loi Girardin, dont le dispositif, nous avait-on promis, durerait quinze ans. Tout de suite après, le Gouvernement est revenu sur cette loi, comme il le fait chaque fois qu’un dispositif est mis en place pour les départements d’outre-mer. Cette absence de visibilité a pour conséquence que les investisseurs hésitent aujourd’hui à venir chez nous.
Cela étant, vous avez dit qu’il fallait que l’outre-mer fasse un effort. Nous en sommes totalement d’accord ! L’outre-mer, c’est la France, et nous sommes solidaires et prêts à participer à l’effort de redressement des comptes publics. Mais ne nous soumettez pas à la double peine, dans la mesure où toutes les dispositions qui sont prises pour la France, nous les subissons.
Parce que nous accusons un retard de développement, parce que notre PIB est inférieur de moitié au PIB national, vous mettez en place des dispositifs pour nous aider à rattraper ce retard, mais, à chaque fois, vous revenez dessus. Quand on observe bien les choses, on se rend compte que vous demandez plus à ceux qui ont moins !
M. François Marc.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑118 rectifié.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Mme la présidente.
La parole est à M. le président de la commission.
. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, avant que nous ne suspendions nos travaux pour le dîner, faire le point sur l’avancée de nos débats.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances
Ayant jusque-là bien travaillé, à un rythme tout à fait correct, nous pouvons considérer qu’il ne sera pas nécessaire de siéger demain, samedi. Nous reprendrons la séance à vingt-deux heures quinze et nous la poursuivrons jusqu’à une heure raisonnable, que nous déterminerons ensemble.
Quatre ou cinq heures du matin !
Mme Catherine Procaccia.
Non, peut-être pas jusque-là !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Nous pourrons alors faire le point et estimer le nombre d’heures de discussion encore nécessaires pour lundi, en particulier pour lundi matin. N’en disons pas plus à ce stade.
Je tiens en tout cas à remercier nos collègues des différents groupes, le Gouvernement ainsi que Mme le rapporteur général d’avoir permis que cette discussion budgétaire débute techniquement dans des conditions tout à fait correctes et selon un bon rythme.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Mme la présidente.
Madame la présidente, lors du scrutin n° 47 sur la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, mon collègue Jean-Jacques Lasserre souhaitait voter pour.
M. Vincent Delahaye.
Je vous remercie par avance de bien vouloir faire procéder à cette rectification
au Journal officiel
Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au
Mme la présidente.
Journal officiel
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 18 novembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-216 QPC).
Mme la présidente.
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012.
Mme la présidente.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 4.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-56, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Outre le fait qu’il vise à reprendre une proposition de nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de l’Assemblée nationale, cet amendement constitue le premier d’une série portant sur le devenir et la réalité de l’impôt sur les sociétés.
M. Thierry Foucaud.
Cela fait vingt ans, vingt-cinq ans même, que l’on attaque l’impôt sur les sociétés sous tous les angles, qu’il s’agisse de son assiette, de son taux ou de ses modalités d’application. Nous sommes d’ailleurs parvenus à une situation tout à fait abracadabrantesque : le coût des mesures corrigeant l’impôt sur les sociétés est plus élevé que son rendement. En 2012, nous devrions ainsi enregistrer une recette d’impôt sur les sociétés de l’ordre de 50 milliards d’euros, alors que le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires a chiffré à 106 milliards d’euros le montant des mesures d’allégement pesant sur cet impôt.
Imaginez que, demain, nous allions à la rencontre des contribuables de l’impôt sur le revenu et que nous leur disions : « Vous devriez payer 100 euros d’impôt, mais, dans sa grande bonté, le Trésor public n’exigera finalement de vous que 30 euros. » C’est exactement ce qui se passe avec l’impôt sur les sociétés.
Mais revenons-en à l’amendement.
Celui-ci propose un plafonnement de 30 % des charges d’intérêts déductibles des entreprises, selon les paramètres retenus notamment en Allemagne.
Cet après-midi, alors que je présentais un amendement, on m’a demandé de préciser quelles étaient, sur le sujet, les propositions du Conseil des prélèvements obligatoires. S’agissant du présent amendement, le Conseil des prélèvements obligatoires a formulé, dans son rapport d’octobre 2010, une proposition qui conduirait à une augmentation cumulée des bénéfices de 41,6 milliards d’euros, correspondant à une recette, pour l’État, de 11,35 milliards d’euros sur trois ans.
Alors que les entreprises ont été fortement aidées, en 2010, par la suppression de la taxe professionnelle sans contrepartie – à hauteur, je le rappelle, de 9 milliards d’euros, ce montant étant passé à 4 milliards d’euros à partir de 2011 –, la mesure du CPO permettrait, en revenant en partie sur une importante niche fiscale, d’augmenter les recettes de l’État, sans pour autant nuire à la compétitivité des entreprises.
De plus, le système fiscal incite les entreprises à la sous-capitalisation, en permettant la déduction des intérêts d’emprunt du bénéfice imposable, sans plafonnement. En effet, pour bénéficier d’une telle déduction, les entreprises acquérant une société par de la dette remboursable financent cette opération par les résultats futurs de la société acquise, au travers des distributions de dividendes, ce qui d'ailleurs limite les capitaux propres.
De façon générale, l’entrepreneur a intérêt à ne pas réinvestir les bénéfices et à s’endetter afin de réduire l’assiette de son impôt. Ce phénomène a été mis en avant de longue date, notamment avec le fameux théorème de Modigliani-Miller.
Sous le bénéfice de ces observations, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
L'amendement n° I-121, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2
II. – Les dispositions du présent I ne sont applicables qu’à compter du 1
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement vise à limiter l’effet de levier des emprunts dans le cas des rachats d’entreprise ou, pour le dire un peu brutalement, les dégâts des prédateurs sur les entreprises qu’ils rachètent.
M. Richard Yung.
La mécanique est bien connue : prenons le cas d’une entreprise valant 10 millions d’euros ; si vous voulez l’acheter et si vous n’avez que 1 million d’euros en poche, vous devrez emprunter 9 millions d’euros, qu’il faudra rembourser.
Lorsque la conjoncture est extrêmement favorable, cela est envisageable. Mais quand, comme aujourd'hui, la conjoncture se retourne, deux cas de figure sont possibles : soit l’entreprise, surendettée, croule ; soit les acquéreurs extérieurs – je rappelle en effet que le LBO se définit comme un rachat par l’extérieur avec effet de levier – vendent une partie du patrimoine par appartement et démolissent l’entreprise, bref ils se paient sur la bête. Il s’ensuit évidemment une situation sociable très préjudiciable, des licenciements, etc.
Nous voulons mettre fin à ces spéculations qui n’apportent rien à l’économie ni aux entreprises. Par conséquent, notre amendement tend à limiter l’effet de levier à 1,5 afin d’encadrer la capacité d’emprunt des acheteurs.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
L’amendement n° I-56 procède de la même inspiration que l’amendement n° I-10, que je présenterai tout à l'heure au nom de la commission, amendement qui est plus opérant et, à mon avis, meilleur.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Monsieur Foucaud, je voudrais vous en expliquer les raisons, de manière simple.
Votre amendement fait référence à « l’émission d’emprunts » par la société, ce qui est une notion un peu ambiguë, laissant entendre que seuls les intérêts liés à des émissions obligataires seraient concernés. En outre, il évoque le « bénéfice avant charges d’intérêts », notion qui n’est usitée ni en fiscalité ni en comptabilité. Enfin, il ne retient pas tous les paramètres du régime allemand, vers lequel il entend converger : je pense notamment au plafonnement en montant. Un tel plafonnement est en revanche prévu par l’amendement n° I-10, qui présente également l’intérêt d’aménager une transition.
Je le concède, ces arguments sont techniques, mais, ce qui m’ennuie surtout, c’est que l’adoption de votre amendement rendrait sans objet l’amendement n° I-121 relatif au LBO, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° I-121 a déjà été examiné dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. Il était à l’époque parfaitement justifié, parce que de nombreux LBO à très fort effet de levier, souvent supérieur à 4 ou 5, sont intervenus entre 2004 et 2007, avant la crise. Cette époque était caractérisée par la surabondance de liquidités, une faible aversion pour le risque, une trop forte réduction de l’horizon d’investissement, la pratique des enchères et, surtout, des LBO successifs, qui impliquent, à chaque cession, de relever le levier pour garantir la rentabilité de l’opération : tout ce que vous avez dit à ce sujet, concernant la période qui a précédé la crise, était parfaitement exact, mon cher collègue.
Cela étant, cet amendement tend à fixer une limite de déductibilité correspondant à un levier de 1,5. Aujourd’hui, si cette limite était appliquée, bon nombre d’opérations seraient compromises. Puisqu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il me semble que le levier raisonnable se situe plutôt à deux ou à trois. Monsieur Yung, si vous souhaitez que votre amendement puisse produire des effets intéressants, compte tenu des changements intervenus depuis la crise, il conviendrait de limiter le levier à deux, ce qui suppose de rectifier le texte pour remplacer le taux de 66 % par un taux de 50 %. Si vous acceptiez cette rectification, mon cher collègue, je serais en mesure d’émettre un avis favorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme Valérie Pécresse,
ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Certes, plusieurs rapports ont mis en évidence que notre régime de déductibilité des intérêts d’emprunts était extrêmement favorable. Le Gouvernement est donc prêt à travailler pour améliorer le dispositif existant.
Cependant, comme vous le savez, nous souhaitons faire évoluer notre impôt sur les sociétés dans le sens d’une plus grande convergence avec l’Allemagne. Les deux ministres des finances, François Baroin et Wolfgang Schäuble, se sont engagés à présenter, d’ici à janvier 2012, une copie commune. Or il se trouve que le régime de déductibilité des intérêts d’emprunt est très strictement encadré en Allemagne. Des contacts que nous avons eus avec nos homologues allemands, il ressort que ceux-ci considèrent leur système d’encadrement comme trop strict et souhaitent l’assouplir.
Nous nous inscrivons donc aujourd’hui dans une logique de convergence qui supposerait de baisser le taux de notre impôt sur les sociétés, fixé aujourd’hui à 33 % – auquel il faut ajouter une contribution exceptionnelle de réduction des déficits de 5 % cette année –, le taux allemand s’élevant à 15 % ; en contrepartie, la déductibilité des intérêts d’emprunts serait limitée, notamment pour les grands groupes. Cette démarche s’inscrit dans une perspective de long terme, elle ne saurait être définie « au doigt mouillé » et nécessite une étude d’impact.
J’ai bien noté que les reprises d’entreprises par le biais de LBO avaient pu donner lieu à des abus, mais l’utilisation du LBO a, dans certains cas, permis de sauver certaines de nos PME ou entreprises de taille intermédiaire du rachat par de grands groupes étrangers : ainsi, le LMBO, c’est-à-dire le rachat de l’entreprise par ses propres salariés, a permis à des groupes familiaux d’éviter d’être rachetés et de voir leurs actifs partir à l’étranger.
Nous devons donc être extrêmement prudents, réaliser des études d’impact et, surtout, éviter d’attacher un boulet au pied des entrepreneurs français en prenant des mesures trop strictes qui déséquilibreraient profondément le compte d’exploitation des entreprises.
Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-56 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je souhaite tout d’abord préciser que notre groupe est tout à fait favorable à l’amendement n° I-121.
M. Thierry Foucaud.
En ce qui concerne l’amendement n° I-56, je n’exclus pas de le retirer, mais je n’ai pas très bien compris vos explications, madame la rapporteure générale. En effet, vous me renvoyez à votre amendement n° I-10 : son objet précise qu’il « traduit une préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires », mais notre amendement reprend, lui aussi, une proposition formulée par ce même conseil. Vous indiquez que vous vous inspirez de l’exemple allemand, ce que nous faisons également ; enfin, nos chiffres sont identiques.
Je souhaiterais donc que vous m’indiquiez le montant des recettes supplémentaires qui reviendraient à l’État, dans l’hypothèse où votre amendement serait adopté, sur un an, deux ans et trois ans, car notre objectif commun est bien d’augmenter les recettes de l’État et de lutter contre la sous-capitalisation des entreprises. En fonction de ces éléments, madame la rapporteure générale, je me prononcerai sur votre demande de retrait de notre amendement.
Monsieur Yung, que pensez-vous de la demande de rectification formulée par Mme la rapporteure générale ?
Mme la présidente.
Je suis la recommandation de Mme la rapporteure générale qui préconise le taux de 50 % : de toute façon, il est difficile de se prononcer de manière très précise.
M. Richard Yung.
Par ailleurs, madame la ministre, je suis, moi aussi, un ardent partisan du rapprochement fiscal avec l’Allemagne, à commencer par l’impôt sur les sociétés. Dans ce domaine, nous devons avancer rapidement. Il me semble que notre amendement ne met pas en danger cette convergence voulue entre nos deux pays : au contraire, et, vous l’avez dit vous-même, les Allemands souhaitent aussi réduire l’effet de levier. En outre, nous savons que le mode de fonctionnement du capitalisme rhénan rend les entreprises allemandes moins sensibles à des opérations de LBO.
En cas de LMBO, la situation est différente, puisque ce sont les salariés qui reprennent l’entreprise : nous soutenons donc ces opérations. En revanche, quand le repreneur est un groupe d’actionnaires extérieurs, la limitation introduite par notre amendement est justifiée.
Il me semble même que l’adoption de notre amendement nous placerait dans une position de négociation favorable, puisque nous ne serions pas très éloignés de l’objectif que nos partenaires allemands souhaitent atteindre.
Je suis donc saisie d’un amendement n° I–121 rectifié, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2
II. – Les dispositions du présent I ne sont applicables qu’à compter du 1
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Monsieur Foucaud, je suis sûre que l’amendement n° I–10 que je vais bientôt présenter est beaucoup plus strict que le vôtre. En effet, vous ne prévoyez pas de plafonner le montant de la déduction. Sinon, nos deux amendements s’inspirent évidemment de la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires et visent la convergence avec le régime allemand de déductibilité des intérêts d’emprunt, qui a été assoupli en 2008, madame la ministre.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’absence de plafonnement est donc le principal reproche que je ferai à l’amendement n° I-56, outre le fait que le groupe socialiste a déposé son propre amendement : j’ai compris, ce matin, que la commission des finances tenait à ce qu’il soit adopté, sous réserve de la rectification acceptée par M. Yung.
Je pense donc que vous ne feriez pas d’erreur, monsieur Foucaud, si vous acceptiez de retirer votre amendement.
Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-56 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Ce sujet est très complexe. Je veux bien être obéissant, mais j’essaie aussi d’être intelligent. Quoi qu’il en soit, j’ai bien compris que notre amendement ne serait pas adopté, c’est pourquoi je vais le retirer. L’amendement n° I-121 rectifié sera adopté et nous rediscuterons de cette question lors de l’examen de l’amendement n° I-10.
M. Thierry Foucaud.
Cela dit, je vous crois, madame la rapporteure, et, si nous ne sommes pas satisfaits, nous reviendrons sur le sujet une nouvelle fois, vous le savez bien.
L’amendement n° I-56 est retiré.
Mme la présidente.
Je mets aux voix l’amendement n° I‑121 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
Mme la présidente.
L’amendement n° I-94, présenté par MM. Adnot, Türk et Masson, Mme Des Esgaulx et M. Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le b du 2 de l’article 39
a) Après le mot : « innovation », sont insérés les mots : « ou à des fonds financiers d’innovation » ;
b) Le mot : « visées » est remplacé par le mot : « visés » ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’amortissement exceptionnel est égal au montant des souscriptions libérées au cours de l’exercice, à compter du 1
2° Le deuxième alinéa de l’article 40
a) Après le mot : « plus-values », sont insérés les mots : « distribuées par les sociétés financières d’innovation ou par les fonds financiers d’innovation ou » ;
b) Il est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Au-delà de cette limite, les plus-values distribuées par les sociétés financières d’innovation ou par les fonds financiers d’innovation ou provenant de la cession d’actions de sociétés financières d’innovation ou de parts de fonds financiers d’innovation seront comprises dans les bénéfices imposables au taux normal dans la limite de l’amortissement exceptionnel précédemment pratiqué à raison desdites actions ou parts. Les plus-values dépassant cette dernière limite seront imposables dans les conditions prévues au a
II. – Le III de l’article 4 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier est ainsi modifié :
1° Le A est ainsi rédigé :
« A - Les sociétés financières d’innovation et les fonds financiers d’innovation ont pour objet de faciliter le financement de sociétés répondant aux conditions suivantes :
a) être une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I du règlement (CE) 800/2008 de la commission du 6 août 2008 ;
b) être sise dans un État membre de la Communauté économique européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ;
c) être soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France ;
d) exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, notamment dans les secteurs de la santé, du bien-être, de l’alimentation, des biotechnologies, de l’environnement, des écotechnologies, du traitement de l’information et des communications, et des matériaux et nanotechnologies ;
e) justifier de la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant et les perspectives de développement économique sont reconnus, ainsi que le besoin de financement correspondant. Cette appréciation est effectuée par un organisme chargé de soutenir l’innovation et désigné par décret. » ;
2° Le B est ainsi rédigé :
« B - Les sociétés financières d’innovation sont constituées sous la forme de société par actions. Les fonds financiers d’innovation sont des fonds communs de placement à risque décrits aux articles L. 214‑28, L. 214‑37 et L. 214‑38 du code monétaire et financier. » ;
3° Le C est ainsi modifié :
a) Le mot : « agréé » est supprimé ;
b) Après les mots : « sociétés financières d’innovation », sont insérés les mots : « ou à des fonds financiers d’innovation » ;
c) Il est complété par les mots : « suite à l’agrément délivré à cet effet par l’organisme chargé de suivre les investissements dans les petites et moyennes entreprises désigné par décret » ;
4° Le D est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « envers l’État » sont supprimés et le mot : « agréé » est remplacé par les mots : « libéré ou de la souscription libérée à un fonds » ;
b) Les deuxième et troisième phrases sont supprimées ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de cette amende est diminué d’un abattement égal à la proportion du montant des souscriptions réalisées par des personnes n’ayant pas, en France, leur domicile fiscal ou leur siège social sur le montant des souscriptions émises par la société ou le fonds. Cette proportion s’apprécie au premier jour de chaque exercice. »
III. – En conséquence, le II de l’article 88 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « société financière d’innovation », sont insérés les mots : « ou porteurs de parts de fonds financiers d’innovation » ;
b) Il est complété par les mots : « ou dudit fonds » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « actionnaire », sont insérés les mots : « ou porteur de parts » ;
b) Après les mots : « société financière d’innovation », sont insérés les mots : « ou d’un fonds financier d’innovation » ;
c) Les mots : « celle-ci ne peut » sont remplacés par les mots : « ces derniers ne peuvent ».
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des dispositions du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° I-120 rectifié
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 80
1° La seconde phrase du 2 est ainsi rédigée :
« Il en est de même pour leurs indemnités de départ de l’entreprise, lorsqu’elles sont composées de primes ou d’actions gratuites. » ;
2° Il est ajouté un 3 ainsi rédigé :
« 3. Toute société dont le conseil d’administration ou le directoire décide d’augmenter la rémunération d’un dirigeant pendant la période de six mois précédant son départ de l’entreprise est redevable d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % sur son bénéfice imposable. »
La parole est à M. François Marc.
Compte tenu de l’écart croissant observé entre les rémunérations les plus faibles et les plus élevées au sein des entreprises, nous avons déposé cet amendement qui tend à limiter les rémunérations très importantes accordées en fin de parcours professionnel pour préparer les fameuses « retraites chapeau ».
M. François Marc.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que la moyenne des rémunérations salariales des entreprises du CAC 40 a progressé de 13 % en dix ans, alors que celle des rémunérations des cadres les plus élevés dans la hiérarchie, sur la même période, a progressé de 35 %.
L’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, le ministre François Baroin a affirmé qu’il n’était pas besoin d’encadrer les retraites chapeau, car le milieu économique avait mis en place des « garde-fous », s’en tenant ainsi au vœu pieux de l’autorégulation. Si l’on y regarde de plus près, on constate que le MEDEF a recommandé aux entreprises de ne pas accorder de « parachute doré » d’un montant supérieur à deux années de rémunération, prime de non-concurrence incluse – ce qui est déjà beaucoup ! –, et d’inclure le montant de la retraite supplémentaire, qui ne saurait dépasser un pourcentage limité de la rémunération fixe, dans la rémunération globale. Cependant, il ne s’agit que de « recommandations », dépourvues de toute force contraignante. Par ailleurs, c’est à la puissance publique qu’il appartient, selon nous, de réguler le marché. Le problème demeure, en quelque sorte, sans solution.
Notre amendement vise donc plus particulièrement les retraites jugées excessives. Il arrive souvent que les entreprises augmentent le salaire de leurs dirigeants peu de temps avant leur départ, sans que cela soit justifié par leurs performances. Notre amendement tend donc à taxer ces rémunérations, artificielles selon nous : si ces augmentations interviennent dans un délai inférieur à six mois avant la date de départ en retraite, les entreprises seront soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable. En effet, de telles augmentations de salaire dissimulent assez mal leur réelle fonction, il est donc légitime de les taxer.
Notre amendement vise en outre à fiscaliser les indemnités de départ attribuées aux dirigeants de société sous la forme d’un capital, qu’il s’agisse de primes ou d’actions gratuites. Cette fiscalisation permettrait de limiter le montant de ces indemnités.
Alors que le Gouvernement entend imposer l’austérité aux Français, il est normal que la modération salariale s’impose à tous, notamment aux grands dirigeants. Cet amendement a donc pour objet d’introduire une régulation des rémunérations très importantes accordées en fin de parcours professionnel : leur fiscalisation serait de nature à moraliser les pratiques en vigueur.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement a deux objectifs.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Tout d’abord, il tend à intégrer les indemnités de départ composées de primes ou d’actions gratuites au sein du revenu imposable. Or ce premier objectif est déjà atteint par la rédaction actuelle de l’article 80
Les plus-values d’acquisition et de cession des actions gratuites sont quant à elles fiscalisées entre les mains de l’attributaire, ou à un taux forfaitaire auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux, soit une taxation d’environ 53 %, ou au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Pour ce qui est de son premier objet, l’amendement est donc satisfait par l’article du code général des impôts auquel il fait référence.
Le second objet de l’amendement, à savoir la mise en place d’une taxe additionnelle de 15 % sur les bénéfices imposables des sociétés dont l’organe social augmente la rémunération d’un ou plusieurs dirigeants dans les six mois précédant leur départ, est légitime et présente même un grand intérêt.
C’est bien l’impôt sur les sociétés qui est renchéri et la surtaxe est dissuasive : l’arbitrage au sein de la société devrait conduire à ne pas attribuer de rémunérations supplémentaires dans les six derniers mois.
La commission est donc favorable au 2° de l'amendement, car il peut dissuader de recourir à une pratique trop souvent utilisée et qui n’est pas couverte par les textes en vigueur, mais elle ne souhaite pas que le 1° soit retenu. Elle demande donc aux auteurs de l’amendement de bien vouloir le modifier en conséquence.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je suis défavorable aux deux parties de l’amendement, et cela pour des raisons un peu différentes.
Mme Valérie Pécresse,
En premier lieu, s’agissant des indemnités de cessation de fonction, je rappelle que désormais, comme l’a dit Mme Bricq, toutes les indemnités versées aux dirigeants à l’occasion de leur cessation de fonction sont par principe imposables. Elles ne sont exonérées, par exception et sous plafond, que lorsque la cessation revêt un caractère forcé.
L’encadrement des « parachutes dorés » des dirigeants des entreprises cotées a été considérablement renforcé.
L’article 17 de la loi TEPA, cette loi que vous n’aimez pas, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition – ou peut-être devrais-je dire de la majorité
(Sourires)
La déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés des rémunérations différées et versées aux dirigeants de sociétés cotées est déjà plafonnée à 210 000 euros.
L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a soumis aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS la fraction des indemnités de rupture supérieure à trois plafonds de la sécurité sociale, plafond qui a été porté par l’article 10
Il me semble donc que la première partie de l’amendement est largement satisfaite.
Quant à la seconde partie, je dois avouer que je n’en comprends pas très bien l’objet. Quelles sont en effet les entreprises qui augmentent les salaires des dirigeants avant leur départ ? J’ai du mal à percevoir quels cas sont visés, car, la plupart du temps, lorsqu’un dirigeant est évincé, cela se fait sans préavis de six mois !
Mais, à supposer même qu’une entreprise ait le curieux désir d’augmenter le salaire de son dirigeant juste avant son départ, une taxe de 15 % sur les bénéfices imposables représenterait une somme, non pas dissuasive, pour reprendre le terme employé par Mme la rapporteure générale, mais irréaliste ! Que le salaire du dirigeant soit déclaré non déductible des charges pour le calcul de l’impôt sur les sociétés serait en rapport avec l’objectif recherché, mais, là, on perd tout sens des proportions.
Il me vient en outre à l’esprit que, si l’on prend le cas d’une entreprise que vous aimez beaucoup citer, Total, qui ne fait pas de bénéfices en France et que celle-ci décide de doubler le salaire de son dirigeant six mois avant son départ, elle ne sera pas sanctionnée puisqu’elle n’est pas redevable de l’impôt sur les sociétés en France !
Je crois donc que la bonne façon de procéder n’est pas celle-là, mais celle qu’a choisie le Gouvernement, à savoir la taxation des
golden parachutes
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Elle ne peut pas s’en empêcher !
M. Jean-Marc Todeschini.
(Sourires sur les mêmes travées.)
Monsieur Marc, que pensez-vous de la suggestion de Mme la rapporteure générale ?
Mme la présidente.
Compte tenu des indications données par la commission, j’accepte de supprimer la première partie de l’amendement n° I-120 rectifié
M. François Marc.
Par ailleurs, puisque Mme la ministre s’interroge sur les cas que nous entendons viser, je lui indique d’abord que notre amendement a une vocation générale : il s’agit de compléter l’arsenal des garde-fous réglementaires en instituant ce dispositif dissuasif.
Ensuite, madame la ministre, il y a des entreprises qui se livrent à ces pratiques : certes, cet amendement n’a pas été puisé à bonne source
(Sourires.)
Dès lors, il a une finalité tout à fait légitime dans la mesure où il apporte une protection supplémentaire en même temps qu’il permet, dans cette période troublée où il y a tant d’inégalités dans les rémunérations, d’éviter une dérive qui a pu être constatée, certes pas de façon généralisée, mais dans quelques cas.
Je suis donc saisie d’un amendement n° I-120 rectifié
Mme la présidente.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 80
« 3. Toute société dont le conseil d’administration ou le directoire décide d’augmenter la rémunération d’un dirigeant pendant la période de six mois précédant son départ de l’entreprise est redevable d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % sur son bénéfice imposable. »
La parole est à M. le président de la commission.
Je ne résiste pas à faire une brève intervention, le dispositif proposé me paraissant inadéquat, et cela pour deux raisons.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Si l’on constate des résultats brillants, augmenter la rémunération d’un dirigeant alors qu’il s’apprête à quitter l’entreprise n’est pas forcément et par nature illégitime,…
C’est l’application de la loi TEPA !
Mme Valérie Pécresse,
… surtout si sa rémunération était auparavant modérée.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Tout à fait !
Mme Valérie Pécresse,
Si en revanche la situation de l’entreprise que quitte le dirigeant était à ce point compromise que son résultat fiscal deviendrait négatif, cette augmentation serait vraiment, moralement et économiquement, très condamnable, et, monsieur Marc, le dispositif serait alors techniquement inopérant.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Bref, je comprends vos intentions, qui peuvent dans une large mesure être partagées, mais, sincèrement, vous ne touchez pas, à mon avis, les bonnes cibles.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’estime que, dans tous les cas de figure, cet amendement sera inopérant et ne changera strictement rien.
M. Philippe Dallier.
Par exemple, si le départ du dirigeant est prévu, il sera augmenté non pas six mois mais sept mois auparavant.
Mme Valérie Pécresse,
Il peut aussi y avoir le cas contraire : un dirigeant est augmenté, puis, pour une raison x ou y imprévisible alors, il quitte l’entreprise ; celle-ci va donc se voir taxée de 15 % supplémentaires sans que rien ne le justifie !
M. Philippe Dallier.
Pour tout dire, cela me paraît être un drôle d’amendement et je crains qu’il ne rate son but de toutes les manières.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑120 rectifié
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-10, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 112 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° La fraction d’intérêts non déductible en application du dernier alinéa du 1 de l’article 212
2° Le premier alinéa du II de l’article 209 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 », sont insérés les mots : « et au dernier alinéa du 1 de l’article 212
b) À la fin, les mots : « et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 » sont remplacés par les mots : « , au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 et au dernier alinéa du 1 de l'article 212
3° Après l’article 212, il est inséré un article 212
« a. 3 000 000 euros ;
« b. 80 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l’issue du contrat, pour les exercices ouverts à compter du 1
« la fraction des intérêts excédant la limite visée au b ne peut être déduite au titre de cet exercice.
« Ce taux est fixé à 60 % pour les exercices ouverts à compter du 1
« Toutefois, cette fraction d’intérêts non déductible immédiatement peut être déduite au titre de l’exercice suivant à concurrence de la différence calculée au titre de cet exercice entre la limite mentionnée au b et le montant des intérêts déductibles. Le solde non imputé à la clôture de cet exercice est déductible au titre des exercices postérieurs dans le respect des mêmes conditions sous déduction d’une décote de 5 % appliquée à l’ouverture de chacun de ces exercices.
« 2. Les dispositions prévues au 1 ne s’appliquent pas aux intérêts dus à raison des sommes ayant servi à financer :
« 1° Des opérations réalisées dans le cadre d’une convention de gestion centralisée de la trésorerie d’un groupe par l’entreprise chargée de cette gestion centralisée ;
« 2° L’acquisition de biens donnés en location dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas non plus aux intérêts dus par les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 511-9 du même code. » ;
4° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux dispositions prévues au dernier alinéa du 1 de l’article 212
5° Après la référence : « 209 », la fin du dernier alinéa du 6 de l’article 223 I est ainsi rédigée : « d’une part et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 et au dernier alinéa du 1 de l’article 212
6° Le dernier alinéa de l’article 223 S est complété par les mots : « et au cinquième alinéa du 1 de l’article 212
La parole est à Mme la rapporteure générale.
J’ai proposé à la commission des finances cet amendement qui s’inspire, monsieur Foucaud, du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires et aussi, madame la ministre, du dispositif actuellement appliqué en Allemagne, ce qui le pare déjà de deux vertus !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Sourires.)
Troisième vertu de cet amendement, il a été présenté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale par notre collègue Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Autant dire que nous y tenons !
Je me tourne vers M. Foucaud pour préciser ce que j’avais commencé à lui exposer tout à l’heure.
Cet amendement vise à plafonner la déductibilité des intérêts servis par une entreprise au titre d’un même exercice à 30 % du résultat brut avant impôts et dans la limite de 3 millions d’euros.
Afin de ne pas bouleverser les modalités de financement des entreprises, la mise en place du plafond serait progressive, soit 80 % pour les exercices ouverts à compter du 1
Cet amendement complet comporte par ailleurs plusieurs mesures. Je vous fais grâce, mes chers collègues, des mesures de coordination, mais je souligne qu’une des mesures proposées a deux caractéristiques communes avec le régime de lutte contre la sous-capitalisation.
Est par exemple prévue une faculté de report de la fraction des intérêts non déductibles au titre d’un exercice, cette fraction pouvant ainsi être déduite durant l’exercice suivant, à concurrence de la différence entre la limite que j’ai indiquée tout à l’heure et le montant des intérêts déductibles. Le solde non imputé à la clôture de cet exercice est ensuite déductible au titre des exercices postérieurs, sans limitation de durée, dans les mêmes conditions et sous déduction d’une décote annuelle de 5 %.
Madame la ministre, cet amendement me paraît donc un bon moyen de parvenir à une réelle convergence avec le droit allemand en vigueur tout en restant dans la lignée des recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires : je suis convaincue que ce sera une avancée du droit en matière de plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés.
Quant à la question de savoir quel serait le rendement d’un tel dispositif, monsieur Foucaud, je ne suis pas en mesure d’y répondre– je ne crois pas d’ailleurs que quiconque ici pourrait le faire ce soir –, mais je sais que cet amendement est « sécurisé » et correspond vraiment à ce que vous souhaitez.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement part d’une très bonne intention. C’est d’ailleurs logique, puisqu’il a été présenté par le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale et par la rapporteure générale au Sénat.
Mme Valérie Pécresse,
(Sourires.)
C’est en effet une bonne intention que de vouloir tendre à une convergence franco-allemande. Je suppose que ses auteurs ont en outre pour objectif un rapprochement de la fiscalité des grandes entreprises et des PME, puisque l’on sait que les grandes entreprises françaises bénéficient plus que les PME de la possibilité de défiscaliser les intérêts d’emprunt.
Néanmoins, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, nous avons entamé un travail de convergence franco-allemande et nos interlocuteurs allemands nous ont fait savoir que leur dispositif ne les satisfaisait plus : ils veulent en changer pour se rapprocher du dispositif de déductibilité français actuel, qui est beaucoup plus favorable.
Par conséquent, il serait dommage que, dans cette volonté de convergence, nous nous croisions et divergions à nouveau, nous, en essayant de limiter la déductibilité des intérêts d'emprunt, eux, en décidant de l'augmenter. Cet effet de ciseaux serait tout à fait regrettable.
Nous travaillons de concert avec la direction de la législation fiscale allemande, en examinant comment traiter les intérêts d'emprunt, à une période où les entreprises ont besoin de se financer par emprunt, ou encore comment régler la question du taux de l'impôt sur les sociétés. Certes, en Allemagne, la déductibilité d'intérêts d'emprunt est moins importante, mais le taux d'impôt sur les sociétés est de 15 %, alors que le nôtre atteint 33 %.
Nous ne parlons pas de la même chose !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mais si, dans votre calcul, vous ajoutez 14 % de fiscalité destinée aux
Mme Valérie Pécresse,
Madame la rapporteure générale, il semble préférable d’attendre le rapport de la mission de convergence franco-allemande, qui traitera précisément des questions d'assiettes et de taux. Pour le moment, nous n'avons aucune visibilité. La seule information dont nous disposions, c’est que les Allemands ne veulent plus de leur système. Il serait donc dommage que nous l’adoptions !
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Monsieur Foucaud, le Conseil des prélèvements obligatoires prévoit une recette supplémentaire pour l’État d’environ 11 milliards d'euros sur trois ans, mais il ne prend pas la même référence que nous. Par conséquent, l’adoption de la mesure proposée par la commission dégagera une recette inférieure.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la ministre, la CVAE n'est pas un impôt sur le bénéfice.
Mais, justement, on ne parle pas la même chose !
Mme Valérie Pécresse,
Le Conseil des prélèvements obligatoires a mené une étude et procédé à des comparaisons avec le système allemand : le taux facial en France est supérieur ; il est légèrement inférieur en Allemagne.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame la rapporteure générale, les Allemands ont le financement des
Mme Valérie Pécresse,
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la rapporteure générale, ne voyez aucune malice dans mes propos. Je vous ai interrogée pour connaître le rendement de la disposition prévue dans votre amendement. Vous avez affirmé que votre dispositif était meilleur que le nôtre car il était plus précis. Pourtant, nous sommes, nous, en mesure d’indiquer le rendement du dispositif que nous proposons.
M. Thierry Foucaud.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Cet amendement est important et lourd de conséquences, puisque son adoption accroîtrait vraisemblablement la charge fiscale pesant sur les entreprises d’environ 2 milliards par an. Cette mesure vise particulièrement les groupes d'entreprises qui ont des relations de trésorerie. Il s’agit d’entités formées d'un certain nombre de sociétés, dont certaines peuvent avoir une trésorerie disponible susceptible d'être prêtée à d'autres sociétés du groupe.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
En 2006 ou 2007, l'actuelle majorité gouvernementale a durci les règles dites « de lutte contre la sous-capitalisation des sociétés anonymes ». Le régime que tend à modifier cet amendement a été réécrit totalement voilà quelques années seulement.
Une mise en garde s’impose. Madame la rapporteure générale, si l'on suit votre initiative, des groupes d'entreprises seront conduits à des restructurations juridiques, afin que la trésorerie des sociétés liées soit répartie différemment au sein de l’ensemble économique du groupe.
Je veux bien que l'on se réfère au régime allemand, sous les réserves formulées par le Gouvernement sur l'évolution probable du régime fiscal outre-Rhin. Mais le fait de ne fonder la fiscalité que sur le résultat par société, alors que le groupe est un ensemble économique et que le seul résultat économiquement probant est bien celui du groupe, n'est ni moderne, ni adapté à la réalité économique. Au contraire, il s’agit d’une démarche de nature à créer des distorsions et qui ne serait pas neutre selon la structuration juridique des groupes.
Pour ma part, je considère que prélever, à l'aide d'une telle mesure, environ 2 milliards d'euros de plus par an au titre de l'impôt sur les sociétés n'est pas raisonnable.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Je ne sais pas si je parviendrai à vous rassurer, monsieur le président de la commission, mais il est explicitement indiqué dans le texte de l'amendement que les centrales de trésorerie n’entrent pas dans le dispositif. Par conséquent, votre argument selon lequel cela pénaliserait les groupes d’entreprises ne tient pas.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Par ailleurs, la lutte contre la sous-capitalisation perdure et n’est pas remise en cause, bien au contraire ! C'est ce que j'ai indiqué tout à l'heure à Thierry Foucaud : notre amendement va tout à fait dans ce sens.
Il peut y avoir des prêts d'une société à une autre sans que cela passe par une centrale de trésorerie !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Quant au rendement annuel du dispositif, il sera au moins de l’ordre de 2 milliards d'euros par an ; voilà qui peut rassurer Thierry Foucaud.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je ne peux malheureusement être plus précise, mais, entre les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires, dont les calculs se fondent sur d’autres critères, et ce que prévoit l'amendement, on peut considérer que les recettes pourraient atteindre des sommes de l’ordre de 8 milliards à 9 milliards d'euros environ pendant trois ans ; elles seront de toute façon inférieures à 11 milliards d'euros, c’est clair.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Permettez-moi de rappeler toutes les hausses d'impôt sur les sociétés qui ont été décidées depuis le plan Fillon du 24 août dernier.
Mme Valérie Pécresse,
Nous avons d'abord instauré l'impôt sur les sociétés minimal, outil de convergence franco-allemande s'il en est. Toutes les entreprises qui dégageront cette année un bénéfice supérieur à 1 million d'euros seront taxées sur au moins 40 % de ce bénéfice. En d’autres termes, elles ne pourront pas reporter leur déficit sur plus de 60 % de leur bénéfice. Cette mesure, qui concerne surtout les grands groupes bénéficiaires, rapportera à l'État 2 milliards d'euros.
Nous avons ensuite décidé la suppression du bénéfice mondial consolidé, ce qui permet de dégager 500 millions d'euros d'impôt sur les sociétés supplémentaires.
Nous allons maintenant mettre en place – en tout cas, je l’espère – une surtaxe de 5 % jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire. Cela représente 1,1 milliard d'euros de plus.
Il faut également évoquer la niche Copé. Le prélèvement sur la quote-part pour frais et charges est doublé et passe de 5 % à 10 %, ce qui représente un montant de 400 millions d'euros.
Cela fait beaucoup de charges nouvelles pour les entreprises. Certes, il était normal que les grands groupes prennent leur part de l'effort que nous demandons à tous les Français, mais il ne faut pas aller trop loin, au risque de pénaliser la compétitivité de l'économie française.
Il est vrai qu’il existe des différences d’assiettes, de taux, d’objectifs entre les impôts allemands et les impôts français. Cela justifie pleinement la constitution d'un groupe de travail franco-allemand qui réfléchisse à la convergence des deux systèmes, de façon que nos entreprises ne soient pas beaucoup plus taxées que leurs voisines allemandes.
Nous avons déjà le boulet des 35 heures
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV)
Je mets aux voix l'amendement n° I‑10.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-57, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 145 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du b du 1, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux: « 10 % » ;
II. – Cette disposition est applicable pour l’établissement des impositions perçues en 2011.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Le régime des sociétés mères et filiales est sans nul doute l’une des modalités particulières d’établissement de l’impôt sur les sociétés sur lesquelles nous manquons d’informations claires.
Mme Marie-France Beaufils.
D’ailleurs, la mesure a été déclassée du champ des dépenses fiscales. Elle est aujourd’hui d’un coût insuffisamment connu, à tout le moins absent des documents d’évaluation de la dépense fiscale qui nous sont transmis.
C’est dommage car, selon l’évaluation du Conseil des prélèvements obligatoires, le montant de la dépense liée au régime s’établit à 34,9 milliards d’euros, tandis que le régime d’intégration des bénéfices coûte 19,5 milliards d’euros.
Lorsque, au cours de la discussion générale comme de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable, nous avons évoqué des mesures fiscales encourageant de fait les délocalisations d’activité et de résultats, nous étions bien dans le vrai ! Il est donc pour le moins nécessaire de mettre en place un frein à cette dérive dont nous n’avons pas l’impression qu’elle ait forcément permis à notre économie, notamment à notre industrie, d’éviter le déclin.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Total peut développer ses capacités de raffinage à l'étranger, quand il réduit ses activités de même nature en France.
Renault organise la production d’une grande partie de ses véhicules en Roumanie ou en Slovénie, tandis que les salariés de Cléon, Douai ou Sandouville sont mis au chômage technique.
Et je ne reviens pas sur le fait que ce qui est considéré comme un niveau de participation suffisant pour appliquer le régime, c'est-à-dire une détention de 5 % du capital, permet aussi quelque optimisation !
Ainsi, une entreprise peut, dans le cadre d’une opération de restructuration interne d’un groupe, se retrouver quelque temps en dessous de ce seuil. Parfois, des opérations de cession d’actifs non stratégiques sont conduites à cette fin.
Il suffit que, dans les trois ans, une nouvelle émission de titres conduise à nouveau la société mère au-dessus du seuil des 5 % pour que le bénéfice du régime perdure. En d’autres termes, on peut aisément faire « respirer » une participation, puis la reprendre, et ainsi de suite, tout en continuant de bénéficier du régime favorable.
Voilà ce à quoi nous voudrions mettre un frein.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à relever le taux de détention minimale requis pour bénéficier du régime mère-fille de 5 % à 10 %. Cette démarche est intéressante : elle reprend l’objet d’un amendement défendu à l'Assemblée nationale et figure parmi les propositions formulées par le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport du mois d'octobre 2010.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le Conseil des prélèvements obligatoires a indiqué que cette modalité de calcul, puisque c’est ainsi que l’appellent les services du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, est élevée et en forte augmentation. Cependant, cet organisme précise que le surplus des rentrées fiscales liées à un relèvement à 10 % est très difficile à chiffrer et devrait être relativisé. Selon son argumentation, il ne concernerait que les distributions effectuées en dehors d’un groupe fiscal, celles qui sont effectuées au sein d’un groupe fiscal intégré bénéficiant d’un dispositif spécifique intra-groupe.
Les sociétés mères chercheraient probablement à porter leur pourcentage de détention à 10 % pour pouvoir bénéficier du régime, si bien que l’augmentation du taux de détention aurait moins d’effets au fil du temps, en raison du comportement d’optimisation des entreprises concernées. Le rendement de ce dispositif comporte donc des aléas, puisque les entreprises en sont maîtresses. Il est difficile d’anticiper leurs réactions.
Le Conseil des prélèvements obligatoires envisage également d’autres voies, dont le déplafonnement de la quote-part pour frais et charges de 5 %, introduit par la loi de finances pour 2011. Il considère le régime français comme relativement favorable, en s’appuyant sur des comparaisons avec les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne ou l’Espagne dont je vous fais grâce.
À mon sens, le relèvement à 10 % est une option envisageable dans le cadre d’une refonte globale de l’impôt sur les sociétés, qui s’avère absolument nécessaire. Il est vrai que nous allons, au final, du moins je l’espère, adopter nombre de mesures qui alourdissent la charge des entreprises.
(Mme la ministre acquiesce.)
Madame la ministre, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y a beaucoup trop d’évitements en la matière. On parle souvent de l’impôt sur le revenu et des niches afférentes, mais, s’agissant de l’impôt sur les sociétés, au sens « bercyen » du terme, on parle non pas de niches, mais de modalités de calcul. Le résultat est le même : des « trous » dans l’assiette. L’impôt sur les sociétés ressemble encore plus à un gruyère que l’impôt sur le revenu.
Cela dit, madame Beaufils, les amendements que la commission des finances a fait adopter sont de nature à envoyer des signaux lourds. Il ne faut peut-être pas trop « charger la barque ».
Réfléchissons plutôt à la progressivité de l’impôt, ce que ne tend pas à faire votre amendement, qui a également le défaut de prévoir une application rétroactive, puisqu’il vise à s’appliquer aux impositions perçues en 2011, donc aux revenus de 2010.
Je vous demanderai donc de le retirer, ma chère collègue.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je partage les doutes de Mme la rapporteure générale sur le rendement de cet impôt. À l’évidence, les entreprises s’adapteraient assez rapidement à ce nouveau seuil, mais ce n’est pas tellement ce constat qui me tracasse.
Mme Valérie Pécresse,
Aujourd’hui, les entreprises françaises sont dans une situation difficile. Il ne vous a pas échappé – Mme la rapporteure générale l’a suffisamment répété – que la situation économique de notre pays est très délicate. Notre croissance est extraordinairement fragile ; un certain nombre de grands groupes viennent d’annoncer des plans de réduction d’effectifs.
Il nous faut être raisonnables, en nous efforçant d’aller vers une convergence franco-allemande. Or cet amendement nous ferait totalement diverger de l’Allemagne, où le régime « mère-fille » s’applique, quel que soit le pourcentage de détention du capital. Nous sommes déjà à 5 %, ce qui est plus contraignant que chez notre voisin d’outre-Rhin ; vous voulez doubler ce taux pour arriver à 10 %. Mais combien de boulets allons-nous encore attacher aux pieds de nos entreprises, dans une période où nous avons tant besoin d’elles pour préserver et créer de l’emploi ?
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prête à ouvrir le groupe de travail sur la convergence franco-allemande à tous les partis représentés dans cet hémicycle, afin de tout mettre sur la table et d’avoir une discussion franche et transparente. Le fait de s’éloigner, en termes de compétitivité, de notre principal partenaire et concurrent, qui se trouve aussi être un des moteurs économiques de l’Europe, est selon moi un vrai contresens.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme la présidente.
Je trouve assez inouï d’entendre parler aujourd’hui de convergence. Nous l’appelons de nos vœux pour l’Europe, et pas simplement entre la France et l’Allemagne, depuis des années, en matière tant fiscale que sociale.
Mme Marie-France Beaufils.
Nous n’en sommes pas là, loin s’en faut ! Entendre dire aujourd’hui qu’il faut en faire une priorité est, certes, réconfortant, mais on ne peut s’empêcher de regretter toutes les années perdues !
Il faut dire aussi qu’un certain nombre de nos entreprises sont en difficulté pour avoir fait le choix d’une rémunération du capital trop forte. De toute façon, à bien y regarder, leur situation n’est pas aussi mauvaise que celle des salariés, qui sont aujourd’hui en grande difficulté.
Les déménagements d’entreprises qui ont eu lieu au cours de ces dernières décennies ont été réalisés uniquement dans un objectif financier. Cessons de nous voiler la face et regardons la situation de notre économie avec d’autres yeux si nous voulons être en mesure de redresser la situation.
Je maintiens donc cet amendement, madame la présidente.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑57.
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I-55, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 206 du code général des impôts, il est inséré un article 206
II. – Cette disposition est applicable à compter du 1
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement tend à instaurer une contribution particulière des établissements financiers au titre de l’impôt sur les sociétés.
Mme Marie-France Beaufils.
Si ces établissements décident de verser des dividendes à leurs actionnaires, la contribution s’applique et représente une majoration de 15 % du montant des sommes versées.
Le renforcement des règles prudentielles dans le secteur bancaire, à la suite, notamment, des recommandations du comité de Bâle, dit « Bâle III », amène nos établissements de crédit à renoncer quelque temps à la distribution de dividendes, pour assurer leur recapitalisation.
Notre proposition présente donc un caractère préventif pour la suite. Elle tend à prévoir que, en cas de versement de dividendes en lieu et place d’une recapitalisation, une taxe s’appliquera en complément, un dividende public en quelque sorte.
Nous souhaitons que le produit de cette contribution soit affecté à la création de la nouvelle structure de financement des collectivités locales que nous avons évoquée lors de la discussion du collectif budgétaire traitant de la situation de Dexia. Il s’agira d’un outil public, s’appuyant sur la Caisse des dépôts et consignation et sur la Banque postale, de nature à répondre aux besoins de notre économie.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Il n’est malheureusement pas favorable, madame Beaufils.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’amendement comporte, tout d’abord, de petites imperfections techniques, faciles à corriger. Il y est fait notamment référence à l’agrément du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, qui s’appelle l’Autorité de contrôle prudentiel depuis 2010. Ensuite, vous mentionnez les bénéfices distribués aux actionnaires, alors que vous voulez parler des dividendes. Malgré ces erreurs de rédaction, je comprends parfaitement l’intention qui sous-tend votre amendement.
Cependant, je ne l’estime pas opportun, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, le plan européen de recapitalisation des banques va obliger certaines d’entre elles, que nous connaissons bien en France, à renoncer au versement de dividendes. Je vous rappelle qu’elles doivent se conformer aux exigences de « Bâle III » en juillet 2012. Il va donc falloir qu’elles renforcent leurs fonds propres par rétention de bénéfices.
Cela ne s’appliquera pas !
Mme Marie-France Beaufils.
C’est l’objectif !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour ne citer qu’elle, la Société générale a annoncé, le 7 novembre dernier, qu’elle ne distribuerait pas de dividendes cette année.
En second lieu, l’objectif visé doit être, à mon sens, un peu différent. Contrairement à ce qu’elles prétendent, je ne suis pas sûre que les banques n’auront pas besoin de fonds publics pour se recapitaliser. C’est pour cette raison que nous avons bien pris la précaution de prévoir, dans le projet de loi de finances rectificative concernant le sauvetage de Dexia, que, si les banques renforcent leur solvabilité en ayant recours aux fonds publics, elles ne pourront plus verser ni bonus ni rémunérations différées. Elles ne pourront verser de dividendes que sous la forme d’actions.
En cette période dans laquelle les banques ne sont pas très enclines à alimenter l’économie réelle, peut-être n’est-il pas opportun de mettre en application ce que vous préconisez dans votre amendement. La barque est déjà bien pleine !
Les banques sont en outre très attaquées par les marchés. Si, en d’autres temps, nous aurions pu être favorables à votre amendement, je dirai qu’actuellement il n’est pas de saison, si vous me permettez cette expression un peu triviale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Même avis.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° I‑55.
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I-168, présenté par M. Maurey et Mme Férat, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est complété par les mots : « dans la limite d’un plancher égal à 15 % de l’assiette nette d’impôt sur les sociétés majorée de l’incidence de l’ensemble des dépenses fiscales figurant à la rubrique impôt sur les sociétés de l’évaluation des voies et moyens annexée à la loi n° … du … de finances pour 2012. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-119 rectifié, présenté par MM. Marc et Rebsamen, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pour le recouvrement de l'impôt sur les sociétés au titre d'un exercice fiscal donné, toute société est tenue d'acquitter un impôt au moins égal à la moitié du montant normalement exigible résultant de l'application du taux normal, prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts, à l'assiette de son bénéfice imposable, majorée de l’incidence de l’ensemble des dépenses fiscales figurant à la rubrique Impôt sur les sociétés de l’évaluation des voies et moyens annexée à la présente loi.
II. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l'État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droit prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
Il ya en France, aujourd’hui, un réel problème concernant l’impôt sur les sociétés. Ce constat nous avait conduits, mes collègues du groupe socialiste et moi, à déposer une proposition de loi au printemps dernier.
M. François Marc.
Le fait est que l’impôt sur les sociétés, comme l’impôt sur le revenu, souffre d’un mitage excessif et croissant de son assiette, dont savent profiter exagérément les grandes entreprises, au détriment des PME.
Je rappelle que les niches fiscales favorables aux entreprises en France représentent une somme d’environ 100 milliards d’euros, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, et que ces niches profitent beaucoup plus aux grandes qu’aux petites entreprises. C’est un réel problème.
En optimisant l’usage de différents dispositifs fiscaux, les entreprises arrivent à minimiser l’impôt sur les sociétés qu’elles doivent acquitter. Ce dernier est actuellement appliqué à un taux nominal de 33,3 %, mais en définitive, si ce taux s’applique effectivement aux petites entreprises, il tombe à 20 % pour les entreprises de 50 à 249 salariés, à 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés, et seulement à 8 % pour les sociétés du CAC 40.
En fin de compte, sur la base de ces données les plus récentes, on se rend compte que les entreprises du CAC 40 parviennent à bénéficier d’un taux d’impôt sur les sociétés 2,3 fois moins élevé que celui qui est appliqué aux PME.
À l’époque, notre proposition de loi avait été rejetée, recueillant un avis défavorable du Gouvernement. Depuis lors, les positions ont évolué. Certaines déclarations, émanant aussi bien du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, M. Carrez, que du Gouvernement, l’ont montré, il y a une prise de conscience de la différence de traitement entre les entreprises s’agissant de l’impôt sur les sociétés, ce qui explique d’ailleurs les mesures qui ont été prises et qu’a rappelées Mme la ministre : suppression du bénéfice mondial consolidé, le BMC ; aménagement des mécanismes de report en avant ou en arrière des déficits ; sans oublier la fameuse taxe exceptionnelle, qui vient d’être instituée.
Mais tout cela ne suffit pas. Il faut notamment relancer le projet AXIS, pour tendre vers une assiette consolidée d’imposition sur les sociétés à l’échelon européen. Espérons que le groupe de travail franco-allemand annoncé pourra nourrir la réflexion.
Dans l’immédiat, rien n’est acté, alors qu’il importe d’adopter de nouvelles mesures. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à mettre en place un plafonnement de l’usage cumulatif des différentes niches ou dispositions fiscales dérogatoires, et ce à hauteur de 50 % de l’impôt sur les sociétés exigible au titre d’un exercice fiscal.
En d’autres termes, il s’agit d’instaurer une sorte de seuil plancher au-dessous duquel les entreprises, notamment les plus importantes, ne pourraient plus faire baisser l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables.
Il faut inciter l’ensemble des entreprises à intégrer cette notion de citoyenneté fiscale, car la situation actuelle ne peut perdurer. Les PME ont, aujourd’hui, besoin du soutien actif de la collectivité publique. Il convient donc de favoriser la justice fiscale pour que des moyens puissent être dégagés en ce sens.
À cet égard, l’adoption de notre amendement représenterait un signal important dans le contexte actuel, où le développement économique fondé sur le dynamisme des PME est un objectif unanimement partagé.
(M. David Assouline applaudit.)
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement s’inspire des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires, rendus publics en octobre 2009, puis confirmés en juin dernier par la direction générale du Trésor, dans le cadre d’une étude sur le taux de taxation implicite des bénéfices en France.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je confirme ce qui a été dit : les grandes entreprises bénéficient d’un taux implicite d’imposition plus de deux fois inférieur à celui des PME : 18,6 % contre 39,5 %.
Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils.
Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, qui est de créer un « bouclier fiscal inversé » et de mettre fin à une forme de dégressivité de l’impôt.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’idéal serait de réintégrer dans l’assiette d’autres éléments que les dépenses fiscales, dans la mesure où le mitage de l’impôt sur les sociétés tient aussi aux modalités de calcul des intérêts. La perte engendrée par ces dernières atteint un montant extrêmement important, de l’ordre de 40 milliards d’euros, quand les dépenses fiscales au sens strict oscillent, me semble-t-il, entre 7 milliards et 8 milliards d’euros.
Le problème de l’impôt sur les sociétés est avant tout un problème d’assiette. Le régler supposerait un travail très complexe. Il faudrait choisir parmi les modalités de calcul de l’impôt celles qui seraient susceptibles de favoriser une réintégration dans l’assiette. Ce travail n’a pas été mené et nous n’allons certainement pas le faire ce soir !
Grâce à l’adoption, tout à l’heure, de l’amendement n° I‑10 de la commission, permettant de mettre en place un dispositif global de plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés, nous nous rapprochons sans nul doute de la vérité, car nous avons opéré là une modification de l’assiette extrêmement importante.
Monsieur Marc, l’amendement n° I‑119 rectifié est tout à fait acceptable dans la mesure où il fait vivre le débat. Je salue l’attachement du groupe socialiste-EELV à favoriser une imposition sur les sociétés plus juste, plus cohérente, en vue de combler ce différentiel beaucoup trop important constaté entre les grandes entreprises et les petites.
Monsieur le président de la commission des finances, personne, ici, ne souhaite la mort des « grands chevaux », car chacun sait que le capitalisme français est historiquement fondé sur les grandes entreprises.
Il s’agit simplement de rétablir ce que j’appellerai « la vérité de l’impôt » : aujourd’hui, l’impôt sur les sociétés est « troué » de partout, ce qui ouvre la voie à l’optimisation fiscale ; évidemment, ce sont les grands groupes qui ont le plus de facilités dans ce domaine.
Il faut donc faire émerger un tissu compétitif dans lequel toutes les entreprises, les grandes comme les petites et les moyennes, puissent prospérer, et ce dans le bon sens. Or ce n’est pas du tout ce à quoi l’on assiste à l’heure actuelle. Du reste, il faut bien l’admettre, cela fait maintenant une trentaine d’années que les directeurs financiers ont pris plus d’importance que les responsables de production.
Madame la ministre, mes chers collègues, il faut changer la donne et revenir à un capitalisme d’entrepreneurs.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I‑119 rectifié.
Mme Valérie Pécresse,
Nous sommes entrés, je le rappelle, dans une logique de convergence franco-allemande en matière fiscale. Pourquoi vouloir changer les règles du jeu aujourd’hui ?
Cela étant, nous partageons le souci, exprimé par M. Marc et relayé par Mme la rapporteure générale, de ne plus avoir de niches ou de « trous » dans l’impôt sur les sociétés.
C’est la raison pour laquelle nous avons instauré, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2011 présenté en septembre dernier, une disposition prévoyant un impôt sur les sociétés minimal. Cela permet, en réalité, d’empêcher le report à nouveau, sur les exercices suivants ou antérieurs, des déficits constatés. Au-delà d’une fraction de 60 %, ces derniers ne sont en effet plus imputables.
À mon sens, il ne faut pas aller plus loin.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
C’est un débat très important, sur lequel nous pourrions, en partie, nous retrouver, tant la lutte contre les dépenses et les niches fiscales doit concerner l’ensemble des impôts, aussi bien l’impôt sur les sociétés que l’impôt sur le revenu, la TVA, l’impôt sur le patrimoine, les impôts locaux, etc.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Néanmoins, mes chers collègues, le dispositif que vous nous proposez ne me semble pas abouti sur le plan technique. Si je vous comprends bien, il faudrait calculer, dans chaque entreprise, une sorte d’impôt normatif et, partant, réintégrer dans le résultat fiscal toute une série d’éléments. Cela suppose, en réalité, de tenir une double comptabilité fiscale : outre que cette tâche serait nécessairement très complexe, elle exigerait des arbitrages portant sur une multitude de dispositifs. D’ailleurs, Mme la rapporteure générale a, pour une part, repris un tel argument.
Je comprends bien que, par cet amendement, vous vouliez lancer un signal. Mais je suis également tenté de penser que le dispositif susceptible d’être le plus mis à mal par une telle approche, c’est le crédit d’impôt recherche, qui risquerait d’être calculé de manière assez aveugle,…
C’est vrai !
Mme Valérie Pécresse,
… et ce quelles que soient l’importance des entreprises et la nature de leurs activités.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Le crédit d’impôt recherche avait fait l’objet de débats nourris au cours des années précédentes. Pour ma part, j’aurais tendance, s’agissant des plus grandes entreprises, à proposer une approche en quelque sorte contractuelle, revenant à subordonner la pleine application dudit crédit à un examen des thèmes, des programmes de recherche et de leur localisation. Cela ne me semble pas
Mes chers collègues, il importe de traiter ce problème du taux d’imposition des sociétés et des niches fiscales qui le rongent, mais l’amendement présenté par le groupe socialiste-EELV n’est certainement pas, à mon avis, le bon moyen pour ce faire.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je tiens à réagir aux propos qui viennent d’être tenus. Ils peuvent se résumer ainsi : si l’objectif est louable, certes, ce qui est proposé n’est pas faisable, pas sous cette forme en tout cas, et surtout pas maintenant.
M. François Marc.
Madame la ministre, mes chers collègues, cela fait maintenant quelques années que je présente, dans cet hémicycle, des amendements sur les textes relatifs aux finances. Figurez-vous que j’ai pris l’habitude d’entendre ce genre d’arguments !
Depuis des années, en effet, nous ne cessons de dénoncer les dérives du capitalisme financier, et ce à l’occasion de l’examen de textes aussi importants que la loi de transposition de la directive concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF, la loi de sécurité financière ou la loi relative aux nouvelles régulations économiques.
Nous avons présenté des dizaines d’amendements, prônant une autre forme de régulation et une vraie égalité de traitement. Chaque fois, nous avons entendu le même discours, et aujourd’hui encore : « vos propositions sont animées d’un bel esprit, mais, techniquement, elles ne sont pas réalisables ; il est trop tôt pour agir, mieux vaut encore attendre. »
Au fond, la seule nouveauté est la fameuse limitation du report des déficits, que vous avez évoquée, madame la ministre. Mais ce dispositif est bien minime et son impact très limité, puisqu’il s’agit simplement de restreindre l’étalement dans le temps des déficits.
Aujourd’hui, l’injustice qui règne en matière de fiscalité des entreprises est unanimement reconnue et jugée inadmissible. Je le répète, le taux de l’impôt sur les sociétés est, en moyenne, de 20 % pour les PME, contre 8 % seulement pour les sociétés du CAC 40. Cette situation va-t-elle durer encore longtemps ?
Nous proposons donc très simplement d’instaurer un seuil minimal, afin que les entreprises, les grandes comme les petites, payent au moins la moitié de l’impôt qu’elles doivent.
L’adoption de notre amendement aurait au moins cette vertu : envoyer un signal à toutes les entreprises, pour les inciter à appréhender le « devoir citoyen » en matière fiscale d’une façon différente.
M. le président de la commission me rétorque que cela supposerait des calculs supplémentaires. Mes chers collègues, je vous pose la question : qui, aujourd’hui, recrute des fiscalistes en grand nombre, par dizaines, pour faire de l’optimisation fiscale ? Les sociétés du CAC 40, justement !
Que l’on ne vienne pas me dire que ces experts en fiscalité ne seraient pas capables d’appliquer les nouvelles modalités de calcul du bénéfice « corrigé » que nous entendons mettre en place !
Les arguments qui nous sont opposés se révèlent tout à fait irrecevables au regard de l’objectif visé, qui est pourtant essentiel pour notre économie, notamment pour favoriser la mobilisation des PME. En outre, j’y insiste, la mise en œuvre de notre proposition permettrait d’améliorer grandement la justice fiscale dans notre pays.
Rien que pour le principe, l’amendement mérite donc d’être adopté. S’il y a des améliorations techniques à apporter, l’essentiel est de le faire vivre, pour que la réflexion se poursuive à l’Assemblée nationale et lors de la commission mixte paritaire. Je vous invite donc, mes chers collègues, à envoyer un signal fort en le votant.
(M. David Assouline applaudit.)
Je mets aux voix l’amendement n° I‑119 rectifié.
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
Mme la présidente.
L’amendement n° I-69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Nous en revenons toujours à la question du taux, même si elle peut paraître assez secondaire dans le débat général relatif à l’impôt sur les sociétés. La discussion l’a d’ailleurs montré, les mesures corrigeant l'impôt sur les sociétés sont, bien sûr, d’une tout autre portée dès lors qu’il s’agit de l’assiette et des modalités particulières de fixation de l’impôt.
M. Thierry Foucaud.
Dans son rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires, outre les deux importantes dépenses découlant du régime des sociétés mères, estimait en effet à 8 milliards d’euros le coût de la niche Copé, à 2,1 milliards d’euros celui de la taxation réduite des petites et moyennes entreprises, et à 1,8 milliard d’euros le coût de la quasi-disparition de l’imposition forfaitaire annuelle.
Pour ce qui est de la baisse du taux et pour le moins du taux facial, que peut-on dire ? Que comparé au taux historique de 50 %, le taux actuel représente une moins-value de recettes de 23 milliards d’euros brut, le poids particulier de la contribution sociale sur les bénéfices, 914 millions d’euros en 2012, pouvant éventuellement en être distrait.
Il y a un peu plus de 23 milliards d’euros qui manquent dans les caisses publiques. Mais je dirai que nous sommes ici attachés à la mise en œuvre d’une plus grande égalité de traitement entre les entreprises assujetties.
Aussi, nous proposons de procéder à une majoration de 20 % du taux d’imposition faciale imposé aux bénéfices qui seraient mis en distribution, ce qui reviendrait à avoir en taux faciaux trois taux sur les sociétés : un taux réduit dans la limite d’un plafond donné pour les petites et moyennes entreprises, un taux normal de 33,33 % pour les bénéfices au-delà de ce plafond PME et pour toutes les autres entreprises, entreprises de taille intermédiaire ou grandes entreprises et un taux majoré pour les bénéfices distribués aux actionnaires.
Ainsi nous poserions, sous réserve, d’ailleurs, d’un inventaire plus précis des dispositions correctrices, le principe d’une forme de progressivité de l’impôt sur les sociétés plus respectueuse de la capacité contributive de chaque assujetti.
C’est dans cette perspective que nous vous proposons, chers collègues, d’adopter cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission n’est pas favorable à cet amendement, pour une raison assez simple qui relève du principe de réalité. Chaque fois qu’on a voulu mettre en place ce genre de dispositif, les tentatives ont échoué. Les années auxquelles je vais faire référence vont vous rappeler quelque chose, monsieur Foucaud. Il y a eu une tentative en 1988. Elle a été rapportée en 1992. La suivante, celle qui remonte à 1998, a été rapportée en 2000. Quelle est la raison de ces reports successifs ? En fait, les entreprises avaient trouvé une faculté d’évitement de cette taxation différenciée pour la fraction des bénéfices distribuée ; elles ont mis au point des mécanismes qui les faisaient arriver au même résultat que précédemment. Ainsi, on procédait à un rachat d’actions. Après quoi, on annulait ces actions, ce qui permettait de gonfler le bénéfice imposable et attribué par action. À partir de là, le détenteur de l’action s’enrichissait de la même manière que si on lui avait distribué des dividendes !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Instruite des expériences négatives conduites pendant les années que je viens de vous citer, je ne pense pas que le dispositif proposé soit opérationnel, monsieur le sénateur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame la présidente, je partage totalement l’avis de Mme la rapporteure générale, que je trouve plein de sagesse !
Mme Valérie Pécresse,
(Sourires.)
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-69 est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Madame la présidente, sous le bénéfice des observations de Mme la rapporteure générale, nous retirons l’amendement. Nous ferons, le moment venu, une nouvelle proposition.
M. Thierry Foucaud.
L’amendement n° I-69 est retiré.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-173 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du a
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
L’amendement que nous proposons tend à réduire la défiscalisation dont bénéficient les plus-values de long terme afférentes à des titres de placements et de participation.
Mme Anne-Marie Escoffier.
Depuis 2008, la crise qui a plongé notre pays dans la torpeur de laisse pas de nous inquiéter. Or les spéculateurs qui sont à l’origine de ce ralentissement continuent d’agir en toute impunité et sont même partiellement protégés par notre droit fiscal !
L’article 219 du code général des impôts, s’il n’encourage pas la spéculation, ne permet pas, en tout cas, de dissuader les spéculateurs. Grâce à cet article, une plus-value à long terme réalisée par une personne physique ou morale pour la vente de titres de participation fait l’objet d’une imposition séparée à un taux de 8 % pour les exercices ouverts à compter du 1
Ces taux sont, pour le moins surprenants, voire difficiles à admettre dans une période où les économies et le redressement des finances publiques doivent constituer des priorités nationales.
Les dispositions contenues à l’article 219 du code général des impôts sont injustes sur le plan fiscal et reviennent très cher puisqu’elles ont coûté 22 milliards d’euros entre 2007 et 2009 et que leur coût est en forte augmentation chaque année !
Dans un souci d’économie et pour limiter les injustices, il paraît donc logique de relever les taux auxquels sont imposées les plus-values réalisées lors de la cession de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec cet amendement, de relever le taux d’imposition sur le montant net des plus-values de long terme pour la vente des titres de participation en le faisant passer à 19 % pour les exercices ouverts à compter du 1
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Il s’agit d’un sujet que nous aimons bien puisqu’il s’agit de la niche Copé-Marini.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(M. le président de la commission et Mme la ministre s’exclament.)
Vous voulez imposer à 19 % ces plus-values à long terme, ce qui constituerait un retour au taux antérieur à la réforme de 2004. Vous vous attaquez donc au taux. Je pense que votre intention est louable dans la mesure où cette niche coûte cher : Elle a coûté 3,5 milliards d’euros en 2011, hors élasticité éventuelle, et près de 20 milliards d’euros depuis 2007.
Je sais que des réserves ont été émises quant aux calculs. En effet, ceux-ci avaient été faits sur la base de l’imposition maximale, à 33 %. J’admets ces réserves.
Mme Valérie Pécresse,
Cela nous évitera, j’espère, d’entendre dire que les auteurs d’amendements sont parfois tentés d’affirmer n’importe quoi ! Au demeurant, il faut bien se référer à des chiffres. Comme les chiffres que j’ai cités sont les seuls dont nous disposons, nous allons les prendre pour base de discussion.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Que cette niche coûte cher, c’est vrai, c’est même indéniable ! Néanmoins, madame Escoffier, il faut être prudent sur le gain fiscal attendu. Vous l’évaluez à 2 milliards d‘euros dès 2012. Cela me paraît un peu optimiste parce que cela ne tient pas compte de l’élasticité. En cas de mise en œuvre de la mesure, bien des cessions ne seraient pas réalisées ou seraient étalées dans le temps. Pour imposer, encore faut-il qu’il y ait cession. Vous allez voir que, dans l’amendement n° I-8 de la commission, cet élément est pris en compte.
L’amendement n° I-173 rectifié pose, en outre, un problème de cohérence. Il impose à 19 % les plus-values sur les titres de placement qui sont déjà soumises à l’impôt sur les sociétés. Les titres de placements se distinguent, en effet, des titres de participation en ce qu’ils sont détenus à court ou moyen terme et dans une perspective non stratégique.
La commission trouve préférable de s’atteler à la logique économique de la quote-part, d’où l’amendement qui va suivre et qui vise à élargir l’assiette. Vous vous attaquez au taux, madame Escoffier, il nous semble préférable de s’attaquer à l’assiette.
Sur la base de cette argumentation, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement et de vous rallier à l’amendement n° I-8 de la commission. Nous partageons, en effet, le même objectif : la diminution du coût de cette niche.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame Escoffier, je dois dire que vous avez parfois été mieux inspirée !
Mme Valérie Pécresse,
(Sourires.)
Cette fois-ci, je ne suis pas d’accord avec votre argumentation. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, dix-sept pays européens défiscalisent totalement les plus-values de cessions des entreprises.
Si c’est la Lituanie, ce n’est pas grave !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous avez dit que votre amendement visait à limiter la spéculation. Or il s’agit de cessions de titres qui ont été détenus pendant au moins deux ans. Madame la sénatrice, après deux ans, on ne peut pas parler de spéculation ! La plus-value est alors considérée comme une plus-value à long terme, laquelle relève d’un autre dispositif.
Mme Valérie Pécresse,
En outre, comme Mme Bricq a eu l’honnêteté de le reconnaître, le coût de la niche Copé-Marini a été nettement surévalué, y compris par les services de mon ministère. En effet, il a été calculé comme si les plus-values de cessions étaient taxées à 33 %, taux de l’impôt sur les sociétés. Or, en France, on n’a jamais taxé des plus-values à long terme à 33 %. Le taux d’imposition est au maximum à 19 %. Donc, le coût de la niche n’est évidemment pas de 7 milliards d’euros. La somme exacte est inférieure d’environ 40 %.
Certes, même si le montant de la niche s’élevait à 3 milliards d’euros, ce serait toujours 3 milliards d’euros qu’on aurait envie de supprimer, j’en conviens, madame Escoffier ! Mais le problème ne se pose pas exactement en ces termes.
La question est de savoir si une base taxable résisterait, à l’horizon d’une année, à une trop lourde taxation. Je vous réponds tout simplement qu’il n’y aura quasiment plus rien à taxer. La base taxable va faire pschitt ! En effet, les grands groupes dont vous avez tous fort justement dit qu’ils avaient à leur disposition mille outils pour délocaliser leurs bénéfices, leurs profits, leurs participations et leurs cessions de titres, surtout ceux qu’ils détiennent depuis plus de deux ans, pourront évidemment réaliser ces cessions où ils le veulent, dans n’importe laquelle de leurs filiales.
Alors que dix-sept pays d’Europe détaxent totalement, croyez-vous vraiment qu’un grand groupe continuera à vendre des titres en France ?
Prenons un exemple. Nous avons augmenté rétroactivement pour 2011 de 5 % à 10 % le prélèvement sur la quote-part pour frais et charges de ces cessions de titres. J’ai rencontré des patrons d’entreprises multinationales depuis. Ils m’ont dit que cette année ils avaient été pris en traîtres, qu’ils allaient payer l’impôt puisque la cession avait eu lieu mais que, l’année prochaine, ils effectueraient leurs opérations ailleurs qu’en France !
Je veux bien qu’on taxe, mais ce sera encore un boulet supplémentaire qu’on mettra aux pieds des entreprises françaises, surtout des PME françaises qui n’ont pas de filiales à l’étranger ! En revanche, avec un bon conseiller fiscal, une grosse PME est parfaitement capable de se débrouiller pour céder ses titres hors de nos frontières.
Quand dix-sept pays européens décident de défiscaliser des opérations, il faut suivre la logique de convergence européenne : on se met tous d’accord ou pour taxer, ou pour détaxer !
Introduire, comme l’a fait le Gouvernement, ce qui est déjà audacieux, un frottement fiscal de 10 %, c’est le maximum de ce qu’on peut espérer de ces cessions. Si on essaie de faire davantage, sachez-le, le produit de la taxe disparaîtra, faute de cessions, car c’est à l’étranger qu’elles se feront !
Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° I-173 rectifié.
Mme Valérie Pécresse,
Madame Escoffier, l'amendement n° I-173 rectifié est-il maintenu ?
Mme la présidente.
Je vais me rallier à l’avis de Mme la rapporteure générale et retirer l’amendement.
Mme Anne-Marie Escoffier.
L'amendement n° I-173 rectifié est retiré.
Mme la présidente.
L’amendement n° I-8, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du a
La parole est à Mme la rapporteure générale.
S’agissant du coût de la niche Copé, je reconnais qu’il y a eu une erreur de calcul. Cependant, hors élasticité éventuelle, on peut lire dans le document « Voies et moyens » que le coût estimé de cette niche, en 2011, s’élève à 3,5 milliards d’euros. Si l’on refait le calcul après rectification de l’erreur méthodologique que vous avez signalée, madame la ministre, on obtient malgré tout un coût cumulé de 19,6 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Depuis combien d’années ?
Mme Valérie Pécresse,
Depuis que ce dispositif existe et produit des effets, c’est-à-dire depuis 2007. Ce n’est tout de même pas un chiffre négligeable !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Parce qu’il y a une base taxable !
Mme Valérie Pécresse,
Cette niche coûte cher à nos finances...
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cette niche ne coûte rien, et elle peut nous rapporter beaucoup !
Mme Valérie Pécresse,
Pour l’instant, madame la ministre, elle nous coûte cher. Or, dans la période présente, il convient de veiller à l’état de nos finances publiques.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
De quelque niche qu’il s’agisse, je commence toujours par chercher à savoir pourquoi elle a été créée ; je souhaite en reconstituer la genèse, en quelque sorte.
En 2004, M. Marini et M. Copé, de concert, ont justifié l’existence de ce dispositif en invoquant le fait que nos partenaires européens en disposaient et qu’il fallait s’aligner sur la norme communautaire. Dont acte ! Ils le présentaient en outre comme un instrument de compétitivité.
Eh bien oui !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Alors, nous ne devons pas avoir la même idée de ce qu’est la compétitivité !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Selon moi, il y a un paramètre décisif : si un pays dispose d’entreprises compétitives, son commerce extérieur n’est pas déficitaire. Or celui de la France l’est assez lourdement ! Être compétitif, cela signifie vendre des produits et des services partout dans le monde. Manifestement, aujourd’hui, pour la France, la compétitivité n’est pas au rendez-vous.
Par ailleurs, cette exonération a certainement suscité un effet d’aubaine au cours des deux premières années de son application, et c’est la raison pour laquelle, madame Escoffier, le rétablissement du taux de 19 % ne comblerait pas la perte de recettes fiscales. Voilà pourquoi je pose, au travers de cet amendement, le problème de l’assiette.
Je ne détaillerai pas toutes les options envisageables. La commission a décidé, de façon rationnelle, conformément à l’économie du système, de modifier l’assiette en prenant comme référence le prix de cession. Ce choix permet de résoudre un problème de cohérence économique et fiscale et, en même temps, ce qui ne manque pas d’intérêt, de dégager du rendement.
Nous agissons donc sur l’assiette de la quote-part.
La raison d’être de cette quote-part réside dans le principe général suivant : les charges encourues par une société pour l’acquisition, la gestion et la conservation de ses titres de participation, par exemple des intérêts d’emprunt, sont déductibles pour la détermination de son résultat. L’imposition de ces charges a donc pour objet d’éviter que cette déduction ne soit suivie d’une exonération. C’est pourquoi nous souhaitons réintégrer ces charges dans l’assiette et les taxer forfaitairement à 10 %.
L’assiette logique, pour des charges afférentes à des actifs, c’est le prix de cession, la valeur des actifs, et non la plus-value nette, qui relève d’une autre logique puisque les moins-values en sont soustraites.
Je n’ai pas inventé cette idée : Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a lui-même défendu cette modification de l’assiette de la quote-part dans son rapport de juillet dernier sur l’application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances. Permettez-moi de le citer : « On pourrait, en revanche, s’interroger sur les conditions de calcul de la quote-part pour frais et charges de 5 %. Celle-ci a, en effet, pour pendant l’autorisation de la déductibilité des charges supportées au titre des participations concernées, dont on verra ci-après qu’elle représente un enjeu budgétaire très significatif ». C’est exactement ce que je viens de dire, certainement moins bien qu’il ne l’écrit.
M. Carrez ajoute : « Cette assiette n’est pas nécessairement la plus fidèle pour approximer forfaitairement (ce qui est l’objet de la quote-part) le montant des charges déductibles.
« Rien ne permet, en effet, de penser que l’acquisition et la gestion d’une participation soit plus onéreuse lorsque celle-ci donne lieu, à la cession, à une plus-value que lorsqu’elle est cédée en moins-value ».
M. Carrez estime donc « que la priorité doit être de s’interroger sur les conditions de la déductibilité des charges. [...] À défaut, ou dans l’attente d’une évolution sur cette question, on peut toutefois estimer qu’il y aurait une certaine logique à ce que la quote-part soit calculée sur le prix de cession et non sur le montant de la plus-value [...] et, à tout le moins, qu’elle soit calculée sur le montant (brut) des plus-values, sans compensation avec les éventuelles moins-values ».
Si l’on pense que l’assiette des frais et charges n’est pas pertinente, et que nous sommes en réalité, comme vous l’avez dit en commission, monsieur le président, dans une logique de ticket modérateur, on entre alors dans le cadre d’un droit d’enregistrement. Or un tel droit est dû sur la valeur des actifs au moment de la transaction. Cette modification de l’assiette présente donc l’avantage supplémentaire de freiner les optimisations qui tendent à sélectionner les titres à céder pour compenser les plus-values par les moins-values.
Cette nouvelle assiette me semble cohérente économiquement et intéressante budgétairement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
J’avoue, madame la rapporteure générale, que votre calcul me laisse perplexe. Si vous décidez de taxer le prix de cession, ou plus exactement la transaction sur la base du prix de cession, vous admettez qu’il est possible de taxer une cession ayant donné lieu à une moins-value.
Mme Valérie Pécresse,
La bourse de Paris a perdu beaucoup de sa valeur au cours des six derniers mois. Supposez qu’une entreprise française, parce que les circonstances l’exigent, ait besoin de céder, aujourd’hui, une participation qu’elle détient dans une autre société ; il est évident que la moins-value sera énorme, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros. Cette entreprise se verra ainsi contrainte une opération qui peut être lourdement déficitaire pour elle. Et vous voulez, en plus, la taxer sur la valeur de la participation ! Je ne peux pas vous suivre...
Je ne prendrai pas d’exemples pour ne pas citer d’entreprises françaises qui ont subi récemment une très forte décote à la Bourse, mais je vous soumets l’hypothèse suivante. Supposez qu’une entreprise détienne 5 % du capital d’un grand groupe, dont la valeur a perdu 20 % à 30 % au cours des derniers mois, et qu’elle veut en céder tout ou partie. Allez-vous taxer cette vente, alors qu’elle s’est traduite par une moins-value ? En fiscalité française, le principe est de taxer la création de valeur !
L’entreprise ne vendra pas...
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Sauf si elle y est obligée, monsieur le président, par exemple parce qu’elle est liée par des accords industriels ou d’entreprises.
Mme Valérie Pécresse,
Si le dispositif proposé est adopté, non seulement l’entreprise considérée fera une moins-value à l’occasion de cette vente, mais elle sera en outre taxée sur cette moins-value ! Encore une fois, madame la rapporteure générale, je ne peux pas vous suivre !
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Mme Bricq a bien voulu me citer. Il est vrai que la commission des finances du Sénat avait, en son temps, beaucoup travaillé sur ce dispositif.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Si nous l’avions imaginé, à l’époque, c’est parce que les responsables des entreprises nous disaient que les holdings actives en matière de cession de participations étaient à Luxembourg.
Un pays où l’on vous aime sans doute beaucoup !
M. Jean-Marc Todeschini.
(Sourires.)
Mon cher collègue, je ne veux pas revenir sur des propos qui avaient suscité quelques remous… Le Luxembourg existe : tant mieux pour lui !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Nouveaux sourires.)
Nous avions voulu rapatrier des holdings,...
Sans succès !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
... et c’est pour cette raison que nous avions invoqué l’argument de la compétitivité.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ne pourrions-nous pas, en envisageant des moyens plus proches de la réalité économique que ceux qui sont utilisés par le Conseil des prélèvements obligatoires, instance très administrative et peu immergée dans ces problématiques, débattre de l’application de cette mesure ? Ce serait pleinement légitime.
Il faut garder deux éléments à l’esprit.
Il convient, premièrement, de ne pas mettre en place un régime qui détruirait l’assiette d’une éventuelle contribution.
Je rappelle, deuxièmement, que cette contribution est bien une taxation des plus-values. Or qui dit plus-values dit comparaison entre un prix de revient et un prix de cession. Je ne parviens pas à comprendre comment l’on pourrait passer d’une taxation de plus-values à une taxe
J’entends bien que l’on intègre au raisonnement la quote-part pour frais et charges, ce qui est tout à fait légitime. Mais si l’on vous suit, madame le rapporteur général, ne risque-t-on pas de doubler cette charge de gestion par une charge fiscale ?
En théorie, un groupe qui gère sa participation et la suit sur les plans comptable et fiscal doit s’acquitter de quelques frais de siège et de gestion. Faut-il doubler cette charge de gestion par un prélèvement fiscal, quel que soit le résultat financier de la transaction ?
Ce sujet s’étant désormais imposé dans le débat public, il faudra le traiter.
Moi, j’ai tendance à préconiser la méthode du « rabot ». Il me semble possible de décider d’une taxation modérée, mesurée, concertée avec des partenaires. Nous pourrions, madame le ministre, envisager un groupe de travail sur la question…
On va créer une commission !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme le rapporteur général souhaite à bon droit traiter ce sujet, mais je ne crois pas que les modalités qu’elle propose puissent être acceptées. Je pense même qu’elles iraient, si elles étaient appliquées, à l’encontre du résultat budgétaire souhaité.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Lorsqu’un particulier détient des titres, la banque qui les gère prélève des droits de garde, sans savoir s’il réalise des plus-values ou des moins-values.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est un élément du prix de revient !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Elle rémunère ainsi sa prestation professionnelle !
Mme Valérie Pécresse,
Je propose le même système. Ce n’est pas très compliqué à comprendre !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l’amendement n° I-8.
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
Mme la présidente.
L’amendement n° I-9, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le résultat d’ensemble est majoré de 5 % de la fraction excédant un million d’euros du montant des produits de participations mentionnés aux deuxième et troisième alinéas dont la société mère n’apporte pas la preuve qu’ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice ou par une société intermédiaire et provenant de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice. Le montant ajouté au résultat d’ensemble en application du présent alinéa ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par les sociétés du groupe au cours de la même période pour l’acquisition et la conservation des participations dont sont issus ces produits. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 223 F, après les mots : « afférente à », sont insérés les mots : « la fraction inférieure à un million d’euros de ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement vise à encadrer les règles de neutralisation des quotes-parts pour frais et charges dans le régime de l’intégration fiscale et donc à restreindre l’emploi d’un avantage non justifié de ce régime.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il suit en cela une recommandation de la Cour des comptes, laquelle estime que certains avantages outrepassent la simple compensation des résultats bénéficiaires et déficitaires, en l’état actuel du droit du régime de l’intégration fiscale.
Ainsi, les transferts de dividendes sont considérés comme des mouvements de trésorerie et ne sont donc pas imposés. Or, dans un autre régime du groupe dit « mère-filles », que nous avons déjà évoqué, les dividendes sont imposés à hauteur de 5 %.
Par exemple, une société qui reçoit 10 millions d’euros de dividendes d’une filiale n’acquittera pas d’impôt sur les sociétés sur ce montant dans le régime de l’intégration fiscale, tandis qu’elle versera 160 000 euros dans le régime mère-filles.
À mes yeux, il convient de mettre un terme à cet avantage inconsidéré ; en outre, cette mesure permettrait de faire revenir au moins 1 milliard d’euros dans les caisses de l’État – ce ne serait pas inutile, par les temps qui courent ! –, sachant que le régime de l’intégration fiscale coûte chaque année près de 15,8 milliards d’euros aux finances publiques.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. En effet, le régime de l’intégration fiscale doit permettre à des groupes de se créer en France et d’y conserver leur centre de gravité : nous ne souhaitons pas bouleverser cet équilibre.
Mme Valérie Pécresse,
J’ajoute que nous avons déjà augmenté la fiscalité sur les frais et charges dans le cadre de la loi de finances pour 2011, que ce soit au titre du régime mère-filles ou du régime des plus-values de cession des titres de participation.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Madame la ministre, un amendement identique a été déposé par MM. Carrez et Cahuzac à l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je le sais, et le Gouvernement y a été défavorable !
Mme Valérie Pécresse,
Absolument et, pour le justifier, vous avez excipé des travaux menés actuellement en vue de la convergence fiscale entre l’Allemagne et la France. Si, au sein du Parlement français, on ne peut plus formuler la moindre proposition sous prétexte qu’il existe des groupes de travail constitués notamment entre les ministères de l’économie allemand et français,…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mais nous ne pouvons pas déstabiliser la France !
Mme Valérie Pécresse,
… nous pouvons légitimement nous interroger sur le rôle des parlementaires ! Eux aussi ont le droit à l’innovation et à la créativité !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est vrai !
Mme Valérie Pécresse,
Madame la ministre, vous avez souligné qu’il convenait de traiter ce sujet dans le cadre de l’harmonisation fiscale franco-allemande, en concluant qu’il s’agissait d’un « amendement excellent, mais prématuré ». Eh bien, je reprends le texte de l’amendement déposé à l’Assemblée nationale !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Du reste, cette initiative ne préjuge en rien des négociations avec l’Allemagne au sujet d’une éventuelle harmonisation de nos impôts respectifs sur les sociétés. Outre-Rhin, le régime de l’intégration fiscale est fondé sur une logique différente de la nôtre : il existe donc des questions de fond bien plus importantes celle-ci, madame la ministre ! Le seuil d’entrée dans le régime est ainsi de 50 % en Allemagne, contre 95 % en France : résolvez d’abord ce problème avant de vous réfugier derrière l’argument de l’harmonisation fiscale !
De plus, madame la ministre, vous savez pertinemment que cette harmonisation ne pourra être opérée que si nous entamons, pour notre part, une révision profonde de notre législation fiscale. Et tous les sujets devront être mis sur la table !
Dès lors, l’amendement n° I-9 a, selon moi, deux vertus.
Premièrement, il permet d’accroître les recettes de l’État en mettant un terme à un avantage non justifié. Il est possible de mettre en œuvre cette mesure dès à présent, sans attendre les conclusions des travaux auxquels vous vous êtes référée, qui nous semblent encore lointaines.
Deuxièmement, cet amendement a une vertu diplomatique : il donne le ton de la négociation franco-allemande telle que nous, représentation nationale, entendons la voir mener. Si nous négocions avec nos partenaires allemands sans disposer d’une base législative correcte, nous serons nécessairement placés dans une position d’infériorité ! Je ne suis certes pas diplomate de profession, mais, pour aboutir à un résultat concret et durable, il me semble nécessaire de s’appuyer sur des principes aussi solides que possible.
Madame la ministre, en matière d’harmonisation franco-allemande, le Gouvernement n’a pas jugé nécessaire de consulter le Parlement : permettez que le Sénat expose et défende ses propres conceptions ! Du reste, comme je l’ai déjà souligné lors de la discussion générale, il faut que les parlementaires se rapprochent de leurs collègues des parlements étrangers, en l’occurrence du
C’est pourquoi j’invite le président de notre commission à se tourner vers son homologue du
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Madame Bricq, je ne nie absolument pas la légitimité du Parlement français à tracer les lignes directrices de la convergence franco-allemande, ni même à voter aujourd’hui une réforme de l’impôt sur les sociétés.
Mme Valérie Pécresse,
Toutefois, à mes yeux, nous ne pouvons pas engager cette négociation franco-allemande en accrochant des boulets aux pieds de nos chefs d’entreprise, c'est-à-dire en les imposant dix fois plus lourdement que les patrons allemands ! En effet, une telle mesure rendrait
Je le conçois !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Madame Bricq, ce soir, vous nous avez proposé de créer une bonne demi-douzaine de taxes sur les entreprises ! Or, une fois ces dispositions votées, leur suppression deviendrait très difficile au regard du coût très élevé que cela représenterait pour les finances publiques.
Mme Valérie Pécresse,
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Si, madame Bricq !
Mme Valérie Pécresse,
Je suis tout à fait prête à travailler avec la commission des finances sur cette convergence, y compris pour évoquer des pistes d’évolution de la législation française qui vous paraîtraient justifiées. Mais le Gouvernement ne saurait arriver pieds et poings liés à la table des négociations : or, de fait, tel serait le cas si la fiscalité des entreprises françaises était singulièrement accrue !
Au reste, celle-ci a déjà subi de fortes hausses, et j’ai récapitulé les augmentations d’impôt sur les sociétés que nous avons opérées depuis un an : ces hausses représentent 4 milliards d’euros depuis le seul mois de septembre ! Ce n’est pas négligeable !
La prudence s’impose donc à nous. Nous devons ménager la compétitivité de nos entreprises, y compris à l’exportation.
C’est une question majeure, et tous les dossiers doivent effectivement être mis sur la table : il ne s’agit d’aborder le problème taxe par taxe. Il est certain qu’en procédant taxe par taxe on peut toujours trouver des dispositifs à améliorer !
Je mets aux voix l'amendement n° I-9.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-11, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 235
« II. – L’assiette de la taxe sur les transactions automatisées est constituée du montant des ordres d’achat ou de vente d’instruments financiers transmis à un marché réglementé ou à un système multilatéral de négociation au cours d’une journée, dès lors que moins de la moitié du nombre de ces ordres est effectivement exécutée sur ces plates-formes de négociation.
« III. – Le taux de la taxe est fixé à 0,1 % du montant des ordres d’achat ou de vente transmis visés au II.
« IV. – La taxe sur les transactions automatisées est exigible le dernier jour de chaque mois. Elle est acquittée auprès du comptable public au plus tard le dernier jour du mois suivant. Le paiement est accompagné d’un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires à l’identification de la personne assujettie et à la détermination du montant dû.
« V. – 1. La personne assujettie, dont le siège ou l’entreprise mère du groupe, au sens de l’article L. 511-20 du code monétaire et financier, est situé dans un autre État ayant instauré une taxe poursuivant un objectif équivalent à celui de la taxe sur les transactions automatisées, peut bénéficier d’un crédit d’impôt.
« 2. Le montant de ce crédit d’impôt est égal, dans la limite du montant de taxe sur les transactions automatisées dû par la personne assujettie, à la fraction de cette autre taxe que l'entreprise mère ou le siège acquitte au titre de la même année à raison de l’existence de cette personne assujettie.
« 3. Le crédit d’impôt peut être utilisé par la personne assujettie au paiement de la taxe sur les transactions automatisées de l’année ou lui être remboursé après qu’elle l’a acquittée.
« 4. Les 1 à 3 ne sont pas applicables lorsque la réglementation de cet autre État ne prévoit pas des avantages équivalents au bénéfice des personnes assujetties à la taxe mentionnée au 1, dont le siège ou l’entreprise mère est situé en France. La liste des États et taxes pour lesquels les 1 à 3 sont applicables est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.
« VI. – À défaut de paiement ou en cas de paiement partiel de la taxe sur les transactions automatisées dans le délai de trente jours suivant la date limite de paiement, le comptable public compétent émet un titre exécutoire. La taxe est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VII. – Les dispositions des I à VI s’appliquent aux ordres visés au II transmis à compter du 1
« VIII. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article après avis de l’Autorité des marchés financiers. »
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Le sujet dont il est ici question est tout aussi important que le précédent. En effet, cet amendement a pour objet de contrecarrer une dérive majeure du fonctionnement des marchés : il tend à instaurer une taxe assise sur les transactions automatisées et vise tout particulièrement ce qu’il est convenu d’appeler le «
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
De l’aveu même de nombreux acteurs de la vie économique, ce mode de négociation est particulièrement néfaste. Ses méfaits sont connus : il crée une liquidité artificielle sur les marchés ; il rompt l’équité concurrentielle entre les intervenants ; il introduit des asymétries d’information ; il favorise les variations brutales de cours et une vision à très court terme ; enfin, il crée de nouvelles possibilités de manipulation des cours et d’abus de marché.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, dans ce cadre, les opérations de marché sont accomplies par des robots, et qu’elles échappent donc à tout contrôle ! Une fois l’algorithme lancé, le facteur humain n’intervient plus dans la transaction.
Un projet de révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers, ou directive MIF, a certes été élaboré, mais je crains qu’il ne soit pas à la hauteur des enjeux.
Mes chers collègues, le mécanisme que nous proposons d’instituer afin de limiter l’essor de ce
Les modalités de mise en œuvre de ce dispositif devraient nécessairement être fixées par un décret pris après avis de l’Autorité des marchés financiers.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement comprend le souci qu’exprime la commission de réguler ces transactions financières opérées par traitement automatisé.
Mme Valérie Pécresse,
Cependant, il est à mes yeux inconcevable d’assurer la régulation des transactions financières par une simple taxe franco-française. En effet, madame la rapporteure générale, étant donné le périmètre et le champ que vous lui attribuez, cette taxe ne concernerait que deux opérateurs français – la Société générale et BNP Paribas –, qui sont tout à fait en mesure de contourner ce dispositif en transférant hors de France le traitement automatisé de leurs transactions.
Ainsi, pour être viable, la taxe sur les transactions financières doit être mise en œuvre au moins à l’échelle européenne et même, de préférence, au niveau mondial, faute de quoi elle sera nécessairement contournée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a fait de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières destinée à lutter contre la spéculation un de ses combats personnels. Et il y a rallié l’Allemagne ! Aujourd’hui, Paris et Berlin sont animés par la même volonté en la matière.
D’ores et déjà, si nos deux pays décidaient de créer une telle taxe, nous ferions un premier pas en avant.
Toutefois, il convient également de prendre en compte les puissantes places boursières – Londres, bien sûr, au premier chef – qui, à ce jour, restent totalement étrangères à une telle idée.
Madame Bricq, je suis certaine que l’instauration de cette taxe, telle qu’elle est définie par votre amendement, donnerait lieu à des contournements ; en tout état de cause, elle ne viserait que les deux grands groupes que j’ai cités, au titre des opérations financières que vous avez décrites. Le Gouvernement ne peut donc pas émettre un avis favorable sur cet amendement.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main l’argumentation que j’ai développée…
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ce n’est pas le cas !
Mme Valérie Pécresse,
… surtout en vous fondant sur une autre logique, celle de la taxe sur les transactions financières, que nous allons évoquer dans la suite de ce débat puisqu’elle fait l’objet de six amendements qui seront examinés ultérieurement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le présent amendement repose, lui, sur une logique dissuasive, visant à lutter contre une pratique nocive.
Mme Valérie Pécresse,
Dois-je vous rappeler ce qui s’est passé aux États-Unis le 6 mai dernier ? Vous le savez, le «
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Mais c’est une question de régulation fiscale !
Mme Valérie Pécresse,
Pour moi, il ne s’agit pas d’encadrer cette pratique : je veux qu’on soit dissuadé d’y recourir. C'est pourquoi il faut aller plus loin que la simple énonciation d’un principe.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous reprenez l’argument habituel : il faut faire en sorte que tous les pays fassent la même chose. Mais nous, nous proposons de commencer par là où nous avons le pouvoir d’instituer une telle taxation, c'est-à-dire sur le sol national. Ainsi, elle aura une chance de prospérer dans sa conception, mais aussi dans sa concrétisation.
Madame la ministre, puisque vous parlez de la taxe sur les transactions financières, je vous rappelle que cette idée est en débat depuis longtemps ; les uns et les autres, nous la proposons régulièrement depuis quelques années de la mettre en œuvre. L’instauration d’une taxe sur les transactions financières a même été votée en 2001 à l’Assemblée nationale – j’y étais !
Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mais cette taxe n’a pas été très efficace !
Mme Valérie Pécresse,
Évidemment, puisqu’elle n’a pas été mise en œuvre !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
À un moment donné, il faut avancer ! Ce qui n’était pas concevable avant 2008 – l’intervention de la Banque centrale européenne, notamment, mais je pourrais citer toute une liste d’exemples – le devient en période de crise économique. Or, pour sortir de cette crise, il faut faire de la régulation financière. C’est cette logique que j’essaie de promouvoir en proposant de corriger ce système extrêmement nocif pour les acteurs du marché. Il faudra bien y venir à un moment quelconque !
Après tout, il arrive au Sénat d’innover ; c’est aussi une de ses missions. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette taxation, qui ne mérite pas d’être enterrée au cœur de cette nuit de novembre.
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Je souscris aux intentions.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
C’est déjà ça !
M. Jean-Marc Todeschini.
S’il s’agissait de signer dans un grand journal international une tribune relayant la proposition de Mme le rapporteur général, je le ferais dès demain.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Mais je voudrais vous faire part d’une expérience très récente. J’ai reçu cette semaine une délégation syndicale…
(Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Quel événement ! C’est rare !
M. David Assouline.
Il s’agissait de membres du personnel de NYSE Euronext Paris.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ils s’inquiètent, et on peut les comprendre, des modalités de la fusion annoncée du groupe auquel ils appartiennent, qui gère plusieurs places européennes, dont celle de Paris, et la bourse de New York – mais le
leadership
Deutsche Börse
Ces syndicalistes ont précisément évoqué devant moi cette question du
a fortiori
NYSE Euronext Paris n’est certes plus une structure très importante. Néanmoins, on a intérêt à sauvegarder certaines compétences dans toute une série de domaines.
Mes chers collègues, cet exemple tout à fait concret illustre le fait que voter la mesure proposée par Mme Bricq, au nom de la commission, simplement pour donner un signal tout en sachant que les techniques en question auront toujours cours sur la principale place financière européenne qu’est Londres, c’est s’abstraire du monde réel !
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente.
Depuis que vous êtes président de la commission des finances, monsieur Marini, vous avez tendance à oublier que vous avez été rapporteur général !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
(Sourires.)
Et voilà !
Mme Nathalie Goulet.
La vie est compliquée !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Nouveaux sourires.)
Mais vous êtes passé outre : vous avez défendu avec ardeur la taxe Google.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Et vous m’avez soutenu !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Si l’on écoutait les opposants à tout changement, on ne ferait jamais rien !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° I‑11.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Mme la présidente.
L'amendement n° I-92 rectifié, présenté par MM. Houel, Dallier, P. Dominati, Cambon et Bécot, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article 244
1° Le a) est abrogé ;
2° Au b) les mots : « , autres que celles mentionnées au a, » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
Je l’indique d’emblée, cet amendement, dont notre collègue Michel Houel a pris l’initiative, a un coût, contrairement à ce qui est indiqué dans son objet écrit, mais il est gagé.
M. Philippe Dallier.
Il vise à assouplir les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent déduire une partie des frais engagés lorsqu’elles sollicitent des cabinets de conseil pour établir les dossiers leur permettant d’accéder au crédit d’impôt recherche.
L’année dernière, pour mettre fin à certaines pratiques abusives, une très bonne mesure avait été adoptée : le plafonnement des montants éligibles à la déductibilité. En parallèle, toutefois, avaient été pénalisées les entreprises ayant recours à des cabinets de conseil dont la rémunération était non pas fixée de manière forfaitaire, mais calculée en pourcentage de la somme récupérée.
Pour les plus petites entreprises, auxquelles leurs moyens limités ne permettent pas toujours de rémunérer ces cabinets au forfait – car il peut être très élevé –, la signature d’un contrat ne leur coûtant de l’argent qu’à partir du moment où le dossier est convenablement présenté et où elles peuvent récupérer une partie de la somme engagée en crédit d’impôt recherche présente un intérêt.
On a voulu pénaliser ce type de contrat. Des pratiques un peu douteuses ont peut-être eu cours dans le passé, mais, aujourd'hui, les choses ont été clarifiées et il existe maintenant une réelle concurrence. Par conséquent, nous pourrions envisager d’assouplir la règle en vigueur.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La disposition que les auteurs de cet amendement proposent de supprimer résulte de l’article 41 de la loi de finances pour 2011. Elle avait été insérée par l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur général, Gilles Carrez. Il s’agissait d’éviter la situation absurde dans laquelle une dépense fiscale sert à rémunérer des cabinets de défiscalisation, réduisant d’autant son efficacité.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous souhaitez, monsieur Dallier, créer un régime de faveur dans le cas de la rémunération « au succès ».
Non, nous recherchons l’égalité entre tous les contrats.
M. Philippe Dallier.
Ne considérant pas la mesure proposée comme très opportune, j’émets un avis défavorable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je comprends la préoccupation de M. Houel.
Mme Valérie Pécresse,
Le crédit d’impôt recherche est effectivement une dépense fiscale extrêmement dynamique, ce dont, je l’espère, chacun se félicite dans cette enceinte, car cela prouve que notre pays bénéficie d’un système fiscal très favorable à la recherche-développement privée, ce qui, je le souhaite, permettra dans les prochaines années à de nombreux projets de R&D de se déployer en France et évitera les tentations de délocalisation, qu’illustre l’affaire Peugeot.
Il faut absolument que nous continuions à faire le pari de la R&D privée, talon d’Achille, on le sait, de l’industrie française.
Dans le même temps, se pose la question de la rémunération des consultants engagés par les entreprises pour préparer leur dossier de crédit d’impôt recherche, pour les conseiller, pour analyser la dépense fiscale éligible, pour les garantir contre le risque éventuel de contrôle fiscal, etc.
L’année dernière, le Parlement a adopté une disposition très astucieuse qui consistait à réduire le montant de la déductibilité au titre de la rémunération de ces cabinets de conseil.
Je crois que, aujourd'hui, il convient de stabiliser le dispositif du crédit impôt recherche. Les entreprises qui investissent dans le domaine de la recherche s’engagent pour cinq ans, dix ans ; elles ont besoin d’une certaine stabilité. Un crédit d’impôt recherche dont les règles de calcul changeraient chaque année serait source de difficulté pour elles.
Quant à la question des commissions à la réussite, des
success fees
Je n’arrive pas à savoir si cette disposition serait bénéfique pour nos PME ou si elle aurait un effet pervers. C'est pourquoi je préfère émettre un avis défavorable.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il s’agit non pas d’instaurer un régime de faveur pour les contrats de type
M. Philippe Dallier.
success fees
Les plus petites entreprises, qui hésitent à engager des fonds eu égard à leurs faibles ressources, peuvent aussi être dissuadées de déposer un dossier.
Cela étant, puisque cette mesure aurait nécessairement un coût, je retire l’amendement.
L'amendement n° I-92 rectifié est retiré.
Mme la présidente.
I. – L’article 39 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du 12 est ainsi rédigé :
« Lorsqu’il existe des liens de dépendance entre l’entreprise concédante et l’entreprise concessionnaire, le montant des redevances prises en compte pour le calcul du résultat net imposable selon le régime mentionné au 1 de l’article 39
2° Il est ajouté un 12
« L’excédent du montant total des redevances sur le résultat net mentionné au premier alinéa du présent 12
« Une fraction égale à 18/33,33 du montant des redevances déduites du résultat imposable au taux normal et afférentes à des licences et procédés donnés en concession au cours d’un exercice ultérieur est rapportée au résultat imposable au taux normal de l’exercice en cours à la date à laquelle l’entreprise qui en est concessionnaire les concède, sauf si cette entreprise satisfait à la condition mentionnée à la seconde phrase du premier alinéa du 12 à raison de la période couverte par les exercices au cours desquels ces redevances ont été déduites au taux normal. Le présent alinéa est applicable au montant des redevances déduites au cours des exercices couvrant l’une des trois années précédant la date à laquelle l’entreprise concessionnaire concède les licences ou procédés. »
II. – Le I est applicable aux exercices ouverts à compter du 13 octobre 2011.
L'amendement n° I-12 rectifié, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
I. – Alinéa 6
Après les mots :
L’excédent
insérer le mot :
II. – Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Cet amendement rédactionnel a pour objet de corriger une référence erronée du code général des impôts, dans le cas de la « clause anti-abus » relative aux entreprises sous-concédantes.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Valérie Pécresse,
Je mets aux voix l'amendement n° I‑12 rectifié.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° I-13, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Le taux d’imposition qui s’applique alors est de 20 %. »
IV. – Le III est applicable aux exercices et périodes d'imposition ouverts à compter du 1
II. – En conséquence :
A. Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa du a du I de l’article 219 et le taux normal prévu au deuxième alinéa du même I
par les mots :
au premier alinéa du 1 de l’article 39
B. Alinéa 6
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa du a du I de l’article 219 et le taux normal prévu au deuxième alinéa du même I
par les mots :
au premier alinéa du 1 de l’article 39
C. Alinéa 7
Remplacer la fraction :
par la fraction :
[13,1/3]/[33,1/3]
D. Alinéa 8
Après le mot :
insérer les mots :
ou périodes d'imposition
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Il s’agit d’appliquer un coup de « rabot » à la niche relative aux concessions de brevets.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’Assemblée nationale essaie régulièrement de mettre en place des dispositifs anti-abus. Malheureusement, ces derniers sont peu opérants et ne parviennent pas à décourager l’optimisation fiscale. C’est pourquoi j’utilise la méthode chère au président de la commission des finances : je rabote la niche. Je propose ainsi de porter le taux d’imposition de 15 % à 20 %, ce qui diminuera d’un montant non négligeable, 230 millions d'euros, une dépense fiscale qui est à l’heure actuelle de 850 millions d'euros et qui profite à un secteur bien identifié.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame la rapporteure générale, l’Assemblée nationale est animée comme vous par le souci d’éviter les abus dans le domaine de l’exploitation de brevets. C'est la raison pour laquelle elle a inséré dans le projet de loi un article 4
Mme Valérie Pécresse,
Nous ne voulons pas taxer davantage l’exploitation de brevets, car nous estimons qu’il est bon d’avoir un régime fiscal favorable. Toutefois, nous ne voulons pas non plus que des sous-concessions de brevets permettent à certains de bénéficier plusieurs fois de la défiscalisation. C’est ce dernier abus que l’article inséré par l’Assemblée nationale vise à interdire.
J’estime que, dans ce domaine comme dans bien d’autres – notamment celui du
Certaines taxes, comme la taxe Google, ont d’abord un peu fait sourire, mais on se rend compte aujourd'hui que la régulation est un art subtil,
a fortiori
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais souligner que se développe, depuis quelques années, tout un secteur dont l’activité consiste en fait à spéculer sur les brevets : des entreprises appelées des
M. Richard Yung.
patent trolls
C'est pourquoi je considère que la proposition de la commission est excellente. Peut-être même faudrait-il aller plus loin, car, je le répète, cette spéculation n’apporte rien à l’économie réelle de notre pays !
Je mets aux voix l'amendement n° I‑13.
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 4
Mme la présidente.
(L'article 4
est adopté.)
Au premier alinéa du 1 de l’article 39
L'amendement n° I-88, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Mme la présidente.
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 4
« Aux associés des sociétés d’exercice libéral exerçant en leur sein leur profession soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, relevant du régime social des indépendants, pour l’assurance maladie maternité, visé au 1° de l’article L. 611-2 du code de la sécurité sociale. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-89, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa du I. de l’article 211 du code général des impôts, après le mot : « participation », le mot « et » est remplacé par le signe de ponctuation : « , » et après les mots : « prévue au 3. de l’article 206 », sont insérés les mots : « et dans les sociétés d’exercice libéral pour les associés exerçant en leur sein leur profession soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, relevant du régime social des indépendants, pour l’assurance maladie maternité, visé au 1° de l’article L. 611-2 du code de la sécurité sociale ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État et les régimes sociaux de l’application du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
La parole est à M. le président de la commission.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le sentiment que, compte tenu du rythme auquel nous avançons, nous devrions pouvoir achever l’examen de la première partie du projet de loi de finances dans les délais que nous sommes fixés sans avoir besoin de siéger le lundi 21 novembre au matin. Cela répond-il à vos vœux ?
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
(Marques d’acquiescement.)
Cela suppose donc, évidemment, que nous nous engagions tous à faire en sorte d’arriver à bon port mercredi 23 novembre avant le dîner.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 21 novembre 2011, à quatorze heures trente et le soir :
Mme la présidente.
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012). Suite de l’examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 19 novembre 2011, à zéro heure cinquante.)
n° 1489 ‑ Le 24 novembre 2011 ‑
M. Jean‑Patrick COURTOIS
M. le ministre chargé des transports
Il demande donc, à cet effet, le déclassement de la route centre Europe atlantique de route nationale en route départementale. Cette proposition appelle trois questions :
Le département de la Saône‑et‑Loire peut‑il demander le transfert de la seule partie de la RCEA, située sur son territoire ?
Si le transfert était acté, comment l’État autorisera‑t‑il un département, en grande difficulté financière aujourd’hui, à emprunter plus de 550 millions d’euros pour la réalisation de ce projet. Par ailleurs dans l’éventualité d’un partenariat public‑privé l’engagement du département nécessite‑t‑il la consultation préalable d’autres collectivités avant que l’État n’accorde sa garantie ?
Enfin l’ensemble des exonérations lié à la mise en place du dispositif de l’éco taxe, avec un abattement, pouvant aller de 25 % pour certaines régions voire 40 % pour certains départements comme le Finistère, sera‑t‑il compensé par l’État ?
Toutes ces précisions sont nécessaires pour trouver à terme, dans ce dossier, la solution la plus adéquate, la plus équitable et la plus rapide possible.
n° 1490 ‑ Le 24 novembre 2011 ‑
M. Michel BILLOUT
Mme la secrétaire d’État chargée de la santé
À Melun, ville préfecture, le bloc chirurgical est fermé la nuit et le week‑end depuis plus de trois ans. Cette situation contraint le service des urgences à renvoyer les patients vers d’autres établissements ou, pour les cas extrêmes, à traiter les malades au bloc chirurgical de la maternité. Malgré ces entraves imposées par l’agence régionale de santé (ARS), la chirurgie viscérale de l’hôpital de Melun a augmenté, dans la même période, son activité de 15 %, avec plus de 2 500 actes opératoires par an. Des efforts bien mal récompensés puisque dans le projet de grand hôpital public‑privé de Melun qui devrait voir le jour en 2015, la chirurgie sera totalement confiée au secteur privé.
À l’hôpital de Fontainebleau, plusieurs chirurgiens ont renforcé l’équipe en 2007 et 2008 après l’arrêt de l’activité chirurgicale à l’hôpital de Nemours. Mais l’accès aux blocs opératoires est difficile par manque de salles d’opération car les moyens en surface et en personnels soignants n’ont pas été augmentés.
Aujourd’hui l’ARS demande aux chirurgiens de l’hôpital de Fontainebleau de participer aux gardes de Melun pour permettre la réouverture du bloc chirurgical la nuit. Or, si les chirurgiens de Fontainebleau se déplacent à Melun la nuit, ils ne pourront pas assurer le service normal à Fontainebleau le lendemain matin, réduisant d’autant l’activité de cet établissement.
Enfin, ce type d’organisation n’est pas sécurisé : le patient opéré dans la nuit à Melun ne sera pas suivi par l’opérateur, ce qui pose le problème de sécurité pour les patients et de responsabilité pour les praticiens.
Cette désorganisation de l’activité chirurgicale du secteur public, orchestrée par l’ARS, n’est‑elle pas à mettre en regard du projet de disparition totale de ce secteur au seul bénéfice du secteur privé à but lucratif avec l’ouverture des hôpitaux publics‑privés de Melun et Fontainebleau ?
Alors que, selon la Fédération hospitalière de France, les dépassements d’honoraires pour la chirurgie dans le secteur privé à but lucratif ont augmenté de 6 % chaque année depuis onze ans, il lui demande les mesures que compte prendre le Gouvernement pour redonner une cohérence à l’activité du secteur public de chirurgie dans le sud de la Seine‑et‑Marne et garantir l’accès pour tous les habitants à une chirurgie de qualité, au tarif du secteur 1 et sans dépassements d’honoraires ?
Il s’agit là d’une nécessité absolue à l’heure où nos concitoyens reculent de plus en plus le moment de se soigner au risque de voir s’aggraver leur pathologie, faute d’une prise en charge suffisante par l’assurance maladie.
n° 1491 ‑ Le 24 novembre 2011 ‑
M. Gilbert ROGER
M. le ministre de l’intérieur, de l’outre‑mer, des collectivités territoriales et de l’immigration
Le rôle des suppléants est encadré par les dispositions du premier alinéa de l’article LO. 176 du code électoral, qui dispose que : « Les députés dont le siège devient vacant pour cause de décès, d’acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits ou de prolongation au‑delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. Les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. »
Dès lors, il lui demande quelle est la légitimité d’un suppléant de député, qui s’arrogerait le titre de « député suppléant » pour s’imposer dans les manifestations publiques, qui bénéficierait à ce titre d’encarts dans la presse, ou disposerait d’une réserve parlementaire.
À la veille des élections législatives, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il compte prendre pour rappeler la loi.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
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DEBATS/SEN_20111020_085.xml | Discussion générale : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; M. Francis Grignon, rapporteur de la commission de l’économie.
MM. Daniel Dubois, Philippe Esnol, Mme Mireille Schurch, MM. Christian Bourquin, Alain Chatillon, Robert Navarro, Mmes Françoise Laborde, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. François Patriat, Louis Nègre, Joël Labbé, Roland Ries, Jean-Jacques Mirassou.
M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 12 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, Daniel Raoul, président de la commission de l'économie ; Louis Nègre, Daniel Dubois. – Rejet.
M. Roland Courteau.
Amendement n° 8 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 9 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Amendement n° 14 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, Louis Nègre, Alain Fouché, le président de la commission. – Rejet.
Amendements identiques n
Amendement n° 1 de M. Philippe Esnol. – Retrait.
Amendement n° 2 de M. Philippe Esnol. – MM. Roland Ries, le rapporteur, le ministre, Joël Labbé, Roland Ries, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Amendement n° 15 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 16 de la commission et sous-amendement n° 18 de Mme Mireille Schurch. – M. le rapporteur, Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 6 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 7 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Mirassou, Mme Mireille Schurch, M. le président de la commission. – Retrait de l’amendement n
Amendement n° 17 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 5 de M. François Patriat. – MM. François Patriat, le rapporteur, le ministre, Daniel Dubois. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean-Jacques Mirassou, Mmes Mireille Schurch, Marie-Hélène Des Esgaulx, M. le président de la commission.
Adoption du projet de loi.
MM. le rapporteur, le ministre.
Discussion générale : M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
Discussion générale
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture de la discussion générale.
Mme Marie-France Beaufils.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé.
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
Amendement n° 1 de la commission. – Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; MM. le ministre, Philippe Marini, président de la commission des finances. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé, modifié.
Amendement n° 2 de la commission. – Mme la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé.
Mme Nathalie Goulet.
Amendement n° 6 de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, MM. le ministre, le président de la commission. – Adoption.
Amendements n
Amendement n° 3 de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Amendements n
Mme la rapporteure générale, M. le ministre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean Arthuis, François Trucy, François Marc, Yannick Botrel. – Adoption de l’amendement n
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 8 rectifié de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 12 de M. Maurice Vincent. – M. Maurice Vincent, Mme la rapporteure générale, M. le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. Yann Gaillard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. le ministre.
Amendement n
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé, modifié.
M. le président de la commission, Mme Marie-France Beaufils.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
M. le président.
- en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l’avenant n° 2 à la convention entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Instituts hospitalo-universitaires », publiée au
Journal officiel
- en application de l’article 1
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Le premier a été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le second à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables (projet n° 783 [2010-2011], texte de la commission n° 22, rapport n° 21).
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à Voies navigables de France qui vous est soumis aujourd’hui est une nouvelle traduction concrète des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de transport. Il est en effet l’expression de la volonté, partagée par tous les acteurs concernés, de renforcer le report modal vers la voie d’eau et de faire évoluer la part du transport non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet,
ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Face à ses voisins allemands, néerlandais ou belges, qui ont misé très tôt sur les capacités de la voie d’eau en matière de transport de fret, la France prend, à son tour la pleine mesure du formidable potentiel de développement du transport fluvial. Les excellents chiffres du trafic de fret, notamment en 2010, avec une progression de 8,6% des volumes transportés, témoignent du regain et de la vigueur de ce mode de transport, en démontrent la faisabilité et laissent ouverte la possibilité d’aller plus loin. Pour la première fois depuis les années soixante-dix, le transport de fret a dépassé en 2010 les 8 milliards de tonnes–kilomètres sur une année.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, vise donc à nous permettre de rattraper notre retard par rapport à nos voisins européens – voire à les dépasser –, et à dessiner les contours du mode fluvial de demain. Il prévoit, pour ce faire, de modifier en profondeur l’organisation du service public de la voie d’eau.
Comme vous le savez, le Grenelle de l’environnement a donné au transport fluvial un caractère prioritaire. Le programme prévu par la loi Grenelle 1, avec la réalisation du canal Seine-Nord Europe, la régénération du réseau magistral et l’organisation de débats publics sur de nouvelles liaisons à grand gabarit, a en effet permis au transport fluvial de franchir une première étape.
Pour autant, l’organisation du service public de la voie d’eau n’est pas optimale. C’est d’elle qu’il est question aujourd'hui.
L’établissement public industriel et commercial créé en 1991 pour exploiter, entretenir, améliorer, développer et promouvoir les voies navigables – Voies navigables de France – ne maîtrise pas encore suffisamment aujourd’hui les moyens indispensables à sa gestion. Il n’exerce en effet qu’une autorité limitée sur les agents qui lui sont pourtant entièrement dédiés et qui sont indispensables à son bon fonctionnement. L’établissement ne contrôle également que très peu sa propre organisation territoriale.
Surtout, l’état des lieux du réseau impose la mise en place d’actions urgentes d’amélioration. Une réforme du service public de la voie d’eau est donc aujourd’hui nécessaire.
En effet, la volonté de mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens suppose non seulement d’accroître la compétitivité du transport fluvial et de disposer d’un réseau modernisé et fiabilisé mais également de s’appuyer sur une organisation plus efficace, en confiant la responsabilité de la gestion de ce réseau et des moyens correspondants à une entité unique.
C’est pourquoi la principale disposition du projet de loi consiste à transformer Voies navigables de France en un établissement public administratif de l’État, qui regroupera les 400 salariés de l’actuel établissement et les 4 500 agents des services déconcentrés de l’État qui, de fait, travaillent pour lui. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et d’unifier les compétences et les moyens au sein d’un nouvel établissement au service de la voie d’eau.
Concrètement, le projet de loi donne désormais au directeur général de l’établissement autorité sur toutes les catégories de personnels de l’établissement : les fonctionnaires, les ouvriers des parcs, des ateliers et des bases aériennes de l’État, les agents contractuels de droit public ainsi que les salariés régis par le code du travail. Le directeur général aura également des compétences en matière de rémunération, de gestion, de recrutement et de formation afin de lui permettre de développer une politique d’emploi adaptée.
Pour aboutir à ce projet, Thierry Mariani et moi-même avons mené une large concertation avec les représentants des personnels du ministère et de Voies navigables de France, tant sur le contenu de la réforme que sur les contours du nouvel établissement public. Il en est ressorti un consensus sur le développement de la voie d’eau, à laquelle les personnels sont extrêmement attachés. À travers l’engagement dont ils ont fait preuve par le passé et à l’occasion des discussions que nous avons menées, ils ont tous témoigné de l’intérêt qu’il portait à ce « métier de passion ».
Cette indispensable concertation a également permis de définir les garanties à apporter aux agents.
Nous avons ainsi veillé à ce que le projet de loi garantisse à chaque catégorie d’agent le maintien de son statut ou la conservation des stipulations de son contrat.
Nous nous sommes également attachés à ce que le regroupement des instances de gouvernance, de concertation et de représentation des personnels au sein du nouvel établissement tienne compte de la diversité des salariés. Cette vision partagée nous a dès lors permis de signer un protocole d’accord avec la majorité des organisations syndicales. C’est sur la base de ce dernier qu’est fondé le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.
Le Gouvernement, je le dis solennellement, est très attaché au respect des équilibres qui ont pu être trouvés dans le cadre de cette concertation, afin que puissent être apportées les meilleures garanties qui soient à la concrétisation future d’une véritable communauté de travail, qui est toute l’ambition de ce projet de loi.
Le second apport du projet de loi est de renforcer les missions de l’établissement afin d’affirmer sa contribution à la réalisation des objectifs du Grenelle en matière de développement du transport fluvial, et ce en parfaite complémentarité des autres modes de transport.
Cet objectif vise prioritairement le grand gabarit. Mais sachez que le réseau touristique et l’indispensable prise en compte des préoccupations d’aménagement du territoire ne sont pas oubliés. Je sais à quel point le Sénat est attaché à ces problématiques.
Le projet de loi renforce les missions historiques d’entretien, d’exploitation et de développement de la voie d’eau de l’établissement, en confortant son rôle en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. Il prend notamment en compte la diversité des vocations de la voie d’eau comme réseau de transport, qu’il soit dédié au fret ou au tourisme.
Le rôle de l’établissement en matière de gestion hydraulique est également renforcé afin que soient pris en considération les enjeux liés au partage de la ressource en eau, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, combien ce point est important à vos yeux.
Enfin, dans la perspective d’accroître les ressources de l’établissement et de lui permettre de valoriser le domaine de l’État qui lui est confié, le projet de loi lui confère également des compétences nouvelles pour exploiter, à titre accessoire – ce n’est pas, j’y insiste, son objet principal –, l’énergie hydraulique des cours d’eau, au moyen d’installations ou d’ouvrages situés sur le domaine public fluvial. Il s’agit de mettre au service de la voie d’eau, en motivant l’opérateur qui la gérera, des ressources qui lui seront extrêmement utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de fêter l’anniversaire de Voies navigables de France : vingt ans après sa création, il était temps d’en faire un établissement disposant des leviers et des moyens qui lui permettront d’aller encore plus loin et d’atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement que j’évoquais il y a un instant.
Les ressources que je viens de citer ne sont pas les seules, mais ces ressources nouvelles témoignent de notre ambition.
Pour mettre en œuvre les objectifs ambitieux du Grenelle, l’établissement a besoin de bien d’autres volumes financiers. Il disposera ainsi de moyens supplémentaires afin de moderniser, restaurer et sécuriser le réseau.
Concernant le grand gabarit, l’objectif est d’ouvrir la navigation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme le font déjà nos voisins du nord ; c’est d’ailleurs une des clés de leur succès.
Pour ce qui concerne le réseau touristique, il s’agit de mettre en place une offre de service adaptée, qui tienne compte de la saisonnalité de ce secteur et de la réalité des besoins.
La mise en ouvre du programme d’investissements par VNF aura également un impact important, positif, sur les conditions de travail des agents, notamment en matière de sécurité au travail. Les barrages manuels seront ainsi progressivement remplacés, parallèlement à la remise en état des équipements de sécurité des ouvrages.
Pour ce programme, l’État a décidé d’attribuer à l’établissement des ressources supplémentaires, notamment par l’augmentation de la taxe hydraulique que vous avez votée l’an dernier et qui devrait apporter à l’établissement 30 millions d’euros en année pleine. Ces ressources sont affectées au financement d’un plan d’investissement de 840 millions d’euros pour les années 2010 à 2013, un niveau jamais atteint depuis la création de l’établissement. Ces moyens additionnels sont véritablement un gage de réussite de la réforme et une illustration supplémentaire des ambitions qui sont les nôtres dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de conclure mon propos et sans préjuger des améliorations que vous apporterez à ce projet de loi, je souhaite que nos débats permettent de dégager la meilleure organisation possible du service public de la voie d’eau.
Ce texte, vingt ans après la création de VNF, est en effet une étape essentielle, cruciale, dans le développement de la voie d’eau, que nous sommes très nombreux, ici, à appeler de nos vœux.
Il est fondateur d’une nouvelle ambition pour notre pays. Je l’ai dit : nous pouvons rattraper, et même dépasser, nos voisins du nord. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un opérateur renouvelé, doté de nouvelles compétences, de nouveaux moyens et d’une nouvelle organisation.
Conformément aux exigences du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a tenu, dans le respect et l’écoute de l’ensemble des acteurs concernés, à faire de ce texte l’assise de cette ambition renouvelée du transport fluvial que, j’en suis convaincue, vous partagez.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi en commission s’est déroulé dans des conditions particulières, puisque j’ai été désigné rapporteur provisoire le 7 septembre, avant d’être confirmé dans mes fonctions le 6 octobre. Je remercie les présidents et les membres successifs de la commission de m’avoir fait confiance.
M. Francis Grignon,
rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Ce projet de loi vise, pour l’essentiel, à regrouper dans un même établissement public les 400 salariés de Voies navigables de France et les 4 400 agents des services de l’État qui travaillent pour les voies navigables. En effet, depuis sa création en 1991, l’État a confié à l’établissement public VNF la gestion de la plus grande partie du domaine public fluvial, en gardant les services de la navigation dans le giron du ministère. Ainsi, VNF est donneur d’ordre, mais il n’a pas d’autorité hiérarchique sur les services de la navigation : en termes de management, on appelle cela l’autorité « fonctionnelle », et tout gestionnaire sait combien ce système gêne l’action.
Vingt ans après, le Gouvernement propose de mettre fin à cette organisation : c’est d’autant plus opportun, et nécessaire, que l’heure est à la relance de la voie d’eau pour atteindre le report modal fixé par le Grenelle de l’environnement.
Ce projet de loi a été négocié avec les organisations représentatives des personnels concernés pendant six mois. Les négociations ont abouti, au début de l’été dernier, à la signature de deux documents cadres. Pour les agents publics, un protocole d’accord a été signé le 24 juin dernier par la CGT, la CFDT, l’UNSA ; seule FO a voté contre. Pour les salariés du privé, un accord cadre a été accepté le 1
Que disent ces accords ? D’abord, que l’établissement public industriel et commercial VNF devient un établissement public administratif, dénommé « Agence nationale des voies navigables » ; que les voies navigables demeurent la propriété de l’État ; que les avantages individuels et collectifs des agents publics et des salariés du privé sont préservés : leur emploi, bien sûr, mais également leurs avantages statutaires ou contractuels, individuels et collectifs. Ces accords précisent ensuite qu’aucun agent ne se verra imposer une mobilité géographique. Enfin, ils affirment que la relance de la voie d’eau concerne toutes les voies navigables, et pas seulement celles qui sont dédiées au fret. Dans ces conditions, on comprend pourquoi l’acceptabilité sociale a pu être majoritairement obtenue.
Nous sommes nombreux, cependant, à constater le décalage entre l’ampleur du travail à accomplir pour développer nos voies navigables et la focalisation si étroite de ce texte : tous les grands sujets d’aménagement du territoire en sont absents, puisqu’on ne fait ici que changer la gouvernance de VNF.
En réalité, c’est dans le schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, et dans les budgets successifs que nous aurons une première réponse à la problématique des voies navigables en France. Pour l’heure, il vaut mieux faciliter l’effort entrepris en acceptant ce texte, même partiel, et en l’améliorant.
Je voudrais néanmoins évoquer en quelques mots la problématique de nos voies navigables. Je n’étonnerai personne en disant qu’elles sont en mauvais état et qu’elles sont peu adaptées au fret contemporain. Nos voies navigables sont parmi les plus longues d’Europe, avec 8 500 kilomètres, mais leur gabarit est insuffisant, notre réseau manque de cohérence et les équipements sont généralement en très mauvais état, faute d’entretien, et ce depuis des dizaines d’années.
Dans la compétition logistique entre la route, le fer et l’eau, les voies navigables ne sont économiquement avantageuses qu’à partir d’un certain seuil de « massification » : elles peuvent être compétitives pour le transport lorsqu’elles peuvent faire circuler des péniches de plus de 650 tonnes, c'est-à-dire lorsque les voies sont dites « à grand gabarit ».
Or, sur l’ensemble de notre réseau, à peine 20 % de nos voies navigables atteignent ce seuil ; songez qu’en Allemagne c’est 70 % des voies navigables qui sont à grand gabarit ! On comprend pourquoi une autoroute fluviale relie le port de Rotterdam à Duisbourg, en Allemagne, d’où partent chaque jour une centaine de trains vers le reste de l’Europe...
Qui plus est, nos voies d’eau à grand gabarit sont mal reliées entre elles, car elles sont enclavées dans nos grands bassins : c’est tout l’enjeu du canal Seine-Nord, dont nous allons reparler, que de relier le bassin de la Seine au reste de l’Europe par la voie navigable.
Nos grandes voies d’eau enfin manquent d’entretien. Dans le rapport qu’il nous a remis en avril dernier sur l’état de nos voies navigables, le Gouvernement constate lui-même que le réseau est « vieilli, usé » et il chiffre la modernisation des seules voies à grand gabarit à 2,5 milliards d’euros, dont 1,2 milliard d’euros pour sa simple remise en état.
On comprend, dans ces conditions, les difficultés du report modal : depuis dix ans, le fret fluvial progresse de 9 % chaque année, notamment grâce aux conteneurs, mais sa part dans le trafic global est stable, en dessous de 4 %. C’est dire que nous avons du chemin à faire pour atteindre l’objectif intermodal du Grenelle. Pour le seul fret fluvial, il faudrait doubler le trafic d’ici à 2018 !
L’intérêt de nos voies d’eau, cependant, va bien au-delà du seul secteur du transport. Nous redécouvrons que nos voies navigables sont une chance pour notre pays : elles sont importantes pour l’accès à l’eau potable, pour l’industrie et pour l’agriculture. Nos barrages et les réservoirs sont utiles dans la prévention des inondations ou bien encore en cas de sécheresse. Les voies d’eau prennent de la valeur dans la vie quotidienne de nos concitoyens : on ne compte plus les aménagements de berges et les programmes de rénovation de quais dans les villes, témoins de cette redécouverte des plaisirs au fil de l’eau et de la qualité de vie au bord d’un canal.
Nos voies navigables, enfin, sont un facteur d’attractivité important pour la France, qui se glorifie d’être la première destination touristique mondiale. En d’autres termes, le gestionnaire de la voie d’eau doit, bien évidemment, se soucier du trafic fluvial ; mais il participe également à une mission bien plus large d’aménagement durable du territoire, une mission qui implique peu ou prou les collectivités publiques dans leur ensemble – État et collectivités territoriales – et à laquelle nos concitoyens sont très attentifs.
Le Gouvernement, pour atteindre l’objectif intermodal du Grenelle, investit dans le fluvial. L’idée d’une « relance de la voie d’eau » n’est pas nouvelle : c’est même celle qui a présidé à la création de VNF, il y a vingt ans, par le gouvernement de M. Rocard. « Le renouveau fluvial est un fait européen », avait déclaré le ministre de l’équipement Michel Delebarre. L’État confiait alors la gestion de son réseau à l’EPIC VNF, en lui affectant le produit d’une taxe nouvelle : la taxe hydraulique, qui représente aujourd’hui plus des deux tiers des ressources de l’établissement public.
L’État, cependant, a laissé son établissement public bien seul pendant de bien longues années. Songez qu’il a fallu attendre la fin de l’année 2004 pour que l’État formalise une stratégie, dans un contrat d’objectifs et de moyens, alors que la loi de 1991 prescrivait la définition d’un document stratégique pour cadrer l’action de son établissement public.
C’est donc seulement dans les années 2000 que la relance de la voie d’eau a pris de la consistance. Depuis le Grenelle de l’environnement, les choses s’accélèrent. Ainsi, le canal Seine-Nord, dont la réalisation a été annoncée pour 2019, permettra d’ouvrir la voie vers l’Europe du nord.
Dans ces conditions, VNF a défini en 2010 un programme très ambitieux, d’un montant global de 2,5 milliards d’euros pour la décennie. Ce programme comprend des investissements pour élargir les gabarits, moderniser les barrages et les écluses, ouvrir les voies principales 24 heures sur 24, comme chez nos voisins belges, hollandais et allemands.
L’État concentre donc ses efforts sur le fret fluvial compétitif, c’est-à-dire sur les voies à grand gabarit, avec en ligne de mire l’objectif du report modal défini par la loi de programme du Grenelle.
Les moyens suivront-ils ? Je crois que nous pouvons tous reconnaître que les investissements progressent. Du début des années 2000 à aujourd’hui, le rythme des investissements a quasiment doublé : nous sommes passés de 100 millions d’euros par an à 185 millions l’an passé, et VNF compte investir 200 millions cette année. Il y a eu le plan de relance, qui a apporté 50 millions d’euros annuels en 2009 et 2010. Pour cette année, nous avons voté une augmentation de la taxe hydraulique en loi de finances, qui devrait rapporter 30 millions supplémentaires, et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France contribuera pour 40 millions. Les régions contribuent également, dans le cadre des contrats de plan État-région : pour la période 2010-2013, les crédits contractualisés représentent un peu plus de 20 % des investissements programmés par VNF.
Ce rythme encourageant, qui correspond au programme de VNF pour les dix ans à venir, sera-t-il tenu ? Il est bien sûr difficile de le garantir, mais les engagements tenus à ce jour me paraissent justifier notre entier soutien à l’action entreprise : le programme de modernisation de notre réseau à grand gabarit est enfin lancé, il faut le soutenir !
Je crois donc que c’est ainsi qu’il nous faut comprendre ce texte : nous allons parler établissement public, institutions représentatives du personnel, modalités de transfert des personnels en cas de décentralisation des voies d’eau, mais le souffle qui anime ce texte, vous l’avez compris, est ailleurs. Le Gouvernement investit pour la voie d’eau et il compte, avec ce texte technique, lui donner les meilleures chances d’arriver à bon port, ce qui ne nous interdit pas, bien entendu, d’améliorer les dispositions proposées !
Sans entrer dans le détail, je relèverai que la commission a apporté des améliorations sur quatre points.
Premièrement, nous avons maintenu le nom de VNF à l’établissement gestionnaire des voies navigables : depuis vingt ans, VNF a acquis une notoriété, en particulier auprès de ses clients, et les agents des services de la navigation utilisent des vêtements de travail et des véhicules siglés « VNF ». Dans ces conditions, le maintien du nom nous est apparu de bon sens et de bonne gestion.
Deuxièmement, nous avons élargi et précisé les missions de l’établissement public. Le Gouvernement propose d’en faire un établissement public administratif, parce que VNF, après le regroupement, comptera 93 % d’agents de droit public, parce que 85 % de ses ressources proviendront de subventions et de taxes, mais aussi parce que les agents des services de la navigation ont manifesté leur préférence pour un EPA, dans lequel ils voient une garantie pour leur emploi.
Nous devons nous assurer, cependant, que ce statut n’empêche pas l’action de l’établissement en matière de développement de la voie d’eau, lequel a une forte composante industrielle et commerciale.
C’est pourquoi la commission a accepté de confier à cet EPA des compétences qui relèvent généralement de l’EPIC.
Le législateur peut tout à fait composer le type d’établissement public qu’il estime le plus souhaitable par rapport à l’objectif visé. Il est même le seul à pouvoir le faire, en vertu de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi détermine les grands principes et donne au pouvoir réglementaire les indications pour que ces grands principes soient respectés.
En conséquence, la commission a accepté que VNF puisse conduire des opérations d’aménagement pour valoriser le domaine public fluvial, y compris en créant des filiales et en prenant des participations dans des sociétés et groupements.
La commission a toutefois établi un lien plus direct de ces opérations avec les missions de VNF. Ainsi, nous débattrons à l’article 1
S’agissant toujours des missions, la commission a tenu à lever toute ambiguïté sur le fait que l’État conserve bien une compétence générale sur les voies navigables non transférées aux collectivités locales.
Nous avons bien évidemment complété la mission de gestion hydraulique, en précisant que VNF devrait concilier les usages diversifiés de la ressource aquatique et assurer l’entretien comme la surveillance des ouvrages et des aménagements hydrauliques.
Nous avons inclus dans les missions de VNF la conservation du patrimoine qui lui est afférent.
Troisièmement, nous avons cherché à accompagner au mieux le regroupement des agents de droit public et des salariés de droit privé. Le texte prévoit ainsi que VNF les comptera tous dans son personnel, de manière pérenne. C’est reconnaître que « la communauté du fluvial » a deux composantes, l’une publique, l’autre privée, partageant le même objectif : développer les voies navigables.
Dès lors, nous avons adopté une rédaction indiquant clairement au pouvoir réglementaire que chacune de ces deux composantes doit pouvoir s’exprimer collectivement, dans le fonctionnement ordinaire et pérenne de VNF. Ce principe a des répercussions très précises sur le nombre de représentants du personnel au conseil d’administration, ainsi que sur les institutions représentatives du personnel. Nous y reviendrons amplement dans l’examen des articles.
Quatrièmement, enfin, nous avons tenu à éviter tout empiètement de ce texte sur les accords passés entre l’État et les collectivités territoriales sur le transfert de voies navigables. La décentralisation des voies dites « secondaires » est un enjeu très important. Le présent texte se contente donc de préciser que les transferts à venir, qui restent facultatifs, se feront depuis VNF, et non plus depuis l’État. Cependant, cette modalité technique ne doit pas être défavorable aux accords d’expérimentation passés à ce jour, comme c’est le cas pour la région Bourgogne. Pour s’en assurer, la commission a précisé la rédaction du texte.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte technique et limité dans son objet…
Très limité !
MM. Roland Courteau et Jean-Jacques Mirassou.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
(M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Les pouvoirs publics engagent un effort financier sans précédent depuis des décennies ; VNF n’a pas ménagé sa peine pour orchestrer la relance ; les agents de la communauté du fluvial sont mobilisés : apportons-leur notre soutien !
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par une question : était-il nécessaire de changer le statut de VNF pour rassembler sous une même bannière – ce qui est évidemment nécessaire – les quelque 5 000 personnes œuvrant pour les voies navigables ?
M. Daniel Dubois.
En droit, la réponse est non.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l’économie.
Il n’y a pas d’obstacle juridique à ce que des agents publics intègrent un établissement public industriel et commercial.
M. Daniel Dubois.
Très bien !
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l’économie.
Il n’existe pas non plus d’ailleurs d’obstacle en opportunité : à l’heure où le Gouvernement recherche plus de souplesse dans sa gestion administrative, il aurait eu intérêt à ce que les futurs employés de VNF aient systématiquement un contrat de droit privé.
M. Daniel Dubois.
Pour l’image que renvoie VNF, j’aurais naturellement souhaité le maintien du statut d’EPIC, car c’est bien une mission industrielle et commerciale que réalise VNF. La logique économique doit d’ailleurs dicter la cohérence de la gestion du domaine public fluvial, et notamment de ses investissements stratégiques, pour le développement du fret fluvial et multimodal. Malheureusement, on en parle assez peu.
C’est tout à fait dommage car, comme cela a été souligné tant par M. le rapporteur qu’en commission des affaires économiques, le présent projet de loi offrait justement l’opportunité de renforcer cette approche.
Le changement de nature de l’établissement est donc pour moi et pour le groupe que je représente une contorsion plus qu’une nécessité.
Du coup, on fait rentrer artificiellement dans un établissement public administratif des missions et des financements propres aux établissements publics industriels et commerciaux, faisant finalement en l’occurrence de VNF une structure
(M. le président de la commission de l’économie proteste.)
Au demeurant, madame la ministre, il me semble opportun de souligner l’intérêt évident qu’il y a à rassembler les salariés sous une même bannière, un même commandement. Nous sommes sur ce point tout à fait d’accord. Je crois d'ailleurs que la plupart d’entre nous souscrivent à cette réforme de bon sens.
En effet, jusqu’à présent, comme cela a été dit tout à l’heure, si VNF employait directement 369 salariés de statut privé, il utilisait également 4 400 agents des services déconcentrés de l’État mis à sa disposition par le ministère chargé des voies navigables. Le personnel relevait donc à la fois de l’autorité fonctionnelle de VNF et de l’autorité hiérarchique du ministère, ce qui posait évidemment des difficultés de gestion, de responsabilisation du personnel et de modernisation de l’établissement.
Cette réforme me semble donc tout à fait nécessaire. Elle donne à VNF une structure managériale plus solide, plus lisible, lui permettant de mener plus efficacement ses missions de modernisation et de développement des voies navigables. Et, dans ce domaine, il y a effectivement du travail !
Ce n’est donc pas l’objet même de la réforme que nous contestons. Ce sont plutôt les montages juridiques.
Les voies fluviales navigables ont longtemps été délaissées. L’entretien et l’exploitation des quelque 2 000 ouvrages – écluses, barrages... – appartenant à VNF font l’objet d’un sévère sous-investissement. En conséquence, notre réseau fluvial n’est pas compétitif aujourd’hui, alors même que le trafic de conteneurs explose ! Le réseau fluvial national dispose de réserves de capacité importantes et pourrait recevoir trois à quatre fois plus de trafic selon les sections concernées.
À l’instar de nos façades maritimes, c’est de l’or bleu qu’il met entre nos mains. Or nous ne faisons pas assez pour son développement, même s’il est vrai que le Gouvernement a engagé des réformes de fond qui étaient nécessaires ; je pense à la réforme des ports.
Il est donc urgent d’entreprendre aujourd’hui la modernisation et le développement du réseau et de réaliser des plateformes logistiques multimodales sur le domaine public fluvial. Cela permettrait l’accroissement du trafic fluvial.
Des chantiers d’ampleur doivent être engagés, selon une stratégie bien définie. Ainsi, nous pourrons nous approcher de l’objectif du Grenelle de l’environnement, qui vise à faire passer le fret non routier de 14 % à 25 % en quinze ans.
Monsieur le ministre, il aurait été souhaitable, à ce propos, que le Gouvernement inscrive ces objectifs dans le présent projet de loi. Nous déplorons ce manque. Le texte aurait dû prendre en compte cet enjeu, et c'est la raison pour laquelle nous soutiendrons un amendement tout à fait cohérent qui va dans ce sens.
Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Au vu de l’ampleur de la modernisation des voies fluviales à entreprendre, on peut se féliciter, d’une part, que le nouvel établissement conserve ses leviers financiers de péages et de taxes et, d’autre part, que l’État finance la « dot de la mariée », à hauteur de 840 milliards d’euros. Le réseau en a effectivement bien besoin.
M. Daniel Dubois.
Je ne doute pas que cette somme sera bien utilisée et qu’elle sera reconduite pour que le schéma national des infrastructures de transport que l’on a adopté en début d’année puisse tenir ses promesses.
Bien sûr !
M. Roland Courteau.
En outre, monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’intérêt qu’il y a à mieux associer les collectivités dans le fonctionnement de l’Agence.
M. Daniel Dubois.
Il nous faudrait réfléchir par exemple à une ouverture plus large du conseil d’administration aux élus locaux, pour améliorer le dialogue entre VNF et les collectivités. Par ailleurs, l’opacité de nombreuses décisions prises ces dernières années en matière de police de l’eau a multiplié les contentieux. Élargir le conseil d’administration serait donc vraiment souhaitable.
À défaut, l’institution d’un médiateur permettrait de régler les problèmes, en relation avec les collectivités concernées.
Il y a en tout état de cause sur ce sujet un vrai problème, qu’il convient de régler.
Enfin, dans la perspective de la modernisation du réseau de fret fluvial et en tant qu’élu de la Somme, je souhaite saluer l’engagement du Président de la République.
(Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mais, mes chers collègues, il faut reconnaître ce qui est ! Vous ne pouvez pas à la fois défendre les voies fluviales et ne pas noter que, si le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe voit le jour, c’est bien grâce à la volonté du Président de la République !
On ne peut en dire autant du canal du Midi !
M. Claude Bérit-Débat.
En tous les cas, dans le Nord et dans la Somme, nous en sommes conscients.
M. Daniel Dubois.
Il est évident que, si le Président de la République n’avait pas lancé la procédure de dialogue compétitif, le chantier du canal Seine-Nord Europe n’aurait pas été engagé. Or il s’agit d’un enjeu majeur à la fois pour le développement du fret fluvial et pour le renforcement de la présence de notre pays dans ce secteur. Ce constat est incontournable.
Le fait de relier le nord de l’Europe au Bassin parisien va permettre de transporter de l’ordre de 13 millions à 15 millions de tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 500 000 poids lourds, par an
(Pas mal ! sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste et républicaine soutient l’ensemble du projet de loi, à l’exception des deux points que j’ai soulevés tout à l'heure : la forme juridique de la nouvelle structure et le manque d’ambition au regard de l’enjeu stratégique qui est en cause.
J’espère que le nouveau statut de VNF ne fera pas obstacle à son développement industriel et commercial, qui est attendu par les territoires et par les entreprises.
(Applaudissements
sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Philippe Esnol.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est important et je suis très heureux, en tant que sénateur récemment élu dans les Yvelines, de m’être vu confier la charge d’exprimer la position du groupe socialiste sur un tel sujet.
M. Philippe Esnol.
En effet, nous voterons dans quelques minutes sur une série de mesures, techniques certes, mais essentielles pour l’organisation et les conditions de travail de près de 5 000 agents – 4 400 agents publics de l’État et 400 agents privés employés à ce jour par Voies navigables de France. Il s’agit de permettre à l’ensemble de ces agents de mieux travailler ensemble à la promotion et à l’exploitation du réseau fluvial français en les regroupant au sein d’un même établissement. Nous verrons au cours de notre discussion si les conditions sont remplies pour atteindre cet objectif ; mais c’est à ces femmes et à ces hommes, qui travaillent chacune et chacun au service de notre pays, qu’il nous faut d’abord penser en abordant l’examen de ce texte.
Ce projet de loi s’insère bien évidemment dans une stratégie plus globale d’essor du trafic fluvial, plus particulièrement du transport de marchandises et de fret, qui relève, j’y insiste, d’une impérieuse nécessité, notre pays ayant accumulé un grave retard en termes d’investissements publics et d’infrastructures depuis de trop nombreuses années.
Sur ce sujet, monsieur le ministre, vous ne trouverez chez les socialistes que des alliés. En effet, la promotion du trafic fluvial est une préoccupation que nous partageons sans réserve, comme nos amis écologistes bien évidemment.
La France est dotée de 8 500 kilomètres de voies navigables. Or nos routes sont saturées, notamment par le trafic de marchandises, et le report modal n’est plus une simple option : il est devenu nécessité.
En ce domaine, le Grenelle de l’environnement, aux objectifs duquel nous souscrivons largement, même si nous déplorons souvent l’insuffisance des moyens affectés à leur réalisation, fixe un chiffre clair : porter de 14 % à 25 % la part cumulée du fret ferroviaire et fluvial dans le transport de marchandises.
Il y aurait beaucoup à dire – et à redire – sur la manière dont la politique de fret de la SNCF est réduite à la portion congrue. Les fermetures de gares de triage, l’absence de volonté politique et la frustration des cheminots sont des éléments suffisamment parlants… Mais tout cela ne fait pas partie de notre ordre du jour.
Concernant le transport fluvial, l’enjeu consiste tout simplement à doubler le trafic actuel. Cet objectif, nous pouvons l’atteindre, tant nous sommes en retard au regard de nos possibilités et par rapport aux grands ports fluviaux du nord de l’Europe, comme Rotterdam ou Bruges. Nous sommes en retard, surtout, en termes d’investissements publics. Songez que nos infrastructures fluviales ont été modernisées pour la dernière fois dans les années 1920, qui ont vu l’achèvement du programme Freycinet ! Il nous faut passer à une nouvelle étape du transport fluvial et remettre en état un réseau qui ne répond plus aux normes internationales, accroître les capacités et les gabarits du réseau principal, assurer la sécurisation des voies, garantir la mise en conformité environnementale du réseau et de son exploitation, permettre, aussi, l’essor du réseau secondaire dans les domaines du tourisme, des loisirs et de la plaisance, qui sont réellement porteurs de développement au niveau local.
Sur tous ces sujets, nous considérons qu’il faut faire confiance à Voies navigables de France et lui donner les moyens d’agir, en réalisant notamment le plan d’investissement annoncé pour la période 2010-2018.
Vous comprendrez que l’élu des Yvelines que je suis insiste tout particulièrement sur la nécessité d’une stratégie globale et coordonnée avec les collectivités territoriales, dans tous les programmes d’aménagement conduits dans ce cadre. La ville de Conflans-Sainte-Honorine, dont je suis le maire, participe à l’opération d’intérêt national « Portes de Paris », dont l’enjeu majeur est le développement du trafic et le renforcement de la Seine en tant qu’axe principal d’échanges depuis l’Atlantique vers le reste de l’Europe ainsi que, bien sûr, en sens inverse.
Concernant ces points vitaux, sur lesquels, je le répète, nous visons les mêmes objectifs que le Gouvernement, le groupe socialiste déposera des amendements tendant à la précision et à l’amélioration du projet de loi.
Nous voulons, d’une part, nous assurer que l’établissement nouvellement créé par le projet de loi conserve dans ses missions une obligation de respect des territoires, de leurs activités et de leur cohérence, très concrètement en veillant à la compatibilité des opérations d’aménagement avec les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, qui auront été votés localement par les collectivités territoriales concernées.
Nous voulons, d’autre part, dissiper un malentendu qui pourrait résulter de la rédaction actuelle du projet de loi et qui ne doit pas perdurer. Vous verrez que, si nous ne sommes pas hostiles par principe à ce que le nouvel établissement puisse procéder à la création de filiales et à des prises de participations, nous proposerons des amendements qui permettront de beaucoup mieux les encadrer légalement, afin d’écarter toute tentation d’en faire une activité de pure valorisation foncière et immobilière. De telles activités, vous en conviendrez, ne relèveraient pas d’un exercice correct des missions assignées à un établissement chargé de la promotion et de l’exploitation de notre réseau fluvial... Mais nous reviendrons dans le détail sur ces questions au cours de la discussion des articles.
Venons-en enfin à ce qui constitue le cœur de ce projet de loi, à savoir le regroupement des personnels publics et privés au sein de VNF. Sur ce sujet, nous sommes très clairs : c’est le respect absolu du dialogue social qui doit toujours prévaloir, à savoir le respect des accords négociés et acceptés par les syndicats représentatifs.
Parmi les points mis en avant, à juste titre, par les syndicats, figure bien évidemment le respect de la double représentation, au sein du comité technique unique comme du conseil d’administration, des personnels de droit public, d’une part, et des personnels de droit privé, d’autre part. Nous refuserions, à l’évidence, une fusion des personnels à marche forcée, comme votre gouvernement en a malheureusement conduit dans de désastreuses conditions et avec de déplorables résultats ; je pense à Pôle emploi en particulier.
Très bien !
M. Ronan Kerdraon.
Aussi, le groupe socialiste, ainsi que ses amis et partenaires, sera extrêmement vigilant sur ces points tout au long de la discussion. Nous savons que des difficultés juridiques ont été soulevées par le Conseil d’État dans la transcription textuelle de l’accord ; mais nous veillerons à ce que les demandes des organisations syndicales et les engagements pris à leur égard par le Gouvernement soient strictement et rigoureusement respectés.
M. Philippe Esnol.
Très bien !
M. Roland Courteau.
Tel est, en quelques mots, l’état d’esprit des sénateurs socialistes et de leurs amis au début de l’examen du projet de loi qui nous est soumis : état d’esprit constructif, enthousiaste quant à la nécessité de développement du transport fluvial, attentif au devenir des personnels qui en auront la charge dans la nouvelle entité, vigilant quant au respect intégral du dialogue social, exigeant sur les missions de service public – et seulement de service public ! – que remplira l’agence.
M. Philippe Esnol.
Vous le voyez, nous sommes ouverts à la discussion et à l’amélioration de ce projet de loi ; je suis heureux que nous nous y engagions ensemble !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme Mireille Schurch.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi constitue une étape cruciale, comme l’a dit Mme la ministre, mais il a suivi une route sinueuse avant d’arriver dans notre hémicycle : entre le projet initial avancé par le Gouvernement et le texte discuté aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de commun.
Mme Mireille Schurch.
Ainsi, c’est en prenant appui sur une disposition votée dans le cadre de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle 1, relative à l’étude de la pertinence du transfert en pleine propriété des voies navigables à VNF, que le Gouvernement a engagé sa réflexion sur la refonte du cadre organisationnel du secteur des voies navigables.
Ce secteur présente en effet une particularité institutionnelle, avec l’existence d’un EPIC, Voies navigables de France, disposant en propre de 380 agents, auquel s’ajoutent les 4 400 agents de l’État mis à disposition de cet établissement public. Cette particularité constitue, selon le Gouvernement, une anomalie mettant à mal l’efficacité de ce service. La volonté qui a présidé à l’élaboration de ce texte est donc celle de l’unification des personnels au sein d’une structure unique, en dehors – comme le soulignait notre rapporteur – de toute considération de la nature des missions confiées au nouvel établissement et de tout effort pour la relance de la voie d’eau. Ce projet de loi est donc avant tout celui de la gouvernance.
Cette question a pourtant toute son importance et mérite que nous l’examinions sérieusement. Ainsi, la démarche initiale du Gouvernement a bien été engagée dans une logique libérale d’externalisation des missions de service public, voire, à terme, de privatisation – les syndicats ne s’y sont d’ailleurs pas trompés !
Ainsi, de manière très claire, la nouvelle organisation revêtait également aux yeux de ses partisans l’avantage non négligeable de permettre une « optimisation des ressources affectées à la voie d’eau », objectif très éloigné de toute relance de la voie d’eau, de la révolution écologique prônée par le ministre de l’époque, …
Et même annoncée !
M. Jean-Jacques Mirassou.
… et qui revient au contraire à livrer ce secteur, pieds et poings liés, aux politiques de rigueur et d’austérité.
Mme Mireille Schurch.
Aussi, nous souhaitons saluer les avancées considérables obtenues dans le cadre des protocoles d’accord signés, respectivement, le 24 juin 2011 entre le ministère et les trois organisations syndicales représentatives des personnels d’État et le 1
Par ailleurs, le Gouvernement a reculé en abandonnant le projet de constitution de la nouvelle agence sous la forme d’un EPIC, pour privilégier la solution de l’établissement public administratif, ou EPA. Nous sommes en accord avec cette évolution qui correspond à l’affectation normale des personnels fonctionnaires et ouvriers des parcs et ateliers de l’équipement.
Au demeurant, compte tenu du besoin de cohérence de l’ensemble des acteurs de la voie d’eau et des missions de service public de cet établissement, nous considérons que le statut le plus adapté est bien celui d’établissement public administratif, y compris au regard des compétences marginales de cette agence en termes de réglementation et de police de la navigation.
Nous sommes également satisfaits que l’État renonce, par cet accord, au transfert de la propriété des voies d’eau, mais également à la fermeture de voies navigables : il s’agit d’un acquis précieux. Nous sommes en effet particulièrement attachés à l’unicité et à l’intégrité des réseaux de transports en général, qu’ils soient ferroviaires ou fluviaux, car il s’agit d’un élément clef de l’aménagement du territoire, dont dépend la qualité du service et son niveau d’ambition.
Sur le fond, comment appréhender toute évolution, ne serait-ce qu’institutionnelle, de la voie d’eau sans tenir compte des enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc du développement des transports alternatifs à la route, conformément aux objectifs de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ?
Je pourrais évoquer également les autres enjeux liés au développement de la voie d’eau, comme la gestion de la ressource aquatique – notamment la régulation des plans d’eau pour assurer l’équilibre hydraulique et hydrologique du système complexe des voies et cours d’eau – ou des questions relatives à la préservation de la biodiversité.
Pour concrétiser cette ambition, des pistes étaient évoquées, notamment par l’article 11 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement indiquant que le réseau fluvial magistral ferait l’objet d’un plan de restauration et de modernisation dont le montant financier devra être clairement établi. Mais il n’est plus question de cet engagement dans nos débats et nous le regrettons !
Comme nous le pensons tous, le principal problème dont souffre la voie d’eau tient au sous-investissement chronique qui la frappe et qui a conduit à un délabrement du réseau, principalement des digues. Ainsi, selon un diagnostic mené par VNF, une part importante des ouvrages est aujourd’hui en fin de vie ou d’une qualité fonctionnelle médiocre : 54 % des écluses et 63 % des barrages présentent au moins un risque majeur de dégradation de performance et un risque important de perte complète de fonction assurée. La performance du réseau est ainsi fragilisée et insuffisante pour offrir le niveau de sécurité de fonctionnement hydraulique et la qualité de service indispensable au développement du transport fluvial.
À cette étape, je vous ferai remarquer que nous comprenons mieux pourquoi, au travers des lois de décentralisation, l’État a voulu se défausser sur les collectivités, au moins pour le réseau dit secondaire, de ce fardeau devenu trop lourd à porter. Notons que les tentatives d’expérimentation menées mettent au moins en lumière un élément : l’importance des investissements à réaliser, ne serait-ce que pour entretenir ce réseau et,
a fortiori
Concernant les engagements financiers, nous prenons acte de l’annonce d’investissements dans les voies d’eau à hauteur de 840 millions d’euros d’ici à 2013 – Mme la ministre vient d’en faire état. Toutefois, nous serons extrêmement vigilants quant au provisionnement concret de ces crédits, notamment dans la loi de finances : nous sommes en effet malheureusement habitués à ce que des annonces fracassantes de la part du Gouvernement ne soient finalement que peu suivies d’effets. Je tiens aussi à rappeler que, d’ici à 2018, d’après le schéma national d’infrastructures de transport, plus de 2,5 milliards d’euros devraient être investis dans la régénération des voies navigables, pour l’aménagement à grand gabarit des liaisons Seine-Nord Europe, Bray-Nogent, Saône-Moselle et Saône-Rhin.
Comment réussir ce tour de force, alors même que les ressources des collectivités territoriales, comme celles de l’État, sont restreintes par les politiques gouvernementales ?
Nous craignons alors le renforcement du recours au partenariat public-privé, type de marché public alléchant alors même que les collectivités se trouvent asphyxiées.
Pourtant, et nous déposerons un amendement sur ce thème, les partenariats public-privé ont fait la démonstration de ce qu’ils étaient une sorte de miroir aux alouettes et que, loin de soulager les collectivités, ils se révélaient être sur le long terme une forme de marché public plus coûteuse que les marchés traditionnels tout en laissant craindre pour la sécurité des infrastructures, des personnels et des usagers – et ce sans compter la perte de compétence de la maîtrise d’ouvrage publique.
Ce n’est pas vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Nous sommes en conséquence défavorables au recours à cette forme de marché qui met à mal le principe d’unité du réseau par une privatisation des infrastructures.
Mme Mireille Schurch.
Mais revenons au cœur du présent projet de loi. Comme je l’ai indiqué, la volonté initiale du Gouvernement de libéralisation et d’externalisation s’est ici confrontée très directement au mouvement social du printemps dernier. D’ailleurs, je tiens à vous alerter sur le signal particulièrement négatif qui serait envoyé aux agents de l’État intégrant la nouvelle structure si le nom avancé et reconnu dans les protocoles d’accord n’était pas celui qui est retenu par la loi.
Vous nous parlez de psychologie, monsieur le rapporteur, mais les symboles sont importants. En effet, la grande majorité des personnels de la nouvelle agence seront des fonctionnaires et ouvriers des parcs et ateliers qui ne souhaitaient pas être simplement « aspirés » par Voies navigables de France. Je vous incite donc, en la matière, à la prudence. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement sur ce point.
Nous considérons également que le texte qui nous est soumis aujourd’hui, à la suite des travaux de la commission, doit encore évoluer pour que l’unification des services dépasse des considérations organisationnelles, tout en respectant les acquis des différents agents, pour aller vers un renforcement des missions de service public confiées à cette agence.
Pour cette raison, nous continuons de formuler en séance publique les exigences que nous avons présentées en commission. Celles-ci sont de deux ordres : le statut des personnels et de leur représentation, ainsi que les missions de service public.
Sur le premier point, par respect pour le modèle choisi qui est celui de l’établissement public administratif, l’EPA, nous souhaitons supprimer tous les éléments qui feraient de cet établissement un établissement public
sui generis
Plus largement, nous souhaitons également, par nos amendements, interdire pour l’avenir tout recrutement de personnel contractuel de droit privé, conformément au principe reconnu, y compris de manière jurisprudentielle, selon lequel les besoins permanents d’un EPA doivent être pourvus par des agents de droit public.
Nous considérons par ailleurs que le regroupement des personnels au sein de l’EPA doit être l’occasion d’une clarification des missions de service public, en conformité avec les engagements du Grenelle.
Ainsi, si nous souhaitons que la part des modes alternatifs à la route dans le transport de marchandises atteigne 25 %, il faut donner les moyens à ce nouvel établissement de remplir ses missions.
Pour cette raison, la première des mesures devrait être de stopper l’hémorragie de la révision générale des politiques publiques dans ce domaine. En effet, depuis vingt ans, nous ne pouvons que regretter la perte de 2 000 emplois dans le secteur des voies navigables, secteur qui a trop longtemps été considéré comme l’un des secteurs clefs de contraction et de restriction des personnels publics. Les objectifs pour la période 2011-2013 sont à ce titre éloquents puisqu’ils prônent la suppression de 271 emplois équivalents temps plein. Nous y sommes, pour notre part, opposés.
Par ailleurs, nous voulons, par nos amendements, réaffirmer l’importance d’une complémentarité renforcée avec les modes ferroviaire et maritime. Il serait en effet incohérent de penser le développement fluvial en termes de concurrence avec le transport ferroviaire ou maritime.
À ce titre, je voudrais indiquer au rapporteur que, contrairement à ce qu’il a indiqué en commission et au début de la séance, l’ensemble des voies d’eau du réseau magistral et secondaire peut être utilisé pour le transport de fret. Dédier le réseau secondaire exclusivement au tourisme est, à ce titre, un non-sens au titre du respect des objectifs du Grenelle de l’environnement.
Bravo, madame !
M. Christian Bourquin.
Nous avons également souhaité, en commission, poser la question de la sécurité des installations en ce qui concerne tant les digues que les ouvrages hydrauliques. Nous sommes satisfaits que cette préoccupation ait été reprise dans le texte. Il en va de même pour les missions d’intérêt général de bonne gestion de la ressource aquatique.
Mme Mireille Schurch.
Nous sommes également satisfaits que le rapporteur ait repris notre proposition de faire figurer dans les missions de l’établissement la conservation du patrimoine, qu’il soit bâti ou paysager.
À l’inverse, nous restons circonspects sur la possibilité offerte par le présent projet de loi à la nouvelle agence de valoriser tant le domaine public qui lui est confié que son domaine privé en procédant à des opérations d’aménagement complémentaires à ses missions par le recours à la création de filiales. Nous craignons que l’élargissement de ces missions ne revienne à sortir le nouvel établissement de son cœur de métier.
Par ailleurs, nous craignons que la valorisation du domaine par le biais de filiales privées ne se transforme finalement en une faculté donnée à l’Agence de privatisation des installations et de leurs dépendances, comme de leur gestion. Nous déposons un amendement tendant à réserver cette possibilité à la participation dans des opérations d’intérêt général, avec des acteurs publics ou sous contrôle de personnes morales de droit public.
De manière plus générale, comme je le mentionnais au début de mon intervention, nous souhaitons que l’État et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, apportent à l’Agence les moyens de son développement et de la réalisation des missions de service public.
Cela passe notamment par des concours financiers à la hauteur des actions et des projets prévus pour les voies navigables par le schéma national des infrastructures de transport. Nous attendons ainsi que les engagements financiers qui ont été pris soient honorés ; il s’agit de l’élément fondamental pour une relance effective de la voie d’eau.
Concernant le débat qui a eu lieu en commission et qui se prolongera probablement en séance publique sur les modalités de représentation des personnels au sein d’un comité technique, à la suite de l’avis du Conseil d’État et de la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011 ayant conduit à la réécriture du projet de loi, nous estimons qu’il est important de conserver une structure unique pour l’ensemble des personnels.
Dans ce cadre, l’amendement prévu en commission par le rapporteur semblait concilier plusieurs exigences : le respect des protocoles d’accord, la constitutionnalité de la mesure proposée et une structure unique ayant la souplesse nécessaire pour s’adapter aux situations des différents personnels. Nous sommes persuadés que le texte évoluera favorablement sur ce point en séance publique.
Nous avons également souhaité intégrer dans notre réflexion, au travers de nos amendements, la Fédération des associations et usagers de la voie d’eau par la création d’un comité de service aux usagers, comme les syndicats de la batellerie l’ont proposé.
Au regard des incertitudes qui pèsent encore sur l’évolution du présent texte, nous attendrons l’issue du débat en séance avant de déterminer notre vote. Nous espérons que nos amendements comportant des exigences sur les missions de service public de l’établissement seront adoptés.
Les membres de mon groupe ne cesseront en effet d’affirmer la nécessité d’un service public de la voie d’eau de qualité, fort d’une ingénierie publique, de moyens renforcés et modernisés au sein du nouvel établissement, capable ainsi de résister aux logiques de privatisation, de morcellement du réseau conduisant à son abandon pour défaut de rentabilité économique.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. Christian Bourquin.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables répond à deux objectifs : remédier au problème de gouvernance qui handicape l’établissement en charge, depuis 1991, de l’essentiel du réseau fluvial de notre pays et élargir les missions du nouvel établissement que vous voulez lui substituer.
M. Christian Bourquin.
Ma collègue Françoise Laborde évoquera, en complément de mon propos, les dispositions inscrites dans ce projet de loi. Pour ma part, après avoir mentionné l’abîme qu’il nous faut à tout prix éviter : la création d’un nouvel « RFF », je souhaiterais traiter à cette tribune de la lancinante question du financement des missions du futur établissement – passée sous silence dans le texte –, qui met d’ores et déjà en suspens les objectifs ambitieux qui lui ont pourtant été donnés.
Ce projet de loi est d’une importance capitale pour l’avenir de nos voies navigables : il s’agit avant tout d’économie et donc d’emploi, mais aussi d’honorer les engagements issus de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle 1, qui a fait du secteur fluvial une priorité absolue dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Le point d’orgue de cette modernisation, voulue à grande échelle, consiste en la construction d’un canal Seine-Nord, opérationnel en 2014, pour un montant estimé à 4,2 milliards d’euros. Monsieur le ministre, votre gouvernement a-t-il réellement l’intention de réaliser ce projet ? D’un point de vue financier, j’ai en effet noté que les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Île-de-France étaient au rendez-vous mais que la participation de l’État n’avait pas été concrètement confirmée.
Et encore faut-il que le financement de ce projet ne se fasse pas au détriment de la réalisation de chantiers antérieurs, à commencer par la remise en état du réseau fluvial magistral estimée à 1,5 milliard d’euros !
Que penser dans ces conditions d’un projet de loi qui élargit les missions de Voies navigables de France en omettant de renforcer ses moyens financiers ?
L’exemple désolant du canal du Midi illustre fort bien ce qui peut en résulter : trop longtemps, l’État s’est désintéressé de l’entretien de son patrimoine fluvial ; il a laissé s’installer une situation juridique complexe propre à empêcher toute coopération sérieuse dans l’intérêt du canal.
Le canal du Midi est en effet malade,…
M. Roland Courteau.
… ses platanes bicentenaires ont été décimés par le chancre coloré. Entre le moment où Voies navigables de France a identifié ce champignon et le moment où il se résout à l’abattage, il s’est écoulé six ans ! Ce sont désormais les 42 000 platanes qui bordent le canal qui sont condamnés.
M. Christian Bourquin.
Le Président de la République a certes déclaré à Agde cet été qu’il n’était pas le président des platanes, mais il s’est vite ravisé et a confié à Mme la ministre de l'écologie, une mission afin de traiter cette question. Je constate que rien n’a avancé depuis. Prenez garde, monsieur le ministre : le Président de la République, qui doit se rendre dans l’Aude, mardi prochain, se trouvera de nouveau confronté au problème des platanes du canal du Midi !
Au-delà de cette question, l’État a par ailleurs laissé certaines des berges du canal du Midi s’effondrer et bon nombre d’écluses fermer, faute d’entretien.
Au total, ce magnifique ouvrage décidé par Louis XIV et distingué « en tant qu’une des réalisations les plus extraordinaires du génie civil de l’ère moderne » se voit menacé de déclassement au patrimoine mondial de l’UNESCO.
L’estimation du coût de sa réhabilitation, dans un premier temps évalué à 100 millions d’euros, s’élève désormais à 200 millions d’euros, la moitié devant permettre l’abattage des arbres et leur replantation, l’autre la réparation des ouvrages.
Certains ont pourtant avancé l’idée, au risque d’organiser une confusion des rôles, que l’État pourrait venir au secours des collectivités locales concernées pour les aider à sauver le canal du Midi.
Or, monsieur le ministre, le canal du Midi – y compris sa partie languedocienne devenue, consécutivement à l’adoption des lois du 30 juillet 2003 et du 13 août 2004, réseau régional à vocation touristique – demeure sous la responsabilité de l’État. Les solutions d’intervention le concernant continuent de revenir à Voies navigables de France, établissement public placé sous l’autorité exclusive de l’État.
Bien sûr !
M. Roland Courteau.
Ainsi, la région Languedoc-Roussillon, dont j’ai l’honneur de présider l’exécutif, attend de l’État qu’il assume sa responsabilité pleine et entière sur ce dossier. Profondément attachés au sauvetage du canal du Midi, nous n’en sommes pas moins opposés à payer pour les défaillances et l’incurie de l’État.
M. Christian Bourquin.
En aucun cas, le volontarisme de ma région ne peut être remis en cause quand il s’agit pour elle d’exercer ses propres compétences dans un cadre contractuel structuré.
J’en veux pour preuve, monsieur le ministre, l’investissement de 30 millions d’euros qu’elle a réalisé pour l’amélioration des capacités du canal du Rhône à Sète, qui relie la Méditerranée par le port de Sète au bassin Rhône-Saône et le port de Laudun-l’Ardoise.
Enjeu majeur pour le Languedoc-Roussillon en matière de transports de marchandises, il fait partie intégrante de sa stratégie tournée vers le développement des modes de transport alternatifs à la route et participe également au rayonnement du port de Sète.
La région récolte aujourd’hui le fruit de ses efforts : les trafics du port de Sète sont en progression et les industriels suivent.
Pourquoi ne pas donner au canal du Midi les mêmes chances qu’à celui de Sète ? Cela impliquerait d’harmoniser le statut juridique du canal sur toute sa longueur et de rendre possible une contractualisation globale. L’État assumerait ses responsabilités et sa part, ce qui permettrait aux collectivités locales concernées de venir l’appuyer – j’insiste sur ce terme – dans le respect de leurs compétences.
Monsieur le ministre, j’ai saisi par écrit Mme la ministre de l’écologie de toutes ces questions à plusieurs reprises. Elle n’a pas encore eu le temps de me répondre. Je profite donc de l’examen de ce projet de loi pour vous interpeller. Si vous considérez qu’il faut changer la loi, c’est le moment, nous sommes tous d’accord ! Si vous considérez qu’une autre solution est possible, c’est aussi le moment de le dire !
Le groupe RDSE attendra donc vos réponses avant de prendre position sur ce sujet majeur.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. Alain Chatillon.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sur les Voies navigables de France, VNF, et le canal du Midi tient, notamment, à mes mandats de maire de Revel et de président de la communauté de communes Lauragais-Revel-Sorèzois. Je voudrais d’ailleurs remercier M. Bourquin d’avoir enfoncé le clou sur ce sujet, en espérant que Mme Laborde fasse de même tout à l’heure !
M. Alain Chatillon.
Il est temps que l’on parle un peu du midi toulousain.
Nous nous situons en effet aux sources du canal du Midi. Quatre communes de l’intercommunalité que je préside se partagent le barrage de Saint-Ferréol.
Pour l’histoire, je rappelle que c’est Pierre-Paul Riquet, ingénieur né à Béziers, fermier des gabelles, qui a réussi à conduire les eaux de l’est et de l’ouest de la montagne Noire pour alimenter le bassin de Saint-Ferréol, d’une capacité de 7 millions de mètres cubes d’eau, et donner ainsi naissance au canal du Midi, qui fait se rejoindre l’océan Atlantique à la mer Méditerranée en utilisant la navigation sur la Garonne pour la partie ouest.
Le canal du Midi fut inauguré avec faste en 1681 par Louis XIV et Colbert. Je rappelle néanmoins que Riquet, mort ruiné un an auparavant après avoir engagé sa fortune sur ce projet, en fut l’instigateur. Pourtant, c’est Colbert qui tira tous les avantages de cette inauguration et qui s’attribua l’initiative de la construction !
Cela arrive souvent, même de nos jours !
M. Roland Courteau.
D’autres bassins d’alimentation ont complété, depuis, les apports en eau pour l’alimentation du canal du Midi au seuil de Naurouze, point le plus haut du partage des eaux.
M. Alain Chatillon.
Avec le soutien du conseil régional de Midi-Pyrénées, de l’Union européenne, du fonds national d’aménagement et de développement du territoire et du département de la Haute-Garonne, je suis à l’origine de la création du « musée et jardins du canal du Midi » sur le magnifique site de Saint-Ferréol.
Ce site est géré par un syndicat intercommunal à vocation multiple, un SIVOM, fort de quatre communes situées sur trois départements et deux régions. Vous imaginez la simplicité administrative que cela entraîne ! À cela se greffe une convention de superposition avec Voies navigables de France !
Quels sont nos sujets d’inquiétude ? Quelles sont nos attentes ?
La gestion de ce site historique nous amène au constat de la dégradation au fil du temps du service rendu par VNF, malgré l’impulsion donnée par son directeur général Marc Papinutti, qui nous a permis d’engager un dialogue constructif depuis quelques mois. Espérons simplement qu’il sera suivi d’effets.
Certes, VNF gère, exploite et développe le plus grand réseau européen de voies navigables. Cependant, VNF délaisse l’entretien des berges, des parcs et des arbres, en particulier sur le canal du Midi, où 42 000 platanes sont atteints par le chancre, ainsi que l’a indiqué Christian Bourquin. Voilà sept ans que nous attendons le commencement des travaux. Arracher tous ces platanes en même temps constituera un véritable sinistre ! Que deviendra ce site classé, essentiellement touristique, s’il est privé de ses arbres ?
Prenons un exemple : comment faire face à la suppression progressive des postes d’agents d’entretien ? Entre la prise d’Alzeau en montagne Noire et le seuil de Naurouze, trente-cinq agents s’occupaient de l’entretien du canal il y a encore quelques années : ils ne sont plus que neuf aujourd’hui.
Comment gérer toutes les écluses du canal du Midi, où circulent quelques bateaux de plaisance, s’il n’y a plus d’éclusiers, sachant pourtant qu’un regroupement des embarcations pendant quelques heures permet de limiter la déperdition d’eau, qui est de l’ordre de 700 mètres cubes d’eau à chaque écluse ? Il faut savoir que 40 % de l’eau sur le canal du Midi s’évapore, sans compter les dégâts causés aux berges par les ragondins, ni les prises d’eau non contrôlées.
Il va donc falloir entretenir les berges du canal du Midi et du bassin de Saint-Ferréol, de plus en plus érodées, entretenir le parc autour du lac et procéder au remplacement des arbres, notamment sur le canal du Midi, dans le cadre d’un plan à dix ou quinze ans, sachant que ces sites sont un atout touristique majeur de proximité pour les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
En un mot, la question qui se pose est celle du statut du canal du Midi. Doit-il rester – et dans quelles conditions – dans l’établissement Voies navigables de France bien qu’il ne constitue plus aujourd’hui une alternative au transport par la route ou le rail ?
Il convient d’entreprendre une véritable analyse pour répondre à ce sujet de préoccupation pour nos deux régions et les communes traversées. Le projet de loi qui nous est soumis m’apparaît toutefois relativement cohérent concernant les voies navigables de substitution aux voies ferrées, routes et autoroutes. Plus particulièrement, dès lors que les syndicats des personnels acceptent les évolutions qui leur sont proposées, je ne peux qu’exprimer mon accord avec les propositions formulées.
Je salue les engagements pris lors du conseil des ministres du 31 août dernier par le Premier ministre et madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement en faveur de l’environnement. En effet, ils ont précisé que, au-delà du transport fluvial et de la gestion hydraulique, l’action de Voies navigables de France sera tenue de s’inscrire dans la continuité du Grenelle de l’environnement, tout en favorisant l’aménagement du territoire, le tourisme fluvial et les activités nautiques.
Cela répond à certaines de mes interrogations.
Il va simplement falloir passer des promesses aux actes et faire en sorte que nous en voyions le résultat sur le terrain. Encore faut-il donc que ces orientations soient financées puis mises en application par VNF.
Enfin, j’appelle votre attention, monsieur le ministre, ainsi que celle de madame la ministre, sur la nécessité de conserver le nom et le sigle « VNF ». On ne change pas une marque quand elle a vingt ans. Cette marque existe : ne la changeons pas, car cela pourrait coûter cher sur le plan touristique !
(M. Nègre applaudit.)
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, je souhaiterais, monsieur le ministre, qu’une étude spécifique soit consacrée au canal du Midi, en liaison étroite avec les collectivités locales, les départements et les régions, pour appréhender ses particularités par rapport aux autres voies navigables de France.
Faut-il, ou non, remettre à niveau le canal du Midi pour en faire un axe de transport ? Faut-il le destiner essentiellement au tourisme ? Quels moyens mettre en œuvre pour économiser l’eau, qui va devenir une denrée rare et donc chère ?
Nous avons le devoir de conserver ce joyau inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, que l’histoire et l’audace des hommes nous ont légué. Monsieur le ministre, je vous remercie à l’avance de l’accueil que vous réserverez à mon propos.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Robert Navarro.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, ce texte a été adopté en conseil des ministres le 31 août dernier. Les élections sénatoriales se sont déroulées fin septembre : nous avons donc dû travailler très vite.
M. Robert Navarro.
Ce texte ne traite que de la gouvernance du réseau fluvial. Il regroupe dans un même ensemble les agents de droit public et les agents de droit privé qui travaillent à l’exploitation, à l’entretien et au développement des voies navigables. C’est un sujet intéressant, en particulier pour les agents concernés. Mais nous passons à côté de l’essentiel pour l’industrie et l’économie françaises. Face à la crise, nous devons repenser notre modèle de développement.
Les transports sont la clé de la relance de notre économie. Nous ne pouvons déconnecter nos réflexions sur les voies navigables de celles portant sur les ports maritimes, sur notre industrie et, au-delà, sur notre place dans la mondialisation.
Tous ces sujets sont liés : dans une économie où la place des échanges est centrale, un territoire à l’écart des réseaux de communication et de circulation des biens et des marchandises n’est pas attractif. Investir dans le fluvial, mieux penser les liens entre le fluvial et le maritime, c’est augmenter l’attractivité de nos territoires !
La massification de la desserte fluviale est un enjeu économique et écologique pour les ports français. Tous les grands ports européens ont développé ce mode de transport alternatif pour faire face à l’afflux des marchandises. Je l’ai dit en commission, je souhaite le rappeler ici : un convoi fluvial peut transporter jusqu’à 352 conteneurs, un train 80, un poids lourd seulement 2 !
Malgré ces évidences, nos voies navigables souffrent d’un déficit chronique d’investissement et d’entretien.
Ce texte ne règle rien, car il n’y peut rien, et c’est bien dommage !
Cette année, VNF va certes disposer de 70 millions d’euros supplémentaires. Mais ce qui est présenté comme un doublement des crédits relève de la fumisterie face au passif et au retard accumulés ! Après des décennies de sous-investissement et de sous-entretien chroniques, cette somme est insuffisante, pour ne pas dire ridicule !
Ce texte est également accompagné d’un programme d’investissements défini par VNF, qui doit atteindre 840 millions d’euros entre 2010 et 2013. Face à l’état lamentable des 8 500 kilomètres de voies navigables, dont 2 600 kilomètres dédiés au fret, cette somme est également insuffisante. J’ai suivi, hier, tout le cirque de l’UMP sur le programme socialiste et j’ai noté les chiffres fantaisistes qu’elle a annoncés. De mon côté, je dirai qu’en plus des 500 milliards de dettes dues à l’action de Nicolas Sarkozy depuis 2007, nous devrions chiffrer les conséquences des économies de bouts de chandelle réalisées par le Gouvernement, qui ont été menées sans discernement. En ce qui concerne les voies navigables, votre mauvaise gestion coûte de mon point de vue 1,5 milliard d’euros !
Churchill affirmait qu’il faut toujours saisir l’occasion d’une crise pour changer ce qu’il y a à changer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à renverser la pente mortelle de la crise que nous affrontons. Nous devons lancer une remise en état sincère et ambitieuse de notre réseau fluvial.
La clé du succès d’un tel programme repose d’abord sur les emplois dédiés à la rénovation et sur les emplois indirects. La croissance vient ensuite, grâce à l’attractivité de notre territoire. L’utilisation du réseau fluvial pour le transport de conteneurs représente 30 % du trafic à Rotterdam, 32 % à Anvers, contre 4,7 % à Marseille et 9 % au Havre.
En conclusion, je souhaite revenir sur un sujet qui me tient à cœur et qu’ont bien défendu le président de ma région, Christian Bourquin, ainsi que le maire de Revel, Alain Chatillon : le canal du Midi. Un des atouts maîtres de notre réseau fluvial et de la France, c’est le tourisme. Notre pays est la première destination touristique au monde, et le canal du Midi appartient aux joyaux de notre patrimoine.
Or, nous en avons parlé le 12 juillet dernier, nous sommes toujours sous la menace d’un rapport négatif de l’UNESCO.
Sans me donner de chiffres, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à ce que, dans le contrat de performance entre l’État et VNF, d’importants moyens soient dégagés pour le canal du Midi avec, notamment, des travaux de traitement des digues, d’automatisation des écluses et de gestion des plantations. Nous connaissons l’enveloppe globale : 840 millions d’euros sur la période 2010-2013. Cette enveloppe est très insuffisante pour la remise à niveau de l’ensemble du réseau.
Combien l’État compte-t-il mettre pour revenir sur l’incurie qui frappe le canal du Midi depuis des décennies ?
C’est juste !
M. Roland Courteau.
Je rappelle que le seul remplacement des platanes malades se chiffre à 100 millions d’euros ! Ces platanes ne sont pas seulement un élément fort du paysage du midi. L’espèce avait été choisie sous Napoléon III pour sa capacité à retenir la terre des berges. Réparer l’ouvrage coûte encore 100 millions, soit 200 millions d’euros au total !
M. Robert Navarro.
Monsieur le ministre, les collectivités en ont assez de payer à la place de l’État et de subir ses manquements. Comme vous l’a déjà dit Christian Bourquin en Languedoc-Roussillon, nous défendons la décentralisation, mais dans l’équité.
Vous ne pouvez pas nous livrer un réseau en ruine. La volonté de l’État de décentraliser le réseau secondaire, donc de transférer un canal désormais à l’abandon, n’est pas acceptable tant que le rattrapage historique n’est pas fait. Notre région a toujours montré une volonté sans faille sur ce dossier, mais une région ne peut pas remplacer des années d’absence de l’État propriétaire.
Vous voilà face à vos responsabilités, monsieur le ministre. Le canal du Midi constitue l’une des réalisations les plus extraordinaires de l’ère moderne ; il a ouvert la voie à la révolution industrielle. Faute d’entretien, et à cause d’une pseudo-« austérité » menée sans discernement, notre patrimoine disparaît et notre avenir économique est menacé.
Je vous demande de prendre des dispositions pour que l’État assume ses responsabilités de propriétaire et réalise les investissements nécessaires.
Les responsables politiques ne sont que des passeurs : dépositaires de ce patrimoine, vous n’avez pas le droit d’aliéner à la fois le passé et l’avenir des générations qui nous suivent ! Vous avez l’impérieuse responsabilité de transmettre ce patrimoine, monsieur le ministre !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme Françoise Laborde.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une histoire riche d’aventures et d’exploits techniques, malgré une tradition d’ingénierie audacieuse et de savoir-faire, dont émergent deux figures tutélaires symboles, Pierre-Paul Riquet et Charles de Freycinet, la logique du « tout automobile et route » a, depuis le milieu du XX
Mme Françoise Laborde.
Aujourd’hui, subsiste un réseau contrasté à la fois riche, avec 8 500 kilomètres de rivières et canaux navigables, mais aussi mal entretenu, inadapté aux contraintes actuelles du transport, pour ne pas dire dépassé. Pourtant, ce réseau constitue un atout majeur pour développer le transport fluvial et remplir l’un des objectifs ambitieux du Grenelle de l’environnement, à savoir porter la part du fret non routier à 25 %.
Moderniser le réseau des voies navigables et sa gestion est une nécessité. Mais, à y regarder de plus près, le texte proposé par le Gouvernement constitue malheureusement un rendez-vous manqué.
Revenons tout d’abord sur la disposition la plus symbolique du projet de loi : le changement d’appellation proposé pour le nouvel EPA. On est là dans du pur affichage, du marketing. Je salue l’amendement plein de bon sens déposé par le rapporteur, Francis Grignon, puis adopté en commission tendant à redonner à la nouvelle structure le nom bien connu de « Voies navigables de France ».
De même, je salue l’amendement de notre collègue Martial Bourquin, qui a permis de rectifier le texte initial, afin d’y inscrire les engagements pris par le Gouvernement auprès des représentants des salariés du secteur, dans le courant de l’été.
Même si le projet initial du Gouvernement a été largement remanié lors de son passage en commission, des zones de flou persistent.
Dans une structure unique subsisteront des grandes disparités. Je pense aux différences de statuts des voies d’eau ou aux différences de statuts des salariés. Ma crainte est de voir se développer un réseau à deux vitesses : le magistral contre le secondaire, le national contre le régional.
C’est vrai !
M. Roland Courteau.
Je m’interroge également sur la concrétisation des décentralisations optionnelles des voies d’eau telles que prévues dans le projet de loi.
Mme Françoise Laborde.
L’expérience qui a été menée en région Bourgogne est intéressante. Pourtant, nous avons appris mardi que quelque 200 millions d’euros de recettes seraient bien soustraits aux collectivités locales par l’État. On a le sentiment que le Gouvernement souhaite faire avec les voies d’eau ce qu’il a déjà fait avec les routes.
Je ne m’attarderai pas sur l’aspect pratique de la modernisation des infrastructures fluviales ; ce texte attire plutôt mon attention sur le statut, voire sur le devenir des personnels de VNF, ainsi que sur les défis posés par la gouvernance de cet établissement.
Pour la relance de la voie d’eau, notamment celle qui permet le transport de marchandises, il est important que l’intégrité et l’unicité du réseau des voies navigables demeurent propriété de l’État,
Pour cela, il est indispensable que les personnels fonctionnaires, mais aussi les agents contractuels qui seront affectés au futur EPA puissent conserver toutes leurs garanties statutaires et sociales. Est-il nécessaire de préciser que la politique de recrutement et de formation de l’EPA sera le principal moteur de son efficacité, notamment en termes de rénovation, d’entretien et de multiplication des réseaux de navigation ?
Or le projet de loi tel qu’il ressort de l’examen en commission ne parvient pas à donner un souffle nouveau à l’épineux problème des personnels. Bien au contraire, il semble assurer
Certains de mes collègues semblent favorables à une quasi-exclusivité des recrutements sous contrat de droit public au sein du futur EPA. Cette position semble dangereuse pour les personnels de droit privé, qui participent activement au bon fonctionnement des réseaux de voies navigables. Il est donc primordial qu’une réelle communauté de travail tenant compte de toutes les catégories de personnels puisse être installée par le projet de loi, seule base possible pour la mise en place de futures instances de représentation de l’ensemble des composantes, tant sous statut privé que sous statut public.
Comme vous le comprendrez, cette communauté de travail ne pourra pas se construire en mettant au ban les salariés de droit privé, voire en opposant des communautés d’intérêt : chaque catégorie de personnels doit pouvoir trouver sa place dans l’établissement administratif de demain.
Le projet de loi est loin de clarifier les principales questions. Et, pour reprendre une métaphore fluviale, je dirai qu’il y a la même clarté dans ce texte que dans l’eau du canal du Midi à Toulouse. Nous sommes loin de la gouvernance rationalisée.
Par exemple, lors de mes entretiens avec les acteurs du secteur, en Haute-Garonne, j’ai appris qu’à Toulouse l’entretien du canal du midi revenait à VNF, que celui des berges de la Garonne revenait à la mairie et que l’entretien des ouvrages de navigation et du maintien du libre écoulement des cours d’eau était du ressort de l’État. Mais il m’a été impossible de déterminer à qui revenait le nettoyage du lit du fleuve !
De même, aux écluses de Montgiscard, toujours en Haute-Garonne, la mise en valeur du patrimoine à des fins touristiques se heurte à l’éclatement de la gouvernance des zones autour de l’écluse.
De telles situations seront un frein à l’accomplissement par VNF des missions qui lui seraient attribuées par le présent projet de loi.
Afficher le volontarisme, c’est bien ; le financer, c’est mieux !
Le principal manque de ce texte est qu’il n’apporte pas de réponse en termes budgétaires. Il y a un sous-investissement chronique du réseau financier français. Imaginez : le budget consacré aux investissements en Allemagne, à qui nous faisons très souvent référence, est trois fois supérieur à celui de la France !
Néanmoins, le groupe RDSE, qui juge utile cette première avancée sur le statut des personnels, déterminera son vote en fonction des amendements qui seront adoptés, et avec toutes les réserves que mon collègue Christian Bourquin et moi-même avons développées.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances du programme 203, principal programme de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », qui regroupe l’ensemble des moyens dévolus aux infrastructures et services de transports, hors sécurité maritime et secteur aérien, que j’interviens aujourd’hui.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Ce programme vise notamment à améliorer la desserte des territoires par une politique d’investissement conduisant à un aménagement du territoire équilibré. La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite loi Grenelle 1, a hiérarchisé les investissements à réaliser, et l’ensemble sera traduit dans un schéma national des infrastructures de transport.
Ce schéma est ambitieux et met opportunément l’accent sur le développement des modes de transport alternatifs à la route. Il entend également concourir à la qualité des réseaux et des services de transports de voyageurs et de marchandises et à la compétitivité des ports français en Europe.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui propose de regrouper au sein d’un même établissement public les services de navigation auparavant mis à la disposition de VNF, mais qui demeurent sous l’autorité hiérarchique de l’État, et les services de l’actuel établissement public, industriel et commercial VNF.
Cette solution apparaît, semble-t-il, comme la mieux à même de répondre à l’objectif de disposer d’une autorité légitime et responsable ayant les marges de manœuvre à la fois financières et juridiques pour remplir la mission de service public qui lui est confiée.
Le nouvel établissement public sera notamment chargé de l’amélioration, de l’extension et de la promotion des voies navigables, ainsi que de leurs dépendances, afin de développer le transport fluvial selon une logique de complémentarité avec les autres modes de transports.
L’objectif attendu de la réforme est de développer la part du fret non routier de 25 % d’ici à 2022, avec une évolution intermédiaire de plus de 16 % à l’horizon 2013.
La réforme conduit à renforcer la fiabilité du réseau et à le moderniser en confortant l’avantage concurrentiel du mode fluvial. En effet, l’avantage concurrentiel des services fluviaux de transports de marchandises est étroitement lié à la qualité de l’infrastructure disponible. Il doit nécessairement s’accompagner d’une qualité de service en phase avec les exigences du marché des transports.
Ainsi, la plus grande fiabilité du réseau et l’amélioration de l’offre de service seront autant d’éléments déterminants confortant l’avantage compétitif du mode fluvial vis-à-vis du mode routier.
Les objectifs sont formalisés dans la loi Grenelle, qui a prévu une part du fret non routier de 25 % d’ici à 2022, avec un doublement de la part du fluvial.
Cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau, qui vise à accroître la compétitivité du transport fluvial et à mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens, est, à mes yeux, totalement complémentaire de la réforme que nous avons votée en 2008 qui concerne nos grands ports maritimes.
En effet, les activités d’un port maritime sont étroitement liées à son attractivité terrestre. Le développement de sa zone de chalandise est strictement conditionné à sa capacité de projection logistique vers son
hinterland
La régénération du réseau fluvial magistral à vocation de transport de marchandises s’impose. La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est tout d’abord un enjeu économique ; il est ensuite un enjeu écologique. Tous les grands ports européens ont été conduits à développer ces modes de transport alternatifs pour faire face à l’afflux de marchandises.
À titre d’exemple, un convoi fluvial peut traiter, paraît-il, 352 conteneurs entre le Havre et Paris, contre 80 pour un train et 2 pour un poids lourd. Le trafic de conteneurs sur la Seine s’élève aujourd’hui à environ 200 000 conteneurs par an et pourrait passer à 500 000 conteneurs en conservant les infrastructures actuelles.
Comme l’a très bien rappelé mon collègue Charles Revet la semaine dernière à cette tribune, dans le débat sur la réforme portuaire, il faut regretter l’absence d’intégration multimodale efficiente dans la politique d’investissement de l’État. La conception même de Port 2000 n’a pas intégré la desserte fluviale, ce qui constitue une aberration pour un port spécialisé dans le trafic de conteneurs.
Indéniablement, la dégradation de la compétitivité de nos ports tient à l’insuffisance et à la mauvaise organisation de nos débouchés vers l’intérieur du pays, que l’on appelle l’
hinterland
Cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau est donc tout aussi essentielle que la réforme portuaire pour notre économie et pour l’emploi.
Mon collègue rapporteur de la mission d’information sur la réforme portuaire a également appelé à une coordination de l’action de l’État, de Voies navigables de France et de Réseau Ferré de France.
La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est en effet un enjeu économique vital pour notre pays, doublé d’un enjeu écologique qui nous est imposé désormais par les lois Grenelle 1 et 2 que nous avons votées.
L’impact du projet sera d’autant plus important s’il est combiné à la réalisation du canal Seine-Nord Europe et aux autres projets de développement.
Comme vous le savez, le conseil d’administration de VNF vient tout juste d’adopter son projet stratégique pour l’après 2013, visant à relancer le transport fluvial, conformément aux objectifs du Grenelle de l’environnement.
Voies navigables de France a l’intention d’investir 840 millions d’euros d’ici à 2013, en grande partie pour rénover et moderniser le réseau existant, et souhaite porter ce montant à 2,5 milliards d’euros à l’horizon de 2018. Ce plan stratégique s’articule autour de trois axes : la modernisation du réseau fluvial, l’adaptation de l’offre de services et la relance de la politique commerciale.
Parmi les projets figure le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, relancé en avril après dix-huit ans de gestation. Or il semblerait que VNF puisse être mis à contribution, comme une cinquantaine d’autres opérateurs de l’État, dans le cadre du plan anti-déficit prévu par le projet de loi de finances pour 2012. Cette décision ne semble pourtant pas opportune au moment où VNF adopte un projet de relance du trafic fluvial qui, d’une part, lui est imposé par les lois Grenelle de l’environnement et, d’autre part, intervient au moment de la mise en place de la réforme portuaire, qui est complémentaire et concomitante, l’une dépendant de l’autre et inversement.
Ce qui est certain, c’est qu’une diminution des crédits se ferait au détriment des investissements et se traduirait par une réduction de ces derniers.
Aujourd’hui, VNF exploite, modernise et développe le plus grand réseau européen de voies navigables, et passe à la vitesse supérieure pour faire face à deux enjeux incontournables pour notre pays ; je veux parler des enjeux économique et écologique. Pour cela, VNF a besoin de visibilité sur le financement de son projet de relance, qui, notons-le, lui est imposé.
Comme l’a très bien rappelé notre excellent rapporteur, Francis Grignon, la loi de 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement a fixé à l’État un objectif ambitieux de report modal : en douze ans, la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial doit passer de 14 % à 25 % du fret global. Pour le fluvial, où les marges de progression sont les plus importantes, cet objectif implique de doubler le fret actuel.
M. le rapporteur nous a fait observer que, si la France dispose du plus long linéaire navigable d’Europe – ce qui est une chance pour notre pays – son réseau est malheureusement en mauvais état et en grande partie impropre au fret contemporain. Les investissements nécessaires pour moderniser le réseau principal, utilisé actuellement en dessous de ses capacités, sont donc importants.
Nous nous félicitons, en conséquence, du dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.
En 2012, il n’y aura pas de changement sur les conditions financières et comptables. Mais, au 1
Enfin, je redis qu’il n’est pas cohérent de mettre VNF à contribution pour le plan anti-déficit 2012 eu égard aux besoins de mise en œuvre du contrat d’objectifs et de performance 2010-2013. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner des précisions sur ce point et de nous rassurer.
Je ne peux terminer mon propos sans rendre hommage à l’excellent travail de notre rapporteur, par ailleurs président du groupe d’études sénatorial sur les voies navigables.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. François Patriat.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le canal du Midi, les canaux de Bourgogne sont également un sujet d’expérimentation capable de nous éclairer sur les perspectives du texte que nous examinons aujourd’hui.
M. François Patriat.
Qu’il me soit permis de revenir sur un certain nombre de chiffres qui ont déjà été rappelés avec talent par mes collègues. La France dispose du plus vaste réseau fluvial d’Europe, avec 8 500 kilomètres, soit 22 % de l’ensemble du réseau européen. Chacun en convient, la voie d’eau est pour notre pays un atout exceptionnel : pour réduire notre dépendance énergétique et promouvoir un mode de transport fiable et peu polluant, pour favoriser l’aménagement du territoire et développer notre potentiel touristique, ainsi que pour protéger la ressource en eau et la biodiversité.
Malheureusement, depuis plusieurs années, l’État s’est désintéressé – je l’ai toujours dénoncé – de notre réseau fluvial, et le programme d’investissement de 840 millions d’euros que vous annoncez aujourd’hui sur quatre ans est très insuffisant au regard des enjeux ; je pense notamment à la remise en état du réseau principal, qui est estimée par VNF à 1,5 milliard d’euros.
Selon VNF, 66 % des barrages et 54 % des écluses sont en très mauvais état et nécessitent une réfection d’urgence.
Par ailleurs, vous ne pouvez prétendre aujourd’hui que les 840 millions d’euros annoncés sont réellement financés : en effet, monsieur le ministre, le relèvement de la taxe hydraulique et la contribution de l’AFITF représentent seulement 70 millions d’euros par an, soit 280 millions d’euros sur quatre ans. On est loin des 780 millions d’euros annoncés !
Il sera difficile, voire impossible, de faire mieux avec moins. L’abandon du réseau secondaire qui se profile à l’horizon, jusqu’à sa fermeture prévisible, ainsi que le préconisent les travaux préparatoires à la mise en place de la RGPP que j’ai dénoncés en un autre temps, serait selon moi une erreur : vous sous-estimez la fonction hydraulique du réseau secondaire dans l’aménagement du territoire.
Parallèlement, monsieur le ministre, et ce point m’inquiète beaucoup, le texte empêche les collectivités, dont celle que je préside momentanément, qui souhaitent s’engager de le faire : l’article 5 du projet de loi prévoit de réduire drastiquement la compensation des dépenses de personnel, et ce malgré les garanties prises et les accords signés en commission pour les collectivités en expérimentation.
Vous livrez aux collectivités des infrastructures en très mauvais état, mais vous refusez de compenser les investissements. Pour la seule région Bourgogne, la facture de remise en état des ouvrages s’élève pour les vingt prochaines années à 348 millions d’euros. Or vous proposez seulement de les compenser à hauteur du tiers ou de la moitié. Comment résoudre cette équation au moment où les collectivités, les régions, les départements voient leur autonomie fiscale perdue et leurs dotations gelées ? Les collectivités ne pourront pas consentir l’effort nécessaire, comme elles l’ont fait par le passé pour les lycées !
Pour autant, en respect du protocole d’accord sur le nouvel établissement public conclu en juin dernier avec les organisations syndicales, nous avons examiné attentivement le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui afin de donner une perspective et un nouveau départ à nos canaux, du moins sur le plan de la gouvernance à défaut de disposer des moyens nécessaires.
Vous le savez, VNF a été créée en 1991 par Michel Rocard, alors maire de Conflans-Sainte-Honorine, qui connaissait bien les problèmes des voies navigables. Il eut l’idée le premier de pérenniser les efforts financiers supplémentaires pour remettre en état le réseau et lancer le projet Seine-Nord Europe, soit près de 500 millions de francs à l’époque, grâce à la création de la taxe hydraulique.
En 1992, VNF a absorbé l’ancien ONN, l’Office national de la navigation, orienté, lui, principalement sur la navigation, les services de navigation étant mis à sa disposition tandis que les voies qui lui étaient confiées lui étaient transmises pour gestion et non en propriété.
Déjà, à cette période, avait eu lieu un débat syndical très fort sur les transferts du domaine et des personnels de l’État. La décision de l’époque avait été un compromis qui a permis jusqu’ici, d’une part, de relancer les investissements et, d’autre part, de conduire le projet Seine-Nord Europe jusqu’à la consultation des candidats au contrat, consultation qui est en cours.
Malgré les efforts, que je salue, de VNF pour trouver des recettes supplémentaires liées au domaine, le réseau a continué de se dégrader, tant sur le réseau magistral – grand gabarit et réseau connexe – que sur le réseau moins fréquenté par le fret et à usage principalement touristique, faute d’un montant suffisant d’investissements.
L’autre difficulté récurrente est le manque de personnel nécessaire correctement positionné pour assurer des horaires de service compatibles avec les demandes des clients sur le réseau magistral. J’en ai eu la triste confirmation récemment lors de l’accord passé par VNF avec le groupe PSA Peugeot Citroën sur les réseaux secondaires, accord qui met en lumière le manque de personnel et de moyens.
Dans ce contexte, VNF a proposé de prioriser le réseau et les investissements, et d’orienter les métiers vers la maintenance préventive complémentaire aux investissements. Cela signifie que les métiers de la voie d’eau vont passer d’un métier directement lié à l’ouvrage – l’écluse ou le barrage éventuellement manuel – à plusieurs ouvrages
Ce texte, vous le dites, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, permettra à VNF de maîtriser les moyens qui sont aujourd’hui mis à sa disposition sans subir des contraintes autres que celles de son projet, de la loi de finances et du futur contrat d’objectifs et de performance en cours de négociation avec l’État.
En effet, aujourd’hui, les modifications d’effectifs et leurs affectations sont décidées par le ministère et les échelons locaux de l’État, et ne correspondent pas toujours aux priorités de l’établissement.
De plus, le projet de VNF comporte la création d’emplois saisonniers sur les canaux touristiques, où l’activité est concentrée durant l’été. Les contrats de droit privé conservent leur ancienneté et seront renouvelés tous les ans.
Pour les fonctionnaires, l’intégration à cette nouvelle VNF se fera en position normale d’activité, avec la garantie de non-mobilité imposée et de revenus conservés ; je pense notamment aux primes. Ce sont les points positifs de ce texte.
La complexité du futur système tient à la représentation mixant salariés de droit public et salariés de droit privé tout en maintenant leurs particularités dans des systèmes adaptés et une représentativité conservée. La synthèse opérée par M. le rapporteur semble répondre aux soucis de l’ensemble des partenaires, et je lui en sais gré.
Reste que les conditions dans lesquelles le groupe socialiste a dû travailler sur ce texte sont pour le moins problématiques. Nous avons sur certains points l’impression de signer un chèque en blanc. À toutes nos questions concernant les modalités de représentation, comme le choix du statut hybride d’un EPA qui conserve néanmoins les missions d’un EPIC, M. le rapporteur nous a répondu qu’il en allait de « l’équilibre psychologique » des personnels et des syndicats. Vous avouerez que c’est une explication un peu courte. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous nous donniez des explications plus précises sur ces sujets.
Par ailleurs, nous avons déposé des amendements. Certains visent à encadrer l’exercice des activités annexes de VNF, notamment la valorisation du domaine public.
Nous ne voulons pas que les choses se passent aussi mal que dans certaines villes avec France Domaine.
D’ici à la fin de l’année, les modifications de périmètre de l’agence vont conduire VNF à conclure avec ses tutelles et France Domaine une convention pour l’ensemble des bâtiments sièges, centres d’exploitation et maisons éclusières nécessaires, aujourd’hui gérés par l’État, mais entretenus par VNF. Il y a dans ce domaine des possibilités d’amélioration de la gestion et des économies à réaliser.
Aussi, monsieur le ministre, sous réserve que nos amendements soient adoptés ou pris en compte, nous ne nous opposerons pas à ce texte.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Louis Nègre.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vise à moderniser l’organisation du service public de la voie d’eau en vue d’atteindre l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement, à savoir d’augmenter la part du fret non routier et non aérien pour le faire passer de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
M. Louis Nègre.
En son article 1
Il prévoit de confier à l’établissement public des missions exercées par les services de la navigation et qui ne figurent pas actuellement parmi celles de VNF.
Il prévoit de donner à l’établissement public trois nouvelles missions accessoires : la possibilité d’exploiter l’énergie hydraulique au moyen d’installations ou d’ouvrages publics, celle de réaliser des opérations d’aménagement connexes ou complémentaires à ses missions et celle, enfin, de créer des filiales ou de prendre des participations dans des sociétés pour réaliser, notamment, des opérations d’aménagement.
L’article 2 du texte prévoit de placer le personnel de l’Agence nationale des voies navigables sous l’autorité de son directeur général, en précisant que ce personnel comprend plusieurs catégories : des fonctionnaires de l’État, des agents non titulaires de droit public et des salariés régis par le code du travail.
L’article 3 confie à l’agence de nouveaux pouvoirs en matière de police.
L’article 4, d’une part, confère au personnel de l’agence le pouvoir de constater les contraventions de grande voirie sur le domaine public fluvial et restreint la décentralisation des ports intérieurs situés sur le réseau dit « magistral », en disposant que l’État peut refuser les transferts de domaine qui compromettraient les perspectives d’essor du trafic sur ce réseau.
Monsieur le ministre, je ne peux que me réjouir de toutes ces nouvelles mesures qui renforcent cet établissement public administratif.
Je tiens aussi à remercier et à féliciter chaleureusement le rapporteur, qui a travaillé dans des conditions difficiles et dans de très brefs délais sur ce texte transmis récemment par le Gouvernement.
Cela étant dit, le constat que l’on peut dresser des voies navigables est mitigé.
C’est un euphémisme !
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
La France dispose du plus long linéaire navigable d’Europe, mais son réseau est singulièrement cloisonné, en mauvais état et, pour une grande partie, impropre au fret. Mal entretenues et mal équipées, nos voies fluviales parviennent difficilement à concurrencer la route et le rail, sauf pour le transport de pondéreux.
M. Louis Nègre.
Pourtant, tout le monde ici le reconnaît, la voie d’eau est une véritable chance pour notre pays, notamment pour les partisans du Grenelle de l’environnement, dont je fais partie. En effet, elle est fiable, sûre et relativement peu polluante. De plus, elle est utile à l’ensemble de la population, elle est favorable à la biodiversité du territoire et à la production d’énergie.
La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement fixe à l’État un objectif ambitieux de report modal. Pour le fluvial, où les marges de progression sont les plus importantes, il s’agit de doubler le fret actuel, faisant passer sa part de 4 % à 8 % d’ici à 2020 : c’est un défi aussi noble qu’audacieux !
En tant que rapporteur du groupe de suivi du Sénat sur l’avant-projet consolidé de schéma national des infrastructures de transport, je tiens à souligner que le volet fluvial prévoit une enveloppe d’environ 9 milliards d’euros, hors projet du canal Seine-Nord Europe, pour la réalisation, au cours des vingt années à venir, de la liaison fluviale à grand gabarit Bray-Nogent et de la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Moselle et Saône-Rhin.
Oui, mais cela absorbe tout !
M. Jean-Jacques Mirassou.
En revanche, monsieur le ministre, ce texte ne traite que de la gouvernance du fluvial, et c’est dommage.
M. Louis Nègre.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Il fait partie de ces projets de loi indiscutablement utiles, mais limités, qui n’abordent qu’un seul sujet. On aurait souhaité un texte plus ambitieux, qui aurait embrassé l’ensemble de la politique fluviale de la France.
M. Louis Nègre.
Dans cet esprit, nous soutenons totalement les propositions de notre excellent rapporteur, Francis Grignon. Je pense, par exemple, à celle qui consiste à revenir à la dénomination « Voies navigables de France ». Pourquoi changer le nom des entités de ce type, surtout lorsqu’il a acquis, comme c’est le cas en l’occurrence, une notoriété indiscutable, au point de devenir un véritable capital immatériel ? Nous vivons décidément dans un drôle de pays !
Je soutiendrai également les propositions visant à permettre à l’établissement public d’État de garder, à titre conservatoire, une compétence générale sur le réseau, tant qu’il n’est pas transféré aux collectivités locales, à rendre possible la nécessaire conciliation des usages diversifiés de la ressource aquatique ou la valorisation par VNF de son domaine.
Monsieur le ministre, ce projet de loi, qui consiste à regrouper dans un même ensemble les 400 salariés de VNF qui relèvent du droit privé et les agents de droit public, au nombre de 4 500, est utile. Cependant, à la forme juridique de l’EPA, plus contraignante, même si elle est adaptée, on aurait pu préférer celle, plus souple, de l’EPIC.
On peut également s’interroger sur le fait que ce projet de loi est soumis au Parlement alors même que l’État n’a pas encore jugé utile de nous communiquer le rapport, pourtant prévu par la loi Grenelle 1, sur le domaine public fluvial, comme il s’était engagé à le faire dans les six mois.
Il ne l’a pas !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Néanmoins, comme je l’ai déclaré au début de mon intervention, il convient de voter ce texte, qui va dans le bon sens.
M. Louis Nègre.
Il va à contre-courant !
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Ce texte reconnaît notamment à VNF la possibilité de créer des filiales et de prendre des participations, à l’instar de ce que cet établissement a déjà fait avec sa filiale Lyon Confluence pour la valorisation du domaine public fluvial lyonnais. Toutefois, je constate que la création de cette filiale unique a nécessité de la part de VNF des années de mobilisation et d’efforts, ne serait-ce que pour convaincre sa tutelle budgétaire et franchir les multiples obstacles administratifs.
M. Louis Nègre.
En définitive, je me réjouis que l’examen de ce texte intervienne concomitamment à la mise en œuvre d’un programme d’investissements de 840 millions entre 2010 et 2013, programme qui va en priorité à la modernisation du réseau à grand gabarit et qui vient en plus du canal Seine-Nord Europe.
Monsieur le ministre, j’attire toutefois votre attention sur le fait que l’écluse fluviale du Havre reste à venir et que le premier coup de pioche du canal fluvial du port de Marseille-Fos se fait attendre.
Malgré tout, ce projet de loi a le mérite de promouvoir les voies navigables qui, depuis le début du XX
Je ne peux que me féliciter de la volonté politique forte du Gouvernement de vouloir faire avancer les choses et de nous doter, à travers cette entité unique, et renforcée dans ses missions, d’un outil performant pour rattraper notre retard sur nos voisins européens.
Au-delà de ce texte fondateur, mes chers collègues, nous constatons parallèlement, et quoi que l’on puisse en dire, l’augmentation importante chaque année, même en période de disette, des investissements.
(Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Et des platanes malades !
M. Jean-Jacques Mirassou.
sur les mêmes travées.)
À ce Gouvernement qui nous propose des textes et rend leur traduction financière possible, qui est capable d’avoir une politique, de définir des objectifs et de mobiliser l’argent pour les mettre en œuvre, je tiens à dire bravo !
M. Louis Nègre.
sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Là, vous y allez fort !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Ainsi, grâce à l’impulsion que nous donnons aujourd’hui aux voies navigables, nous nous dotons des moyens de réussir le Grenelle de l’environnement. La cohérence et le volontarisme du Gouvernement sont certains !
M. Louis Nègre.
Absolument !
M. Thierry Mariani,
C’est pourquoi ce texte mérite notre entier soutien.
M. Louis Nègre.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP. – Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le ministre, dites-lui qu’il en fait trop !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Non, c’est très bien !
M. Thierry Mariani,
La parole est à M. Joël Labbé.
M. le président.
Cher collègue Louis Nègre, vous me permettrez de vous faire observer que, en cet instant, les travées de votre groupe ne sont guère fournies et ne sont donc pas en mesure d’apporter à ce texte le soutien que vous appelez de vos vœux.
M. Joël Labbé.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La qualité remplace la quantité !
M. Louis Nègre.
(Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les voies navigables françaises forment le plus grand réseau européen. Elles sont le résultat de grands investissements depuis le XVII
M. Joël Labbé.
Nous convenons tous qu’il y a urgence à rénover ce réseau et à le développer. Cependant, sous prétexte d’atteindre cet objectif et d’appliquer l’article 11 de la loi dite « Grenelle 1 », qui tend à faire passer la part du fret non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l'horizon 2022 – ce qui suppose de sacrés efforts ! –…
On les fera !
M. Louis Nègre.
... le Gouvernement propose d'opérer un regroupement des personnels, à savoir les salariés de l’établissement public Voies navigables de France et les agents des services de navigation de l’État.
M. Joël Labbé.
Ce regroupement rappelle celui auquel a donné lieu la création de Pôle emploi et qui n'a pas vraiment fait la preuve de son efficacité ; c’est même le contraire que l’on a constaté, je tiens à le dire ici solennellement. En tant que maire de Saint-Nolff, dans le Morbihan, je reçois régulièrement des jeunes en recherche d'emploi qui ont absolument besoin d’un accompagnement individualisé. Or ils n’en bénéficient pas. Si cet accompagnement n’est pas assuré, ce n’est certes pas la faute des agents de Pôle emploi, dont les effectifs sont à l’évidence trop minces et qui, trop souvent, aujourd'hui, n’occupent que des emplois précaires.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que ce projet de loi n’apporte aucune garantie quant au maintien durable du nombre de salariés de cette nouvelle structure, la RGPP obéissant à une logique générale de suppression de postes dans les services publics.
En outre, ce projet de loi n’organise pas une décentralisation cohérente et efficace. L’État dit vouloir poursuivre la décentralisation, mais il la freine dans les faits : il transfère les compétences, mais pas les moyens financiers correspondants.
Cette nouvelle Agence nationale des voies navigables voit aussi ses missions considérablement élargies, souvent au détriment des collectivités. Elle pourra créer des filiales, prendre des participations dans des sociétés privées d’aménagement, groupements ou organismes, en vue de réaliser des opérations d’aménagement.
J’attire également votre attention sur le fait que les voies navigables sont classées en masses d’eau fortement modifiées, ou MEFM, dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau. Or cette directive-cadre précise que le maintien en MEFM ne peut être justifié que si les voies présentent un intérêt économique ; dans le cas contraire, il convient de les classer en masses d’eau naturelles, avec obligation du rétablissement de leur bon état écologique. Il s'agira donc aussi de hiérarchiser les choix.
Faut-il favoriser l’essor du transport fluvial ? Oui, bien sûr,…
M. Louis Nègre.
… mais sur les canaux qui s'y prêtent, car, sur les rivières canalisées, il convient aussi d’assurer la libre circulation de la faune aquatique et de mieux gérer les niveaux d’eau.
M. Joël Labbé.
Je reviens un instant sur l'équilibre entre les différents modes de fret. Les avantages dont bénéficient les transports routiers – j'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet la semaine dernière –, et qui pénalisent fortement la pertinence des modes de transport alternatifs, ne sont pas admissibles. Les investissements en faveur du transport fluvial doivent être massifs, mais aussi s’inscrire dans le cadre d’une politique globale et cohérente de promotion du report modal. Il faut donc cesser d’envoyer des signaux contradictoires : je pense à l’autorisation de circulation des camions de 44 tonnes pour les produits agricoles et, avant la fin de 2012 – c'est une promesse du Président de la République ! –, pour les autres secteurs de l'économie ; je pense aussi aux aides directes et indirectes au transport routier ou encore à la fiscalité avantageuse sur les carburants.
Derrière ces mesures, on sent tout le poids du lobby des transporteurs routiers !
Et que dire du lobby de l'agriculture intensive ? Mardi 11 octobre, un décret relevant les plafonds d’épandage d’azote est paru au
Journal officiel
Cela n’a rien à voir !
M. Louis Nègre.
Il a été signé bien que les collectivités, notamment les collectivités bretonnes, en aient fortement contesté le bien-fondé et que la Commission européenne ait exigé de la France des explications sur sa politique de prévention des algues vertes.
M. Joël Labbé.
Ce que nous constatons, en vérité, c’est bien la concrétisation de la déclaration que le Président de la République a faite voilà plusieurs mois devant les agriculteurs : « L’environnement, ça commence à bien faire ! »
Ce n’est pas ce qu’on trouve dans ce texte !
M. Louis Nègre.
Et il n’a pas tout à fait dit cela !
M. Thierry Mariani,
J’ai entendu tout à l’heure Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement présenter solennellement ce projet de loi comme un texte fondateur. Si elle est sincère, elle ne doit pas toujours se sentir très à l’aise au sein d’un gouvernement qui reste si bienveillant à l’égard des lobbies.
M. Joël Labbé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les futurs gouvernements, quels qu’ils soient, devront se démarquer, se libérer de l’ensemble des lobbies, quelques intérêts qu’ils défendent.
À cet égard, 2012 sera une année charnière : il est temps que le politique reprenne enfin en main la politique, au service des territoires et des populations, en commençant par les plus démunies.
Le développement du fret fluvial est à l’évidence une priorité pour nous, écologistes. Néanmoins, le texte proposé est loin de nous satisfaire en l’état. Des amendements ont été déposés ; la discussion va suivre son cours. Elle nous permettra d’arrêter notre position au moment du vote final.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Roland Ries.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, afin de promouvoir et de relancer la voie d’eau, le Gouvernement propose aujourd’hui un texte destiné à restructurer Voies navigables de France.
M. Roland Ries.
Il s’agit de regrouper les 4 400 agents de droit public employés par le ministère et les 400 agents de droit privé employés par VNF dans un même établissement public administratif.
Le texte s’attache donc, pour l’essentiel, à répondre à la question relative au statut des personnels et à redéfinir les missions de VNF.
Ce matin, en commission, nous avons, me semble-t-il, trouvé une rédaction de compromis, permettant, d’une part, de respecter au plus près le protocole d’accord signé le 1
Outre les missions principales actuellement confiées à VNF, telles que l’exploitation, l’entretien, la maintenance du réseau ou encore la gestion hydraulique des voies, l’établissement aurait, selon le texte, de nouvelles « missions accessoires ».
Je souhaiterais m’attarder sur deux d’entre elles.
Tout d’abord, pour valoriser le domaine de l’État qui lui est confié et son domaine privé, VNF pourrait procéder à des « opérations d’aménagement ou de développement connexes à ses missions ou complémentaires de celles-ci ».
Je considère, pour ma part, que l’activité de valorisation du patrimoine foncier de VNF ne peut être conduite en dehors des concertations nécessaires avec les collectivités territoriales concernées. Il est bien évident que les projets doivent être compatibles avec les ambitions du territoire et cohérents avec les documents de planification urbaine, notamment le SCOT, le schéma de cohérence territoriale et le PLU, le plan local d’urbanisme. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens.
Par ailleurs, VNF pourrait créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés afin de réaliser toute opération utile à l’exercice de ses missions. À notre sens, la création de filiales ou la prise de participation dans des entreprises ne peuvent être considérées comme des missions en elles-mêmes et doivent donc être encadrées. Nous défendrons par conséquent un amendement soulignant en quelque sorte le caractère accessoire de ces nouvelles activités.
En vérité, il nous semble important, à nous, sénateurs socialistes, que VNF ne se disperse pas. L’objectif doit rester celui du Grenelle 1 : reporter le transport de marchandises notamment sur le fluvial, de manière à diminuer la part modale du routier et de l’aérien. Bien que l’objectif soit inscrit dans la loi depuis deux ans maintenant, la voie d’eau ne représente encore que 3,7 % du fret total français, contre environ 10 % pour le train, le reste étant réalisé par les poids lourds.
L’outil ferroviaire est, à l’évidence, l’élément majeur du nécessaire rééquilibrage. Mais, dans dix ans, il ne sera pas à lui seul en mesure de répondre à la demande nouvelle. L’atout fluvial doit donc être systématiquement privilégié dans les investissements à consentir, d’autant qu’il présente des avantages écologiques, économiques, ainsi que des atouts en termes de sécurité. Je rappelle qu’un convoi fluvial de 4 400 tonnes représente une capacité de transport équivalant à trois ou quatre trains et à 220 poids lourds.
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir que je suis très attaché au choix du mode de transport selon la zone considérée, une fois pris en compte le type de déplacement, le territoire traversé et le coût de revient écologique et économique. À cet égard, force est de constater que, en ce qui concerne l’acheminement de marchandises arrivant par voie maritime, le transport fluvial est le plus pertinent.
Le texte que vous proposez est, à mon sens, insuffisant pour répondre aujourd’hui à l’ensemble de ces enjeux, d’autant que son financement repose sur un fonds de concours de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France de 40 millions d’euros par an, à ajouter aux 30 millions d’euros de la taxe hydraulique sur la période allant de 2011 à 2013. Nous savons que l’AFITF n’a pas aujourd’hui les moyens de remplir l’intégralité de ses missions, son financement reposant notamment sur la taxe poids lourds, sans cesse reportée et, aux dernières nouvelles, prévue au mieux pour 2013.
Relancer la voie d’eau nécessite donc une approche globale, qui prenne en compte à la fois les ports maritimes, par lesquels transitent les marchandises, le réseau fluvial et les ports intérieurs.
Concernant nos grands ports maritimes, le débat de la semaine dernière l’a montré, « la bataille de la mer se joue à terre ». Aujourd’hui, plus de deux tiers des conteneurs destinés à notre pays entrent par les ports d’Europe du Nord, puis redescendent par la route vers nos territoires. Nos ports maritimes ne disposent pas, en effet, des dessertes fluviales et ferroviaires adaptées pour permettre d’amener les marchandises au cœur de nos terres, au plus près des lieux de consommation. Il faudra évidemment y remédier.
Il importe de redonner au réseau fluvial son rôle de trait d’union entre le maritime et l’arrière-pays. Par ailleurs, il faut encourager le développement des ports intérieurs et accroître la qualité de leurs infrastructures pour en faire de véritables sites multimodaux, des points d’échange entre le routier, le fer et la voie d’eau. Ces ports auraient également besoin de voir leur statut modernisé et leur fonctionnement sécurisé.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d’attirer votre attention, sur le Port autonome de Strasbourg, qui est un établissement public
sui generis
Monsieur le ministre, je dois vous informer que j’ai entamé une discussion sur ce sujet avec M. le préfet et j’espère pouvoir compter sur votre appui pour que l’État nous aide dans ce projet, qui permettrait au Port autonome de Strasbourg, véritable poumon économique de l’agglomération, de jouer pleinement son rôle et de développer ses activités.
En résumé, comme l’a précisé mon collègue François Patriat, le groupe socialiste-EELV, sous réserve de l’adoption de nos amendements, ne s’opposera pas au texte présenté par M. le rapporteur.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs qui se succèdent pour livrer leur opinion sur ce texte voient le verre à moitié vide ou à moitié plein selon qu’ils font partie de la majorité actuelle du Sénat ou de la nouvelle minorité.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Bien sûr, monsieur le ministre, pour votre part, vous le voyez à moitié plein !
Évidemment !
M. Roland Courteau.
De notre point de vue, le présent projet de loi confirme le manque de détermination du Gouvernement sur ce dossier.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Pourtant, dans la continuité du Grenelle de l’environnement et de l’étude du schéma national des infrastructures de transport, il y avait là une formidable opportunité pour assurer la promotion du fluvial, qui est un mode de transport de fret alternatif à la route, à la fois efficace et économe en rejets de CO
Faut-il rappeler que, sur 8 500 kilomètres de réseau navigable, seuls 3 200 sont adaptés au fret ?
Ce texte constitue donc une occasion manquée, car, plutôt que de promouvoir effectivement ce moyen de transport au travers d’engagements précis et chiffrés, le Gouvernement, une fois de plus, préfère jouer la carte de l’affichage politique en proclamant : « Nous créons la structure qui servira de support à notre politique. »
Cela se résume, pour l’instant, à un slogan, car des dispositions concernant presque exclusivement le personnel ou le mode de gestion ne sauraient suffire à relever le défi que constitue l’essor de ce secteur.
La « fusion-absorption » de 4 400 agents du ministère et de 400 salariés de VNF au service de la création de cette « super-agence » du fluvial est sans doute un passage obligé, mais sûrement pas une fin en soi.
D’ailleurs, il aura fallu toute l’imagination et l’abnégation de M. le rapporteur, ajoutées au travail de la commission, pour qu’un amendement de cinq pages se substitue à une rédaction issue de vos services, monsieur le ministre, qui était loin d’être satisfaisante et n’aurait sans doute pas survécu à un éventuel examen du Conseil constitutionnel.
Si l’on se réfère à ce qui s’est passé lors de la création de Pôle emploi ou des agences régionales de santé, il apparaît qu’on n’a sans doute pas fait le meilleur choix ! En effet, au moment où je vous parle, aucune visibilité de gestion n’est assurée ni dans un cas ni dans l’autre. Je redoute que la future Agence des voies navigables de France ne soit affectée du même syndrome.
Je le répète, aucun véritable projet d’envergure pour le secteur fluvial n’est exposé dans ce texte. J’ai bien compris que le projet du canal Seine-Nord Europe allait mobiliser une somme considérable, mais ce sera au détriment des autres projets, qui pourront seulement bénéficier d’une somme de 840 millions d’euros sur quatre ans. Ce montant sera insuffisant. J’en veux pour preuve que la seule remise en état du réseau magistral est évaluée à 1,5 milliard d’euros.
Par ailleurs, d’autres points nous préoccupent, qui ont suscité d’importantes discussions en commission.
La nouvelle agence aura la possibilité d’exploiter l’énergie hydraulique, de créer des filiales et de prendre des participations chez des opérateurs de droit privé dans le cadre de la mise en place d’opérations de valorisation immobilière. À ce titre, je partage les inquiétudes exprimées à l’instant par mon collègue Roland Ries.
En effet, il est à craindre qu’en se lançant dans ce type d’opérations la future agence ne se détourne de ses missions essentielles, qui sont pourtant loin d’être menées à bien actuellement. Je veux parler de l’entretien, de l’extension et de la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances. À l’évidence, de telles missions ne peuvent se concevoir qu’en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transport. Or nous pouvons actuellement constater une incapacité de l’État et de ses services à remplir ces missions de base.
À cet égard, en tant que sénateur de la Haute-Garonne, je me joins aux trois orateurs originaires de la même région que moi qui m’ont précédé à la tribune pour dénoncer l’état catastrophique du canal du Midi.
En effet !
Mme Françoise Laborde.
Je rappelle que ce canal traverse la Haute-Garonne de part en part, et notamment la ville de Toulouse.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Année après année, tous les observateurs s’accordent à dire que, de la Méditerranée à l’océan Atlantique, il est en très mauvais état. Entre le grave problème des platanes infectés par le chancre coloré – Roland Courteau y reviendra tout à l’heure – et l’état avancé de délabrement des berges, on comprend que des décisions urgentes s’imposent.
Je confirme ce qui a été dit tout à l’heure : une simple remise à niveau représenterait déjà 200 millions d'euros !
J’ajoute que, à Toulouse, cette extrême fragilité des berges interdit de mettre en place un mode de transport urbain alternatif par bateau, car, en l’état, il est impossible d’assurer une vitesse de circulation véritablement attractive. Les riverains toulousains du canal du Midi subissent ainsi une sorte de double peine !
Notre inquiétude est renforcée par le fait que la RGPP a, bien sûr, également sévi dans ce domaine.
M. Roland Courteau.
Je crois qu’on a atteint en l’occurrence la limite ultime. Je vous laisse, monsieur le ministre, en tirer les conséquences.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Les priorités sous-tendues par ce projet de loi devraient obéir à une logique de grands travaux, notamment pour le canal du Midi.
Par ailleurs, il n’a échappé à personne que la nouvelle agence sera susceptible de se voir déléguer des missions de police de la navigation, ce qui n’a pas manqué de susciter inquiétudes et interrogations pour l’avenir, notamment dans notre assemblée.
Monsieur le ministre, cela ne vous surprendra guère si je vous dis que ce texte est loin d’obéir aux ambitions que vous affichez et de répondre aux défis à venir. Il justifie donc de notre part une étude minutieuse et un certain nombre de propositions d’amendement.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Très bien !
M. Roland Courteau.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la teneur de vos interventions conforte, s’il en était besoin, le Gouvernement dans l’idée que le projet de loi qui vous est soumis est nécessaire.
M. Thierry Mariani,
ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.
Nous sommes tous ici, quel que soit notre positionnement politique, attachés au développement du transport fluvial. Ce mode de transport, historiquement très important, connaît une nouvelle vigueur, qui traduit parfaitement sa pertinence économique et ses avantages environnementaux. C’est aussi un outil patrimonial et d’aménagement du territoire de premier ordre, qu’il nous faut préserver.
Pour bien répondre à ces enjeux très importants, pour contribuer aux objectifs du Grenelle de l’environnement, s’agissant en particulier du report modal – je partage sur ce point l’analyse de M. Dubois et de Mme Schurch –, il convient désormais d’évoluer.
Une première réforme d’importance a été mise en œuvre en 1991, avec la création de Voies navigables de France, et je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont attachés au caractère emblématique du nom de l’établissement. Mais il nous faut aujourd’hui parachever cette réforme et nous doter, enfin, d’un vrai opérateur disposant de tous les leviers et des moyens nécessaires pour que la voie d’eau soit à la hauteur des enjeux et des ambitions que nous avons pour elle.
Il s’agit ici de créer une nouvelle communauté de travail, où les salariés actuels de VNF et les agents de l’État pourront ensemble, sous son autorité fonctionnelle, œuvrer efficacement pour la voie d’eau.
J’ai bien entendu les interrogations de MM. Dubois et Bourquin sur la qualification juridique de la nouvelle entité appelée à prendre la responsabilité pleine et entière de la voie d’eau au 1
Cette évolution est le fruit d’une très large concertation avec les organisations syndicales représentatives du personnel. Le statut d’EPA présente en effet l’avantage d’être plus rassurant pour les 4 400 agents de l’État concernés par le transfert, en leur apportant l'ensemble des garanties dont ils disposaient auparavant, tout en préservant les salariés de VNF.
Il n’empêchera pas l’établissement de continuer de recruter des salariés de droit privé. À cet égard, le « nouveau » statut n’est pas si éloigné du statut initial de l’établissement, souvent qualifié par le juge d’établissement public « à double visage ».
Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté la demande, formulée par vous et plusieurs de vos collègues, de conserver l’appellation « Voies navigables de France ». Si le Gouvernement n’avait pas fait ce choix, c’était pour deux raisons principales : premièrement, il s’agissait, là encore, du résultat d’une longue négociation, et le Gouvernement entendait respecter la parole donnée ; deuxièmement, il nous paraissait important que l’évolution considérable que nous allons connaître se traduise par un nouveau nom.
Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Sénat, sur ce point, sera le nôtre.
M. Louis Nègre.
De surcroît, ne pas changer de nom et conserver le même logo permettra de faire quelques économies…
M. Thierry Mariani,
(Applaudissements sur diverses travées
C’est du bon sens !
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
Sur le fond, j’en suis convaincu, confier le développement de la voie d’eau à un seul organisme est un préalable indispensable à toute politique cohérente et ambitieuse en faveur du transport fluvial. Ainsi que l’a noté Mme Des Esgaulx, cette réforme nous donne les moyens d’y parvenir, et donc de créer des emplois.
M. Thierry Mariani,
Je rejoins Mme Laborde et M. Mirassou pour considérer que, si cette réforme constitue une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante, et je reprends à mon compte l’image du verre à moitié vide ou à moitié plein employée tout à l’heure. Il faut en effet moderniser et sécuriser le réseau par des investissements adaptés, comme l’ont souligné MM. Navarro et Esnol. Le Gouvernement a d’ailleurs d’ores et déjà adopté un plan de relance de la voie d’eau tout à fait inédit, de près de 840 millions d'euros, ainsi que l’a relevé M. Nègre en défendant ce texte avec talent.
Je le rappelle, le niveau des investissements était tombé à 50 millions d’euros par an à la fin des années quatre-vingt ; nous devions réagir. Même si certains en demandent toujours plus, passer de 50 millions d’euros à 840 millions d'euros montre bien l’effort réalisé par le Gouvernement dans ce domaine.
Cet effort s’ajoute au plan de relance portuaire, qui comprend un volet consacré à l’amélioration de la desserte fluviale de nos ports et au projet de canal Seine-Nord Europe, lequel, comme chacun le sait, représente plus de 4,3 milliards d'euros. Ce canal, Nathalie Kosciusko-Morizet l’a souligné, permettra de relier, avec tous les avantages du grand gabarit, le bassin de la Seine et les réseaux fluviaux du nord de l’Europe.
Bien entendu, cette nouvelle organisation ne néglige pas la question de l’articulation entre la voie d’eau et les ports, qu’un certain nombre d’entre vous ont justement mise en relief, en particulier Philippe Esnol et Louis Nègre.
Le développement du trafic fluvial est fortement lié à la bonne implantation et à la bonne organisation des ports intérieurs. Le Gouvernement a donc décidé de délivrer, sur chaque bassin fluvial, une offre de points d’accès suffisamment large, diversifiée et cohérente avec les besoins des chargeurs. À cette fin, chaque bassin fluvial important doit disposer d’un schéma de coordination de ses ports qui permette d’identifier leurs caractéristiques, leurs complémentarités et leurs potentialités en termes d’augmentation de capacité, et ce de manière que leur développement soit harmonisé. Le schéma du bassin Rhône-Saône jusqu’au port de Marseille et du bassin de la Moselle sont aujourd’hui réalisés ; celui du Rhin est en cours.
Ainsi que l’a rappelé le maire de Strasbourg, Roland Ries, la politique de développement des ports intérieurs souhaitée par le Gouvernement accompagne, sur l’ensemble des bassins, le programme d’investissements et de modernisation du réseau fluvial, permettant ainsi l’essor du trafic fluvial, garant d’un transport durable et efficace.
Mme Des Esgaulx a noté avec raison que la rénovation du réseau fluvial était un enjeu écologique. Le report modal est bien notre objectif puisque le Grenelle prévoit de porter la part du trafic non routier et non aérien à 25 % à l’horizon 2022. La réforme nous donne les moyens d’y parvenir.
L’intégration intermodale est d’ailleurs un des chantiers prioritaires que nous avons lancés, et je citerai l’exemple de la plateforme multimodale du Havre, projet sur lequel le Président de la République s’est lui-même engagé. Ce chantier, dont les travaux commenceront au début de 2012, mettra à la disposition des transporteurs fluviaux une infrastructure moderne de transbordement de conteneurs vers le fluvial et le fer.
Dans chacun de nos grands ports maritimes, nous conforterons notre offre de transport par la mise en place, sur le réseau fluvial magistral, de plateformes multimodales capables de fournir une offre de transport massifié.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette volonté de développement du transport fluvial, Nathalie Kosciusko-Morizet l’a rappelé, s’accompagne de la mise en place de moyens financiers supplémentaires : votre assemblée, et je l’en remercie, a voté l’augmentation de la taxe hydraulique qui est affectée à Voies navigables de France ; les moyens de subvention de l’AFITF à VNF ont également été accrus.
Tout cela nous permettra de moderniser et de sécuriser le réseau. Il s’agit, par exemple, je le dis en particulier à Mme Des Esgaulx, de lancer les grands chantiers qui nous permettront de disposer sur l’Aisne et sur la Meuse de barrages automatisés, dignes du XXI
MM. Alain Chatillon et Christian Bourquin ont évoqué la situation du canal du Midi.
Moi aussi !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Je n’oublie pas M. Mirassou, qui ne manquera sans doute pas d’en reparler en d’autres occasions !
M. Thierry Mariani,
Le sujet n’est pas clos !
M. Roland Courteau.
D'ores et déjà, 37 millions d’euros ont été investis sur l’ensemble des voies du Sud-ouest, en particulier sur le canal du Midi. Pour faire face à ce drame que constitue la destruction des platanes par le chancre coloré et sauver ce patrimoine exceptionnel, il nous faut aller plus loin, et le Gouvernement assumera pleinement ses responsabilités.
M. Thierry Mariani,
En accord avec Nathalie Kosciusko-Morizet, j’ai proposé au Premier ministre d’adopter une stratégie offensive. Dans ce cadre, François Fillon a ainsi accepté de confier à M. Chatillon une mission consacrée à la restauration des plantations de platanes.
Par ailleurs, j’indique à M. Christian Bourquin que le projet de loi ne traite pas uniquement de la question du grand gabarit mais qu’il rappelle également l’attachement du Gouvernement aux missions d’aménagement du territoire. Il permet notamment d’adapter les méthodes de gestion de nos canaux pour tenir compte de leurs spécificités. Il faut, par exemple, tenir compte du fait que beaucoup d’entre eux sont principalement utilisés l’été.
Nous souhaitons enfin passer d’une logique d’intervention en urgence à une logique de maintenance préventive des écluses, puisque celles-ci sont les éléments les plus sensibles du réseau.
Malheureusement, l’augmentation de ces travaux sur le domaine géré par VNF entraînera un certain nombre de nuisances, qui ont été signalées. Il arrive en effet que certains travaux de mise à grand gabarit, notamment sur l’Oise, à l’image du battage des palplanches, occasionnent des nuisances sonores pour les riverains. Néanmoins, je tiens à le préciser, de tels travaux sont toujours effectués de jour et en semaine. Lorsque le travail de nuit est néanmoins nécessaire, comme cela a été le cas pour le barrage de Chatou, une information est systématiquement délivrée aux riverains. Globalement pour chaque projet, tel que le projet MAGEO, une étude est réalisée préalablement aux travaux et inclut notamment une analyse des nuisances.
Je terminerai en évoquant, à la suite de Mme Schurch et de M. Patriat, la décentralisation des voies navigables.
Le projet de loi ne remet absolument pas en cause l’expérimentation ouverte par la loi de 2004, et cette possibilité doit être préservée. La décentralisation n’est pas un facteur de déstabilisation ; elle constitue au contraire une opportunité pour le réseau secondaire.
En ce qui concerne l’expérimentation bourguignonne, j’indique à M. Patriat mon souhait de voir les discussions en cours entre la région et Mme la préfète, qui m’en a rendu compte, aboutir le plus rapidement possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis ne résume donc pas à lui seul la relance des voies navigables que nous souhaitons mener, même s’il en constitue la clef de voûte. Ce débat, un certain nombre d’entre vous l’ont souligné, rejoint celui que nous avons eu ensemble sur la réforme portuaire, la semaine dernière. La bataille des ports se gagne à terre : voilà une expression que j’ai entendue à maintes reprises. Mais, comme le disait Jean Jaurès, « c’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source ».
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La gauche pourrait applaudir !
M. Louis Nègre.
Cela sonne faux…
M. Jean-Jacques Mirassou.
Je m’efforce de m’adapter à la nouvelle majorité du Sénat ! Croyez bien que trouver une citation de Jaurès sur les fleuves n’était pas chose aisée !
M. Thierry Mariani,
Chez Jaurès, c’était une image !
Mme Évelyne Didier.
Le projet de loi constitue une étape importante de la réforme des voies navigables, une étape indispensable à sa réussite. Il vient parachever l’initiative qui, lancée il y a vingt ans, a conduit à la création de VNF. Je suis convaincu que, compte tenu des enjeux, l’ambition que nous partageons tous pour la voie d’eau nous permettra de trouver ensemble des solutions pour affronter au moins les défis des vingt prochaines années.
M. Thierry Mariani,
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur les travées du RDSE.)
Très bien !
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
M. le président.
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)
La séance est reprise.
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Dans l'intitulé de cette division, remplacer les mots :
Voies navigables de France
par les mots :
Agence nationale des voies navigables
II. - Procéder à la même substitution dans l’ensemble du texte.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
En commission, une quasi-unanimité s’est faite pour maintenir le nom de Voies navigables de France au motif qu’il constitue un élément de visibilité. J’ai également entendu que ce maintien permettrait en outre de ne pas dépenser inutilement de l’argent pour créer un nouveau logo. Je crois qu’il convient cependant de se montrer prudent en la matière.
Mme Mireille Schurch.
Sur cet amendement, j’espérais au moins recevoir le soutien du Gouvernement, mais M. le ministre m’a déjà annoncé qu’il se ralliait à la position adoptée par la commission ; je le regrette. En effet, les protocoles d’accord qu’il a signés le 24 juin et le 1
En outre, je pense qu’il est réellement important de donner de la lisibilité au nouveau statut fixé par ce texte au nouvel établissement : il s’agit d’un EPA, et non plus d’un EPIC. Cela suffit, notamment aux yeux des agents, à imposer un changement de nom. Ce sont bien les agents du futur établissement qui vont concrètement assurer au quotidien l’accomplissement de ses nouvelles missions. Il est donc particulièrement important qu’ils s’approprient aussi sa dénomination.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Madame Schurch, nous avons longuement débattu de cela en commission.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Je dirai simplement que ceux qui travaillent aujourd’hui sur le terrain et qui sont des fonctionnaires de l’État portent tous un vêtement marqué par le logo de VNF. Jusqu’à présent, cela n’a vraiment posé aucun problème !
Le Gouvernement ayant, de surcroît, donné à la commission son accord sur le maintien de l’actuelle dénomination, je ne peux qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Sans vouloir contredire M. le rapporteur, je tiens à préciser que je n’ai pas dit que le Gouvernement était d’accord avec la commission : j’ai seulement dit qu’il s’en remettrait à la sagesse – légendaire ! – du Sénat.
M. Thierry Mariani,
Le Gouvernement a souhaité changer le nom de l’établissement public pour marquer l’importance de l’étape franchie avec cette réforme. L’esprit est le même qu’en 1991, lorsque l’ancien Office de la navigation avait pris le nom de Voies navigables de France. Ce souhait répond, de plus, aux demandes des représentants des personnels de l’État qui étaient réticents à passer de l’employeur État à l’employeur VNF, dont les salariés relèvent à ce jour du droit privé.
Le Gouvernement est cependant conscient que ce changement de nom pourrait apparaître comme une remise en cause du travail accompli par VNF depuis vingt ans. Il ferait, en outre, disparaître un nom bien connu – et reconnu ! – des acteurs de la voie d’eau.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Nous avons effectivement eu, à ce sujet, une discussion assez longue en commission.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Si elle a lieu de nouveau, c’est bien qu’il y a ambiguïté. Tout à l’heure, notre collègue Daniel Dubois a posé la question : qu’est-ce qu’un EPA dérogatoire par rapport à un EPIC ? Un EPIC, c’est un établissement à caractère industriel et commercial qui correspond à une marque et qui a un logo. Il est donc cohérent de garder la marque et le logo VNF, même si de nouvelles missions sont dévolues au nouvel organisme, au demeurant hybride.
La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. le président.
Je suis partisan du maintien de l’appellation « Voies navigables de France » compte tenu de sa notoriété et de son image, qui est excellente. Il s’agit là d’un élément très important, car il faut des années, voire des décennies pour qu’un nom s’impose ainsi et devienne un emblème.
M. Louis Nègre.
On peut le dire, aujourd’hui, dans le domaine des transports, Voies navigables de France est une référence.
D’une manière générale, il me paraît fâcheux de renoncer à des dénominations qui disposent d’une grande notoriété,
a fortiori
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
Très bien !
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. le président.
La volonté du Gouvernement a été de regrouper tous les personnels dans un même établissement public. Ne brûlons pas le drapeau ! L’intérêt, c’est que tout le monde travaille sous le même drapeau. Il existe, il flotte au vent, tout le monde le connaît. Ne changeons pas le nom !
M. Daniel Dubois.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
M. le président.
Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. Je veux seulement faire observer que, après discussion, le Gouvernement s’était mis d’accord avec les organisations syndicales sur un autre nom.
Mme Mireille Schurch.
Ce qui me gêne, c’est que, nous, parlementaires, en décidions autrement. Nous sommes en contradiction avec ce qui a été négocié.
Je suis tout à fait prête à considérer que le nom de VNF est un label. Néanmoins, cet amendement demeure justifié.
La parole est à M. Louis Nègre.
M. le président.
J’attire l’attention de notre distinguée collègue sur le fait que le peuple souverain, c’est nous !
M. Louis Nègre.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Il a raison !
M. Alain Fouché.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Le titre I
1° L’article L. 4311-1 est ainsi rédigé :
Art. L. 4311-1. –
« 1° Assure l’exploitation, l’entretien, la maintenance, l’amélioration, l’extension et la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances, en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transports ;
« 2° Est chargé de la gestion hydraulique des voies qui lui sont confiées en conciliant les usages diversifiés de la ressource aquatique, ainsi qu’en assurant l’entretien et la surveillance des ouvrages et aménagements hydrauliques situés sur le domaine qui lui est confié ;
« 3° Concourt au développement durable et à l’aménagement du territoire, notamment par la reconstitution de la continuité écologique, la conservation du patrimoine, la promotion du tourisme fluvial et des activités nautiques ;
« 4° Gère et exploite, en régie directe ou par l’intermédiaire de personnes morales de droit public ou de sociétés qu’il contrôle, le domaine de l’État qui lui est confié en vertu de l’article L. 4314‑1 ainsi que son domaine privé. » ;
2° Après l’article L. 4311-1, sont insérés deux articles L. 4311-1-1 et L. 4311-1-2 ainsi rédigés :
Art. L. 4311-1-1. –
« Cet établissement apporte un appui technique aux autorités administratives de l’État en matière de navigation intérieure et propose toute réglementation qu’il estime nécessaire concernant l’exploitation du domaine public fluvial, les activités et les professions qui s’y rattachent ainsi que la police de la navigation intérieure.
Art. L. 4311-1-2. –
« L’établissement informe l’autorité administrative territorialement compétente de tout événement susceptible de porter gravement atteinte à l’ordre public. » ;
3° L’article L. 4311-2 est complété par des 6° à 8° ainsi rédigés :
« 6° Exploiter, à titre accessoire, l’énergie hydraulique au moyen d’installations ou d’ouvrages situés sur le domaine public fluvial mentionné à l’article L. 4311-1 du présent code en application des articles L. 511-2 ou L. 511-3 du code de l’énergie ;
« 7° Valoriser le domaine de l’État qui lui est confié en vertu de l’article L. 4314‑1 ainsi que son domaine privé en procédant à des opérations d’aménagement ou de développement connexes à ses missions ou complémentaires de celles-ci ;
« 8° Créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes en vue de réaliser toute opération utile à ses missions, y compris celles mentionnées au 7° du présent article. » ;
4° Le 3° de l’article L. 4312-1 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Sont électeurs au conseil d’administration toutes les catégories de personnel mentionnées à l’article L. 4312-3-1. L’élection a lieu par collèges représentant respectivement, d’une part, les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 et, d’autre part, les personnels mentionnés au 4° du même article, dans des conditions de nature à permettre la représentation de chaque collège fixées par décret en Conseil d’État. Le nombre de représentants du personnel au conseil d’administration tient compte des effectifs respectifs des agents de droit public et des salariés de l'établissement. »
La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, j’implore votre clémence : faute d’avoir eu la possibilité de m’exprimer lors de la discussion générale, je voudrais revenir sur un point qui a déjà été évoqué par plusieurs de mes collègues, notamment Jean-Jacques Mirassou, à savoir le canal du Midi.
M. Roland Courteau.
Personnellement, je regrette vivement que les travaux de modernisation et de mise au gabarit Freycinet entrepris dans les années soixante-dix n’aient jamais été terminés sur cette voie d’eau, car c’est une condition absolue pour y faire circuler des marchandises. Ainsi, la section comprise entre Baziège et Argens n’est toujours pas modernisée. C’est un véritable gâchis, car cela rend l’ensemble de ce canal impropre au transport de marchandises par des péniches d’un certain gabarit.
Je veux insister sur un autre problème qui a déjà été soulevé aujourd'hui, celui des platanes qui bordent ce canal et dont la dimension patrimoniale est aujourd’hui menacée. Vous avez d’ailleurs indiqué, monsieur le ministre, qu’un de nos collègues s’était vu confier une mission à ce sujet.
Chacun le sait, plusieurs milliers des 42 000 platanes qui forment en quelque sorte l’architecture végétale de cette magnifique voie d’eau – c’est, parmi celles qui sont nées du génie humain, la plus ancienne d’Europe – sont contaminés par un microchampignon, le
ceratocystis platani
Ce champignon se serait propagé en France au cours de la Seconde Guerre mondiale, à partir de caisses en bois de platane apportées par l’armée américaine et contenant du matériel de guerre.
Le seul moyen de lutter contre le chancre coloré est d’abattre les arbres contaminés, ainsi que tous ceux, même sains, qui sont situés dans leur périmètre immédiat.
Pour les populations riveraines, pour les touristes, mais aussi pour VNF, c’est un véritable crève-cœur !
Et la maladie est en expansion, car l’eau et les bateaux sont des vecteurs de propagation ; dès lors, la progression de la contamination ne peut être qu’exponentielle. On comptait 58 foyers entre 2006 et 2009 ; on en dénombrait 130 en 2010. Ce sont en fait les 42 000 platanes qui sont menacés et, avec eux, la majesté d’un site exceptionnel. Le canal du Midi sans ses platanes, ce n’est plus le canal du Midi ! Autrement dit, c’est l’identité même de cette voie d’eau qui est menacée.
J’ai appris que le nombre annuel d’abattages pourrait concerner 4 000 arbres en 2013. À ce rythme, les 42 000 platanes ne tarderont guère à disparaître tous !
Monsieur le ministre, peut-on améliorer la prophylaxie ? Est-il possible de mieux contrôler les foyers de propagation ? Peut-on mieux former les personnes qui travaillent sur ces platanes ou à proximité ? J’aimerais obtenir des réponses à ces questions.
Certes, des replantations adaptées sont en cours et des solutions sont à l’étude, notamment la modification et la diversification des essences. Il n’en reste pas moins que l’impact de cette maladie est inéluctable.
Je conclurai mon propos par une autre question. Depuis 1996, le canal du Midi est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Or les élus et la population craignent un déclassement. Je crois savoir que l’État envisagerait de signaler à l’UNESCO le problème auquel nous sommes confrontés. Cela a-t-il été fait ?
Ainsi que Christian Bourquin l’a rappelé, lorsque, récemment, M. le Président de la République est venu en Languedoc-Roussillon, ce problème lui a été exposé. Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire quelles mesures ont été décidées à la suite de cette visite ? Le Gouvernement a-t-il pris des initiatives ? A-t-il saisi l’UNESCO ?
L’avenir de ce canal, patrimoine exceptionnel et poumon économique de toute une région, est ici en jeu. Nous devons tous être vigilants, et je vous invite à l’être au premier chef, monsieur le ministre.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
L’amendement n° 8, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
, contribuant ainsi au report modal
La parole est à Mme Mireille Schurch.
La France possède 22,4 % du réseau fluvial européen, soit le plus vaste réseau navigable d’Europe. Pourtant, comme le notent de nombreux observateurs, cet atout ne se traduit pas, dans les faits, par un dynamisme de notre trafic de marchandises, puisque la voie d’eau plafonne toujours à 4 % du transport total de fret.
Mme Mireille Schurch.
Pour renforcer et valoriser le trafic fluvial, il est nécessaire d’avoir une double approche globale : du fluvial en tant que tel, d’une part, comme l’a souligné le rapporteur ; du transport de marchandises alternatif à la route, d’autre part.
Notre amendement ne vise pas seulement à encourager la multimodalité ou l’intermodalité, mais aussi à favoriser de manière volontariste le report modal. En ce sens, il s’inscrit dans la droite ligne des engagements pris à travers le Grenelle de l’environnement et il fait écho à l’objectif tendant à faire passer la part du fret non routier de 14 % à 25 % en quinze ans. Cette ambition donne au transport fluvial une place et un rôle majeurs, qui doit se traduire par un report modal, et non par la concurrence entre différents modes de transport au moyen du moins-disant social et écologique.
Favoriser le report modal, ce n’est pas seulement se concentrer sur le réseau magistral, c’est aussi tout faire pour entretenir et valoriser les réseaux dits « secondaires », qui sont tout aussi nécessaires au fret, comme le montre l’exemple du canal du Midi. Le parallèle avec le fret ferroviaire est ici évident.
Je rappelle que le schéma national d’infrastructures de transport ne prévoit pas de progression de la part du fret par voie d’eau, et je le regrette. En vingt ans, nous avons perdu 2 000 postes dans le secteur fluvial, et il est prévu, dans le cadre de la RGPP, de supprimer encore 271 emplois. Comment voulez-vous faire plus et mieux avec toujours moins d’emplois ?
N’oublions pas qu’un convoi fluvial de 5 000 tonnes équivaut à 250 camions, soit une file de 7 kilomètres en moins sur les routes !
Vous le voyez, cet amendement n’a donc rien d’anecdotique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
C’est un excellent amendement, qui va dans le sens du report modal. La commission émet donc un avis favorable.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avant de donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8, je souhaite répondre à M. Courteau.
M. Thierry Mariani,
Le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement conscients de la situation du canal du Midi. D’ailleurs, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, lorsqu’il s’est rendu en Languedoc-Roussillon, Nicolas Sarkozy a pu prendre toute la mesure du problème.
Où en sont les démarches entreprises auprès de l’UNESCO ? Je vous l’avoue, je ne suis pas, en cet instant, en mesure de répondre précisément à cette question.
C’est ce qui m’intéresse !
M. Roland Courteau.
Je m’engage à me renseigner à ce sujet auprès du cabinet de Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, car ce sujet me paraît relever plutôt de sa compétence.
M. Thierry Mariani,
Je rappelle que 37 millions d’euros ont déjà été investis en faveur de l’ensemble des voies navigables du Sud-ouest, et en particulier du canal du Midi. Je vous confirme en outre que votre collègue Alain Chatillon s’est vu confier une mission sur la replantation de ces platanes.
Étant moi-même originaire du Midi, mais du Sud-est, je peux vous dire que le chancre coloré prolifère équitablement, hélas, sur les deux rives du Rhône : j’ai pu constater les ravages de cette maladie dans ma propre région.
J’en viens à l’amendement n° 8.
Pour le transport des marchandises, il est acté à l’article 11 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement que le développement de l’usage du transport fluvial revêt un caractère prioritaire. Ce texte prévoit que la part du fret non routier et non aérien doit passer de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Cet amendement tend à expliciter les missions de la future agence en mentionnant la contribution au report modal, ce qui dépasse l’objectif de complémentarité avec les autres modes de transport et paraît plus cohérent par rapport aux dispositions de la loi Grenelle 1.
J’émets donc un avis favorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 8.
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n° 9, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le personnel de l'établissement assure la maîtrise de la gestion et de l'exploitation des voies d'eau.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
La valorisation, s’agissant du domaine public de l’État ou de toute autre personne publique, ne peut s’entendre comme la seule maximisation du profit. Elle a aussi pour objectif la recherche d’une meilleure satisfaction de l’intérêt général.
Mme Mireille Schurch.
Au regard des différentes fonctions du réseau des voies navigables, c’est-à-dire le transport fluvial, la prévention des crues, l’alimentation en eau des usagers urbains, agricoles ou industriels, la production hydroélectrique ou le tourisme, nous estimons que la gestion et l’exploitation des voies d’eau doivent se faire sous maîtrise publique de l’établissement.
De plus, et c’est le sens de notre amendement, il nous paraît essentiel d’encadrer la réalisation d’opérations d’aménagement ou bien d’opérations connexes aux missions de l’EPA. Celle-ci doit se faire sous maîtrise publique, afin de permettre aux personnels de l’EPA d’assurer l’ensemble des opérations liées à la gestion ainsi qu’à l’exploitation des voies d’eau et des installations.
Notre amendement autorise la sous-traitance et le recours à des prestataires de service sur le domaine public, mais en encadrant tout risque de privatisation des missions dévolues à l’EPA. En définitive, la valorisation des biens publics, quels qu’ils soient, doit s’entendre comme une valorisation au service de l’utilité publique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il revient, bien sûr, aux personnels de VNF de gérer et d’exploiter les voies navigables. Faut-il, pour autant, interdire à l’établissement public tout recours à des prestataires extérieurs pour l’exécution de certaines parties de ces missions ? Il me semble que ce serait hypothéquer l’avenir. Vous le savez, les métiers changent, et VNF peut avoir ponctuellement besoin de spécialistes qui ne font pas partie de son personnel.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
La commission, qui avait déjà repoussé votre proposition la semaine dernière, madame Schurch, a émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Comme l’a dit fort justement M. le rapporteur, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’exclure toute possibilité de partenariat ou de sous-traitance avec une entreprise.
M. Thierry Mariani,
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Je comprends votre souci, ma chère collègue, mais la rédaction de votre amendement pose un réel problème. Si vous aviez écrit que VNF devait assurer exclusivement la maîtrise d’ouvrage, nous aurions pu vous suivre. Or tel n’est pas le cas.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l’économie.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
M. le président.
Cet amendement ne vise pas à interdire la sous-traitance ou le recours à des experts extérieurs. Nous avons écrit que le personnel de l’établissement devait assurer « la maîtrise de la gestion et de l’exploitation ». Nous ne demandons rien d’autre et la rédaction de cet amendement est donc tout à fait correcte !
Mme Mireille Schurch.
Je mets aux voix l’amendement n° 9.
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n° 10, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Art. L. 4311-1-3
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Par cet amendement, que l’on pourrait qualifier de déclaratoire, nous souhaitons réaffirmer la nécessité d’investissements en faveur des voies navigables réalisés par l’État et l’AFITF.
Mme Mireille Schurch.
Vous nous répondrez que le Gouvernement vient de s’engager, notamment au travers du plan de relance de la voie d’eau, à réaliser un investissement de 840 millions d’euros. Nous sommes malheureusement habitués, en particulier depuis le Grenelle de l’environnement, à voir de grandes déclarations tomber aux oubliettes au nom de la rigueur budgétaire...
Tous les orateurs l’ont dit, les voies d’eau, et notamment les digues, sont dans un état lamentable. Faute d’investissements suffisants, une grande partie du réseau risque d’être définitivement abandonnée, ce qui mettrait irrémédiablement un terme à toute volonté de relance de la voie d’eau et de rééquilibrage modal au profit des modes de transport alternatifs à la route.
Je rappelle que les engagements financiers nécessaires à la rénovation de la voie d’eau ont été estimés à plus de 2,5 milliards d’euros. Des engagements fermes devront donc figurer dans la prochaine loi de finances et les décisions inscrites dans le SNIT, être mises en œuvre.
Nous souhaitons, par ailleurs, dénoncer la volonté du Gouvernement de se désengager de ses responsabilités, notamment en s’en déchargeant sur les collectivités, mais aussi en recourant de façon accrue aux partenariats public-privé.
Nous estimons, pour notre part, que la révolution écologique passe par un engagement fort et acté de l’État, garant de l’intérêt général, et par l’inscription des financements correspondants.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La réalité vous donne satisfaction, madame Schurch, puisque les subventions représentent déjà le quart des financements de VNF et que le regroupement des agents des services de l’État va considérablement augmenter la masse salariale, de l’ordre de 180 millions d'euros, à la charge de l’État.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Cependant, la précision que vous voulez introduire n’est peut-être pas inutile pour garantir la participation de l’AFTIF au financement des voies navigables. Dès lors que le présent amendement ne fixe aucun montant de participation, la commission émet un avis favorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les modalités du financement des projets de développement de la voie d’eau seront examinées le moment venu et ce financement sera assuré au cas par cas non seulement par le recours à des crédits budgétaires de l’État et/ou de l’AFTIF, mais également par la recherche de cofinancements auprès des collectivités territoriales concernées, de partenaires privés et de l’Europe.
M. Thierry Mariani,
Le Gouvernement ne souhaitant pas restreindre ces possibilités de financement pour contribuer au développement de la voie d’eau, il émet un avis défavorable.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous apporter quelques précisions. L’amendement n° 10 dispose : « L’État et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France concourent au financement… » Ce n’est pas l’amendement que nous avions examiné dans un premier temps en commission : il ne comporte aucune mention impliquant une exclusivité quant à l’origine des financements.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
Cet amendement, sur lequel je confirme l’avis favorable de la commission, ne devrait donc pas vous gêner en quoi que ce soit, monsieur le ministre.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. le président.
Passé le stade des bonnes intentions, à l’heure des travaux pratiques, pour être sûr de ne pas être débordé, monsieur le ministre, vous fermez en quelque sorte l’écluse… Nous le regrettons !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 14, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Art. L. 4311
La parole est à Mme Mireille Schurch.
La relance de la voie d’eau et la nécessaire mobilisation de ressources nouvelles pour le financement de la mise en sécurité, de la modernisation et de l’exploitation du réseau ne doivent pas conduire à faire accepter l’externalisation des tâches d’entretien et d’ingénierie publique.
Mme Mireille Schurch.
Sous prétexte d’économies à court terme, mettant en lumière l’affaiblissement de la capacité d’investissement à la fois de l’État et des collectivités, un tel procédé est très clairement, en réalité, un prélude à la privatisation des infrastructures. En tout cas, cela nous semble dangereux. Pourtant, ce type de contrat fait florès et tend à être généralisé à l’ensemble des infrastructures et équipements publics, notamment dans le secteur de la voie d’eau. En témoigne le projet de canal Seine-Nord Europe.
À l’inverse, nous estimons qu’il est urgent d’engager une politique publique ambitieuse pour l’entretien et l’exploitation des infrastructures, seule capable d’assurer réellement le développement d’un réseau multimodal et intégré. Et, monsieur le ministre, vous venez de nous confirmer une nouvelle fois votre ferme engagement en la matière.
Pourtant, votre gouvernement non seulement continue de mener une politique d’austérité et de rigueur, notamment par le biais de la RGPP, mais, plus grave, se dessaisit d’un financement des infrastructures à travers des concessions ou le recours aux PPP, les partenariats public-privé. Il s’agit bien là d’une logique de privatisation répondant à des impératifs budgétaires, et ce pour le plus grand bénéfice des actionnaires des entreprises du bâtiment.
Pour notre part, nous sommes très circonspects devant cette généralisation des PPP, notamment en ce qui concerne la reconstruction des barrages manuels sur la Meuse et l’Aisne.
Le transfert de la maîtrise d’ouvrage aux géants du BTP, dont le principal objectif est de verser des dividendes, ainsi que la suppression d’emplois publics qui y est liée nous semblent insupportables et en total décalage avec une politique des transports ambitieuse, répondant aux impératifs découlant du Grenelle de l’environnement.
Les récents exemples de mise en œuvre de PPP démontrent que, loin de constituer un mode de marché public efficace, cette solution se traduit à terme par des coûts plus élevés. Le recours à cette forme de marché public entérine également une perte de maîtrise publique qui n’est pas conforme aux objectifs d’intérêt général assignés à une politique des transports favorisant l’intermodalité et garantissant un niveau élevé de sécurité.
L’exemple de l’hôpital d’Évry constitue à ce titre un nouvel exemple de l’incapacité du privé, trop enclin à privilégier ses bénéfices, à répondre à des objectifs d’intérêt général.
Pour cette raison, et par le biais du présent amendement, nous voulons alerter nos collègues et le Gouvernement sur les conséquences néfastes de la généralisation du recours aux PPP et interdire ceux-ci pour la réalisation et l’exploitation des infrastructures fluviales.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Une telle interdiction paraît excessive, madame Schurch.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Je rappelle que les contrats de concession – puisque vous visez à la fois les concessions et les PPP – datent du XVII
Quant au partenariat public-privé, je ne pense pas qu’il faille le diaboliser : c’est un outil parmi d’autres au sein de la commande publique. Il a certes un coût, mais il permet de mobiliser des crédits importants : c’est le cas pour la réalisation du canal Seine-Nord Europe, dont le montant global dépasse 4 milliards d’euros. Il serait donc dommage de priver VNF de ce moyen d’action.
De surcroît, il ne s’agit pas, contrairement à ce que vous dites pressentir, de généraliser un tel système. Je rappelle que trois critères sont requis : l’urgence, la complexité, un bilan globalement favorable. J’ajoute qu’une mission d’appui aux PPP doit donner son feu vert.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Comme l’a fort justement indiqué M. le rapporteur, si l’amendement n° 14 était adopté, la concrétisation du projet du canal Seine-Nord Europe ou du projet tendant à reconstruire vingt-neuf barrages manuels sur le réseau fluvial serait impossible.
M. Thierry Mariani,
Les PPP constituent un outil novateur et permettent de réaliser un grand nombre d’investissements.
Je rappelle que, si quatre lignes de TGV peuvent actuellement être construites en même temps, c’est grâce au recours aux PPP. Bien sûr, il ne s’agit pas du domaine fluvial, mais je me permets de citer cet exemple, car je sais que les membres de votre groupe, madame Schurch, sont particulièrement attachés au développement du transport ferroviaire.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. le président.
Notre collègue Mme Schurch considère que les PPP doivent être rejetés systématiquement.
M. Louis Nègre.
Il faut regarder ces partenariats avec les yeux grands ouverts. Le PPP, c’est un peu comme la langue d’Ésope : ce peut être la pire et la meilleure des choses ! Il reste que, compte tenu des conditions qui sont imposées en cas de recours à de tels partenariats, les délais et les prix sont rigoureusement encadrés, ce qui n’est pas rien. Et n’oublions pas l’engagement de la partie privée d’entretenir l’ouvrage.
C’est pourquoi il me semble qu’il ne faut pas rejeter
Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. le président.
On ne peut pas laisser dire que les entreprises du bâtiment et de travaux publics ne cherchent qu’à supprimer des emplois publics. Elles jouent un rôle complémentaire de celui de l’État. Si ces entreprises n’existaient pas, les lignes à grande vitesse en cours de réalisation ne sortiraient jamais de terre !
M. Alain Fouché.
Par conséquent, j’estime que l’amendement n° 14 n’est pas acceptable.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
. Le projet du canal Seine-Nord Europe n’aurait pas vu le jour sans un PPP.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l’économie
Je souhaite cependant évoquer à mon tour le contre-exemple du fameux hôpital sud-francilien, qui démontre que le partenariat public-privé peut aussi, comme le disait notre collègue Louis Nègre, être la pire des choses. Un contrôle en amont d’un tel montage est évidemment nécessaire et le recours au PPP n’est pas un dogme religieux dont il ne faudrait jamais s’écarter !
M. Louis Nègre.
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
1° Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’établissement ne peut confier la réalisation des opérations d’aménagement et de construction qu'à des organismes visés à l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation, et aux articles L. 326‑1 et L. 327‑1 du code de l’urbanisme ;
2° Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
8° Créer des filiales à capitaux majoritairement publics ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes à capitaux majoritairement publics en vue de réaliser toute opération utile à ses missions, y compris celles mentionnées au 7° du présent article. » ;
La parole est à Mme Mireille Schurch.
L’article 1
Mme Mireille Schurch.
Non encadrée, une telle disposition aboutirait manifestement à laisser à l’EPA la possibilité de privatiser les installations et leurs dépendances comme leur gestion.
Nous proposons, par le présent amendement rectifié – et la rectification apportée va plus loin que celle qu’a suggérée M. le rapporteur –, que les opérations d’aménagement ne puissent être déléguées qu’aux seuls organismes d’HLM, aux établissements publics d’aménagement et aux sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA.
En effet, la rédaction qui nous a été soumise pour la phrase visant à compléter l’alinéa 15 de l’article 1
Par ailleurs, et sur ce point notre amendement est identique à celui de nos collègues socialistes, nous proposons de circonscrire les possibilités de filialisation ou de prises de participations aux sociétés à capitaux majoritairement publics. Une telle précision est à notre sens particulièrement utile pour garantir le caractère d’intérêt général des opérations ainsi menées.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
1° Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’établissement peut confier la réalisation des opérations d’aménagement et de construction à des organismes visés à l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation, et aux articles L. 326‑1 et L. 327‑1 du code de l’urbanisme ;
2° Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 8° Créer des filiales à capitaux majoritairement publics ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes à capitaux majoritairement publics en vue de réaliser toute opération utile à ses missions, y compris celles mentionnées au 7° du présent article. » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
Par le biais de cet amendement, nous souhaitons « marquer » le présent texte de plusieurs valeurs fondamentales à nos yeux.
M. Roland Courteau.
Permettez-moi tout d’abord d’insister sur le caractère accessoire de la délégation de valorisation foncière et d’exploitation de l’énergie de la nouvelle agence.
Nous pensons que la valorisation foncière et immobilière doit être conduite afin de valoriser les territoires concernés et pas seulement le bilan financier de la nouvelle agence.
Mes chers collègues, vous savez comme moi que l’on attend beaucoup de la manne foncière que représentent les emprises du domaine public de l’État. Depuis des années, nous assistons à la grande braderie du domaine public : emprises de RFF, de la SNCF, anciennes casernes et autres emprises militaires ou encore, comme on l’a vu récemment, bâtiments classés et autres monuments historiques. Tout est bon, aux yeux de l’actuelle majorité présidentielle, pour « faire de l’argent » et combler les trous !
L’État se comporte comme un propriétaire privé, sans montrer aucune considération pour les politiques publiques qui sont conduites dans les territoires où figure le patrimoine qu’il brade. C’est devenu une manie qui ne serait pas problématique si elle n’avait pour conséquence, alors que sévit une crise du foncier disponible, de faire monter les prix.
Pour notre part, nous entendons mettre fin à ce type de pratique. C’en est fini de l’État spéculateur ! Si VNF exerce une telle mission, l’établissement devra le faire dans le respect d’un certain nombre de principes. Nous estimons en effet que la création de filiales ou les prises de participations dans des entreprises, fussent-elles publiques, ne doivent pas être considérées comme une mission en soi.
Par ailleurs, nous vous avons fait part de notre interrogation quant au choix effectué, à savoir le statut d’établissement public d’État. Certes, cette option correspond au souci de préserver l’intérêt général. Nous ne doutons pas que ce même souci anime l’ensemble des personnels concernés par la présente réforme. Toutefois, nous souhaitons veiller à ce que les missions de VNF ne puissent être confiées qu’à des filiales à capitaux majoritairement publics ou, dans le cas particulier des opérations d’aménagement en cœur de ville, à des opérateurs dédiés, comme les organismes d’HLM, les établissements publics d’aménagement ou les SPLA.
Tel est le sens de l’amendement n° 3 rectifié.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’amendement n° 11 rectifié comprend deux parties, qui auraient pu faire l’objet de deux amendements distincts : notre débat en eût été plus clair ! La première partie de l’amendement vise la possibilité pour VNF de confier la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction. La seconde tend à permettre à l’agence de créer des filiales. Il s'agit de deux problèmes différents.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l’économie.
Or nous sommes favorables à la deuxième partie de l’amendement, mais pas à la première. En effet, madame Schurch, l’expérience nous montre que prévoir que « l’établissement ne peut confier la réalisation des opérations d’aménagement et de construction qu'à des organismes visés à l’article L. 411-2 » serait beaucoup trop restrictif.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
C'est pourquoi, si la commission n’a pas pu se prononcer sur cet amendement, à titre personnel, j’y suis défavorable.
Dans la mesure où l’amendement n° 3 rectifié prévoit une faculté là où celui qu’a défendu Mme Schurch vise à établir une exclusivité – « peut » et non « ne peut que » –, j’y suis, à l’inverse, personnellement favorable. Cependant, la commission a souhaité, sur cet amendement, s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, pour des raisons qui tiennent à la partie de l’amendement relative à la création de filiales : comme nous avons décidé de mettre en place un EPA, il n’est pas illogique que ses filiales soient créées avec des organismes à capitaux majoritairement publics.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les opérations d’aménagement seront bien sûr menées, dans la majorité des cas, par un organisme public. Pour autant, il peut y avoir des cas où l’établissement aura à traiter avec un aménageur privé, notamment sur de petites parcelles. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 11 rectifié.
M. Thierry Mariani,
S’agissant de l’amendement n° 3 rectifié, le Gouvernement est tout à fait d'accord pour que l’établissement, dans des cas particuliers d’aménagement en cœur de ville, puisse confier la réalisation d’opérations spécifiques, notamment quand il s'agit de logements, à des organismes HLM, des établissements publics d’aménagement ou des SPLA, dans le respect des règles afférentes à la commande publique.
En revanche, pour la composition du capital des sociétés filiales créées par VNF afin de conduire les opérations envisagées, l’objectif du Gouvernement est précisément que la mobilisation de capitaux privés ait un effet de levier par rapport à la situation résultant de la seule utilisation des ressources publiques. Dès lors, imposer une participation majoritaire de capitaux publics restreindrait le nombre et l’ampleur des opérations susceptibles d’être réalisées.
Monsieur Courteau, je vous suggère donc de supprimer le 2° du texte proposé, ce qui me permettrait d’émettre un avis favorable sur l’amendement.
Monsieur Courteau, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. le président.
Non, monsieur le président.
M. Roland Courteau.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. le président.
Les dispositions de l’amendement n° 3 rectifié répondent parfaitement à l’inquiétude que j’ai manifestée tout à l'heure, quand j’ai souligné que les nouvelles missions de VNF pourraient susciter des dérapages et entretenir la confusion des genres.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Le texte de cet amendement a le mérite de recentrer VNF sur son cœur de métier, tout en préservant le principe d’une majorité de capitaux publics dans ses filiales et en garantissant la nature des missions exercées. Par conséquent, le dispositif prévu, tout en donnant à VNF la flexibilité nécessaire pour réaliser les aménagements qui s’imposent, est suffisamment encadré pour éviter les dérapages que j’évoquais tout à l'heure et dont je soulignais qu’ils pouvaient être dangereux.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, quand vous demandez pourquoi les capitaux privés ne pourraient être majoritaires dans ces filiales, vous faites sauter un verrou. Nous nous inscrivons en faux contre cette conception, et nous maintenons donc l’amendement tel qu’il est rédigé.
La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur Courteau, je tiens à vous dire que la vente à bon prix d’un bien de l’État n’est pas obligatoirement un acte spéculatif. Ce peut être un acte d’intérêt général,…
M. Daniel Dubois.
Bien sûr !
M. Charles Revet.
… tout simplement parce qu’il s'agit là d’une source d’argent public.
M. Daniel Dubois.
Sauf quand le bien est bradé !
M. Roland Courteau.
Aujourd'hui, de nombreuses collectivités vendent des immeubles,…
M. Daniel Dubois.
Et en construisent d’autres !
M. Charles Revet.
… parce qu’elles estiment qu’elles n’en ont plus besoin. Très honnêtement, je pense que les vendre au meilleur prix est une décision d’intérêt général. Il y a là certainement une différence d’approche entre nous, mais je tenais à souligner ce point.
M. Daniel Dubois.
En outre, je voudrais faire une analogie avec les organismes HLM, dont on parle beaucoup. Ceux-ci étaient pour la plupart des EPA, et on en a fait des OPH, des offices publics de l’habitat, qui sont des EPIC, en partie, justement, pour leur permettre d’agir avec des acteurs privés.
Je vous le rappelle, aujourd'hui, les organismes HLM peuvent acheter des logements auprès d’opérateurs privés. Je ne comprends donc pas pourquoi on diabolise à ce point les opérateurs privés,…
Parce qu’il y a eu des dérapages !
M. Roland Courteau.
… en manifestant un tel dogmatisme.
M. Daniel Dubois.
Attention, mes chers collègues : au moment où l’argent public est rare, prenez garde à ne pas piéger les collectivités locales. En effet, si vous interdisez à VNF d’intervenir dans certains cas spécifiques en partenariat avec des acteurs privés et rendez obligatoire la constitution de structures publiques, vous contraindrez les collectivités à investir de l’argent public dans ces organismes, alors qu’elles n’en ont plus guère et qu’elles pourraient en consacrer à d’autres actions. Je vous invite donc à la prudence.
En tout cas, à titre personnel, je partage l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, j’ai entendu vos explications. La première partie de l’amendement n° 11 rectifié, qui vise à modifier l’alinéa 15 de l’article, est très exclusive, j’en conviens. Nous aurions pu prévoir que l’établissement « peut confier prioritairement ou majoritairement la réalisation des opérations d’aménagement ». Quoi qu'il en soit, je vais retirer cet amendement pour me rallier à l’amendement n° 3 rectifié, dont les autres dispositions sont strictement les mêmes que celles que j’ai défendues.
Mme Mireille Schurch.
Par ailleurs, monsieur Dubois, pourquoi l’argent est-il rare ? À mon avis, il n’est pas rare pour tout le monde !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Il faudrait tout de même veiller à alimenter correctement les caisses des collectivités territoriales, ne serait-ce qu’en puisant à des sources auxquelles le Gouvernement a manifestement renoncé jusqu’à présent.
Mme Mireille Schurch.
L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
M. le président.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.
Monsieur Dubois, il est vrai que, dans certains cas, on peut vendre à bon prix les biens publics, mais ces opérations ressemblent parfois à ce que j’ai qualifié tout à l'heure de grande ou très grande braderie. Et là, les ventes ne se font pas à bon prix !
M. Roland Courteau.
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. le président.
Sans allonger notre débat, je rappellerai qu’il existe dans toutes les collectivités de bons gestionnaires, qui sont parfois de gauche et très souvent de droite !
M. Daniel Dubois.
Comme à Chantilly !
M. Jean-Jacques Mirassou.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Puisque le texte de l’amendement n° 3 rectifié reste inchangé, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Thierry Mariani,
Je prendrai un exemple simple : celui de l’hydroélectricité. Faut-il que VNF soit majoritaire dans la filiale qui exploite les turbines, alors que, à l’évidence, ce n’est pas son cœur de métier. Autant une participation a du sens, autant il n'est pas logique que VNF ou le secteur public soient majoritaires dans ce type d’activités. Voilà pourquoi nous nous opposons à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 1, présenté par MM. Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Supprimer les mots :
ou complémentaires de celles-ci
Il est retiré, monsieur le président.
M. Roland Ries.
L’amendement n° 1 est retiré.
M. le président.
L'amendement n° 2, présenté par MM. Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Ces opérations doivent être compatibles avec les principes d’aménagement définis dans le schéma de cohérence territoriale du territoire concerné. Quand elles ont pour finalité la création de bureaux ou locaux d’activité, elles doivent prévoir la construction d’une quantité minimale de logements, définie en concertation avec commune et la collectivité compétente en matière de programme local de l’habitat ;
La parole est à M. Roland Ries.
Nous souhaitons que les opérations de valorisation immobilières et foncières soient clairement compatibles avec les principes d’aménagement définis dans le schéma de cohérence territoriale du territoire concerné.
M. Roland Ries.
Il nous a été indiqué en commission, en partie à juste titre, qu’une opération d’aménagement ne pouvait pas être incompatible avec un SCOT. Toutefois, mes chers collègues, j’attire votre attention sur un point : certains PLU restent, hélas, désespérément incompatibles avec les SCOT, du fait même qu’ils ont été adoptés avant ces derniers. Par ailleurs, certains projets, notamment en cœur de ville, méritent que les détenteurs des emprises foncières s’accordent avec les responsables locaux. Notre objectif doit donc être de parvenir à une vraie concertation, à un véritable dialogue entre le propriétaire ou le gestionnaire du foncier et les collectivités locales compétentes, pour que l’aménagement du territoire soit équilibré.
Nous ne souhaitons pas que soient reproduites les situations, que nous avons connues dans certaines villes, de cessions d’emprises aux plus offrants, fût-ce par le biais de baux emphytéotiques, sans que les collectivités soient seulement mises au courant.
Or, vous le savez, dans nos villes, en particulier dans les villes moyennes, l’État comme ses établissements publics n’ont pas toujours pris les précautions nécessaires pour valoriser au mieux leur patrimoine dans le sens de l’intérêt général des territoires. C’est ce que nous voulons éviter au travers de cet amendement, qui tend à préciser le dispositif prévu et à rendre obligatoire la concertation avec les autorités locales.
Quand elles auront pour finalité la création de bureaux ou de locaux d’activité, ces opérations devront prévoir la construction d’une quantité minimale de logements, définie en concertation avec la commune et la collectivité compétente en matière de programme local de l’habitat. Rien n’empêchera les partenaires de décider de ne réaliser aucun logement si d’aventure la zone considérée est totalement à l’écart d’un tel programme. Néanmoins, un dialogue aura tout de même été instauré entre, d'une part, le propriétaire ou le gestionnaire, et, d'autre part, la collectivité qui est en charge de l’intérêt public sur le territoire concerné.
L’activité de valorisation du patrimoine foncier de VNF ne peut, nous semble-t-il, être conduite en dehors de toute concertation avec les collectivités concernées. La référence au SCOT permet au minimum de s’assurer d’un dialogue en amont. C’est un signal que nous souhaitons adresser au travers de la loi.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise tout d’abord à rendre les opérations d’aménagement conduites par VNF compatibles avec les principes des schémas de cohérence territoriale, là où ils existent. Ce volet de l’amendement ne pose aucun problème ; on peut même dire que son objet est satisfait, les collectivités territoriales maîtrisant leur urbanisme et les opérations de VNF devant, dans tous les cas, être compatibles avec les documents d’urbanisme en vigueur.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
C’est sur le second volet de l’amendement que le bât blesse. En effet, il est indiqué que les opérations comportant la construction de bureaux ou de locaux d’activités devront également prévoir la construction d’une quantité minimale de logements, définie en concertation avec la collectivité compétente en matière d’habitat.
Non seulement la référence à la construction d’une quantité minimale de logements manque de précision, non seulement elle ne correspond pas aux situations locales, mais surtout elle pourrait contraindre les collectivités territoriales à construire des logements dans des secteurs où elles ne projetaient pas de le faire.
Étant opposée à ce second volet, la commission émet un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Thierry Mariani,
La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. le président.
Nous avons eu une discussion sur ce sujet lors de la réunion de la commission, ce matin. Il me semble qu’il existe des malentendus concernant l’application des règles d’urbanisme. J’en ai discuté à l’issue de la réunion avec notre rapporteur ainsi qu’avec nos collègues Philippe Esnol et Marie-Noëlle Lienemann.
M. Joël Labbé.
Il est évident, à mes yeux, qu’il est impossible de déroger au PLU lorsqu’il en existe un. Cet amendement prévoit que, si l’État donne des indications dans le « porter à connaissance », la collectivité doit en tenir compte lorsqu’elle revoit son PLU ou le met en œuvre. C'est pourquoi nous renonçons à l’opposition que nous avions exprimée ce matin en commission à l’égard de cet amendement.
La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.
M. le président.
Je voudrais revenir sur l’obligation d’envisager la construction de logements dans ces opérations. Nous avons défini cette orientation pour favoriser la mixité fonctionnelle urbaine. L’époque où les secteurs étaient clairement définis – ici les bureaux, là les zones d’activité, ailleurs les logements – est révolue ; je pense que nous sommes unanimes à ce sujet.
M. Roland Ries.
Toutefois, il n’est pas impossible, je l’ai dit tout à l'heure, que, dans le cadre de la concertation entre la collectivité publique et le propriétaire ou le gestionnaire du foncier, on décide d’un commun accord de déroger à cette règle pour aller dans une autre direction. S’il existe un PLU couvrant le secteur, il n’appartient pas au législateur de dire que l’on ne peut pas faire ainsi.
Il s’agit plus d’une incitation à la concertation, au dialogue, que d’une obligation. Nous demandons simplement que soit prise en compte cette possibilité de ne pas construire exclusivement des bureaux ou des locaux d’activité, au motif que cela serait plus rentable.
Si la collectivité locale, qui est en charge de l’intérêt public, décide que le partage du territoire se fera de telle façon, il ne nous appartient pas de dire le contraire. L’esprit de cet amendement est donc plutôt d’inciter à la concertation. Je considère d'ailleurs que le projet de loi est presque muet sur la nécessité, qui me paraît pourtant essentielle, d’un dialogue entre VNF et les collectivités publiques.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. le président.
Je souhaite insister sur le constat que vient de faire notre collègue Roland Ries : les collectivités territoriales sont les grandes absentes de ce texte.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Leurs prérogatives seront inévitablement mises en jeu à un degré ou à un autre. Il me semble donc dommageable que ce texte ne précise pas, au moins à grands traits, quelles doivent être les relations entre la nouvelle agence et les collectivités territoriales. Pourtant, il se produira forcément – cet amendement en témoigne – des interférences entre la mission des uns et la compétence des autres.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur Ries, nous sommes évidemment partisans de la mixité sociale. Il reste que, dans cet amendement, vous écrivez précisément que, quand ces opérations « ont pour finalité la construction de bureaux, elles doivent prévoir la construction d’une quantité minimale de logements ». Il s’agit bien d’une obligation puisqu’on impose la construction de logements quelle que soit l’opération d’aménagement. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Je mets aux voix l'amendement n° 2.
M. le président.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
L'amendement n° 15, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 16
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 4311‑2, il est inséré un article L. 4311‑2‑1 ainsi rédigé :
Art – L. 4311
« Celui-ci est composé de représentants des bateliers et de membres du conseil d’administration de l’établissement en tenant compte de la diversité de sa composition. Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Outre les collectivités locales, il y a d’autres grands absents de ce projet de loi : ce sont les usagers, qu’ils soient professionnels ou plaisanciers, transporteurs de fret, transporteurs de passagers ou loueurs de bateaux.
Mme Mireille Schurch.
Lorsqu’on parle de transport fluvial, on parle aussi de familles qui vivent sur un bateau. La grande majorité des unités fluviales qui naviguent et transportent sont des exploitations familiales. Or, malgré la volonté qu’a l’établissement public VNF d’assurer des créneaux de navigation réguliers, les horaires d’ouverture des écluses varient bien souvent d’un canal à l’autre, faute d’un nombre suffisant d’agents.
Dans un article du
Ces derniers mois, des écluses du canal du Nord ont été fermées inopinément pendant plusieurs heures.
Ces dysfonctionnements viennent s’ajouter aux défaillances des ouvrages vieillissants : en effet, 54 % des écluses sont en fin de vie et risquent donc à tout instant de ne plus pouvoir jouer leur rôle.
Je ne pense pas, monsieur le ministre, qu’il soit difficile d’identifier les usagers ; il suffit d’un peu de bonne volonté ! Ces usagers, ce sont les acteurs économiques locaux, les syndicats professionnels de la batellerie artisanale, la chambre nationale de cette profession, les comités des armateurs fluviaux, l’association des usagers du transport fluvial, les courtiers de fret et les représentants des instances portuaires.
Il apparaît donc indispensable d’associer les usagers, ou les clients,
Nous sommes particulièrement attachés à cet amendement. Hier matin, dans le cadre des Assises du ferroviaire, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet nous a expliqué que, s'agissant du fret ferroviaire, nous n’avions pas suffisamment tenu compte des clients. J’en conclus que cet amendement sera bien accueilli par M. le ministre puisqu’il vise précisément à prendre en compte les « clients ».
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’institution d’un Conseil de service aux usagers, sur la demande des bateliers, est peut-être utile. Toutefois, j’attire votre attention sur la difficulté de faire vivre une telle instance.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
En outre, cette question n’est pas directement liée à l’objet du présent projet de loi, qui porte sur la gouvernance de VNF.
La commission souhaite par conséquent connaître préalablement l’avis du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
La création d’une telle instance de conseil relève du niveau réglementaire. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. Thierry Mariani,
Avec quelle garantie ?
M. Jean-Jacques Mirassou.
Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. le président.
Défavorable.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. le président.
La demande de notre collègue Mireille Schurch me semble parfaitement justifiée,
M. Jean-Jacques Mirassou.
a fortiori
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
M. le président.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Je mets aux voix l'article 1
M. le président.
(L'article 1
est adopté.)
Le chapitre II du titre I
1° Le 3° de l’article L. 4312-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont électeurs au conseil d’administration toutes les catégories de personnel mentionnées à l’article L. 4312-3-1. L’élection a lieu par collèges représentant respectivement les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 et les personnels mentionnés au 4° du même article, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 4312-3 est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur général a autorité sur l’ensemble des personnels de Voies navigables de France.
« Il peut disposer d’une délégation de tout ou partie des pouvoirs du ministre chargé des transports en matière de gestion et de recrutement des personnels mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 4312-3-1 dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Il recrute, rémunère et gère les personnels mentionnés aux 3° et 4° de l’article L. 4312-3-1.
« Il rémunère les personnels mentionnés aux 1° et 2° du même article L. 4312-3-1 conformément aux textes réglementaires les concernant.
« Il est compétent pour créer les commissions mentionnées à l’article L. 4312-3-2.
« Il peut déléguer son pouvoir en matière de gestion et de recrutement aux directeurs des services territoriaux de Voies navigables de France. » ;
3° La section 3 est ainsi modifiée :
a) Son intitulé est ainsi rédigé : « Personnel de Voies navigables de France » ;
b) Sont ajoutés quatre articles L. 4312-3-1 à L. 4312-3-4 ainsi rédigés :
Art. L. 4312-3-1.
« 1° Des fonctionnaires de l’État, le cas échéant nommés sur emploi fonctionnel ;
« 2° Des ouvriers des parcs et ateliers des ponts-et-chaussées et des bases aériennes de l'État admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 portant réforme des régimes de retraites des ouvriers des établissements industriels de l’État, régis par le décret n° 65-382 du 21 mai 1965 relatif aux ouvriers des parcs et ateliers des ponts-et-chaussées et des bases aériennes admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 ;
« 3° Des contractuels de droit public ;
« 4° Des contractuels de droit privé sous le régime de la convention collective de Voies navigables de France.
« Les fonctionnaires occupant des emplois de direction de l’établissement peuvent être détachés dans un emploi fonctionnel défini par décret en Conseil d’État.
Art. L. 4312-3-2.
Art. L. 4312-3-3
« Il est également institué, en application de l’article L. 2321-1 du code du travail, un comité d’entreprise compétent pour les personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1.
« Le comité technique est compétent pour les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Il exerce les compétences prévues au II de l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
« Ce comité comprend le directeur général de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu’ils sont consultés.
« Les représentants du personnel siégeant au comité technique sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. L’élection a lieu dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions prévues par l’article 9
« Le comité technique de proximité institué dans chaque direction territoriale de Voies navigables de France est compétent pour les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312‑3‑1. Il est appelé à connaître de l’organisation de la direction territoriale auprès de laquelle il est institué.
« Ce comité comprend le directeur territorial de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu’ils sont consultés.
« Les modalités de l’élection des membres des comités techniques de proximité de Voies navigables de France sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Le comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que les comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail institués, dans chaque direction territoriale de Voies navigables de France, dans les conditions prévues par l’article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, sont compétents pour l’ensemble des personnels de l’établissement. Ils exercent les compétences du comité prévu par ce même article et celles prévues au chapitre II du titre I
« II. – 1. Le chapitre III du titre IV du livre I
« 2. La validité des accords collectifs de travail, pour les personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1, prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail, est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité d’entreprise et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections. L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l’accord, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-8 du même code.
« 3. Conformément au IV de l’article 8
« 4. Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1 du code du travail, une section syndicale au sein de l’établissement peut, s’il n’est pas représentatif dans Voies navigables de France, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de cet établissement.
« III. – Les membres des instances mentionnées au I, les délégués du personnel, les délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient des garanties prévues par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, de la protection prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail.
« IV. – Les agents mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 demeurent électeurs au comité technique ministériel du ministère chargé du développement durable.
« V. – Au terme d'une période de trois ans à compter de la date de transfert de services fixée à l'article 6 de la loi n° … du … relative à Voies navigables de France, un accord collectif conclu dans les conditions fixées par le présent article peut prévoir qu’un comité technique unique est substitué au comité technique et au comité d’entreprise mentionnés au I du présent article.
« Ce comité technique unique est compétent pour l’ensemble des personnels de Voies navigables de France. Il exerce les compétences du comité technique et du comité d’entreprise. Il est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Ce comité comprend le directeur général de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu’ils sont consultés.
« Les représentants du personnel siégeant au comité technique unique sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312‑3‑1, celles prévues par l’article L. 2324-4 du code du travail ;
« 2° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1, celles prévues par l’article 9
« Les modalités d’élection des membres du comité technique unique sont fixées par décret en Conseil d’État.
« VI. – Au terme d’une période de trois ans à compter de la date de transfert de services fixée à l’article 6 de la loi n° … du … relative à Voies navigables de France, un accord collectif conclu dans les conditions fixées par le II du présent article peut prévoir que des comités techniques uniques de proximité sont substitués aux comités techniques de proximité prévus par le I du même article.
« Ces comités techniques uniques de proximité sont compétents pour l’ensemble des personnels de Voies navigables de France. Les comités techniques uniques de proximité exercent les compétences des comités techniques de proximité et les compétences de comités d'établissement.
« Un accord collectif conclu dans les conditions fixées au II du présent article peut préciser les compétences respectives du comité technique unique et des comités techniques uniques de proximité.
« Le comité technique unique de proximité comprend le directeur territorial de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants de tous les personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu'ils sont consultés.
« Les modalités d'élection des membres des comités techniques uniques de proximité sont fixées par décret en Conseil d’État.
Art. L. 4312-3-4.
« Voies navigables de France engage tous les trois ans une négociation avec les représentants du personnel visant à une modification éventuelle de cet accord.
« II. – Voies navigables de France établit un plan annuel de recrutement et d’emploi qui s’inscrit dans le cadre de la définition des types d’emplois nécessaires à l’exercice de ses missions et de leur répartition selon les catégories de personnels mentionnées à l’article L. 4312-3-1, prévus au I du présent article, et qui précise les prévisions annuelles de recrutement et d’emploi des différentes catégories de personnels. Le plan annuel de recrutement et d’emploi est établi par délibération du conseil d’administration de l’établissement après consultation du comité technique et du comité d’entreprise, ou du comité technique unique s’il est constitué. » ;
4° Avant l’article L. 4312-4, sont insérés :
a) Une division section 4 intitulée : « Dispositions diverses » ;
b) Un article L. 4312-4 A ainsi rédigé :
Art. L. 4312-4 A.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° 16, présenté par M. Grignon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre II du titre I
1° L’article L. 4312-3 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur général a autorité sur l’ensemble des personnels de l’établissement.
« Il peut disposer d’une délégation de tout ou partie des pouvoirs du ministre chargé des transports en matière de gestion et de recrutement des personnels mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 4312-3-1 dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Il recrute et gère les personnels mentionnés aux 3° et 4° du même article L. 4312-3-1.
« Il peut déléguer ses pouvoirs en matière de gestion et de recrutement aux directeurs des services territoriaux de l’établissement. » ;
2° La section 3 est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Personnel de l’établissement » ;
b) Sont ajoutés quatre articles L. 4312-3-1 à L. 4312-3-4 ainsi rédigés :
Art. L. 4312-3-1. –
« 1° Des fonctionnaires de l’État ;
« 2° Des ouvriers des parcs et ateliers des ponts-et-chaussées et des bases aériennes de l’État ;
« 3° Des agents non titulaires de droit public ;
« 4° Des salariés régis par le code du travail.
Art. L. 4312-3-2.
« Ce comité technique unique comprend :
« 1° Une formation représentant les personnels de droit public, exerçant les compétences prévues à l’article 15 de la loi n° 84-16 précitée ;
« 2° Une formation représentant les salariés de droit privé, exerçant les compétences prévues aux articles L. 2323-1 à L. 2323-87 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues dans le décret en Conseil d’État susvisé ;
« 3° Une formation plénière, issue des deux premières.
« Chacune des deux formations restreintes est réunie pour les questions relevant de sa compétence. Le comité technique unique est réuni en formation plénière pour examiner les questions intéressant l'ensemble du personnel de l’établissement, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Le comité technique unique est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Seule la formation visée au 2° est compétente pour gérer le budget des activités sociales et culturelles des salariés de droit privé.
« Le comité technique unique est composé, dans sa formation plénière, du directeur général de l’établissement ou de son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel issus des deux autres formations. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.
« Chacune des deux formations restreintes est composée du directeur général de l’établissement ou de son représentant, qui le préside, et des représentants des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1, pour l’une, et des personnels mentionnés au 4° de ce même article, pour l’autre. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque une formation est consultée.
« Les représentants du personnel siégeant au comité technique unique sont élus, par collège, au scrutin de liste avec représentation proportionnelle selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 du présent code, celles prévues par l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« 2° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1 du présent code, celles prévues par l’article L. 2324-4 du code du travail.
« La composition de la représentation du personnel au sein du comité technique unique et de ses formations est fixée par décret en Conseil d’État de façon à permettre la représentation de chaque collège et à tenir compte des effectifs des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 d’une part, et des personnels mentionnés au 4° du même article, d’autre part.
« II. – Des comités techniques uniques de proximité compétents pour l’ensemble des catégories de personnel de l’établissement sont institués auprès de chaque directeur territorial de l’établissement.
« Ils exercent les compétences de comités techniques locaux et les compétences de comités d’établissement.
« Un comité technique unique de proximité comprend le directeur territorial de l’établissement ou son représentant, qui le préside, et des représentants de tous les personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.
« Les modalités d’élection des membres des comités techniques uniques de proximité et la composition de la représentation du personnel sont fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Sont institués un comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, placé auprès du directeur général de l’établissement et des comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, placés auprès de chaque directeur territorial de l’établissement.
« Le comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que les comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont compétents pour l’ensemble du personnel de l’établissement. Ils exercent les compétences des comités prévus par l’article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ainsi que celles prévues au chapitre II du titre I
« IV. – Le chapitre III du titre IV du livre I
« V. – La validité des accords collectifs de travail, pour les personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1, prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail, est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du comité d’entreprise et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections. L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l’accord, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-8 du même code.
« Conformément au IV de l’article 8
« VI. – Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1 du code du travail, une section syndicale au sein de l’établissement peut, s’il n’est pas représentatif dans l’établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’établissement.
« VII. – Les membres des instances mentionnées au présent article, les délégués du personnel, les délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient des garanties prévues par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés régis par le code du travail de la protection prévue par le livre IV de la deuxième partie du même code.
« VIII. – Les agents mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 demeurent électeurs au comité technique ministériel du ministère chargé du développement durable.
Art. L. 4312-3-3. -
« II. – Le conseil d’administration de l’établissement établit chaque année, après avis du comité technique unique, les orientations en matière de recrutement, qui s’inscrivent dans le cadre défini au I et qui précisent les prévisions de recrutement et d’emploi dans les différentes catégories de personnels.
Art. L. 4312-3-4. –
« À défaut d’accord, ce régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail est établi par délibération du conseil d’administration de l’établissement, après avis du comité technique unique.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement très important tend à rédiger entièrement l’article 2 du projet de loi, afin de le mettre à l’abri d’un risque d’inconstitutionnalité, tout en respectant les accords signés avec les agents des services de l’État et de VNF. Ce point a été largement développé au cours de la discussion générale.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
La rédaction de l’article adoptée par la commission est celle de l’avant-projet de loi, préalablement à son examen par le Conseil d'État. Cette rédaction pose un problème de constitutionnalité puisqu’elle prévoit le maintien du comité d’entreprise et du comité technique, la création d’une instance commune de représentation des personnels, le « comité technique unique », qui se substituerait à ces deux comités, étant renvoyée à un accord collectif entre agents de droit public et salariés de droit privé.
En janvier dernier, le Conseil constitutionnel a rappelé deux principes qui s’imposent à nous, à l’occasion d’une question préalable de constitutionnalité sur les agences régionales de santé.
En premier lieu, la définition des modalités d’organisation de ces instances représentatives des personnels relève du domaine de la loi, fixé par l’article 34 de la Constitution. C’est l’application du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. En conséquence, le législateur doit « épuiser sa compétence » et ne peut laisser cette matière au seul pouvoir réglementaire, non plus qu’à un accord collectif, nécessairement aléatoire. En d’autres mots, on ne peut faire dépendre une loi d’un accord collectif à venir.
En second lieu, le principe qui impose « une représentation effective de l’ensemble des personnels » exige une instance unique de représentation des personnels : il faut que tous ceux qui travaillent dans un même établissement puissent s’exprimer collectivement dans une même entité.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a adopté ce matin un amendement tendant à rédiger l’article 2, ce qui, je le répète, nous met à l’abri d’un risque d’inconstitutionnalité tout en nous permettant de rester au plus près des accords signés par les syndicats, lesquels sont très attachés au maintien de l’équivalent d’un comité d’entreprise et d’un comité technique, tant pour les salariés du privé que pour les agents publics.
L’amendement vise à instituer un comité unique, obligatoire au plus tard deux ans après le transfert du personnel. Celui-ci doit être constitué d’une formation compétente pour le personnel du public, qui exerce les compétences d’un comité technique classique ; d’une formation compétente pour les salariés, l’équivalent d’un comité d’entreprise, qui donne des garanties aux salariés de droit privé sur leur gestion et leurs activités sociales et culturelles ; enfin, d’une formation plénière, qui répond à l’impératif de représentation effective de l’ensemble des personnels et traite des questions transverses.
Avant d’aboutir à cette proposition d’amendement, j’ai de nouveau contacté les syndicats la semaine dernière et j’ai communiqué notre proposition aux groupes politiques, conformément au souhait de M. le président de la commission, Daniel Raoul.
Cette rédaction est apparue comme le meilleur compromis à la commission. Je vous demande donc, mes chers collègues, de l’adopter.
Le sous-amendement n° 18, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Amendement n°16, alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
qui ont été recrutés par l'établissement public industriel et commercial Voies navigables de France
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Nous souhaitons rappeler un principe simple : les besoins permanents des établissements publics de l’État à caractère administratif doivent être pourvus par des fonctionnaires ou des agents à statut assimilé.
Mme Mireille Schurch.
Ainsi, si nous considérons comme normal que les contrats actuels des salariés de VNF, principalement de droit privé, soient repris par la nouvelle structure, nous estimons qu’il ne devra plus être possible à l’avenir de procéder à de tels recrutements, conformément non seulement au principe que je viens d’évoquer, mais également à la jurisprudence Berkani relative à la qualification des contrats en fonction de la nature juridique de l’employeur et des missions.
Cet arrêt indique que « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ».
Par ailleurs, nous estimons que, pour définir le type de personnel pouvant être recruté par l’établissement, il faut également tenir compte des accords du 31 mars 2011 sur la résorption de la précarité dans la fonction publique, ainsi que du projet de loi, déposé sur le bureau de notre assemblée, relatif à la titularisation des contractuels.
De plus, l’unification des différents services de l’eau au sein d’un établissement public administratif doit avoir du sens. Il faut donc respecter les différents éléments caractéristiques des EPA, établissements qui se distinguent des EPIC, les établissements publics industriels et commerciaux, notamment sur le plan de la qualification des contrats des agents qui y travaillent.
Ainsi, alors que le personnel d’un EPA est composé d’agents publics, un EPIC est à l’inverse largement régi par le droit privé.
Si les agents ont pu s’entendre sur la transformation d’un EPIC en EPA dans le cadre des différents protocoles d’accord dont nous avons déjà parlé, il ne faudrait pas travestir, par le biais de ce type de disposition, la nature même du nouvel établissement.
Tel est le sens de ce sous-amendement.
L'amendement n° 6, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après le mot :
insérer les mots :
qui ont été recrutés par l'établissement public industriel et commercial Voies navigables de France
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Cet amendement est défendu.
Mme Mireille Schurch.
L'amendement n° 7, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Alinéa 50, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et d'un décret en Conseil d'État
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Je le retire, monsieur le président.
Mme Mireille Schurch.
L'amendement n° 7 est retiré.
M. le président.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 18 et sur l’amendement n° 6 ?
La loi peut tout à fait prévoir qu’un établissement public administratif compte dans son personnel, de manière pérenne, des salariés de droit privé. Elle l’a fait pour plusieurs EPA, en particulier pour les agences régionales de santé.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Le développement des voies navigables nécessite, pour différents métiers, le recours à des salariés du privé : il serait déraisonnable de se priver de cette possibilité.
Le tribunal des conflits, dans la jurisprudence Berkani du 25 mars 1996, à laquelle vous avez fait référence, vise les services publics administratifs en général. Nous sommes ici dans le cadre de la création d’un établissement public, ce qui est très différent : c’est bien au législateur qu’il revient d’adapter l’outil aux missions. Or, je le répète, pour développer les voies navigables, nous avons aussi besoin d’emplois privés.
La typologie des emplois, prévue à l’article 2, permettra par ailleurs une réflexion d’ensemble sur ces questions.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable tant sur le sous-amendement que sur l’amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 16, sur le sous-amendement n° 18 et sur l’amendement n° 6 ?
M. le président.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 16. Comme l’a dit M. le rapporteur, cet amendement traduit un bon compromis : en assurant une représentation unique, il résout le problème de constitutionnalité tout en permettant de traiter de façon séparée les problématiques relatives aux deux catégories de personnel et donc de préserver les intérêts de chacune d’entre elles.
M. Thierry Mariani,
Le Gouvernement est en revanche défavorable au sous-amendement n° 18 et à l’amendement n° 6, l’un et l’autre sous-tendus par la même logique.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 18.
M. le président.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.
M. le président.
Je répéterai ce j’ai déjà eu l’occasion de dire tout à l’heure à la tribune : le fait que la commission, par le biais de son rapporteur, ait été obligée de déposer un amendement tendant à réécrire entièrement un article aussi long ne plaide pas en faveur de la crédibilité du texte initial !
M. Jean-Jacques Mirassou.
J’ajoute que cet amendement vise exclusivement à répondre à la préoccupation du Gouvernement concernant le statut du personnel qui sera affecté à l’agence. C’est cette préoccupation qui a prévalu lors de la rédaction du projet de loi, mais, même sur ce sujet, ce dernier a été mal rédigé. Je ne peux m’empêcher de le regretter.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
M. le président.
Nous considérons que la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur améliore l’article 2. Nous voyons donc l’amendement n° 16 favorablement.
Mme Mireille Schurch.
Voilà qui est bien !
M. Charles Revet.
Il constitue en effet un juste équilibre – gymnastique qui n’était pas facile ! – entre exigence constitutionnelle, respect du protocole d’accord et création d’une structure suffisamment souple pour être unique – le comité technique –, tout en permettant l’expression d’une diversité grâce à l’existence de trois formations distinctes en son sein.
Mme Mireille Schurch.
Le principe, précisé, je le rappelle, par le Conseil d’État, selon lequel tous les personnels travaillant dans un même établissement doivent pouvoir s’exprimer collectivement dans une même entité, est juste, et c’est une première raison pour nous d’être en accord avec cet amendement.
Nous voterons également celui-ci parce qu’il reprend pour partie les termes de l’un de nos amendements, lequel visait à prévoir un décret en Conseil d’État relatif à la cartographie des emplois. Le Gouvernement ne peut en effet se dédouaner d’une telle responsabilité et la rédaction actuelle, qui précise simplement que l’accord est réalisé au sein de Voies navigables de France par le biais d’un accord collectif, ne nous semble pas suffisante.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Le travail effectué en commission depuis la présentation de la première version de votre amendement, monsieur le rapporteur, a permis d’aboutir à une synthèse.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
Nous nous étions engagés à trouver un compromis respectant l’esprit de l’accord-cadre, mais permettant aussi, comme cela a été dit, une représentation sans exclusive des agents du privé de VNF ; dans sa dernière mouture, conforme à l’engagement moral que nous avions pris de trouver une solution, cet amendement nous satisfait. Nous le voterons donc.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 6 n'a plus d'objet.
M. le président.
I. – La quatrième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° Le livre II est ainsi modifié :
Art. L. 4241-3.
Art. L. 4272-2
2° L’article L. 4313-3 est ainsi rédigé :
Art. L. 4313-3
« Il peut déléguer sa signature aux directeurs des services territoriaux de l’établissement. Ces derniers peuvent subdéléguer leur signature aux agents de l’établissement chargés de fonctions d’encadrement.
II. – Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 774-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le domaine public défini à l’article L. 4314-1 du code des transports, l’autorité désignée à l’article L. 4313-3 du même code est substituée au représentant de l’État dans le département. Pour le domaine public défini à l’article L. 4322-2 dudit code, l’autorité désignée à l’article L. 4322-13 du même code est compétente concurremment avec le représentant de l’État dans le département. » ;
2° L’article L. 774-6 est ainsi rédigé :
Art. L. 774-6. –
Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 2132-23, les mots : « et les gardes champêtres » sont remplacés par les mots : «, les gardes champêtres et les personnels de Voies navigables de France sur le domaine qui lui a été confié » ;
2° Le troisième alinéa de l’article L. 3113-1 est complété par les mots : « ou, dans le cas d’une demande de transfert portant sur un port intérieur situé sur une voie non transférable, s’il risque de compromettre le développement du transport de fret fluvial. » –
À compter du 1
Les emplois pourvus au 31 décembre de l’année précédant l’année du transfert du ou des services ou parties de services de Voies navigables de France ou des services ou parties de services de l’État sont transférés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté le 31 décembre de la deuxième année précédant le transfert du ou des services. Pour les collectivités territoriales engagées à la date de promulgation de la présente loi dans une expérimentation prévue à l’article L. 3113-2 du code général de la propriété des personnes publiques, la référence plancher mentionnée au premier alinéa du présent article est l’effectif d’emplois mis à disposition de la collectivité tel qu’il est fixé dans la convention d’expérimentation.
L'amendement n° 17, présenté par M. Grignon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
mentionnée au premier alinéa du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Favorable.
M. Thierry Mariani,
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
M. le président.
(L'article 5 est adopté.)
À compter du 1
I. – À la date du transfert prévu à l’article 6, les personnels des services mentionnés au même article ainsi que les personnels affectés dans les services ou parties de services faisant l’objet d’une convention d’expérimentation prévue par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et mis à ce titre à la disposition d’une collectivité territoriale sont affectés à Voies navigables de France dans les conditions suivantes :
1° Les fonctionnaires de l’État titulaires et stagiaires en activité conservent le bénéfice de leur statut et, le cas échéant, de leur emploi fonctionnel ;
2° Les fonctionnaires détachés sur contrat de droit privé au sein de Voies navigables de France conservent à titre personnel le bénéfice de leur contrat pendant la durée de leur détachement ;
3° Les agents non titulaires de droit public sont recrutés par Voies navigables de France par des contrats de droit public reprenant les stipulations de leur contrat ;
4° Les ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes de l’État sont affectés au sein de Voies navigables de France, restent soumis aux dispositions réglementaires les régissant et conservent le bénéfice du régime de pension des ouvriers d’État ;
5° Les agents contractuels de droit privé régis par la convention collective de Voies navigables de France demeurent employés par cet établissement et conservent, à titre individuel, le bénéfice de leur contrat, ainsi que le bénéfice de la convention collective qui leur est applicable.
II. – Le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail applicable aux services transférés à Voies navigables de France est maintenu en vigueur pendant une période transitoire d’au plus trois ans après la date d’effet du transfert de services à l’établissement prévu à l’article 6.
L'amendement n° 5, présenté par MM. Patriat, Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans la phase d’expérimentation, tout nouveau régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail prévu à l’article L. 4312‑3‑4 du code des transports, fait l’objet d’une concertation avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités compétent.
La parole est à M. François Patriat.
Cet amendement concerne les régions ou les départements qui ont fait le choix d’accepter l’expérimentation du transfert des canaux d’intérêt secondaire.
M. François Patriat.
Le projet de loi prévoit un nouveau régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail, dans un délai maximal de trois ans après le 1
Le renouvellement de l’expérimentation pour trois ans supplémentaires aurait des conséquences sur le futur schéma d’organisation de la collectivité territoriale.
C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’une réunion d’information est indispensable.
Dans la phase d’expérimentation, tout nouveau régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail prévu à l’article L. 4312-3-4 du code des transports fait l’objet d’une concertation avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités compétent.
Il s’agit donc d’assurer le transfert dans des conditions justes et de façon efficace des canaux secondaires aux collectivités concernées.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
En commission, M. Patriat nous a longuement entretenus de son expérience en Bourgogne. L’amendement qu’il propose tombe sous le sens ; la commission a donc émis un avis favorable.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Si la concertation s’impose bien entendu avec les collectivités qui expérimentent la décentralisation de l’exploitation des voies navigables en matière de qualité de service rendu, il n’apparaît pas nécessaire que le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail, qui prendra nécessairement en compte cet objectif de qualité, soit défini en accord avec ces collectivités.
M. Thierry Mariani,
De plus, il n’existe pas de précédent en la matière. Par exemple, une telle concertation sur le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail n’était pas prévue lors de la décentralisation des routes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. le président.
L’État souhaite se désengager des canaux d’intérêt secondaire au motif que, ne servant plus au transport de fret, ces derniers sont réservés aux touristes et, par là même, transférables aux collectivités.
M. François Patriat.
Sur le principe, un tel transfert est évident aujourd’hui. Il pose toutefois d’énormes problèmes financiers. Il est en effet difficile d’estimer le coût des travaux devant être effectués non seulement pour maintenir les canaux en l’état, mais également pour les améliorer, estimations auxquelles procèdent toujours les régions lorsqu’elles prennent en charge des compétences transférées.
Par ailleurs, de graves problèmes de personnel se posent. Les 409 personnes qui travaillent sur les 600 kilomètres de canaux de Bourgogne sont à juste titre inquiètes pour leur avenir.
L’État prévoit d’appliquer, malgré ses engagements, la RGPP, la révision générale des politiques publiques, durant les trois prochaines années. Par conséquent, nous manquerons de postes support et de personnel pour assurer le fonctionnement des canaux. Or toute modification nécessite à tout le moins une concertation.
Je considère que vous êtes là en train de fermer une des portes à ce transfert. Vous n’envoyez pas un bon signal aux collectivités, dont les ressources sont gelées, voire en diminution – et les annonces d’aujourd’hui ne sont pas de nature à nous rassurer –, concernant le transfert futur des canaux.
La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. le président.
Je soutiens tout à fait l’amendement de M. Patriat. En effet, dans le cadre des transferts aux collectivités, le manque de dialogue aboutit à des blocages, c’est une situation que nous avons très souvent connue.
M. Daniel Dubois.
Je l’ai personnellement vécue dans mon département puisque j’ai pris en charge la gestion des canaux de la Somme. Il est effectivement très compliqué à la fois d’estimer le montant des travaux à effectuer et de gérer la problématique du personnel.
Un bon dialogue est toujours très utile dans ce contexte, car il permet de régler bien des problèmes en amont.
En tout cas, c’est avec plaisir que je voterai cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. le président.
(L'article 7 est adopté.)
I. – Jusqu’à la constitution du comité technique unique de Voies navigables de France et des comités techniques uniques de proximité, prévus aux I et II de l’article L. 4312-3-2 du code des transports, qui intervient au plus tard deux ans après la date d’effet du transfert de services à l’établissement :
1° Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les organisations syndicales représentatives des personnels dans les services de l’État visés à l’article 6 désignent, en fonction de la représentativité de ces organisations au sein de ces services, dix représentants, interlocuteurs du directeur général de Voies navigables de France pour les questions relevant des comités techniques prévus à l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ;
2° Le mandat des membres du comité d’entreprise en fonction à la date du transfert de services à l’établissement se poursuit jusqu’à son terme dans les conditions prévues par le code du travail ;
3° Les comités techniques des services transférés sont maintenus en fonction. Les directeurs des services territoriaux de l’établissement peuvent, pendant cette période transitoire, les réunir sous leur présidence. Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’aux prochaines élections des représentants du personnel siégeant au sein des instances prévues aux I et II de l’article L. 4312-3-2 du code des transports.
II. – Jusqu’à la constitution du comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail prévus au III du même article L. 4312-3-2, qui intervient au plus tard un an après la date d’effet du transfert de services à Voies navigables de France :
1° Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les organisations syndicales représentatives des personnels dans les services de l’État visés à l’article 6 désignent, en fonction de leur représentativité au sein de ces services, dix représentants, interlocuteurs du directeur général de Voies navigables de France pour les questions d’hygiène et de sécurité ;
2° Les comités d’hygiène et de sécurité de Voies navigables de France et des services transférés sont maintenus en fonction. Les directeurs des services territoriaux de l’établissement peuvent, pendant cette période transitoire, les réunir sous leur présidence. Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’aux prochaines élections des représentants du personnel siégeant au sein des instances prévues au III de l’article L. 4312-3-2 du code des transports.
III. – Le mandat des délégués du personnel en fonction à la date du transfert de services mentionné à l’article 6 se poursuit jusqu’à son terme dans les conditions prévues par le code du travail.
IV. – Les élections des représentants du personnel au conseil d’administration, dans sa composition issue de l’article L. 4312-1 du code des transports tel que modifié par la présente loi, sont organisées au plus tard un an après la date d’effet du transfert de services. Dans ce délai et jusqu’à la proclamation des résultats de ces élections, le mandat des représentants du personnel de l’établissement en fonction à la date du transfert est prorogé. Les représentants au conseil d’administration du personnel des services transférés sont désignés par décret sur proposition des organisations syndicales représentatives au sein des services mentionnés à l’article 6 et en fonction de la représentativité de chacune de ces organisations, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Les représentants du personnel élus au conseil d’administration siègent dès leur élection et leur mandat prend fin à la même date que celui des membres nommés. –
Le dix-septième alinéa de l’annexe II à l’article 4 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est abrogé. –
À l’exception du 3° de l’article 1
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de ce débat intéressant, à la fois politique, au sens littéral du terme, et technique, nous avons bien compris que, notamment grâce au travail de la commission, le texte qui nous était présenté
M. Jean-Jacques Mirassou.
Pour autant, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, si cette mesure est pertinente et de nature à rassurer le personnel, elle ne constitue pas une fin en soi, s’agissant de la problématique de l’avènement de cette « super agence ».
Malgré les débats et les amendements, tous les doutes n’ont pas été levés, notamment en ce qui concerne les engagements financiers et les grandes infrastructures.
C’est la raison pour laquelle, comme cela a été du reste annoncé par plusieurs de mes collègues, nous nous abstiendrons lors du vote de ce texte, en dépit de l’amorce d’une prise de conscience du Gouvernement sur la formidable opportunité que constitue le transfert du fret routier vers la voie fluviale.
Nous espérons que ce signal sera entendu par le Gouvernement et que, dans les mois et les années qui viennent, seront définis non seulement les projets mais également les financements afférents.
Concrètement, en tant qu’élu de la Haute-Garonne, je serai bien entendu attentif au devenir du canal du Midi.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de ce débat sur la gouvernance du secteur des voies navigables ; tel était l’objet premier du texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Mme Mireille Schurch.
Nos échanges, tant en commission qu’en séance publique, auront permis de faire évoluer le présent texte dans un sens plutôt favorable selon nous.
Il doit maintenant être examiné à l’Assemblée nationale, avant de revenir au Sénat après les élections législatives, sauf si l’urgence était déclarée. Nous espérons que ce projet de loi ne tombera pas aux oubliettes pour des questions de calendrier électoral.
Nous nous félicitons du respect du protocole, et donc des partenaires sociaux, sur plusieurs points. Nous sommes ainsi satisfaits que l’établissement prenne la forme d’EPA, compte tenu notamment des missions d’intérêt général qui lui seront confiées. En outre, nous nous réjouissons de l’assurance qui nous a été donnée que les voies navigables ne seront ni transférées ni fermées.
Ce qu’il reste à obtenir, monsieur le ministre, n’est pas négligeable : des financements à la hauteur de l’enjeu du Grenelle et de l’essor de la voie d’eau, soit 2,5 milliards d’euros d’ici à 2018. Nous serons vigilants quant à la traduction en actes des effets d’annonce, notamment dans le projet de loi de finances.
Nous attendons également des avancées grâce à l’adoption de certains de nos amendements. En commission, nous avons obtenu la préservation de la ressource hydraulique, ainsi que celle du patrimoine bâti ou paysager.
En séance, nous avons regretté que le nom de VNF ait été conservé en dépit des termes des protocoles d’accord. Il s’agit là d’un mauvais signe envoyé aux partenaires sociaux.
Parce que nous sommes particulièrement attachés à la reconnaissance de la maîtrise publique en termes de gestion et d’exploitation de la voie d’eau, nous regrettons que notre amendement tendant à interdire le recours aux partenariats publics-privés n’ait pas été adopté. Nous prolongerons le débat sur cette forme de marché public, qui se révèle trop souvent être un échec, car il est coûteux et non performant. Nous demanderons une mission d’information sur ce sujet.
Nous regrettons également que l’examen de ce texte n’ait pas été l’occasion pour le Gouvernement d’annoncer un arrêt des politiques de rigueur et d’austérité dans le secteur des voies navigables. Cela aurait été un signe intéressant pour le développement du secteur fluvial. Comment faire mieux avec toujours moins, monsieur le ministre ? Cette équation, vous ne savez toujours pas la résoudre !
Enfin, nous regrettons particulièrement la non-prise en compte des usagers.
Nous avons cependant noté quelques avancées au cours de ce débat.
Nous sommes ainsi satisfaits de l’adoption de l’amendement que nous avons présenté visant à limiter la possibilité de recours à la filialisation pour valorisation foncière. L’adoption de l’amendement sur la nécessité du report modal est aussi un bon signal.
Concernant le personnel, nous sommes satisfaits de la réécriture de l’article 2. Néanmoins, par respect des missions confiées à cet établissement public administratif, nous aurions souhaité que notre amendement tendant à prévoir le non-recours à l’avenir à des personnels sous statut privé soit adopté. En effet, on ne peut pas à la fois prôner la résorption des emplois précaires dans la fonction publique et recourir de façon toujours accrue aux contractuels de droit privé. Nous sommes pour notre part attachés aux valeurs d’une fonction publique au service de l’intérêt général, en particulier dans le secteur fluvial, objet de notre débat aujourd’hui.
Ce projet de loi renforce, c’est indéniable, la cohérence du cadre institutionnel.
Je terminerai en disant que nous nous abstiendrons lors du vote de ce texte. Il s’agit d’une abstention « positive » : nous prenons acte du premier pas qui est fait, tout en déplorant le manque d’ambition du Gouvernement concernant le développement du fluvial et le report modal.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
M. le président.
La création d’une Agence nationale des voies navigables regroupant les services de l’État et l’établissement public Voies navigables de France est pour nous la première étape d’un vaste plan de modernisation et de développement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Le développement du transport fluvial est l’un des axes essentiels du Grenelle de l’environnement, il faut le rappeler.
La création d’un service unique regroupant des moyens et des compétences jusqu’ici dispersés constituera, de notre point de vue, un outil majeur de modernisation et de développement des infrastructures de transport fluvial. Il s’agit même d’un préalable indispensable à la relance de ce mode de transport.
Selon nous, cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau vise tout simplement à accroître la compétitivité du transport fluvial et à mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens. Elle améliorera la desserte des territoires et conduira à un aménagement équilibré du territoire, grâce à une politique d’investissement.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les membres de la commission d’avoir travaillé en bonne collaboration, en particulier sur le fameux article 2. Sans aller jusqu’à prévoir une fusion-absorption, car ce n’est pas tout à fait de cela qu’il s’agit, cet article, qui constitue le cœur du projet de loi, réorganise la gouvernance du service public de la voie d’eau.
M. Daniel Raoul,
président de la commission de l'économie.
Cependant, monsieur le ministre, je dois vous avouer que je reste sur ma faim, car je n’ai toujours pas compris quelle était la différence, d’un point de vue pratique, entre un EPA dérogatoire et un EPIC. Un EPA dérogatoire est-il autre chose qu’une simple mesure d’accompagnement social destinée à vous permettre de mieux « vendre » le rassemblement auquel vous procédez ? Je note d’ailleurs que vous avez été obligé de prévoir dans le texte quelques subtilités pour permettre à cet EPA dérogatoire de fonctionner comme un EPIC ! Ce point explique que nous ayons des regrets concernant ce texte. C’est pourquoi, outre les raisons évoquées à l’instant par Jean-Jacques Mirassou, le groupe socialiste s’abstiendra de façon positive sur ce texte.
J’espère que nous irons plus au fond des choses en deuxième lecture et que vous aurez d’ici là eu le temps « d’épurer » le texte.
En tout cas, je compte sur vous, monsieur le ministre, pour m’expliquer la différence, sur un plan juridique, entre un EPA dérogatoire et un EPIC !
Personne ne demande plus la parole ?...
M. le président.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le groupe socialiste-EELV s’abstient.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Le groupe CRC également.
Mme Mireille Schurch.
(Le projet de loi est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Comme nous avons eu peu de temps pour examiner ce texte et que, entre-temps, sont intervenues les élections sénatoriales le 25 septembre dernier, je tiens à remercier ceux qui m’ont aidé à parvenir à un compromis acceptable par tous : le Gouvernement, ainsi que nos collègues qui, par leurs critiques positives, nous ont permis d’avancer.
M. Francis Grignon,
rapporteur.
J’ai essayé de mener le plus grand nombre d’auditions possible dans le temps qui m’était imparti : j’ai notamment pu entendre les organisations syndicales, la direction de VNF, l’ensemble des usagers du transport fluvial, ainsi que les représentants des ports.
Dans l’ensemble, le texte auquel nous avons abouti devrait, je l’espère, convenir et passer facilement le cap de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission. Le texte que nous venons d’examiner est effectivement « transmajorité » puisqu’il est passé d’une majorité à l’autre !
M. Thierry Mariani,
Je constate que l’abstention positive de certains groupes nous a permis d’aboutir à un texte dont l’objectif fait, me semble-t-il, l’unanimité. Nous aurons certainement une deuxième lecture : elle me permettra d’approfondir la question que vous m’avez posée, monsieur le président de la commission, et de vous apporter une explication qui – j’en suis persuadé ! – sera convaincante.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
La séance est reprise.
M. le président.
Par courrier en date du 18 octobre 2011, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Alain Chatillon, sénateur de la Haute-Garonne, en mission temporaire auprès de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. le président.
Cette mission portera sur la restauration paysagère du canal du Midi.
Acte est donné de cette communication.
La conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
M. le président.
Jeudi 20 octobre 2011
À 15 heures :
Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Mardi 25 octobre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1367 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;
(Durée d’engagement des abonnés de téléphonie mobile) ;
- n° 1375 de M. Roland Ries à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Droits des ressortissants français dans les cas de divorce dans les familles franco-allemandes) ;
- n° 1387 de M. Robert del Picchia à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
américaine) ;
- n° 1388 de M. Joël Bourdin à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(L’URSSAF et les exonérations de charges sociales des organismes d’aide à domicile) ;
- n° 1389 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Hausse du prix du tabac et marché parallèle du tabac dans les régions frontalières) ;
- n° 1390 de M. Martial Bourquin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Revalorisation et reconnaissance de l’activité des sages-femmes) ;
- n° 1391 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse) ;
- n° 1392 de M. François Patriat à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Modalités de calcul de la taxe foncière pour favoriser l’investissement et la modernisation de l’immobilier de production) ;
- n° 1393 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Avenir de la profession d’anesthésiste-réanimateur) ;
- n° 1394 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Difficultés d’accès à l’emprunt pour les collectivités locales) ;
- n° 1398 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Mise en place de la future carte nationale d’identité électronique) ;
- n° 1399 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Centrale nucléaire frontalière et information du pays limitrophe) ;
- n° 1400 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Sécurité routière) ;
- n° 1402 de M. Jean-Paul Fournier à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Découpage cantonal) ;
- n° 1403 de M. Alain Fauconnier à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Calcul de l’allocation aux adultes handicapés) ;
- n° 1405 de M. Jean-Etienne Antoinette à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation prévue à l’article 266
A du code des douanes) ;
- n° 1410 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Situation des salariés de Boulanger Tours Nord) ;
- n° 1412 de M. Jean Boyer à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
(Fusion des communautés de communes en zone de montagne) ;
À 14 heures 30 :
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 26, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 24 octobre ;
- au lundi 24 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 25 octobre, le matin) ;
À 18 heures :
3°) Désignation de six membres supplémentaires de la mission commune d’information sur « les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale ».
(Les candidatures devront être remises au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle avant le mardi 25 octobre à 14 heures 30).
4°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi ;
5°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 24 octobre).
Mercredi 26 octobre 2011
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (texte de la commission, n° 45, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 25 octobre ;
- au lundi 24 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 26 octobre, le matin).
Jeudi 27 octobre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Mercredi 2 novembre 2011
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
1°) Proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (n° 793, 2010-2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 26 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 24 octobre, à 12 heures]).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 31 octobre ;
- au lundi 31 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
À 18 heures 30 et le soir :
2°) Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires sociales ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 31 octobre).
Jeudi 3 novembre 2011
De 9 heures à 13 heures :
1°) Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, présentée par M. Raymond Couderc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 42, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au jeudi 27 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (texte de la commission, n° 40, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au jeudi 27 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
De 15 heures à 19 heures :
3°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 740, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au vendredi 28 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre, le matin) ;
À 19 heures et le soir :
4°) Texte de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, présentée par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 447, 2010-2011) ;
(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 26 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 24 octobre, à 12 heures]).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au vendredi 28 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre, le matin).
Lundi 7 novembre 2011
À 15 heures et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (A.N., n° 3790) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 2 novembre, le matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le vendredi 4 novembre ;
- au lundi 7 novembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 7 novembre, à 14 heures 30).
Mardi 8 novembre 2011
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Mercredi 9 novembre 2011
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Jeudi 10 novembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Éventuellement, lundi 14 novembre 2011
À 10 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Mardi 15 novembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1382 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre chargé des transports ;
(Création d’un échangeur sur l’autoroute A 26) ;
- n° 1383 de M. Daniel Laurent à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Associations d’aide à domicile et respect du taux d’emploi de travailleurs handicapés) ;
- n° 1384 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Reconduction des contrats « mesures agro-environnementales territorialisées » dans les marais charentais) ;
- n° 1395 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Achats en ligne par les collectivités territoriales) ;
- n° 1396 de Mme Maryvonne Blondin à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Les fouilles au corps abusives) ;
- n° 1404 de M. Roland Courteau à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Point sur les violences conjugales) ;
- n° 1408 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Remise en service de matériel ferroviaire) ;
- n° 1409 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Dégradation de l’accès au service public de la santé dans les Hauts-de-Seine) ;
- n° 1413 de M. Christian Favier à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Maintien du service de chirurgie cardiaque du CHU Henri-Mondor à Créteil) ;
- n° 1415 de M. Éric Bocquet à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Suppressions d’emplois dans le secteur de la vente à distance) ;
- n° 1416 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Enseignement des langues vivantes à l’école primaire) ;
- n° 1417 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Statut des membres d’un syndicat mixte compétent en matière d’aménagement du territoire) ;
- n° 1419 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Actions mises en œuvre pour lutter contre la prolifération du frelon asiatique) ;
- n° 1422 de M. Claude Domeizel à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Mauvaise santé financière des hôpitaux et projet de service de réanimation à l’hôpital de Manosque) ;
- n° 1424 de M. Philippe Paul à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Écotaxe et territoire breton) ;
- n° 1425 de M. Yvon Collin à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ;
(Fermeture partielle de nombreux bureaux de poste) ;
- n° 1426 de M. Yves Détraigne à M. le secrétaire d’État chargé du logement ;
(Part communale de la taxe d’aménagement) ;
- n° 1427 de M. Philippe Darniche à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Réalisation de l’autoroute A 831 Fontenay-Le-Comte-Rochefort) ;
De 14 heures 30 à 17 heures :
2°) Éventuellement, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (texte de la commission, n° 40, 2011-2012) ;
3°) Proposition de loi relative à la prévention et l’accompagnement pour l’organisation des soirées en lien avec le déroulement des études, présentée par M. Jean-Pierre Vial et plusieurs de ses collègues (n° 421, 2010 2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 8 novembre (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 7 novembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 14 novembre ;
- au lundi 14 novembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 15 novembre, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
4°) Questions cribles thématiques sur « La désindustrialisation » (demande du groupe CRC) ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
De 18 heures à 19 heures 30 :
5°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi ;
À 21 heures 30 :
6°) Proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues (n° 69, 2009-2010) ;
Mercredi 16 novembre 2011
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
1°) Proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (n° 794, 2010 2011) (après concertation avec les partenaires sociaux) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 9 novembre, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 8 novembre, à 15 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 15 novembre ;
- au lundi 14 novembre à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 16 novembre, le matin) ;
2°) Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, présentée par Mme Évelyne Didier et plusieurs de ses collègues (n° 745, 2010 2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 2 novembre (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 31 octobre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 15 novembre ;
- au jeudi 10 novembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 16 novembre, le matin) ;
À 18 heures 30, le soir et la nuit (jusqu’à 0 heure 30) :
3°) Proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues (n° 800, 2010-2011).
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (projet n° 30, rapport n° 35).
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entamer mon propos, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue François Baroin, qui, en raison d’un déplacement en Allemagne lié au prochain sommet européen, ne pourra nous rejoindre que vers vingt-trois heures.
M. Patrick Ollier,
ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Le projet de loi de finances rectificative que je vous présente ce soir autorise le Gouvernement à accorder deux garanties à la banque Dexia. Il reprend les axes de l’accord intervenu entre les gouvernements belge, luxembourgeois et français.
Nous avons souhaité que ce dispositif fasse l’objet d’un collectif budgétaire particulier, car la situation financière de Dexia nécessitait une réponse rapide et coordonnée.
Dexia a présenté un plan global de redressement pour revenir sur les marchés dans de bonnes conditions. Ce plan requiert le soutien de la France, de la Belgique et du Luxembourg.
Comme l’a rappelé le Premier ministre, le sujet est sérieux, et il appelle une mobilisation immédiate du Gouvernement. La situation de Dexia a des implications pour les collectivités locales françaises, mais aussi pour les déposants belges et luxembourgeois.
Le dispositif que nous vous proposons témoigne du soutien déterminé des gouvernements au plan proposé par Dexia. Il nécessite une traduction législative adaptée.
Je tiens à ce sujet à remercier la Haute Assemblée, et tout particulièrement la commission des finances, son président, M. Philippe Marini, et sa rapporteure générale, Mme Nicole Bricq, pour la rapidité avec laquelle ils ont examiné ce projet de loi de finances rectificative. Conscients des difficultés qui ont été les vôtres, nous sommes sensibles aux efforts que vous avez fournis.
Ce plan est cohérent avec la stratégie de restructuration ordonnée de Dexia et vise à atteindre deux objectifs : d’une part, garantir aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales, la sécurité qu’ils attendent légitimement ; d’autre part, redonner à Dexia de meilleures conditions d’accès aux liquidités.
Cette action, dont nous examinons les modalités, est conforme à l’objectif rappelé le 15 octobre par les ministres des finances du G20 réunis à Paris : préserver la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers. C’est une condition essentielle pour restaurer la confiance et soutenir la croissance.
À l’issue de la réunion du G20, un renforcement très substantiel de la régulation du secteur financier a été décidé. Il se traduira notamment par l’application de nouvelles règles aux marchés dérivés des matières premières, et ce dès 2012. Les ministres des finances du G20 se sont accordés sur l’importance d’une transparence accrue de ces marchés pour décourager la spéculation.
Des accords ambitieux en matière de régulation financière ont été préparés pour le G20 des chefs d’État de novembre prochain : d’abord, un accord-cadre sur la gestion des flux de capitaux pour contenir les effets les plus néfastes de la libre circulation de ces derniers ; puis, un renforcement du rôle de surveillance du FMI afin de coordonner de manière plus efficace les politiques macro-économiques.
Vous le voyez, le G20 « finances » a à son actif des résultats très significatifs, lesquels témoignent de la volonté des États de travailler de concert et du rôle actif de la France. C’est ce même volontarisme qui nous guide aujourd’hui devant vous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le dispositif de soutien à Dexia ne pourra être mis en œuvre qu’après votre approbation et après l’accord de la Commission européenne au titre de la réglementation sur les aides d’État. Bien évidemment, les procédures internes de gouvernance et de consultation de chacune des entités concernées seront également respectées.
Je rappelle que Dexia avait engagé depuis 2008 un redressement rendu nécessaire par l’échec de son modèle de financement.
Pendant vingt ans, ses dirigeants ont acquis des actifs de long terme, qu’il s’agisse de leur portefeuille obligataire, des diverses structures de prêts aux collectivités locales ou même des actifs toxiques américains, en les finançant à court terme. Ce modèle de financement a engendré un besoin régulier de liquidités particulièrement élevé, de l’ordre de 260 milliards d’euros, soit l’équivalent de plus de 13 points de PIB.
Toutefois, le resserrement de l’accès aux liquidités sur les marchés a, à partir de 2008, fragilisé ce modèle. Les États belge, français et luxembourgeois sont alors intervenus, une première fois, pour permettre à Dexia de franchir ce cap difficile. Ils ont renforcé son capital et ont apporté leurs garanties.
Dans ces circonstances, l’équipe dirigeante de la banque a été profondément renouvelée et a su prendre les décisions nécessaires dans un esprit de responsabilité. Avec l’appui des États et sous le contrôle de la Commission européenne, cette nouvelle équipe a réduit significativement la taille du groupe.
Son action a permis de diminuer le besoin de financement à court terme de 164 milliards d’euros et d’abaisser fortement l’encours de financement auprès des banques centrales.
La cession d’actifs non stratégiques a contribué à réduire le bilan de 651 milliards d’euros à 518 milliards d’euros en moins de trois ans.
Enfin, depuis cet été, la banque a cédé les 10 milliards de dollars qu’elle avait investis dans les
Toutefois, le contexte de crise de la zone euro n’a pas laissé à l’équipe dirigeante de Dexia le temps de mener cette restructuration jusqu’à son terme – on peut le comprendre.
Deux éléments ont particulièrement affecté le groupe depuis le début de l’été 2011.
D’une part, des craintes sur la solvabilité de Dexia sont apparues du fait de son exposition aux risques souverains, alors même que la banque détient des actifs de qualité.
D’autre part, les conditions de marché plus défavorables ont dégradé sa situation de liquidité de 20 milliards d’euros.
Dans ce contexte difficile, les gouvernements belge, français et luxembourgeois ont décidé de soutenir le schéma proposé par Dexia afin de stabiliser sa situation le plus rapidement possible.
La banque souhaite aujourd'hui restaurer la confiance auprès de ses investisseurs, de ses clients et de ses créanciers. Son plan nécessite une garantie de refinancement des trois États.
Cette garantie figure au I de l’article 4 du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Quelles en sont les modalités ?
La garantie est partagée entre les trois États : la Belgique en assumera 60,5 %, la France 36,5 % et le Luxembourg 3 %. Elle portera sur un montant total maximum de 90 milliards d’euros, ce qui équivaut, pour la France, à un plafond de 32,85 milliards d’euros.
C’est principalement la dette nouvellement émise qui sera garantie, pendant une durée limitée à dix ans. Toutefois, une partie des 90 milliards d’euros sera utilisée pour rembourser la dette garantie dans le cadre du programme de 2008. Le Gouvernement souhaite aussi garantir une part de la dette existante, pour un montant limité.
Je préciserai maintenant plusieurs points.
D’abord, nos trois gouvernements ne souhaitent pas garantir les titres dont la maturité serait supérieure à dix ans, bien que la loi ne fixe pas de durée maximum à la dette garantie.
Bien entendu, comme en 2008, l’État n’accorde pas cette garantie à titre gracieux : celle-ci sera tarifée selon des modalités conformes aux règles européennes.
L’autorisation que nous sollicitons pour l’octroi de la garantie prendra fin le 31 décembre 2021. Le moment venu, le Gouvernement devra apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui y sont associés. En concertation avec les deux autres États garants, il mesurera s’il est opportun de prolonger la garantie de refinancement. Si nécessaire, en 2021, le Parlement se prononcera sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l’intégralité de ses engagements.
À quoi servira cette garantie de financement ? Elle permettra à Dexia de réaliser son plan de restructuration ordonnée qui comporte, à ce stade, trois opérations d’envergure.
Tout d’abord, la filiale
Dexia Municipal Agency,
J’en viens maintenant à la question de la garantie des prêts structurés aux collectivités locales détenus par Dexia. Il s’agit des produits les plus complexes, dont l’encours est de 10 milliards d’euros.
Cet encours de crédit est limité à des entités françaises : des collectivités locales – pour 8 milliards d’euros –, des établissements de soins – pour 1,5 milliard d’euros – et des bailleurs sociaux – pour 500 millions d’euros. Il porte sur des crédits très structurés, c’est-à-dire à fort effet de levier ou indexés sur des devises ou des taux qui n’ont rien à voir avec les expositions naturelles des collectivités locales à ces paramètres de marché. La Caisse des dépôts et consignations a souhaité que
Dexia Municipal Agency
Dans la mesure où ces prêts concernent des collectivités locales françaises, nos partenaires belge et luxembourgeois entendent limiter leur participation à cette charge. C’est la raison pour laquelle la France a proposé de garantir cet engagement de Dexia vis-à-vis de la Caisse des dépôts et consignations, selon des modalités qui permettent d’en limiter les conséquences pour l’État.
Le fonctionnement que nous proposons pour cette garantie est simple. Elle interviendrait au-delà d’une franchise de 500 millions d’euros, prise en charge par Dexia. Passé ce montant, 70 % des pertes seraient à la charge de l’État et 30 % resteraient à la charge de Dexia. Bien entendu, la garantie donnée par l’État sera rémunérée.
Le dispositif concernant les prêts structurés témoigne de l’engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l’avenir de leur financement. Cet engagement est au cœur de ce projet de loi de finances rectificative. La première opération du plan de restructuration de Dexia annoncé le 10 octobre en est une bonne illustration.
Quel est le sens de cette opération ?
Nos collectivités locales doivent avoir face à elles un nouvel acteur public solide, qui leur fournira des produits de crédit simples et transparents. Cette société commune, créée par la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, sera opérationnelle dans les prochains mois. Elle sera spécialisée dans le financement des collectivités locales. D’ici là, comme l’a annoncé le Premier ministre, un dispositif temporaire de financement sur fonds d’épargne a été ouvert, à hauteur de 3 milliards d’euros. Il permettra de prévenir tout manque éventuel de liquidités sur le marché des collectivités locales françaises.
Très bien !
M. Pierre Hérisson.
Je pense donc que toutes les précautions envisageables ont bien été prises pour préserver les intérêts de nos collectivités locales.
M. Patrick Ollier,
Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion de ce projet de loi de finances rectificative est soumis à des délais extrêmement contraints, nous en sommes tous conscients. Au nom du Gouvernement, je vous remercie de votre réactivité et de votre grande disponibilité.
L’adoption de ce projet de loi de finances rectificative constitue un triple enjeu en termes de responsabilité : les clients de Dexia, comme ses créanciers, doivent avoir la certitude que les États respecteront leur parole ; nos collectivités doivent pouvoir s’appuyer sur ces dispositifs pour poursuivre leurs investissements au bénéfice de l’activité économique et du développement durable des territoires ; enfin, Dexia doit revenir rapidement sur les marchés financiers, dans de bonnes conditions.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP et de l’UCR. M. le président de la commission des finances applaudit également.)
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que la crise financière nous oblige, une fois encore, à légiférer dans l’urgence. Alors que nous avons été invités le 8 septembre dernier à valider l’accord du 21 juillet 2011, nous sommes aujourd’hui de nouveau convoqués pour le sauvetage d’une banque.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Nous pouvons comprendre que certaines mesures soient urgentes et que leur entrée en vigueur doive intervenir dans les meilleurs délais.
Pour mémoire, en 2008, il s’est écoulé quatre jours entre le dépôt du projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie sur le bureau de l’Assemblée nationale et la promulgation de la loi au
Journal officiel
En 2011, le Gouvernement tire sur la corde et, comme dit le proverbe, « à la fin, elle casse ».
Dans le collectif budgétaire de septembre, l’essentiel des mesures de recettes prenant effet en 2012 a été voté sans que le Sénat n’adopte le moindre amendement puisque l’ancienne majorité sénatoriale s’était rangée à l’idée d’un vote conforme – souvenez-vous-en, monsieur le président de la commission des finances !
Aujourd’hui, la situation de Dexia impose sûrement que l’on aille vite. Mais l’idée que je me fais – et que nous nous faisons tous ! – du bicamérisme me conduit à souhaiter que le Sénat puisse imprimer sa marque à ce projet de loi de finances rectificative, ce qui implique l’adoption d’amendements.
Très bien !
M. Roland Courteau.
J’y tiens d’autant plus que le Gouvernement, pour la deuxième fois en six semaines, entend profiter de ce véhicule urgent, dont l’objet est le sauvetage de Dexia, pour faire adopter des mesures non urgentes relatives aux dépenses, procédant pour ainsi dire en catimini.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
On nous presse, mais j’observe que nous ne savons pas à quel rythme les autres avancent. Monsieur le ministre, si vous savez où en sont les projets de décret royal belge et de règlement grand-ducal, si vous savez quand les garanties accordées par la Belgique et le Luxembourg seront effectives, faites-en part au Parlement !
L’attentisme des États face à la crise grecque a coûté très cher à la zone euro, le Gouvernement peut donc bien attendre quelques jours. Au demeurant, la commission mixte paritaire est convoquée demain, à quatorze heures : le Parlement fait donc preuve de célérité.
Sur le fond, nous assistons à la chute d’une banque, la première victime – peut-être ! – de la crise de la dette de la zone euro. Gardons à l’esprit que, quel que soit le montant en jeu, le besoin ne serait pas aussi important si les États européens – en particulier, les chefs d’État et de gouvernement – étaient capables de se mettre d’accord sur un dispositif qui rassure les marchés quant à sa capacité à prévenir la contagion de la crise de la dette à l’Espagne et à l’Italie. C’est dire l’importance du Conseil européen du 23 octobre et du G20 des 3 et 4 novembre !
Nous assistons à la chute d’une banque dont la gestion passée, il faut le rappeler, est une caricature des excès de la finance. Les excès d’hier peuvent se reproduire demain et l’impulsion donnée par le G20 en 2009 a perdu de sa force – force est de le constater – depuis le sommet de Londres.
Encore une fois, je tiens à souligner que c’est parce que la France dispose encore d’un secteur public fort qu’elle peut élaborer aussi vite un dispositif susceptible non seulement de sauver une banque, mais surtout d’assurer la continuité de son activité de financement des collectivités territoriales françaises. Que ferions-nous si l’ensemble du secteur financier relevait du privé ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Si un sauvetage généralisé des banques devait intervenir, il ne pourrait – et ne devrait – pas être effectué aujourd’hui dans les mêmes formes qu’en 2008, d’une part, parce que les États n’ont plus les mêmes moyens financiers qu’en 2008 ; d’autre part, parce que le Gouvernement ayant alors soutenu les banques sans poser de conditions, il n’avait pas obtenu de véritables contreparties tant en termes de financement de l’économie réelle que de rémunération, cette dernière étant bien trop modique pour ce type d’opération. À l’époque, je le rappelle, ces points avaient été soulevés par l’opposition sénatoriale.
Le sauvetage de Dexia est-il le premier d’une longue série ? Faudra-t-il recapitaliser les banques françaises et, si oui, comment ?
Après le choc de 2008, les systèmes bancaires américain, britannique et espagnol, pour ne citer que ceux-là, se sont profondément remis en cause. Les banques françaises, quant à elles, sûres de la supériorité de leur modèle, n’ont engagé aucun examen critique de leurs forces et de leurs faiblesses, il faut le dire ! Cet été, à tort ou à raison, les marchés ont été cruels avec les banques françaises : celles-ci ont été contraintes – enfin ! – de remettre en cause leurs certitudes en annonçant des augmentations du niveau de leurs fonds propres et en commençant à réduire la taille de leur bilan.
Évidemment, ce processus, qui sera, quoi qu’il arrive, prolongé par la mise en œuvre des normes de Bâle III, n’est pas sans conséquences pour l’économie réelle, puisque le crédit aux entreprises, aux ménages et aux collectivités locales s’en trouvera fortement réduit. Tel est déjà le cas, nous l’expérimentons !
Le paradoxe de cette course aux fonds propres est que l’on en connaît les inconvénients – les effets récessifs sur l’activité –, mais que l’on n’est pas sûr d’en obtenir les avantages supposés – la solvabilité des banques. Je rappelle que Dexia est un exemple de banque bien capitalisée qui s’effondre pour des raisons liées à ses difficultés de financement à court terme, donc à ses liquidités, et non à sa solvabilité...
Mes chers collègues, nous devons cependant veiller à ne pas nous laisser enfermer dans les termes du débat que nous imposeraient les banques : certes, il faut trouver des dispositifs qui leur permettront de continuer à financer l’économie ; mais cela ne doit en rien nous conduire à les exonérer des efforts qu’elles doivent accomplir. En aucun cas, nous ne pourrions accepter de faire payer la facture aux contribuables !
Si les banques françaises devaient être recapitalisées, nous disposons, en France, d’un outil susceptible d’être réactivé : la Société de prise de participation de l’État, la SPPE. Évidemment, il est hors de question, cette fois-ci, que la SPPE se contente, comme en 2008, d’acquérir des actions de préférence. L’État devra détenir de vrais titres, exercer ses droits de vote et être présent dans les conseils d’administration.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
En outre, pour recapitaliser les banques, nous disposons désormais d’un second outil : le Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Sachant que tout le dispositif européen repose sur les garanties apportées par les États notés AAA, et que tout l’édifice pourrait s’écrouler si la France perdait cette notation, il doit être concevable – et acceptable par nos partenaires – que cet instrument contribue aussi à l’opération. Le FESF a été créé pour financer les États souverains ; il servira aussi à recapitaliser les banques.
Très bien !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Les deux sont en effet intimement liés, car il ne faut pas oublier que, si la crise de la zone euro avait reçu une réponse adaptée en 2010, elle aurait pu être enrayée : les titres souverains seraient toujours considérés aujourd’hui comme les plus sûrs et on ne parlerait pas, ou moins, de la recapitalisation des banques.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
M. Roland Courteau.
Il faut que les Européens soient à la hauteur des enjeux le 23 octobre, lors du Conseil européen, et les 3 et 4 novembre, lors du G20. Si l’Union européenne ne parvient pas à se présenter unie au G20, imaginez le résultat de ce sommet ! Nous sommes donc très attentifs. Monsieur le ministre, vous nous avez dit que votre collègue, M. Baroin, était empêché ce soir, précisément parce qu’il préparait ces réunions : nous l’avons bien compris.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous savez bien que, chaque fois qu’il a été question de soutenir la France dans ses efforts pour arriver à un règlement européen, nous avons été là. Cependant, trois ans après, nous sommes de nouveau confrontés à une crise financière majeure.
J’en viens maintenant au cœur du projet de loi de finances rectificative : le sauvetage de Dexia.
Vous l’avez rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, un large accord s’est dégagé à l’Assemblée nationale sur l’octroi d’une garantie de financement à Dexia afin de lui permettre d’honorer ses engagements.
Cette garantie serait de 90 milliards d’euros sur dix ans, dont 32,85 milliards d’euros pour la France, contre 150 milliards d’euros sur deux ans pour la garantie accordée en 2008. On mesure les efforts qui ont été entrepris. Pendant cette période, la banque poursuivra à marche forcée sa politique de cession d’actifs pour n’être plus constituée
À ce sujet, monsieur le ministre, je juge utile de clarifier la place qu’occupera cette banque résiduelle. Nous considérons pour notre part que son activité doit se limiter à la gestion des prêts structurés, qui incluent les prêts toxiques, dont on peut penser que le dernier dossier s’éteindra en 2034.
Nous voulons avoir l’assurance que le mécanisme créé par la co-entreprise n’engendrera pas une confusion des rôles. Dexia, fût-il DCL, doit s’éteindre avec le portefeuille. La position du Gouvernement à ce sujet doit être clarifiée. Monsieur le ministre, par votre parole, l’État actionnaire doit nous donner son interprétation et sa vision de l’avenir de Dexia Crédit Local.
Très bien !
M. Jean Arthuis.
À l’Assemblée nationale, la constitution d’un pôle de financement des collectivités territoriales sous la houlette de la Caisse des dépôts et consignations et de La Poste a fait l’objet d’un vif débat.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Pour La Poste, une telle activité est une nouveauté. Quant à la Caisse des dépôts et consignations, qui est l’acteur historique du financement des collectivités locales, elle prend un risque pour son modèle économique. En effet, l’opération consommera 10 milliards d’euros de liquidités et un milliard d’euros de fonds propres. Nos collègues députés l’ont ardemment souligné.
Pour autant, dans la situation actuelle de désertion du marché des collectivités par les banques traditionnelles, il est urgent de disposer rapidement d’un outil de financement de l’investissement local. Si je crois ce que l’on me dit, cette co-entreprise, ou
joint venture
La concurrence possible ou la complémentarité entre les deux méritent d’être explicitées. Nous sommes convenus d’y travailler en commission des finances. Monsieur le ministre, le Sénat représente les collectivités locales et ce point les intéresse directement. C’est pourquoi nous attendons des éclaircissements sur la complémentarité ou la concurrence entre ces deux entités.
Le problème dans cette opération, qui aurait d’ailleurs pu être réalisée indépendamment de la situation de Dexia, c’est que la Caisse des dépôts et consignations, à la demande de l’État, reprend la société de crédit foncier DexMA, laquelle possède un encours de 77 milliards d’euros, dont 10 milliards d’euros d’emprunts structurés potentiellement risqués, parmi lesquels 4,5 milliards d’euros ont été qualifiés de « toxiques ».
La Caisse des dépôts et consignations le fait au nom de l’intérêt général, tout en s’efforçant, c’est bien normal, de préserver ses intérêts patrimoniaux. Je rappelle qu’elle est sous la surveillance du Parlement. Mon collègue Jean Arthuis et moi-même sommes membres, pour le Sénat, de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Dans ces conditions, la Caisse des dépôts et consignations a eu parfaitement raison de demander des garanties. Elle devrait obtenir de racheter la société pour une valeur égale au quart de ses fonds propres et de voir ses pertes éventuelles plafonnées à 70 millions d’euros par an. Au-delà, c’est Dexia qui paiera la facture.
Elle a exigé à juste titre que l’État apporte sa contre-garantie à Dexia, qui porte sur 70 % d’un encours de 10 milliards d’euros, soit 6,65 milliards d’euros. Pendant dix ans, si Dexia devait assumer le solde de 30 %, elle pourrait trouver les ressources nécessaires par le biais de la garantie générale de financement dont j’ai déjà parlé. Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, qu’un amendement déposé sur ce point délicat, qui demeure tout de même une zone d’ombre, a été retiré à l’Assemblée nationale à la suite d’un engagement pris en séance par M. Baroin. Cet engagement doit être réitéré devant le Sénat.
Je le répète, les pertes ne sont pas certaines. Il n’est pas acquis qu’elles excèdent 70 millions d’euros pas an. Il reste possible que Dexia n’ait pas besoin de la garantie de l’État pour y faire face.
Cependant, la Caisse des dépôts et consignations a besoin de visibilité et, malheureusement, c’est lorsque l’horizon devient le plus lointain que les assurances sont les moins fortes. Après 2021, dans dix ans, nul ne sait ce que sera devenu le groupe Dexia résiduel et s’il sera capable d’assumer sa part des pertes.
Très bonne question !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Nul ne sait quel est le profil des emprunts qui seront encore « vivants » à cette date. Seront-ils plutôt sûrs, plutôt toxiques ? La seule chose que l’on sache, c’est que le projet de loi prévoit que, le cas échéant, les pertes de la Caisse des dépôts et consignations ne seront garanties qu’à hauteur de 70 %.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Lundi dernier, à l’Assemblée nationale, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été interpellé à de nombreuses reprises à ce sujet. Il a essayé de rassurer les députés. Il y est partiellement parvenu puisque le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations a retiré son amendement. Nous attendons la confirmation de l’engagement qui a été pris à l’Assemblée nationale.
Vous l’aurez !
M. Patrick Ollier,
Ma position sur cette question est la suivante : il est exact que personne ne sait quelle sera la situation dans dix ans ; il est exact que dix ans est une durée exceptionnellement longue pour une garantie – en 2008, la garantie de l’État ne portait que sur deux ans – et que des questions de droit communautaire peuvent se poser. Vous nous les expliciterez.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous devrez nous expliquer également, monsieur le ministre, en quoi consiste le droit de regard de la Commission européenne. La presse annonçait d’ores et déjà ce matin que cette dernière allait très rapidement se pencher sur les résultats de nos travaux.
Il n’est pas exclu que Dexia Crédit Local, qui sera le gestionnaire de la société de refinancement de la Caisse des dépôts et consignations, soit encore là dans dix ans.
Le financement de l’économie sera la priorité des mois qui viennent et il serait vraiment malvenu de porter atteinte à la Caisse des dépôts et consignations qui, compte tenu de la situation des institutions financières aujourd’hui, sera la mieux à même d’apporter sa contribution. Je rappelle tout de même que, depuis trois ans, elle a été largement appelée au secours de l’État, qui était bien aise de la trouver à ses côtés.
Il reste la question, essentielle à nos yeux, des contreparties demandées aux banques au soutien public qui pourrait leur être apporté.
La rémunération de la garantie de l’État, déjà présente en 2008, n’est pas une contrepartie. C’est une obligation au regard du droit communautaire, faute de quoi les soutiens publics seraient assimilés à des aides d’État.
Les vraies contreparties consistent en une présence réelle de l’État au capital des sociétés, et non, comme en 2008, en des participations. Ces dernières présentent tous les avantages pour les banques – un afflux de fonds propres –, mais leur épargnent les inconvénients liés à la présence de l’État au conseil d’administration et à l’exercice de ses droits de vote correspondant à sa participation.
Dans le cas de Dexia, pour que la présence publique soit la plus opérationnelle possible, je suggère que l’État et la Caisse des dépôts et consignations concluent un pacte d’actionnaires, de sorte que la France puisse se présenter unie en toutes circonstances et mettre ainsi utilement à profit sa minorité de blocage, qui est de 25 % en droit belge.
Comme on ne peut imaginer que l’État dispose dans toutes les banques ne serait-ce que d’une minorité de blocage, il importe de fixer dans la loi les conditions auxquelles l’État peut apporter son soutien aux banques, notamment dans le domaine des rémunérations et des avantages consentis à l’exécutif de ces institutions financières. Ce sujet est abordé de façon récurrente lors de l’examen des projets de loi de finances.
Le président de la Banque centrale européenne considérait voilà quelques jours que nous avions « un vrai problème de valeurs » et que « nos démocraties ne comprennent pas certains comportements ». Le président de la Commission européenne lui-même, retrouvant les accents « gauchistes » de sa jeunesse – je m’en souviens, car je vivais au Portugal à cette époque – a déclaré dimanche que « certaines banques européennes, dont peut-être les françaises, ont effectivement besoin de plus de capitaux propres ». Il constate que « certaines d’entre elles refusent jusqu’au principe même d’être aidées, souvent parce qu’elles rejettent par principe tout contrôle public ». Dans une interview publiée dans un quotidien du matin, le président de la Fédération bancaire française, M. Oudéa, indiquait que celles-ci n’avaient pas du tout besoin d’une aide publique. On ne saurait mieux dire !
C’est pourquoi la commission des finances vous propose un amendement en ce sens. Si le Gouvernement n’y souscrit pas, il sera manifeste qu’il refuse d’adopter une attitude constructive en matière de soutien public aux banques.
Le Gouvernement doit apporter la preuve qu’il a tiré la leçon des échecs de 2008. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a demandé aux députés de l’opposition de lui dire « oui » pour une fois. Au Sénat, c’est la majorité et la commission des finances qui vous demandent d’adopter une attitude positive en assortissant le soutien aux banques d’une contrepartie qui fasse sens face à la défiance de nos concitoyens.
J’espère que vous nous entendrez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité. Chacun d’entre nous est concerné. Vous connaissez les dégâts que provoquent depuis 2008 tous ces exercices sur nos concitoyens, en un mot sur la cohésion nationale. Il est temps de donner un signe qui ne soit pas que symbolique !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV, du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE et de l’UCR.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me limiterai à quelques brèves considérations, d’une part sur Dexia et sur le caractère indispensable des mesures qui nous sont proposées, d’autre part, un peu plus longuement, sur la situation actuelle particulièrement préoccupante et contradictoire de la zone euro.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances
Pour l’essentiel, je partage l’analyse de Mme la rapporteure générale. Il est clair, et nous le reconnaissons tous, que Dexia est au bord de la faillite ; il est impératif de traiter chirurgicalement et immédiatement cette situation. Cela suppose un plan de restructuration en bon ordre.
Rappelons que Dexia représente globalement 35 000 emplois, 136 milliards d’euros de dépôts et une production de prêts qui était encore de 56 milliards d’euros en 2010.
Inutile d’ajouter devant une assemblée comme la nôtre que la part de marché de Dexia dans le secteur du financement des collectivités territoriales demeure considérable. Nous le savons tous et nombre d’entre nous ont suivi le cheminement de cette banque, de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales au sein de la Caisse des dépôts et consignations, qui était une entité sans personnalité morale, à la création du Crédit local de France, avec, à l’origine, une forte implication des collectivités territoriales dans sa gouvernance et des souscriptions d’une fraction de son capital par lesdites collectivités territoriales.
Puis nous avons vu Dexia s’éloigner au grand large et se livrer à des aventures outre-Atlantique, lesquelles expliquent, pour l’essentiel, la situation de détresse financière qui est apparue au grand jour en 2008.
Depuis 2008, une véritable course contre la montre a dû être engagée. Celle-ci aurait peut-être pu être gagnée et les encours internationaux à risques de la banque auraient pu être réduits grâce aux efforts de l’équipe mise en place autour du président du comité de direction, Pierre Mariani. Mais, aujourd'hui, Dexia est la première vraie victime, en France et en Belgique, de la crise de la dette souveraine, qui a été le révélateur des fragilités considérables de la banque.
Dans ce contexte, la commission des finances du Sénat, même assez profondément renouvelée, ne pouvait évidemment pas ne pas se mobiliser dans l’urgence et vous proposer de prendre ce soir, sur la proposition du Gouvernement, les mesures qui s’imposent.
Pour ma part, je pense – beaucoup d’entre vous le diront dans ce débat – que de la crise très grave qui frappe Dexia sortira sans doute un bien pour le financement des collectivités territoriales. Elle va en effet accélérer fortement la mise en place d’une institution spécialisée dans le financement des collectivités territoriales. La conduite opérationnelle de cette institution sera confiée à la Banque postale, laquelle pourra ainsi exercer un nouveau métier qui, en complémentarité avec ceux qu’elle exerce déjà, lui permettra de se déployer sur le territoire et de mieux assurer son avenir.
Exactement !
M. Pierre Hérisson.
Tout ceci est rendu possible grâce à l’adossement de DexMA à la Caisse des dépôts et consignations, laquelle est, nous le savons bien, la clé de la solution qui est en train de se mettre en place. Nous devons donc tous faire preuve d’une grande vigilance afin de préserver cet outil exceptionnel pour notre pays.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Mme la rapporteure générale a posé à ce sujet des questions auxquelles M. le ministre répondra certainement. Nous considérons pour notre part que le système de garanties et de contre-garanties dont la Caisse des dépôts et consignations va bénéficier est la clé de cette opération – de ce côté-ci du Quiévrain tout au moins –, de sa crédibilité et de l’avenir.
Naturellement, deux sujets peuvent, ce soir, justifier quelques différences d’approche entre les deux moitiés de la Haute Assemblée.
Le premier sujet – mais je suppose que les différences d’approche qu’il suscite vont tout de suite s’atténuer au vu des réponses que le Gouvernement va apporter aux questions de Mme la rapporteure générale – porte précisément sur la situation de la partie résiduelle de Dexia, c'est-à-dire Dexia Crédit Local en France. Cette banque n’est, a-t-on dit à l’Assemblée nationale, ni une structure de défaisance ni une
Pour aller plus loin, j’évoquerai les contreparties que Mme la rapporteure générale souhaite introduire dans l’éventualité – espérons que cela restera une simple éventualité – où l’État devrait apporter son aide à des institutions financières, à des banques et à des établissements financiers.
À vrai dire, les dispositions sur les rémunérations des dirigeants qu’elle souhaite introduire s’inscrivent tout à fait dans la continuité de l’amendement que le Sénat avait voté sur la proposition de Jean Arthuis en 2008.
Après bien des batailles !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Oui, mais le Sénat l’avait néanmoins voté !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
En outre, le Gouvernement avait repris la substance de l’amendement de Jean Arthuis dans un décret de 2009, …
La substance seulement !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… dont la durée de validité ne s’étendait que jusqu’à la fin de l’année 2010, soit une période d’une durée exceptionnelle.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Aujourd'hui, l’amendement adopté par la commission des finances, sans vote contraire mais avec l’abstention de l’UMP et de l’UCR, vise à mettre en place dans notre droit positif des règles qui s’appliqueraient à l’avenir à toute banque bénéficiant pour son refinancement du soutien de l’État. Toute banque en crise de liquidités ou incapable d’assumer le financement de ses activités et qui bénéficierait du soutien public devrait, en contrepartie, se soumettre à un corpus de règles fixées par la loi en matière d’avantages annexes, de rémunérations de l’encadrement supérieur, des dirigeants et des actionnaires.
Comme je vous l’indiquais, il n’y a pas eu au sein de la commission des finances de vote contraire. Sur le fond, nul n’a été choqué par cette proposition qui, au demeurant, n’a rien de révolutionnaire puisqu’elle s’inscrit, je le répète, dans la continuité d’un amendement de Jean Arthuis que nombre d’entre nous avaient soutenu. La seule question qui se pose est de savoir, mes chers collègues, s’il faut voter cet amendement ce soir.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Exactement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Pour éviter la confusion entre nous, il est bon que notre approche sur un tel sujet varie quelque peu !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je suis de ceux qui pensent que cette mesure pourrait être encore travaillée, et qu’elle aurait toute sa place dans le projet de loi de finances pour 2012.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Pour ma part – pardonnez-moi, chers collègues de la majorité sénatoriale, de soutenir cette position –, je pense qu’il serait plus simple et plus clair de voter conforme le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Évidemment !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Si nous ne le votons pas conforme, c'est-à-dire si les propositions de la commission des finances sont suivies par la Haute Assemblée, ce sujet sera traité demain à quatorze heures en commission mixte paritaire. L’incertitude sera donc de courte durée !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je persiste à penser qu’un vote conforme par deux assemblées ayant des majorités opposées servirait la crédibilité financière de notre pays.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Très bien !
M. Roger Karoutchi.
Sortez les mouchoirs !
M. Bernard Piras.
Ce serait un geste extrêmement positif. Au demeurant, ce n’est pas le fond de la question qui est en cause. En tant que président de la commission des finances, je me permets de suggérer cette voie. Je ne sais si je serai entendu, mais je me dois de le faire.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
J’en viens à présent à un sujet qui requiert une réponse précise et convaincante du Gouvernement, à savoir les crédits – 600 millions d’euros – que l’on nous propose d’inscrire au titre des dépenses accidentelles et imprévisibles.
Comme Mme la rapporteure générale, je pense que la procédure du décret d’avance, qui nécessite un examen ligne par ligne par la commission des finances, serait plus appropriée. J’ai en effet un peu trop l’impression que l’on nous demande de signer un chèque en blanc de 600 millions d’euros !
Je suppose que le Gouvernement nous apportera sur ce sujet des informations convaincantes au cours du débat et que nous aurons la garantie de pouvoir examiner dans le détail ces dépenses accidentelles et imprévisibles. Cela nous permettra de nous retrouver et nous évitera d’avoir à voter cet amendement.
Pour terminer, permettez-moi de vous livrer quelques considérations sur la crise de la zone euro. Il est tout à fait clair, mes chers collègues, que les chefs d’État et de Gouvernement vont devoir faire preuve d’imagination.
Souvenons-nous simplement d’une chose : la crise grecque a débuté voilà environ deux ans et dure, à la vérité, depuis lors. À cette époque, il était impossible – ce sujet était alors tabou – d’évoquer une restructuration de la dette grecque. Pour des raisons de doctrine, on considérait qu’un pays membre de la zone euro ne pouvait pas être conduit à ne pas honorer l’intégralité de sa dette dans les conditions contractuelles et rubis sur l’ongle.
Si je comprends bien l’évolution des choses, il va cependant falloir organiser une restructuration de la dette grecque. Le faire aujourd'hui, c’est le faire dans des conditions infiniment plus coûteuses pour l’ensemble des pays de la zone euro que si cette décision avait été prise au départ, il y a environ deux ans.
C’est certain !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Permettez-moi de le regretter.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ce soir avait lieu à Francfort la réception de départ du gouverneur de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet. C’est une personnalité d’une haute stature, tout à fait exceptionnelle, mais peut-être un peu trop animée parfois par l’esprit de doctrine.
La Banque centrale européenne a la responsabilité, me semble-t-il, en partage avec les chefs d’État et de Gouvernement, de faire preuve de l’imagination nécessaire pour que la zone euro ne soit pas un carcan et pour qu’elle ne périsse pas de ses contradictions internes et de ses péchés originels.
Ils vont utiliser la planche à billets !
M. François Marc.
Mes chers collègues, nous aurons l’occasion de revenir à maintes reprises sur tous ces sujets fondamentaux.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Ce soir, nous examinons le cas de Dexia. Il va nous conduire à évoquer la situation financière de nombreuses collectivités territoriales de ce pays. Faisons en sorte que, après cette décision douloureuse et difficile, qu’il nous faut pourtant prendre, cette crise ait des conséquences positives et permette aux collectivités territoriales d’avoir une plus grande visibilité concernant la prise en charge de leurs projets et, d’une manière générale, le financement de leurs investissements.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
J’informe le Sénat que la commission des finances a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 actuellement en cours d’examen.
M. le président.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce nouveau collectif budgétaire est essentiellement consacré à la situation de Dexia et aux conséquences du plan de redressement tel qu’il a été négocié entre l’État, la Belgique et le Luxembourg.
Mme Marie-France Beaufils.
Les sommes en jeu sont particulièrement importantes : 380 milliards d’euros d’actifs dans le groupe, 77 milliards d’euros de prêts aux collectivités locales, dont 50 milliards d’euros pour la France. Et ce sont près de 40 milliards d’euros de garanties qui sont proposés dans ce texte.
Nous craignons d’ailleurs que de telles sommes ne soient insuffisantes, non pas pour faire face aux dépréciations d’actifs qui touchent les activités les plus concurrentielles de Dexia, mais plutôt pour prendre en compte les légitimes attentes des élus locaux confrontés à la dérive des emprunts structurés. D’autant que, nous le savons tous, Dexia n’est pas la seule banque à avoir proposé des emprunts de ce type aux collectivités locales.
La situation que nous connaissons aujourd’hui avec Dexia est le résultat de la privatisation intégrale des activités bancaires, avec la sollicitation permanente des ressources onéreuses sur les marchés financiers et le marché interbancaire.
C’est la suite logique de la crise financière qui avait déjà amené les gouvernements français et belge à recapitaliser la banque Dexia à hauteur de 6,4 milliards d’euros en 2008, sans aucune contrepartie réelle.
Une fois de plus, aucune exigence n’a été émise pour que la banque ainsi « sauvée » concentre ses efforts vers le financement des PME, des collectivités, avec l’objectif de servir l’intérêt économique des pays où elle intervient.
Une telle course à la rentabilité financière maximale et de court terme montre une fois de plus sa nocivité. Après en avoir engrangé les bénéfices, c’est vers la puissance publique que l’on se tourne pour éviter la chute.
Et voilà !
M. Roland Courteau.
Permettez-moi tout de même de revenir dans cette discussion générale sur l’historique du financement des collectivités locales.
Mme Marie-France Beaufils.
La Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, la CAECL, fut longtemps l’établissement financier des collectivités, complétant par des ressources de marché – en général, il s’agissait d’emprunts émis auprès du public – les financements directs de la Caisse des dépôts et consignations.
À l’époque, le taux d’intérêt des emprunts était fixe, et la lisibilité des opérations évidentes ; les élus locaux avaient donc une grande sécurité.
La CAECL était un établissement public. Elle a été privatisée en 1987 et remplacée, en quelque sorte, par le Crédit local de France, le CLF, société anonyme à caractère commercial. En 1996, la fusion entre le CLF et le Crédit communal de Belgique s’accompagne de l’ouverture au marché du financement des collectivités territoriales.
Dès lors, les collectivités deviennent des clients comme les autres pour l’ensemble d’un secteur financier de plus en plus privatisé, banalisé et avec des activités de plus en plus diversifiées.
Dexia n’échappe pas à la règle et abandonne son cœur de métier, c’est-à-dire le financement des collectivités territoriales. La rentabilité n’est probablement pas au niveau attendu par ses actionnaires. C’est d’ailleurs ce que nous a rappelé l’une des personnes que nous avons auditionnées en commission des finances. Il est vrai que les collectivités locales ne déposent pas leurs ressources au sein des banques pour qu’elles puissent y trouver une rémunération.
Dexia se lance dans des activités de prise de contrôle d’entités bancaires dans le monde, comme aux États-Unis où, nous le savons tous, le groupe éponge encore d’ailleurs les dettes de sa filiale FSA.
Ce développement est fondé sur un schéma financier risqué, associant levée de ressources de court terme et distribution d’emprunts de long terme, conduisant de fait à créer une bulle de créances que le groupe ne peut plus honorer. Et ce d’autant que ses débiteurs, en particulier les dettes obligataires de la Grèce ou de l’Italie, ne sont plus en situation de faire face à leurs engagements.
Affectée par les
En effet !
M. Roland Courteau.
Il semble bien que ces mesures soient passées à côté de l’essentiel.
Mme Marie-France Beaufils.
Exactement !
M. Roland Courteau.
Une fois de plus, la démonstration est faite que les outils d’analyse du système capitaliste dans lequel nous vivons sont inadaptés pour anticiper la crise. Nous le voyons également avec les agences de notation, qui ont tendance à aggraver la situation au lieu de créer les conditions favorables à la résolution des problèmes.
Mme Marie-France Beaufils.
C’est exact !
M. Roland Courteau.
Le plan de redressement qui nous est proposé vise clairement à éviter que le groupe ne fasse faillite, victime d’un surcroît de dettes impossible à couvrir !
Mme Marie-France Beaufils.
L’affaire Dexia suffit à démontrer que la stricte logique privée et l’exigence de rentabilité financière conduisent à cette faillite. Or la proposition qui nous est faite ne règle pas cette question.
Nous le savons bien, la nationalisation est un mot tabou, au moins en France – la Belgique, elle, a purement et simplement choisi cette voie –, pour les libéraux. On nous dit même qu’il s’agit de mesures dépassées. Pourtant, on tourne autour et on parle de solliciter la garantie de l’État moyennant rémunération. Comme on le ferait d’une sorte d’engagement hors bilan, tendant à limiter les effets de ce que nous n’allons pas manquer de voir.
L’État ira chercher sur les marchés les ressources lui permettant d’accorder sa garantie. Il la fera rémunérer et constatera sans doute en bout de chaîne les moins-values les plus diverses. Celles-ci vont de la déperdition des titres de Dexia, qui est déjà avérée – l’action est désormais aux alentours de 55 centimes à 60 centimes, alors qu’elle valait encore 3,20 euros à la fin de l’année 2008 –, aux conséquences de la dépréciation des actifs gérés. Sans oublier les intérêts relatifs à la souscription du financement de la garantie.
L’affaire est d’ailleurs tellement bien ficelée que la Caisse des dépôts et consignations, appelée avec la Banque postale à reprendre le portefeuille de titres de dette publique locale en attendant de le développer à son tour, a demandé et obtenu que le plafond de garantie, dans un premier temps, soit supérieur sur ce créneau au risque de dépréciation encouru.
Il faut dire que si le résultat de la Caisse des dépôts disparaissait en tout ou partie dans la reprise des actifs de Dexia, le budget général s’en porterait sans doute assez mal !
En d’autres termes, la clientèle si particulière des collectivités servira probablement à asseoir l’équilibre financier de l’opération. En effet, les collectivités, obligées de renégocier leurs prêts pour éviter la dérive des taux, paieront pour une part la facture du redressement de Dexia.
Quand l’article 4 prévoit une garantie de refinancement rubis sur l’ongle en quelque sorte pour les actifs « ordinaires » de Dexia et une garantie minorée, partageant les coûts éventuels de dépréciation pour les actifs de « dette publique locale », il ne fait qu’accepter une certaine forme de laxisme pour un segment et de rigueur pour l’autre.
Dans le montage de l’article 4, ni Dexia ni la Caisse des dépôts n’ont le moindre intérêt à accorder aux collectivités locales quelque « faveur » que ce soit, qu’il s’agisse d’un abandon de créances, d’un moratoire de remboursement, même temporaire, ou d’un rééchelonnement éventuel des emprunts...
C’est là une situation que nous ne pouvons tout à fait accepter. C’est le sens de l’un de nos amendements, d’autant que les investissements des collectivités sont un facteur important de maintien de l’activité économique et de l’emploi, ce dont nous aurions grand besoin aujourd'hui.
Il importe que le présent projet de loi ouvre clairement la voie à la structuration d’un véritable pôle financier public, intégrant notamment au titre de ses missions prioritaires le financement des collectivités locales. La création d’un établissement public de financement s’appuyant sur la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, entre autres, aurait été le prolongement indispensable aux propositions de garantie que vous nous proposez dans ce projet de loi de finances rectificative.
Or aucune proposition en ce sens ne nous a été présentée par le Gouvernement. Rien pour le moment dans la présentation que vous venez de faire, monsieur le ministre, ne nous laisse supposer que vous acceptez de vous engager dans une démarche de constitution d’une banque publique dédiée au financement des collectivités territoriales dans laquelle l’État pourrait pleinement faire entendre ses exigences pour contribuer efficacement aux politiques publiques.
Un tel positionnement du Gouvernement, s’il était maintenu au cours de nos débats, ne nous permettrait pas d’approuver le présent projet de loi de finances rectificative.
Très bien !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, il y a urgence à trouver des solutions techniques, mais sans oublier qu’il s’agit d’une question éminemment politique ! On sort toujours d’une crise ; la question est de savoir dans quel état.
M. Jacques Mézard.
Oui, il y a urgence. Oui, il s’agit de l’intérêt national. Mais l’urgence n’est-elle pas la conséquence de l’imprévision ou de décisions retardées ? Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu’il fallait restaurer la confiance, rassurer les marchés, avoir plus de transparence, décourager la spéculation et coordonner les politiques gouvernementales. C’est bien de le dire ; il faut le faire.
Comment le citoyen ne serait-il pas ébranlé depuis 2008 par des annonces et des promesses constamment remises en cause ? Oui, nous avons affaire aux conséquences de la crise de la dette souveraine, mais elles sont démultipliées par des fautes de gestion que nous connaissons tous aujourd'hui.
Il y a eu mauvaise gestion, il y a eu des choix négatifs ; ce n’est pas le seul établissement financier. Il y a eu aussi absence totale de communication loyale vis-à-vis de l’opinion. La véritable urgence, c’est une communication loyale de l’ensemble de ces établissements, une responsabilisation de ces établissements et de leurs dirigeants ! La véritable urgence, c’est une politique européenne en adéquation avec l’existence d’une monnaie européenne !
S’il est un élément auquel notre groupe est attaché, c’est le principe : « Qui paie décide » ! Si le contribuable paie, il doit participer à la décision.
Nous avons besoin de banques et de marchés financiers, mais il faut qu’ils soient au service de l’économie et qu’ils ne dictent plus leur loi aux États.
Très bien !
M. Roland Courteau.
Depuis le mois de novembre 2008 et le premier plan de sauvetage des banques, l’État français détient 5,73 % du capital de Dexia, l’autre mode d’intervention ayant consisté en une garantie de financement. Il s’agit bien d’une préoccupation majeure pour notre pays, pour nos concitoyens et – nous le savons tous dans cet hémicycle – pour nos collectivités territoriales.
M. Jacques Mézard.
C’est dans ce contexte qu’il convient aujourd'hui de vous interroger, monsieur le ministre. Comment l’État pourra-t-il assumer une telle recapitalisation, alors que, nous le savons aussi, d’autres établissements que Dexia sont instables ? Comment en évaluer précisément le coût ? Comment justifier que les participations que l’État a prises ou s’apprête à prendre dans certaines banques ne lui donnent aucun droit de regard sur la politique de ces établissements ?
Pour le moment, votre gouvernement a fait le choix d’adosser le véhicule de refinancement des prêts aux collectivités portés par Dexia à la Caisse des dépôts et consignations, avec pour objectif d’alléger ses besoins de liquidités.
Là encore, une telle initiative ne va pas sans susciter quelques inquiétudes ; plusieurs orateurs, notamment Mme la rapporteure générale de la commission des finances, l’ont rappelé. Mais c’est aussi, et M. le président Marini vient de le souligner, la clé de l’avenir !
Dans ces conditions, le nouveau plan prévu par ce troisième collectif budgétaire pour 2011 peut-il permettre de redonner des marges de manœuvre suffisantes en termes de liquidité au groupe Dexia ?
Bien sûr, nous n’ignorons pas qu’à l’origine de ce texte se trouve d’abord l’impérieuse nécessité d’alléger de 10 milliards à 12 milliards d’euros les besoins en liquidités de Dexia, pour lui permettre d’abord, eu égard à la situation du marché interbancaire, de gagner du temps. Mais si une telle démarche s’avère nécessaire, elle n’est certainement pas suffisante car il est désormais impératif de s’orienter vers des mesures structurelles plus durables. Il est temps que l’État reprenne toute sa place et ne se contente plus de venir pallier les irresponsabilités de certains dirigeants et certaines de leurs erreurs, les fautes avérées de gouvernance.
Nos concitoyens attendent qu’il soit mis un terme à certaines rémunérations exorbitantes de dirigeants et de
C’est aussi pourquoi nous soutenons la mesure adoptée hier par la commission des finances du Sénat, mesure qui vise à interdire bonus et dividendes aux banques bénéficiant du soutien de l’État. C’est une simple disposition de bon sens ! Comment pourrait-il en être autrement ?
De plus, mes chers collègues, en l’absence de mesures structurelles, il faut bien reconnaître qu’à ce jour le plan de sauvetage mis en place en 2008 demeure une opération négative pour les finances publiques.
Faut-il rappeler qu’à l’époque déjà la question se posait du choix de la garantie et des contreparties que l’État pouvait en attendre, contreparties qui se font toujours désirer et qui se feront toujours désirer.
Alors que l’État a investi directement 1 milliard d’euros au capital de Dexia à l’automne 2008, à ce jour sa participation enregistre une perte latente d’environ 920 millions d’euros. Si l’on élargit le champ à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances, deux entités parapubliques qui ont apporté 2 milliards d’euros en octobre 2008, la facture potentielle s’alourdit même de 1,8 milliard d’euros.
Monsieur le ministre, il aura donc fallu cette grave crise financière pour que l’on en revienne à l’esprit qui avait conduit il y a bien longtemps, au début du XIX
Dexia s’est égarée en élargissant ses activités à la gestion d’actifs, aux marchés de capitaux, aux assurances, aux services aux investisseurs, jusqu’à vendre aux collectivités des prêts ultrasophistiqués, variables, structurés, de l’ordre de 10 milliards d’euros, et qui se sont pour certains révélés particulièrement toxiques.
Mes chers collègues, la question qui se pose est bien celle du retour à court ou à moyen terme aux fondamentaux des activités d’un établissement comme Dexia, qui s’est aventuré dans le monde de la finance. Mais aujourd’hui, et une fois de plus, c’est au contribuable français qu’il reviendra d’assumer, avec d’autres pays, le coût de ces dérives graves en matière de gouvernance et de choix stratégiques pour un établissement qui occupait une place centrale dans le financement et le quotidien des collectivités territoriales.
Quoi qu’il en soit, en attendant les premiers effets des mesures prévues par ce projet de loi, le « cas Dexia » et son sauvetage par l’État constituent d’ores et déjà un nouvel exemple de la dérive d’un système bancaire dérégulé. Il faut une volonté politique forte.
Je rappelle, comme le fait du reste Mme la rapporteure générale dans son rapport, que Mme Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, s’était engagée en octobre 2008 devant le Sénat sur les contreparties qui seraient demandées aux banques en échange du soutien de l’État. Elle évoquait « deux catégories de contreparties : des contreparties d’ordre économique, d’une part, […] et des contreparties éthiques, d’autre part […] ».
C’est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RDSE apporteront majoritairement leur soutien aux amendements de la commission des finances, particulièrement à celui qui vise à assortir le soutien public à une banque d’un certain nombre de conditions. C’est une question de principe, mais c’est aussi une question de respect du contribuable et du citoyen.
Nous n’approuverons le projet de loi dans son ensemble pour garantir le financement de Dexia qu’à cette condition, à savoir l’adoption par notre assemblée des amendements de notre commission des finances.
Mes chers collègues, exiger un vote conforme n’est pas un message de rassemblement si nécessaire face à une telle crise. C’est l’inverse. Il est au contraire essentiel que chacun fasse un effort dans l’intérêt national.
(Applaudissements
sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liquidation d’une banque est un acte grave.
M. Jean Arthuis.
Ce soir, nous sommes invités à autoriser le Gouvernement à consentir une garantie pour que cette liquidation soit ordonnée. C’est la fin d’une belle aventure qu’avait connue la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, caisse qui s’était transformée en Crédit local de France. Vous vous souvenez sans doute qu’à l’époque Pierre Richard, fondateur et ancien président de Dexia, déclarait que « sans en avoir conscience, le secteur local a basculé dans un nouveau monde ». Il ajoutait qu’il fallait que les collectivités aient « un vrai banquier et non plus un distributeur de prêts administrés ».
Je me souviens également que Michel Rocard, Premier ministre, voulait créer ce qu’il appelait « un financier de la décentralisation, capable de mobiliser l’épargne, de perfectionner la gestion, de réduire la dette, de maîtriser les investissements ». Malheureusement, les péripéties du Crédit local de France, devenu Dexia, nous amènent ce soir à autoriser l’État à délivrer sa garantie.
On est sorti des taux administrés, on a dérégulé. Le Crédit local de France est devenu une société anonyme, qui a vu une partie de ses titres introduits en bourse en 1991. La privatisation est intervenue en 1993. Les dirigeants ont voulu faire de cet établissement une banque mondiale des collectivités territoriales. Ils ont pris une participation aux États-Unis dans une société de rehaussement de crédit en faveur, précisément, des collectivités territoriales. Malheureusement, la crise des
Ce n’est pas la première fois que le Parlement est appelé à autoriser le Gouvernement à donner sa garantie à Dexia. Nous l’avions déjà fait en 2008. Je constate que les efforts accomplis par les nouveaux dirigeants de Dexia ont porté leurs fruits, mais malheureusement la crise des dettes souveraines sonne le glas de ce groupe. À cet égard, monsieur le ministre, je souhaite, comme l’a exprimé voilà quelques instants Mme la rapporteure générale, que vous nous confirmiez qu’il n’est pas question de maintenir Dexia Crédit Local en marche opérationnelle. Cette entité doit assurer la liquidation de ses actifs et de ses dettes, mais elle ne doit pas apparaître demain comme un possible concurrent de la nouvelle entité qu’il faudra bien mettre en place pour permettre aux collectivités territoriales d’accéder aux crédits dont elles ont besoin pour financer leurs investissements.
Très juste !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
L’été aura été meurtrier pour Dexia. Les événements se sont enchaînés : crise des dettes souveraines, dégradation de la note de la banque par l’agence Moody’s. Le résultat est là et les gouvernements ont pris leurs responsabilités pour éviter une faillite désordonnée, qui se serait nécessairement propagée à d’autres institutions et aurait créé des dommages collatéraux très importants.
M. Jean Arthuis.
Je ne reviendrai pas sur les garanties, car elles ont fait l’objet de discussions denses et exigeantes. La Caisse des dépôts et consignations a répondu à sa vocation puisqu’il y va ici de l’intérêt général. Cependant, la Caisse doit veiller, elle aussi, à la préservation de sa note et à son crédit comme à son autorité. Les négociations ont abouti, l’accord est équilibré, le gouvernement belge, le gouvernement luxembourgeois et notre gouvernement ont assumé leurs responsabilités.
Des questions peuvent subsister. Que se passera-t-il au bout de dix ans si certaines opérations ne sont pas soldées et s’il faut de nouveau émettre des titres qui ne seraient pas garantis par l’État alors même que les créances susceptibles d’être recouvrées présenteraient des risques de pertes significatives ?
Globalement, il me semble que nous pouvons donner notre accord aux garanties que ce projet de loi de finances rectificative contient et sur lesquelles nous allons délibérer ce soir.
Il me paraît très important que le financement des collectivités territoriales puisse être organisé. Je salue donc l’initiative du Premier ministre, qui a décidé de débloquer 3 milliards d’euros sur les fonds d’épargne. Les appels d’offres seront lancés dans les tout prochains jours et nous pouvons d’ores et déjà imaginer que le taux que prendront en charge les emprunteurs tournera autour de 4 %. Espérons simplement qu’il ne s’agira pas d’une situation de rente pour les établissements qui seront agréés à consentir des prêts dont le financement sera assuré par les fonds d’épargne !
Il s’agit d’une mesure d’urgence. Aussi, il est absolument indispensable de mettre en place un établissement capable d’assurer le financement des collectivités territoriales. Aujourd’hui, dans la France entière, des maires, des présidents d’établissement public de coopération intercommunale, des présidents de conseil général, des présidents de région sont en difficulté parce que les banques sollicitées ne sont pas en mesure de répondre positivement à leurs besoins en matière d’investissements. Ces dernières ont du mal à emprunter à long terme alors que les prêts à consentir sont des prêts sur dix, quinze ou vingt ans. Une telle transformation ne peut s’accomplir.
Le secteur bancaire est soumis aux nouvelles normes prudentielles de Bâle III. Or, précisément, prêter sur de longues durées est coûteux en termes de fonds propres. Au surplus, la rémunération et les commissions sont relativement modestes. Dans ces conditions, il deviendra difficile de financer les investissements des collectivités territoriales.
Je salue donc l’initiative qui consiste à inviter la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, partenaire de grande proximité de la Caisse des dépôts et consignations et qui collecte elle-même les produits du livret A, à mettre en place l’institution qui, demain, prendra en charge ces financements. Il y a là, monsieur le ministre, une urgence particulière, car chacun s’accordera à reconnaître que le financement des investissements publics n’est pas tout à fait le même que celui des investissements des entreprises par le secteur concurrentiel.
Ce n’est pas, à proprement parler, un retour à la case départ puisque l’établissement qui va être créé devrait s’apparenter davantage au Crédit local de France dans sa première version qu’à la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. Il faudra peut-être imaginer qu’une partie des fonds d’épargne soit mise à la disposition des collectivités territoriales, car il s’agit bien ici d’investissements concourant à l’intérêt public.
Cet exercice nous contraint à perdre nos illusions sur les bienfaits de la dérégulation alors en vogue dans les années quatre-vingt, auprès des gouvernements de gauche comme de droite. Aujourd'hui, la crise nous place devant une épreuve implacable : nous devons non pas faire preuve d’idéologie, mais au contraire être pragmatiques et reconnaître que, si la Caisse des dépôts et consignations doit garantir la protection de l’épargne de nos concitoyens, elle doit aussi assurer le financement des travaux d’intérêt général. C’est bien ce qui nous préoccupe aujourd'hui.
Par conséquent, je souhaite que les services du MINEFI fassent diligence pour que, dans les meilleurs délais, une telle institution puisse être mise en place. Dans ces conditions, peut-être la société de crédit foncier DexMA restera-t-elle le véhicule de financement des collectivités territoriales.
Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2011. Il soutiendra également l'amendement de la commission des finances qui tend à introduire dans le dispositif des considérations que l’on peut qualifier d’éthiques et qui ont déjà fait l’objet d’initiatives de notre part dans un passé récent.
(Applaudissements
sur les travées de l’UCR et de l’UMP ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
La parole est à M. François Marc.
M. le président.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement est appelé à légiférer dans l’urgence. Déjà, voilà quelques semaines, il s’agissait de répondre aux inquiétudes liées aux marchés : ainsi, le 7 septembre dernier, avons-nous adopté un projet de loi de finances rectificative pour 2011 en ce sens. Aujourd'hui, il s’agit d’aider une banque en grande difficulté. Sans doute demain le Gouvernement nous demandera-t-il de donner notre accord au renforcement du Fonds européen de solidarité financière, si les délibérations en cours et à venir se passent bien.
M. François Marc.
Nous sommes face à une situation inquiétante. Cette brusque accélération de l’histoire financière de notre pays nous conduit à penser que la taxation des transactions financières aurait sans doute permis de générer des ressources qui auraient évité que nous n’ayons à chaque instant à solliciter les contribuables ; mais cela est une autre histoire.
Ce soir, il nous faut prendre en considération la situation très critique du groupe Dexia. Les spécificités de cet établissement, héritées du passé, l’ont rendu particulièrement vulnérable à la volatilité des marchés financiers.
En effet, malgré les efforts entrepris depuis 2008 dans le cadre du plan de restructuration – à cet égard, je tiens à rendre hommage aux équipes actuelles de Dexia mais aussi aux milliers de salariés de ce groupe qui, au cours des dernières années, n’ont pas démérité mais ont au contraire tout fait pour redresser cette société –, le groupe Dexia a continué de pâtir d'un bilan fortement déséquilibré.
Dans ce contexte, aggravé par l'annonce, au début du mois d'octobre, de la mise sous surveillance de la notation du groupe par l'agence Moody’s, une intervention des États était devenue nécessaire. Le Gouvernement a donc décidé de mettre en œuvre, en coordination avec les gouvernements belge et luxembourgeois, des mesures de garantie devant permettre de restaurer la confiance des investisseurs dans le groupe Dexia et de donner l'assurance aux clients et aux créanciers du groupe que celui-ci serait en mesure de continuer à honorer ses engagements.
Il s'agit donc, par ce texte, de restructurer de façon ordonnée la banque Dexia. Si l'on fait masse des opérations proposées au Parlement, 90 milliards d'euros seront affectés à une structure de reprise d'actifs logée au sein de Dexia et en Belgique. Tous ces actifs ne sont pas mauvais, mais tous ne sont pas bons. Dès lors que les États garantissent ce refinancement jusqu'en 2021, il faudra faire les additions dans dix ans et, comme il est hautement probable que tous les actifs n'auront pas atteint leur maturité, des pertes devront être constatées. Ce sont les actionnaires qui devraient les supporter, à raison de leur participation au capital de Dexia, soit, pour la France, entre la Caisse nationale de prévoyance, la Caisse des dépôts et consignations et l’État, environ 25 %.
Il faut ici plus particulièrement attirer l'attention, monsieur le ministre, sur les 3,35 milliards d'euros de risques non chiffrables qui ne sont pas garantis par l'État dans le cadre de cette garantie supplémentaire et qui le sont par conséquent dans le cadre de la première garantie, c'est-à-dire jusqu'en 2021. À cette date, la Caisse des dépôts et consignations ne bénéficiera plus de la garantie de refinancement des États et n'aura plus pour seul interlocuteur, en cas de difficultés, que Dexia ou ce qu'il en restera.
Ce risque de 3,35 milliards d'euros pourrait peser, à l'échéance de dix ans, sur la Caisse des dépôts et consignations. Il faut donc que le Gouvernement se préoccupe davantage de ces 3,35 milliards d'euros qui risquent d’échoir à la Caisse des dépôts et consignations sans garantie d'État et alors même que Dexia ne sera peut-être plus un interlocuteur solvable. C'est là, je crois, un sujet majeur de préoccupation que met en lumière ce projet de loi de finances rectificative pour 2011 et je ne suis pas sûr que toutes les assurances aient été données à nos collègues députés lundi soir en la matière. Monsieur le ministre, sur ce sujet, vos précisions seront les bienvenues.
Face à ce constat, quelle réponse l’État peut-il apporter à la question posée aujourd'hui par la situation de Dexia ?
Premièrement, il est aujourd'hui nécessaire d'éviter un défaut qui aggraverait la crise et entraînerait un risque systémique. Dexia étant inscrite parmi les banques soumises à une telle conjecture, il n'est pas possible, quelles que soient l'incompréhension et même l’exaspération de nos concitoyens devant l'action, voire l'inaction, des dernières années, de laisser Dexia faire défaut, car, nous le savons, les conséquences seraient pires que celles auxquelles nous sommes exposés en décidant de garantir ce que Dexia a souscrit.
On ne peut que partager la volonté de recréer un établissement de financement des collectivités locales. Il est en effet urgent – d'autres l'ont fait remarquer avant moi – que les collectivités puissent compter sur une nouvelle banque publique, après le désengagement de nombreux établissements. Il convient d'ailleurs de souligner que, en 2010, la part des collectivités locales dans les investissements publics a régressé en France, passant de 75 % à seulement 63 %. Nous sommes donc conduits à constater que, à force de réformer les moyens des collectivités locales, leur capacité d'investissement a substantiellement baissé.
Deuxièmement, s'il importe d'éviter le défaut, il convient dans le même temps de condamner le modèle économique sur lequel Dexia a pu prospérer pendant plusieurs années.
Le modèle économique qui a longtemps prévalu et selon lequel il n'y aurait jamais de crise de liquidités ne peut plus être accepté tel quel. Les États ont dû secourir Dexia une première fois en 2008. Avec cette crise de liquidités, ils sont amenés une nouvelle fois à venir au secours de cette banque.
Troisièmement, il nous faut reconnaître que l'exaspération ou l'incompréhension de nos concitoyens sont légitimes. Ceux qui sont responsables de la situation et de la dérive ne sont pas appelés à rendre des comptes. Ceux qui n'y sont pour rien, en revanche, devront contribuer par leurs impôts à apurer les dettes laissées par les premiers. Convenons, mes chers collègues, que, dans ces conditions, on peut comprendre la réaction de nos concitoyens. Car les responsables de la déconfiture de Dexia sont connus ; certains se sont retirés des affaires fortune faite.
(Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV opinent.)
Scandaleux !
MM. Martial Bourquin et Jacques-Bernard Magner.
Cela représente 13 millions d’euros !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Dès lors qu'en 2008 les États sont venus au secours de cette banque, il aurait été souhaitable et probablement possible qu’ils conditionnent leurs interventions à la suppression de ces avantages indus. La question de la responsabilité des ex-dirigeants de Dexia comme celle de la régularisation des rémunérations exorbitantes des dirigeants et des
M. François Marc.
La rémunération des dirigeants de banque reste un problème. Ces dernières années, nous avons suggéré à maintes reprises que soient encadrées ces rémunérations, afin qu'elles s'établissent à des niveaux plus raisonnables. Le Gouvernement s'est malheureusement assez largement opposé à nos propositions.
M. Roland Courteau.
Il n'est plus possible aujourd'hui d'accepter que ces rémunérations perdurent, quand on mesure les efforts demandés au quotidien à nos concitoyens.
M. François Marc.
En matière de régulation bancaire, certes, de nouvelles règles prudentielles ont été édictées lors du G20 du mois d'avril 2009 mais, concrètement, très peu a été fait en termes tant de contrôle effectif, de paradis fiscaux ou de rémunérations des dirigeants. Il nous semble qu'aujourd'hui la démesure règne ; c'est vrai pour les rémunérations des dirigeants des principales banques françaises.
La vérité, monsieur le ministre, c'est que Dexia a sombré comme les autres banques – sans doute un peu plus – dans les délices de la financiarisation spéculative. Et nous ne pouvons que regretter ici que des choix politiques assumés aient largement laissé le pouvoir aux marchés financiers.
On n'a eu de cesse de nous répéter au cours des dernières années qu'on allait se satisfaire de l'autorégulation et que le code de bonne conduite des banquiers suffirait à rétablir une situation saine dans notre pays.
C'est un vœu pieux !
M. Jean-Jacques Mirassou.
Nous voyons aujourd'hui le résultat du manque de régulation et les conséquences de cette confiance accordée au code de bonne conduite.
M. François Marc.
(Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
En effet, une nouvelle ambition régulatrice est nécessaire : il faut aujourd'hui plus d’encadrement, plus de régulation, plus d’exigence éthique. Faute de quoi, nous aurons encore demain à décider d’actions de soutien. Ce n'est plus tolérable. C'est la raison pour laquelle il nous faut adopter ce texte en y incluant les recommandations de Mme la rapporteure générale.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Très bien !
M. Bernard Piras.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, nous examinons aujourd’hui le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2011. Celui-ci a pour objet de permettre à la banque franco-belge Dexia de réaliser son démantèlement dans les meilleures conditions.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Dès à présent, je tiens à saluer le Gouvernement pour sa capacité de réaction. La décision du démantèlement de Dexia s’inscrit dans un contexte économique et financier international difficile qui nous oblige à la plus grande réactivité.
La rapidité d’intervention et de réponse du Gouvernement est à souligner. Cela n’a pas été le cas aux États-Unis lors de la faillite de Lehman Brothers et l’on sait la suite qui est advenue.
Le contexte nous oblige aussi à la plus grande transparence. Dès lors, permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir plus précisément sur les raisons de ce démantèlement.
Dexia est fragilisée depuis la crise des
Ainsi, en deux ans seulement, sous la conduite de son patron Pierre Mariani, la banque a diminué de 73 milliards d’euros son bilan et réduit de manière significative ses besoins de financement à court terme. Le redressement de Dexia était alors, pensait-on, sur la bonne voie.
Malgré les efforts considérables faits par la direction, Dexia a été frappée de plein fouet par la crise des dettes souveraines, qui, compte tenu de son modèle économique, très critiquable par ailleurs, l’a placée dans la situation que nous connaissons.
Ce modèle économique, quel est-il ? La banque, qui pouvait emprunter de l’argent à bas coût à court terme, s’endettait pour acheter des obligations à long terme qui lui rapportaient beaucoup plus : il s’agissait d’obligations grecques, portugaises et même islandaises.
Pour garder ces obligations au bilan, il fallait que Dexia renouvelle ses ressources financières fréquemment, et ce dans un contexte de crise des dettes souveraines, dans lequel les banques sont réticentes à se prêter de l’argent entre elles.
Ainsi, le problème de cet établissement financier est un problème de liquidité, ce modèle économique n’étant plus viable dans la situation actuelle.
Aujourd’hui, l’objet de ce projet de loi de finances rectificative est double : apporter une garantie à Dexia et envoyer un message fort aux marchés financiers, de sorte que ces derniers lui refassent confiance et qu’elle puisse se refinancer normalement.
La première garantie concerne donc le refinancement de Dexia, qui pourra emprunter sur les marchés avec la garantie des trois États.
Pour Paris, cette garantie porte sur un montant maximum de 32,85 milliards d’euros et une durée maximale de 10 ans.
Elle ne sera activée que si Dexia fait défaut sur les emprunts qu’elle aura contractés sur les marchés. Je sais que cette durée inquiète un certain nombre de personnes, mais, à ma connaissance, et M. le ministre le confirmera sans doute, il est difficile, au regard des règles imposées par la Commission européenne, de prévoir une durée supérieure. De mon point de vue, cela ne serait pas possible.
La seconde garantie porte sur les 10 milliards d’euros de crédits de Dexia qui vont, en France, tomber dans le giron de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC.
Cette somme se décompose ainsi : 8 milliards d’euros de crédits aux collectivités territoriales, 1,5 milliard d’euros aux hôpitaux et 500 millions d’euros aux bailleurs sociaux.
Or certains de ces prêts sont toxiques et, pour protéger la CDC, Paris a décidé de mettre en place cette garantie ; celle-ci n’entrera en jeu que si les pertes dépassent 500 millions d’euros et elle sera plafonnée à 6,65 milliards d’euros.
En tant que représentants des collectivités territoriales, nous savons l’importance que tenait Dexia dans le financement de ces dernières.
Le groupe UMP se félicite, par conséquent, de ce que, sur l’initiative du Gouvernement, les besoins de financement à court terme des collectivités soient satisfaits, jusqu’à la fin de l’année, grâce à une enveloppe de 3 milliards d’euros de prêts que prélèvera la CDC sur les fonds d’épargne.
Au-delà devrait être mis en place un pôle de financement public des territoires. Il sera organisé autour de la Banque postale, à hauteur de 65 %, et de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 35 %.
Il y va, par conséquent, de la responsabilité de notre Haute Assemblée d’adopter ce collectif budgétaire.
Nous avons une responsabilité à l’égard de la zone euro, car il importe de ne pas aggraver la crise dans laquelle elle est plongée, ce plan s’inscrivant dans un objectif de préservation de la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers.
Nous avons également une responsabilité à l’égard des collectivités territoriales que nous représentons, étant donné la place importante de Dexia dans leur financement. Ce plan garantit – j’insiste sur ce point – aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales la sécurité qu’ils sont en droit d’attendre et redonne à cette banque de meilleures conditions d’accès aux liquidités, ce dont elle a besoin.
Ainsi, vous l’aurez compris, les enjeux sont tels que voter contre ce collectif budgétaire serait une posture politicienne, un signal très néfaste envoyé aux marchés. Le rejet de ce texte serait la preuve d’une irresponsabilité dangereuse en pleine crise des dettes souveraines.
La validation de ce plan par une loi de finances rectificative est en fait une condition essentielle pour restaurer la confiance et pour soutenir la croissance.
Enfin, rappelons également que tout cela aura un coût pour Dexia, puisque ces garanties seront rémunérées. L’État peut ainsi espérer réaliser un gain de 164 millions d’euros.
En conclusion, je tiens à souligner de nouveau l’engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l’avenir de leur financement.
Monsieur le ministre, je vous sais gré d’offrir à nos collectivités locales un nouvel acteur public solide fournissant des produits de crédit simples et transparents, ce qui est important en cette période de restriction des conditions d’accès au crédit pour nos collectivités, puisque, comme l’a rappelé Jean Arthuis voilà quelques instants, les critères de Bâle III vont désormais fonctionner à plein.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le présent projet de loi de finances rectificative.
(Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Georges Patient.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectivités d’outre-mer, elles aussi, sont très concernées et fort préoccupées par la situation de Dexia, non seulement parce que cette banque est l’un des très rares établissements à leur consentir des prêts – l’encours s’élevait à 1 489 millions d’euros au 30 septembre 2011 –, mais aussi parce que les prêts structurés représentent 46 % du total des prêts, soit 680 millions d’euros. Dans la zone Antilles-Guyane, ils représentent la moitié du stock de dette de 487 millions d’euros. Dans nos territoires de l’océan Indien, ils représentent 39 % du stock de dette de 657 millions d’euros. Enfin, dans les collectivités de la zone Pacifique, ils représentent 51 % du stock de dette de 349 millions d’euros.
M. Georges Patient.
Il n’existerait pas de prêts toxiques dans les outre-mer, selon la direction générale de Dexia, pour qui toutes les collectivités ayant ce type de prêts sont particulièrement suivies et ont reçu des propositions de réaménagement de dette.
À titre d’illustration, en Polynésie française, la part des produits indexés sur des parités de change est passée en quatre ans de 43 % de l’encours à 22 % en 2011. La part des produits « vanille » taux fixe Euribor est passée, à l’inverse, de 5 % à 42 %.
Cependant, confrontées à la frilosité des banques, qui va s’aggraver avec les exigences de Bâle III, les collectivités d’outre-mer sont dans l’attente d’une solution pérenne aux problèmes de financement de leurs investissements.
Je tiens à rappeler que les collectivités ultramarines, en l’absence d’un réel développement économique endogène, sont les premiers moteurs de l’économie locale. Leur part dans l’investissement public est supérieure à 75 %. Il n’est quasiment pas de secteur, en dehors des dépenses militaires, dans lequel elles n’investissent pas directement ou par le biais de cofinancements.
En cette période de gel des finances des collectivités locales, le recours à l’emprunt s’avère nécessaire afin de maintenir un niveau d’activité suffisant pour ne pas aggraver le chômage déjà exponentiel, avec un taux moyen de 20 % pour l’ensemble de la population, mais supérieur à 50 % chez les jeunes et les femmes. Leurs principaux bailleurs étant la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence française de développement, qui sont deux organismes publics, et uniquement Dexia pour les banques commerciales, elles ne peuvent qu’être attentives au plan de sauvetage proposé par le Gouvernement pour cet établissement.
Ce plan apporte-t-il une réelle solution de remplacement aux financements habituels des investissements des collectivités territoriales par Dexia ? Il affiche en tout cas cet objectif car, selon le Gouvernement, il ne devrait pas uniquement stabiliser l’avenir de la banque. En effet, il devrait également permettre de financer les collectivités territoriales par la localisation de l’ensemble des activités de financement desdites collectivités au sein d’une structure adaptée, dont les actionnaires seraient la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale.
Ce pôle de financement devrait aussi permettre de faire face à la fois aux engagements financiers liés aux prêts consentis aux collectivités territoriales françaises et européennes et à leurs besoins de financement à court et moyen termes grâce à une augmentation de la garantie de l’État à hauteur de 3 milliards d’euros. Il est bien précisé qu’il s’agira non pas d’avances ou de dotations, mais bien d’un volume de prêts consentis afin que les collectivités puissent procéder à leurs investissements.
Le projet prévoit donc la création d’une nouvelle banque consacrée aux collectivités, qui serait codétenue à 65 % par la Banque postale et à 35 % par la Caisse des dépôts et consignations, le déblocage de 3 milliards d’euros de prêts devant être réalisé sur fonds d’épargne d’ici à 2011.
S’il est en effet urgent que les collectivités puissent compter sur un nouvel établissement public de prêt dans ce contexte de désengagement des banques, le plan proposé fait l’objet d’un certain nombre de critiques.
Ainsi, des économistes mettent en cause sa crédibilité, qu’ils situent proche de zéro, car le repreneur, quel qu’il soit, devra se montrer prudent dans un monde incertain et marqué par de grosses pertes sur la liquidation du portefeuille d’actifs malades de Dexia.
Il est ici fait référence aux 3,35 milliards d’euros susceptibles de ne pas être honorés car la contre-garantie de l’État sur les prêts structurés – 10 milliards d’euros – ne porte que sur 70 %, avec une franchise de 500 millions d’euros, l’exposition maximale étant de 6,65 milliards d’euros. De surcroît, la garantie ne courant que sur dix ans, nombre d’experts se demandent qui paiera alors en cas de défaut de paiement postérieur, si les actifs – les fameux 10 milliards d’euros contre-garantis à 70 % par l’État – n’ont pas été cédés.
La Caisse des dépôts et consignations, « pompier financier » de l’État, doit-elle supporter de tels risques supplémentaires ?
Des interrogations portent aussi sur l’utilisation effective des 3 milliards d’euros au profit des collectivités : 1,5 milliard d’euros financés directement par la Caisse des dépôts et consignations sur le court terme, somme à laquelle s’ajoutera 1,5 milliard d’euros octroyés aux banques afin qu’elles puissent leur consentir des prêts.
Monsieur le ministre, des dispositions sont-elles prises pour assurer le fléchage de ces crédits ? Ces derniers doivent véritablement aller aux collectivités et non servir à renflouer le bilan des banques, ce afin d’éviter les errements d’un récent passé.
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez n’enterre-t-il pas le projet de l’Association d’études pour l’agence de financement des collectivités locales, créée sur l’initiative des grandes associations d’élus et présidée par Jacques Pélissard ? La vocation de cette structure était justement de contribuer à sécuriser durablement l’accès à la ressource financière pour sa clientèle, limitée aux seules collectivités françaises.
Enfin, a-t-on pris la mesure de Bâle III et de ses éventuelles conséquences graves sur les collectivités locales ? La combinaison des ratios de solvabilité et de liquidité qui serait imposée aux banques va moins les inciter, évidemment, à financer nos territoires. Elle pourrait conduire également à ce que la banque centrale ne puisse plus accepter, dans ses opérations de refinancement, des créances dont le montant serait inférieur à 500 000 d’euros. À cet égard, je tiens à souligner que la plus grande partie des prêts consentis aux collectivités d’outre-mer sont inférieurs à ce montant.
Aussi, monsieur le ministre, y aura-t-il un fléchage de crédits pour les outre-mer – qui sont trop souvent oubliés – dans l’enveloppe de 3 milliards d’euros à utilisation immédiate ? Vous voudrez bien m’excuser d’insister sur cette préoccupation ultramarine.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à M. Maurice Vincent.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le Gouvernement nous sollicite en urgence pour éviter
M. Maurice Vincent.
in extremis
Ce texte comporte deux volets : une garantie de refinancement immédiate de 32,85 milliards d’euros et une contre-garantie de 6,65 milliards d’euros à la Caisse des dépôts et consignations pour les actifs toxiques de cette banque.
Le plan de sauvetage a suscité un long débat à l’Assemblée nationale et, ici même, en commission des finances.
Sur le premier volet, qui concerne la garantie de 32,85 milliards d’euros, je reste sur ma faim et je souhaiterais poser deux questions à M. le ministre.
La première est multiple : comment, entre 2002 et 2008, Dexia a-t-elle pu adopter un modèle économique aussi risqué et aberrant, en finançant 600 milliards d’euros d’actifs de long terme par des dettes de court terme ? Pourquoi la Commission bancaire n’est-elle pas intervenue ? Pourquoi l’État, qui était forcément informé, n’a-t-il pas agi ?
Auditionné par la commission des finances, M. Mariani a expliqué que la stratégie de Dexia avait été totalement transparente.
Ma seconde interrogation, monsieur le ministre, porte sur le problème de ce que l’on appelle le « Dexia résiduel ». On nous dit qu’il y a des actifs de bonne qualité et d’autres de moins bonne qualité : avez-vous une idée de la part respective des premiers et des seconds ? Il s’agit, bien sûr, d’une donnée déterminante pour mesurer le risque qui est sur le point d’être pris aujourd’hui au niveau des finances de l’État.
Au demeurant, je voudrais surtout intervenir sur le deuxième volet du projet de loi de finances rectificative, à savoir la garantie demandée au regard des prêts toxiques, à hauteur de 6,65 milliards d’euros.
Je tiens à le rappeler, depuis plus de deux ans maintenant, avec d’autres élus des collectivités concernées, de toutes tendances politiques, j’interpelle le Gouvernement sur ce stock d’emprunts toxiques contractés entre 2002 et 2008 pour lui expliquer combien il constitue un problème national et une véritable bombe à retardement.
Certes, il y a eu l’intervention de la mission Gissler, mais celle-ci n’a pas traité le stock passé ; elle a simplement contribué à éviter de voir se poursuivre de telles pratiques funestes.
Nous n’avons pas eu, il faut le dire, beaucoup de réponses, et il semble que le problème ait été gravement sous-estimé. Il nous revient aujourd’hui brutalement, indirectement, au travers de la part des emprunts toxiques, qui est la seule due à la responsabilité de Dexia.
Monsieur le ministre, selon vos évaluations, le montant de ces emprunts toxiques s’élève à 10 milliards d’euros, mais il faut y ajouter, pour les collectivités concernées, les emprunts relevant d’autres banques. Sans doute le problème qui est aujourd’hui devant nous se chiffre-t-il, au total, entre 12 et 15 milliards d’euros.
Nous avons donc perdu beaucoup de temps et la solution esquissée dans ce projet de loi de finances rectificative me paraît partielle et précipitée. En définitive, elle consiste à reporter, pour 6,65 milliards d’euros dans un premier temps – sur le dos du contribuable, disons-le –, mais vraisemblablement pour 9,5 milliards d’euros
De nombreuses collectivités territoriales restent donc dans l’incertitude, et il importe que le Gouvernement puisse la lever rapidement. Il lui appartient, en particulier, de clarifier le
modus operandi
Malgré tout, la discussion du texte en commission nous a permis d’obtenir, toujours de la part de M. Mariani, des précisions intéressantes que nous ignorions jusqu’à présent. Ainsi avons-nous appris que 347 collectivités sont concernées par les emprunts les plus toxiques, hors charte Gissler, et que les hôpitaux y sont exposés à hauteur de 1,5 milliard d’euros.
Sur les questions qui restent aujourd’hui devant nous, je sens bien monter, ici et là, ce que j’appelle une « approche morale » du problème des collectivités territoriales. Voici ce que nous avons entendu dans la bouche de plusieurs élus : ce sont les collectivités et les maires qui sont responsables ; en conséquence, il est normal qu’ils se débrouillent tout seuls, sans que l’on ait à s’en occuper spécialement.
Je tiens à contester fortement cette approche des choses, non pas parce que je suis concerné, puisque chacun sait que ce sont mes prédécesseurs à Saint-Étienne qui, malheureusement, se sont trouvés en première ligne, mais parce que je la trouve à la fois injuste et inefficace.
Elle est injuste dans la mesure où la quasi-totalité des maires ont agi en situation de confiance. Il y a eu des exceptions, bien sûr, mais, en général, ces élus ont fait confiance à des banquiers qu’ils rencontraient régulièrement, en particulier à Dexia. Ils ont péché par naïveté humaine, ce qui, de mon point de vue, n’est rien en comparaison des responsabilités prises par les organismes financiers et les banques.
En effet, ces derniers ne pouvaient pas ignorer le caractère spéculatif des produits qu’ils diffusaient dans l’économie, pas plus que les termes de la circulaire de 1992, qui interdisait, sur le principe, toute opération spéculative aux collectivités territoriales. Leur devoir de conseil était donc de refuser de proposer de tels produits.
C'est la raison pour laquelle on ne peut mettre sur un même plan les responsabilités des uns et des autres.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je terminerai en disant simplement que la stigmatisation des collectivités ne mène à rien, car elle est inefficace et ne permet pas de trouver des solutions. L’urgence, aujourd’hui, est d’éclaircir l’environnement économique de ces collectivités pour qu’elles puissent rapidement retrouver un rythme d’investissement normal. C’est la seule solution efficace et c’est aussi le préalable indispensable pour relancer la croissance économique dont nous avons tous besoin. Je proposerai donc, avec d’autres, un amendement visant à compléter le dispositif avant d’adopter, éventuellement, ce projet de loi de finances rectificative pour 2011.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, entre cures d’austérité à l’intention de nos concitoyens et signes de docilité à destination des marchés, les collectifs budgétaires se succèdent et sont même particulièrement nombreux cette année. Manifestement, ce qui guide aujourd’hui la politique du Gouvernement, c’est le souci de gagner la confiance d’investisseurs, chaque jour plus volages, quitte à trahir celle des Françaises et des Français.
M. Jean-Vincent Placé.
De ce point de vue, il n’est pas inutile de reprendre rapidement l’historique du naufrage qui nous réunit ce soir.
À l’origine, le financement des collectivités locales en France était tout simplement – et plutôt bien, d’ailleurs – assuré par une direction de la Caisse des dépôts et consignations. Puis, au cours des années quatre-vingt, cette direction a été progressivement privatisée. Au gré des fusions et des acquisitions, cela a donné Dexia, une banque emblématique d’un modèle économique fondé sur le profit aveugle.
Pendant des années, les dirigeants de Dexia se sont adonnés à une spéculation sans mesure, finançant leurs placements de long terme par des dettes à court terme, ce qui leur octroyait effectivement des taux de rentabilité vertigineux, s’élevant parfois jusqu’à 15 %, 18%, voire 20% ! Ainsi exposée à un risque maximal, Dexia a naturellement subi de plein fouet la crise des
Face au risque systémique, cela a été dit, ce sont alors 6 milliards d’euros de fonds publics, pour moitié français, qui ont été appelés au secours en 2008. Pendant ce temps, les deux dirigeants se retiraient, plus ou moins discrètement d’ailleurs, pour l’un, avec 600 000 euros par an de retraite chapeau, et, pour l’autre, probablement pris de remords, avec seulement 800 000 euros de parachute doré.
Depuis, on nous dit que la gestion est irréprochable et que si, contrairement aux rassurantes promesses de 2008, Dexia est encore acculée trois ans après, ce n’est dû qu’à une inexplicable crise des dettes souveraines ; comme si ce n’était pas une réplique de la précédente…
Devant un tel scénario, on ne peut, comme vous le faites, monsieur le ministre, se contenter d’invoquer la nécessité de prévenir le risque systémique. Nos concitoyens comprennent en effet très bien que, une fois de plus, alors qu’on leur demande sans cesse plus d’efforts, c’est encore de l’argent public qui éponge les gabegies du privé.
Il est plus qu’urgent de briser ce modèle mortifère. Pourtant, au lieu de passer enfin à l’offensive politique qu’attendent les Français, le Gouvernement préfère se contenter d’accompagner indolemment l’évolution de l’époque.
(M. Roger Karoutchi fait la moue.)
En matière de régulation, par exemple, ce n’est qu’à reculons que vous avez repris cette vieille revendication de bon sens que constitue la taxe sur les transactions financières.
De même, que n’avez-vous suivi l’Allemagne pour vous attaquer aux fameux CDS –
credit default swaps
Et que dire de votre mansuétude, voire de votre compréhension – je n’irai pas au-delà –,…
M. Roger Karoutchi.
… à l’égard des responsables ?
M. Jean-Vincent Placé.
M. Roger Karoutchi.
J’avais pourtant cru comprendre que la responsabilité était une des valeurs clefs de la société idéale de M. Sarkozy. Les rémunérations de ces dirigeants, déjà indécentes dans l’absolu, deviennent vraiment inconcevables au regard des dégâts qu’ont causés leur avidité et leur impéritie.
M. Jean-Vincent Placé.
(M. Roger Karoutchi sourit.)
Alors, même si Dexia était en 2008 une banque de droit belge,…
M. Roger Karoutchi.
… je pense tout de même que la France, en apportant la moitié des 6 milliards d’euros de recapitalisation, avait quelques marges de manœuvre pour demander l’abandon de toutes ces indemnités.
M. Jean-Vincent Placé.
Il faut bien le comprendre, la situation n’est pas anecdotique : ce n’est rien de moins que la confiance des Français et le contrat social qui sont en jeu ici.
(M. Roger Karoutchi est dubitatif.)
Quant à votre plan de sauvetage, il n’est pas sans poser un certain nombre de questions. Voilà la Caisse des dépôts et consignations appelée au secours d’une de ses anciennes directions qu’on a privatisée. Rappelez-vous qu’il s’en est fallu de peu pour qu’Édouard Balladur ne privatise aussi la Caisse elle-même : quelle ironie !
N’oublions pas que la mission première de la Caisse des dépôts et consignations est non pas de récupérer des actifs toxiques, mais plutôt de gérer l’épargne des Français et de financer des politiques d’intérêt général des collectivités territoriales, en particulier le logement social.
Dès lors, on peut se demander à juste titre pourquoi le portefeuille risqué qui lui échoit n’est garanti que dix ans. Que la Commission européenne ait des réserves sur les aides apportées à une banque multinationale comme Dexia, cela se conçoit, qu’elle se préoccupe des garanties apportées par l’État français à sa Caisse des dépôts et consignations semblerait beaucoup plus étonnant.
Par ailleurs, dans l’inventaire des raisons du naufrage, on ne peut faire l’impasse sur la défaillance des autorités de contrôle. Certes, l’autorité compétente d’avant-2008 était belge, mais cela n’empêche pas de se demander si l’Autorité de contrôle prudentiel française a aujourd’hui les moyens de remplir sa mission, alors que nombre de financiers avouent être eux-mêmes dépassés par les produits qu’ils ont créés.
Dans le même esprit, les éléments avancés par le Gouvernement pour anticiper les futures crises bancaires ne me semblent pas bien solides. Mme Lagarde, en traversant l’Atlantique pour passer de Bercy au FMI, a ainsi changé d’avis sur la recapitalisation des banques. Quant aux fameux tests de résistance censés pourvoir à toute éventualité, ils ont été brillamment réussis par Dexia, qui a en fait sombré par manque de liquidité et non par défaut de fonds propres.
Enfin, se pose inévitablement la question du rôle dévolu à la Banque postale. Le Gouvernement ayant choisi de la privatiser, sans surprise, celle-ci ne se cache pas d’avoir désormais des objectifs de rentabilité. Adossée à la Caisse des dépôts et consignations, qui gère le livret A des Français, c’est donc elle qui va désormais financer les collectivités locales.
Quand on sait qu’en 2008 le Gouvernement avait investi dans la recapitalisation de Dexia 440 millions d’euros issus du livret A, lesquels sont aujourd’hui valorisés à 30 millions d’euros, il y a évidemment de quoi être quelque peu échaudé.
Troquer la confiance des Français contre celle des marchés est une stratégie sans avenir. Il n’est pas plus utile de s’abriter derrière une règle d’or, surtout, d’ailleurs, quand elle n’est que de papier. Car, soit dit en passant, si d’aventure la garantie de 40 milliards d’euros – 2 points de PIB – devait être exercée rapidement, je serais curieux de voir ce qu’il en serait de ce fameux déficit qu’on essaie de contenir.
Aussi, monsieur le ministre, il est de votre responsabilité, pour la France, que la politique reprenne enfin le pouvoir dans ce pays
(M. Roger Karoutchi sourit.)
On n’attendait plus que vous !
M. Philippe Dallier.
… et qu’elle ose se donner les moyens d’installer l’intérêt général contre les intérêts privés que vous soutenez excessivement.
M. Jean-Vincent Placé.
(MM. André Gattolin et Joël Labbé ainsi que Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
MM. André Gattolin et Joël Labbé.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois encore, je vous remercie de votre compréhension pour mon arrivée tardive. Retenu à Francfort par un ordre du jour chargé, je n’ai pu assister au début de vos travaux. Je vous renouvelle donc mes excuses et celles du Gouvernement.
M. François Baroin,
ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Au demeurant, mon collègue Patrick Ollier m’a tenu informé des interventions des uns et des autres et le travail que nous avons effectué en amont avec les membres de la commission des finances nous a permis de bien anticiper les points sur lesquels vous sollicitiez l’éclairage du Gouvernement.
Je vais donc m’efforcer de vous répondre le plus précisément possible et de vous éclairer pleinement sur la situation de Dexia, qui est un cas particulier au regard du métier exercé et du modèle financier et économique mis en œuvre.
Parce que le Sénat est la chambre des collectivités locales, nous avons envers vous un devoir de vérité.
Madame la rapporteure générale, vous avez posé une question sur le règlement grand-ducal et l’arrêté royal. L’application de ces deux textes, de nature différente, est suspendue à l’adoption de la loi de finances rectificative.
Les Français tirent les premiers !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Les Français tirent les premiers, en effet, mais dans un accord partagé et pour aller dans la bonne direction.
M. François Baroin,
Je rappelle que, par ailleurs, un délai interviendra obligatoirement après cette adoption. Il est, en effet, lié à l’autorisation préalable de la Commission européenne. M. Placé lui-même a trouvé légitime que la Commission vérifie si l’État applique ou non les directives. Nous avons donc besoin de ce délai et nous avons bien sûr besoin d’un avis favorable de la Commission pour rendre opérationnel ce dispositif d’accord.
Je vous remercie d’ailleurs, au nom du Gouvernement, d’avoir accepté le calendrier d’urgence qui vous a été proposé. Cela permettra à Dexia de trouver des financements de marché. Ce point est avéré. En effet, si Dexia tombe, ce n’est pas sur un problème de solvabilité ou de fonds propres. Dexia avait, il est vrai, franchi les
stress tests
Core Tier One
stress tests
Ce qui fait tomber Dexia, ce n’est pas une question de solvabilité, c’est une question de liquidité. Ce modèle économique très particulier selon lequel on finançait les projets à long terme sur du court terme s’est développé de façon très spectaculaire à une période où l’accès à la liquidité était quasiment inaltérable. C’est évidemment ce même modèle qui, au terme d’une inversion du processus, a, au travers de la crise des
En effet, nous voulions une réponse globale. En effet, premier axe, nous voulions éviter une rupture de charges sur l’activité des prêts aux collectivités locales qui aurait suspendu la politique d’investissement d’intérêt général. Nous voulions maintenir l’activité de prêt, car elle soutient l’activité économique, garante de la préservation et de la création d’emplois. Nous souhaitions un accord global qui permette à l’État français, dans un schéma familier, sérieux et cohérent, de mettre en place un acteur public puissant – les uns et les autres, à gauche comme à droite, d’ailleurs, ici, comme à l’Assemblée nationale, le souhaitaient ; c’est un acte fort et puissant – pour la partie Caisse des dépôts comme pour la partie d’avenir du joint-venture entre la Caisse des dépôts et la Banque postale.
Le deuxième axe très structurant de cet accord entre les États belge, français et luxembourgeois, c’est la protection des dépôts des particuliers en Belgique, les 8 millions d’euros à travers la DBB ; c’était un point important.
Le troisième axe structurant de cet accord au niveau des trois États, c’est la cession de la BIL par l’État luxembourgeois avec un partenariat qui est adossé et qui va, lui aussi, dans la bonne direction.
Nous apportons donc bien une réponse globale, une réponse durable, une réponse stable, qui évite, au fond, le défaut. Et en ce sens, nous tirons les leçons de ce qui s’est passé avec Lehman Brothers. Je le rappelle, la banque Lehman Brothers a été montrée du doigt. L’administration américaine de l’époque a annoncé qu’on allait faire un exemple pour donner à réfléchir aux autres. Et que s’est-il passé ? L’interconnexion des systèmes étaient telle qu’elle a provoqué une capillarité, une contagion immédiate du dispositif qui a créé une crise internationale, laquelle a entraîné le monde entier dans une récession.
C’est donc bien le défaut et le choix de l’administration de faire un exemple qui a provoqué la crise. Si nous n’avions pas tiré les leçons et si nous avions écouté quelques sirènes, un choix de défaut aurait pu entraîner un risque systémique puissant.
C’est la raison pour laquelle les gouvernements se sont coordonnés très rapidement. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis en situation d’offrir une réponse stable sur un pôle public. Certes, d’aucuns objecteront, à juste titre, que c’est un retour en arrière. J’en conviens, mais c’est un retour en arrière sur des positions désormais stabilisées, sur une activité essentielle où, à l’évidence, les effets du ralentissement économique commencent, là aussi, à se lire dans la difficulté d’accès au crédit, y compris pour les collectivités locales.
C’est bien pourquoi la mise en place de ce nouvel acteur devrait permettre de satisfaire les besoins de poursuite des investissements des collectivités locales. Nous en sommes très conscients. Nous sommes très attentifs à ce risque de ralentissement d’accès au crédit pour les particuliers, pour les entreprises, comme pour les collectivités locales. Ce projet de loi de finances rectificative vise à stabiliser cette part de marché.
Madame Bricq, vous avez, me semble-t-il, beaucoup insisté sur les banques françaises. Je dois à la vérité de reconnaître que tel n’est pas l’objet du présent texte, mais je puis comprendre que son examen offre un point d’appui pour une réflexion plus large sur la situation des banques.
Nous maintenons, je le rappelle, le diagnostic et la conclusion sur la situation des établissements bancaires français. Nous avons toujours dit que dans cette instabilité, dans cette turbulence des marchés, dans cette interrogation, dans cette incertitude qui nourrit le ralentissement économique mondial, la question bancaire devait être réglée à l’échelon européen.
Nous y sommes et des propositions sont sur la table, notamment celles de la Commission reprenant l’EBA, l’agence bancaire européenne, qui a fixé des niveaux de fonds propres pour amortir les chocs, y compris souverains.
Nous considérons qu’il n’y aura probablement pas, en fonction du niveau qu’on atteindra, si c’est celui de la Commission – c’est-à-dire à 9 % – une nécessité très importante – peut-être même pas du tout de nécessité – d’utiliser le guichet public qui serait offert dans le cadre d’une coordination européenne par les établissements bancaires français.
Il n’y a pas de recapitalisation publique. Il y aura d’abord le devoir, pour les banques, de travailler sur leurs résultats avec, en effet, la volonté d’éviter des distributions de dividendes ou de bonus.
Je me suis déjà exprimé sur le sujet depuis une quinzaine de jours pour que l’augmentation du ratio de fonds propres se fasse au détriment de la distribution des dividendes et des bonus, et non pas au détriment de la poursuite de l’activité de prêts aux entreprises ou aux particuliers.
Si d’aventure certaines banques avaient des difficultés, elles pourraient trouver des financements auprès des marchés. Nous espérons que les différentes étapes internationales, européennes, puis, mondiales, à travers le G20, donneront des raisons aux investisseurs de continuer à croire dans la zone euro et dans l’activité mondiale, donc, de croire au retour à meilleure fortune.
Dans cet esprit, les établissements bancaires pourraient avoir accès aux marchés. Si d’aventure certains ont des difficultés – cela ne se produira pas en France, je vous le dis, mais peut-être dans d’autres pays, je pense aux établissements qui n’ont pas passé le
stress tests
Le texte qui vous est soumis porte bien sur Dexia, une banque belge garantie à 60,5 % par l’État belge. J’entends l’argument selon lequel c’était une banque belge dans laquelle l’État français était minoritaire, ce qui, à en croire certains, aurait autorisé le Gouvernement français à intervenir.
À cela, je rétorque que nous sommes dans un État de droit, lequel, par définition, respecte évidemment l’État de droit dans un autre pays ami. Nous jouons notre partition à la hauteur de ce que notre participation permet d’obtenir.
Vous m’avez interrogé sur l’avenir du groupe Dexia. Le groupe Dexia aura une activité qui ira décroissant avec la politique de cession d’actifs. C’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas de
En ce sens, nous tirons, là aussi, les leçons du Crédit Lyonnais. Je n’entre pas dans le débat que chacun ici a en mémoire, à gauche et à droite de cet hémicycle, comme à l’Assemblée nationale. Nous ne créons pas une structure qui vise à ne plus exister. Il y aura, en réalité, une banque résiduelle qui disposera d’actifs. Il serait injuste de faire, par amalgame ou confusion, l’absence de tri dans la réalité de ces actifs, d’inégale valeur, comme chacun le reconnaît. À l’intérieur de ces actifs, certains sont même de très bonne qualité. Je ne doute pas que dans un délai rapide, au moment opportun, quand nous serons revenus à meilleure fortune, il sera possible de faire des cessions avantageuses par rapport à la valorisation de ces actifs.
Et puis, il faudra prendre le temps nécessaire pour permettre la poursuite de l’activité de cette banque. C’est autour de cela que nous travaillons. Car nous nous tenons à distance de tout ce qui, de près ou de loin, se rapproche de ce que, vulgairement ou communément, on appelle une
Par ailleurs, Dexia Crédit Local n’aura pas d’activité en concurrence directe avec le joint-venture constitué de la Banque postale et de la Caisse des dépôts. C’est bien la moindre des choses ! Il est d’ailleurs prévu que ce joint-venture fasse appel à certains services de Dexia Crédit Local pour l’« origination » des prêts. Leurs activités seront donc liées et certainement pas concurrentielles.
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur les contraintes du droit communautaire. Je rappelle que, au-delà des éléments de doctrine de la Commission et de la jurisprudence dont nous disposons, la Commission est dotée de pouvoirs très étendus pour apprécier la conformité d’une aide d’État au traité, examen qui fait partie de cette analyse. La garantie qui est accordée le sera sous la double limite de l’autorisation parlementaire et de l’autorisation de la Commission.
Je précise que nous avons d’ores et déjà engagé des discussions avec la Commission. Elle est attentive. Son avis conditionnera naturellement l’activation effective de cette garantie.
Je précise également qu’elle n’a que très rarement – peut-être même jamais – octroyé une garantie au-delà de cinq ans. Cela veut dire qu’une échelle de dix ans relève déjà d’une autre nature. Le fait que le législateur français inscrive la perspective de dix ans donne déjà de la profondeur de champ à la structure pour continuer d’avancer et de poursuivre ses activités.
Nous insisterons beaucoup auprès de la Commission sur le caractère d’urgence, singulier dans la période que nous traversons et systémique au regard de la nature particulière de l’activité de Dexia. Il me semble que ce sont des arguments qui plaident en faveur de la défense de ce dossier auprès de la Commission et du commissaire Almunia avec lequel je me suis déjà entretenu à de nombreuses reprises.
J’en viens à l’amendement déposé par M. Bouvard à l’Assemblée nationale, puisque vous avez sollicité l’avis du Gouvernement sur ce point. Ce qui est en jeu, c’est de s’assurer qu’en 2021 la Caisse ne se retrouve pas à supporter des pertes issues d’un défaut éventuel de Dexia.
Bien évidemment, nous aurons l’occasion de revoir la question le moment venu, notamment pour apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui y sont associés.
L’engagement que le Gouvernement peut prendre aujourd’hui devant la représentation nationale est qu’en 2021, si nécessaire, il sera demandé au Parlement de se prononcer sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l’intégralité de ses engagements.
Ce que je souhaite, c’est que, dans dix ans, la lecture de nos débats permette à ceux qui seront alors au Gouvernement de retrouver l’esprit du législateur. Ils pourront s’appuyer sur cette base pour trouver dans le discours que je prononce, au nom du Gouvernement, ici, ce soir, au Sénat, après m’être exprimé lundi à l’Assemblée nationale, un acte de clause de rendez-vous quasi obligatoire afin de poursuivre et d’accompagner la Caisse dans l’effort produit. C’est ainsi qu’il faut le lire et c’est ainsi qu’il faudra le comprendre !
Monsieur le président Marini, je vous remercie d’avoir bien voulu centrer le débat sur le sujet qui nous occupe, à savoir le sauvetage de Dexia.
L’objectif du Gouvernement est bien, avec les États belge et luxembourgeois, d’éviter un Lehman Brothers à l’européenne.
Vous notez avec raison que nous avons là une nouvelle occasion de refonder nos outils de financement des collectivités locales. Ce point, je le partage pleinement et avec conviction !
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur la situation des salariés.
Dès l’annonce par les gouvernements belge, français et luxembourgeois, le 10 octobre dernier, les Premiers ministres français et belge se sont montrés très attentifs à la situation des salariés.
Le Gouvernement s’assure – et c’est bien le cas – que le
management
Madame Beaufils, vous avez critiqué les tests de résistance qui ont été menés en juillet 2010 et en juillet 2011. Dexia a passé ces tests, c’est vrai, mais j’en ai évoqué tout à l’heure l’origine. M. Placé lui-même a rejoint le constat d’évidence, convenant que l’immense difficulté de Dexia n’a pas été provoquée par un problème de solvabilité, c’est-à-dire de résistance à des chocs de fonds propres, et donc de garantie. Dexia a chuté sur un problème d’accès aux marchés, d’accès aux liquidités pour financer son activité.
Je rappelle au passage que le modèle économique de Dexia, même s’il avait énormément progressé depuis 2008, nécessitait environ 100 milliards d’euros d’accès aux liquidités à court terme pour financer la poursuite des engagements sur lesquels il avait des positions à long terme.
Je vous signale qu’en 2008 le besoin était de 260 milliards d’euros, cela équivaut aux deux tiers de la dette grecque. C’est considérable ! En période de pénurie de liquidités, un tel modèle économique ne peut que s’effondrer.
Madame Beaufils, vous avez regretté que Dexia n’ait désormais plus les moyens de financer ses clients, comme c’était le cas auparavant.
Vous avez regretté, en outre, que la structure de financement dédiée aux collectivités locales ne soit plus publique, comme à l’époque de la CAECL. Or l’État s’apprête justement à créer un acteur public, sous la forme d’une co-entreprise entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, qui puisse être un acteur de référence du financement des collectivités locales. Cette solution, proposée par le Gouvernement, est, je crois, globalement approuvée par les uns et les autres, même si cette approbation ne se traduit pas, dans cet hémicycle, par un vote positif sur l’ensemble du texte.
Cette solution de référence est de nature à rassurer l’ensemble des élus locaux. Cette simple annonce a d’ailleurs permis d’apaiser les tensions et de répondre aux interrogations de nombre d’entre eux.
Monsieur Arthuis, vous avez qualifié la solution que nous proposons pour Dexia de « liquidation d’une banque ». Il me semble que vous allez bien au-delà de ce qui est prévu par ce texte. Celui-ci vise en effet à permettre une cession ordonnée d’actifs, à des conditions avantageuses dès lors que l’on n’est pas pressé par le temps pour y procéder. À vous de choisir l’interprétation que vous souhaitez !
Il faut évidemment du temps pour mener à bien cette opération visant à permettre la poursuite de l’activité de Dexia.
Rien n’indique, par ailleurs, que cette garantie ne sera pas levée un jour, dès lors que les importants portefeuilles obligataires du groupe auront été cédés.
Vous m’avez demandé de confirmer qu’il n’y aurait pas de concurrence opposant Dexia-Crédit local de France et la nouvelle co-entreprise. Je vous le confirme, comme je l’avais déjà indiqué à Mme Bricq.
Je vous remercie, madame Des Esgaulx, d’avoir souligné la réactivité du Gouvernement, ou plutôt, devrais-je dire, des gouvernements, puisque les trois gouvernements ont eu, de façon synchrone, en respectant le même calendrier, la détermination commune d’apporter des réponses et de rassurer non seulement les marchés ou les investisseurs, mais également les élus locaux et les particuliers possédant des dépôts en Belgique.
Votre explication des causes de cette situation était limpide. Nous partageons votre point de vue. C’est précisément ce qui nous a conduits à proposer cette nouvelle organisation.
Je porte, comme vous, un jugement positif sur le management actuel de Dexia. Il serait injuste de mettre sur le même pied la direction d’avant 2008 et la direction d’après 2008.
C’est clair !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
L’actuelle direction a eu l’unique volonté, au cours de son mandat, de tourner la page d’un modèle économique et de procéder, dans des délais rapides, à la cession des actifs « les plus toxiques ». Elle y est parvenue.
M. François Baroin,
Juste avant l’été, ces dirigeants ont cédé les actifs les plus difficiles, à hauteur de 15 milliards de dollars, aux États-Unis, mais ils ont été rattrapés par le temps. On peut toujours dire que le manque de chance est une faute professionnelle ; malheureusement, cette situation s’impose à tous.
La direction actuelle de Dexia a vraiment abattu un travail considérable. Si cette crise estivale ne s’était pas produite, elle serait probablement parvenue à atteindre les objectifs que les gouvernements lui avaient fixés en 2008.
Monsieur Marc, soyons clairs : sur le fond, je partage votre avis sur les points que vous avez évoqués. Qui peut ne pas s’interroger sur le caractère choquant, ou non, des pratiques de la précédente direction de Dexia ? Il ne s’agit pas de jeter l’anathème ou de montrer du doigt le tandem Miller-Richard, mais force est de constater que leur responsabilité est engagée. C’est pourquoi les gouvernements français et belge ont pris la décision, en 2008, de congédier cette direction.
Permettez-moi de vous rappeler quelques dates.
Une retraite chapeau a été accordée en 2006 aux anciens dirigeants de Dexia. À cette époque, la Caisse des dépôts et consignations siégeait au conseil d’administration de Dexia, mais non l’État.
En 2008, Axel Miller et Pierre Richard ont renoncé au parachute doré qui leur était dû.
Ils se sont rattrapés !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Ils ont toutefois perçu, après analyse du risque contentieux, une indemnité de départ correspondant à un an de rémunération. En 2008, les représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, qui siégeaient au sein du conseil d’administration de cette entreprise, ont voté contre cette décision.
M. François Baroin,
Cette politique de rémunération fait clairement partie des graves erreurs de gestion antérieures à 2008.
Vous avez également regretté, cher François Marc, que la taxe sur les transactions financières ne soit pas encore en place.
On peut adresser des reproches à de nombreux pays, mais on ne saurait en faire sur ce sujet à la France et à ce gouvernement. Notre pays est en effet aux avant-postes de la mobilisation autour de la mise en place de cette taxe, dont nous sommes les promoteurs. Nous souhaitons que cette mobilisation soit la plus large possible, tant à l’échelle des vingt-sept États de l’Union européenne qu’à celle des dix-sept États de la zone euro. Nous sommes par ailleurs le moteur, avec l’Allemagne, du débat lancé à l’échelle européenne.
Dans le cadre de la présidence du G20, la France approfondit actuellement cette problématique de la taxe sur les transactions financières, notamment pour nourrir la réflexion autour des financements innovants.
Nous devons en effet trouver des outils de financement originaux dans la perspective des enjeux du développement durable, du changement climatique et du financement des infrastructures. Cette taxe figure sur la liste de ces solutions.
La France n’est malheureusement pas seule à prendre des décisions. Les États-Unis ont affirmé des positions que je qualifierai pudiquement de « réservées ». Au niveau européen, les Britanniques ont manifesté encore plus clairement leur opposition à cette taxe. Le monde anglo-saxon a donc, globalement, exprimé des réserves.
Le fait même que nous puissions débattre de ce sujet au sein de ces instances internationales constitue une avancée diplomatique. Pouvoir la mettre en œuvre le plus largement possible, ce sera déjà un aboutissement. Il faudra ensuite la faire partager par tous et changer le logiciel anglo-saxon sur cette question. Nous devons donc continuer à débattre. La France est en tout cas aux avant-postes de ce combat, et ce depuis de très nombreuses années.
C’est aussi la France, je le rappelle, sous un autre gouvernement et une autre présidence, qui avait mis en œuvre la taxe sur les billets d’avions destinée à financer, notamment, la politique d’accès aux médicaments des pays en voie de développement.
Nous l’avions votée !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Absolument, madame la rapporteure générale, et nous nous en étions félicités. Je profite de l’occasion qui m’est offerte ici pour vous en remercier.
M. François Baroin,
Vous m’avez interrogé, monsieur Vincent, sur les 10 milliards d’euros de prêts structurés qui font actuellement l’objet de la discussion entre Dexia et la Caisse des dépôts et consignations. Il s’agit d’un point important.
Ces 10 milliards d’euros sont exclusivement composés de risques sur des signatures françaises.
Ils sont composés, pour moitié, d’actifs hors charte Gissler – charte qui porte le nom de cet inspecteur général des finances ayant établi la classification spécifique des différents niveaux de toxicité des prêts proposés aux collectivités locales – et, pour moitié, d’actifs cotés E3, E4, E5.
Ces prêts se répartissent de la façon suivante : 8 milliards d’euros pour les collectivités locales, 1,5 milliard d’euros pour les établissements de santé, et environ 500 millions d’euros pour les bailleurs sociaux.
C’est la nouvelle équipe dirigeante de Dexia, je le rappelle, qui a arrêté ces pratiques en 2008.
Monsieur Patient, vous avez évoqué la situation de l’outre-mer, auquel, vous le savez, je suis très attaché. J’ai en effet eu l’honneur d’occuper les fonctions de ministre de l’outre-mer pendant deux ans, et nous avions alors beaucoup travaillé ensemble.
La situation de l’outre-mer est spécifique car, à côté des acteurs bancaires qui interviennent également en métropole, comme Dexia, le Crédit agricole ou la BPCE, intervient également l’Agence française de développement, l’AFD, qui prête aux collectivités locales en direct, et dont la part de marché, environ 20 % à 30 % de la production nouvelle, est substantielle.
Les collectivités d’outre-mer seront éligibles, comme celles de métropole, à l’enveloppe de 3 milliards de prêts sur les fonds d’épargne, dont la création a été annoncée, la semaine dernière, par le Premier ministre. Nous porterons naturellement un regard attentif sur les demandes formulées par les collectivités ultramarines.
Monsieur Placé, je ne reprendrai pas tous les sujets que vous avez évoqués, car j’y ai déjà répondu, pour partie, en m’adressant à d’autres orateurs.
Je partage peu de vos points de vue. Ainsi, je trouve injuste votre appréciation de la défense par la France de positions qui, je le rappelle, sont communes à d’autres pays. La lutte contre le
shadow banking
Nous nous efforçons de mettre en œuvre le plus rapidement possible les décisions en matière de régulation. Cependant, vous le savez, le processus de décision est très long. J’ajoute, au passage, que nous avons obtenu, hier, la validation au niveau européen de l’interdiction des
credit default swaps
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Effectivement. Mais, là encore, la France était aux avant-postes de cette initiative et de ces négociations.
M. François Baroin,
Je salue cette avancée considérable, qui en appellera d’autres et permettra de démonter, peu à peu, les facteurs de déclenchement de la grande crise de 2008.
De même, nous devrons poser la question de la spéculation sur les États souverains actuellement sous programme. Est-il admissible de continuer à spéculer et à prendre des positions sur ces États ? À titre personnel, je soutiens totalement la démarche du commissaire Barnier dans cette direction. La même volonté nous anime pour rendre les pays et les structures financières moins dépendants des agences de notation.
Vous pouvez ! Les Allemands l’ont bien fait...
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il s’agit de trouver le bon mode de gestion, tout en rendant nos États, qui évoluent dans un système pro-cyclique, moins dépendants de l’évolution des annonces qui s’égrènent ici ou là.
M. François Baroin,
Je pourrais développer mon propos encore longuement, mais nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets au cours des prochaines semaines ; je ne reviendrai pas, en revanche, sur celui de Dexia.
Monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois vous avoir apporté, au nom du Gouvernement, les précisions que vous souhaitiez. Je demeure à votre disposition pour vous donner, notamment lors de la discussion des articles, toutes les informations nécessaires.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP. – MM. André Gattolin et Jean-Jacques Filleul applaudissent également.)
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
M. le président.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
I. – Pour 2011, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :
Ressources
Budget général
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes
À déduire : Remboursements et dégrèvements
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes
Recettes non fiscales
Recettes totales nettes / dépenses nettes
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne
Montants nets pour le budget général
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours
Budgets annexes
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours
Comptes spéciaux
Comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Comptes de commerce (solde)
Comptes d’opérations monétaires (solde)
Solde pour les comptes spéciaux
Solde général
II. – Pour 2011 :
1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :
Besoin de financement
Amortissement de la dette à long terme
Amortissement de la dette à moyen terme
Amortissement de dettes reprises par l’État
Déficit budgétaire
Ressources de financement
Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique
Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique
Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés
Variation des dépôts des correspondants
Variation du compte de Trésor
Autres ressources de trésorerie
2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.
III. – Pour 2011, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.
Numéro de ligne
Intitulé de la recette
Révision des évaluations pour 2011
1. Recettes fiscales
11. Impôt sur le revenu
Impôt sur le revenu
12. Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles
Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles
14. Autres impôts directs et taxes assimilées
Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes
Prélèvement exceptionnel de 25 % sur les distributions de bénéfices
Impôt de solidarité sur la fortune
Prélèvements sur les entreprises d’assurance
Cotisation minimale de taxe professionnelle
Taxe de participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue
Taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité
Cotisation nationale de péréquation de taxe professionnelle – Cotisation nationale de péréquation sur la cotisation locale d’activité à partir de 2010
Cotisation foncière des entreprises (affectation temporaire à l’État en 2010)
Recettes diverses
15. Taxe intérieure sur les produits pétroliers
Taxe intérieure sur les produits pétroliers
16. Taxe sur la valeur ajoutée
Taxe sur la valeur ajoutée
17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes
Mutations à titre onéreux de créances, rentes, prix d’offices
Mutations à titre onéreux de fonds de commerce
Mutations à titre onéreux de meubles corporels
Mutations à titre onéreux d’immeubles et droits immobiliers
Mutations à titre gratuit entre vifs (donations)
Mutations à titre gratuit par décès
Autres conventions et actes civils
Taxe de publicité foncière
Taxe spéciale sur les conventions d’assurance
Recettes diverses et pénalités
Timbre unique
Autres taxes intérieures
Amendes et confiscations
Taxe générale sur les activités polluantes
Droit de licence sur la rémunération des débitants de tabacs
Taxe spéciale sur certains véhicules routiers
Taxe sur les achats de viande
Taxe spéciale sur la publicité télévisée
Redevances sanitaires d’abattage et de découpage
Taxe de l’aviation civile
Taxe sur les installations nucléaires de base
Taxes sur les stations et liaisons radioélectriques privées
Produits des jeux exploités par la Française des jeux (hors paris sportifs)
Prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos
Prélèvement sur le produit brut des paris hippiques
Prélèvement sur les paris sportifs
Prélèvement sur les jeux de cercle en ligne
Redevance sur les paris hippiques en ligne
Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (affectation temporaire à l’État en 2010)
Autres taxes
2. Recettes non fiscales
21. Dividendes et recettes assimilées
Produits des participations de l’État dans des entreprises financières
Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l’impôt sur les sociétés
Produits des participations de l’État dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers
22. Produits du domaine de l’État
Revenus du domaine public non militaire
Autres revenus du domaine public
Revenus du domaine privé
Redevances d’usage des fréquences radioélectriques
Produit de la cession d’éléments du patrimoine immobilier de l’État
Autres revenus du Domaine
23. Produits de la vente de biens et services
Remboursement par l’Union européenne des frais d’assiette et de perception des impôts et taxes perçus au profit de son budget
Autres frais d’assiette et de recouvrement
Rémunération des prestations assurées par les services du Trésor public au titre de la collecte de l’épargne
Produits de la vente de divers biens
Produits de la vente de divers services
Autres recettes diverses
24. Remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières
Intérêts des prêts à des banques et à des États étrangers
Intérêts des prêts du fonds de développement économique et social
Intérêts des autres prêts et avances
Avances remboursables sous conditions consenties à l’aviation civile
Autres avances remboursables sous conditions
Reversement au titre des créances garanties par l’État
25. Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites
Produits des amendes de la police de la circulation et du stationnement routiers
Produits des amendes prononcées par les autorités de la concurrence
Produits des amendes prononcées par les autres autorités administratives indépendantes
Recouvrements poursuivis à l’initiative de l’agence judiciaire du Trésor
Produit des autres amendes et condamnations pécuniaires
Frais de poursuite
Frais de justice et d’instance
Intérêts moratoires
26. Divers
Reversements de Natixis
Reversements de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur
Produits des chancelleries diplomatiques et consulaires
Redevances et divers produits pour frais de contrôle et de gestion
Prélèvement effectué sur les salaires des conservateurs des hypothèques
Prélèvements effectués dans le cadre de la directive épargne
Commissions et frais de trésorerie perçus par l’État dans le cadre de son activité régalienne
Recouvrement des indemnisations versées par l’État au titre des expulsions locatives
Remboursement des frais de scolarité et accessoires
Divers versements de l’Union européenne
Intérêts divers (hors immobilisations financières)
Remboursement de certaines exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties (art. 109 de la loi de finances pour 1992)
Produits divers
3. Prélèvements sur les recettes de l’État
31. Prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales
Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs
Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements
Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle
Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale
Compensation d’exonération au titre de la réduction de la fraction des recettes prises en compte dans les bases de taxe professionnelle des titulaires de bénéfices non commerciaux
Compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle
Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle
Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale
Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle
32. Prélèvements sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne
Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne
Numéro de ligne
Intitulé de la recette
Révision des évaluations pour 2011
1. Recettes fiscales
Impôt sur le revenu
Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles
Autres impôts directs et taxes assimilées
Taxe intérieure sur les produits pétroliers
Taxe sur la valeur ajoutée
Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes
2. Recettes non fiscales
Dividendes et recettes assimilées
Produits du domaine de l’État
Produits de la vente de biens et services
Remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières
Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites
3. Prélèvements sur les recettes de l’État
Prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales
Prélèvements sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne
Total des recettes, nettes des prélèvements
Numéro de ligne
Désignation des recettes
Révision des évaluations pour 2011
Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
-42 000 000
Remboursements des avances correspondant au produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules instituée par l’article 1011
-42 000 000
Avances aux collectivités territoriales
-743 000 000
Section : Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes
-743 000 000
-743 000 000
Prêts à des États étrangers
50 000 000
Section : Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
50 000 000
Remboursement de prêts du Trésor
50 000 000
-735 000 000
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
M. le président.
Nous débattons d’un projet de loi de finances rectificative qui ne prévoit aucune disposition nouvelle concernant les recettes budgétaires, ce qui est très rare.
Mme Marie-France Beaufils.
Surtout, aucune solution n’est apportée au problème du financement de l’action des collectivités territoriales. Nous constatons, à la lecture de ce texte, que l’effort d’équipement de ces collectivités est fortement fragilisé. Nous observons même un ajustement à la baisse du FCTVA, le fonds de compensation de la TVA, qui atteste de leurs difficultés croissantes à mener certaines opérations. Les informations qui remontent du terrain sur les difficultés du recours à l’emprunt, dans un contexte difficile lié au problème de liquidités des banques, ne peuvent que renforcer notre inquiétude.
Une nouvelle structure de financement doit être créée, sous forme, nous dit-on, d’une société anonyme dont le capital serait réparti entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, sans modification d’aucune sorte du mode de financement des collectivités. Il semble donc que le recours aux marchés financiers restera d’actualité, à l’instar sans doute de l’expertise de Dexia une fois les outils d’ingénierie financière utilisés.
Ce soir, ont été évoquées des formes de pôle public. Or, au cours des nombreuses auditions menées au sein de la commission des finances du Sénat, nous n’avons acquis aucune certitude concernant le caractère public du contenu et de la conception de ce nouvel outil.
Nous avions déposé un amendement tendant à créer, un peu sur le modèle de la CAECL – créée en 1966 par simple décret interministériel ! –, un établissement public de financement des collectivités locales. Cette solution, est préférable à toute autre, selon nous, ne serait-ce que pour la raison suivante : elle permet d’assurer un contrôle public de l’ensemble des opérations. Cela éviterait également que l’on nous oppose l’application de l’article 40 de la Constitution, c’est-à-dire l’obligation de création, pour toute nouvelle dépense, d’une recette équivalente.
À cet égard, il serait peut-être temps que nous réfléchissions à mettre à contribution les établissements bancaires et les compagnies d’assurance, qui s’alimentent des dettes souveraines des États, au travers d’une taxation des transactions financières autant que des profits qu’ils tirent de leurs activités pour compte propre.
(M. Joël Labbé applaudit.)
Je mets aux voix l’ensemble de l'article 1
M. le président.
(L'article 1
et l’état A sont adoptés.)
Personne ne demande la parole ?...
M. le président.
Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Je rappelle que, en application de l’article 47
(La première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011 est adoptée.)
Il est ouvert à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, pour 2011, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 2 869 637 000 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
Mission / Programme
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes
Crédits de paiement supplémentaires ouverts
Autorisations d’engagement annulées
Crédits de paiement annulés
Provisions
596 157 000
596 157 000
Dépenses accidentelles et imprévisibles
596 157 000
596 157 000
Remboursements et dégrèvements
2 273 480 000
2 273 480 000
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)
1 711 480 000
1 711 480 000
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)
562 000 000
562 000 000
2 869 637 000
2 869 637 000
L'amendement n° 1, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
Mission Provisions
Modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
(majorer l'ouverture de)
(minorer l'ouverture de)
(majorer l'ouverture de)
(minorer l'ouverture de)
Provision relative aux rémunérations publiques
Dépenses accidentelles et imprévisibles
596 157 000
596 157 000
596 157 000
596 157 000
-596 157 000
-596 157 000
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Monsieur le ministre, le texte que nous examinons ce soir ne serait pas une loi de finances rectificative si ne s’y glissait pas une disposition habile mais maligne. Cependant la vigilance de la commission des finances s’est exercée. À cet égard, je vous rappelle, bien que vous le sachiez forcément, que le paragraphe 1° de l’article 7 de la LOLF dispose que la mission Provisions regroupe notamment les crédits d’une « dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ». L’inscription de crédits sollicitée par le Gouvernement n’est pas conforme à cette vocation : elle pourvoirait non pas à des dépenses accidentelles ou imprévisibles, mais à la couverture des besoins de fin de gestion non encore recensés et quantifiés.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Le dépôt du présent amendement traduit notre volonté de faire en sorte que le Gouvernement ne se serve pas de cette disposition comme d’une réserve de crédits à répartir en vue des impasses budgétaires, qui sont assez classiques en fin d’exercice.
Cette opération, convenez-en, prive donc de sa portée l’autorisation parlementaire et s’apparente à un blanc-seing lorsque les crédits demandés ne sont pas justifiés au premier euro, et on nous le rappelle souvent.
Vous l’avez compris, il s’agit d’un amendement de suppression.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Madame la rapporteure générale, je l’ai bien compris, vous proposez de supprimer l’ouverture de crédits d’un montant de 596 millions d'euros proposée par le Gouvernement sur la mission Provisions.
M. François Baroin,
Je voudrais lever toute ambiguïté sur l’intention du Gouvernement sur ce point. Alors que j’exerçais les fonctions de ministre du budget, nous nous sommes engagés, vous le savez, – et ce point a fait l’objet de longs débats au cours desquels vous étiez intervenue – à respecter en 2011 l’objectif d’une stabilisation des dépenses de l’État par rapport à 2010, ce que l’on appelle le « zéro valeur ».
Les dernières prévisions des prélèvements sur recettes dégagent une marge d’un montant de 596 millions d'euros au sein de ces dépenses, marge qui pourra être employée ultérieurement. Or, compte tenu des délais très contraints de préparation du présent texte, il n’a pas été possible d’identifier précisément, en détail, l’ensemble des besoins. Mais nous tiendrons à votre disposition cette information dès que possible. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’un blanc-seing.
Dans un souci de sincérité, nous souhaitons inscrire de façon conservatoire la somme en cause.
Je voudrais maintenant vous rassurer sur la méthode. Nous n’avons pas du tout l’intention de répartir ces crédits en usant de la procédure des décrets pour dépenses accidentelles. Ce n’est donc pas un chèque en blanc, je vous l’assure en cet instant. L’utilisation de ces crédits sera soumise au Parlement lors du dépôt du collectif budgétaire de fin d’année, qui présentera de manière globale les perspectives d’exécution des dépenses de l’État et confirmera naturellement le respect du « zéro valeur ». Le Gouvernement demandera de nouveau l’autorisation parlementaire pour utiliser ces crédits dans le respect, je le répète, de la norme « zéro valeur ».
Par conséquent, supprimer l’ouverture conservatoire de crédits reviendrait à améliorer artificiellement et temporairement le solde budgétaire avant de devoir éventuellement le dégrader lors de l’examen du prochain collectif.
À la lumière de ces explications, qui démontrent la sincérité de la démarche gouvernementale en la matière, je vous demande, madame la rapporteure générale, de bien vouloir retirer cet amendement.
Madame la rapporteure générale, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. le président.
Monsieur le ministre, votre réponse, certes claire, va dans mon sens. En effet, vous procéderez à une telle ouverture de crédits lors de l’examen du collectif de fin d’année, car il y en aura forcément un. D’ailleurs, sera-t-il vraiment le dernier ? Alors, pourquoi le faire maintenant ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Bien évidemment, je maintiens l’amendement n° 1.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Le débat est intéressant sur la méthode. Si le Sénat suit la commission, temporairement, le solde budgétaire sera amélioré de 600 millions d'euros, ce qui sera optiquement une bonne chose.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
M. le ministre nous dit que certaines dépenses doivent être prévues. La procédure utilisée est-elle la bonne ? En effet, ces dépenses sont-elles vraiment accidentelles et imprévisibles ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il faut respecter les prévisions de la LOLF !
M. Alain Richard.
Par ailleurs, comme le dit, me semble-t-il à juste titre, Mme Bricq, si l’on est en mesure d’identifier ces dépenses lors du dépôt du projet de loi de finances rectificative de fin d’année, pourquoi avoir besoin d’inscrire l’ouverture de ces 600 millions d'euros maintenant ? C’est le caractère urgent de cette inscription que j’ai un peu de peine à comprendre.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Nous nous adressons au ministre de l’économie, qui n’a pas directement compétence sur le budget. Les choses seraient tellement plus simples s’il y avait un seul ministre !
(Sourires.)
Monsieur le ministre, qu’y a-t-il d’urgent nécessitant l’inscription de ces 600 millions d'euros ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de l'article 2 et de l’état B annexé.
M. le président.
(L'article 2 et l’état B sont adoptés.)
Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre des comptes spéciaux, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 85 000 000 €, conformément à la répartition par programme donnée à l’état C annexé à la présente loi.
Mission / Programme
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes
Crédits de paiement supplémentaires ouverts
Autorisations d’engagement annulées
Crédits de paiement annulés
Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
35 000 000
35 000 000
Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres
35 000 000
35 000 000
Prêts à des États étrangers
50 000 000
50 000 000
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
50 000 000
50 000 000
85 000 000
85 000 000
L'amendement n° 2, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
Mission Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
Modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
(majorer l'ouverture de)
(minorer l'ouverture de)
(majorer l'ouverture de)
(minorer l'ouverture de)
Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres
35 000 000
35 000 000
Avances au titre du paiement de la majoration de l'aide à l'acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d'un véhicule de plus de quinze ans
35 000 000
35 000 000
-35 000 000
-35 000 000
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Le présent amendement a pour objet de supprimer les ouvertures de crédits en faveur du compte d’avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres, qui constitue le support du dispositif de bonus-malus automobile.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je vous rappelle, en cette période de renouvellement, que ce dispositif, instauré sur l’initiative de M. Borloo, avait été présenté comme s’autofinançant.
Le déséquilibre du compte pour 2011 devrait avoisiner les 230 millions d'euros et confirme le profil structurellement déficitaire d’un dispositif initialement présenté comme neutre pour les finances publiques. Depuis 2008, les déficits cumulés par le compte d’avances atteignent 1,5 milliard d'euros.
Cet été, le Premier ministre a annoncé un recalibrage du dispositif au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2012. À ce jour, au moment où l'Assemblée nationale examine le projet de loi de finances pour 2012, les contours de ce recalibrage ne sont toutefois pas connus. Il est donc proposé de supprimer, à titre conservatoire, les ouvertures de crédits, afin d’obtenir du Gouvernement des engagements précis.
Monsieur le ministre, si vous êtes en mesure ce soir de prendre de tels engagements, eu égard à l’annonce formulée par M. le Premier ministre, la commission des finances pourrait retirer le présent amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Madame la rapporteure générale, je vais essayer de vous apporter des précisions.
M. François Baroin,
Le barème du malus sera revu à la hausse par la voie d’un amendement au projet de loi de finances pour 2012 qui sera déposé très prochainement. Dans ce cadre, le montant des trois malus les plus importants sera relevé.
Le malus de 2 600 euros passera à 3 600 euros, celui de 1 600 euros s’établira à 2 300 euros et celui de 1 100 euros sera porté à 1 500 euros.
Le seuil d’application du malus annuel diminuera de 240 grammes de CO
Le barème du bonus sera, quant à lui, revu à la baisse par voie réglementaire. Les bonus de 600 euros et de 400 euros seront respectivement portés à 400 euros et 100 euros. Je tiens à souligner que ces bonus concentrent l’essentiel des paiements.
Ces mesures, qui s’ajoutent à celles qui ont déjà été prises l’an dernier, permettront de majorer les recettes de 34 millions d'euros et de diminuer les dépenses de 78 millions d'euros, assurant ainsi le retour à l’équilibre du compte en 2012.
Cette discussion nous ramène au débat qui a eu lieu l’an dernier, puisque, je m’en souviens, lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques, nous avions annoncé le calendrier selon lequel ce dispositif serait dégressif.
Madame la rapporteure générale, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous venez de faire une annonce au Sénat et de dire qu’un amendement sera présenté prochainement. Or le projet de loi de finances pour 2012 est en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Si j’ai bien compris, une initiative gouvernementale sera prise à cette occasion. Je ne pousserai pas l’avantage plus loin et je n’irai pas jusqu’à vous demander quand vous allez déposer cet amendement. Quoi qu’il en soit, le plus tôt sera le mieux. Je le répète, nous l’avions dit à l’époque, rien ne garantissait que la mesure soit neutre. Cette crainte a été vérifiée d’année en année.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’État a besoin de finances plus saines. Cette plaisanterie doit cesser à un moment ou à un autre, d’autant que la vocation écologique de la mesure en cause qui pourrait être discutée me semble avoir fait long feu. Il n’est pas certain, de surcroît, que cette disposition puisse aider le secteur automobile français.
Cela étant, je retire l’amendement n° 2.
L’amendement n° 2 est retiré.
M. le président.
Je mets aux voix l’ensemble de l'article 3 et de l’état C annexé.
(L'article 3 et l’état C sont adoptés.)
I. – Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder à titre onéreux la garantie de l’État :
Cette garantie est accordée pour un encours d’un montant maximal de 32,85 milliards d’euros. Elle s’exercera sous réserve de l’appel conjoint en garantie du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg et dans la limite de 36,5 % des montants éligibles.
En cas de cession à un tiers par Dexia SA du contrôle, direct ou indirect, de Dexia Crédit Local SA, les financements, obligations ou titres de créances mentionnés au
II. – Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder à titre onéreux la garantie de l’État à Dexia SA et à Dexia Crédit Local SA sur les engagements pris par ces sociétés avec son accord au titre d’actifs inscrits au bilan de la société Dexia Municipal Agency à la date de réalisation de la cession par Dexia Crédit Local SA de plus de la majorité du capital de cette société.
Cette garantie est accordée pour un encours d’actifs d’un montant maximal de 10 milliards d’euros. Elle s’exerce, après application d’une franchise de 500 millions d’euros, dans la limite de 70 % des montants dus au titre des engagements mentionnés ci-dessus et d’un montant total de 6,65 milliards d’euros.
III. – Les conditions dans lesquelles chacune des garanties mentionnées aux I et II peut être appelée sont définies dans une ou plusieurs conventions conclues par le ministre chargé de l’économie avec les sociétés concernées ainsi que, s’agissant du I, avec les représentants du Royaume de Belgique et du Grand‑Duché de Luxembourg.
IV. – Avant le 1
La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité prendre la parole sur cet article à la suite de la question d’actualité relative aux emprunts toxiques de Dexia que j’avais posée le 26 mai dernier.
Mme Nathalie Goulet.
M. le ministre m’a répondu que le Gouvernement avait nommé un médiateur des emprunts structurés, que ce médiateur avait déjà beaucoup travaillé et continuait d'ailleurs de le faire, que les engagements des banques seraient encore renforcés, ainsi que la médiation, et que j’en verrais bientôt les effets. Or nous y sommes !
Dans le département dont je suis l’élue, qui est de taille modeste, de très nombreuses collectivités sont frappées par des emprunts toxiques. J’ai ici un exemplaire d’un contrat conclu avec Dexia, aux termes duquel le montage du prêt repose sur l’évolution du taux de change euro-franc suisse mais « ne fait courir aucun risque de change à la collectivité »…
Monsieur le ministre, je souhaite que Dexia communique le détail des opérations et des contrats conclus, en ce qui concerne les emprunts toxiques, bien sûr, mais aussi les produits structurés. Il faut qu’un inventaire complet soit réalisé et communiqué au Parlement afin que nos concitoyens ne paient pas deux fois, une première fois en tant que contribuables de l’État et une seconde fois en tant que contribuables des collectivités territoriales.
En effet, le risque peut se déclarer plus tard, car de nombreux contrats sont encore en période de taux fixes. Mme la rapporteure générale a évoqué tout à l'heure dans son intervention l’année 2034. Je ne sais pas si nous y serons, mais le risque demeure.
Monsieur le ministre, je souhaite donc qu’un état des lieux soit réalisé et que soit éventuellement constitué un fonds de garantie permettant à la banque résiduelle de renégocier globalement ces contrats. Il s'agirait d’une sorte de contrepartie offerte à la Caisse des dépôts et consignations, puisque celle-ci sera désormais l’interlocuteur des collectivités territoriales.
La création de cette structure et le soutien apporté à Dexia seraient l’occasion de gérer l’ensemble des emprunts toxiques et des produits structurés, afin qu’ils cessent de peser comme autant d’épées de Damoclès sur l’avenir de collectivités à présent complètement paralysées : elles ne peuvent plus rien faire et se résignent à attendre le jour où il leur faudra payer des taux d’intérêt à l’évidence prohibitifs.
Tel est l’objet des deux amendements que je soutiendrai dans quelques instants.
L'amendement n° 6, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie prévu au quatrième alinéa est soumis aux mêmes conditions.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Au travers de cet amendement, notre groupe entend manifester de nouveau sa position de prudence sur ce texte.
Mme Marie-France Beaufils.
La garantie de l’État, cet engagement hors bilan qui commence à prendre une ampleur singulière – il conviendra d'ailleurs, un jour, de se demander quel est le volume actuel des garanties susceptibles d’être appelées –, se trouve sollicitée dans un premier temps pour faciliter le redressement de Dexia SA, et cela pour un montant atteignant 36,5 % des 90 milliards d’euros prévus.
Afin que chacun ait une petite idée de ce que représente une telle garantie, rappelons, pour ne donner qu’un seul exemple, qu’elle constitue, à peu de chose près, l’équivalent du fameux « grand emprunt » dont on nous a fait discuter l’an dernier et dont les fonds n’ont commencé à être mobilisés que cette année.
Le sinistre est donc d’une certaine importance, et il convient de circonscrire l’incendie, tout en gardant à l’esprit que Dexia avait parfaitement passé les tests que j’ai évoqués tout à l'heure et même, nous disait-on, mieux que les autres établissements bancaires ! J’ai bien entendu votre réponse à ce sujet, monsieur le ministre. Cet épisode montre à l’évidence que les outils ne sont pas bons : il faut en trouver d’autres, pour être plus efficaces.
Nous allons donc intervenir conjointement avec l’État belge et avec les autorités du Luxembourg, ce qui est assez singulier quand on connaît le rôle du Grand-Duché dans le désordre ambiant des marchés financiers...
Nous pouvons craindre que le montant prévisible ne soit insuffisamment provisionné. Aussi, nous proposons que la caution solidaire apportée par les trois États ne puisse être majorée qu’à concurrence d’un effort équivalent.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Madame Beaufils, je comprends parfaitement votre intention, qui est de protéger les intérêts de l’État français, et c’est tout à fait légitime.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Toutefois, au travers de cet amendement, vous demandez au Parlement d’adresser une injonction à l’État. Or nous sommes ici dans le cadre d’une négociation internationale, qui engage non seulement la France, mais aussi la Belgique et le Luxembourg.
Par ailleurs, votre comparaison avec les investissements d’avenir n’est pas vraiment fondée, me semble-t-il, parce que le présent projet de loi prévoit la création d’une garantie, alors que le grand emprunt s’accompagnait de décaissements, dont nous éprouvons des difficultés à connaître le montant réel, du reste – nous en avons discuté ce matin avec René Ricol, que nous auditionnions, et je vous renvoie à ces échanges.
Chacun ici a bien compris votre intention, qui est, encore une fois, légitime, mais je préférerais que vous retiriez cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Pour compléter les propos de Mme la rapporteure générale, si elle me le permet, je rappellerai que Dexia est une société de droit belge et que la garantie sera assurée à 60,5 % par l’État belge, à 36,5 % par la France et à 3 % par le Luxembourg. Je le répète, il faut replacer notre débat dans ce cadre juridique.
M. François Baroin,
Madame Beaufils, je comprends que vous exprimiez vos positions, qui sont bien connues et qui correspondent à vos convictions, mais nous ne pouvons négliger ces questions de droit.
La position française représente 36,5 % de la garantie, ce qui du reste est important. Nous assumons nos responsabilités en ce qui concerne la déclinaison française des problèmes de l’établissement, avec la question des prêts aux collectivités locales, mais nous respectons aussi le droit belge et le dispositif juridique appliqué à la société de gestion Dexia.
Madame Beaufils, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. le président.
Comme il s'agit en effet d’une négociation qui n’implique pas seulement notre pays et son gouvernement, j’accepte la suggestion de Mme la rapporteure générale. Toutefois, le problème de fond que j’ai soulevé demeure, et il est considérable.
Mme Marie-France Beaufils.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 6 est retiré.
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie fait l’objet d’une consultation des associations représentatives d’élus locaux.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Le traitement réservé au portefeuille des prêts structurés aux collectivités locales n’est pas tout à fait le même que celui qui est accordé aux autres éléments d’actifs de Dexia SA.
Mme Marie-France Beaufils.
La mise en jeu de la garantie de l’État s’accompagnera de l’exercice d’une franchise, dans un premier temps, puis d’une implication des prêteurs de dernier ressort. En effet, une partie de la garantie sera, en quelque sorte, prise en charge par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, partenaires obligés de la reprise de ce portefeuille de prêts.
Une telle initiative présente la caractéristique de ne pas inciter véritablement à accorder la moindre faveur aux collectivités territoriales, étant entendu que toute dépréciation d’actifs née, par exemple, d’un abandon de créances, serait partagée, en quelque sorte, entre l’État et l’ensemble formé par la CDC, la Banque postale et Dexia.
On est en train de mettre en place une sorte de « pôle financier public destiné au financement des collectivités territoriales » - c’est ainsi en tout cas que M. le ministre le désignait tout à l'heure - sans que l’on sache très bien quel sera son contenu. Mais c’est commencer de la pire des manières, me semble-t-il, puisque l’intervention porte sur un encours d’actifs de 10 milliards d'euros, un plafonnement à 6,65 milliards d'euros laissant 3,35 milliards d’euros à la charge de Dexia.
En outre, si l’on accorde moins de 500 millions d’euros d’abandons de créances aux collectivités, seule jouera la franchise. Cette somme de 500 millions d’euros représente 5 % du plafond de garantie, mais surtout 1 % du portefeuille de prêts, ce qui pourrait correspondre à une extinction contractuelle des procédures contentieuses engagées.
Au-delà, si l’on fait quelques « cadeaux » aux collectivités locales, les partenaires doivent se mettre d’accord sur le prix à payer. Il n’est pas certain qu’une telle perspective soit bien vécue par la Caisse des dépôts et consignations, fort sollicitée ces derniers temps, ou par la Banque postale, dont l’autonomie ainsi renforcée risque de commencer par nécessiter quelques provisions.
L’article 4 du projet de loi ne règle donc pas complètement la question du financement pérenne des collectivités territoriales, la mise en place d’une structure publique de financement ne pouvant correspondre pour l’heure à la seule reprise en main du portefeuille de Dexia. Et si une garantie plus importante doit jouer, passant notamment par des mesures d’allégement des contraintes financières des collectivités locales ayant souscrit les emprunts de Dexia, il nous semble plus que nécessaire que les représentants des élus soient directement concernés par une telle orientation, ne serait-ce que pour faire valoir la nécessité d’un choix judicieux et équitable des situations à prendre en compte.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons cet amendement visant à associer les élus à ces prises de décision.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Madame Beaufils, vous souhaitez qu’il soit procédé à une consultation des associations représentatives des élus locaux en cas de relèvement de la garantie.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il est vrai que les collectivités sont concernées au premier chef – nous ne le nierons pas – par le dispositif de l’article 4. Je comprends donc que la consultation de leurs représentants puisse se justifier. Toutefois, pour que votre amendement soit efficace, je vous suggère de le rectifier et de substituer à la consultation des associations celle du Comité des finances locales. En effet, cet organisme est appelé à se prononcer plus souvent. Il constitue l’instance adéquate, me semble-t-il.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
J’apporterai deux éléments de réponse.
M. François Baroin,
Tout d'abord, j’évoquerai la question du plafond de la garantie, pour rappeler que, en tant que ministre de l’économie, je n’accorde cette dernière au nom de l’État que sous le contrôle du Parlement. Pour procéder à un relèvement du plafond, il faudra donc une autorisation législative.
Ensuite, je partage l’avis de Mme la rapporteure générale, même si je n’arrive pas à la même conclusion qu’elle. Ce texte est soumis au Parlement, donc au Sénat. Or c’est la Haute Assemblée qui assure le plus haut degré de représentation des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes les principaux et les plus hauts représentants de ces collectivités. Votre légitimité est supérieure à celle des associations d’élus locaux, quelles que soient par ailleurs leur qualité et leur représentativité, notamment parce que vous avez reçu l’onction du suffrage universel indirect, de surcroît fort récemment pour ce qui concerne l’actuelle majorité de cette assemblée.
Cette réalité justifie pleinement, me semble-t-il, qu’une consultation obligatoire des élus locaux ne soit pas prévue dans la loi.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, si le Sénat, qui est suffisamment représentatif, souhaite encore élargir la base de sa représentativité, le Gouvernement en prendra acte.
Madame Beaufils, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteure générale ?
M. le président.
Oui, j’accepte tout à fait que le Comité des finances locales soit substitué aux associations représentatives des collectivités territoriales.
Mme Marie-France Beaufils.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et qui est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie fait l’objet d’une consultation du Comité des finances locales.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Monsieur le ministre, le Comité des finances locales est un outil de consultation dont nous nous sommes dotés pour traiter de nombreux sujets relatifs au financement des collectivités territoriales.
Mme Marie-France Beaufils.
J’ai même cru comprendre que, dans le cadre de la prochaine loi de finances, vous solliciteriez de nouveau le Comité des finances locales à propos de certaines répartitions sur lesquelles nous n’avions plus d’interventions dans la période récente. Cela signifie donc bien que, pour vous aussi, le CFL est doté d’une certaine légitimité sur toutes les questions relatives aux collectivités territoriales.
Il s'agit tout de même ici de la garantie des prêts de collectivités territoriales particulièrement fragilisées par les emprunts qui ont été consentis par Dexia, mais aussi, je le répète, par d’autres établissements. La situation est suffisamment délicate pour que le Comité des finances locales soit consulté.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Monsieur le ministre, cet amendement vise un éventuel ajustement à la hausse du plafond de la garantie. À votre avis, y a-t- il un risque que cette éventualité se réalise ?
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Il ne faut jamais dire jamais, dans ce métier, mais ce n’est pas l’une de nos hypothèses majeures…
M. François Baroin,
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dexia Crédit Local SA et l’ensemble de ses filiales s’engagent à dresser un état complet des procédures en cours contentieuses ou amiables qui les opposent aux collectivités territoriales en raison d’emprunts toxiques contractés, et à le fournir aux commissions parlementaires compétentes avant le 31 décembre 2011.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je défendrai en même temps les amendements n
Mme Nathalie Goulet.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 11 qui, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
- Avant le 31 décembre 2011, DEXIA SA devra fournir au Parlement un état précis des prêts structurés dits de pente ou de courbe avec effet de levier commercialisés sur le territoire national depuis 2007.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Il s’agit d’obtenir un état des lieux exact du nombre d’emprunts toxiques et de prêts structurés qui ont été souscrits. En effet, si l’on veut soutenir efficacement les communes, les collectivités qui les ont contractés, il faut pouvoir mesurer l’ampleur du phénomène.
Mme Nathalie Goulet.
La commission d’enquête de l’Assemblée nationale est au travail, mais nous n’avons pas l’équivalent au Sénat. C'est pourquoi je souhaite qu’un état des lieux complet soit communiqué au Parlement, tant sur les emprunts toxiques que sur les produits structurés.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’amendement n° 10, madame Goulet, pose trois problèmes.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Tout d'abord, il est déséquilibré : je reconnais l’avocate sous la sénatrice, puisque ces amendements reviennent en fait à contraindre le Parlement à tirer son information de l’une des parties à des procédures judiciaires en cours…
Ensuite, il est imprécis : on ne sait pas trop ce que veut dire « état des procédures » : s’agit-il d’une simple liste nominative ? Cet état doit-il mentionner l’ampleur des demandes des parties ? Comment gère-t-on les issues données à ces procédures ? Je m’en tiens là.
Enfin, et surtout, cet amendement pourrait se révéler préjudiciable aux collectivités territoriales qui sont en conflit avec Dexia. Il y en avait huit, je crois, mais un dossier a été tranché, il n’en resterait donc plus que sept.
M. François Baroin,
Bref, il s’agit d’une petite dizaine de cas.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
On donnerait ainsi, sans avoir leur accord, une certaine publicité aux difficultés que rencontrent ces collectivités. Or je ne pense pas qu’elles aient besoin d’être stigmatisées.
Je rappelle que la publication, dans un journal du matin, à partir, nous a-t-on dit, d’un vol commis chez Dexia, d’une liste de collectivités possédant des produits structurés, dont tous n’étaient pas toxiques, a été très mal ressentie par les collectivités citées. Du reste, Dexia a été contrainte de publier un démenti.
La commission émet donc un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
M. François Baroin,
Madame Goulet, les amendements sont-ils maintenus ?
M. le président.
Vous le reconnaîtrez, l’intention était louable, mais je conçois que la rédaction puisse être jugée imprécise : nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour travailler sur le sujet.
Mme Nathalie Goulet.
Si nous sommes en train de régler le problème de Dexia, un certain nombre de collectivités demeurent dans une situation extrêmement difficile. Ces deux amendements visaient à mieux cerner l’ampleur des dégâts. Toutefois, j’admets volontiers qu’ils sont imprécis et méritent d’être retravaillés ; je les retire donc.
Les amendements n
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
V. – Le conseil d’administration ou le directoire d’un établissement de crédit à l’égard duquel l’État s’est financièrement engagé, directement ou indirectement, par la souscription de titres ou l’octroi de prêts ou de garanties ne peut pas décider :
a) l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions ou d’actions gratuites aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du conseil d’administration ou du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants de cette société dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce ;
b) l’attribution ou le versement d’éléments de rémunération variable, d’indemnités et d’avantages indexés sur la performance, ainsi que de rémunérations différées à ces mêmes personnes ;
c) le versement d’un dividende.
Ces dispositions s’appliquent à compter du 1
La parole est à Mme la rapporteure générale.
J’ai suffisamment insisté sur cet amendement lors de la discussion générale pour me dispenser à cette heure de longs développements.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Il s’agit d’imposer des contreparties financières aux établissements de crédit qui bénéficient du soutien de l’État. Dexia n’est pas seule concernée, je le rappelle, mais sont visées ici toutes les banques qui seront soutenues grâce à un effort public.
Cet amendement a un spectre large, monsieur le ministre. Il concerne non seulement toutes les formes de rémunération variable, mais en outre – je le précise, afin de ne pas vous prendre en traître – les dividendes. J’attendrai donc que vous ayez exprimé l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui nous paraît essentiel, pour vous répondre.
L'amendement n° 4, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette ou ces conventions excluent, sur leur durée de mise en œuvre, tout versement de dividende aux actionnaires des entités définies au I et au II.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement, tout comme le suivant, porte sur la rémunération des dirigeants et actionnaires de Dexia pendant la durée de l’opération de redressement-défaisance.
Mme Marie-France Beaufils.
Dans un souci de cohérence, et avec votre autorisation, monsieur le président, je défendrai ensemble les deux amendements n
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 5 qui, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces conventions prévoient expressément qu’aucune rémunération sous forme d’attribution d’actions gratuites, d’indemnités différées ou fondée sur la performance des entités visées au I et au II ne peut être versée aux membres des conseils d’administration, des conseils de surveillance de ces mêmes entités.
Veuillez poursuivre, madame Beaufils.
Comme son nom l’indique, le plan de redressement a pour objet de permettre le redressement effectif de Dexia. Celui-ci passera notamment par une réduction sensible de la voilure, si vous me permettez l’expression ; c’est la condition impérative, nous dit-on, du redressement à court terme de la situation financière de l’établissement, mais aussi de sa pérennité à moyen et long terme.
Mme Marie-France Beaufils.
Nous ne pouvons évidemment pas accepter que les bénéfices, quels qu’ils soient, puissent être utilisés à autre chose qu’à la consolidation des fonds propres de Dexia SA.
Nous considérons donc inacceptables le versement de rémunérations anormalement élevées à quelques dirigeants ou cadres spécialisés réalisant certaines opérations, ou la remontée de dividendes jusqu’aux actionnaires de Dexia.
Il faut consolider les fonds propres de Dexia et restaurer la confiance en son titre, que les mésaventures boursières de l’établissement ont gravement affaibli. Il faut également être très attentif : vous le savez comme moi, nous sommes actuellement en train de vendre les actifs les plus intéressants de Dexia. Par exemple, sa filiale turque, DenizBank, est sur le point d’être cédée. Ces actifs seront probablement rachetés à bonne valeur, mais peut-être à une valeur tout de même inférieure à celle qu’ils auraient pu atteindre dans une période plus favorable.
On nous a dit que, dans le cadre du plan de redressement, un certain nombre de salariés allaient subir les conséquences de ces rachats multiples. Le groupe compte tout de même 35 000 salariés, et nous ignorons combien resteront en activité à l’issue des restructurations. Il ne peut donc être question de gager des dividendes, des retraites chapeau ou des stock-options sur la perte d’emploi des salariés. Il faut donc se prémunir contre ce risque.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je demande la mise en place de dispositifs interdisant toute rémunération excessive des actionnaires ou de l’encadrement.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n
M. le président.
L’amendement n° 3 – vous en conviendrez probablement, madame Beaufils – a une portée plus large. Je vous demande donc de vous y rallier et je m’engage à m’expliquer plus avant une fois que j’aurai entendu l’avis du Gouvernement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
M. le président.
Madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement n° 3 tend à interdire à une banque qui reçoit le soutien de l’État d’attribuer des stock-options, bonus ou retraites chapeau, ou encore de verser des dividendes.
M. François Baroin,
Nous sommes d’accord sur le fond. Le Gouvernement avait d'ailleurs pris, en mars 2009, un décret dont l’objectif était similaire, puisqu’il visait à limiter les rémunérations des dirigeants d’entreprises aidées par l’État. Ce dispositif, aujourd'hui éteint, a bien fonctionné : il a été intégralement respecté. Nous pensons comme vous – ce qui est logique, puisque nous avons nous-mêmes conçu et mis en œuvre ce dispositif – qu’il serait intéressant de le reconduire si jamais d’autres entreprises venaient à être aidées par l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est prêt à prendre l’engagement, devant votre assemblée, de présenter à votre commission des finances, lors des travaux relatifs au projet de loi de finances pour 2012, un dispositif réglementaire complet, qui ira totalement dans le sens de l’amendement déposé par votre rapporteure générale.
S'agissant de Dexia, je me permets d’apporter quelques codicilles à votre réflexion, pour une bonne lecture des faits.
Les dispositions législatives que vous proposez ne s’appliqueraient pas, en réalité, aux principaux dirigeants du groupe, puisque ceux-ci sont des mandataires sociaux de la holding Dexia SA, qui est une société belge. La cible serait donc manquée.
Le Gouvernement vous propose d’encadrer – c’est la moindre des choses – les rémunérations versées et les dividendes distribués par Dexia, au travers des conventions de garantie. Il s’agit là d’une avancée complémentaire.
J’ajoute, pour être exhaustif, que Dexia a indiqué qu’aucune rémunération variable ne serait distribuée aux membres du comité de direction pour l’année 2011. Quant aux mandataires sociaux, ils n’ont reçu aucune stock-option depuis l’entrée des États belge et français au capital de l’entreprise.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
M. le président.
Si nous sommes d’accord, monsieur le ministre, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
L’amendement n° 3 repose sur un principe de responsabilité : quand on prend des décisions pour une entreprise, on assume ses choix ; quand on fait des erreurs, on les paie. C’est simple !
Cet amendement s’inscrit en outre dans la continuité des travaux de la commission des finances. M. Marini a évoqué tout à l'heure l’amendement de M. Arthuis sur les rémunérations, qui avait été débattu dans notre assemblée en 2009. Son adoption avait été obtenue de haute lutte : il avait fallu la réunion d’une commission mixte paritaire, qui constitue le seul moment où les parlementaires ont véritablement la responsabilité de leurs choix,…
. Sans le Gouvernement !
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances
… à l’abri du Gouvernement.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Cela avait donné lieu à une remontée de la part de nos collègues députés. Il avait fallu batailler longuement, et parfois dans une certaine confusion, pour arriver au résultat.
Nous sommes peut-être d’accord sur le fond, monsieur le ministre, mais j’ai tout de même le souvenir de cette bataille, une bataille qui a honoré le Sénat.
Vous avez fait mention du décret de mars 2009, mais reste le problème des contrats de droit privé en cours. Dans la mesure où nous vous proposons de légiférer pour l’avenir, cet argument n’est pas recevable.
Je veux également faire un bref rappel à propos des dividendes.
La distribution de dividendes a un effet contracyclique. Des investisseurs sérieux peuvent tout à fait comprendre que l’objectif, en période plus faste, soit d’abord de renforcer les fonds propres plutôt que de distribuer des dividendes aux actionnaires. C’est un argument de bon sens.
En revanche, je ne veux pas les stigmatiser, mais il faut que les banques comprennent que l’on ne peut pas repartir comme avant. C’est pourtant ce qui s’est passé après 2008, et tout est allé très vite. Permettez-moi de citer quelques chiffres éclairants.
En 2009, la Société Générale a porté son dividende par action de 90 centimes à 1,20 euro, alors que son coût du risque augmentait et que nous étions à peine sortis de la crise. En 2010, le dividende de l’action Société Générale a baissé, mais cela reflétait l’évolution du bénéfice.
En 2010, BNP Paribas a versé un dividende de 1, 50 euro, soit une progression de 50 %, et Dexia un dividende en actions de 20 centimes correspondant à un rendement de plus de 50 %, soit le rendement le plus élevé parmi les banques alors cotées à Paris.
Ces exemples concrets n’appartiennent pas à un passé si lointain, monsieur le ministre.
Sans être un avertissement, l’amendement que la commission des finances a adopté a pour objet d’empêcher que ne se reproduise, en cas de soutien public, ce qui s’est produit entre 2008 et 2010. Chacun se souvient qu’après la chute de Lehman Brothers et la grande peur qui s’est ensuivie, dès qu’il n’y a plus eu de soutien public, tout a repris comme avant : en somme,
business as usual
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
M. le président.
Sur le fond, étant personnellement choquée par la pratique des retraites dites « chapeau », qui d’ailleurs constituent ou pas des éléments de rémunération différée, en même temps que convaincue qu’il faut obtenir des engagements éthiques de la part des banques, je pourrais parfaitement adhérer à plusieurs des éléments contenus dans l’amendement présenté par Mme Bricq au nom de la commission des finances.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
En revanche, sur la forme, je trouve beaucoup de défauts à cet amendement, notamment des erreurs de qualification juridique s’agissant des organes de gouvernance, mais aussi des omissions.
Ainsi, j’ai cru comprendre que le texte proposé pour le paragraphe
Je relève une erreur : il convient de supprimer, parmi les personnes concernées, les gérants, car il n’y a pas un tel mandat dans les sociétés anonymes.
S’agissant du paragraphe
Je m’interroge par ailleurs sur plusieurs points.
En premier lieu, le champ d’application de cet amendement me semble trop large. Sont visés les engagements, directs ou indirects de l’État, par la souscription de titres ou l’octroi de prêts ou de garanties. Or les engagements de ce type peuvent être pris hors période de crise.
En deuxième lieu, il est prévu dans l’amendement que ces dispositions s’appliquent à compter du 1
En troisième lieu,
Cela fait beaucoup d’observations – de forme, j’en conviens – sur un amendement qui, certes, a été rédigé dans des délais très brefs, mais je ne pouvais pas ne pas le signaler.
Même si, sur le fond, je le redis, je suis assez d’accord pour que des engagements éthiques soient demandés aux banques, je considère sincèrement, madame Bricq, que le présent projet de loi de finances rectificative n’est pas le bon véhicule pour cet amendement,…
Et quel serait le bon, alors ?
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
... un amendement qu’en tout état de cause il faudrait affiner.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. le président.
Je voterai cet amendement.
M. Jean Arthuis.
D’abord, je veux remercier Philippe Marini et Nicole Bricq d’avoir rappelé le débat que nous avons eu, ici même, en 2008, précisément sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. De quoi s’agit-il ? Des établissements financiers sont, à un moment donné, en risque de défaut, c'est-à-dire de cessation de paiement.
Bien sûr !
M. Philippe Marini
, président de la commission des finances.
Pour faire face à ce risque systémique, on fait appel à l’État, qui, on l’a vu en 2009, est devenu l’« assureur systémique » : on ne laisse pas « tomber » une banque pour éviter la propagation de la crise à l’ensemble de la société, et l’État apporte donc son appui.
M. Jean Arthuis.
Dans de telles circonstances, il est très important d’adresser, dans ce texte, un signal aux dirigeants comme aux actionnaires, Dexia fournissant un cas pratique dont nous devons tirer tous les enseignements.
Comme le dit Marie-Hélène Des Esgaulx, qui, je le note, est d’accord sur le fond,…
Nous le sommes tous !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
… la rédaction de l’amendement est perfectible. Or, comme le Sénat votera
M. Jean Arthuis.
Pour ma part, je l’ai dit, je voterai cet amendement et je crois pouvoir dire que mes collègues du groupe de l’Union centriste et républicaine le voteront également.
La parole est à M. François Trucy, pour explication de vote.
M. le président.
Je voterai également l’amendement n 3, tout simplement parce que c’est un amendement de moralité : d’une part, quand il y a erreur, il faut qu’il y ait sanction ; d’autre part, je constate une certaine impudence de la part de ces professionnels depuis quelques années.
M. François Trucy.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le ministre, vous évoquez le décret de 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État ou bénéficiant du soutien de l'État du fait de la crise économique et des responsables des entreprises publiques.
M. François Marc.
Je commencerai par relever qu’il y a de multiples façons de contourner un dispositif dont la durée d’application est limitée dans le temps ; je pense notamment aux rémunérations différées ou étalées dans le temps. Toute entreprise qui voudrait échapper à des dispositifs de ce type sera donc tentée de le faire.
La proposition qui nous est soumise par Nicole Bricq, qui s’inscrit de façon suffisamment forte et dans les principes et dans le temps, me paraît donc susceptible d’éviter ces comportements déviants.
Cela étant dit, si j’ai tenu à expliquer mon vote, c’était surtout pour réagir aux propos de Mme Des Esgaulx, qui estime que cet amendement n’a pas sa place ici.
Pour ma part, je crois au contraire que, si nous n’introduisions pas un tel dispositif dans le présent projet de loi de finances rectificative, nous serions sans doute en tort, et certainement en contradiction avec nous-mêmes.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur une information en provenance d’AlphaValue, parue ce soir - elle sera reprise demain dans les quotidiens - sous le titre suivant : « Banques européennes : seules les rémunérations des patrons ne connaissent pas la crise ! » On apprend qu’en 2010 les actions des banques ont perdu 12 % de leur valeur, mais que les rémunérations ont, elles, augmenté de 12,5 %.
Dans le secteur bancaire, les rémunérations ont, de façon générale, connu une croissance bien plus importante que dans les autres secteurs d’activité, celles des cadres ayant augmenté, en France, de 44,8 % en 2010, à comparer à une diminution de 7 % en Allemagne et à une augmentation de seulement 8 % en Grande-Bretagne.
C’est une situation complètement incompréhensible pour nos concitoyens et j’estime que nous manquerions à notre mission de législateur si nous n’adoptions pas ce soir cette règle de moralisation tendant à un encadrement plus manifeste des rémunérations.
Encore une fois, la proposition de notre rapporteure générale doit absolument figurer dans le texte qui sortira de nos délibérations.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Très bien !
Mme Nathalie Goulet.
La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. le président.
Mes chers collègues, nos compatriotes attendent, légitimement, le retour à des principes de raison et d’éthique, dans le monde de la finance et des banques comme dans la société tout entière.
M. Yannick Botrel.
J’ai la conviction que décider d’un soutien à Dexia sans contrepartie pour ce qui est de la mise en responsabilité - éventuelle, future - de ses dirigeants et actionnaires ne ferait qu’accroître la défiance des citoyens à l’égard de leurs représentants et des institutions.
À ce titre, les amendements qui nous sont proposés vont donc dans la bonne direction.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, les amendements n
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’exercice de la garantie prévue au II de l’article 4 de la présente loi peut être subordonné à l’examen de chaque situation par une commission spéciale, associant le ministre chargé de l’économie et des finances, le ministre chargé de l’intérieur, les représentants du Parlement, les organismes prêteurs, les associations représentatives d’élus.
Saisie à la demande d'une collectivité territoriale, la commission peut proposer toute recommandation, y compris sous forme d’abandon de créances ou de différé de remboursement, entrant dans le champ de l’exercice de la garantie.
Un décret fixe les conditions de nomination des membres de cette commission, de tenue de ses réunions et de son secrétariat.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Je tiens auparavant à préciser que j’ai voté contre l’article 4.
Mme Marie-France Beaufils.
Je vous en donne acte, ma chère collègue.
M. le président.
L’amendement n° 8 rectifié porte sur la question sensible des prêts structurés aux collectivités territoriales.
Mme Marie-France Beaufils.
Comme l’a dit Gilles Carrez à l’Assemblée nationale, on a le sentiment à la lecture de ce projet de loi de finances rectificative que l’on attend des collectivités territoriales qu’elles assument leurs engagements. Mais pouvaient-elles mesurer, au moment où elles ont contracté ces prêts structurés, l’ampleur des risques auxquels elles allaient être confrontées quelques années plus tard ? Bien malin, à mon avis, celui qui aurait pu prédire le danger à l’époque, étant donné la complexité de ces prêts !
La diffusion de ces produits structurés a été encouragée, je veux le rappeler, dès lors qu’il a été décidé que le financement local était ouvert à la concurrence, ce qui a conduit les collectivités à aller chercher sur les marchés les conditions les plus favorables pour répondre à leurs besoins de financement.
Les banques étaient incitées à répondre à ces demandes puisque, si les collectivités locales apparaissent comme un segment de marché peu rentable, il est néanmoins sûr : grâce aux règles comptables propres au secteur public local, les collectivités sont tenues d’inclure, dans le cadre de l’équilibre de leur budget, les charges d’intérêt ; les risques sont donc peu importants.
L’objet de notre amendement est donc très clair : il s’agit d’introduire une procédure d’instruction des dossiers de prêts les plus sensibles, en vue de ne solliciter la garantie prévue par le projet de loi qu’à bon escient, en fonction de critères objectifs.
Nous pensons qu’une collectivité confrontée à des charges d’intérêt représentant une part significative de ses recettes de fonctionnement doit pouvoir bénéficier d’une mesure tendant à l’abandon de créances ou à l’application d’un moratoire sur la progression du taux variable, ce qui revient un peu au même dans la durée.
La commission constituée pourrait ainsi être amenée à proposer des mesures de transformation des prêts variables, un peu à l’instar de ce qui se produit parfois pour les ménages surendettés.
Tel est le sens de notre proposition, que j’ai rectifiée pour tenir compte des remarques formulées par la commission des finances lors de la réunion qui a lieu durant la suspension du dîner, c'est-à-dire hier soir, puisqu’il est une heure quinze du matin !
Mais c’est toujours la même séance !
M. le président.
Quel est l’avis de la commission ?
Comme je vous l’ai effectivement dit tout à l’heure, madame Beaufils, une procédure de médiation est en cours, mais j’ai bien compris que votre amendement reposait sur une logique différente.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Vous souhaitez que la situation de chaque collectivité soit examinée en amont par une commission spéciale, « saisie à la demande d’une collectivité territoriale » et non plus systématiquement, puisque vous avez rectifié votre amendement sur ce point.
Cette rectification introduit toutefois de nouvelles questions et la voie que vous nous proposez paraît trop risquée pour que nous nous y engagions.
Ainsi, il faudra décider de subordonner la mise en jeu de la garantie à l’examen d’une collectivité territoriale, mais laquelle ? Qui décidera cette subordination ? La commission spéciale pourra-t-elle s’autosaisir ? Les collectivités pourront-elles s’y opposer ?
Vous avez donc réglé un problème, mais vous en créez trois autres ! C’est peut-être un raisonnement dialectique mais, à un moment donné, il faut retomber sur ses pieds, et, là, ce n’est pas le cas !
Par conséquent, je vous demande, madame Beaufils, de bien vouloir retirer cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis que la commission.
M. François Baroin,
Madame Beaufils, l’amendement est-il maintenu ?
M. le président.
Je vais le retirer, mais j’aimerais que l’on puisse revenir sur cette question, car, aujourd’hui, aucune réponse n’est apportée aux collectivités territoriales qui sont confrontées à ces difficultés. Cela pose un véritable problème. Je ne suis pas convaincue que Dexia puisse leur apporter une réponse dans le cadre des négociations qui sont actuellement engagées.
Mme Marie-France Beaufils.
Or on ne peut pas laisser dans cette situation les collectivités en considérant, comme Gilles Carrez, qu’elles ont pris leurs responsabilités. C’est une formule un peu hâtive qui semble méconnaître les conditions dans lesquelles un bon nombre d’entre elles ont été placées. Ainsi, ces collectivités ne disposent pas toujours de l’accompagnement technique qui leur serait nécessaire, notamment en termes de comptabilité. On peut d’ailleurs regretter que les services de l’État ne les aident pas davantage, notamment en ce qui concerne la nature des prêts qu’elles contractent.
Il est en tout cas de la responsabilité de l’État de réfléchir à la façon dont le problème peut être résolu. Cela me paraît important.
Monsieur le président, je retire l’amendement.
L’amendement n° 8 rectifié est retiré.
M. le président.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Vincent et Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1
Le rapport établit le bilan de la médiation, organisée par l’État, entre les établissements de crédits et les collectivités territoriales.
La parole est à M. Maurice Vincent.
Cet amendement est dans la droite ligne des discussions qui viennent d’animer notre assemblée. Il est évident que l’on ne peut pas, à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative aussi important que celui-ci et touchant directement à Dexia, évacuer la question des emprunts toxiques souscrits par les collectivités territoriales.
M. Maurice Vincent.
Depuis plusieurs années, le nombre des maires concernés s’est accru, puisque, aujourd’hui, 400 communes ou collectivités sont confrontées à cette situation. Il s’agit donc bien d’un problème national.
Les maires, les élus ont sollicité l’État, qui a répondu, comme je l’ai dit tout à l’heure, avec la « charte Gissler ». Mais nous devons aujourd'hui évaluer un problème qui revêt une dimension nationale.
L’amendement que nous proposons a donc pour objet de convaincre le Gouvernement, de l’inciter, voire de l’obliger si cet amendement est adopté, à passer à la vitesse supérieure, non pas en répondant à toutes les demandes financières mais en prenant à bras-le-corps le problème, en créant les conditions de son examen approfondi afin de sortir par le haut de cette affaire.
Personne n’a intérêt à ce que les défauts de paiement se multiplient dans nos collectivités territoriales ou à ce que les investissements diminuent, faute de visibilité financière. Quel que soit le jugement moral que l’on peut porter sur les responsabilités des uns ou des autres, il s’agit maintenant d’avancer dans le traitement positif de ce problème des prêts toxiques, qui concerne toutes les collectivités, quelle que soit la couleur politique de leurs élus.
Certaines initiatives ont été prises par le Gouvernement. Cet amendement vise à passer à l’étape suivante en prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport comprenant un bilan exhaustif de la situation des collectivités touchées par ces emprunts toxiques hors champ de la « charte Gissler », des précisions quant au volume des produits répondant aux indices sous-jacents 3, 4 et 5 de ladite charte, et un bilan précis de la médiation Gissler, bilan qui n’a jamais été fait, alors qu’il a été demandé par la Cour des comptes dans son dernier rapport.
Nous demandons que l’ensemble de ce bilan puisse être produit d’ici au 1
Derrière cette demande, il y a évidemment la volonté d’amener le Gouvernement à s’engager dans le traitement de ce dossier.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Les données dont nous disposons à l’heure actuelle sont effectivement partielles et disparates. Elles émanent de sources différentes qui peuvent être des cabinets privés, la Cour des comptes ou des institutions financières. Or un bilan complet est indispensable.
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
C’est ce que vous proposez, au nom du groupe socialiste, dans un amendement qui, émanant en outre de l’élu d’une collectivité fréquemment citée pour ses emprunts toxiques, m’apparaît très opportun.
Je donne donc un avis favorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Défavorable !
M. François Baroin,
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
M. le président.
Je voterai des deux mains cet amendement. En effet, tout en étant mieux formulé que celui que j’avais présenté, il vise les mêmes objectifs, à savoir la nécessité de faire un point sur la médiation, les encours et les risques.
Mme Nathalie Goulet.
Aucune des collectivités touchées par ces emprunts toxiques n’a l’intention de se dédire de ses engagements. Elles veulent simplement pouvoir négocier le montant des intérêts exigés. Il n’est pas question que les communes se dégagent de leur obligation principale, qui consiste à rembourser les emprunts dans des conditions normales et non à des taux quasi usuraires liés à des clauses d’indexation qui peuvent être considérées comme abusives et devraient à tout le moins être réputées non écrites.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne suis pas contre cet amendement, mais j’aimerais que soit également établi un rapport recensant le nombre de rapports demandés au Gouvernement chaque année et précisant combien d’entre eux sont effectivement déposés.
M. Yann Gaillard.
Ces demandes de rapport sont une facilité dans laquelle on tombe trop volontiers…
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 4.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
À la suite de l’adoption de l’amendement n° 1, qui a virtuellement, et très provisoirement, amélioré le solde de l’équilibre général du budget à hauteur de 596 millions d’euros, le Gouvernement demande que, en application de l’article 47
M. François Baroin,
On aurait pu éventuellement, de façon tacite, considérer que la coordination allait se faire automatiquement, mais, en vue de la tenue de la commission mixte paritaire, demain matin, il est probablement plus sage et plus cohérent, même si l’exercice peut sembler un peu formel, de procéder ainsi.
Je rappelle les termes de l’article 47
M. le président.
Le Gouvernement en ayant formulé la demande, nous allons procéder à cette coordination.
L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
M. le président.
I. Modifier comme suit le I de l’article :
« I. ─ Pour 2011, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :
Ressources
Budget général
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes
À déduire : Remboursements et dégrèvements
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes
Recettes non fiscales
Recettes totales nettes / dépenses nettes
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne
Montants nets pour le budget général
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours
Budgets annexes
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours
Comptes spéciaux
Comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Comptes de commerce (solde)
Comptes d’opérations monétaires (solde)
Solde pour les comptes spéciaux
Solde général
II. Rédiger ainsi le 1° du II de l’article :
« 1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :
Besoin de financement
Amortissement de la dette à long terme
Amortissement de la dette à moyen terme
Amortissement de dettes reprises par l’État
Déficit budgétaire
Ressources de financement
Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique
Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique
Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés
Variation des dépôts des correspondants
Variation du compte de Trésor
Autres ressources de trésorerie
La parole est à M. le ministre.
L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. François Baroin,
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable !
Mme Nicole Bricq,
rapporteure générale de la commission des finances.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de l'article 1
M. le président.
(L’article 1
et l’état A annexé sont adoptés.)
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative, je donne la parole à M. le président de la commission.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, chers collègues, alors que nous arrivons au terme de ce débat, je voudrais remercier particulièrement les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement : Patrick Ollier qui, en début de séance, nous a apporté, outre la présence du Gouvernement, toutes les explications nécessaires, et François Baroin, qui nous a rejoints à la suite d’une réunion certainement importante sur le chemin du Conseil européen de cette fin de semaine. Je les remercie l’un et l’autre ainsi que leurs équipes, car, comme de coutume, la commission des finances a, me semble-t-il, été bien informée.
M. Philippe Marini,
président de la commission des finances.
Je tiens tout particulièrement à remercier Mme la rapporteure générale, que nous voyons entrer dans son nouveau rôle et qui est assistée, comme il convient, par le secrétariat de la commission.
Je voudrais enfin saluer l’ensemble de mes collègues. Nous sommes en train de nous adapter à une nouvelle configuration, qui est très intéressante. Les votes de ce soir ont montré que, si chacun d’entre nous s’est efforcé d’être fidèle à sa logique, nous avons pour autant tous conscience de la gravité des problèmes à traiter et de la nécessité d’y répondre ensemble, de façon responsable.
Notre discussion de ce soir a constitué, me semble-t-il, une bonne introduction à notre session budgétaire.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le président.
Mes chers collègues, je sais qu’il est quelquefois ennuyeux de devoir écouter une explication de vote à une heure aussi tardive, mais, pour moi, il est important de dire au Gouvernement que la procédure accélérée n’est pas la solution la plus efficace pour résoudre un problème comme celui que nous avons évoqué ce soir.
Mme Marie-France Beaufils.
Mais il y a le feu !
M. Philippe Dallier.
Avec ce texte, monsieur le ministre, vous êtes resté au milieu du gué. L’État s’apprête à accorder sa garantie à un dispositif tendant au redressement de Dexia sans que soit réglée la question, essentielle, du financement des collectivités territoriales.
Mme Marie-France Beaufils.
Lorsque l’on examine la situation, on constate que l’euro, qui était considéré comme la réponse à tous les maux de l’instabilité monétaire, est un échec : il est incapable de nous protéger des aléas de la spéculation financière, notamment la spéculation sur les devises. Nous sommes bien là au cœur de la question qui nous est posée avec les prêts structurés.
La solution proposée ne règle rien, puisqu’elle ne prend pas en compte la nécessité d’extraire du marché financier l’ensemble du financement des collectivités territoriales.
Aussi, je souhaite que nous puissions très rapidement débattre du futur véhicule législatif que vous avez évoqué, mais dont nous ne savons toujours pas en quoi il consistera ni s’il permettra de répondre vraiment efficacement aux besoins des collectivités locales, et par là j’entends non seulement les investissements qui leur sont nécessaires dans les territoires, mais également le soutien à l’emploi et au maintien de la dynamique des activités artisanales et des PME.
Au vu de la dégradation de l’emploi sur le terrain, il est très important qu’une réponse puisse être apportée rapidement.
Personne ne demande plus la parole ?...
M. le président.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici le résultat du scrutin n° 8 :
M. le président.
Le Sénat a adopté le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
M. le président.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Philippe Marini, Mme Nicole Bricq, MM. François Marc, François Patriat, Éric Bocquet, Charles Guené et Aymeri de Montesquiou ;
Suppléants : Mme Michèle André, MM. Georges Patient, Marc Massion, Yvon Collin, Francis Delattre, Philippe Dominati et François Trucy.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 20 octobre 2011, à quinze heures :
M. le président.
Questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le ministre, malgré un emploi du temps que nous savons très chargé, vous avez tenu à être présent ce soir au Sénat et je vous en remercie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 20 octobre 2011, à une heure quarante.)
n° 1433 ‑ Le 27 octobre 2011 ‑
M. Rémy POINTEREAU
Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte‑parole du Gouvernement,
En effet, un certain nombre de communautés ont voté le taux en conformité avec les taux antérieurement pratiqués par les conseils généraux y compris les abattements, dans le souci d’assurer une lecture simple pour l’administré comme pour les communautés. De plus, cette solution de reconduite des taux d’abattement des départements apparaît la plus équilibrée.
Or la nouvelle règle avec la neutralisation a des effets pervers qui réduisent à néant l’esprit de la loi. Des élus de ces communautés dans le Cher ayant fait l’effort de voter une délibération fixant les taux d’abattements de la taxe d’habitation estiment que, dans ces conditions, cette règle de neutralisation ne devrait pas leur être appliquée et relèvent qu’une décision devrait rapidement être prise, puisque les logiciels des trésoreries devraient dans ces conditions être modifiés.
Sensible à la problématique de ces élus et à leur logique, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce cas précis avant le début de la discussion budgétaire au Sénat.
n° 1434 ‑ Le 27 octobre 2011 ‑
M. Philippe DALLIER
M. le ministre de l’intérieur, de l’outre‑mer, des collectivités territoriales et de l’immigration,
Depuis plusieurs mois, on déplore, sur les communes de Seine‑Saint‑Denis limitrophes de la capitale, une explosion du phénomène des « marchés sauvages », véritables supermarchés de la misère à ciel ouvert.
Sur le secteur des portes de Montreuil et de Bagnolet en particulier, ce sont, chaque week‑end, des centaines de vendeurs à la sauvette qui investissent les trottoirs sans aucune autorisation, pour vendre à même le sol des objets de contrefaçon, des produits de récupération, ou issus de la contrebande et du recel de vols. Les habitants, les associations de riverains et les commerçants de ces secteurs s'alarment de la réelle dégradation de la situation ces dernières semaines, et des nuisances de voisinage occasionnées par ces pratiques.
Cet été, le ministère de l'intérieur et la préfecture de police de Paris ont engagé une action déterminée pour lutter contre des pratiques similaires dans les zones touristiques de Paris. L'urgence de la situation en Seine‑Saint‑Denis impose également aujourd'hui une réponse rapide et très ferme.
Il souhaiterait qu'il lui indique les mesures qui vont être prises pour garantir la tranquillité et la salubrité publique sur ces secteurs.
n° 1435 ‑ Le 27 octobre 2011 ‑
Mme Claudine LEPAGE
M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes
L’alignement sur la fréquence annuelle applicable dans les pays européens semblerait largement suffisant, d’autant plus que l’article 1983 du code civil, s’il reconnait aux bénéficiaires d’une pension de retraite la nécessité de justifier de leur existence, ne précise toutefois pas à quelle fréquence.
L’envoi trimestriel occasionne pour les retraités français établis hors de l’Union européenne des contraintes liées à l’envoi de ces justificatifs (soucis de transport pour se rendre à la poste locale alors même qu’on vit dans une région lointaine ou isolée, contraintes financières pour les petits revenus qui doivent s’acquitter aussi fréquemment d’un envoi avec accusé réception). Les affiliés des caisses de retraite sont en outre tributaires du bon acheminement de leur envoi sous peine d’une suspension brutale de leur pension qui les précipiterait du jour au lendemain dans la plus grande précarité. Cette situation pénalise ainsi lourdement certains retraités par rapport à d’autres qui habitent l’Union européenne ou qui sont affiliés à des caisses qui les autorisent à donner ce signe de vie tous les ans et non tous les trois mois.
Elle lui demande si la question de l’allongement de la périodicité de ces renouvellements, au moins de trois mois à un an, ne pourrait pas être enfin étudié de sorte que les services de la CNAV et des autres caisses de retraite, telles que la caisse de retraite de la SNCF, entérinent dans leur règlement cet allongement de la périodicité des renouvellements de certificats de vie. Elle lui demande si la possibilité de transmettre désormais par Internet ou par fax les certificats de vie ne mériterait pas d’être pareillement étudiée. De façon générale, elle lui demande quelles mesures pourraient être envisagées pour alléger les contraintes des retraités établis hors de France.
n° 1436 ‑ Le 27 octobre 2011 ‑
Mme Mireille SCHURCH
M. le ministre de la défense et des anciens combattants,
Ce nouveau projet, demandé par le Gouvernement, est annoncé par voie de presse sans que les salariés aient été informés. Le comité central de l'entreprise a d'ailleurs voté un délit d'entrave. Sur le fond, l'intersyndicale de Sagem Défense Sécurité Montluçon dénonce un regroupement d'activités dangereux pour l'emploi et l'avenir de ces deux fleurons de l'industrie française.
Elle demande donc que toute information soit fournie sur l'état d'avancement du projet. Elle demande également quelles garanties le Gouvernement apportera afin que le projet industriel soit viable sur le long terme, ne provoque aucune fermeture de sites et génère des emplois hautement qualifiés dont notre industrie a tant besoin.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
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DEBATS/SEN_20111105_092.xml | Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Claude Lenoir, Roger Karoutchi, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, auteur de la proposition ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Amendement n° 40 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Catherine Procaccia, MM. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois ; le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Lenoir. – Rejet.
Amendement n° 49 rectifié
Amendement n° 3 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Anne-Marie Escoffier, M. le rapporteur. – Retrait.
Amendement n° 72 de la commission reprenant l’ensemble de l’amendement n° 53 rectifié
Amendement n° 65 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 50 rectifié
Amendement n° 68 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, Jean-Claude Lenoir, le président de la commission, le ministre.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 8 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 41 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Chantal Jouanno, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 64 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
MM. Pierre Jarlier, Jean-Claude Lenoir, le rapporteur.
Amendement n° 42 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 66 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 11 rectifié
Amendement n° 67 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 34 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 62 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 63 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 2 rectifié de M. François Fortassin. – Mme Anne-Marie Escoffier. – Retrait.
M. le ministre. – Adoption de l’amendement n
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 73 de la commission reprenant l’ensemble de l’amendement n° 56 rectifié de M. Henri Tandonnet et du sous-amendement n° 45 rectifié
Amendement n° 74 de la commission reprenant de l’amendement n° 14 rectifié
Amendement n° 61 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 35 de M. Jean-Jacques Hyest. – Devenu sans objet.
Amendements n
Amendements n
Amendement n° 20 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Catherine Procaccia, M. le rapporteur. – Retrait.
M. Roger Karoutchi, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Claude Lenoir, Christian Favier, Mmes Nathalie Goulet, Éliane Assassi, MM. Roland Courteau, le président de la commission, le ministre.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 143 de la loi n° 2010–1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, le rapport sur les conséquences de la prise en charge par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger des contributions employeur pour pensions civiles des personnels titulaires de l’État qui lui sont détachés.
M. le président.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Il est disponible au bureau de la distribution.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 793 [2010–2011], texte de la commission n° 68, rapport n° 67).
M. le président.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 5, dont je rappelle les termes :
L’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – Le projet de schéma est élaboré en collaboration par la commission départementale de la coopération intercommunale et le représentant de l’État dans le département.
« Pour son élaboration, le représentant de l’État dans le département présente à la commission son analyse de la situation et ses recommandations pour atteindre les objectifs fixés au II.
« La commission recueille l’avis des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants et des maires des communes qui y sont incluses, dans le délai de deux mois à compter de leur saisine ; elle entend, sur leur demande, les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission départementale de la coopération intercommunale adopte le projet de schéma à la majorité de ses membres.
« Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement.
« Le projet est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable.
« Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, la commission départementale de la coopération intercommunale saisit pour avis conforme la commission départementale de la coopération intercommunale du ou des autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. À défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. Les modifications du schéma résultant, le cas échéant, de ces avis sont intégrées au projet préalablement à la consultation prévue à l’alinéa précédent. » ;
2° Après le IV, sont insérés un IV
« La proposition finale indique en outre les modifications pouvant en résulter pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes par application des articles L. 5211-18, L. 5212-27 et L. 5212-33.
« Elle est notifiée au maire de chaque commune concernée afin de recueillir l’accord du conseil municipal. Pour chaque établissement public, cet accord doit être exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes incluses dans le périmètre proposé représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. À défaut de délibération d’un conseil municipal dans le délai de trois mois à compter de la notification, l’accord est réputé donné. La consultation prévue au présent alinéa n’est pas organisée lorsque la proposition finale conserve le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre existant.
« L’accord donné dans les conditions prévues à l’alinéa précédent entraîne dans les périmètres concernés l’adoption définitive du schéma.
« Lorsqu’une proposition de périmètre issue de la proposition finale n’a pas recueilli la condition de majorité prévue au troisième alinéa du présent IV
« À défaut d’adoption par la commission départementale de coopération intercommunale dans le délai de deux mois suivant l’achèvement de la procédure de consultation sur la proposition finale, le schéma définitif est arrêté par le représentant de l’État dans le département.
« Le schéma fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département.
« Il est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux.
« L’arrêté emporte retrait des communes incluses dans le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, mon intervention, si je puis dire, aura valeur de rappel au règlement.
Mme Catherine Procaccia.
Nous reprenons en cet instant une discussion entamée mercredi après-midi. Cette discussion n’ayant pu être achevée dans le délai de quatre heures habituellement consacré à l’espace réservé aux groupes, elle a bénéficié la nuit dernière, entre une heure et quatre heures, d’une « rallonge ».
Monsieur le président, ces conditions de travail sont inadmissibles. Cela étant, elles étaient tout à fait prévisibles, puisque le groupe majoritaire du Sénat, ainsi que je l’ai entendu dans le cabinet de départ, a évoqué une séance nocturne dès mercredi à quatorze heures trente, cependant que le président de séance n’a jugé opportun d’en parler qu’à dix-huit heures, ce même jour.
Pourquoi avoir tant attendu pour annoncer une décision qui, apparemment, avait déjà été prise ?
À notre demande, la conférence des présidents avait décidé que la séance publique reprendrait ce matin, avant de se poursuivre cet après-midi. Mais que s’est-t-il passé cette nuit ? Nous avons prolongé les débats sans même les achever ! Vous avez poussé au maximum, pour aboutir à un échec : la proposition de loi n’est toujours pas adoptée !
À deux heures du matin, j’ai interpellé le président de séance pour lui signaler que, vraisemblablement, la proposition de loi ne pourrait pas être adoptée à quatre heures. Malheureusement, la suite m’a donné raison.
Il est assez scandaleux que, au moment où s’ouvre une nouvelle session, alors qu’un nouveau président vient d’être élu, les semaines sénatoriales d’initiative se déroulent ainsi. Il s’agit d’un temps créé pour la concertation, et non pas destiné à permettre le passage en force de textes au service d’intérêts particuliers ou de ceux d’un groupe politique.
Et pourtant, que faites-vous de ce débat, mes chers collègues de la majorité sénatoriale ? Une simple tribune politicienne à l’approche du congrès des maires de France !
(Mme Nathalie Goulet rit.)
Pendant des années, vous avez reproché au Gouvernement ce genre d’improvisation.
M. Richard Yung.
Toutefois, il s’agissait de projets de loi et non de propositions de loi !
Mme Catherine Procaccia.
Il n’y a pas de hiérarchie !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Nous avons tous des obligations vis-à-vis de nos électeurs, que nous assumons en siégeant ici, sur ces travées. Certes, si vous arrivez au pouvoir, peut-être ferez-vous voter une loi sur le non-cumul des mandats, ainsi que vous le préconisez, et peut-être aurez-vous alors tout loisir de nous faire travailler jour, nuit et week-end.
Mme Catherine Procaccia.
(M. Roger Karoutchi rit.)
Les discussions sur l’intercommunalité sont fondamentales pour les élus et les territoires que nous représentons au Sénat. Aussi, monsieur le président, nous ne pouvons laisser la nouvelle majorité gouverner avec de telles méthodes, accepter la manière dont elle considère l’opposition, la rabrouant à longueur de séance pour lui signifier – il est vrai que nous étions nombreuses en séance cette nuit : « Sois belle et tais-toi ! ».
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.
M. le président.
Nous voici au cœur du débat sur l'intercommunalité. Je souscris aux propos tenus à l’instant par notre collègue et je considère, moi aussi, que les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas dignes, ne sont pas compatibles avec l’obligation qui nous incombe de légiférer sereinement, à des horaires convenables et selon un calendrier fixé à l’avance.
M. Jean-Claude Lenoir.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales fut le quatrième texte à traiter la question de l'intercommunalité. Cette proposition de loi est donc le cinquième.
M. Richard et M. Sueur se souviennent certainement, comme moi, des débats qui ont eu lieu en 1991 et en 1992, comme je me souviens, également, de l’examen de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement ».
Ainsi, le Parlement, les députés comme les sénateurs, a disposé de tout le temps nécessaire pour débattre. Au final, nous sommes parvenus à un résultat appréciable, ces lois sur l'intercommunalité étant soutenues par la plupart des élus.
Pourtant, la première loi adoptée en la matière, la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, avait heurté, car, pour la première fois, il était question de communautés de communes, d'une nouvelle organisation territoriale.
Malgré tout, et j’ai pu le constater en tant que représentant – et c’est un honneur – d’un département rural,…
Comme moi !
Mme Nathalie Goulet.
… les élus ont compris qu’une autre forme d’organisation était nécessaire. Nous étions alors très éloignés de débats de nature politicienne.
M. Jean-Claude Lenoir.
La loi Chevènement, quant à elle, est allée beaucoup plus loin en revêtant un caractère coercitif. Pourtant, les débats qui ont accompagné son examen n’ont jamais pris un tour politicien, contrairement à ceux que nous connaissons en ce moment. La mise en œuvre de ses dispositions a fait l’objet d’un large consensus.
Moi qui suis parlementaire depuis déjà un certain nombre d'années, même si je ne siège au Sénat que depuis quelques semaines seulement, je puis témoigner que, sur le terrain, l'intercommunalité est un sujet qui nous rassemble tous. La plupart des élus ont compris qu’il était nécessaire de définir une nouvelle organisation et de coopérer.
Le troisième texte, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales,…
La loi Raffarin !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
… dont il a été moins question au cours de nos débats, a précisé un certain nombre de points concernant les compétences des différentes collectivités.
M. Jean-Claude Lenoir.
Enfin, a été adoptée la loi de décembre 2010, que certains voudraient bien aujourd'hui détricoter.
J'éprouve un réel malaise à la lecture de l'article 5 de la présente proposition de loi. Au cours d’une réunion à laquelle j'assistais hier soir dans mon département en présence d’un certain nombre d'élus, j’ai donné lecture, devant eux, de cet article. Aussi attachés soient-ils à la promotion de l'intercommunalité et attentifs à la prise en compte de l’avis des maires, ils ont été quelque peu éberlués par la grande complexité du dispositif qui nous est proposé dans cet article.
Pour ma part, je crois au pragmatisme, je sais comment les choses se passent dans mon département, je sais comment sont fixés les nouveaux périmètres des intercommunalités après des débats que j'organise. Faisons donc confiance aux hommes et aux femmes qui représentent l'État ou les collectivités locales !
Aux termes de la loi de décembre 2010, le schéma départemental de coopération intercommunale devait être arrêté par le représentant de l’État dans le département avant le 31 décembre 2011. Ainsi, avant la fin de l'année, nous aurions disposé d’une première carte, aucunement définitive, une sorte d’arrêt sur image. Dans le cadre de ces nouveaux périmètres, nous aurions continué à travailler, notamment sur la définition des compétences. Nous disposions jusqu’à la mi-2013 pour ce faire.
Les préfets ont formulé un certain nombre de propositions. Les nombreuses discussions qui ont eu lieu au sein de la commission départementale de coopération intercommunale de l’Orne, dont je suis membre, ont permis d’obtenir des avancées importantes. D’autres réunions sont prévues dans les prochains jours, qui permettront de progresser encore.
Il demeure cependant un vrai problème, monsieur le ministre : à la fin de l'année, le département dont je suis l'élu comportera des zones que j’appellerai « grises », zones correspondant aux parties de son territoire pour lesquelles aucun consensus ne s’est fait jour s’agissant de la fixation du périmètre des intercommunalités.
Monsieur le ministre, que se passera-t-il si, le 31 décembre prochain, en dépit de l’avis favorable émis par la CDCI dans les conditions fixées par la loi, c'est-à-dire à la majorité des deux tiers, subsistent de telles zones grises sur le territoire départemental ?
De grâce, ne renvoyons pas cette question aux calendes grecques – je reconnais que l'expression n'est pas très bien choisie aujourd'hui ! –,…
Ce n’est pas de bon augure !
Mme Catherine Procaccia.
(Sourires.)
... alors que, d'une façon générale, les élus se sont fortement mobilisés dans cet exercice et souhaitent obtenir des avancées.
M. Jean-Claude Lenoir.
La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, j’interviendrai plus tard dans l’après-midi sur cette proposition de loi. Dans l’immédiat, je voudrais moi aussi revenir sur les conditions de son examen.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, il ne serait pas inopportun de rappeler les règles applicables au temps imparti à l’examen des textes présentés par les différents groupes au cours de la semaine sénatoriale d’initiative.
Lors de l’examen, par le Sénat, de la réforme constitutionnelle de 2008, que j’avais moi-même défendue dans cette enceinte, je me souviens que nous étions tous convenus, à gauche comme à droite, de ne pas adopter la règle du « temps législatif programmé », que l’Assemblée nationale s’apprêtait à inscrire dans son règlement intérieur. En contrepartie, l’ensemble des groupes s’étaient ralliés à un système équilibré et avaient accepté que l’examen des textes présentés par chacun d’entre eux au cours de la semaine parlementaire d'initiative ne dépasse par le temps, contraint, dévolu aux niches. Tous les groupes, je le répète, avait accepté cette règle.
C’est pourquoi je m'étonne de ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Le texte inscrit dans cette niche a toutes les raisons d'être, mais son examen ne devait pas dépasser quatre heures. Or nous sommes déjà à huit heures de débats, et nous devrions même atteindre douze heures dans la mesure où une quarantaine d'amendements restent à examiner.
Ce qui se passe aujourd’hui est la négation même de l'accord que je viens de rappeler, cet accord aux termes duquel les groupes s’étaient engagés, en contrepartie de l’absence de tout temps programmé, à respecter le temps qui leur était imparti pour l’examen de leurs textes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, je vous le dis en toute tranquillité : le groupe UMP s’étonne que cet accord, qui n’a que trois ans – il ne remonte pas à la préhistoire – soit déjà mis à mal à peine un mois après le changement de majorité. J’imagine donc que, avec le soutien du président du Sénat et du président de la commission des lois, la prochaine niche de l’UMP pourra passer de quatre à douze heures. Et, dans ces conditions, il pourrait en être de même de celle des autres groupes. Je me demande comment, dans ces conditions, pourra être organisé le temps réservé à l’initiative parlementaire. Si le temps imparti à chaque groupe par la conférence des présidents peut être multiplié par deux ou par trois, nous allons être confrontés à des difficultés d’organisation de notre travail.
Monsieur Sueur, au-delà de toute autre considération sur les niches réservées aux groupes, est-il raisonnable que ce texte, auquel vous accordez une importance majeure, soit finalement discuté et adopté un vendredi après-midi, par une douzaine de parlementaires ? Et cela, parce que vous avez porté de quatre à douze heures le temps qui vous était imparti et parce que vous avez modifié l’ordre du jour du Sénat au dernier moment.
L’organisation du travail parlementaire nécessite le respect des décisions de la conférence des présidents. Et celle-ci ne peut pas, du jour au lendemain, revenir sur ses décisions sans risquer de tout perturber.
En outre, je ne suis pas convaincu qu’agir ainsi traduise un respect absolu de la réforme constitutionnelle de 2008. Une telle pratique remet en cause le partage du temps parlementaire et délégitime la décision qui avait été acceptée par tous les présidents de groupe en 2008 : pas de temps contraint comme à l’Assemblée nationale, et respect du temps des niches et des temps de parole.
Ce n’est pas ce qui a eu lieu aujourd’hui. Je considère que c’est un premier accroc qui n’est pas de bon augure pour l’avenir.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai entendu quelques paroles qui me paraissent inappropriées.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J’ai eu l’honneur d’être député pendant dix ans, sénateur pour la même durée, secrétaire d’État pendant deux ans, soit un total de vingt-deux ans. J’ai, pendant cette période, participé à d’innombrables séances de nuit. Jamais je n’ai protesté, vous pourrez le vérifier dans le compte rendu intégral de l’Assemblée nationale ou dans celui du Sénat. J’ai toujours tenu à accomplir mon mandat.
Disons les choses comme elles sont. Selon les procédures qui sont en vigueur, la conférence des présidents a la capacité de proposer l’organisation d’un débat sur un sujet donné, tel jour à telle heure. C’est exactement ce qu’elle a fait le 26 octobre en proposant d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.
Monsieur Karoutchi, lorsque, le 26 octobre, M. Ollier a accepté l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Sénat, il ne s’était pas rendu compte que ce texte tombait sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Et il ne s’en était toujours pas rendu compte lors de la conférence des présidents qui s’est réunie voilà deux jours.
Et puis, un quart d’heure avant le début de la discussion, l’article 40, invoqué par le Gouvernement, s’est abattu sur ce texte.
Que s’est-il produit alors ? Nous avons passé deux heures à discuter de ce sujet, mais dans les pires des conditions, avant que la commission des finances nous sorte de ce mauvais pas et trouve une solution pour permettre au débat de s’instaurer.
La vérité est de nature strictement politique. Je n’aime pas que l’on parle de coup de force : il n’y a eu aucun coup de force.
Je le rappelle, les décisions de la conférence des présidents sont soumises à l’approbation du Sénat souverain réuni en séance publique. Or, le Sénat a adopté mercredi soir les modifications de l’ordre du jour qui lui ont été proposées.
Lorsque la conférence fait une proposition au Sénat, et que ce dernier y souscrit, nous sommes dans l’exercice de la démocratie.
Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Roger Karoutchi.
La vérité est toute simple : il y a une majorité au Sénat, et nous ne nous en excusons pas, monsieur Karoutchi. Cette majorité a considéré qu’il y avait des objectifs politiques,…
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Voilà, dites cela !
M. Roger Karoutchi.
Tout est politique !
Mme Chantal Jouanno.
… comme le fait l’opposition d’aujourd’hui, qui était la majorité d’hier, madame Jouanno. Nous tirons parti de la Constitution et du règlement pour faire en sorte que nos objectifs politiques soient atteints. Nous le faisons dans le strict respect de la Constitution et du règlement.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
M. Roger Karoutchi.
Certainement pas !
Mme Chantal Jouanno.
Vous avez fait cela hier ; …
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Mme Catherine Procaccia et M. Roger Karoutchi.
… nous le faisons aujourd’hui !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Nous prenons toutes nos responsabilités. Nous considérons que la réforme territoriale entraîne de vraies difficultés. Sauf à être en dehors de la réalité, après avoir rencontré plusieurs centaines d’élus locaux, force est de constater que des problèmes se posent.
Bien sûr !
M. Roger Karoutchi.
Nous estimons que cela est prioritaire, c’est notre choix politique,…
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Dîtes-le !
M. Roger Karoutchi.
Je le dis, je ne m’excuse pas de faire de la politique, et vous non plus, me semble-t-il.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
M. Roger Karoutchi.
Nous considérons qu’il est urgent d’apporter des réponses concrètes aux difficultés qui se posent et de remédier au mécontentement des élus locaux sur un certain nombre de points très précis.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Je suis d’accord !
M. Roger Karoutchi.
Votre groupe aussi, monsieur Karoutchi, puisque, hier, Mme Troendle a déclaré que ce texte était important, essentiel.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Absolument !
Mme Nathalie Goulet.
Nous entendons, nous, y compris les élus du groupe UMP, ce que disent les élus locaux.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Cela n’a rien à voir !
M. Roger Karoutchi.
M. Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, considère qu’il faut changer la loi.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
(Protestations sur les travées de l’UMP.)
Je vous citerai sa déclaration.
En fait, la situation est simple : vous faites de la politique ; nous aussi !
Je vais vous répondre !
M. Roger Karoutchi.
Nous considérons qu’il est très important de remédier à la situation dans laquelle se trouvent les élus locaux. À cette fin, la conférence des présidents a proposé d’inscrire la présente proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Sénat. C’est ce qui a été fait : c’est tout. Nous sommes dans le strict respect du règlement, de la Constitution et des lois.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Il faut cesser les polémiques et nous remettre au travail.
Mme Éliane Assassi.
Nous allons y passer une heure de plus !
M. Jean-Pierre Caffet.
C’est votre problème ; c’est vous qui avez voulu cette séance.
M. Roger Karoutchi.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’apporter quelques précisions.
M. Philippe Richert,
ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.
Monsieur Sueur, vous avez déclaré ne jamais avoir émis de réclamation quant aux horaires de travail du Sénat ou de l’Assemblée nationale. Pourtant, je me souviens que vous avez pris la parole, ici même, pour protester contre les conditions de débats de certains textes.
Je parlais non pas des horaires, mais du fond.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Vous étiez de ceux qui, chaque fois que nous siégions en séance de nuit, nous expliquaient que ce n’était pas admissible,…
M. Philippe Richert,
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
… car vous considériez qu’il s’agissait de textes importants qui méritaient d’être examinés dans la sérénité.
M. Philippe Richert,
Mme Troendle a démontré qu’il était nécessaire d’apporter des précisions à l’actuelle loi de réforme des collectivités territoriales et d’ajuster certaines de ses dispositions. C’est pourquoi nous aurions pu vous suivre sur la proposition de loi initiale, qui comportait un article. Mais la commission en a ajouté onze, dont certains « à rallonge ». Nous ne sommes donc plus dans la même situation.
Si nous étions d’accord, comme l’a indiqué Catherine Troendle, pour préciser certaines dispositions de la loi de réforme des collectivités territoriales, nous ne pouvons accepter de remettre à plat, de détricoter, comme l’a dit Jean-Claude Lenoir, l’ensemble du texte de loi.
Très tôt, ce matin, Hervé Maurey a rappelé que l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, avait écrit à des parlementaires, que des membres de tous bords politiques avaient saisi le président du Sénat pour lui demander de maintenir la date du 31 décembre 2012, afin que la loi puisse s’appliquer partout où c’est possible.
Il est en effet important, à la veille du prochain congrès de l’Association des maires de France, de ne pas mettre en
Dans certains départements, il subsistera ce que vous appeliez des « zones grises ». Mais si le schéma est nécessairement départemental, rien n’oblige à ce que l’ensemble du schéma départemental soit revu en fonction des objectifs les plus élevés. Nous n’atteindrons pas la perfection, ni le 31 décembre 2011, ni plus tard.
En d’autres termes, si le 31 décembre 2011, un schéma comprend une zone qui n’a pas encore été « traitée », il sera possible, dans la plage d’une année et demie qui suivra l’adoption du schéma, de travailler sur les compétences, sur la mise en œuvre de chaque intercommunalité et d’apporter les précisions utiles sur les territoires considérés.
C’est ce que disait la Fédération nationale des élus de l’intercommunalité par la voix de son président. Et aujourd’hui encore, des responsables politiques, y compris des socialistes disent : ne bloquez pas, laisser-faire !
Après avoir voulu apporter des précisions qui auraient été utiles, et que nous aurions pu soutenir, vous êtes en train, malheureusement, de bloquer l’élaboration des schémas dans un grand nombre de départements, d’abord en introduisant de nouveaux délais, ensuite en suscitant une nouvelle fois le sentiment que l’on ne pourra pas conduire le processus à son terme. Or tout permet de le faire, il faut simplement en avoir la volonté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la réorganisation des collectivités et des intercommunalités est un dossier important. Veillons donc à nous mettre au service de l’intérêt général et ne captons pas ce sujet pour le réduire à un débat politicien. Je l’ai indiqué d’entrée de jeu, je le répète en cet instant, cette raison m’empêchera d’approuver certains amendements. Je le regrette profondément parce qu’il aurait été bienvenu de préciser, sur quelques points, les dispositions de la loi de réforme des collectivités territoriales. Je regrette que nous n’ayons pas saisi cette occasion de nous mettre d’accord, bien au-delà des clivages habituels, pour élaborer une proposition de loi qui nous aurait permis de faire mieux, d’aller plus vite et plus loin, dans l’intérêt des élus locaux qui portent ces dossiers.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
L'amendement n° 40, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
L’article 5 est assez révélateur du souci d’efficacité qui anime les auteurs de la présente proposition de loi…
Mme Catherine Procaccia.
sur les travées de l’UMP.)
Cet article – est-ce ou non le résultat d’une certaine candeur – vise à instituer une véritable usine à gaz. Il est le fruit de l’imagination fertile du rapporteur et du président de la commission,…
Du rapporteur, mais l’article n’instaure pas une usine à gaz !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
… qui ne nous avaient pas habitués à autant d’originalité : comme quoi, au Sénat, tout est possible !
Mme Catherine Procaccia.
sur les travées de l’UMP.)
Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 5 de la proposition de loi, qui remet en cause la procédure d’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale tel qu’elle est issue de la loi du 16 décembre 2010.
Cet article tend purement et simplement à dessaisir le préfet, représentant de l’État dans le département, de sa responsabilité d’élaborer le schéma, au profit de la commission départementale.
Je fais partie, M. le ministre le sait, de ceux qui ont les premiers attiré son attention, puis celle du Premier ministre, sur des interprétations données par des préfets et sur certaines de leurs actions qui me paraissaient intempestives. Rappelez-vous un certain amendement qui visait à exempter les départements de la petite couronne du calendrier du schéma de l’intercommunalité…
Je n’avais pas pour autant demandé au ministre d’exclure le préfet, parce qu’il est le seul capable de défendre l’intérêt général, et ce quelle que soit la couleur politique du Gouvernement et du Parlement.
Telle est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, la suppression de cet article.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Quelques mots suffiront pour expliquer l’avis défavorable de la commission, et je suis certain que ces explications intéresseront Mme Procaccia.
M. Alain Richard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Première observation : contrairement à la lecture que vous faites du texte, madame, le rôle du préfet est entièrement maintenu, puisque c’est le préfet, vous le savez, qui préside la commission départementale de la coopération intercommunale et que, à chacune des phases de son travail, la CDCI est amenée à prendre une position sur une proposition du préfet.
Vous avez donc sur ce point, me semble-t-il, entièrement satisfaction.
Deuxième observation : si un accord est constaté à la fin de cette année, aux termes de notre proposition, au cours du premier trimestre 2012, la CDCI devra soumettre directement le schéma à l’approbation des conseils municipaux pour constituer les nouvelles communautés. Il n’y aura donc pas de perte de temps.
Ce n’est que dans les cas – vous savez qu’il en existe – où subsistent des différences d’appréciation et des situations de blocage dans le département, que la CDCI, présidée par le préfet, prendra avec lui l’initiative d’une phase de concertation supplémentaire. Nous en parlerons lors de l’examen des amendements suivants.
Madame Procaccia, si vous avez la curiosité de relire l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010, qui fait deux pages et demie, et que vous êtes effarouchée par les textes longs et divisés en paragraphes, vous risquez d’être assez inquiète quant à l’application de la loi actuelle !
Le processus que nous proposons est plus synthétique et ne permet pas de se déjuger entre la phase d’élaboration du schéma et la constitution des communautés. Il est plus transparent et plus loyal vis-à-vis de l’ensemble des partenaires, tout en tenant dans le même calendrier.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Ayant déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le fond de ce dossier lors de la discussion générale, je n’y reviendrai pas.
M. Philippe Richert,
J’ai indiqué que, ce qui comptait pour moi, c’était que l’on facilite la résolution des difficultés là où elles existent, mais qu’on laisse la loi en l’état lorsque tout fonctionne et qu’elle répond aux besoins et aux interrogations des uns et des autres.
Ce n’est malheureusement pas ce qui nous est proposé : une nouvelle procédure s’appliquera dans toutes les hypothèses, même en cas d’accord.
Mme Nathalie Goulet.
Bien sûr que si ! Relisez le texte : une nouvelle procédure est mise en place même en cas d’accord, et je le regrette. J’aurais souhaité que la procédure actuelle soit conservée, avec éventuellement quelques ajustements et précisions, et que l’ensemble ne soit pas remis à plat.
M. Philippe Richert,
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, j’émets un avis favorable sur l’amendement 40. S’il était adopté, ce serait une garantie pour ceux qui sont en train d’achever un travail intéressant commencé depuis presque un an.
Certes, des difficultés existent et les reformulations sont parfois inévitables. Nous n’imaginons pas refaire la carte des intercommunalités sur l’ensemble du territoire sans prévoir de débats. Il est sûr qu’à certains moments on s’interroge, on hésite… Est-ce à dire qu’il faut tout remettre à plat au bout de six ou huit mois, même si un accord a été conclu ? S’il y a accord, il faut laisser les choses aller jusqu’à leur terme. Écrivons-le au lieu d’instaurer une procédure totalement nouvelle qui s’appliquera même là où une solution a été trouvée !
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
M. le président.
Je dirai seulement que le groupe de l’Union centriste et républicaine votera contre cet amendement de suppression.
Mme Nathalie Goulet.
M. Yves Pozzo di Borgo.
Ah bon ? À l’exception de M. Pozzo di Borgo, alors !
Mme Nathalie Goulet.
(Sourires.)
Nous nous sommes beaucoup expliqués hier sur le nouveau rôle de la CDCI. M. le ministre nous parle du préfet, notre collègue de l’Orne nous dit : « J’organise ». Moi, je préfère que la CDCI puisse intervenir.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. le président.
Sans risque de me tromper, je dirai que le groupe UMP votera l’amendement de suppression de cet article 5.
M. Jean-Claude Lenoir.
Sans exception !
M. Roger Karoutchi.
(Sourires.)
Monsieur Richard, rien n’est pire que de remettre en cause régulièrement une procédure qui a déjà été engagée.
M. Jean-Claude Lenoir.
Depuis des mois, les élus travaillent, sur le terrain, à la mise en application de la loi du 16 décembre 2010. Que s’est-il passé quand nous avons appris qu’un texte émanant du Sénat allait modifier cette procédure et le calendrier prévu ? Les travaux en cours ont été presque immédiatement suspendus.
Évidemment !
M. Philippe Richert,
… et certains se sont demandés pourquoi ils continueraient à travailler. À quoi bon se réunir régulièrement sur le terrain et au sein de la commission départementale, si c’est pour apprendre que ce travail est inutile ?
M. Jean-Claude Lenoir.
En fait, l’article 5 est trop compliqué et il compromet le calendrier auquel les élus s’étaient finalement attachés. Or nous savons bien – cela correspond à notre mentalité – que, lorsqu’un calendrier contraignant peut être modifié, nous saisissons la perche pour gagner du temps. Que c’est bon de jouir du temps et d’avoir l’impression qu’on peut encore réfléchir… Or, en général, monsieur Richard, le résultat est finalement tout à fait comparable à celui auquel on serait arrivé en respectant tout simplement le calendrier.
J’ai entendu ma collègue du département de l’Orne donner son sentiment sur cette proposition de loi et dire qu’elle était prête à voter contre cet amendement. Pour ma part, je voudrais apporter mon témoignage.
Je suis président d’une communauté de communes, je travaille beaucoup avec les élus et les intercommunalités, et je siège au sein de la commission départementale. Je ne m’exprime pas à titre personnel ; je crois être porteur d’une opinion largement partagée, au-delà des clivages politiques traditionnels.
Je mets aux voix l'amendement n° 40.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° 49 rectifié
M. le président.
Alinéa 6, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les propositions de modification du projet de schéma conformes aux I à III de l’article L. 5210‑1‑1, adoptées par la commission départementale de la coopération intercommunale à la majorité des deux tiers de ses membres, sont intégrées dans le projet de schéma.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Nous venons de passer trente minutes à débattre de questions très éloignées du texte, et chacun a sa propre lecture des conditions dans lesquelles nous travaillons. En tout cas, la longueur des débats témoigne du fait que cette loi du 16 décembre 2010 exigeait de nombreuses explications, adaptations et modifications.
M. Pierre Jarlier.
Les élus veulent rester acteurs de l’élaboration des schémas de coopération intercommunale. Or il est clair qu’avec la loi du 16 décembre 2010, si aucun schéma n’était adopté au 31 décembre 2011, le préfet reprendrait totalement la main.
Par conséquent, une question se pose sur le rôle des élus au terme de ce délai. Il est donc nécessaire, dans la proposition de loi, de prévoir les moyens d’associer les élus à chaque stade de l’élaboration du schéma.
Il est indispensable que les membres de la CDCI puissent continuer à faire évoluer le schéma départemental de coopération intercommunale. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à garantir que les commissions départementales de coopération intercommunale conserveront leur pouvoir d’amendement du projet de schéma qui leur est soumis à chaque stade de la procédure d’élaboration. En outre, ce pouvoir devra s’exercer à la majorité des deux tiers, comme c’était le cas dans le texte initialement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission n’a pas retenu cet amendement, parce qu’il est satisfait par l’alinéa 6 de l’article 5.
M. Alain Richard,
rapporteur.
En effet, dans le processus que nous proposons, le projet soumis au débat des communes est adopté par la CDCI, les votes étant dénombrés par rapport aux suffrages exprimés, c’est-à-dire sans compter les absents pour calculer la majorité.
Afin de favoriser le dialogue et la concertation, nous prévoyons que le premier projet soit adopté à la majorité simple. C’est la proposition finale qui doit, elle, pour traduire l’engagement de la CDCI et pour que le projet présente toutes les garanties de légitimité, être adoptée à la majorité des deux tiers.
Nous n’avons pas adopté cet amendement en commission, et je suggère à son auteur de bien vouloir le retirer dans la mesure où, je le répète, il est déjà satisfait.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Chacun aura compris que le Gouvernement n’est pas favorable au détricotage de la procédure telle qu’elle a été mise en place afin de régler toutes les situations délicates qui pourraient se présenter.
M. Philippe Richert,
C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas instaurer une procédure qui ait pour conséquence la remise en cause de tous les engagements qui avaient été pris. Par conséquent, sur cette procédure de substitution au système existant, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur Jarlier, l'amendement n° 49 rectifié
M. le président.
Si M. le rapporteur nous confirme que les élus seront associés à chaque stade de l’élaboration du schéma – ce point est l’un des éléments essentiels auquel nous tenons particulièrement –, nous accepterons de retirer cet amendement.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous confirmer ce point ?
M. le président.
Je le confirme, en citant à l’appui la dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 5 de la proposition de loi : « La commission départementale de la coopération intercommunale adopte le projet de schéma à la majorité de ses membres. »
M. Alain Richard,
rapporteur.
Donc, c’est bien la CDCI qui se prononce, après avoir entendu tout le monde et sur le rapport du préfet.
Monsieur Jarlier, que décidez-vous ?
M. le président.
Je retire l'amendement, monsieur le président.
M. Pierre Jarlier.
L'amendement n° 49 rectifié
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase
II.- Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer les mots :
et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
J’ai écouté avec la plus grande attention les débats d’hier. M. le rapporteur et M. le ministre nous ont apporté des informations complémentaires tout à fait essentielles à la bonne application de la loi de décembre 2010.
Mme Anne-Marie Escoffier.
Monsieur le ministre, compte tenu de ce que j’ai entendu et vu autour de moi, je souhaite vous dire combien j’adhère à votre conception. En effet, il faudrait rédiger un texte qui permette d’ici à la fin de l’année l’élaboration de schémas de façon cohérente et presque collégiale.
Cependant, je souscris aux propos de notre rapporteur en relevant que le texte en vigueur rendrait impossible l’application des dispositions que vous affirmez pouvoir mettre en œuvre. À mes yeux, il y a une distorsion entre le texte de la loi et l’objectif que vous visez, et dont je vous donne acte, monsieur le ministre. C’est là le véritable problème auquel nous sommes confrontés.
Monsieur le rapporteur, hier, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos au sujet de l’alinéa 6, sur lequel porte notre amendement. Vous avez clairement précisé qu’il s’agissait d’une première expression « non-engageante », pour reprendre vos propres termes.
C’est la raison pour laquelle, nous retirons notre amendement.
L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
Madame le sénateur, j’ai moi-même réfléchi à cette question, et je souhaite faire un pas dans la direction que vous indiquez.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je suis conscient du fait que la simple mention des compétences intercommunales provoque une gêne. Les représentants de l’association des maires de France et des associations des communautés de France l’ont d’ailleurs clairement exprimée lorsque je me suis entretenu avec eux, il y a quelques semaines.
Pourquoi avons-nous fait mention des compétences intercommunales ? Parce que nous savons tous que le « produit fini » – c'est-à-dire les délégations de pouvoir que les communes confient à leur communauté – constituent un sujet majeur de préoccupations, notamment dans le cadre des créations ou des fusions d’intercommunalités. Il nous a donc semblé préférable de le mettre sur la table.
Toutefois, les représentants des associations nous ont dit : « Prenez garde, les communes souhaitent réellement que la question des compétences soit discutée dans leur cercle ».
Au regard de ma modeste expérience – monsieur Lenoir, vous n’êtes pas le seul dans cet hémicycle à travailler sur le terrain et à avoir quelque expérience d’élu local –, je suis convaincu que la question des compétences se posera quoi qu’il en soit.
Néanmoins, étant donné que la mention des compétences – même à titre indicatif –au cours de la première phase de la procédure provoque une gêne ou un risque d’incompréhension, je propose de la supprimer ; elle restera implicite.
Madame Escoffier, je suis heureux que nous nous soyons ainsi rapprochés au terme de nos différents échanges.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
M. le président.
Je confirme le retrait de notre amendement, d’autant que le verbe figurant à l’alinéa 6 est au conditionnel et que l’alinéa 7 mentionne « un choix indicatif : il s’agit bien d’une « expression non-engageante », comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.
Mme Anne-Marie Escoffier.
L'amendement n° 53 rectifié
M. le président.
Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement est assorti d’un sous-amendement n° 69, présenté par M. Jarlier, et ainsi libellé :
Amendement n° 53
Compléter cet amendement par trois alinéas ainsi rédigés :
… – Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer les mots :
et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant
L’amendement n° 53 rectifié
En conséquence, le sous-amendement n° 69 n’a plus d’objet.
La parole est à M. le rapporteur.
Je reprends le texte de l’amendement modifié par le sous-amendement.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je suis donc saisi par M. Richard, au nom de la commission, d’un amendement n° 72 ainsi rédigé :
M. le président.
I.- Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II.- Alinéa 7, deuxième phrase
supprimer les mots :
et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
La loyauté me commande de reprendre ces deux textes : j’en avais en quelque sorte pris l’engagement, hier.
M. Alain Richard,
rapporteur.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. le président.
Le sous-amendement n° 69, portant sur l’alinéa 7, visait à supprimer toute indication concernant les compétences que devraient exercer les communautés. L’amendement de Mme Gourault, qui portait sur l’alinéa 6, avait le même objet. Nous entendions éviter de porter atteinte au principe de subsidiarité, auquel les communes sont très attachées, tout en simplifiant le dispositif.
M. Pierre Jarlier.
Hier, nous avons consacré de longues minutes à ce débat : les élus locaux tiennent à ce que le jeu des compétences n’entre pas dans l’élaboration du schéma. Ainsi, seul le projet de territoire élaboré par l’intercommunalité permettra de définir ces compétences.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier d’avoir tenu compte de notre position et d’avoir repris l’amendement de Mme Gourault, ainsi que notre sous-amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
J’ai déjà évoqué ce sujet cette nuit, chacun s’en souvient : il me semble difficile d’admettre que la CDCI détermine les compétences de chaque intercommunalité.
M. Philippe Richert,
On s’aperçoit aujourd’hui que nous avions raison de le souligner, et je m’en félicite. Je le répète, c’est sur l’ensemble de la procédure telle qu’elle est définie aux articles 5 et 7 que le Gouvernement émet un avis défavorable.
Chacun l’aura compris, sur ce sujet précis, on semble aller maintenant dans la direction que nous avions souhaitée.
M. Jean-Pierre Sueur
, président de la commission des lois.
Toutefois, je regrette que l’on s’écarte de ce que j’avais préconisé et qui me semble relever du bon sens : permettre d’appliquer la procédure lorsque cela est possible.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 72.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 65, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
I. – Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
par les mots :
de trois mois
II. – Alinéa 12, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur les éléments visés au premier alinéa du présent IV
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’une rectification que je propose avec l’accord de la commission.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Il nous paraît nécessaire en effet de porter à trois mois le délai accordé à la CDCI pour que, à l’issue des consultations des communes et des établissements publics de coopération intercommunale – consultations qui semblent avoir fait défaut dans la procédure actuellement en vigueur – elle fasse la synthèse et adopte, sous la présidence du préfet, la proposition finale, déclenchant directement la création des nouvelles communautés ; ainsi, il ne sera pas nécessaire de passer par une nouvelle phase de préparation préfectorale.
Si le préfet a dialogué avec la CDCI et si la synthèse a été adoptée, le projet peut être directement soumis à l’approbation des conseils municipaux.
Pour répondre à une objection formulée cette nuit par M. le ministre et qui mérite toute notre attention, je rappellerai que ce dispositif figure dans l’article L 5210-1-1 du CGCT, qui est d’une parfaite clarté : lors de la révision du schéma – qui intervient au moins une fois tous les six ans – la consultation des communes donne le coup d’envoi de la procédure d’approbation de la CDCI, laquelle adopte les modifications du schéma à la majorité qualifiée.
Il ne s’agit certes pas de la procédure classique relative à la mise en œuvre des communautés, mais c’est bien pour cela qu’ont été prévus les schémas !
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il est inutile d’exposer à nouveau la position du Gouvernement, qui émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 65.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 50 rectifié
M. le président.
Remplacer les mots :
la proposition finale
par les mots :
le projet de schéma
La parole est à M. Pierre Jarlier.
Cet amendement de nature rédactionnelle a son importance : en effet, le terme de « proposition finale » laisse planer une ambiguïté concernant la consultation des conseils municipaux prévue à ce stade. Nous jugeons donc préférable de maintenir le terme de « projet de schéma » jusqu’à la fin de cette consultation.
M. Pierre Jarlier.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Monsieur Jarlier, nous avons opté pour une procédure en deux temps, comparable à celle que prévoit la loi actuellement en vigueur, à cette différence près que les deux phases ne sont pas les mêmes.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Tout d’abord, dans le dispositif que nous proposons, les projets donnent lieu à une concertation entre les communes, qui expriment leurs positions sans s’engager pour autant. Puis, un second document forme la base du contrat sur lequel les conseils municipaux doivent se prononcer. C’est l’équivalent de l’arrêté préfectoral de périmètre dans la procédure classique.
Afin de délimiter clairement les deux temps, nous avons qualifié de « projet » le texte de la première phase – c'est-à-dire la proposition ouverte – et de « proposition finale » le texte de la seconde : c’est sur ce texte – qui vaut contrat – que les conseils municipaux doivent se prononcer par oui ou par non.
Par ailleurs, nous avons préféré rétablir la majorité qualifiée globale, c'est-à-dire deux tiers au moins des conseils municipaux représentant la moitié de la population, ou la moitié au moins des conseils municipaux représentant les deux tiers de la population.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir été si explicite : en effet, vous soulignez clairement que la nouvelle procédure remplacera systématiquement l’ancienne, même en cas d’accord.
M. Philippe Richert,
Tout à l’heure, sur ces travées, certains semblaient croire que l’ancienne procédure pourrait être poursuivie. Or tel n’est pas le cas : la nouvelle procédure sera appliquée à l’ensemble des schémas en cours, en vertu d’un nouveau calendrier. Malheureusement, les communes qui étaient déjà parvenues à un stade avancé de l’ancienne procédure seront obligées de reprendre l’ensemble du processus. Cette nouvelle procédure induit donc une rupture, que je déplore.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. le président.
Compte tenu des précisions qui viennent d’être apportées, je retire mon amendement. Néanmoins, le terme de « proposition finale » ne me semble pas approprié. En effet, si aucune majorité qualifiée ne se dégage à l’issue de la consultation, le schéma reste modifiable – ce qui est d’ailleurs tout à fait normal.
M. Pierre Jarlier.
L’amendement n° 50 rectifié
M. le président.
L'amendement n° 68, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet alinéa :
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit de rectifier une erreur commise lors de l’insertion d’un amendement de Mme Gourault dans le texte de la commission : en effet, l’alinéa 19 prévoit ce qu’il est convenu d’appeler une « clause de revoyure ».
M. Alain Richard,
rapporteur.
À mes yeux, le terme n’est pas très convenable et je lui préfère, en bon français, celui de « clause de rendez-vous ». Quoi qu’il en soit, nous avons inclus cette clause dans la proposition de loi, en supprimant l’alinéa qui prévoit la révision du schéma tous les six ans au moins. Il convient de rétablir cette disposition, sans bien entendu supprimer la clause de rendez-vous.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 68.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l’article.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, vous jugez la rédaction actuelle plus simple et la nouvelle procédure meilleure. Le groupe UMP n’en est pas pleinement convaincu.
Mme Catherine Procaccia.
L’éviction quasi complète du préfet nous dérange. Il reste certes associé aux différentes étapes, mais, contrairement à ce que vous prétendez, il ne joue plus son rôle de facilitateur, notamment en cas de divergence entre les communes et la CDCI. Le préfet est pourtant le seul à avoir une vision globale de l’aménagement du territoire dans le département. D’autant qu’avec la multiplication des consultations, la moitié d’un mandat sera bientôt nécessaire pour assister à toutes les réunions de la CDCI…
C’est dur la démocratie !
Mme Éliane Assassi.
Ensuite, cet article 5 aurait pour effet de déposséder les communes de leurs prérogatives au profit de la CDCI, qui déciderait de tout, ou presque. La garantie de l’autonomie des communes vis-à-vis des intercommunalités ne me paraît pas assurée.
Mme Catherine Procaccia.
Dans mon département du Val-de-Marne, à majorité communiste, nombre de communes ne sont pas constituées en intercommunalités et, quelle que soit leur couleur politique, nous ne souhaitons pas les contraindre à s’engager dans cette voie. Or la CDCI va pouvoir leur imposer un schéma. Étrange conception de la démocratie locale !
Il aurait amplement suffi, comme l’avait proposé le Premier ministre, de laisser le temps nécessaire et de donner des instructions aux préfets.
Je le redis : le seul but de cet article est de faire croire que l’éviction du préfet réglera tous les problèmes dans le département. Ce n’est pas le cas, et surtout, l’intérêt général n’en sortira pas renforcé.
La gauche réclame toujours plus d’État, mais, en l’occurrence, elle contredit ses principes.
On veut davantage de démocratie et de concertation !
M. Roland Courteau.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet article.
Mme Catherine Procaccia.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Le sens de l’État est largement partagé sur ces travées, madame Procaccia. J’étais, il y a trente ans, rapporteur de la loi de décentralisation à l’Assemblée nationale, Michel Giraud, dont nous avons malheureusement appris la disparition ces jours derniers, l’étant pour le Sénat. Nous avions eu à l’époque une discussion d’une grande profondeur et j’avais beaucoup apprécié sa chaleur humaine et son sens de l’intérêt général.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Nous avons décentralisé ce pays. À l’époque, le sujet était très controversé,
(M. Roland Courteau marque son approbation.)
Lors de ce débat, en 1981, j’avais commis l’erreur de méconnaître le rôle constitutionnel des préfets dans le contrôle de légalité des délibérations des collectivités. Jugeant que la publication de celles-ci était suffisante pour permettre le contrôle de légalité, j’avais demandé au Parlement, qui m’avait suivi, de ne pas exiger des collectivités qu’elles transmettent spécifiquement leurs actes au représentant de l’État.
Le Conseil constitutionnel m’a donné tort. Je m’en souviens et je ne chercherai donc jamais à remettre en cause le rôle constitutionnel des préfets.
Mais, de votre côté, madame, acceptez de considérer qu’un collège d’élus dotés d’un minimum d’expérience est capable de mener une réflexion sur l’aménagement du territoire, de dialoguer de façon constructive avec un préfet et de dégager une solution d’intérêt général.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. le président.
Je confirme mon opposition à cet article 5.
M. Jean-Claude Lenoir.
Son péché originel est de vouloir détricoter la loi de 2010. Je dis : halte ! car cette volonté est loin d’être partagée.
Son adoption porterait également un coup d’arrêt aux discussions qui, dans la plupart des départements, se sont engagées entre les élus des communes et des communautés de communes.
L’existence d’une nouvelle procédure va inévitablement inciter les élus membres des commissions départementales à différer leurs travaux.
Vous ne mesurez pas aujourd’hui le retard que vous allez faire prendre à la construction d’une intercommunalité dont nous avons tant besoin.
Mais non !
M. Roland Courteau.
Il faut dire très clairement la vérité : l’objectif de l’article 5 est de diluer dans le temps l’exercice que la loi du 10 décembre 2010 nous invitait à engager.
M. Jean-Claude Lenoir.
Vous niez l’évidence !
M. Alain Richard,
rapporteur.
À en croire M. le rapporteur, il faudrait absolument que ce texte soit voté pour que les élus s’entendent et engagent une concertation avec le représentant de l’État. Il oublie toutefois que les discussions ont commencé depuis plusieurs mois. La concertation est en cours, et nous sommes nombreux dans cet hémicycle à pouvoir en témoigner.
M. Jean-Claude Lenoir.
Tout va bien, donc ?
M. Alain Richard,
rapporteur.
Faites confiance à la nature humaine et au sens de l’intérêt général des élus, monsieur Richard. Quelle que soit leur appartenance politique, ils sont capables de discuter et de s’entendre.
M. Jean-Claude Lenoir.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Monsieur Lenoir, vos propos me rappellent ceux de Pangloss dans
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
C’est une belle référence !
M. Jean-Claude Lenoir.
Il va répétant que tout est bien et que la nature humaine réglera tous les problèmes…
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
C’est en cela que Voltaire rejoint Rousseau !
M. Jean-Claude Lenoir.
Je me demande, monsieur Lenoir, si nous vivons dans le même monde !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
En arpentant nos départements, nous avons entendu énormément de critiques sur les délais, les dates, la composition des conseils, les compétences, les syndicats…
Le malaise est palpable et vous savez tout comme moi, monsieur le ministre, que des problèmes se posent dans nombre de départements. Non, tout ne va pas bien !
C’est pourquoi nous mettons tout en œuvre pour que ce texte soit adopté rapidement, non pour satisfaire les intérêts de la majorité du Sénat ou de l’opposition de l’Assemblée nationale, mais pour répondre à une préoccupation d’intérêt général. Les propositions simples et précises qu’il contient, loin de faire perdre du temps, en feront au contraire gagner !
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Je n’ai pas entendu M. Lenoir dire que tout allait bien.
M. Philippe Richert,
Simplement, comme nous en avons assez unanimement convenu tout à l’heure, les choses bougent au sein des commissions départementales. Les retours que j’en ai, par les élus et les préfets, le confirment.
L’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, a dit clairement qu’elle ne voulait pas de moratoire. Faudra-t-il tout remettre à plat et engager une nouvelle procédure ? Tous ceux qui étaient en train de travailler à l’élaboration d’un schéma pour le 31 décembre 2011 vont se dire que, désormais, rien ne presse.
J’ai peur que nous ne perdions du temps, que la dynamique s’essouffle et que des problèmes réglés resurgissent.
Nous ne disons pas que tout va bien et nous ne l’avons jamais dit. Simplement, quand les choses vont dans la bonne direction, mieux vaut les encourager que les décourager. Nous risquerions, sinon, de rater un rendez-vous important.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
M. le président.
(L'article 5 est adopté.)
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Jarlier, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l'article L. 5211-43 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par ailleurs, les parlementaires du département en sont membres de droit. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement traite de la présence des parlementaires au sein de la CDCI. Nous en avions déjà longuement débattu en 2010, mais j’avais alors retiré ma proposition, me fiant naïvement aux engagements du Gouvernement.
Mme Nathalie Goulet.
En commission, notre collègue du Nord a expliqué que, si la trentaine de parlementaires de son département rejoignait la commission, celle-ci allait devenir pléthorique.
À l’époque, cet amendement avait toutefois reçu le soutien de parlementaires aussi divers que Mme Borvo Cohen-Seat, Mme Bourzai ou M. Vasselle.
De plus en plus de parlementaires vont s’abstenir de cumuler les mandats. S’ils n’ont pas d’autre mandat, ils ne seront donc plus membres de la CDCI, ce qui leur posera un problème d’accès à l’information.
Lors de l’examen de la loi de réforme des collectivités territoriales, il m’avait été répondu : faites démissionner quelqu’un et présentez-vous ! Voilà une conception un peu particulière… En tout état de cause, il ne me semble pas du tout aberrant qu’un parlementaire puisse siéger au sein de la CDCI.
Je comprends bien l’argument qui m’avait été opposé s’agissant du nombre d’élus dans la CDCI, mais je tenais à déposer de nouveau cet amendement pour avoir l’avis du Gouvernement sur la présence des parlementaires « hors-sol », si je puis dire, au sein de cette instance.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Loin de moi l’idée d’essayer de profiter de la naïveté de Mme Goulet, une naïveté qui a, somme toute, ses limites…
M. Alain Richard,
rapporteur.
Vous n’y croyez pas !
Mme Catherine Procaccia.
(Sourires.)
Je veux la convaincre de retirer son amendement pour des motifs tout à fait raisonnables.
M. Alain Richard,
rapporteur.
La CDCI est une instance représentative des élus locaux, répartis en collèges de manière à assurer un certain équilibre entre les différentes catégories d’élus locaux. Le mode d’élection prévu par la législation vise également à assurer un équilibre des familles politiques.
Le parlementaire, lui, remplit une fonction institutionnelle différente : il n’est pas, par nature, un élu local, même s’il peut l’être par choix pour l’instant. Au demeurant, il peut parfaitement s’intéresser à ce qui se passe au sein de la CDCI.
Cela vaut mieux !
Mme Nathalie Goulet.
Certains d’entre nous, dont je fais partie, ont fait le choix de quitter la CDCI lorsqu’ils sont devenus parlementaires, parce que les missions de l’élu local et du parlementaire sont différentes.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Par ailleurs, je vous rappelle que l’une des dispositions réglementaires prises en application de l’article L. 5211-43 du code des collectivités territoriales prévoit que les séances de la CDCI sont ouvertes au public ; pour ma part, j’y assisterai.
Je veux vous rendre sensible au fait que cette instance offre des possibilités de dialogue et de rapprochement entre les élus locaux eu égard à sa composition, qui, après mûre réflexion, est aujourd'hui consensuelle et permanente. S’il le souhaite, un parlementaire peut parfaitement jouer un rôle de médiateur ou de facilitateur au sein de la CDCI sans en être membre.
Un équilibre a été trouvé dans la composition de cette instance de manière à lui assurer une bonne représentativité. L’arrivée de parlementaires en son sein est de nature à perturber cet équilibre, qui a été, à mon avis, assez judicieusement calé.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
M. le président.
Je suis beaucoup plus convaincue aujourd'hui par les arguments avancés par M. le rapporteur que je ne l’ai été par ceux de notre collègue Jean-Jacques Hyest, en février dernier.
Mme Nathalie Goulet.
M. Roger Karoutchi.
C’est mon droit, mon cher collègue !
Mme Nathalie Goulet.
Aussi, je retire mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 8 rectifié est retiré.
M. le président.
Les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre créé pour la mise en œuvre du schéma départemental de coopération intercommunale prévu à l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales disposent d’un délai de six mois à compter de sa création pour se mettre en conformité avec le II de l’article L. 5214-16 du même code en cas de création d’une communauté de communes ou le II de l’article L. 5216-5 du même code en cas de création d’une communauté d’agglomération.
Si les communes ne se sont pas mises en conformité avec ces dispositions dans ce délai suivant la procédure définie à l’article L. 5211-17 du même code, le nouvel établissement public exerce les compétences prévues, selon le cas, au 1° du II de l’article L. 5214-16 ou aux 1°, 4° et 5° du II de l’article L. 5216-5 dudit code, tel que constaté par arrêté du représentant de l’État dans le département.
L'amendement n° 41, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
J’ai bien écouté les précisions apportées par M. le rapporteur sur l’état d’esprit qui a présidé à l’élaboration du texte proposé par la commission. Aussi suis-je assez étonnée qu’y ait été introduit l’article 6, un article qui substitue, au nom de la décentralisation, que vous prônez, à la concertation l’obligation par la loi et à la rationalisation une nouvelle forme de complexité.
Mme Chantal Jouanno.
Tout d’abord, le premier alinéa de cet article prévoit que les communes membres d’un EPCI à fiscalité propre disposent d’un délai de six mois pour choisir parmi les compétences optionnelles. Pourquoi avoir fixé ce délai ?
Je vais vous l’expliquer, madame Jouanno !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Peut-être pour laisser passer encore un peu plus de temps avant de parvenir au rapprochement intercommunal…
Mme Chantal Jouanno.
Mais c’est surtout le second alinéa de cet article qui m’interpelle. Si les communes ne se sont pas mises en conformité dans ce délai, c’est non plus par la concertation qu’elles se mettront d’accord, mais par la loi. C’est la loi qui leur impose d’exercer les compétences optionnelles : une seule pour les communautés de communes, trois au lieu de six pour les communautés d’agglomération.
Je comprends assez mal la logique qui a présidé à l’élaboration de cet article. Surtout, je comprends mal la raison pour laquelle la loi devrait se substituer à la procédure de concertation prévue dans la loi de 2010.
Il est vrai que cette procédure octroie un rôle important au préfet dans la mesure où celui-ci doit écouter l’avis de la CDCI et entendre les présidents et les maires d’EPCI concernés. Toutefois, j’estime, pour ma part, que le préfet est plus à même d’organiser la concertation. À cet égard, je dois dire que je n’aime pas beaucoup la manière dont vous considérez le rôle des préfets au travers de cet article, ni d’ailleurs dans l’ensemble du texte.
C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui vise tout simplement à supprimer l’article 6.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je pense parvenir à vous convaincre, madame Jouanno…
M. Alain Richard,
rapporteur.
J’en doute…
Mme Chantal Jouanno.
Mais si, parce que je suis convaincu de votre écoute et de votre bonne foi.
M. Alain Richard,
rapporteur.
La loi en vigueur prévoit exactement la même procédure, …
Mme Chantal Jouanno.
… avec un délai plus court et une conséquence curieuse.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Pourquoi avoir prévu une date butoir ? Tout le monde est d’accord – et je suis sûr que vous partagez cet avis ! – pour que les nouvelles communautés soient en place au 1
En réalité, cet article est beaucoup moins contraignant que celui qui est actuellement en vigueur dans la mesure où il prévoit des dispositions particulières uniquement pour la création d’une nouvelle communauté. Si l’on veut créer une nouvelle communauté, pour qu’elle puisse fonctionner le 1
Vous allez créer deux sortes de communautés !
Mme Chantal Jouanno.
La loi actuelle prévoit exactement le même dispositif, avec un délai pour la détermination des compétences et, à défaut d’accord, l’attribution de compétences d’office. Telles sont les dispositions actuellement en vigueur !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Pas dans la loi !
Mme Chantal Jouanno.
Bien sûr que si ! C’est ce que prévoit l’article 60 ! Je vous en donne lecture quand vous voulez !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Vous, vous créez deux sortes de communautés !
Mme Chantal Jouanno.
En revanche, madame, laissez-moi vous signaler une curiosité, si vous acceptez de m’écouter jusqu’au bout.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Savez-vous ce que prévoit la loi actuellement en vigueur, qui a été votée par votre majorité, lorsque des communes peinent à se mettre d’accord sur des compétences à déléguer ? …
Vous allez me le rappeler !
Mme Chantal Jouanno.
Dans ce cas, toutes les compétences optionnelles s’imposent à la communauté. Si les communes hésitent sur la délégation de compétences optionnelles et ne sont pas parvenues à un accord, celles-ci leur sont retirées d’office et sont déléguées à la communauté ! Voilà qui est, par excellence, de nature à engendrer une situation conflictuelle !
M. Alain Richard,
rapporteur.
La proposition que nous faisons est beaucoup plus modérée. Elle ne s’applique qu’en cas de création d’une communauté. Pour une modification de communauté, c’est le droit commun qui s’applique, lequel respecte pleinement la liberté des communes.
Pour pouvoir respecter la date butoir du 1
. C’est le bon sens !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
On voit clairement une nouvelle fois la différence qui existe entre nous en termes de
M. Philippe Richert,
Vous l’avez répété, monsieur le rapporteur, l’objectif est que tout soit terminé pour le 1
Pas du tout !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Les schémas départementaux de coopération intercommunale doivent être adoptés au 31 décembre 2011. Ensuite, les collectivités disposent d’un an et demi pour le mettre en œuvre en définissant notamment les compétences.
M. Philippe Richert,
Si, dans un an et demi, dans le laps de temps qui sépare l’adoption du schéma de coopération intercommunale et le 1
et c’est la différence entre les deux textes –,…
Écoutez bien, madame Jouanno !
M. Alain Richard,
rapporteur.
… c’est un socle minimum de compétences qui sera transféré à la communauté, contrairement au texte en vigueur, qui prévoit le transfert de l’ensemble des compétences optionnelles.
M. Philippe Richert,
M. Alain Richard,
rapporteur.
Comme les communes ont un an et demi pour délibérer sur les compétences, il est vrai que nous avons souhaité, pour notre part, placer la barre plus haute que le
M. Philippe Richert,
minimum minimorum
Monsieur le rapporteur, dans le texte qui nous est soumis, vous proposez de ne transférer comme compétences optionnelles aux communautés de communes que celles composant le socle dénommé « protection et mise en valeur de l’environnement et soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie » ; c’est tout ! Cela signifie que vous videz complètement de substance les compétences que peuvent recevoir les communautés de communes en matière de compétences optionnelles
On attend qu’elles soient d’accord !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Comme on le dit depuis le début, les communes disposent d’un an et demi pour discuter et décider. Nous n’avons pas prévu tout ce temps pour qu’elles n’aient, au final, qu’une seule ligne de compétences à partager. Lors du débat sur la loi de décembre 2010, le législateur a demandé le transfert d’un maximum de compétences en cas de non-accord, précisément pour encourager les communes à en trouver un !
M. Philippe Richert,
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement estime que la proposition de la commission est moins intéressante et qu’il émet, vous l’aurez compris, un avis favorable sur l’amendement n° 41.
Je mets aux voix l'amendement n° 41.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° 64, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre créé
par les mots :
d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération créée
Remplacer les mots :
, tel que constaté
par les mots :
; cette liste de compétences est constatée
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Sans avis… Sagesse !
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 64.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
M. le président.
(L'article 6 est adopté.)
I. – Le schéma départemental de coopération intercommunale mentionné à l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est adopté avant le 31 mars 2013.
Le projet de schéma est établi avant le 31 mars 2012. Le préfet communique à la commission départementale de la coopération intercommunale les travaux déjà réalisés dans le cadre de l’article L. 5210‑1-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Au regard de ces travaux, la commission peut décider, à la majorité des trois-quarts des suffrages exprimés, d’adopter la proposition finale de schéma sans procéder aux consultations prévues au troisième alinéa du IV de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.
La proposition finale est adoptée avant le 31 octobre 2012.
L’accord des communes est recueilli avant le 31 janvier 2013.
II. – L’application du cinquième alinéa du IV de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales emporte le report de deux mois des dates prévues aux troisième et quatrième alinéas du I du présent article.
III. – Les articles 37, 60 et 61 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales sont abrogés.
La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, je tiens en fait à m’exprimer dès à présent sur l’article, car je crains de devoir partir avant de pouvoir défendre les amendements dont je suis cosignataire.
M. Pierre Jarlier.
Cet article doit permettre de répondre précisément aux questions que se posent les élus quant à l’incidence de cette proposition de loi sur les délais de validation du schéma départemental de coopération intercommunale. On peut en effet se demander si ce texte va, oui ou non, entraîner des retards dans l’élaboration des schémas qui font aujourd'hui l’objet d’un consensus.
Dans de nombreux départements, ces schémas recueillent une large adhésion des élus et ils pourront être validés au 31 décembre prochain ou, à défaut, au tout début de l’année 2012. Pouvez-vous nous indiquer comment se déroulera, en fonction du processus prévu par cette proposition de loi, le suivi de l’élaboration et de la mise en place des nouvelles intercommunalités ? Pouvez-vous nous assurer que le calendrier sera bien respecté ?
Cela étant, nous souhaiterions que, lorsqu’il y a véritablement consensus, la date limite avant laquelle le projet de SDCI doit être établi soit légèrement avancée : vous proposez que ce soit avant le 31 mars 2012 ; nous préférerions que ce soit plutôt 31 décembre 2011, sauf si la CDCI se prononce à la majorité des deux tiers pour la date du 31 mars 2012. Ainsi, la consultation des conseils municipaux pourrait commencer sans attendre et la carte de l’intercommunalité, être modifiée plus rapidement. Cela permettrait éventuellement, en avançant de trois mois les autres dates limites, d’achever le processus avant la fin de l’année 2012.
Par ailleurs, à l’article 7, vous faites référence à une majorité des trois quarts des suffrages exprimés qui permet à la CDCI d’adopter la proposition finale de schéma sans procéder aux consultations prévues par le code. Cette exigence nous paraît bien élevée au regard de notre souhait de voir les choses avancer plus vite dès lors que se dégage une majorité suffisante. En matière d’évolution de l’intercommunalité, c’est généralement la majorité des deux tiers qui est requise et, selon nous, elle permettrait d’élaborer plus rapidement le schéma départemental de coopération intercommunale.
Enfin, il est précisé au quatrième alinéa que la proposition finale de schéma est adoptée avant le 31 octobre 2012. Mais encore faut-il une majorité des deux tiers. À défaut, le schéma définitif est arrêté par le représentant de l’État dans le département. Par conséquent, il nous semble important de modifier cet alinéa pour qu’il soit en cohérence avec l’article 5.
Tels sont les points sur lesquels je souhaitais vous interroger et sur lesquels j’espère obtenir des réponses, craignant, je le répète, de ne pouvoir assister à l’ensemble de la discussion, ce dont je vous prie par avance de m’excuser.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. le président.
Cet article nous donne l’occasion de revenir sur le calendrier. Il s’agit d’une question importante, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer tout à l’heure.
M. Jean-Claude Lenoir.
Évidemment, pour se donner bonne conscience, on peut toujours retarder le processus en se disant : « On verra plus tard ! » C’est un exercice auquel beaucoup s’adonnent, mais qui comporte aujourd’hui bien des dangers.
La vérité, chers collègues de la majorité sénatoriale, c’est que vous souhaitez tout simplement jeter aux oubliettes cette vaste réforme.
Je vous rappelle que la mise en œuvre des lois sur l’intercommunalité doit beaucoup à la gauche.
Cela ne nous a pas échappé !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Mais reconnaissez objectivement que, sur le terrain, les élus ont été des bâtisseurs, et cela quelle qu’ait été leur appartenance politique.
M. Jean-Claude Lenoir.
Lorsqu’il s’est agi de mettre en œuvre vos lois, nous n’avons pas, nous, versé dans l’idéologie,...
Heureusement !
M. Roland Courteau.
… contrairement à ce que vous nous donnez à voir en ce moment. Nous nous sommes montrés pragmatiques et j’en veux pour preuve l’évolution de la carte de l’intercommunalité depuis le vote de la loi de 1992.
M. Jean-Claude Lenoir.
Quels sont les premiers départements qui se sont dotés de communautés de communes avec une forte intégration ? Ce ne sont pas des départements où la gauche était majoritaire !
Oh si ! Moi, j’en connais !
M. Roland Courteau.
Les cartes sont éloquentes : globalement, ce sont des départements où la droite avait bien compris que les outils créés par la loi permettaient d’organiser autrement le territoire et de lui offrir d’autres perspectives.
M. Jean-Claude Lenoir.
Aujourd’hui, vous vous livrez à un exercice que je combats parce qu’il consiste à dire : « Retardons, et nous verrons plus tard ! ».
Je veux maintenant relever, pour le fustiger, un effet de l’article 7 tel que vous l’avez rédigé : il écarte le préfet du processus de mise en œuvre du schéma départemental au profit de la commission départementale. D’autres l’ont dit avant moi, le préfet est garant de l’intérêt général et de la cohésion territoriale. Ce serait faire injure à l’ensemble des représentants de l’État que d’affirmer qu’ils n’auraient pas cherché à mettre en œuvre les schémas départementaux avec le souci de respecter l’intérêt général et les avis exprimés majoritairement par les élus.
Une question se pose : où en était-on l’été dernier ? La mise en œuvre de la loi du 16 décembre 2010 date en effet du début de l’année 2011. Je me suis livré à la lecture d’un intéressant document provenant de la Haute Assemblée : le rapport d’information, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, intitulé « Les nouveaux contours de l'administration locale française : quelles intercommunalités pour demain ? » et portant les signatures de nos collègues Claude Belot et Jacqueline Gourault, ainsi que celle de Dominique Braye, qui était encore sénateur à l’époque.
On peut y lire ceci : « Malgré les critiques qui ont été émises, les projets de SDCI sont globalement bien accueillis par les responsables locaux ». Il y est fait état du « “souci de pragmatisme et de dialogue” ayant présidé à l’élaboration des projets de SDCI. », ainsi que de « l’“effort réel de concertation préalable [engagé] par les préfets” ».
Cet état d’esprit, à la fois coopératif et constructif, a largement facilité les travaux, même si une part de ceux-ci n’a pas été achevée.
Aujourd’hui, vous voulez ralentir, retarder le processus et même parfois briser l’élan qui a été donné. Nous sommes opposés à ces tentatives. Nous pensons que la loi du 16 décembre 2010 est une bonne loi. Certes, il convenait de la corriger, de l’améliorer sur un certain nombre de points, mais l’exercice auquel vous vous livrez aujourd’hui n’est pas celui-là : vous prenez le problème à contresens et le texte que vous mettez sur les rails annule purement et simplement le dispositif qui a été voté en décembre 2010 !
Mais non, ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Nous sommes d’accord pour améliorer la loi et nous y contribuons par un certain nombre d’amendements, dont certains ont été adoptés. Nous sommes également d’accord pour la corriger dans certains cas et pour tenir compte d’un certain nombre d’avis qui ont été émis par les élus au sein des commissions départementales.
M. Jean-Claude Lenoir.
En revanche, nous sommes opposés au retard que vous voulez prendre
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Les résultats des élections sénatoriales ont bien montré que les élus considéraient la loi de 2010 comme un texte magnifique !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, puisque M. Pierre Jarlier, qui a formulé des remarques et des questions tout à fait judicieuses, risque de devoir nous quitter sans tarder, avant d’avoir pu soutenir ses amendements, je souhaite lui répondre dès maintenant.
M. Alain Richard,
rapporteur.
En revanche, je n’apporterai aucun commentaire aux propos uniquement partisans de M. Lenoir, qui, s’il avait participé antérieurement à nos débats, aurait pu se rendre compte que le travail que nous faisions était totalement « transpartisan » et que nous pouvions continuer à nous efforcer de nous convaincre mutuellement. Certes, chacun a le droit de faire de la politique, mais quelqu’un d’autre a aussi le droit de le lui faire remarquer !
Absolument !
Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Je serai très précis sur la question du calendrier.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Si nous en restons à la loi du 16 décembre 2010, il y a deux solutions : soit le schéma est adopté par simple décision du préfet avant le 31 décembre 2011, soit il ne l’est pas.
Or le Premier ministre lui-même a, de façon très publique, expliqué qu’il fallait non pas s’en tenir au calendrier, mais, au contraire, le décaler.
Le ministre est tout à fait dans son rôle en rappelant que nous pouvons avoir des désaccords sur le calendrier, mais permettez-moi d’être aussi dans le mien en éclairant le Sénat sur le fait que la décision de retarder le calendrier est prise par le Gouvernement, et cela sans revenir devant la représentation nationale.
Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Monsieur Jarlier, aux termes de la loi du 16 décembre 2010, dans le cas où il existe un schéma, à partir du 1
M. Alain Richard,
rapporteur.
Par conséquent, un processus de consultation des communes s’engage à partir du 1
Avec notre texte, en cas de consensus – car c’est sur cette hypothèse-là que nous travaillons, mais le Gouvernement n’est pas en mesure de nous dire dans combien de départements on peut observer une telle situation –, la CDCI a la liberté de lancer, sur l’ensemble des communautés qui sont portées dans le schéma actuel, la procédure de consultation des conseils municipaux.
Cela signifie que, dès le mois de janvier, le préfet vient rendre compte : il est amené, le cas échéant, à expliquer qu’il y a consensus. Les membres de la CDCI, qui ont déjà vu passer le projet, peuvent alors dire collégialement qu’ils sont d’accord et lancer la proposition de constitution ou de modification des communautés, avec le délai traditionnel de trois mois pour la réponse des conseils, délai au terme duquel ceux qui n’ont pas répondu sont réputés avoir donné leur accord.
Il y a bien parallélisme des deux calendriers ! Simplement, j’essaie d’être méthodique. Si l’on me dit qu’il y a consensus, je veux être certain que c’est vrai. C’est la raison pour laquelle, selon moi, cette phase-là doit être acceptée par les trois quarts des membres de la CDCI. Ce sera la preuve du consensus. À défaut d’une telle majorité, on peut imaginer qu’un tiers d’entre eux n’est pas d’accord, ce qui est tout de même une proportion non négligeable ; en tout cas, ce n’est plus un vrai consensus !
Si le Gouvernement, qui reconnaît la nécessité de procéder à des ajustements de la loi, acceptait que ce texte soit mis en navette, nous pourrions poursuivre la discussion sur ce point et trouver une solution acceptable par tous.
Et voilà !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
En revanche, notre discussion aura été vaine si le Gouvernement préfère s’en tenir à une simple instruction non publique aux préfets et ne rien changer à la loi, alors qu’il a reconnu lui-même tout au long de ce débat la nécessité d’apporter des modifications sur de multiples points !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je me tourne vers M. Lenoir, qui fait de la politique,...
Comme nous tous !
M. Jean-Claude Lenoir.
... pour lui dire que l’ensemble des élus locaux sera témoin du travail des uns et des autres.
M. Alain Richard,
rapporteur.
D’un côté, nous avons travaillé de manière consensuelle, en écoutant tout le monde, en prenant en compte les suggestions des uns et des autres, y compris du groupe UMP lorsqu’il a voulu en faire, pour aboutir à une proposition cohérente, pérenne, transparente, de collaboration entre les élus et le préfet en vue de l’élaboration de vrais schémas, qui s’imposent ensuite.
De l’autre côté, il y a une solution beaucoup plus approximative, qui consiste à voter des schémas dans certains cas et à ne pas les voter dans d’autres, à les poursuivre pendant l’année 2012 ou à les modifier, le tout par simple circulaire.
Personnellement, je ne crains pas la comparaison entre les deux méthodes devant les élus locaux !
L'amendement n° 42, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. Jean-Claude Lenoir.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La discussion vient d’avoir lieu !
M. Alain Richard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Jean-Claude Lenoir a développé dans son intervention les raisons pour lesquelles il ne lui semblait pas pertinent de remplacer les dispositions actuelles par les dispositions de cet article 7.
M. Philippe Richert,
Même après les explications que vient de donner le rapporteur, on perçoit bien que la démarche engagée consiste, de façon très directe, à supprimer la loi existante pour la remplacer par une autre. C’est ce processus que, à titre personnel, je ne peux pas soutenir.
En revanche, j’aurais accepté une démarche consistant à apporter à la loi que les élus appliquent actuellement dans les territoires les compléments nécessaires pour la préciser, parfois pour en élargir la portée, afin d’aboutir à un travail de « co-construction » entre le Gouvernement et le Parlement.
Depuis le début, je n’ai cessé de demander qu’on s’engage dans cette voie ! Malheureusement, toutes mes propositions se sont heurtées à la même réponse : « Notre nouveau schéma est bon, nous le gardons ; l’ancien était mauvais, nous n’en voulons plus ! »
Lorsqu’une procédure permet, dans un grand nombre de départements, de s’acheminer, par un travail de « co-construction », à partir d’une réflexion menée par le préfet, vers une décision, il me paraît grave et dommageable de l’abandonner, en introduisant, comme vous le proposez, ce qui est en fait une nouvelle procédure.
M. Jean-Claude Lenoir.
Le schéma actuel, qui est aujourd’hui en débat entre le préfet et la commission départementale, va aboutir dans de très nombreux départements, sans doute plus de la moitié, peut-être 70 % d’entre eux.
M. Philippe Richert,
Or, M. Lenoir l’a remarquablement dit tout à l’heure, vous ne proposez pas de modifier ponctuellement l’ancienne procédure. C’est bien ce que je conteste dans cette proposition de loi et c’est ce qui nous empêche de nous retrouver : cela aurait été possible si vous, ses auteurs, vous, monsieur le rapporteur, aviez été sensibles aux appels répétés que nous vous avons adressés et qui vous invitaient à compléter simplement la loi sur quelques points, sans la déconstruire.
J’avais listé ces points, qui étaient au nombre de quatre ou cinq. Il convient effectivement d’apporter des précisions sur le seuil de 500 habitants, concernant le passage au scrutin de liste, sur le maintien des exécutifs dans le cadre d’une nouvelle intercommunalité, sur les îles mono-communales...
Il semble également nécessaire, monsieur le rapporteur, de se pencher sur les cas où l’accord n’est pas très large,…
Vous voyez que nos positions finissent par se rapprocher !
M. Alain Richard,
rapporteur.
… afin que le préfet continue à consulter la CDCI, comme l’a indiqué le Premier ministre, si le schéma départemental n’a pas été adopté au 31 décembre 2011. Cette dernière précision aurait pu être introduite dans le texte sans trop de difficulté. Mais cela, vous l’avez refusé !
M. Philippe Richert,
Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Vous avez préféré défendre un nouveau schéma, qui met de côté tout ce qui a été fait. Vous le déconstruisez pour partir sur de nouvelles bases, et cela je ne saurais l’approuver.
M. Philippe Richert,
Par conséquent, je ne peux qu’être favorable à l’amendement n° 42, qui vise à supprimer l’article 7.
Si, demain, un travail sur la réforme territoriale prenait la forme d’un véhicule législatif, le cas échéant issu de l’Assemblée nationale,…
M. Jean-Pierre Sueur, etMme Nathalie Goulet.
président de la commission des lois,
… cela nous permettrait d’apporter des précisions sur les quelques points qui ont été, de façon unanime, relevés, sans remettre en cause, comme vous le faites ici, l’ensemble de ce qui a été adopté l’an dernier.
M. Philippe Richert,
Nous répondrions ainsi à l’attente des élus locaux, sans déconstruire, sans donner à la réforme le coup de frein que constitue cette proposition de loi. Celle-ci va en effet à l’encontre de tout ce qui a été demandé par les élus de terrain, de droite comme de gauche, qui sont aujourd’hui engagés dans le débat et ne demandent plus, contrairement à ce que certains ont cru entendre, de moratoire ou de remise en cause. Ils attendent tout simplement qu’on leur donne des précisions sur quelques points. Je leur ai indiqué que nous étions sensibles à ces questions et que nous serions là pour apporter notre soutien à ce qui irait dans cette direction.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président de la commission, j’avais indiqué que le texte de votre proposition de loi initiale pouvait recueillir l’assentiment du Gouvernement. Entre-temps, malheureusement, tout a été transformé ! L’objet de ce texte n’est plus d’apporter des réponses précises et tangibles aux élus, alors que c’est cela qui prime. Il s’agit tout bonnement d’adopter une posture de rejet, de contradiction par rapport à ce qui a été fait. Dans ces conditions, vous le comprenez, nous ne pouvons pas être d’accord avec vous.
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Premièrement, monsieur le ministre, ce qui a été fait n’est en rien recommencé. Le dispositif figurant dans la proposition de loi telle qu’elle a été amendée par la commission permet de prendre en compte tout ce qui a été fait, et même de l’approuver en cas d’accord. Il n’y a donc pas lieu d’introduire un faux débat sur ce point.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Deuxièmement, la déclaration que vous venez de faire est très importante. Selon moi, elle constitue même un tournant dans ce débat. Vous venez en effet d’évoquer la possibilité qu’une proposition de loi soit examinée par l’Assemblée nationale, ce qui rejoint, d’ailleurs, les déclarations de M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, lequel a déposé en sa qualité de député un texte relatif à cette question.
Mme Nathalie Goulet.
Depuis trois jours, nous ne cessons de vous dire qu’il faut prendre des dispositions. Celles-ci ne peuvent être que d’ordre législatif. Il faut changer la loi.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Bien sûr !
M. Roland Courteau.
Il n’y avait que la date à changer ! Pas tout le texte !
Mme Catherine Procaccia.
Pendant une longue période, M. le Premier ministre et vous-même avez semblé considérer qu’on pouvait modifier les choses sans passer par la loi.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
(M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Pourtant, je considère votre déclaration comme très positive : si l’examen d’une proposition de loi par l’Assemblée nationale permet ensuite, au cours de la navette, de mener une discussion conjointe, peut-être nous acheminerons-nous, comme nous le souhaitons, vers un texte permettant de répondre aux problèmes réels que rencontrent les élus locaux.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Chacun comprendra que ce moment du débat mérite qu’on y consacre un peu de temps.
M. Philippe Richert,
Tout d’abord, permettez-moi de le redire encore une fois, le Gouvernement considère que la réforme des collectivités est importante. Je l’ai indiqué dès le début de l’examen de ce texte, notre pays a besoin de se moderniser : l’intercommunalité s’étant construite par strates successives, il nous faut aborder une nouvelle phase, qui donne à nos territoires une nouvelle dynamique, une nouvelle impulsion pour rechercher une plus grande efficacité, une plus grande transparence, de manière que nos concitoyens puissent mieux saisir les missions importantes que les intercommunalités remplissent sur le terrain, le rôle majeur qu’elles jouent.
Il ne s’agit pas d’une position dogmatique. Je rappelle en effet que le débat sur la réforme des collectivités, lancé par le Président de la République, avait été confié à un groupe de réflexion animé, en particulier, par M. Balladur. Ce travail s’est ensuite poursuivi à l’Assemblée nationale et au Sénat, où les positions se sont progressivement cristallisées, une opposition est apparue.
Nous inscrivant au-delà des partis et des tendances, nous voulons et avons toujours voulu agir dans l’intérêt général. Il nous faut en effet répondre, aujourd’hui, aux besoins du terrain et des collectivités.
Cette approche reste aujourd’hui la nôtre. C’est la raison pour laquelle j’essaie, depuis le début de ce débat, de mettre en évidence la difficulté de réaliser un travail de « co-construction » si la seule démarche qui nous est proposée consiste à mettre de côté ce qui existe et à le remplacer par un dispositif totalement nouveau.
Monsieur Sueur, vous prétendez que le Gouvernement aurait refusé, pendant un certain temps, de changer les choses par la loi. Mais tel n’est pas le cas ! Que ce soit au Sénat ou l’Assemblée nationale, je le dis depuis longtemps : pour modifier un certain nombre de points, il faut passer par un texte législatif.
Nous ne l’avions pas entendu !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Ce n’est pas possible ! Je l’ai dit, notamment, lors d’une séance de questions d’actualité. Et nous savons tous que les parlementaires sont particulièrement attentifs aux réponses qui leur sont apportées dans ce cadre.
M. Philippe Richert,
(Mme Catherine Procaccia et M. Jean-Claude Lenoir approuvent.)
Par exemple, nous nous sommes exprimés clairement sur le maintien des exécutifs, en indiquant, en réponse à une question de Jacqueline Gourault, que seule la loi peut permettre de préserver les mandats en cours. Comment, alors, peut-on raconter que nous avons éludé la question ?
Pour ce qui concerne les îles, une précision législative, qui ne s’appliquera sans doute qu’à quelques-unes d’entre elles, devra être apportée.
Sur d’autres points, il n’est pas indispensable de graver des précisions dans le marbre de la loi. Je pense notamment au seuil de 5 000 habitants prévu pour la constitution d’EPCI à fiscalité propre. En vertu de l’interprétation qui s’est dégagée des débats intervenus ici même, il ne paraît pas utile de voter des dispositions supplémentaires en la matière. Le texte l’énonce clairement, ce seuil démographique de 5 000 habitants peut être abaissé dans les zones de montagne.
À l’époque, Michel Mercier, interpellé dans cette enceinte sur ce point, avait indiqué que ce seuil constituait non pas un impératif mais un objectif, parfois impossible à atteindre dans certaines situations, étant toutefois entendu que la justification du bien-fondé d’une dérogation à cette exigence devrait être apportée.
Par conséquent, si certains points nécessitent des précisions législatives, d’autres peuvent rester en l’état.
M. le Premier ministre et moi-même l’avons indiqué, nous souhaitons que le schéma départemental soit voté et mis en œuvre dans la mesure où un large consensus existe au sein de la CDCI. Si tel n’est pas le cas, la date du 31 décembre 2011 peut être dépassée. Il ne s’agit pas d’une modification de la loi. Seule son application est en cause.
Mais non !
Mme Nathalie Goulet.
En ce qui concerne les dossiers pour lesquels le schéma départemental n’aurait pas pu être adopté au 31 décembre 2011, le Gouvernement demande au préfet de continuer à travailler dans un cadre de « co-construction », en consultant, en vue d’éventuelles modifications, l’ensemble de la CDCI. C’est évidemment au ministre de l’intérieur et, le cas échéant, au Premier ministre, de dire aux préfets ce qu’ils ont à faire. Quant au ministre chargé des collectivités territoriales, il doit veiller à ce que les mesures indiquées soient suivies d’effets.
M. Philippe Richert,
Comme je l’évoquais tout à l’heure à propos du maintien des exécutifs des intercommunalités, une telle recommandation du Gouvernement aux préfets pourrait être précisée dans la loi, au moment de l’examen d’une proposition de loi appropriée.
Un tel texte, vous le voyez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, nous permettrait d’avancer. Il comporterait les précisions que je viens d’indiquer, en incluant celles qui figuraient initialement dans la proposition de loi déposée par M. Sueur et que nous estimons nécessaires. Qu’il émane du Sénat ou de l’Assemblée nationale ne change rien, je l’ai déjà dit. Malheureusement, les orientations que je viens d’indiquer n’ont pas été respectées par la commission des lois du Sénat, ce que je regrette.
J’espère donc que nous aurons l’occasion de reprendre ce débat, non pas pour avoir raison à tout prix, mais, tout simplement, pour ne pas mettre à mal le travail qui a été mené et ne pas retarder tous ceux qui, aujourd’hui, sont prêts à mettre en œuvre leur schéma. Puissions-nous ne pas prendre de retard en la matière !
Je souhaite que nous réussissions à nous rassembler sur ces questions, qui sont prioritaires aux yeux du Gouvernement, comme en témoignent les propositions que j’ai formulées et les nombreux appels que j’ai adressés. Malheureusement, ils n’ont pas été entendus autant que je l’aurais souhaité.
Je vous remercie donc, monsieur le président de la commission, de l’écho que vous venez de donner à mes appels ; c’est un écho sympathique, mais c’est l’écho que j’attends depuis le début de ce débat !
Vous en conviendrez, quand il s’agit d’intercommunalité, ne devons pas travailler pas les uns contre les autres. Mais il ne s’agit pas non plus d’être naïf, de faire semblant de ne pas comprendre le sens véritable de certaines propositions qui sont faites et qui s’apparentent plutôt – je vais employer des termes dont je suis conscient qu’ils sont sans doute excessifs – à des manœuvres dilatoires.
Non, en l’occurrence, ils ne sont pas excessifs !
M. Roger Karoutchi.
Il y a aussi des discours dilatoires…
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Pour nous, l’essentiel est qu’on puisse avancer !
M. Philippe Richert,
Ce discours de sept minutes se résume en quatre mots : il faut une loi !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Sur certains points, oui !
M. Philippe Richert,
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. le président.
Je veux d’abord dire, au nom des membres du groupe UMP, combien nous approuvons le discours que M. le ministre vient de tenir. Il assume pleinement ses responsabilités et il a rappelé un certain nombre d’évidences. D’ailleurs, au fur et à mesure qu’il parlait, j’ai observé que la majorité commençait à éprouver quelques difficultés…
M. Jean-Claude Lenoir.
Ou peut-être de la lassitude…
Mme Nathalie Goulet.
Il est vrai qu’il lui a opposé des arguments particulièrement percutants.
M. Jean-Claude Lenoir.
Je vous félicite, monsieur le ministre, d’avoir rappelé une chose importante : la loi votée le 16 décembre 2010 permet déjà de régler un certain nombre de problèmes. Aussi n’était-il pas nécessaire de reprendre tout l’ouvrage et d’ajouter, à des dispositions déjà trop longues, d’autres qui apparaissent aujourd’hui complètement inutiles et superfétatoires.
Mais, si j’ai demandé la parole, c’est surtout pour exprimer ma surprise devant un propos de notre collègue Alain Richard. Le connaissant depuis longtemps, je l’avais toujours tenu pour un homme très courtois.
C’est le cas !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Or, tout à l’heure, monsieur le rapporteur, vous vous êtes permis de me mettre en cause avec beaucoup d’imprudence, invoquant le fait que j’étais absent la nuit dernière…
M. Jean-Claude Lenoir.
C’est pourquoi je me permets de souligner, à l’intention de ceux qui liront le
Journal Officiel
J’étais là mercredi, lorsque a commencé la discussion de ce texte, pour laquelle quatre heures avaient été prévues.
Cela a déjà été rappelé !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Je pense que, les uns et les autres, nous sommes soucieux de nous organiser pour bien faire notre travail…
M. Jean-Claude Lenoir.
Mais voici qu’au terme de quelques heures de discussion générale, entrecoupées de rappels au règlement et de prises de parole sans lien aucun avec la proposition de loi, il a été décidé de reporter la suite de la discussion à jeudi soir.
On sait tout cela !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Les débats ont repris à une heure très tardive, alors que je participais, dans mon département, à une réunion sur l’intercommunalité.
M. Jean-Claude Lenoir.
Ayant appris sur Internet que les débats se poursuivraient cette après-midi et que seraient abordés des sujets importants, je suis revenu.
Si chacun commence à raconter sa vie, nous ne nous en sortirons pas !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Monsieur Richard, permettez-moi de vous le demander : êtes-vous capable d’organiser votre emploi du temps en tenant compte de modifications qui interviennent d’une heure à l’autre, du renvoi en pleine nuit d’un texte au lendemain matin ? C’est parfaitement illusoire !
M. Jean-Claude Lenoir.
Mais c’est de l’obstruction !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Pas vous, pas ça !
M. Roger Karoutchi.
J’ajoute que, malgré mon absence, ainsi que vous-même l’avez d’ailleurs souligné, j’ai apporté une contribution au débat de cette nuit puisque l’un de mes amendements, adopté à l’unanimité, constitue maintenant, me semble-t-il, l’une des pièces importantes du dispositif.
M. Jean-Claude Lenoir.
La prochaine fois, monsieur Richard, évitez donc d’associer mon nom au vôtre : cela nous épargnera des plaisanteries de boulevard !
(Sourires et applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
Ils jouent la montre !
M. Richard Yung.
Assez d’obstruction !
M. David Assouline.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° 43, présenté par MM. P. Leroy, Lecerf, Pointereau, P. André, Belot, Billard, Chatillon, B. Fournier et Huré, Mlle Joissains et MM. Lefèvre, Saugey et Trucy, est ainsi libellé :
M. le président.
Rédiger ainsi cet article :
À la première phrase du septième alinéa du III de l'article 60, et à la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 61 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, les mots : « jusqu'au 1
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 66, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
1° Première phrase
Après les mots :
projet de schéma
insérer les mots :
mentionné audit article L. 5210‑1‑1
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
de l’article L. 5210‑1‑1 du code général des collectivités territoriales
par les mots :
dudit article L. 5210‑1‑1
II. - Alinéa 4
Après les mots :
proposition finale
insérer les mots :
mentionné audit article L. 5210‑1‑1
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit de simples précisions rédactionnelles, justifiées par la nécessité de faire référence à certains articles.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement étant opposé à l’ensemble du dispositif de l’article 7 en ce qu’il remet en cause la procédure prévue précédemment, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 66.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 47 rectifié
M. le président.
I. – Alinéa 2, première phrase
Remplacer la date :
31 mars 2012
par les mots :
31 décembre 2011 ou, si la commission départementale de coopération intercommunale le décide à la majorité des deux tiers de ses membres, au 31 mars 2012
II. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
trois quarts des suffrages exprimés
par les mots :
deux tiers de ses membres
III. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
La proposition finale est adoptée ou le cas échéant établie par le préfet avant le 30 juin 2012
IV. – Alinéa 5
Remplacer la date
31 janvier 2013
par la date
30 septembre 2012
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 51 rectifié
I. - Alinéa 2
Remplacer la date
31 mars 2012
par les mots :
31 décembre 2011 ou, si la commission départementale de coopération intercommunale le décide à la majorité des deux tiers de ses membres, au 31 mars 2012
II. - Alinéa 4
remplacer le mot :
par les mots :
arrêtée par le préfet
et remplacer la date :
31 octobre
par la date :
III. - Alinéa 5
Remplacer la date :
31 janvier 2013
par la date :
30 septembre 2012
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 11 rectifié
Remplacer la date :
31 mars 2012
par la date :
30 juin 2012
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Sur cette question de délai, je vais me ranger à la date arrêtée par la commission.
Mme Nathalie Goulet.
Je ne suis pas parlementaire depuis aussi longtemps que mon collègue Lenoir,…
Ça viendra !
M. Roger Karoutchi.
… mais je viens de faire campagne dans le même département que lui et c’est probablement parce que nous n’avons pas entendu tout à fait la même chose que j’ai recueilli un peu plus de 60 % des voix…
Mme Nathalie Goulet.
Pour ma part, je pense que la date du 31 décembre 2011 ouvre un délai un peu court. Nous avons rappelé hier que les résultats des simulations financières n’étaient pas encore connus. On demande donc à des élus d’adhérer à un schéma sans qu’ils disposent de la moindre indication sur ce que celui-ci pourra leur « coûter » ou leur « rapporter » !
Le fait de repousser un peu le délai, sans pour autant stopper le processus en cours, est donc une excellente idée.
Afin de tenir les promesses faites durant ma campagne, j’avais déposé, avec Françoise Férat et Hervé Maurey, une proposition de loi reprenant exactement le contenu des propos tenus par le Premier ministre le 10 octobre dernier.
Bien que mes études de droit soient un peu lointaines, il me semble que le parallélisme des formes exige qu’une date fixée par la loi soit reportée par une autre loi…
Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Pour notre part, nous avions pensé que la date du 30 juin 2012 pourrait convenir.
Mme Nathalie Goulet.
Je retire cependant mon amendement, me ralliant à la date du 30 juin 2012 proposée par la commission des lois.
Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
L’amendement n° 11 rectifié
M. le président.
L'amendement n° 52 rectifié
Remplacer les mots :
trois quarts des suffrages exprimés
par les mots :
deux tiers de ses membres
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 46 rectifié
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
la proposition finale
par les mots :
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
la proposition finale
par les mots :
le projet de schéma
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 48 rectifié
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les propositions de modification du projet de schéma conformes aux I à III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales adoptées par la commission départementale de la coopération intercommunale à la majorité des deux-tiers de ses membres, sont intégrées dans le projet de schéma.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 67, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À compter du 1
À cette fin, elle entend les présidents des établissements intéressés et, à leur demande, les maires des communes membres.
Elle adopte avant le 1
À la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, elle peut décider d’anticiper à une date qu’elle fixe la révision du schéma prévue au IV ter dudit article L. 5210-1-1.
La parole est à M. le rapporteur.
L’honnêteté intellectuelle m’oblige à dire que cet amendement, s’il porte mon nom, est inspiré d’un amendement de Mme Gourault que la commission a retenu.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Il porte sur la clause de rendez-vous souhaitée, comme chacun le sait, par nos amis de l’Association des maires de France.
Il représente une synthèse : sans rendre obligatoire, dès la fin de l’année 2015, une remise à plat générale du schéma qui inclurait des révisions de périmètres, nous proposons que, au tournant des années 2015 et 2016, la commission départementale de coopération intercommunale procède à une évaluation, en dialoguant avec les représentants des nouveaux EPCI et, le cas échéant, ceux des communes qui voudraient formuler des observations.
C’est seulement à l’issue de cette concertation, qui sera publique et qui permettra à chacun de prendre position, que la commission pourra décider, à la majorité des deux tiers – garantie d’une décision synthétique, en tout cas suffisamment consensuelle –, d’anticiper la révision du schéma.
La règle générale sera donc celle d’une révision en fin de mandat, c’est-à-dire en 2018 ; il sera simplement possible à la CDCI, après évaluation, de décider de l’anticiper.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Rapprocher la clause de rendez-vous par rapport à la date fixée initialement est un souhait des élus, en particulier de l’Association des maires de France.
M. Philippe Richert,
Tout défavorable que je sois à l’article 7, je ne m’oppose pas au rapprochement de la « revoyure ».
Je m’en remets donc sagesse du Sénat sur cet amendement issu d’une proposition de Mme Gourault.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 34, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
M. le président.
Remplacer cet alinéa par quatorze alinéas ainsi rédigés :
III. - L’article 60 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, après les mots : « il peut définir », sont insérés les mots : «, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale » ;
b) Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La commission dispose d’un délai de trois mois à compter de sa saisine pour se prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable. » ;
c) Au début de la première phrase du deuxième alinéa, le mot : "Il" est remplacé par les mots : "Le représentant de l'Etat dans le département" ;
2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, après les mots : « il peut proposer », sont insérés les mots : «, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« La commission dispose d’un délai de trois mois à compter de sa saisine pour se prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable. » ;
3° Le premier alinéa du III est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, après les mots : « il peut », sont insérés les mots : «, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« La commission dispose d’un délai de trois mois à compter de sa saisine pour se prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable. »
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
Cet amendement vise à rétablir le dispositif d’achèvement de la carte intercommunale prévu par les articles 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010, dispositif supprimé en commission des lois par le rapporteur.
M. Jean-Claude Lenoir.
Cet amendement prévoit d’autre part la consultation obligatoire de la CDCI par le préfet pour toute évolution d’EPCI à fiscalité propre mise en œuvre dans le cadre de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010, dans l’hypothèse où aucun schéma départemental de coopération intercommunale n’aurait été adopté avant le 31 décembre 2011. Cette procédure de consultation obligatoire concerne à la fois les projets de création, d’extension de périmètre et de fusion d’EPCI à fiscalité propre.
Alors que la CDCI est consultée à tous les stades essentiels de la procédure prévue par l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010, notamment lorsqu’un projet s’écarte du schéma adopté, l’absence de consultation obligatoire de la CDCI en cas d’absence de schéma peut apparaître comme n’offrant pas aux élus les mêmes garanties.
L’amendement n° 34 vise à combler cette lacune. Il s’agit de nous assurer que les projets mis en œuvre par le préfet en l’absence de SDCI pourront être examinés par la CDCI et, ainsi, recueillir le plus large consensus possible parmi les élus.
De cette façon, le non-respect de l’échéance du 31 décembre 2011 que la loi prévoit pour l’adoption du schéma ne priverait pas les élus des garanties nécessaires s’agissant de l’examen des projets d’évolution des EPCI à fiscalité propre proposés par le préfet.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’inspiration de cet amendement est assez proche de ce que nous proposons. En effet, M. Lenoir reconnaît qu’il est nécessaire de corriger le dispositif prévu par l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010.
M. Alain Richard,
rapporteur.
La solution retenue par la commission parvient au même résultat, en tenant compte des apports des uns et des autres. Elle prévoit de laisser la conduite de la procédure à la CDCI, en prenant en considération le schéma qui aura été éventuellement établi à la fin de cette année. Dans notre système, le préfet rendra compte devant la CDCI après le 1
Compte tenu de ce que la commission a prévu, l’amendement n° 34 n’est pas justifié. Le très long article 60 de la loi du 16 décembre 2010 – je vous en conseille la lecture ! – prévoyait une deuxième phase qui n’était pas nécessaire. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Cela étant, la méthode que vous préconisez, monsieur Lenoir, est aussi celle sur laquelle repose notre proposition : poursuivre la concertation dans les cas difficiles.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement est typique de la méthode qui a notre préférence et qui consiste, conformément à l’esprit de la procédure ancienne, à régler de façon très modeste les problèmes ponctuels que certains ont soulevés, sans remettre tout à plat. Cette méthode était simple, claire et compréhensible.
M. Philippe Richert,
Je suis donc très favorable à cet amendement : il est l’exemple parfait d’une mesure dont l’adoption nous aurait permis d’aboutir rapidement.
C’est probablement vous qui l’avez écrit !
M. David Assouline.
Je regrette que, sur d’autres sujets, nous n’ayons pas pu emprunter la même direction : en le faisant, nous aurions pu réussir la « co-construction » que j’ai appelée de mes vœux.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 34.
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. le président.
(L'article 7 est adopté.)
I. – L’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les îles composées d’une seule commune ne sont pas soumises à cette obligation. »
II. – Le II de l’article 38 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est complété par les mots : « ni aux îles composées d’une seule commune ».
L'amendement n° 62, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
de couverture intégrale du territoire
La parole est à M. le rapporteur.
L’article 8, qui concerne les îles, est consensuel.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je vous signale d’ailleurs, en rendant hommage au travail réalisé par les services de la commission, que la liste complète des îles mono-communales que compte notre beau territoire national figure à la page 44 du rapport.
Cet amendement vise à apporter une modeste modification rédactionnelle à l’article 8, adopté à l’unanimité par la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement répond à l’une des préoccupations que j’avais exprimées et que j’ai encore rappelées tout à l’heure. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 62.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
M. le président.
(L'article 8 est adopté.)
I. – L’article 36 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est complété par un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation au principe de continuité du territoire prévu par l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, deux communes non contiguës d’un même département parce qu’elles sont séparées par une commune tierce appartenant à un autre département, peuvent constituer entre elles, et éventuellement avec d’autres communes, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à la condition de respecter le 2° du III dudit article L. 5210-1-1. »
II. – En conséquence, la mention : « I » est insérée au début du premier alinéa du même article 36.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n° 63, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
collectivités territoriales,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
une commune enclavée dans un département différent de celui auquel elle est administrativement rattachée, peut être incluse dans un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre du département auquel elle appartient à la condition de respecter le 2° du III dudit article L. 5210-1-1.
La parole est à M. le rapporteur.
L’article 9, lui aussi adopté très largement par la commission, concerne les communes enclavées dans un département voisin, dossier qui n’est pas sans rappeler celui des îles, que nous venons d’évoquer.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Le phénomène se produit, par exemple, dans le département des Hautes-Pyrénées, dont quelques communes sont enclavées dans le département des Pyrénées-Atlantiques ; des situations analogues peuvent être observées en Lorraine, dans le Nord et le Pas-de-Calais.
L’amendement n° 63 vise simplement à améliorer la description de la situation de la commune enclavée dans un département dont elle ne relève pas administrativement.
Quoi qu’il en soit, nous sommes tous d’accord sur la finalité, qui est de donner à ces communes enclavées la liberté de rejoindre soit une communauté de leur département, malgré le principe de continuité territoriale, soit une communauté immédiatement voisine.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
M. le président.
Remplacer les mots :
deux communes non contiguës d'un même département parce qu'elles sont séparées par une commune tierce
par les mots :
deux communes non contiguës appartenant à un même département mais séparées par une commune tierce
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Je souscris pleinement aux explications qui viennent d’être données par M. le rapporteur. Nous souhaitions signaler quelques cas de communes enclavées, dont celles des Hautes-Pyrénées, qui représentent des exceptions.
Mme Anne-Marie Escoffier.
Je me rallie donc à l’amendement n° 63 et retire l'amendement n° 2 rectifié.
L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
M. le président.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 63 ?
Eu égard à mon opposition à la procédure dans son ensemble, j’émets un avis défavorable.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 63.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
M. le président.
(L'article 9 est adopté.)
I. – L’article L. 5111-6 du code général collectivités territoriales ne s’applique pas à la création de syndicat compétent en matière de création et de fonctionnement des écoles pré-élémentaires et élémentaires ou en matière d’action sociale.
II. – Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales et leurs groupements de l’application du I sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement, pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 56 rectifié
M. le président.
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 5111-6 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable à la création d’un syndicat compétent en matière de création et de fonctionnement des écoles pré-élémentaires et élémentaires ou en matière d’action sociale, résultant de la mise en œuvre du schéma départemental de coopération intercommunale mentionné à l’article L. 5210-1-1 du même code.
II. – Les conséquences financières résultant de l'application du I sont compensées, pour les communes concernées, par une majoration de leur dotation de solidarité communautaire prévue au VI de l’article 1609
Cet amendement est assorti d’un sous-amendement n° 45 rectifié
Remplacer les mots :
ou en matière d’action sociale
par les mots :
, en matière d’action sociale ou en matière de petite enfance
L'amendement n° 56 rectifié n'est pas soutenu.
En conséquence, le sous-amendement n° 45 rectifié
La commission dépose un nouvel amendement reprenant le dispositif de l’amendement n° 56 rectifié et du sous-amendement n° 45 rectifié
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 73, présenté par M. Richard, au nom de la commission, et ainsi libellé :
M. le président.
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 5111-6 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable à la création d’un syndicat compétent en matière de création et de fonctionnement des écoles pré-élémentaires et élémentaires, en matière d’action sociale ou en matière de petite enfance, résultant de la mise en œuvre du schéma départemental de coopération intercommunale mentionné à l’article L. 5210-1-1 du même code.
II. – Les conséquences financières résultant de l'application du I sont compensées, pour les communes concernées, par une majoration de leur dotation de solidarité communautaire prévue au VI de l’article 1609
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
Cette disposition a fait l’objet d’un débat approfondi et peut être présentée simplement.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Il peut se trouver des situations où des compétences antérieurement exercées par un EPCI, en général une communauté de communes, ne seront pas reprises dans le cas d’une fusion, la communauté d’agglomération se concentrant sur des compétences plus stratégiques ; cela concerne notamment les regroupements pédagogiques intercommunaux, les petits syndicats de CCAS et, sur l’initiative de notre collègue Yves Détraigne, les communautés qui gèrent une crèche ou un ensemble de services dédiés à la petite enfance.
Cet amendement vise donc à permettre la recréation de syndicats spécialisés qui géreront ces compétences et qui ne surchargeront pas la communauté d’agglomération.
Il existe évidemment un volet financier afférent à cette disposition, les communautés gérant des services de proximité percevant une DGF. Il est prévu, au paragraphe II, qu’une compensation est apportée à ces syndicats spécialisés sous la forme d’une dotation de solidarité communautaire au titre de l’article 1609
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Philippe Richert,
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. le président.
Je me permets de faire du service après vente, monsieur le président.
M. Jean-Claude Lenoir.
(Sourires.)
Un amendement voté cette nuit dans les conditions que j’ai rappelées tout à l’heure visait justement à régler le problème qui se pose dans de nombreux départements, en cas de fusion de deux EPCI, lorsqu’une petite communauté de communes exerçant la compétence scolaire – c’est souvent le cas – rejoint une communauté plus importante qui ne possède pas cette compétence. C’est un vrai problème !
Deux solutions se présentent : ou bien l’on crée un syndicat intercommunal – c’est l’objet de l’amendement dont nous débattons – ou bien l’on recourt au dispositif prévu par l’un de mes amendements, adopté par le Sénat, à savoir la possibilité pour cette nouvelle entité territoriale d’exercer sur une partie du territoire la compétence scolaire. Dès lors, la difficulté qui a été soulevée est écartée : si vous créez un syndicat intercommunal, il n’y a pas d’impact sur la DGF.
Monsieur le rapporteur, j’aimerais connaître votre position sur ce point. Privilégiez-vous une méthode plutôt qu’une autre ?
L’inconvénient de la première méthode qui, j’en conviens, répond à nos préoccupations, est de favoriser la création de syndicats intercommunaux alors que nous souhaitions plutôt, de façon assez consensuelle, en diminuer le nombre. Il doit y avoir une sorte de ligne directrice qui indique ce que nous recommandons.
Je me permets également de vous demander, monsieur le ministre, si vous privilégiez l’une ou l’autre des solutions.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
La question soulevée par M. Lenoir est tout à fait pertinente.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je ne puis que retracer sommairement la réflexion que nous avons menée au sein de la commission. Si nous étions d’accord pour qu’un texte de portée limitée et d’adoption relativement rapide vienne régler un certain nombre de questions pratiques, j’avais indiqué à la commission que, selon moi, cette proposition de loi n’était pas un cadre adapté pour instaurer un dispositif radicalement nouveau, à savoir que les EPCI à fiscalité propre puissent avoir des champs de compétences subdivisés.
Mon réflexe, sans doute conservateur – mais nous sommes au Sénat : c’est sa tradition ! –, est d’avoir quelque appréhension à l’idée de transférer dans les communautés un système à deux vitesses.
La loi Galland, voilà vingt-quatre ans, a instauré ce système dans les syndicats. Elle a été appliquée, non sans difficulté, avec des conséquences notamment en termes de droit de vote. Ainsi, l’existence de deux séries de compétences implique deux budgets, adoptés par des organes délibérants différents.
Nous savons gérer cette situation à l’intérieur d’un syndicat dont le champ de compétences est relativement limité. Vouloir transférer une méthode génératrice de complexité, potentiellement de divergences, au sein de communautés qui ont vocation à être un lieu de rassemblement et de pilotage d’un aménagement me paraît imprudent.
C’est la raison pour laquelle j’ai préféré la solution proposée par Mme Gourault, à savoir celle du syndicat, qui est plus modeste, mais que nous savons faire fonctionner.
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Ce n’est pas parce que l’objectif général est de supprimer, chaque fois que c’est possible, des SIVOM, des SIVU, des syndicats mixtes, que nous devons nous interdire d’en créer en cas de nécessité fonctionnelle.
M. Philippe Richert,
Comme je l’ai indiqué très clairement à Rennes, notamment, lorsqu’une petite intercommunalité rejoint une grande, où le coefficient d’intégration est souvent moindre, la grande fait l’effort d’élargir ses compétences, mais ne parvient pas nécessairement à atteindre le même niveau d’intégration. Il peut donc y avoir un reliquat. L’intercommunalité la plus importante reprend-elle ce reliquat avec en quelque sorte des compétences « à la carte » – ce qui présente l’inconvénient qui vient d’être rappelé – ou crée-t-on un petit syndicat prenant en charge la compétence résiduelle ? Les deux solutions sont possibles.
Il convient, me semble-t-il, de rester pragmatique et de regarder ce que souhaitent les acteurs de terrain. Les deux solutions présentent des avantages et des inconvénients.
Nous avons exposé ce dossier de façon très précise aux préfets. Il est toujours possible de créer, sans risque, des syndicats. Le fait d’indiquer, en particulier en matière scolaire, qu’ils restent un support intéressant, utile, peut être précieux dans les discussions que nous avons à mener sur les stratégies futures. C’est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 73.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.
M. le président.
Après le premier alinéa du II de l’article 63 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police dans le délai visé à l’alinéa précédent, le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut renoncer, entre le 1
L'amendement n° 14 rectifié
M. le président.
I. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a. Après les mots : « communes membres de celui-ci », sont insérés les mots : « ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités, » ;
b. Les mots : « de cet établissement » sont remplacés par les mots : « de ce groupement » ;
2° - Au III, après les mots : « président de l’établissement public de coopération intercommunale », sont insérés (trois fois) les mots : « ou du groupement de collectivités territoriales ».
II. – Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
président de l’établissement public de coopération intercommunale
insérer les mots :
ou du groupement de collectivités territoriales
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je dépose un amendement qui en reprend le dispositif, monsieur le président.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 74, présenté par M. Richard, au nom de la commission, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 14 rectifié
M. le président.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
Cet amendement a, lui aussi, fait l’objet d’un consensus au sein de la commission.
M. Alain Richard,
rapporteur.
La loi du 16 décembre 2010 a instauré une répartition des pouvoirs de police spéciale en matière d’assainissement, de gestion des aires destinées aux gens du voyage, de collecte des ordures ménagères, lorsque les compétences qui conduisent à l’utilisation de ces pouvoirs de police ont été transférées aux communautés.
Si un maire s’oppose au transfert de ces pouvoirs de police spéciale, il est prévu que le président de la communauté peut le refuser. Il nous a semblé utile de préciser que, dans le cas des ordures ménagères, le président du syndicat spécialisé peut également refuser le transfert.
En effet, nous savons d’expérience que, dans de nombreux cas, la compétence relative aux déchets ménagers a été transférée à un ensemble territorial bien plus vaste que la communauté, qui ne peut être géré que par un syndicat. C’était la volonté du législateur puisque ce dispositif figure dans la loi Warsmann du17 mai 2011.
L’amendement nous a paru sensé, et c’est la raison pour laquelle la commission a souhaité le reprendre, afin de préciser que le partage consensuel de pouvoirs de police spéciale peut se faire aussi dans le cas d’un syndicat.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je demande à la commission de bien vouloir retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 35 de Jean-Jacques Hyest, qui tend à introduire un article additionnel après l’article 11 et porte sur le même sujet.
M. Philippe Richert,
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
D’un point de vue rédactionnel, je préfère l’amendement n° 74, et je m’en suis d’ailleurs ouvert à M. Hyest.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Les objectifs des deux amendements sont, je pense, convergents, mais, s’agissant d’une question délicate et nouvelle, la rédaction que je propose s’insérera mieux, me semble-t-il, dans le code général des collectivités territoriales.
Je mets aux voix l'amendement n° 74.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 61, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
M. le président.
1° Première phrase
Remplacer les mots :
entre le 1
par les mots :
dans un délai de trois mois à compter de la réception de la première notification d'opposition
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le rapporteur.
Une incertitude subsiste sur le délai dans lequel le président de l’intercommunalité doit répondre lorsqu’un maire l’informe qu’il ne souhaite pas transférer ses pouvoirs de police spéciale.
M. Alain Richard,
rapporteur.
L’amendement n° 61 tend donc à prévoir que, lorsqu’un premier maire déclare qu’il ne souhaite pas transférer son pouvoir de police spéciale, par exemple dans le domaine des aires réservées aux gens du voyage, le président de la communauté a trois mois pour dire s’il entend malgré tout appliquer son pouvoir de police spéciale sur l’ensemble du territoire de la communauté ou s’il y renonce, de manière que les autres maires ne restent pas longtemps dans l’incertitude.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Philippe Richert,
Je mets aux voix l'amendement n° 61.
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
M. le président.
(L'article 11 est adopté.)
L'amendement n° 35, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
M. le président.
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « groupement de collectivités » sont remplacés par les mots : « établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ».
Puis-je considérer que, du fait de l’adoption de l’amendement n° 74, cet amendement n’a plus d’objet ?…
Oui, monsieur le président.
Mme Catherine Procaccia.
À la demande des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre créés, étendus, transformés ou fusionnés en application de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, les administrations déconcentrées de l’État les assistent pour l’analyse de la situation financière du groupement dont la constitution est prévue et des options dont ils disposent en matière fiscale.
L'amendement n° 15 rectifié
M. le président.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Elles leur fournissent les informations et analyses sollicitées avant qu’ils ne délibèrent sur le projet qui leur est proposé.
La commission départementale de la coopération intercommunale peut également solliciter ces administrations pour toute information dont elle a besoin pour exercer ses missions.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Je suis saisi de huit amendements, présentés par MM. Saugey, Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
M. le président.
L'amendement n° 33 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2122-35 du code général des collectivités territoriales, les mots : « dix-huit ans » sont remplacés par les mots : « douze ans ».
L'amendement n° 26 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa (4°) du II de l'article L. 2123-2, les mots : « 3 500 à 9 999 habitants » sont remplacés par les mots : « moins de 10 000 habitants » ;
2° Après l'article L. 2123-5, il est inséré un article L. 2123-5-1 ainsi rédigé :
Art. L. 2123-5-1
3° Après l'article L. 3123-3, il est inséré un article L. 3123-3-1 ainsi rédigé :
Art. L. 3123-3-1
4° Après l'article L. 4135-3, il est inséré un article L. 4135-3-1 ainsi rédigé :
Art. L. 4135-3-1
L'amendement n° 30 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».
L'amendement n° 31 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 2123-11-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les mots : « de 1 000 habitants au moins » sont supprimés ;
2° Le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».
L'amendement n° 27 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l'article L. 2123-14 est ainsi rédigé :
« Le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 1 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres du conseil municipal, en application des articles L. 2123-23, L. 2123-24, L. 2123-24-1 et, le cas échéant, L. 2123-22. Le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20 % du même montant. Les sommes non dépensées sont reportées sur le budget suivant dans la limite du mandat de la collectivité concernée. » ;
2° Le troisième alinéa de l'article L. 3123-12 est ainsi rédigé :
« Le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 1 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres du conseil général, en application des articles L. 3123-16 et L. 3123-17. Le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20 % du même montant. Les sommes non dépensées sont reportées sur le budget suivant dans la limite du mandat de la collectivité concernée. » ;
3° Le troisième alinéa de l'article L. 4135-12 est ainsi rédigé :
« Le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 1 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres du conseil régional, en application des articles L. 4135-16 et L. 4135-17. Le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20 % du même montant. Les sommes non dépensées sont reportées sur le budget suivant dans la limite du mandat de la collectivité concernée. »
L'amendement n° 32 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa du I de l'article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : «, sauf si le conseil municipal en décide autrement » sont supprimés.
L'amendement n° 28 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l'article L. 2123-23 est ainsi rédigé :
« La population à prendre en compte est définie par voie réglementaire. » ;
2° Le II de l'article L. 2123-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce montant total est calculé sur la base du nombre maximal théorique d'adjoints que le conseil municipal peut désigner sur le fondement de l'article L. 2122-2 et, s'il en est fait application dans la commune, de l'article L. 2122-2-1, augmenté le cas échéant du nombre d'adjoints désignés sur le fondement de l'article L. 2122-3. »
L'amendement n° 29 est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 5214‑8 du code général des collectivités territoriales, après la référence : « et L. 2123‑18‑4 », est insérée la référence : «, ainsi que le II de l'article L. 2123‑24‑1, ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 33.
Cet amendement vise à abaisser de dix-huit ans à douze ans la durée requise pour bénéficier de l'honorariat conféré aux anciens maires, maires délégués et maires-adjoints.
Mme Catherine Procaccia.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Un certain nombre d’explications sont nécessaires.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Je rappelle que notre collègue Bernard Saugey a déjà fait travailler notre assemblée sur une série de dispositions visant à améliorer le statut des élus locaux, qui portaient notamment sur les conditions ouvrant droit à la retraite. Ces dispositions font l’objet d’un assentiment assez général.
Malheureusement, monsieur le ministre, la proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey est, pour l’heure, demeurée sans suite à l’issue d’une première lecture au Sénat ; mais nous comprenons les difficultés du Gouvernement – de tout gouvernement – quant au pilotage de l’ordre du jour du Parlement
De façon bien compréhensible, notre collègue Bernard Saugey et les membres du groupe UMP ont donc décidé de « raccrocher » leurs dispositions sur le statut de l’élu à la présente proposition de loi.
Pour ma part, je m’efforce d’en rester à un texte limité. Tous les amendements de M. Saugey – je m’en suis expliqué avec lui et il a été parfaitement conciliant –, sauf un, l’amendement n° 29, portent sur des mandats autres que les mandats intercommunaux. Il me semble donc qu’ils ne présentent pas de lien avec l’objet de notre proposition de loi. Le ministre nous ayant averti que nous travaillions toujours sous la vigilance du Conseil constitutionnel, je n’aurai garde de l’oublier.
La commission émet donc un avis favorable sur le seul amendement n° 29. Notre collègue Bernard Saugey était d’accord pour retirer les autres amendements. Je laisse le soin à Mme Procaccia, si elle en est d’accord, de procéder à ce retrait.
Je me permets de vous interroger, monsieur le ministre : les autres dispositions proposées par Bernard Saugey, auxquelles le Gouvernement, à ma connaissance, n’était pas opposé, pourront-elles être incluses dans un autre texte législatif ?
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Nous connaissons tous le travail effectué par M. Saugey sur le statut de l’élu. Je ne reviendrai pas sur chacun de ces amendements, disant simplement que, à l’exception de l’amendement n° 32, dont il souhaite le retrait, tous ont recueilli de la part du Gouvernement soit un avis favorable, soit un avis de sagesse.
M. Philippe Richert,
L’amendement n° 32 vise en effet à accorder une indemnité de fonction au taux maximal aux maires des communes de moins de 1 000 habitants. Cette question mérite d’être retravaillée. Certains sujets – c’est le cas de l’augmentation généralisée des indemnités des élus – doivent aujourd'hui être abordés avec beaucoup de précautions.
Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, je vous confirme que nous aurons l’occasion de revenir sur les dispositions proposées par M. Saugey lors de l’examen d’un autre véhicule législatif. En revanche, je ne peux pas aujourd'hui vous donner de précisions sur la façon dont le processus va s’enclencher.
Vous savez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, que le président de l’Association des maires de France défend un certain nombre de propositions très proches à la fois de suggestions formulées dans cet hémicycle même par un certain nombre de membres de cette association et de préoccupations que j’ai moi-même exprimées. Il n’est donc pas exclu que nous ayons à examiner des dispositions de cette nature lors de l’examen d’autres véhicules législatifs.
Quand ? Je ne saurais vous le dire précisément, tant les « niches » sont rapidement remplies, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Vous êtes bien placés, mesdames, messieurs les sénateurs, pour savoir ce qu’il est advenu de la niche de quatre heures qui était réservée à ce texte ! Je ne reviendrai pas sur ce sujet, que nous avons déjà suffisamment évoqué, mais vous savez que c’est là une question compliquée.
Madame Procaccia, les amendements autres que l’amendement n° 29 sont-ils retirés ?
M. le président.
Oui, monsieur le président, mais je tiens à rappeler que le Sénat a voté la proposition de loi de Bernard Saugey et que nous sommes tous ici attachés au statut de l’élu. Cela fait trente ans que je suis élue et que j’évoque ce sujet. Sur ce point, les gouvernements de droite comme de gauche sont tout autant critiquables puisque rien n’avance jamais. On ne cesse d’aborder cette question, mais il ne se passe rien !
Mme Catherine Procaccia.
Je veux bien convenir que la présente proposition de loi n’est pas le bon véhicule pour accueillir les dispositions proposées par Bernard Saugey. Il me semble cependant que nous pourrions faire un geste en direction des élus – et ce geste n’aurait rien de suspect puisque les élections sénatoriales sont derrière nous – pour leur montrer que nous sommes attachés à leur statut et que nous aimerions voir ce dossier avancer.
Puisque M. le ministre a plus particulièrement évoqué l’amendement n° 32, qui porte sur les indemnités, je ferai remarquer que le Sénat a, hier soir, allègrement adopté des amendements tendant à multiplier le nombre de vice-présidents et, par là même, à augmenter considérablement le volume des indemnités.
Malgré l’opposition du Gouvernement !
M. Philippe Richert,
Et du groupe UMP !
Mme Catherine Procaccia.
Or les indemnités de vice-présidents sont bien supérieures à celles des maires. Peut-être pourraient-elles d’ailleurs être écrêtées… En effet, au total, certains élus locaux perçoivent plus au titre des structures intercommunales au sein desquelles ils sont délégués que s’ils étaient parlementaires. Voilà pour la petite histoire...
Quoi qu'il en soit, pour une fois, je suivrai M. le rapporteur et je retire les amendements de M. Saugey à l’exception de l’amendement n° 29.
Les amendements n
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 12.
M. le président.
J’appelle maintenant en discussion deux amendements présentés par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 19, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 241 du code électoral, le nombre : « 2 500 » est remplacé par le nombre : « 3 500 ».
L'amendement n° 18 est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux intitulés du chapitre II et du chapitre III du titre IV du livre I
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
En ce vendredi après-midi, j’aperçois surtout dans l’hémicycle des élus de Paris et des départements d’Île-de-France
Mme Catherine Procaccia.
(Sourires.)
L’amendement n° 19 est un amendement de cohérence avec la réflexion menée sur les seuils dans l’ensemble des dispositifs.
Quant à l’amendement n° 18, il tend à étendre le champ des communes élisant leur conseil municipal au scrutin proportionnel de liste, de manière à assurer une meilleure représentation des opinions et à renforcer la parité au sein des assemblées municipales.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission des lois s’est abstenue d’entrer dans ce débat, qui ouvre d’immenses d’horizons sur la modification du mode de désignation des conseillers communautaires et leur élection au suffrage direct.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Elle sait gré à notre collègue Jean-Jacques Hyest d’avoir rappelé à tout le monde que le sujet est pendant, que le calendrier avance et qu’il faudra bien que le Gouvernement et les deux chambres du Parlement prennent position à une date raisonnable, c'est-à-dire au moins un an avant la date prévue pour les élections municipales.
Afin de ne pas « charger la barque » et donc de ne pas encourir les reproches – légitimes – du groupe UMP, qui estime qu’il ne faut pas transformer en texte de douze articles une proposition de loi qui n’en comptait qu’un à l’origine
(Sourires.)
(Nouveaux sourires.)
Je reviens cependant à la charge, monsieur le ministre, car nous sommes dans une situation étrange. Le texte qui modifie le mode d’élection des conseillers communautaires a été déposé il y a maintenant un peu plus d’un an, si ma mémoire est bonne, mais il n’a donné lieu à aucun acte de procédure. Tout le monde sait cependant qu’il faudra se décider d’ici moins d’un an.
Quelle est donc l’intention du Gouvernement, qui, à quelques exceptions près, est maître de l’ordre du jour du Parlement ? A-t-il l’intention de mettre finalement en débat la clarification du mode d’élection des conseillers communautaires ? En tout cas, si le Gouvernement n’a pas arrêté sa position sur ce point, la commission ne recommandera pas au Sénat de se prononcer maintenant et de façon un peu précipitée sur une question malgré tout assez délicate.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
En ce qui concerne la question des seuils, j’ai eu l’occasion, en réponse à des interrogations de sénateurs et de députés, de dire clairement – le Président de la République l’ayant dit par ailleurs, cela m’a facilité la tâche – que le Gouvernement émettrait un avis de sagesse sur le choix qui serait fait par le Parlement.
M. Philippe Richert,
Nous avons inscrit dans le projet de loi n° 61 le seuil de 500 habitants, à partir duquel il y aurait, dans les communes, une élection au scrutin de liste. J’avais rencontré à cette occasion le président et quelques responsables de l’Association des maires de France, qui m’avaient alors indiqué que ce seuil était le fruit d’un travail mené par le bureau de l’AMF. Le président était néanmoins tout à fait conscient que ce seuil était susceptible d’être modifié, qu’il convenait sans doute de faire un peu bouger les lignes.
Le Sénat, à une époque où j’y siégeais encore, s’était saisi à plusieurs reprises de ce sujet pour dire que ce seuil méritait sans doute d’être ajusté. Certains évoquaient alors un seuil de 1 000, 1 500 ou 2 000 habitants. Le Gouvernement, en la matière, a décidé de ne pas prendre position et de se reposer sur la sagesse du Parlement. Le choix sera donc fait par celui-ci.
Reste néanmoins la question du moment choisi pour se décider. Il va de soi que, à la suite des élections sénatoriales et du changement de majorité qu’elles ont provoqué, mais aussi dans la perspective des prochaines échéances électorales, il ne paraît pas absolument prioritaire de débattre de ce texte, d’autant qu’il ne trouvera à s’appliquer pour la première fois qu’en mars 2014, date des prochaines élections municipales !
D’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Nous avons donc le temps de nous y préparer.
M. Philippe Richert,
Aussi ce projet de loi n’est-il pas renvoyé aux calendes grecques. Simplement, nous n’avons pas su le placer parmi les textes à examiner avant janvier 2012. C’est la raison pour laquelle il est aujourd'hui en
Je répète que le Gouvernement se fiera à la sagesse du Parlement et qu’il ne dira pas la direction vers laquelle il convient de s’orienter.
Je me permettrai tout de même de donner une indication. L’abaissement du seuil visait, notamment, à respecter un engagement relatif à la parité. Le Gouvernement souhaite donc que ce seuil soit ramené à 500 habitants et c’est ce qu’il a prévu dans son projet de loi. Bien sûr, il peut être modifié, mais personne n’imagine que l’on en reste au seuil de 3 500 habitants.
Madame Procaccia, les amendements n
M. le président.
Jean-Jacques Hyest, en déposant ces amendements, entendait rappeler à M. le ministre la préoccupation du groupe UMP à ce sujet. M. le ministre nous a dit quelle était la position du Gouvernement. La parité est, bien sûr, un impératif. Cependant, si j’en crois ce que disent mes collègues élus de petites communes, un seuil trop bas entraînerait des difficultés pour constituer des listes, et c’est aussi un élément qu’il faut prendre en compte.
Mme Catherine Procaccia.
Je voulais aussi, à travers ces amendements, manifester auprès de M. le rapporteur et surtout de M. le président de la commission des lois notre souhait de voir une proposition de loi sur ce thème inscrite à l’ordre du jour d’une nouvelle journée mensuelle réservée aux initiatives législatives des groupes – et je ne pense pas que douze heures seraient nécessaires pour la discuter ! À voir comment se déroulent les sessions, je crains en effet qu’il n’y ait pas d’autre possibilité que d’utiliser la « niche parlementaire » pour voir aboutir de nouvelles dispositions législatives à cet égard.
Je retire donc ces amendements, mais je demande au président de la commission des lois de faire en sorte que cette proposition puisse aboutir en 2012.
Les amendements n
M. le président.
L'amendement n° 20, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa de l’article L. 3142-56 du code du travail, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 2 000 ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Je l’ai dit, l’amendement n° 20 concerne également les petites communes et les questions de seuil. Je vais également le retirer, mais je tiens à en faire une courte présentation, car il a trait, lui, au congé électif.
Mme Catherine Procaccia.
Permettre aux candidats de bénéficier d’un congé et ainsi d’avoir du temps pour se présenter à des élections me paraît aller dans le sens d’un renforcement de la démocratie.
Bien sûr, je ne suis pas la mieux placée pour évoquer le cas des communes de 2 000 à 3 500 habitants puisque la plus petite commune de mon département, le Val-de-Marne – je parle sous le contrôle de notre collègue Christian Favier, président du conseil général – doit compter 3 500 ou 3 800 habitants, mais je présume que l’on a également besoin de temps pour faire campagne dans de telles communes. Il serait donc normal que l’on étende le régime du congé électif aux candidats qui se présentent dans ces communes.
Ces observations étant faites, je retire l’amendement.
L’amendement n° 20 est retiré.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
Beaucoup considèrent cette idée avec bienveillance. Nous essayons cependant de rester cohérents, et j’imagine que Mme Procaccia ne nous en a pas tenu rigueur puisqu’elle a d’emblée retiré son amendement.
M. Alain Richard,
rapporteur.
Nous n’avons voulu, c’est vrai, intégrer dans la proposition de loi que des dispositions qui portent directement sur les intercommunalités. Or cet amendement portait sur les conditions de candidature à un mandat de conseiller municipal. Nous n’avons pas souhaité mettre le doigt dans un engrenage qui aurait échappé à notre contrôle, qui aurait par trop élargi le champ de la proposition de loi et qui aurait d’ailleurs pu donner lieu à des observations sur la méthode législative.
Le support législatif que constitue la présente proposition de loi n’était tout simplement pas le bon pour accueillir cet amendement. Toutefois, nous prenons donc en quelque sorte rendez-vous : il faudra revenir sur cette suggestion, et vous n’aurez sans doute aucun mal, madame Procaccia, à convaincre largement de son bien-fondé.
L'amendement n° 54 rectifié
M. le président.
Après l'article 12
Ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le périmètre ou les compétences d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sont visés par une ou plusieurs propositions du schéma départemental de coopération intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, cet établissement public peut exercer des compétences pour une partie seulement des communes membres, après accords concordants exprimés à la majorité simple du conseil communautaire et des conseils municipaux concernés.
Cet accord détermine en ce cas la liste des compétences que l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut exercer sur une partie seulement de son périmètre.
Les effets de cette délégation de compétences sont réglés par convention passée entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes concernées. La convention précise l’étendue et les conditions financières de la délégation de compétence. Pour les établissements publics soumis au régime fiscal prévu à l'article 1609
Le conseil communautaire peut former pour l'exercice d'une ou plusieurs compétences des commissions chargées de préparer ses décisions et prévoir en ce cas la participation de conseillers municipaux des communes membres de cet établissement selon des modalités qu'il détermine.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel aurait été notre bonheur de voter la proposition de loi du président Sueur !
M. Roger Karoutchi.
(Sourires et murmures.)
Et puis, chemin faisant, l’article unique est devenu un texte de douze articles ! Entre nous, nous nous demandons encore aujourd'hui si le fait de passer d’un article à douze, de modifier autant l’élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale et un certain nombre de dispositions de la loi de décembre 2010, est constitutionnellement possible.
Monsieur le président de la commission des lois, vous prétendez vous contenter de préciser ici et là, ne modifier que par petites touches, ne rien détricoter, ne rien déconstruire.
Nous améliorons !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
C’est cela, vous améliorez ! Vous possédez la vertu politique de savoir utiliser les mots ! Mais ces mots dissimulent une réalité : vous avez déconstruit le texte de la loi !
M. Roger Karoutchi.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Et je reconnais là un geste tout à fait politique, à quelques jours du congrès de l’AMF !
M. Roger Karoutchi.
On n’est pas aussi tordus que cela !
M. David Assouline.
Bien sûr, monsieur Assouline, et je ne vous prête que des vertus !
M. Roger Karoutchi.
Il ne faut tout de même pas exagérer ! Ce texte aurait dû être discuté en quatre heures. Nous verrons bien, dans les semaines et les mois qui viennent, si tous les groupes peuvent voir leurs textes bénéficier de la même extension de temps d’examen, si les plus hautes instances de notre assemblée acceptent, en vertu de l’équité, que toutes les tendances politiques en profitent ! Au demeurant, si c’est le cas, si toutes les discussions sur des textes d’initiative parlementaire peuvent durer de dix à douze heures, au lieu de quatre, on se demande comment sera respecté le nécessaire équilibre entre le Gouvernement et les groupes !
En tout état de cause, je vous le dis, ce système, cette manière de fonctionner, ce mode de travail ne sont pas bons.
Se pose en outre, je l’ai dit, une question constitutionnelle : pouvait-on passer d’une proposition de loi d’un article à un texte qui en contient douze ?
Parlez plutôt du fond !
M. David Assouline.
Malgré ce que vous prétendez, dans cette proposition de loi, on s’est efforcé de déconstruire, de détricoter ce qui existe. Certes, comme l’a dit M. le ministre, certains points appelaient des précisions, mais il n’était pas besoin de remettre en cause les éléments clés de la loi !
M. Roger Karoutchi.
Aujourd'hui, vous allez voter un texte dans lequel on parle toujours de « schémas », de « préfets », de « cohérence communale », d’« intercommunalité », mais derrière les mêmes mots, il n’y a plus les mêmes réalités.
C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet.
En réalité, votre proposition de loi ajoutera de la confusion à la réforme et lui fera prendre du retard. Beaucoup ici étaient d’accord avec le Gouvernement pour dire que, en cas de consensus constaté avant le 31 décembre, la réforme s’appliquerait, et qu’en l’absence de consensus des solutions seraient trouvées qui permettraient d’avancer.
M. Roger Karoutchi.
Le Gouvernement était ouvert au débat et à toute précision législative. Il était ouvert à toute avancée permettant à l’ensemble des groupes de considérer que nous avions enfin une réforme admissible par tous, qui détermine le rôle exact des communes, qui fasse progresser l’intercommunalité, qui établisse un équilibre susceptible d’être accepté dans tous les départements.
Monsieur le rapporteur, je reconnais bien volontiers la courtoisie permanente de vos réponses et de vos interventions. Mais voilà un texte qui, s’il n’avait pas initialement, j’en conviens, pour objet de réécrire la loi, est à l’arrivée plus générateur de conflits que le dispositif qui a été adopté l’an dernier sur proposition du Gouvernement !
Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Cela signifie qu’en votant ce texte, au lieu d’apporter des précisions nécessaires et de rendre la réforme plus cohérente, nous nous exposons à beaucoup plus de critiques et de conflits ! Dès lors, nous ne faisons pas le travail qui nous a été confié.
M. Roger Karoutchi.
Chacun comprendra donc que cette proposition de loi n’ait pas le soutien du groupe UMP.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
M. le président.
Le groupe RDSE dans son ensemble votera cette proposition de loi, qui a nettement montré la volonté d’apporter des clarifications au texte de la loi du 16 décembre 2010.
Mme Anne-Marie Escoffier.
(M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Absolument !
M. Roland Courteau.
Les réponses ainsi fournies sont pragmatiques, concrètes, et rompent délibérément avec les orientations données, notamment, par les préfets au cours de l’été, qui ont trop souvent été sources de confusion et d’inquiétude. Il aurait fallu que je sois sourde et aveugle pour ne pas l’avoir relevé dans mon département.
Mme Anne-Marie Escoffier.
Je le dis une nouvelle fois : la loi initiale, en raison d’une volonté de la mettre en application à marche forcée et avec une rigueur excessive, s’est heurtée à la réticence de bien des élus.
Aujourd'hui, j’ai noté que les deux voies correspondant, d’un côté, à la volonté du rapporteur de faire aboutir dans de bonnes conditions une intercommunalité consensuelle, de l’autre, à l’intention, que vous avez manifestée à plusieurs reprises, monsieur le ministre, d’assouplir le texte initial et de favoriser la coproduction, loin de s’écarter, tendaient plutôt à converger.
Je me veux donc optimiste et je forme le vœu que cette proposition de loi trouve un écho favorable sur le terrain et donne l’occasion à nos élus de se féliciter du travail que nous avons fait ici, avec pour seul objectif de répondre à l’intérêt général.
(Applaudissements
sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Très bien !
M. Jean Desessard.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. le président.
Après l’adoption et la mise en application d’une loi, il est normal que des questions se posent et que soit exprimé le souhait de lui voir apporter quelques améliorations et corrections.
M. Jean-Claude Lenoir.
C’était la volonté, me semble-t-il, de tout le monde. Du reste, je me rallie tout à fait à l’opinion que Roger Karoutchi a exprimée il y a un instant.
La loi du 16 décembre 2010 est une bonne loi. J’observe d’ailleurs que, dans mon département, tous les parlementaires l’avaient votée. Sur le terrain, à écouter les élus qui travaillaient à la mettre en œuvre, il est apparu qu’un certain nombre de points devaient être améliorés. Nous y étions tout à fait favorables.
Quels étaient donc les principaux problèmes qui, d’un point de vue pragmatique, appelaient une solution ?
Le premier concernait le calendrier. M. le Premier ministre et M. le ministre y ont répondu par avance : la date du 31 décembre ne signifie pas la fin de l’exercice ; je n’y reviens pas, puisque la réponse nous satisfait.
Le deuxième avait trait au maintien jusqu’en 2014 des élus des actuelles communautés de communes. À l’origine, c’était l’unique objet de la proposition de loi. J’adresse un
satisfecit
Le troisième concernait les syndicats intercommunaux. Comme je l’avais indiqué à M. le ministre, des malentendus se sont fait jour dans nos territoires. La réforme a heurté un certain nombre d’élus parce que des syndicats intercommunaux dont l’existence était justifiée et dont l’utilité était démontrée allaient disparaître pour se fondre dans des territoires assez mal identifiés. Là encore, des réponses ont été apportées.
Le quatrième problème touchait à la possibilité, en cas de fusion de deux communautés de communes, qu’une compétence soit exercée sur une partie seulement du territoire ; c’était là une question à mes yeux très importante. M. le rapporteur a objecté que des élus différents auraient à se prononcer sur les frais correspondants. À mon avis, il suffit d’instituer un budget annexe pour résoudre la difficulté.
Lorsque j’ai défendu la solution qui a finalement été retenue par le Sénat, écartant le recours aux syndicats intercommunaux, je n’ai pas eu le sentiment de faire preuve de conservatisme. D’ailleurs, ce n’est pas dans cet état d’esprit que j’ai rejoint la Haute Assemblée.
Quoi qu’il en soit, nous avons obtenu satisfaction sur ce point également : des réponses ont été apportées aux élus.
Faut-il pour autant adopter le texte qui nous est soumis ?
Dans le vocabulaire parlementaire, nous connaissions déjà les « cavaliers budgétaires ». M. le président de la commission des lois vient d’inventer une nouvelle notion : le « cheval de Troie » législatif !
sur les travées de l’UMP.)
Au départ, la proposition de loi ne comportait qu’un seul article. Nous étions censés l’examiner mercredi après-midi, dans le cadre de l’ordre du jour réservé. Mais la discussion s’est poursuivie jeudi après-midi, puis pendant la nuit de jeudi à vendredi et, à présent, vendredi après-midi ! Tout cela parce qu’entre-temps le cheval avait beaucoup grossi…
En fait, derrière la proposition initiale, il y avait un certain nombre d’autres objectifs, que vous aviez d’ailleurs annoncés en commission des lois. Pour tout dire, j’ai rarement vu les travaux d’une commission donner lieu à une telle médiatisation.
(M. le président de la commission des lois s’exclame.)
Un excellent communiqué !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Et vous y avez tout simplement déclaré vouloir mettre à bas la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales !
M. Jean-Claude Lenoir.
Pas du tout ! Vous ne l’avez pas lu ! À quoi sert-il de faire d’excellents communiqués si vous ne les lisez pas ?
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Au moins, vous avez dévoilé vos intentions !
M. Jean-Claude Lenoir.
Voilà pourquoi nous nous opposons à cette proposition de loi. Ce texte aurait pu – M. le ministre le soulignait – fournir l’occasion d’une rencontre, d’un rendez-vous entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et même entre les élus de tous bords, en vue d’améliorer la loi du 16 décembre 2010. Mais vous avez fait un choix partisan qui ne permettra sans doute pas d’aller bien loin…
En revanche, je me réjouis que notre collègue Jacques Pélissard, député et président de l’Association des maires de France, ait déposé une excellente proposition de loi, sur laquelle beaucoup peuvent se retrouver.
Et ça, ce n’est pas un choix partisan ?
M. David Assouline.
Je souhaite que nous puissions continuer à travailler sur ces problèmes d’intercommunalité. Des réponses doivent être apportées rapidement, mais dans un esprit un peu différent de celui qui caractérise le texte soumis à notre vote, ainsi d’ailleurs que certains des propos tenus aujourd'hui.
M. Jean-Claude Lenoir.
Je vous confirme donc que le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.
La parole est à M. Christian Favier.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le fond de la réforme territoriale puisque j’ai déjà eu l’occasion de vous faire part des critiques qu’elle nous inspire lors de la discussion générale.
M. Christian Favier.
La présente proposition de loi apporte des améliorations tout à fait sensibles, notamment sur un sujet qui nous semble essentiel. En effet, elle redonne la priorité aux élus face aux préfets, dont le poids est tout à fait excessif, dans l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale. C’est, à mon sens, une évolution très positive. Par conséquent, nous voterons évidemment pour.
Cela étant, le texte n’apporte, il faut bien le dire, que des améliorations partielles. Il ne répond pas à la totalité des critiques que nous portons contre la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Dès lors, nous ne pourrons nous dispenser d’une réflexion plus globale et plus approfondie sur cette réforme.
Certes, nous sommes conscients que des dizaines, voire des centaines d’heures y ont été consacrées, mais il faudra prendre en compte l’ensemble de ce qui a été dit, y compris à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. Et je compte beaucoup sur les états généraux annoncés par le président Jean-Pierre Bel pour jeter les bases d’une nouvelle réflexion, d’une véritable réforme des collectivités territoriales qui respecte véritablement les élus.
Pour nous, la décentralisation est un processus qui suppose d’associer pleinement les élus, dans une démarche volontaire, au lieu de leur imposer, comme c’est le cas actuellement, des évolutions de façon autoritaire.
En fait, et nous aurons l’occasion d’y revenir lors du débat sur le conseiller territorial, la réforme de 2010 vise bien à saper ces échelons de base de la démocratie que sont les communes et les départements. Elle procède donc d’une conception que nous ne partageons évidemment pas !
Par conséquent, selon moi, la nouvelle majorité sénatoriale a le devoir de revenir sur cette réforme territoriale et de remettre l’ouvrage sur le métier.
En attendant, nous prenons en compte les améliorations contenues dans la proposition de loi, et nous voterons en faveur de ce texte.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est tout à fait bienvenue.
Mme Nathalie Goulet.
En effet, face aux difficultés que rencontrent beaucoup d’élus locaux dans la mise en œuvre de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, un texte d’ajustement était très attendu.
Au demeurant, ceux qui n’ont pas voulu écouter les territoires ne sont, pour beaucoup d’entre eux, plus là pour débattre aujourd'hui.
(Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je voudrais simplement revenir sur un point qui a été évoqué par M. le rapporteur et qui est à mes yeux extrêmement important.
Il n’y a aujourd'hui aucune structure susceptible de régler les litiges liés à l’intercommunalité. Or les possibilités de conflits sont multiples ; nous en avons déjà discuté à l’occasion de précédents débats. Il peut y avoir des différends entre commune-centre et communes périphériques ou entre petites et grandes communes. Il y a aussi des problèmes de compétence ou de financement. Or il n’existe ni procédure ni autorité de tutelle susceptible de les trancher. Par exemple, les administrations n’ont pas la capacité de nommer des experts à cette fin.
Ainsi, un certain nombre de difficultés ne trouvent pas de solution, faute d’outil adapté et de bases légales. Je pense que le Sénat devrait réfléchir à cette question, afin de faciliter la mise en place des nouvelles intercommunalités.
Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine sont partagés sur la proposition de loi. Quatre d’entre nous voteront contre, dix s’abstiendront et les autres, dont moi-même, voteront pour.
Nous espérons que ce texte permettra d’apaiser les territoires et de favoriser la mise en place des nouveaux schémas dans les meilleurs délais, dans l’intérêt général des territoires, de leurs habitants et des élus, dont nous savons tous qu’ils fournissent un travail d’une qualité exceptionnelle, ô combien utile dans cette période particulièrement difficile.
(M. le président de la commission des lois applaudit.)
M. Jean Desessard.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
M. le président.
À l’instar de mon ami Christian Favier, je précise que, pour le groupe CRC, cette proposition de loi doit s’inscrire dans une démarche d’ensemble visant à abroger totalement la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Mme Éliane Assassi.
En rappelant cet objectif politique, qui a d’ailleurs été énoncé par le président Jean-Pierre Bel, nous ne sommes pas dans une attitude hostile à l’intercommunalité, contrairement à ce qu’un certain nombre de sénateurs de la majorité gouvernementale ont voulu insinuer cette nuit.
Nous sommes par conviction attachés à la coopération, tout comme nous sommes attachés au partage et à la liberté. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, la première communauté d’agglomération a été créée sur l’initiative de mon ami Patrick Braouzec, alors maire de Saint-Denis.
Il reste que nous défendons une conception de l’intercommunalité autre que celle qui est trop souvent mise en avant dans cet hémicycle. Nous sommes plus proches de la définition qu’en donnait notre collègue Jean-Pierre Chevènement lors des débats sur la réforme de 2010 quand il parlait de « boîte à outils » mise à la disposition des communes.
En effet, pour nous, tout doit partir de la commune, tout doit respecter la commune, tout doit revenir à la commune. Nous pensons qu’il s’agit d’une base essentielle de la démocratie et de notre République.
Dès lors, nous assumons le choix d’une coopération à la fois volontaire et utile entre les communes volontaires, entre les départements ou entre les régions, et entre ces trois niveaux, afin de toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de nos concitoyens. Une telle démarche et une telle conception de la coopération inter-collectivités locales ne peuvent être fondées que sur le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales, auquel nous sommes très attachés, car il permet d’associer responsabilité de chacun et démarche collective.
Alors que la loi actuelle fonde l’intercommunalité sur la contrainte et l’autoritarisme du pouvoir central tout en imposant un rythme forcé, nous sommes partisans du dialogue et du respect de chaque collectivité.
Dans ce cadre, il nous semble naturel de soutenir par notre vote les mesures contenues dans la présente proposition de loi, qui rend la parole aux acteurs de terrain et, surtout, qui recadre les pouvoirs attribués actuellement aux préfets en la matière.
En outre, ce texte règle, au moins pour partie, la question de la mise en œuvre de la loi. En effet, le rythme qui est prévu paraît difficile à tenir. En donnant du temps au temps, la proposition de loi élargit les possibilités de concertation.
Cela dit, l’achèvement et la rationalisation obligatoires de l’intercommunalité demeurent des objectifs que nous ne partageons pas. Nous considérons toujours qu’aucune commune, aucune intercommunalité, ne doit être contrainte au regroupement.
De même, nous ne sommes nullement favorables à la suppression des syndicats existants tant qu’ils répondent à des besoins. Cette forme de coopération intercommunale est la plus ancienne et la plus fréquente. Elle prouve d’ailleurs que, très vite et en de nombreuses occasions, les communes ont eu le souci de la coopération afin de mieux répondre à leurs besoins et à ceux de leur population.
Faisons confiance à tous les élus locaux qui, chaque jour, gèrent le quotidien de notre pays, bien souvent – on ne le dit pas assez – bénévolement. Respectons leurs choix et leur intelligence.
Tel est le sens du soutien du groupe CRC à cette proposition de loi qui, je le souligne encore une fois, est pour nous une étape.
(M. le président de la commission des lois applaudit.)
La parole est à M. Roland Courteau.
M. le président.
Oui, les territoires étaient exaspérés. Oui, ce texte est le bienvenu pour les apaiser. Je persiste à dire qu’il est très attendu par les élus, qui sont demandeurs d’un achèvement véritablement concerté – j’insiste sur ces termes - de la carte intercommunale.
M. Roland Courteau.
Je l’ai souligné au cours de la séance de nuit, la loi actuelle fut très mal accueillie sur le terrain par les élus, au-delà des différences d’orientation politique. Je me réjouis des travaux effectués par le Sénat sur proposition de la commission des lois, de son président et de son rapporteur. Il fallait, en effet, accroître le pouvoir des élus en étendant les prérogatives de la CDCI et en donnant donc à celle-ci la primauté pour l’adoption du schéma départemental de la coopération intercommunale. C’est chose faite !
Le rôle moteur qui est ainsi accordé à la CDCI sera, n’en doutez pas, particulièrement apprécié par les élus, et ce quelle que soit leur sensibilité politique.
Mes chers collègues, donner la prééminence à la CDCI pour l’élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale, c’est permettre aux communes de mieux maîtriser leur destin. La démocratie locale en sortira gagnante.
Cette proposition de loi va tout à fait dans le sens de l’histoire, c'est-à-dire de la décentralisation.
Oui, je le redis, car c’est une vérité : plus de concertation, c’est plus d’efficacité.
Sans nul doute, ce texte, chers collègues, trouvera un écho très favorable dans les communes. Le Sénat a fait du bon travail.
Encore une fois, je veux remercier le rapporteur, Alain Richard, le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, l’ensemble de la commission, ainsi que ceux qui ont soutenu ici les dispositions que nous avons adoptées. Le message qui a été lancé le 25 septembre dernier à l’occasion des élections sénatoriales a bien été entendu.
Mme Nathalie Goulet.
Aujourd’hui, le Sénat a accompli sa mission. Le groupe socialiste-EELV, bien évidemment, votera ce texte.
M. Roland Courteau.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à voter cette proposition de loi, il convient de souligner que nous avons tenu nos engagements, tenu les promesses que nous avons faites aux centaines d’élus locaux que nous avons tous rencontrés au cours des derniers mois.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
En vérité, c’est de manière massive qu’ils nous ont fait part des problèmes et difficultés suscités par la mise en application de la réforme territoriale, de leur mécontentement, de leur incompréhension.
Nous sommes donc nombreux à leur avoir promis que, si nous avions l’honneur d’être élus ou réélus au Sénat, nous nous emploierions à défendre leur point de vue.
Si nous avons tout fait pour être en mesure d’adopter ce soir cette proposition de loi, c’est qu’il était à nos yeux absolument prioritaire de répondre aux attentes de très nombreux élus locaux.
Exactement !
M. Roland Courteau.
Monsieur le ministre, je l’ai dit tout à l’heure, il est positif que vous ayez reconnu aujourd’hui – mais peut-être avions-nous mal compris auparavant vos propos précédents – la nécessité qu’il y avait à prendre des mesures législatives.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
On a parlé de M. Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France. Qu’il me soit permis de vous donner lecture d’un communiqué de l’AMF que j’ai ici entre les mains. Pour le président de l’Association des maires de France, « il est également indispensable de sécuriser juridiquement la poursuite de la concertation entre les élus et les préfets ». Il ajoute qu’« il convient de prévoir une révision des schémas fin 2015 […], d’autoriser la création de syndicats pour les compétences scolaires et sociales […], de n’appliquer, dans tous les cas, les nouvelles dispositions concernant la limitation des effectifs du conseil communautaire et du bureau qu’à compter des prochaines élections municipales ».
Voilà trois dispositions qui figurent clairement dans notre texte.
Mission accomplie !
M. Roland Courteau.
Et ce communiqué de conclure : « C’est le sens de la proposition de loi qu’il – c'est-à-dire Jacques Pélissard – a déposée à l’Assemblée nationale. »
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Puisque nous avons admis depuis le début que chacun faisait de la politique et que nul n’avait à s’en excuser, car c’est une tâche noble, nous revendiquons un premier texte qui, comme l’a souligné Mme Assassi, est une première étape et qui est susceptible, à notre sens, de recueillir un large consensus.
Un autre débat politique nous attend, que nous assumerons comme vous : celui qui a trait au conseiller territorial. À cette occasion, chacun défendra son point de vue.
Par ailleurs, le président Jean-Pierre Bel a pris l’initiative d’organiser les états généraux des élus locaux afin de préparer la troisième étape de la décentralisation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte apporte des réponses utiles, efficaces et rapides. Nous avons la faiblesse de penser qu’il serait bon qu’il soit adopté avant la fin de l’année. Il se trouve que M. Pélissard et que d’autres parlementaires, sénateurs ou députés – je pense notamment à Mme Goulet – ont présenté des textes qui vont dans le même sens. Pourquoi ne pas les examiner conjointement, comme cela se pratique souvent ? Il n’y aurait aucune difficulté à cela !
Quoi qu’il en soit, je souhaite que l’Assemblée nationale puisse examiner rapidement le texte qui sera adopté, je l’espère, dans quelques minutes par le Sénat.
Monsieur le ministre, il est de la responsabilité du Gouvernement d’inscrire, s’il le souhaite, un texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou de susciter le débat sur deux textes qui pourraient être examinés conjointement. La proposition de loi que nous votons aujourd’hui pourrait s’en trouver améliorée, car nous ne prétendons pas avoir atteint la perfection : c’est tout l’intérêt de la navette parlementaire !
Bien sûr !
M. Roland Courteau.
Je remercie très sincèrement Alain Richard, car chacun a remarqué le sérieux de son travail…
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Sa grande compétence !
M. Roland Courteau.
… et le souci constant qui a été le sien de faire en sorte que les modifications que nous proposons aujourd’hui s’inscrivent dans un dispositif juridique totalement cohérent, même si les discussions ont été vives.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Je remercie, bien sûr, tous les collègues qui ont participé à ces échanges. Il n’aura échappé à personne que, si nous avons eu quelques débats de procédure au cours des trois séances qui ont été consacrées à l’examen du texte, pour ce qui est du fond, la discussion a été solide et intéressante. Les améliorations apportées viennent d’ailleurs des différentes travées de notre assemblée.
C’est vrai !
M. Roland Courteau.
Pour conclure, je souligne, au nom de la commission des lois et de sa majorité, qu’en assumant ce travail le Sénat a joué pleinement son rôle. Chacun le sait, la Constitution précise que le Sénat représente les collectivités locales de la République. Il était donc naturel que notre assemblée se saisisse tout de suite des problèmes concrets auxquels sont confrontés les 550 000 élus locaux de ce pays, qui n’auraient pas compris que le Sénat ne fasse rien.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
En effet !
M. Roland Courteau.
Nous avons pris cette première initiative. Il nous semble qu’elle est conforme à la mission du Sénat et qu’elle permettra, si elle prospère, monsieur le ministre, ce qui dépendra de vous et de la majorité de l’Assemblée nationale,…
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Tout à fait, mais il aurait été plus simple d’en tenir compte avant !
M. Philippe Richert,
… des avancées utiles pour régler les problèmes et aller plus loin dans le sens d’une intercommunalité très respectueuse de l’esprit de la décentralisation.
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
L’esprit de la décentralisation consiste à donner le pouvoir aux représentants des collectivités locales, aux élus. Dire cela, ce n’est pas manifester une quelconque hostilité à l’État. Au contraire, nous l’avons souligné à maintes reprises, car nous sommes profondément attachés à l’État républicain. Le débat a déjà eu lieu il y a trente ans, il y a vingt ans, à propos de toute une série de lois. L’esprit républicain implique de vouloir un État fort, c'est-à-dire un État qui fait ce qu’il a à faire, qui remplit ses missions, ce qui n’exclut nullement de vouloir en même temps une décentralisation allant jusqu’à son terme.
Le Sénat, s’il vote ce texte, respectera les valeurs très fortes que sont à la fois la décentralisation et l’attachement à l’esprit républicain.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Puisque plusieurs intervenants ont rappelé le sens de la démarche que nous avons suivie ensemble pendant ces trois séances de travail, je souhaite à mon tour faire quelques remarques.
M. Philippe Richert,
Tout d’abord, je veux redire ici de façon très solennelle que le Gouvernement et moi-même, en tant que responsable de ce dossier, sommes profondément animés par la volonté de décentralisation, celle-ci étant véritablement un outil au service de la modernisation de notre pays.
Si nous voulons nous sortir d’un certain nombre de difficultés, nous sommes obligés de passer par les collectivités pour mettre en œuvre des moyens, créer des dynamiques que nous ne pourrons pas mobiliser ou impulser si nous nous contentons de regarder exclusivement par la fenêtre de l’État : nous devons nous penser comme un pays organisé de façon décentralisée.
Je crois profondément, avec l’ensemble du Gouvernement, dans l’importance de la décentralisation pour faire face aux grands défis devant lesquels nous nous trouvons. Je pense, en particulier, à la maîtrise des dépenses publiques et de la dette, ainsi qu’à la modernisation de l’ensemble des équipements et des services à destination de la population.
C’est la raison pour laquelle la loi de réforme des collectivités territoriales, texte d’une rare ampleur, a été voulue et portée par le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement et sa majorité. Elle a été précédée d’une large concertation : il y eut, je le rappelle, la commission Balladur, puis les discussions dans les assemblées. Le débat s’est ensuite étendu à tous les territoires.
À chacun de ses passages devant l’une ou l’autre assemblée du Parlement, le texte initial a été profondément modifié, ce qui montre à quel point chacun avait conscience de l’importance de ces débats.
Le fait qu’à plusieurs reprises ce projet de loi ait été modifié en profondeur nous amène, aujourd’hui, sur un certain nombre de points de détail, à le rectifier ou à le compléter.
Il est tout à fait légitime que les élus locaux, sur le terrain, soient inquiets ou qu’ils s’interrogent lorsqu’est mise en œuvre une nouvelle organisation de l’intercommunalité sur l’ensemble du territoire.
Non, ils sont mécontents !
M. Roland Courteau.
Mais il faut ensuite regarder comment ce travail peut porter ses fruits.
M. Philippe Richert,
Le point de départ, je le répète, c’est le projet de schéma ; ensuite, la commission départementale amende, propose et élabore conjointement un schéma sur la base du schéma initial du préfet.
Tout ce qui a été dit sur la volonté gouvernementale de recentraliser, de remettre en place des préfets qui dirigeraient les élus est complètement faux, et chacun le sait. Ceux qui ont tenu ce genre de propos l’ont fait parce que cela servait leurs intérêts à la veille d’une échéance électorale. Ils l’ont fait à dessein, et je le regrette, car, ce faisant, ils ne défendent ni l’intérêt général ni la décentralisation.
Les électeurs se sont prononcés !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
Il s’agit aujourd’hui d’appliquer un texte. La majorité des départements en sont parvenus à la phase finale, qui doit s’achever le 31 décembre 2011, et durant laquelle les schémas peuvent être préparés dans un climat de très large consensus.
M. Philippe Richert,
J’ai souhaité, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi présentée par M. Sueur, qu’il ne soit pas porté atteinte à la capacité, dans les départements, d’aboutir à des schémas ayant fait l’objet d’un tel accord.
J’ai insisté sur ce point tout au long de la discussion de la présente proposition de loi. À chaque fois, le président et le rapporteur de la commission m’ont assuré que ce texte avait vocation, non pas à déconstruire, mais à compléter la loi existante. Nous verrons ce qui en sera dit sur le terrain et s’il y sera fait écho. Est-ce la volonté d’aménager, d’ajuster, qui prédominera, ou plutôt celle de tout remettre à plat ?
À écouter certains propos, à lire divers communiqués ou déclarations, j’ai plutôt le sentiment que c’est la volonté de déconstruction qui prévaut et qu’il s’agit bien de porter atteinte au processus qui, dans la plupart des départements, pourrait entrer, d’ici à deux mois, dans sa phase de concrétisation.
(M. Roland Courteau semble en douter.)
S’il est vrai que cette proposition de loi, tout de même très remodelée, gonflée de un à douze articles,…
… et qui a été tellement louée que j’en suis presque confus en tant qu’auteur !
M. Jean-Pierre Sueur,
président de la commission des lois.
(Sourires.)
… comporte des précisions auxquelles j’ai été moi-même sensible et auxquelles j’avais indiqué que nous pourrions adhérer, elle porte en même temps en elle – on a parlé tout à l’heure de cheval de Troie ! – des dispositions qui, si l’on n’y prend garde, risquent de retarder, voire de compromettre le travail engagé par les élus.
M. Philippe Richert,
Nous serons donc très vigilants, car, évidemment, une telle remise en cause du travail des élus, auxquels nous faisons confiance, n’est pas acceptable.
Sur certains points, c’est vrai, vous avez entre-temps apporté des corrections. Par exemple, concernant la faculté pour les commissions départementales de se prononcer sur le contenu des compétences, même si c’est à titre indicatif, communauté de communes par communauté de communes, intercommunalité par intercommunalité, on constate que vous avez fait marche arrière afin de ne pas inquiéter inutilement les élus.
Si, demain, sur les sujets ne pouvant recueillir aucun accord de notre part, tels que la mise en place d’une nouvelle procédure à laquelle il nous est impossible d’adhérer en l’état, nous constatons un retour en arrière, un ajustement, pour permettre que, là où la procédure est engagée, elle soit maintenue telle qu’elle a été définie ou simplement complétée sur les points nécessaires, alors nous verrons comment nous pourrons travailler concrètement à la poursuite de ce chantier.
En tout état de cause, je serai très attentif aux évolutions de ce texte.
Je confirme que, de mon côté, je serai toujours ouvert à la discussion politique – mais non politicienne ! – avec ceux qui font avancer le débat, car c’est la façon dont je me suis engagé, moi aussi, en politique. C’est en étant au service du bien public, de nos concitoyens et de nos territoires, en dépassant les clivages politiques ou politiciens, que nous pourrons faire progresser notre pays. Voilà la richesse, la beauté et la noblesse de l’engagement public.
C’est la raison pour laquelle, j’y insiste, je serai très attentif au vote qui va maintenant intervenir, et, au-delà, aux conséquences qui en découleront.
(Applaudissements
sur les travées de l’UMP.)
Personne ne demande plus la parole ?...
M. le président.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici le résultat du scrutin n° 18 :
M. le président.
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 7 novembre 2011 à quinze heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
M. le président.
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012 (n° 73, 2011-2012).
Rapport de MM. Yves Daudigny, Ronan Kerdraon, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès, M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 74, 2011-2012).
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n° 78, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
M. Richard YUNG
M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
Il avait saisi Mme la Garde des Sceaux, dans un courrier du 9 décembre 2010 suite à cette première décision dans ces termes : « Puis‑je me permettre de vous demander si des instructions vont être envoyées par vos services aux greffes des tribunaux d’instance pour, qu’en conformité avec cette jurisprudence, ils cessent de refuser systématiquement de délivrer des certificats de nationalité française au motif que les ascendants des demandeurs se seraient mariés « religieusement devant le cadi » ? »
N’ayant à l’époque pas eu de réponse et à la lumière des nouvelles décisions de la Cour de cassation, il lui demande donc si la jurisprudence de ces quatre décisions sera maintenant prise en compte lors des demandes de certificat de nationalité française et si des instructions à cet effet seront communiquées aux greffes.
Mme Nicole BORVO COHEN‑SEAT
M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
Aujourd’hui les structures qui se dépensent sans compter pour venir en aide aux plus démunis et faire face à la montée de l’urgence sociale, sont gravement menacées dans leur existence même, avec des budgets de plus en plus serrés et une non prise en compte par l’État des besoins réels. Le secteur associatif et ses personnels sont fragilisés par des moyens budgétaires insuffisants alors que les besoins augmentent.
Par ailleurs les travailleurs sociaux du SAMU sont recrutés sur des contrats précaires et mal rémunérés. Au manque de moyens s’ajoute le manque de considération vis‑à‑vis de ces personnels courageux et dévoués. Cette politique a pour résultat notamment que seulement 35 % des demandes via le 115 sont honorées.
De plus, les restrictions budgétaires en 2011 ont conduit à une situation de fermeture de places d’hébergement et d’hôtel sans qu’aucune solution alternative ne soit proposée aux personnes. La baisse drastique prévue par le projet de loi de finances 2012 des crédits d’hébergement d’urgence est également préoccupante. Cette baisse continuelle de moyens ne peut qu’être en contradiction avec les engagements du Premier ministre qui écrivait dans une lettre adressée aux préfets de régions datée du 6 décembre 2010 que « durant les périodes de grand froid, aucune demande de mise à l’abri ne doit être refusée par manque de place. » D’ailleurs, l’article L. 345‑2‑3 du code de l’action sociale et des familles stipule que « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. ». Enfin on voit apparaître, selon de nombreux acteurs, à une remise en cause frontale du principe d’accueil inconditionnel pour les publics migrants et demandeurs d’asile.
C’est pourquoi elle lui demande que le Gouvernement revienne sur l’ensemble de cette politique et mette en œuvre un véritable plan ambitieux de lutte en matière d’urgence sociale, pourvu de moyens financiers suffisants, pour faire face à son obligation de résultat en ce domaine.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
|
DEBATS/SEN_20111007_081.xml | La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen m’a informé que, en application de l’article 5
M. le président.
Il pourra donc, au cours de la session, bénéficier des droits attribués aux groupes minoritaires par la Constitution et notre règlement, notamment dans le cadre des journées mensuelles réservées.
L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la commission des affaires européennes.
M. le président.
La liste des candidats a été affichée ; elle sera ratifiée s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure. La commission des affaires européennes pourra se réunir à seize heures afin de se constituer.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, aussitôt après que la séance aura été levée, c'est-à-dire dans quelques instants, il sera procédé à des prises de vue de l’hémicycle pour photographier le nouveau Sénat. Je vous demanderai de suivre les recommandations techniques du photographe, de manière que la « photo de famille » soit réussie.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures cinq.)
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DEBATS/SEN_20160205_013.xml | Discussion générale :
M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution européenne
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques
Discussion générale
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger
Discussion générale
M. François Fortassin
M. Michel Le Scouarnec
M. Daniel Raoul
M. Joël Labbé
M. David Rachline
M. Jean Bizet
M. Jean-François Longeot
M. Michel Raison
M. Franck Montaugé
Mme Patricia Morhet-Richaud
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution européenne
Adoption de la proposition de résolution européenne dans le texte de la commission.
M. André Gattolin ; M. le président.
Discussion générale :
M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi
M. Philippe Dallier, rapporteur de la commission des finances
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes
M. Vincent Delahaye
Mme Marie-France Beaufils
M. Daniel Raoul
M. Joël Labbé
M. Jean-Claude Requier
M. Francis Delattre
Mme Annie Guillemot
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-Pierre Bosino
Mme Marie-France Beaufils
Rejet de l’article.
M. Jean-Pierre Bosino
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
M. Philippe Dallier, rapporteur
Mme Marie-France Beaufils
Rejet de l’article.
M. Michel Le Scouarnec
Rejet de l’article.
Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Discussion générale commune :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
M. Vincent Delahaye
M. Alain Richard
Mme Corinne Bouchoux
Mme Éliane Assassi
M. Jacques Mézard
Clôture de la discussion générale commune.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’ensemble de l’article et de son annexe, modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Mme Corinne Bouchoux
M. Gérard Longuet
M. Jean-Pierre Sueur
Mme Marie-Annick Duchêne
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, présentée, en application de l’article 73
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion, au sein de cet hémicycle, de débattre des accords de libre-échange, et plus particulièrement du projet de partenariat de commerce et d’investissement avec les États-Unis.
M. Michel Billout,
auteur de la proposition de résolution.
Au cours de la discussion d’une précédente proposition de résolution européenne, je vous avais alerté sur les conséquences dramatiques de l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans ce projet de partenariat. Nous avions alors émis un certain nombre de réserves, d’exigences et de propositions alternatives.
Cette proposition est devenue, par un vote unanime, une résolution du Sénat, et j’espère qu’il pourra en être de même aujourd’hui.
C’est en effet dans le même esprit – définir une position française dans le contexte d’une négociation internationale complexe – que mes collègues du groupe communiste, républicain et citoyen et moi-même avons présenté cette nouvelle proposition de résolution européenne, portant cette fois sur les conséquences du projet de traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
Je souhaite tout d’abord évoquer de façon globale la question des accords de libre-échange.
Les États-Unis se sont lancés, au début de ce siècle, dans une politique plus active d’accords bilatéraux et plurilatéraux. Ainsi, les négociations du
Trans-Pacific Partnership
Trans-Pacific Partnership
La principale caractéristique de ces nouveaux accords commerciaux est que leur périmètre comprend non seulement les sujets classiques du commerce international, comme les droits de douane, mais également les obstacles au commerce « derrière les frontières », par exemple le développement durable, les services, les marchés publics, l’investissement, la propriété intellectuelle, la coopération réglementaire, les procédures douanières, la concurrence.
Les accords bilatéraux et plurilatéraux de libre-échange viennent ainsi compléter le multilatéralisme commercial, et sont susceptibles, à terme, d’ouvrir la voie à une extension de son champ, par la fixation de standards qui peuvent ensuite être repris dans des accords multilatéraux – sujet fort intéressant, qui mériterait très certainement d’être étudié de plus près.
De ce point de vue, il me paraît utile d’écouter le président Obama évoquer la signature récente du TPP : « Le TPP permet aux États-Unis – et non à des pays comme la Chine – de rédiger la feuille de route du XXI
leadership
Vous avouerez que nous sommes bien loin, dans l’esprit du président des États-Unis, de la conception d’un accord gagnant-gagnant.
Quelques mots maintenant pour vous rappeler la situation du commerce extérieur de la France. Selon les chiffres communiqués par le secrétariat d’État, la France est le sixième exportateur mondial de biens et le quatrième exportateur mondial de services.
Le commerce extérieur est une composante importante de l’économie française : il représente près de 30 % de notre produit intérieur brut. Au total, en France, un quart des salariés travaillent pour une entreprise exportatrice.
La France dispose, à l’export, de plusieurs forces traditionnelles. Ces domaines, dans lesquels elle occupe souvent les premiers rangs mondiaux, comprennent notamment le secteur aéronautique et spatial – premier excédent sectoriel, à 24 milliards d’euros en 2014 –, les produits agricoles et agroalimentaires, la pharmacie, la chimie, les parfums et cosmétiques. Les produits français sont également bien positionnés dans différents domaines du luxe. Le commerce de l’armement, quant à lui, est essentiel dans la balance commerciale de la France ; il se porte plutôt bien.
L’Union européenne représente près de 60 % des échanges de la France, à l’export comme à l’import. Cette concentration, qui s’observe également chez nos grands partenaires européens, est liée aux facteurs traditionnels de développement des échanges commerciaux – proximité géographique et taille du marché –, amplifiés en Europe par l’existence d’un marché unique.
L’Allemagne est, de loin, notre premier partenaire : le commerce franco-allemand représente 17 % de nos échanges. Les flux avec nos autres principaux partenaires – Belgique, Italie, Espagne, États-Unis et Chine – représentent chacun entre 6 et 8 % de notre commerce extérieur. Les cinq premiers marchés de la France, tous européens, concentrent près de la moitié de nos exportations : il s’agit de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni.
Notre pays, aujourd’hui, échange donc déjà beaucoup avec le reste du monde, et les États-Unis sont déjà un partenaire commercial privilégié de l’Union.
D’une manière générale, on ne peut donc pas dire que les barrières tarifaires ou autres protections douanières, relativement faibles au demeurant, constituent actuellement des obstacles au commerce entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde.
Néanmoins, les échanges au sein de l’Union européenne stagnent, et les marchés des pays émergents sont parfois versatiles. C’est là la motivation principale des projets de traités entre l’Union européenne et, respectivement, le Canada et les États-Unis.
Aux yeux des partisans de ces traités d’un nouveau genre, ces derniers sont les moyens incontournables d’un nouveau et fabuleux développement économique de l’Europe.
Comme d’autres accords bilatéraux signés récemment ou en cours de négociations – notamment l’accord UE-Canada – le TTIP ne se contentera pas d’abolir les barrières douanières. Il s’étendra aussi aux « barrières non tarifaires ».
Le TTIP vise au démantèlement, ou à l’affaiblissement, de toutes les normes qui limitent les échanges. Tous les secteurs, marchands et non marchands, absolument sans exception – y compris, et en particulier, l’agriculture –, subiront
Or l’agriculture est un secteur économique essentiel pour notre pays. Depuis plusieurs années, elle connaît des difficultés croissantes et récurrentes. Différentes filières ont traversé, et traversent encore, de graves crises.
Autrefois deuxième exportateur mondial derrière les États-Unis, la France est passée au cinquième rang, devancée par l’Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil.
Aujourd’hui, la filière de l’élevage se trouve dans une situation particulièrement critique, près de 10 % des exploitations se trouvant au bord du dépôt de bilan. La filière lait, notamment, est confrontée aux conséquences de la disparition des quotas.
Cette situation est d’autant plus inquiétante que l’agriculture est déterminante pour la cohésion territoriale de la France. Dans les zones rurales fragiles, les difficultés des exploitations menacent la pérennité d’activités économiques qui leur sont liées, comme les abattoirs, les services vétérinaires, les entreprises de transformation des produits, mais aussi celle de services de proximité tels que les écoles, la présence postale ou les petits commerces.
C’est donc le devenir de nombreuses communes rurales qui est en jeu, de même que la préservation de l’équilibre des paysages et des territoires, avec le risque d’extension des friches ou des forêts.
Or le volet agricole du projet de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est susceptible d’aggraver fortement ces difficultés déjà très lourdes.
La filière de l’élevage, en particulier la production de viande bovine, serait en effet probablement le secteur le plus touché par la conclusion d’un tel accord. Le marché européen est celui où les prix sont les plus élevés, ce qui en fait une destination privilégiée pour les exportateurs de viande bovine.
Les modes de production, les caractéristiques de la filière et les normes de sécurité sanitaire sont source de distorsions de concurrence entre les États-Unis et l’Union européenne. Il en est de même du système de soutien à l’agriculture par le biais de subventions ou d’aides.
L’ouverture commerciale pourrait aussi remettre en question les préférences collectives européennes, et notamment les restrictions concernant les OGM ou la non-utilisation de farines animales, des hormones de croissance et des antibiotiques non thérapeutiques.
Le risque est celui d’une industrialisation des fermes, donc d’une augmentation importante du foncier agricole dans les zones concernées, d’une concentration géographique par spécialisation et, en définitive, d’une désertification et d’une dégradation de nombreux territoires ruraux, avec à la clef, vraisemblablement, de lourdes conséquences environnementales.
La Commission européenne a certes, dans le cadre des négociations, classé la viande bovine comme « produit sensible ».
Toutefois, par l’accord signé avec le Canada, l’UE a ouvert son marché à un contingent de 65 000 tonnes de viande bovine canadienne, et ce traité comporte une dérogation aux règles d’origine. Si le TTIP est ratifié, et en cas d’utilisation partielle du contingent canadien, ce dernier pourra être fusionné avec le contingent états-unien, s’ajoutant ainsi au contingent tarifaire à droit nul de 45 000 tonnes de viande bovine de haute qualité dont bénéficient déjà les États-Unis, depuis un accord signé en 2009.
Autre situation particulièrement alarmante : celle de la filière lait. Celle-ci risque d’être confrontée à une harmonisation des normes sanitaires sur un modèle hygiéniste insoutenable pour des filières produisant de petits volumes.
L’affaiblissement des productions différenciées et de petit volume, fondées sur le lien au terroir, serait une perte de richesse patrimoniale et de valeur ajoutée pour les territoires ruraux. Dans ces conditions, la question de l’avenir du lait cru et de ses produits dérivés peut également se poser.
En outre, le secteur laitier est concerné au premier chef par la question de la protection des signes de qualité. Les appellations d’origine protégée laitières sont nombreuses en Europe, de même que les indications géographiques protégées, et la France, en la matière, compte pour 30 % du total européen. Or l’industrie laitière américaine produit de nombreux fromages sous une dénomination européenne, parfois enregistrée comme marque.
La Commission européenne affiche sa détermination sur ce sujet, mais, au vu de la diversité des intérêts couverts par le TTIP, le risque existe de voir cette détermination fléchir dans le cours des négociations.
Je n’ai pris que deux exemples, mais ils me semblent assez symboliques de la situation de l’agriculture dans notre pays, et, de façon plus générale, en Europe. Si nous ne nous en inquiétons pas dès à présent, les conséquences pourraient être dramatiques.
La défense des préférences collectives des Européens en matière alimentaire ou des normes de bien-être animal, la protection de l’environnement et une occupation de l’espace sont autant d’objectifs maintes fois réaffirmés qui se trouvent menacés.
Les négociations en cours pourraient conduire à une profonde remise en cause de notre schéma agricole et à des changements économiques majeurs. D’ailleurs, le Sénat attend toujours que lui soit fournie l’étude d’impact permettant d’apprécier, par secteur d’activité, les effets pour la France de différents scénarios de négociation, demandée au Gouvernement dans la résolution européenne n
Pour conclure, je tiens à remercier les rapporteurs de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, qui ont respecté l’orientation de cette proposition et ont su l’enrichir.
Je regrette simplement que la demande de retrait du volet agricole de ce projet d’accord, au cas où celui-ci ne satisferait pas à l’ensemble des conditions posées par cette résolution, n’ait pas été maintenue.
Nous sommes aujourd’hui confrontés, à plusieurs égards, à un choix de société ; il n’est pas acceptable qu’un choix aussi lourd de conséquences ne fasse pas l’objet d’un débat démocratique, et que les négociations n’aient pas lieu dans la plus totale transparence.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et au banc des commissions. – MM. François Marc, Joël Labbé et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)
La parole est à Mme la rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis n’est pas un traité commercial comme les autres.
Mme Sophie Primas,
rapporteur de la commission des affaires économiques.
Ses conséquences, si les négociations aboutissaient, seraient déterminantes, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, s’agissant de la fixation de normes et de standards qui protègent aujourd’hui le consommateur européen. Ceux-ci, compte tenu du volume des échanges transatlantiques, pourraient devenir des normes de portée internationale.
Ce partenariat serait important, car il permettrait de fixer de nouvelles règles douanières plus favorables qui, au-delà même de l’économie agricole et agroalimentaire, seraient susceptibles d’ouvrir aux pays de l’Union européenne l’accès à de nouveaux marchés de biens et de services, dans une période où tous les États membres cherchent des relais de croissance par l’exportation – d’où l’attention particulière, par exemple, de l’Italie ou des pays de l’Est à l’aboutissement des négociations actuelles.
Vous l’avez compris : le texte de cette résolution n’est pas
La présente proposition de résolution, adoptée le mois dernier par la commission des affaires économiques, sur l’initiative de notre collègue Michel Billout, est en réalité l’expression d’une très vive inquiétude des parlementaires.
Cette inquiétude porte essentiellement sur deux points : d’une part, la transparence de ces négociations et, d’autre part, les conséquences de cet accord sur le volet agricole, et en particulier sur le secteur de l’élevage, dont personne ici n’ignore les difficultés structurelles et conjoncturelles.
Je rappelle que le Sénat suit très attentivement le cheminement de ce traité et que nous avons, d’ores et déjà, adopté deux résolutions : l’une, dès juin 2013, pour demander un traitement spécifique du volet agricole, et l’autre, en février 2015, exhortant à davantage de transparence dans les négociations et demandant la révision du volet relatif au règlement des différends entre investisseurs et États par la voie d’arbitrages privés.
Les enjeux agricoles du traité, si l’on s’en tient aux seuls chiffres, paraissent somme toute limités : l’Europe achète pour 13 milliards de dollars de produits agricoles des États-Unis et nous exportons vers ce pays pour 20 milliards de dollars de produits agricoles européens.
C’est bien moins que les échanges industriels ou de services, mais la question agricole reste extrêmement sensible des deux côtés de l’Atlantique : chacun souhaite développer ses exportations, mais aussi veiller à ne pas déstabiliser son économie agricole, pour notre part en offrant des garanties de qualité au consommateur.
La position de la commission des affaires économiques se concentre sur trois éléments essentiels.
Tout d’abord, nous considérons fermement que la libéralisation des échanges entre Europe et États-Unis constitue une menace directe et puissante pour notre élevage allaitant français qui, avec quatre millions de bêtes, représente le tiers du total européen.
Notre modèle agricole européen, comparativement au modèle outre-Atlantique, est surtout celui de la petite exploitation avec des animaux essentiellement nourris à l’herbe, alors que le maïs génétiquement modifié constitue la ration de base des bovins aux États-Unis. Notre système est à la fois plus vertueux au plan environnemental, pourvoyeur d’emplois, et il contribue à l’occupation des territoires ruraux – vous l’avez dit, monsieur Billout.
Au total, l’Europe est presque autosuffisante en viande bovine, tout comme les États-Unis. Cependant, les Américains consomment davantage de morceaux issus des avants, pour l’énorme industrie du steak haché, délaissant l’aloyau et les pièces nobles. C’est, bien entendu, l’inverse en Europe.
Or l’importation massive en Europe des pièces nobles surnuméraires venant des États-Unis ferait considérablement chuter les prix, déséquilibrant définitivement notre filière élevage, qui n’a pas besoin de cela.
Certes, conjoncturellement, en raison de la baisse de l’euro, le prix du bœuf est plus élevé aux États-Unis qu’en Europe, mais structurellement, la filière de production de viande de bœuf américaine dispose d’avantages importants sur la filière européenne : la taille importante des élevages et des abattoirs permet des économies d’échelle, les normes applicables sont moins contraignantes. Enfin sont utilisés outre-Atlantique des accélérateurs de croissance, comme des hormones, des antibiotiques. Quant à l’attention au bien-être animal, elle y est bien moindre que de ce côté-ci de l’Atlantique.
Une ouverture totale des marchés serait donc une menace majeure pour les producteurs européens. Voilà pour ce qui est du risque principal.
Deuxième point défendu par notre commission : l’Europe et la France ont des « intérêts offensifs » dans le secteur agricole.
L’Europe et la France exportent, d’ores et déjà, avec succès des vins et spiritueux. Nos attentes sont ici de mieux protéger nos indications géographiques, alors que nos partenaires américains ne reconnaissent que les marques. C’est un point très sensible et très difficile des négociations.
Enfin, les produits laitiers, et en particulier les fromages, sont également des produits qui pourraient bénéficier de cet accord, à la condition de lever aussi les barrières en matière d’indications géographiques et d’appellations d’origine contrôlée, mais également les barrières non tarifaires.
La troisième remarque de la commission concerne, bien sûr, la méthode de négociation.
Nos partenaires américains ont consenti un effort important en apparence, en acceptant une suppression des droits de douane beaucoup plus large qu’au début des négociations, sur 97 % des lignes tarifaires. Nous craignons qu’en contrepartie de cette situation qui paraît favorable, les États-Unis ne souhaitent exporter des produits agricoles génétiquement modifiés sans devoir le mentionner, ce qui se heurte aux « préférences collectives » des consommateurs européens.
De plus, quelles sont les garanties de l’Europe de la levée des barrières non tarifaires opposables à nos produits, en particulier dans le secteur laitier, mais aussi dans le secteur des services ? Et quelles sont les garanties que, dans l’hypothèse où ces barrières non douanières soient levées au niveau fédéral, chaque État ne reviendrait pas individuellement sur cette position ?
Enfin, s’agissant du calendrier, 2016 sera une année décisive avec le douzième « round » de négociation, en mars. Or les questions agricoles, qui sont un point de blocage, ont été mises de côté et le risque de sacrifier l’agriculture à l’urgence nous semble, plus l’échéance de la fin de l’administration du président Obama se rapproche, extrêmement fort. Cela est d’autant plus inquiétant que les craintes sont très concentrées sur notre élevage, ce qui est une particularité française, et que certains États membres souhaitent parvenir très rapidement à la conclusion de cet accord. L’Europe résistera-t-elle à la tentation du sacrifice de l’agriculture ?
La proposition de résolution européenne que nous vous demandons d’adopter juge inacceptable ce sacrifice.
Sans préconiser le retrait du volet agricole des négociations, elle indique que tout accord doit être subordonné au maintien d’un haut niveau de sécurité sanitaire pour les consommateurs, et à la préservation du secteur de l’élevage en France, ce qui implique plus de transparence et une étude d’impact plus précise, que nous appelons de nos vœux. Pour lever les doutes et les inquiétudes légitimes, il nous paraît indispensable de continuer à classer la viande dans la liste des secteurs sensibles protégés par des droits de douane et des contingents.
Autant dire que cette proposition de résolution européenne cadre parfaitement avec les positions prises depuis plusieurs années par notre commission des affaires économiques, tous groupes politiques confondus.
Au final, nous préconisons beaucoup de fermeté. Nous savons que vous n’en manquez pas, monsieur le secrétaire d’État. Faute de réciprocité, mieux vaut pas d’accord du tout plutôt qu’un mauvais accord au détriment des intérêts européens, et particulièrement des intérêts français.
Tel est le sens de cette proposition de résolution européenne que nous soumettons à l’approbation du Sénat, dans la rédaction issue des travaux de notre commission des affaires européennes, et qui, nous l’espérons, monsieur le secrétaire d’État, doit vous permettre de montrer la détermination du Parlement français de ne pas ratifier un accord ne correspondant pas aux intérêts français.
(Applaudissements.)
Très bien !
M. Daniel Raoul.
Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation conduite par le ministre de la justice de la République démocratique populaire Lao, Son Excellence M. Bounkeut Sangsomsak.
M. le président.
(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État se lèvent.)
Il est accompagné par M. Vincent Eblé, président du groupe d’amitié France-Cambodge et Laos, Mme Catherine Tasca, présidente déléguée pour le Laos, et des membres de ce groupe.
Nous nous félicitons des liens étroits que tissent nos deux pays grâce à ces rencontres croisées. Ainsi, M. Vincent Eblé, Mme Catherine Tasca et Mme Marie-Annick Duchêne ont participé récemment aux cérémonies du vingtième anniversaire de l’inscription de la ville de Luang Prabang à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Votre visite d’étude, monsieur le ministre, s’inscrit dans le cadre du programme de soutien du ministère des affaires étrangères et du développement international pour la mise en œuvre du schéma directeur de la justice au Laos, dont l’objectif est d’approfondir l’État de droit.
Accompagnée par Mme Claudine Ledoux, ambassadrice de France à Vientiane, la délégation a un programme d’auditions et d’entretiens à Paris, puis se rendra à l’École nationale de la magistrature à Bordeaux.
Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, un séjour et des échanges fructueux, en formulant le vœu que cette session de travail contribue à la réforme de la justice au Laos.
Nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français !
(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État applaudissent.)
Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur pour avis.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agriculture est un secteur stratégique, singulièrement en France.
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes.
La proposition de résolution européenne qui vous est soumise aujourd’hui est importante, car les agricultures européenne et française ont des dimensions économiques, sociales et culturelles essentielles. Les dispositions qui les concerneront dans le cadre d’un futur accord commercial ne doivent pas être les variables d’ajustement de concessions obtenues sur d’autres secteurs, comme l’ont excellemment exprimé les deux précédents orateurs.
Notre collègue Daniel Raoul et moi-même avons rapporté cette proposition devant la commission des affaires européennes, en ayant en tête le fait que le solde de nos exportations sur nos importations vis-à-vis des États-Unis était positif de 7 milliards d’euros et que la crise de l’élevage français, qui affleure largement notre débat, est, par définition, préalable aux éléments d’un éventuel accord.
Nous avons souhaité insister sur trois points, et conclurons en vous demandant, monsieur le secrétaire d’État, de nous donner des garanties quant au rôle du Parlement français, si l’accord devait être signé.
Premier point : dans certains secteurs agroalimentaires, la suppression négociée des droits de douane se fait dans un climat de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.
Aujourd’hui, les droits de douane moyens appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont supérieurs à ceux des États-Unis. La négociation en cours a pour but de les réduire au maximum, voire de les supprimer. Pour autant, certains produits « sensibles » ne seront pas concernés par la réduction immédiate des tarifs douaniers. Pour la France, mais pas seulement pour elle, il s’agit notamment de la viande de bœuf, de porc et de la volaille. Le sort de ces produits sensibles est déterminé souvent en fin de négociation et peut aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent limité, à droit réduit ou nul.
L’accès de certains produits agricoles européens au marché des États-Unis est freiné par un fort écart de compétitivité. Les données ayant déjà été présentées, je serai bref.
Le secteur de la viande bovine est particulièrement exposé, tant sont différentes les pratiques respectives dans nos systèmes d’élevage. Elles placent l’Europe, mais plus singulièrement la France, dans une posture défensive.
En France, vous le savez, l’essentiel des aliments de troupeau bovin est produit sur l’exploitation. La ration de base est majoritairement composée d’herbe.
Je relève également que les États-Unis et le Canada bénéficient déjà de contingents d’exportation de viande bovine vers l’Union européenne, sans hormones ni accélérateurs de croissance. Mais ces deux pays n’utilisent à ce jour qu’assez peu lesdits contingents…
Enfin, des embargos interdisent encore l’exportation européenne des viandes bovine, ovine et caprine vers les États-Unis à la suite de l’épidémie dite d’encéphalite spongiforme bovine. Les États-Unis n’ont récemment levé cet embargo que pour les seules viandes d’Irlande et de Lituanie.
Deuxième point : les intérêts offensifs de la filière laitière.
Les professionnels français du secteur considèrent que le développement de la production laitière passe par l’exportation, notamment vers les États-Unis. Mais il y a au moins deux obstacles.
Le premier est tarifaire. Les droits américains sur les produits laitiers dépassent le niveau des droits moyens.
Le second obstacle concerne les règles sanitaires. Les États-Unis ont des exigences extrêmement strictes, assimilables à des barrières non tarifaires, qui imposent des contrôles plus rigoureux encore que dans l’Union européenne. Les exportations de fromages européens pâtissent évidemment de cette situation.
Les régulateurs de l’Union européenne et des États-Unis ont bien sûr en commun le souci de la protection des consommateurs. Mais les démarches respectives pour y aboutir sont très différentes et la disparité des normes freine les échanges. Côté américain, une approche « basée sur la science » ; côté européen, le principe de précaution, conforme à des choix sociétaux et culturels regroupés sous les termes de « préférences collectives ». Ainsi, les promoteurs de croissance, les OGM, la décontamination chimique des viandes et le clonage animal sont un enjeu majeur.
Les négociateurs doivent prendre en compte, en complément de l’évaluation scientifique, les choix exprimés par les consommateurs européens. L’accord ne devra donc pas remettre en cause la capacité de l’Union et de ses États membres à faire respecter ces choix collectifs.
Je rappelle d’ailleurs que le mandat de négociation confié à la Commission indique explicitement que, dans l’accord éventuel, les États-Unis et l’Union européenne devront respecter de hauts niveaux de protection de l’environnement et des consommateurs, « conformément à l’acquis de l’Union européenne et à la législation des États membres ».
Troisième point : les indications géographiques sont pour nous un enjeu central.
Notre système d’indications géographiques s’oppose au système américain des marques commerciales. L’indication géographique est ancrée dans un territoire ; elle n’est pas transférable. Elle est liée à un savoir-faire, à un mode de production, défendus et entretenus par les fabricants mais aussi, bien entendu, par les producteurs.
La marque ne répond pas aux mêmes critères. Elle peut avoir une durée limitée et être vendue, tous éléments que l’on ne peut bien sûr retrouver pour une indication géographique.
La France a donc un intérêt offensif majeur à faire reconnaître et protéger une liste ciblée d’indications géographiques dans le cadre de l’accord. S’il n’était pas reconnu dans le traité transatlantique, il ne figurerait à l’évidence dans aucun des autres accords commerciaux à venir : c’est bien un sujet stratégique.
Vous le savez, mes chers collègues, la discussion de cette proposition de résolution européenne tombe à point nommé, au moment où les négociations entre la Commission et ses interlocuteurs américains devraient entrer, avec le douzième round, dans le vif du sujet.
Je voudrais conclure en évoquant une question à laquelle je faisais référence dans l’introduction de mon propos.
Nous savons que, le moment venu, il reviendra successivement au Conseil, et donc aux gouvernements nationaux, puis au Parlement européen et surtout enfin – espérons-le ! – aux parlements nationaux d’évaluer le contenu du traité, avant de le ratifier ou non.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est sur ce point que je souhaiterais vous interroger pour que le Sénat ait une réponse, mais surtout pour que nos concitoyens sachent avec certitude si le traité sera ou non soumis à examen.
En effet, nous ne savons toujours pas aujourd’hui si les accords conclus avec le Canada ou avec Singapour seront ou non considérés comme des accords mixtes, c’est-à-dire intégrant des éléments de la compétence commerciale exclusive de la Commission ou relevant de compétences partagées entre elle et les États membres. Nous ne savons donc pas ce qu’il en irait du traité transatlantique s’il devait être conclu.
C’est une véritable interrogation puisque de la réponse à cette question dépendra la saisine, ou non, des parlements nationaux pour autoriser leur ratification.
En attendant la décision que devrait enfin rendre la Cour de justice sur l’accord avec Singapour et la jurisprudence qu’elle établira, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer les critères qui, pour la France, gouvernent la qualification d’accord mixte ? Qu’adviendrait-il si un tel accord était rejeté par au moins un parlement national ? Serait-il applicable pour les dispositions relevant de la compétence exclusive de la Commission, lesquelles sont souvent les plus importantes ?
Pour être plus direct, monsieur le secrétaire d'État, quelles garanties pouvez-vous nous donner que l’éventuelle signature du TTIP donnera lieu à une approbation préalable par notre Parlement ?
(Applaudissements.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier la Haute Assemblée pour l’engagement dont elle fait preuve dans le suivi des négociations transatlantiques, qui sont majeures à bien des égards.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.
J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec vous à de très nombreuses reprises sur ce sujet, notamment à l’occasion de l’examen, l’an passé, d’une proposition de résolution européenne sur les questions d’arbitrage, mais aussi en répondant aux convocations des commissions compétentes du Sénat. Je me tiens bien évidemment toujours à votre disposition pour débattre de ces questions avec vous.
L’intérêt que vous portez aux négociations en cours, et tout spécialement aux conséquences potentielles sur notre agriculture, nous permet de poursuivre ici un indispensable travail de fond. Tout au long de l’année 2015, je me suis engagé, au nom de la France, pour que vous ayez le meilleur degré d’information possible. Je poursuivrai évidemment dans cette voie.
Voilà maintenant plus de deux ans et demi que les négociations ont commencé. Fin février s’ouvrira la douzième session de négociation : après Miami l’année dernière, celle-ci se tiendra à Bruxelles. Deux autres suivront avant l’été. Des contacts de haut niveau entre la Commission et le négociateur américain auront lieu. Le gouvernement français suivra bien sûr très attentivement ces négociations.
Vous le savez, 2016 est une année de campagne électorale aux États-Unis, ce qui aura aussi un impact sur le cours des choses. Dans cette situation, certains estiment que les négociations transatlantiques devront être conclues à tout prix cette année, sans quoi la perspective d’un accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis serait repoussée de plusieurs années, voire indéfiniment. Ce n’est ni mon analyse ni la position de la France.
Certains ajoutent également, et il en a été question dans plusieurs interventions, que l’aboutissement des négociations sur le partenariat transpacifique devrait là aussi accélérer les choses et nous inviter à hâter le pas. Je ne partage pas non plus ce point de vue, en particulier parce qu’il repose sur une erreur de raisonnement. Sur le TPP, plus de trente cycles de négociations ont été tenus et les négociations ont duré plus de cinq années, elles ont commencé avant celles du traité transatlantique. On ne voit donc pas bien au nom de quelle logique la conclusion de négociations entamées avant celles du partenariat transatlantique devrait automatiquement conduire à la conclusion des négociations sur ledit partenariat.
Le gouvernement français aborde les négociations transatlantiques en respectant un principe simple, que nombre d’entre vous ont mis au cœur de leur intervention : seul un bon accord, c'est-à-dire un accord ambitieux, équilibré et mutuellement bénéfique, serait acceptable. Cela a pour nous des implications très claires. Le contenu de l’accord sera pour la France le seul critère d’appréciation au regard duquel nous déciderons s’il faut approuver ou rejeter le texte final. C’est précisément cette position que j’ai exprimée publiquement, au nom de notre pays, en septembre 2015, partant du constat que, sur le fond, le compte n’y est pas aujourd'hui pour la France.
On n’aborde pas une négociation en voulant la conclure à tout prix et dans la précipitation. Ceux qui seraient tentés par cette approche font, là aussi, une erreur d’appréciation – c'est en tout cas notre analyse. La France défendra ses intérêts, ses valeurs et une conception exigeante de l’intérêt général tant national qu’européen.
Cette résolution est très importante. Elle permet aussi de faire un point sur ce que nous avons appelé, avec Stéphane Le Foll, « la diplomatie des terroirs » : il s’agit de défendre notre agriculture dans les instances européennes et internationales où sont prises des décisions très importantes, qui ont souvent un impact direct sur la vie de nos territoires. Je sais que vous êtes toutes et tous ici particulièrement sensibles et attentifs à la réalité de ce qui se passe dans les territoires de France.
L’agriculture est stratégique pour notre pays. Négocier dans ce domaine, ce n’est pas seulement discuter de chiffres ou de normes techniques, c'est aussi défendre des règles et des méthodes de production conformes à nos traditions, à la capacité d’innovation de notre agriculture et à nos valeurs. C'est parler d’alimentation, de choix de production et de consommation, et de souveraineté alimentaire.
Les négociations transatlantiques font apparaître des conceptions pour le moins différentes en matière d’agriculture. Je le redis ici devant vous, comme j’ai pu le dire à nos partenaires américains et à nos partenaires de l’Union européenne, rien ne saurait remettre en cause les règles qui traduisent les préférences collectives des citoyens européens.
L’agriculture européenne est en particulier caractérisée par une recherche de qualité, par l’exigence qu’ont nos agriculteurs dans leur manière de produire, et par des contrôles très forts « de la ferme à l’assiette » pour réduire les risques sanitaires. Notre approche est clairement préventive. Aux États-Unis, l’accent est mis sur le traitement final des produits pour garantir leur qualité sanitaire. Ce sont deux manières différentes d’envisager l’agriculture et la protection du consommateur. Je le redis, il n’est pas envisageable de remettre en cause nos préférences collectives, comme l’interdiction de la viande traitée aux hormones, la décontamination chimique des viandes ou encore notre réglementation en matière d’OGM.
Je souligne également les divergences transatlantiques dans la gestion des risques : les États-Unis insistent sur la mobilisation de preuves scientifiques pour procéder à l’interdiction de certaines pratiques de production, alors qu’en Europe c’est le principe de précaution qui joue un rôle déterminant. Chacun doit être en mesure de gérer le risque à sa manière. Chaque approche est légitime, mais chacun est aussi légitime à définir l’approche qu’il choisit. Plusieurs des vœux formulés dans la présente proposition de résolution européenne vont en ce sens. Sachez que le Gouvernement tout entier est mobilisé pour s’assurer du respect du mandat de négociation confié par les États membres à l’Union européenne et, donc, à la Commission.
Ne nous méprenons pas : le maintien d’une agriculture européenne fidèle à nos traditions et à nos valeurs nécessite une mobilisation politique de chaque instant, non seulement dans le cadre des négociations sur la convergence réglementaire – il en a été question –, mais aussi dans celui plus classique des négociations tarifaires.
La résolution que vous proposez mentionne, à raison, ce point en évoquant le cas du secteur de l’élevage qui connaît, nous le savons tous, une crise aiguë. Le ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, mon collègue Stéphane Le Foll, est totalement mobilisé sur ce sujet aux niveaux tant national qu’européen et international. Pour ce qui est des négociations transatlantiques, la France a obtenu le classement en produits sensibles des viandes de bœuf, de porc et de volaille. Au-delà du secteur de l’élevage, qui est particulièrement sensible, j’ajoute que d’autres produits agricoles font l’objet de ce type de traitement. Il s’agit par exemple du maïs doux, des petits légumes, des produits amylacés – contenant donc de l’amidon –, de l’éthanol, le sucre, du rhum ou des ovoproduits – les sous-produits des œufs.
Il est désormais exclu de faire des concessions significatives supplémentaires en matière agricole. La France comme l’Europe ont multiplié,
Votre proposition de résolution européenne aborde également avec justesse la nécessaire reconnaissance de la protection des indications géographiques. Il en a été question dans les interventions. Comme vous le savez, l’Union européenne et les États-Unis ont des systèmes très différents pour protéger les productions agroalimentaires. En Europe, nous nous appuyons sur l’origine régionale et sur le respect d’un certain nombre de règles de fabrication. Le système américain repose, lui, beaucoup plus largement sur un système de marques, même si les deux peuvent bien sûr coexister.
Une fois de plus, ce sont deux conceptions différentes de l’agriculture qui se font face ici. L’une se concentre sur les caractéristiques de nos produits de terroir, l’autre davantage sur le droit de propriété, avec souvent une déconnexion entre les modes de production, les terroirs et le produit finalement réalisé et consommé. Dans le cadre des négociations commerciales, l’enjeu est d’obtenir un haut niveau de protection pour les appellations et indications françaises. C’est vrai pour les vins et spiritueux et pour toutes les productions agricoles de notre pays. Nous souhaitons aussi l’abandon des dénominations semi-génériques – je pense en particulier au champagne de Californie. Un certain nombre d’appellations proches de « champagne » usurpent en réalité la qualité de cette appellation à travers le monde. Nous sommes, là aussi, mobilisés.
On pourrait prendre malheureusement de très nombreux autres exemples qui, en la matière, faussent les choses. C’est d’ailleurs l’esprit qui présidait à l’accord sur le commerce de vins de 2006 signé par les États-Unis. La France a proposé des listes très ambitieuses d’indications géographiques, à l’image de ce qui a été fait pour la négociation avec le Canada. Ce pays a en effet reconnu, dans le cadre du CETA,
Comprehensive Economic and Trade Agreement
Cela fixe clairement un haut degré d’ambition et nous souhaitons atteindre des résultats comparables dans les négociations transatlantiques en cours ; du point de vue de l’étalonnage, il est très intéressant de le rappeler. Nous souhaitons que les choses avancent sur ce sujet ; ce n’est pas le cas aujourd’hui, l’honnêteté nous force à l’admettre.
Nos demandes sont très précises, cohérentes et étayées. De fait, la coexistence entre un système de marques et un système d’indications géographiques est possible ; l’exemple canadien le démontre. Là encore, c’est désormais à nos partenaires américains de prouver qu’ils souhaitent avancer à ce sujet mais, en ce qui concerne les indications géographiques, croyez à la détermination totale du Gouvernement pour faire avancer les choses et en faire l’une des conditions absolues de ratification d’un accord.
À ce stade, les négociateurs américains n’ont pas du tout souhaité aborder ces sujets et ils ont clairement signifié que les négociations seraient ardues. Nous restons toutefois convaincus qu’il existe une solution : d’abord parce que la négociation est loin d’être terminée, ensuite parce que la question des indications géographiques peut faire l’objet des sujets abordés tout à la fin, et enfin parce que les producteurs américains souffrent parfois de difficultés comparables à celles de l’Union européenne avec le système des marques et qu’ils font entendre leur voix ; c’est un point d’appui pour nous. J’ajoute que le partenariat transpacifique, dont on se sert souvent comme référence, comprend la protection des indications géographiques. À ce sujet, une priorité pour la France, la balle est, je le répète, dans le camp des États-Unis.
La reconnaissance des indications géographiques n’est pas notre seule demande ; nous souhaitons aussi la levée de barrières sanitaires et phytosanitaires qui continuent d’être opposées à nos produits. Aujourd’hui, le marché américain du bœuf est
Je pourrais multiplier les exemples à l’envi : ainsi, la législation «
Face à cela, nous avons mené des travaux techniques très approfondis, identifiant précisément chacune des barrières en matière agricole et agroalimentaire. Cela vient à l’appui des demandes européennes, notamment la reconnaissance du système sanitaire européen – comme demandé dans la résolution examinée aujourd’hui – ou encore la garantie d’une transparence et de délais raisonnables dans le traitement des dossiers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture, parce qu’elle nous nourrit, qu’elle aménage nos paysages et qu’elle a des effets sur notre santé et traduit des modes de vie hérités de notre histoire, occupe une place particulière dans la négociation du TTIP. J’ai rappelé les lignes rouges que nous défendons et les évolutions que nous recherchons.
Je souhaite ajouter que la position du gouvernement français est fondée non seulement sur un attachement à nos valeurs, mais aussi sur une analyse économique extrêmement précise, rigoureuse et exigeante. J’en veux pour preuve la parution en décembre dernier d’un rapport directement issu de l’organisme de recherche du ministère fédéral de l’agriculture des États-Unis. Cette étude américaine porte sur les conséquences de la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires. On peut en retenir de nombreux points, notamment qu’une réduction significative des droits de douane agricoles aurait des effets délétères pour l’Union européenne, avec un déséquilibre qui serait très largement en notre défaveur.
Si même eux le disent…
Mme Sophie Primas,
rapporteur.
Oui, madame la sénatrice, c’est bien une étude américaine qui l’affirme. Elle a été publiée sur internet – j’ignore si c’est par des voies directes ou indirectes – et c’est évidemment un objet à verser au débat.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d’État.
Vous demandez à la Commission européenne de réitérer auprès du gouvernement américain ses demandes en matière d’ouverture et de transparence. Je partage pleinement cette préoccupation et j’en ai fait, vous le savez, l’un des axes de mon action. Aujourd’hui, notamment grâce à des demandes répétées de la France, nous avons enfin accès aux documents consolidés dans une salle de lecture d’une administration française, à Paris.
C’est bien aimable !
M. David Rachline.
Cela met fin à la mascarade inacceptable qui consistait à proposer aux États membres de l’Union européenne de consulter ces documents cruciaux soit à Bruxelles, soit dans une salle des ambassades américaines des différents États membres
M. Matthias Fekl,
secrétaire d’État.
(M. David Rachline s’esclaffe.)
Il manque toutefois encore beaucoup de choses et, en matière de transparence, nous n’en sommes qu’au début. La transparence des négociations commerciales internationales est l’un des enjeux du siècle qui commence – il est déjà bien entamé. Les négociations commerciales modernes ne pourront plus se faire en cachette,…
M. Michel Le Scouarnec.
… à l’abri des regards, eu égard en particulier aux sujets désormais abordés. Il ne s’agit plus de négociations tarifaires classiques ; de nombreux sujets concernant potentiellement la vie de tous les jours sont évoqués. Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont donc indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d’État.
Nous souhaitons en particulier que les États membres aient accès aux offres américaines, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Les États-Unis refusent pour le moment que les États de l’Union, qui sont pourtant directement concernés par les négociations, aient accès aux offres qui sont adressées à la Commission européenne de manière détaillée, chapitre par chapitre. C’est un manque qui nuit gravement à notre capacité d’assurer une information parfaite de tous – Parlement, Gouvernement et citoyens – et d’agir efficacement. J’ai adressé des messages répétés à ce sujet et je continuerai de le faire. Ce n’est là que l’un des aspects de la transparence en la matière.
Je veux dire quelques mots de la nature juridique de l’accord, puisque, notamment, M. Bonnecarrère en a parlé. La France considère que le TTIP est un accord mixte, j’ai eu l’occasion de le dire devant les deux chambres du Parlement, c’est-à-dire appelant une ratification aux niveaux européen et national, qui, dans notre pays, se déroulerait selon nos procédures constitutionnelles, avec le vote du Parlement. C’est aussi la position unanime de tous les États membres de l’Union européenne. La Commission reste à ce stade plus prudente ; elle ne s’est jamais clairement exprimée sur ce point. Cela est peut-être dû à la procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le projet d’accord entre l’Union et Singapour.
Je vais répondre très précisément à votre question, monsieur le sénateur. Pour la France, plusieurs éléments relèvent de la compétence des États membres et justifient ainsi la mixité nationale et européenne de cet accord. Il s’agit notamment d’éléments relatifs à la propriété intellectuelle, aux investissements et au transport.
En cas de vote négatif, que vous avez évoqué, une phase d’incertitude s’ouvrirait ; distinguons l’analyse juridique de l’analyse politique. Du point de vue juridique, l’état du droit prévoit la juxtaposition de stipulations qui continueraient à vivre même en cas de vote négatif et de stipulations qui tomberaient. Néanmoins, en la matière, c’est évidemment l’analyse politique qui doit primer. Ma conviction personnelle, qui correspond à la position du Gouvernement, est qu’un rejet d’un accord TTIP par le Parlement français conduirait nécessairement à la remise en cause de l’ensemble de l’accord.
Que ce soit dans l’hypothèse de la non-mixité de l’accord – s’il en était ainsi décidé à l’échelon européen – ou dans celle d’un accord mixte qui ferait l’objet d’un vote négatif, cela équivaudrait, selon moi, à un coup d’État démocratique. La France n’acceptera ni l’hypothèse où cet accord serait déclaré purement communautaire sans intervention du Parlement européen, ni l’hypothèse du rejet d’un projet qui vous serait soumis mais entrerait en vigueur. Une telle hypothèse ferait trop de mal à notre conception de la démocratie et au projet européen. Telle est la position du gouvernement français sur ce sujet majeur.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et au banc des commissions. – Mme Éliane ainsi que MM. Joël Labbé et René Danesi applaudissent également.)
Très bien !
M. Daniel Raoul et Mme Sophie Primas,
rapporteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture est et restera au cœur des débats du TTIP et elle exige un degré important de transparence. Il est indispensable à la poursuite de nos objectifs ; la rapporteur Mme Primas a aussi insisté sur ce point. Réciprocité, défense de nos préférences collectives, attention portée aux secteurs sensibles et à l’ensemble des secteurs de l’agriculture française, ambition et détermination dans la levée des obstacles au commerce avec les États-Unis – en particulier l’accès au marché – : voilà quelques-uns des piliers de la position de la France en matière agricole. Ils correspondent totalement, je crois, à l’esprit de la proposition de résolution européenne qui est soumise aujourd’hui à votre appréciation et dont le Gouvernement partage tant l’esprit que la lettre.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d’État.
Je vous remercie de votre engagement sur ce sujet.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC, sur quelques travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – MM. Joël Labbé et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
M. le président.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Fortassin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire intervient dans le contexte très sensible de la crise de l’élevage, dont l’acuité n’a échappé à personne. En effet, que ce soit dans les secteurs du lait, de la viande de porc, des canards, des oies ou des bovins, la chute des prix a déclenché la colère bien légitime des agriculteurs, qui ne voient pas la fin du tunnel malgré les plans d’urgence qui se succèdent.
M. François Fortassin.
Aussi, comme l’indique l’alinéa 12 du texte, il faut « faire en sorte qu’une conclusion éventuelle du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement préserve les modèles agricoles européen et français dans toute leur diversité d’activités ». C’est en effet bien la moindre des choses. Nos agriculteurs, plongés dans les difficultés que je viens d’évoquer, n’ont vraiment pas besoin d’une enclume supplémentaire au-dessus de leur tête.
En effet, même si aucune étude d’impact n’a été réalisée pour évaluer les effets du traité transatlantique sur l’agriculture, on doit faire preuve de vigilance et veiller à ce que les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne s’engagent dans le sens de l’équilibre et de la réciprocité. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur, la question agricole est sensible des deux côtés de l’Atlantique. Parmi les secteurs qui pourraient être les plus exposés au traité, la filière bovine concentre toutes les craintes. Il suffit de se remémorer le dossier du bœuf aux hormones ou celui de la vache folle pour mesurer combien chacun cherche, à tour de rôle, à tirer la couverture à lui et avantage de la situation.
Si l’agriculture n’emploie que 2 % de la population active en France, 5 % dans l’Union européenne des Vingt-Huit et 3 % aux États-Unis, la population rurale est encore partout significative. Elle représente un sixième de la population de notre pays et 18 % des Américains vivent en milieu rural. Nous le savons tous ici, l’agriculture contribue à l’aménagement du territoire et, dans certains départements, elle est un vecteur essentiel du dynamisme économique local.
D’ailleurs, il suffirait d’imaginer ce que pourraient devenir les campagnes dans notre pays si l’agriculture venait sinon à disparaître, du moins à régresser considérablement !
Alors, comment aboutir à un traité acceptable pour toutes les parties ? Comment prémunir nos agriculteurs et nos territoires des conséquences de l’écart de compétitivité entre les modèles agricoles européens notamment français, et américain ? Comment concilier les différents modes de production, illustrés, chez nous, s’agissant de l’élevage, par la ferme limousine familiale et, de l’autre côté de l’Atlantique, par la ferme texane aux 100 000 vaches ?
La proposition de résolution issue des travaux de la commission des affaires économiques pose quelques principes fondamentaux auxquels nous ne pouvons qu’adhérer.
Oui, en effet, il faut que les négociations garantissent une réciprocité dans les trois domaines concernés, que ce soit l’accès aux marchés à travers les barrières douanières, la levée des obstacles non tarifaires et, enfin, les règles de concurrence.
Le deuxième domaine est celui qui pose le plus de difficultés, car la levée des obstacles non tarifaires touche à des acceptations collectives très différentes, en matière sanitaire, phytosanitaire ou réglementaire, selon que l’on soit européen ou américain. Pour être plus précis, c’est le principe de précaution contre la preuve par la science. C’est le fromage au lait cru, qu’un très grand nombre de mes collègues apprécient tout particulièrement
(Sourires.)
Nous l’apprécions tous !
Mme Sophie Primas,
rapporteur.
… contre les savons en pâte fondue !
M. François Fortassin.
(Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Requier.
… qui a pour caractéristiques de n’avoir pas de goût et d’être porteur de tous les vices et de toutes les maladies possibles : en en mangeant, on court les plus grands risques sur les plans médical et sanitaire… ce qui n’en empêche pas une consommation importante.
M. François Fortassin.
Dans ces conditions, il est bien évident que les négociations risquent de buter. Pour autant, il n’est pas envisageable de renoncer aux standards qui sont les nôtres et vers lesquels convergent les agriculteurs européens.
C’est pourquoi la proposition de résolution européenne va dans le bon sens en invitant le Gouvernement à œuvrer pour la préservation de ces préférences collectives.
Je partage aussi le principe consistant à garantir le système européen de qualité, notamment les indications géographiques, qui sont un élément fort de la valorisation des produits européens, en particulier français.
À ce propos, je dois dire que la meilleure défense que nous aurons consistera à mettre en valeur la qualité des produits français issus de notre agriculture. Nous devons aussi balayer devant notre porte, si je puis dire : si, globalement, les produits issus de l’agriculture française sont d’excellente qualité, il n’en reste pas moins vrai qu’il peut y avoir, ici ou là, quelques productions défaillantes, qui plombent le reste de la production. Nous devons être très vigilants, car ce n’est pas en multipliant les chaînes de restauration qui délivrent, au mieux, de quoi étancher sa soif, mais certainement pas ce que j’appelle, moi, de la nourriture – je souhaite bon appétit à ceux qui fréquentent ces restaurants, où je ne mets que très peu les pieds – que les choses s’arrangeront ! De toute façon, c’est un modèle qui est très défavorable à l’agriculture traditionnelle.
Enfin, le texte n’oublie pas la forme des négociations du traité transatlantique, en invitant notamment à plus de transparence sur le contenu des discussions. C’est une bonne chose. Au mois de novembre dernier, le Premier ministre s’était dit inquiet de voir l’opinion croire à une « négociation cachée ». Si l’on ne veut pas alimenter la méfiance, il faut ouvrir encore davantage ce qui est ouvrable, sans, bien sûr, méconnaître les impératifs de confidentialité.
Mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à prendre en compte les intérêts européens et donc français. C’est la raison pour laquelle les membres de mon groupe du RDSE, à l’unanimité, l’approuveront.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. Daniel Raoul.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des conséquences d’un partenariat de commerce et d’investissement avec les États-Unis sur l’agriculture, ainsi que sur l’aménagement de notre territoire.
M. Michel Le Scouarnec.
À l’heure où les agriculteurs de notre pays se mobilisent pour défendre leurs emplois et, surtout, une juste rémunération de leur travail, soyons très vigilants et prenons en compte leur détresse et leur désespoir, car beaucoup d’entre eux travaillent dur pour ne rien gagner.
L’ensemble des filières est touché. Notre agriculture est déstabilisée. Ce sont des milliers d’emplois et de vies qui sont menacés. En Bretagne, par exemple, 25 % des producteurs de porc sont en liquidation !
Les causes sont bien connues : démantèlement des outils de régulation, libéralisation des marchés,
Il faut s’attaquer aux véritables causes de la situation, en concertation avec l’ensemble des producteurs et des professionnels. La solidarité nationale doit s’exprimer par une intervention publique, pour sauver les producteurs des logiques de marchés et d’une concurrence dévastatrice.
Les agriculteurs ne doivent pas être les victimes de la chaîne de commercialisation. De nouvelles règles doivent être instituées afin de leur garantir des revenus dignes, de manière à assurer, sur nos territoires, une production alimentaire de qualité.
Parallèlement, c’est à l’échelle de l’Europe qu’il est nécessaire d’intervenir, pour que cessent les logiques de concurrence exacerbée et leurs conséquences sociales, économiques et environnementales.
Mes chers collègues, comment voulez-vous que je ne sois pas encore plus inquiet pour le devenir du monde agricole quand je vois une machine de guerre comme le TTIP en préparation ?
Nous savons que ce traité va être une voie royale pour les multinationales, remettant en cause les droits sociaux et environnementaux de l’ensemble des citoyens européens et américains.
Au travers de cet accord, ce n’est pas tant la baisse des droits de douane qui est recherchée que la suppression des barrières commerciales non tarifaires, laquelle se traduira par une révision à la baisse des normes dans tous les domaines, ce qui aura clairement des conséquences importantes sur notre santé, sur l’environnement, sur le développement durable et sur la condition animale.
Une étude menée par le département de l’agriculture américain met en évidence que les États-Unis seraient les grands gagnants de ce traité, notamment grâce à deux éléments : premièrement, l’abolition des droits de douane, qui rapporterait 5,5 milliards de dollars aux États-Unis, là où l’Union européenne ne gagnerait que 800 millions de dollars, soit sept fois moins ; deuxièmement, l’ajout de la suppression des mesures non tarifaires, qui ferait gagner 10 milliards de dollars aux États-Unis, contre 2 milliards de dollars, soit cinq fois moins, à l’Union européenne.
Cette même étude montre que les États-Unis n’auraient rien à gagner dans cet accord si les citoyens privilégiaient la qualité et la sécurité sanitaire en en faisant des priorités. Les autorités états-uniennes expliquent que les consommateurs se tourneraient alors vers la production locale. Dans un tel cas, le TTIP n’aurait aucun intérêt pour eux.
Une autre étude, menée par l’association allemande UnternehmensGrün, qui défend plutôt l’économie verte, montre que l’agriculture européenne ne sortira pas indemne de cet accord. On peut y lire que « personne ne peut produire des produits tels que les céréales à un coût aussi bas qu’aux États-Unis », ou encore que « les fermiers européens sont, économiquement parlant, désarmés… cela signifierait la chute automatique de pans entiers du secteur agricole ». Cette enquête conclut que « le TTIP, en sa forme actuelle, renforce les positions des grandes entreprises agroalimentaires ». Ainsi, l’existence réelle de 99 % des petites et moyennes entreprises serait ignorée par la Commission européenne.
Cette disproportion entre les gains potentiels dans le domaine agricole, que l’on peut qualifier de « déséquilibre astronomique », aurait de lourdes conséquences pour notre agriculture. En effet, cette nouvelle concurrence risque de faire plonger les prix européens et donc de conduire à un grand nombre de faillites.
De plus, il existe une différence totale de conception des deux côtés de l’Atlantique. L’Union européenne organise la protection des animaux « de la ferme à l’assiette », c’est-à-dire sur l’ensemble des étapes de la production – élevage, transport, abattage. Elle interdit les hormones de croissance et elle est nettement moins tolérante avec les aliments génétiquement modifiés et les antibiotiques que les États-Unis.
En revanche, la législation états-unienne sur le transport des animaux date de 1873 ! Outre-Atlantique, le contrôle de la ferme à l’assiette n’existe pas. Désinfecter une carcasse une fois la bête abattue n’y pose donc aucun problème. Mais quelle garantie aurons-nous pour notre sécurité alimentaire ? Aucune.
Mes chers collègues, comment voulez-vous que l’Union européenne et les États-Unis arrivent à conclure un accord équitable, respectueux d’un certain nombre de principes fondamentaux pour nous, citoyens, quand on sait que le Conseil national des producteurs de porc des États-Unis déclare que le TTIP ne devrait permettre aucune restriction des importations européennes fondée sur le bien-être animal ? On sait aussi que ces mêmes producteurs utilisent la ractopamine, qui est juste interdite dans l’Union européenne et dans un peu plus de cent cinquante pays au monde pour ses effets secondaires…
Pourtant, l’Union européenne, dans son mandat de négociation, indiquait souhaiter « préserver le droit de chaque partie à protéger la vie humaine, animale ou végétale sur son territoire ». Mais cette intention était oubliée dès le point suivant, aux termes duquel « les mesures sanitaires et phytosanitaires ne devront pas créer de barrières inutiles au commerce ».
Continuer dans ce sens, c’est prendre beaucoup de risques. Il y va de l’avenir de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, de la souveraineté alimentaire et, si l’on considère les choses plus globalement, du devenir de notre territoire.
L’agriculture ne peut servir de variable d’ajustement dans les négociations de l’accord. L’enjeu est trop important pour qu’on laisse notre agriculture en proie à l’ultralibéralisation du secteur agricole !
Non, l’agriculture n’est pas une marchandise comme les autres.
C’est vrai !
Mme Sophie Primas,
rapporteur.
Elle doit faire partie d’un projet de société plus global. À cet égard, il est tout à fait possible de développer un commerce international sur la base de solutions alternatives, respectueuses de l’homme et de l’environnement. Cela ne peut évidemment se faire en cachette ; cela doit se faire au grand jour ! C’est pourquoi nous voterons cette proposition de résolution européenne des deux mains.
M. Michel Le Scouarnec.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joël Labbé et Jean-François Longeot applaudissent également.)
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne nous permet de débattre une nouvelle fois des négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le PTCI – pour ma part, je préfère le sigle français à celui de TTIP.
M. Daniel Raoul.
Le texte proposé par notre collègue Michel Billout nous permet de préciser notre position sur les questions d’agriculture et d’aménagement du territoire, sujets particulièrement sensibles dans les discussions, à la veille du douzième cycle de négociations, qui s’ouvriront du 22 au 26 février prochain et seront essentiellement consacrées aux questions agricoles.
Pour commencer, monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer une nouvelle fois l’amélioration continue de la transparence des négociations que vous avez engagée.
C’est vrai !
M. Jean Bizet, et Mme Sophie Primas,
président de la commission des affaires européennes,rapporteur.
Jamais les parlementaires n’ont autant suivi les négociations commerciales conduites par l’Union européenne. Je pense notamment au comité de suivi des négociations, qui associe la société civile et les parlementaires.
M. Daniel Raoul.
Cependant, la transparence des négociations doit encore progresser et le contrôle parlementaire doit s’exercer pleinement. C’est une nécessité au vu des enjeux économiques de l’accord – ils ont été évoqués –, ainsi que de la diversité des économies nationales et des structures du PIB des pays européens. Je pense évidemment à la part que représente l’agriculture en Allemagne – 0,9% du PIB –, laquelle pourrait être tentée de s’en servir comme variable d’ajustement vis-à-vis de son industrie.
Le combat mené par la France au niveau européen pour une plus grande transparence des négociations favorise une meilleure association des parlementaires nationaux et européens et de la société civile. J’y vois la chance de donner un rôle plus important aux parlementaires dans la préservation et la promotion des valeurs qui sont les nôtres, et ce quel que soit le jugement que rendra Cour de justice de l’Union européenne concernant le caractère mixte de l’accord conclu avec Singapour.
Le travail engagé par la France au niveau européen va également dans le sens de la primauté des valeurs économiques, sociales, environnementales et sociétales, qui sont considérées aujourd’hui comme non négociables. La menace de stopper les négociations si les États-Unis ne jouaient pas le jeu et si le contenu de l’accord s’avérait insatisfaisant, menace que vous avez vous-même brandie à l’automne dernier, monsieur le secrétaire d’État, doit être lue en ce sens. Elle était tout à fait légitime et nous y adhérions !
Ce travail a permis une évolution et une inflexion de la stratégie commerciale européenne, plus exigeante désormais en matière d’équité et de réciprocité.
L’agriculture est un secteur stratégique sur le plan économique et commercial, spécifiquement en France, premier pays agricole d’Europe. L’agriculture ne doit pas servir de variable d’ajustement ; nous ne pourrions l’accepter.
De plus, les enjeux de société et d’environnement font de ce secteur un élément essentiel des négociations du traité transatlantique.
Notre collègue Michel Billout présente de nouveau une proposition de résolution européenne liée aux négociations transatlantiques, cette fois sur leur volet agricole. Il s’agit d’une bonne proposition que M. Bonnecarrère et moi-même avons voulu renforcer sur plusieurs points. Peut-être M. Billout a-t-il fait preuve de timidité ? Nous y sommes allés un peu plus fort, ce qui a permis à cette proposition d’être adoptée à l’unanimité par nos deux commissions.
D’abord, je souhaiterais vous dire l’importance d’avoir des garanties, dans le cadre de la négociation, sur le respect des normes les plus hautes. La protection des consommateurs doit rester l’une de nos préoccupations. En France et en Europe, beaucoup a été fait pour répondre au risque sanitaire, mais les mesures prises sur notre continent sont très différentes de celles des Américains.
Alors que le principe de précaution – hélas ! – fait office de leitmotiv – je le dis à l’intention du président Bizet – de notre réglementation en la matière, les Américains n’y font quasiment aucune référence.
La Commission doit absolument préserver notre travail en la matière dans le cadre de la négociation relative aux harmonisations réglementaires ou à une reconnaissance d’équivalence. Rien ne serait plus dommageable que de céder sur ce point indispensable à notre responsabilité collective.
À cet égard, je salue aussi la proposition française, dorénavant reprise par la Commission européenne, encadrant l’éventuelle convergence réglementaire. Beau travail, monsieur le secrétaire d’État !
J’attire également l’attention du Gouvernement sur l’importance de préserver notre agriculture. Aussi, je reprends à mon compte cette proposition des députés européens qui souhaitent que soit établie une « liste exhaustive » des « produits agricoles et industriels sensibles » pouvant être exemptés de la libéralisation des échanges afin de préserver nos productions locales.
Les indications géographiques, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, doivent être préservées. C’est la nature même de nos produits et la qualité de nos terroirs qui sont en jeu. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous y êtes attaché – vous l’avez encore rappelé voilà quelques instants.
Je me souviens, pour illustrer mon propos, de votre intervention lors des questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale : « S’agissant de l’agriculture, je mène avec Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, la diplomatie des terroirs non seulement pour accéder aux marchés publics américains, mais aussi pour obtenir de l’équité et de la réciprocité dans le commerce international. C’est la position de la France, qui conditionne, pour nous, la poursuite de ces négociations ». Ces propos, monsieur le secrétaire d’État, je les fais miens, et je pense que nous pouvons tous les faire nôtres.
La fin progressive des droits de douane, objectif du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, se fait dans un contexte de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.
Globalement, les droits de douane appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont deux fois supérieurs à ceux qui sont appliqués aux États-Unis : 12,2 % en moyenne, contre 6,6 %.
Des deux côtés sont aussi appliqués des pics tarifaires élevés : dans l’Union européenne, pour certains produits sensibles ; aux États-Unis, pour quelques produits européens – 112 % sur le lactosérum, par exemple, ou encore 39 % sur certains fromages, principalement les fromages au lait cru, comme le soulignait notre collègue François Fortassin.
Certains produits déclarés sensibles compte tenu de leur fragilité économique ou commerciale, et dont vous avez rappelé la liste, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas concernés par la réduction des droits de douane. Ces produits devront relever d’un traitement spécifique à la fin de la négociation, ce qui pourrait aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent à droit réduit ou nul.
À cet égard, les premières informations que j’ai pu recueillir évoquent la négociation d’un contingent de 150 000 tonnes de viande bovine. Ne pourrait-on imaginer que ce contingent soit fongible avec le contingent canadien ?
Quand on y ajoute les marqueurs infranchissables du mandat de négociations tels que les règles phytosanitaires, cela montre que, contrairement à ce que certains rapports américains, relayés par la presse, cherchent à faire valoir, un accord n’est pas forcément préjudiciable à notre secteur agricole. En tous les cas, il ne doit pas l’être, nous ne l’accepterons pas !
En conclusion, je vous propose de voter en faveur de cette proposition de résolution européenne adoptée par nos deux commissions.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
La parole est à M. Joël Labbé.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier Michel Billout d’avoir présenté cette résolution au nom du groupe communiste, républicain et citoyen. Il s’agit d’un débat nécessaire. Je voudrais également saluer la rapporteur de la commission des affaires économiques, Mme Primas, et le président de la commission des affaires européennes.
M. Joël Labbé.
Madame Primas, si vous n’aviez pas été rapporteur et si vous aviez appartenu au groupe communiste, on aurait parlé d’anti-américanisme primaire tellement les arguments à charge contre ce traité – vous les avez écrits avec objectivité – sont forts.
Nous vivons vraiment une drôle d’époque. Si le traité transatlantique n’était pas signé – M. le secrétaire d’État nous parle d’incertitude… –, la Terre s’arrêterait-elle de tourner ? Pour ma part, je pense qu’elle tournera mieux – et j’emploie à dessein le temps futur et non le temps conditionnel.
Notre assemblée est particulièrement préoccupée par ces négociations, qui suscitent de lourdes inquiétudes sur toutes les travées de cet hémicycle. Dans ce que l’on appelle « le monde agricole », seuls les tenants de l’agriculture industrielle et de l’agro-industrie sont intéressés à la signature de ce traité.
Les exportations de vin seront-elles stoppées par les barrières douanières ? Non, notre vin de qualité continuera de s’exporter. Regardons d’abord vers le marché européen.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de « mascarade » à propos de ces négociations. Elles sont effectivement bien mal engagées. À l’heure où la France a joué un rôle clé dans la conclusion d’un accord ambitieux pour le climat à travers la COP 21, la Commission européenne négocie en dehors de tout cadre démocratique un traité qui va entraîner un accroissement des échanges avec des partenaires situés à plus de 10 000 kilomètres de notre continent, alors que les impératifs climatiques commandent de privilégier la relocalisation de l’alimentation.
L’OMC et la FAO ? Plutôt que de permettre la conclusion de ce genre d’accord bilatéral, il faut mettre en œuvre une gouvernance mondiale de l’alimentation. C’est un besoin vital !
Le volet « agriculture » de ces négociations vise à remettre en cause nos normes sanitaires, nos normes de qualité, nos indications géographiques protégées, nos savoir-faire, la plus-value de nos terroirs. C’est pratiquement la remise en cause de notre modèle de société. Et si j’ai du respect pour les Américains, leur modèle de société n’en est pas un à mes yeux !
(Mme la rapporteur s’exclame.)
Aujourd’hui, les jeunes générations travaillent sur l’alimentation de proximité, l’agriculture en ville, la permaculture, l’agriculture organique et biologique… Tout cela est également en train d’émerger en Amérique, ne l’oublions pas.
Vive l’Amérique, alors !
Mme Sophie Primas,
rapporteur.
Permettez-moi de citer votre rapport, madame Primas : « D’après une récente étude de l’Institut de l’élevage, les exploitations d’engraissement américaines ont des coûts 40 % moins élevés que les ateliers d’engraissement français ». Tout est dit !
M. Joël Labbé.
Encore faut-il comparer ce qui est comparable, et en l’occurrence c’est absolument incomparable. Je cite de nouveau votre rapport : « […] la fragilisation de l’élevage bovin constituerait une menace pour la survie de nombreux élevages [de notre pays]. On le sait ! Dès lors, faudra-t-il multiplier les « 1 000 vaches », les « 1 000 taurillons », les « 150 000 poulets » et autres ? Nous lutterons contre cette logique qui n’est pas la nôtre, et nous lutterons debout !
Au final, la production de viande bovine est beaucoup plus compétitive aux États-Unis qu’en Europe. Le différentiel calculé par l’Institut de l’élevage entre la France et les États-Unis est estimé, dans une étude récente, à 1,83 euro par kilo de carcasse. Nous ne jouons pas dans la même cour !
D’ailleurs, dans les négociations, monsieur le secrétaire d’État, on parle de «
Notre rapporteur estime que la France ne devrait pas hésiter à refuser un accord conclu dans la précipitation, s’il devait s’agir d’un mauvais accord pour l’agriculture et les produits alimentaires.
Si cette proposition de résolution européenne nous convient, elle ne va pas assez loin. Vous l’avez déjà dit, monsieur le secrétaire d’État, en cas de désaccord, la partie agricole devra être retirée. Aussi, pour ma part, je l’ai décidé cette nuit, au nom des écologistes, que je n’ai pas pu consulter
(Exclamations amusées.),…
Mais que se passe-t-il ?
M. Roger Karoutchi.
Ce n’est pas très démocratique !
M. Jean Bizet,
président de la commission des affaires européennes.
Mme Sophie Primas,
rapporteur.
Il faut conclure, mon cher collègue.
M. le président.
Je vais conclure…
M. Joël Labbé.
… démocratiquement.
M. le président.
(Sourires.)
Il semblerait que cette bonne proposition de résolution européenne, qui ne va pas suffisamment loin, fasse l’unanimité dans les rangs de notre assemblée. Or, vous le savez, j’apprécie en général l’unanimité. Pour ne pas la compromettre, et parce que je veux aller plus loin, je ne prendrai pas part au vote.
M. Joël Labbé.
(Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Quel dommage !
Mme Sophie Primas,
rapporteur.
Je le répète : ce n’est pas démocratique !
M. Jean Bizet,
président de la commission des affaires européennes.
La parole est à M. David Rachline.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité transatlantique établi entre l’Union européenne et les États-Unis ressemble à un coup de grâce pour le monde agricole.
M. David Rachline.
Il souhaite abaisser, voire supprimer, les barrières tarifaires. Pour le secteur agricole, ce serait tout simplement catastrophique.
Au vu des différences de structures entre les exploitations agricoles européennes – 12 hectares en moyenne – et américaines – 169 hectares en moyenne –, on imagine les conséquences du rapprochement des deux modèles : accélération de la désertification des campagnes, dégradation de l’environnement et de la biodiversité, baisse de la qualité des produits.
Les filières lait, viande et sucre, notamment, qui ont des droits de douane plus importants, seraient à la merci de la production américaine beaucoup plus productive grâce à ses grandes exploitations. Cela parachèverait la nouvelle agriculture mondialiste, ultralibérale, hors sol, coupée de toute racine. Le paysan devient un simple exploitant obéissant à deux urgences : la productivité et la rentabilité. Nous avons perdu de vue l’essentiel, que le philosophe Pierre Rabhi a résumé ainsi : « L’agriculture n’est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir ».
En matière de normes, leur abaissement ou leur suppression, comme le prévoit le traité, seraient dramatiques, car celles-ci sont beaucoup moins protectrices aux États-Unis qu’en Europe. Or, face aux États-Unis, nous ne faisons pas le poids : les normes américaines seront très probablement adoptées, donnant l’avantage aux groupes industriels américains.
Spécificité de ce traité, un mécanisme de règlement des différends entre les multinationales et les États sera basé sur une justice privée nous empêchant de changer nos méthodes agricoles et nos normes alimentaires. Les multinationales américaines auraient tout pouvoir contre la France si une mesure prise était de nature à porter atteinte à leurs profits actuels ou même espérés dans le futur. Il s’agit d’un abandon de souveraineté absolument inimaginable.
Concernant les marchés publics, ceux-ci devront être complètement ouverts à tous les niveaux. Il s’agirait, en réalité, de consolider le degré de libéralisation le plus élevé déjà atteint avec l’impossibilité de réserver les marchés publics français aux groupes français, ce que nous appelons de nos vœux.
George Friedman, spécialiste américain de géostratégie et d’intelligence économique, insiste dans ses travaux sur la nécessité, pour les États-Unis, de mettre en œuvre le Grand Marché Transatlantique, instrument évident de vassalisation de l’Union.
Nous le voyons bien, ce traité est contraire aux intérêts de la France. Il est dangereux pour notre économie, et particulièrement pour notre agriculture.
Le parti communiste a raison de dénoncer le traité transatlantique. Je voterai cette proposition de résolution. Je tiens néanmoins à souligner, mes chers collègues, que ce traité n’est que le fruit de la construction européenne que vous soutenez et appelez de vos vœux depuis trente ans.
À aucun moment, vous ne remettez en cause l’Union européenne. Or, de toute évidence, nous faisons face à une crise structurelle. Sans changements radicaux, notre monde agricole, qui s’effondre, ne se relèvera pas. Il faut le dire et le répéter, si nous ne changeons pas de modèle en profondeur, les mesures prises ressembleront à de la morphine, qui, loin de guérir l’agonisant, ne fait que rendre moins douloureuse sa disparition.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter de la tenue de ce débat sur le traité transatlantique. Il me semble fondamental que le Sénat reste attentif à l’avancée des discussions et qu’il se saisisse régulièrement de la question en séance publique, ce qu’il fait aujourd’hui pour la quatrième fois depuis le lancement des négociations. Je remercie donc l’auteur de cette proposition de résolution européenne, M. Michel Billout, ainsi que le rapporteur, Mme Sophie Primas, et le rapporteur pour avis, M. Philippe Bonnecarrère, de s’être penchés sur cette question.
M. Jean Bizet.
La proposition de résolution européenne qui nous est soumise se concentre sur un secteur qui cristallise tout particulièrement les inquiétudes de nos concitoyens. En effet, le TTIP est un accord de nouvelle génération. Comme tout accord commercial, il vise, certes, un abaissement des tarifs douaniers, mais il a surtout pour ambition d’aboutir à un rapprochement des normes et des règles des deux côtés de l’Atlantique.
Or, dans le secteur agricole et alimentaire, les normes ont, plus que dans d’autres domaines, un poids politique fort. Bien que parfois trop lourdes ou inadaptées, elles sont l’expression de préférences collectives auxquelles nos concitoyens sont très attachés et sur lesquelles ils n’accepteront pas de transiger.
Il me semble toutefois important de rappeler le contexte dans lequel s’inscrivent ces négociations. À ce jour, l’Europe et les États-Unis représentent près de 50 % du PIB mondial et environ 30 % des échanges commerciaux. Cette « position dominante » n’est cependant pas nécessairement appelée à durer indéfiniment, et nous constatons chaque jour un peu plus le glissement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie.
La Chine, malgré ses difficultés actuelles, se lance ainsi à la conquête du monde. Songeons par exemple au projet particulièrement ambitieux lancé par Pékin et surnommé « une ceinture, une route ». Celui-ci prévoit des centaines de milliards de dollars d’investissement dans une soixantaine de pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique, afin de constituer des routes terrestres et maritimes organisant le commerce de cette gigantesque zone autour de l’économie chinoise.
Face à cette nouvelle réalité qui se fait jour, nous devons regarder les choses en face et comprendre la loi de la mondialisation, dans laquelle nos économies sont aujourd’hui pleinement insérées. En clair, sans vouloir vous choquer, mes chers collègues, celui qui maîtrisera la norme maîtrisera le marché.
Dans ce contexte, la recherche d’une cohérence réglementaire, sans doute par la voie des reconnaissances d’équivalence plutôt que par l’harmonisation, est une entreprise particulièrement stratégique. Un accord équilibré constituerait un avantage décisif dans la compétition internationale et contribuerait à préserver l’Atlantique comme centre de gravité de l’économie mondiale.
Pour autant, nous devons nous garder de toute naïveté. La négociation du TTIP n’est pas différente de celle de tout autre accord commercial. Elle est le théâtre d’une confrontation d’intérêts, dont peuvent résulter autant d’opportunités que de risques.
La situation du secteur agricole et agroalimentaire de notre pays en est une parfaite illustration. La France dispose en effet de formidables atouts à faire valoir sur les marchés mondiaux, et certaines de nos filières ont des intérêts clairement offensifs dans ces négociations. Je pense par exemple à la filière fromagère ou à celle des vins et spiritueux, qui bénéficieraient grandement de la levée des diverses barrières non tarifaires américaines.
Pour concrétiser les opportunités de développement qui s’offrent à elles, la reconnaissance et la protection juridique sur le territoire américain de nos indications géographiques seront cependant un préalable incontournable, auquel nous ne pourrons en aucun cas renoncer, même si nos interlocuteurs semblent toujours totalement fermés sur ce sujet. Le président Jean-Claude Lenoir et moi-même avons rencontré voilà quarante-huit heures, à Paris, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OMC, M. Michael Punke. Nous avons été sur ce point extrêmement fermes.
A contrario
La revendication de ces nécessaires mécanismes de protection ne doit toutefois pas nous exonérer d’une réflexion profonde sur l’orientation et l’organisation de ces secteurs aujourd’hui vulnérables.
Ceux-ci doivent bien sûr gagner encore en compétitivité, mais ils doivent également repenser leur position sur des marchés marqués par des habitudes de consommation ayant profondément évolué. La France est associée dans le monde à la très haute qualité agroalimentaire. Aux yeux des consommateurs et sur les marchés, cette identité fait l’objet d’une valorisation élevée.
Les secteurs aujourd’hui en difficulté doivent s’engager pleinement dans la voie de la très haute qualité. Ils devront également revoir l’organisation de leurs filières, souvent épuisées, notamment pour bâtir des stratégies offensives à l’export, par exemple autour d’une appellation commune clairement identifiable par les consommateurs étrangers.
Et partager la valeur ajoutée !
M. Alain Vasselle.
Monsieur le secrétaire d’État, mon groupe n’est pas opposé par principe à la négociation du TTIP et il soutiendra la proposition de résolution européenne très équilibrée qui nous est proposée. Mais il fera dans le même temps preuve d’une extrême vigilance sur le contenu d’un éventuel accord, et ce tout particulièrement dans le secteur agricole, qui fait littéralement partie de l’ADN de notre pays.
M. Jean Bizet.
Je souhaitais évoquer, en guise de conclusion, quelques points de méthode qui me semblent importants, mais je n’irai pas plus loin, car le temps qui m’a été imparti est révolu. Monsieur le secrétaire d’État, comme l’ont dit un certain nombre de nos collègues, nous sommes ouverts, plutôt réceptifs, mais, vous le savez très bien, nous ne voterons pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe quand.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé l’importance de cet accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, ses enjeux en termes de marché, tant pour nos exportations que pour nos importations, et ce dans tous les secteurs qu’il concernera, en particulier pour l’agriculture.
M. Jean-François Longeot.
Le traité transatlantique constitue une chance pour l’ouverture vers de nouveaux marchés. Les attentes sont immenses de chaque côté de l’Atlantique. Nous espérons en Europe un gain économique de plusieurs centaines de milliards d’euros grâce à cet accord, soit, pour donner un ordre de grandeur, un montant comparable au plan d’investissement lancé par la Commission européenne.
Ce traité suscite aussi et légitimement de nombreuses craintes. L’objet de cette proposition de résolution européenne est bien de pointer du doigt ces craintes et de donner au Gouvernement notre point de vue sur les conditions dans lesquelles un accord serait acceptable, ou non, avec nos partenaires américains. Le Sénat, une fois encore, doit pouvoir jouer son rôle d’aiguillon du Gouvernement, un aiguillon bienveillant quand il le faut.
La proposition de résolution européenne que nous examinons attire notamment notre attention sur la préservation du système européen des signes de qualité, et insiste sur la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques. Ce système de qualité garantit aux consommateurs des produits de qualité et constitue un avantage certain pour nos filières. En cela, le partenariat transatlantique de commerce pourrait représenter une chance de développement économique. Le rapport de nos collègues Bonnecarrère et Raoul souligne d’ailleurs qu’une telle opportunité serait encore plus importante pour la filière laitière.
Je suis élu d’un département très riche en produits labellisés AOC, en particulier pour le fromage. Pour vous allécher, je peux citer le mont d’Or, le Morbier et, bien sûr, le Comté. Ce dernier représente la première AOC fromagère française en tonnage.
Avec près de 64 000 tonnes produites en 2015, soit 2 % de plus que l’année précédente, cette production augmente chaque année, ainsi que le prix du Comté. C’est donc une très bonne nouvelle pour tous les acteurs de la filière.
Ce très beau résultat provient d’une organisation originale, qui a besoin d’être confortée et, surtout, qui ne doit pas être déstabilisée, puisque tout le monde y trouve son compte. Le point fort de cette filière c’est qu’elle se tourne vers le consommateur. Les producteurs ont confiance et investissent pour l’avenir ; les jeunes agriculteurs s’engagent – dans le Doubs, le taux d’installation est exceptionnel avec une arrivée pour un départ dans la zone de production du Comté – ; les fruitières s’organisent et les affineurs développent toujours plus leur capacité.
Toutefois, comme je le disais, ce cercle agricole et économique, s’il est vertueux, ne doit pas être déséquilibré. Les craintes concernent les modes de production, la qualité des fromages et même les « copies » qui pourraient être fabriquées. Cette dernière question n’est pas anodine, puisque ce risque existe déjà, des sociétés comme Sodiaal cherchant à récupérer la bonne image de ce produit pour en faire une nouvelle source de chiffre d’affaires. Il est probable que, demain, avec un accord de libre-échange encore plus important conclu entre l’Europe et les États-Unis, ce type de tentation soit encore plus grand. Dans le cas de la filière du Comté, ce sont quelque 10 000 emplois qui sont en jeu.
Si je me suis attardé sur cet exemple précis et local, c’est que les enjeux de cet accord commercial sont primordiaux. Ils auront également un impact sur nos territoires. Il appartient donc au Sénat d’alerter le Gouvernement sur ces problématiques.
Pour exercer pleinement notre rôle – cela a déjà été rappelé de nombreuses fois, mais je souhaite y insister –, il est nécessaire non pas d’améliorer, mais d’assurer la transparence des négociations. Les différents rapports ont souligné ce point. Le Sénat en avait déjà fait l’objet d’une résolution au mois de février dernier. Toutefois, le sentiment que les négociations se poursuivent sans que cet aspect ait été pris en compte s’accentue.
Le libre-échange, pour être économiquement efficace, demande la confiance. Or cette fameuse confiance, indispensable à toute transaction, ne peut prospérer sur notre sol dans l’opacité des négociations, qui engendre craintes et suspicions.
Quelques avancées ont été obtenues par le Gouvernement en la matière. Cependant, un supplément d’efforts est nécessaire, du fait même de la nature particulière de ces accords. Jamais, dans l’histoire, la France ne s’est engagée dans un processus d’une telle ampleur sans négocier elle-même son destin commercial.
Le Premier ministre lui-même s’en est inquiété au mois de novembre dernier. Il a estimé qu’un vrai débat dans la société sur ce traité était nécessaire. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez la capacité d’organiser cette transparence au sein de notre pays ; vous avez la capacité de consulter les parlementaires que nous sommes ; vous avez la capacité et la responsabilité de le faire.
Le mandat que le Conseil a donné à la Commission ne saurait être un blanc-seing. Nous sommes tous responsables devant nos concitoyens, et notre premier devoir envers eux est celui de l’information, donc de la transparence. Elle permettrait, d’abord, de mesurer les axes qui sont pris et, ensuite, soit de rassurer le terrain, soit de faire remonter au niveau des négociateurs l’impact de leurs décisions.
Pour finir – c’est le corollaire du manque actuel de transparence –, j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous rassuriez s’agissant du contenu actuel du traité. En effet, certains élus européens se sont fait l’écho d’un rapport du département américain de l’agriculture laissant penser que notre agriculture serait la grande perdante de cet accord, notamment au regard de l’abolition des droits de douane et de la suppression des mesures non tarifaires.
Ces dispositions feraient s’effondrer les prix européens et ne seraient pas du tout adaptées à notre politique agricole commune. Par la proposition de résolution européenne de ce jour, il vous est demandé de sauvegarder notre modèle, or ces mesures viendraient l’entraver.
Enfin, la question de l’étiquetage de nos produits doit être portée au niveau européen. Si les États membres ne sont pas unis sur cette question, importante en matière de santé publique et d’information du consommateur, nos produits de qualité ne résisteront pas à un accord transatlantique.
Ce sujet revient régulièrement dans nos débats, tant au moment de l’examen de textes que lors des différentes crises qui ont touché le secteur agroalimentaire. Traçabilité et étiquetage complet restent les meilleurs moyens de laisser le choix au consommateur.
En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe UDI-UC soit favorable à l’adoption de cette proposition de résolution européenne.
(Applaudissements
sur les travées de l’UDI-UC et du groupe CRC. – M. Michel Magras applaudit également.)
La parole est à M. Michel Raison.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame le rapporteur, mes chers collègues, les marchés anciens s’effritent et les marchés nouveaux se dérobent, il faut se rendre à l’évidence, 2016 est bien l’année de tous les dangers. Les bonnes perspectives annoncées se sont envolées.
M. Michel Raison.
La question qui se pose à nous désormais est la suivante : souhaitons-nous que le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis porte le coup de grâce aux agriculteurs européens ?
Ce risque existe, il est parfaitement explicité par nos collègues Michel Billout, Philipe Bonnecarrère et Daniel Raoul. L’opportunité de la proposition de résolution européenne ne fait aucun doute. Celle-ci s’inscrit dans le prolongement des précédentes résolutions adoptées par le Sénat.
Sur la forme, je partage tout d’abord vos inquiétudes et vos demandes d’une plus grande transparence et d’une meilleure association des parlements nationaux au processus de négociation de ce traité.
Il est en effet inacceptable pour les secteurs d’activités concernés qu’aucune étude d’impact, ni au niveau national ni au niveau européen, n’ait été fournie. Plus généralement, le manque de transparence – je pense notamment à l’absence de publication des offres américaines – contribue largement à alimenter la méfiance des professionnels et des élus, comme le souligne notre excellente collègue Sophie Primas dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques. Il est toujours plus douloureux de se cogner la nuit qu’en plein jour !
Cette méfiance est renforcée par le peu d’études réalisées sur la question, d’autant que la plupart d’entre elles prédisent, hélas, un avenir relativement sombre aux agriculteurs européens. Je parle bien des agriculteurs européens, car – il faut le rappeler de temps en temps – la France n’est pas une île isolée.
Selon une étude du Parlement européen réalisée en 2014, le traité entraînerait en effet une diminution de 0,5 % de la valeur agricole au sein de l’Union européenne, contre une augmentation de 0,4 % outre-Atlantique. Des constats similaires émanent du département de l’agriculture des États-Unis. Au vu de ces conclusions, je ne peux que m’associer aux doutes liés au risque d’un accord déséquilibré au détriment de l’Europe.
Permettez-moi d’insister sur la filière laitière, pour laquelle l’échéance du traité commercial transatlantique est évidemment cruciale. Peut-être même en sous-estime-t-on les conséquences.
Monsieur le président de la commission des affaires européennes, vous m’aviez demandé de réaliser un rapport sur le lait, d’une façon plus générale. J’ai remis ce rapport en juin 2015. J’avais auditionné de nombreuses personnes, en particulier la Fédération nationale de l’industrie laitière, qui m’avait, à l’époque, alerté sur les transformations de la concurrence internationale et plus précisément sur le réveil du géant américain, ancienne puissance laitière qui s’exprime peu, pour le moment, mais qui est dotée d’un outil de production très important – plus de 50 % du lait est issu de fermes de plus de 10 000 vaches. Le traité d’échange est un signe clair de la volonté américaine de revenir sur le marché mondial.
Enfin, dans la confrontation entre le droit des marques, étendard des Américains, et les indications géographiques, apanage des Européens, ainsi que Jean-François Longeot vient de l’illustrer à partir de l’exemple d’une région où les AOP sont importantes, notre formidable système de protection pourrait se voir très affaibli.
L’industrie laitière américaine produit en effet de nombreux fromages européens, créés sans usurpation, mais simplement à partir de notre propre savoir-faire au cours des siècles passés. Elle estime que certains termes sont devenus génériques : feta, gouda, emmental, gruyère… Notez qu’il en va de même pour les couteaux : aujourd’hui, on peut se procurer un laguiole pour pas cher ! Cette industrie refuse, dès aujourd’hui, d’être freinée par un système d’indications géographiques qui l’empêcherait de fabriquer, par exemple, du munster – dont notre collègue Gremillet est un spécialiste – : 74 000 tonnes en sont fabriquées aux États-Unis, alors que nous en exportons 20 tonnes à destination de ce pays. Les négociateurs parviendront-ils à protéger chaque type de fromage comme une spécialité ?
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté », a écrit Winston Churchill.
Appartenant à la seconde catégorie, je rappelle que les négociations ne sont pas terminées et qu’il est donc difficile d’imaginer exactement les conséquences du partenariat. Je souligne également que le TTIP a vocation à donner aux producteurs européens l’opportunité d’accéder au marché américain. Plus grande sera la qualité d’un produit – La France est renommée dans ce domaine ! –, plus ses perspectives de vente seront prometteuses aux États-Unis.
Je suis conscient des enjeux industriels, régionaux et nationaux et de la sensibilité politique du sujet, mon optimisme a donc des limites.
Le temps qui vous est imparti, également !
M. le président.
(Sourires.)
C’est pourquoi je réitère la position que j’avais exprimée devant la commission des affaires européennes, partageant ainsi pleinement les conclusions formulées par la commission des affaires économiques : une absence d’accord est préférable à un mauvais accord pour l’agriculture et les produits alimentaires.
M. Michel Raison.
La substance doit primer le calendrier. Aller vite, c’est prendre le risque de sacrifier nos intérêts défensifs, d’abattre certaines filières, la filière bovine en particulier, et de céder sur nos défenses, sans rien gagner sur nos intérêts offensifs !
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Michel Billout et le groupe CRC, qui sont à l’origine de cette proposition de résolution européenne. Au-delà de ses conséquences sur l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, nous considérons que le TTIP nécessite de la part de la représentation nationale une attention et une vigilance particulières, eu égard aux enjeux économiques, démocratiques, sanitaires et sociétaux qu’il engendre.
M. Franck Montaugé.
Quels sont les enjeux chiffrés de cette question ?
Pour l’agriculture et les industries agroalimentaires françaises, l’enjeu de ce traité est de l’ordre de 2 milliards d’euros, soit 18 % du solde positif du commerce extérieur avec les États-Unis, qui atteint 11 milliards d’euros. Le TTIP va-t-il nous permettre d’accroître ce solde positif avec les États-Unis, ou pas ? Telle est la question !
Un rapport du département américain de l’agriculture sur les conséquences du TTIP, rapport évoqué par M. le secrétaire d’État il y a quelques instants, permet de faire un constat sans appel : en cas d’abolition des droits de douane, les États-Unis gagneraient 5,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 2 % de leurs exportations agricoles, quand, dans le même temps, l’Union européenne enregistrerait une baisse de ses exportations de 0,25 %.
Pire, en cas d’abolition des droits de douane couplée à la suppression des mesures non tarifaires, les États-Unis gagneraient presque 10 milliards de dollars, contre 2 milliards de dollars pour l’Union européenne, avec, une nouvelle fois, des exportations en hausse pour les États-Unis et en baisse pour l’Union européenne.
Toutefois, ce rapport américain précise que si l’Union européenne obtenait gain de cause sur les questions sanitaires et de qualité, alors les États-Unis ne tireraient pas réellement de bénéfices de l’accord, ce qui, bien évidemment, ne les encouragerait pas à le voter dans ces termes.
En tout état de cause, et particulièrement au vu de ces données, agriculture et agroalimentaire ne doivent pas être, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, les variables d’ajustement de ce traité qui, on le sait, ne concerne pas seulement l’agriculture.
Pour notre groupe, un certain nombre de points doivent absolument être pris en compte dans la négociation. Je développerai plus particulièrement trois d’entre eux.
Le premier concerne les préférences collectives relatives aux normes sanitaires, phytosanitaires, environnementales et à la protection des consommateurs, qui doivent rester un point incontournable.
Des obstacles sanitaires à l’exportation de nos produits sont maintenus aux États-Unis. En effet, les règles sanitaires américaines ne permettent pas l’exportation de nos productions de lait cru et de fromages qui en sont issues, en raison de la non-reconnaissance des normes de pasteurisation européennes. Cette situation a conduit les États-Unis, dans les négociations, à classer comme produits sensibles les fromages ou le beurre.
Dans ce cadre, la question de l’harmonisation des réglementations européenne et américaine est donc centrale, ainsi que la reconnaissance d’équivalence, notamment en matière de systèmes de contrôle. Si nous voulons sécuriser nos consommateurs et préserver nos producteurs, des accords doivent être trouvés. Ce point devrait constituer un préalable aux négociations de volume.
Le deuxième point s’attache à la reconnaissance et à la protection des indications géographiques de type AOP, AOC, etc., essentielles pour le fleuron de nos exportations que sont les vins et spiritueux. La diplomatie des terroirs que permet l’indication géographique vise à reconnaître nos spécificités et nos savoir-faire.
Aujourd’hui, le système des indications géographiques européen s’oppose au système américain des marques. Une marque a une durée de vie limitée et peut être vendue, alors qu’une indication géographique a, par définition, vocation à perdurer.
L’un des objectifs prioritaires de l’Union européenne doit être la reconnaissance et la protection du plus grand nombre possible d’indications géographiques. À cet égard, le refus des États-Unis de constituer un groupe à haut niveau, comme l’avait proposé la Commission européenne en amont du onzième tour de négociation en octobre 2015, est révélateur.
Troisième et dernier point : la sauvegarde des produits classés sensibles est essentielle, avec l’enjeu majeur pour la France de préserver notre filière bovine et ses 50 000 emplois. À cette fin, il ne faut pas accorder aux États-Unis des contingents tarifaires à droits réduits ou nuls.
Le contexte du marché américain est aujourd’hui caractérisé par une forte demande en viande hachée, des producteurs américains ont donc tout intérêt à se spécialiser dans les morceaux nobles pour l’exportation. Or c’est justement le secteur dans lequel l’activité française est la plus rentable et la plus réputée.
La compatibilité de nos modes de production pose question. En France, 90 % des aliments de troupeau bovin sont produits sur l’exploitation et 80 % de la ration de base est composée d’herbe. L’alimentation du cheptel bovin aux États-Unis se fait à base d’additifs alimentaires, de maïs OGM, de farines animales, d’antibiotiques, de traitements aux hormones pour activer la croissance, de traitement à l’acide lactique des carcasses avant export. Les deux tiers des bovins sont engraissés dans des
Ces barrières non tarifaires constituent donc un obstacle de taille pour le secteur bovin français. C’est pourquoi, dans le cadre des négociations, la Commission européenne a classé la viande bovine comme produit sensible, compte tenu des difficultés économiques du secteur. Ce classement permet aux produits de ne pas être concernés par la réduction des droits de douane. À l’heure actuelle, il permet surtout à chaque partie de protéger ses intérêts.
En parallèle, les États-Unis ont choisi, je l’ai dit, de classer sensibles les produits présentant un intérêt offensif pour l’Union européenne : fromage, beurre, sucre, vin, huile d’olive, etc.
Filière bovine, filière laitière, indications et signes géographiques de provenance, les enjeux de cette négociation sont considérables pour nos agriculteurs, nos transformateurs et nos metteurs en marché.
Sur le fond et pour conclure, l’analyse fine des conséquences possibles sur les différentes filières agricoles et agroalimentaires de ce traité se heurte à l’absence de données chiffrées résultant des différentes hypothèses de négociation. Faute d’étude d’impact, nous sommes dans l’impossibilité d’apprécier les effets de la levée, progressive ou non, des barrières non douanières.
Libéraliser les échanges apparaît ici comme une fin en soi. Ce principe n’est pas le nôtre !
Certaines filières de notre pays ont des intérêts offensifs, comme celles des produits laitiers et des vins et spiritueux, d’autres doivent absolument se défendre, comme celle de la viande.
À ce stade donc, on peut craindre que la filière agricole ne soit la variable d’ajustement de cette négociation, ce qu’il faut bien entendu éviter.
Je tiens à saluer l’investissement personnel du secrétaire d’État au commerce extérieur, Matthias Fekl, qui s’est fortement engagé sur ces sujets.
Nous avons, nous parlementaires, comme nos concitoyens, besoin de connaître tous les éléments de contexte et de problématique de cette négociation, afin de soutenir notre agriculture, ses emplois et les territoires ruraux, qui en sont grandement dépendants.
Cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans cette ambition nationale et c’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain la soutiendra.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les agriculteurs sont en train d’agoniser dans nos départements et qu’ils manifestent leur désarroi un peu partout en France, le « hasard » du calendrier législatif nous fait examiner ce matin les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. Autant dire que le hasard fait parfois bien les choses !
Mme Patricia Morhet-Richaud.
On mesure facilement les enjeux de ce débat et le poids des responsabilités de nos gouvernants, responsabilités qui sont aussi les nôtres, à en juger par la force des cris de nos agriculteurs dans les rues depuis plusieurs jours.
Nous le voyons bien, la question agricole n’est pas gérée au plan national, ni même à l’échelle européenne. C’est dans ce contexte que nous devons nous prononcer aujourd’hui sur un accord international qui fixe les règles avec le géant américain !
En bonne montagnarde, j’ai toujours appris qu’il était essentiel de bien sécuriser son ascension, sous peine de se retrouver brutalement au pied de la pente dans un bien triste état.
S’il est important pour l’agriculture française de pouvoir se positionner sur la scène internationale, nous devons faire preuve de vigilance et tenter de mesurer toutes les conséquences d’un tel traité, en nous attardant un instant sur la spécificité de notre agriculture.
Comme vous le savez, l’agriculture ne se résume pas à des volumes de viande et de lait à consommer ou à exporter. L’agriculture, c’est notre histoire ; elle est intrinsèquement liée à notre mode de vie. L’agriculture, ce sont aussi nos savoir-faire, la tradition du goût et le souci du travail bien fait.
La gastronomie française a été inscrite au patrimoine immatériel culturel de l’humanité de l’UNESCO. L’achat des produits, locaux de préférence, contribue notamment à l’art du « bien manger », que nous envie le monde entier.
L’agriculture française est très diverse. En tant qu’élue d’un territoire de montagne, je ne me risquerai pas à comparer les volumes de viande porcine produits dans les Hautes-Alpes avec ceux qui sont produits dans le Finistère. Cette agriculture diverse se caractérise par un souci permanent de qualité dans la production et dans la transformation.
Par exemple, les circuits courts, qui sont encouragés localement, sont très prisés par les consommateurs, qui voient là un moyen de soutenir l’économie locale, mais aussi d’être rassurés quant à la qualité des produits consommés.
C’est notamment le cas pour la filière viande, qui, malgré les crises – on l’a vu encore récemment, avec la grippe aviaire –, réussit à survivre en fidélisant le consommateur et en étant très exigeante sur la traçabilité et la qualité de ses produits. On sait qui produit, et où !
Notre agriculture ne se résume évidemment pas seulement aux circuits courts. Le traité aura des conséquences négatives pour l’ensemble du pays s’il n’est pas équilibré et s’il ne respecte pas les attentes de nos territoires.
Les exigences de sécurité sanitaire et alimentaire – faut-il le rappeler ici ? – ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve en Europe ou aux États-Unis.
Vous l’avez compris, les enjeux économiques sont importants, notamment pour l’élevage bovin, qui pourrait être le plus durablement frappé si un traité non négocié devait intervenir avec le premier producteur mondial de viande bovine sans que ce volet soit classé comme sensible.
Quelles en seraient les conséquences en matière de santé publique, où il faut parfois plusieurs décennies pour mesurer les effets de certaines substances sur les organismes ?
Les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être prioritaires. L’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs, pas plus qu'elle ne doit mettre en cause les normes exigibles de qualité des produits importés commercialisés dans l’Union européenne.
La diversité de l’agriculture française repose également sur celle de ses territoires. Dans un département de montagne comme le mien, l’agriculture est aussi synonyme d’aménagement et de développement durable du territoire, où l’élevage permet d’entretenir l’espace, de prévenir les risques d’érosion et de se préserver de leurs conséquences. L’agriculture de montagne est extensive. Ses handicaps, liés notamment au climat et à l’altitude, en font les spécificités. La production locale, par exemple le lait, n’a pas le même goût qu’ailleurs. Les produits fabriqués, comme les fromages, ont la saveur particulière du terroir.
Nous devons donc être très vigilants sur ce qui caractérise nos produits et protéger les indications géographiques, qui n’ont peut-être pas de sens à l’échelle du continent américain, mais qui veulent dire beaucoup de choses au pays des 1 200 fromages !
(Sourires.)
Aussi, dans le contexte actuel, il est urgent d’attendre. Je partage l’avis de Mme la rapporteur Sophie Primas : le contenu doit l’emporter sur le calendrier !
Au demeurant, l’étude d’impact secteur par secteur qui avait été demandée au Gouvernement en 2013 n’a toujours pas été réalisée à ce jour. Il est donc difficile, voire impossible de mesurer les conséquences du traité à ce stade.
Par conséquent, nous ne pouvons pas y être favorables en l’état.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir,
président de la commission des affaires économiques.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat a été très riche. Je souhaite répondre aux différents orateurs qui viennent de s’exprimer.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État.
Monsieur Fortassin, vous avez fait part d’un certain nombre de préoccupations, notamment sur la transparence, où des insuffisances demeurent, malgré les progrès réalisés. Comme je l’ai indiqué, je partage ce point de vue.
Vous avez aussi évoqué beaucoup d’exemples, notamment sur le fromage. Cette question est au cœur de la diplomatie des terroirs que nous menons ; nous continuerons à la mener. De même, nous poursuivons nos travaux sur la qualité et le soutien aux différents secteurs en crise ; je pense évidemment en particulier à l’élevage.
Monsieur Le Scouarnec, vous avez rappelé la situation en Bretagne. Vous connaissez la mobilisation du ministre de l’agriculture et de tout le Gouvernement sur ce dossier, qui pose évidemment des difficultés particulières. Nous partageons vos préoccupations sur la transparence, l’avenir de notre agriculture et la préservation de la qualité. Nous continuerons d’œuvrer en ce sens.
Toutefois, je vous invite, et cela vaut pour chacun, à ne pas préjuger dès à présent de la teneur de l’accord. J’y insiste, car c’est important. Pour l’heure, il n’y a pas d’accord. Des négociations sont en cours.
Certes, je ne suis pas forcément de ceux qui pensent que tout est satisfaisant et qu’il faudra signer l’accord quoiqu’il arrive ; je dis même le contraire ! Mais nous ne pouvons pas nous opposer à un accord qui n’est pas finalisé en l’état ! Il faut donc suivre les négociations, mettre la pression, indiquer ce qui ne va pas et défendre très clairement nos intérêts. La France jugera sur pièces et décidera en fonction de ce qui aura été obtenu, ou non, au cours des différentes négociations.
Il faut être ferme !
M. Alain Vasselle.
Monsieur Raoul, je vous remercie de vos propos élogieux quant à notre travail sur la transparence, sur la convergence réglementaire, ainsi que sur la diplomatie des terroirs.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État.
Comme vous êtes, avec d’autres, l’un des membres assidus du comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale, je profite de l’occasion pour vous indiquer que la prochaine réunion aura lieu le 17 février. Cette instance réunit régulièrement des parlementaires et des représentants de la société civile au Quai d’Orsay pour faire le point sur l’ensemble des avancées, ou d’ailleurs des absences d’avancée, et pour échanger sur le sujet. C’est un exercice de transparence démocratique indispensable. Je partage votre souhait que l’agriculture ne soit pas la variable d’ajustement des différentes négociations. Comme je l’ai souligné, pour nous, c’est un critère absolu.
Vous avez posé une question très précise sur le bœuf. À ce stade, il n’y a pas de discussion sur des contingents chiffrés ; nous n’en sommes pas là dans les négociations.
Vous avez également abordé la fongibilité des contingents. Je comprends parfaitement votre préoccupation : à un moment où sont négociés de très nombreux accords commerciaux avec de nombreuses régions du monde, il est effectivement important de prendre en compte la situation des contingents globaux. Le Gouvernement souhaite que les différents contingents qui s’ajoutent accord après accord soient raisonnables, supportables, et qu’ils ne viennent pas déséquilibrer des secteurs connaissant déjà de grandes difficultés.
Nous sommes donc attentifs à ce qui arrive sur les marchés français et européen. Ce qui intéresse nos agriculteurs, c’est la situation générale et le contexte dans lequel s’exerce la concurrence à laquelle ils font face, et non la provenance de tel ou tel produit.
Monsieur Labbé, je le répète, il n’y a pas encore de traité. Certes, la Terre ne s’arrêterait pas de tourner en l’absence de ratification. Mais je vous invite à regarder les faits et à suivre attentivement les négociations.
Je partage totalement votre souhait d’avoir des règles mondiales. Vous connaissez l’attachement de la diplomatie française, au-delà même des alternances, au multilatéralisme ; c’est une constante en matière tant commerciale que politique. Nous souhaitons que l’Organisation mondiale du commerce soit davantage le lieu de définition et de mise en œuvre des règles mondiales.
C’est dans cet état d’esprit bien précis que j’ai engagé un travail – j’ai d’ailleurs été le premier membre d’un gouvernement à m’exprimer devant le Sénat à cet égard – sur la cour de justice commerciale internationale que nous voulons instituer. À la mondialisation de l’économie doivent correspondre la mondialisation des règles et, surtout, leur publicité. Les groupes privés ne peuvent pas édicter des règles dans leur coin hors de toute décision publique, politique, démocratique.
L’enjeu est absolument fondamental pour la période qui s’ouvre. Je sais que les différents groupes politiques représentés aujourd’hui y sont extrêmement attentifs. À l’économie mondiale doivent correspondre des règles mondiales, édictées de manière transparente et ouverte, sous le contrôle des parlements nationaux et des citoyens du monde entier.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
Voilà qui m’offre une transition pour répondre à certains propos de M. Rachline sur la justice privée.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État.
Encore une fois, la France, l’Allemagne et un certain nombre d’autres États européens ont été parmi les premiers à proposer des mesures concrètes. Il est inacceptable que de grands groupes viennent attaquer devant des tribunaux privés des règles démocratiques validées par les parlements nationaux et les citoyens !
Lorsque la France a proposé la création d’une cour de justice commerciale internationale voilà un peu plus d’un an, nous étions seuls, ou presque, en Europe. Aujourd’hui, cette idée fait l’objet d’un consensus européen. La Commission européenne n’a, certes, pas repris l’ensemble de ce que nous préconisions ; mais les grandes lignes y sont.
Je veillerai personnellement à ce que nous n’en restions pas au stade des propositions, et que de telles mesures soient reprises dans les négociations transatlantiques, et même dans l’ensemble des négociations commerciales. Nous souhaitons que cette cour de justice commerciale internationale devienne progressivement compétente pour tous les accords commerciaux existants. La France est signataire d’une centaine d’accords avec des mécanismes d’arbitrage, et l'on dénombre environ 3 500 accords de ce type dans le monde. Il faut que les règles soient fixées en commun.
Je note que M. Rachline votera en faveur d’une résolution dans laquelle la conclusion éventuelle d’un partenariat transatlantique est envisagée. Voilà une évolution très importante par rapport au discours général de cette famille politique, qui s’oppose par principe, souvent avec des accents complotistes, aux négociations ! Je constate donc avec intérêt que ce parti regarde désormais l’évolution des faits et la réalité du déroulement des négociations pour se prononcer. C’est, me semble-t-il, une bonne nouvelle à porter à l’attention de nos concitoyens. De même, M. Rachline s’apprête à voter une résolution qui souligne les actions d’information d’ores et déjà engagées par le Gouvernement ; nous l’en remercions.
(Marques d’ironie
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En revanche, je me dois de répondre à votre approche générale antieuropéenne, monsieur le sénateur. Très sincèrement, prétendre que ce serait l’Europe qui mettrait l’agriculture française en difficulté, c’est lancer un mensonge à la face de tous les agriculteurs de France ! Qui peut croire que l’agriculture française ait un avenir en dehors de l’Union européenne ?
Certes, il reste des progrès à accomplir. Il faut de la simplification. Il faut que les dossiers soient moins compliqués à monter et qu’il y ait moins de paperasse. Tout le monde le dit, à commencer par M. le ministre de l’agriculture !
Mais qui peut croire que l’agriculture française, l’un des grands excédents commerciaux de notre pays, pourrait avoir un avenir dans le repli sur soi et l’enfermement ? Ce n’est pas sérieux ! Vous surfez sur la grande détresse qui existe aujourd’hui dans nos campagnes en proférant des mensonges ! Les lendemains seraient encore plus durs. La sortie de l’euro, la sortie de l’Union européenne, ce serait évidemment cataclysmique pour l’agriculture française ; c’est l’élu d’un territoire rural, agricole et agroalimentaire qui vous le dit ! Certes, il faut effectivement demander à l’Europe d’apporter de la simplicité à nos agriculteurs. Mais que l’on cesse d’entretenir des chimères, comme c’est trop souvent le cas !
De même, comment peut-on affirmer – je cite vos propos – que nous ne faisons « pas le poids » face aux États-Unis ?
À cause des règles que vous avez instaurées !
M. David Rachline.
Quelle vision étriquée de la France ! La France est un grand pays, qui compte dans le monde ! C’est un membre permanent du Conseil de sécurité. Nous sommes entendus, y compris sur les sujets agricoles, à l'échelon européen ; nous continuerons à l’être. Nous pouvons être fiers de notre agriculture.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État.
Qui est en train de mourir à cause de vous !
M. David Rachline.
Elle emporte la conviction dans le monde entier, grâce à sa qualité et à ses indications géographiques protégées. Ce n’est certainement pas en promettant une agriculture repliée sur elle-même que nous réglerons les problèmes, par ailleurs très importants, de notre pays.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État.
Monsieur Bizet, vous êtes également un membre très assidu du comité de suivi. Vous avez raison de souligner l’importance des normes. Si nous négocions, ce n’est pas pour le plaisir, qui est d’ailleurs assez restreint… Le contexte actuel exige d’être là où se décideront les normes de demain. Le raisonnement ne tient que si les négociations aboutissent à un bon accord.
Il faut une harmonisation mondiale !
M. Alain Vasselle.
Il faut des normes et des standards de sécurité élevés. Si nous ne voulons pas que les normes soient élaborées ailleurs, soyons là où elles s’édicteront et faisons en sorte qu’elles soient conformes aux intérêts et aux visions de la France ! Je pense que nous partageons ce point de vue.
M. Matthias Fekl,
secrétaire d'État.
Oui, nous défendrons nos intérêts dans ces négociations ! Nous comptons aussi sur la vigilance du Parlement, qui est un aiguillon très important pour les travaux du Gouvernement et pour le contrôle démocratique.
Monsieur Longeot, vous avez pointé les progrès, mais aussi les insuffisances de la transparence. Il est essentiel de souligner les deux aspects et de faire preuve d’objectivité à cet égard. Comptez sur moi pour continuer à maintenir la pression, afin d’obtenir le maximum de transparence possible envers non seulement les parlementaires, mais également nos concitoyens, ainsi que les organisations non gouvernementales, les syndicats, les fédérations professionnelles ; tous ont le droit de savoir ! C’est le sens du travail qui est engagé au sein du comité de suivi ; je vous renvoie à la page spécialement créée à cet effet sur le site
www.diplomatie.gouv.fr
Je serai auditionné le 8 mars prochain par les commissions compétentes du Sénat pour évoquer les négociations transatlantiques et faire le point sur le rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Ce rapport, que j’ai présenté à l'Assemblée nationale et que je présenterai pour la première fois devant le Sénat – cet exercice a été demandé par le Parlement –, constitue la feuille de route française à l’export.
Monsieur Raison, j’ai déjà répondu sur la transparence.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, nous considérons que les études réalisées aujourd'hui ne font pas foi. Certes, beaucoup d’études sont réalisées, notamment en France par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales, CEPII, qui a fourni un travail très sérieux sur le traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, et au niveau européen. La Commission européenne doit publier avant l’été une étude sur les aspects relatifs au développement durable de l’accord tel qu’il pourrait aboutir. Nous prenons acte de toutes ces études. Mais, je le répète, aucune ne fait foi. Il est nécessaire de réaliser des études complémentaires. Il importe que, sur ce sujet, puissent s’exprimer toutes les écoles de pensée économique, et pas seulement celles qui font tourner depuis trente ans des modèles au demeurant souvent largement contestables !
Nous sommes particulièrement offensifs sur la question du lait, un sujet que vous connaissez bien. La législation
Comprehensive Economic and Trade Agreement
Monsieur Montaugé, je vous remercie de vos propos, notamment sur la diplomatie des terroirs, à laquelle je crois que nous sommes tous très attachés ici. Je confirme que les préférences collectives font partie des points sur lesquels nous sommes vigilants. Il est hors de question qu’un accord ou ses modalités d’application – je pense en particulier à la question de la saisine des tribunaux privés – viennent remettre en cause des choix décidés collectivement par les Français et les Européens.
Cela vaut également pour les indications géographiques protégées. Elles sont très nombreuses et font partie, au meilleur sens du terme, de l’identité de la France, une identité complexe, variée, qui ne se laisse d’ailleurs pas enfermer dans des schémas réducteurs. Elles sont une fierté pour nous tous et pour vous, qui représentez ici les différents territoires de la France et en portez haut et fort toutes les productions.
Je note une large convergence de vues sur le sujet. Il s’agit d’un débat majeur pour notre pays. Il est fondamental qu’il y ait un contrôle démocratique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez continuer à vous impliquer à la fois comme vous le faites depuis le début, tant dans les débats en séance publique que dans les travaux, plus techniques, en commission : beaucoup de sujets sont éminemment techniques. Je veux vous assurer de la totale mobilisation, implication et vigilance du Gouvernement sur ce thème et de ma totale disponibilité pour vous en rendre compte chaque fois que vous le souhaiterez.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Marc Gabouty et Roger Karoutchi applaudissent également.)
La discussion générale est close.
M. le président.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Considérant que la Constitution, dans son préambule et à son article 3, consacre les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu’elle précise, à son article premier, que la France est une République « démocratique et sociale » ; que l’article 10 de la Charte de l’environnement de 2004 dispose que celle-ci « inspire l’action européenne et internationale de la France » ;
Considérant que les négociations d’un Partenariat transatlantique pour le commerce et l’Investissement (PTCI) équilibré devrait être l’occasion d’améliorer l’accès au marché des États-Unis de certaines productions européennes et françaises à vocation exportatrice telles que les fruits et légumes, le vin et autres productions à forte valeur ajoutée sur lesquels les producteurs ont un intérêt offensif ;
Prenant acte des engagements de la Commission et des directives de négociations qui lui ont été données le 9 octobre 2014, selon lesquelles les parties s’efforceront de «
garantir (…) le respect des normes (…) tout en favorisant de hauts niveaux de protection (…) des consommateurs, conformément à l’acquis de l’Union européenne et à la législation des États membres
Considérant que, dans le cadre d’un accord équilibré, la suppression des barrières non tarifaires, l’allègement des charges administratives et la mise en place de mécanismes de reconnaissance d’équivalence pourraient libérer les échanges dans l’intérêt de plusieurs secteurs agricoles européens et français ;
Considérant que les négociations menées en vue d’un partenariat transatlantique avec les États-Unis (PTCI), malgré l’importance des enjeux, sont menées sans que soient suffisamment mis en œuvre les principes d’ouverture et de transparence posés à l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, par voie de conséquence, sans que soit assuré un contrôle démocratique approfondi tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national ;
Considérant que les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être la priorité des négociations du PTCI et que l’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs ni mettre en cause les normes de qualités exigibles des produits importés commercialisés dans l’Union européenne ;
Considérant que le Sénat est toujours dans l’attente de l’étude d’impact sur la France par secteur d’activité qu’il a demandée au Gouvernement dans sa résolution européenne n
Considérant que si les négociations doivent être menées de bonne foi par les deux parties avec une volonté d’aboutir à un accord ambitieux et équilibré, elles ne doivent pas être contraintes par des exigences de calendrier qui risqueraient d’interférer négativement sur le contenu de l’accord ;
Invite le Gouvernement à utiliser toutes les possibilités dont il dispose pour :
– faire en sorte qu’une conclusion éventuelle du PTCI préserve les modèles agricoles européen et français dans toute leur diversité d’activités ;
– veiller à ce que le traitement qui serait accordé aux produits classés comme sensibles, en particulier l’octroi de contingents tarifaires à droits nuls ou réduits n’aboutisse pas à une aggravation de la situation d’un secteur de l’élevage déjà extrêmement fragilisé en France ;
– obtenir le maintien de normes de haute qualité aussi bien au niveau de la production que de la transformation ;
– préserver impérativement le système européen de signes de qualité et le régime du certificat d’obtention végétale et insister pour que la Commission obtienne, sur le territoire des États-Unis, la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques qui constituent en elles-mêmes des intérêts offensifs pour la France et plusieurs autres États membres ;
– maintenir la possibilité pour l’Union européenne et les États membres de soutenir le secteur agricole par des actions tendant à favoriser l’emploi dans le secteur agricole, la qualité des productions, l’aménagement équilibré du territoire et la protection de l’environnement ;
Invite également le Gouvernement :
– à poursuivre et développer les actions d’information qu’il a engagées sur l’évolution et le contenu des négociations transatlantiques, à l’intention des parlementaires, de la société civile et plus largement des citoyens ;
– à intervenir auprès de la Commission pour qu’elle sollicite et obtienne, de l’autorité de négociation des États-Unis, ouverture et transparence à l’égard des parlementaires européens, des États membres et de leurs parlements ;
– à solliciter de la Commission européenne qu’elle présente, à bref délai, comme l’ont demandé plusieurs États membres, une étude complète sur l’impact d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne sur l’agriculture, secteur par secteur.
Je n’ai été saisi d’aucun amendement.
M. le président.
Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
(La proposition de résolution européenne est adoptée.)
Je constate que cette proposition de résolution européenne a été adoptée à l’unanimité des présents.
M. le président.
(Bravo ! et applaudissements.)
En application de l’article 73
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
M. le président.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Alain Fouché, François Zocchetto, Alain Richard, Jean-Claude Leroy et Mme Éliane Assassi.
Suppléants : M. Pierre-Yves Collombat, Mme Jacky Deromedi, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Sophie Joissains, MM. Roger Madec, Louis Nègre et Mme Catherine Troendlé.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
La séance est reprise.
M. le président.
La parole est à M. André Gattolin.
M. le président.
Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.
M. André Gattolin.
Hier soir, lors du scrutin public n
Très bien !
M. Jean-Claude Requier.
Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au
M. le président.
Journal officiel
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre, présentée par M. Michel Le Scouarnec et plusieurs de ses collègues (proposition n
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les chiffres du mal-logement viennent d’être rendus publics par la Fondation Abbé Pierre, nous sommes confortés dans notre conviction qu’il y a urgence à agir pour garantir à tous le droit au logement.
M. Michel Le Scouarnec,
auteur de la proposition de loi.
À l’heure actuelle, 141 000 personnes dorment dans la rue. Ce chiffre a doublé en dix ans. En outre, près de 900 000 personnes ne disposent pas de logement personnel. Ce sont des familles, des femmes et des enfants qui se trouvent parfois obligés de dormir dans la rue ou dans une voiture, alors que les parents travaillent ! Pour ceux qui subissent de plein fouet les conséquences de la grave crise économique et du chômage, l’accès au logement peut sembler impossible.
Ainsi, 5,7 millions de personnes produisent un effort financier que la Fondation Abbé Pierre qualifie d’« excessif », car il laisse un reste à vivre en deçà du seuil de pauvreté.
Une telle situation conduit à la multiplication des impayés. Aujourd’hui, 1,2 million de personnes sont sous la menace d’une expulsion, alors qu’elles sont parfois reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable, le DALO.
Ces situations font le lit de traumatismes immenses. De surcroît, le mal-logement a des conséquences multiples, notamment sur la santé, la scolarité des enfants… Cette situation heurte profondément notre morale politique et humaniste, ainsi que notre conscience !
Oui, il y a urgence à agir ! C’est pourquoi le groupe CRC prend toutes ses responsabilités en vous soumettant cette proposition de loi.
Depuis maintenant plusieurs décennies, le logement est considéré non plus comme un droit, mais comme un bien faisant l’objet d’un marché spéculatif. Cela a permis de créer des rentes spectaculaires pour certains, au prix de grandes difficultés pour le plus grand nombre.
Nous identifions comme cause principale d’une telle crise l’absence d’une construction à la hauteur des besoins. En effet, nous sommes bien loin des 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, promis par le Président de la République en 2012. Pour l’année 2015, seulement 109 000 logements sociaux ont été financés. Cumulée aux difficultés du secteur privé, cette situation est inquiétante non seulement, bien entendu, pour le droit au logement, mais également pour l’emploi. Le secteur du bâtiment et des travaux publics a perdu plus de 12 000 emplois en 2014 !
Cette absence de production est liée à plusieurs phénomènes.
Tout d’abord, les coûts de construction sont plus élevés ; je pense notamment aux prix du foncier. Je rappelle d’ailleurs que nous proposons la création d’une agence foncière nationale pour le logement.
Ensuite, parmi les freins figure – c’est le débat qui nous occupe aujourd’hui – la baisse drastique des aides à la pierre, qui se conjugue malheureusement avec la forte diminution des dotations aux collectivités territoriales. D’un côté, les aides à la pierre reculent. De l’autre, les collectivités perdent 3,7 milliards d’euros par an de dotations, soit 11 milliards d’euros à l’horizon 2017.
Dans ces conditions, les prix de sortie augmenteront de plus en plus, faute d’un soutien de la part de l’État.
Or l’absence de construction publique suffisante est l’une des causes du logement cher dans le parc privé. En effet, le déficit de l’offre aboutit à une demande très forte, conduisant à la montée des prix. Il y a donc bien une problématique commune et des interactions fortes entre le secteur privé et le secteur dit « social ». À nos yeux, un parc public répondant aux besoins est le plus sûr instrument de régulation des loyers dans le secteur privé. Loin de s’opposer, ces deux secteurs se complètent.
La loi de finances pour 2016 nous inquiète particulièrement.
Le désengagement de l’État se poursuit depuis de nombreuses années et s’accentue désormais. Les subventions de l’État sont en voie de disparition, contrairement à l’engagement de François Hollande, qui avait promis de doubler les aides à la pierre. La création du Fonds national des aides à la pierre, ou FNAP, abondé par les offices HLM et les locataires, acte clairement le fait que les crédits de l’État ne constituent plus l’essentiel du financement des bailleurs sociaux.
Le calcul est simple : avec moins d’argent, on construira moins, ce qui aggravera la crise actuelle du logement. Il est donc urgent de réorienter la masse financière affectée aux politiques du logement, qui pèsent aujourd’hui 40 milliards d’euros ; nous avons donc des marges de manœuvre.
Trop d’argent public continue d’alimenter les niches fiscales, comme les dispositifs Scellier, Robien ou encore Pinel. Cette dernière niche a pour objet de soutenir le développement du logement dit « intermédiaire », ce qui revient à reconnaître un nouveau segment de marché, à la fois plus cher que le logement social et moins coûteux que le logement dit « libre ». Mais jamais le logement cher n’a été mis en cause par les politiques successives ! Pire : ces dernières soutiennent les investisseurs privés les plus fortunés, à hauteur de 1,8 milliard d’euros au total. Cette somme serait bien plus utile pour les acteurs du logement social.
On utilise l’argent public pour permettre aux plus aisés de se constituer un capital, ce qui n’est conforme ni à notre morale ni à notre sens de la justice sociale.
En effet, l’efficacité des niches fiscales n’a jamais été prouvée : il n’y a aucun chiffre en ce sens. Il faudrait sans doute charger un observatoire national de mener des évaluations. Mais ces niches créent à l’évidence un effet d’aubaine pour réduire les impôts des intéressés. Soyons clairs : c’est leur motivation principale pour investir.
Mme Sophie Primas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Notre collègue Sophie Primas le rappelle dans son rapport pour avis.
M. Michel Le Scouarnec.
Au fond, soutenir l’investissement locatif privé, c’est nourrir un tel système spéculatif. Les pouvoirs publics doivent cesser de favoriser la rente privée.
Oui, il faut encadrer les loyers dans le secteur privé ! Mais il faut surtout réserver l’argent public, denrée d’autant plus précieuse qu’elle est devenue rare, à la construction publique. C’est notre priorité.
L’article 1
Nous considérons que ces 240 millions d’euros, issus des impôts payés par l’ensemble des contribuables, doivent aider le secteur HLM à mettre sur le marché des logements accessibles, afin de répondre à la demande sociale.
Selon nous, limiter l’intervention publique à l’assistanat en matière de logement est le plus sûr moyen d’organiser la ghettoïsation de certains quartiers de nos villes, créant ainsi des problèmes multiples ; vous le savez. Aujourd’hui, les parcs de logements sociaux se dégradent. Les occupants qui en sortent sont malheureusement souvent remplacés par des populations encore plus pauvres.
Nous estimons que le brassage et la mixité sont des réponses au défi qui est aujourd’hui lancé au modèle républicain !
C’est vrai !
M. Jean-Claude Requier.
Les politiques publiques du logement constituent une partie de la solution ; nous en sommes intimement convaincus.
M. Michel Le Scouarnec.
Pour atteindre cet objectif, nous proposons de relever les plafonds d’accès au logement social. Cette démarche doit se conjuguer avec une baisse des plafonds de loyers.
Il s’agit non pas, comme j’ai pu l’entendre, d’allonger inutilement la liste des demandeurs de logement, qui est déjà bien trop longue, ni d’en exclure les plus pauvres – les commissions d’attribution jouent leur rôle –, mais d’œuvrer pour l’universalité du droit au logement.
L’Union sociale pour l’habitat répète souvent que le logement social est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. C’est même le patrimoine commun de tous. Tous doivent donc pouvoir y prétendre.
Ce relèvement du plafond aurait trois conséquences positives.
Premièrement, et c’est l’élément fondamental, des personnes aux ressources trop faibles pour se loger dans le parc privé pourraient accéder au parc public dans des conditions économiquement acceptables.
Deuxièmement, les maires bâtisseurs pourraient répondre à un panel plus large de demandeurs, ce qui faciliterait les opérations de construction. Il arrive actuellement que des logements neufs restent malheureusement vides, faute de locataires aux ressources suffisantes pour assumer un loyer relevant, certes, du logement social, mais déjà largement inaccessible pour le plus grand nombre.
Troisièmement, le relèvement du plafond répond à notre vision généraliste du droit au logement, ainsi qu’à notre volonté de renforcer la mixité sociale et urbaine. Le renouvellement urbain, à l’œuvre dans les zones les plus denses, doit être une chance d’accroître la mixité, source de réussite et d’apaisement !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi « favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre », déposée par nos collègues du groupe CRC.
M. Philippe Dallier,
rapporteur de la commission des finances.
Les auteurs de ce texte dressent un constat assez sombre ; M. Le Scouarnec vient d’y faire référence. Nous ne pouvons malheureusement qu’y souscrire, au moins en partie, au regard des chiffres de production de logements de ces dernières années.
Aux yeux de nos collègues, les 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, objectif qui avait été fixé par le candidat François Hollande en 2012, ne pourront à l’évidence pas être atteints d’ici à 2017.
Les membres du groupe CRC entendent donc « redéfinir les priorités » de la politique du logement et proposer « des outils permettant une baisse effective des loyers et la construction de logements adaptés pour tous ».
Ils considèrent que la crise du logement découle principalement de la réduction des aides publiques consacrées au logement social, les aides à la pierre, et d’une régulation insuffisante du parc privé, source de renchérissement des prix du foncier et des loyers.
Toutefois, au-delà du nombre de logements construits et du prix des loyers, nos collègues ont souhaité poser le problème de la mixité sociale dans le parc HLM et y apporter une réponse.
Voilà pour l’ambition affichée à travers ce texte. Vous constatez qu’elle n’est pas mince !
Avant d’en venir au détail des propositions contenues dans le présent texte, il n’est pas inutile de rappeler que, dans notre pays, la politique en faveur du logement mobilise 40 milliards d’euros par an, soit 1,9 % du PIB. Toutes aides agrégées, 40 % de ces 40 milliards d’euros sont destinés au logement social.
En outre, le pilotage de cette politique apparaît assez défaillant, en raison d’outils statistiques jusqu’à présent peu fiables.
Ça, c’est vrai !
M. Daniel Raoul.
C’est le constat qui figure dans le rapport, remis au mois de septembre dernier, du groupe de travail formé par la commission des finances.
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
De même, le chiffre de 500 000 logements – c’est l’objectif qui est généralement avancé – pour faire face à la crise est contesté par beaucoup. Ainsi, selon les évaluations du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, les besoins se situeraient plutôt entre 330 000 et 370 000 logements par an.
Rappelons également que la crise du logement est très fortement territorialisée.
D’un côté, il y a ce que nous appelons des zones tendues : les régions d’Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur, quelques grandes métropoles régionales et la zone frontalière avec la Suisse. De l’autre, certains territoires ne connaissent pas de problème de production de logements neufs, l’offre étant largement supérieure à la demande. Il existe même des villes où des logements sociaux restent vides, faute de trouver preneur !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
C’est vrai !
Mme Sophie Primas,
rapporteur pour avis.
Dans les zones tendues, c’est bien souvent le manque de foncier disponible et le coût de celui-ci qui posent problème. Mais ces critères ne sont pas les seuls.
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Nos collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, sont des acteurs majeurs de la politique du logement. Encore faudrait-il qu’elles disposent des moyens nécessaires pour participer à l’effort de logement qui leur est demandé. Constituer des réserves foncières et en assurer le portage, financer la construction de logements et les équipements publics nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants, cela demande de mobiliser des ressources budgétaires importantes. Or la rigueur budgétaire imposée par le Gouvernement aux collectivités ne les y aide pas ; c’est le moins que l’on puisse dire.
Rappelons enfin que les problèmes de la qualité des logements et de la rénovation énergétique du parc vieillissant sont des enjeux majeurs ; nous ne les avons encore que très peu traités.
Mais revenons au texte qui nous est soumis.
La politique du logement que les membres du groupe CRC appellent de leurs vœux repose avant tout sur une augmentation des crédits consacrés aux aides à la pierre et sur une mobilisation des fonds d’épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, en l’occurrence le livret A et le livret de développement durable, en vue de financer davantage la construction de nouveaux logements sociaux et la réhabilitation des logements dégradés du parc existant.
Afin de dégager des fonds supplémentaires pour le financement du logement social, les auteurs de la proposition de loi suggèrent de mettre fin aux dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement locatif des particuliers dans le parc privé, dont « l’efficacité sociale » serait, selon eux, « plus que limitée », ces dispositifs alimentant « une rente » tout en créant « des effets d’aubaine ».
Dans cette perspective, l’article 1
Dans le même temps, pour favoriser la mixité sociale au sein du parc HLM, l’article 2 de la proposition de loi prévoit d’augmenter de 10,3 % les plafonds de ressources des différentes catégories de logements sociaux – il s’agit des prêts locatifs aidés d’intégration, ou PLA-I, des prêts locatifs à usage social, ou PLUS, des prêts locatifs sociaux, ou PLS, et même du prêt locatif intermédiaire, ou PLI –, revenant ainsi sur la baisse votée en 2009 lors de l’examen de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi MOLLE ».
Cette mesure d`élargissement du nombre de bénéficiaires potentiels, qui rendrait indispensable la construction de logements sociaux supplémentaires, serait financée par les ressources dégagées par la suppression du dispositif Pinel, qui a succédé le 1
L’article 3 est un gage financier. Il s’agit non pas du gage traditionnel consistant à relever les droits sur les tabacs et alcools, mais d’un gage beaucoup plus politique, puisqu’il est proposé de baisser le taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Si je considère, à l’instar des auteurs de la proposition de loi, que les résultats de la politique du logement menée actuellement sont insuffisants, notamment au regard du montant des dépenses publiques qui y sont consacrées, j’estime néanmoins qu’il convient de ne pas adopter ces différents articles et, par conséquent, cette proposition de loi.
Relever les seuils de ressources de 10,3 % pour l’accès aux logements locatifs sociaux, comme le prévoit l’article 2, reviendrait probablement à rendre un trop grand nombre de personnes éligibles aux PLA-I et aux PLUS, mesures pourtant destinées aux catégories modestes, tandis que la quasi-intégralité des ménages français pourrait désormais prétendre aux PLS et aux PLI.
En effet, 30,2 % des ménages sont déjà éligibles aux PLA-I, soit les logements sociaux dont les loyers sont les plus bas, et 65,5 % des ménages peuvent demander à se loger dans un logement financé grâce à un PLUS. Et les PLS et PLI sont déjà respectivement accessibles à 81,4 % et à 86,9 % des ménages.
Selon une simulation que nous avons demandée à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages du ministère du logement, la DHUP, relever les différents seuils de ressources de 10,3 %, comme le prévoit l’article 2 de la proposition de loi, reviendrait à rendre 35 % des ménages éligibles aux PLA-I et 72,1 % aux PLUS, qui sont pourtant destinés aux catégories modestes, tandis que 86,1 % des ménages pourraient désormais prétendre aux PLS !
En outre, toujours selon la DHUP, 49 % des ménages qui sont actuellement locataires du parc privé deviendraient éligibles aux PLA-I, 82,4 % d’entre eux pourraient demander à bénéficier d’un PLUS et 92,4 % seraient concernés par le PLS !
De fait, toute volonté de cibler le logement social sur ceux qui en ont le plus besoin deviendrait caduque. Une telle mesure risquerait donc de pénaliser les ménages les plus fragiles, puisque ceux-ci devraient faire face à la concurrence de ménages disposant de revenus plus élevés et présentant de ce fait de meilleures garanties pour les bailleurs sociaux contre les impayés de loyers.
En outre, en plus de ces possibles effets d’éviction, un allongement de la file d’attente serait probablement à craindre, sachant que le délai d’obtention d’un logement social en région parisienne est d’ores et déjà de trois ans en moyenne.
Je considère donc que, à une bonne question – comment accroître la mixité sociale au sein du parc social, y compris, comme j’aime à le répéter, au niveau de la cage d’escalier ? -, l’article 2 de la proposition de loi apporte une réponse peu opérante et potentiellement contre-productive.
Selon moi, créer les conditions d’une véritable mixité sociale passe avant tout, dans la construction neuve, par la mixité des modes de financement, PLA-I, PLUS, PLS, au sein d’une même opération et par la présence systématique de PLA-I destinés aux publics ayant les plus faibles ressources dans l’ensemble des opérations réalisées. C’est d’autant plus nécessaire qu’un nombre important de ménages susceptibles de bénéficier d’un logement en PLA-I occupent en réalité un logement financé en PLUS.
Dans le parc ancien et très ancien, le problème de la mixité est plus compliqué à résoudre, puisque, assez naturellement, les attributaires de logements ont tendance à sélectionner les dossiers des familles les plus modestes, eu égard au niveau des loyers, qui sont plus faibles qu’ailleurs.
Cependant, le Gouvernement semble décidé à proposer des solutions dans un texte qui nous sera prochainement soumis, afin de permettre aux bailleurs de moduler le prix des loyers. Si la remise en ordre des loyers était déjà possible, elle était peu utilisée. La modulation envisagée pourrait effectivement permettre d’améliorer la mixité sociale au sein de ces opérations.
Venons-en maintenant à la disposition prévue à l’article 1
Alors que les résultats du dispositif Duflot étaient en deçà de ceux qui avaient été escomptés par le Gouvernement, le Pinel a trouvé son public. Son maintien suscite un large consensus chez les professionnels du secteur de l’immobilier et du bâtiment que nous avons entendus au cours de nos auditions.
Ce relatif succès semble se traduire dans les premiers chiffres communiqués par les promoteurs immobiliers – un peu plus de 47 000 logements ont été acquis en 2015 en utilisant ce dispositif – et pourrait contribuer à soutenir le marché de la construction de logements neufs, riche en emplois peu qualifiés et non délocalisables, qui connaît depuis maintenant plusieurs années une crise difficile.
Du reste, nous ne disposons pas encore du recul nécessaire pour mesurer l’efficacité du dispositif.
En tout état de cause, les acteurs sont unanimes pour réclamer aux pouvoirs publics de la stabilité fiscale, ce qui est indispensable au bon fonctionnement du marché immobilier. Les dispositifs doivent permettre aux investisseurs de bénéficier d’une visibilité maximale, afin de pouvoir valablement estimer leurs revenus futurs.
Toutefois, nous ne manquerons pas de demander une évaluation de l’efficacité du dispositif Pinel. Cela étant, le supprimer aujourd’hui nous semblerait une erreur. Voilà pourquoi je ne peux que vous inviter à ne pas adopter les trois articles de cette proposition de loi, mes chers collègues.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous, le logement constitue le premier poste de dépenses des ménages, devant l’alimentation et les transports. En 2010, un ménage sur deux consacrait presque un cinquième de ses revenus au seul logement.
Mme Sophie Primas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Parallèlement, le nombre de mal-logés est considérable, puisqu’il se situe entre 2,7 millions et 3,5 millions. Il convient d’ailleurs de souligner que tous ces mal-logés ne demandent pas tous un logement social : au mois de juillet 2015, on enregistrait « seulement », si j’ose dire, 1,8 million de demandes de logement social !
Alors que les objectifs de construction sont de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, pour répondre aux besoins, force est de constater que nous sommes bien loin du compte. À la fin du mois de décembre 2015, il y avait seulement 351 800 logements commencés.
De même, les objectifs de construction de logements sociaux ne sont pas remplis depuis plusieurs années. En 2015, 120 000 logements sociaux auront été construits. C’est un des maux majeurs dont souffre notre pays, alors même que, sur le plan financier, l’effort de la Nation en faveur du logement est estimé à environ 40 milliards d’euros d’aides.
En 2016, outre 12 milliards d’euros de dépenses fiscales, l’État consacrera au logement 18 milliards d’euros de crédits budgétaires, en grande partie destinés au financement des aides personnalisées au logement, les APL, l’État se désengageant depuis plusieurs années du financement des aides à la pierre. Notons d’ailleurs que les bailleurs sociaux contribuent de manière plus importante au financement des aides à la pierre et qu’ils doivent de plus en plus souvent faire appel à leurs fonds propres pour financer la construction de logements sociaux, la part des aides de l’État dans leur financement étant passée de 7 % à 1 %, ce qui est inquiétant pour la solidité des bailleurs sociaux.
Nous avons eu un débat très riche et intéressant en commission des affaires économiques sur les moyens de répondre à cette crise du logement. Nous avons même pu constater avec étonnement que des experts aussi éloignés politiquement que Mme Estrosi Sassone et Mme Lienemann faisaient le même constat non seulement sur l’état des lieux, mais également sur une partie des solutions. Alors, même si la solution proposée ici par notre collègue Michel Le Scouarnec n’a pas été retenue par notre commission, elle a au moins permis le débat, l’échange et la réflexion.
Nous divergeons sur la solution qui nous est proposée ici, et ce pour plusieurs raisons.
L’article 1
Il est vrai qu’on a pu s’interroger sur le coût de ces dispositifs d’investissement locatif et sur leur adéquation au regard des besoins. Cependant, un rapport du Gouvernement annexé à la loi de finances indique qu’ils ont permis d’augmenter l’offre de logements locatifs et qu’ils ont indirectement favorisé la détente du marché locatif. En outre, les conditions posées pour le dispositif Pinel, notamment en matière de loyer, doivent permettre de contribuer à la production de logements à loyer modéré. Ce dispositif permet également de favoriser le développement de logements intermédiaires, c’est-à-dire de logements dont le niveau des loyers se situe entre les plafonds des loyers des logements sociaux et ceux du marché libre.
Le coût d’une génération du dispositif Duflot/Pinel est estimé à 1,75 milliard d’euros, dont 240 millions d’euros pour l’année 2016. Il doit cependant être mis en regard du nombre de constructions attendues : 50 000 logements en 2015 et 50 000 en 2016.
Abroger le dispositif Pinel aurait donc des conséquences négatives sur le secteur de la construction, alors même que ce dispositif représente une part non négligeable des ventes réalisées par les promoteurs immobiliers, que ces derniers constatent une nette amélioration de la situation depuis sa mise en place et que la conjoncture demeure encore fragile dans ce secteur d’activité.
En outre, nous n’avons nullement la certitude que l’État récupérerait effectivement 1,75 milliard d’euros en cas d’abrogation du dispositif Pinel. Il est plus probable que les bénéficiaires de cet avantage fiscal se tourneraient vers d’autres niches fiscales. Je le rappelle, les investisseurs dans le locatif privé sont dans leur grande majorité de petits propriétaires ne possédant qu’un ou deux logements.
Cependant, au regard des sommes importantes qui sont consacrées à ce dispositif, il nous faut être attentifs au respect des conditions de ressources et de loyer exercés par les contribuables dans ces logements, afin de limiter les effets d’aubaine. Ainsi, sans aller jusqu’à mettre en place un plan national de contrôle sur pièces, comme l’envisageait la mission d’évaluation de la politique du logement pour le dispositif d’investissement Scellier intermédiaire dans un rapport non publié à ce jour par le Gouvernement, il pourrait être envisagé de mettre en place des contrôles fiscaux ciblés permettant de vérifier le respect dans le temps du contrat des conditions du dispositif Pinel.
Très bien !
M. Daniel Raoul.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit une majoration des plafonds de ressources. Cela conduirait à augmenter le nombre de Français éligibles à un logement social alors même que l’on ne pourrait pas satisfaire cette demande nouvelle dans l’immédiat. On ne ferait donc qu’allonger la file d’attente des demandeurs, dont le nombre s’élève aujourd'hui à 1,8 million.
Mme Sophie Primas,
rapporteur pour avis.
Cette majoration des plafonds des ressources, outre qu’elle pourrait se révéler source de difficultés au regard de la législation européenne, aurait également des conséquences sur le supplément de loyer de solidarité, perçu lorsque les ressources du ménage dépassent de 20 % les plafonds.
Une majoration des plafonds aurait en effet pour conséquence immédiate et automatique de diminuer les cas de suppléments de loyer de solidarité, donc de maintenir dans les lieux un plus grand nombre de personnes ayant des ressources un peu plus importantes, au détriment de l’entrée dans le parc de personnes moins fortunées, qui seraient obligées de se loger dans le parc privé à des niveaux de loyers plus élevés.
Si je peux comprendre l’objectif de mixité sociale de nos collègues, il me paraît nécessaire de favoriser une certaine fluidité dans le parc HLM et d’être particulièrement attentif au rôle, notamment, des commissions d’attribution des logements. Nous aurons un débat plus large sur la question de la mixité sociale lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Pour répondre à la demande de logements, nous devons encourager la construction de logements dans le parc privé comme dans le parc social et produire des logements abordables. Pour cela, il faut agir dans plusieurs directions.
Premièrement, la production de logements doit être accélérée, par la facilitation de la libération du foncier et l’action sur les règles en matière de contentieux.
Deuxièmement, il faut agir sur les coûts de construction, qu’ils résultent du coût du foncier, de l’incidence de la fiscalité ou des normes de construction.
Notre commission a considéré qu’il serait nécessaire et fort utile à cet égard de mettre en place un observatoire des prix de la construction. Grâce à une telle instance, les pouvoirs publics disposeraient de données précieuses, nationalement et localement, et pourraient ainsi mieux adapter les outils à la réalité du terrain. Cet observatoire permettrait par exemple d’évaluer l’impact du foncier ou des dispositifs fiscaux sur l’évolution des prix de la construction.
Il nous faut également réfléchir aux causes du départ des investisseurs institutionnels du parc locatif privé, dont le nombre a été divisé par quatre en trente ans, pour atteindre aujourd'hui 2 %.
Troisièmement, nous devons examiner les moyens de mobiliser le parc vacant, qui est encore trop important.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques a considéré que les propositions de nos collègues présentaient plus d’inconvénients que d’avantages. Elle a donc émis un avis défavorable quant à l’adoption de cette proposition de loi, même si je souligne une nouvelle fois l’intérêt du débat que ce texte a suscité, monsieur Le Scouarnec.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi, déposée par les membres du groupe CRC et débattue dans le cadre de leur ordre du jour réservé, prévoit, pour la résumer, de supprimer le dispositif d’investissement locatif Pinel et d’en réaffecter les crédits au financement du logement social, dont le texte relève également les plafonds d’accès. Il est aussi proposé de réduire le taux du CICE pour gager les deux premiers articles
Mme Pascale Boistard,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes.
L’examen des articles me donnera l’occasion de détailler les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime que cette proposition de loi est inopportune, et même porteuse d’effets néfastes, tant pour le secteur de la construction que pour l’accès au logement. Vous me permettrez, en guise de propos liminaire, de les évoquer.
Il est d’abord proposé d’abroger le dispositif Pinel, alors même que le secteur du bâtiment connaît enfin une légère reprise en 2015, après huit années de difficultés.
En effet, en 2015, le nombre de permis de construire accordés, ainsi que les mises en chantier ont connu une légère hausse, de respectivement 1,8 % et 0,3 %.
Ces chiffres sont encourageants et doivent nous inciter à poursuivre les efforts engagés. Sur les trois premiers trimestres, les ventes dans le neuf ont également progressé, de 19 %. Cette hausse a été principalement soutenue par le dispositif d’investissement locatif intermédiaire entré en vigueur le 1
À lui seul, il enregistre une augmentation de 63 %, correspondant à une trajectoire de 15 000 logements supplémentaires construits par an, soit environ 50 000 au total. Sa simplicité et sa lisibilité sont les conditions de son succès. En outre, la possibilité de louer à un ascendant ou à un descendant a permis de le rendre plus attractif et de débloquer de nombreuses opérations. Pour toutes ces raisons, il a été reconduit à l’identique dans la loi de finances pour 2016.
Nous devons surtout souligner son rôle essentiel dans la production de logements intermédiaires, c’est-à-dire destinés à celles et ceux qui ne sont pas éligibles au logement social, mais qui peinent à se loger dans le parc privé.
Il est enfin mieux calibré, car ciblé sur les secteurs géographiques connaissant un déficit important et une forte demande de logements.
À ce titre, les dispositifs Duflot et Pinel, qui ont succédé au Scellier, ont permis, par l’ajustement des plafonds de loyers, d’accroître une offre intermédiaire abordable sur les secteurs connaissant une tension locative importante.
La réforme du zonage « ABC » visant à mieux adapter ces dispositifs logement, notamment celui de l’investissement locatif, aux réalités du marché a sans conteste renforcé l’attractivité du Pinel.
Par ailleurs, il convient également de noter que ces investissements locatifs permettent des recettes fiscales supplémentaires, en termes notamment de TVA et d’imposition des revenus locatifs.
D’une manière plus globale, le secteur de la construction a pu limiter les destructions d’emplois, grâce au logement social, mais aussi largement grâce à l’investissement locatif, même si ses effets sont nécessairement progressifs dans le temps, en raison du délai incompressible entre la vente, la mise en chantier et la livraison.
Son abrogation mettrait donc en péril plusieurs milliers de projets de construction, ainsi que les emplois qui y sont liés, alors que la dynamique de la relance est désormais engagée et que le Pinel y contribue.
Une telle suppression n’est donc ni envisageable ni souhaitable.
Le Gouvernement estime que le secteur a besoin de stabilité, notamment fiscale, comme cela est souligné dans le rapport de la commission des finances.
Mais, je veux aussi le dire, encourager l’investissement locatif intermédiaire n’est ni contradictoire ni inconciliable avec la production de logement social. Au contraire : pour favoriser l’accès au logement de chacun de nos concitoyens, nous devons diversifier les offres et les moyens.
Le Gouvernement n’a d’ailleurs jamais opposé logement intermédiaire et logement social. Il s’est engagé à dynamiser conjointement la production de l’un et de l’autre.
Les aides financières à la construction de logement social sont essentielles pour maintenir un niveau élevé de production qui réponde aux besoins des territoires et de nos concitoyens. Elles assurent la modération des loyers.
En termes de subventions directes, la capacité d’engagement des aides à la pierre est portée à 500 millions d'euros en 2016, au travers du nouveau fonds national dédié. Sa gouvernance sera partagée entre l'État, les bailleurs sociaux, les collectivités locales et les parlementaires, ce qui constitue une avancée indéniable.
L’État y participera à hauteur de 250 millions d’euros en 2016, malgré un contexte budgétaire contraint. Les bailleurs sociaux contribueront à la même hauteur au Fonds national des aides à la pierre, le FNAP, apportant de meilleures garanties de sécurité, de pérennité et de visibilité au financement du parc social.
Ces subventions sont complétées par d’autres aides de nature fiscale. Je pense notamment au taux réduit de TVA pour les opérations d’acquisition de terrains et de logements et la construction de logements sociaux, ou à l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, ou l’exonération d’impôt sur les sociétés.
Ces aides représentent dans leur ensemble 4 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux aides à la pierre. Elles permettent d’atteindre un taux moyen de subvention de 40 % d’un logement social. De surcroît, elles peuvent s’ajouter à certaines aides des collectivités locales et d’Action logement.
En outre, compte tenu du faible taux du livret A, que l'on a abaissé à 0,75 % au mois d’août 2015, les conditions de crédit favorables représentent un autre levier important pour la production de logements sociaux.
Selon les chiffres publiés le 19 janvier dernier, nous avons enregistré en 2015 une augmentation du nombre de logements sociaux de 2,3 % par rapport à 2014. Ainsi, 109 000 logements sociaux ont été agréés en métropole, auxquels il convient d’ajouter plus de 11 000 logements construits dans le cadre des opérations de rénovation urbaine de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.
Mais, au-delà de ce nombre, je souligne qu’un quart de ces logements ont été financés en prêts locatifs aidés d’intégration et sont ainsi destinés aux ménages les plus modestes. De plus, deux sur cinq sont situés en zone A, là où la demande est particulièrement forte. Car, s’il convient de construire plus de logements, notamment sociaux, il est essentiel de les construire là où sont les besoins.
Au-delà de la seule construction de logements sociaux, le Gouvernement a également souhaité renforcer leur rénovation. C’est une des grandes orientations, de l’« Agenda 2015-2018 », signé avec l’Union sociale pour l’habitat.
Ces résultats sont le fruit de l’action du Gouvernement, dans le cadre de la relance de la construction en faveur de l’accès au logement des ménages les plus modestes.
Ces efforts nécessitent cependant d’être poursuivis et pérennisés. Les mesures que j’évoquais y participeront incontestablement.
Je voudrais ensuite m’attarder sur la proposition, inscrite à l’article 2, de relever les plafonds d’accès au logement social. Elle nous paraît inadaptée à la réalité et à la mission du parc social.
En effet, nous devons promouvoir des parcours résidentiels ascendants et inciter ainsi les familles qui le peuvent à se tourner vers le parc locatif intermédiaire, privé dans certains cas, ou vers l’accession sociale à la propriété.
En 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion avait diminué de 10,3 % les plafonds de ressources pour l’attribution de logements sociaux. L’objectif était notamment d’accroître la mobilité dans le parc social et de le recentrer sur sa mission première, mais aussi de contrebalancer la hausse mécanique des plafonds de ressources indexés sur le SMIC horaire, qui avait augmenté lors du passage aux 35 heures.
Aujourd’hui, 66 % des ménages se situent sous les plafonds de ressources PLUS et 81 % sous les plafonds PLS. Ainsi, une très large majorité de nos concitoyens a déjà accès à la demande de logement social.
On relève pour autant que le fichier national ne comptabilise que très peu de demandeurs PLS. Ainsi, notre travail est avant tout de sensibiliser ces ménages et de faire évoluer l’image du parc social.
En outre, il me paraît antinomique de vouloir augmenter le plafond de ressources ouvrant théoriquement droit au parc de logements, alors même que l’on souhaite en prioriser l’attribution aux ménages les plus modestes. Je rappelle que les demandes demeurent supérieures à l’offre disponible, et ce malgré l’effort important de l’État pour soutenir la production de logements sociaux depuis plusieurs années.
Les ménages dont les ressources sont supérieures aux plafonds du logement social ont vocation à s’orienter notamment vers le logement intermédiaire.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
J’évoquais le Pinel. Je pourrais également mentionner la constitution de deux fonds créés avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Ils permettront de construire 35 000 logements intermédiaires d’ici à 2019, principalement en zones tendues.
Je serais incomplète si je n’évoquais pas le prêt à taux zéro, qui a été significativement renforcé, dans le neuf et l’ancien, en loi de finances pour 2016. Il permettra ainsi à des ménages aux ressources modestes ou moyennes, et surtout aux jeunes, d’accéder plus facilement à la propriété et de sortir ainsi du secteur locatif.
Nous savons en effet que l’achat est une aspiration partagée par nombre de nos compatriotes. Par le prêt à taux zéro, l’État les accompagne dans leur réalisation.
À « l’accès au logement social du plus grand nombre », que vous prônez, y compris dans l’intitulé de la proposition de loi, nous préférons « l’accès au logement pour tous ».
Le modèle français du logement social constitue un pilier central de cette politique. Par son rôle redistributeur et régulateur, il est l’instrument qui permet à près de 4,7 millions de ménages de bénéficier d’un logement abordable.
Mais, pour être réellement efficaces dans la lutte contre le mal-logement, nous devons mobiliser tous les leviers qui sont à notre disposition et intervenir sur l’ensemble des formes de logement, du très social à l’investissement locatif.
La thématique de l’accès au logement est indissociable de celle sur la mixité, notamment sociale. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, elle est présentée comme un « ciment du pacte républicain ». Nous nous retrouvons sur ce point.
C’est pourquoi, quinze ans après l’adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, il est apparu nécessaire de réformer certains des outils. Le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté, qui passera en conseil des ministres au mois de mars, y contribuera. Son volet « logement » prévoit en effet de rénover la politique d’attribution des logements sociaux, la fixation des loyers, et de favoriser une meilleure répartition du parc social dans les territoires.
Vous le voyez, au travers de la politique qu’il met en œuvre, le Gouvernement ambitionne d’accompagner les parcours résidentiels et les projets de vie de nos concitoyens, en agissant de manière globale et cohérente sur l’ensemble des segments du marché du logement, sans les opposer, que ce soit sur l’accession à la propriété, le logement intermédiaire, la rénovation et, bien entendu, le logement social.
Le Gouvernement entend enfin adapter l’ensemble de ses outils aux problématiques qui se posent de manière différenciée selon les territoires, et donner les moyens d’œuvrer pour un aménagement harmonieux de nos villes et de nos quartiers.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme la rapporteur pour avis applaudit également.)
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays connaît depuis de nombreuses années une grave crise du logement. Nous le savons tous dans cet hémicycle. Nous savons tous également que l’engagement de campagne du Président de la République de faire construire 500 000 logements par an d’ici à 2017, dont 150 000 logements sociaux, ne sera pas respecté. C’est bien regrettable ; c’est le moins que l’on puisse dire.
M. Vincent Delahaye.
D’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, plus de 3 800 000 personnes sont mal logées en 2016. Environ 900 000 personnes sont privées de domicile personnel, dont 140 000 sont sans domicile fixe.
Au-delà des 4 300 000 personnes qui occupent des logements surpeuplés, la situation de nos concitoyens au regard de leur logement est de plus en plus contrainte. Le logement est le premier poste de dépenses des ménages, et les prix de l’immobilier ont parfois tellement augmenté ces vingt dernières années qu’ils ont tout simplement conduit à l’exclusion de nombreuses personnes de certaines zones urbaines.
Cette situation d’exclusion de nos concitoyens par les prix est d’autant plus paradoxale que l’une des spécificités économiques de la France est que l’épargne de nos ménages, historiquement abondante, a majoritairement été orientée vers la pierre. Le livret A en est l’un des exemples les plus significatifs, puisque l’une des missions historiques de la Caisse des dépôts était justement de financer la construction du logement social grâce à l’épargne des Français.
En 2014, la Caisse a ainsi consenti plus de 16 milliards d’euros de prêts en vue de la construction ou de la réhabilitation de logements sociaux. Toutefois, le logement social ne représente pas l’horizon indépassable de toute politique du logement en France. À cet égard, la Caisse des dépôts a su diversifier ses activités en développant des filiales dédiées au logement intermédiaire.
Je crois que nous pouvons ainsi dessiner les grandes lignes de la question du logement en France. Tout le monde a besoin d’un logement, mais tout le monde ne souhaite pas nécessairement demeurer toute sa vie dans un logement social. En outre, au-delà de cet arbitrage, se pose la question du financement, aussi bien du logement social que du logement intermédiaire.
Aussi, le principal mérite de la proposition de loi de nos collègues communistes est de poser clairement la question. Faut-il sacrifier les efforts budgétaires et fiscaux de la Nation en faveur du logement intermédiaire pour stimuler le développement de l’offre de logements sociaux auprès de nos concitoyens les plus modestes et des classes moyennes ?
Cela revient à dire qu’il faudrait par nature favoriser le logement social sur les autres formes de logement en raison des modalités publiques de son financement.
Nos collègues du groupe communiste nous donnent une vision très nette du modèle qu’ils proposent en matière de politique du logement. Cela se résume en trois points : suppression des avantages fiscaux liés au logement intermédiaire ; extension du périmètre du logement social ; saupoudrage de dépenses publiques pour combler les manques ici et là.
C’est, peu ou prou, la dynamique qui apparaît à la lecture des trois articles de la présente proposition de loi. Vous en conviendrez, mes chers collègues, au regard de l’enjeu pour nos concitoyens, c’est très insuffisant.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’on favorise principalement le logement social comme forme du logement en France. Nous avons des besoins très clairs en la matière. Mais je ne comprends pas que, lorsque l’on observe la nature du mal-logement ou les difficultés d’accès au logement pour les plus démunis de nos concitoyens, on s’attache prioritairement à augmenter de 10 % les conditions de ressources permettant d’accéder au logement social.
Cela est d’autant plus regrettable que ce type d’initiative cristallise les oppositions sur un sujet devenu hautement symbolique depuis l’entrée en vigueur de la loi SRU. À cet égard, la position des élus locaux et des maires est très claire : le logement social n’est pas la solution unique à la crise du logement en France. Cette offre sociale n’est pas de nature à satisfaire la totalité de la demande ; vous le savez très bien.
Dès lors, il n’est pas légitime de sacrifier sur l’autel du financement du logement social le logement intermédiaire, qui devrait être naturellement destiné aux classes moyennes.
Certes, je peux comprendre qu’il soit tentant de supprimer ces dispositifs d’incitation fiscale, et je vois bien l’avantage budgétaire que nous pourrions tirer de la suppression du Pinel.
Pourtant, cela ne serait pas opportun : ces dispositifs fiscaux d’incitation à la construction semblent fonctionner. D’après les services de la commission des finances, plus de 750 000 logements auraient été construits ces trente dernières années au moyen des dispositifs Robien, Scellier ou autre Pinel.
Le véritable problème vient de la difficulté de dynamiser le fonctionnement du marché de la construction. Le prix du foncier, principalement en zone tendue, est un frein financier considérable. Les coûts de construction ne cessent de croître. Il y a, certes, le coût du travail, mais on ne mesure pas suffisamment le coût des normes de construction et leurs conséquences sur les chantiers.
Nous devrions, me semble-t-il, développer l’aide aux maires constructeurs, ce que l’on a commencé à faire. Si l’on veut obtenir une vraie mixité sociale, si l’on veut permettre un parcours résidentiel, ce que tous les élus semblent appeler de leurs vœux, il faut faire plus confiance aux maires et accroître leurs droits d’attribution dans les logements sociaux. Aujourd’hui, le taux de 20 % est très insuffisant ; c’est un frein à la construction de logements dans beaucoup de communes.
Absolument !
Mme Isabelle Debré.
Quand un maire veut construire dans sa commune, les habitants lui répondent : « pas à côté de chez moi » ou « de préférence dans la commune voisine » !
M. Vincent Delahaye.
Il me semble que nous devons être beaucoup plus ambitieux sur le soutien envers les maires et tous les élus qui souhaitent construire et le font de manière équilibrée.
Nous sommes d’accord avec cela !
M. Jean-Pierre Bosino.
Il faut du logement social, du logement intermédiaire et de l’accession à la propriété. Les politiques publiques doivent favoriser cette diversité.
M. Vincent Delahaye.
(Mme Françoise Gatel applaudit.)
Je ne comprends pas la volonté d’augmenter le nombre de personnes pouvant avoir accès au logement social, alors que nous avons déjà des difficultés dans toutes les zones tendues pour répondre aux besoins des candidats qui se manifestent en nombre.
Voilà les questions que nous devrions traiter en priorité si nous souhaitons dynamiser le secteur du logement en France. Et encore, ce ne serait qu’une première étape. La congestion initiale du marché du logement conduit mécaniquement à freiner la circulation des logements déjà construits. Notre système fiscal alimente cette rétention. Sur ma proposition, le Sénat avait ainsi adopté au mois de décembre dernier une réforme de notre régime des plus-values immobilières, dont la finalité est justement de fluidifier le marché, donc l’accès au logement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe UDI-UC ne soutiendront pas cette proposition de loi, conformément à la position adoptée par la commission des finances. Ce texte a le mérite de poser une bonne question, pas celui d’y apporter une vraie réponse.
Nous devrons poursuivre la réflexion à l’horizon de la prochaine loi de finances. Toutefois, il est bien évident que ce n'est pas en sacrifiant le soutien au logement intermédiaire au profit du logement social que l'on résoudra la crise du logement en France. Les réponses sont donc encore à définir.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Mme la rapporteur pour avis, applaudit également.)
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le constate, nous partageons assez largement, semble-t-il, l’idée que la quasi-suppression des aides à la pierre est un mauvais choix pour garantir le droit au logement.
Mme Marie-France Beaufils.
Nos propositions permettraient d’augmenter significativement ces dernières, sans passer par une pression financière accrue sur les bailleurs, contrairement au choix effectué par le Gouvernement, qui, en créant un nouveau fonds national des aides à la pierre, confirme que les bailleurs sociaux sont les principaux financeurs des aides à la pierre. Un tel mécanisme revient à faire financer la construction nouvelle par les locataires eux-mêmes, indépendamment de toute idée de solidarité nationale.
Notre proposition de loi est claire. Nous souhaitons réorienter l’argent public, denrée rare et précieuse, vers la construction publique relevant de l’intérêt général. La suppression du dispositif Pinel est un pas en ce sens. Nous vous proposons de le compléter par une baisse du taux du CICE.
M. le rapporteur indique ne pas être favorable à cette suppression, parce que le dispositif serait trop jeune, fiscalement parlant. Il plaide ainsi pour la stabilité fiscale. Je dois le dire, en matière d’exonération fiscale, les gouvernements successifs ont le mérite de la stabilité !
sur les travées du groupe CRC.)
Au regard des éléments dont nous disposons, nous considérons que tous ces dispositifs n’ont pas fait la démonstration de leur pertinence en la matière. La construction immobilière qui en est issue n’est pas celle qui répond aux besoins et à la demande ; vous n’avez pas abordé ce sujet, madame la secrétaire d’État.
En termes de surface, notamment, le Pinel conduit, comme précédemment, à construire des logements de quarante et un mètres carrés en moyenne, alors que la surface moyenne nationale des appartements est de soixante-trois mètres carrés. Les débats en commission ont par ailleurs soulevé les problèmes en matière de qualité du bâti et d’absence de lien entre le territoire et le bailleur.
Autre critique, et non des moindres, nous avons besoin de logements aux loyers accessibles. Les prix de location de ces logements avec cette aide fiscale sont environ 20 % moins hauts que les prix du marché, ce qui est encore beaucoup trop élevé pour la grande majorité des demandeurs.
Nous devons donc être pragmatiques,
a fortiori
Qui peut contester qu’il s’agit clairement d’une niche fiscale permettant aux ménages les plus aisés de payer moins d’impôt ? Pour notre part, nous considérons que l’argent public doit être mieux utilisé.
Vous nous accusez également de ne vouloir que du logement public au détriment du logement privé. Cet argument n’est pas recevable. Nous ne contestons pas l’intérêt du logement privé. Nous souhaitons même qu’un effort particulier soit effectué en faveur de la réhabilitation de l’habitat dégradé privé. Nous intervenons régulièrement, et depuis fort longtemps, pour l’augmentation des crédits de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Nous disons simplement que le logement public doit faire l’objet d’une attention et d’un financement prioritaires par les pouvoirs publics. Nous déplorons d’ailleurs le désengagement de l’État sur tous les fronts, y compris sur le financement de l’ANRU ou de l’ANAH.
En revanche, vous ne pouvez pas soutenir l’idée d’un marché totalement libre et dérégulé tout en exigeant que ce marché soit soutenu très fortement par l’État
Nous parlons en effet de sommes importantes, en l’occurrence 1,8 milliard d’euros pour le logement. Ces sommes seraient mieux employées sous forme d’aides à la pierre pour construire du logement accessible et répondre à la demande, qui est immense. Je le rappelle, 1,8 million de nos concitoyens attendent un logement social, et ils sont plus de 5 millions à souffrir de loyers excessifs dans le privé. Les pouvoirs publics doivent répondre à cette urgence. À travers l’article 2 de cette proposition de loi, et par cohérence avec l’article précédent, nous souhaitons accroître la mixité sociale, ciment de la République, en rehaussant les plafonds d’accès au logement social.
En effet, en 2009, lors l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ou MOLLE, présenté par Mme Boutin, les plafonds d’accès au logement social ont été abaissés de 10 %. Je rappelle d’ailleurs que le Sénat avait à l’époque voté contre cette mesure.
Nous proposons simplement de revenir sur cette erreur. Elle a conduit à sortir du parc social nombre de nos concitoyens pour y faire rentrer des personnes toujours plus fragilisées, entraînant, avec le dispositif de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, ou DALO, une paupérisation globale du parc HLM, au sein duquel les locataires sont 70 % à être en situation de très grande pauvreté.
Aujourd’hui, les personnes les plus fragiles sont bloquées dans un parc ancien, le plus dégradé et le moins cher, créant des poches d’exclusion et de mal-vivre cumulant tous les handicaps. Parallèlement, le parc neuf peine à trouver des locataires, puisque, faute de subventions publiques à la hauteur, les prix de sorties sont trop élevés pour les capacités contributives réelles des personnes éligibles aujourd’hui au parc social. C’est une double impasse.
Nous défendons une vision généraliste du logement social. Nous croyons que la politique publique du logement est le meilleur des leviers pour garantir le brassage des populations, dont nous avons plus besoin que jamais ; c’est l’une des conditions de la reconstruction de la République.
Il faut d’ailleurs le rappeler, le logement public a été le lieu de l’innovation, de la modernité architecturale. Non, le logement social n’est pas forcément laid et gris ! Inversement, le logement privé n’est pas forcément beau et coloré. Pour nous, le logement social, c’est un bâti de qualité qui répond à des normes environnementales de grande exigence. Nous devons retrouver cette ambition !
Il faut également cesser de penser qu’on traitera de l’accueil de la diversité des populations par la politique spécifique de la ville, qui souffre, comme toutes les politiques publiques, de l’austérité.
Permettre la mixité réelle et le vivre-ensemble, ce n’est pas seulement lié à l’intelligence des commissions d’attribution ou à la création de programmes « mixtes ». C’est aussi permettre de loger, au sein du parc social, des populations encore plus diverses. En tant que maire, je suis régulièrement confrontée à ces enjeux.
À nos yeux, les dispositions de cette proposition de loi font avancer le droit au logement, en réaffectant des crédits à la construction publique, faisant en sorte que la société multiple et plurielle qui fait la richesse et la force de notre culture commune puisse s’épanouir pleinement.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord souligner que je suis toujours très étonné de l’attribution des textes entre les commissions, qu’il s’agisse, ce matin, de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique ou, à présent, de cette proposition de loi, qui a été renvoyée à la commission des finances. Il me paraît logique que la commission de l’économie soit saisie pour avis sur ce texte. En revanche, je comprends moins le choix qui a été retenu pour le débat de ce matin…
M. Daniel Raoul.
Mais j’en viens à la présente proposition de loi.
Ce texte a au moins le mérite de nous permettre un débat sur le logement ou, plutôt sur le mal-logement. Je ne reviendrai pas sur les observations du vingt et unième rapport de la Fondation Abbé Pierre ; il analyse le mal-logement comme un facteur qui amplifie les inégalités et entraîne des dégâts collatéraux, en particulier sur la santé et le décrochage scolaire ou social.
Le mal-logement s’est aggravé depuis l’adoption de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, défendue alors par Mme Boutin. Je me souviens d’ailleurs des débats que nous avions eus à l’époque. Cette loi est souvent appelée par son acronyme, MOLLE. Et, en effet, elle l’a été, « molle » !
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Il faut en priorité construire ou réhabiliter des logements dignes à loyer abordable, en particulier dans les villes qui en manquent et qui ne respectent pas la loi SRU. En outre, comme vous l’avez évoqué, madame la secrétaire d’État, il faut sans doute territorialiser son application, en fonction des besoins et des demandes des territoires.
En effet, il est anormal d’avoir autant de logements vacants, environ 2,6 millions, autant de personnes sans domicile fixe, autant de mal-logés ; certains parlent de 3,8 millions, comme cela figure dans le rapport que j’évoquais à l’instant.
Environ 3,1 % des logements sociaux sont vacants, avec des pointes à 5 % en Bourgogne. Je ne vais pas évoquer tous les départements du centre de la France, qui se situent globalement au double du pourcentage national.
C’est donc qu’il y a une anomalie dans l’attribution et la construction par rapport aux besoins. Je prendrai simplement comme exemple les 2 000 logements vacants dans mon département. Je pourrais également faire référence au reportage que vous avez pu voir à la télévision sur un maire qui avait réhabilité des logements sociaux et qui ne trouvait pas de locataires, même en offrant trois mois de loyer gratuit !
Certes, lorsqu’on réhabilite des opérations, par exemple dans le cadre de l’ANRU, le loyer augmente nécessairement, ce qui crée des difficultés pour certains locataires potentiels.
Je voudrais à présent évoquer la vacance des logements. Je pense également que notre système de dégrèvement progressif sur la plus-value a un effet de frein pour la mise sur le marché et favorise la détention, sinon la spéculation. Or cela devrait être l’inverse ! Le dégrèvement devrait être pratiquement instantané, en fonction inverse de la durée.
C’est d’ailleurs la position de certains pays nordiques, qui, s'agissant en particulier du foncier, affectent ou taxent la plus-value instantanément et la redonnent à la collectivité qui a placé le foncier en zone constructible. Sinon, il s’agit d’un enrichissement sans cause : ce sont bien les collectivités qui créent la plus-value, et non le propriétaire.
Face à ce constat partagé sur le mal-logement, nous devons nous poser un certain nombre de questions.
L’effort public atteint presque 40 milliards d’euros ; cela a déjà été dit. En loi de finances pour 2016, l’État prévoit ainsi d’y consacrer 18 milliards d’euros, certes en grande partie affectés à l’aide personnalisée au logement, l’APL, dont l’enveloppe approche les 8 milliards d'euros.
Cela m’interpelle ! On transfère des crédits d’aide à la pierre vers l’aide à la personne, comme dans la convention avec Action logement, alors que cela favorise – notre collègue Philippe Dallier peut en témoigner – un effet inflationniste sur le montant des loyers. Certains bailleurs en profitent !
(Approbations sur les travées du groupe CRC.)
C’est une vraie question !
Mme Marie-France Beaufils.
Ne serait-il pas nécessaire, au contraire, de plafonner l’APL en fonction de la surface ? Je ne parle pas ici de l’APL pour les étudiants, autre débat qui mérite d’être soulevé. Les sommes ainsi économisées pourraient être affectées à l’aide à la pierre.
M. Daniel Raoul.
On constate en effet des résultats insuffisants et un manque d’efficacité : les efforts s’élèvent à 40 milliards d’euros, pour un résultat que nous connaissons.
Vous êtes donc d’accord pour augmenter les aides à la pierre !
M. Michel Le Scouarnec.
Afin de gagner en efficacité, le Gouvernement a mis en place un fonds national des aides à la pierre, qui mobilisera 500 millions d’euros pour, nous l’espérons, 50 000 logements sociaux supplémentaires attendus.
M. Daniel Raoul.
Ce dispositif permettra aussi, au-delà de l’aide financière elle-même, de mettre en place une instance de codécision pour la programmation des logements sociaux et leur affectation sur le territoire en fonction des besoins.
Les premiers résultats pour 2015 semblent être au rendez-vous. Ainsi, 125 000 logements ont été agréés, en comptant l’outre-mer et les opérations de l’ANRU, soit une progression de 2,3 % par rapport à 2014.
Lors des auditions que nous avons menées dans le cadre du groupe de travail de la commission des finances sur le financement et la fiscalité du logement, un consensus s’est établi, parmi nos interlocuteurs, sur la nécessité de construire 350 000 logements par an.
Pour lutter contre le mal-logement, il faut actionner tous les moyens et investir dans tous les types de logements, du très social à l’investissement locatif et à l’accession sociale à la propriété. Cela permet de mettre en place un parcours résidentiel, invoqué par tous, qui libère des logements pour les plus modestes.
Or, l’article 1
Il faut donc conforter cette tendance positive et donner de la stabilité à ce dispositif, mis en place voilà seulement un an. Pour autant, j’adhère à la nécessité d’en contrôler l’application sur le terrain. Je suis sûr que des économies sont possibles.
Il est proposé à l’article 2 de relever le plafond. Je n’y reviens pas de manière détaillée ; cela a été évoqué par plusieurs orateurs. Le premier effet de cette mesure serait d’augmenter l’éligibilité des demandeurs, donc, du fait de la sélection dans les comités d’attribution, de léser les plus modestes. Un effet secondaire serait évidemment de diminuer les recettes des surloyers de solidarité.
La baisse de la TVA à 5,5 % et les exonérations de taxe foncière nous paraissent nettement plus efficaces. On pourrait évoquer aussi le dispositif du prêt à taux zéro. Tout cela me paraît aller dans le bon sens. Comme vous l’avez confirmé, madame la secrétaire d’État, nous attendons le texte sur l’égalité et la citoyenneté, qui permettra sans doute de gagner en efficacité dans l’effort national.
Enfin, j’aimerais faire un petit sur l’article 3 de la proposition de loi. On nous présente cette disposition comme un gage financier. Or il n’y en a pas besoin ; l'adoption de l’article 1
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme la rapporteur pour avis, applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Joël Labbé.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de cette deuxième initiative de la journée de nos collègues du groupe CRC, après le débat, nécessaire, que nous avons eu ce matin sur les conséquences du traité transatlantique.
M. Joël Labbé.
Je voudrais en particulier saluer mon collègue morbihannais Michel Le Scouarnec, à qui j’exprime publiquement mon profond respect pour ses engagements sans faille dans la défense des valeurs humanistes.
C’est un bon début !
M. Michel Le Scouarnec.
Attendez la suite !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Nous examinons cet après-midi une proposition de loi dont le titre, « favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre », ne peut que nous réjouir.
M. Joël Labbé.
Le constat est sévère. Plus de 3,5 millions de nos concitoyens sont mal-logés ; 140 000 dorment encore dans la rue, dont 30 % d’enfants, et plus de 1,8 million sont en attente d’un logement social.
L’objectif du Gouvernement, que nous partageons tous, était de construire 500 000 logements, dont 150 000 à caractère social. Malheureusement, nous en sommes très loin. Certes, la conjoncture n’est pas favorable. En 2014, moins de 300 000 logements sont sortis de terre.
Une fois encore, je voudrais citer l’abbé Pierre, qu’il est bon de réinviter dans notre Haute Assemblée : « Sur ma tombe, à la place des fleurs et des couronnes, apportez-moi la liste de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés d’un vrai logement. »
(Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Cette proposition de loi contient trois articles. Nous devons les examiner attentivement.
L’article 1
Cette mesure, censée provoquer un effet de levier dans la construction, ne semble pas atteindre totalement les objectifs souhaités. Par ailleurs, elle coûte extrêmement cher.
Le fait de subventionner, à travers un crédit d’impôt, l’acquisition d’un bien immobilier privé, même assorti d’une obligation de location, peut déjà faire débat. Mais, lorsqu’il s’agit aussi – il faut le dire – de le louer à ses descendants ou ascendants, on peut vraiment douter de l’efficacité du dispositif et penser sérieusement que l’on facilite ainsi l’augmentation du capital privé à des fins individuelles par l’utilisation de l’argent public !
Absolument !
Mme Marie-France Beaufils.
En outre, madame la secrétaire d’État, ce dispositif crée une iniquité entre les territoires qui sont éligibles et ceux qui ne le sont pas.
M. Joël Labbé.
On ne peut pas l’appliquer partout ! Il faut aussi tenir compte de la demande !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
J’ai moi-même constaté, dans une période pas si lointaine, que les investisseurs choisissent de financer des projets se situant sur les communes qui bénéficient du dispositif, et pas sur les autres.
M. Joël Labbé.
Le milliard et demi d’euros économisés pourrait servir utilement à alimenter les budgets consacrés directement à la construction de logements sociaux.
Je vous rappelle également les dérives d’un autre crédit d’impôt, qui est autant sujet à débats : le Censi-Bouvard, dont nous n’avons pas parlé depuis un moment. Son volet dédié aux résidences secondaires de vacances était tout bonnement intolérable ; cela constituait un cadeau aux centres de vacances privés, comme
Center Parcs
L’article 2 nous a laissés perplexes, mes collègues écologistes et moi.
Vous n’êtes pas les seuls !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
On peut comprendre qu’il faille relever les seuils permettant d’introduire une demande de logement social. Cela va dans le sens de plus d’égalité et répond à une partie du mécontentement des classes moyennes ayant les revenus les plus faibles, qui estiment souvent n’avoir droit à aucune aide.
M. Joël Labbé.
Toutefois, dans un contexte de pénurie chronique de logements en général, et de logements sociaux en particulier, on comprend mal comment ce relèvement des seuils pourrait améliorer la situation.
On aurait pu imaginer, à la place, une augmentation des surloyers demandés aux locataires, dont les revenus ont évolué au-delà des plafonds de ressources. Nous aurions alors peut-être mieux perçu l’équité de la mesure.
Nous ne pouvons que souscrire à l’article 3, visant à gager la proposition de loi sur la modulation du CICE, tant nous avons rappelé par le passé nos réserves sur ce dispositif, qui, lui non plus, n’a vraisemblablement pas atteint ses objectifs en termes d’emplois et de résorption du chômage.
Nous continuons de subventionner plus fortement les très grosses entreprises, sans véritable contrepartie, alors qu’elles pratiquent l’optimisation fiscale et embauchent très peu.
Et même licencient !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cela s’effectue au détriment des très petites et moyennes entreprises, qui représentent un gisement potentiel d’emplois très important, ne pratiquent pas l’évasion fiscale et créent de la richesse sur l’ensemble de nos territoires.
M. Joël Labbé.
Chers collègues du groupe CRC, je comprends le sens de votre proposition de loi. J’y souscris pour les deux tiers. Toutefois, je serai contraint de m’abstenir, au nom du groupe écologiste, sur l’article 2, à cause des doutes, que vous n’avez pu lever, sur la pertinence du relèvement du plafond de ressources. Pour le reste, comme deux tiers, c’est mieux que la moitié, je me prononcerai en faveur du texte lors du vote sur l’ensemble !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les chiffres du mal-logement évoluent sur fond de crise économique et financière, comme l’illustre le vingt et unième rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, publié voilà quelques jours. Il y a 3,8 millions de personnes qui sont concernées à divers titres : sans domicile fixe, habitations surpeuplées, logements privés de chauffage ou insalubres. C’est beaucoup trop !
M. Jean-Claude Requier.
Au sein de cet hémicycle, nous avons maintes fois évoqué la défaillance de la politique d’aménagement du territoire, qui entretient depuis trois décennies les difficultés économiques et sociales sur de mêmes lieux, au détriment de l'équité spatiale, qui est totalement absente de notre pays. En effet, il est illusoire de croire que la politique du logement peut être élaborée sans l’accompagnement d’une politique de l’emploi, de développement économique, de transports ou encore d’éducation.
Certes, les propositions de loi ne peuvent pas embrasser à elles seules une telle ambition. Toutefois, mes chers collègues, je m’exprimerai sans ambages : les mesures envisagées par la présente proposition de loi auraient pour conséquence d’entraver l’exercice du droit de toute personne à un logement décent, objectif à valeur constitutionnelle consacré en 1995 par le Conseil constitutionnel !
Tout d’abord, l’article 1
Cela constituerait une erreur regrettable. Ce serait mauvais signal envoyé à un marché de la construction qui connaît actuellement une timide reprise. Par ailleurs, vous le savez, au groupe du RDSE, nous avons beaucoup d’affection et de bienveillance pour Sylvia Pinel.
(Exclamations amusées.)
Ce n’est pas une raison en soi !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Il s’agit du dispositif ; pas d’elle !
Mme Sophie Primas,
rapporteur pour avis.
Nous souhaitons que son dispositif soit conservé, même après son départ annoncé du ministère !
M. Jean-Claude Requier.
(Sourires.)
Nous avons là un instrument plus attractif que le dispositif Duflot et, surtout, un outil territorialisé réservé aux biens immobiliers situés dans les zones tendues, répondant ainsi à des critiques récurrentes sur la dispersion de la politique du logement.
Ce dispositif, qui favorise le logement intermédiaire avec des loyers inférieurs de 20 % au prix du marché, atteint l’objectif visé à l’article 2, qui prévoit le relèvement des plafonds de ressources permettant de bénéficier d’un logement social.
Nous saisissons difficilement cette logique, qui aboutirait à augmenter le nombre de demandeurs de logements sociaux, alors que nous ne parvenons pas à satisfaire les 1,7 million de demandes en attente. L’adoption de cet article supposerait de reconnaître ce droit à la quasi-totalité des ménages, ce qui n’est pas souhaitable, les seuils de revenus en vigueur étant très généreux. Et ce n’est certainement pas la suppression du dispositif Pinel qui pourrait répondre à cette situation de carence de l’offre, puisqu’elle ne pourrait pas créer de logements disponibles immédiatement !
Le logement social doit être réservé à ceux qui en ont le plus besoin, faute de quoi il manquerait sa cible. Je pense en particulier à ceux qui sont reconnus prioritaires dans le cadre du droit au logement opposable. Nombreuses sont encore les familles qui sont logées dans le privé dans des conditions inacceptables et indignes !
La vocation du logement social n’est-elle pas de « satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées », conformément à l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation ?
En outre, le logement social a été conçu pour être une étape transitoire dans le parcours résidentiel des familles modestes.
Absolument !
M. Alain Gournac.
Or nous constatons que cela est de moins en moins le cas dans les faits.
M. Jean-Claude Requier.
Ainsi, nous aurions davantage compris une proposition de loi visant à favoriser l’accès au logement, social ou non, pour le plus grand nombre en location ou en accession à la propriété. En effet, si la location reste pertinente pour des raisons de mobilité et de dynamisme démographique, la proportion de propriétaires dans notre pays reste faible.
Ainsi rédigée, la proposition de loi ne propose qu’une vision très réductrice des instruments très divers de la politique du logement. En outre, la proportion de ménages modestes dans le parc social est sensiblement la même que dans le parc privé, comme le rappelle à juste titre le rapport de notre collègue Philippe Dallier. Il ne serait ni aisé ni pertinent d’opposer logement public et logement privé.
Si l’intention des auteurs de la proposition de loi est hautement respectable, puisqu’il est évident qu’il convient de poursuivre les efforts en matière non seulement de construction, mais également de réhabilitation des logements, les réponses apportées ne sont pas toujours les plus appropriées ou pertinentes dans le contexte que nous connaissons.
Surtout, la proposition de loi irait à l’encontre de son objectif premier, favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre, car elle desservirait les ménages les plus défavorisés.
Le projet de loi relatif à l’égalité et citoyenneté qui nous est annoncé permettra d’aborder la politique du logement sous plusieurs angles et d’examiner avec attention la question de l’attribution des logements sociaux ou la détermination des loyers qui méritent d’être réformées.
Au regard de ces considérations – nous ne chercherons pas à calculer s’il y a les deux tiers, les trois tiers, voire les « quatre tiers », comme dirait Marcel Pagnol !
(Sourires.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Francis Delattre.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous partageons tous plus ou moins le constat : des moyens importants sont attribués à la politique du logement, mais les résultats tardent objectivement à se produire. Il en était ainsi depuis longtemps déjà !
M. Francis Delattre.
Cela fait vingt ans que nous essayons de déterminer une politique de logement qui, tout simplement, réponde aux besoins des administrés dans nos communes. Mais c’est un débat à gros enjeux.
Pourquoi réformer la politique du logement ? Parce que le logement est au cœur de beaucoup de nos faiblesses : l’emploi, le pouvoir d’achat, la compétitivité… Le secteur est affaibli par un coût du logement qui est reconnu, en tout cas dans les instances extérieures à notre pays, comme prohibitif.
Le logement est le premier poste de dépenses des Français. Cela représente, en moyenne, de 22 % du total des dépenses à 45 % pour 20 % de la population.
Les prix de l’immobilier ont fortement augmenté. Seulement 383 100 permis de construire ont été délivrés en 2015. Nous sommes loin des 500 000 logements sociaux plus ou moins attendus par le Gouvernement.
De surcroît, le taux de rotation est faible dans les logements sociaux, 10 %, contre 22 % dans le privé.
La remise aux normes énergétiques du parc social vieillissant exigera des milliards d’euros. Au demeurant, nous avons tous subi les inconvénients de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, dont, fort heureusement, tous les décrets d’application n’ont pas été publiés.
Tant mieux !
M. Alain Gournac.
La politique du logement est perçue par beaucoup de nos concitoyens comme un échec.
M. Francis Delattre.
L’offre foncière est insuffisante, notamment dans les zones tendues. Toutes les mises à disposition de terrains appartenant à sphère publique, certes au nom de bonnes intentions, demeurent, pour l’essentiel, des fictions.
Les produits développés sont inadaptés sur bien des territoires. Il faut cesser de prôner une politique d’égalité entre eux alors qu’ils font face à des réalités objectivement différentes.
En région Île-de-France, la déconnexion d’un compte spécial du Trésor préfinançant toutes les réserves foncières qui ont permis la réalisation des villes nouvelles, donc la maîtrise foncière de milliers d’hectares, a été une erreur stratégique.
Aujourd'hui, les logements sociaux construits sont, de manière presque obsessionnelle, affectés de manière prioritaire aux bénéficiaires du DALO. Même si c’est louable, cela ne traite que l’urgence. Il n’y a pas de réflexion sur une politique urbaine de logement à long terme permettant de définir un équilibre des quartiers.
C’est pour cela que cette proposition de loi est nécessaire !
Mme Marie-France Beaufils.
Une telle politique permettrait aussi d’éviter une ghettoïsation propice au développement du communautarisme…
M. Francis Delattre.
C’est caricatural !
Mme Marie-France Beaufils.
… et de nature à allonger la liste des quartiers risquant d’être relégués et stigmatisés.
M. Francis Delattre.
L’échec est aussi économique. Cela vient de notre incapacité chronique à répondre correctement à la demande. Ce n’est pas que l’on ne construit pas de logements sociaux dans notre pays ; mais on ne les construit pas là où ce serait nécessaire !
Dans les villes qui dépassent les quotas édictés par la loi SRU, les logements sociaux ont été construits selon une rationalité urbanistique guère humaniste, à l’écart des quartiers anciens, mieux équipés. Dès lors, de nouveaux quartiers qui n’ont ni âme ni identité apparaissent, rendant la vie de la population difficile et, surtout, lui faisant ressentir socialement sa mise à l’écart. L’accès à l’emploi est particulièrement compliqué, par des trajets longs et stressants. Le trajet est même devenu un critère d’embauche pénalisant.
Par ailleurs, la durée d’occupation s’est singulièrement allongée. Elle est de douze ans, alors qu’en principe le logement social devrait seulement être une étape vers l’accession à la propriété ou la location d’un logement de type intermédiaire.
Enfin, la mixité sociale a disparu, dans la mesure où des politiques d’urbanisation ont conduit à une segmentation sociodémographique. Souvent, la recherche de la bonne école par les jeunes ménages altère la mixité sociale, mais aussi intergénérationnelle.
La mixité sociale s’est détériorée aussi parce que l’État n’assure pas toujours ses fonctions régaliennes essentielles : la sécurité sur l’ensemble du territoire français. Ainsi, dans les quartiers où l’insécurité est élevée, la mixité sociale se trouve affaiblie par le départ de certains commerçants, comme par celui des populations qui ont la possibilité de les quitter.
Mais l’échec le plus flagrant est le type d’occupation des logements sociaux. Près du tiers des ménages occupant des logements sociaux ont des revenus supérieurs au plafond de ressources ouvrant droit à l’attribution d’un logement social. Comprendre les difficultés du logement social suppose aussi de s’intéresser aux modalités de gestion des opérateurs et de l’application des critères de ressources.
En aucun cas, la crise du logement ne vient de la raréfaction des aides, souvent invoquée. En effet, 40 milliards d’euros, cela représente tout de même 1,9 % du produit intérieur brut, ce qui fait de la France la championne d’Europe des dépenses dans ce secteur.
Mais les résultats appellent pour le moins de grandes réformes. Aussi, comme il ne s’agit point seulement de critiquer, je vais essayer de formuler quelques propositions de réforme. C’est audacieux. Beaucoup sont d’ailleurs déjà connues, mais il faut les remettre au centre du débat.
D’abord, il faut diminuer le coût de la construction. Il est 50 % plus élevé, à villes et territoires équivalents, qu’en Allemagne. Autant d’argent que les ménages ne pourront pas consacrer à la consommation ou à l’épargne, avec des conséquences directes sur la croissance économique !
Les aides directes tant aux locataires qu’aux primoaccédants peuvent être facilement captées par les propriétaires ou les professionnels de l’immobilier, et avoir ainsi un pur effet inflationniste dès lors qu’il existe une pénurie d’offres de logements. En fait, nous avons besoin d’un pilotage très fin.
De même, les dispositifs protégeant de manière excessive le locataire ont des effets pervers ; tout le monde les connaît.
L’écart en France entre les prix de la construction et ceux de la consommation a augmenté depuis 2005 de 14 %, contre 5 % en Allemagne. Nous ne prenons pas le même chemin que nos voisins, et nous allons dans la mauvaise direction…
Pour inverser cette tendance, il est nécessaire de rationaliser les normes et les obligations réglementaires actuelles en matière de construction : accessibilité pour les handicapés, places de stationnement, obligations et normes techniques rigides, normes environnementales…
Par exemple, il suffirait que 20 % des logements construits respectent les normes, souhaitables, pour les handicapés pour satisfaire les besoins et réaliser des économies considérables.
En revanche, les normes basse consommation d’énergie doivent encore être améliorées. Les résultats sur les charges sont probants ; eux sont lisibles sur les factures !
Ensuite, concernant le foncier, il faut oser la densification en zone urbaine et à proximité des transports.
Certains terrains ayant abrité des locaux d’activité – de petites industries ou des stations-service – sont devenus inoccupés. Il se peut que ces terrains soient pollués, et donc inutilisables, mais l’État et les collectivités territoriales devraient s’associer pour prendre en charge tout ou partie des frais de dépollution et de démolition. Cela permettrait la réalisation de programmes immobiliers à vocation sociale ou intermédiaire dans des quartiers centraux, tout en évitant un renchérissement du foncier dans des secteurs souvent situés à proximité des transports en commun.
Il faudrait également favoriser les politiques de réserves foncières par l’intermédiaire d’établissements publics, tels que l’AFTRP, l’Agence foncière et technique de la région parisienne – à ceci près qu’on lui a supprimé ses moyens d’intervention… –, pour faire du moyen et du long terme. Cette politique avait permis de construire des villes nouvelles importantes, avec un prix du foncier tout à fait raisonnable. En procédant ainsi, nous mettrions aussi fin à des effets de mitage sur des secteurs sensibles ou agricoles.
Il faut en outre favoriser l’émergence de logements sociaux dans des zones très tendues,
Nous devons repenser les quartiers construits dans les années soixante et soixante-dix en termes de densification et de mixité sociale. Il s’agit d’un travail de longue haleine et de réflexion, incluant le logement intermédiaire, l’accession sociale, les commerces et les services.
En tout état de cause, les dispositifs mis en place doivent servir au développement de l’offre foncière et ne pas représenter des vecteurs de surenchère foncière. En entendant cela, la gauche devrait m’applaudir…
(Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
J’en viens aux réformes concernant l’offre.
Au titre du logement social locatif des jeunes, il faut proposer une offre unique aux jeunes, sans distinction entre étudiants et jeunes actifs. Dans le logement social ou intermédiaire, nous devons favoriser l’émergence des baux de location à durée limitée de deux ou trois ans pour favoriser la rotation, donc l’offre, dans ces logements « dédiés », ce qui permettrait à ces jeunes d’avoir du temps pour la mise en place de leur parcours résidentiel. Ces logements pourraient se développer soit au sein de résidences spécifiques, telles que les résidences sociales, soit au sein de résidences de logements familiaux classiques.
Cependant, je regrette que, depuis quelques mois, l’État souhaite agréer non plus des résidences sociales pour jeunes actifs mais des résidences « tous publics », auxquelles pourront accéder, notamment, les jeunes non étudiants. C’est une erreur !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Certes, l’État pourra y loger un public fragilisé, mais cela condamne, à plus ou moins court terme, tous ces projets intéressants de résidences sociales.
M. Francis Delattre.
S’agissant du logement social des seniors, la récente loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a enfin reconnu les seniors comme une population spécifique : les commissions d’attribution peuvent désormais attribuer un logement adapté au handicap à un senior. Cependant, cette nouvelle possibilité n’est pas inscrite dans les conventions de conventionnement. Elle s’effectue donc à chaque rotation. Il faudrait remédier à ce dysfonctionnement.
Enfin, il convient de donner plus de responsabilités dans la gestion de la politique du logement aux maires et aux élus locaux.
Très bien !
Mme Isabelle Debré.
Ils connaissent leur territoire, leur population ; ils connaissent chaque quartier, chaque immeuble, chaque copropriété, les points forts, les faiblesses. Aujourd’hui, les maires gèrent entre 10 % et 20 % de leur parc locatif social. À mon sens, il est nécessaire, pour relancer la construction de ces logements, de leur confier l’attribution de 50 % des logements sociaux construits sur leur territoire.
M. Francis Delattre.
Et des moyens !
M. Jean-Pierre Bosino.
Une réflexion sans préjugés est indispensable afin de trouver un consensus entre la population qui reçoit et celle qui arrive, car il n’est pas toujours aisé politiquement de faire admettre un programme de logements sociaux.
M. Francis Delattre.
Très juste !
M. Alain Gournac.
Il importe également de réformer les financements. Avec les sommes considérables qu’il consacre au logement, l’État est un partenaire naturellement obligé des collectivités territoriales, mais une responsabilité mieux partagée, notamment avec les agglomérations, permettrait de lever bien des obstacles et de mettre fin à bien des défiances qui paralysent la décision de construire, laquelle demeure, mes chers collègues, un acte politique fort.
M. Francis Delattre.
Aujourd’hui, il faut complètement refonder la politique du logement dans notre pays si nous voulons créer une offre plus importante, notamment pour favoriser l’accession sociale à la propriété à des mensualités modérées. Nous devons également changer notre vision du logement social, qui doit englober aussi bien l’accession sociale à la propriété que le logement locatif géré par les offices d’HLM.
Une relance forte de l’accession sociale à la propriété est nécessaire pour contribuer à débloquer des parcours résidentiels. Il importe également de décloisonner le fonctionnement des bailleurs sociaux, qui ne demandent qu’à se diversifier pour eux-mêmes y participer.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Bosino.
Mes chers collègues du groupe CRC, vous l’aurez compris, nous sommes assez éloignés des objectifs que vous souhaitez nous assigner.
M. Francis Delattre.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Annie Guillemot.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui a pour objet de favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre, soulève la question essentielle de la situation du logement dans notre pays. Ses auteurs soulignent tout particulièrement la nécessité de construire des logements accessibles pour tous, équitablement répartis, comme l’a dit Daniel Raoul, et questionnent finalement notre « vivre ensemble ».
Mme Annie Guillemot.
Si nous ne pouvons adhérer aux solutions préconisées, telles que la suppression du dispositif d’investissement locatif et la majoration des plafonds de ressources, la proposition de loi a le mérite de revenir sur la question du marché du logement, qui est n’est pas une marchandise comme les autres et qui nécessite un effort de solidarité nationale.
Au dernier congrès du mouvement HLM, le Président de la République a réaffirmé son objectif de construire plus et la volonté de l’État de se donner les moyens de l’atteindre. La ministre du logement, Sylvia Pinel, l’a rappelé à cette occasion : le logement social « est un pilier de notre socle républicain, qui démontre chaque jour son indispensable utilité pour nos concitoyens. […] Il permet à plus de 4 millions de ménages de bénéficier d’un logement abordable, et de préserver un pouvoir d’achat menacé par la crise économique ».
La fondation Abbé-Pierre vient de démontrer de nouveau, si besoin en était encore, l’urgence de la situation. Dans son dernier rapport de décembre 2015, elle indique que la crise du logement s’aggrave, non seulement à cause d’une offre insuffisante, mais aussi du fait de l’appauvrissement de certains ménages. En effet, pour ceux qui ont un logement ou qui veulent en acquérir un, le coût est devenu insupportable.
En France 3,8 millions de personnes sont touchées par le mal-logement, dont 900 000 sont sans logement – et le nombre de personnes sans abri augmentent ! –, 64 000 en situation d’hébergement et 934 000 en surpeuplement. Par ailleurs, 5,3 millions de ménages consacrent plus de 35 % de leurs revenus aux dépenses de logement, soit une augmentation de 42 % depuis 2006. Il s’agit d’une conséquence du doublement de la hausse des loyers et de la stagnation des revenus.
Enfin, la Fondation Abbé Pierre pointe le fait que l’offre de logements sociaux n’augmente pas suffisamment pour faire face à cette demande consécutive à l’appauvrissement de la population. Elle évoque ainsi le nombre de demandeurs en attente de plus d’un an, qui a augmenté de 24 %, alors que le nombre de locataires ayant accédé à la propriété a, lui, baissé de 27 %.
Pourtant, le plan de relance de la construction commence à produire ses effets et la reprise se confirme.
C’est une vision optimiste !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Le marché des logements neufs est ainsi en hausse de plus de 20 % par rapport à 2014. Avec le projet de loi de finances pour 2016 – à cet égard, permettez-moi de regretter de nouveau que le Sénat ait rejeté les crédits de la mission « Logement » –, le Gouvernement a encore intensifié ses efforts pour la construction et la rénovation, et donc pour l’emploi et l’accès au logement. En effet, pour que tous les Français disposent d’un logement digne et abordable, tous les leviers doivent être actionnés dans le but de construire des logements sociaux et intermédiaires ainsi que pour soutenir les opérateurs tant publics que privés.
Mme Annie Guillemot.
Le soutien au logement intermédiaire ne s’est pas fait au détriment du logement social, et nous ne devons pas opposer construction de logements sociaux et encouragement à l’investissement locatif. D’ailleurs, dès 2012, le Gouvernement a recadré le dispositif d’investissement locatif pour éviter les effets d’aubaine et réduire sensiblement son impact sur les finances de l’État.
C’est pour ça que nous avons dû faire ensuite le « Pinel » !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Dans le contexte que nous connaissons, envisager la suppression d’un dispositif qui soutient depuis des années le BTP n’est pas possible.
Mme Annie Guillemot.
Le dispositif Duflot-Pinel, réajusté par rapport au dispositif Scellier, notamment, a largement contribué à l’augmentation de 23 % des ventes de logements neufs en 2015.
De plus, la mobilisation du Gouvernement pour le logement social commence aussi à porter ses fruits, puisque l’année 2015 a été marquée par l’augmentation de 2,3 % par rapport à 2014 du nombre de logements sociaux financés.
Enfin, comme vient de l’annoncer le Président de la République lors du bicentenaire de la Caisse de dépôts et consignations, 3 milliards d’euros vont être mobilisés pour accroître la capacité d’investissement de la CDC d’ici à 2017, avec deux priorités : le logement et la croissance verte. Ces fonds contribueront à financer 50 000 logements sociaux de plus.
Pour revenir au « vivre ensemble », que j’ai évoqué au début de mon intervention, il est à noter que cette proposition de loi revient sur un sujet essentiel, à savoir la mixité sociale dans l’habitat. Comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, ce thème est au cœur du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui va venir prochainement en discussion et qui tend à répondre à l’urgence de renforcer la mixité sociale pour lutter contre la fragmentation de notre société et les coupures territoriales. Or la mixité est d’abord indispensable dans le secteur du logement. Il ne peut plus y avoir des villes avec des logements sociaux et des villes sans logements sociaux.
Absolument !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il ne peut être toléré qu’une partie de la population, au seul motif de son niveau de revenu, soit exclue de communes entières. L’État est le garant du respect par toutes les communes de leurs obligations légales, comme l’a indiqué le Premier ministre Manuel Valls.
Mme Annie Guillemot.
La loi SRU a fixé l’exigence minimale de mixité sociale dans l’habitat à 20 % de logements sociaux et des obligations de rattrapage sur vingt ans pour les communes en retard. La loi de 2013, complétée par la loi ALUR de 2014, va plus loin, avec une cible de 25 % en 2025 dans les zones tendues. Pour autant, selon le dernier bilan, la réalité des chiffres est insatisfaisante : si 1 022 communes soumises à « obligation SRU » se sont en majorité engagées dans des actions utiles pour combler leur retard, la minorité de celles qui résistent à la loi reste considérable ; ainsi, plus de 220 communes ont été déclarées en carence au titre de ce bilan.
Le 14 janvier, nous étions nombreux autour de Louis Besson et Jean-Claude Gayssot, qui, en tant que ministres, ont porté la loi SRU, promulguée le 13 décembre 2000, pour fêter les quinze ans de ce texte. Rappelons-nous combien il est indispensable de lutter sans relâche contre les effets de la ségrégation sociale comme territoriale ! Il faut renforcer l’attractivité des quartiers les plus défavorisés et donner l’opportunité à des ménages aux revenus modestes de se loger dans les secteurs les plus favorisés. Des engagements seront prévus dans le texte « Égalité et citoyenneté » pour mieux répartir les logements sociaux dans nos territoires, réformer l’attribution de logements sociaux avec des critères de priorité, ajuster encore le dispositif SRU pour une meilleure répartition territoriale du logement social et mieux répondre à la demande.
Mes chers collègues, savez-vous que près de la moitié des logements sociaux construits entre 2000 et 2008 sont dus à la loi SRU dans les communes où elle s’applique. Elle a ainsi déjà permis la construction de 450 000 logements sociaux dans des communes qui n’en avaient pas et qui n’en auraient jamais eus si cette loi n’avait pas été votée.
Caricature !
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
J’espère que nous serons nombreux dans cette assemblée pour soutenir le projet de loi « Égalité et citoyenneté », dont l’objectif principal est de casser les logiques de ségrégation, d’éviter d’ajouter de la pauvreté à la pauvreté et de favoriser ainsi la mixité sociale, tout en conciliant celle-ci avec le droit au logement. Il faut le marteler : le logement est un des premiers vecteurs de la mixité sociale et territoriale. Favoriser le « vivre ensemble » dans notre République revient aussi à réaffirmer les valeurs républicaines !
Mme Annie Guillemot.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
La discussion générale est close.
M. le président.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
L’article 199
novovicies
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. le président.
Cet article a pour objet d’abroger le dispositif Pinel. Cette exonération fiscale coûtera 240 millions d’euros à l’État en 2016 – un coût qui va exploser au fil des années. Entre 2015 et 2016, il a déjà été multiplié par trois.
M. Jean-Pierre Bosino.
Je rappelle que, sur les 40 milliards d’euros dépensés en faveur du logement, 12 milliards d’euros sont consacrés à des niches fiscales. Il s’agit bien là d’argent public profitant directement à des personnes privées, qui ainsi payent moins d’impôts, mais les logements financés de la sorte ne procurent aucune des garanties qu’apporte le logement social.
Comme le soulignaient certains de nos collègues en commission des finances, le dispositif Pinel crée peut-être du logement mais du logement qui n’est pas forcément toujours de bonne facture. Ainsi, Mme Fabienne Keller se disait frappée par la faible qualité des logements réalisés et craignait que le « Pinel » ne prépare les propriétés dégradées de demain.
D’après une étude du Crédit foncier, reprise par la CNL, le revenu moyen des bénéficiaires du dispositif Pinel est de 67 000 euros par an. Dans le même temps, les aides à la pierre que le Président Hollande avait promis de doubler ont été amputées. Quant au fonds national des aides à la pierre, qui sera effectif au 1
À travers cet article, nous posons une question de justice fiscale et de justice sociale. Rappelons que c’est l’offre de logements publics qui peut empêcher la hausse des loyers, y compris dans le privé. Actuellement, la précarité progresse et les aides personnalisées au logement, qui suivent la courbe ascendante des loyers, atteignent 18 milliards d'euros. Or le glissement des aides à la pierre vers les aides personnalisées au logement est une erreur que nous subissons depuis 1977, depuis les politiques de Raymond Barre.
Le poste de dépenses consacrées au loyer dans le budget des ménages n’a eu de cesse d’augmenter pour être proche de 30 %. C’est l’un des niveaux les plus élevés en Europe.
Nous devons prendre de nouvelles orientations en matière de politique en faveur du logement. Pour nous, cela passera par la suppression du dispositif Pinel, des autres dispositifs fiscaux de même nature et le redéploiement des crédits sur les aides à la pierre. Le logement privé doit être financé par le privé !
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article.
M. le président.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Lors de la discussion générale, le temps de parole accordé à nos collègues membres du groupe Les Républicains a été de trente-cinq minutes, contre quelques minutes seulement pour le groupe CRC. Je vais donc expliquer mon vote, ne serait-ce que pour rétablir l’équilibre !
Mme Marie-France Beaufils.
Aucun des arguments que j’ai entendus ne vient étayer l’utilité du dispositif Pinel. Le ministère a même été incapable jusqu’à maintenant de nous donner des chiffres concrets sur les constructions réalisées. Ces données sont toutefois fournies par la Fédération des promoteurs immobiliers. Le seul élément mis à notre disposition, c’est le nombre de foyers fiscaux qui ont bénéficié de ce dispositif en 2014 : 4 727 foyers, pour 16 millions d'euros.
Selon le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2016, dont la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques faisait état précédemment, ces dispositifs ont permis d’augmenter l’offre de logements locatifs, mais ils n’ont pas contribué directement à la production de logements à loyer modéré, même s’ils ont favorisé indirectement la détente du marché locatif. Le seul effet de cette dépense fiscale est donc bien de favoriser une rente au bénéfice des plus fortunés.
Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance de la période durant laquelle l’allégement fiscal est autorisé. Vous constaterez que le nombre d’années en question permet de couvrir en totalité – ou à peu de choses près – le coût de l’investissement. Cela devrait quand même nous faire réfléchir !
Il me semble que l’impôt payé par les contribuables finance plus la construction d’un logement relevant du dispositif Pinel que celle d’un logement de type PLAI. Et c’est sur ce point que nous voulons véritablement interpeller tout le monde ! Je crois que ceux qui préparent le projet de loi, dont je ne connais pas encore le contenu, seraient bien avisés de tenir compte de la discussion que nous avons aujourd'hui s’ils veulent vraiment améliorer la situation.
En tout état de cause, le choix du dispositif Pinel ne nous semble pas de nature à faire évoluer les choses dans le bon sens. Puisqu’on nous exhorte à la plus grande rigueur et à la bonne utilisation de l’argent public, nous suggérons de réorienter ces sommes vers les aides à la pierre.
À ceux qui prétendent que la suppression du dispositif ferait perdre des capacités au secteur du bâtiment et des travaux publics, je rétorque que la construction de nouveaux logements locatifs sociaux peut permettre de compenser ladite perte. Les arguments qui nous ont été apportés pour le moment ne me paraissent pas confirmer que nous avons tort dans notre choix !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
Je mets aux voix l'article 1
M. le président.
(L'article 1
n'est pas adopté.)
Les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation sont majorés de 10,3 % à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la présente loi.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. le président.
Considéré il y a encore quelques années comme une promotion sociale et l’élément de base d’un parcours de résident, le logement social était aussi un outil d’aménagement du territoire et un vecteur de progrès en matière d’urbanisme – on a beaucoup parlé des maires bâtisseurs tout à l’heure.
M. Jean-Pierre Bosino.
Je vous rappelle qu’il y a cinquante ans, pour bien des familles françaises, habiter dans des logements sociaux comportant plusieurs pièces et équipés en eau courante et électricité était un signe de réussite. N’oublions pas que de très grandes et grands architectes ont conçu des logements sociaux. Je pense à Le Corbusier, à Renée Gailhoustet ou à Jean Renaudie.
Comment sommes-nous passés de cette conception du logement social à la vision que nous en avons aujourd’hui, à savoir un logement réservé uniquement aux plus pauvres ? Nous défendons, pour notre part, non une vision restrictive du logement, mais une vision universelle. Tel est l’objet de l’article 2.
Oui, nous souhaitons rehausser de 10,3 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social afin d’élargir l’accès au logement social et d’y favoriser la mixité ! Cette mesure constituerait un bref retour en arrière, nous ramenant seulement avant la loi Boutin, et n’aurait rien d’extraordinaire dans un pays où les salaires sont bas ; je rappelle que 80 % des salariés gagnent moins de 2 000 euros par mois !
Nous avons chacun en tête, dans nos mairies ou dans notre entourage, des exemples de personnes qui, parce qu’elles dépassent légèrement le plafond, ne peuvent pas accéder au logement social. Tel est le cas, par exemple, d’un professeur des écoles qui débute aujourd’hui sa carrière.
M. Raoul a indiqué en commission des finances qu’il craignait que le relèvement des plafonds de ressources et l’ouverture corrélative de la possibilité pour d’autres personnes d’accéder au logement social ne privent les bailleurs sociaux des surloyers. Nous pensons nous – nous sommes cohérents ! – que les bailleurs peuvent avoir d’autres ressources que les locataires, notamment les aides à la pierre. Tel était l’objet de l’article 1
Nous avons entendu l’argument selon lequel le relèvement des plafonds élargirait le nombre de personnes éligibles au logement social. Bien sûr ! Mais ce n’est pas en cassant le thermomètre que la fièvre disparaîtra ! Il y a une demande, et il faut y répondre !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
M. le président.
L’article 2 relève les plafonds d’accès au logement social afin de répondre à notre volonté de renforcer la mixité sociale et urbaine, préalable indispensable à la construction d’un vivre ensemble harmonieux. C’est une urgence !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, territoire de richesses mais aussi de très fortes inégalités, le logement social est en très grande souffrance. Onze des trente-six communes du département sont toujours hors la loi, restant en deçà des 20 % de logements sociaux. Ce chiffre atteint même vingt-deux communes si l’on prend comme référence la barre des 25 % de logements sociaux.
Encore faut-il y regarder de plus près ! Lors du dernier bilan publié en 2015, une certaine commune – Neuilly, pour ne pas la citer – comptait seulement 4,71 % de logements sociaux. Elle comptabilise dans son quota de logements sociaux des places d’hébergement d’urgence, qui consistent en quarante cabines – d’une superficie de neuf mètres carrés ! – sur une péniche gérée par l’Armée du salut et financée par l’État.
Je voudrais également citer la façon assez édifiante dont a été traité le dossier de la résidence universitaire d’Antony, qui comptait initialement plus de 2 000 logements, soit 14 % du parc étudiant d’Ile-de-France. Cet espace de onze hectares a en effet avivé les appétits fonciers spéculatifs puisque, en lieu et place, émergera du logement de haut
Voilà quelques exemples qui me font dire que la proposition de loi de notre groupe a décidément toute sa pertinence !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Je voudrais apporter une précision à nos collègues. En effet, j’ai entendu dire par deux fois quelque chose d’inexact.
M. Philippe Dallier,
rapporteur.
Si, en 2009, dans la loi MOLLE, Mme Boutin avait proposé de diminuer les plafonds, c’était pour une raison bien simple : au cours des années précédentes, ces plafonds de ressources étaient remontés mécaniquement puisqu’ils étaient indexés sur le taux horaire du SMIC. Or, après le vote de la loi sur les 35 heures, les gouvernements de notre majorité ont relevé chaque année, sur quatre ou cinq ans, de 5 % le taux horaire du SMIC, ce qui a provoqué une augmentation mécanique des plafonds de ressources – je n’irai pas jusqu’à dire sans en prendre conscience, mais, en tout cas, l’effet a été là. Quoi qu’il en soit, en 2009, nous sommes revenus à la situation antérieure, qui avait toujours été le niveau moyen des plafonds de ressources.
Quand vous nous proposez de corriger ce qui avait été fait dans la loi MOLLE, vous oubliez la raison pour laquelle précisément cela avait été fait...
La commission des finances ne peut donc que maintenir son avis défavorable sur cet article. Nous restons en effet persuadés que 82 % des ménages éligibles au PLS, car c’est aussi une catégorie de logement social, c’est bien suffisant.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article.
M. le président.
Je ferai quelques remarques sur les raisons qui nous conduisent à élargir les plafonds d’accès au logement social dans notre proposition de loi.
Mme Marie-France Beaufils.
Il ne s’agit pas, comme je l’ai entendu, de chasser du parc les plus fragiles. Je veux le rappeler, les plus fragiles sont de toute façon prioritaires au sein des commissions d’attribution. Cela a d’ailleurs été souligné devant la commission des affaires économiques. Et c’est une réalité que nous connaissons tous ! Il s’agit simplement de permettre à une nouvelle catégorie de population d’accéder au parc public actuel, ce qui favoriserait une véritable « mixité sociale ».
Je rappelle quand même à nos collègues qui semblent l’avoir oubliée une réalité, que j’ai vécue pendant presque une vingtaine d’années d’habitat dans un parc de logement social : la diversité des populations y était présente. À ce moment-là, nous n’avions pas les formes de ghettoïsation que nous connaissons aujourd'hui, qui conduisent à regrouper des populations vivant dans des situations très dégradées et bien souvent catastrophiques, ce qui ne permet pas de donner une qualité de vie à l’ensemble des habitants.
Comme le rapporteur le disait, nous voulons aller jusqu’à la cage d’escalier. Encore faut-il que des candidats illustrant cette diversité puissent arriver jusqu’à la cage d’escalier ! Aujourd'hui, nous ne pouvons guère bouger, parce que les plafonds de ressources bloquent les conditions de cette évolution.
Instituer des îlots de pauvreté dans un parc ancien et dégradé ne peut mener qu’à une société plus violente, parce que la situation est vécue comme plus injuste et inégalitaire par les personnes qui ne peuvent monter dans un ascenseur social particulièrement bloqué. C'est la raison pour laquelle nous pensons que notre proposition tendant à faire évoluer les plafonds de ressources permettrait de progresser. Peut-être faut-il changer le mot « social », qui est accolé au terme de logement, et le remplacer, à l’instar de ce qui se faisait à une époque, par « logement pour tous ». Nous ouvririons ainsi un panel plus large de logements accessibles à beaucoup plus de monde.
Si nous persistons à faire du logement intermédiaire à côté de l’accession à la propriété et à côté du logement social, nous continuerons à avoir des gens qui n’arrivent pas à vivre ensemble.
Je mets aux voix l'article 2.
M. le président.
(L'article 2 n'est pas adopté.)
La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour l’État est compensée, à due concurrence, par la baisse du taux de crédit d’impôt mentionné au III de l’article 244
Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que, si l’article 3, par cohérence avec la suppression des deux premiers articles, n’est pas adopté, ce qui est vraisemblable dans la mesure où il prévoit un gage, il n’y aura plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi. J’invite donc ceux qui souhaiteraient expliquer leur vote sur l’ensemble du texte à le faire dès maintenant.
M. le président.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
Nous sommes satisfaits du débat qui vient d’avoir lieu. Notre groupe a posé une bonne question, qui obtiendra peut-être une réponse prochainement – en tout cas, nous l’espérons.
M. Michel Le Scouarnec.
Mes chers collègues, il y a parmi nous des maires bâtisseurs qui comprennent bien la problématique du logement social et qui ont beaucoup fait dans ce domaine.
Certains continuent à beaucoup agir !
Mme Éliane Assassi.
Oui, certains continuent à le faire. Pour d’autres, parmi lesquels je me compte, cela remonte à un récent passé : je ne suis plus maire !
M. Michel Le Scouarnec.
(Sourires.)
Nous sommes par ailleurs d’accord avec bien des propos qui ont été tenus pendant ce débat : la diversité dans le logement est nécessaire. Peut-être même faudrait-il inventer une nouvelle gamme de logement, en particulier pour notre jeunesse. En effet, les logements en foyer qui existent aujourd’hui sont souvent trop identiques les uns aux autres et ne répondent peut-être pas aux besoins de tous les âges. Une réflexion doit être menée sur ce point.
Notre priorité reste tout de même l’offre de base : un logement de qualité à un loyer abordable. Nous connaissons trop de gens – nous intervenons en leur faveur – qui peinent, mois après mois, à payer leur loyer. Certains arrivent à conserver de justesse leur logement ; d’autres sont expulsés. N’oublions pas non plus les logements insalubres : un énorme travail doit être accompli avec l’ANAH et les bailleurs sociaux pour que les logements offerts soient de qualité et moins énergivores.
Ceux d’entre nous qui ont l’expérience du renouvellement urbain ont été confrontés à des situations douloureuses : il fallait parfois déraciner des familles installées dans un logement depuis vingt ou trente ans, parce que l’offre ne correspondait plus à leurs moyens.
Le logement social représente donc un grand chantier pour notre pays. C’est une grande affaire pour l’emploi : une famille mal logée ne dispose pas de tous les atouts nécessaires pour trouver un emploi ou faire réussir ses enfants à l’école, alors qu’une famille vivant dans le confort a des conditions de réussite tout à fait différentes. Si nous sommes d’accord là-dessus, mes chers collègues, peut-être pouvons-nous faire un bout de chemin ensemble !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Évelyne Yonnet applaudit également.)
Je mets aux voix l’article 3.
M. le président.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
M. le président.
En conséquence, la proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
La séance est reprise.
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi n
M. le président.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à celle des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (proposition n
M. le président.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer ma profonde satisfaction de vous présenter aujourd’hui la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives aux autorités administratives indépendantes ainsi qu’aux autorités publiques indépendantes, textes que j’ai cosignés avec MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard. En effet, leur inscription à l’ordre du jour du Sénat en cette semaine d’initiative parlementaire illustre la trajectoire quasi parfaite d’un travail de contrôle.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique.
Cette proposition de loi et cette proposition de loi organique traduisent sur le plan législatif les propositions formulées dans le rapport de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, qui a été créée en mai 2015 sur l’initiative du groupe du RDSE et que j’ai eu l’honneur de présider. Je veux rendre ici hommage à la qualité du travail accompli par son rapporteur, Jacques Mézard. Nous avons conduit les investigations de la commission en partageant les mêmes convictions quant à la manière de procéder : pas de chasse aux sorcières mais une revue de détail. Ainsi, à travers plus de quarante-deux auditions et l’élaboration d’un questionnaire approfondi sur les modalités de création, de fonctionnement et de contrôle des autorités administratives indépendantes, ainsi que sur les règles de leur composition, nous sommes parvenus à formuler des conclusions et à des préconisations qui ont été adoptées à l’unanimité des membres de la commission d’enquête.
L’adoption de ces deux propositions de loi, aujourd’hui au Sénat et – pourquoi pas ? – demain à l’Assemblée nationale, donnerait tout son sens à la fonction de contrôle du Parlement.
Comme je l’ai dit il y a un instant, nous entendions non pas mener une chasse aux sorcières, mais bien plutôt nous inscrire dans le droit fil des travaux du doyen Patrice Gélard, notre ancien collègue ; celui-ci, à travers deux rapports remis respectivement en 2006 et en 2014, s’inquiétait de la prolifération de ces autorités dépourvues de véritable définition juridique.
Le constat est en effet peu satisfaisant. Depuis la création, en 1978, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, plus de quarante autorités ont vu le jour sans corpus juridique et déontologique commun, alors même que certaines d’entre elles exercent des prérogatives considérables dans des secteurs clés. Les raisons d’être de ces organes sont variées et loin d’être toutes justifiées. Parfois, il s’agissait de garantir l’exercice de libertés publiques : tel est l’objet de la CNIL, du Défenseur des droits ou encore du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Dans d’autres cas, il convenait de réguler des secteurs économiques s’ouvrant à la concurrence et dans lesquels l’État constituait un acteur historique de poids. On peut citer l’Autorité de la concurrence, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou encore l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Dans ces deux derniers cas, l’État « contrôleur » veille à travers l’autorité administrative indépendante au respect des règles définies par l’État « acteur » au titre de ses compétences régaliennes ou en tant qu’acteur économique. La création d’une autorité administrative indépendante répondait aussi parfois à des obligations internationales ou européennes.
Force a été de constater que toutes ces autorités ne répondent pas à des critères juridiques bien identifiés. Le Conseil d’État lui-même, dans son rapport public de 2001, invoquait autant la nécessité que le hasard pour justifier la création d’un certain nombre d’entre elles. Depuis lors, ce glissement n’a fait que s’accélérer : certaines autorités indépendantes ont été créées pour permettre à l’État, en quelque sorte, de se défausser. Il s’agissait de répondre à un scandale politique, avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ou encore de ne pas assumer des décisions impopulaires, avec la HADOPI ou le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Ça, c’est vrai !
Mme Corinne Bouchoux.
Bien plus, le mode de création de ces autorités ne respecte aucune règle juridique précise : une autorité administrative indépendante peut certes être créée par la loi, qui la qualifie comme telle d’emblée, mais le législateur peut aussi accorder cette qualification
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
a posteriori
Pour mettre fin à cette situation peu satisfaisante, l’article 1
La proposition de loi établit donc un statut général pour ces autorités.
Sans entrer dans le détail, j’insisterai ici sur trois points qui m’apparaissent particulièrement importants.
Les règles applicables au mandat des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes sont harmonisées : la durée du mandat est fixée à six ans ; il est non révocable et non renouvelable.
Les règles déontologiques sont renforcées – s’agissant notamment des incompatibilités ou des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale – et harmonisées, tant pour les membres que pour les personnels de ces autorités.
Les modalités de leur contrôle sont précisées, afin que le Parlement puisse effectivement l’exercer. Le texte prévoit notamment la remise au Gouvernement et au Parlement d’un rapport annuel, qui constituerait le support d’un débat en séance publique. Il est également demandé au Gouvernement de présenter, en annexe générale au projet de loi de finances pour l’année, un rapport sur la gestion de ces autorités, construit sur des critères détaillés permettant d’établir des comparaisons et un suivi. Il s’agit là d’un élargissement bienvenu tant du périmètre que du contenu du « jaune budgétaire » actuel.
Je souligne en outre que le contrôle du Parlement pourra s’exercer également à travers la procédure de nomination du président de ces autorités administratives indépendantes. La proposition de loi organique complète le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010, afin que l’ensemble des présidents de ces autorités soient soumis à la procédure de nomination prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
En conclusion, je souhaite insister sur un point – nous y reviendrons dans le débat. Il s’agit, évidemment, de la liste des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes figurant en annexe de la proposition de loi.
Cette liste comprend vingt autorités et a été élaborée après un examen attentif par la commission d’enquête. Il s’agit bien ici de simplifier le paysage administratif afin de rendre plus lisible l’action de l’État et plus opérant le contrôle du Parlement. La liste retient des autorités réellement indépendantes, dotées d’un pouvoir normatif effectif de régulation ou de sanction. Celles qui ne sont pas retenues ne sont pas supprimées pour autant, tant s’en faut. Elles doivent pouvoir être requalifiées. Le titre importe peu : agence, observatoire, voire commission…
Il est évident que les avis sur les instances qui méritent l’appellation d’autorité administrative indépendante seront nuancés selon que l’on s’intéresse plus spécifiquement à tel ou tel secteur. Mais n’oublions pas, mes chers collègues, l’objectif général : la simplification. Celui-ci doit constituer, pour nous, une ardente obligation. Le débat est ouvert – et sera animé par la discussion de plusieurs amendements – ; mais, avec cette liste de vingt autorités, nous ne sommes pas loin de la vérité !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais moi aussi dire ma satisfaction qu’au terme des travaux de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, menés dans les derniers mois de l’année 2015, nous puissions dès aujourd’hui donner une traduction législative aux propositions qu’elle a formulées. C’est la démonstration que le Sénat peut travailler vite et bien, et pas simplement après engagement de la procédure accélérée…
M. Jacques Mézard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Nous vous présentons aujourd’hui, Marie-Hélène Des Esgaulx – qui a présidé avec talent la commission d’enquête et vient de parfaitement résumer l’essentiel de nos objectifs –, Jean-Léonce Dupont et moi-même, deux textes qui, s’ils sont, comme je le souhaite, adoptés par le Sénat, devraient avoir ensuite une vie législative à l’Assemblée nationale. Il y va en effet de l’intérêt général, lequel exige plus de simplification et plus de transparence. Ces deux objectifs devraient être partagés par tous, y compris par les membres du Gouvernement…
Je ne reviendrai pas sur le constat que la commission d’enquête a mis en lumière : la prolifération, depuis trente ans, des autorités administratives indépendantes, sous des formulations diverses, place le Parlement face à une mosaïque d’organismes aux budgets, aux compétences et aux pouvoirs d’une variété sans commune mesure. Si les juristes avaient le même goût que les botanistes pour les herbiers, ils collectionneraient, avec les AAI, une flore insoupçonnée, que nous avons eue, quant à nous, l’occasion de découvrir.
Face à cette situation, notre ancien collègue, le doyen Gélard, avait frayé dès 2006 un chemin, dont il avait rappelé les contours, avant de quitter le Sénat, en 2014. Dresser la liste des AAI et des API par la loi et leur conférer un statut général qui, sans nier leur spécificité, forme un corpus commun de règles : telles sont les préconisations que la commission d’enquête a faites siennes et que la commission des lois a unanimement approuvées. Je tiens d’ailleurs à remercier mes collègues de tous les groupes, qui ont participé à cette commission d’enquête avec un esprit constructif jamais démenti.
L’attribution au législateur de la compétence exclusive pour créer une AAI ou une API relève d’une évidence qui s’est d’ailleurs imposée progressivement dans la pratique, même si cette règle a connu une exception, avec la création d’une autorité par le pouvoir réglementaire sans fondement législatif. En effet, dès lors que la création d’une autorité indépendante a des implications indéniables en matière d’organisation administrative et – n’ayons pas peur de le dire – en matière de séparation des pouvoirs, il est normal que le consentement du Parlement soit requis.
On peut difficilement admettre que le Gouvernement décide seul de créer une telle autorité ou de reconnaître
a posteriori
La responsabilité n’emprunte certes pas, s’agissant de ces autorités, les mêmes voies que celles qui président au contrôle du Gouvernement par le Parlement. Pour autant, on ne peut, à l’inverse, en conclure qu’elles doivent en être exonérées – bien que certaines le revendiquent expressément. Ce contrôle doit s’exercer de manière d’autant plus complète qu’il incombe à certaines de ces autorités la responsabilité de conduire un pan entier des politiques publiques. Qui nierait aujourd’hui que le CSA est devenu le véritable « ministère de la communication » ou que la politique en matière de concurrence relève pleinement de l’Autorité de la concurrence ?
Au vu des conséquences de la décision qui consiste à reconnaître la qualité d’AAI ou d’API à un organisme, cette prérogative doit être réservée au législateur. Ce principe est posé à l’article 1
La commission des lois s’est accordée sur la nécessité de rendre une homogénéité à la catégorie de ces autorités indépendantes, en y incluant les autorités dont les caractéristiques, sans être identiques, sont suffisamment proches.
Votre commission a considéré que recevoir la qualité d’AAI supposait, comme l’expression le commande, d’une part, d’être une autorité administrative et, d’autre part, de disposer d’une indépendance à l’égard du Gouvernement. Les auteurs de la liste retenue par la commission d’enquête et figurant en annexe de la présente proposition de loi ont ainsi pris soin d’écarter les organes qui ne disposaient pas de pouvoirs de décision ou de contrainte à l’égard de tiers. La simple fonction consultative ou de médiation ne justifie pas la qualité d’autorité administrative indépendante. Loin de constituer une remise en cause du bien-fondé de la mission confiée aux autorités auxquelles n’est pas reconnue cette qualité, ce principe se borne au constat selon lequel le pouvoir de recommander, de proposer ou d’interpeller publiquement ne s’analyse pas en un pouvoir contraignant.
Lorsqu’une autorité satisfait à ce critère, il appartient au législateur de décider s’il souhaite lui conférer la qualité d’autorité administrative indépendante ou d’autorité publique indépendante. Le Parlement possède une compétence discrétionnaire, sans être arbitraire, pour juger quel organisme doit – ou ne doit pas – figurer sur cette liste. Dès lors, cette liste est toujours susceptible d’évolution, dans un sens ou dans un autre. Il n’existe aucun droit acquis à être une AAI.
Je voudrais, à cet égard, dissiper un malentendu sur la liste : celui qui consiste à penser que la qualification d’AAI résulte de manière automatique d’obligations européennes ou internationales contractées par la France. Le rapport de la commission d’enquête prouve incontestablement que face à une même exigence européenne ou internationale, les États concernés ont traduit l’impératif d’indépendance par des formules juridiques tout à fait variées. Là encore, être indépendant ne signifie pas forcément être une AAI, au contraire de ce qu’un raccourci facile peut suggérer.
Je voudrais également lever certaines craintes relatives aux effets de cette liste. Les membres de plusieurs autorités qui n’y figurent pas – pour certaines, parce que la loi ne les a jamais expressément qualifiées d’AAI – ont ressenti cette absence comme un « désaveu », voire comme une « déchéance » ou une éviction. Gardons-nous d’adopter une approche si peu rationnelle et observons la situation avec la distance nécessaire.
Je voudrais rappeler que, contrairement à ce qui a pu être avancé, l’exclusion de la catégorie des AAI ne signifie pas la disparition de l’organisme, ni même la fin de son indépendance. D’une part, les textes adoptés par la commission ne remettent en cause l’existence d’aucune autorité. Mieux, ils ne modifient les attributions et les prérogatives d’aucune d’entre elles – tel n’était d’ailleurs pas l’objectif de la commission d’enquête. D’autre part, l’indépendance n’est pas la prérogative exclusive des organismes possédant le statut d’AAI. Dans le cas contraire, il faudrait admettre que la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations ou encore le Haut Conseil des finances publiques ne sont pas indépendants, au seul motif qu’ils ne sont pas des AAI. Nous savons qu’il n’en est rien.
À côté des AAI et des API, dont le statut répond à des critères particuliers, peuvent exister des organismes qui, sans appartenir à ces catégories, présentent des gages d’indépendance, par leur antériorité, par leur composition, par l’absence de directives gouvernementales dans la conduite de leurs travaux.
Bref, que certains organismes ne figurent pas au sein de cette liste ne signifie nullement leur anéantissement. Formes abouties de l’indépendance, les AAI et les API n’en ont pas le monopole. Toutes doivent, quoi qu’il en soit, respecter une limite intangible : l’indépendance ne peut se concevoir à l’égard du Parlement. Représentants du peuple, les parlementaires doivent pouvoir demander à tout organe non juridictionnel de rendre compte de son administration devant eux.
J’en viens à la deuxième mission à laquelle s’est attachée la commission des lois lors de l’établissement du texte : fixer pour ces autorités un statut général, suffisamment ambitieux pour être utile, mais suffisamment général pour ne pas entraver le fonctionnement habituel de ces autorités dans le carcan de règles trop précises. La création d’un statut général est, au fond, l’aboutissement logique d’une convergence progressive que le législateur a engagée lorsqu’il s’est agi de fixer, par rapprochement, les règles applicables à plusieurs nouvelles autorités.
Peut-on pour autant se satisfaire de cette situation, où les règles, éclatées au sein de différents codes et lois, se trouveraient harmonisées de manière contingente ? Le secrétaire général du Gouvernement le croit, comme il me l’a confirmé lors de son audition, et ne manquera pas, j’en suis sûr, de renouveler sa position par votre voix, monsieur le secrétaire d’État. Telle n’est pas notre position, et le débat que nous aurons, à travers la discussion des articles, aura le mérite de « remettre à plat » des règles décidées au regard des particularités d’une seule autorité, sans réflexion d’ensemble. Ces règles sont aujourd’hui considérées comme normales ; mais lorsqu’elles sont inscrites dans un statut général, elles suscitent la discussion – preuve que le débat parlementaire n’est pas inutile.
La création d’un statut général est également le moyen de comparer les règles qui garantissent l’indépendance de ces autorités, pour constater que si certains statuts répondent aux « canons » de l’indépendance – je pense au CSA ou à la HATVP –, d’autres sont pour le moins lacunaires, pour ne pas dire surprenants. Peut-on, par exemple, se satisfaire que la durée du mandat du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et les règles déontologiques qui lui sont applicables relèvent d’un simple décret ? Peut-on admettre que le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers soit agréé par le ministre avant sa nomination ? Ces exemples, pris isolément, peuvent susciter une compréhension passagère, mais ils constituent des curiosités juridiques que l’élaboration d’un statut général met particulièrement en lumière.
Une précision s’impose pour clarifier l’articulation de ce statut général avec les statuts particuliers de chaque autorité : le statut général, comme le précise l’article 3 de la proposition de loi, a vocation à s’appliquer « sauf disposition contraire ». Il s’agit là de la garantie la plus forte contre toute visée d’uniformisation.
Avec ce statut général, la commission s’est accordée sur quelques règles essentielles.
Un membre d’une AAI ou d’une API doit disposer d’un mandat non révocable et non renouvelable. Ce mandat doit lui assurer un droit à rémunération et à indemnité dès lors que des fonctions importantes lui sont confiées.
Un même membre ne peut exercer, par opposition à certaines situations révélées par la commission d’enquête, plusieurs fonctions au sein de plusieurs autorités. Pour répondre aux observations formulées par plusieurs AAI, je souhaite souligner qu’une telle incompatibilité ne fait pas obstacle à la présence de membres d’une autorité dans le collège d’une autre lorsque la loi le prévoit expressément, comme entre la CNIL et la CADA. Ce n’est ici que l’application de la règle selon laquelle les lois spéciales dérogent aux lois générales.
Mes chers collègues, les dispositions que nous avons prévues permettront, de manière démocratique, d’aboutir à une harmonisation souhaitable, voire indispensable. Ainsi, l’incompatibilité générale entre le mandat au sein d’une AAI et la détention d’intérêts au sein du secteur régulé, laquelle a suscité des réactions, présente certes des risques. Il est cependant nécessaire, pour des raisons de principe, d’aller dans ce sens. Reste que les soupçons ne sont pas infondés quand on connaît les difficultés rencontrées par la HATVP pour contrôler le respect des obligations déontologiques en matière d’instruments financiers ou quand l’on songe que, à la date du 8 octobre 2015, 20 % des membres de l’Autorité de la concurrence n’étaient pas en règle au regard de leurs obligations déclaratives à l’égard de la HATVP !
M. Jean-Claude Requier.
C’est un exemple parmi d’autres…
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
La proposition de loi et la proposition de loi organique que nous soumettons à votre examen vont dans un sens de simplification et de transparence et sont nécessaires au bon fonctionnement de nos institutions.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et la proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes représentent la traduction législative des conclusions d’une récente commission d’enquête sénatoriale, dont nous venons d’entendre deux des prestigieux animateurs.
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Ces conclusions ont livré une analyse sévère de ces structures, jugées trop nombreuses, insuffisamment contrôlées et propices à un recrutement endogamique, à une sorte d’« entre soi », pour reprendre les termes employés dans le rapport. Ces éléments ont été excellemment développés par les deux précédents orateurs.
Les textes que nous examinons aujourd’hui encadrent et clarifient, à juste titre, les autorités administratives indépendantes. Ils identifient celles pour lesquelles ce statut apparaît légitime, supprimant en conséquence cette qualité aux autres.
Plusieurs de ces autorités interviennent dans les secteurs de compétence de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui s’est en conséquence saisie pour avis, dans le respect des prérogatives de la commission des lois, de plusieurs articles traitant respectivement de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, de la Commission nationale d’aménagement cinématographique, la CNAC, de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et du Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le HCERES.
La commission de la culture a suivi les coauteurs des deux textes que nous examinons, en admettant la pertinence du retrait de la liste annexée à l’article 1
Nos propositions ayant été retenues ou satisfaites par la commission des lois, lors de sa réunion du 27 janvier dernier, pour ce qui concerne le CSA, le HCERES et les conditions de l’indépendance des médiateurs du cinéma, du livre – en attendant celui de la musique, dont nous parlerons la semaine prochaine à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine –, je limiterai mon intervention aux difficultés que pose le présent texte s’agissant de l’ARDP et de la HADOPI. Je précise que la commission des lois a souhaité que les amendements déposés sur ces deux questions soient examinés en séance.
La commission de la culture a jugé qu’il était essentiel que l’ARDP, autorité de régulation de la presse écrite, demeure libre à l’égard des éditeurs de presse et qu’elle continue à être une AAI, statut qui lui a été conféré récemment, et à l’unanimité, par la loi du 17 avril 2015.
Son coût est limité pour le budget de l’État et sa nouvelle mission, fort délicate, d’homologation des barèmes des messageries de presse et de régulation des conventions régissant les réseaux et différents niveaux de distribution de la presse écrite, nécessite une indépendance accrue vis-à-vis des acteurs de la distribution. Le renforcement de son rôle a d’ailleurs été accepté par tous les acteurs concernés. Vous pouvez lire le rapport de 2015 qui a été publié à cet égard.
La Cour d’appel de Paris en 2013, puis en 2015, et surtout le Conseil constitutionnel dans une décision du 7 janvier 2016 se sont d’ailleurs fait l’écho de cette indispensable indépendance. Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, retenu la qualification d’AAI.
J’ajoute, pour gagner du temps sur le débat d’amendements, qu’en arrière-plan de l’ARDP il y a la loi Bichet du 2 avril 1947, qui a organisé la solidarité entre les différents formats de presse écrite et qui garantit la pérennité de la presse d’information politique et générale, dite IPG. Nous touchons donc là à des sujets d’importance en termes d’exercice des libertés publiques.
Quant à la HADOPI, notre commission estime que son indépendance constitue la condition indispensable à l’établissement d’un équilibre entre les intérêts antagonistes des ayants droit et des consommateurs d’œuvres culturelles sur internet et à la garantie de la sécurité juridique nécessaire à la mise en œuvre de la réponse graduée, notamment pour ce qui concerne la protection des données personnelles des internautes et la régulation des mesures techniques de protection, les MTP. Sur ce point, la HADOPI dispose de pouvoirs précontentieux, ce qui nécessite de recourir au statut d’AAI, y compris dans le cadre fixé par la proposition de loi et par la proposition de loi organique.
Au travers de trois amendements, la commission de la culture souhaite donc rétablir ces deux autorités, l’ARDP et la HADOPI, dans leur statut existant, en les intégrant à la liste annexée à l’article 1
(Applaudissements.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons la proposition de loi et la proposition de loi organique déposées par Marie-Hélène Des Esgaulx, Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard, qui visent à instaurer un statut unique pour les AAI et les API.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
La notion d’API est claire : les autorités publiques indépendantes sont des autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité juridique. Cette catégorie est précisément définie et l’on en décompte sept, qui ont toutes été créées par la loi.
La catégorie des AAI a été créée par le Parlement pour la première fois en 1978 à propos de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Elle est moins précisément définie puisque, si la qualification d’AAI résulte le plus souvent de la loi, elle peut aussi provenir d’un acte réglementaire, de la jurisprudence, d’un avis des formations consultatives du Conseil d’État ou d’une analyse de caractère doctrinal.
À cette diversité d’origine s’ajoute une diversité de finalités, si bien que c’est en vain que l’on tente de les classifier.
Ce constat et cette analyse sont partagés par le Gouvernement. Or, face à cet éventail très large de possibilités, il est tout à fait légitime de s’interroger sur les garanties communes offertes en matière de déontologie, d’indépendance ou de rationalisation des modes de fonctionnement de ces autorités. Le Gouvernement souscrit totalement à ces objectifs, mais, pour les atteindre, il ne préconise pas le même chemin.
Je tiens aussi à dire que, en dépit des améliorations nécessaires sur lesquelles nous travaillons déjà, je n’approuve pas la lecture très à charge que vous proposez des AAI. Ces dernières effectuent souvent un travail remarquable, que je tiens à saluer. Je ne crois pas que l’absence de statut unique suffise à justifier un tel climat de suspicion.
Face à la disparité des situations, vous proposez de voter une loi et une loi organique qui portent statut commun des AAI et des API. C’est une idée ancienne, maintes fois débattue au sein de chaque assemblée.
Sur la durée, ce sujet a conservé tout son intérêt, mais il a évolué, et la réponse apportée sous la forme d’un statut commun a perdu de sa pertinence.
D’abord, la situation a beaucoup changé ces dernières années, et les lois qui s’appliquent déjà aux AAI et aux API constituent un cadre qui, s’il n’est pas uniforme, traduit des principes et des règles communes d’organisation et de fonctionnement. Il existe en la matière des législations diverses, et je vous renvoie à cet égard au rapport du sénateur Gélard de 2014.
Concernant le pouvoir de nomination du Président de la République, l’article 13 de la Constitution impose, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, que ce pouvoir s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Parlement est ainsi associé à la nomination du président des principales AAI. La loi organique du 23 juillet 2010 retient seize AAI dans son champ.
En matière de transparence, l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que « les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes » adressent une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts.
En matière de parité, il y a l’ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
En matière budgétaire, l’article 75 du décret du 7 novembre 2012, dit « GBCP » – gestion budgétaire et comptable publique –, donne au président d’une AAI la qualité d’ordonnateur secondaire, sauf disposition législative contraire.
Les jurisprudences administrative et constitutionnelle fixent également des principes communs à l’ensemble des autorités. Le statut personnel des membres du collège doit ainsi assurer l’indépendance de l’autorité. Celle-ci repose notamment sur l’irrévocabilité du mandat.
D’autres règles, liées à la notion d’indépendance, sont le plus souvent retenues : durée fixe et assez longue du mandat et caractère non renouvelable de ce mandat, un régime particulier d’incompatibilités.
Ensuite, la plupart des dispositions contenues dans la proposition de loi et la proposition de loi organique reprennent des principes et des règles qui s’appliquent déjà aux AAI et aux API. Il en est ainsi de l’article 1
L’article 2 prévoit qu’une API dispose de la personnalité morale. La proposition de loi ne fait sur ce point que transcrire la définition de l’API, qui est précisément une AAI dotée de la personnalité morale.
Aux termes de l’article 16, il faut un règlement intérieur pour chaque AAI et API. La plupart des AAI disposent déjà d’un règlement intérieur. Le fait de subordonner l’intervention du règlement intérieur à un décret en Conseil d’État constituerait un alourdissement important de la procédure.
Selon l’article 19, le président de l’autorité est ordonnateur des recettes et des dépenses. Cette disposition s’applique déjà pour la plupart des autorités. À titre d’exemple, l’Autorité de la concurrence, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le CSA, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou encore l’Autorité des marchés financiers l’appliquent déjà.
L’article 22 prévoit un rapport au Gouvernement et au Parlement. Toutes les autorités recensées par la proposition de loi sont soumises à cette obligation par les dispositions législatives qui leur sont propres, comme le constatait déjà le sénateur Gélard en 2014.
Je veux maintenant revenir sur un certain nombre de difficultés que posent vos propositions et qui justifient la position du Gouvernement.
Si plusieurs règles relatives à la déontologie, à l’impartialité et à l’indépendance sont désormais communes à toutes les AAI, il est en revanche très difficile d’imaginer bâtir un cadre commun. Celui-ci ne pourrait pas tenir compte de la variété des missions et des champs d’action des autorités. Par conséquent, les bonnes mesures pour les unes sont parfois injustifiées, voire inappropriées pour les autres. Prévoir un cadre législatif commun présenterait de nombreux inconvénients : un statut unique pourrait difficilement permettre de répondre à la diversité de fait des autorités.
Quant à l’article 8 relatif au non-renouvellement des mandats des membres des AAI, cette règle peut s’avérer indispensable dans certains cas, mais contre-productive dans d’autres, par exemple quand la technicité de la matière peut rendre utile un renouvellement.
L’article 11 porte sur l’incompatibilité de la présidence d’une autorité avec tout autre emploi public. Cette règle est utile quand la présidence est un emploi à plein temps, mais très inadéquate dans le cas contraire.
Sur l’article 9, portant sur l’incompatibilité entre les fonctions de membre du collège et de la commission des sanctions, une fois encore, ces règles ne prennent pas en compte la diversité d’organisation des autorités.
Le Conseil constitutionnel s’assure que les fonctions de poursuite et d’instruction sont effectivement séparées du pouvoir de sanction au sein d’une AAI, conformément au principe d’impartialité. Cela n’impose pas que le législateur soit tenu d’organiser une séparation organique de ces différentes fonctions. Une séparation fonctionnelle peut satisfaire aux exigences constitutionnelles, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à l’Autorité de la concurrence.
Certaines dispositions des deux propositions de loi vont également à l’encontre de la volonté du législateur ou du Gouvernement. Elles reviennent à remettre en cause des décisions récentes. Je pense au retrait de la qualité d’AAI à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ; à la suppression de la qualité d’API à la HADOPI, qui est transformée en établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture, alors qu’elle poursuit des missions correspondant à celle d’une autorité indépendante.
D’autres propositions paraissent soulever de réelles difficultés constitutionnelles : la suppression de la qualité d’autorité à la Commission consultative du secret de la défense nationale, alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC du 10 novembre 2011 se fonde notamment sur cette qualité pour reconnaître la constitutionnalité de la procédure de déclassification dont elle a la responsabilité.
L’article 11 de la proposition de loi et l’article 2 de la proposition de loi organique prévoient une incompatibilité avec tout mandat électif. Une telle mesure peut être justifiée dans certains cas si l’autorité prend des décisions ayant un impact local, sur les questions de réseaux par exemple. Certaines dispositions législatives le prévoient déjà. Mais cette règle posée de manière générale serait-elle pertinente et constitutionnelle, notamment au regard de la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC du 28 novembre 2014 ?
En conclusion, il n’apparaît pas nécessaire de bâtir au forceps un cadre juridique commun à toutes les autorités, qui ne tiendrait pas compte de leur diversité et appliquerait des règles parfois inadaptées.
À la marge, la très grande diversité des domaines d’intervention et des modalités d’action des autorités peut nécessiter des différences d’organisation et de fonctionnement, qui ne sont pas nécessairement des marques de dysfonctionnement. C’est pourquoi l’orientation que le Gouvernement retient depuis quelques années est certainement la plus pragmatique et la plus opérationnelle : continuer à identifier les thèmes communs pour les traiter un à un, sans pour autant imaginer une grande loi-cadre qui ne pourrait être adaptée à chacune d’entre elles.
Il ne s’agit pas, tant s’en faut, de renoncer aux objectifs vertueux poursuivis au travers de votre initiative. Nous proposons seulement d’être plus pragmatiques et plus agiles en choisissant l’harmonisation, la rationalisation, la mutualisation. Autant de sujets concrets auxquels le statut commun ne répond que très partiellement.
Je peux citer des projets très intéressants qui sont, par exemple, développés pour mutualiser les fonctions support.
Sous l’impulsion de la DSAF, la Direction des services administratifs et financiers, un processus de mise en commun de certaines fonctions support des services du Premier ministre et des AAI a été engagé. Les objectifs sont d’adopter une réponse collective à la contrainte de réduction des effectifs et de développer un mode de fonctionnement plus collaboratif entre les services.
Toutes les fonctions support sont étudiées : logistique-immobilier, informatique-téléphonie, ressources humaines, finances-achats. Encore une fois, ces projets très concrets viennent illustrer l’approche opérationnelle retenue par le Gouvernement, au service, je le crois, des mêmes objectifs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, pour l’ensemble de ces raisons le Gouvernement donne un avis négatif sur ces deux textes.
(Au banc du Gouvernement, M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes succède à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.)
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, les deux propositions de loi que nous examinons aujourd’hui sont le produit d’un remarquable travail de contrôle parlementaire mené par la commission d’enquête sur le fonctionnement des autorités administratives indépendantes. Il faut le souligner, notre débat d’aujourd'hui démontre une nouvelle fois le dynamisme du contrôle parlementaire au Sénat.
M. Vincent Delahaye.
Concernant le fond de notre débat, je crois que le constat est clair. Nous assistons depuis quelque temps à une multiplication notable des autorités administratives indépendantes. Lorsque la notion fut développée par la doctrine et le législateur à la fin des années soixante-dix, il n’existait alors que la CNIL et la CADA. Les autorités administratives indépendantes avaient ainsi vocation soit à faciliter les relations entre le citoyen et l’administration, soit à saisir par le droit des phénomènes nouveaux, à l’image du numérique.
Aujourd’hui, nous comptons plus d’une quarantaine de structures qui peuvent se prévaloir de la qualité d’AAI. Certaines ont la personnalité juridique, d’autres non. Certaines sont de « hautes autorités », alors que d’autres ne sont qualifiées que de « conseils » ou de « commissions ».
Au-delà de la diversité des textes instituant ces structures, de la disparité des régimes et des dénominations, nous avons parfois devant nous des structures disposant à la fois d’un important pouvoir normatif en tant que régulateur sectoriel, d’un important pouvoir parajuridictionnel, au moyen de la possibilité d’adresser des sanctions, et d’un pouvoir administratif de fait.
Nous avons beau nous étonner d’une pareille confusion des pouvoirs, on nous répond que cela n’est pas grave puisque ces administrations sont « indépendantes ». Certaines de ces autorités disposent de pouvoirs exorbitants en matière d’enquête ou d’investigation : peu importe, elles sont « indépendantes ».
Pourtant, la commission d’enquête a bien démontré que derrière ce label de l’indépendance pouvait se cacher une forme d’entre soi des grands corps de l’État, d’esprit de club au moyen duquel on passe de cabinet ministériel en juridiction administrative, puis en autorité administrative indépendante. Cette situation est problématique, car la multiplication des AAI, dans des secteurs aussi divers que les marchés financiers, le numérique, les données personnelles, la bioéthique, et avec de tels pouvoirs tend progressivement à déposséder le Gouvernement comme le Parlement de leur propre pouvoir d’appréciation dans des domaines qui sont par nature législatifs.
En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas abandonner une partie de notre compétence quotidienne à des structures dont le personnel n’est pas élu sans cautionner
À ce titre, les deux textes que nous allons examiner proposent une solution globalement équilibrée pour harmoniser le cadre légal dans lequel existent les AAI. Je me félicite surtout que nous puissions enfin disposer d’une liste de rang législatif. L’indépendance qui sert de fondement à l’autorité des AAI trouve enfin un contenu réel et concret, différent du corps administratif d’origine des membres de ces organismes.
Le titre I
En matière de déontologie, ces textes fixent un niveau exigeant mais nécessaire. Les auteurs proposent un régime d’incompatibilités comparable à celui des parlementaires, ce qui me semble être un gage de saine administration. La commission des lois a accepté que les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soient soumis à l’exercice de la déclaration de patrimoine, ce qui est une exigence d’exemplarité de bon sens. Il est peut-être regrettable que cette exigence n’ait pas été élargie à d’autres autorités.
Enfin, en matière de contrôle parlementaire, ces textes affirment clairement les moyens grâce auxquels le Parlement peut contrôler ces autorités réglementaires. Les AAI devront ainsi rendre compte de leur activité devant la représentation nationale, au moins par la présentation d’un rapport. Elles devront également se soumettre aux convocations des commissions permanentes, qui pourront, par ce biais, bénéficier plus aisément du produit de leurs travaux. Enfin et surtout, la proposition de loi organique permet d’étendre la liste des personnalités dont la nomination par le Président de la République est soumise à l’autorisation du Parlement selon la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.
Ces deux propositions de loi n’enlèvent rien aux spécificités des AAI, qui peuvent avoir besoin de disposer de compétences particulières pour l’exercice de missions déterminées. Ainsi, le travail du Sénat apportera davantage de clarté et de démocratie à cette nébuleuse d’électrons administratifs libres de toute attache gouvernementale. Ce travail a été conforté par l’analyse de la commission de la culture et de son rapporteur pour avis, Philippe Bonnecarrère, sans oublier les observations formulées au nom de la commission des lois par son rapporteur Jacques Mézard.
Quelques points restent encore à traiter, notamment sur la liste des AAI annexée à la proposition de loi ordinaire. Bien que la présence sur cette liste ne fasse qu’attester d’un label sans remettre en cause l’existence des organismes qui ne seraient pas mentionnés, nous ne pouvons traiter cette question à la légère. Nous n’imaginons pas l’impact sectoriel de la dégradation d’un régulateur du rang d’AAI au rang de simple autorité administrative. Nous n’imaginons pas l’impact d’une telle décision sur l’exercice de ses compétences ni sur son fonctionnement interne. J’espère que nous parviendrons, au cours de l’examen en séance publique, à trouver un consensus sur la liste des AAI et que le Sénat parviendra ainsi à envoyer à l’Assemblée nationale des propositions solides.
Aussi, comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, les sénateurs du groupe UDI-UC soutiendront l’adoption de ces deux propositions de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
La parole est à M. Alain Richard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est sans doute judicieux et heureux que nous ayons ce débat puisque la tonalité de certaines interventions que nous avons entendues exprime clairement une méfiance, voire une hostilité de principe à l’encontre des autorités administratives indépendantes.
M. Alain Richard.
La proposition de loi de nos collègues, telle qu’elle ressort de la réflexion des uns et des autres et des débats de la commission, tranche l’affaire : les autorités administratives indépendantes sont légitimes ; elles ont été, pour l’essentiel, créées par le législateur. Il s’agit, à travers ce texte, de donner aux autorités et surtout aux membres de leurs collèges un statut plus homogène, ce qui en confirme la complète légitimité. De ce point de vue, si, comme je l’espère, cette proposition de loi est adoptée, il me semble que nous franchirons un moment significatif dans l’histoire de nos institutions administratives.
Quand on considère les compétences des autorités indépendantes, on voit que leur mission relève du champ de l’exécutif ; il s’agit de pouvoirs administratifs. Il y a par conséquent quelque paradoxe à considérer que ces autorités retireraient quoi que ce soit au législateur – j’y reviendrai – ; c’est au contraire au pouvoir hiérarchique du Gouvernement qu’elles retirent quelque chose : elles soustraient à ce pouvoir hiérarchique des matières relevant de sa compétence.
Permettez-moi d’évoquer un très lointain souvenir personnel : j’ai fait partie, voilà plus de quarante ans, de la petite équipe du Conseil d’État mandatée, je crois, par le ministre de la justice du premier gouvernement du septennat de M. Giscard d’Estaing. Celui-ci, dans une démarche de modernisation et d’ouverture de la société, souvenons-nous-en, s’était saisi de cette grande peur circulant dans la société des années soixante-dix à propos des fichiers et des traitements informatiques. L’idée d’un croisement des fichiers de personnes et d’un système de dispersion généralisée de leurs données prévalant à l’époque avait conduit le Gouvernement à chercher une solution nouvelle pour réguler les flux d’informations informatiques.
Le souvenir assez souriant que j’en conserve est celui de la recherche d’une nouvelle autorité qui serait assez légitime, socialement et culturellement, pour contrôler de façon assez intrusive le développement de ces traitements d’information. Dans le cadre d’une méthode typique du travail du Conseil d’État, nous avions procédé par tâtonnement et nous avions abouti à l’idée d’une institution mixte, comportant des représentations de divers institutions ou secteurs de la société et qui jouirait d’une indépendance vis-à-vis de l’exécutif.
Ainsi en sommes-nous arrivés, sous l’autorité du président Bernard Tricot, à définir ce modèle administratif, que nous appelions, entre nous, avant d’avoir construit le modèle complet, « l’instance », puisqu’il s’agissait d’une forme institutionnelle nouvelle. Cela me faisait penser à certaines formules que l’on trouve dans les romans de Julien Gracq pour désigner des institutions qui flottent dans l’espace et dont on a du mal à comprendre le rattachement.
(Sourires.)
Ce mécanisme s’est reproduit à plusieurs reprises – Mme Des Esgaulx en a bien décrit le cheminement –, tout d’abord en raison de contradictions au sein de la société entre des écoles de pensée, des groupements sociaux et des intérêts entre lesquels il fallait arbitrer, dans une situation où l’État était, selon l’expression consacrée, juge et partie. On a ainsi considéré que l’octroi à un collège, non à une autorité hiérarchique unique, de pouvoirs relevant indiscutablement de l’État constituait une bonne réponse à ces problèmes de société.
Ont ensuite émergé – j’en dirai un mot lors de la discussion des articles – des enjeux économiques, relatifs notamment à l’ouverture à la concurrence ou à la pluralité de domaines traditionnellement régulés par l’État, selon des schémas hérités principalement du Front populaire et de la Libération, et dans lesquels figuraient des entreprises nationales dominantes.
Le cadre un peu spécifique qui s’est établi au sein de l’Union européenne depuis tout juste soixante ans, auquel il faut tout de même que l’on s’accoutume, a naturellement conduit à la nécessité de garanties d’indépendance des régulateurs de marchés. D’où l’Autorité des marchés financiers ou l’Autorité de la concurrence, laquelle, il y a trente ans, était encore une simple commission ministérielle. Je pourrais d’ailleurs poursuivre cette liste avec, par exemple, l’autorité relative aux communications électroniques ou encore celle de l’énergie.
Il était donc cohérent d’en arriver là. Je veux saluer l’évolution de pensée ayant conduit certains de nos collègues de la demande d’une commission d’enquête avec des motivations parfois voisines du soupçon – certains des titres et intertitres du rapport d’enquête rappellent ainsi cette époque maintenant éloignée – à la reconnaissance de la nécessité de confier la régulation ou l’équilibrage de secteurs à des collèges. Après avoir salué de façon conviviale le cheminement de pensée des auteurs de la proposition de loi, je veux maintenant appeler mes amis du Gouvernement à parcourir encore un peu de chemin.
M. Jean-Pierre Sueur.
Ce sera plus difficile !
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Certes, mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, monsieur le rapporteur !
M. Alain Richard.
(Sourires.)
En effet, honnêtement, compte tenu du parcours législatif de ce gouvernement et de cette majorité depuis quatre ans, la démarche consistant à affirmer que des textes existant aux quatre coins de la législation règlent à peu près le problème, rendant ainsi inutile un texte d’unification me semble plutôt digne de la chambre des Lords
(Nouveaux sourires.)
Sans doute aurons-nous quelques différences d’appréciation avec le rapporteur et la majorité de la commission sur l’étendue de ces règles. Toutefois, je salue le pragmatisme de M. Mézard qui, dans l’un des premiers articles de la proposition de loi, précise bien, de manière parfaitement cohérente du point de vue du droit, que ce statut est commun à l’ensemble des autorités sauf dispositions législatives contraires pouvant figurer dans les statuts propres de telle ou telle AAI. Il peut en effet exister des nécessités particulières ; j’ai notamment en tête le cas, tiré de discussions avec des membres de collèges, d’autorités indépendantes très spécialisées et dont le champ de recrutement possible est assez étroit. Dans cette hypothèse, l’idée d’un renouvellement de mandat pourrait ne pas être écartée.
Avant de conclure cette brève réflexion, je veux revenir sur un sujet abordé par mon prédécesseur à la tribune : la relation entre une autorité administrative indépendante et le législateur. Il existe entre eux, me semble-t-il, une proximité de destination beaucoup plus grande qu’on ne le croit. Que ce soit dans le domaine de l’audiovisuel, de l’énergie ou encore de l’informatique et des libertés, quand on confie un domaine de régulation à une autorité indépendante, on est obligé de lui affecter un cadre normatif. On ne lui demande pas de réguler dans le vide ni de créer le droit de son secteur par pure jurisprudence !
Ainsi, selon moi, l’instauration d’une autorité administrative indépendante impose au contraire au législateur de définir ce qu’il veut confier à cette autorité et les lignes directrices de la régulation qu’il lui demande de mettre en œuvre. On peut même observer un processus d’allers et retours, d’itérations, parce qu’on s’aperçoit à l’expérience que le champ de régulation, notamment en matière de concurrence, demande à être précisé, clarifié, par la loi.
Il n’existe donc pas d’antagonisme institutionnel entre le législateur et les autorités indépendantes, à tel point que je rejoindrai entièrement l’incertitude conclusive de notre rapporteur portant sur la participation des parlementaires aux autorités administratives indépendantes. Au fond, nous ne sommes pas arrivés à trouver une bonne réponse de principe à ce problème. Dans plusieurs cas, le Parlement a décidé, après réflexion, de prévoir la présence de parlementaires au sein de collèges d’AAI, et cela pouvait sembler judicieux. Néanmoins, si le Parlement fixe le cadre des autorités administratives indépendantes à travers la législation puis contrôle leur activité à travers leurs rapports, il n’est pas forcément heureux que des parlementaires appartiennent à leur collège.
Nous avons ainsi, les uns et les autres, accepté, souvent avec plaisir, de siéger dans plus de 150 commissions consultatives, à ma connaissance ; nous en avions parlé lors de la réforme des méthodes de travail du Sénat. Nous y jouons alors le rôle de conseillers de l’exécutif – ce qui n’est pas forcément la vocation du Parlement – et, même si cela n’est pas idéal du point de vue des principes, ceux qui y participent retirent de l’intérêt de l’échange institutionnel, qui peut aussi être utile, et ils peuvent exercer une influence modératrice ou créative auprès de l’exécutif.
J’en termine en insistant, monsieur le rapporteur, car je crains de devoir quitter la séance avant la fin du débat d’articles, sur un sujet d’hésitation pour moi : la Commission des participations et des transferts. Cette commission n’a pas été conçue comme une autorité indépendante de plein exercice. Sa création remonte aux lois de privatisation de 1986 et repose sur une idée du ministre d’État Édouard Balladur. L’histoire à laquelle nous avons pu participer de plus ou moins près a montré que, à travers les majorités successives – elles n’étaient certes pas en accord sur les principes des nationalisations et des privatisations –, cette commission a toujours été maintenue.
Pourquoi ? Parce que, dans une économie très internationalisée, on s’est aperçu que la garantie que constituait, pour tous les partenaires, l’intervention d’un organisme suffisamment détaché de l’exécutif et estimant la valeur, par exemple, du capital de Renault ou d’Areva quand on en cède 5 % ou 10 % répondait à une nécessité. Les aléas de l’histoire économique montrent effectivement que les doutes sur la valeur d’une société sont permis ; je vous rappelle à cet égard, mes chers collègues, la formule malheureuse d’Alain Juppé, qu’il a lui-même souvent regrettée depuis avec le sourire, à propos de je ne sais quelle composante du groupe Thomson…
Aussi, peut-être n’en est-il pas encore temps, mais il me semble que cet organisme, qui a maintenant prouvé sa légitimité et sa crédibilité et qui a pour fonction d’indiquer au Gouvernement la valeur de telle ou telle société dont une fraction du capital va être cédée, devrait acquérir le statut d’autorité administrative indépendante. Les dernières nouvelles dont je dispose montrent que cette idée ne recueille évidemment pas l’assentiment de la maison de Bercy – grande surprise !
(Sourires.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi et la proposition de loi organique dont il est question aujourd’hui visent à toiletter en profondeur les autorités administratives indépendantes et à poser les bases d’un statut juridique commun. Après plusieurs rapports parlementaires sur le sujet, notamment celui de la commission d’enquête présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx avec pour rapporteur Jacques Mézard, ces textes sont légitimes et posent de bonnes questions.
Mme Corinne Bouchoux.
Le rapport de la commission d’enquête pointait les dérives du dispositif : le nombre des structures, leur mode de mise en place, le coût total pour les caisses de l’État – environ 600 millions d’euros par an –, les problèmes de déontologie, voire les risques de conflit d’intérêts. Nous confirmons ce constat. Les autorités administratives sont effectivement trop nombreuses. Elles peuvent aussi parfois contribuer à l’affaiblissement du Parlement, accentuer un certain entre soi sociologique qui freine tout changement – mêmes élus, mêmes grands corps, mêmes grandes écoles – en comptant
Les présents textes se veulent donc radicalement emblématiques. Mais le choix de ses auteurs ne doit pas nous faire oublier que c’est à nous que certaines autorités administratives indépendantes doivent leur existence. Parfois, en effet, quand les politiques ne peuvent ou ne veulent résoudre un problème, quoi de plus confortable que de créer une autorité administrative indépendante ? Cela a été souligné, à l’origine, en 1978, des autorités comme la CADA ou la CNIL furent créées – sous la houlette, si j’ai bien compris, d’un certain Alain Richard, député – pour fluidifier la vie publique et administrative et améliorer les droits. Néanmoins, au fil du temps, on a créé des autorités administratives indépendantes censées résoudre des problèmes parfois insolubles.
Dans les textes examinés ce jour, le souci d’apporter une stabilité juridique, de renforcer la transparence, la déontologie et la lutte contre les conflits d’intérêts va dans le bon sens.
Si le diagnostic est bon, selon nous, écologistes, le remède pèche peut-être par sa radicalité – ce qui n’est pas si surprenant de la part d’un radical…
(Sourires.)
Nous approuvons que la création d’une autorité administrative indépendante soit réservée au législateur, sur l’exemple du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, créé par la loi de programmation militaire de 2013. Cependant, il nous semble problématique d’envisager de supprimer la qualité d’AAI à certaines instances. Cette possibilité peut être mal perçue, comme nous le remarquons déjà. Je rappelle, par exemple, à propos de la structure que je viens d’évoquer, que c’est pour sortir d’une impasse, sur laquelle tout le monde s’accordait, à savoir le faible nombre de dossiers d’indemnisation des victimes des essais nucléaires traités, que l’on avait transformé un comité qui ne fonctionnait pas en une autorité, laquelle recueillait au moins l’assentiment des victimes et avait été totalement approuvée par le ministère de la défense et la Haute Assemblée. À cet égard, nous pensons que le rapport peut inutilement inquiéter certaines personnes.
Nous regrettons également que le médiateur national de l’énergie ne fasse pas partie de la liste qui fait débat. L’application de cette réforme pourrait, par sa brutalité, mettre en danger l’indépendance et, surtout, la liberté de parole du médiateur, qui œuvre pourtant efficacement à la protection des consommateurs d’énergie, et ce alors même que nous venons d’étendre ses compétences dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La proposition de loi n’est donc pas totalement « raccord » avec ce que nous venons de voter.
M. Roland Courteau.
Cette liste nous semble une première étape avant d’envisager des fusions, dont certaines sont déjà évoquées dans le débat public. Je fais ici référence au probable rapprochement du médiateur national de l’énergie avec la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, fusion qui, à notre avis, serait elle aussi dommageable en termes de lutte contre les conflits d’intérêts.
Mme Corinne Bouchoux.
On pourrait aussi évoquer quelques instants le rapprochement entre la CNIL et la CADA. Les périmètres de ces autorités sont distincts et elles n’ont ni la même échelle ni la même vocation. Nous voyons bien pourtant l’enjeu, réel, de leur rapprochement, qui permettra l’accompagnement des administrations et des entreprises vers l’ouverture des données publiques, laquelle devrait se développer avec la mise en œuvre du projet de loi pour une République numérique, en faveur de l’
Chers collègues, les choix que vous avez opérés entre les autorités qui devraient subsister et celles qui devraient disparaître nous inspirent un certain nombre de réserves. En outre, si vous me permettez cette critique, nous constatons un certain nombre d’angles morts dans la proposition de loi, compte tenu notamment de l’absence de réflexion sur la très faible féminisation de la direction de toutes ces autorités administratives, aux trois quarts masculine. Comment se fait-il que votre excellent texte ne prévoie rien contre cet entre soi masculin ?
Mme Éliane Assassi.
Absolument !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Réformons aussi cet aspect !
Mme Corinne Bouchoux.
Enfin, nous devons peut-être nous interroger sur la cohérence de notre analyse de l’administration avec le regard que nous portons sur la vie publique. Nous voulons limiter la durée des mandats exercés dans les autorités administratives et nous proposons que ces dernières connaissent un certain nombre d’évolutions. C’est bien ! Mais à quand l’application à la vie publique et politique de ce que nous préconisons pour l’administration ? À quand la limitation à deux du nombre de mandats successifs dans le temps, que nous avons d’ores et déjà adoptée pour le Président de la République ? Il nous semble qu’il y a là une distorsion.
Au final, si l’intention des auteurs de ce texte nous semble très louable, vous l’avez compris, nous émettons des réserves importantes sur les groupes et sur les institutions qui seront concernés par les évolutions proposées. Par exemple, nous sommes très attachés à la Commission nationale du débat public, quand les auteurs le sont beaucoup moins !
À ce stade, nous reconnaissons l’avancée que permettront les textes dont nous débattons. Nous saluons les questions légitimes qui sont soulevées, mais nous ne partageons pas pleinement les réponses qui y sont apportées, raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Au reste, nous nous étonnons de la position extrêmement rigide du Gouvernement, qui, par ailleurs, veut simplifier le millefeuille des collectivités territoriales, supprimer des régions, réformer… Nous aimerions que ce zèle réformiste s’appliquât également aux autorités indépendantes !
(Applaudissements.)
Très bien !
M. Gérard Longuet.
Mme Éliane Assassi.
Mme Bouchoux est toujours aussi vive !
M. Michel Berson.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les autorités administratives indépendantes et la régulation se sont développées, en France, sous l’influence du droit communautaire, dont la légitimité démocratique est elle-même sujette à caution. Elles ont souvent été créées sous impulsion européenne, pour assurer l’effectivité du droit de l’Union, du droit de la concurrence en particulier, au détriment, trop souvent, de la sauvegarde de l’intérêt général, dont l’État est le dépositaire. Les AAI ont ainsi « dépecé » l’État de son pouvoir politique sur les secteurs clés de l’économie.
Mme Éliane Assassi.
Toutefois, et cela est symptomatique d’un recul du politique, dans d’autres cas, l’exécutif a fait le choix du « jeu de la défausse », pour reprendre les termes d’une éminente juriste, en créant une autorité administrative indépendante, qui lui permet de s’éloigner des tensions économiques, sociales et de se déresponsabiliser d’arbitrages qu’il ne veut pas assumer.
Ainsi, comme nous l’affirmons maintenant depuis de nombreuses années, la multiplication des autorités administratives indépendantes conduit à un démembrement et à un délitement de l’État. Les AAI remettent en cause le principe de l’unité consubstantielle à l’État, piétinant, de ce fait, l’intérêt général, car elles ne sont plus insérées dans la hiérarchie du pouvoir exécutif et du contrôle législatif, bien qu’elles soient dotées de pouvoirs régaliens, comme le pouvoir de sanction. D’ailleurs, le Conseil d’État lui-même, dans son rapport de 2001, n’était pas favorable à l’évolution, pléthorique, qui consiste à transformer progressivement un service de l’État en établissement public ou commission consultative, puis en autorité administrative indépendante et parfois même en autorité publique indépendante.
En outre, poussée à l’excès, comme c’est le cas aujourd’hui, cette formule nous apparaît comme une entorse au principe démocratique qui postule la soumission de l’administration au politique. Ce mouvement entraîne un affaiblissement excessif de la responsabilité incombant au pouvoir politique procédant de l’élection, qu’il s’agisse du Parlement ou, indirectement, de l’exécutif.
Pour toutes ces raisons, je tiens à saluer l’initiative qu’ont prise la présidente et le rapporteur de la commission d’enquête en déposant cette proposition de loi et cette proposition de loi organique.
Aujourd’hui, on constate une insuffisance du dispositif de contrôle des AAI : celles qui sont financièrement autonomes, lesquelles bénéficient de ressources propres, ne voient pas leur budget annuel discuté au Parlement et parfois même ne présentent pas de rapport annuel public, car leurs textes statutaires ne le prévoient pas.
En effet !
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Certes, la Cour des comptes contrôle la gestion des AAI, mais
Mme Éliane Assassi.
a posteriori
À cet égard, le rapporteur souligne un manque de transparence dans les recrutements et salaires de nombreuses AAI et indique que plus de 15 % des membres de collèges ont refusé de se plier aux exigences de transparence, sans que cela emporte de conséquences particulières.
Ces administrations ont vu, depuis 2010, leur budget augmenter de 11 %, leurs effectifs croître de 5,3 % et certains de leurs dirigeants bénéficier de rémunérations pouvant aller jusqu’à 300 000 euros par an, sans compter la possibilité de cumul. Dès lors, nous soutenons la disposition prévoyant une échelle des rémunérations et des indemnités des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et, bien évidemment, un contrôle accru de la Cour des comptes.
Enfin, si les premières agences, l’équivalent de nos AAI, sont nées aux États-Unis pour juguler les abus les plus flagrants du développement économique, éviter les dérèglements des institutions capitalistes en corrigeant les imperfections du marché, en Europe, au contraire, elles ont accompagné le démantèlement de services publics nationaux en réseaux. Ainsi, la « réforme de l’État et des services publics », thème mis en avant pour justifier la multiplication d’autorités de régulation, devait être porteuse d’une démocratisation forte du secteur public en général et des services publics en particulier. Cette démocratisation devait se traduire par une prise en compte plus nette du rôle et de l’intérêt des usagers, devenus, à beaucoup d’égards, consommateurs ou clients.
Or la multiplication des AAI a totalement fait l’impasse, en France et en Europe, sur la place des usagers au sein des organes de régulation des marchés libéralisés que constituent ces autorités. De ce point de vue, il faut bien admettre que la France ignore totalement le modèle participatif, dans lequel les usagers d’un secteur peuvent et même doivent participer activement aux décisions prises.
Mme Corinne Bouchoux.
La composition des AAI de régulation reflète parfaitement les frontières dans lesquelles les pouvoirs publics ont entendu confiner le service public, à savoir les questions techniques. Ainsi, les régulateurs indépendants des services publics de réseaux sont d’abord, en France, des organes de techniciens, où l’entre soi domine – le rapport le souligne très justement –, alors qu’ils pourraient utilement se muer en vecteur de participation des usagers au fonctionnement et à l’évolution des services publics.
Mme Éliane Assassi.
Enfin, et ce sera mon dernier point, comment, du point de vue de la séparation des pouvoirs, concevoir qu’un même organe, indépendant du pouvoir politique, dont il tire sa légitimité, puisse à la fois édicter des règles générales, les faire respecter, sanctionner et arbitrer des litiges liés à leur application ?
Nous n’avons pas de position de principe contre les autorités administratives indépendantes et nous pouvons reconnaître l’utilité de certaines d’entre elles, qui jouent un rôle de vigilance, de conseil, d’alerte et de protection des plus faibles. Toutefois, l’anarchie actuelle, source de complexification de l’organisation administrative, de perte de repères et de compétences des administrations centrales, de dilution du pouvoir de décision et donc de la responsabilité, nous amène à voter pour ces deux textes. Ils marquent pour nous un premier pas vers la reconnaissance d’un constat que nous dressons depuis plusieurs années : celui d’une distorsion de l’État, d’une perte de son pouvoir politique sur les marchés, d’une confiscation de la définition de l’intérêt général par une élite déconnectée des réalités et dépourvue de la moindre légitimité démocratique.
(Applaudissements.)
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je reprends la parole, cette fois au nom de mon groupe, mon collègue Pierre-Yves Collombat n’ayant pu être présent parmi nous cet après-midi.
M. Jacques Mézard.
Je veux d’abord remercier les différents orateurs de la qualité de leur intervention. Je veux aussi faire part de ma grande satisfaction d’avoir pu convaincre notre excellent collègue Alain Richard que le but de la commission d’enquête, dont la création avait été demandée par le groupe du RDSE, était non pas de supprimer les autorités administratives indépendantes, mais d’attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre de difficultés et d’essayer d’aller vers plus de simplification et de transparence.
Je suis heureux que notre réflexion ait abouti, de manière constructive et assez consensuelle, à des textes, qui, manifestement, monsieur le secrétaire d’État, reçoivent l’assentiment d’une très grande majorité des sénateurs de tous les groupes politiques – je n’ai noté jusqu’à présent qu’un vote d’abstention du groupe écologiste.
Une abstention bienveillante !
Mme Corinne Bouchoux.
Avec le talent de conviction de M. Mézard, les choses peuvent encore s’améliorer…
M. Roger Karoutchi.
(Sourires.)
Allez savoir…
M. Robert del Picchia.
Espérons-le !
M. Jacques Mézard.
(Nouveaux sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, notre but n’est pas de mener une chasse aux sorcières ni de faire le procès d’un système. Notre objectif est de constater un certain nombre de dérives, comme en témoigne le titre du rapport fait au nom de notre commission d’enquête, titre voulu par la présidente et par moi-même et accepté par nos collègues :
Un État dans l’État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler.
Nous avons entendu les présidents de quarante-deux autorités administratives indépendantes ou se définissant comme telles. Nous avons toujours eu affaire à des hommes et des femmes compétents, intelligents. Nous avons tout de même relevé une certaine endogamie, puisque pratiquement 60 % à 65 % de ces présidents sont issus du Conseil d’État ou de la Cour des comptes,…
Les réseaux de M. Richard !
M. Roger Karoutchi.
… ce qui n’est pas du tout une tare, bien au contraire, mais peut poser un certain nombre de problèmes.
M. Jacques Mézard.
Ainsi, il nous est apparu, au cours de nos travaux – nous n’avions pas d’
Dès lors, et malgré ce qu’a pu nous dire le secrétaire général du Gouvernement, que nous avons auditionné, j’ai été étonné, monsieur le secrétaire d’État, d’entendre votre collègue, M. Le Guen, nous expliquer, tout à l'heure, que tout allait bien et que rien ou presque ne devait bouger… Ce n’est pas raisonnable !
La semaine dernière, l’hebdomadaire
Vouloir limiter le nombre d’autorités administratives indépendantes, vouloir faire en sorte que le législateur décide de leur création, voire de leur disparition, nous a semblé aller dans le bon sens de la démocratie.
Vouloir que ces autorités soient soumises à des statuts, avec des possibilités de dérogation prévues par la loi dans certains cas particuliers, nous paraît être la moindre des choses.
Vouloir, monsieur le secrétaire d’État, que les membres des collèges des autorités administratives indépendantes respectent les lois relatives à la déontologie et à la transparence de la vie publique, notamment au regard des obligations de déclaration de patrimoine, ne nous semble pas anormal.
Très simplement, je crois qu’il serait bon d’arriver à convaincre les gouvernements successifs que le moyen de diriger le pays n’est pas de créer constamment un certain nombre d’organismes. Je ne songe pas qu’aux autorités administratives indépendantes.
Toutefois, Marie-Hélène des Esgaulx et moi-même n’avions pas eu, au cours des six mois de la commission d’enquête, le temps de nous attaquer à bien d’autres organismes – et encore, « attaquer » est un euphémisme. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que des centaines d’organismes dépendent directement du Premier ministre dont certains font ce qu’ils veulent, voire même rien du tout, ce qui n’est pas la meilleure des choses.
Nous connaissons, monsieur le secrétaire d’État, la propension du Gouvernement à créer constamment des hauts conseils et des agences. Si cela permet de faire plaisir à beaucoup de personnes et d’anticiper des pertes d’emploi, voire de siège, est-ce bien raisonnable pour autant ? Tout comme les autres membres de mon groupe, je ne le crois pas.
Il est temps de remettre de l’ordre en la matière. Il s’agit de l’un des objectifs que nous nous étions fixés en demandant la constitution de cette commission d’enquête et que nous poursuivons en présentant aujourd’hui ces deux propositions de loi.
(Applaudissements.)
La discussion générale commune est close.
M. le président.
Nous passons à l’examen de la proposition de loi, dans le texte de la commission.
Les titres I
1. Agence française de lutte contre le dopage
2. Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires
3. Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
4. Autorité de la concurrence
5. Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières
6. Autorité de régulation des jeux en ligne
7. Autorité des marchés financiers
8. Autorité de sûreté nucléaire
9. Commission d’accès aux documents administratifs
10. Contrôleur général des lieux de privation de liberté
11. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
12. Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
13. Commission nationale de l’informatique et des libertés
14. Commission de régulation de l’énergie
15. Conseil supérieur de l’audiovisuel
16. Défenseur des droits
17. Haute autorité de santé
18. Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
19. Haut conseil du commissariat aux comptes
20. Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
L'amendement n
M. le président.
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
II. - Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Commission consultative du secret de la défense nationale
III. - Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Commission nationale du débat public
IV. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Commission des participations et des transferts
V. - Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Commission des sondages
La parole est à M. Alain Richard.
Nous le reconnaissons, il fallait encadrer la liste des autorités classifiées comme autorités administratives indépendantes. Pour autant, nous souhaitons élargir quelque peu cette liste en faisant une contre-proposition.
M. Alain Richard.
Nous nous sommes déjà mis d’accord avec le rapporteur sur la Commission consultative du secret de la défense nationale. J’ai évoqué, voilà quelques instants, la Commission des participations et des transferts, mais je conviens que le débat est sans doute anticipé.
Pour ce qui concerne la Commission nationale du débat public, ou CNDP, que Corinne Bouchoux a évoquée, si elle s’est vu confier par le législateur – lors de la discussion de la loi Grenelle me semble-t-il – la mission qu’elle accomplit actuellement, c’est parce qu’elle est l’autorité qui décide, s’agissant des grands projets et aussi de ce que l’on appelle les « plans-programmes », c’est-à-dire tous les schémas nationaux et régionaux, ceux qui doivent faire l’objet d’un débat organisé et pluraliste. Il s’agit d’une condition de légalité.
Pour être souvent en contact avec ses membres, je puis affirmer qu’elle fonctionne vraiment comme une autorité : elle dispose d’un pouvoir administratif et ses décisions sont contestées, le cas échéant, devant les juridictions administratives. Il me semble donc qu’elle a sa place dans cette liste.
Mais tous ces points peuvent encore donner lieu à réflexion ; nous ne sommes qu’au début du processus législatif.
Le sous-amendement n
M. le président.
Amendement n
Supprimer le mot :
consultative
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n
Monsieur le président, je vais en réalité donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements déposés sur l’article 1
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Les amendements n
Premièrement, voulons-nous aujourd’hui conférer à certains organismes le statut d’autorité administrative indépendante que le législateur ne leur a pas attribué jusqu’à présent ? Sont visés la Commission des participations et des transferts, mais aussi la Commission des sondages et le médiateur national de l’énergie, dont nous discuterons tout à l'heure.
Deuxièmement, faut-il maintenir ou non le statut d’autorité administrative ou publique indépendante à des entités qualifiées comme telles par le législateur ? Il s’agit de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de la Commission nationale consultative du secret de la défense nationale, de la Commission nationale du débat public, de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, dite « HADOPI », ainsi que de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, dont nous traiterons lors de l’examen des amendements déposés par la commission de la culture.
La simple application du critère préconisé par notre ancien collègue, le doyen Gélard, à savoir la détention par l’instance en cause de pouvoirs normatifs, de contrainte, de régulation ou de sanction, permet d’y voir plus clair.
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, devrait alors être une autorité administrative indépendante. Toutefois, le président de cet organisme, nommé voilà deux mois, ainsi que son président précédent ont estimé que ce statut n’était pas le plus pertinent dans la mesure où l’ACPR est adossée à la Banque de France, entité
sui generis
(Sourires.)
La Commission consultative du secret de la défense nationale devrait également être concernée, dans la mesure où la loi de programmation militaire de 2009 lui a confié le pouvoir de se saisir seule des documents classifiés lors d’une perquisition judiciaire après avoir jugé qu’ils étaient en lien avec l’objet de cette dernière.
Après en avoir débattu en commission, et je crois qu’Alain richard en est d’accord, nous proposons, par le biais du sous-amendement n
Le critère susvisé nous conduit en revanche à écarter la Commission nationale du débat public de la liste des AAI, ce qui ne correspond pas aux attentes de notre collègue Corinne Bouchoux…
Quant à la Commission des participations et des transferts et à la Commission des sondages, ces organismes n’ont jamais été qualifiés d’AAI par la loi.
Pour résumer, la commission propose de retenir dans la liste précitée la Commission consultative du secret de la défense nationale en suggérant néanmoins de supprimer le terme « consultative », désormais trompeur au regard de la réalité de ses pouvoirs.
La Commission nationale du débat public n’a pas de pouvoir décisionnel.
S’agissant de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, j’ai déjà expliqué que son adossement à la Banque de France justifiait qu’elle ne soit pas dans cette liste, et ce à sa propre demande. C'est la raison pour laquelle je vous propose de ne pas la retenir.
Enfin, la loi ne qualifie pas d’AAI la Commission des sondages et la Commission des participations et des transferts. Restons-en à cet état du droit.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’amendement n
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
Par ailleurs, leur organisation, leur fonctionnement, leurs pouvoirs, les garanties d’indépendance dont elles doivent bénéficier militent en ce sens, comme cela vient d’être rappelé.
Néanmoins, en raison de la position générale qu’il a exprimée sur cette proposition de loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
En revanche, il n’est pas favorable au sous-amendement n
Cette commission, qui joue un rôle très important dans la mise en œuvre des lois sur le secret-défense, s’est toujours appelée ainsi, depuis sa création en 1998. Elle a également toujours bénéficié de la qualité d’AAI. Il ne semble pas exister de raison de modifier son intitulé.
La parole est à M. François Pillet, vice-président de la commission des lois.
M. le président.
Compte tenu de sa rédaction énumérative, ainsi que des avis et observations du rapporteur, la commission demande un vote par division de l’amendement n
M. François Pillet,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je rappelle que la commission n’a émis un avis favorable que sur le deuxième paragraphe de cet amendement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
Je vous en donne acte, monsieur Pillet.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n
(Le sous-amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. le président.
Je voulais intervenir sur l’une des entités citées dans l’amendement présenté par Alain Richard, à savoir la Commission des sondages. Je tiens à remercier M. Richard d’avoir bien voulu la retenir dans la liste des AAI.
M. Jean-Pierre Sueur.
Les sondages sont aujourd’hui régis par une loi de 1977 complètement archaïque eu égard aux évolutions de ces dernières décennies. Chacun sait la place qu’ils tiennent dans le débat public. Il y a des sondages tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour à l’approche de certaines élections importantes. Bien souvent, le débat public devient un débat sur les sondages.
Or les conditions dans lesquelles sont réalisés ces derniers sont loin d’être toujours satisfaisantes. Et par « conditions », je pourrais entendre leur financement, le rapport entre ceux qui les financent, ceux qui sollicitent leur élaboration et ceux qui les publient. Je pourrais aussi parler des marges d’erreur, des redressements et de beaucoup d’autres sujets qui aboutissent, dans nombre de cas, à l’absence de la transparence et de la fiabilité nécessaires.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a adopté, à l’unanimité, voilà cinq ans, une proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral, dont Hugues Portelli était l’auteur et dont j’étais le rapporteur, au nom de la commission des lois.
Cette proposition de loi octroie davantage de prérogatives et de pouvoirs à la Commission des sondages et revoit profondément sa composition.
En effet, cette commission est présidée et animée par deux brillants conseillers d’État, que nous avons reçus. Néanmoins, il est sans doute souhaitable que d’autres compétences viennent s’adjoindre aux leurs.
Nous avons fait de nombreuses propositions concernant cette commission, qui prend de lourdes décisions. Elle peut en effet décider la publication d’un certain nombre de rectifications, d’avis, de considérations et de sanctions. Il nous semble donc très important de prendre son rôle en considération. Nous avons par conséquent envisagé qu’elle devienne une autorité administrative indépendante. Même si cela n’est pas le cas, j’aurai au moins eu l’occasion de vous sensibiliser, monsieur le rapporteur, à cette importante question.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
M. le président.
Nous soutenons l’amendement n
Mme Corinne Bouchoux.
Je souhaite également signaler tout l’intérêt, dans un pays comme le nôtre, qui a du mal à mener un certain nombre de débats de façon posée, de consolider la Commission nationale du débat public.
Nous soutenons donc les propositions d’inscrire sur la liste des AAI les entités visées, notamment celle qui concerne la Commission nationale du débat public. Le rapport pose de bonnes questions. Pour autant, s’il s’agit de conserver la situation actuelle sans introduire une certaine souplesse, ce qui semble malheureusement être la position du Gouvernement, on n’avancera pas !
Pour notre part, nous sommes prêts à souligner les avancées du texte, dans la mesure où les questions environnementales et écologiques sont prises en considération.
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. le président.
Ériger l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, en AAI ne serait pas une bonne chose. Elle est, en pratique et en théorie, adossée à la Banque de France. Elle exerce les responsabilités de surveillance du système bancaire des établissements de crédit pour la Banque de France et elle est chargée, ce qui est nouveau, de conduire la résolution, c'est-à-dire la faillite éventuelle, d’un établissement de crédit.
M. Richard Yung.
Si cette autorité devenait une AAI, on aurait, d’un côté, son président et, de l’autre, le gouverneur de la Banque de France. On peut imaginer le mauvais fonctionnement qu’entraînerait la constitution d’un tel tandem, sans mentionner le fait que l’Autorité serait obligée de se tourner vers la Banque de France chaque fois qu’elle devrait prendre une décision.
Ne pas faire figurer cette instance dans la liste des AAI me semble donc une solution de sagesse. J’ajoute que, dans le cas contraire, il y aurait incompatibilité, singulièrement avec l’AMF, l’Autorité des marchés financiers. Or l’existence de participations croisées est très importante entre les différents collèges, qui traitent de questions très proches, notamment disciplinaires.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
M. le président.
Je souhaite appuyer la position de M. le rapporteur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Je viens de relire le compte rendu de l’audition de M. Christian Noyer, président et gouverneur de la Banque de France, qui a été très clair. Il a évoqué la gêne considérable de devoir suivre, d’une part, les règles d’une AAI et, d’autre part, celles d’une institution publique
sui generis
Il a également affirmé que le terme « autorité » crée de la confusion, ajoutant qu’il était étrange de considérer que l’ACPR pouvait constituer une autorité différente de celle de la Banque de France.
Pour toutes ces raisons, je partage l’avis de M. le rapporteur sur le I de l’amendement n
S’agissant de la CNDP, la seule justification donnée par son président, M. Christian Leyrit, pour convertir cette commission en AAI est la suivante : en cas de demandes d’opposants réclamant une expertise complémentaire, une AAI serait préférable à un service administratif sous autorité ministérielle. Au demeurant, il est très rare que, le cas échéant, les demandeurs n’obtiennent pas satisfaction.
Permettez-moi de me référer également à ce qui se fait dans les autres pays, notamment au Québec, où des structures de cette nature relèvent du ministère du développement durable. Le statut juridique d’une AAI n’est absolument pas nécessaire pour garantir l’indépendance d’esprit dans l’exercice de la mission confiée à la CNDP.
S’agissant de la Commission des participations et des transferts, Bertrand Schneiter – j’ai relu également le compte rendu de son audition – invoque comme seul argument à la reconnaissance de la qualité d’AAI à cette instance la nécessaire rapidité des décisions. Pour ma part, je ne suis pas persuadée que seule une AAI puisse satisfaire une telle exigence.
Quant à la Commission des sondages, sa présidente, Marie-Ève Aubin, ne nous a pas convaincus – excusez-moi de le dire un peu abruptement –, lors de son audition, de l’indépendance de l’instance à l’égard du Conseil d’État. Elle a reconnu que le statut de la Commission, entre 1977 et 2001, « de pur fait », n’avait pas posé de problème, bien qu’il ne fût pas, selon elle, « juridique ».
Je souhaitais éclairer le Sénat sur ces points, en citant des auditions menées par la commission d’enquête. Il est important de le rappeler, car les deux textes que nous examinons ce soir en sont issus.
À la demande de la commission des lois, nous allons procéder au vote par division de l’amendement n
M. le président.
Je mets aux voix le I de l’amendement n
(Le I de l'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix, modifié, le II de l’amendement n
M. le président.
(Le II de l'amendement est adopté.)
Je mets aux voix le III de l’amendement n
M. le président.
(Le III de l'amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix le IV de l’amendement n
M. le président.
(Le IV de l'amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix le V de l’amendement n
M. le président.
(Le V de l'amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Annexe, après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Autorité de régulation de la distribution de la presse
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
J’ai défendu cet amendement lors de mon intervention initiale. J’en rappellerai donc simplement les motivations.
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis.
Il s’agit de réintégrer l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, dans la liste des AAI. En effet, ce statut lui a été donné voilà peu de temps par la loi du 17 avril 2015, dont je rappelle qu’elle a été adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Je le répète, pour assurer la régulation des conflits en matière de distribution de presse écrite, il faut effectivement une autorité indépendante. Ce disant, je me réfère aux décisions de la cour d’appel de Paris et à l’arrêt du 7 janvier 2016 du Conseil constitutionnel, qui qualifie d’AAI l’ARDP.
J’indique aux groupes CRC, socialiste et républicain, et écologiste que le rôle de l’ARDP a été fixé par la loi Bichet, en 1947, laquelle instaure une solidarité entre les différentes formes de distribution. Je prendrai deux exemples.
Premièrement, aujourd'hui, au sein de la presse écrite, il existe de sérieuses tensions, les enjeux liés à la distribution des magazines, de la presse quotidienne et de la presse professionnelle sur abonnement étant bien différents. C’est l’ARDP qui régule la situation.
Deuxièmement, la presse quotidienne nationale s’est intéressée au portage développé par la presse régionale, laquelle a signé des conventions d’exclusivité avec Presstalis en cette matière. Qui a « cassé » ces conventions ? L’ARDP ! Vous lui en avez en effet donné le pouvoir.
Pour terminer, en m’adressant au groupe Les Républicains, je rappelle que l’évolution du statut de l’ARDP trouve son origine dans le discours de clôture des états généraux de la presse du 23 janvier 2009, au cours duquel Nicolas Sarkozy avait demandé la création d’une instance réellement indépendante, « chargée de concilier une distribution efficace de la presse »…
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. le président.
Mes collègues du groupe Les Républicains ont compris le sens de mon propos. J’espère donc qu’ils soutiendront cet amendement.
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Le dernier argument de notre excellent collègue est absolument terrible ! Je ne m’y attendais pas ! Je constate d’ailleurs que M. le rapporteur pour avis s’est adressé à tous les groupes, sauf un, ce qui est fâcheux…
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Cela étant, les conclusions de la commission d’enquête et la position de la commission de la culture reflètent une appréciation différente de la situation.
Au demeurant, nous devons être capables de nous écouter les uns les autres. Le dernier des propos de M. Bonnecarrère était peut-être superfétatoire…
Je le retire !
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis.
Je ne vous en demande pas tant, monsieur le rapporteur pour avis ! Toutefois, la commission y est sensible et émet un avis de sagesse positive sur cet amendement.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Tous les arguments avancés étaient excellents.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Cet amendement, qui concerne l’ARDP, vise à confirmer que cette instance voit maintenue sa qualité d’AAI, laquelle lui a été très récemment reconnue, cela a été rappelé, par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, même si cela répondait à un objectif fixé antérieurement.
Un tel statut répond également à des objectifs de développement des compétences de cette autorité. Je pense notamment à l’homologation des barèmes de messagerie.
Sur cet amendement, le Gouvernement souscrit totalement, comme la commission, à la reconnaissance, pour l’ARDP, de la qualité d’AAI et s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Annexe, après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Médiateur national de l’énergie
La parole est à M. Roland Courteau.
Cet amendement vise à intégrer le médiateur national de l’énergie dans la liste des autorités administratives indépendantes figurant en annexe du présent texte. Cela nous paraît essentiel, compte tenu des missions et du rôle du médiateur dans le secteur spécifique de l’énergie, service de première nécessité dans un marché fortement capitalistique et concurrentiel.
M. Roland Courteau.
Je rappelle que le législateur a souhaité doter le médiateur d’un statut public et d’un financement dédié
Ce faisant, le législateur a souhaité distinguer le médiateur national de l’énergie de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, dotée de pouvoirs de contrôle, de sanction et d’édiction de décisions applicables aux fournisseurs et aux gestionnaires de réseaux.
Selon nous, cette distinction opérée en 2006 se justifie encore pleinement, à l’heure où les pouvoirs de décision réglementaire et d’approbation du régulateur ont une forte incidence sur le consommateur. Je songe en particulier à la fixation des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz naturel, aux tarifs d’acheminement, ou encore aux barèmes de prix des prestations des gestionnaires de réseaux de distribution facturées aux consommateurs.
En effet, le médiateur national de l’énergie peut être appelé à prendre des positions susceptibles de remettre en cause les pratiques d’un opérateur, comme une préconisation ou une décision du régulateur, lorsque l’intérêt des consommateurs le justifie.
Ainsi, à l’instar du Défenseur des droits, ce médiateur exerce un pouvoir d’influence qui constitue son autorité – ce sont les termes de l’avis public rendu en 2001 par le Conseil d’État au sujet des autorités administratives indépendantes. Or, à nos yeux, ce pouvoir d’influence n’est pas compatible avec le devoir de réserve incombant aux membres des collèges de la CRE.
Aussi cet amendement tend-il à garantir le maintien de l’indépendance totale du médiateur national de l’énergie : il faut maintenir son statut d’autorité administrative indépendante pour qu’il puisse conforter son rôle dans le secteur de l’énergie.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je le dis à titre général, car des cas similaires pourraient se présenter : un pouvoir d’influence ne saurait suffire pour qu’une instance puisse prétendre au statut d’autorité administrative indépendante. Sinon, il faudrait reconnaître une quantité considérable d’institutions de cette nature sur le territoire national !
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
En l’occurrence, le médiateur national de l’énergie n’a pas de pouvoir normatif ou de sanction. De surcroît, ce n’est pas le seul médiateur qui existe en France. Si nous ouvrons cette brèche, je crains que nous ne puissions la refermer.
Mes chers collègues, vous le savez, en matière d’impôts, on a coutume de dire : il y a beaucoup de niches fiscales, et dans chaque niche, il y a…
Un chien qui aboie !
M. Gérard Longuet.
Tout à fait !
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
J’ai beaucoup de respect pour le médiateur national de l’énergie, comme pour les présidents d’organismes divers. Toutefois, je signale que, en l’espèce, nous sommes face à un cas de figure parallèle.
Il ne s’agit aucunement de porter atteinte à l’indépendance de ce médiateur, mais, je le répète, il serait tout à fait néfaste d’ouvrir une brèche en le classant au rang des autorités administratives indépendantes.
Aussi l’avis de la commission est-il tout à fait défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Monsieur Courteau, le médiateur national de l’énergie n’est pas qualifié d’autorité administrative indépendante par l’article L. 122-1 du code de l’énergie. Je le rappelle à mon tour : le fait qu’il soit uniquement à même d’émettre des recommandations, dont la portée est difficile à apprécier, ne plaide pas pour qu’il soit retenu au nombre de ces instances.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
En conséquence, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
M. le président.
Je le répète, pour notre part, nous approuvons l’idée selon laquelle diverses autorités indépendantes méritent d’être supprimées. Mais, parallèlement, nous estimons que de nouvelles instances devraient pouvoir acquérir ce statut, eu égard à leur rôle ou aux fonctions qu’elles assument. Le débat doit être ouvert.
Mme Corinne Bouchoux.
En l’occurrence, compte tenu du vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le médiateur national de l’énergie, qui joue un rôle positif, va sans doute voir ses missions renforcées. Quoique sans grandes illusions, nous soutiendrons donc cet amendement.
Plus largement, notre position est la suivante : oui à des suppressions d’autorités administratives indépendantes, oui à une déontologie renouvelée et, le cas échéant, oui à des évolutions. Faute de quoi, on se cantonnerait dans un périmètre constant, figé, à rebours du programme réformateur affiché par le rapport de la commission d’enquête.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
M. le président.
Mes chers collègues, permettez-moi ce simple rappel : Carole Delga, lorsqu’elle était secrétaire d’État, a annoncé la généralisation de la médiation dans tous les secteurs de la consommation. Cette déclaration peut être mise en regard de la mission d’information des consommateurs, dont il est question
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. le président.
Je soutiens les propos de Mme Bouchoux. La commission d’enquête qu’a présidée Mme Des Esgaulx et dont M. Mézard était le rapporteur nous invite à une logique évolutive : à ce titre, la création de nouvelles autorités administratives indépendantes serait cohérente.
M. Jean-Pierre Sueur.
Madame Des Esgaulx, j’ai évoqué auparavant la Commission des sondages. Vous avez pleinement raison de souligner que, aujourd’hui, cette instance ne fonctionne pas dans des conditions normales : elle n’a aucune indépendance financière, elle est tout simplement abritée par le Conseil d’État, ce qui n’est pas satisfaisant. J’admets donc tout à fait que, dans sa configuration actuelle, cette commission ne peut être qualifiée d’autorité administrative indépendante au sens strict du terme.
Toutefois, avec la conception que l’on pourrait en avoir, et qui l’emportera peut-être un jour si les dispositions législatives nécessaires sont votées, la situation serait peut-être différente.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Annexe, après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Mes chers collègues, le présent amendement tend à rétablir le statut d’autorité administrative indépendante de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. Je l’ai défendu il y a quelques instants, par anticipation.
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis.
Que les choses soient bien claires : le présent texte a pour objet non pas de supprimer telle ou telle institution, mais bien de clarifier et d’encadrer le statut d’autorité administrative indépendante.
En conséquence, la question aujourd’hui n’est pas : pour ou contre la HADOPI ? Je sais que ce débat passionne nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais l’interrogation est bien la suivante : telle qu’elle existe, la HADOPI est-elle ou non une autorité administrative indépendante ? Selon la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la réponse est clairement oui.
Je ne me permettrai pas d’instrumentaliser à ce propos les groupes politiques de la Haute Assemblée. J’apporte simplement cette précision : la HADOPI joue un rôle, sinon contentieux, du moins précontentieux. D’une part, elle traite de la protection des données personnelles. De l’autre, par un mécanisme de graduation des sanctions, à savoir les mesures techniques de protection, ou MTP, elle sanctionne, dans le cadre d’une procédure contradictoire, les internautes qui font un usage irrégulier d’une œuvre.
Ces attributions sont donc,
Aussi, quelles que soient vos positions personnelles quant à la HADOPI en tant que telle, nous vous demandons de conserver à cette instance son statut d’autorité administrative indépendante.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
M. Bonnecarrère l’a rappelé avec raison : ces deux propositions de loi n’ont pas pour but de supprimer tel ou tel organisme, qu’il soit ou non reconnu comme autorité administrative indépendante. Elles ne tendent pas davantage à juger le fonctionnement de telle ou telle instance,…
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Exactement !
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis.
… point qui, je l’espère, fera l’objet d’autres débats.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
En effet, nous avons auditionné les représentants de diverses autorités, indépendantes ou non, dont le fonctionnement soulève à l’évidence un certain nombre de problèmes, ou dont les procédures, que le législateur leur a lui-même imposées, peuvent susciter des difficultés considérables. Je pense par exemple aux graves problèmes qu’ont posés, dans le domaine des médias, diverses décisions du CSA.
Toujours est-il que ces deux textes n’ont pas vocation à modifier les objectifs de telle ou telle autorité. Au sujet de la HADOPI, diverses conceptions s’opposent. On peut être très dubitatif quant au bilan de cet organisme. Mais, M. le rapporteur pour avis semble lui aussi le suggérer, ce sujet sera discuté ultérieurement.
La commission émet donc, sur cet amendement, comme sur l’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Si le présent texte était adopté en l’état, la HADOPI perdrait son statut d’autorité publique indépendante : elle serait tout simplement transformée en établissement administratif.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Or, depuis 2009, la HADOPI doit, entre autres missions, assurer la protection des œuvres par le biais de la réponse graduée. Son statut actuel correspond à la nature des missions qui lui sont confiées, en particulier au règlement des différends, ainsi qu’à ses pouvoirs réglementaires. Il lui permet d’agir dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité. Aussi, il mérite d’être maintenu.
Compte tenu de sa position globale sur cette proposition de loi, le Gouvernement s’en remet, pour ce qui concerne le présent amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
M. le président.
Je comprends la position de la commission de la culture que vient d’exposer M. Bonnecarrère. Au sein de la commission d’enquête, nous nous sommes nous-mêmes interrogés sur ce sujet.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
À propos de la HADOPI, Mme Marie-Françoise Marais nous a déclaré lors de son audition : « La question de son absorption par le CSA, même la présidente se l’est posée. »
Cela étant, j’ai bien noté l’attachement des pouvoirs publics au droit de la propriété intellectuelle, et je relève à mon tour que la HADOPI a été qualifiée d’autorité publique indépendante par le code de la propriété intellectuelle.
La question est posée et, je le répète, je suis sensible aux arguments émanant de la commission de la culture.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix, modifié, l'ensemble constitué par l’article 1
M. le président.
(L'article 1
et l’annexe sont adoptés.)
Les autorités publiques indépendantes disposent de la personnalité morale. –
Sauf disposition contraire, les règles prévues aux titres I
Pour l’application de la présente loi, les dispositions mentionnant le président d’une autorité administrative indépendante s’appliquent au Défenseur des droits et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Les articles 5 à 13 et l’article 22 ne sont pas applicables au Défenseur des droits. Par dérogation à la première phrase de l’article 16, il établit le règlement intérieur de l’institution, dont les règles déontologiques s’appliquent également aux adjoints, aux membres du collège et à ses délégués.
Le deuxième alinéa des articles 5 et 7, le troisième alinéa de l’article 11 et l’article 12 de la présente loi ne sont pas applicables au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Par dérogation à la première phrase de l’article 16, il établit le règlement intérieur de l’autorité.
L'amendement n
M. le président.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
des articles 5 et
par les mots :
de l'article
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. le président.
(L'article 4 est adopté.)
La durée du mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est de six ans.
Il est pourvu au remplacement d’un membre huit jours au moins avant l’expiration de son mandat. –
Les parlementaires désignés comme membres d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante sont élus à la majorité absolue des suffrages exprimés par l’assemblée au sein de laquelle ils siègent.
Par dérogation au premier alinéa de l’article 5, leur mandat prend fin avec leur mandat parlementaire. –
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante n’est pas révocable.
Sauf démission, le mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, que le membre se trouve dans une situation d’incompatibilité, qu’il est empêché d’exercer ses fonctions ou qu’il a manqué à ses obligations.
L'amendement n
M. le président.
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le mandat d'un membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si, sur proposition du président, le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué aux obligations prévues par la loi ou le règlement intérieur.
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Le mandat du président d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si, sur proposition du membre le plus âgé, le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué aux obligations prévues par la loi ou le règlement intérieur.
Un membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante qui se trouve dans une situation d'incompatibilité met fin à celle-ci dans un délai de trente jours à compter de sa nomination ou son élection. À défaut d'option dans ce délai, le président de l'autorité administrative indépendante ou de l'autorité publique indépendante, ou le membre le plus âgé lorsque l'incompatibilité concerne le président, le déclare démissionnaire.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement tend à procéder à trois modifications.
M. Jean-Pierre Sueur.
Tout d’abord, il vise à indiquer que, lorsqu’il se prononce sur l’interruption ou la suspension du mandat de l’un de ses membres, le collège d’une autorité administrative indépendante agit sur proposition de son président.
Ensuite, cet amendement a pour objet de préciser les obligations dont le manquement peut justifier l’interruption ou la suspension du mandat d’un membre, afin d’en bien délimiter le champ.
Enfin, il tend à exclure de cette procédure de vote du collège le traitement des incompatibilités.
En effet, autant l’empêchement d’exercer des fonctions et le manquement aux obligations imposées relèvent d’une appréciation subjective justifiant une saisine du collège et un vote de ce dernier, autant l’incompatibilité se constate, en tant que fait.
En conséquence, nous proposons de donner trente jours au membre élu ou nommé pour se mettre en conformité avec les règles d’incompatibilité énoncée. S’il ne s’y soumet pas, il revient au président de le déclarer démissionnaire.
Faisant suite aux observations de M. le rapporteur, cet amendement tend à prévoir l’hypothèse où le président lui-même aurait manqué à ses obligations, serait empêché d’exercer ses fonctions ou ne mettrait pas fin à une situation d’incompatibilité dans le délai fixé par la loi. En pareils cas, il reviendrait au membre le plus âgé de l’instance considérée, soit de convoquer le collège soit de déclarer le président démissionnaire.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à préciser que le collège statue sur proposition du président. Il tend également à alléger la procédure en cas d’incompatibilité en retenant, comme en matière électorale, la démission d’office, car l’appréciation est plus objective.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
La remarque que nous avons faite en commission a été prise en compte : lorsque le président est concerné, ses pouvoirs sont alors exercés par le membre le plus âgé.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les dispositions proposées clarifient le statut des membres de ces instances et apportent une précision utile sur les sanctions en cas de manquement. Il est légitime d’indiquer les cas dans lesquels l’interruption ou la suspension du mandat peuvent intervenir. De même, la distinction entre suspension, interruption et démission est intéressante.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Le Gouvernement s’en remet par conséquent à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. le président.
(L’article 7 est adopté.)
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante et d’une autorité publique indépendante n’est pas renouvelable.
En cas de vacance d’un siège de membre, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à la désignation, dans le délai de deux mois, d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois. –
Nul ne peut être membre de plusieurs autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes.
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec les fonctions au sein des services d’une de ces autorités.
Au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, le mandat de membre du collège est incompatible avec celui de membre d’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions. –
Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes peuvent percevoir une indemnité ou une rémunération, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d’État. –
Dans l’exercice de leurs attributions, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne reçoivent et ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité.
Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne prennent, à titre personnel, aucune position publique relative aux compétences de l’autorité au sein de laquelle ils siègent.
Les anciens membres des autorités administratives indépendantes et des autorités administratives indépendantes s'abstiennent de toute prise de position publique sur toutes les questions en cours d'examen durant un an à compter de la cessation de leur mandat. Les membres et anciens membres sont tenus de respecter le secret des délibérations.
L'amendement n
M. le président.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et des autorités administratives
par les mots :
et des autorités publiques
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à corriger une erreur rédactionnelle à l’alinéa 3 de l’article 10.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
M. le président.
(L'article 10 est adopté.)
À l’exception des parlementaires, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec tout mandat électif local. Sans préjudice d’incompatibilités spécifiques, ce mandat est également incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts en lien avec le secteur dont l’autorité assure le contrôle, la surveillance ou la régulation.
La présidence d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public. La même incompatibilité s’applique aux membres dont la fonction est exercée à temps plein.
Sauf s’il y est désigné en cette qualité, l’exercice des fonctions de membre du Conseil d’État, de membre de la Cour des comptes, de conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel et conseiller de chambre régionale des comptes est incompatible avec un mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante.
L'amendement n
M. le président.
Remplacer cet alinéa par onze alinéas ainsi rédigés :
À l’exception des parlementaires, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec :
1° Les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire ;
2° Les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;
4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;
5° Les fonctions de président et de vice-président d’un syndicat mixte ;
6° Les fonctions de président et de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l’assemblée de Corse ;
7° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique, de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;
8° Les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
9° Les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.
Sans préjudice d’incompatibilités spécifiques, ce mandat est également incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts en lien avec le secteur dont l’autorité assure le contrôle.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Par le biais de cet amendement, notre collègue Alain Richard fait observer que la proposition de loi, dans son article 11, prévoit de rendre incompatible le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante avec tout mandat électif local. Ce régime d’incompatibilité serait en conséquence plus strict que celui qui existe pour les parlementaires.
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous proposons de limiter aux fonctions exécutives locales l’incompatibilité avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante.
Le fait d’être conseiller municipal dans un village de cinquante habitants est-il un cas d’incompatibilité majeur ? Telle est la question que nous nous permettons de poser au travers de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, car il va dans le bon sens.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Notre collègue Alain Richard est à juste titre tout à fait réservé sur le non-cumul des mandats, comme il l’avait indiqué avec beaucoup de sagesse lors de l’examen du texte du Gouvernement sur ce sujet. Je regrette d’ailleurs que, une fois de plus, le Gouvernement n’ait pas alors suivi ses observations.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est tout à fait favorable au non-cumul des mandats, mais également à cet amendement, car l’interdiction générale inscrite dans la proposition de loi, bien qu’elle existe déjà pour certaines autorités administratives indépendantes, peut poser problème eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je ne rappellerai pas les arguments que vient de développer à l’instant Jean-Pierre Sueur.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un décret en Conseil d'État détermine la liste des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dont la présidence est incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle ou d'un autre emploi public.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
L’alinéa 2 de l’article 11 de la proposition de loi prévoit l’interdiction pour les présidents d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante d’exercer toute activité professionnelle ou tout emploi public.
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous ne sommes pas opposés à une telle incompatibilité, mais nous pensons qu’elle pourrait poser des problèmes si elle devait s’appliquer de manière rigide et uniforme.
En effet, les autorités administratives indépendantes, si elles partagent une qualification commune, n’en sont pas moins diverses dans leur champ d’activité, leur périmètre, leurs missions, leurs effectifs. En conséquence, leur présidence ne requiert pas systématiquement un emploi à temps plein.
Afin de tenir compte de la diversité des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, le présent amendement tend à ce qu’un décret en Conseil d’État détermine celles dont la présidence est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public.
L’adoption de cet amendement apporterait de la souplesse pour aujourd’hui comme pour l’avenir. Il ne faut pas oublier que la liste des autorités administratives indépendantes peut évoluer en fonction des nécessités. Peut-être cette souplesse serait-elle bénéfique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission est tout à fait défavorable à cet amendement, qui est contraire à la démarche de simplification et de transparence qui est la nôtre. Nous avons en effet prévu que la présidence des autorités administratives indépendantes était incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Il faut être clair : est-il raisonnable à la fois de dire que les autorités administratives indépendantes ont un pouvoir important, qu’elles sont indépendantes – celles qui subsisteront dans la liste restreinte le seront d’autant plus – et de considérer que leurs présidents peuvent exercer une autre activité en parallèle ?
Ne serait-ce pas un peu malin, au sens premier du terme, de décider qu’un décret en Conseil d’État détermine la liste des autorités administratives indépendantes dont la présidence est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public, mes chers collègues, sachant que pratiquement les deux tiers des présidents de ces autorités sont des conseillers d’État ou des conseillers à la Cour des comptes ? Il me semble qu’il ne serait pas très sage d’aller dans cette direction !
En outre, lorsqu’on est, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, favorable au non-cumul des mandats, lorsqu’on est, comme nous, attaché à l’unicité de la fonction – je rappelle que le Sénat a considéré hier soir qu’il n’était pas bon que le Gouvernement nomme des parlementaires en mission –, il ne faut pas envoyer des messages contraires à tous ceux que le Gouvernement adresse au pays depuis trois ans.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
La proposition de loi consacre l’interdiction absolue du cumul. La solution proposée par le biais de cet amendement consiste à renvoyer à un décret en Conseil d’État la liste des autorités administratives indépendantes ou des autorités publiques indépendantes dont la présidence est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Cette solution est préférable, car elle permet de fixer une règle au cas par cas et non une règle générale. Il faut tenir compte des spécificités des missions de chacune des autorités et du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions de président d’une autorité administrative indépendante.
Si une incompatibilité absolue était décidée, tous les présidents ne pourraient exercer que la présidence de leur autorité. En réalité, une telle incompatibilité pourrait entraîner des coûts, car certaines autorités n’émettent qu’un nombre assez limité d’avis au cours d’une année.
Le renvoi à un décret en Conseil d’État semble une solution adéquate. Par conséquent, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
M. le président.
Si je comprends bien, M. le rapporteur est pour le cumul des mandats en politique et contre le cumul dans l’administration…
Mme Corinne Bouchoux.
Certes, l’idée de confier au Conseil d’État le pouvoir de déterminer la liste des autorités dont la présidence est incompatible avec une autre fonction ne m’enchante pas, compte tenu, de surcroît, des critiques que vient de faire M. le rapporteur, mais je pense que l’interdiction de cumuler une présidence avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public sera source de gaspillage, notamment des deniers publics.
À titre d’exemple, permettez-moi d’évoquer le cas de la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs. Alors que sa présidence a toujours été confiée à un retraité, elle est aujourd'hui assurée par un conseiller d’État en activité. L’application trop stricte de la règle du non-cumul serait finalement coûteuse.
Je le répète, je ne m’explique pas que l’on soit pour le cumul des mandats en politique et contre dans l’administration ! Soit on est contre dans les deux cas – telle serait plutôt ma position –, soit on est pour dans les deux cas, mais il ne me paraît pas raisonnable de faire deux poids deux mesures.
Même si je suis très critique à l’égard des conseillers d’État et du Conseil d’État, même si je suis contre le cumul des mandats, je pense qu’il faut introduire un peu de souplesse.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. le président.
Je défends moi aussi l’idée d’introduire une certaine souplesse, car certaines autorités administratives exigent des compétences qui n’existent pas dans l’administration, que ce soit dans le domaine de la santé ou du droit. On peut ainsi imaginer que des médecins, des avocats, des chefs d’entreprise puissent être sollicités pour exercer la présidence d’une autorité administrative indépendante.
M. Gérard Longuet.
Si vous n’acceptez pas qu’il soit possible, dans certains cas, d’exercer à la fois une présidence et une activité professionnelle, alors la présidence ne peut être confiée qu’à un retraité ou à un fonctionnaire.
Certes, en prévoyant un décret en Conseil d’État, vous confiez la garde du pot de crème au chat, mais un tel décret a l’immense avantage de pouvoir être attaqué. C’est là une soupape de sûreté si vous craignez que les chats ne se gardent la crème.
(Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Je ne sais pas si les propos que je vais tenir sont politiquement corrects, mais tant pis !
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Nous avons tout de même constaté que, dans un certain nombre de cas, des présidents de section à la Cour des comptes ou au Conseil d’État étaient par ailleurs présidents d’autorités administratives indépendantes. Mme Bouchoux connaît elle-même la question du cumul, puisqu’elle est membre de la CADA.
Je pense que, en la matière, il faut être strict. On ne peut pas à la fois vouloir restreindre le nombre et la prolifération des autorités administratives indépendantes, leur donner et leur conserver des pouvoirs importants, et considérer que leurs présidents peuvent parallèlement exercer une autre activité. Qui donc dirigera l’autorité administrative indépendante pendant que le président exercera son autre fonction, si ce n’est son administration ?
J’entends bien les observations de notre excellent collègue Gérard Longuet, mais il évoque des cas qui n’existent pratiquement pas dans les autorités administratives indépendantes. Je le répète, dans les deux tiers des cas, la présidence de ces autorités est exercée par un conseiller du Conseil d’État ou de la Cour des comptes.
Justement, il faudrait que cela change !
M. Gérard Longuet.
Si vous laissez au Conseil d’État le soin de faire le tri, la situation ne changera pas, pis, elle s’aggravera. Il faut tout de même se rendre compte de ce qu’est la réalité ! D’aucuns ont pu considérer que nous avions des
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Lors des auditions auxquelles a procédé la commission d’enquête – Mme Des Esgaulx, sa présidente, s’en souvient –, nous avons pris connaissance de situations qui, si elles n’avaient pas l’air de beaucoup choquer les personnes auditionnées, nous ont choquées, nous.
Il faut le dire : adopter cet amendement irait à l’encontre de l’esprit de la proposition de loi.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Remplacer les mots :
conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d'appel et conseiller de chambre régionale
par les mots :
membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de membre du corps des magistrats des chambres régionales
La parole est à M. le rapporteur.
Amendement rédactionnel.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Favorable.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
M. le président.
(L'article 11 est adopté.)
La déclaration d’intérêts déposée par un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante en application du 6° du I de l’article 11 de la loi n
Aucun membre de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante ne peut participer à une délibération, une vérification ou un contrôle si :
1° Il y a intérêt ou, au cours des trois années précédant la décision, eu intérêt ;
2° Il exerce des fonctions ou détient des mandats ou, si au cours de la même période, il a exercé des fonctions ou détenu des mandats au sein d’une personne morale concernée par la délibération, la vérification ou le contrôle ;
3° Il représente ou, au cours de la même période, a représenté une des parties intéressées. –
L’autorité administrative indépendante ou l’autorité publique indépendante détermine dans son règlement intérieur les règles déontologiques applicables à ses agents et, le cas échéant, à ses collaborateurs ou experts. –
Les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes disposent des moyens humains et techniques nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ainsi que des ressources correspondantes, dans les conditions fixées en loi de finances. –
Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, un règlement intérieur, adopté par le collège sur proposition de son président, précise les règles d’organisation et de fonctionnement au sein de chaque autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante. Il est publié au
Journal officiel
Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante dispose de services placés sous l’autorité de son président.
Selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante peut bénéficier de la mise à disposition ou du détachement de fonctionnaires, de magistrats de l’ordre judiciaire, de militaires et de fonctionnaires des assemblées parlementaires et recruter, au besoin, des agents contractuels.
Un décret en Conseil d'État détermine l'échelle des rémunérations des personnels des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. –
Le secrétaire général ou le directeur général est nommé par le président de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante. –
Le président de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante est ordonnateur des recettes et des dépenses.
La loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées n’est pas applicable à la gestion des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Elles présentent leurs comptes au contrôle de la Cour des comptes. –
Toute autorité publique indépendante dispose de l’autonomie financière.
Le budget de l’autorité publique indépendante est arrêté par le collège sur proposition de son président. –
Les biens immobiliers appartenant aux autorités publiques indépendantes sont soumis aux dispositions du code général de la propriété des personnes publiques applicables aux établissements publics de l’État. –
Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante adresse chaque année, avant le 1
À la demande des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante rend compte de son activité devant elles.
À la demande du président de l’une de ces commissions, l’avis d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante sur tout projet de loi est rendu public. –
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° du I de l’article 20 de la loi n
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Le présent amendement a pour objet de transférer aux bureaux des assemblées les compétences de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, concernant le contrôle de la situation personnelle des parlementaires.
M. Yves Pozzo di Borgo.
D’emblée, je souhaite lever tout soupçon. La Haute Autorité a réalisé un travail que je tiens à saluer en tant que parlementaire, et qui nous a permis de nouer avec elle de bonnes relations. Je ne peux donc que me féliciter de ce travail.
Toutefois, en tant qu’autorité administrative indépendante, la HATVP se trouve dans une situation manifestement contraire au sens de l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
En effet, la carrière du personnel de cette autorité administrative et de certains de ses membres dépend de l’exécutif, qui contrôle la situation des parlementaires, avec pour conséquence éventuelle des poursuites judiciaires, ce qui peut tout à fait se produire. Le label AAI ne suffit pas à masquer l’évidente confusion des pouvoirs entraînée par la loi du 11 octobre 2013.
Le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence, n’a pas considéré que cette situation était contraire à l’article XVI de la Déclaration de 1789, non plus qu’aux dispositions de l’article 26 de la Constitution qui précise que le bureau est l’organe compétent en matière disciplinaire au sein des assemblées. Le Conseil constitutionnel est souverain. Toutefois, je ne peux que constater à quel point cette décision jurisprudentielle du juge constitutionnel s’écarte de la clarté du texte constitutionnel.
Or, dans un contexte où la transparence – c’est l’esprit de cette proposition de loi – devient une exigence incontournable, nous devons plus que jamais respecter les fondamentaux de notre ordre constitutionnel, surtout dans une période où le politique et les pouvoirs publics sont déstabilisés. Les assemblées disposent d’organes compétents en matière disciplinaire qui peuvent très bien réaliser un travail comparable à celui de la Haute Autorité.
Concernant le Sénat, pour ne prendre qu’un seul exemple, le train de réformes engagé par le bureau sous l’autorité du président Larcher a permis de faire la démonstration de la rigueur, de l’inflexibilité et de l’absence de complaisance du travail de contrôle réalisé par le bureau.
Le Sénat a conforté une véritable crédibilité de ce point de vue et nous permet ainsi de poser la question de l’instauration d’un régime de transparence qui soit désormais totalement conforme à notre Constitution.
Tel est le sens de cet amendement que je vous propose d’adopter.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je comprends l’objectif de M. Pozzo di Borgo, mais je ne peux être favorable à son amendement. En effet, ce dernier traite des attributions d’une autorité administrative indépendante, en l’occurrence la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ce qui n’est pas en cohérence avec les deux textes que nous vous soumettons. Cela étant, il est bon que cela soit dit.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
J’ajoute que nous avons auditionné durant cinq heures le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – il a été entendu pendant deux heures et demie au Sénat, et je suis aussi allé l’auditionner dans son bureau puisqu’il s’agissait d’une commission d’enquête. Je lui ai fait passer le message qu’il était bon que la loi de la République soit appliquée par la Haute Autorité de la même manière sur l’ensemble du territoire national à tous ceux qui relèvent de sa compétence, ce qui n’était pas – du moins le jour où je l’ai entendu – encore le cas.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je crois aussi, comme vient de le dire le rapporteur, que cet amendement est étranger à l’objet de la présente proposition de loi. À certains égards, cet amendement, qui porte non pas sur le statut de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, mais sur ses compétences, pourrait s’apparenter à un cavalier.
De toute façon, sur le fond, nous sommes très attachés à ce dispositif, à la transparence qu’il assure et qui repose évidemment sur l’indépendance de la Haute Autorité. Il ne faudrait pas revenir en arrière. Ce n’est pas du tout le sens des progrès qui ont été faits en matière de transparence de la vie publique.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. le président.
Je vais retirer cet amendement n
M. Yves Pozzo di Borgo.
Je comprends très bien, s’agissant d’un amendement important, qu’il ne peut pas être voté sans le consensus du Parlement. J’ai retenu les arguments du rapporteur, plus que ceux du secrétaire d'État. Si la réforme qui a été proposée est bonne et les nouveaux pouvoirs qui ont été donnés positifs, je considère que la façon dont est mise en œuvre la mission de contrôle de l’exercice des mandats parlementaires constitue une régression constitutionnelle, du fait que cette compétence ne soit pas exercée par les bureaux des assemblées, ce qui n’est pas conforme à la Constitution. C’est sur ce point que je veux insister.
Au cours de ma première année de droit, je m’étais rendu compte, lors des travaux pratiques, que le travail jurisprudentiel de nombreux tribunaux allait très souvent à l’encontre de l’esprit de la loi. J’ai beaucoup de respect pour le Conseil constitutionnel, mais je considère que sa décision jurisprudentielle concernant la HATVP va à l’encontre de l’esprit et de la clarté de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et de l’article 26 de la Constitution.
Cela étant, je souhaite que, à l’occasion du travail d’évaluation que la commission des lois va mener sur la loi de 2013, une réflexion sur ce sujet soit engagée. Il n’est pas normal, alors que la vie politique est déstabilisée, que les principes fondamentaux de la démocratie, notamment celui de la séparation des pouvoirs, ne soient pas appliqués.
D'ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même, concernant la Cour des comptes, a bien précisé qu’elle était indépendante, qu’elle ne devait pas contrôler le Parlement. Et c’est la raison pour laquelle le Sénat et l’Assemblée nationale lui ont demandé de l’assister dans leurs missions de contrôle.
Je retire cet amendement, mais je considère que cette importante réflexion doit être engagée.
L'amendement n
M. le président.
Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport sur la gestion des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
1° Cette annexe générale récapitule, par autorité et pour le dernier exercice connu, l’exercice budgétaire en cours d’exécution et l’exercice suivant :
- par corps ou par métier et par type de contrat ;
- par catégorie ;
- par position statutaire pour les fonctionnaires.
2° Elle présente également, de façon consolidée pour l’ensemble des autorités administratives et publiques indépendantes, l’ensemble des crédits et des impositions affectées qui leur sont destinés et le total des emplois rémunérés par eux ou mis à leur disposition par des tiers.
3° Cette annexe générale comporte enfin, pour chaque autorité publique indépendante, une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois avec une justification au premier euro. Elle expose la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l’autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante et comporte une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.
Elle est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l’examen du projet de loi de finances de l’année qui autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés aux organismes divers habilités à les percevoir. –
I. – Au premier alinéa du I de l’article L. 612-1 du code monétaire et financier, les mots : « , autorité administrative indépendante, » sont supprimés.
II. – Au premier alinéa de l’article 17 de la loi n
III. – Au premier alinéa du I de l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, les mots : « est une autorité indépendante qui » sont supprimés.
IV. – Au premier alinéa du II de l’article 4 de loi n
V. – Au premier alinéa de l’article L. 2312-1 du code de la défense, les mots : « une autorité administrative indépendante. Elle est » sont supprimés.
VI. – Le premier alinéa de l’article L. 212-6-7 du code du cinéma et de l’image animée est supprimé.
VII. – Le I de l’article L. 751-7 du code de commerce est abrogé.
VIII. – Au premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de l’environnement, les mots : « , autorité administrative indépendante, » sont supprimés.
IX. – À l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « sur internet est », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture ».
L'amendement n
M. le président.
Alinéas 2 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement de conséquence résulte de l’adoption des amendements n
M. Philippe Bonnecarrère,
rapporteur pour avis.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n
La parole est à M. Michel Berson, pour présenter l'amendement n
La présente proposition de loi vise à supprimer la qualité d’autorité administrative indépendante au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le CCNE. Cet organisme, créé en 1983 et rattaché au Premier ministre, a acquis par la loi le statut d’AAI en 2004.
M. Michel Berson.
À ce jour, il a rendu cent vingt-quatre avis sur les problèmes éthiques, sur les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines des sciences de la vie, de la biologie, de la médecine et de la santé. Les sujets traités par le CCNE sont donc toujours très complexes et potentiellement sensibles. Je rappellerai, pour mémoire, l’assistance médicale à la procréation, la recherche sur l’embryon humain, l’accès à l’information génétique, la condition des dons d’organes, ou encore le droit à la fin de vie.
Je rappellerai également que toute loi relative à la bioéthique doit être précédée d’un débat public sous forme d’états généraux, dont l’organisation relève du CCNE, et ce après consultation des commissions parlementaires permanentes et de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Composé de scientifiques, de médecins, de philosophes, de juristes, de théologiens, le CCNE est le seul comité français ne dépendant d’aucune autorité de tutelle. Sa mission est donc de donner des avis indépendants, des avis sereins.
Certes, rien n’oblige l’État à suivre les avis du CCNE, mais le rôle de celui-ci dans le développement de la réflexion éthique est indéniable. Le Comité nourrit le débat public d’une pensée libre et indépendante. La société y puise des idées qui la font avancer. C’est dire l’importance du rôle joué par le CCNE, une importance qui justifie pleinement qu’il doive garder sa qualité d’autorité administrative indépendante.
L’indépendance du Comité est en effet avérée en raison de l’absence de toute tutelle à son égard de la part du pouvoir exécutif.
Sa nature administrative est également avérée, car, si le CCNE n’est pas soumis à un pouvoir hiérarchique ministériel, il agit au nom de l’État et engage sa responsabilité.
Enfin, le Comité est bien une autorité, contrairement à ce qu’affirme notre rapporteur. Certes, le Conseil d’État a généralement estimé que le critère de l’autorité devait conduire à ne ranger parmi les AAI que les instances détenant un pouvoir de décision, mais le législateur, au contraire, a toujours considéré que le pouvoir d’influence exercé par certains organismes doit conduire à les qualifier d’AAI.
Le CCNE exerce donc une véritable autorité, confortée par la stature morale de ses membres et par la publicité de ses rapports.
Veuillez conclure mon cher collègue !
M. le président.
Le Conseil d’État est d'ailleurs parvenu au même constat, considérant que « peu importe de ce fait que les autorités administratives indépendantes n’édictent pas toutes et exclusivement des décisions exécutoires dès lors que leur pouvoir d’influence et de persuasion, voire ″d’imprécation″, aboutit au même résultat ».
M. Michel Berson.
L'amendement n
M. le président.
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
III. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1412-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité exerce sa mission en toute indépendance. » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article L. 1412-2, les mots : « est une autorité indépendante qui » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n
Cet amendement n
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Il ne faut pas considérer – comme l’a dit la présidente de la commission d’enquête qui a proposé avec moi ces deux textes – que le fait de ne pas être une autorité administrative indépendante est une dévalorisation, un désaveu, un déclassement, comme j’ai pu l’entendre ou comme nous avons pu le lire dans un certain nombre de courriers qui nous ont été adressés. Là encore, il faut faire preuve de cohérence.
Nous ne doutons pas du pouvoir d’influence des membres du CCNE qui sont tous des femmes et des hommes de grande qualité technique, intellectuelle et morale. Mais cela ne peut justifier la qualité d’autorité administrative indépendante. Le CCNE, au sens des propositions que nous avons faites dans ces deux textes, ne peut pas figurer parmi les autorités administratives indépendantes, car ce comité consultatif ne rend pas de décisions, mais émet de simples avis, qui sont entendus de par la qualité de ses membres, mais ce ne sont que des avis.
L’application du statut général défini par le présent texte paraîtrait tout à fait délicate, voire impossible, comme nous l’avons déjà dit à l’occasion de l’examen d’autres amendements, car les contraintes que nous imposons semblent disproportionnées par rapport aux missions que le Comité exerce.
Toutefois, nous avons voulu entendre le message de ce comité. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, une modification de l’article L. 1412-1 du code de la santé publique permettant d’indiquer que « le comité exerce sa mission en toute indépendance ». Donc, rien ne lui serait retiré. Les choses seraient ainsi formalisées.
D'ailleurs, cette expression reprend purement et simplement celle qui existe pour un organisme proche, dont le pouvoir d’influence est considérable, la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Celle-ci n’appartient pas non plus à la catégorie des autorités administratives indépendantes, mais l’indépendance de ses travaux est garantie, selon strictement la même formule, par la loi du 5 mars 2007.
En conclusion, nous vous proposons, mes chers collègues, de ne pas retenir l’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’article L. 1412-2 du code de la santé publique qualifie le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé non pas précisément d’autorité administrative indépendante, mais seulement d’autorité indépendante. Il nous paraît donc souhaitable de maintenir la qualification existante pour cette institution créée en 1983, qui représente un modèle à l’échelon international, et qui a vu son rôle renforcé par la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2001.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Le Gouvernement s’en remet par conséquent à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n
S’agissant de l’amendement n
La parole est à M. Michel Berson, pour explication de vote.
M. le président.
La question est de savoir si ce comité est une autorité ou pas. Qu’il soit indépendant, tout le monde en convient, le problème n’est pas là.
M. Michel Berson.
Selon moi, c’est en effet une autorité, le législateur a confirmé à plusieurs reprises qu’on allait dans ce sens, et le Conseil d’État lui-même a évolué, puisqu’il a reconnu qu’il fallait qualifier d’autorité ce type de comité.
M. le rapporteur a bien vu qu’il y avait un problème, puisqu’il a jugé bon de déposer un amendement visant à consacrer l’indépendance du CCNE.
Le président du Comité a fait part aujourd’hui même au président de l’OPECST des inquiétudes que lui inspirait le projet de modification du statut de ce comité. C’est la raison pour laquelle, en ma qualité de membre de cet office, j’ai voulu insister sur ce point.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
M. le président.
Nous soutenons l’amendement n
Mme Corinne Bouchoux.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 25, modifié.
M. le président.
(L'article 25 est adopté.)
Le chapitre II du titre III du livre II du code du sport est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 232-5 est ainsi modifié :
2° L’article L. 232-6 est ainsi modifié :
« Le mandat des membres du collège de l’agence n’est pas interrompu par les règles concernant la limite d’âge éventuellement applicables aux intéressés. » ;
3° La seconde phrase du premier alinéa et le troisième alinéa de l’article L. 232-7 sont supprimés ;
4° Les trois premiers alinéas de l’article L. 232-8 sont supprimés. –
Le chapitre I
1° L’article L. 6361-1 est ainsi modifié :
2° L’article L. 6361-3 est ainsi modifié :
(Supprimé)
(Supprimé)
3° L’article L. 6361-10 est abrogé ;
4° L’article L. 6361-11 est ainsi modifié :
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1° L’article 18-1 est ainsi modifié :
2° Au second alinéa de l’article 18-3, les mots : « et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse » sont supprimés ;
3° L’article 18-5 est ainsi modifié :
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination à la suite de l’inscription de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse à l’annexe de la proposition de loi.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 27.
M. le président.
Le chapitre I
1° L’article L. 461-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, les mots : « pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie » sont remplacés par les mots : « par décret » ;
- au deuxième alinéa, après le mot : « nommé », sont insérés les mots : « par décret du Président de la République » ;
- il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
2° L’article L. 461-2 est ainsi modifié :
3° L’article L. 461-4 est ainsi modifié :
4° Les deux derniers alinéas de l’article L. 461-5 sont supprimés. –
Le titre III du livre I
1° Au premier alinéa de l’article L. 2131-1, les mots : « , dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
2° L’article L. 2131-2 est abrogé ;
3° La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 2132-1 est supprimée ;
4° Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2132-2, les mots : « Le collège de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières adopte et publie un règlement intérieur précisant » sont remplacés par les mots : « Le règlement intérieur de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières précise » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 2132-4, les mots : « constaté par le collège » sont supprimés ;
6° La seconde phrase de l’article L. 2132-5 est supprimée ;
7° L’article L. 2132-6 est abrogé ;
8° La seconde phase du dernier alinéa de l’article L. 2132-7 est supprimée ;
9° Les premier à avant-dernier alinéas de l’article L. 2132-8 sont supprimés ;
10° La seconde phrase du sixième alinéa et le septième alinéa de l’article L. 2132-8-2 sont supprimés ;
11° L’article L. 2132-10 est ainsi modifié :
12° Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 2132-11, les mots : « membres et » sont supprimés ;
13° Le premier alinéa, la seconde phrase du deuxième alinéa et les deux derniers alinéas de l’article L. 2132-12 sont supprimés. –
Le titre I
1° L’article L. 130 est ainsi modifié :
- après le mot : « est », sont insérés les mots : « une autorité administrative indépendante » ;
- les mots : « pour un mandat de six ans » sont supprimés ;
2° L’article L. 131 est ainsi modifié :
« Les membres de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes exercent leurs fonctions à temps plein. » ;
3° Les deux premiers alinéas de l’article L. 132 sont supprimés ;
4° Les trois derniers alinéas de l’article L. 133 sont supprimés ;
5° L’article L. 135 est ainsi modifié :
« Le rapport d’activité établi par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes présente :
« 1° Les mesures propres à assurer aux utilisateurs finals handicapés un accès aux réseaux et aux services de communications électroniques équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs qui ont été mises en œuvre ;
« 2° L’évolution des tarifs de détail applicables aux services inclus dans le service universel prévus à l’article L. 35-1 ;
« 3° L’analyse des principales décisions prises par les autorités de régulation des communications électroniques et des postes dans les États membres de l’Union européenne au cours de l’année écoulée, en vue de permettre l’établissement d’une comparaison des différents types de contrôles exercés et de leurs effets sur les marchés.
« Ce rapport est adressé à la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. » ;
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 30, modifié.
M. le président.
(L'article 30 est adopté.)
1° L’article 34 est ainsi modifié :
2° Le II de l’article 35 est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- à la seconde phrase, après le mot : « président », sont insérés les mots : « de l’Autorité de régulation des jeux en ligne » ;
3° L’article 36 est ainsi modifié :
4° L’article 37 est ainsi modifié :
- les deux premiers alinéas sont supprimés ;
- à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « fixe le règlement intérieur et les règles de déontologie applicables au personnel des services de l’Autorité de régulation des jeux en ligne et » sont supprimés ;
- la première phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « du personnel des services de l’Autorité de régulation des jeux en ligne » ;
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent II. » ;
5° L’article 41 est ainsi modifié :
L’amendement n
M. le président.
Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 31, modifié.
M. le président.
(L'article 31 est adopté.)
Le chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 592-2 est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- après le mot : « sexe », la fin de la deuxième phrase est supprimée ;
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
2° Les articles L. 592-3 et L. 592-4 sont abrogés ;
3° L’article L. 592-5 est ainsi modifié :
4° Les articles L. 592-6 et L. 592-7 sont abrogés ;
5° À l’article L. 592-9, les mots : « de l’article L. 592-3 et » sont supprimés ;
6° L’article L. 592-12 est abrogé ;
7° L’article L. 592-13 est ainsi modifié :
8° L’article L. 592-14 est ainsi modifié :
9° L’article L. 592-15 est abrogé ;
10° À l’article L. 592-30, les mots : « des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ou » sont supprimés ;
11° L’article L. 592-31 est ainsi rédigé :
Art. L. 592-31
« À cette occasion, l’Autorité de sûreté nucléaire se prononce sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. » –
Le chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 621-1, les mots : « dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
2° L’article L. 621-2 est ainsi modifié :
- le 1° est complété par les mots : « du Président de la République » ;
- les quatorzième et quinzième alinéas sont supprimés ;
- après le mot : « alinéas », la fin du seizième alinéa est supprimée ;
- après le seizième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
- les dixième et onzième alinéas et la seconde phrase du douzième alinéa sont supprimés ;
- le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, la commission des sanctions est, à l’exception de son président, renouvelée par moitié tous les trois ans. » ;
3° Au dernier alinéa du II de l’article L. 621-3, le mot : « général » est remplacé par le mot : « intérieur » ;
4° L’article L. 621-4 est ainsi modifié :
(Supprimé)
5° L’article L. 621-5-1 est ainsi modifié :
- sont ajoutés les mots : « du personnel des services de l’Autorité des marchés financiers » ;
6° L’article L. 621-5-2 est ainsi modifié :
- le premier alinéa est supprimé ;
- au dernier alinéa, la référence : « I » est remplacé par les mots : « du présent article » ;
L’amendement n
M. le président.
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Richard Yung.
Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai dans le même temps l’amendement n
M. Richard Yung.
J’accède bien volontiers à votre demande, mon cher collègue.
M. le président.
L’amendement n
Alinéas 18 à 22
Supprimer ces alinéas.
Veuillez poursuivre, monsieur Yung.
L’amendement n
M. Richard Yung.
Il est donc préférable de ne pas rétablir le renouvellement partiel du collège de l’AMF par moitié tous les trois ans qui n’est pas compatible avec le respect de la parité, en raison de la diversité des neuf autorités de nomination. Si, tous les trois ans, celles-ci doivent nommer des personnalités différentes, la parité ne sera jamais respectée, et ce serait un recul par rapport à la situation actuelle.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission émet des avis défavorables sur ces deux amendements, mais tient à préciser que sa position ne remet nullement en cause la parité.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
S’agissant de l’amendement n
(Sourires.)
Quant à l’amendement n
Ces conditions ne sont pas satisfaisantes au regard de l’indépendance de l’AMF. L’adoption de cet amendement balaierait donc tout l’esprit du travail que nous avons accompli.
Cette organisation ne donne pas au président, pourtant nommé selon les modalités prévues au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, les moyens de diriger l’AMF, alors qu’il est responsable de son action devant le collège et, plus fondamentalement, devant le Parlement. C’est un cas très particulier, qui se situe à la limite de la notion d’indépendance, mon cher collègue, pour dire les choses telles qu’elles sont. La commission ne peut par conséquent souscrire à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’amendement n
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
En prévoyant un renouvellement des membres de l’AMF par moitié tous les trois ans, la proposition de loi rend difficile le respect de la règle introduite par l’ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des AAI et des API, selon laquelle l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes de deux catégories de membres, en l’occurrence les personnalités qualifiées en raison de leurs compétences financières et les représentants des salariés actionnaires, ne peut être supérieur à un. Le Gouvernement est favorable à la conservation des règles actuelles s’agissant des mandats des membres de l’AMF, et s’en remet à la sagesse du Sénat.
Quant à l’amendement n
La suppression du secrétaire général, prévue par la proposition de loi, aurait pour conséquence de concentrer l’ensemble de ses lourdes attributions sur le seul président, ce qui risque fort de s’effectuer au détriment de la capacité de celui-ci à représenter l’AMF, en particulier aux échelons européen et international. Je peux témoigner personnellement du fait que les présidents de l’AMF et des autorités équivalentes en Europe se réunissent très régulièrement, souvent à Paris d’ailleurs, et cette fonction de coordination européenne est très importante. Il me semble donc que l’on ne peut pas fusionner les rôles de président et de secrétaire général.
En conséquence, le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Cette question est extrêmement intéressante et elle peut quasiment servir de conclusion à notre débat. Voilà en effet la démonstration du pouvoir excessif de la haute fonction publique dans certains cas.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Nous parlons en l’occurrence d’une curieuse autorité administrative « indépendante », monsieur le secrétaire d’État, qui pourrait se voir imposer le choix de son secrétaire général, dont la nomination est soumise à l’agrément du ministre.
Nous apercevons, derrière ces dispositions, la toute-puissance de Bercy, mais il est bon que le Parlement, de temps en temps, rappelle qu’il y a certaines limites à ne point franchir !
(Mme Marie-Annick Duchêne et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent.)
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. le président.
S’agissant de la parité, nous comprenons bien que, s’il y a neuf autorités de nomination, elles devront se coordonner entre elles pour décider des candidatures à proposer afin que la parité soit respectée. Il s’agit là d’une difficulté supplémentaire considérable.
M. Richard Yung.
Sur ce que vous avez appelé la « dyarchie », monsieur le rapporteur, une appellation que je trouve d’ailleurs assez désagréable, le droit actuel prévoit que le secrétaire général est nommé par le président de l’AMF après vote du collège, c’est-à-dire de ceux qui décident et, effectivement, agrément du ministre. Ce n’est donc pas tout à fait le scandale de la République que vous décrivez.
Preuve en est que l’AMF fonctionne depuis plus d’une dizaine d’années de façon tout à fait satisfaisante au moyen d’un partage de pouvoirs entre le président, qui exerce les fonctions précédemment décrites par M. le secrétaire d’État, et le secrétaire général, qui non seulement fait fonctionner l’Autorité, mais détient aussi le pouvoir de diligenter les enquêtes. Ce dernier a donc un rôle important, mais distinct de celui du président. Pourquoi changer, quand ça marche ?
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’article 33.
M. le président.
(L'article 33 est adopté.)
L’article L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le douzième alinéa est ainsi modifié :
- au début, le mot : « Les » est remplacé par les mots : « Le président de la commission est nommé par décret du Président de la République parmi les membres. Les autres » ;
- les mots : « du Premier ministre » sont supprimés ;
« Le membre mentionné au 3° siège pour la durée du mandat au titre duquel il est désigné. » ;
2° Après le douzième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. ». –
L’amendement n
M. le président.
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre II du titre I
1° À l’intitulé, le mot : « consultative » est supprimé ;
2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 2312-1, le mot : « consultative » est supprimé ;
3° L’article L. 2312-2 est ainsi modifié :
4° L’article L. 2312-3 est abrogé ;
5° Au dernier alinéa de l’article L. 2312-4, le mot : « consultative » est supprimé ;
6° L’article L. 2312-5 est ainsi modifié :
7° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-7 et au premier alinéa de l’article L. 2312-8, le mot : « consultative » est supprimé.
II. – Au dernier alinéa de l’article L. 773-7 du code de justice administrative, le mot : « consultative » est supprimé.
III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, à la deuxième phrase du deuxième alinéa, à la première phrase du cinquième alinéa, à la première phrase du sixième alinéa, aux première, deuxième et dernière phrases du septième alinéa du I et à la première phrase du II de l’article 56-4, le mot : « consultative » est supprimé ;
2° Au second alinéa de l’article 230-2, les mots : « par la loi n
IV. – Au second alinéa du I de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, le mot : « consultative » est supprimé.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 34.
M. le président.
Le titre III du livre I
1° Au premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’énergie, après le mot : « énergie », sont insérés les mots : « , autorité administrative indépendante, » ;
2° L’article L. 132-2 est ainsi modifié :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
3° La première phrase du cinquième alinéa et le dernier alinéa de l’article L. 132-3 sont supprimés ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 132-4 est supprimé ;
5° L’article L. 132-5 est abrogé ;
6° L’article L. 133-5 est ainsi modifié :
7° Au premier alinéa de l’article L. 133-6, les mots : « membres et » sont supprimés ;
8° L’article L. 134-14 est abrogé. –
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le neuvième alinéa et les deux derniers alinéas de l’article L. 831-1 sont supprimés ;
2° L’article L. 832-1 est abrogé ;
3° L’article L. 832-2 est ainsi modifié :
« Le président de la commission exerce ses fonctions à temps plein. » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 832-3 est supprimé ;
5° L’article L. 832-4 est abrogé ;
6° Le premier alinéa de l’article L. 833-9 est supprimé.
L’amendement n
M. le président.
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
4° L'article L. 832-3 est ainsi modifié :
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 36, modifié.
M. le président.
(L'article 36 est adopté.)
Le chapitre III de la loi n
1° La seconde phrase du dix-neuvième alinéa et le dernier alinéa de l’article 11 sont supprimés ;
2° L’article 12 est abrogé ;
3° L’article 13 est ainsi modifié :
- après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
- avant le douzième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le président est nommé par décret du Président de la République parmi les membres. » ;
- au douzième alinéa, les mots : « un président et » sont supprimés et le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Le président et les vice-présidents » ;
- le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« Le président exerce ses fonctions à temps plein. » ;
- le quatorzième alinéa est supprimé ;
- les trois premiers alinéas et les deux premières phrases du dernier alinéa sont supprimés ;
- au début de la troisième phrase du dernier alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le règlement intérieur de la commission » ;
4° L’article 14 est abrogé ;
5° Le premier alinéa de l’article 19 est supprimé ;
6° Le premier alinéa de l’article 21 est supprimé. –
I. – Le chapitre V
1° L’article L. 52-14 est ainsi modifié :
« Le président de la commission est nommé par décret du Président de la République parmi les membres. » ;
2° L’article L. 52-18 est abrogé.
II. – L’article 26
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, la commission est renouvelée par tiers tous les deux ans.
« Lors de chaque renouvellement partiel, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme, une femme. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de complément. Suivant la logique du texte, il tend à instaurer un renouvellement partiel au sein de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en adaptant en conséquence les règles relatives à la parité qui existent actuellement.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
(Mmes Éliane Assassi et Marie-Hélène Des Esgaulx approuvent.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement trouve excellent cet amendement relatif à la parité au sein de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il vise à combler un oubli dans les modalités d’exercice du mandat des membres de cette commission. Son adoption permettra d’assurer une continuité dans l’action de cette instance, tout en se conformant au principe de parité. Le Gouvernement donne donc un avis de sagesse très positive !
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. le président.
Je salue l’ingéniosité de cette formule de parité par l’alternance. Je souhaite toutefois qu’elle ne prospère pas sur d’autres terrains, notamment présidentiels…
M. Gérard Longuet.
(Rires sur l’ensemble des travées.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 38, modifié.
M. le président.
(L'article 38 est adopté.)
1° L’article 4 est ainsi modifié :
- les deux premières phrases sont supprimées ;
- au début de la dernière phrase, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Leur mandat » ;
« Le membre nommé en remplacement d’un membre à la suite d’une vacance est de même sexe que celui qu’il remplace. » ;
2° L’article 5 est ainsi modifié :
« Les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel exercent leurs fonctions à temps plein. » ;
3° L’article 7 est ainsi modifié :
4° L’article 18 est ainsi modifié :
« Le rapport annuel d’activité établi par le Conseil supérieur de l’audiovisuel présente :
« - l’application de la présente loi ;
« - l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique délivrées en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 30-6 ;
« - du respect de leurs obligations par les sociétés et l’établissement public mentionnés aux articles 44 et 49 de la présente loi ;
« - le volume d’émissions télévisées sous-titrées ainsi que de celles traduites en langue des signes pour mieux apprécier le coût de ce sous-titrage et de la traduction en langue des signes pour les sociétés nationales de programmes, les chaînes de télévision publiques et tous autres organismes publics qui développent ces procédés ;
« - les mesures prises en application des articles 39 à 41-4 visant à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme, notamment un état détaillé présentant la situation des entreprises audiovisuelles concernées à l’égard des limites fixées par ces mêmes articles ;
« - le développement et les moyens de financement des services de télévision à vocation locale ;
« - un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelle nationales des États membres de l’Union européenne. » ;
1° L’article 1
2° L’article 2 est ainsi modifié :
- après les mots : « Président de la République », la fin de la première phrase est supprimée ;
- la seconde phrase est supprimée ;
« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce ses fonctions à temps plein. » ;
3° Les articles 11 et 13 sont abrogés. –
La section 2 du chapitre IV du titre I
1° L’article L. 114-3-3 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, le mot : « conseil » est remplacé par le mot : « collège » ;
- le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le président est nommé par décret du Président de la République parmi les membres du collège. » ;
- à la première phrase du troisième alinéa et au quatrième alinéa, le mot : « conseil » est remplacé par le mot : « collège » ;
- au 5°, après le mot : « sénateur », la fin de l’alinéa est supprimée ;
- il est ajouté par un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé partiellement tous les trois ans. » ;
2° Après les mots : « Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur », la fin de de l’article L. 114-3-6 est supprimée ;
3° L’article L. 114-3-7 est abrogé. –
Le chapitre I
1° Le premier alinéa de l’article L. 821-1 est ainsi rédigé :
« Le Haut Conseil du commissariat aux comptes est une autorité publique indépendante, ayant pour mission : » ;
2° L’article L. 821-3 est ainsi modifié :
2° L’article L. 821-3-1 est ainsi modifié :
3° Les I et VI de l’article L. 821-5 sont abrogés.
L’amendement n
M. le président.
1° Remplacer les mots :
Ces personnes
par les mots :
Ces personnes sont soumises
2° Compléter cet alinéa par les mots :
est soumis
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 42, modifié.
M. le président.
(L'article 42 est adopté.)
Le chapitre 1
1° L’article L. 161-37 est ainsi modifié :
« Le rapport annuel d’activité établi par la Haute Autorité de santé présente notamment :
« Les commissions spécialisées mentionnées au même article L. 161-41 autres que celles créées par la Haute Autorité de santé remettent chaque année au Parlement un rapport d’activité mentionnant notamment les modalités et principes selon lesquels elles mettent en œuvre les critères d’évaluation des produits de santé en vue de leur prise en charge par l’assurance maladie. » ;
2° L’article L. 161-42 est ainsi modifié :
- après le mot : « sexe », la fin de la première phrase est supprimée ;
- la dernière phrase est supprimée ;
3° Les premier, deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 161-43 sont supprimés ;
4° L’article L. 161-45 est ainsi modifié :
5° L’article L. 161-45-1 est abrogé. –
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 3 du chapitre I
1° La seconde phrase de l’article L. 331-12 est supprimée ;
2° À la première phrase de l’article L. 331-14, les mots : « de son activité, de l’exécution de ses missions et de ses moyens, et » sont supprimés ;
3° L’article L. 331-16 est ainsi modifié :
4° Les deux derniers alinéas de l’article L. 331-18 sont supprimés ;
5° L’article L. 331-19 est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- à la seconde phrase, les mots : « , nommé par ce dernier, » sont supprimés ;
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination, résultant de l’inscription de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’annexe de la proposition de loi.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 43.
M. le président.
La section 4 du chapitre I
1° L’article 19 est ainsi modifié :
- le premier alinéa est supprimé ;
- au deuxième alinéa, après le mot : « désignés », sont insérés les mots : « , après avis du président de la Haute Autorité, » ;
- l’avant-dernier alinéa est supprimé ;
« Le règlement intérieur de la Haute Autorité précise les règles de procédure applicables devant elle. » ;
2° L’article 20 est ainsi modifié :
« Le rapport annuel d’activité établi par la Haute Autorité ne contient aucune information nominative autre que celles que la Haute Autorité a précédemment publiées en application des articles 7, 10 et 23. » ;
3° Au III de l’article 23, le mot : « général » est remplacé par le mot : « intérieur ». –
I. – L’article 10 de la loi n
II. – La loi organique n
1° L’article 37 est ainsi modifié :
2° L’article 39 est abrogé. –
I. – La loi n
1° Le I de l’article 11 est ainsi modifié :
b) (nouveau)
2° Après le mot : « sont », la fin de la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa du IV de l’article 19 est ainsi rédigée : « rendues publiques, dans les limites définies au III de l’article 5, par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, selon les modalités déterminées au dernier alinéa du I et au IV du même article. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 23, après les mots : « gouvernementales », sont insérés les mots : « des mandats de membre des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ».
Le tableau annexé à la loi n
1° À la première colonne de la troisième ligne, les mots : « conseil de l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » sont remplacés par les mots : « collège du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » ;
2° Après la sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de l’Agence française de lutte contre le dopage
Commission compétente en matière de sports
3° Après la dixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne
Commission compétente en matière de finances publiques
4° Après la vingt et unième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de la Commission d’accès aux documents administratifs
Commission compétente en matière de libertés publiques
(Supprimé)
6° Après la vingt-quatrième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
Président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
Commission compétente en matière de libertés publiques
Président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
Commission compétente en matière de lois électorales
7° Après la trente-deuxième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président du Haut conseil du commissariat aux comptes
Commission compétente en matière de finances publiques
L’amendement n
M. le président.
1° Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Après la douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse
Commission compétente en matière de communication
2° Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigé :
…°Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de la Commission du secret de la défense nationale
Commission compétente en matière de défense
3° Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigé :
…°Après la trente-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président du collège de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet
Commission compétente en matière de la culture
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit, là encore, d’un amendement de coordination. Il découle de l’inscription de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, de la Commission du secret de la défense nationale et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’annexe de la proposition de loi.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 47, modifié.
M. le président.
(L'article 47 est adopté.)
L’article 106 de la loi n
I. – La durée des mandats prévue au premier alinéa de l’article 5 s’applique aux mandats des membres nommés ou élus à l’occasion du renouvellement partiel suivant la promulgation de la présente loi. La durée des mandats en cours à la date de la promulgation de la présente loi est celle en vigueur à cette date pour le mandat concerné.
Les modalités de mise en œuvre du premier renouvellement partiel prévu aux deux derniers alinéas du
II. – Les mandats exercés antérieurement à la présente loi sont pris en compte pour l’application de la règle prévue au premier alinéa de l’article 8, sous réserve de la seconde phrase du même article 8.
III. – Un membre qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité mentionnés à l’article 9 et à l’article 11 est tenu de faire cesser cette incompatibilité au plus tard le trentième jour suivant la promulgation de la présente loi. À défaut d’option dans le délai prévu au présent alinéa ou à l’article 6 de la loi organique n
IV. – La mise à disposition des déclarations d’intérêts prévue à l’article 12 a lieu, au plus tard, deux mois après la promulgation de la présente loi.
V. – Le règlement intérieur prévu à l’article 16 est adopté dans le délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu au même article 16.
L’amendement n
M. le président.
I. – Alinéa 2
Après la référence :
article 37
insérer la référence :
II. – Alinéa 3
Après le mot :
insérer les mots :
du second alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination et de précision.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 49, modifié.
M. le président.
(L'article 49 est adopté.)
La présente loi est applicable aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises sous réserve qu’elle s’applique à des autorités mentionnées à l’article 1
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
M. le président.
Si nous soutenons la volonté d’allégement, de rationalisation et de transparence, nous ne pouvons pas, en revanche, approuver le sort qui a été réservé tout à l’heure aux instances qui devraient animer le débat public. Certaines sont primordiales !
Mme Corinne Bouchoux.
En effet, nous avons, collectivement, un problème avec les aménageurs, comme avec les lobbys du bâtiment et des travaux publics. Et nous aurions aimé que le vent positif et réformateur qui souffle à travers ce texte soufflât sur tous les domaines. Malheureusement – peut-être est-ce un hasard ? –, il nous semble que l’écologie passe entre les gouttes…
C’est pourquoi le groupe écologiste ne pourra pas voter cette proposition de loi, qui n’accorde qu’une place extrêmement faible à des institutions qui nous paraissent pourtant très importantes. Nous ne pouvons pas soutenir un texte non écolo-
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. le président.
Bien qu’il ait quitté l’hémicycle, je souhaite répondre à Alain Richard, qui s’étonnait de la réticence des parlementaires à l’égard des hautes autorités indépendantes. Il faisait valoir que c’était le pouvoir exécutif qui renonçait à exercer telle ou telle responsabilité et la confiait à un organisme indépendant, sans doute pour rassurer l’opinion qui, naturellement, se méfie du pouvoir. La silhouette du philosophe Alain devrait donc expliquer l’apparition d’autorités indépendantes…
M. Gérard Longuet.
Je ne partage pas du tout ce point de vue. Je considère que ces autorités indépendantes privent le parlementaire de la possibilité d’interpeller un ministre sur une responsabilité qui doit être la sienne, c’est-à-dire celle du pouvoir exécutif.
Tout à fait !
M. Yves Pozzo di Borgo.
De surcroît, ces autorités indépendantes sont souvent qualifiées de « hautes ». Leurs membres seraient donc de hautes et prestigieuses figures, comme si les autres n’étaient que de bas personnages ou comme si le fait d’être l’élu du peuple vous condamnait à être tiré vers le bas, vers les conflits d’intérêts permanents, vers la dépendance à l’égard des lobbys, vers une obstination partiale ou vers des convictions étouffées par une idéologie. De leur côté, les « hautes » autorités seraient, elles, indépendantes, voire planeraient dans la stratosphère…
M. Gérard Longuet.
C’est parfaitement désagréable pour les élus. Cela prive les citoyens de la possibilité d’un véritable dialogue. Les élus ont – certainement – tous les défauts du monde, mais ce sont les citoyens de la République qui ont souhaité qu’ils exercent des responsabilités. Élus, ils ont la faculté d’interpeller le pouvoir exécutif, mais aujourd’hui ils se battent contre des édredons, car les ministres leur répondent qu’ils n’y peuvent rien et que la décision relève d’une autorité indépendante…
C’est la raison pour laquelle je pense, en général, que ces autorités indépendantes doivent être créées avec prudence et modestie. Cette proposition de loi rétablit un peu d’ordre. Je m’en félicite, même si nous n’allons pas au bout du chemin.
(M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. le président.
Le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi et je tiens à remercier ses auteurs, en particulier M. Mézard et Mme Des Esgaulx, ainsi que tous ceux qui ont contribué à sa rédaction.
M. Jean-Pierre Sueur.
Un jour, j’ai reçu la visite de plusieurs éminents membres du Conseil d’État qui préparaient un rapport du Conseil sur le droit souple. J’avoue que j’ai été quelque peu perplexe lorsqu’ils m’ont demandé de donner mon sentiment sur ce sujet. Comme l’avait dit Montesquieu, j’avais compris qu’il existait le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire…
Il est vrai que, quelquefois, je me suis interrogé sur la prolifération du droit souple et des espaces interstitiels, intermédiaires et mal définis, qui aboutissent à la multiplication d’entités ne relevant véritablement ni du législatif ni de l’exécutif.
Dans le prolongement de l’intuition de notre ami et ancien collègue Patrice Gélard, qui avait suggéré des mesures en la matière, je crois qu’il était temps et nécessaire de s’interroger et de proposer, comme l’a fait aujourd’hui M. Mézard, des règles pour ces autorités administratives indépendantes.
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.
M. le président.
Moi aussi, je souhaite exprimer mes vifs remerciements à Marie-Hélène Des Esgaulx et à Jacques Mézard. Quel bonheur de voir que l’on s'attaque enfin aux vrais problèmes ! Je constate que, si l’on en cherche effectivement, on peut trouver des solutions !
Mme Marie-Annick Duchêne.
Personne ne demande plus la parole ?…
M. le président.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Nous passons à l’examen de la proposition de loi organique, dans le texte de la commission.
M. le président.
Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi.
La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
Je mets aux voix l'article 1
M. le président.
(L'article 1
est adopté.)
I. – La sixième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Après la section 1 du chapitre I
« Section 1
« Incompatibilités
Art. L.O. 6221-7-1.
2° Après la section 1 du chapitre I
« Section 1
« Incompatibilités
Art. L.O. 6321-7-1.
3° Après la section 1 du chapitre I
« Section 1
« Incompatibilités
Art. L.O. 6431-6-1.
II. – L’article 13-2 de la loi n
« Le mandat de membre de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna est incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
III. – Après le 4° du I de l’article 111 de la loi organique n
IV. – Après le 4° du I de l’article 196 de la loi organique n
L'amendement n
M. le président.
I. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Après l’article L.O. 6222-9, il est inséré un article L.O. 6222-9-1 ainsi rédigé :
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Art. L.O. 6222-9-1.
III. – Alinéas 6 à 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Après l’article L.O. 6322-9, il est inséré un article L.O. 6322-9-1 ainsi rédigé :
IV. – Alinéa 9
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Art. L.O. 6322-9-1
V. – Alinéas 10 à 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° Après l’article L.O. 6432-9, il est inséré un article L.O. 6432-9-1 ainsi rédigé :
VI. - Alinéa 13
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Art. L.O. 6432-9-1.
VII. – Alinéa 15
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna sont incompatibles avec …
VIII. – Alinéa 16 et 17
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
III. – La loi organique n
1° Après l’article 75, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :
Art. 75-1.
2° Après l’article 111, il est inséré un article 111-1 ainsi rédigé :
Art. 111-1.
X. – Alinéas 18 et 19
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
IV. – La loi organique n
1° Après le premier alinéa de l’article 64, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
2° L’article 112 est ainsi complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de membre du Gouvernement sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
3° Après l’article 196, il est inséré un article 196-1 ainsi rédigé :
Art. 196-1.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Je serai d’autant plus bref, monsieur le président, que j’ai déjà défendu cet amendement à l’occasion de l’examen du texte précédent.
M. Jean-Pierre Sueur.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
M. le président.
(L'article 2 est adopté.)
I. – Le premier alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n
« Il est également incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État, sauf si le magistrat y est désigné en cette qualité. »
II. – Le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi organique n
1° Les mots : « ni les fonctions de Défenseur des droits » sont supprimés ;
2 Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, siéger au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante. »
III. – L’article 7-1 de l’ordonnance n
« Sauf s’il y est désigné en cette qualité, aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, siéger au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante. » –
Le tableau annexé à la loi organique n
1° La troisième ligne est ainsi modifiée :
2° Après la sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Agence française de lutte contre le dopage
3° Après la dixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée:
Autorité de régulation des jeux en ligne
4° La première colonne de la treizième ligne est complétée par les mots : « et routières » ;
5° Après la vingt et unième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Commission d’accès aux documents administratifs
(Supprimé)
7° Après la vingt-quatrième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
Commission nationale de l’informatique et des libertés
Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
8° Après la trente-deuxième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Haut conseil du commissariat aux comptes
L'amendement n
M. le président.
1° Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après la douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Autorité de régulation de la distribution de la presse
2° Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigé :
…° Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Commission du secret de la défense nationale
3° Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigé :
…° Après la trente-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet
Président du collège
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination qui découle de l’inscription de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, de la Commission du secret de la défense nationale et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’annexe de la proposition de loi.
M. Jacques Mézard,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. le président.
(L'article 4 est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L.O. 135-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » sont remplacés par les mots : « Bureau de l’Assemblée nationale » ;
b) À la troisième phrase, les mots : « au président de la Haute Autorité ainsi qu' » sont supprimés ;
2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » sont remplacés par les mots : « du Bureau de l’Assemblée nationale ».
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. Yves Pozzo di Borgo.
L’amendement n
M. le président.
La loi organique n
1° Le premier alinéa de l’article 2 est ainsi modifié :
(Supprimé) –
Un membre d'autorité administrative indépendante ou d'autorité publique indépendante qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité mentionnés aux articles L.O. 6221-7-1, L.O. 6321-7-1 et L.O. 6431-6-1 du code général des collectivités territoriales, à l'article 13-2 de la loi n
Personne ne demande la parole ?…
M. le président.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 11 février 2016, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
M. le président.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d’une demi-heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 10 février, à dix-sept heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
En application de l’article 50
M. le président.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de la conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 10 février prochain.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 9 février 2016 :
M. le président.
À neuf heures trente : vingt-six questions orales.
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Projet de loi prorogeant l’application de la loi n
Rapport de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois (n
Texte de la commission (n
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Texte de la commission (n
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
M. Philippe Mouiller
Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Cette question ne semble pas avoir été spécifiquement traitée dans la loi n
Des communes associées n’envisagent de s’engager dans la création d’une commune nouvelle avec d’autres communes qu’à condition de conserver leur statut de commune déléguée.
Il lui demande si, dans l’hypothèse où des communes associées, transformées en communes déléguées à la suite de la loi n
Si la création d’une commune nouvelle a pour conséquence la disparition des communes associées, beaucoup d’entre elles ne s’engageront pas dans cette démarche.
Cette analyse pourrait paraître contraire à la loi du 16 mars 2015 qui prône le respect de l’identité des communes fondatrices.
Il lui demande de bien vouloir clarifier cette question fondamentale pour l’avenir de nos communes.
Vincent Capo-Canellas
M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
Celle-ci revêt une importance particulière, puisqu’elle permet, d’une part, aux habitants du nordest de l’agglomération parisienne de rejoindre les principaux pôles d’emploi et, d’autre part, aux parisiens de venir travailler dans les zones d’activités, de plus en plus importantes, de la Seine-Saint-Denis. C’est aussi la seule liaison ferrée entre la plate-forme aéroportuaire internationale de Roissy « CharlesdeGaulle » et la capitale. Or, malgré un plan de modernisation dit RER « B + », près de six années de chantier et une dépense de 650 millions d’euros, l’inter-opérabilité à la gare du Nord, la direction de ligne unifiée, qui devaient, selon les différents acteurs - tels que le syndicat des transports de l’Île-de-France (STIF), la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la régie autonome des transports parisiens (RATP) - grandement améliorer la fréquence, la régularité et la qualité du service du RER « B » sur sa partie nord, le résultat n’est pas à la hauteur des besoins et des attentes des usagers réguliers de cette ligne. Depuis plusieurs semaines, la situation a même empiré. On ne compte plus les incidents en tous genres, les retards permanents, les coupures de services, le trafic interrompu pendant plusieurs heures, la dégradation des rames de RER. Pour les usagers de cette ligne, prendre le RER « B » est devenu insupportable.
En outre, la qualité du service rendu est préjudiciable à l’image de la métropole parisienne, pour son attractivité, aux yeux des voyageurs, touristes ou hommes d’affaires, qui atterrissent à Roissy et empruntent le RER « B » pour tenter de rallier le cœur de Paris (dans l’attente du CDG-express). Retards à répétition, trafic irrégulier, colis suspects (liés aux récents et tragiques attentats), rames bondées et usées, pannes matérielles, électriques, de signalisation ou de caténaires constituent le lot quotidien des usagers et des voyageurs.
Compte tenu de cette situation, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour mettre fin à ces graves dysfonctionnements, améliorer la qualité de service et notamment la qualité des rames circulant sur cette ligne, trancher la question essentielle du doublement du tunnel entre la gare du nord et la station « Châtelet » commun aux lignes « B » et « D », ou fluidifier la gouvernance de cette ligne d’intérêt national, encore partagée par de trop nombreux acteurs.
M. Roland Courteau
Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
Il lui rappelle qu’à son initiative ont été désignés deux experts du conseil général de l’environnement pour réaliser un audit des enjeux liés au bassin versant de la Berre, tout en préservant les intérêts de la réserve africaine de Sigean, permettant de poser les bases d’un dialogue apaisé entre les associations, entreprises et riverains mobilisés et les syndicats compétents sur ce bassin versant.
Il lui expose que, seul, un diagnostic partagé permettra de dégager le consensus préalable à toutes interventions préventives dont l’urgence s’impose, chaque jour, davantage.
Restant particulièrement attentif aux conclusions qui découleront de cette expertise, il lui demande donc, d’une part, sous quels délais le rapport d’audit est susceptible d’être porté à la connaissance des pouvoirs publics, de l’association Arbra, des élus et des riverains, et, d’autre part, s’il lui est, d’ores et déjà, possible, d’en faire connaître les grandes lignes ainsi que les suites susceptibles d’être réservées aux préconisations des experts.
M. Éric Bocquet
M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
Chaque jour, 2 800 chauffeurs, à temps très partiel, rémunérés en moyenne 350 euros nets par mois, transportent des milliers d’enfants sur les routes de quelque soixante dix départements. Les marchés publics représentent la quasi-totalité des activités de cette société, qui réalise un chiffre d’affaires annuel de cinquante millions d’euros. Vortex bénéficie d’importants allègements fiscaux et a notamment déjà reçu 3,2 millions d’euros au titre de crédit d’impôt compétitivité emploi.
Le 25 novembre 2015, le cabinet Secafi a rendu un rapport d’expertise qui pointe de nombreuses entorses au code du travail : défaut de visite médicale obligatoire ; heures de travail non rémunérées ; défaut de formation pourtant nécessaire et obligatoire quand on transporte vers l’école des enfants handicapés moteur ou mentaux. Outre de nombreux constats simples, quatre inspecteurs du travail sont allés jusqu’à dresser procès-verbal, dans les départements de l’Essonne, de la Vienne, du Rhône et de l’Hérault, concernant de multiples infractions et principalement des faits récurrents de travail dissimulé par dissimulation d’heures de travail.
À l’interne, des syndicalistes se battent, depuis des années, et les parents d’enfants handicapés sont des dizaines à se manifester auprès des conseils départementaux pour dénoncer les dysfonctionnements.
Vortex se porte bien grâce à un modèle économique en « holding », qui permet de faire transiter la quasi-totalité des profits vers des sociétés tierces lui appartenant. Plus de dix millions d’euros de dividendes y ont été reversés entre les années 2010 et 2015. Des bénéfices, Vortex en a réalisé avec un simple tube de colle. Chaque jour, chaque chauffeur remplit une feuille de route qu’il remet à l’agence en fin de mois. Cette feuille est signée du chauffeur lui-même, du chef de l’établissement scolaire et du directeur de l’agence locale. Des salariés ont découvert que des dizaines de ces feuilles ont été falsifiées pour gonfler la facture remise au conseil départemental. Dans le département du Rhône, Vortex a également été pris en flagrant délit de surfacturation.
L’inquiétude naît après lecture d’un article du journal « Les Échos », intitulé « Vortex mobilité veut devenir l’Uber des ambulances ». Selon cette source, les dirigeants de Vortex se positionnent désormais aussi sur le transport sanitaire pour concurrencer les ambulanciers et les taxis. Le budget de la sécurité sociale aiguise les appétits.
Dans le département de l’Ain, il n’y a plus de problèmes avec Vortex. Depuis la rentrée scolaire 2014, le transport des élèves et étudiants handicapés est assuré par une régie publique. Le coût par enfant y est de 6 000 euros par an, soit un surcoût de seulement mille euros par an par rapport à la moyenne nationale. Le coût d’un service de transport et, en particulier, de transport adapté doit se mesurer au-delà des coûts financiers directs pour la collectivité.
Il lui demande quelle réponse le Gouvernement peut apporter aux salariés, aux parents, aux enfants et aux contribuables qui sont les premières victimes d’un modèle économique concurrentiel, édicté par des affairistes qui aiment les fonds publics et non pas le service public.
M. Georges Labazée
M. le secrétaire d’État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
Dispositif fixé par la loi n
À la fin de 2015, ses réserves devraient s’établir à 210 millions d’euros, sur lesquelles un prélèvement de 125 millions d’euros est déjà prévu pour financer l’objectif global de dépenses (OGD), correspondant au financement des dépenses des établissements et services médico-sociaux. De même, vingt-cinq millions d’euros supplémentaires devraient être prélevés pour financer un fonds de restructuration des services d’aide à domicile.
Il l’interroge, alors que les fonds de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie - déjà prévus pour d’autres dépenses et notamment pour le financement des mesures de la n
En outre, il lui demande quels seront les moyens de contrôle mis en œuvre par le Gouvernement pour que cette aide accordée aux départements soit utilisée pour la dépense sociale.
M. Daniel Chasseing
Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Ce dernier, actuellement exploité par Électricité de France (EDF), comprend une douzaine d'aménagements, dont les dates de concession s'échelonnent de 2012 à 2062. Or, la mise en concurrence, avec ou sans société d'économie mixte (SEM), compte tenu des dates barycentres, conduirait à une renouvellement de ces concessions au-delà de 2020, ce qui reporterait à cette échéance l'éventuelle réalisation d'investissements (1,5 à 2 milliards d'euros envisagés) et, donc, le possible versement, par le concessionnaire, de redevances aux collectivités territoriales concernées, réparties qui plus est sur trois régions. La solution la plus adaptée, aujourd'hui, semble être la prorogation, pour au moins une quinzaine d'années, des concessions Dordogne-Truyère à EDF.
Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir quelle est la position actuelle du Gouvernement sur cette suggestion.
M. François Bonhomme
Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
En effet, le décret entérinant cette nouvelle mouture des programmes scolaires du cours préparatoire (CP) à la troisième n’a été pris qu’à la fin de novembre 2015, délai bien trop court d’ici à la prochaine rentrée pour que les éditeurs aient le temps de refaire les manuels de toutes les matières pour toutes les années de l’école élémentaire et du collège et de transmettre les spécimens aux professeurs avant que les établissements n’opèrent leurs choix.
Ainsi, dans la plupart des cas, l’acquisition s’étalera sur deux ans et les collégiens n’auront pas en même temps accès aux mêmes programmes. Pour autant, ce ne sont pas moins de 11,2 millions de manuels de collégiens qui seront changés dès la rentrée de 2016. Les autres livres seront renouvelés à la rentrée de 2017.
Le financement de ces acquisitions est assuré pour le collège, la loi n
Mais il en va différemment pour l’école élémentaire, l’achat des manuels n’étant pas une obligation pour les communes. Dans la pratique, il est fréquent que celles-ci acceptent une prise en charge partielle ou totale. On estime déjà qu’à l’heure actuelle le budget des communes pour l’équipement des écoles varie de 13 à 130 euros par enfant et par an.
Ce renouvellement des manuels scolaires de l’école primaire est estimé à 240 millions d’euros étalés sur plusieurs années.
Le Sénat avait, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, budgété cinquante millions d’euros pour venir en aide aux communes, mesure qui n’a pas été retenue par les députés.
Or, cette mise en œuvre des nouveaux programmes scolaires représente bel et bien une charge nouvelle pour les communes, alors qu’elles ont déjà dû financer la réforme des rythmes scolaires et qu’elles sont confrontées à une baisse drastique des dotations de l’État.
Aussi lui demande-t-il ce que le Gouvernement entend faire pour que, sur notre territoire, tous les élèves, du CP au collège, aient dans le même temps accès aux mêmes programmes.
M. Philippe Bonnecarrère
M. le ministre de l’intérieur
En effet, depuis le 1
D’une part, le coût d’un passeport est de 86 euros. D’autre part, ce conseil revient à demander à ces personnes de payer pour voyager au sein de l’espace « Schengen », alors même qu’elles disposent d’une carte nationale dont la validité est reconnue par les autorités françaises. Celles-ci ont ensuite mis à la disposition de nos ressortissants concernés des notices explicatives (disponibles en trois langues étrangères) à présenter aux autorités locales. Néanmoins, les difficultés pratiques perdurent.
En outre, une disparité des pratiques entre préfectures a pu être relevée : certaines acceptent d’établir une nouvelle carte d’identité, d’autre refusent, au motif que la carte est toujours valable.
Afin de contourner le refus, de plus en plus de personnes recourent à de fausses déclarations de perte ou de vol de leur document d’identité quand cette mauvaise pratique ne leur est pas conseillée par les agents préfectoraux.
Les réponses apportées à ce jour ne sont pas satisfaisantes, que l’on raisonne pratiquement ou intellectuellement. Si la vie de notre société pose souvent des problèmes complexes pour lesquels il est aisé d’admettre des délais de résolution, la présente question ne semble pas en relever.
Il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre afin de remédier à cette situation.
M. Dominique Bailly
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
En effet, de nombreux Français, et notamment des personnes issues du Nord-Pas-de-Calais, réalisent leurs études de psychomotricité en Belgique. Cependant, les demandes d’autorisation d’exercice de ces diplômés sont actuellement gelées par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Cette situation est très problématique à la fois pour les diplômés et le secteur.
En effet, la demande en psychomotriciens de la part des professionnels français est forte, afin de répondre aux besoins en soins et en accompagnement des patients. Par ailleurs, ces diplômés, qui pour beaucoup ont réalisé leurs stages d’études en France, sont dans l’impossibilité d’être employés sur notre territoire. Ils sont pourtant sélectionnés pour des entretiens professionnels, prêts à être embauchés pour des postes vacants, mais ne peuvent contractualiser avec un employeur faute d’autorisation d’exercice. Ce sont des projets professionnels et des projets de vie qui sont ainsi stoppés, de manière indéterminée. Ces diplômes sont construits sur les normes européennes.
Aussi, alors que l’autisme ou la maladie d’Alzheimer sont déclarés causes nationales et afin de favoriser la libre circulation des compétences au sein de l’espace Schengen, il lui demande si le Gouvernement prévoit une procédure de reconnaissance de leur qualification en France.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
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DEBATS/SEN_20160115_003.xml | M. Bruno Sido, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
M. François Fortassin
M. Jean-Claude Lenoir
M. Pierre Médevielle
M. Patrick Abate
M. Yves Rome
Mme Marie-Christine Blandin
M. Philippe Adnot
M. François Bonhomme
Mme Delphine Bataille
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire
Mme Michelle Demessine ; M. Manuel Valls, Premier ministre.
M. Yves Daudigny ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Chantal Jouanno ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Mme Chantal Jouanno.
M. Bernard Fournier ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Bernard Fournier.
Mme Mireille Jouve ; Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
M. André Gattolin ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. André Gattolin.
Mme Danielle Michel ; M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
M. Hervé Maurey ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Hervé Maurey.
M. Jean-Paul Fournier ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
M. Martial Bourquin ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Gournac ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; M. Alain Gournac ; M. Manuel Valls, Premier ministre.
Mme Catherine Procaccia ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ; Mme Catherine Procaccia.
M. Robert Navarro ; M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-François Husson, président de la commission d’enquête
Mme Leila Aïchi, rapporteur de la commission d’enquête
M. Loïc Hervé
Mme Évelyne Didier
Mme Nelly Tocqueville
M. Philippe Esnol
M. Didier Mandelli
Mme Aline Archimbaud
Mme Fabienne Keller
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à onze heures.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les conclusions de son rapport intitulé
M. le président.
Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises
Dans le débat, la parole est à M. le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai aujourd’hui l’honneur et le plaisir de vous présenter le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur le risque numérique, intitulé
M. Bruno Sido,
premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises
Saisi par la commission des affaires économiques du Sénat, l’Office a adopté un rapport qui a nécessité une centaine d’auditions, dont trois journées d’auditions publiques et des déplacements. Le document a été présenté à la commission des affaires économiques au mois de juin 2015.
Le président de cette commission, M. Jean-Claude Lenoir, que je salue, a estimé que l’intérêt des recommandations méritait leur présentation au nom de l’Office en séance plénière du Sénat, ce dont je le remercie, ainsi que la conférence des présidents, au nom de l’Office.
En concertation avec le précédent président de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Daniel Raoul, la réflexion a été centrée sur les entreprises constituant des opérateurs d’importance vitale, les OIV, et en priorité sur celles du secteur des télécommunications et du secteur de l’énergie. Soumises à des directives nationales de sécurité, les fameuses DNS, qui imposent des obligations extrêmement précises, ces entreprises ne doivent en aucun cas voir leur fonctionnement interrompu, notamment pas en raison d’une défaillance de leur système d’information numérique.
Les activités desdits opérateurs dépendent de la fiabilité de la chaîne de sécurité numérique qu’ils constituent avec leurs fournisseurs, leurs sous-traitants, leurs clients et leurs personnels.
Le présent rapport est centré sur la sécurité que doit présenter une technique nouvelle à évolution extrêmement rapide et moins familière qu’on ne le croit.
L’élaboration du rapport de l’Office a été jalonnée par les annonces du Gouvernement, en 2014, au sujet du dépôt, plusieurs fois ajourné, d’un ambitieux projet de loi sur le numérique.
Ainsi le Gouvernement et nous-mêmes avons conclu que la sécurité numérique, voire la sécurité tout court ne pouvait être assurée qu’à partir de mesures reliées entre elles.
Au mois de mai 2015, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, a invité les rapporteurs de l’Office à venir lui présenter leurs travaux. Elle a réservé le meilleur accueil à leurs recommandations. Je l’en remercie.
Tout récemment, la secrétaire d’État a élaboré un projet de loi relatif au numérique et aux libertés individuelles. Un autre projet de loi portant sur les aspects plus économiques du numérique est annoncé. Mais aucun de ces deux textes ne concerne directement la sécurité numérique des entreprises. C’est davantage l’objet de la stratégie nationale pour la sécurité du numérique, présentée par M. le Premier ministre au mois d’octobre 2015.
Certaines mesures de cette stratégie nationale rejoignent les propositions émises par l’Office au début de l’année 2015, comme l’atteste la synthèse du rapport de l’OPECST qui vous a été adressée voilà quelques semaines.
Les ramifications du numérique constituent le système nerveux de la société et même, en partie, celui des individus, d’où l’impossibilité de scinder les préoccupations de sécurité en divers segments d’études. C’est ce qu’ont toujours su les attaquants des systèmes numériques.
Déjà, depuis quelques années, pour relever le défi de la sécurité numérique, de réels moyens ont été développés. Je pense à la création, en 2009, de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, qui a succédé à d’autres dispositifs, mais en les renforçant. Toutefois, cette agence ne saurait résoudre à elle seule toutes les questions posées par les failles de la sécurité numérique, ni parer toutes les attaques.
En effet, cette question transversale de sécurité suppose l’acquisition par l’ensemble de la société d’une culture du numérique, ainsi que d’une éducation initiale et continue à la hauteur des services rendus par la technique, à la fois en dépit et en raison des fragilités qu’elle recèle.
Les rapporteurs de l’OPECST sont partis d’une réflexion sur le mécanisme de transmission d’un message au sein du système d’information de l’entreprise et sur les fragilités, souvent de conception, des matériels, des logiciels, des réseaux, des services et des diverses applications numériques.
La mission de l’Office consiste à comprendre et à faire comprendre les raisons de ces fragilités, thème particulièrement technique, et à proposer des solutions.
Ainsi, qu’en est-il du pillage organisé des informations des entreprises ? Des tiers, des concurrents vont puiser dans ces informations comme dans un libre-service.
La situation de l’économie française s’accommode-t-elle de tels pillages ? Ou bien résulte-t-elle en partie de ceux-ci, alors justement qu’ils durent depuis des années ?
Cependant, le rapport montre que les imperfections constatées constituent également des chances à saisir, car la situation comporte bien des facettes pouvant inciter à une mobilisation constructive.
La France possède de nombreux atouts en ce domaine. En effet, sans même parler des fabricants d’antivirus, les connaissances de l’école française de mathématiques, alliées à une grande tradition en matière de cryptologie et de cryptographie, les ressources des centres de recherche de la Direction générale de l’armement, la DGA, ou de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, pour ne citer qu’eux, devraient permettre de conforter les entreprises œuvrant dans ces domaines.
Pour mettre en valeur de tels atouts français, il faut se débarrasser de préjugés et d’attitudes routinières. Je pense par exemple aux préjugés négatifs associés à l’image des
Il faudrait également éviter que de jeunes entreprises extrêmement innovantes dans le numérique ne soient aussitôt rachetées par des financiers d’outre-Atlantique venus, en quelque sorte, faire leur marché en France.
Mais les comportements de chacun d’entre nous sont-ils adaptés aux exigences de la sécurité numérique, trop souvent négligée dans la vie quotidienne ?
Par exemple, qui d’entre nous hésite avant de s’abonner à une messagerie électronique contrôlée par une firme étrangère et d’accepter d’un clic toutes les conditions qu’elle pose ? Qui prend le temps minimal de réflexion avant de choisir la voie la plus sécurisée pour transmettre un message urgent et/ou confidentiel ? Les assemblées, les collectivités territoriales sont-elles en pointe quant à la sécurité informatique ? Qu’en est-il enfin des entreprises les plus au fait en matière de technologie de sécurité numérique ?
Parmi la vingtaine de recommandations prioritaires retenues par l’Office, certaines concernent l’éducation nationale. Il est ainsi proposé d’enseigner le codage de manière ludique dès l’école maternelle et de créer une véritable filière d’enseignement de l’informatique incluant systématiquement des modules significatifs sur sa sécurité, et ce jusque dans l’enseignement supérieur.
La situation actuelle est malheureusement loin de traduire le respect d’une telle exigence, d’abord parce que l’informatique est souvent absente des programmes ou doit se contenter d’un nombre d’heures restreint, de surcroît malheureusement non couplé, ou si peu, à un enseignement de la sécurité du numérique, y compris dans les écoles spécialisées...
Que devraient être les effectifs, les compétences, la réactivité et la formation continue des enseignants spécialisés censés faire face à cette nouvelle demande ?
Plus généralement, il faut rappeler que les contextes international, européen et national actuels se caractérisent par une totale symbiose entre le numérique et la société.
Il est donc inutile d’élever des digues juridiques ou technologiques si des accords internationaux ou la réalité d’un rapport de force non encadré viennent dans le même temps ruiner ces efforts.
Ainsi, ont été explicités dans le rapport les enjeux de la négociation actuelle du traité de partenariat transatlantique, les raisons du rythme d’avancée de l’élaboration de la directive et du projet de règlement européens, ou, en France, de la maturation de la stratégie nationale pour la sécurité du numérique, ainsi que du ou des textes sur le numérique.
La protection simultanée des droits et libertés dans l’univers numérique et la protection de la souveraineté numérique de la France comme de l’Union européenne supposent également des mesures techniques.
Ces objectifs vitaux doivent primer la libre circulation des marchandises, l’abaissement des droits de douane ou l’instauration d’une concurrence libre et non faussée.
Ne faudrait-il pas aller jusqu’à concevoir une exception numérique d’après le modèle de l’exception culturelle, qui a sauvé l’industrie cinématographique française quand celle-ci était menacée par des principes commerciaux qui prétendaient la dominer, tandis que de grands cinémas d’autres pays d’Europe n’ont pas survécu à l’application de ces principes ?
De même, dans le numérique, avant qu’il ne soit définitivement trop tard, toutes les chances doivent être mises de notre côté pour que des industries françaises et européennes puissent concevoir, fabriquer ou, au moins, contrôler pour les labelliser, les matériels, les logiciels, les systèmes d’exploitation et les cœurs de réseaux qui forment la longue chaîne de la sécurité numérique.
Pour expliciter une réalité numérique multiple difficile à appréhender, l’Office a conçu pour son rapport d’indispensables schémas, plus explicites que de longs discours.
Je pense, par exemple, au « schéma de l’éléphant », pour illustrer la perception trop parcellaire du numérique, ce que traduisent aussi d’ailleurs la juxtaposition des initiatives gouvernementales et européennes, le foisonnement de rapports parlementaires ou autres traitant de certains aspects de ce thème : ouverture des données ou
Toutes ces questions sont interdépendantes. La sécurité numérique est présente derrière chacune d’entre elles et devrait permettre, peut-être, de reconstituer le puzzle des internets et de tous les aspects du numérique en général.
De l’ensemble de tous les liens entre ces divers éléments, de leur continuité, de leur intégrité, dépend la sécurité numérique en général, en particulier celle, très ramifiée, des entreprises.
Mais très peu de ces initiatives ou rapports ont approfondi la question transversale, et essentielle, de l’insécurité découlant du recours croissant au numérique par les entreprises.
À cet égard, la recommandation de l’Office consistant à couper totalement de l’Internet les SCADA, c’est-à-dire les systèmes numériques commandant la production d’une entreprise, n’est pas si radicale qu’il y paraît. Elle l’est d’autant moins au regard de l’anecdote éclairante de la pénétration du système des SCADA d’un hôpital nord-américain par un adolescent de seize ans réussissant à bloquer la climatisation de cet établissement et exigeant ensuite, naturellement, le paiement d’une rançon pour rétablir le bon fonctionnement de ce sanctuaire de santé.
Ce fait est à rapprocher de la possibilité d’acquérir dans le commerce des logiciels d’attaques informatiques.
Cependant, au-delà des failles technologiques, les failles humaines, souvent inconscientes, entraînent les plus graves vulnérabilités, d’où l’ampleur de l’effort d’éducation et, plus généralement, de l’action de sensibilisation à mener jusqu’à l’acquisition des indispensables réflexes d’une hygiène numérique ; le rapport propose des pistes pour les acquérir.
En effet, toute nouvelle avancée du numérique doit proposer des instruments de sécurité, d’une sécurité « par conception », comme disent les spécialistes, malheureusement toujours quasi absente de la conception des objets connectés.
Mais je vois que je suis trop long, monsieur le président, et j’en viens à ma conclusion.
L’Office a émis une vingtaine de recommandations générales, ainsi qu’une centaine de recommandations plus techniques dans un vade-mecum destiné à ceux qui voudraient approfondir la question. Chacun d’entre nous peut immédiatement en tirer des leçons pour son comportement numérique quotidien personnel.
Nos recommandations concernent les trois phases d’une attaque numérique : avant, pendant et après l’attaque. La vigilance doit être permanente.
Face au risque numérique, il s’agit de renforcer les conditions de la sécurité numérique et aussi de favoriser les conditions de la confiance à placer dans l’usage du numérique.
Je souhaite vivement que ce rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, qui a reçu un très bon accueil des professionnels de la sécurité numérique et des sites spécialisés, puisse avoir les retombées les plus concrètes et les plus rapides possible.
(Applaudissements.)
La parole est à M. François Fortassin.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « chômage technologique » pour Keynes, « destruction créatrice » pour Schumpeter, si les technologies porteuses de progrès rendent obsolètes certains emplois, elles permettent fort heureusement l’émergence de nouveaux métiers.
M. François Fortassin.
Force est de constater qu’aujourd’hui le numérique crée de la valeur et constitue un réel levier pour la croissance économique. L’importance de leur patrimoine informationnel, mais aussi de leur réputation auprès de leurs clients, implique pour les entreprises de recourir à des savoir-faire très pointus.
Dans le même temps, cependant, cet essor technologique présente des risques que grand nombre d’entreprises ne prennent pas suffisamment en compte, comme le souligne dans son rapport l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Les besoins des entreprises en matière de cybersécurité s’intensifient avec le contrôle à distance d’installations industrielles, l’avènement des réseaux intelligents ou
smart grids
Un véritable marché noir des vulnérabilités et des failles
Il porte atteinte à nos libertés : espionnage industriel, pillage des données personnelles des clients, usurpation d’identité, etc. C’est la raison pour laquelle la prévention doit être au centre de la stratégie des entreprises, alors que le volume des cyberattaques a été multiplié par vingt en dix ans.
Nos entreprises doivent pouvoir évoluer dans un climat de relative confiance. Alors que tout doit aller plus vite dans la course à la compétitivité, elles ont tendance à considérer les cyberattaques comme inévitables et n’y accordent pas les moyens à la hauteur des enjeux pour des raisons de coûts.
Les dirigeants ne sont pas toujours prêts à investir dans la sécurité numérique – vue comme une contrainte par les collaborateurs – et externalisent les services de maintenance.
Pourtant, l’atteinte aux systèmes informatiques perturbe le fonctionnement de l’entreprise, parfois pendant des mois, et peut affecter son intégrité même. Le coût des incidents est ainsi sous-estimé. L’OCDE, a récemment rappelé que le risque doit être appréhendé comme une problématique économique et non pas technique.
Toutefois, le changement des mentalités est en cours, comme en témoignent les initiatives du Club informatique des grandes entreprises françaises, réseau de grandes entreprises dont les recommandations sont reprises par le présent rapport, le travail de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, ou les directives nationales de sécurité applicables aux opérateurs d’importance vitale.
Nous partageons à l’évidence le constat selon lequel la maîtrise de l’outil numérique est peu satisfaisante.
Si l’éducation au numérique doit être renforcée, elle ne doit pas pour autant avoir lieu dès la maternelle, comme cela est proposé, à moins de vouloir favoriser le développement de troubles visuels précoces…
De même, l’instauration de cours de codage à l’école serait inutile, les langages évoluant à une vitesse telle que les ingénieurs doivent en permanence s’adapter à l’issue de leur formation. Et qui serait chargé de transmettre ces savoirs ? Laissons les enfants s’emparer de l’apprentissage des fondamentaux, au lieu de les noyer dans des savoirs technologiques instables et de les former aux métiers d’hier. Seules les règles de base en matière de sécurité numérique à des fins de protection des données personnelles et de la vie privée doivent être transmises.
Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, les formations sont, certes tardivement, en train de s’adapter.
Les formations initiale et continue des fonctionnaires et des magistrats au risque numérique sont plus pertinentes.
Quant à la recommandation relative à la mise en place d’un « permis d’aptitude à utiliser le numérique », elle ne se justifie pas, en raison de son coût et de l’impossibilité de garantir la qualité de la formation. Le numérique étant bien plus dynamique que le code de la route, ce permis serait rapidement périmé. La sensibilisation des utilisateurs à la culture du risque numérique relève davantage des administrateurs systèmes et réseaux, avec l’appui des dirigeants des entreprises.
Par ailleurs, le rapport évoque la mise en place d’un cadre européen favorable à la sécurisation des données.
La proposition d’un Google français ou européen a un train de retard et ignore l’existence du moteur de recherche français Qwant, qui ne trace pas les utilisateurs et qui va être lourdement financé par la Banque européenne d’investissement. Encore faudrait-il que les utilisateurs se l’approprient…
La construction d’un droit européen et national adapté face à l’emprise d’une loi américaine extraterritoriale est essentielle. Toutefois, beaucoup reste à faire pour parvenir à réformer en tenant compte de ce qui est techniquement et politiquement possible.
En tant que législateurs, nous aurions aimé avoir plus de précisions sur les questions juridiques. Cependant, nous saluons la qualité du travail de l’OPECST, qui nourrira notre réflexion lors de l’examen prochain par le Parlement des projets de loi sur le numérique.
En conclusion, le cas évoqué par Bruno Sido de cet adolescent américain qui a perturbé tout un établissement hospitalier montre que la cybercriminalité connaît un développement extrêmement rapide et n’est pas près de s’effacer. Nous devons donc être extrêmement vigilants. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, le mieux pourrait être l’ennemi du bien !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les questions relatives à la sécurité numérique sont au cœur de l’actualité. Le Conseil d’État a d’ailleurs consacré son rapport annuel de 2014 à la protection des données personnelles. Un certain nombre d’études ont également été réalisées et des initiatives ont été prises. De surcroît, nous avons eu récemment un débat animé au Parlement sur le renseignement, qui s’est étendu également à d’autres secteurs comme la défense nationale.
M. Jean-Claude Lenoir.
Bref, l’initiative prise par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques était particulièrement opportune, car il ne s’agit pas de protéger seulement les données personnelles ou celles qui concernent la défense nationale : aujourd'hui, nous nous penchons sur la protection des entreprises.
La commission des affaires économiques du Sénat a prêté une oreille plus qu’attentive aux propositions qui ont été faites par l’Office. Je félicite en particulier Bruno Sido, qui a conduit avec sa collègue de l’Assemblée nationale des travaux extrêmement intéressants - ils connaîtront, je le pense, un rapide prolongement dans les débats que nous ne manquerons pas d’avoir.
Le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques souligne tout d’abord que le numérique constitue une formidable chance pour les entreprises. C’est d’ailleurs un truisme que d’insister sur ce que représente le numérique pour la vie des entreprises, aussi bien en ce qui concerne la fluidité des échanges d’informations que la connexion avec un certain nombre de fournisseurs ou de clients ou encore la meilleure information sur les opportunités que peut présenter telle ou telle entreprise.
A contrario
Le numérique est donc incontestablement un atout, mais il comporte également un certain nombre de risques, comme le souligne le rapport de l’Office.
Selon une étude réalisée par le cabinet PwC, 93 % des entreprises de taille intermédiaire ont été victimes de cyberattaque. Je souligne que beaucoup d’entre elles ne le savaient pas et qu’elles l’ignorent toujours !
Absolument !
M. Bruno Sido,
premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Dans le même temps, les entreprises hésitent parfois à se donner les moyens de faire face à de telles agressions. D’après la même étude, seulement 8 % des entreprises de taille intermédiaire se sont dotées des moyens de lutter contre les attaques sur les sites numérisés, notamment sur internet. Pour quelle raison ne se protègent-elles pas davantage ? À en croire les nombreuses études réalisées, beaucoup hésitent à choisir maintenant un système de protection en raison de la rapidité du développement des nouvelles technologies. Ces entreprises attendent le système de demain et, pendant ce temps, comme l’a parfaitement décrit Bruno Sido, le pillage continue !
M. Jean-Claude Lenoir.
La protection des sites des entreprises est donc un sujet d’actualité. Paradoxalement, même si elles sont peu nombreuses à se protéger, 68 % d’entre elles, toujours selon PwC, affirment qu’elles ont besoin d’être protégées pour asseoir leur position. Voilà pourquoi il convient de leur donner les moyens de renforcer cette protection.
Si certaines dispositions sont de nature individuelle, il appartient aussi aux pouvoirs publics de prendre des mesures de portée nationale et européenne.
Sur le plan individuel, il s’agit d’abord d’améliorer les comportements. Bien des personnels ignorent que leur conduite expose leur entreprise à de vrais risques, notamment parce qu’ils omettent de prendre les précautions, parfois extrêmement simples, permettant d’empêcher une information essentielle de tomber entre les mains d’individus qui, animés de très mauvaises intentions, participent au pillage.
La question du comportement est donc absolument essentielle.
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques plaide pour le renforcement d’une culture numérique dès le plus jeune âge, car les jeunes sont les plus familiarisés avec le numérique, même si je constate que notre assemblée ne compte que des spécialistes !
(Sourires.)
Des mesures doivent être prises par les pouvoirs publics à l’échelon national. À cet égard, la stratégie pour la cybersécurité, qui a fait l’objet d’une communication de la part du Premier ministre le 16 octobre dernier, montre qu’il est essentiel de se donner les moyens de sécuriser nos réseaux, notamment en ce qui concerne les entreprises. Dans le même temps, d’autres initiatives sont prises. Mme Axelle Lemaire nous présentera prochainement un texte sur le numérique. De même, Emmanuel Macron défendra bientôt le projet de loi NOE sur les « nouvelles opportunités économiques », qui donnera lieu à d’importants débats. La commission des affaires économiques participera aux discussions, tout particulièrement pour ce qui concerne la protection des entreprises.
Au-delà des mesures nationales, il faut aussi des mesures prises au niveau européen. Je note que la directive qui protège les données personnelles remonte à 1995. Chacun s’accorde à reconnaître qu’elle est largement dépassée maintenant et qu’une nouvelle version est nécessaire. La Commission européenne travaille actuellement à sa rédaction.
Mais il faut également assurer la sécurité des réseaux.
La Commission a arrêté en 2013 une directive qui doit être examinée par le législateur européen et par les parlements européens. Il faut souligner l’urgence de la présentation de cette directive devant les parlements concernés de façon qu’elle puisse être très rapidement mise en œuvre.
Il y a également d’autres initiatives à prendre, car nous sommes dans un système mondialisé. Il n’y a pas que la protection vis-à-vis de concurrents nationaux, de concurrents européens ; est aussi posée la question, très sensible et donnant lieu à de grands débats, de la relation avec d’autres pays, notamment les États-Unis. On constate, malheureusement, que le pillage est largement organisé par certains de nos alliés politiques et économiques. Il convient, sans tarder, de tirer toutes les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur le
Safe Harbor.
Le sujet est donc majeur. Nous sommes tous attachés au développement des entreprises, au maintien des emplois, à l’essor des start-up, à la consolidation des positions de nos entreprises au plan européen comme au plan mondial. Il est urgent d’agir et la volonté du législateur est aujourd’hui très forte !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – M. François Fortassin applaudit également.)
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mes chers collègues, ce rapport est excellent, comme tous ceux de l’OPECST, au reste, et il est plus que jamais d’actualité à l’heure où la question de la sécurité numérique occupe une place grandissante.
M. Pierre Médevielle.
Rappelons-nous l’affaire Edward Snowden, cet employé de la CIA, et de la NSA qui a révélé des informations relatives à un programme de surveillance de masse à l’insu des agences qui l’employaient, et du scandale qui en a découlé.
Ces derniers temps, les attaques contre les sites internet se sont multipliées de façon alarmante. Quelle entreprise, quel gouvernement peuvent se dire totalement à l’abri de ce genre d’attaques et des risques très importants qu’elles engendrent ?
Le cyberterrorisme, car il s’agit bien d’une forme de terrorisme, peut s’attaquer à toutes nos structures : ministères, réseaux de télécommunications, réseaux électriques ou d’eau, signalisations ferroviaires ou routières, centrales nucléaires, comme cela a été évoqué l’an dernier lors d’auditions conduites à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’OPECST.
Cela veut dire clairement que toutes nos infrastructures, notamment les plus vitales, peuvent devenir des cibles. À l’heure de la domotique, de l’automatisation, du pilotage à distance, on mesure facilement le risque que courent notre pays et l’Europe.
Face à ces risques, ce rapport propose une trentaine de recommandations. Sans vouloir être exhaustif, j’en citerai quelques-unes : développer la culture et une meilleure connaissance du numérique - cela paraît un minimum ; améliorer la coopération entre tous les acteurs et utilisateurs au sein des entreprises ; enseigner le codage, objectif évoqué par les précédents orateurs, et notamment Bruno Sido ; élaborer un véritable droit européen de la donnée...
Tout cela précéderait l’élaboration d’un vade-mecum de sécurité numérique à l’usage des entreprises, qui deviendrait ainsi une base de réflexions pour la définition d’un véritable plan de sécurisation des données.
Nous le savons, face à la mondialisation numérique, les risques de fraudes, de piratages, de vols, voire de destruction de données, sont de plus en plus nombreux. Or, aujourd’hui, ce qui fait la richesse d’une entreprise, quelle qu’elle soit, ce sont précisément ces banques internes de données.
L’évolution d’internet a conféré aux systèmes d’information une dimension incontournable dans le développement économique des entreprises.
La sécurité numérique représente donc un enjeu majeur pour la pérennité et la compétitivité de nos entreprises.
Bien sûr !
M. Hubert Falco.
Il ne faut en aucune manière que le numérique devienne leur talon d’Achille. Nous devons donc développer et, surtout, transmettre ces savoir-faire permettant de prévenir l’ensemble de ces risques.
M. Pierre Médevielle.
L’OCDE, dans sa recommandation intitulée
La gestion du risque de sécurité numérique
Ce risque, souligne encore l’OCDE, doit pouvoir être évalué et estimé de façon permanente.
Cela veut dire que la maîtrise du risque numérique, et tel est l’avis des experts de la cybersécurité, doit être au cœur des objectifs des entreprises. Pour toute entreprise, il n’y aura pas de développement sans sécurisation de ses données et de ses systèmes de communication.
À l’heure où les risques sont multiples, nous ne devons, mes chers collègues, ni négliger ni sous-estimer celui-là. Donnons-nous les moyens de le prévenir, car il pourrait avoir un effet encore plus dommageable, plus violent et plus destructeur que les attaques subies par la France en 2015.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Patrick Abate.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd’hui est capital. Il s’inscrit dans une discussion plus globale sur l’évolution technologique et les nécessaires adaptations que celle-ci implique. Nos ancêtres ont dû avoir les mêmes préoccupations lors du développement de l’imprimerie...
M. Patrick Abate.
De moins de 100 millions d’utilisateurs d’internet en 1995, nous sommes passés à plus de 3 milliards aujourd’hui. Cette révolution technologique a eu des conséquences extraordinaires et véhicule un certain nombre de craintes. En tant qu’élus, c’est aussi à nous d’apaiser les peurs et de trouver les solutions pour que puissent émerger une société du numérique et un internet libre, fiable et sécurisé.
On ne peut donc que féliciter très sincèrement pour leur travail nos collègues Anne-Yvonne Le Dain et Bruno Sido. De nombreuses recommandations contenues dans leur rapport sont très intéressantes, comme celles qui sont relatives à la sécurité des entreprises, notamment des plus petites d’entre elles. Je retiens également celles qui concernent les conditions de l’autonomie numérique, et donc de la souveraineté.
Dans le temps qui m’est imparti, j’évoquerai simplement le premier volet, celui de la culture du numérique, en commençant par un petit « hors sujet » - quoique… - sur les lanceurs d’alerte.
Ce premier volet est capital : le développement d’une culture du numérique dès le plus jeune âge doit être une priorité, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, l’usage massifié d’internet a conduit à de nouvelles exigences technologiques dans le cadre de l’insertion professionnelle et sociale. Malheureusement, les difficultés tant techniques que matérielles empêchent certaines familles d’accéder à un ordinateur personnel ou familial. On considère qu’aujourd’hui environ 25 % des foyers de notre pays ne sont pas équipés d’un ordinateur ou d’une tablette.
Face à cette massification incomplète de l’accès au numérique, c’est à l’école de la République, émancipatrice, de veiller à ce que tous les écoliers du pays puissent s’intégrer dans la société, y compris en maîtrisant l’informatique. Ce constat est bon pour la jeunesse, mais il vaut également pour l’ensemble des classes d’âge, en particulier pour les personnes âgées. Ainsi, la maîtrise des outils informatiques peut être synonyme de barrage contre l’exclusion et la solitude. De nombreuses maisons spécialisées et associations ont d’ailleurs lancé des programmes d’apprentissage et d’équipement en ce sens.
Deuxièmement, l’émergence d’une culture du numérique doit favoriser la gouvernance du réseau, non pas imposée brutalement, mais intégrée et comprise... Si on peut légitimement se féliciter que le réseau des centres d’alerte états-uniens ait homologué une vingtaine de structures en France, on peut regretter que seules cinq d’entre elles soient publiques et coordonnées par l’État.
La gouvernance d’internet et la gestion des attaques aux données par le biais du numérique devraient, à notre sens, relever d’une compétence étatique, en partenariat avec les autres États européens, et même tous les pays du monde. Cela serait la garantie d’une sécurisation des données sensibles pour tous, y compris les entreprises. Pour celles-ci, en effet, la question de la sécurité numérique doit répondre à une exigence d’équilibre entre droit à l’information des citoyens et protection de données sensibles.
Il est évident qu’il faut protéger les entreprises, mais il y a un équilibre à trouver pour qu’elles se sentent en sécurité sans pour autant être intouchables.
Troisièmement, le développement d’une culture du numérique n’est pas une fin de soi, mais il doit être le moyen de faire émerger de nouveaux progrès techniques, scientifiques, sociaux, à l’image de ce qu’a été la démocratisation de l’accès au livre et les avancées qu’elle a induites. Le partage de connaissances et de savoirs de tous les horizons, l’émulation du travail collectif ?... Un réseau immatériel peut le permettre et l’encourager de manière exceptionnelle.
Nous sommes, je pense, tous d’accord ici pour dire que le développement d’internet et du numérique est une chance pour l’Humanité.
Cela étant dit, il me semble que ce développement et les préoccupations qu’il implique ne peuvent pas se limiter aux entreprises et à la préservation de leurs secrets. Dans le même temps, on s’oriente de plus en plus vers l’ouverture commerciale des données privées des citoyens et des données publiques.
Pour ce qui concerne les entreprises, ma crainte, malheureusement trop souvent confirmée, est qu’à force de vouloir absolument protéger nos entreprises et leurs secrets, on en vienne à faire tomber dans l’oubli des dérives et des scandales dont les salariés et les citoyens sont en droit d’entendre parler. La liberté des entreprises ne peut et ne doit pas se faire au détriment des citoyens, et de ceux qu’on appelle les lanceurs d’alerte.
Je sais qu’il est difficile de trouver un équilibre entre sécurité et protection des lanceurs d’alerte, mais les mesures proposées dans le rapport n’abordent pas vraiment cet aspect des choses.
À l’heure où les « conditions de travail » des lanceurs d’alerte sont de mieux en mieux prises en compte dans certaines zones du globe – en Suède, en Australie -, et de plus en plus en recul dans d’autres, notamment en France et en Europe, il paraît essentiel de se pencher sur cette question.
Je profite de ce débat pour évoquer cette question, car le lien est double, à mon sens : la recherche d’une protection de sans cesse accrue des données des entreprises a conduit à la répression des lanceurs d’alerte, et le développement d’internet a permis la massification d’un mouvement qui, de fait, existe depuis les libelles et pamphlets...
Le développement d’internet a permis à ces citoyens de gagner en influence et en audience. Cependant, la législation manque aujourd’hui d’une définition globale permettant de protéger et les entreprises et les lanceurs d’alerte. Il y va, une nouvelle fois, du droit à l’information. L’organisation, le 28 avril, d’un débat sur le secret des affaires au Parlement européen, ainsi que la prochaine loi numérique, que l’on espère, seront des enjeux majeurs.
Sous prétexte de lutter contre l’espionnage commercial, va-t-on brider toutes les initiatives des travailleurs et consacrer l’opacité ? Où trouver un cadre légal qui autorise le droit à l’information, quitte à se pencher sérieusement, et avec un peu d’esprit critique, sur le sacro-saint droit au secret des affaires ?
Pour conclure, mes chers collègues, je rappellerai une dernière fois l’enjeu que nous devons porter aujourd’hui. À l’image de ce qu’il est pour les citoyens, le développement du numérique est une chance pour les entreprises…
Bien sûr !
M. Hubert Falco.
… mais il doit se faire dans le respect, à la fois, des conditions de travail des salariés et du droit à l’information des citoyens.
M. Patrick Abate.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
La parole est à M. Yves Rome.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a tout juste trois ans, le philosophe Michel Serres nous présentait
M. Yves Rome.
Petite Poucette
Révolution de la même ampleur que celles de l’écriture et de l’imprimerie, la révolution numérique a bouleversé en vitesse accélérée toutes nos organisations : économiques, politiques, sociales et culturelles.
Uber, Airbnb, Deliveroo, Linky, Amazon, eBay, sont entrés dans le quotidien de chaque foyer. Le mouvement n’est pas près de s’arrêter, car les besoins ne cessent de croître.
En matière d’éducation avec les MOOC –
Massive Open Online Courses
Il n’est pas inutile de rappeler ici, mes chers collègues, que l’on comptera 500 objets connectés, communiquant entre eux dans un logement intelligent, d’ici à sept ans - à peine plus qu’un mandat sénatorial -, même si cela est difficilement imaginable ! S’il a fallu près de quarante ans à la radio pour franchir la barre des 50 millions d’utilisateurs, cela n’a pris qu’un an à Facebook et neuf mois à Twitter
Pourtant, la rapidité et l’universalité d’internet rendent son appréhension aussi difficile et insaisissable que ses usages semblent évidents et faciles, laissant à la traîne les structures institutionnelles et administratives qui peinent à suivre le mouvement. La société civile avance très vite, installant une « civilisation numérique » dans laquelle les individus eux-mêmes produisent des données.
C’est le saisissant constat dressé par Laure Belot dans son ouvrage
La Déconnexion des élites
Que penser lorsque l’on sait que seulement 20 % des offres d’emploi passent aujourd’hui par Pôle emploi et qu’il est plus facile de trouver un travail par une annonce sur le site leboncoin.fr ?
C'est vrai !
M. Hubert Falco.
Ces bouleversements interrogent d’autant plus qu’à l’heure où la donnée, ou « data », est devenue une ressource précieuse, porteuse d’opportunités économiques nouvelles, se pose la question de sa protection et de sa sécurité. Données personnelles – cartes bancaires, sécurité sociale –, mais aussi données industrielles, militaires, stratégiques : dans cet espace ouvert et libre qu’est internet, comment évaluer les risques et sécuriser les systèmes ?
M. Yves Rome.
C’est sur cette question majeure et centrale de la sécurité numérique que s’est penché l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
D’après l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, l’insécurité informatique entraînerait chaque année la perte de dizaines de milliers d’emplois, les attaques numériques pénalisant la compétitivité des entreprises. En sommes-nous conscients ? Je ne le crois pas. Il est grand temps d’ouvrir les yeux et d’aller voir ce qui se cache derrière nos tablettes !
Le rapport présenté aujourd’hui par Bruno Sido est d’une densité rare et d’une grande technicité, que je tiens à saluer ici. Il présente des pistes de réflexion particulièrement intéressantes, dans lesquelles le Gouvernement a d’ailleurs puisé pour construire la stratégie nationale pour la sécurité du numérique, présentée par le Premier ministre le 16 octobre dernier et dont je me félicite.
De ce rapport, je retiendrai trois points sur lesquels il convient, mes chers collègues, que nous nous mobilisions fortement dans les années à venir.
Premier point : les enjeux de sécurité sont une chance.
Ils sont une véritable opportunité pour notre économie. Quantité de besoins ne sont aujourd’hui pas satisfaits : sondes souveraines, cartographie des risques, détecteurs d’intrusion, audits de sécurité informatique, formations au codage...
Le développement de la cybersécurité est donc un formidable levier de croissance et un facteur de compétitivité pour notre pays. La France compte des acteurs industriels de premier plan, un tissu de PME capables de relever ce défi et des chercheurs de haut niveau que nous devons savoir garder chez nous. C'est un secteur économique et industriel en devenir qui est, bien entendu, porteur de milliers de créations d’emplois, à condition de mettre en place rapidement un écosystème favorable à la recherche, à l’innovation et au développement de nouveaux marchés.
Mais tout cela ne peut se réaliser qu’à condition de développer une stratégie numérique pour la France et pour l’Europe : ce sera mon deuxième point.
À l’heure actuelle, presque tous les acteurs numériques sont américains, de la création des logiciels à la gestion des incidents de sécurité. Un groupe comme Google détient bien plus d’informations sur les individus et les entreprises que la plupart des États, sans même parler de sa puissance financière. L’Europe doit donc renforcer son autonomie stratégique afin de ne pas devenir un espace de déploiement et de confrontation d’outils et de services numériques créés et développés ailleurs.
S’il semble évident que la sécurité informatique passe par l’adoption de nouvelles normes internationales, européennes et nationales, on constate que le fossé se creuse entre l’accélération des innovations numériques et leur encadrement juridique. D’autant plus, comme l’indique le rapport, que si la circulation des données est de compétence européenne, la sécurité nationale reste, bien entendu, du ressort de chaque État membre.
Les propositions du rapport qui prônent d’évoluer vers un droit souple, ajustable et réversible en fonction de l’usage paraissent particulièrement intéressantes. Plutôt que de légiférer sans cesse avec un train de retard, la civilisation numérique nous encourage à développer d’autres types d’encadrements, notamment en matière de sécurité : recommandations, guides de bonnes pratiques, codes de conduite professionnelle, certification, médiation... Cet arsenal peut paraître bien « mou », pour reprendre l’expression de la juriste Mireille Delmas-Marty, mais il doit faire réfléchir les législateurs que nous sommes ! Si nous voulons être efficaces, notamment en matière de sécurité, nous devons nous adapter aux spécificités du numérique.
Cela passe en particulier par la formation d’usagers responsables : ce sera mon troisième point.
Si l’on veut en effet que la sécurité numérique et les comportements responsables dans le cyberespace se développent, il est primordial de sensibiliser dès le plus jeune âge aux bonnes pratiques et aux bons usages.
Cette éducation au numérique au sein du système éducatif, puis tout au long de la vie, suppose la réalisation de contenus pédagogiques, mais aussi et surtout la formation de professionnels de la sécurité numérique, qui seront à même d’acculturer la société française.
C'est un vaste chantier qui attend le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour ma part, j’y porterai une particulière vigilance, car je suis persuadé que c’est ici que se joue notre avenir.
Je souhaiterais d’ailleurs, comme le préconise le rapport, que le Parlement puisse devenir un lieu exemplaire de la prise de conscience des vulnérabilités du numérique, tout comme les administrations et les collectivités territoriales. L’année 2015 nous a montré combien il était essentiel de pouvoir maîtriser et comprendre la complexité et les subtilités des réseaux et des systèmes d’information. Ne serait-il pas en effet dangereux de s’en remettre totalement aux experts et de rester « déconnectés » des enjeux qui touchent à notre sécurité intérieure et à notre défense nationale ?
Vous connaissez mon engagement en faveur du numérique ; il est plus farouche que jamais. À l’heure où les bouleversements du monde nous invitent à réinventer nos organisations et nos pratiques, il me semble primordial de veiller à ce que l’économie numérique soit un atout pour notre pays, une opportunité pour nos entreprises, mais aussi une chance pour notre démocratie.
Lors des attentats de novembre dernier, nous avons pu constater que le géant américain Facebook avait su immédiatement proposer un dispositif citoyen permettant à chacun de rassurer ses proches en indiquant d’un seul clic qu’il était en sécurité. C’est dire combien ces réseaux sont partout, avec une force de frappe immense, pour le meilleur comme pour le pire. À nous, mes chers collègues, de veiller à ce que l’État et les pouvoirs publics gardent la main !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mes chers collègues, le rapport dont nous débattons, très technique et très stratégique, est extrêmement bien documenté.
Mme Marie-Christine Blandin.
Il peut paraître indécent, après des jours meurtriers, de nous pencher sur la cybersécurité. Mais, au-delà de notre effroi et de notre juste compassion pour les victimes, nous restons au travail et conscients de toutes nos fragilités. La cyberdélinquance, qui va de la malice de quelques amateurs ne cherchant que la performance ludique quand ils pénètrent un système, à la cybercriminalité, en passant par une simple modernisation de l’espionnage industriel, fait la course avec les progrès des protections et des cryptages.
Ce sont les mêmes petits génies de la programmation qui injectent cookies émetteurs, chevaux de Troie et vers parasites, et qui contribuent à l’élaboration des logiciels de protection. Il suffit d’y mettre le prix…
Les commerciaux et ingénieurs en colloques internationaux savent désormais – je l’espère ! – que la sympathique clé USB restituant les communications qui vous est offerte peut aussi être le petit mouchard numérique domestique de tous leurs travaux et innovations à venir.
Une fois de plus, les artistes, au travers de livres ou de films de fiction, nous projettent dans un hypothétique futur, dans lequel l’arme de la manipulation des données numériques bouleverse le monde. Ils imaginent dans leurs scénarios des parasitages de régulation de températures, de PH ou de pression et des conséquences catastrophiques si l’action porte sur la maîtrise d’un réacteur. Les prises de contrôle des vannes d’un barrage ou de la régulation de la circulation ferroviaire sont des fictions fréquentes. La manipulation des flux financiers, l’entrée dans des
data centers
Le problème, c’est que la probabilité n’est pas nulle, un simple pillage pouvant ruiner la fiabilité d’une entreprise. TV5 Monde, victime d’une cyberattaque, en paie encore les frais à hauteur de 5 millions d’euros par an.
Parmi les recommandations du rapport, je me concentrerai sur le développement de la culture numérique et l’éducation à la sécurité.
Oui, il existe un décalage entre le recours permanent à l’outil numérique et le manque de maîtrise des citoyens, doublé d’une absence de recul quant au recours plus ou moins opportun à son usage.
Imprudence et naïveté sont de mise : 60 % des enfants de moins de deux ans ont leur photo sur Facebook, à la disposition de tous les publicitaires.
Les attaques dites de « phishing », ou hameçonnage, technique par laquelle des personnes malveillantes se font passer pour vos organismes financiers familiers en envoyant des mails frauduleux pour récupérer vos mots de passe bancaires, font encore des victimes. Comment le citoyen imprudent dans sa sphère intime pourrait-il être vigilant dans son entreprise ?
L’engouement pour les objets connectés ne doit pas nous faire oublier qu’ils sont des émetteurs permanents, vers l’extérieur, de votre vie et de la vie de l’entreprise.
Les élèves d’aujourd’hui seront les acteurs de l’internet de demain : il convient donc de leur donner toutes les clés pour adapter leurs comportements face aux exigences de la sécurité numérique, tant pour eux que pour leur lieu de travail, leur entreprise ou leur administration.
Le socle commun élaboré par le Conseil supérieur des programmes – le décret est désormais publié - précise que l’élève devra savoir le rôle des langages informatiques pour programmer des outils numériques et réaliser des traitements automatiques de données. Il devra connaître les principes de base de l’algorithmique et de la conception des programmes informatiques et les mettre en œuvre pour créer des applications simples. Il sera rodé à l’utilisation d’espaces collaboratifs et à la communication
Reste la schizophrénie des injonctions du XXI
À l’heure où les postiers prêtent serment de respecter le contenu privé des courriers, la loi sur le renseignement, sous couvert de lutte contre le terrorisme, instaure un système algorithmique, les « boîtes noires », qui vise à recueillir en temps réel sur les réseaux des opérateurs toutes les métadonnées permettant de savoir qui écrit à qui, particuliers comme entreprises, quels sites sont consultés...
Le curseur est donc politique : culture et législation sont les pistes proposées, à juste titre, par le rapport. Je forme le vœu que les trois textes préparés par M. Macron et Mmes Lemaire et Valter concilient sécurité et droits humains, qu’ils soient élaborés en concertation, qu’ils soient évolutifs et qu’ils ne laissent pas de trou dans la raquette. La violence croissante des attentats va en effet inciter au sécuritaire.
Les éventuelles règles nouvelles doivent être d’emblée prévues comme évolutives et ne pas façonner les valeurs de demain de notre République ni mettre des outils inédits entre de mauvaises mains.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le travail exhaustif et synthétique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont nous devons saluer la qualité, a le mérite de s’ancrer dans la réalité de la mondialisation numérique sous ses multiples facettes.
M. Philippe Adnot.
L’omniprésence du numérique, la répartition des systèmes d’information, l’interconnexion des réseaux et le nomadisme ont transfiguré les risques relatifs à la sécurité des informations. Avec plus de 75 millions de cyberattaques recensées dans le monde au second semestre 2015, la sécurité du cyberespace est naturellement un enjeu stratégique pour tous : individus, entreprises et États. L’information – les «
C’est convaincus et forts de ce constat que, dans le beau département de l’Aube, nous avions pensé que notre pays devait accélérer la formation de spécialistes de la sécurité des systèmes d’information rompus à l’identification et à l’évaluation des risques, ainsi qu’à la mise en place de solutions de prévention. Cela s’est concrétisé par la création, au sein de notre université de technologie de Troyes, qui forme des ingénieurs, de la première licence professionnelle d’enquêteur en technologies numériques de France, en partenariat avec la gendarmerie nationale, et par celle d’un master 2 en sécurité des systèmes d’information.
Pour aller plus loin, et pour mieux répondre aux problèmes que vous avez vous-même soulevés, monsieur le rapporteur, nous avions souhaité profiter de la constitution des pôles de compétitivité pour en créer un sur cette problématique ; c’était en l’an 2000. Malheureusement, l’époque n’était pas encore à cette analyse et il nous avait été répliqué que, faute d’entreprises dans une région administrative et dans un périmètre définis, il n’était pas possible de faire un pôle de compétitivité.
Évidemment, maintenant, tout le monde se rend compte que la transversalité est essentielle en la matière ; cela est bien souligné dans votre rapport, monsieur Sido. Nous avons donc perdu beaucoup de temps, qu’il faut rapidement rattraper pour que la France soit en mesure de jouer un rôle majeur en ce domaine.
Monsieur le rapporteur, nous devons avoir la volonté, à travers une politique du numérique, de créer un
Telle est la modeste participation que je me permets d’ajouter à votre rapport, monsieur Sido, vous qui avez travaillé à ce sujet avec une remarquable compétence. Si nous pouvons, tous ensemble, participer à la création de ce
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC. – M. le vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques et scientifiques applaudit également.)
La parole est à M. François Bonhomme.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en mars 2015, la SNCF,
M. François Bonhomme.
En avril 2015, TV5 Monde est victime d’une cyberattaque extrêmement forte avec des conséquences très importantes : écran noir sur les onze chaînes du groupe, comptes sur les réseaux sociaux détournés pour afficher des messages de propagande d’un groupe de pirates prétendant appartenir à l’État islamique, perte de la connexion wifi et de plusieurs fréquences de diffusion dans certains pays, avec un coût induit de près de 5 millions d’euros en 2015.
Quelques semaines plus tôt, d’autres sites étaient victimes de piratages : la Maison-Blanche, le site Labio.fr, Orange Business Services, le site de
L’Ardennais
Le nombre de cyberattaques contre les entreprises françaises a progressé de 51 % en un an, alors que la hausse de ces attaques sur la même période dans le reste du monde était sensiblement moindre. En un an, la France est ainsi passée du quinzième rang au quatorzième rang mondial des pays où la cybercriminalité est la plus active. En 2014, un million de nouveaux logiciels malveillants ont été découverts chaque jour dans les ordinateurs français.
Tout cela a évidemment un coût : selon une étude, les entreprises françaises ont perdu en moyenne 3,7 millions d’euros l’an passé à cause de telles attaques, ce qui représente une hausse de près de 30 %.
On doit s’interroger aussi sur le profil de ces cybercriminels. Contrairement à une idée reçue, la majorité des menaces ne viennent pas de l’étranger. Un tiers des incidents recensés sont le fait d’employés ou d’anciens employés de la compagnie attaquée. Par ailleurs, une part grandissante de ces incidents vient des fournisseurs et prestataires de services. Il faut aussi noter qu’on assiste de plus en plus à une véritable spécialisation des cybercriminels, plusieurs personnes travaillant sur les différentes phases d’une même opération.
Ces piratages peuvent prendre des formes diverses. Selon la Commission européenne, la cybercriminalité englobe trois catégories d’activités criminelles : d’abord, les atteintes directes à des systèmes informatiques pour perturber leur fonctionnement et anéantir un serveur à distance ; ensuite, la réalisation d’actes illicites recourant aux outils numériques – vol de données bancaires ou personnelles, espionnage industriel, atteinte à la propriété industrielle ou encore sabotage – ; enfin, la modification du contenu d’un espace numérique pour y déposer ou diffuser des contenus illicites.
Ces attaques nombreuses sont de plus en plus sophistiquées et les cyberattaquants tentent de plus en plus de faire diversion, en introduisant dans le réseau de l’entreprise des outils de prise en main à distance ou de transfert des communications.
Il convient également de noter que les pirates ne cherchent pas forcément des informations confidentielles ; de plus en plus, les entreprises sont victimes de demandes de rançon. Les cybercriminels bloquent ainsi les ordinateurs ou les mobiles grâce à des «
cryptolockers
Les entreprises sont donc une cible privilégiée ; manifestement, les risques sont insuffisamment pris en compte. Ainsi, seul un tiers des entreprises du CAC 40 se sont dotées d’un centre opérationnel de sécurité, c’est-à-dire d’une équipe spécifiquement dédiée à la cybercriminalité. Ce constat est inquiétant, sinon alarmant, même si, selon l’étude de PricewaterhouseCoopers, le budget de la sécurité informatique des entreprises françaises a bondi de près d’un tiers entre 2013 et 2014.
Le rapport éclairant et roboratif de notre collègue Bruno Sido et de la députée Anne-Yvonne Le Dain, après avoir dressé ce constat sans appel, propose des recommandations et des solutions individuelles et nationales pour contrer ces risques. Je n’y reviens pas, elles ont été largement évoquées.
Je souhaite simplement insister sur quelques points. D’abord, je veux souligner la nécessité, à l’échelon national, de dispositifs d’information et de soutien à la sécurité informatique en direction des PME, particulièrement vulnérables en raison notamment du coût que représente la constitution en interne d’une équipe dédiée à la lutte contre le piratage. Le vade-mecum proposé dans ce rapport semble parfaitement adapté.
Ensuite, il convient de trouver des solutions à l’échelle communautaire afin de ne pas dépendre des États-Unis pour traiter et gérer les incidents de sécurité informatique. Je partage l’avis des auteurs du rapport, il faut protéger la souveraineté numérique de la France et de l’Europe, et ne pas inclure le numérique dans les accords de libre-échange.
Par ailleurs, la question de l’éducation à la sécurité informatique est d’importance. Certes, il paraît aujourd’hui nécessaire de développer une véritable filière d’enseignement du codage et de la sécurité informatique, mais je pense qu’il convient en même temps d’enseigner, particulièrement, bien sûr, aux jeunes générations, les comportements responsables face aux usages des nouvelles technologies de communications et aux risques que les nouveaux supports et réseaux sociaux peuvent faire courir.
Enfin, il est vrai que ces nouveaux défis sont un réel atout. Nous avons en France de véritables talents, qu’il s’agisse de nos chercheurs en mathématiques ou en cryptologie, de nos fabricants d’antivirus et même de nos jeunes
Ces initiatives méritent d’être soutenues. Il y a là un véritable gisement d’emplois, sans parler du marché de la cyberassurance, qui a triplé en un an.
La sécurité numérique peut donc être un véritable atout pour notre pays et pour son développement économique.
Les mesures annoncées en novembre dernier par le Premier ministre reprennent pour partie ces préconisations. Elles s’articulent ainsi autour de trois axes majeurs : communiquer, sensibiliser et légiférer – même si, par nature, l’élaboration législative est longue et que le temps parlementaire est une éternité à l’échelle du numérique.
Nous regrettons ainsi que le projet de loi pour une République numérique, qui sera débattu prochainement à l’Assemblée nationale, n’aborde pas cette question. Nous espérons que le texte présenté par M. Macron traitera le sujet et reprendra certaines des préconisations du rapport de l’Office. Cela permettra d’enclencher une dynamique sectorielle importante, en limitant les contraintes législatives et réglementaires dans un secteur qui demande – vous le savez, madame la secrétaire d’État – souplesse, adaptabilité et réactivité.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
La parole est à Mme Delphine Bataille.
M. le président.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer l’immense travail accompli par les rapporteurs de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Bruno Sido et Anne-Yvonne Le Dain, qui nous livrent une analyse scientifique et technologique détaillée des problématiques liées à la sécurité numérique, en particulier dans les entreprises, et qui présentent de nombreuses recommandations.
Mme Delphine Bataille.
À ma connaissance, il s’agit du premier rapport sur le numérique se focalisant exclusivement sur les questions de sécurité. Faisant suite au constat de ce nouvel espace économique qui s’est déployé pour les individus comme pour les entreprises, les auteurs mettent en lumière le rôle central des opérateurs d’importance vitale. Plus de deux cents d’entre eux sont en France, notamment dans les secteurs des télécoms et de l’énergie, qui privilégient la capacité de réaction et un partage rapide des informations en cas de crise.
Les rapporteurs se sont aussi imposé – cela est considérable – un examen détaillé de la technique de transmission du système d’information de l’entreprise. Cette analyse fouillée révèle l’ampleur et la complexité du risque numérique ainsi que les enjeux stratégiques et économiques au niveau national, européen et international. Elle souligne aussi l’extrême imbrication des opérateurs et la véritable mainmise des sociétés commerciales et de leur État d’origine sur l’Internet : les géants du numérique, les fameux « GAFA » – Google, Apple, Facebook, Amazon.
Le numérique est ainsi partout : les entreprises, les individus et les États sont de plus en plus dépendants de ces technologies difficiles à appréhender.
Aujourd’hui, la France connectée, avec 83 % des Français qui utilisent internet, est aussi celle du wifi, avec plus de 13 millions de bornes publiques, chiffre qui nous place loin devant les États-Unis. Notre pays est également aux avant-postes du
Cependant, il accuse un retard certain dans l’accès au très haut débit, retard qui limite ses capacités à profiter des avantages du numérique et de son intégration dans les entreprises.
Conscient de l’importance de ce secteur pour notre avenir économique et des bouleversements majeurs qu’il entraîne sur nos modes de consommation comme de production, le Gouvernement a présenté une série de mesures au plan national comme au plan européen ainsi qu’un projet de loi s’inscrivant dans la stratégie numérique de la France.
L’enjeu est vital pour notre économie et nos libertés individuelles, mais, comme cela a été dit et répété, le développement du numérique ne peut s’accomplir sans un meilleur contrôle des risques qu’il génère pour notre pays, nos entreprises et nos concitoyens.
La plupart des entreprises n’ont, semble-t-il, pas pris la mesure des transformations à venir ni des risques ou de leur vulnérabilité face aux pillages de données, malgré les nombreuses affaires dont les médias se sont fait l’écho. On a cité l’affaire Snowden, dont je veux rappeler qu’il a été le premier informaticien à révéler au monde entier des informations classées secrètes par la NSA – écoutes téléphoniques, interceptions de mails, espionnage d’entreprises et de gouvernements alliés, etc.
La sécurité de l’information comme de l’image des entreprises, que l’on appelle encore « e-réputation », sont donc des enjeux stratégiques et économiques majeurs.
L’analyse des messages numériques des entreprises et de leurs canaux de diffusion confirme que la principale vulnérabilité est liée au comportement de l’homme, ainsi que tous les orateurs précédents l’ont dit.
C’est pourquoi les auteurs du rapport insistent, à raison, sur la nécessité de réduire « l’illettrisme numérique » par l’éducation et par la création d’une culture du numérique. Ils ont été rejoints, sur la première de leurs recommandations, qui préconise une éducation au numérique dès l’école maternelle, par la proposition du Président de la République relative à l’apprentissage du codage informatique dès le cours préparatoire.
Le rapport met également à disposition des entreprises un vade-mecum de recommandations de sécurité numérique. Ce document mériterait d’être vulgarisé auprès des entreprises, qui pourraient ainsi disposer d’un certain nombre d’outils leur permettant de mieux se protéger face aux risques croissants liés au développement du numérique. J’insiste sur ce point.
Madame la secrétaire d'État, après le récent enrichissement du projet de loi pour une République numérique par les différents contributeurs
Dans cette perspective, nous comptons beaucoup sur votre engagement pour que les riches enseignements développés par les rapporteurs de l’OPECST et les solutions qu’ils proposent figurent également parmi vos priorités. Nous vous en remercions.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Axelle Lemaire étant retenue en commission par l’examen du projet de loi pour une République numérique, j’ai le plaisir de participer au débat organisé aujourd'hui sur les conclusions du rapport de Mme Anne-Yvonne Le Dain et de M. Bruno Sido, intitulé
Mme Martine Pinville,
secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises
Je veux tout d'abord insister sur la qualité des travaux menés par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Au-delà du rapport dont nous discutons aujourd'hui, ses réflexions et ses préconisations permettent aux responsables politiques de ne pas être déconnectés d’enjeux qui, certes, sont particulièrement complexes sur le plan technique, mais qui touchent au cœur de la vie des Français et des entreprises.
Parmi ces enjeux, les questions liées à la sécurité numérique occupent bien entendu une place de choix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde qui s’ouvre à nous, révolutionné par le numérique, est évidemment riche en opportunités, opportunités que nous devons saisir pour maintenir la place de la France parmi les nations les plus modernes et les plus développées. Mais ce monde, et c’est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, représente aussi une source d’inquiétude pour un nombre croissant de nos concitoyens. Quelle confiance avoir dans la gestion de nos données personnelles ? Quelle confiance avoir dans les informations sensibles ou personnelles que nous échangeons chaque jour ?
Face à ces inquiétudes, il revient à l’État non seulement d’être vigilant, en anticipant les risques comme en sanctionnant les abus, mais aussi d’apporter les conditions de la confiance dans le numérique.
Le laisser-faire n’est pas une option, et c’est sur les deux dimensions essentielles que sont la protection des infrastructures et la protection des données que nous devons agir, en obligeant à plus de transparence, certes, mais également en mettant en œuvre une combinaison de mesures de sensibilisation, d’exigence réglementaire et de contrôle.
Surtout, il faut encourager une culture, un apprentissage du risque, encore balbutiant dans notre pays. En effet, les failles dans la sécurité numérique commencent souvent par une méconnaissance des risques et par des comportements individuels inadaptés.
La sécurité numérique doit devenir un réflexe individuel et collectif. L’excellent rapport de l’OPECST dont nous débattons aujourd'hui œuvre en ce sens.
Pour atteindre cet objectif, nous avons des moyens et des champs d’action bien identifiés. Nous pouvons, d’une part, nous reposer sur le travail de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, et, bientôt, sur les avancées contenues dans le projet de loi pour une République numérique. Nous savons, d’autre part, qu’il faut donner la priorité à l’éducation et l’économie. Tels sont les points que je vais développer dans mon propos.
L’ANSSI a présenté, au mois d’octobre dernier, devant le Premier ministre et Axelle Lemaire, une proposition de stratégie nationale pour la sécurité du numérique. Il faut saluer le travail inédit et ambitieux qui a été réalisé par l’Agence ; il témoigne de l’importance accordée à ce sujet par le Gouvernement.
Plusieurs mesures comprises dans cette stratégie vont dans le sens des propositions du rapport de l’Office.
On peut retenir notamment l’assistance de proximité aux victimes d’actes de malveillance. Cette action essentielle doit être conduite dans un souci de rationalisation des moyens et de qualité du service rendu, sans ajouter au millefeuille administratif.
On peut citer également le développement de l’offre nationale en matière de produits et de services de sécurité. Le ministère joue un rôle central dans ce domaine.
On peut penser aussi à la diffusion des savoir-faire acquis vers le secteur privé : les services de l’État, notamment l’ANSSI, disposent d’un savoir-faire et d’une expertise technique reconnue nationalement et internationalement, qui doit irriguer un écosystème d’expertise privée.
Vient enfin la question de la sensibilisation des citoyens. Elle est l’affaire de tous. Le ministère prévoit de jouer un rôle en la matière, notamment
D’autres actions sont en rapport direct avec le déploiement de cette stratégie.
Je pense tout d’abord à la structuration du Comité de la filière industrielle de sécurité, le COFIS, qui a eu lieu à la fin de l’année 2013 et qui accorde une place importante aux questions de cybersécurité.
Je pense encore aux 45 millions d’euros du programme d’investissements d’avenir alloués aux projets de sécurité des systèmes d’information sur des thématiques telles que la sécurité des terminaux mobiles ou la détection des attaques informatiques.
La sécurité est aussi l’un des trois axes fondamentaux de l’appel à projets « Grands défis du numérique ».
Enfin, Axelle Lemaire a lancé au début du mois d’octobre un appel à projets sur la protection des données personnelles. Doté de 10 millions d’euros, ce programme permettra à des entreprises françaises de développer une expertise et des produits de niveau mondial, qui leur ouvriront des marchés importants, en même temps qu’ils contribueront à la protection de nos concitoyens.
La question de la confiance est également au cœur du projet de loi pour une République numérique porté par Axelle Lemaire.
Ce projet de loi a un double objectif : d’une part, promouvoir et accélérer la diffusion des données au sein de la société et de l’économie, afin que nous puissions en tirer toute la valeur ; d’autre part, renforcer les droits et les garanties des individus et des entreprises en apportant de nouvelles procédures et de nouveaux moyens.
Ces deux ambitions peuvent parfois paraître contradictoires, et c’est la raison pour laquelle le secrétariat d’État chargé du numérique a souhaité les inclure toutes deux dans le projet de loi. C’est en avançant sur ces deux jambes que l’on construira le meilleur cadre possible de régulation de l’économie numérique.
La France ne doit pas adopter un comportement craintif face aux enjeux qui se présentent en matière de numérique, en particulier sur le sujet de l’exploitation des données. Nous devons nous saisir pleinement du sujet, en créant, en France, les meilleures infrastructures de données et en attirant les meilleurs ingénieurs et les entreprises les plus innovantes.
Dans le même temps, il faut reconnaître que nos outils de régulation doivent évoluer. C’est pourquoi le projet de loi prévoit de rétablir certains droits, comme le droit à l’oubli ou le droit à la mort numérique, pour redonner aux citoyens le sentiment de maîtriser leur vie numérique, qu’ils ont parfois perdu.
Ces questions sont complexes et n’appellent pas de réponses univoques. C'est la raison pour laquelle une consultation publique ouverte s’est tenue pendant trois semaines, afin de permettre à chaque citoyen de donner son opinion sur les projets du Gouvernement. Le bilan en est très positif : plus de 20 000 participants, 8 500 contributions, plus de 147 000 votes et l’intégration dans le texte du projet de loi d’un certain nombre de propositions des internautes.
Aussi technique soit-elle, la question de la sécurité numérique est une source de préoccupation réelle pour les Français. Pour transformer cette préoccupation en un apprentissage collectif en vue d’une plus grande maîtrise, et donc de davantage de confiance, l’éducation et la formation jouent, comme le rapport le souligne, un rôle essentiel.
Une meilleure connaissance du numérique favorisera une meilleure sécurité numérique. C’est pour cela qu’il faut encourager l’apprentissage du code, au moins au titre des activités périscolaires dans un premier temps.
Par ailleurs, le plan numérique à l’école doit inclure la formation initiale et continue des enseignants ou encore l’implication de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La grande école du numérique lancée le 17 septembre dernier permettra à des jeunes, à des personnes sans diplôme ou à la recherche d’un emploi de se former aux nouvelles technologies et de trouver un travail. Elle sera également un vecteur de cette sensibilisation.
Mais cette ambition ne se limite pas à la jeunesse : il faut que chaque personne envisageant d’aller sur internet puisse être accompagnée pour maîtriser l’environnement auquel elle va être confrontée.
Pour le grand public, les lieux de médiation numérique sont aussi le moyen d’une éducation aux enjeux de sécurité et de sécurisation des données personnelles. C’est aussi pour cette raison que l’inclusion, l’accès au numérique pour tous sont au cœur du projet de loi pour une République numérique. Cet effort en faveur de l’éducation est indispensable pour faire du numérique une force, et non une menace.
Au-delà, la volonté du Gouvernement est de faire de cette prise de conscience un atout pour notre économie et une chance pour nos entreprises.
Un des plans de la « nouvelle France industrielle » relève de cet objectif, en introduisant notamment un « label France ». Ce dispositif permet d’accorder la reconnaissance et la visibilité qu’ils méritent à des acteurs industriels d’envergure mondiale et à des PME performantes dans le secteur du numérique.
En parallèle, nos entreprises, comme nos administrations, doivent être sensibilisées aux enjeux de cyber-sécurité et disposer des moyens d’y répondre par des offres à la qualité et à la fiabilité reconnues.
Enfin, comme le rapport de l’OPECST le souligne, nous ne devons pas rester isolés dans nos initiatives en faveur d’une plus grande sécurité numérique. Il faut agir à l’échelle européenne, comme en témoigne le récent exemple de l’invalidation de l’accord
Safe Harbour
Par cette décision, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé la possibilité, pour une autorité nationale de protection des données, de contester la validité du mécanisme de la sphère de sécurité qui s’appliquait pour des données transférées aux États-Unis.
Au travers de cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé la position du Gouvernement français, qui demande depuis plusieurs mois une révision de l’accord
Safe Harbour
Telle est la contribution que le Gouvernement pouvait apporter au débat d’aujourd’hui. Ainsi que le rappelle le rapport de l’OPECST, les chantiers sont nombreux et tous sont essentiels. La question de la confiance est bel et bien au cœur de la croissance et de l’appropriation du numérique par la société tout entière.
Vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement pour convaincre institutions, entreprises et citoyens de l’importance de la sécurité pour bâtir une société numérique à laquelle ces derniers puissent se fier et dans laquelle ils pourront créer des entreprises, échanger, se divertir. Il y va de la compétitivité de notre pays.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
La séance est reprise.
M. le président.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
M. le président.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat, et que le respect du temps de parole est impératif, en 2016 comme en 2015 !
(Sourires.)
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président.
L’actualité sociale de ce début d’année nous sidère. En effet, nous assistons simultanément à une nouvelle vague de licenciements dans l’industrie et à la condamnation à neuf mois de prison ferme de ceux qui résistent devant la brutalité de telles décisions.
Mme Michelle Demessine.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
L’urgence est-elle vraiment à la criminalisation de la résistance ouvrière face aux multinationales, qui entrent et sortent de notre pays sans avoir à rendre de comptes, en laissant derrière elles dégâts sociaux et industriels ?
La condamnation, à la demande du ministère public, de huit syndicalistes de Goodyear à neuf mois de prison ferme – c’est une première – est scandaleuse ! Ils doivent être relaxés.
J’invite tous ceux qui soutiennent cette condamnation à considérer le bilan humain de la fermeture de cette usine : douze suicides, des centaines de familles brisées, séparées. De quel côté la violence se trouve-t-elle ?
Le 15 décembre dernier, le tocsin a encore sonné dans la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui a reçu un beau cadeau de naissance !
La direction du groupe Pentair a annoncé la fermeture de l’usine de Ham, qui compte 132 salariés, ainsi que 49 licenciements à Saint-Ouen-l’Aumône et 25 sur le site d’Armentières. Le groupe se désengage de la France, alors même qu’il s’était rendu acquéreur de ces sites voilà seulement deux ans. Cette décision incompréhensible aurait été prise pour motifs économiques, alors même que tous les objectifs de productivité ont été atteints, voire dépassés, que le taux de marge brute est de 18 % à 20 % et que le carnet de commandes est plein.
Monsieur le Premier ministre, qu’en est-il de la politique de réindustrialisation de notre pays ?
Les principaux clients de Pentair sont AREVA, EDF et DCNS, dont l’État français est actionnaire.
J’ai entendu avec intérêt la réponse faite par M. Macron à l’Assemblée nationale concernant des pistes actuellement envisagées. Une course de vitesse est désormais engagée, car les nouvelles dispositions de la loi Macron, que nous avons combattue, vont bientôt s’appliquer pour la première fois, réduisant largement le temps disponible pour s’opposer à ces mauvais coups. De quels moyens le Gouvernement va-t-il se doter pour y faire face ? N’oublions pas que c’est l’impuissance devant la brutalité sociale qui mène à l’exaspération et aux tensions, et non le contraire !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste.)
La parole est à M. le Premier ministre.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette année 2016.
M. Manuel Valls,
Premier ministre.
Madame la sénatrice, je répondrai sur les deux points développés dans votre intervention.
Concernant la société Pentair, le ministre de l’économie, vous l’avez rappelé, s’est déjà exprimé. Ce groupe américain a entamé un processus de réorganisation de ses marques, de ses produits et de ses sites de production à l’échelle internationale. Le projet de restructuration conduisant à la fermeture du site de Ham, à la suppression d’emplois sur celui d’Armentières et au transfert de lignes de production sur d’autres sites du groupe est vécu comme un choc.
Ces annonces sont difficilement acceptables, socialement et sur le plan industriel. Les services de l’État se sont immédiatement mobilisés. Dans votre région, madame la sénatrice, le commissaire au redressement productif, en lien avec les élus, est en première ligne sur ce dossier.
Les équipes d’Emmanuel Macron œuvrent pour apprécier les qualités tant industrielles qu’économiques du site. Le ministre a demandé à son cabinet de recevoir prochainement à Bercy la direction du groupe, pour discuter de sa stratégie à long terme et des implantations de Pentair en France, étudier ensemble les différents
Concernant Goodyear, il n’appartient évidemment pas au Gouvernement de commenter une décision de justice, mais il lui incombe de rappeler quelques principes et valeurs.
S’agissant des principes, d’abord, la justice, en France, est indépendante. Certains n’arrivent pas à s’y faire, mais c’est la réalité du fonctionnement démocratique de notre pays. Non, le procureur n’est pas le représentant du Gouvernement, contrairement à ce que certains ont pu affirmer hier. Le parquet a pris des réquisitions en toute indépendance. La décision de la juridiction de première instance est indéniablement lourde, mais il faut la respecter : en tant que chef du Gouvernement, je ne peux pas dire autre chose, tout en mesurant pleinement le choc qu’elle représente pour les syndicalistes condamnés, les salariés de l’entreprise et leurs familles.
Sur le plan des valeurs, ensuite, si le combat syndical est toujours respectable, le respect des personnes représente un principe fondamental. Tout n’est pas permis, y compris quand la violence sociale est très forte. Chacun ici connaît la difficulté du dossier Goodyear, qui avait notamment été suivi par Pascale Boistard, alors députée, et peut parfaitement mesurer le désarroi des salariés.
Il faut toujours maintenir le dialogue, même dans les situations les plus tendues, et ne jamais basculer dans la violence. Cela étant, cette dernière peut prendre différentes formes. C’est la raison pour laquelle je n’accepte pas non plus les propos haineux et violents qui ont été tenus par un dirigeant d’entreprise américain ayant envisagé un moment de reprendre le site. Je n’accepte pas les leçons de ce patron. À mes yeux, mettre de l’huile sur le feu, pousser l’autre à la faute ou insulter un pays ou les salariés d’une entreprise n’est pas digne d’un dirigeant.
Je crois savoir que les syndicalistes condamnés font appel. Dans ces moments où les institutions sont bousculées, je vous invite toutes et tous à faire confiance à la justice pour trouver une position d’équilibre permettant de marquer les limites de ce qui est admissible tout en signifiant la légitimité de la revendication syndicale en tant que telle et la nécessité de la respecter. Il n’y aura jamais, dans notre pays, de criminalisation de l’action syndicale. Je n’accepte pas que l’on exprime des soupçons ou des sous-entendus à cet égard, ce que vous n’avez d’ailleurs pas fait, madame la sénatrice.
Le Gouvernement croit au dialogue social, au rôle et à l’apport des partenaires sociaux, tant au niveau national que, au quotidien, à celui de chaque entreprise.
Cette conviction, que je souhaitais réaffirmer devant vous, ne nous dispense pas de trouver des solutions immédiates pour le site concerné. Comme l’ont dit hier Emmanuel Macron et Pascale Boistard, toute l’attention du Gouvernement se concentre aujourd'hui sur le devenir des salariés et la réindustrialisation du territoire d’Amiens.
Vous avez évoqué avec émotion les événements de ces derniers mois, non pour les instrumentaliser, mais simplement pour rappeler les faits, que nous devons garder en permanence à l’esprit. À cet égard, je connais parfaitement les difficultés des salariés. Une solution a été trouvée pour près des deux tiers d’entre eux, et nous devons nous mobiliser pour qu’il en soit ainsi pour chacun des 1 055 salariés licenciés. Nous travaillons avec les élus du territoire d’Amiens à la réindustrialisation de l’ancien site de Goodyear…
La quatrième année du quinquennat ! Il serait temps !
M. François Grosdidier.
… et, plus largement, au développement du bassin d’emploi : 6 millions d’euros ont été mobilisés en ce sens et les efforts devront se poursuivre. Sur de tels dossiers, ce sont la constance, les valeurs, les principes et le travail qui paieront !
M. Manuel Valls,
Premier ministre.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
M. Yves Daudigny.
Depuis 2012, la sécurité sociale a progressé en France. Le redressement des comptes est désormais en bonne voie.
La CADES !
M. Francis Delattre.
Les droits des assurés ont été renforcés, améliorés et simplifiés.
M. Yves Daudigny.
Malgré le contexte économique et budgétaire, mais aussi européen et international, que nous connaissons, ce gouvernement a montré sa capacité à poursuivre et à réaliser les réformes qui sont les bases du progrès social.
Il n’y a que vous pour le croire !
M. François Grosdidier.
La création de la prime d’activité apporte une aide de solidarité aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles, en même temps qu’elle valorise le travail.
M. Yves Daudigny.
Trois autres mesures entrent en application en ce début d’année.
La mise en œuvre de l’engagement d’assurer à toutes et tous une complémentaire santé se poursuit, avec la généralisation de la mesure à toutes les entreprises et son extension aux plus de soixante-cinq ans.
L’accès aux soins est également renforcé par la généralisation du tiers payant en médecine de ville. Il est déjà pratiqué par la grande majorité des professions de santé en France et appliqué dans presque tous les pays développés. Les retards de soins et les renoncements aux soins sont une réalité dans notre pays. La généralisation du tiers payant permettra de lever la contrainte financière qui en est souvent la cause.
Enfin, la création d’une protection universelle maladie simplifiera les démarches d’affiliation et assurera la continuité des droits tout au long de la vie. Cette réforme instaure « une seule et unique citoyenneté sociale ». Après la création de la couverture maladie universelle en 1999, elle réalise l’ambition initiale de Pierre Laroque d’une assurance sociale universelle.
Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir nous préciser les conséquences très concrètes de ces réformes, en particulier de l’entrée en vigueur de la protection universelle maladie, pour l’amélioration de la qualité de vie quotidienne de nos concitoyens.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
M. le président.
Monsieur le sénateur, il est exact que nous innovons régulièrement pour faire en sorte que notre sécurité sociale, à laquelle nous sommes collectivement attachés, réponde mieux aux attentes de nos concitoyens et aux besoins de la société française d’aujourd'hui.
Mme Marisol Touraine,
ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Depuis le 1
La prime d’activité sera versée pour la première fois le 5 février prochain à des millions de nos concitoyens, en particulier à un million de jeunes n’ayant aujourd'hui droit à rien, dès lors qu’ils travaillent pour une rémunération, s’ils vivent seuls, inférieure à 1 500 euros par mois.
De la même façon, la généralisation de la complémentaire santé en entreprise ouvrira à environ un million de Français l’accès à un tel dispositif et permettra une amélioration de leur complémentaire santé pour des millions d’autres, grâce à des contrats de meilleure qualité.
Vous avez également évoqué la mise en place de la protection universelle maladie. Il s’agit d’éviter les ruptures de parcours de soins auxquelles nos concitoyens sont parfois confrontés lorsqu’ils changent de situation.
Depuis le 1
Les femmes qui ne travaillent pas et qui dépendent de leur conjoint pour leur affiliation à la sécurité sociale seront désormais reconnues comme des assurées à part entière. Il n’y aura plus d’ayants droit.
Il faut conclure, madame la ministre.
M. le président.
De la même façon, lorsque l’on perd son emploi ou que l’on subit une rupture dans sa vie personnelle, il ne sera plus nécessaire d’effectuer des démarches pour continuer à être assuré. Vous le voyez, nous prenons en compte les besoins de nos concitoyens au quotidien.
Mme Marisol Touraine,
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour le groupe UDI-UC.
M. le président.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a annoncé un plan d’urgence pour l’emploi, le énième depuis plus de trente ans.
Mme Chantal Jouanno.
Malheureusement, les seuls résultats de votre politique à ce jour, ce sont l’atonie de la croissance et une très forte hausse du chômage.
Dans un contexte de croissance mondiale, la France se glorifie, si je puis dire, d’une croissance à peine supérieure à 1 %. Ce sont les plus faibles qui paient le prix de cette situation, notamment au travers de l’explosion du chômage de longue durée, qui concerne aujourd’hui plus de 43 % des chômeurs de notre pays. Il ne suffira pas de former ces chômeurs de longue durée : encore faut-il qu’ils puissent ensuite trouver un emploi.
Certes, vous avez annoncé des mesures en faveur des entreprises, comme le pacte de responsabilité, mais celui-ci n’a compensé qu’à hauteur de 20 % la hausse des prélèvements obligatoires subie par les entreprises depuis 2012.
Au-delà de la mise en place d’un énième plan d’urgence qui, en réalité, ne fera que corriger la situation, alors qu’il faudrait réformer notre système, allez-vous enfin reprendre trois idées simples, d’ailleurs souvent soutenues par Mme la ministre du travail : premièrement, instaurer un contrat de travail unique ; deuxièmement, engager une profonde réforme fiscale visant à remplacer les charges pesant sur le travail par des prélèvements sur la pollution et la consommation ; troisièmement, privilégier la négociation au niveau des entreprises, plutôt que le recours systématique à la loi ?
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. le président.
Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin, retenu à Berlin par une réunion européenne.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Je le confirme, la France connaît une reprise de la croissance.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Une dynamique est enclenchée en matière de création d’emplois : 50 000 emplois ont été créés en 2015, ce qui est supérieur aux chiffres des années antérieures, même si cela ne suffit pas au regard du nombre des nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi. La France connaît une démographie plus forte que celle de la plupart des autres pays européens : le nombre des jeunes entrant sur le marché de travail étant largement supérieur à celui des départs à la retraite, nous avons besoin, pour enregistrer une diminution du chômage, d’une croissance plus forte que nos voisins.
Ailleurs, la natalité stimule la croissance !
M. François Grosdidier.
Rassurez-vous, monsieur Grosdidier, vous figurerez au compte rendu !
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État.
(Rires et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La récente décision de la Banque centrale européenne de prolonger et d’amplifier son programme d’achat d’actifs permettra de garantir des conditions de financement favorables non seulement pour l’État, mais aussi pour les acteurs économiques, les entreprises comme les ménages. Les efforts de redressement des comptes publics ont donné des résultats. Nous avons annoncé ce matin un déficit du budget de l’État inférieur de 4 milliards d’euros aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, en diminution de 14 milliards d’euros.
Il faut conclure !
M. le président.
Il faut avoir confiance : le plan que le Président de la République annoncera lundi prochain offrira de nouveaux outils en vue de retrouver une croissance suffisante pour faire diminuer le chômage.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour la réplique.
M. le président.
Je ne doutais pas de la réponse : tout va bien !
Mme Chantal Jouanno.
Je ne doutais pas non plus que vous ne répondriez pas à mes questions, qui étaient pourtant assez précises.
Nous ne devons pas fréquenter les mêmes personnes.
C’est possible, en effet !
M. Didier Guillaume.
Des millions de nos concitoyens vivent dans la difficulté et ne se satisferont pas de votre invitation à la confiance. Des millions de personnes attendent un emploi, des mesures concrètes !
Mme Chantal Jouanno.
Vous avez fait tout et son contraire depuis que vous êtes au pouvoir ; il me semble que vous devriez être plus modestes !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Bernard Fournier.
La France est désormais reléguée en queue de peloton européen en matière de chômage et de création d’emplois. Au total, on compte dans notre pays 6,5 millions de demandeurs d’emploi, soit plus de 10 % de la population active, contre 5,6 % au Royaume-Uni et 6,4 % en Allemagne.
Cette situation catastrophique touche désormais toutes les classes d’âge et toutes les catégories de la population. Il n’y a plus que le Président de la République pour croire à une réelle et significative inversion de la courbe du chômage d’ici à 2017. La seule véritable inflexion que nous constatons, dans cette politique économique désastreuse, consiste en un glissement sémantique : la question de l’emploi est dorénavant urgente, alors qu’elle n’était, jusqu’ici, qu’une priorité…
Mais les recettes restent les mêmes : contrats aidés, embauche de fonctionnaires et, aujourd’hui, plan de formation irréaliste consistant à transférer 500 000 chômeurs vers la catégorie D pour obtenir artificiellement une inversion de courbe à laquelle le chef de l’État a conditionné sa candidature en 2017.
Ce plan d’urgence, dont le coût est évalué à 1 milliard d’euros, n’est ni plus ni moins que l’aveu public de l’échec d’une politique. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de changer de ligne politique, en engageant notre pays sur la voie incontournable de la compétitivité ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées de l'UDI
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. le président.
Monsieur le sénateur Bernard Fournier, nous avons bel et bien engagé ce pays sur le chemin de la compétitivité.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous plaisantez ?
M. François Grosdidier.
… et que le coût du travail soit inférieur dans notre pays à ce qu’il est en Allemagne. Telle n’était pas la situation que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Vous avez à peine rétabli ce que vous avez défait !
M. François Grosdidier.
Par ailleurs, et c’est sans doute une autre différence entre nous, ce gouvernement a la volonté de s’engager sur la formation de ces centaines de milliers de nos compatriotes sortis du système éducatif sans formation, sans qualification et, de fait, sans possibilité d’insertion sur le marché du travail.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Ce faisant, nous relevons un défi fondamental de la politique de l’emploi en France. Nous savons que cela est possible : en 2014 et en 2015, déjà, nous avons mis en place des plans de formation pour les chômeurs de longue durée, et 57 % de ceux qui en ont bénéficié avaient retrouvé un travail six mois après. Notre économie retrouve la capacité de créer des emplois, comme cela a été rappelé à l’instant ; il s’agit désormais de faire en sorte que ces formations soient d’abord ciblées sur les métiers en tension.
Vous avez fait le contraire pendant trois ans !
M. François Grosdidier.
Vous êtes nombreux à souligner les difficultés de recrutement qui existent dans certains secteurs de notre économie. Nous devons pouvoir répondre aux besoins des secteurs porteurs d’emplois pour l’avenir que sont, par exemple, la croissance verte et le numérique.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président.
Le Gouvernement prend ses responsabilités ; il ne baisse pas les bras devant le chômage, il se mobilise et vous demande de vous mobiliser aussi !
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.
M. le président.
Votre réponse est tout sauf rassurante, monsieur le secrétaire d’État. Vos mesures, aussi coûteuses qu’inefficaces, ne sont que d’affichage. Elles trahissent également votre refus de prendre en compte les réalités du monde d’aujourd’hui. Recourir aux recettes du passé ne permet pas d’engager de vraies réformes structurelles. Il est urgent de réformer, d’alléger les charges et de revoir le droit du travail.
M. Bernard Fournier.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.
M. le président.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Mireille Jouve.
Il s’agit d’obtenir des précisions sur deux sujets : l’application de la loi NOTRe et le flou juridique qui entoure la situation de la métropole de Marseille.
Madame la ministre, le 22 décembre paraissait une circulaire relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l’exercice des compétences des collectivités territoriales. À notre grande surprise, cette circulaire ne se borne pas à donner une interprétation de la loi NOTRe et à formuler des recommandations, puisqu’elle va au-delà du texte voté par le législateur, en introduisant de nouvelles dispositions de droit. C’est ainsi que l’on peut lire, par exemple, que le département ne peut plus participer au financement d’une liaison aérienne, sauf si celle-ci a « un caractère touristique indiscutablement prépondérant », ou encore que l’intervention des régions pourra être maintenue pour les maisons de santé, tout comme celle des départements au sein des syndicats mixtes des parcs naturels régionaux.
C’est donc en lisant une circulaire destinée aux préfets que les élus – et le législateur lui-même ! – découvrent de nouvelles dispositions normatives. On est loin d’un simple commentaire visant à adapter concrètement le droit aux circonstances locales.
Madame la ministre, pensez-vous vraiment qu’il appartient à une circulaire de répartir les compétences entre collectivités ? Et si cette circulaire est impérative, pouvez-vous nous indiquer comment s’exercera alors le contrôle de légalité ?
Enfin, madame la ministre, vous n’êtes pas sans connaître la situation ubuesque de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui a vu la semaine dernière l’annulation par le juge administratif de l’élection de son président et qui, dans le même temps, est en attente d’une décision du Conseil constitutionnel qui pourrait entraîner une modification de la composition de son assemblée…
Ma question est simple : la métropole Aix-Marseille-Provence a-t-elle, en ce moment même, toujours une existence juridique, ou faut-il considérer que, depuis la décision du tribunal administratif que j’ai évoquée, les six communautés de communes ont
(Applaudissements
sur les travées du RDSE.)
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
M. le président.
Madame la sénatrice, sans doute avons-nous mal présenté la circulaire en question. En effet, à la demande d’un certain nombre de collectivités territoriales, nous n’avons pas seulement listé et défini les nouvelles compétences découlant de la loi NOTRe, mais aussi rappelé un certain nombre de dispositions relatives aux compétences déjà inscrites dans d’autres codes. S’agissant par exemple des parcs naturels régionaux, le code de l’urbanisme définit, dans le champ de leurs compétences, la protection des espaces agricoles et périurbains et la contribution au développement durable. Un certain nombre d’élus locaux nous demandaient de profiter de cette circulaire pour procéder à de tels rappels et apporter des précisions.
Mme Marylise Lebranchu,
ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
En ce qui concerne les maisons de santé, nous avons ainsi rappelé une disposition antérieure à la loi NOTRe : l’intervention des régions est possible, sur le fondement de l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales.
En ce qui concerne les liaisons aériennes, effectivement, lorsque la participation à leur financement relève de la solidarité territoriale, nous devons non seulement assurer la participation de l’État, mais encore rappeler à la région son rôle en la matière et comment la délégation de compétence doit s’organiser. Nous y travaillons d’ailleurs en ce moment et je pense que nous aurons trouvé une solution dans quelques jours.
Concernant la métropole Aix-Marseille-Provence, nous avons pris acte de l’annulation de la délibération par le tribunal administratif. Cependant, le président reste ordonnateur.
Veuillez conclure, madame la ministre.
M. le président.
Faudra-t-il ou non tenir la prochaine réunion ? Sans doute pas. En tout état de cause, je vous rappelle que c’est un amendement du Sénat qui nous a mis dans cette situation.
Mme Marylise Lebranchu,
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy.
La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. le président.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. André Gattolin.
Le 31 décembre dernier, à minuit, la journaliste française Ursula Gauthier a dû quitter la République populaire de Chine, où elle était correspondante permanente de
Son crime ? Avoir décrypté, pour la presse française, l’instrumentalisation politique faite des attentats de Paris par un régime chinois désireux de justifier, aux yeux de l’opinion internationale, la répression et la sinisation forcée de la minorité musulmane ouïghoure.
Que la Chine censure sa presse n’est pas nouveau ; qu’elle s’autorise à censurer la nôtre, au motif que des Chinois pourraient la lire, constitue un précédent inconcevable. C’est pourtant bien ce qui vient de se passer !
Confrontée à une situation similaire en 2009, notre diplomatie avait pu éviter l’expulsion de journalistes, en brandissant la menace de la réciprocité.
C’était avec Sarkozy !
M. Roger Karoutchi.
Cette fois-ci, il n’en a rien été. Le Gouvernement français s’est, jusqu’à présent, contenté d’exprimer des « regrets » et un « attachement à la liberté de la presse » si timides que le milieu journalistique et les médias internationaux s’en sont émus.
M. André Gattolin.
Ma question est aussi simple que claire : le Gouvernement français entend-il, fût-ce tardivement, condamner officiellement cette expulsion avec la plus grande fermeté ? Entend-il convoquer l’ambassadeur de Chine à Paris ?
En l’absence d’une réaction sans ambiguïté de la France, le risque est grand que des pressions toujours plus fortes s’exercent à l’encontre des autres correspondants établis en Chine et que nos grands médias finissent par renoncer à y être présents.
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. le président.
Monsieur le sénateur André Gattolin, la France regrette vivement que les autorités chinoises aient décidé de ne pas renouveler la carte de presse de Mme Gauthier à compter du 31 décembre dernier.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
C’est pourquoi le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, a fait passer des messages très clairs à la Chine, dès le début de cette affaire, pour lui demander de revenir sur cette décision : d’abord à Pékin, par l’intermédiaire de notre ambassadeur, à deux reprises, puis à Paris, par le biais de l’ambassadeur de Chine, à trois reprises.
Nous avons aussi mobilisé l’Union européenne, qui s’est exprimée dans le même sens par une déclaration sans équivoque.
Nous espérons donc que la Chine pourra, après réflexion, autoriser Mme Gauthier à poursuivre son travail sur place.
La liberté d’expression, la liberté de pensée, la liberté de la presse, le libre exercice du métier de journaliste sont des valeurs fondamentales, auxquelles nous sommes profondément attachés. La France sait trop bien quelles menaces pèsent sur ceux qui s’expriment librement. Les attentats du 7 janvier 2015 nous l’ont durement rappelé.
Le rapport de décembre 2015 de Reporters sans frontières a montré, une fois encore, que les journalistes pouvaient être victimes de l’inacceptable. Notre conviction est qu’il est dans l’intérêt de tous qu’ils puissent exercer librement leur profession, partout où ils le veulent.
C’est de la langue de bois !
M. François Grosdidier.
Nous continuerons donc à défendre cette position et à expliquer à nos interlocuteurs partout dans le monde pourquoi ces valeurs sont fondamentales et quel est leur intérêt de les mettre en application.
M. Harlem Désir,
secrétaire d'État.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, mais les mots ont un sens : en l’occurrence, vous « regrettez », mais vous ne condamnez pas…
M. André Gattolin.
Bien sûr, le ministre des affaires étrangères s’est exprimé en privé, mais une prise de position publique est nécessaire. Nous ne pouvons pas nous borner à tenir un discours général sur les droits de l’homme et la préservation des libertés, dont la liberté de la presse.
La situation devient dramatique. Hier encore, un grand défenseur des droits de l’homme, M. Peter Dahlin, a été arrêté en Chine. Il y a un durcissement. Nous ne pouvons pas passer cela sous silence.
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Danielle Michel, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Mme Danielle Michel.
Pierre Mendès-France, en 1955, avait ainsi conclu son message à la jeunesse : « Ayez constamment présente à l’esprit la relation étroite, quotidienne, qui existe et qui existera de plus en plus entre vos préoccupations, vos besoins et l’action d’un grand État, qui, après tant d’épreuves, veut se refaire, veut se redresser. Préparez de vos propres mains l’avenir plus heureux et plus juste auquel vous avez droit. Soyez enfin, au sens le plus riche de ce mot, des citoyens ! »
Ce message, c’est en substance celui qu’a repris François Hollande en présentant ses vœux lundi.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela fait quatre ans qu’on entend la même chose !
M. Philippe Dallier.
C’est elle qui a été attaquée. C’est elle aussi qui porte nos espoirs. Au total, en 2016, ce sont 86 milliards d’euros qui lui seront consacrés.
Mme Danielle Michel.
Dans cet hémicycle, il y a peu, le groupe socialiste et républicain a salué les orientations budgétaires prises en faveur des plus jeunes, avec en particulier l’augmentation des crédits alloués à la refondation de l’école.
Ce lundi 11 janvier, le Président de la République a réaffirmé la nécessité de promouvoir l’engagement des générations qui viennent, notamment au travers d’un objectif ambitieux : que la moitié des jeunes d’une même classe d’âge –et à terme la totalité – puisse réaliser une mission de service civique d’ici à trois ans.
Il s’agit là d’une volonté politique forte, qui s’accompagnera d’une hausse des crédits alloués de 300 millions d’euros aujourd’hui à 1 milliard d’euros en 2018.
C’est de l’argent emprunté, que les jeunes devront rembourser !
M. François Grosdidier.
Cette montée en puissance rend nécessaire un soutien à la création de nouvelles missions et au renforcement de l’implication des élus.
Mme Danielle Michel.
Monsieur le ministre, quel type d’actions entendez-vous mener pour mobiliser l’ensemble des acteurs autour de ce projet ambitieux, que nous soutenons ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
M. le président.
Madame la sénatrice, vous avez cité Pierre Mendès-France. Je citerai pour ma part Léo Lagrange.
M. Patrick Kanner,
ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Respectez la mémoire d’un ancien ministre et député, mort au champ d’honneur en 1940 !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mieux vaut citer Léo Lagrange que François Grosdidier !
M. Jean-Louis Carrère.
Léo Lagrange écrivait, à propos des jeunes : « Ne traçons pas un seul chemin. Ouvrons-leur toutes les routes. » C’est exactement la teneur du message adressé par le Président de la République, le 11 janvier dernier, lors de ses vœux à la jeunesse et aux forces de l’engagement.
M. Patrick Kanner,
Depuis les événements tragiques du mois de janvier 2015, les jeunes ont prouvé leur volonté d’engagement pour la vie, au rebours de l’engagement mortifère des terroristes.
Le nombre des candidatures au service civique a plus que doublé, pour atteindre 160 000. Depuis 2012, nous avons triplé le nombre des jeunes admis à effectuer un service civique, qui s’établissait à près de 70 000 à la fin de l’année 2015.
Nous devons aller encore plus loin. C’est pourquoi nous généraliserons le service civique, afin qu’il concerne 350 000 jeunes d’ici à trois ans et, à terme, toute une génération.
Les jeunes veulent du travail !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains.
Pour ce faire, nous fixerons des quotas de volontaires accueillis dans les administrations de l’État et leurs établissements, et nous préciserons les conditions d’encadrement de ces jeunes.
M. Patrick Kanner,
Actuellement, seuls 6 % des volontaires font leur service civique au sein d’une collectivité locale. Je souhaite que cela change et que, à terme, ils soient aussi nombreux dans le secteur associatif que dans le secteur public.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué le milliard d’euros de crédits supplémentaires qui viendra s’ajouter aux 300 millions d’euros votés par le Parlement au titre du budget pour 2016, afin d’assurer cette montée en charge. Je rencontrerai prochainement les associations d’élus locaux en vue de la mise en œuvre des objectifs que j’ai indiqués.
Mesdames, messieurs les sénateurs, développer la culture de l’engagement est une priorité de ce gouvernement.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe UDI-UC.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI
Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Hervé Maurey.
(Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la nuit du 19 au 20 décembre, Julien Tesquet et Élise Fauvel ont été assassinés dans l’appartement de la jeune femme, à Rouen. Julien était le fils de mon ami Thierry Plouvier, maire de Lyons-la-Forêt. L’enquête a révélé que la jeune femme avait été violée.
À la douleur et à l’abattement s’ajoutent la colère et l’incompréhension. Le suspect a été interpellé. Il s’avère qu’il était en situation irrégulière en France depuis 2001, qu’il avait été condamné à huit ans de réclusion criminelle en 2011 pour un viol commis en 2009, qu’il est sorti de prison quelques jours seulement avant les faits, et non en 2019 comme prévu, qu’il n’a pas été reconduit à la frontière alors que le jugement avait fixé une peine complémentaire d’interdiction du territoire français.
De toute évidence, ce double crime aurait pu être évité si l’arrêt de la cour d’assises avait été exécuté.
Madame la garde des sceaux, ma question est donc très simple : comment un tel dysfonctionnement est-il possible ? Comment des condamnés pour de tels crimes peuvent-ils voir leur peine réduite de moitié et être remis en liberté sans contrôle ? Comment une personne condamnée à une peine d’interdiction du territoire français peut-elle bénéficier d’une réduction de peine, alors que les moyens de procéder à sa reconduite à la frontière ne sont pas assurés ?
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI
UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la garde des sceaux.
M. le président.
Monsieur le sénateur Hervé Maurey, les faits que vous évoquez sont extrêmement douloureux, pour les familles, pour les proches des victimes, pour nous tous qui sommes profondément attachés à la vie et à la justice.
Mme Christiane Taubira,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Il y a quelque cruauté à ajouter le doute à la souffrance infinie des familles et des proches. Les crimes irréparables perpétrés le 20 décembre ont donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire le 31 décembre. Celle-ci a permis de confondre un individu à partir de son profil ADN. Il a été aussitôt placé sous mandat de dépôt et incarcéré.
Il est inexact de dire qu’il n’avait exécuté que la moitié de sa peine. Condamné par la cour d’assises de Seine-Maritime en février 2011, il était incarcéré depuis août 2009. Une partie seulement des réductions de peine fondées sur la loi du 9 mars 2004, qui n’a pas été modifiée depuis lors, lui a été accordée. Le juge de l’application des peines lui a refusé tout aménagement de peine. Il a donc exécuté sa peine d’août 2009 à novembre 2015.
L’autorité judiciaire avait effectivement prononcé une peine complémentaire d’interdiction définitive du territoire français. Il se trouve que la préfecture de police a eu des difficultés à établir la nationalité de cet individu
(Murmures sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Il fallait le maintenir enfermé, dans ce cas !
M. Charles Revet.
C’est un drame atroce pour les familles. Nous leur devons l’exactitude des faits. Je trouve infiniment douloureux, infiniment triste surtout, qu’il y ait des polémiques sur les conditions dans lesquelles cette personne a exécuté sa peine
Mme Christiane Taubira,
garde des sceaux.
(Protestations sur les travées de l'UDI
UC et du groupe Les Républicains.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. le président.
Madame la ministre, je suis assez choqué par votre réponse, car vous niez l’évidence.
M. Hervé Maurey.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Vous niez que la peine de ce personnage ait été abrégée et vous essayez de justifier le fait qu’il n’ait pas été reconduit à la frontière. Dès lors que cela n’était pas matériellement possible, la moindre des choses aurait été que ce criminel ne soit pas libéré. C’est aussi simple que cela !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI
UC et du groupe Les Républicains.)
J’aimerais que ce drame atroce vous conduise au moins, pour l’avenir, à veiller à l’application des peines prononcées par la justice de notre pays. On ne saurait abréger des peines prononcées quand on n’est pas à même de mettre en application une interdiction du territoire !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI
UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
La parole est à M. Jean-Paul Fournier, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Paul Fournier.
Nous assistons en France à une recrudescence du vandalisme envers les lieux de culte, musulmans, juifs, mais aussi chrétiens, les plus nombreux. Mon département, le Gard, ne fait pas exception.
Chaque jour, deux lieux de culte chrétiens sont profanés en France. L’incendie d’une église de Fontainebleau, ce week-end, est venu allonger une liste déjà trop longue.
Comme beaucoup de Français, je m’inquiète de cette multiplication d’actes anti-chrétiens, dont les statistiques émanant de vos propres services ne cachent plus l’ampleur.
Si ces actes interpellent à ce point les Français, c’est qu’ils ne constituent pas seulement des attaques inadmissibles contre les croyants : ils représentent aussi et surtout des atteintes directes à notre culture, à notre héritage, qui nous oblige tous, aujourd’hui, d’où que nous provenions, de quelque famille politique nous nous réclamions.
Ces actes ne sont pas des faits de vandalisme comme tant d’autres ! Ils doivent être vus comme des atteintes à la cohésion nationale, une offense à notre République, en ce qu’ils touchent à ce qui fait notre identité.
Ils appellent donc des condamnations exemplaires, extrêmement fermes et aussi rapides que possible, tant pour sanctionner le préjudice patrimonial inestimable causé par leurs auteurs que pour rappeler à chacun que le respect et la protection des lieux de culte sont des préalables indispensables pour garantir la laïcité dans notre République.
Je m’étonne donc qu’une certaine hésitation à condamner sans attendre de tels actes se manifeste parfois. Ce qui est ressenti par la plupart des Français comme une approche sélective de faits graves fracture profondément les communautés religieuses et,
Nous exigeons de la fermeté à l’égard de ces actes qui touchent à une part capitale de notre identité !
Votre question, mon cher collègue !
M. le président.
Que compte faire le Gouvernement pour endiguer ce phénomène et lui donner la priorité qu’il exige ?
M. Jean-Paul Fournier.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. le président.
Monsieur le sénateur, les incendies ayant frappé l’église Saint-Louis à Fontainebleau et celle de Veneux-les-Sablons ont en effet représenté un véritable traumatisme, d’abord pour la communauté des croyants et des fidèles de la région, mais aussi, plus largement, pour l’ensemble de nos compatriotes.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Heureusement, personne n’a été blessé, mais un très important patrimoine a été détruit ou, peut-être, volé. C’est pourquoi le ministre de l’intérieur s’est rendu personnellement sur place pour rencontrer les maires des communes concernées et les représentants de la communauté.
Nous avons la conviction que les enquêtes ouvertes permettront d’établir les circonstances précises de ces sinistres, et les auteurs de tels actes doivent savoir qu’ils seront recherchés et traduits en justice.
Cependant, vous avez raison de le souligner, ces affaires interviennent dans un contexte plus général d’atteintes aux lieux de culte et aux sépultures. C’est ainsi que 524 églises ont subi des dégradations, le nombre de ces faits étant en augmentation de 22 % par rapport à la même période de l’année précédente. Dans la majorité des cas, ces atteintes répondent à des motivations crapuleuses. En tout état de cause, la plus grande vigilance est de mise. J’ajoute que 122 mosquées et 25 synagogues ont aussi été attaquées, d’une façon ou d’une autre, dans notre pays. Nous avons évidemment tous en mémoire ce qui s’est passé à la mosquée d’Auch, à la mosquée d’Ajaccio ou au cimetière juif de Sarre-Union.
C’est pour lutter contre cette situation que le Gouvernement a décidé de renforcer la protection dont bénéficient les lieux de culte. Aujourd’hui, 4 307 d’entre eux font l’objet d’une protection,…
Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président.
… dont des églises, des temples, des mosquées et des synagogues. Le Gouvernement a mobilisé 27 millions d’euros pour améliorer la protection de ces sites.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, que la laïcité, c’est aussi la défense des lieux de culte. Nous devons faire preuve de la plus grande vigilance en la matière.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Ma question portera sur la place de l’État stratège dans le domaine économique.
M. Martial Bourquin.
Nous avons inscrit 11,2 milliards d’euros en faveur de l’industrie dans le dernier budget. Sachant que, entre 2000 et 2010, la part de l’industrie dans le produit intérieur brut a diminué d’environ dix points, il est impératif de réinvestir lourdement dans l’industrie, tant traditionnelle que nouvelle, avec le numérique.
Le Gouvernement a donc renforcé sa politique d’État stratège, comme on l’a vu avec le groupe PSA, qui a été sauvé. À ce sujet, nous avons été très heureux d’apprendre que les retraites chapeau avaient été supprimées et remplacées par une prime de 400 euros accordée à l’ensemble des salariés du groupe. C’est un exemple qui devrait être dupliqué.
La mise en place d’une politique de filières, l’entrée en formation de 500 000 jeunes, la création d’une prime à l’embauche pour les PME : toutes ces mesures vont contribuer à faire de nouveau de la France un pays productif.
La lutte contre le chômage est fondamentale et doit tous nous mobiliser.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il est temps !
M. Philippe Dallier.
Le chômage fait le lit des extrêmes ! Au lieu de vous réjouir de la situation
M. Martial Bourquin.
(Protestations sur les mêmes travées.)
Veuillez respecter votre temps de parole !
M. le président.
Ma question est simple : quelles sont les grandes orientations du ministère du travail et de l'emploi pour lutter contre le chômage ?
M. Martial Bourquin.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Mme El Khomri, retenue par une réunion européenne.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Votre question va au fond des choses. Vous avez d’abord posé le problème de la compétitivité de notre industrie, avant d’en venir aux moyens mis en œuvre par ce gouvernement pour rétablir la profitabilité de nos entreprises, ce qui leur permettra d’engager demain une politique d’investissement et de redressement de leur compétitivité, à la fois par les coûts et « hors coûts », en mobilisant la recherche et développement, ainsi que le capital humain.
C’est pourquoi l’un des dispositifs majeurs que le Président de la République a décidé de mettre en œuvre en ce début d’année est le plan d’urgence, que j’ai évoqué tout à l’heure, pour la formation de ces personnes engluées dans le chômage de longue durée faute de formation, de qualification.
M. Didier Guillaume.
C’est à cette tâche considérable, qui prendra des années, que nous entendons nous atteler.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Jusqu’à présent, personne ne s’était jamais véritablement attaqué au problème de la formation des chômeurs de longue durée.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux ici me féliciter que des présidents de région, de toutes sensibilités politiques, aient compris qu’il fallait se mobiliser et fassent des propositions concrètes,…
Très bien !
M. Didier Guillaume.
… à la différence d’une opposition nationale qui oublie ses responsabilités !
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut conclure !
M. le président.
Telle est l’action du Gouvernement. Vous pouvez compter sur notre mobilisation !
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Très bien !
M. Manuel Valls,
Premier ministre.
La parole est à M. Alain Gournac, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Monsieur le Premier ministre, les mois passant, nous allons d’étonnement en étonnement devant l’absence de cohérence d’une politique gouvernementale qui semble guidée par l’improvisation et l’ambiguïté.
M. Alain Gournac.
Tout en nuances…
M. Michel Berson.
Nous entendons M. Macron se répandre sur les ondes pour défendre au jour le jour l’inverse de la politique que vous menez sur le plan économique.
M. Alain Gournac.
Mais, en matière de contradictions, la façon dont vous allez conduire la réforme constitutionnelle dépasse l’entendement. Mme Taubira, garde des sceaux, conteste publiquement le bien-fondé de la réforme que vous proposez, tout en expliquant que seule compte la parole du chef de l’État !
Cette situation ubuesque ne fait que confirmer la contradiction existant, au sein du Gouvernement, entre le laxisme judiciaire prôné par la ministre de la justice
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Tout cela conduit à un affaiblissement inquiétant de l’autorité de l’État. Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que la cohérence est la vertu qu’attendent les Français de leur gouvernement et qu’elle est le gage de l’efficacité de son action ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI
La parole est à M. le Premier ministre.
M. le président.
En janvier dernier, notre pays a été lâchement frappé par le djihadisme, par l’islamisme radical, par des terroristes qui s’en sont pris à nos valeurs fondamentales.
M. Manuel Valls,
Premier ministre.
Le 13 novembre dernier, ce sont une nouvelle fois notre mode de vie, nos valeurs, notre jeunesse qui ont été sauvagement attaqués.
Nous devons tous garder le souvenir des victimes, des blessés, ô combien nombreux, et agir pour combattre le terrorisme.
Les terroristes ont frappé la France. Nous avons riposté : au Levant, bien sûr, en intensifiant notre action militaire contre Daech ; en France, en décrétant l’état d’urgence, en prenant davantage encore de mesures pour assurer la sécurité des Français, en donnant des moyens supplémentaires à nos forces armées, à la police, à la gendarmerie et aux services de renseignement.
Nous avons pris – ensemble – les mesures qui s’imposaient, avec un grand sens des responsabilités : c’est ce que les Français attendent de nous.
La récente attaque du commissariat de la Goutte-d’Or, dans le XVIII
Le 16 novembre dernier, devant le Parlement réuni en Congrès, c'est-à-dire devant la représentation nationale, le Président de la République a annoncé une révision de la Constitution afin d’assurer la protection et la sécurité des Français dans la durée. Il s’agit d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, ainsi que la déchéance de nationalité : plus que jamais, nous devons revendiquer ce patriotisme que les Français eux-mêmes manifestent tous les jours en chantant
La Marseillaise
Dans ce contexte, face à l’intensité de la menace, l’heure n’est pas à la polémique, aux petites phrases inutiles. Pour ma part, je ne céderai pas à de telles facilités.
Le Président de la République m’a chargé de préparer et de présenter le projet de loi de révision de la Constitution. Vous connaissez le contenu de ce texte depuis son adoption en conseil des ministres le 23 décembre dernier. Nous présenterons en même temps les textes de loi qui doivent accompagner cette révision constitutionnelle, parce qu’il est tout à fait essentiel que le Parlement puisse voter en toute connaissance de cause.
Ce projet de loi constitutionnelle, je le présenterai moi-même à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il n’y a pas là de nouveauté. Je ne crois pas, d’ailleurs, qu’il y ait eu d’objection lorsque Michel Debré, en 1963, Pierre Bérégovoy, en 1992, Jean-Pierre Raffarin, en 2002, ou François Fillon, en 2008, ont présenté de tels textes.
Je ne céderai pas à la polémique. Christiane Taubira est pleinement investie dans la tâche qui est la sienne, avec le talent et la détermination qu’on lui connaît.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le débat sur la révision constitutionnelle doit désormais avoir lieu au Parlement. Le Gouvernement y prendra toute sa part, et je sais que le Sénat aura à cœur de garantir la sécurité des Français et les droits fondamentaux.
Face au terrorisme, il n’y a pas de place pour la division. Vous pouvez compter sur ma totale détermination. J’ai la conviction que cette révision constitutionnelle sera votée à une très large majorité : les Français n’attendent pas de nous autre chose que l’union, le rassemblement et l’efficacité.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Alain Gournac, pour la réplique.
M. le président.
Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté avec attention. Vous avez affirmé que la ligne du Gouvernement était claire, mais ce n’est pas du tout le cas ! Il y a trois ou quatre jours, on nous a dit que Mme Taubira défendrait la révision constitutionnelle devant le Parlement.
M. Alain Gournac.
M. Didier Guillaume.
Enfin, lisez la presse ! Je vous ferai porter les journaux !
M. Alain Gournac.
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Je vais vous dire la vérité, monsieur le Premier ministre. Il semble que vous n’ayez pas réussi à convaincre Mme Taubira et il semble que Mme Taubira n’ait pas réussi à vous convaincre ! Il semble que sa politique pénale n’ait pas réussi à convaincre ni les Français, ni vous-même, ni même le Président de la République ! C’est dramatique pour la France !
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Monsieur le Premier ministre, votre réponse ne nous a pas convaincus. L’ambiguïté demeure.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
C’est la honte du Sénat !
Mme Évelyne Didier.
La parole est à M. le Premier ministre, à titre tout à fait exceptionnel.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole. Je vous prie d'ailleurs de m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, si je vous quitte ensuite immédiatement, car je dois me rendre à l’hommage rendu à Pierre Boulez.
M. Manuel Valls,
Premier ministre.
Je souhaite répondre à M. Gournac, même s’il a de bonnes citations !
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En effet, on n’a pas réussi à me convaincre que les choix du Président de la République n’étaient pas les bons. Ce sont les bons. Quand le Président de la République s’exprime devant le Parlement réuni en Congrès, il scelle un pacte avec la nation. Comme Premier ministre, comme chef du Gouvernement, et pas seulement parce que je respecte les institutions de la V
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut conclure, monsieur le Premier ministre.
M. le président.
Monsieur le sénateur, ne cherchons pas les petites divisions. Au contraire, utilisons vite cette révision constitutionnelle pour conforter le rassemblement !
M. Manuel Valls,
Premier ministre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Catherine Procaccia.
Le 7 décembre 2015, plus de 8 000 étudiants en sixième année de médecine ont participé à des épreuves qui devaient leur permettre d’avoir un aperçu de leur classement, donc de la spécialité et de la ville dans laquelle ils effectueraient leur troisième cycle.
Sur des tablettes tactiles – une innovation ! –, ils devaient écouter un souffle cardiaque et analyser des scans, ou plutôt, ils auraient dû, car, dans les 34 centres universitaires, les épreuves ont été interrompues au bout de vingt minutes. Nos futurs médecins n’ont eu accès qu’à des documents en format pdf, les serveurs ayant été immédiatement saturés.
Certes, ils sont de futurs médecins, mais ils ne sont pas des cobayes !
(Sourires.)
crash test
Ma question est simple : quelles mesures d’urgence avez-vous prises et quelles garanties apportez-vous pour que les épreuves de juin se déroulent correctement ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
M. le président.
Madame la sénatrice, il y a plusieurs années, les représentants des étudiants ont exprimé le souhait que l’examen classant national soit réalisé sur tablette et non plus sur papier.
Mme Marisol Touraine,
ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Pour répondre à cette demande, en lien avec les doyens, Thierry Mandon et moi-même avons fait en sorte de mettre en place un système permettant la réalisation du premier examen sur tablette au mois de juin prochain.
Pour préparer cet examen, des tests ont été réalisés. Les deux premiers – je tiens à insister sur le fait qu’il s’agit de tests et non d’épreuves, madame la sénatrice – ont eu lieu au mois de décembre dernier. Or le premier test a « planté », pour reprendre le vocabulaire informatique, en raison d’un
Pour garantir la qualité des examens du mois de juin prochain, j’ai indiqué que deux nouveaux tests seraient réalisés au mois de février et au mois de mars, pour s’assurer que l’origine du
Je tiens donc à vous dire qu’il n’y a pas d’enjeu financier et que l’ensemble des services travaille pour faire en sorte que cet examen très important pour les étudiants en médecine se déroule dans les meilleures conditions possible.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
M. le président.
Madame la ministre, vous comprenez l’inquiétude de nos futurs médecins, et j’espère qu’ils apprécient cette déclaration. Ils aimeraient vous croire, parce que cette réforme était attendue depuis longtemps. Or le CNG n’a commencé l’installation d’un réseau spécifique qu’au mois de novembre dernier, alors que l’épreuve était prévue au mois de décembre !
Mme Catherine Procaccia.
Quelle crédibilité accorder aux annonces, alors que le CNG a osé répondre que le système était performant et que le problème tenait au fait que les étudiants ne se comportaient pas comme ses robots testeurs ! Quand vous dites que les épreuves du lendemain se sont bien passées, c’est inexact. En effet, même le troisième jour, 40 % des étudiants n’avaient toujours pas eu accès à l’informatique.
Cet échec, vous le savez, est d’autant plus mal vécu qu’il intervient après le vote de la loi Santé qui met à mal les futurs médecins.
Il faut conclure, ma chère collègue !
M. le président.
Ceux-ci se sont d’ailleurs surnommés « génération test » ! Un autre dispositif est-il au moins prévu, si l’intégralité du système « plante » ?
Mme Catherine Procaccia.
La parole est à M. Robert Navarro, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. le président.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Robert Navarro.
Je suis profondément inquiet quant à l’avenir de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan, stratégique pour feu la région Languedoc-Roussillon. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, tous les élus, autour des présidents Frêche et Bourquin – ainsi que de moi-même, en qualité de premier vice-président délégué aux transports – se sont mobilisés plusieurs années pour la réalisation du contournement Nîmes-Montpellier.
Région, ville, agglomérations : toutes les collectivités ont soutenu ce projet, y compris financièrement. Si elles ont apporté un tel soutien, c’était en raison de l’engagement clair de poursuivre la ligne à grande vitesse jusqu’à la frontière espagnole, sans quoi le contournement Nîmes-Montpellier n’aurait eu aucun sens, pas plus que les nouvelles gares qui sortent de terre.
L’Espagne, de son côté, a également fait le travail jusqu’à la frontière. Or sa situation budgétaire est pourtant bien plus délicate que la nôtre. Cependant, si elle pratique le sérieux budgétaire en empêchant les déficits liés à des frais de fonctionnement, elle ne s’interdit pas d’investir pour son avenir !
Personne ne comprendrait alors que l’État français abandonne ce projet qui est une priorité européenne, car il permettrait de relier les réseaux à grande vitesse les plus importants d’Europe. L’abandonner, c’est également se priver de la manne européenne disponible pour ce projet !
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite ici obtenir un engagement clair de la part du Gouvernement pour cette liaison indispensable et qu’attendent les collectivités du Languedoc-Roussillon, l’Espagne et l’Union européenne.
Le sérieux consisterait à abandonner les lignes à grande vitesse « cul-de-sac », dont la création a été décidée pour faire plaisir à tel ou tel, et à investir plutôt dans les liaisons vers nos voisins, vers l’ouverture européenne. Le transfrontalier est une priorité stratégique en termes d’échanges économiques avec l’Europe. Jamais l’Union européenne ne soutiendra une LGV vers Limoges, par exemple, malgré tout le respect que j’ai pour les Limougeauds, alors que la ligne Montpellier-Perpignan figure parmi les neuf corridors prioritaires soutenus par Bruxelles et que 26 milliards d’euros lui seront consacrés par l’Union européenne sur la période 2014-2020.
L’avenir et le sérieux budgétaire, c’est de respecter nos partenaires et d’investir dans des projets qui seront rentables pour l’économie, pour l’environnement et pour les citoyens !
Il faut conclure, mon cher collègue.
M. le président.
Cette ligne est le maillon manquant pour relier l’Europe. Elle termine en effet l’arc méditerranéen entre l’Espagne et l’Italie…
M. Robert Navarro.
Il faut vraiment conclure !
M. le président.
Laissez-moi continuer, monsieur le président, il n’y a plus de retransmission télévisée !
M. Robert Navarro.
M. le président.
Cette ligne passera
M. Robert Navarro.
La France a fait le choix de l’Europe ; ce choix doit aussi se traduire concrètement dans les projets mis en œuvre, en particulier les projets d’infrastructures.
Je vous précise que vous passez bien à la télévision, mon cher collègue !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’avenir de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Je vais vous apporter un certain nombre d’éléments de réponse qui vous démontreront que vos inquiétudes sont absolument sans fondement et que la détermination du Gouvernement est totale.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Vous avez eu raison de le rappeler, cette ligne est importante pour la région, pour la France, pour l’Espagne, mais surtout pour l’Europe, puisqu’il s’agit d’achever l’arc méditerranéen. Votre région est déjà concernée par le contournement ferroviaire de Nîmes-Montpellier, dont les travaux sont en cours et dont la livraison est prévue en 2017.
Pour vous rassurer, si c’est encore nécessaire, je tiens à rappeler les étapes importantes de ce projet.
La plus importante concerne l’intervention de l’Union européenne. En effet, la Commission européenne a confirmé le financement de 50 % du montant des études sur la période 2015-2019, pour un montant de 11,65 millions d’euros, ce qui montre bien que cette ligne nouvelle est labellisée par l’Europe. C’est donc un message plutôt rassurant.
D’autres étapes du projet seront réalisées dès 2016. SNCF Réseau est chargé d’engager l’ensemble des procédures préalables à la tenue d’une enquête publique sur le projet de ligne nouvelle dont les montants sont inscrits au contrat de plan État-région 2015-2020. L’objectif est d’aboutir au lancement de l’enquête publique pendant l’hiver 2016-2017.
Dans cette perspective, j’approuverai, dans les tout prochains jours, la proposition de tracé transmise par le préfet à la suite de la consultation des acteurs du territoire menée à la fin de l’année dernière.
Monsieur le sénateur, nous avons un financement européen, un engagement de l’État et un tracé que je vais rendre public. Contrairement à ce que vous avez déclaré, cette ligne est bien défendue par l’État et vous pouvez compter sur notre mobilisation pour que le projet avance !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Excellent !
M. Martial Bourquin.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 19 janvier prochain, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et qu’elles seront retransmises sur Public Sénat et le site internet du Sénat.
Avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Conformément aux articles 13 et 65 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de Mme Dominique Pouyaud, qu’il envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Mme la présidente.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, organisé à la demande de la commission d’enquête (rapport d’information n
Mme la présidente.
Dans le débat, la parole est à M. le président de la commission d’enquête.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, mes chers collègues, si nous avons voulu, avec Mme la rapporteur Leila Aïchi, débattre des suites à donner aux travaux de notre commission d’enquête, c’est parce que nous considérons que ce sujet est trop important pour ne recevoir qu’un accueil courtois de la part du Gouvernement.
M. Jean-François Husson,
président de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Je le dis d’ailleurs solennellement à notre assemblée et au Gouvernement : ce rapport n’a pas vocation à être oublié dans quelque placard de la République !
L’adoption à l’unanimité du rapport montre que le sujet est si important que nous sommes arrivés à transcender les clivages traditionnels. C’est bien le signe qu’il y a urgence à agir. Face à la détermination et à la persévérance de la commission d’enquête, je ne peux que regretter d’avoir trouvé en face de nous un gouvernement lent à agir et – fidèle à lui-même – en perpétuel revirement.
Cet été, Mme Royal ne voulait pas entendre parler d’alignement de la fiscalité diesel-essence. En octobre, en revanche, on découvrait que, un jour ou l’autre, « il faudra[it] en finir avec le diesel ». Quelques jours plus tard, le Premier ministre considérait que le rapprochement de la fiscalité était « un débat légitime ».
Le projet de loi de finances pour 2016, adopté le mois dernier, a finalement retenu la proposition n
Permettez-moi également de m’étonner du signal que le Gouvernement envoyait aux Français lorsque, en pleine COP21, on apprenait que les crédits du ministère de l’écologie diminuaient de près de 2 %. Là encore, nous aurions aimé moins de prises de paroles dans les médias et plus d’actes concrets. Si l’écologie est vraiment une priorité, alors, il convient de le prouver !
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis convaincu que, aux grandes déclarations solennelles, il nous faut opposer une action plus pragmatique, plus efficace, donc plus compréhensible pour nos concitoyens. C’est ce que nous avons voulu mettre en œuvre au travers des propositions de la commission d’enquête. Ces mesures sont simples, concrètes et rapides à mettre en œuvre. Pour la majorité d’entre elles, il n’est pas nécessaire de passer par la voie législative.
C’est le cas de l’une des propositions, qui prévoit, par exemple, que les tests de normes Euro soient effectués en conditions réelles de circulation et sous le contrôle d’une commission d’experts indépendants. Cette proposition était sur la table avant que n’éclate le scandale Volkswagen. Et je voudrais rappeler que c’est ce scandale, et non notre rapport, qui a conduit à retenir notre proposition, qui avait, dans un premier temps, été écartée.
C’est clair !
Mme Leila Aïchi,
rapporteur de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
C’est une mesure parmi d’autres, simple et lisible, qui permettrait d’avoir une juste appréciation du degré de pollution des véhicules. Pourquoi avoir tellement attendu pour rendre ces tests effectifs ?
M. Jean-François Husson,
président de la commission d’enquête.
Or le temps presse : les médias nous rapportent régulièrement les signes alarmants des conséquences de la pollution. C’est le cas en Chine, souvent, et, récemment, au travers de pics de pollution en Italie.
À l’issue de ses travaux, la commission d’enquête a estimé le coût de la pollution de l’air à plus de 101 milliards d’euros par an pour la France, dont un coût d’au moins 3 milliards d’euros pour l’assurance maladie. À l’urgence écologique répond donc une urgence économique et sanitaire.
Il nous faut désormais prendre les mesures qui s’imposent et qui concernent le soutien à la recherche-développement, à l’innovation et aux secteurs clefs dans la protection de l’environnement. La lutte contre la pollution passe par le recrutement d’ingénieurs, de chercheurs, de « nouveaux talents » capables d’inventer le monde de demain, moins pollué et plus respirable, porté par une croissance verte.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’occasion de la COP21, les décisions que nous prenons aujourd’hui en matière d’environnement sont capitales, parce qu’elles engagent notre avenir. Loin, très loin des visions de court terme, ayons le courage de prendre des mesures de long terme, qui résistent aux changements politiques et qui assurent une réduction sensible de la pollution de l’air.
Nos propositions, pragmatiques, entendent mobiliser les acteurs en se fondant sur le constat objectif que dressent notamment les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Il ne s’agit pas pour nous de stigmatiser ou de mettre à l’index tel secteur d’activité ou telle catégorie de population. Toutefois, des professionnels de l’habitat résidentiel aux constructeurs automobiles, des exploitants agricoles à notre tissu industriel, il convient de développer une logique de responsabilité sociale et environnementale portant l’empreinte du développement durable.
Monsieur le secrétaire d'État, tarder à mettre en œuvre les solutions que vous propose la commission d’enquête, c’est allonger encore un peu plus la longue liste de vos renoncements en matière d’écologie : bonus-malus écologique à bout de souffle, avec seulement 236 millions d’euros pour le budget 2016, contre 800 millions d’euros en 2009 ; absence d’application du dispositif des zones d’action prioritaire pour l’air ; baisse des subventions aux associations agréées de surveillance et de qualité de l’air ; lenteur invraisemblable dans la mise en place des dispositions des plans d’action pour la qualité de l’air : la liste est longue pour un gouvernement censé avoir sauvé le climat lors de la COP21 !
Face à l’urgence de l’action, notre Haute Assemblée a été au rendez-vous des propositions. Nous attendons désormais que le Gouvernement, ayant saisi la mesure de l’enjeu, mette rapidement en œuvre nos propositions. Ce sera la preuve que, sur des sujets aussi cruciaux, la classe politique est capable de dépasser les querelles de chapelle pour faire de l’écologie une grande, belle et noble ambition pour nos sociétés.
De notre côté, à l’occasion des vingt ans de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, ou loi LAURE, nous prendrons les initiatives qui sont ouvertes au Parlement pour mettre en œuvre des solutions d’avenir.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission d’enquête, mes chers collègues, voilà six mois que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a publié son rapport et ses 61 préconisations, adoptées à l’unanimité.
Mme Leila Aïchi,
rapporteur de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Le Gouvernement devait, dans les semaines suivantes, faire des propositions qui prennent en compte les nôtres. Je note que celles-ci ont été pour le moins hésitantes, en matière de fiscalité notamment, quand elles n’ont pas été inexistantes ; ce fut le cas sur les objectifs en matière de qualité de l’air, par exemple. C’est regrettable, d’autant plus que, au-delà du coût annuel estimé à 101,3 milliards d’euros, d'ailleurs largement sous-estimé du fait du manque de données, les éléments continuent à s’accumuler s’agissant de l’impact sanitaire, économique et financier de la pollution de l’air.
À ce titre, la commission d’enquête a regretté que, malgré un coût annuel de plus de 3 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, ces organismes ne soient pas en capacité d’identifier les dépenses liées à la pollution de l’air et se retrouvent de fait dans une situation de « payeurs aveugles ». Nous ne pouvons pas continuer ainsi, et ce d’autant moins que le déficit de la sécurité sociale est abyssal !
Par ailleurs, le scandale Volkswagen a confirmé de manière éclatante la nécessité d’un renforcement des conditions pour les essais qui servent à déterminer les normes de pollution en Europe. Il est temps que l’Europe prenne cette question à bras-le-corps et cesse de sacrifier la santé des populations sur l’autel d’intérêts industriels mal compris. Comment un constructeur automobile a-t-il pu, en toute impunité pendant des années, financer une technologie frauduleuse, nocive pour la santé, au lieu d’investir dans des technologies propres ? Cela dépasse l’entendement !
Monsieur le secrétaire d'État, je profite de mon intervention pour vous interroger sur une information qui nous est parvenue il y a peu. Des perquisitions par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, ont eu lieu aujourd’hui même chez un grand constructeur automobile français. Avez-vous des informations complémentaires ? D’autres constructeurs français ou européens sont-ils concernés ? Tout cela nous paraît inquiétant.
La pollution de l’air est un frein à la croissance, et nous devons repenser notre système de production et de consommation dans son ensemble. L’investissement dans les technologies non polluantes est un facteur de croissance particulièrement intéressant pour nos entreprises et notre économie.
Les différents projets en matière de transport – voitures particulières ou transports collectifs – doivent être un levier pour mobiliser nos capacités de recherche, d’investissement et de conquête de marchés. Les technologies non polluantes, ce sont les emplois de demain, puisque, on le voit, la demande est mondiale et les puissances émergentes, de Delhi à Pékin, sont à la recherche de solutions nouvelles que nous devons nous donner les moyens de leur apporter. Nous ne pouvons plus nous reposer aveuglément sur les énergies fossiles. Il y va de l’indépendance énergétique de la France !
Aujourd’hui, notre devoir est de faire cesser les incitations contradictoires, le renvoi de responsabilités, en somme l’inaction. Le rapprochement de la fiscalité du diesel et de celle de l’essence devrait être une priorité du Gouvernement et a semblé l’être en loi de finances, avant que la loi de finances rectificative ne vienne effacer la plus grande part des progrès accomplis.
Pourtant, les enjeux sanitaires sont clairs et chacun sait que l’avenir économique n’est pas au diesel. Il faut donc que la volonté de l’État soit claire et que la France porte la question à l’échelon européen, qui est l’échelon adéquat, notamment pour le transport routier de marchandises. Quand le Gouvernement publiera-t-il enfin un calendrier crédible d’alignement des deux fiscalités ?
De même, quand l’État assumera-t-il pleinement ses responsabilités dans la lutte contre la pollution ? Trop souvent, les collectivités territoriales sont laissées seules face à leurs difficultés. Un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques devait être publié au début de 2015. Nous avons recommandé sa publication en juillet dernier. Nous sommes au début de 2016. Qu’en est-il de ce plan ?
La question de la pollution de l’air devrait nous réunir. Tous, nous respirons l’air atmosphérique et l’air intérieur. Tous, nous sommes exposés au risque et les plus exposés sont ceux qui, souvent par absence d’alternative ou d’information, sont contraints d’utiliser des substances polluantes. Je pense, en particulier, aux agriculteurs qui souffrent des pathologies liées aux pesticides. Certes, un programme d’accompagnement vers les modes de culture écologiques et la limitation des émissions a été engagé. Cependant, sur la santé des agriculteurs, comme d’ailleurs sur la santé de la population en général, nous manquons de données sanitaires et d’études statistiques précises.
Monsieur le secrétaire d'État, la pollution de l’air est un sujet majeur pour nos concitoyens. Au-delà des intentions périodiquement réitérées par les gouvernements successifs, quels sont vos engagements et votre calendrier de réforme pour permettre à tous de respirer un air qui ne nuise plus à la santé ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Loïc Hervé.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la lutte contre la pollution atmosphérique représente un enjeu sanitaire et écologique majeur. Toutefois, l’enjeu est tout autant économique et financier.
M. Loïc Hervé.
Tout le monde reconnaît le drame sanitaire que constitue la pollution de l’air. Si l’on a beaucoup parlé de CO2 ces dernières semaines, lors de la COP21, à cause de son impact sur le changement climatique, il ne faut pas pour autant oublier les autres substances rejetées dans l’atmosphère et qui sont responsables de millions de morts chaque année à la surface de la planète.
En France, l’exposition aux particules fines provoquerait quelque 43 000 morts prématurées par an et la pollution au dioxyde d’azote, plus de 7 000. En 2015, la commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a dressé un constat objectif et alarmant sur l’impact de la pollution de l’air.
J’en profite, d’ailleurs, en tant que membre et vice-président de cette commission, pour témoigner du travail de terrain réalisé en profondeur sur ce sujet et pour féliciter Jean-François Husson, son président, et Leïla Aïchi, son rapporteur, de la qualité de leur rapport. Ce dernier révèle que la pollution de l’air nous coûterait plus de 100 milliards d’euros chaque année, soit deux fois plus que le coût sanitaire lié au tabac.
Après avoir recensé les principales sources de pollution de l’air, la commission a dressé le bilan des actions engagées et a avancé 61 propositions, adoptées à l’unanimité par ses membres et porteuses d’un développement économique durable. Elle préconise notamment de mettre en place une véritable fiscalité écologique, juste, équitable, incitatrice et responsabilisante. Elle souhaite un discours uniforme et clair de l’État sur l’après-diesel. Elle appelle de ses vœux l’encouragement de l’innovation, le déploiement des alternatives technologiques crédibles existantes et l’incitation à l’usage des moyens de mobilité durable chez les salariés.
Quelques jours après la fin de la COP21, et alors qu’un accord contraignant sur les taux de rejets de dioxyde de carbone a, pour la première fois, été validé au niveau mondial, il serait inconcevable que la France ne prenne pas des mesures ambitieuses et assume des choix cohérents à l’échelle nationale. Cela risquerait de jeter le discrédit sur notre pays et sa parole.
En effet, ce phénomène de pollution de l’air n’est pas, tel qu’on le présente trop souvent, l’apanage des grandes villes, à l’image de Paris, ville chère à notre collègue Yves Pozzo di Borgo ici présent, Pékin, Mexico ou Katmandou, plongées dans un brouillard gris et opaque.
Il concerne également les vallées alpines. La situation de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, est un exemple de pollution atmosphérique marquant et récurrent par les effets cumulatifs de la densité de la population et d’une concentration industrielle le long d’un axe de circulation routière internationale intense, en direction de l’Italie
Aussi a-t-il été mis en place un plan de protection atmosphérique de la vallée de l’Arve depuis février 2012. La création d’un fonds air-bois, cofinancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, et les collectivités locales, a obtenu l’adhésion de nombreux habitants sensibles à leur cadre de vie. Cette initiative ne demande qu’à être élargie, comme l’a souligné la commission d’enquête.
Toutefois, les mesures appliquées, telles que la limitation de la vitesse sur l’autoroute A40, l’interdiction de la circulation des poids lourds de type Euro 3 ou encore la mise en œuvre du fonds air-bois cité précédemment, demeurent insuffisantes à l’échelle du bassin de vie.
À l’instar de la vallée de l’Arve, qui a su mobiliser et fédérer tous les acteurs autour d’un plan antipollution comportant 35 mesures, les collectivités locales sont prêtes à agir, mais manquent de moyens dans le contexte de restriction budgétaire qu’elles subissent. Sur un sujet de santé publique, mission régalienne de l’État, seule une approche intégrée air-climat-énergie permettrait d’assurer une véritable cohérence entre les actions menées localement pour traiter des problèmes de pollution atmosphérique et climatique.
Les mesures à prendre sont parfaitement connues ; elles concernent principalement la rénovation énergétique de l’habitat, le développement et le renforcement des transports en commun et l’accompagnement de nos entreprises industrielles.
Malheureusement, je déplore le manque de politique volontariste de l’État, en particulier dans deux domaines. En matière de recherche industrielle, peu est fait pour limiter les rejets nocifs, alors même que l’innovation technologique dans ce domaine est porteuse d’économie, de croissance et d’emploi. Dans le domaine des transports, monsieur le secrétaire d'État, sans même évoquer le report modal Lyon-Turin, qui peine tant à aboutir, je citerai l’absence totale de politique ambitieuse en matière de transports en commun, qui constituent pourtant l’un des rouages essentiels de la lutte contre la pollution de l’air.
En juillet dernier, j’étais intervenu lors d’une séance de questions orales sur la nécessité de réformer l’assiette du versement transport. Celle-ci est basée sur la masse salariale, en totale contradiction avec l’objectif partagé de baisser le coût du travail. Nous en parlions encore ici il y a quelques instants à l’occasion des questions d’actualité au Gouvernement.
De même, j’ai récemment regretté l’absence de concertation du Gouvernement avec les élus locaux quant à l’avenir des trains d’équilibre du territoire, alors qu’a été annoncée la suppression du train Paris-St Gervais, liaison qui dessert un territoire montagnard mondialement reconnu et, chacun le sait, fortement menacé par la pollution.
Monsieur le secrétaire d'État, face à un tel enjeu de santé publique et aux engagements indéniables et constants des collectivités locales pour la préservation de leur environnement, des mesures fortes doivent être engagées au niveau national.
La France a su ouvrir le chemin de la COP21 ; son opiniâtreté a payé. Elle a aujourd’hui le devoir de montrer l’exemple en instaurant une politique volontariste et d’entraîner les autres pays européens dans la définition d’objectifs ambitieux pour la qualité de l’air. Monsieur le secrétaire d'État, il y a urgence !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux tout d’abord féliciter nos collègues Leila Aïchi et Jean-François Husson du travail remarquable qu’ils ont conduit et qui a abouti à un rapport que nous avons adopté à l’unanimité.
Mme Évelyne Didier.
Ce rapport, intitulé très justement
Pollution de l’air : le coût de l’inaction
C’est un problème de santé publique ; pour cette raison, la loi du 30 décembre 1996 a défini dans son article 1
Ajoutons que si cette pollution est un problème pour l’homme, elle constitue aussi un problème pour l’environnement, car c’est bien l’ensemble du vivant que l’on empoisonne.
L’apport particulier de ce rapport est de montrer que la lutte contre la pollution de l’air constitue aussi un enjeu financier. Cette approche permettra, je l’espère, de mobiliser plus largement. À l’heure où l’austérité renforce les exigences en matière de bonne gestion de l’argent public, ce chiffre laisse aussi, et c’est positif, entrevoir les marges de manœuvre dont nous disposons.
Il s’agit d’une mission régalienne de l’État, qui en répond désormais devant les instances européennes et même internationales. Ainsi, il faut noter que, en mai dernier, la 68
Au niveau européen, le Parlement européen a adopté un projet de nouvelles directives sur les plafonds nationaux, qui prévoit le respect de seuils plus bas et plus stricts d’ici à 2025 pour limiter les émissions de méthane et d’ammoniac dans l’agriculture, mais aussi pour réduire l’émission dans l’air d’oxyde d’azote, de matières particulaires, de dioxyde de soufre et de composés organiques non volatils. C’est positif.
Nous souscrivons tout à fait, dans cette logique, à la proposition n
Pour autant, si nous sommes d’accord pour reconnaître que la configuration économique et géographique des territoires renvoie à des mesures localisées et à l’action nécessaire des autorités locales, nous devons néanmoins aider, par des politiques de soutien nationales et différenciées, les territoires les plus lourdement pénalisés. Je le répète, c’est une compétence de l’État.
Je voudrais aujourd’hui revenir sur la qualité de l’air sur les lieux de travail, que j’avais déjà évoquée lors des auditions de la commission d’enquête. En effet, il faut savoir que les normes en vigueur y tolèrent des seuils bien supérieurs aux limites ordinaires, notamment dans le métro ou dans des endroits mal ventilés. Les salariés exerçant en milieu confiné sont soumis à un niveau de pollution invraisemblable, beaucoup plus fort, évidemment, que celui qui est subi par le commun des mortels.
Nous partageons donc la proposition n
J’avais déposé un amendement, dans le cadre de la loi de transition énergétique, visant à ce que le taux d’exposition des salariés aux particules fines soit révisé. Le Gouvernement avait demandé le retrait de cet amendement, arguant de ce qu’il fallait attendre le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Ce rapport est paru en septembre dernier. Le moment d’agir est donc venu pour fixer des règles d’exposition aux particules fines plus protectrices de la santé des salariés.
Cette question est importante. Déjà plusieurs travaux réalisés par Airparif et par l’Observatoire régional de la santé, l’ORS, révèlent une présence importante de particules fines dans l’enceinte du métro : leur concentration y est jusqu’à quatre fois plus forte qu’à l’extérieur. L’ANSES, dans son rapport, confirme ainsi que l’expertise conclut à l’existence d’un risque sanitaire respiratoire et cardiovasculaire lié à l’exposition chronique des travailleurs aux particules de l’air des enceintes ferroviaires souterraines.
Les risques sanitaires sont particulièrement élevés pour les travailleurs en charge de la maintenance des infrastructures. Les données disponibles montrent notamment des niveaux importants d’exposition aux émissions de motrices Diesel.
Par ailleurs, l’ANSES souligne que « la priorité de santé publique concerne la réduction de la pollution de l’air ambiant dans son ensemble. Dans ce contexte, le report modal du transport routier motorisé vers d’autres modes de transport moins polluants, dont le transport ferroviaire, reste à encourager. » Et l’ANSES de poursuivre : « Ce report modal concourt en premier lieu à réduire la pollution de l’air extérieure en réduisant les émissions du trafic routier. »
Nous partageons absolument cette analyse et, pour cette raison, nous approuvons la proposition n
Concernant la fiscalité, qui reste très peu abordée par le rapport, je crois que nous avons besoin de faire le point sur l’existant. Nous devons avoir un débat cohérent et clair sur la fiscalité écologique : que peut-on appeler, véritablement, fiscalité écologique ? On peut en effet quelquefois considérer qu’une taxe sur l’essence est davantage destinée à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État qu’à faire véritablement évoluer les mœurs. Il faut donc que ce débat porte sur la fiscalité qui doit peser sur la pollution d’une manière générale, et sur celle de la pollution de l’air en particulier.
Or le Gouvernement y revient par touches, au travers des lois de finances. La fiscalité écologique reste donc éclatée et peu lisible pour nos concitoyens. Il faut bien avouer ici que notre fiscalité, héritée de l’histoire et gouvernée par Bercy, est totalement incompréhensible : elle fait plus penser, parfois, à des recettes de cuisine qu’à des outils de régulation et de justice sociale ! Mais peut-être, monsieur le secrétaire d'État, allez-vous me contredire sur ce point.
Sûrement !
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
(Sourires.)
Certes, la taxation du diesel va augmenter. Pourquoi pas ? L’idée de rééquilibrer les taxes entre diesel et essence est sans doute intéressante ; elle est d’ailleurs préconisée, à l’horizon 2020, dans la proposition n
Mme Évelyne Didier.
Par ailleurs, il faut savoir que les poids lourds contribuent aujourd’hui finalement assez peu, alors même qu’ils portent une forte responsabilité dans cette pollution. Ils seront soumis à une taxe supplémentaire de quatre centimes sur le gasoil – nous savons qu’on remplace ainsi l’écotaxe –, mais, dans le même temps, ils bénéficieront d’un remboursement de la TIPP, ce qui annule en partie l’effet souhaité. C’est pourquoi nous partageons la proposition n
La COP21 nous conduit à revoir notre rapport au vivant, à l’environnement, pour permettre un avenir à l’humanité. Cet avenir passe aussi évidemment par une qualité de l’air suffisante. Nous souscrivons donc pleinement aux travaux entrepris.
Pour conclure, nous soulignons que ces défis devraient nous conduire à remettre en cause de manière globale le modèle économique actuel. Nous avons du travail : nous avons réussi à trouver l’unanimité pour voter ce rapport, mais qu’en sera-t-il lorsque nous arriverons aux mesures concrètes ? C’est une autre histoire…
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission d’enquête, madame la rapporteur, mes chers collègues, la Haute Assemblée est réunie aujourd’hui afin de débattre des conclusions du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, commission dont je salue la qualité des échanges tout au long des auditions.
Mme Nelly Tocqueville.
Ce rapport, rendu public le 15 juillet 2015, doit fortement nous alerter, puisqu’il évalue à 101,3 milliards d’euros le coût annuel de la pollution de l’air en France. Nous connaissons déjà, depuis longtemps, les conséquences néfastes pour la santé que suscite ce type de pollution. Toutefois, celles-ci sont désormais chiffrables et chiffrées, mais en partie seulement.
Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de santé publique, mais également d’un problème environnemental et économique majeur.
Les estimations, au niveau mondial, que l’OMS a publiées en mars 2014 portent à 7 millions le nombre de décès dus en 2012 à la pollution atmosphérique. L’OMS rappelle que celle-ci constitue le principal risque environnemental pour la santé dans le monde, même si, au niveau européen, elle constate une baisse des décès prématurés. Néanmoins, la commission d’enquête a rappelé que la qualité de l’air est un sujet de plus en plus préoccupant pour les Français.
Nous ne pouvons pas, par conséquent, rester passifs face à cet état de fait ; nous nous devons de proposer des solutions durables, efficientes et efficaces.
Je salue à cet égard les récentes décisions prises par le Gouvernement visant à compléter le plan d’action pour lutter contre la pollution atmosphérique. Je pense, notamment, au bonus de 10 000 euros permettant de donner à tous les Français l’accès à un véhicule propre, au « certificat qualité de l’air », mais aussi à l’appel à projets « Villes respirables en cinq ans », les collectivités étant des acteurs majeurs de la lutte contre la pollution de l’air.
Il convient également de rappeler avec force les nouvelles mesures qui visent à prévenir cette pollution atmosphérique et qui sont inscrites dans la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée le 17 août 2015. Je fais référence ici aux zones à circulation restreinte, aux avantages de stationnement et de péage accordés aux véhicules les moins polluants, à l’incitation à une baisse des vitesses en ville ou encore à l’interdiction des produits phytosanitaires dans l’espace public. Je me félicite aussi de l’instauration d’une journée nationale de la qualité de l’air, laquelle s’est tenue pour la première fois le 25 septembre dernier.
Nous constatons une véritable prise de conscience des enjeux liés aux conséquences de la pollution atmosphérique. Pour cette raison, nous nous devons de continuer à agir afin de faire respecter et de renforcer les normes existantes, ce qui garantira une meilleure qualité de l’air pour nos populations.
Néanmoins, le rapport de la commission d’enquête mentionne avec une certaine sévérité l’échec des mesures prises depuis vingt ans. Sévérité, oui, car ce rapport constate bien que plusieurs polluants ont disparu ces dernières années et que l’air que l’on respire est moins pollué aujourd’hui qu’il y a vingt ans. En effet, comme il est indiqué dans ce même rapport, entre 1990 et 2003, la quantité de dioxyde de soufre émise dans l’air a été réduite de près de 83 %. Sur cette même période, les émissions de particules dans l’atmosphère ont également subi une réduction, celle-ci de 29 %.
Si ces chiffres nous incitent à faire une lecture objective de la réalité de la pollution de l’air, ils nous obligent aussi à poursuivre les études et les actions, ainsi qu’à exploiter les résultats des avancées technologiques et scientifiques.
Toutefois, ce bilan chiffré de 101,3 milliards d’euros annuels ne nous permet plus d’user d’excuses : nous devons agir au vu des connaissances dont nous disposons et des diagnostics posés par les différents acteurs que nous avons auditionnés.
La nature de la pollution de l’air est certes difficilement appréhendable, car elle est la résultante de plusieurs facteurs : les modes de vie, les moyens de transports et de chauffage, ou encore la pollution engendrée par le secteur industriel.
Cependant, la France ne doit pas et ne peut pas agir seule face aux enjeux de la pollution de l’air : elle doit intervenir en interaction et en conformité avec les normes européennes et internationales. C’est ce qu’elle a fait avec l’adoption de la loi du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, dite « loi LAURE », qui énonce le « droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé », ainsi que l’a rappelé Évelyne Didier. Cette loi est fondamentale, car elle pose explicitement le lien de cause à effet entre la pollution de l’air et les problématiques sanitaires.
Cependant, traiter le problème de la pollution de l’air, c’est également être confronté à une autre réalité : la multitude des polluants identifiés aujourd’hui, laquelle explique, pour partie, le constat de la sous-évaluation du coût de ce type de pollution qu’a dressé la commission d’enquête.
Quoi qu’il en soit, les effets restent identiques. On observe que les personnes exposées aux polluants atmosphériques sont victimes de dysfonctionnements de l’appareil respiratoire et cardiovasculaire. On constate également des cas de pathologies pulmonaires comme la bronchite ou l’asthme. Des effets indésirables peuvent aussi apparaître en ce qui concerne le développement neurologique, celui du fœtus et de la fonction cognitive.
Force est donc de constater que la pollution de l’air a pour conséquence un impact sanitaire manifeste et multiforme. Les symptômes peuvent apparaître à court terme, mais également plusieurs années après l’exposition aux polluants. Cela justifie d’ailleurs la difficulté à chiffrer les conséquences sanitaires, en particulier auprès des populations les plus vulnérables : les jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de pathologies chroniques.
La commission d’enquête a aussi constaté à la lecture de plusieurs études une pollution d’origine anthropique, provoquée par l’activité humaine. Quatre grands secteurs ont été identifiés : les transports, le résidentiel tertiaire, l’industrie, l’agriculture. Toutefois, il faut également mentionner une pollution aérobiologique, celle qui émane des polluants d’origine biologique, comme les pollens ou les moisissures, et qui sont responsables en grande partie des allergies respiratoires, toujours plus nombreuses.
Ainsi, d’une manière générale, deux types de pollution de l’air peuvent être identifiés : la pollution de l’air extérieur et celle de l’air intérieur. Cette dernière a été pendant longtemps négligée, car elle était peu connue. Elle est pourtant très importante, puisque l’OMS estime que près de 4,3 millions de personnes meurent prématurément de maladies imputables à la pollution de l’air intérieur.
Par ailleurs, si nous sommes alertés par les impacts sanitaires de la pollution de l’air en général, il ne faut pas occulter ceux sur l’environnement et l’économie, ni leur coût économique et financier. Cependant, les causes de celle-ci nous interpellent d’abord par leur caractère protéiforme.
Que l’on évalue les coûts sanitaires ou non sanitaires, que l’on apprécie en coûts tangibles ou intangibles, les manifestations de la pollution de l’air sont multiples : impact sur le système de santé, absentéisme et perte de productivité, baisse des rendements agricoles et forestiers, dégradation des écosystèmes, perte de biodiversité ou encore nuisances psychologiques, olfactives ou esthétiques.
Même s’il est possible de mettre en lumière les différents types de coûts qu’entraîne la pollution de l’air, il reste cependant très difficile de les quantifier. En effet, nous ne disposons pas aujourd’hui des éléments permettant de calculer avec exactitude le coût des conséquences atmosphériques sur les écosystèmes et sur la biodiversité. Il en est de même des pertes financières des rendements agricoles.
C’est un fait, par ailleurs mis en avant dans le rapport, il n’existe pas d’étude exhaustive recensant l’ensemble des coûts de la pollution de l’air tant intérieur qu’extérieur.
Pour cette raison même, la commission d’enquête considère que le coût total annoncé dans ce rapport concernant cet état de fait est sous-estimé, en particulier parce que nous ne sommes pas en mesure actuellement d’évaluer ce que l’on appelle « l’effet cocktail », résultat de l’association de plusieurs polluants, par ailleurs peu dangereux, considérés séparément. De plus, les avancées scientifiques et technologiques amènent régulièrement à la découverte de nouveaux polluants.
Calculer le coût économique et financier de la pollution de l’air trouve donc ses limites, comme le confesse la commission d’enquête, que celles-ci soient liées aux incertitudes scientifiques ou à la non-prise en compte de ces « effets cocktails ».
D’une manière générale, il est pratiquement impossible, ou du moins très complexe, de procéder à une estimation précise et irréfutable des coûts dits « intangibles », qu’ils soient sanitaires ou non, ce qui laisse à penser que le coût annoncé de 101,3 milliards d’euros est sous-estimé. C’est pourquoi ce constat nous oblige désormais à prendre nos responsabilités, à proposer des solutions et à les appliquer.
Dans cet esprit, la commission d’enquête préconise de mettre en place une fiscalité écologique et de compléter les normes existantes. Je partage cet avis, même si une fiscalité incitative doit être privilégiée à une fiscalité punitive. Aussi, elle propose le renforcement et la création de normes au vu des enjeux sanitaires, mais aussi du coût économique et financier que cela induit.
Néanmoins, il faudrait prendre en compte le résultat d’études scientifiques approfondies et irréfutables, notamment en matière de pollution de l’air intérieur, avant d’envisager de légiférer, tant subsiste encore un nombre significatif de données inconnues.
Il semblerait préférable, dans un premier temps, d’inciter à l’innovation, à la recherche et au développement, afin de lutter contre la pollution de l’air, d’autant que, comme le rapport l’indique, la France dispose d’un savoir-faire reconnu, d’acteurs de pointe dans le secteur des énergies nouvelles. Il serait donc opportun de continuer à travailler dans cette voie.
Je salue ainsi l’action dans ce domaine du Gouvernement, qui mobilise le programme des investissements d’avenir, stimule l’innovation en matière d’équipements de lutte contre la pollution, comme les filtres à cheminées ou encore les équipements agricoles.
Par ailleurs, je partage tout à fait l’avis énoncé dans le rapport, qui préconise de veiller à ne pas renforcer les inégalités sociales dues aux inégalités environnementales. En effet, force est de constater que ce sont les populations défavorisées vivant dans des quartiers où l’habitat est peu cher, voire dégradé, souvent près de zones industrielles ou de grands axes routiers, exposées à toutes ces formes de pollution qui en sont les premières victimes.
Je partage également l’idée d’un nécessaire changement de modèle de production agricole, d’un soutien accru à l’agriculture biologique et, d’une manière générale, d’une accélération de la transition vers une agriculture verte.
Il en est de même du développement des actions de pédagogie sur les problématiques liées à la pollution de l’air, et ce tant pour les particuliers que pour les entreprises.
En tant que sénatrice de la Seine-Maritime, je suis particulièrement sensible aux problèmes que rencontre le milieu agricole. Je constate, lors de mes déplacements, que les exploitants agricoles, y compris les jeunes, ne sont pas suffisamment sensibilisés aux dangers liés à la pollution inhérente à leur activité. Un réel effort de mobilisation est indispensable dans ce secteur. Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, qu’il est devenu urgent et indispensable d’engager une réflexion avec les chambres d’agriculture sur le sujet ?
Pour conclure, je souhaite rappeler que la pollution de l’air doit être perçue comme un problème non pas purement national, mais bien européen et international.
Tout comme pour la déréglementation climatique, la récente COP21 à Paris en étant un parfait exemple, les problématiques liées à la pollution de l’air devront être appréhendées à l’échelle mondiale,
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
La parole est à M. Philippe Esnol.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la pollution de l’air est, avec les pics enregistrés ces dernières années, un sujet qui intéresse particulièrement les Franciliens, d’autant que les mesures de circulation alternée viennent désormais perturber assez souvent leur quotidien. Si ceux-ci sont directement touchés, le rapport de la commission d’enquête nous fait prendre conscience que nous sommes tous concernés, en raison des effets néfastes sur notre santé, mais aussi parce que le champ des altérations provoquées par la pollution est en définitive bien plus vaste.
M. Philippe Esnol.
Forte de ces constats, la commission d’enquête a procédé à une évaluation inédite du coût économique et financier de la pollution de l’air dans notre pays. Il faut bien reconnaître qu’un tel « angle d’attaque » est pour le moins malin, puisqu’il permet de rallier ceux que les seuls arguments sanitaires ne suffiraient pas à convaincre.
Aussi, je partage l’analyse de la commission d’enquête sur la nécessité d’agir. Il le faut, parce que c’est un impératif de santé publique et pour que le droit reconnu à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ne reste pas un vœu pieux. On sait avec certitude que la pollution de l’air augmente le risque de développer un cancer du poumon, des maladies cardiovasculaires ou respiratoires. Plus de 40 000 décès prématurés lui sont attribués en France chaque année.
L’ampleur serait en outre minimisée, notamment parce que « l’effet cocktail », c'est-à-dire le fait d’être exposé à plusieurs polluants en même temps, n’est pas mesuré. De nouvelles études tendent de surcroît à démontrer que les particules fines auraient aussi un effet sur la santé mentale et seraient à l’origine de maladies dégénératives, telles que celles d’Alzheimer et de Parkinson.
Outre cet aspect sanitaire, la concentration de polluants provoque une baisse des rendements agricoles, dégrade la biodiversité, souille l’eau et se révèle même le principal facteur d’érosion des façades !
Une intervention se justifie encore pour la simple et bonne raison qu’il existe de véritables manquements. Ainsi, la France ne respecte pas ses obligations s’agissant des valeurs limites de particules fines, ce que la Commission européenne n’a pas manqué de lui rappeler au printemps 2015.
Reste que, s’il faut avant tout agir pour la reconquête de la qualité de l’air, c’est parce qu’on y aurait intérêt économiquement. En effet, le coût de la pollution de l’air n’a jamais vraiment été appréhendé par les pouvoirs publics. Il serait pourtant majeur ! La commission d’enquête l’a évalué au total à plus de 100 milliards d’euros par an.
Comment parvient-on à une telle somme ? Certes, les évaluations varient fortement selon la méthodologie employée, mais celle qu’a retenue la commission d’enquête, car elle l’a jugée la plus complète, a été établie dans le cadre du programme « Air pur pour l’Europe » de la Commission européenne. Elle s’élève à entre 68 milliards d'euros et 97 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter le coût non sanitaire qui vient d’être évoqué, évalué à 4,3 milliards d’euros.
Ce qu’il faut retenir, c’est que les modélisations du rapport entre coûts et bénéfices montrent qu’il serait avantageux de réduire la pollution atmosphérique
Si la question de l’opportunité d’agir ne fait pas débat, celui-ci peut en revanche s’engager sur ce qu’il convient de faire. Il existe aujourd’hui un « paquet » de normes et dispositifs qui ne sont pas appliqués ou qui le sont mal. Ainsi, les plans de protection de l’atmosphère ne couvrent que 47 % de la population et leur mise en œuvre mériterait d’être accélérée et mieux articulée avec d’autres outils tels que les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et le plan national de réduction des émissions de polluants.
De même, il serait souhaitable de ne pas créer de « contraintes inutiles » et de se contenter de renforcer les normes uniquement là où il y a des manques certains, notamment en matière de pollution de l’air intérieur, ainsi que de privilégier une action ciblée sur les principaux secteurs émetteurs, à savoir les transports, l’agriculture, l’industrie, etc. À cet égard, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit des avancées concrètes. Elle prévoit, entre autres, d’accélérer le remplacement du parc automobile par des véhicules à faibles émissions et l’installation de points de recharge pour les véhicules électriques.
Améliorer l’information à destination du public serait également utile pour renforcer l’efficacité des mesures. À ce titre, je suis favorable à la généralisation des étiquetages sur les produits ménagers.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me paraît primordial de laisser aux mesures le temps de produire leurs effets et de savoir raison garder, la situation n’étant pas ce qu’elle est dans d’autres pays du monde, et des bien plus grands que le nôtre. En effet, il ne faut pas négliger les efforts réalisés par les constructeurs de véhicules diesel pour mettre à jour des solutions. Je crois qu’il serait plus judicieux, au moment où le marché automobile français envoie des signaux de reprise, de renforcer la fiabilité d’homologation des véhicules quant à leurs niveaux d’émissions. Nous devons tirer les enseignements du scandale Volkswagen.
Enfin, en tant que Francilien, j’aspire à ce que soit conduite une véritable politique d’aménagement du territoire pour que cessent la concentration des activités économiques et la densification du logement en Île-de-France, qui conduisent des millions de nos concitoyens à subir, quotidiennement, souvent à grands coups d’anxiolytiques, les migrations pendulaires et la saturation des transports. Je suis bien placé pour en parler.
Pour conclure, je rappelle que, la pollution de l’air étant un phénomène transfrontalier, seule une action européenne coordonnée sera un gage d’efficacité. Je souhaite donc que la France, portée par le succès de la COP21, puisse défendre cette position qui permettrait de redonner à l’Europe son rôle clef, historique, dans la lutte contre la pollution de l’air puisque, pour mémoire, la loi LAURE de 1996 n’était que la transposition de directives européennes en la matière.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Didier Mandelli.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à féliciter nos collègues de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, notamment son rapporteur, Leila Aïchi, et son président, Jean-François Husson, qui ont participé à l’élaboration et à la rédaction de ce rapport, lequel fait l’unanimité. Mes propos s’éloigneront donc peu de ceux des intervenants précédents et sans doute de ceux qui suivront.
M. Didier Mandelli.
La commission d’enquête a réalisé un travail de grande qualité. Mme la rapporteur, M. le président et les membres de la commission ont eu l’ambition de mesurer des situations complexes et parfois méconnues. L’évaluation à laquelle ils ont procédé est inédite.
La commission d’enquête n’a pas effectué une simple évaluation des coûts de la pollution de l’air pour notre système de santé, une telle évaluation ayant déjà été réalisée l’an dernier. Elle a pris à bras-le-corps la pollution de l’air sous toutes ses formes, notamment la pollution intérieure, identifiant toutes ses causes, en particulier la pollution transfrontalière, ainsi que l’ensemble de ses conséquences, y compris en termes de compétitivité pour les entreprises.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la pollution de l’air se définit par la « contamination de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques atmosphériques ».
Certains constats et certains chiffres de ce rapport ont retenu mon attention. La pollution de l’air n’est pas seulement une pollution de l’air extérieur. Elle a des effets autres que sanitaires. Son coût, de plus de 100 milliards d’euros par an, est évidemment exorbitant. Des solutions identifiées doivent être rapidement mises en œuvre pour lutter efficacement contre ces effets.
J’insisterai pour ma part sur trois points qui me paraissent importants : la prise en compte de la pollution intérieure, les impacts et les coûts des pollutions autres que sanitaires et les nombreuses propositions de la commission.
La pollution de l’air n’est pas seulement extérieure. Jusqu’à présent, on parlait de pollution atmosphérique, de pollution chimique, comme celles qui sont liées au secteur des transports essentiellement, ce secteur étant le plus visible et le plus souvent cité, même s’il ne représente qu’une partie des émissions. En effet, l’impact négatif des carburants sur la qualité de l’air est connu depuis longtemps. Même si les véhicules thermiques émettent en moyenne moins de CO2 qu’il y a une vingtaine d’années, d’autres substances sont aujourd’hui en cause dans la pollution atmosphérique, comme les particules fines et les oxydes d’azote, que l’on retrouve dans les émissions.
Le rapport de la commission d’enquête met en avant une autre source de pollution plus méconnue et dont les impacts sont difficilement quantifiables, même si l'on estime son coût à 19 milliards d’euros par an : la pollution de l’air intérieur. L’OMS considère que cette pollution est un problème majeur de santé touchant l’ensemble des pays, en particulier les pays industrialisés et bien dotés en habitat.
Selon une étude de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur datant de 2007, qu’il faudrait d’ailleurs réactualiser, quelque 9 % des logements français présentent des concentrations élevées de plusieurs polluants. Sachant que l’on passe entre 70 % et 90 % de son temps dans ces espaces confinés, la qualité de l’air respirée dans les espaces clos revêt une dimension de santé publique majeure.
« Des dizaines de substances chimiques issues de produits de la vie quotidienne sont présentes dans l’air et les poussières au sol de nos logements » révélait en juin 2015 une enquête de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur. Ces composés, comme les phtalates, le radon, les oxydes d’azote, les moisissures, sont « omniprésents » et certains « sont détectés dans quasiment tous les logements », affirme l’Observatoire.
Même si des dispositions législatives et réglementaires ont été adoptées sur ce sujet, la rapporteur fait un constat sans appel, que je partage : les dangers des polluants sont largement méconnus et, de fait, toutes les dispositions de protection les plus élémentaires n’ont pas été prises.
C’est en ce sens que je soutiens la mesure n
J’en arrive au deuxième point de mon intervention. Selon le rapport de la commission d’enquête, la pollution de l’air coûterait plus de 100 milliards d’euros par an à notre pays. C’est une somme astronomique ! Or la rapporteur estime ce coût « largement sous-évalué », faute de données suffisantes. En effet, il est difficile de la quantifier précisément en raison du manque de recherches et d’études sur la question. Les effets sanitaires de certains polluants sont mal connus, notamment « l’effet cocktail » résultant de la présence de plusieurs polluants.
Le coût sanitaire total serait compris « entre 68 et 97 milliards d’euros par an », selon l’estimation menée dans le cadre du programme « Air pur pour l’Europe » : coût du système de santé – hospitalisation, soins de ville –, absentéisme et perte de productivité dans les entreprises et les administrations.
Il est donc important à mon sens de souligner que la pollution de l’air a des conséquences néfastes non seulement sur la santé, mais également sur les rendements agricoles, la biodiversité, la qualité des sols et le patrimoine bâti. L’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, estime par exemple que le rendement du blé en région parisienne est réduit en moyenne de 10 % par rapport à une région non polluée, sous l’effet de la pollution, en particulier à l’ozone.
La pollution entraîne une dégradation plus rapide des façades des bâtiments et un surcoût en termes de rénovation urbaine. Ces impacts non sanitaires restent encore mal connus et sont difficilement mesurables. Les quelques études existantes montrent toutefois que leur coût est loin d’être négligeable. Réalisant un premier chiffrage avec les données disponibles, la commission évalue
J’en viens au troisième et dernier point de mon intervention : les 61 propositions de la commission, sur lesquelles je ne reviendrai évidemment pas en détail. Ces propositions sont pertinentes. Elles doivent être prises en compte et mises en œuvre sans délai dans leur globalité, avec quelques fois des facilités. Cela a été évoqué lors de la présentation du travail de la commission.
Le diesel est un sujet récurrent. Les gouvernements successifs ont accordé une fiscalité avantageuse à ce carburant. Cela a conduit notre pays à devenir l’un des leaders mondiaux du secteur. Cela explique aussi la forte représentation du diesel dans le parc automobile français.
Conscients des risques liés aux particules fines, les constructeurs, en particulier nos
Comme la commission, je pense qu’il faut aligner progressivement d’ici à 2020 la fiscalité de l’essence et du gazole. Cela permettra aux entreprises s’équipant de véhicules à essence ou électriques de déduire la TVA, comme c’est le cas pour les voitures diesel. En octobre dernier, Matignon a d’ailleurs annoncé avoir tranché sur la fiscalité du diesel et prévu un alourdissement de 20 centimes d’euros en début de cette année, l’objectif étant de parvenir à un alignement en cinq ans.
Le 30 septembre 2015, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a créé une commission chargée d’effectuer une enquête approfondie sur les émissions de polluants des véhicules légers. Je souhaite que cette commission rende rapidement un rapport, ce qui nous permettra de disposer de tous les éléments d’appréciation.
Je soutiens par ailleurs toutes les mesures permettant de promouvoir les transports propres, à savoir les véhicules hybrides et électriques, le fret ferroviaire et l’autoroute de la mer. À cet égard, je regrette l’abandon de la ligne entre Saint-Nazaire et l’Espagne. Il est important de mettre l’accent sur le soutien à l’innovation, afin de produire « des ruptures technologiques », comme le souligne Jean-François Husson dans son rapport.
Enfin, dans le secteur agricole, la commission recommande d’étudier spécifiquement les causes de la surmortalité des agriculteurs, très exposés à certains risques qui entraînent de nombreux cancers ou d’autres maladies, et de mieux contrôler les dispersions de polluants.
En conclusion, cet excellent rapport permet d’appréhender au mieux les conséquences de la pollution de l’air d’un point de vue économique et financier, au-delà des dommages causés à l’homme et à son environnement. Le temps de l’action est venu, sur la base de ces 61 propositions !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes sont engagés depuis très longtemps dans un combat contre la pollution de l’air, responsable, vous l’avez tous dit, d’un véritable désastre sanitaire.
Mme Aline Archimbaud.
Nous nous sommes donc réjouis de la création de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air et de l’estimation globale qu’elle allait pouvoir effectuer. Je tiens par conséquent, au nom de mon groupe, à remercier chaleureusement les membres de cette commission, qui ont fait un travail considérable et indispensable, nous permettant de mesurer l’ampleur de la lutte que nous devons mener contre la pollution de l’air.
La commission d’enquête l’a bien montré, le coût de l’inaction en la matière est gigantesque, de l’ordre d’au moins 100 milliards d’euros par an pour notre seul pays. Face à ce constat, il est désormais indispensable de mettre en place des mesures fortes et courageuses, à court et long terme.
À court terme, il faut endiguer les pics de pollution, qui sont réguliers dans de nombreuses agglomérations et de multiples territoires de notre pays. Face à ces pics, les réactions des pouvoirs publics sont encore bien trop lentes. Les seuils d’alerte établis par l’Organisation mondiale de la santé sont dépassés chaque année à plusieurs reprises, parfois pendant de longues durées, en particulier en ce qui concerne les niveaux de particules fines.
Les conséquences de l’exposition à la pollution de l’air sur la santé, notamment aux particules fines, sont dramatiques ; il suffit d’interroger les pneumologues et les pédiatres pour les mesurer.
Le nombre de morts prématurées liées à la pollution de l’air en France se compte en dizaines de milliers, entre 43 000 et 45 000 selon les estimations de la Commission européenne, l’immense majorité étant imputée aux particules fines, lesquelles sont particulièrement dangereuses pour les jeunes enfants, les personnes fragiles et les personnes âgées. Les particules fines provoquent souvent des dommages irréparables dans les organismes des jeunes enfants. Elles sont plus généralement responsables de multiples maladies respiratoires et cardiovasculaires, ainsi que de cancers chez de très nombreuses personnes, notamment les salariés qui sont à leur contact, qu’il s’agisse des agriculteurs ou des riverains des grandes voies routières, souvent d’ailleurs des populations très modestes. Plusieurs études internationales l’ont montré.
Une très récente étude américaine, qui a déjà été évoquée, indique que les particules fines sont très certainement également responsables d’une aggravation importante des maladies neurodégénératives comme Parkinson ou Alzheimer chez les patients déjà atteints.
Le groupe écologiste au Sénat est depuis plusieurs années à l’origine de multiples propositions visant à endiguer cette pollution. Nous avons ainsi défendu il y a plus d’un an une proposition de loi en ce sens, ainsi que, à plusieurs reprises, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, des amendements, notamment aux projets de loi de finances, afin d’essayer d’améliorer cette situation.
Les réactions des pouvoirs publics, il faut le dire, n’ont absolument pas été à la hauteur jusqu’à présent. La plupart du temps, loin de mettre la santé au premier rang des préoccupations, ils nous ont opposé les effets prétendument négatifs des mesures de lutte contre la pollution sur le développement de notre économie. Or les conclusions de la commission d’enquête confortent le constat que le coût de l’inaction en la matière est immense d’un point de vue non seulement sanitaire, mais également économique et financer.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut dépasser cette fausse opposition entre emploi, développement économique et santé !
Les écologistes s’étaient réjouis des mesures fiscales annoncées à la fin de l’année dernière lors de l’examen des textes financiers et de la COP21. Un décret paru à la fin de décembre dernier modifie le bonus-malus, afin d’inciter les automobilistes à abandonner leurs vieux véhicules diesel et à acheter des véhicules moins polluants. C’est un début : nous espérons sincèrement que le Gouvernement prendra rapidement les autres mesures énergiques qui s’imposent concernant, par exemple, la fiscalité du diesel pour les véhicules d’entreprise ou la gestion immédiate des pics de pollution.
Le scandale Volkswagen a également permis de confirmer l’incohérence des tests d’émissions de polluants avant la mise sur le marché d’un nouveau véhicule, et cela ne concerne pas seulement le diesel. Si l’on veut atteindre les objectifs de réduction des gaz polluants, il est indispensable de savoir réellement où l’on en est.
Il est urgent que toutes ces mesures et ces études soient plus transparentes. Il faut engager rapidement selon nous un travail sur le déficit considérable de connaissances et d’expertises indépendantes en matière de pollution des nouveaux véhicules automobiles avant leur mise sur le marché. Les cycles de conduite, la commission l’a rappelé, qui servent aujourd’hui de référence aux tests d’émissions polluantes ne sont pas représentatifs des conditions réelles de circulation.
Il est par ailleurs inquiétant de constater que ceux qui sont payés pour conseiller l’industrie automobile sont les mêmes que ceux qui participent activement à l’élaboration et à l’évolution des réglementations nationales et internationales applicables aux véhicules en matière d’émissions polluantes. En somme, l’industrie automobile est dans un certain nombre de cas clairement juge et partie. Cette situation ne peut perdurer.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur l’engagement énergique du Gouvernement. Le rapport de la commission d’enquête présente de très nombreuses propositions, précises, solides et travaillées, dont certaines sont applicables dès à présent, et d’autres à moyen et à long terme. Nous les soutenons fermement. Nous continuerons à intervenir pour que les constats implacables qui sont faits aujourd'hui soient suivis d’actes concrets.
Je ferai mien le souhait du président de la commission d’enquête, monsieur le secrétaire d’État : ce rapport ne doit pas rester dans un placard.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, madame la rapporteur, bien des choses ont été dites et je vais les reprendre brièvement. Je voudrais tout d’abord saluer votre initiative : cette commission d’enquête a fait un travail original, et c’est la première fois qu’un enjeu écologique est traduit en euros ou en dollars. Je sais combien vous vous êtes impliqués, comme l’ensemble des membres de cette commission.
Mme Fabienne Keller.
La pollution de l’air est un phénomène complexe répondant à de multiples causes, aux manifestations variées et dont les conséquences sont complexes à analyser. C’est aussi un phénomène aujourd'hui parfaitement mesuré et même anticipé par nos remarquables associations de surveillance de la qualité de l’air, les ASQA.
Vous avez estimé le coût économique de ce phénomène à 100 milliards d’euros, ce qui reflète parfaitement combien celui-ci est sous-estimé depuis de longues années. Le travail de recherche publié le 1
Cette évaluation est importante. Vous évoquez dans le rapport l’ensemble des mesures et actions qui peuvent être mises en œuvre. Il y a bien sûr les mesures d’urgence liées aux pics de pollution, comme la circulation alternée, mais aussi les actions de fond, comme la rénovation du parc automobile, le développement du transport public, l’isolation thermique des logements. Enfin, j’ai plaisir à le rappeler devant le secrétaire d'État chargé du budget la fiscalité sur les énergies fossiles, la fiscalité écologique recyclée pour faciliter l’investissement dans une économie plus sobre, ce qui est une action prioritaire.
La lecture de ce rapport nous invite à une prise de conscience et nous pousse à aller beaucoup plus loin que la gestion des pics de pollution. Elle nous invite aussi à traiter l’air intérieur, plusieurs collègues l’ont dit. Je voudrais, à cet égard, souligner un paradoxe sur le long terme : en isolant mieux les logements, en réduisant souvent leurs ouvertures, nous nous préparons à une aggravation de ce phénomène qui, s’il n’est pas anticipé, pourrait augmenter l’impact de la mauvaise qualité de l’air intérieur.
Je voudrais évoquer avant tout les actions concrètes, ce rapport étant intitulé
Pollution de l’air : le coût de l’inaction
Je voudrais signaler quelques mesures utiles. Par exemple, l’appel à projets « villes respirables en cinq ans ». C’est pour demain, car chacun sait que la plupart des grandes villes françaises sont sous le coup d’un contentieux communautaire ! Nous ne respectons pas la directive européenne dans le domaine de la qualité de l’air des villes et nous risquons une amende ; j’alerte M. le secrétaire d'État du budget sur ce point. Cette directive s’est contentée de reprendre les taux de l’Organisation mondiale de la santé. Ce programme est donc un bel effort.
Deuxième action concrète annoncée : les certificats sur la qualité de l’air, dont la date d’application, toujours affichée sur le site du ministère, est prévue au 1
C’est plutôt une bonne idée que de permettre la modulation des mesures pour les municipalités. Toutefois, on constate la difficulté de rendre effectifs des dispositifs qui ne s’appuient pas sur des critères existants et nécessitent une lourde organisation administrative. En tout cas, ces pastilles ne sont pas disponibles en ce mois de janvier 2016.
Troisième action annoncée par le Gouvernement ces derniers mois, monsieur le secrétaire d'État : les bonus pour les véhicules plus respectueux de l’environnement et moins émetteurs de gaz à effet de serre, de particules fines et de toutes sortes de polluants. Elle a été malheureusement limitée aux véhicules entièrement électriques, en tout cas pour le bonus significatif ; celui-ci est désormais trop faible, vous le savez bien, pour les véhicules hybrides, qui sont pourtant une bien meilleure réponse alternative aux véhicules essence ou diesel, puisqu’ils sont électriques sur de courtes distances, l’énergie fossile garantissant leur autonomie et donc la réalité de leur usage.
Quatrième action ou quatrième saga : les feux de cheminée. Le cas de la vallée de l’Arve a été cité tout à l’heure ; on sait combien, dans les zones alpines, le bois mal brûlé peut émettre de particules fines dangereuses pour la santé. Le bois peut être la meilleure comme la pire des énergies. La question de sa bonne combustion est centrale. Mme la maire de Paris interdit les feux de cheminée. Mme Royal lui interdit d’interdire. Le tribunal administratif a d'ailleurs désavoué la ministre de l’écologie. C’est dommage, parce qu’il aurait été bon de sensibiliser les populations au fait qu’une mauvaise combustion dans une cheminée contribue à l’émission de particules fines et d’autres polluants plus dangereux encore.
Au mois d’octobre dernier, dans le cadre des commissions techniques réunissant des groupes d’experts pour adapter les seuils d’émission des véhicules automobiles, c’est bien le gouvernement français qui a accepté le relèvement de ces seuils ! Je voudrais dire ici que c’est une action à l’envers, comme nous l’avons démontré dans le cadre de la commission thématique de l’OPCST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, avec Denis Baupin, en présence à la fois d’un fonctionnaire du ministère français et d’un agent de la Commission européenne.
Enfin, dernier cas d’action, cette fois complètement à l’envers – vous avez bien compris que je décrivais les actions des plus positives aux moins efficaces, voire aux contreproductives, comme cette dernière –, la suppression de la taxe poids lourd.
Comment justifier l’abandon d’une mesure adoptée à l’unanimité dans le cadre du Grenelle ? Comment la comprendre quand on lit l’impact des émissions des poids lourds sur la qualité de l’air, la présence de particules fines et d’autres polluants ? Comment peut-on renoncer à cette ressource, monsieur le secrétaire d'État, qui devait alimenter l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ? Certes, le produit de l’augmentation de la taxe sur le gazole lui sera affecté, mais cette ressource aurait pu évoluer positivement dans le temps, permettant de rééquilibrer le coût de l’investissement entre le transport routier et le transport collectif.
Nous voyons donc, monsieur le secrétaire d'État, à travers ces rappels, que la question de la stratégie et de sa cohérence pour le Gouvernement est centrale.
Je soutiens l’ensemble des 61 propositions de la commission d’enquête, mais je voudrais, en conclusion, insister sur quelques-unes d’entre elles.
Quels financements de long terme prévoyez-vous pour les ASQA, organismes de qualité dont la viabilité est remise en cause ? Qu’en est-il de l’évolution de la fiscalité écologique, monsieur le secrétaire d’État ? Quand aurons-nous des stratégies cohérentes et des perspectives de moyen et long terme ? Enfin, quelle solution préconisez-vous, après l’abandon de la taxe poids lourd, pour faire face aux défis du financement du transport public ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Mme la présidente.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier l’ensemble des intervenants, comme le président et la rapporteur de la commission d’enquête de la qualité de leur travail.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Je vous livrerai tout d’abord une impression générale, sous forme de clin d’œil : on peut toujours dire qu’une bouteille est à moitié pleine ou à moitié vide. Or j’ai souvent entendu des responsables de très haut niveau de certains groupes de la majorité sénatoriale dire que la bouteille était trop grande !
Je veux dire par là que l’ambition du Gouvernement est certes d’arriver à un ensemble de mesures, aussi bien concernant la fiscalité, que je détaillerai principalement, que d’autres dispositions législatives ou réglementaires sur le comportement, les interdictions, les obligations des uns et des autres. L’essentiel est de les voter, puis de les mettre en œuvre, à un rythme qui réponde à des situations d’urgence, mais aussi qui respecte les contraintes économiques et sociales sur un certain nombre de sujets que vous avez soulevés.
Au préalable, je vous demande d’excuser la ministre Ségolène Royal de ne pas être parmi la nombreuse assistance de cet après-midi.
(Sourires.)
Après mon audition du 23 juin dernier en commission, je suis heureux de venir devant vous pour examiner les conclusions de votre rapport. Ce dernier a été riche. Il a considérablement clarifié les enjeux liés à la pollution de l’air, définie comme « la contamination de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère ». Un décès sur huit en serait la conséquence directe. Quant à son coût économique et financier, beaucoup d’entre vous l'ont rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’élèverait à 100 milliards d'euros.
Vous avez souligné l’urgence de prendre en compte toutes les facettes de ce sujet. Ce rapport très complet présente une stratégie globale. Je concentrerai bien sûr mon intervention sur les questions financières, fiscales, budgétaires qui ont été mobilisées par le passé, dans les mois récents, et qui ont marqué la volonté du Gouvernement.
J’aimerais apporter des éléments de réponse à quelques critiques qui ont été émises. Monsieur Husson, vous soulignez que les crédits du ministère de l’écologie ont baissé de 2 % en pleine COP21. Or les moyens d’action en faveur de l’environnement ne se concentrent pas sur les seuls moyens budgétaires d’un ministère ! En tant qu’observateur attentif de ces questions, vous avez mesuré les moyens mis en faveur de la transition énergétique, pour l’isolation des bâtiments, les crédits d’impôt y afférents, ainsi que le fonds constitué pour développer ces investissements. Vous avez constaté comme moi l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, dont la plus grande part est consacrée au soutien et à la mise en œuvre des énergies renouvelables.
Puisque vous prônez, à juste titre, une vision d’ensemble, n’examinez pas l’action du Gouvernement à l’aune du seul facteur du volume des crédits d’un ministère. Bien d’autres éléments contribuent financièrement à l’action du Gouvernement dans ce domaine.
Je voudrais également répondre à plusieurs interpellations sur les questions qui nourrissent l’actualité. Je vous l’ai dit, la ministre est aujourd'hui en contact avec la commission indépendante qui évalue, vérifie, effectue des tests de pollution dans des conditions réelles. Vous aurez l’occasion de prendre connaissance des résultats ; des parlementaires assistent d'ailleurs aux réunions de cette commission.
Il y a eu des perquisitions. Nous aurons l’occasion d’en communiquer les résultats. Tout cela confirme la nécessité d’intégrer des tests d’émissions sur route en situation réelle, dans le cadre des normes européennes. Nous reviendrons aussi sur un certain nombre de points qui ont été évoqués en matière de fiscalité, afin d’avancer dans cette direction.
Au mois de juin dernier, j’avais souligné l’importance de la mise en place, à la fin de 2013, de la contribution climat-énergie. Certains ont la mémoire courte… Le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone. Nous sommes parvenus à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. La réforme a introduit une évolution des tarifs des trois taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel et la taxe intérieure sur le charbon.
Les émissions en carbone de chaque produit énergétique sont prises en compte, selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone, fixée à 7 euros en 2014, à 14,5 euros en 2015 et à 22 euros en 2016. J’en conviens, au travers de la valeur du carbone, c’est au réchauffement climatique plus directement qu’à la qualité de l’air que la contribution climat-énergie, ou CCE, donne un prix.
Toutefois, la proposition n
Cette trajectoire ambitieuse suppose d’accepter que les automobilistes supportent chaque 1
C’est le cas de la CCE, dont le rendement de 4 milliards d’euros en 2016 finance la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce sera le cas de la contribution climat-énergie en 2017, avec un rendement accru de 1,9 milliard d’euros au total. Cela permettra notamment de mettre fin à la hausse de la fiscalité électrique, tout en assurant la pérennité du financement de la transition énergétique à travers le service public de l’électricité. En effet, la production d’énergies renouvelables fait l’objet d’un soutien budgétaire public puissant au travers du mécanisme de contribution au service public de l’électricité, ou CSPE.
Depuis le 1
Néanmoins, la réforme la plus importante – vous l’avez d’ailleurs votée ; peut-être pas tous, certes – contre la pollution de l’air, c’est la convergence progressive entre l’essence et le diesel. C’était votre proposition n
Nous avons estimé que ce signal était important pour nos industries, dans la perspective d’une « dédiésélisation » de la France, et qu’il ne convenait pas d’y ajouter la même année le principe de déductibilité de la TVA sur l’essence. Le sujet reste évidemment ouvert pour les prochaines années.
Dans le même temps, et cela a été rappelé, nous avons voulu encourager les biocarburants, en différenciant la fiscalité applicable au E5, qui intègre moins de 5 % de bioéthanol, et le E10, qui en intègre jusqu’à 10 %. Encourager les biocarburants, c’est réduire les émissions et utiliser une énergie renouvelable. C’était le deuxième « plus un, moins un », au sein des essences cette fois, qui a été adopté en loi de finances rectificative.
Les émissions polluantes sont par ailleurs soumises à la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Aujourd'hui, dix-huit substances y sont assujetties, dont douze depuis 2013. Il s’agit là d’une véritable imposition incitative, puisqu’elle internalise dans le coût privé des entreprises le coût social de la pollution de l’air.
Les redevables de cette TGAP peuvent déduire de la taxe due les dons effectués aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. La déduction s’exerce dans la limite de 25 % du montant de taxe due ou de 171 000 euros. La loi de finances pour 2016 prévoit désormais que ce plafond s’appréciera par installation, ce qui aura pour effet de pérenniser le financement de ces associations, conformément à la proposition n
Nous avons poursuivi l’encouragement de la méthanisation, qui permet de produire de l’énergie par un processus naturel de dégradation biologique de la matière organique dans un milieu sans oxygène. La méthanisation permet de limiter les émissions de méthane. Les exonérations de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises ont été pérennisées en loi de finances et étendues aux méthaniseurs pionniers. Là encore, le sujet est en débat.
Enfin, dans le domaine de la mobilité, outre le soutien au développement des infrastructures de transport collectif, qui contribue sur le long terme à la réduction des émissions de CO2, l’État intervient directement pour favoriser l’acquisition de véhicules propres au travers du dispositif de bonus-malus automobile – Mme Keller y a fait référence –, financé par un compte d’affectation spéciale dédié, pour un total d’environ 270 millions d’euros en 2016.
Cet outil, initialement ciblé sur la pollution au CO2, a été complété en 2015 d’un volet de lutte contre les particules fines, au travers d’une prime en faveur de la conversion des vieux véhicules diesel en véhicules propres. Cette prime, qui permet de bénéficier d’une aide totale de 10 000 euros pour l’acquisition d’un véhicule électrique, est reconduite pour toute l’année 2016 et s’applique désormais pour les vieux véhicules dès dix ans d’âge, et non plus quinze ans.
Les véhicules polluants sont soumis au malus automobile, qui est une taxe assise sur le nombre de grammes de CO2 émis par kilomètre, ainsi qu’à la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation reposant sur un barème par gramme de CO2 croissant selon les émissions du véhicule par kilomètre. Elle est due lors des renouvellements de certificats, donc lors des achats d’occasion.
Le malus annuel ou la taxe sur les véhicules de société tiennent également compte des émissions de polluants.
J’ai donc le sentiment que nous avons mis à profit les rendez-vous budgétaires et fiscaux que sont les lois financières à l’automne pour avancer comme jamais – j’ose le dire – sur le chantier que vous aviez contribué à clarifier.
Au-delà des enjeux qui me concernent plus directement, tout le Gouvernement est mobilisé. À la suite de l’épisode de pollution de l’air du mois de mars 2015 et à la parution de votre rapport, un plan d’action pour améliorer la qualité de l’air a été annoncé par ma collègue Ségolène Royal le 30 septembre 2015. Il prévoit, notamment, de modifier l’arrêté interministériel de 2014 concernant le déclenchement des procédures préfectorales en cas de pollution de l’air ambiant.
Ce matin même, mon collègue Alain Vidalies a soutenu une proposition de loi du député François de Rugy. Sans attendre son adoption définitive, M. Vidalies a annoncé la mise en signature d’un arrêté interministériel permettant de déclencher plus rapidement les mesures d’urgence pour protéger la santé des citoyens et de les maintenir tant que les conditions météorologiques restent défavorables, après consultation des élus locaux.
Enfin, je le rappelle, le Gouvernement a remis un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse au mois d’octobre dernier, et ce n’est pas anodin. Ce document inclut deux indicateurs qui prennent en compte directement les politiques publiques permettant de réduire les émissions de particules polluantes, à savoir l’empreinte carbone et le taux d’artificialisation des sols. Sur le premier, la France fait mieux que la moyenne européenne. Sur le second, elle est dans la moyenne européenne, mais fait mieux que nos trois principaux voisins : l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni. C’est une démarche de transparence, qui a vocation à accompagner nos réformes.
Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer la COP21. La France a mis tout son poids dans la négociation pour parvenir à un accord ambitieux, visant notamment à réduire les émissions à l’échelle de la planète, afin de limiter la hausse de température dans les années à venir. Le ministère des finances y a pris sa part, en particulier pour le volet relatif au financement de la lutte contre le réchauffement climatique.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ma présentation a été concentrée sur les aspects budgétaires et fiscaux de ce vaste sujet. Ils constituent un élément essentiel de l’action du Gouvernement contre la pollution de l’air, mais, nous en avons tous conscience, ils ne l’épuisent pas. Ce sont bien entendu l’ensemble des moyens de l’État qui sont mobilisés pour agir sur la pollution et la réduire progressivement, afin de laisser un monde et une atmosphère plus propres à nos enfants.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Mme la présidente.
M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom de quatre sénateurs, deux titulaires et deux suppléants, pour siéger au Conseil national de la mer et des littoraux.
Mme la présidente.
Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été saisie.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 janvier 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi et un arrêt de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
Mme la présidente.
- l’article 34 du décret n
- l’article L. 341-10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 janvier 2016.
Mme la présidente.
À quatorze heures trente : projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n
Rapport de M. Jérôme Bignon, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n
Texte de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n
Avis de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures.)
M. Michel Canevet
Mme la secrétaire d’État, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire
Il en est ainsi des organismes d’assurances mutualistes qui assurent la protection sociale de beaucoup de nos concitoyens. Un hebdomadaire de presse a, récemment, fait état du parc de véhicules de fonctions dédié aux dirigeants d’un organisme mutualiste.
Dans l’information ainsi relayée, il était fait état de véhicules de type Porsche « Cayenne » – dont chacun connaît le coût – affectés à plusieurs cadres de direction.
La France venant d’organiser la conférence sur les variations climatiques (COP 21) en fin d’année 2015, avec des objectifs ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique, il paraît utile qu’une large prise de conscience s’effectue par les dirigeants d’entreprises dans les secteurs coopératifs et mutualistes.
Il souhaite connaître sa position sur ces pratiques et, notamment, vis-à-vis de l’éthique de fonctionnement dans le domaine de l’économie sociale et solidaire.
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DEBATS/SEN_20160213_017.xml | Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Amendement n
Mme Dominique Gillot
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Amendement n
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
M. Pierre Laurent
Mme Marie-Christine Blandin
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Mme la présidente
M. Roger Karoutchi
Adoption de l’article.
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendements identiques n
M. David Assouline
Mme Marie-Christine Blandin
Adoption de l’article.
Amendement n
Mme Audrey Azoulay, ministre
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Mme Marie-Pierre Monier
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendements identiques n
L’article demeure supprimé.
Mme Audrey Azoulay, ministre
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
M. Philippe Bonnecarrère
Adoption de l’article modifié.
Mme Audrey Azoulay, ministre
Mme Françoise Férat, rapporteur
M. Alain Fouché
M. David Assouline
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Mme Marie-Pierre Monier
Renvoi de la suite de la discussion.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue (n
M. le président.
Madame la ministre de la culture et de la communication, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle et forme des vœux pour la réussite de votre action dans les nouvelles responsabilités qui vous ont été confiées.
M. le président.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Madame la ministre, chère Audrey Azoulay, au nom des membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je vous adresse nos salutations républicaines à l’occasion de votre nomination et vous souhaite la bienvenue au Sénat pour la reprise de nos travaux sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Nous avons déjà effectué un travail très important sur ce texte, maintes fois annoncé, maintes fois différé, et enfin inscrit à l’ordre du jour. Je ne vous cache pas que nous avons été quelque peu désorientés, hier, à l’annonce du changement intervenu à la tête du ministère de la culture et de la communication.
Néanmoins, sachez que nous sommes dans un état d’esprit constructif, comme il est de tradition au Sénat. Nous nous engageons donc avec confiance dans la poursuite de nos travaux.
Certains d’entre nous ont la chance de vous connaître et savent que nous allons pouvoir travailler de manière fructueuse avec vous.
Madame la ministre, au nom de tous les membres de la commission de la culture, soyez la bienvenue !
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous faire part de l’émotion qui est la mienne au moment de prendre la parole devant la Haute Assemblée. Je mesure la responsabilité qui m’a été confiée par le Président de la République.
Mme Audrey Azoulay,
ministre de la culture et de la communication.
Je voudrais tout particulièrement saluer certains sénateurs que je connais bien, que j’apprécie et avec lesquels je me réjouis de pouvoir œuvrer.
Je ne suis pas sans savoir qu’un travail important a déjà été réalisé sur ce texte, tant en commission qu’en séance publique. Le Gouvernement a d’ailleurs été amené à faire évoluer ses positions, ce dont je me réjouis, car j’ai pu constater dans d’autres fonctions, avec beaucoup de bonheur, que les apports du Sénat étaient toujours constructifs.
Merci, madame la ministre.
M. le président.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n
M. le président.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous informe que nous siégerons jusqu’à vingt heures ce soir. Pour l’organisation de la suite de nos travaux, il faudra très probablement que la conférence des présidents se réunisse mardi.
Dans la discussion de texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre III du titre I
L'amendement n
M. le président.
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de préserver la diversité culturelle et artistique du spectacle vivant au plan national, les sociétés commerciales ayant :
- pour filiale au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce une personne morale ayant pour objet ou exerçant les activités d’entrepreneur de spectacles, ou la possession d’un titre d’effet équivalent pour une entreprise ressortissante d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
- une participation dans le capital de cette personne morale au sens de l’article L. 233-2 du même code ;
- ou la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 dudit code, ainsi que les sociétés commerciales ayant pour objet ou exerçant les activités pour lesquelles la ou les licences d’entrepreneur de spectacle, ou la possession d’un titre d’effet équivalent à la licence dans le cas d’une entreprise ressortissante d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, sont nécessaires, et qui sont filiales, bénéficient de participation dans leur capital ou sont contrôlées au sens des articles précités du code de commerce ;
ne peuvent se trouver dans plus de deux situations suivantes, lorsque le chiffre d’affaires de leurs activités à ce titre dépasse un seuil fixé par voie réglementaire :
- exercer l’activité d’exploitation de lieux de spectacles ;
- exercer l’activité de production de spectacles ;
- exercer l’activité de diffusion de spectacles ;
- exercer l’activité de distribution ou de sous-distribution de billets de spectacles, à l’exclusion des sociétés exploitant une salle dont elles assurent en tout ou partie la distribution des billets ;
- exercer l’activité d’édition de production ou de distribution phonographique.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
À mon tour, je souhaite la bienvenue à Mme la ministre. J’espère que nous conduirons ensemble dans cet hémicycle de fructueux travaux en faveur des arts et de la culture.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
J’adresse également mes amitiés à Mme Fleur Pellerin, que nous n’avons pas eu l’occasion de saluer avant son départ.
Cet amendement vise à défendre encore la diversité culturelle, à partir d’un constat relativement simple : la concentration d’activités identiques mais liées entre quelques mains conduit bien souvent à une uniformisation des contenus et, partant, à une mise à mal de la diversité culturelle. Notre position, vous le savez, est constante, sur cette question comme sur celle de la presse.
Nous souhaitons limiter le cumul d’activités par quelques personnes, qui, bien souvent, se disent qu’en contrôlant à la fois la création, la conception, la distribution et la promotion, elles pourront la façonner. N’est-ce pas là, au fond, la définition même de la concentration culturelle et artistique ?
L’enjeu n’est pas tant d’empêcher les sociétés commerciales de pratiquer une activité pour laquelle elles ont des compétences reconnues, mais bien de limiter le cumul d’activités en tant que phénomène nuisible à la diversité culturelle.
L’amendement a donc pour objet d’empêcher les sociétés commerciales, lorsque leur chiffre d’affaires dépasse un seuil fixé par voie réglementaire, de cumuler plus de deux activités parmi les suivantes : l’exploitation de lieux de spectacles ; la production et la diffusion de spectacles ; la distribution de billets de spectacles ; l’édition de production ou de distribution photographique.
À titre d’exemple, il nous apparaît aujourd’hui dangereux qu’une même personne puisse à la fois produire un spectacle, gérer sa promotion ou encore louer la salle dans laquelle il se joue, et ce pour une raison très simple : comment s’assurer que cette personne n’utilisera pas, pour ses seuls spectacles, une salle parfois publique, mais qui serait sous gestion privée ?
Madame la ministre, je pense que vous aurez saisi l’intention qui est la nôtre avec cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Madame la ministre, je m’associe bien entendu aux vœux de bienvenue de Mme la présidente de la commission de la culture. Vous arrivez non seulement au beau milieu de la discussion d’un texte, mais également entre deux amendements portant sur le même sujet : l’un qui a été débattu hier et l’autre qui vient d’être présenté. C’est un peu compliqué !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Cet amendement vise, comme celui d’hier, à encadrer les concentrations excessives dans le domaine du spectacle vivant. Nous avons déjà développé hier les arguments nous conduisant à émettre un avis défavorable à l’adoption de cet amendement, en l’état, en tout cas, même si l’on comprend bien l’objectif visé.
Je le répète, la législation actuelle comporte déjà des outils de contrôle et de régulation pour les grosses opérations de concentration.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je comprends la préoccupation exprimée au sujet d’une possible concentration des salles dédiées au spectacle vivant. Nous devons bien entendu faire en sorte de préserver la diversité artistique qui s’exprime dans ces lieux, mais, aujourd’hui, compte tenu de la législation existante, je vous propose, de retirer cet amendement, faute de quoi, à l’instar de M. le rapporteur, j’émettrai un avis défavorable. J’ajoute, mais j’imagine que cela a été évoqué hier, qu’une étude est en cours au ministère de la culture pour permettre de mieux préciser les choses.
Mme Audrey Azoulay,
ministre de la culture et de la communication.
Madame Gonthier-Maurin, maintenez-vous votre amendement ?
M. le président.
Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de porter cette préoccupation, mais, en guise de cadeau de bienvenue à Mme la ministre, je retire l’amendement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
(Sourires.)
L’amendement n
M. le président.
L'amendement n
M. le président.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur la situation du dialogue social et de la représentativité des négociateurs professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Madame la ministre, je vous souhaite à mon tour la bienvenue au Sénat !
Mme Sylvie Robert.
Cet amendement vise à réintégrer le dispositif supprimé lors de l’examen en commission par notre rapporteur, qui, nous le savons, n’aime pas beaucoup les rapports.
(Sourires.)
Cependant, le rapport dont il s’agit ici est essentiel, dans la mesure où il porterait sur la situation du dialogue social et sur la représentativité des négociateurs professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré.
Nous connaissons les difficultés des employés du secteur, nombre d’entre eux subissant les affres du régime de l’intermittence. Nous savons également qu’un certain nombre de menaces permanentes pèsent sur les annexes VIII et X de la convention UNEDIC.
Le secteur est le seul qui ne soit pas représenté au niveau multiprofessionnel, bien que la FESAC, qui regroupe plus de trente organisations, dispose pleinement des compétences pour négocier à ce niveau. J’y reviendrai d’ailleurs en présentant un amendement visant à soutenir le quatrième champ multiprofessionnel.
À mon sens, il est important que nous disposions de ce rapport d’expertise, qui nous donnerait des éléments pour continuer à analyser le spectacle vivant. J’espère donc, monsieur le rapporteur, que vous serez plus diligent à l’égard de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Vous avez ma réponse dans votre commentaire, ma chère collègue…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Notre commission a supprimé cet article, comme elle a supprimé les huit autres demandes de rapport contenues dans ce texte. Nous avons également émis un avis défavorable sur les nombreuses autres demandes de rapport présentées par amendement. Au Sénat, depuis quelque temps, nous essayons d’éviter d’introduire dans la loi des dispositions n’ayant pas de caractère normatif.
Sur la forme, donc, je ne puis qu’être défavorable à cet amendement.
Sur le fond, maintenant, car c’est l’objet de votre préoccupation, la rédaction d’un rapport sur ce sujet ne me paraît pas constituer une réponse suffisante au problème soulevé par la représentativité des négociateurs professionnels dans le domaine du spectacle vivant, compte tenu de l’imminence de l’ouverture des négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage.
Mieux vaudrait déterminer directement les parties qui seront autorisées à prendre place autour de la table des négociations, par exemple par le biais d’un décret, comme l’avait proposé la commission des affaires sociales du Sénat lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, au printemps dernier.
Pour ces deux raisons, de forme et de fond, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Nous sommes favorables à cet amendement, qui s’inscrit dans la dynamique que vous avez rappelée, madame la sénatrice. Je rappelle en effet que les partenaires sociaux du domaine du spectacle se sont vu confier des responsabilités nouvelles, notamment dans le cadre de la discussion sur le régime de l’assurance chômage.
Mme Audrey Azoulay,
À notre sens, il est important que cette étude, qui est très attendue par les partenaires sociaux, puisse être faite.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 14 A est rétabli dans cette rédaction.
M. le président.
L'amendement n
M. le président.
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1254-24 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne peut être conclu de contrat de portage salarial pour l’emploi d’un travailleur des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle pour lequel il est d’usage de recourir à un contrat de travail à durée déterminée, en application du 3° de l’article L. 1242-2. »
La parole est à M. David Assouline.
Madame Azoulay, à mon tour, je voudrais vous souhaiter bonne chance. Je forme le vœu que nous puissions travailler du mieux possible sur ce texte important. Je tiens également à saluer le travail fourni par Mme Fleur Pellerin.
M. David Assouline.
Madame la ministre, nous nous connaissons. Vous êtes compétente, je le sais, et vous êtes une femme de culture. Je sais à quel point vous aimez la culture, ce qui est très important pour nous qui travaillons sur ces sujets et percevons cet attachement à la culture comme un vrai supplément d’âme. Aujourd'hui plus que jamais, la culture, c’est notre âme, et il faut des ministres qui aiment la culture.
Cet amendement est surtout un appel pour obtenir des précisions sur des pratiques abusives, rendues possibles par les imprécisions de la loi, qui inquiètent les intermittents du spectacle. Je sais que notre collègue Maryvonne Blandin, qui ne peut malheureusement pas être aujourd'hui en séance, tenait beaucoup à cet amendement.
Je l’ai maintenu dans un premier temps, au moins pour entendre la ministre sur ce sujet, mais si les réponses du Gouvernement sont satisfaisantes, il va de soi que je le retirerai.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à interdire le portage salarial dans les domaines du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Les textes formulent déjà les choses assez clairement puisqu’une ordonnance du 2 avril 2015 est venue encadrer strictement l’activité de portage et les modalités de recours au portage salarial. Ainsi, une entreprise ne peut faire appel à un salarié « porté » que pour « l’exécution d’une tâche occasionnelle, ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas ».
Par ailleurs, les entreprises de portage ne peuvent strictement faire que du portage et elles sont les seules à pouvoir en faire. Par conséquent, il nous semble que la législation empêche d’ores et déjà que des entreprises du spectacle vivant puissent faire elles-mêmes du portage.
Une mission commune au ministère de la culture et au ministère des affaires sociales est chargée d’examiner en ce moment le dispositif de la licence d’entrepreneur du spectacle vivant et la question du portage salarial fait partie de la lettre de mission actuelle. Je pense donc, mon cher collègue, qu’il faut lui laisser le temps de rendre ses conclusions.
Pour ces raisons, et parce que la situation est en cours d’évolution, la commission vous demande, mon cher collègue, de retirer votre amendement, comme vous l’avez proposé. À défaut, j’émettrais, au nom de la commission, un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
La position du Gouvernement est la même que celle de la commission. En effet, depuis l’ordonnance de 2015, nous disposons des moyens juridiques qui nous permettent de parer au risque que vous pointez légitimement. De plus, comme vient de le dire M. le rapporteur, une mission est en cours. Le travail qu’elle réalise actuellement permettra de répondre à votre légitime préoccupation.
Mme Audrey Azoulay,
J’émettrais, au nom du Gouvernement, un avis défavorable si l’amendement était maintenu.
Monsieur Assouline, l'amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. David Assouline.
L'amendement n
M. le président.
L'amendement n
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 2152-2 du code du travail, après les mots : « économie sociale et solidaire, », sont insérés les mots : « soit du secteur du spectacle vivant et enregistré, ».
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement, qui prévoit la création d’un quatrième champ multiprofessionnel du spectacle, est important à plusieurs titres.
Mme Sylvie Robert.
Le champ du spectacle est aujourd'hui un niveau de négociation hybride, car le législateur ne connaît que trois niveaux de représentativité : la branche professionnelle, le niveau multiprofessionnel et le niveau interprofessionnel. Le secteur de la culture est le seul des secteurs professionnels à demeurer hors champ. Il n’est représenté ni dans le champ multiprofessionnel ni dans le champ interprofessionnelle.
Cette proposition permet donc de régler la question de la représentativité patronale au niveau du champ du spectacle en lui conférant un niveau de représentativité déjà existant, mais juridiquement non sécurisé aujourd'hui. Non seulement elle ne remet pas en cause le principe de délégation des négociations des annexes VIII et X, mais elle vient, au contraire, la compléter en rendant la consultation obligatoire en cas d’échec des négociations du secteur.
Je rappelle que l’organisme qui représente les employeurs du spectacle vivant, la Fédération des syndicats patronaux des entreprises du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma, la FESAC, gère les questions sociales communes aux neuf branches du secteur du spectacle. Outre qu’il négocie les accords, il est compétent sur la question de l’assurance chômage, mais aussi sur l’ensemble des autres questions sociales. Je pense, bien sûr, à la sécurisation des parcours professionnels, à la médecine du travail, à la pénibilité…
À ce jour, il est hors champ et les organismes représentatifs du secteur n’ont jamais pu être associés à la préparation des accords nationaux interprofessionnels qui sont transposés en l’état dans la loi. Les conséquences peuvent en être lourdes pour le secteur.
À ce titre et compte tenu des spécificités d’emploi dans le spectacle, il paraît vraiment essentiel que le secteur soit consulté par les organisations interprofessionnelles, comme le sont les secteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’agriculture et des professions libérales, qui constituent les trois champs multiprofessionnels déjà définis par le code du travail.
La création de ce quatrième champ permettra aussi aux organisations du secteur d’être associées aux discussions sur la question du financement du paritarisme et, ainsi, sur le niveau du financement que pourra obtenir le secteur - et même chacune des branches du spectacle. Cela garantirait en outre de ne pas mettre en péril les équilibres financiers des partenaires sociaux du spectacle.
L’adoption de notre amendement octroyant une reconnaissance légale à un champ multiprofessionnel du spectacle vivant et enregistré permettrait véritablement d’asseoir des modalités d’association plus poussées des partenaires sociaux représentatifs de l’ensemble du spectacle, d’une part, à la négociation des règles d’assurance chômage des artistes et techniciens, d’autre part, plus largement, à l’ensemble des questions sociales qui les concernent.
Ce quatrième champ est très attendu par les professionnels. J’espère que la commission et le Gouvernement émettront un avis favorable sur cette proposition.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
À plusieurs reprises, depuis le mois de novembre, pendant les auditions et en réunion de commission, nous nous sommes demandé si toutes les demandes formulées auprès de nous sur les aspects sociaux ou les relations syndicales – les sujets sont infinis ! - avaient vraiment leur place dans ce texte dont je le rappelle qu’il est « relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ». En 2014, le Parlement a largement débattu de la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Ce cadre était probablement le mieux adapté pour régler ces problèmes que vous soulevez tout à fait légitimement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
En l’état, cet amendement a déjà été rejeté par la commission. Vous revenez avec la même proposition, ce que je comprends, connaissant votre opiniâtreté et votre souci d’aboutir, que je respecte profondément.
Cette question relève principalement du champ de la commission des affaires sociales, que nous avons consultée sur le sujet. Ce mécanisme a été créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Le Sénat a donc déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet, et il s’est prononcé contre : lors de l’examen de la loi précitée, l’amendement avait reçu deux avis défavorables, l’un de la commission des affaires sociales, l’autre du Gouvernement.
On ne peut pas parler d’organisations multiprofessionnelles pour le spectacle vivant et enregistré comme on le fait pour les activités agricoles, les professions libérales ou l’économie sociale et solidaire ne relevant pas du champ couvert par des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, c'est-à-dire la FNSEA, l’UNAPL, et l’UDS.
Sans remettre en cause, sur le fond, vos propositions, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Monsieur le rapporteur, vous venez d’indiquer que la commission des affaires sociales du Sénat avait émis un avis défavorable sur le sujet. Il en va de même du ministère des affaires sociales.
Mme Audrey Azoulay,
Cela étant, je comprends votre position, madame la sénatrice. Aujourd'hui, dans le dispositif instauré pour la négociation sur l’assurance chômage, il est déjà prévu un mécanisme d’articulation au niveau interprofessionnel. C’est un premier élément de réponse.
Second élément de réponse, le rapport vient d’être rétabli dans le texte. Il va permettre de faire un état des avancées et difficultés potentielles sur la représentativité dans le secteur du spectacle.
Madame Robert, l'amendement n
M. le président.
Je le maintiens, monsieur le président.
Mme Sylvie Robert.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 A.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n
L'amendement n
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4622-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa, dans le cas des dépenses effectuées pour les journalistes rémunérés à la pige relevant de l’article L. 7111-3, pour les salariés relevant des professions mentionnées à l’article L. 5424-22 et pour ceux définis à l’article L. 7123-2 ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale. »
La parole est à M. David Assouline.
L’article L.4622-6 du code du travail soulève des difficultés d’ordre pratique. Il dispose que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs. Dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés. »
M. David Assouline.
Beaucoup d’entreprises emploient des artistes et des techniciens du spectacle, des journalistes rémunérés à la pige et des mannequins. Les personnes qui emploient ce type de personnel sont, par définition, des multiemployeurs.
Sur la base des dispositions du code du travail, chaque employeur devrait verser une cotisation pour chaque contrat d’engagement, alors même qu’une seule visite médicale serait effectuée. Cette situation remettrait en cause tous les efforts entrepris depuis des décennies afin de favoriser la surveillance médicale de ces populations parfois fragilisées.
En outre, la proportionnalité des frais assise sur l’effectif semble peu en adéquation avec les missions des services de santé au travail telles qu’elles ont été consacrées par la réforme de 2011, laquelle leur a octroyé un caractère de plus en plus collectif.
Nous proposons donc de définir une assiette centrée sur la masse salariale, ce qui permettrait de prendre en considération les spécificités des personnels visés. Cette solution répondrait à une logique économique plus claire et plus pertinente.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement, comme celui qui n’a pas été défendu, vise à ce que le coût d’adhésion à la médecine du travail des employeurs d’intermittents, de journalistes rémunérés à la pige et de mannequins soit calculé non sur la base du nombre de personnes employées au cours d’une année, mais proportionnellement à la masse salariale, c’est-à-dire au prorata entre les différents employeurs.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cette question relève essentiellement du champ de la commission des affaires sociales. Néanmoins, cet amendement appelle de ma part plusieurs commentaires.
On peut d’abord s’étonner que cette question surgisse soudainement, alors que la rédaction de l’article L. 4622-6 du code du travail est déjà ancienne : elle date de 2007.
Ensuite, la réforme de la médecine du travail est aujourd’hui à l’étude. Un rapport a été rendu au Gouvernement le 21 mai dernier et cette question devrait être abordée dans le projet de loi que la ministre du travail présentera, selon le calendrier parlementaire qui nous a été transmis, en mars prochain. Ce type de dispositions y trouverait davantage sa place.
Enfin, l’adoption de cet amendement ouvre la voie à des revendications multiples. Pourquoi ne pas également prévoir des dispositions similaires dans le secteur du nettoyage, où la grande majorité des emplois sont à temps partiel ?
Il existe un autre risque sur lequel je voudrais attirer votre attention : celui de voir échapper à la visite médicale obligatoire, du fait de problèmes d’organisation, un certain nombre d’intermittents du spectacle qui ont plusieurs employeurs, chacun pensant que l’autre s’en occupe. Actuellement, ils ont la responsabilité de veiller sur la santé de leurs salariés.
Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est favorable à cette proposition, qui vise à remédier à un dispositif
Mme Audrey Azoulay,
per capita
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 A.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 20 de loi n
L’amendement n
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour défendre l’amendement n
Cet amendement vise à élargir la définition des métiers d’art. En effet, celle-ci ne concerne aujourd’hui que les personnes physiques, ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante –j’ai bien dit « indépendante » – de production de création, de transformation, de conservation, de restauration du patrimoine. Nous proposons d’y intégrer les nombreux salariés qui œuvrent dans les ateliers, manufactures ou entreprises de notre territoire et qui contribuent tout autant au rayonnement et à la transmission des métiers d’art.
Mme Sylvie Robert.
Nous sommes très attachés à tous ces métiers qui maillent notre territoire. La suppression du mot « indépendante » permettrait d’élargir cette notion de métiers d’art.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La définition des métiers d’art mérite évidemment réflexion. La qualité d’artisan est intrinsèquement liée à l’accomplissement d’un travail indépendant et, pour l’instant, la définition vise les personnes indépendantes ou des entreprises, mais pas des salariés. Y inclure les salariés des entreprises, ce que de nombreuses organisations souhaitent, est un vaste sujet.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
C’est très important !
Mme Sylvie Robert.
Parmi les salariés d’entreprises manufacturières – maroquinerie, bijouterie… – se trouvent des mains d’or, de véritables artistes, qui suscitent l’admiration de tous.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cela étant, cette mesure est prématurée et mérite approfondissement. La suppression du terme « indépendant » ouvre la possibilité à tout salarié intervenant dans le domaine des métiers d’art de se prévaloir de la qualité d’artisan, quelle que soit potentiellement la nature de l’activité de son entreprise. Cette évolution est de nature à créer une certaine insécurité juridique lors de litiges opposant des artisans indépendants et des salariés dans les métiers concernés.
Dans son rapport pour avis sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, notre collègue Didier Marie était très clair sur le fait que l’appellation « artisan » ne visait non pas les individus, mais les entreprises : « L’article 20 [de la loi du 5 juillet 1996] ne définit pas de manière exhaustive les métiers d’art, mais seulement les entreprises qui, au sein des artisans, “relèvent des métiers d’art” ».
C’est pourquoi, même si nous sommes tous sensibles à cette question, il ne paraît pas souhaitable de toucher aujourd’hui à la rédaction de l’article 20, ce qui risquerait de remettre en cause un équilibre qui existe depuis 1996.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les métiers d’art sont une richesse extraordinaire pour la France, et pas seulement dans le secteur culturel, et nous pourrions valoriser davantage ces savoir-faire. Il est vrai que la définition qui figure aujourd’hui dans la loi ne couvre pas toutes les situations où l’excellence des métiers d’art trouve à s’exprimer. Je pense notamment à la Manufacture nationale de Sèvres ou à la Manufacture des tapisseries des Gobelins, établissements que je connais bien.
Mme Audrey Azoulay,
Le Gouvernement préférerait engager une concertation entre les différents départements ministériels concernés ainsi qu’avec les organisations professionnelles pour parvenir à la rédaction juridique la plus pertinente. Pour autant, compte tenu de l’importance du sujet, sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 A.
M. le président.
L'amendement n
Après l'article 14 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur la situation des arts visuels en termes d’économie, d’emploi, de structuration et de dialogue social.
La parole est à M. David Assouline.
Le secteur des arts visuels n’est pas une industrie culturelle : il est constitué d’une multitude d’acteurs – privés, publics et surtout associatifs – qui maillent l’ensemble du territoire, ce qui fait sa force mais aussi sa faiblesse. Il en résulte notamment que les arts visuels sont régulièrement les oubliés et les « parents pauvres » de toutes les politiques publiques.
M. David Assouline.
L’amendement, adopté lors de l’examen du texte en commission, vise à permettre aux artistes visuels d’être rémunérés au titre de l’exploitation de leurs œuvres en ligne. Je m’en réjouis.
Il reste néanmoins beaucoup à faire, en particulier en termes de droits sociaux. Je l’ai souligné dans le rapport pour avis sur la création et le cinéma que je remets chaque année ainsi que dans les débats précédents : la situation de la couverture sociale et des droits sociaux de ces professions est lamentable pour un pays comme la France, qui, depuis longtemps, s’honore tant de grands artistes dans ces domaines.
Ces quelques grands noms très connus masquent la situation de la plus grande partie des artistes. Le public a tendance à penser que les artistes vivent tous très bien de leurs œuvres et de leur art ; il ignore que, dans leur majorité, les artistes vivent sous le seuil de pauvreté et que leur situation sociale n’est pas bonne du tout.
Il convient notamment de consolider et moderniser le régime de sécurité sociale des artistes-auteurs. C’est aujourd’hui un impératif. Dans la pratique, le droit commun n’est pas respecté, notamment par l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, l’AGESSA, qui ne collecte pas la cotisation vieillesse des assujettis.
Les photographes sont toujours tenus d’exercer trois années d’activité pour pouvoir bénéficier du régime de sécurité sociale. Parmi l’ensemble des déclarants en bénéfices non commerciaux, les artistes-auteurs sont à la fois les plus précaires et les seuls pénalisés pour le calcul de leurs cotisations sociales en raison d’une majoration artificielle de leurs BNC de 15 %. Les artistes-auteurs paient ainsi systématiquement des cotisations sociales, y compris la CSG et la CRDS, sur un montant supérieur à ce qu’ils ont réellement perçu. Et je pourrais poursuivre cette énumération.
À chaque fois, on m’a rétorqué que le ministère de la culture avait conscience de cette situation, mais qu’il fallait une négociation avec le ministère des affaires sociales et le ministère du travail. Or cela fait deux ans que l’on attend des réunions. Ce n’est plus possible ! L’adoption de cet amendement permettra d’accélérer les choses.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Mon cher collègue, pour une fois, je vais vous surprendre !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
M. David Assouline.
Hier, ici même, nous avons longuement débattu de l’importance que, tous, nous accordions aux arts visuels – et nous étions un peu plus nombreux, au passage. Par cohérence, puisque nous venons d’adopter la demande d’un rapport sur le spectacle vivant, il serait mal compris que nous rejetions la demande d’un rapport sur les arts visuels, compte tenu de l’intérêt que nous portons à ce secteur.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Par conséquent, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
La prochaine fois, elle émettra un avis favorable !
Mme Sylvie Robert.
(Sourires.)
La prochaine fois, c’est vous qui irez dans mon sens !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Le président.
Ce rapport est un aiguillon pour le Gouvernement, qui l’invite à mener un travail important sur ces questions. Comme cela a été souligné, ce chantier a à la fois des dimensions sociales et fiscales. Des avancées ont eu lieu, mais, vous avez raison, monsieur le sénateur, on peut probablement aller plus loin.
Mme Audrey Azoulay,
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 A.
M. le président.
L’article L. 7121-2 du code du travail est ainsi modifié :
2° Sont ajoutés des 11° à 13° ainsi rédigés :
« 11° L’artiste de cirque ;
« 12° Le marionnettiste ;
« 13° Les personnes dont l’activité est reconnue comme un métier d’artiste-interprète par les conventions collectives du spectacle vivant étendues. » –
L'amendement n
M. le président.
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pour garantir le recours au contrat à durée déterminée d’usage, le contrat de travail contient les éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Les accords ou conventions collectives définissent ce que sont les éléments précis et concrets. Ils précisent dans quels cas il s’agit d’un usage constant du contrat à durée déterminée et dans quels cas il s’agit d’un surcroît d’activité.
II. – Lorsqu’un même salarié employé régulièrement sous contrat à durée déterminée d’usage sur le même emploi a effectué auprès d’une même entreprise un volume moyen annuel de 75 % de la durée annuelle de travail, en référence au nombre d’heures équivalent temps plein défini dans chaque convention collective, constaté sur deux années consécutives, l’employeur propose un contrat à durée indéterminée, soit un contrat à durée indéterminée de droit commun à temps complet, dans les conditions précisées ci-après. Les éventuelles dérogations pour les spectacles exploités sur une longue durée sont traitées dans les conventions collectives.
Lorsque la succession de contrat à durée déterminée sur un même poste pour le même objet, contractée par différents salariés, a pour effet d’atteindre l’équivalent de 100 % sur vingt-quatre mois d’un poste équivalent à temps complet, ce poste est couvert par un contrat à durée indéterminée à temps complet.
III. – La proposition d’un contrat à durée indéterminée de droit commun à temps complet en application du I est faite par l’employeur dans les deux mois suivant la réalisation des conditions susvisées, par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Les organisations syndicales de salariés et d’employeurs sont destinataires de ces courriers. Elles peuvent intervenir à tout moment pour rendre effective la requalification en contrat à durée indéterminée. À cette fin l’employeur est tenu de leur fournir le registre du personnel.
Dans le cas où le salarié concerné refuserait la requalification en contrat à durée indéterminée l’employeur organise le recrutement sur ce poste de travail en contrat à durée indéterminée.
L’employeur, en application du II, organise dans les deux mois suivant la réalisation des conditions susvisées, le recrutement d’un salarié en contrat à durée indéterminée à temps complet pour couvrir le poste de travail réputé, désormais, être un emploi permanent, en tenant compte des conditions de recrutement précisées dans les conventions collectives. Les salariés, ayant le plus rempli de contrats de travail ou dont la durée de travail est la plus importante pour couvrir ce poste, ont une priorité d’examen de leur dossier pour se voir proposer un contrat à durée indéterminée.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement vise à renforcer la sécurité des artistes intermittents et à prévoir, dans un premier temps, que, lors de l’établissement d’un contrat à durée déterminée d’usage, ou CDDU, ce dernier contienne une motivation à son recours, justifiant en quoi l’activité contractualisée est par nature temporaire. Les éléments constituant cette justification sont renvoyés aux négociations et conventions collectives.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Ce faisant, nous entendons lutter contre le système de « permittence », trop souvent utilisé par les structures artistiques et culturelles, qui fragilise à la fois l’emploi et le salarié. Serait ainsi prévue une requalification en contrat à durée indéterminée de droit commun, dans le cas où un salarié aurait, sur deux ans, cumulé au sein d’une même entreprise et sur un même poste un volume moyen annuel équivalent à 75 % de la durée annuelle de travail.
Il s’agit à la fois d’une mesure de transparence et de justice sociale.
C’est une mesure de transparence, car l’établissement de critères permettant de justifier le caractère temporaire de l’activité doit permettre de limiter le recours à des CDDU qui, par nature, détournent des dispositions législatives et conventionnelles.
C’est une mesure de justice sociale, car le phénomène de permittence porte en son sein même une précarisation du travail. L’imprévisibilité due au recours aux CDDU perd tout sens logique lorsque l’activité est par nature permanente.
Par ailleurs, l’argument entendu régulièrement selon lequel un CDDU favoriserait les salariés, qui pourraient obtenir des indemnités de fin d’activité, semble bien léger si l’on fait le calcul des pertes engendrées par l’absence d’évolution de carrière et le préjudice subi en matière de retraites.
Pour finir, l’adoption de cet amendement renforcerait les dispositions jurisprudentielles des jugements de la chambre sociale de la Cour de cassation des 23 janvier et 24 septembre 2008, ainsi que du 30 novembre 2010.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je ne suis pas certain que l’adoption de cet amendement soit génératrice d’un dynamisme extraordinaire dans la création artistique, ce qui est tout de même l’objet de ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Sur le problème du recours au CDDU au détriment d’emplois permanents dans le milieu artistique, des avancées significatives ont été enregistrées en la matière avec la loi du 17 août 2015 relative dialogue social et à l’emploi. L’article 34 a ainsi donné aux organisations représentatives d’employeurs et de salariés dans le domaine de l’intermittence jusqu’au 31 mars 2016 pour négocier entre elles les conditions de recours au CDDU. Il les a également autorisées à réviser, dans le même délai, les listes des emplois pouvant être pourvus par CDDU, en adéquation avec les règles fixées par le code du travail.
Quelques mois à peine après avoir profondément renouvelé le cadre de la négociation dans le domaine de l’intermittence et avoir donné aux partenaires sociaux la possibilité de discuter entre eux sur les sujets qui les touchent directement, il serait dommage que le législateur ne laisse pas le temps à la négociation de se dérouler et vienne dicter les règles en la matière.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, mais pour des raisons de calendrier plus que de fond.
Mme Audrey Azoulay,
En effet, des discussions en commissions mixtes paritaires ont lieu en ce moment même sur les conditions de recours aux CDDU et sur la liste des métiers concernés. Si cet amendement était adopté, on s’immiscerait dans le dialogue social actuellement en cours.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
M. le président.
Cet amendement vise à introduire davantage de transparence. En quoi serait-il en contradiction avec la négociation et le dialogue social ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
I. – Lorsque les collectivités territoriales ou leurs groupements, au sens du deuxième alinéa de l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, agissent en qualité d’entrepreneur de spectacles vivants, les artistes du spectacle vivant qu’ils engagent pour une mission répondant à un besoin permanent sont soumis aux dispositions applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale.
II. – Ces artistes sont soumis au code du travail lorsqu’ils sont employés dans les conditions prévues au 3° de l’article L. 1242-2 du même code. –
I. – Les entrepreneurs de spectacles vivants détenant une licence en application de l’article L. 7122-3 du code du travail mettent à la disposition du ministre chargé de la culture les informations contenues dans les relevés mentionnés à l’article 50
II. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les entrepreneurs de spectacles vivants détenant une licence en vertu de l’article L. 7122-3 du code du travail, ainsi que toute personne qui assure la vente au public de places ou d’abonnements pour des spectacles, mettent à disposition du ministre chargé de la culture, de ses établissements publics et de l’auteur de chaque spectacle ou de la société de perception et de répartition des droits relevant du titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle qui le représente, les informations contenues dans les relevés mentionnés aux articles 50
II. – Les organisations représentatives des entrepreneurs de spectacles vivants peuvent conclure avec les sociétés de perception et de répartition des droits relevant du titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle des accords pour définir les modalités et conditions de communication à ces sociétés des informations mentionnées au I du présent article.
III. – Les modalités d’application du I sont précisées par décret.
À défaut d’un accord tel que prévu au II dans les six mois de l’entrée en vigueur de la présente loi, les modalités et conditions de la communication des informations aux sociétés de perception et de répartition des droits sont fixées par décret.
La parole est à M. David Assouline.
Toutes les études récentes montrent que, à l’exception de la plupart des salles de moins de 100 places, la très grande majorité des théâtres privés et quelques théâtres publics ont institué, depuis quelques années, des frais de location, d’un montant souvent compris entre 1 et 3 euros, voire davantage.
M. David Assouline.
Selon les théâtres, ces frais se justifiaient par le coût du développement des nouvelles technologies. Il leur a en effet fallu investir dans de nouveaux équipements nécessaires à la mise en place de la billetterie informatisée et des nouveaux modes de contrôle d’accès – des douchettes pour la lecture des codes-barres –, à la mise en œuvre et à la gestion d’un système de réservation
La pratique des frais de location en vigueur dans les théâtres privés parisiens, syndiqués ou non, est désormais quasiment généralisée. Elle s’est même étendue à certains théâtres publics parisiens.
C’est là une spécificité parisienne, car, en dehors de Paris, la pratique de frais de location semble peu répandue, à de rares exceptions – les grandes salles, les Zénith.
Les pratiques en matière de frais de réservation sont relativement hétérogènes. Ces frais sont prélevés soit par le site internet des salles, soit par des entreprises de billetterie. Les prix peuvent être fixes ou non sur un même spectacle ; ils peuvent varier en fonction du prix de la place. Ces frais ne sont pas toujours précisés et détaillés.
En plus de ces frais de location, se mettent aussi désormais en place des abonnements payants, dans certains lieux du secteur public comme auprès d’opérateurs privés, permettant de bénéficier de places à tarif réduit pour les spectacles et dont les montants encaissés par les théâtres ou les intermédiaires n’entrent pas dans l’assiette de calcul des droits d’auteurs.
Mais j’en viens au fait.
Dans les tarifs observés, les frais prélevés par les théâtres peuvent représenter jusqu’à 40 % du prix de la place, même si, en moyenne, ils se situent, pour les places à plein tarif, entre 5 % et 10 % du prix du billet pour les places de première et deuxième catégorie et aux alentours de 15 % pour les places de troisième catégorie. À ces chiffres, il convient d’ajouter les éventuels frais prélevés par les entreprises de réservation indépendantes, qui varient entre 8 % et 11 %.
Certaines salles vertueuses isolent bien l’ensemble de ces frais, mais ce n’est pas toujours le cas. La pratique des organisateurs de spectacles ou des personnes qui assurent la vente des spectacles, notamment au public, n’étant pas uniforme, il serait utile qu’elle puisse faire l’objet d’une information précise du ministère de la culture et de la communication, ainsi que de l’auteur ou de son représentant, généralement une société d’auteurs.
Cette transparence est indispensable pour contrôler la réalité des redditions de comptes sur les exploitations. Le projet de loi, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, a d’ailleurs prévu l’amélioration de la transparence de la billetterie.
En conséquence, nous proposons une rédaction plus précise de l’article 16 afin d’avancer sur ce sujet et de rassurer les auteurs.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à étendre l’accès aux données de remontée de la billetterie aux établissements publics qui dépendent du ministère de la culture, ainsi qu’aux auteurs de spectacles et aux sociétés de gestion de droits d’auteur.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je rappelle que l’article 16 a pour objectif final la mise en place d’un observatoire de la création – nous y sommes tous favorables, ce sujet étant à l’ordre du jour depuis de nombreuses années.
Cet observatoire, qui serait directement placé auprès du ministre de la culture, serait chargé d’analyser les secteurs du spectacle vivant, des arts plastiques et des industries culturelles qui y sont liées.
Une base légale était nécessaire pour que cet observatoire puisse avoir accès aux données concernant les billetteries, lesquelles constitueront pour l’observatoire une source importante d’informations pour mener à bien sa mission.
Votre souhait de permettre aux auteurs et aux sociétés de gestion des droits d’auteurs d’avoir accès à ces données est tout à fait compréhensible, car il serait en effet utile qu’ils y aient accès.
Avec le développement de la billetterie en ligne, les frais de réservation et d’intermédiation, ainsi que les éventuelles rétrocommissions, ne sont pas pris en compte dans l’assiette de rémunération des auteurs, alors qu’ils s’imputent au prix des places payé par les spectateurs. Il y a là un véritable problème, qui se pose d’ailleurs également dans les cinémas, nous le savons.
Néanmoins, je ne sais pas si l’article 16 est le meilleur vecteur pour introduire ces dispositions, compte tenu de son objectif, qui est la création d’un observatoire.
Nous souhaiterions donc entendre le Gouvernement sur ce point, et nous nous rallierons sans doute à son avis.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Monsieur le sénateur, vous souhaitez que les informations qui remonteront des entrepreneurs de spectacles vivants vers le ministère de la culture en matière de billetterie aillent également directement vers les sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD.
Mme Audrey Azoulay,
L’instauration de cet observatoire et des remontées systématiques prévues à l’article 16 est absolument fondamentale pour le secteur du spectacle, car, on le sait, il est essentiel de bien connaître les flux économiques et ce qui se passe dans les professions pour mener une politique éclairée, comme nous le souhaitons. L’instauration de cet observatoire un donc très grand progrès, attendu par tous.
Cela étant dit, cet observatoire n’a pas été conçu pour alimenter directement les SPRD aujourd'hui. L’objectif est d’abord de recueillir le maximum de données, lesquelles devront évidemment pouvoir servir également aux différentes sociétés civiles pour élaborer leur propre politique, leurs propres remontées de recettes et leurs propres systèmes de perception.
Nous souhaitons tous la transparence que vous appelez de vos vœux. Dans l’attente d’une expertise plus fine de votre proposition, monsieur le sénateur, et d’éventuelles solutions contractuelles entre cet observatoire et les SPRD, solutions qui auraient notre préférence, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.
M. le président.
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le III de l’article L. 136-5 est ainsi rétabli :
« III. – La contribution sociale généralisée due sur les indemnités de congés payés et sur les avantages conventionnels y afférents, servis par les caisses de congés payés en application de l’article L. 3141-30 du code du travail, est précomptée par la caisse de congés payés instituée pour les employeurs mentionnés à l’article L. 5424-22 du même code, responsable, en application de la dérogation prévue au dernier alinéa de l’article L. 243-1-3 du présent code, du versement des cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées à l’article L. 136-2, à l’article 14 de l’ordonnance n
2° L’article L. 243-1-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le 2° du présent article ne s’applique pas aux employeurs mentionnés à l’article L. 5424-22 du code du travail. » –
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1° L’article 76 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase du II du A est ainsi rédigée :
« Les catégories de spectacles et les critères d'affectation de la taxe sont précisés par décret » ;
b) Le C est abrogé ;
2° L’article 77 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du II du A est ainsi rédigée :
« Les catégories de spectacles et les critères d'affectation de la taxe sont précisés par décret. » ;
b) Le B est abrogé.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à clarifier les critères d’affectation de la taxe fiscale sur les spectacles instituée par la loi de finances rectificative pour 2003 au profit, d’une part, du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV, et, d’autre part, de l’Association pour le soutien du théâtre privé, l’ASTP.
Mme Audrey Azoulay,
Aujourd'hui, des critères sont définis par décrets, mais ils ne sont pas satisfaisants, car ils sont assez restrictifs. Ils posent ainsi des difficultés d’interprétation récurrentes, lesquelles sont parfois spectaculaires, pour l’affectation des taxes, notamment pour les comédies musicales et les spectacles d’humour. Cela a pour conséquence de multiplier les arbitrages au sein de la commission prévue par le décret, voire des contentieux fort longs.
Le présent amendement tend à confier au pouvoir réglementaire le soin de définir des critères d’affectation de la taxe afin d’adapter le dispositif aux évolutions constantes des genres de spectacles et ainsi de prévenir ou de résoudre les litiges entre les organismes percepteurs, voire de diminuer le contentieux.
Cette disposition n'aura aucune incidence sur l'assiette, le taux et le rendement de cette taxe. Il s’agit d’effectuer un partage plus clair entre le CNV d’une part et l’ASTP d’autre part, en accord d’ailleurs avec ces organismes, qui ont été consultés.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il est en effet souhaitable de procéder à une clarification et de lever certaines incertitudes.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cet amendement ayant été déposé tardivement par le Gouvernement, la commission n’a pas pu l’examiner. C’est donc à titre personnel que j’émettrai un avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n
Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :
Éducation artistique et culturelle, enseignement artistique
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement, simple en apparence, est sur le fond d’une grande importance, puisqu’il vise à modifier l’intitulé du chapitre V du titre I
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Si l’intégration de l’enseignement aux arts et à la culture est une bonne chose, nous considérons que la modification de l’intitulé de ce chapitre permettrait de répondre aux besoins d’intelligibilité de la loi. Il est ainsi proposé de remplacer l’intitulé actuel, pour l’heure uniquement centré sur l’enseignement supérieur de la création artistique et l’enseignement spécialisé aux arts et à la culture, afin de prendre en compte l’éducation artistique et culturelle au sens le plus large possible.
Il s’agit notamment de prendre en considération les avancées effectuées ces dernières années, et ce à tous les niveaux éducatifs pour sensibiliser les enfants aux arts et à la culture. Parcours culturels et artistiques à l’école élémentaire, développement, autant que faire se peut, des conservatoires par les collectivités territoriales, initiatives indépendantes de sensibilisation aux arts et à la culture : c’est l’ensemble de ces actions et programmes qui devraient être pris en compte dans un texte ayant pour objet de consacrer la liberté de la création artistique et la culture pour toutes et tous.
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :
Enseignement artistique spécialisé, enseignement supérieur de la création artistique et de l'architecture
La parole est à M. le rapporteur.
La commission a souhaité modifier l’intitulé du chapitre V pour y faire figurer les sujets qui y sont abordés et qui n’avaient probablement pas encore été traités au début de l’examen du texte.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Nous proposons de libeller ainsi le titre du chapitre : « Enseignement artistique spécialisé, enseignement supérieur de la création artistique et de l'architecture ».
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Nous sommes défavorables à l’amendement n
Mme Audrey Azoulay,
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n
M. le président.
Oui, monsieur le président.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l’intitulé du chapitre V du titre I
M. le président.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Il n’étonnera personne que je prenne la parole, à ce stade du débat, sur les conservatoires, ce réseau exceptionnel d’établissements initialement portés par le plan Landowski, dont le maillage est important.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Mers chers collègues, vous connaissez tous mon engagement de longue date pour la défense des enseignements artistiques. Je rappelle que j’ai rédigé un rapport d’information au nom de la commission des affaires culturelles en 2007 et que j’ai récemment déposé deux propositions de loi, preuve s’il en est que ce sujet n’a jamais été abandonné ici au Sénat.
Madame la ministre, je sais gré à votre prédécesseur, Fleur Pellerin, d’avoir reconnu en juin dernier que le ministère n’était pas à l’aise avec ce que le Gouvernement faisait subir aux conservatoires depuis 2012. Rappelons que les crédits de l’État n’ont en effet cessé de se réduire comme peau de chagrin jusqu’à disparaître en loi de finances pour 2015. Ils ont été rétablis pour l’année 2016. De là à proclamer un « plan conservatoires », comme cela a été fait, nous pensons qu’il y a une marge.
Je rappelle tout de même que les crédits pour 2016 n’ont même pas retrouvé leur niveau de 2014, lequel n’était déjà pas celui de 2012, et que les dispositions de l’article 17 A que nous examinerons dans quelques instants ne sont pas encore totalement satisfaisantes, même si je reconnais que cet article s’est enrichi à l’Assemblée nationale de quelques dispositions que nous proposions déjà ici.
Je remercie la commission de la culture, suivant notre rapporteur, Jean-Pierre Leleux, d’avoir jugé bon de reprendre les dispositions que j’avais proposées dans ma proposition de loi de juillet 2015. Je pense qu’il est indispensable que nous puissions régler aujourd’hui, à l’occasion de la discussion de ce texte, la question des conservatoires, qui vivent une crise institutionnelle majeure depuis 2004, doublée d’une crise financière.
Il me semble indispensable d’assurer un développement harmonieux et raisonné de ces établissements et d’ériger les régions en chefs de file des enseignements artistiques spécialisés dans les territoires. Tel est le sens des dispositions qui ont été adoptées par la commission de la culture.
Je serais très heureuse, madame la ministre, que vous puissiez nous apporter au cours de ce débat quelques éléments d’information plus précis sur le financement des conservatoires par l’État, notamment sur les critères et les modalités de répartition des crédits.
J’aimerais également savoir ce qu’il adviendra de l’article L. 216-2-1, qui figure toujours dans la loi et qui prévoit le transfert de l’État aux régions des crédits pour financer les ex-CEPI, les cycles d’enseignement professionnel initial. C’est un point extrêmement important.
Je tiens enfin à vous faire part de l’inquiétude de l’ensemble des acteurs, des directeurs de conservatoire, des professeurs, des parents d’élèves et des élèves s’agissant du fréquent changement de dénomination de ce troisième cycle professionnalisant des établissements : hier CEPI, aujourd'hui COP – classe d’orientation professionnelle –, demain classe prépa… Peut-être n’y a-t-il là qu’un simple glissement sémantique, qu’une simple substitution de nom, mais d’aucuns craignent à brève échéance la disparition de ce cycle spécifique, lequel est pourtant très clairement défini et préconisé dans le schéma national d’orientation pédagogique de votre ministère, ainsi que dans les différents décrets et arrêtés qui s’y rapportent.
L'amendement n
M. le président.
Avant l'article 17 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État et les collectivités territoriales garantissent une véritable égalité d’accès aux enseignements artistiques, à l’apprentissage des arts et de la culture. Cette politique s’exprime notamment par le financement de l’enseignement artistique spécialisé au travers des conservatoires communaux, de communautés de communes, départementaux et régionaux. Ces derniers sont ouverts à toutes et tous et sont des lieux essentiels pour l’initiation, l’éducation et le perfectionnement artistique et culturel.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement, qui fait écho aux préoccupations formulées par Mme la présidente de la commission, vise à rappeler, dès le début du chapitre consacré à l’enseignement artistique et culturel, le rôle fondamental de l’État et des collectivités territoriales dans la constitution d’une société de la culture et des arts, une société où ces domaines sont l’affaire de toutes et tous, et pas seulement la représentation d’une élite par elle-même.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La compétence partagée de la culture, qui pourrait être améliorée, mobilise la puissance publique à tous les échelons, de l’État central et déconcentré aux communes, en passant par les régions et, de plus en plus, par les intercommunalités.
Avant d’aborder le chapitre sur l’enseignement artistique et culturel, il semble essentiel de rappeler le rôle que chacune ou chacun doit tenir, pour permettre une véritable égalité d’accès aux enseignements, à l’apprentissage, à la sensibilisation vis-à-vis des arts et de la culture.
Par ailleurs, l’enjeu est de rappeler la nécessité de pérenniser, de renforcer la situation des conservatoires, aujourd’hui mis à mal financièrement, malgré des engagements ministériels qu’il convient de saluer, car ils ont le mérite d’exister, bien qu’insuffisants au regard de la situation d’urgence touchant certaines structures.
Vous connaissez notre attachement aux conservatoires, qui constituent à nos yeux un outil essentiel à l’initiation, l’éducation et le perfectionnement artistique et culturel. Installés depuis souvent plusieurs décennies dans les quartiers de vie et populaires, ils favorisent, en relation avec les écoles élémentaires et les collèges du secteur, un accès privilégié à la culture et aux arts à des enfants qui n’auraient jamais pu passer les portes de structures privées.
Toutefois, ce constat, cet idéal, doit être relativisé. La précarisation de la situation des conservatoires a mené un certain nombre d’entre eux à augmenter leurs tarifs pour survivre, excluant malheureusement de plus en plus ceux qui ne pourraient jamais se tourner vers des structures privées
L’enjeu de cet amendement est donc de rendre vivant l’idéal d’une puissance publique profondément et concrètement engagée dans l’instauration d’une société des arts et de la culture.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement tend à introduire un article additionnel avant l’article 17 A, relatif à l’enseignement supérieur.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il est proposé de rappeler en termes très généraux la responsabilité de l’État et des collectivités territoriales en matière d’enseignement artistique, ainsi que les missions des conservatoires, qui seraient « des lieux essentiels pour l’initiation, l’éducation et le perfectionnement artistique et culturel ». Certes…
Il ne semble pas opportun d’ajouter un tel article volant sur l’enseignement artistique et les missions des conservatoires. Depuis des années, les lois s’alourdissent progressivement, avec des dispositions qui font doublon. Au Sénat, nous nous efforçons d’être synthétiques, afin d’éviter que la loi ne finisse par devenir une suite d’affirmations péremptoires sans portée juridique.
Je préférerais qu’un tel article additionnel ne figure pas dans le texte. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les conservatoires constituent un exemple intéressant du travail qui est réalisé conjointement par l’État et les collectivités locales en matière culturelle. L’État était présent dans le fonctionnement des conservatoires sur le plan budgétaire de manière assez résiduelle. Pour autant, on a constaté très rapidement les problèmes que son désengagement posait en termes de fonctionnement, et même de doctrine quant à la politique d’éducation menée par les conservatoires.
Mme Audrey Azoulay,
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est revenu sur ce premier mouvement. Je crois qu’il a entendu les préoccupations tout à fait légitimes de Mme la présidente de la commission.
De nouveaux moyens ont été obtenus dès 2016. Une augmentation de 8 millions d'euros a été décidée en loi de finances initiale pour les conservatoires. Cela leur permettra de retrouver cette ambition partagée entre l’État et les collectivités que vous appelez de vos vœux et de prendre davantage en compte l’évolution des réalités territoriales, en structurant mieux l’offre publique.
Vous m’avez interrogée sur les critères qui vont guider le réengagement de l’État auprès des conservatoires. Ils ont été énoncés de manière claire auprès des collectivités et des conservatoires. Ils s’articulent autour de trois lignes fortes.
Premièrement, les conservatoires doivent intégrer et enseigner des disciplines actuelles en terme musical.
Deuxièmement – c’est une dimension transversale de l’éducation artistique et culturelle –, les conservatoires doivent proposer un travail collectif à nos enfants, que ce soit dans les chorales, les orchestres, et pas uniquement un travail individuel, puisque c’est une part également très importante de l’éducation artistique et culturelle.
Troisièmement, les tarifs que proposent les conservatoires doivent être modulés en fonction des revenus des familles, ce qui est aussi un critère important. Même si cela existe déjà souvent, ce n’est pas partout le cas.
Vous avez évoqué la rédaction du texte et le flottement qui en résulterait dans le code de l’éducation. On pourra éventuellement procéder à une codification en deuxième lecture.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, nous ne voulons évidemment pas faire une loi bavarde. Mais le rôle de la loi, c’est aussi de poser des principes fondateurs d’une grande ambition !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 17 A.
M. le président.
Le titre I
1° Au 3° du I de l’article L. 214-13, les mots : « le cycle d’enseignement initial dispensé par les établissements d’enseignement artistique » sont remplacés par les mots : « l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant » ;
2° L’article L. 216-2 est ainsi modifié :
a bis (nouveau))
« Leur mission est également la formation des amateurs et le développement de leur pratique ; à ce titre ces établissements peuvent apporter, avec leurs enseignants, leur concours aux actions conduites en matière d’éducation artistique et culturelle. » ;
a ter (nouveau))
a quater (nouveau))
« La région organise l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. Elle participe à son financement dans des conditions précisées par convention avec les collectivités gestionnaires des établissements, après concertation dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique. Elle adopte un schéma régional de développement des enseignements artistiques, en concertation avec les collectivités concernées et après avis de la conférence territoriale de l’action publique. » ;
d (nouveau))
« Il coordonne, au plan régional ou interrégional, l’organisation des examens du diplôme national prévu au présent article et délivre ledit diplôme. »
La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.
M. le président.
À ce stade de notre discussion, je voudrais m’exprimer sur l’enseignement supérieur.
Mme Dominique Gillot.
L’enseignement supérieur, c’est l’investissement pour l’émergence des savoirs, pour l’avenir, pour la jeunesse
C’est un modèle pour l’élévation du niveau de compétences, anticipant les innovations et les métiers de demain.
C’est l’implication renforcée des acteurs, publics ou d’intérêt général, au service de la réussite des étudiants dès le premier cycle.
Ce sont des synergies entre des cultures éducatives et professionnelles différentes, issues des écoles, des universités, des classes préparatoires, afin d’enrichir les pratiques de chacun des acteurs.
Nous avons contribué à façonner l’enseignement supérieur par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR, en affirmant le rôle stratège de l’État, avec la mise en place de cotutelles entre différents départements ministériels. Nous avons inscrit dans la loi les stratégies nationales d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation, qui sont coordonnées pour relever les défis sociaux, culturels, économiques et scientifiques actuels.
Les articles 17 A, 17 et 17
Les écoles d’enseignement artistique et culturel, qu’elles soient territoriales ou nationales, sont de service public ou d’intérêt général, comme l’ensemble des établissements qui délivrent des diplômes d’un niveau supérieur au baccalauréat, visant une offre de qualité, avec des passerelles permettant des réorientations fructueuses des étudiants.
Elles participent de cet espace de formation ambitieux, pour la réussite de tous dès le premier cycle, en favorisant les approches transdisciplinaires, nourries par une recherche interdisciplinaire.
Ayant été rapporteur de la loi ESR, je m’attacherai à plaider pour le rassemblement des enseignements supérieurs artistiques et culturels dans l’enseignement supérieur national.
Le développement des relations entre tous les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche d’un même territoire participe de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, en concertation avec la communauté culturelle et scientifique, les ministères concernés, les collectivités locales et les partenaires sociaux.
La cotutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère et de la culture et de la communication contribue à une meilleure complémentarité et à meilleure lisibilité de l’offre de formation, grâce à la mutualisation, la simplification et l’harmonisation des différents cursus, comme des diplômes.
En 2002, le ministère de la culture, qui est signataire des accords de Bologne, s’était engagé à harmoniser ses enseignements supérieurs dans le schéma licence-master-doctorat, ou LMD, en respectant leurs spécificités.
Il est temps de concrétiser un tel engagement, qui est attendu par un grand nombre d’enseignants artistiques et culturels. Ils aspirent à une reconnaissance de leurs compétences et de leurs capacités, une reconnaissance similaire à celle de leurs collègues des grandes écoles ou des universités.
Il faut conclure, ma chère collègue !
M. le président.
Le ministère de la culture et de la communication et celui de l’éducation nationale ne doivent pas laisser passer une telle occasion, sous l’arbitrage de Matignon. J’espère que vous y serez sensible, madame la ministre.
Mme Dominique Gillot.
L'amendement n
M. le président.
Après les mots :
cycle d'enseignement
insérer le mot :
professionnel
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à la rectification d’une erreur matérielle.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis favorable.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n
Alinéas 8, 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement concerne le chef de filat des régions s’agissant des enseignements artistiques.
Mme Sylvie Robert.
Je tiens d’abord à réaffirmer l’attachement du groupe socialiste aux conservatoires, notamment dans leurs évolutions pédagogiques. On a parlé tout à l’heure de pratiques collectives. Une évolution extrêmement importante s’est produite au sein de nos conservatoires, d’un point de vue non seulement pédagogique, mais aussi territorial, afin qu’un certain nombre d’enfants, et pas seulement les enfants captifs, puissent intégrer ces beaux outils.
Nous soulevons une question plus complexe. Je reconnais la ténacité de la présidente de la commission en la matière, mais la solution envisagée m’inspire des réserves. J’étais déjà réticente auparavant, et je le suis peut-être encore plus aujourd'hui.
Ce n’est pas forcément une opposition de fond. À mon sens, il y a une vraie logique à ce que les régions s’intéressent aux conservatoires ; je pense qu’elles doivent le faire.
Pour autant, il ne me paraît pas souhaitable de légiférer sans délai pour que les régions assument le chef de filat en matière d’enseignement supérieur artistique des conservatoires sans avoir préalablement mené une étude d’impact et, surtout, sans les avoir consultées. Qui dit « chef de filat » dit « transfert de charges et de financements ». Or nous ne connaissons pas l’année de référence ; nous ne savons pas quel serait l’impact financier d’une telle décision pour les régions, notamment les grandes régions, puisque les périmètres ont changé. Je ne suis pas sûre qu’il soit opportun de prendre une telle décision aujourd'hui.
Nous avons voté la création d’une commission « culture » dans les conférences territoriales de l’action publique, les CTAP. Ces commissions « culture » seront peut-être animées par les régions, qui président les CTAP. Elles me semblent constituer le cadre parfaitement approprié pour permettre aux régions d’organiser et d’articuler ces enseignements sur l’ensemble du territoire, en lien avec les différentes collectivités territoriales.
Il me semble plus juste d’aller dans cette direction. Je rappelle que des pôles d’enseignement artistique supérieur se sont créés. Il y a ainsi un pôle extrêmement intéressant au sein de l’interrégion Bretagne – Pays de la Loire. Il me paraît donc souhaitable de mettre les conservatoires en cohérence avec ces grands pôles.
Mais, en tout état de cause, nous ne souhaitons pas que la région devienne chef de file en matière d’enseignement artistique spécialisé. Tel est le sens de cet amendement.
L’amendement n
M. le président.
I. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La région organise et peut participer au financement, dans le cadre du contrat de plan mentionné à l’article L. 214-13, de l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté – nous souhaitons également la suppression du chef de filat de la région –, mais la rédaction est différente.
Mme Audrey Azoulay,
L’amendement du Gouvernement repose sur la claire répartition des compétences et des missions entre les différentes collectivités territoriales résultant de la loi de 2004. Elle est d’ailleurs confirmée dans le projet de loi. C’est dans ce cadre que l’État se réengage auprès des conservatoires.
Mais il ne me semble pas nécessaire d’organiser un chef de filat de la région en matière d’enseignement artistique spécialisé. En effet, comme le président de région préside et fixe l’ordre du jour des CTAP – vous les avez évoquées –, il pourra aisément soumettre le sujet au débat.
Il faut une coordination accrue entre les différentes collectivités territoriales et l’État pour qu’une telle politique se développe efficacement au profit de tous les enfants et de tous les jeunes, sur tous les territoires. Ce sera bien l’objectif des CTAP.
Nous nous inscrivons plutôt dans une logique partenariale et de concertation entre les divers niveaux de collectivités. Nous ne sommes donc pas favorables à un chef de filat.
Par ailleurs, j’appelle de mes vœux un engagement volontaire des régions pour l’organisation, le développement et le financement des classes préparatoires, qui permettent l’accès à l’enseignement supérieur ; certes, ce financement est optionnel. Cela doit se faire en tenant compte des compétences affirmées par les régions pour le développement de la formation professionnelle, notamment à l’article L. 214-13 du code de l’éducation.
J’en suis convaincue, la reprise du dialogue entre l’État et les collectivités territoriales ne peut qu’être favorable à cet engagement partagé de l’État et des régions au côté des villes et des agglomérations, en lien avec les départements.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission a fortement appuyé le chef de filat de la région sur l’enseignement artistique spécialisé, que ces deux amendements, légèrement différents, tendent à supprimer. Je rappelle que Catherine Morin-Desailly a même déposé une proposition de loi sur le sujet.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République n’a pas clarifié les compétences entre collectivités : la culture demeure une « compétence partagée ».
Je suis sensible à l’argument de Mme Robert sur l’action future de la CTAP. Néanmoins, il nous semble important que la région exerce le chef de filat de coordination.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n
M. le président.
Je sollicite le retrait de cet amendement, au profit de celui du Gouvernement.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Robert, l’amendement n
M. le président.
Non, monsieur le président ; je le retire, au profit de l’amendement n
Mme Sylvie Robert.
L’amendement n
M. le président.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur l’amendement n
Je comprends bien le souhait du Gouvernement d’introduire une précision dans le texte.
Mme Dominique Gillot.
Toutefois, l’expression : « La région organise » me semble de nature à créer une difficulté. Elle semble indiquer une suprématie de la région en matière d’organisation de l’enseignement supérieur.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Je suis défavorable à une telle rédaction. Si la région peut « participer au financement », elle ne doit pas « organiser ».
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Madame Gillot, le terme auquel vous faites référence concerne seulement le troisième cycle professionnalisant.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Madame Robert, il est plus que temps de trouver une solution claire sur le sujet, qui fait débat depuis maintenant treize ans entre parents d’élèves, professeurs, directeurs de conservatoires et représentants des collectivités ; je les ai auditionnés à de très nombreuses reprises.
Nous le savons, la position de l’Association des régions de France, l’ARF a été ambiguë et changeante. Sa crainte principale tenait au surcoût qu’un tel changement pourrait entraîner, au-delà du transfert des crédits de l’État.
Or, dans une étude que je tiens à votre disposition, j’ai démontré que les deux expérimentations très réussies menées en Nord-Pas-de-Calais et en Poitou-Charentes – elles se poursuivent actuellement – n’avaient pas entraîné de surcoût avéré.
Le transfert des crédits de l’État est une question importante. C’est pourquoi je vous ai interrogée tout à l’heure, madame la ministre. En principe, la loi votée en 2004 s’applique. Si la ligne de crédits a été reconstituée, elle doit être transférée.
Au demeurant, à l’heure où les grandes régions se mettent en place et où un certain nombre de compétences et d’ambitions ont été précisées, notamment en matière de développement économique et de formation professionnelle, il serait opportun d’inscrire le rôle de la région comme chef de file. Ce faisant, la région jouerait un rôle non pas d’ordonnateur, mais de coordonnateur. Elle veillerait, en lien, bien évidemment, avec la commission « culture » de la CTAP, au développement harmonisé sur le territoire de cet enseignement, pour permettre à chaque enfant d’organiser son parcours d’enseignement.
En outre, les schémas départementaux étant également mentionnés dans le texte, préciser le chef de filat, c’est aussi réaffirmer que l’égalité d’accès de tous les jeunes à ces établissements doit s’organiser à l’échelon le plus cohérent, en l’occurrence la région.
Vous le voyez, nous défendons une ambition, ce qui n’exclut pas la logique partenariale.
Je le constate en tant que conseillère régionale de Normandie : dans la période actuelle, nous sommes tous obligés de travailler les uns avec les autres, pour définir des objectifs et mettre en place des financements.
Les différents acteurs concernés attendent que nous tranchions sur cette question.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
M. le président.
Je suis très partagée. Je comprends les arguments de ceux qui résistent au chef de filat, car la décentralisation est aujourd’hui victime du fait que les moyens ne suivent pas.
Mme Marie-Christine Blandin.
Toutefois, le chef de filat a été expérimenté dans ma région. Je sais combien ce dispositif favorise une mue féconde des conservatoires. La région finance aussi de très petites structures, notamment de musiques actuelles et de musiques du monde ; la signature de conventions entre le conservatoire et ces structures s’en trouve donc facilitée. Ainsi, dans le Nord - Pas-de-Calais, des violonistes tsiganes, dont la performance dépasse celle des enseignants du conservatoire, ont pu conclure une convention de ce type, qui concourt à l’entrée de toutes les formes de musique au conservatoire et à la désacralisation de l’accès à ces lieux d’enseignement que nous appelons de nos vœux.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 17 A, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat a adopté.
L’amendement n
M. le président.
Après l’article 17 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le chapitre IX du titre III du livre II de la première partie du code de l’éducation est ainsi modifié :
a) À l’intitulé, les mots : « Le conseil territorial de l’éducation nationale et » sont supprimés ;
b) Est insérée une section 1 ainsi rédigée :
« Section 1
« Les instances consultatives en matière d’enseignement supérieur et de recherche dans les domaines relevant du ministre chargé de la culture
Art. L. 239-1
« Il est consulté sur les orientations générales de la politique du ministère chargé de la culture en matière d’enseignement supérieur et de recherche dans les domaines de la création artistique, de l’architecture et du patrimoine.
« Il a notamment pour mission d’assurer la cohérence des formations et de la recherche dans ces domaines au regard des enjeux des secteurs professionnels concernés.
« Il donne un avis sur l’accréditation des établissements assurant des formations supérieures dans les domaines susmentionnés relevant du ministre chargé de la culture à l’exception de celle prévue à l’article L. 752-1.
« Il peut être également consulté sur les projets de textes législatifs ou réglementaires relatifs à l’enseignement supérieur et à la recherche dans les domaines susmentionnés. Il peut faire des propositions au ministre chargé de la culture sur toute question relative à son domaine de compétence.
« Il comprend notamment des représentants élus des personnels et des étudiants de ces établissements, ainsi que des représentants des secteurs professionnels principalement concernés.
« Un décret précise les attributions, la composition et les règles de fonctionnement du Conseil, ainsi que les conditions de nomination ou d’élection de ses membres, et notamment les conditions dans lesquelles est assurée la parité entre les femmes et les hommes. » ;
2° Au début de la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 232-1, sont insérés les mots : « Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels prévu à l’article L. 239-1 du présent code, ».
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet la création du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, le CNESERAC. Le ministère de la culture a besoin d’une telle structure – il en existe déjà dans d’autres ministères certificateurs – pour contribuer aux décisions stratégiques sur les questions d’enseignement supérieur et de recherche.
Mme Audrey Azoulay,
Cette instance renforcera la cohérence du réseau, composé des 100 établissements d’enseignement artistique supérieur, qui forment 37 000 étudiants, et d’une douzaine d’établissements de recherche.
Elle permettra de débattre et de mieux prendre en compte les spécificités de ce réseau, qui se caractérise en particulier par un lien très fort avec le monde des artistes. En effet, dans ces écoles, les intervenants sont souvent des professionnels de l’art et de la culture, ce qui constitue une spécificité importante de ce réseau.
Elle constituera à la fois un parlement des établissements et une structure opérationnelle représentant les différents acteurs – je pense aux dirigeants, aux enseignants, aux chercheurs, aux personnels administratifs, aux étudiants… –, aux côtés de personnalités qualifiées.
J’en suis convaincue, nous avons particulièrement besoin de ce lieu de débat, dans le contexte actuel de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur et de la stratégie nationale de la recherche.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement aborde un sujet important, dont nous n’avons pas fini de parler. En tout cas, il est souhaitable que le débat se poursuive et qu’il reste effectivement une disposition dans le présent projet de loi.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je le rappelle, dans l’examen des articles et des amendements, la commission a eu le souci constant de privilégier, pour les établissements concernés, une insertion dans notre système d’enseignement supérieur français et européen. C’est indispensable à la lisibilité et à la reconnaissance de notre système d’enseignement supérieur.
Mais tous les établissements ne sont pas au même point sur le chemin de cette « parfaite » insertion. Les écoles nationales supérieures d’architecture sont très avancées. Les écoles d’art le sont moins ; elles se rapprochent progressivement du droit commun, mais conservent encore des spécificités.
Il est souhaitable de maintenir un équilibre entre un objectif clair d’insertion à terme et des modalités prenant en compte les spécificités des établissements, afin de les accompagner sur ce chemin de l’insertion.
La question centrale de la forme que doit prendre le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, CNESER, dans le secteur culturel rejoint ce débat. Les rigueurs de l’article 40 ne permettent pas aux parlementaires de s’aventurer sur ce terrain. C’est pourquoi nous attendions avec impatience votre proposition relative à cette instance consultative, madame la ministre.
Vous envisagez la création d’un CNESERAC, c’est-à-dire d’un CNESER « culture », qui serait indépendant du CNESER du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
À titre personnel, j’aurais souhaité une intégration plus forte dans le CNESER de droit commun, par la création d’une section « culture » en son sein, pour éviter la prolifération de structures nouvelles.
Toutefois, afin de ne pas empêcher l’insertion de cette instance consultative dans le projet de loi, quelle que soit sa forme, j’émets à titre personnel – la commission n’a pas pu se prononcer – un avis de sagesse, tout en réservant mes éventuelles propositions de remplacement pour la deuxième lecture. Le sujet pourra ainsi être inscrit, et nous pourrons en discuter dans les semaines à venir, au cours la navette parlementaire.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
M. le président.
Je suis un peu embarrassée. Cet amendement du Gouvernement est arrivé tardivement. Nous n’avons pas eu le temps d’en discuter.
Mme Dominique Gillot.
Compte tenu de mon intervention précédente, vous l’imaginez bien, en tant qu’ancien rapporteur du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, je ne suis pas favorable à la création d’un CNESER particulier pour la culture.
L’insertion des enseignements culturels dans l’enseignement supérieur et la recherche ne peut se réaliser que par un rassemblement avec toutes les autres disciplines. Un tel regroupement sur l’ensemble du territoire et avec les organismes de recherche permettrait d’élaborer un projet commun et coordonné des politiques de formation et des stratégies de recherche, à même d’assurer un rayonnement national et international.
Le décloisonnement doit être conçu comme un outil de changement. Et aucune école, aucun établissement, ne doit rester sur le côté.
Même si je comprends le souci du ministère de la culture de disposer d’un organe de concertation pour avancer sur le rôle de l’enseignement supérieur artistique et culturel, la création par la loi d’un tel organe me semblerait un retour en arrière par rapport à l’ambition de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce texte donnait un rôle d’animation, tous domaines confondus, au CNESER, en partenariat avec les ministères thématiques.
L’évolution des pratiques, des enseignements et de la recherche montre que des disciplines considérées comme artistiques sont aujourd’hui très attendues et appréciées dans le milieu de la recherche, ce qui aurait été plus difficile voilà encore quelques années. Le
Je souhaite qu’il y ait une réflexion au cours de la navette parlementaire pour préciser la place de l’enseignement supérieur artistique et culturel.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
M. le président.
Nous n’avons pas eu le temps de travailler en commission sur cet amendement. Toutefois,
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
À mon sens, nous avons besoin d’organiser une plus grande osmose, une plus grande fluidité, entre les différents parcours.
Je suis donc assez dubitative. Nous ne suivrons pas le Gouvernement sur ce sujet.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
M. le président.
Je souhaite saluer la sagesse de M. le rapporteur, qui nous invite à conserver l’amendement du Gouvernement pour laisser la réflexion se poursuivre au cours de la navette parlementaire.
Mme Sylvie Robert.
À mon sens, un CNESER « culture » est extrêmement attendu par les professionnels, car il met en valeur la spécificité de leurs enseignements. Cela ne signifie pas – j’entends les arguments de notre collègue Dominique Gillot – que ces derniers ne soient pas inscrits dans la problématique de l’enseignement supérieur. Mais nous devons d’abord intégrer leurs spécificités.
Au demeurant, je rappelle qu’il existe depuis très longtemps un CNESER pour l’agriculture, créé justement pour travailler sur les particularités du secteur.
Les différents objectifs ne sont pas contradictoires.
Pour notre part, nous sommes favorables à l’amendement du Gouvernement. La navette parlementaire permettra de continuer à travailler pour parfaire le nouvel outil.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Le débat est effectivement complexe.
M. David Assouline.
Sur le fond, le fait de prévoir un seul organisme pour l’enseignement supérieur ne peut à l’évidence que tirer vers le haut en termes de qualité, de complémentarité, de stratégie nationale ou d’interdisciplinarité. Cela semble le bon sens.
Mais il y a tout de même des problèmes.
Avec une telle solution, une partie de l’enseignement supérieur artistique ne serait pas intégrée et resterait en dehors, coupée du reste. Il faut mettre en place un organisme permettant à tous de travailler ensemble.
En outre, il faut bien le dire, les enseignements artistiques et culturels sont parfois regardés avec hauteur par une partie de l’enseignement supérieur, qui se considère comme détenteur d’un certain nombre de vérités. Ce regard distant sur l’art et la culture serait accentué si les enseignements artistiques et culturels étaient fondus dans un organisme général, d’autant que le phénomène existe parfois déjà vis-à-vis des sciences humaines.
Ce n’est pas vrai !
Mme Dominique Gillot.
On peut retourner l’argument !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Je connais ce milieu, mes chères collègues !
M. David Assouline.
D’un côté, il nous faut exiger le même label de sérieux et de qualité pour l’art et la culture. De l’autre, nous avons aujourd’hui besoin d’un organe de concertation pour l’ensemble de l’enseignement supérieur artistique et culturel, ainsi que d’une stratégie pour imposer sa reconnaissance.
Il faudra réfléchir dans la navette aux liens entre les deux structures ; évitons qu’elles ne se développent de manière contradictoire et finissent par se regarder en chiens de faïence.
Il faut conclure, M. Assouline !
M. le président.
Le débat qui commence doit se poursuivre, ce qui ne sera pas possible si nous rejetons l’amendement du Gouvernement. Nous avons déjà connu une telle situation hier.
M. David Assouline.
Je pense que nous réussirons en fin de compte à trouver un consensus.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Je soutiens l’avis personnel de M. le rapporteur. Il est important que le débat puisse continuer durant la navette parlementaire.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
J’entends parfaitement les arguments de Dominique Gillot.
Je le rappelle, notre collègue Jean-Claude Luche, rapporteur des crédits du programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de la mission « Culture » – cela inclut donc les enseignements artistiques –, avait déposé un amendement. Malheureusement, celui-ci, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, n’a pas pu suivre son chemin. Il s’inscrivait dans la même logique que le vôtre, madame la ministre.
Exactement !
Mme Audrey Azoulay,
Ce débat constitue donc bien un sujet d’intérêt pour notre commission. Il faut entendre certains arguments en faveur de la création de ce CNESER dédié à l’enseignement artistique et culturel.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Il est utile de pouvoir continuer à discuter du sujet. D’ailleurs, à l’instar de M. Assouline, je crois tout à fait possible de trouver un consensus.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
En revanche, j’attire votre attention sur un écueil éventuel. Si l’Assemblée nationale vote ce nouvel article sans le modifier, nous ne pourrons plus en discuter.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17 A.
M. le président.
Les chapitres IX et X du titre V du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation sont ainsi rédigés :
« CHAPITRE IX
« Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques
Art. L. 759-1
« 1° Du spectacle, notamment ceux d’artiste-interprète, d’auteur, d’enseignant et de technicien dans les domaines de la musique, de la danse, du théâtre et du cirque ;
« 2° De la création plastique et industrielle, notamment ceux d’artiste et de designer.
« II. – Dans l’exercice de leur mission, les établissements mentionnés au I peuvent :
« 1° Conduire des activités de recherche en art, en assurer la valorisation et participer à la politique nationale de recherche ;
« 2° Former à la transmission en matière d’éducation artistique et culturelle ;
« 3° Participer à la veille artistique, scientifique et technique et à l’innovation dans ses différentes dimensions, notamment pédagogique ;
« 4° Contribuer à la vie culturelle, économique, sociale et environnementale du territoire en développant des partenariats, notamment avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales, les associations, les entreprises, les autres établissements d’enseignement supérieur et l’ensemble des établissements d’enseignement, notamment dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle ;
« 5° Concourir au développement de la coopération artistique, culturelle, scientifique, technique et pédagogique internationale.
Art. L. 759-2
(Non modifié)
« 1° La liste des diplômes délivrés par ces établissements autres que ceux définis au deuxième alinéa de l’article L. 613-1 est fixée par le ministre chargé de la culture ;
« 2° Les attributions exercées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur en application du quatrième alinéa du même article L. 613-1 sont exercées par le ministre chargé de la culture et, en ce qui concerne les établissements ayant le caractère d’établissement public national, les modalités d’accréditation sont fixées conjointement par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture ;
« 3° Les cinquième, septième et dernier alinéas dudit article L. 613-1 ne s’appliquent pas ;
« 4° Pour l’application du sixième alinéa du même article L. 613-1, l’arrêté d’accréditation de l’établissement n’est pas soumis au respect du cadre national des formations et emporte habilitation à délivrer les diplômes nationaux et les diplômes d’écoles dont la liste est annexée à l’arrêté ;
« 5° L’organisation des études et des diplômes, ainsi que les modalités de l’évaluation des formations dans les disciplines du spectacle vivant et des arts plastiques, sont fixées par voie réglementaire.
Art. L. 759-3
(Non modifié)
« L’accréditation des établissements publics d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques peut emporter habilitation de ces derniers, après avis conforme du ministre chargé de la culture, à délivrer, dans leurs domaines de compétences, conjointement avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des diplômes de troisième cycle au sens de l’article L. 612-7.
Art. L. 759-4
(Non modifié)
Art. L. 759-5
(Non modifié)
« Les étudiants inscrits dans les établissements agréés du domaine des arts plastiques sont affiliés aux assurances sociales dans les conditions et sous les réserves prévues à la section 3 du chapitre I
« CHAPITRE X
« Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle
Art. L. 75-10-1
(Non modifié)
« L’arrêté d’accréditation emporte habilitation de l’établissement à délivrer des diplômes d’école et des diplômes nationaux autres que ceux définis à l’article L. 613-1. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
M. le président.
Les articles 17 A, 17 et 17
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Vous le verrez rapidement, le groupe CRC a déposé des amendements pour enrichir l’article 17.
Si la dynamique semble être la bonne, il convient de lui donner un coup de pouce, sous peine que l’ambition ne reste insuffisante.
Comme je l’indiquais, la volonté exprimée par le Gouvernement de rapprocher les établissements supérieurs spécialisés des arts et de la culture du système « traditionnel » universitaire aura le soutien du groupe CRC. C’est bien cette logique qui inspire nos amendements. J’ai pris bonne note des décisions qui viennent d’être prises pour permettre au débat de se poursuivre.
Toutefois, les portes de sortie laissées, notamment en matière de dérogations au principe de cadrage national des diplômes ou de conditions de poursuite d’études, loin d’être une reconnaissance des spécificités de ces enseignements, me semblent présenter un risque pour tout le monde : en premier lieu, pour les filières universitaires des arts et de la culture – musicologie, musique, histoire de l’art, etc. –, qui, bien souvent, voient leur légitimité remise en cause alors que leur compétence est unanimement reconnue ; en deuxième lieu, pour les étudiants des filières universitaires et des établissements spécialisés, qui connaissent de grandes difficultés pour passer d’une structure à une autre ; en dernier lieu, pour les établissements spécialisés, qui pourraient profiter de ce rapprochement pour nouer de nouveaux contacts et de nouveaux partenariats, tout en accueillant des publics plus divers.
Les amendements que nous vous proposerons viseront à rapprocher encore établissements spécialisés et universités, dans l’intérêt de toutes et tous, en reconnaissant les spécificités de chacun.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. le président.
L’amendement n
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
de la création artistique
II. – Alinéa 4
1° Première phrase
Supprimer les mots :
de la création artistique
2° Seconde phrase,
Après les mots :
acquis de l’expérience
insérer les mots :
, ils veillent au respect de la diversité artistique, professionnelle et culturelle, ils forment également aux activités de médiation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, vous avez reçu dès votre arrivée dans cet hémicycle l’hommage de M. le rapporteur, membre du groupe Les Républicains, de la présidente de la commission, membre du groupe centriste, et des orateurs des groupes CRC et socialiste. Puisque nous abordons la discussion du premier amendement du groupe écologique, j’ai à mon tour le devoir et le plaisir de vous souhaiter la bienvenue !
Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n
Ensuite, et c’est l’essentiel, il tend à ajouter dans leurs missions le « respect de la diversité artistique, professionnelle et culturelle ». L’absence de ces termes nous semble dommageable : la transmission et le contour de ce qui constitue le patrimoine commun, présent et à venir, sont en jeu.
Enfin, nous proposons d’intégrer le terme « médiation ». Dans leurs activités futures, les artistes peuvent être amenés à intervenir auprès de personnes de tous âges, de toutes origines, de tous milieux, et dans des environnements autres que scolaires, qu’il s’agisse des hôpitaux, des prisons, des quartiers. Ces actions ne se limitent pas à la transmission d’un savoir qui donnerait des clés pour accéder à l’art ; elles installent des dialogues nourris de la présence de la culture en chacun. La médiation contient la notion de rencontre entre l’œuvre et le public. Dans la perspective de la démocratie culturelle, la médiation est pensée à partir de la notion de relation, envisagée comme une expérience partagée susceptible de produire un enrichissement mutuel.
Or, actuellement, l’enseignement de la médiation est restreint à une option. L’évolution des métiers requiert de plus en plus d’être en lien avec les publics. Un établissement de formation supérieure ne doit donc plus laisser aucun artiste sortir de ses rangs sans quelques notions sur le sujet.
L’amendement n
M. le président.
Alinéa 4, seconde phrase
Après les mots :
des acquis
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de l’expérience. Ils veillent au respect de la diversité artistique, professionnelle et culturelle ; ils forment également aux activités de médiation dans les métiers :
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement vise à faire apparaître les notions de « diversité artistique » et d’« activités de médiation » dans la mission de formation assurée par les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique. C’est cohérent avec un certain nombre de problématiques que nous avons soulevées depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
Mme Sylvie Robert.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Madame Blandin, j’ai été très sensible à vos propos sur la médiation, qui est aujourd’hui une dimension stratégique majeure pour la conquête de nouveaux publics et les avancées de la démocratisation culturelle.
Mme Audrey Azoulay,
En revanche, votre amendement vise également à supprimer la référence à la « création artistique », ce qui me gêne. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n
Madame Blandin, l’amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n
M. le président.
Je mets aux voix l’amendement n
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Art. L. 759-1-…
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
À nos yeux, le rapprochement souhaité par le Gouvernement entre les établissements d’enseignement supérieur des arts et de la culture et le système d’enseignement supérieur et de recherche, que nous pouvons considérer comme « traditionnel », est une bonne chose.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Toutefois, si la démarche va dans le bon sens, il nous semble essentiel d’aller plus loin. Cet enrichissement a vocation à sécuriser la position des étudiants des établissements spécialisés, tout en reconnaissant la spécificité de ces établissements, à nulle autre pareille.
Il s’agit aussi, et c’est le cœur de notre amendement, de garantir aux étudiants des parcours fluides et sans cahots, dans une liberté de choix, comme je l’ai évoqué tout à l’heure.
Nous proposons donc que l’État, par le biais du recteur, s’assure de l’existence et, le cas échéant, de la création de passerelles entre les structures d’enseignement supérieur des arts et de la culture et les filières universitaires correspondantes. Ces dernières, bien que plus en plus développées, souffrent aujourd’hui d’une dévalorisation de leurs activités. Il apparaît de fait essentiel de favoriser les passerelles entre les différents parcours et filières.
Le rapprochement s’effectuerait au bénéfice non seulement des structures spécialisées, qui verraient leur intégration dans le système « traditionnel » de l’enseignement et de la recherche renforcée – de fait, de nouvelles possibilités s’ouvrent à elles –, mais également des étudiants, qui pourraient passer d’une structure à l’autre au gré de leur volonté, dans le respect des règles applicables aux autres filières.
Nous y voyons enfin un bénéfice pour les filières universitaires, qui verraient ainsi leur compétence dans le domaine des arts et de la culture mieux reconnue et leur légitimité renforcée.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il est proposé d’obliger l’État à développer des passerelles entre les écoles et les filières universitaires d’art. La commission est évidemment favorable aux passerelles ; la capillarité entre les différentes écoles est utile.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Mais je rappelle que les établissements sont autonomes et qu’il n’appartient pas à la loi de les obliger à créer des passerelles. Celles-ci se créeront naturellement, dans un esprit bien compris de partage.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mon analyse rejoint celle de M. le rapporteur. En effet, les écoles de la création artistique ont déjà su nouer des partenariats avec les universités. Ces échanges se sont d’ailleurs considérablement intensifiés dans les filières universitaires. Je pense notamment au grade de master dans les filières d’arts plastiques et, bientôt, me dit-on, au grade de licence pour le spectacle vivant.
Mme Audrey Azoulay,
De même, la création et l’esprit des communautés d’universités et d’établissements vont renforcer ces liens.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président. Mais j’ai soulevé la problématique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L’amendement n
M. le président.
L’amendement n
L’amendement n
L’amendement n
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
différenciés en fonction de leur domaine de formation dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Je voudrais à mon tour souhaiter la bienvenue au Sénat à Mme la ministre, au nom du groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier.
Ce groupe n’est pas le plus nombreux du Sénat, mais il est le plus ancien. Il a succédé au groupe de la Gauche démocratique, très puissant sous la III
(Exclamations amusées.)
L’amendement n
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Les auteurs de cet amendement proposent que les regroupements d’établissements soient différenciés en fonction de leur domaine de formation : spectacle vivant ou arts plastiques.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Or les regroupements d’établissements ont justement pour objet de faire se rencontrer des établissements aux objectifs, aux méthodes et aux missions différentes. Cette pluridisciplinarité est précisément une source de richesse dans les regroupements.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je souhaite tout d’abord remercier M. le sénateur Requier pour ses mots très aimables.
Mme Audrey Azoulay,
Je souscris à l’analyse de la commission. Nous essayons de favoriser le rapprochement des disciplines, le croisement des méthodes. Les artistes le font de plus en plus. Les écoles ne doivent pas aller à l’encontre de ce mouvement, qui me paraît fécond pour la création.
L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ils ne peuvent prendre la forme de régie directe.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Le choix du statut de l’établissement est une question importante. Dans un certain nombre de collectivités locales, cela a constitué un frein à la transformation d’un certain nombre d’associations en établissements publics de coopération culturelle, ou EPCC.
Mme Sylvie Robert.
En outre, les statuts très publics, censés garantir une forme de pérennité de moyens, n’empêchent malheureusement pas les collectivités territoriales de se retirer et de réduire leurs financements.
De nombreux établissements d’enseignement supérieur dans le champ du spectacle vivant ont un statut associatif et souhaitent le conserver, par exemple dans le Nord, car cela offre davantage de réactivité et de souplesse.
La seule exigence de la loi, du point de vue du statut de ces établissements d’enseignement supérieur, est qu’ils ne soient pas inclus dans une collectivité territoriale, c’est-à-dire qu’ils ne fonctionnent pas en régie directe. Ils doivent être bien indépendants. Le statut associatif respecte cette exigence.
Nous demandons donc simplement de laisser la liberté de choix aux personnes et structures concernées, en excluant l’option de la régie directe.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il faudrait laisser la liberté de choix tout en interdisant le statut de régie !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Une telle disposition me paraît un peu intrusive. Il faut laisser aux collectivités locales la liberté de décider, en attendant qu’une évolution vers des statuts sans doute préférables, comme celui de l’EPCC, s’effectue progressivement.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Les auteurs de cet amendement souhaitent interdire aux établissements en régie directe d’assurer des missions d’enseignement en création artistique.
Mme Audrey Azoulay,
Aujourd’hui, comme ces établissements sont dépourvus d’autonomie juridique et pédagogique, ils ne peuvent pas réellement assumer de mission d’enseignement. En effet, pour pouvoir délivrer des diplômes inscrits dans le système LMD, ils doivent déjà jouir de l’autonomie. Votre attente me semble donc déjà satisfaite.
En revanche, la forme associative, qui assure l’autonomie à l’établissement, est souple et adaptée, voire plus adaptée que celle d’établissement public dans certains cas. Je pense par exemple à l’école du CLN de Saint-Étienne ou au Théâtre national de Bretagne.
Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Madame Robert, l’amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Sylvie Robert.
L’amendement n
M. le président.
L’amendement n
Monsieur le président, j’en reprends le texte, au nom de la commission.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je suis donc saisi d’un amendement n
M. le président.
I. - Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer les mots :
ainsi que la validation des acquis de l’expérience
II. - Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
“…° Assurer la validation des acquis de l’expérience dans les métiers du spectacle et de la création plastique et industrielle ;
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à insérer la validation des acquis de l’expérience non pas au sein de la mission générale des établissements, mais parmi les missions facultatives. En effet, tous les établissements n’ont pas vocation à le faire, mais il faut au moins leur en laisser la possibilité.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
La validation des acquis de l’expérience est une mission obligatoire des établissements d’enseignement supérieur, conformément à la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Il n’est donc pas possible de la rendre optionnelle.
Mme Audrey Azoulay,
Mais je comprends la volonté de s’adapter à la situation de certains établissements de petite taille avec de faibles effectifs qui ne disposent pas toujours des possibilités matérielles d’organiser une telle filière dans leurs enseignements. Le ministère préconise alors d’examiner la possibilité de mutualisations avec d’autres établissements sur le territoire, afin de mettre en œuvre cette offre.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Monsieur le rapporteur, l’amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Toutefois, il faudrait peut-être rappeler aux établissements concernés qu’une telle possibilité existe ; ce n’est pas toujours connu. Nous proposions simplement de l’indiquer plus explicitement.
Ne rendons pas la loi bavarde !
M. David Assouline.
(Sourires.)
Vous en savez quelque chose, mon cher collègue !
Mme Françoise Férat,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
(Nouveaux sourires.)
L’amendement n
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n
Alinéas 13 à 18
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Art. L. 759-2.
« L’organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités de l’évaluation des formations dans les disciplines du spectacle vivant et des arts plastiques sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. David Assouline.
Cet amendement tend à améliorer la lisibilité du dispositif s’agissant de l’accréditation des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques.
M. David Assouline.
Il vise ainsi à clarifier la rédaction de l’article L. 759-2 du code de l’éducation, relatif aux accréditations des établissements de la création artistique relevant du ministère de la culture et de la communication, afin de répondre au principe de clarté de la loi et de respecter l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
L’article L. 123-1 du code de l’éducation fixe le principe de l’accréditation « des établissements d’enseignement supérieur relevant d’un autre département ministériel » que celui qui est chargé de l’enseignement supérieur. Mais il n’en prévoit pas le mécanisme. Il convient donc de le préciser dans le cas des établissements de la création artistique relevant du ministère de la culture et de la communication.
Il apparaît toutefois inadapté de se référer au mécanisme qui a été prévu à l’article L. 613-1 du code de l’éducation pour les établissements sous tutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur. En effet, les nombreuses adaptations nécessaires prévues par la rédaction initiale du projet de loi rendent difficilement compréhensible le mécanisme finalement applicable.
La rédaction proposée permet donc d’éviter d’éventuelles erreurs d’interprétation de l’application de l’article L. 613-1 du code de l’éducation aux établissements susmentionnés.
Cet amendement permet en outre d’introduire l’avis du CNESERAC dans la procédure d’accréditation des établissements et dans la procédure d’élaboration de l’arrêté interministériel fixant les modalités d’accréditation.
L’amendement n
M. le président.
Après la référence :
insérer les mots :
et inscrits au répertoire national des certifications professionnelles,
L’amendement n
Supprimer les mots :
et, en ce qui concerne les établissements ayant le caractère d’établissement public national,
L’amendement n
Après les mots :
sont fixées
insérer les mots :
conjointement par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter ces trois amendements.
Les formations supérieures en France constituent un système complexe, avec une multitude de types d’établissements différents, et encore plus de diplômes.
Mme Dominique Gillot.
Depuis les années deux mille, plusieurs réformes visent à simplifier ce paysage, afin de le rendre plus lisible et plus visible pour les jeunes souhaitant s’y orienter, leurs familles, et le milieu socioprofessionnel. Le passage au LMD définit les niveaux de diplôme du supérieur. Le cadre national des formations définit l’architecture et les domaines de formation et vise à rationaliser les intitulés de diplôme, afin de garantir une égalité sur le marché de l’emploi pour les étudiants ayant obtenu un diplôme similaire dans deux établissements différents.
L’amendement n
Les amendements n
Le rôle de stratège de l’État, avec des établissements plus autonomes d’un point de vue opérationnel, se traduit également par la cotutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’ensemble des formations supérieures, afin que chaque ministère puisse apporter en bonne intelligence sa propre expertise dans la conduite de ces politiques.
Ces amendements s’inscrivent dans la logique suivante : la définition d’une stratégie nationale d’accréditation des formations, dont l’approche pédagogique ne saurait différer entre un établissement national et un établissement territorial ; un ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche qui participe à l’accréditation de toutes les formations supérieures, pour garantir l’application des stratégies nationales ; un ministère de la culture et de la communication qui traduit les spécificités des établissements dont il assume la cotutelle pédagogique, au sein du cadre général.
Les cotutelles avec les autres ministères thématiques, tels que l’industrie ou l’agriculture, qui a déjà été évoquée pour justifier la création d’un CNESERAC, fonctionnent ainsi.
Je le rappelle, le CNESER dédié à l’agriculture a été créé en 2000, donc avant la loi de 2013, qui vise à harmoniser, coordonner et décloisonner les enseignements supérieurs à l’échelle nationale.
L’amendement n
M. le président.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques et du spectacle vivant mentionnés à l’article L. 759-1 relèvent du contrôle pédagogique de l’État.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
L’amendement n
M. Jean-Claude Requier.
Par cet amendement, dans le même esprit, nous proposons simplement de rappeler le contrôle pédagogique de l’État, au sens large, sur ces établissements.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
L’amendement n
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Mme Gillot, dont je reconnais et respecte l’expertise sur le sujet, nous propose, par l’amendement n
À l’amendement n
Cette extension du rôle du ministère de l’enseignement supérieur suscite des interrogations. Mme la ministre de la culture nous donnera sans doute son avis. Certains établissements, notamment les établissements publics de coopération culturelle créés par les collectivités locales, ne sont pas à proprement parler placés sous la tutelle du ministère de la culture, à laquelle celui-ci est seulement associé. Il paraît ainsi difficile d’étendre la définition des modalités d’accréditation au-delà du ministère de la culture. L’avis est donc défavorable.
De même, comme le ministère de la culture n’exerce pas de tutelle directe sur les établissements publics de coopération culturelle – il est simplement associé à leur tutelle –, il semble difficile d’étendre le rôle du ministère de l’enseignement supérieur au-delà de ce qui est prévu aujourd’hui. L’avis est donc également défavorable sur l’amendement n
L’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je souligne d’abord que les dispositions relatives à l’enseignement supérieur en matière artistique et culturelle ont fait l’objet d’un travail conjoint avec le ministère de l’enseignement supérieur. Le texte est d’ailleurs passé pour avis devant le CNESER, où il a obtenu un large soutien. Le travail a donc été effectué en concertation avec l’autre ministère concerné.
Mme Audrey Azoulay,
Je suis tout à fait favorable à l’amendement n
En revanche, je suis défavorable aux amendements n
Enfin, il est vrai que le contrôle pédagogique relève de l’État. Mais comme il y a plusieurs manières de le rappeler, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement n
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne voudrais pas apparaître comme sectaire !
Mme Dominique Gillot.
Je ne préconise pas d’aller au-delà de ce qui existe. Je souhaite simplement que l’on ne détricote pas ce qui a été instauré au mois de juillet 2013. L’Assemblée nationale avait alors introduit la tutelle unique de l’enseignement supérieur et de la recherche sur toutes les formations et tous les diplômes d’enseignement supérieur. Notre Haute Assemblée s’est ralliée à une cotutelle, c’est-à-dire à un dialogue, une coconstruction entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et les ministères thématiques.
Madame la ministre, je ne doute pas que le travail a été intense entre le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de la culture. Mais je n’en ai pas eu les mêmes retours que vous. Nous en rediscuterons par la suite.
L’amendement n
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, les amendements n
M. le président.
L’amendement n
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une coopération active et une relation partenariale entre les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique et les filières universitaires des arts est encouragée par l’État par le biais de son représentant.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement est dans la même veine que les précédents. Il vise à réaffirmer le lien entre les établissements spécialisés de l’enseignement supérieur et les filières universitaires des arts et de la culture. Je ne doute pas qu’il risque d’obtenir la même réponse…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
(Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à indiquer que l’État encourage la coopération entre les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique et les universités. À nos yeux, cela va de soi. En outre, les établissements sont autonomes.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Ainsi que Mme Gonthier-Maurin le pressentait, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L'amendement n
M. le président.
L'amendement n
Alinéas 26 et 27
Rédiger ainsi ces alinéas :
Art. L. 75-10-1.
« L’organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités de l’évaluation des formations dans les disciplines du cinéma et de la communication audiovisuelle sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. David Assouline.
Dans un souci d’unité et de cohérence des nouvelles procédures d’accréditation dans l’enseignement supérieur de la création artistique, et à l’instar de la procédure d’accréditation des établissements d’enseignement dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques, cet amendement a pour objet d’introduire l’avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels dans la procédure d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle.
M. David Assouline.
En outre, dès lors que les établissements dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle et dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques sont soumis aux mêmes procédures d’accréditation, il convient d’harmoniser les textes sur le sujet.
Par cet amendement, nous proposons ainsi de reprendre la rédaction de l’article L. 759-2 du code de l’éducation, relatif à la procédure d’accréditation pour les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Le CNESERAC repasse par ici, comme le furet !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
La commission n’a pas pu examiner cet amendement. Mais, comme nous souhaitons poursuivre le débat au cours de la navette, j’émets un avis de sagesse, plutôt favorable, sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je suis tout à fait sensible au souci d’harmonisation dans la rédaction des nouvelles procédures d’accréditation de l’enseignement supérieur pour la création artistique.
Mme Audrey Azoulay,
Cet amendement vise à introduire les avis obligatoires du CNESERAC dans la procédure d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'article.
M. le président.
J’ai déjà donné à plusieurs reprises mon sentiment sur l’article 17.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Toutefois, je souhaiterais vous faire part d’une interrogation, voire d’une crainte. Les mots : « chargés d’enseignement » réapparaissent aux articles 17 et 17
Je mets aux voix l'article 17, modifié.
M. le président.
(L'article 17 est adopté.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à midi.)
La séance est reprise.
M. le président.
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
2° Le chapitre II du titre V du livre VII de la troisième partie est complété par un article L. 752-2 est ainsi rédigé :
Art. L. 752-2
« Dans l’exercice de leur mission, les écoles mentionnées au premier alinéa :
« 1° Conduisent des activités de recherche en architecture, en assurent la valorisation et participent aux écoles doctorales mentionnées à l’article L. 612-7 ;
« 2° Forment à la transmission en matière d’éducation architecturale et culturelle ;
« 3° Participent à la veille artistique, scientifique et technique et à l’innovation dans ses différentes dimensions, notamment pédagogique ;
« 4° et 5°
(Supprimés)
« 6° Contribuent à la vie culturelle, économique, sociale et environnementale du territoire en développant des partenariats, notamment avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales, les entreprises et les autres établissements d’enseignement supérieur ;
« 7° Concourent au développement de la coopération architecturale, culturelle, scientifique, technique et pédagogique internationale ;
(Supprimé)
Art. L. 962-1. –
« II. – Par dérogation au statut général des fonctionnaires de l’État, des personnalités ne possédant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être recrutées et titularisées à tout niveau de la hiérarchie des corps d’enseignants des écoles d’architecture selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles les qualifications des intéressés sont appréciées par l’instance nationale.
« Des personnalités n’ayant pas la nationalité française peuvent, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, être nommées dans un corps d’enseignants des écoles d’architecture. »
L'amendement n
M. le président.
Alinéa 6, seconde phrase
Après le mot :
architecture
insérer les mots :
, du cadre de vie
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement, qui a fait l’objet d’une longue discussion en commission, tend à préciser que les écoles nationales supérieures d’architecture, les ENSA, assurent la formation des professionnels du cadre de vie sur l’ensemble des problématiques liées à l’aménagement et à l’urbanisme. Nous voulons que la qualification des professionnels et la compétence des écoles qui les forment soient reconnues en la matière.
Mme Sylvie Robert.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cette proposition a effectivement fait débat en commission. De fait, nous jugions l’expression « cadre urbain » préférable à celle de « cadre de vie », qui nous est suggérée. À ce stade, je m’en remets à la sagesse de notre Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Pour ma part, je trouve la notion de « cadre de vie » très pertinente, car celle de « cadre urbain » laisse de côté la ruralité, où les architectes interviennent également.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Robert, vous avez raison : l’architecture est pluridisciplinaire, et son champ englobe le cadre de vie. J’émets donc un avis favorable sur votre amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Remplacer les mots :
aux écoles doctorales mentionnées
par les mots :
à la politique nationale de recherche mentionnée
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement vise à assurer la cohérence de la participation des établissements d’enseignement supérieur relevant d’une cotutelle assumée en partie par le ministère de la culture et de la communication à la politique nationale de recherche. La rédaction que nous proposons prévient tout risque d’exclusion des écoles nationales supérieures d’architecture de la politique nationale de recherche, en ne limitant pas leur contribution aux seules écoles doctorales.
Mme Sylvie Robert.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
La modification proposée serait peu opérante. L’alinéa 6 de l’article 17
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis de sagesse.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
« 4° Délivrent des enseignements permettant de s’adapter aux exigences professionnelles internationales ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement nous semble important. Les écoles nationales supérieures d’architecture sont depuis de nombreuses années très engagées dans les programmes Erasmus. Dans ce cadre, elles envoient un grand nombre d’architectes dans les autres États de l’Union européenne et, réciproquement, font appel à des enseignants d’origine étrangère, qui enrichissent les formations grâce à une ouverture sur la diversité des pratiques.
Mme Sylvie Robert.
Nous proposons donc d’affirmer la vocation de formation à l'échelon international des écoles nationales supérieures d’architecture. Ces établissements doivent être pleinement intégrés dans les réseaux internationaux de l’enseignement supérieur, afin que nos futurs architectes puissent se présenter avec les meilleures chances de réussite aux concours d’architecture européens et internationaux.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ma sagesse légendaire me conduit à émettre un avis favorable sur cet amendement !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis du Gouvernement est également favorable. La présence de notre architecture au plan international est un enjeu de première importance. Quand notre architecture s’exporte, elle entraîne dans son sillage des entreprises, des savoir-faire et des artistes français.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 17
M. le président.
(L'article 17
est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 232-1 du code de l’éducation, les mots : « des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel » sont remplacés par les mots : « des établissements publics délivrant des diplômes nationaux de l’enseignement supérieur ».
La parole est à M. David Assouline.
Cet amendement est défendu.
M. David Assouline.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Avis de sagesse.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels sera l’instance appropriée pour satisfaire l’objectif des auteurs de cet amendement. Avis défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
Je retire cet amendement.
M. David Assouline.
L’amendement n
M. le président.
L’article L. 1 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il s’entend également du patrimoine immatériel constitué notamment par les pratiques, les représentations, les expressions, les connaissances et les savoir-faire ainsi que les instruments, les objets, les artefacts et les espaces culturels qui contribuent à une expression culturelle. » –
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 18 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 621-29-2 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une commune, propriétaire ou à affectataire domanial d’un immeuble classé ou inscrit, qui ne dispose pas des moyens nécessaires à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage de l’opération, du fait de l’insuffisance de ses ressources ou de la complexité du projet de travaux, peut demander une assistance à l’établissement public de coopération intercommunale duquel elle relève. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
En tant qu’élus locaux, acteurs de terrain, nous sommes nombreux à connaître les difficultés que rencontrent les petites communes pour entretenir leur patrimoine historique, qui peut pourtant être un facteur de développement du tourisme local.
M. Henri Cabanel.
Les budgets communaux ne sont souvent pas de taille à supporter les coûts des travaux d’entretien. Dans mon département, certaines communes doivent se contenter de condamner les accès à des monuments pour garantir la sécurité de nos concitoyens. Du coup, une partie de notre patrimoine historique dépérit et est vouée à l’abandon, faute de moyens.
Cet amendement vise à prendre en compte les difficultés auxquelles se heurtent nombre de petites communes pour entretenir leur patrimoine. C’est un enjeu vital pour nos monuments historiques et la préservation de notre patrimoine !
Plus précisément, nous proposons de permettre à l’échelon intercommunal, le plus pertinent en la matière, de financer des travaux d’entretien et de rénovation. Il ne s’agit pas d’instaurer un dispositif coercitif ; nous voulons simplement ouvrir une possibilité.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Madame la ministre, je vous souhaite à mon tour la bienvenue au Sénat, en me réjouissant que vous soyez, comme nous, très attachée au présent projet de loi.
Mme Françoise Férat,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Je vous remercie, madame la rapporteur !
Mme Audrey Azoulay,
Monsieur Cabanel, vous proposez qu’une commune puisse solliciter son intercommunalité pour mutualiser – c’est le mot à la mode – l’entretien des monuments historiques situés sur son territoire. Si votre intention est parfaitement compréhensible, des considérations de droit me conduisent à émettre un avis défavorable sur votre amendement. Si la commune a confié à l’intercommunalité sa compétence dans le domaine du patrimoine, la mutualisation va de soi ; dans le cas contraire, elle n’est pas possible.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je comprends les préoccupations dont procède l’idée d’autoriser les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à demander une assistance à celui-ci. Je ne méconnais pas les difficultés techniques qui se posent déjà aujourd’hui.
Mme Audrey Azoulay,
Je souhaite seulement pouvoir me concerter avec le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, car la disposition proposée concerne les relations entre les intercommunalités et leurs communes membres, qui relèvent du code général des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de l’amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Mme la rapporteur comme Mme la ministre ont reconnu que le problème soulevé par M. Cabanel était bien réel. Il faut donc le prendre en compte. Si nous voulons que la réflexion se poursuive au cours de la navette, nous devons adopter cet amendement, sachant que la rédaction de la disposition pourra être modifiée ultérieurement.
M. David Assouline.
Dans ce débat, nous devons montrer notre souci d’écouter l’expertise particulière des élus locaux, qui sont très attachés à la défense du patrimoine, comme vous, madame la ministre.
Quand les élus sont motivés pour prendre des initiatives, ce qui n’est pas toujours le cas, et proposent, à la lumière de leur expérience concrète du terrain, une solution face à une difficulté qui se pose, encourageons-les !
Je prends au mot la commission et le Gouvernement, qui ont reconnu la réalité du problème : adoptons cet amendement pour permettre au débat de se poursuivre, quitte à rechercher ensuite une meilleure rédaction juridique dans le cadre du travail interministériel, qui reste nécessaire.
La parole est à Mme la rapporteur.
M. le président.
Il n’y a aucun lien entre notre opposition à cet amendement et engagement en faveur de la protection du patrimoine. Je rappelle simplement qu’il y a une impossibilité légale. En vertu du code général des collectivités territoriales, une intercommunalité n’est pas tenue de prendre en charge l’entretien des monuments historiques situés sur son territoire si elle n’en a pas reçu la compétence. Le plus simple serait que les communes concernées décident d’agir ensemble et, le cas échéant, d’exercer cette compétence de manière intégrée.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne comprends pas l’objection de Mme la rapporteur.
M. Franck Montaugé.
Il est fréquent que des communes prennent en charge la restauration de monuments, par exemple d’églises, sans contrevenir à la loi.
Notre amendement vise à résoudre le problème qui se pose lorsque les coûts des travaux excèdent les capacités de financement des communes. Je ne vois pas le rapport avec la question de la compétence sur les monuments historiques.
La parole est à Mme la rapporteur.
M. le président.
Pardonnez-moi d’insister : en vertu du code général des collectivités territoriales, si l’établissement public de coopération intercommunale est d’accord pour concourir à une opération d’entretien ou de restauration, il prend la compétence, ce qui règle le problème.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Le livre I
1° Le dernier alinéa de l’article L. 111-7 est supprimé ;
2° Le chapitre I
Art. L. 111-8.
Art. L. 111-9
Art. L. 111-10
« L’État rend les biens culturels à l’État propriétaire ou détenteur après cessation de la situation ayant occasionné leur mise à l’abri ou à tout moment à la demande de ce dernier.
« Les biens culturels accueillis dans les conditions prévues au présent article sont insaisissables pendant la durée de leur séjour sur le territoire national.
« Pendant leur mise en dépôt sur le territoire national, des prêts peuvent être consentis, après accord de l’État qui les a confiés, pour faire circuler ces biens culturels dans le cadre de l’organisation d’expositions nationales ou internationales, destinées à faire connaître ce patrimoine en danger. En cas de sortie du territoire national, l’État qui accueille l’exposition garantit l’insaisissabilité des biens concernés pendant la durée de l’exposition.
Art. L. 111-11.
3° L’article L. 114-1 est ainsi modifié :
« I. – Est puni de cinq années d’emprisonnement et d’une amende de 450 000 euros le fait, pour toute personne d’exporter ou de tenter d’exporter : » ;
« II. – Est puni des mêmes peines le fait, pour toute personne, d’importer un bien culturel en infraction à l’article L. 111-8.
« III. – Est puni des mêmes peines le fait, pour toute personne, d’importer, d’exporter, de faire transiter, de vendre, d’acquérir ou d’échanger un bien culturel en infraction à l’article L. 111-9.
« Les auteurs des infractions aux interdictions définies au même article L. 111-9 encourent, en outre, la confiscation des biens en cause. » ;
4° Le titre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Annulation de l’acquisition d’un bien culturel en raison de son origine illicite
Art. L. 124-1
« La personne publique propriétaire demande, en outre, au juge d’ordonner la restitution du bien à l’État d’origine ou au propriétaire légitime s’il en a fait la demande.
« La personne publique propriétaire a droit au remboursement du prix d’acquisition par le vendeur.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Art. L. 111-9-…
La parole est à M. Franck Montaugé.
Cet amendement vise à mettre en valeur et, le cas échéant, à conserver les biens culturels extra européens saisis en douane ou reconnus comme sortis illégalement de pays hors de l’Union européenne dont les États d’origine ne réclament pas le retour à l’issue des procédures administratives et de la procédure judiciaire prévues dans le code du patrimoine. Une telle mesure permettrait la valorisation des biens culturels non réclamés en même temps que l’enrichissement des collections des musées de France en région ayant élaboré des projets culturels et scientifiques adéquats.
M. Franck Montaugé.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à valoriser dans un musée français des biens culturels en provenance d’États étrangers, avec l’accord de l’État d’origine ou en l’absence de réclamation.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement correspond à la proposition n
Mme Audrey Azoulay,
Sur le plan politique, le Gouvernement souscrit pleinement à l’intention des auteurs de l’amendement. Sur le plan juridique, nous considérons qu’il est déjà possible de mettre en œuvre les mesures proposées s’agissant des biens saisis parce qu’exportés illicitement d’un pays extérieur à l’Union européenne, en priorité dans des musées de France territoriaux. Néanmoins, l’objectif étant largement partagé dans cet hémicycle, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. le président.
Nous avons un doute quant à la rédaction de l’amendement. Pour nous, le fait de conserver ces biens culturels dans les collections des musées français ne pose aucun problème en cas d’accord des pays d’origine. En revanche, il en va différemment dans le cas de la non-réclamation des œuvres. En effet, nous nous trouvons dans une situation internationale très instable – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, puisqu’il existe des États faillis.
M. Pierre Laurent.
Par ailleurs, même si les auteurs de l’amendement ont indiqué que les biens ne pouvaient être considérés comme non réclamés qu’« à l’issue des procédures administratives prévues aux articles L. 112-3 et L. 112-4 et de la procédure judiciaire prévue à l’article L. 112-6 du code du patrimoine », cela n’est pas précisé dans le dispositif même qui nous est proposé.
Par conséquent, on peut avoir un doute sur le fait d’affirmer sans autre précision que ces dispositions valent en cas de non-réclamation des œuvres par les États d’origine. On sait d’évidence que certains États regorgent d’œuvres d’art faisant l’objet de trafics et qu’ils ne sont aujourd’hui pas en mesure, d’un point de vue administratif, de réclamer quoi que ce soit. D’une certaine manière, ces États n’ont pas réellement d’existence en ce moment.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
La préoccupation qui vient d’être exprimée est juste. Je propose de revoir la rédaction de cet amendement de manière plus approfondie au cours de la navette. Il arrive en effet que certains États disparaissent temporairement avant, parfois, de réapparaître.
Mme Audrey Azoulay,
Si l’amendement vise à valoriser les biens culturels saisis, il ne doit pas pour autant aboutir à leur captation au détriment des États d’origine, qui, on le souhaite, sont susceptibles de renaître et de retrouver à terme leur patrimoine.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n
Alinéas 12 et 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à Mme la ministre.
Le présent amendement a pour objet de rétablir le quantum de peine de prison prévu par l’article L. 114-1 du code du patrimoine pour les faits d’exportation illicite de biens culturels.
Mme Audrey Azoulay,
Cette sanction est également applicable aux infractions d’importation illicite, d’une part, et aux infractions d’importation, d’exportation, de transit, de vente, d’acquisition et d’échange de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État protégé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, d’autre part.
Je le rappelle, les nouvelles infractions dont il est question ont été adoptées par l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement. Elles sont destinées à lutter plus efficacement contre le trafic illicite de biens culturels, notamment, comme c’est souvent le cas, quand ce trafic illicite est susceptible d’être lié à des opérations de financement du terrorisme.
Aujourd’hui, les peines prévues sont de deux ans de prison et de 450 000 euros d’amende. Or la commission de la culture du Sénat a souhaité les alourdir en portant de deux à cinq ans le quantum de la peine de prison encourue.
L’objectif de la commission est louable, puisqu’il s’agit au premier chef de lutter contre les auteurs des trafics illicites de biens culturels, dont l’action peut bénéficier aux réseaux terroristes.
Néanmoins, je crains que l’on ne fragilise juridiquement le dispositif en cherchant à frapper plus fort. Un tel dispositif sera très large, et pourra être qualifié de disproportionné : il s’appliquera à tous les auteurs d’exportation et d’importation illicite de biens culturels, au-delà des seuls complices d’actes de terrorisme.
Par conséquent, le Gouvernement vous propose de revenir à un quantum de deux ans de prison, ce qui est déjà lourd, mais paraît plus équilibré. Le dispositif actuel permet par ailleurs d’infliger une forte sanction pécuniaire à l’encontre des personnes coupables de trafic de biens culturels.
L'amendement n
M. le président.
1° Remplacer le mot :
par le mot :
2° Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Elle va encore alourdir les sanctions !
M. David Assouline.
C’est vrai, mon amendement vise à alourdir considérablement les peines prévues !
Mme Sylvie Robert.
(Sourires.)
J’ai souhaité le présenter, car M. le rapporteur n’avait pas su me répondre avec précision lorsque je lui avais demandé en commission pourquoi la peine de prison encourue était portée à cinq ans.
Le sujet me tient à cœur. Je considère qu’il s’agit d’un enjeu international très important aujourd’hui. Au passage, j’espère réellement que le rapport du directeur du musée du Louvre, dont j’ai lu avec beaucoup d’attention les préconisations, sera suivi d’effets. Il y a en effet beaucoup de travail à accomplir.
En présentant cet amendement, qui est en quelque sorte un amendement d’appel, je tenais à dire que la peine doit être à la hauteur de l’enjeu. J’avais d’ailleurs trouvé une référence au trafic de stupéfiants. Il faut le savoir, Daech tire des ressources quotidiennes très importantes du trafic de biens culturels. Je souhaitais rappeler ces éléments devant la Haute Assemblée.
Pour autant, mes chers collègues, je retire mon amendement, au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement n
M. le président.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n
Nous sommes évidemment plus que favorables à l’établissement d’une sanction en cas d’exportation ou de tentative d’exportation d’un bien culturel ou d’un trésor national.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Simplement, nous nous étions rapprochés de la commission des lois du Sénat lors de l’examen du texte en commission pour tenter de déterminer une peine de prison proportionnée au regard de la sanction financière prévue. Il nous a alors semblé qu’une peine de deux ans de prison n’était pas suffisante. Cela étant, cinq ans, c’est peut-être une sanction trop lourde.
Profitons de la navette parlementaire pour que les deux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les deux commissions de la culture, puissent améliorer le dispositif et faire en sorte qu’il existe une vraie proportionnalité entre la sanction pécuniaire et la peine de prison. La cohérence entre les deux est nécessaire.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
J’approuve la position du Gouvernement, qui souhaite sécuriser juridiquement le dispositif. Il ne faudrait pas contribuer à laisser passer encore plus de personnes entre les mailles du filet en modifiant le texte actuel !
M. David Assouline.
Dès lors que la rédaction actuelle du texte n’offre pas une telle sécurité juridique, je préfère que l’on en rediscute dans le cadre de la navette et que l’on conserve le dispositif gouvernemental, d’autant plus que ce dernier a fait l’objet d’une expertise.
Néanmoins, je veux vous alerter sur le fait qu’il faut montrer une grande fermeté sur le sujet.
Bien sûr !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Depuis que les ressources pétrolières sont bombardées, le trafic de biens culturels a pour conséquence immédiate d’alimenter directement et abondamment le terrorisme à l’échelon international, ce que M. le ministre des finances a d’ailleurs réaffirmé à plusieurs reprises.
M. David Assouline.
Madame la ministre, il faudrait évaluer à sa juste mesure l’argument concernant la proportionnalité du dispositif. Certains auteurs de trafics considèrent aujourd’hui qu’ils peuvent payer les amendes, car les trafiquants ont généralement de quoi payer.
Si l’on veut réellement criminaliser les trafics illicites et faire en sorte que cela ne s’apparente pas à de la délinquance en col blanc, il faut que les sanctions soient aussi lourdes pour les trafiquants que pour les auteurs, par exemple, d’un vol de voiture ou de mobylette. Comme ces derniers n’ont souvent pas les moyens de payer les amendes, ils sont envoyés en prison !
Je souhaite donc que l’on évalue la proportionnalité des sanctions en matière de trafic de biens culturels. Il ne faut pas que la sanction financière soit lourde sans que la peine de prison soit en adéquation. Les deux sanctions doivent être proportionnées. Je suis favorable à ce que la réflexion se poursuive lors de la navette.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
M. le président.
En complément des propos de mon collègue David Assouline, je souhaiterais que la navette nous permette de mesurer avec précision les effets qu’induit le niveau de la peine encourue, afin que d’autres biens susceptibles de se situer dans le périmètre de la disposition retenue n’en subissent pas les conséquences.
Mme Sylvie Robert.
Je pense donc que nous pouvons adopter l’amendement du Gouvernement.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 18 B, modifié.
M. le président.
(L'article 18B est adopté.)
I. – Le 4° de l’article L. 115-1 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
II. – Le titre I
« CHAPITRE VI
« Fonds régionaux d’art contemporain
Art. L. 116-1
« 1° Acquises, sauf exception, du vivant de l’artiste, avec des concours publics et sur proposition d’une instance composée de personnalités qualifiées dans le domaine de l’art contemporain ou par dons et legs ;
« 2° Représentatives de la création contemporaine française et étrangère dans le domaine des arts graphiques et plastiques ainsi que des arts appliqués ;
« 3° Destinées à la présentation au public dans et hors les murs, notamment en des lieux non dédiés à l’art ;
« 4° Faisant l’objet d’actions de médiation et d’éducation artistique et culturelle en direction des publics ;
« 5° Portées sur un inventaire.
Art. L. 116-2
« Dans le cas où le demandeur du label est une personne morale de droit privé à but non lucratif, il doit justifier de l’inscription, dans ses statuts, d’une clause prévoyant l’affectation irrévocable des biens acquis par dons et legs ou avec le concours de l’État ou d’une collectivité territoriale à la présentation au public. Ces biens ne peuvent être cédés, à titre gratuit ou onéreux, qu’aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l’affectation de ces biens à la présentation au public. La cession ne peut intervenir qu’après approbation de l’autorité administrative après avis de la Commission scientifique nationale des collections.
« Les modalités d’attribution et de retrait du label ainsi que les conditions de conservation et de présentation au public des œuvres concernées sont précisées par décret en Conseil d’État. » –
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
Les amendements n
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 111-2 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les biens qui, eu égard à leur importance particulière pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie, entrent dans l’une des catégories définies par décret en Conseil d’État, ce certificat précise que ces biens ne peuvent faire l’objet, dans le délai d’un an courant à compter de sa délivrance, d’une vente publique, d’une vente de gré à gré au sens de l’article L. 321-9 du code de commerce ou assimilées que si cette vente est réalisée sur le territoire français. »
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n
Madame la ministre, prenant la parole pour la première fois au cours de cette séance, je voudrais vous féliciter au nom du groupe Les Républicains et vous adresser des vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions.
Mme Colette Mélot.
Cet amendement concerne le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art les plus importantes. Le code du patrimoine reconnait à l’État un droit de préemption sur toute vente publique d’œuvres d’art. Ce mécanisme est primordial pour la protection du patrimoine culturel français, comme l’a rappelé une décision récente du Conseil d’État. C’est l’exercice du droit de préemption qui a concouru au maintien d’œuvres célèbres dans le patrimoine français et à l’enrichissement de nos musées.
Cependant, le dispositif mis en place n’est pas suffisamment efficace, puisque le droit de préemption ne peut pas s’appliquer lorsque la vente d’une œuvre d’art est réalisée à l’étranger. La localisation de la vente à l’étranger rend donc totalement inopérant l’exercice du droit de préemption par l’État.
Pour assurer l’effectivité de ce droit, nous proposons de subordonner la délivrance du certificat d’exportation à la réalisation de toute vente publique en France.
La question de la constitutionnalité d’un tel amendement a été soulevée lors de son examen en commission. On notera tout d’abord que le dispositif n’interdit pas la vente de ces œuvres à des étrangers ou leur sortie du territoire. Pour que l’État puisse exercer son droit de préemption, il faut seulement que la vente des pièces les plus importantes soit localisée en France.
En vertu de la jurisprudence constitutionnelle, ces restrictions, pour être acceptables, doivent répondre à un motif d’intérêt général et être proportionnées.
Or, dans le cas présent, la mesure est justifiée par un motif d’intérêt général : garantir de l’effectivité du droit de préemption de l’État pour assurer le maintien de biens culturels en France. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs considéré à plusieurs reprises, notamment en 2011 et en 2014, que le maintien de biens culturels en France présentait un caractère d’intérêt général.
En outre, le dispositif de l’amendement respecte le critère de proportionnalité, car il est limité aux seuls biens les plus significatifs et les plus importants du point de vue de l’art, de l’architecture ou de l’histoire, et figurant sur une liste fixée par décret.
Enfin, le phénomène de délocalisation des ventes d’œuvres d’art entraîne des conséquences économiques et sociales directes pour les maisons de vente. Le déficit annuel du secteur a atteint environ 250 millions d’euros au cours des dernières années.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n
M. le président.
Mon amendement est identique à celui qui vient d’être parfaitement défendu. Je n’ai rien à ajouter, sinon que je souhaite la bienvenue à la nouvelle ministre de la culture !
M. Yves Détraigne.
(Sourires.)
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n
M. le président.
Il est défendu, ce qui prouve que l’on peut parler de culture et aimer la culture sans nécessairement se montrer bavard !
M. Jean-Claude Requier.
(Rires sur certaines travées.)
L'amendement n
M. le président.
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le propriétaire desdits biens envisage de les céder dans le cadre d’une vente publique dans un délai d’un an à compter de la demande du certificat mentionné au premier alinéa du présent article, celui-ci est délivré sous condition de réalisation de la vente publique ou de la vente de gré à gré au sens de l’article L. 321-9 du code de commerce sur le territoire français. Un décret en Conseil d’État fixe la liste des catégories de biens, qui, eu égard à leur importance particulière pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie, relèvent du champ d’application du présent alinéa. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Madame la ministre, je tenais tout d’abord à vous saluer et à vous féliciter, ainsi qu’à vous souhaiter courage et bonne chance dans le cadre de vos missions.
Mme Marie-Pierre Monier.
Je n’ajouterai pas grand-chose à ce qui vient d’être dit, si ce n’est que le phénomène de délocalisation des ventes d’œuvres d’art à l’étranger, notamment à Londres, New York et Hong-Kong, s’est accéléré au cours des dernières années pour représenter environ 250 millions d’euros par an. Cela a des conséquences économiques, fiscales et sociales directes pour le secteur des maisons de vente.
À Paris, le marché de l’art a été désorganisé. Je crois même que la place de Paris ne représente plus qu’environ 6 % du marché mondial de l’art, et a régressé au cinquième rang mondial.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ces quatre amendements visent à subordonner la délivrance du certificat d’exportation à l’engagement du propriétaire de ne pas vendre son œuvre à l’étranger au cours de l’année qui suit. Ces dispositions s’appliqueraient à une catégorie intermédiaire de biens situés entre les trésors nationaux et les biens culturels.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Leurs auteurs justifient leur proposition par la volonté de faciliter l’exercice du droit de préemption de l’État. L’argument est intéressant, mais, sur un plan strictement juridique, la mesure contreviendrait au droit européen.
L’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne limite clairement aux seuls « trésors nationaux » le champ de la possibilité de faire obstacle au principe de libre circulation des marchandises. La nouvelle catégorie qu’il est proposé de créer ne relevant pas de cette catégorie des trésors nationaux, rien ne saurait justifier la mise en place de nouvelles conditions pour la délivrance du certificat d’exportation.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles la durée de l’interdiction, pour le propriétaire, de vendre son œuvre à l’étranger se limite à un an. Il est évident que les places étrangères trouveront rapidement une parade.
Je tiens à signaler que, constatant le déclin de la place de Paris face aux maisons de vente aux enchères anglo-saxonnes et asiatiques, la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale a décidé la création d’une mission d’information sur le marché de l’art, présidée par Michel Herbillon et dont Sophie Dessus a été nommée rapporteur.
Cette mission pourrait dégager des solutions au problème soulevé par les amendements que nous examinons. Dans ces conditions, peut-être vaudrait-il mieux lui laisser le temps de travailler sereinement. Peut-être pourrions-nous être associés à ses réflexions…
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Ces quatre amendements ont pour objet, dans un souci de protection du patrimoine national, mais aussi d’appui au marché de l’art français, d’assortir la délivrance de certains certificats d’exportation d’un délai d’un an, à compter de cette délivrance, pendant lequel toute vente hors de France ne serait pas autorisée.
Mme Audrey Azoulay,
Les deux objectifs que l’on cherche ainsi à atteindre sont louables, mais leur combinaison au sein d’un même instrument pose un certain nombre de problèmes, notamment juridiques, relevés par Mme la rapporteur.
Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis préoccupée par le phénomène de délocalisation des ventes d’art vers d’autres places de marché, où sont valorisés des biens culturels issus de notre pays. Mais, quand on examine les chiffres d’affaires en jeu, on constate que ce phénomène concerne surtout l’art contemporain. Or celui-ci n’est pas visé par le dispositif des certificats d’exportation, qui ne sont pas exigés pour les œuvres de moins de cinquante ans. Dès lors, l’adoption de la disposition ne permettrait pas de satisfaire complètement à l’objectif de protection de la place parisienne.
Mme la rapporteur a cité la mission qui a été confiée aux députés Michel Herbillon et Sophie Dessus. Il pourrait effectivement être fort utile que le Sénat soit associé à ses travaux.
Tout comme Mme Férat, je crains que des stratégies de contournement de la législation en matière de certificats d’exportation ne soient susceptibles d’être mises en œuvre, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de protection du patrimoine.
Enfin, se pose la question du respect du droit communautaire, avec une possible entrave à la libre circulation des biens et une atteinte aux droits de propriété, qui pourraient apparaître disproportionnées au regard de l’objectif d’intérêt général visé.
En conclusion, même s’il partage les intentions de leurs auteurs, le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
Madame Mélot, l'amendement n
M. le président.
Je suis évidemment sensible au premier argument avancé par Mme la rapporteur, celui du respect du droit européen, mais les délocalisations hors de l’Union européenne, vers New York ou Hong Kong, notamment, sont nombreuses.
Mme Colette Mélot.
Mettre en place une mission spécifique, à l’instar de l’Assemblée nationale, pourrait être fort intéressant !
Par ailleurs, madame la ministre, j’ai relevé que vous étiez sensible aux arguments que j’ai essayé de développer. À mes yeux, le sujet mérite vraiment d’être approfondi. Il y va de la protection de notre patrimoine ! Je vous remercie donc de m’avoir entendue. Pour l’heure, je retire mon amendement.
L'amendement n
M. le président.
Monsieur Détraigne, l'amendement n
Non, je vais le retirer également, monsieur le président, en souhaitant que la mission d’information rende rapidement ses conclusions. Il n’est pas rare que l’on nous annonce l’engagement d’une réflexion et que, deux ans ou trois ans plus tard, les choses en soient toujours au même point ! Madame la ministre, nous comptons sur vous pour faire avancer ce dossier !
M. Yves Détraigne.
Mais, pour l’heure, je retire l’amendement.
L'amendement n
M. le président.
Monsieur Requier, l'amendement n
Ma collègue première signataire de cet amendement tient à celui-ci. En outre, je crains que la mesure ne finisse aux oubliettes si elle ne peut être débattue à l’Assemblée nationale.
M. Jean-Claude Requier.
Je maintiens donc l’amendement.
Nous maintenons également l’amendement n
M. David Assouline.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
M. le président.
L’article L. 441-2 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils établissent un projet scientifique et culturel, qui précise la manière dont sont remplies ces missions. »
L'amendement n
M. le président.
Après les mots :
Ils établissent
insérer les mots :
, en concertation avec les associations culturelles locales,
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Je m’exprime au nom de Gisèle Jourda, qui, à son grand regret, ne pouvait être parmi nous aujourd'hui.
Mme Marie-Pierre Monier.
Cet amendement vise à introduire une consultation des associations culturelles locales lors de l’élaboration des projets scientifiques et culturels – les PSC – des musées de France.
Une telle concertation avec le public modifierait les pratiques en matière de patrimoine culturel et renforcerait la démocratie culturelle. Nous souhaitons vivement que soient mises en œuvre de telles pratiques, que la convention de Faro promeut depuis 2005.
Il s’agit également d’une recommandation formulée de longue date par la Fédération française des sociétés d’amis de musées, dont je tiens ici à saluer le travail, ainsi que le dynamisme de ses adhérents.
Nous sommes convaincus que les dispositifs de cette nature facilitent les échanges et favorisent leur diversité, apportant ainsi une contribution sérieuse à la qualité du cadre de vie et à ce « vivre ensemble » dont nous parlons tant en ce moment !
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement tend à prévoir l’élaboration des projets scientifiques et culturels des musées de France en concertation avec les associations culturelles locales.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
L’élaboration d’un bon projet scientifique et culturel suppose évidemment l’organisation de consultations destinées à mieux connaître les attentes des uns et des autres. Pour autant, faut-il en faire une obligation, de surcroît de nature législative ? Il me semble que non.
Adopter une telle disposition introduirait des contraintes et des lourdeurs dans le processus d’élaboration du projet scientifique et culturel, d’autant que la notion d’« associations culturelles locales » est particulièrement vague. On pourrait alors imaginer qu’un projet puisse être contesté au motif que l’ensemble des associations pouvant se prétendre « culturelles » n’auraient pas été interrogées.
L’avis est donc défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Rendre obligatoire, au travers de la loi, la concertation avec les associations culturelles locales en vue de l’élaboration des projets scientifiques et culturels des musées de France me semble, comme à Mme la rapporteur, poser certaines difficultés.
Mme Audrey Azoulay,
Le projet scientifique et culturel est véritablement au cœur de la démarche du musée ; c’est ce qui conditionne sa labellisation en tant que musée de France.
Il est évident que son élaboration appelle une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, dont les associations culturelles locales ou les associations d’amis du musée.
Je comprends donc la préoccupation exprimée, mais, comme cela vient d’être souligné, la notion d’« associations culturelles locales » est fort large. En adoptant une telle disposition, on risque effectivement d’alourdir la procédure et de gêner l’élaboration des projets scientifiques et culturels. L’avis est donc défavorable.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre sont convaincants. Nous ne voulons surtout pas fragiliser le dispositif. C’est pourquoi nous retirons l’amendement n
M. David Assouline.
L'amendement n
M. le président.
L'amendement n
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le projet inclut un volet éducatif qui précise les activités et partenariats proposés aux établissements d’enseignement scolaire.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Cet amendement tend à prévoir que le projet scientifique et culturel devra comporter un volet éducatif détaillant les partenariats avec les établissements scolaires et les activités proposées dans ce cadre.
Mme Marie-Pierre Monier.
L’inscription de cette mention dans le PSC est extrêmement importante, car l’école constitue pour beaucoup d’enfants le premier moyen d’accès aux musées et aux pratiques culturelles et artistiques, voire le seul.
Réciproquement, les parcours d’éducation artistique et culturelle seraient construits davantage en concertation entre les établissements scolaires et les musées locaux.
Pour avoir longtemps vécu l’organisation de voyages scolaires et la visite de musées avec des élèves issus de milieux sociaux divers, je peux dire que s’il est très important de permettre à tous les enfants d’accéder aux musées, il faut aussi veiller à la bonne adaptation au public scolaire de la présentation des œuvres et de l’organisation des visites.
C’est pourquoi il est important que le volet éducatif soit élaboré en partenariat avec les établissements scolaires.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il s’agit, au travers de cet amendement, d’insérer un volet pédagogique au sein des projets scientifiques et culturels des musées. Ces derniers comportent déjà un important volet consacré à la question des publics, au nombre desquels figure, bien évidemment, le public scolaire. Ils doivent en particulier expliciter les politiques mises en place à destination des différents publics, les services offerts au public et la politique culturelle engagée par l’établissement en direction de publics spécifiques, dont le public scolaire.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La mise en place d’un service éducatif compte parmi les questions qu’un chef d’établissement doit se poser au moment de l’élaboration de son projet scientifique et culturel. Dans ces conditions, il ne me paraît pas nécessaire d’inscrire une telle disposition dans la loi, d’autant que sa nature législative prête à discussion et que, encore une fois, son adoption serait susceptible d’ouvrir la voie à une multitude de demandes relatives aux différents volets – accessibilité, personnes âgées, partenariats avec les entreprises… – devant figurer dans un PSC.
Au bénéfice de ces observations, j’émets un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement tend à ce que les projets scientifiques et culturels des musées, dont l’importance cruciale vient d’être rappelée, incluent un volet éducatif.
Mme Audrey Azoulay,
Il s’agit là d’un sujet majeur, et les musées prennent d’ailleurs de plus en plus conscience – c’est une évolution récente tout à fait louable – du caractère fondamental du volet éducatif de leur action. Celui-ci est un outil essentiel de démocratisation culturelle, car il permet de faire venir les familles au musée.
Plusieurs initiatives ont été prises en la matière ces dernières années. Je voudrais en particulier saluer deux d’entre elles : d’une part, la création de la Petite Galerie du Louvre, dédiée aux enfants ; d’autre part, l’opération « La classe, l’œuvre ! », qui fait des enfants des guides et des médiateurs dans les musées.
Il me semble donc important d’insérer ce volet éducatif au cœur du projet scientifique et culturel du musée. Le Gouvernement émet un avis favorable.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Nous sommes tous attachés à l’éducation artistique et culturelle, priorité que le Gouvernement a maintes fois réaffirmée. Nos musées disposent en effet de services de médiation culturelle, qui proposent des projets au public scolaire. Même si ces projets peuvent parfois apparaître insuffisants, il conviendra en tout cas de réaffirmer le bien-fondé de la mission de ces services.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Cela étant dit, pourquoi ériger en priorité l’éducation artistique et culturelle plutôt, par exemple, que le développement de l’accessibilité, domaine dans lequel il reste beaucoup de progrès à faire ? Pourquoi faudrait-il privilégier, dans la loi, tel objectif plutôt que tel autre ? Ne conviendrait-il pas de renvoyer à un décret la définition des objectifs du projet scientifique et culturel ?
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Des actions sont aussi menées en faveur de la promotion de l’accessibilité. Par exemple, un prix de l’accessibilité est décerné chaque année.
Mme Audrey Azoulay,
À mon sens, la mission éducative se distingue des autres en ce qu’elle a un caractère universel. L’établir comme une priorité peut favoriser l’évolution de nos musées.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Selon Mme la présidente de la commission, inscrire dans la loi l’inclusion d’un volet éducatif dans les projets scientifiques et culturels des musées risquerait d’être au détriment de toutes les autres missions de ces derniers. Pour ma part, je ne le crois pas. Comme cela a été dit, non seulement la dimension éducative a un caractère universel, mais les expériences en cours montrent qu’attirer les enfants dans les musées permet d’y faire venir aussi les familles dans leur diversité. Il y a là un effet d’entraînement qui me paraît important. J’insiste sur le bien-fondé de cet amendement.
M. David Assouline.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
M. le président.
Après avoir insisté sur l’importance particulière de l’accès à la culture et à la connaissance pour les futurs citoyens, nous ne pouvons que voter cet amendement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 18
M. le président.
(L'article 18
A est adopté.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 18
À l’article L. 211-1 du code du patrimoine, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « , et données ».
La parole est à M. Pierre Laurent, sur l'article.
Mme la présidente.
Nous nous félicitons de la démarche de nos collègues députés visant à prendre en compte la question des archives dans le présent texte, puisqu’il s’agit d’une dimension à part entière des grandes problématiques culturelles et patrimoniales.
M. Pierre Laurent.
Cependant, si nous apprécions que la protection des archives classées soit renforcée par les articles 18
Si nous pouvons entendre que certaines communes ne peuvent assumer un service d’archives, il nous semble hasardeux d’automatiser l’application du principe de mutualisation et, surtout, de limiter le rôle du préfet dans le processus. Il est notamment prévu de supprimer le pouvoir de prescription et de substitution du représentant de l’État inscrit à l’article L. 212-2 du code du patrimoine, ce qui nous inquiète ; nous présenterons des amendements sur ce point.
Par ailleurs, aucune disposition ne vise à revenir sur ce que certains ministères considèrent comme des avancées de la loi du 15 juillet 2008 mais que nous jugeons, pour notre part, problématiques, s’agissant de l’accès aux archives. Certaines archives sont considérées comme incommunicables hors du cadre du secret défense, notamment les archives dont on présume qu’elles pourraient permettre de fabriquer des armes de destruction massive. Sous ce prétexte, on empêche les personnes irradiées par les essais nucléaires français d’accéder à des documents pouvant servir leurs démarches. Il en va de même pour les archives faisant apparaître le comportement d’une personne, y compris lorsqu’il s’est manifesté dans le cadre d’une activité publique, pouvant lui porter préjudice s’il est dévoilé. Nous pensons que de telles limitations devraient être levées. Pour l’heure, il peut arriver que des historiens ou des journalistes se trouvent empêchés d’accéder à des archives pour des motifs qui nous paraissent discutables.
Nous serons vigilants sur ces questions, ainsi que sur celles qui touchent à la réutilisation commerciale d’archives publiques par des sociétés privées. Il s’agit certes de protéger les archives, mais aussi de permettre l’information des citoyens et la recherche scientifique et historique.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme la présidente.
Je voudrais évoquer la spécificité des archives photographiques des services des collectivités. Il n’existe pas d’encadrement, pas de guide sur le stockage des images, la qualité de leur référencement ou l’obligation de renseigner les champs IPTC, en vue d’une réutilisation.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je signale au passage que ces champs indiquent les noms des auteurs des clichés, qui, bien que fonctionnaires, conservent l’entièreté de leur droit moral, comme le précise l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle.
J’ajoute que ces images font parfois l’objet d’appels d’offres de numérisation des services informatiques des collectivités ne prenant pas en compte les volumes de pixels gigantesques nécessaires, ni la volatilité du numérique, qui impose des réenregistrements réguliers, voire des modernisations de support.
Je lance un message d’alerte : il serait bon que, pour la bonne conservation de notre patrimoine commun d’archives, y compris décentralisées, l’on prenne en compte cette problématique de l’archivage des images.
Je mets aux voix l'article 18
Mme la présidente.
(L'article 18
est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Le titre I
Art. L. 410-
« Les musées gérés par une personne morale de droit privé auxquels l'appellation « musée privé de France » a été attribuée sont régis par les articles L. 441-1 et suivants et bénéficient des mêmes avantages fiscaux que ceux relevant de l’appellation « musée de France ». » ;
2° L'article L. 442-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’appellation « musée privé de France » peut être attribuée à la personne morale de droit privé qui en fait la demande, dès lors que celle-ci justifie détenir une collection permanente significative d’œuvres d’art ou d’objets de collection, à condition qu’elles soient portées sur un inventaire et destinées à être présentées dans un établissement recevant du public ouvert au moins six mois par an et existant depuis plus de deux ans.
« L’appellation est attribuée par décision du ministre chargé de la culture. Les modalités d’attribution et de retrait de l’appellation « musée privé de France » sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Cet amendement fera certainement le bonheur de tous…
M. Roger Karoutchi.
Nous avons, ces dernières années, mis en place une fiscalité et un cadre juridique extrêmement contraignants. Les musées privés représentent aujourd’hui à peu près 15 % des entrées de l’ensemble des musées, le reste étant réparti entre les musées nationaux et les musées publics.
Les musées nationaux et les musées publics reçoivent des subventions de l’État ou des collectivités, qui leur permettent de tenir.
En revanche, nombre de petits musées privés, notamment en province, ne bénéficient d’aucune aide publique. Leurs ressources se résument ainsi aux recettes des entrées. Si on applique à ces recettes une fiscalité trop forte, les petits musées privés ne s’en sortent plus. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux ferment.
Nous proposons donc de créer un label « musée privé de France », qui concernerait les musées abritant des collections dignes de ce nom et ouverts au public au moins six mois par an. Ne serait-il alors pas possible d’aligner la fiscalité pesant sur les recettes de leurs entrées sur celle qui s’applique aux musées publics, afin de sauver les petits musées privés de province, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés ?
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission n’est pas favorable à la création d’une appellation spécifique « musée privé de France ».
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Et voilà ! Et pourquoi ?
M. Roger Karoutchi.
Aujourd’hui, toute personne privée peut créer un musée, à condition qu’il soit à but non lucratif. Mettre en œuvre votre proposition, monsieur Karoutchi, serait sans doute fort complexe. Les obligations administratives ou scientifiques qui pèsent sur les musées publics justifient la différence de traitement que vous avez soulignée. Toutefois, je pense qu’il nous faut retravailler cette question.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Nous ne fermons pas la porte, mais, pour l’heure, il ne nous semble pas possible de créer cette nouvelle catégorie de musées, qui ne nous paraît pas présenter un intérêt pour le public.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle appellation « musée privé de France », pour que ces musées privés bénéficient des avantages liés à l’appellation « musée de France », notamment en matière fiscale.
Mme Audrey Azoulay,
Ce qui importe pour déterminer le régime fiscal, c’est de savoir si le musée considéré, que son statut soit privé ou public, est ou non à but lucratif. Le statut importe peu, puisqu’il existe des musées associatifs, des musées de France qui sont des structures de droit privé à vocation d’intérêt général, pour lesquels le législateur a veillé à ce que le régime fiscal soit en harmonie avec le but non lucratif de l’établissement. Cela est d’ailleurs en conformité avec les prescriptions du Conseil international des musées, l’ICOM, qui définit le musée comme une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Karoutchi, l'amendement est-il maintenu ?
Mme la présidente.
J’ai la solide habitude d’être battu quand la commission s’oppose à mes amendements… Je vais donc retirer celui-ci, mais je demande à la commission de bien vouloir travailler sur cette question.
M. Roger Karoutchi.
Absolument !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
J’entends bien vos arguments, madame la ministre, mais, franchement, que l’on me démontre le but lucratif de certains petits musées de province ! Leur création résulte souvent de la volonté de personnalités ou de donateurs locaux, auxquels ils ne rapportent rien. Leur viabilité est aujourd’hui compromise.
M. Roger Karoutchi.
Récemment encore, plusieurs petits musées de nos provinces ont été contraints de fermer. Je ne dis pas qu’ils abritaient des collections extraordinaires, mais les petits musées contribuent à la diversité culturelle !
Je retire donc l’amendement, mais il faut vraiment réfléchir aux moyens de maintenir la viabilité de nos petits musées privés de province.
L’amendement n
Mme la présidente.
La parole est à Mme la rapporteur.
Monsieur Karoutchi, je le confirme, nous devons continuer à travailler sur ce sujet. Il importe de prendre en compte la qualité scientifique des collections et leur intérêt pour le public.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
M. Roger Karoutchi.
Travaillons en ce sens, en lien, bien entendu, avec les services de Mme la ministre. Il convient d’élaborer un cahier des charges et de construire un dispositif solide, pour tirer l’ensemble des structures vers le haut.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 212-3 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 212-3-… ainsi rédigé :
Art. L. 212-3-…
« - des locaux adaptés, conformes aux normes définies pour la conservation des archives et comprenant des magasins distincts de la salle de lecture et des bureaux du personnel,
« - un budget individualisé,
« - un personnel permanent dirigé par un agent de catégorie A ou B titulaire d’un diplôme d’archivistique ou ayant acquis une expérience archivistique approfondie.
« Dans le cas, où il ne répond pas à ces critères, le service d’archives est considéré comme une cellule d’archives. »
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Le monde des archives a quelquefois le sentiment de ne pas être perçu à sa juste valeur, d’être considéré, dans le fonctionnement de nos services publics, comme un élément quelque peu secondaire. Or la conservation des documents d’archives est une mission essentielle.
M. Philippe Bonnecarrère.
Le présent amendement vise à donner une définition du service public des archives. J’ai cru comprendre que ses dispositions ont été jugées de nature réglementaire mais que, pour des raisons purement matérielles, l’article 41 de la Constitution ne lui a pas été opposé.
C’est bien cela !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
J’indique par avance que je ne ferai pas de difficulté pour retirer cet amendement d’appel, que nous avons déposé pour susciter un débat sur ce qu’est aujourd’hui un service public des archives et appeler l’attention de la société française sur l’importance de la préservation des archives publiques.
M. Philippe Bonnecarrère.
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 212-3 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 212-3-1 ainsi rédigé :
Art. L. 212-3-1
« Lorsque le service public d’archives comprend des locaux adaptés, conformes aux normes définies pour la conservation des archives et contenant des magasins distincts de la salle de lecture et des bureaux du personnel, un budget individualisé, un personnel permanent dirigé par un agent de catégorie A ou B titulaire d’un diplôme d’archivistique ou ayant acquis une expérience archivistique approfondie, il est qualifié de service public d’archives constitué.
« Lorsque le service public d’archives ne comprend pas les éléments précités, il est qualifié de cellule d’archives. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Nous entendons, nous aussi, lancer un appel à la reconnaissance du service public des archives, dont nous proposons d’insérer une définition dans le code du patrimoine.
Mme Marie-Christine Blandin.
La commission a travaillé sur ce sujet pour prendre en compte toutes les évolutions à l’œuvre, à l’heure de l’
À l’origine, l’article 9 du projet de loi pour une République numérique introduisait dans le droit français la mention d’un nouveau service public des données de référence. À cet égard, je trouve dommage l’absence de reconnaissance du service public des archives dans un projet de loi relatif au patrimoine, ne serait-ce que pour compenser le fait que, dans trop de séries policières, les enquêteurs ne donnant pas satisfaction sont mutés aux « archives »…
(Sourires.)
Nous avons grand besoin des professionnels des archives. Dans les communes, les intercommunalités, les départements et les régions, dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche, tous les acteurs du monde des archives nous écoutent : adressez-leur des paroles réconfortantes, madame la ministre !
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Bien entendu, on ne peut que souscrire aux objectifs énoncés, qu’il s’agisse de l’adaptation des locaux d’archives, de leur mise en conformité avec les normes, des exigences liées à la numérisation, de la nécessité de pouvoir s’appuyer sur un personnel permanent…
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Madame la ministre, je me tourne vers vous : il vous appartient de rédiger la circulaire nécessaire.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
La politique des archives est une mission essentielle du ministère de la culture. Elle concerne les textes, les photographies, l’audiovisuel, le cinéma, avec les problématiques nouvelles que pose le numérique, en particulier en matière de conservation à très long terme des données.
Mme Audrey Azoulay,
Vous avez évoqué les archives photographiques des collectivités territoriales, madame Blandin. L’État aide celles-ci à se doter de systèmes d’archivage numérique. C’est là une première réponse.
Vous avez également évoqué ces séries télévisées où les personnages dont on veut se débarrasser sont affectés aux archives, mais, dans ces mêmes séries, c’est souvent la mémoire qui permet de démêler l’intrigue !
(Sourires.)
Cela étant, les mesures proposées sont de niveau réglementaire. Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable sur ces deux amendements.
Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
M. Philippe Bonnecarrère.
L’amendement n
Mme la présidente.
Madame Blandin, l’amendement n
Étant satisfaite des réponses qui viennent de m’être apportées, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 212-10 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôle scientifique et technique de l’État exercé sur le service public d’archives constitué tel que défini à l’article L. 212-3-1 est défini par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement est également retiré, madame la présidente.
Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’article L. 212-4 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 212-4-1 ainsi rédigé :
Art. L. 212-4-1
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La mutualisation des services ne peut contrevenir au principe de maillage territorial et s’assure de la continuité et de l’accessibilité du service public d’archives. En ce sens, le représentant de l’État peut faire des prescriptions à des communes susceptibles de mutualiser leurs services municipaux d’archives. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vise à mieux préciser les conditions dans lesquelles peut être opérée une mutualisation de services d’archives : une telle mutualisation ne saurait contrevenir au principe de maillage territorial et doit garantir la continuité et l’accessibilité du service public des archives.
M. Pierre Laurent.
Dans sa rédaction actuelle, l’article prévoit qu’une mutualisation de services communaux d’archives est possible, sous l’égide des intercommunalités et sous certaines conditions.
Nous pouvons parfaitement comprendre cette volonté de mutualiser, mais nous souhaitons obtenir des garanties supplémentaires. Nous regrettons vivement que les conditions et les modalités de mutualisation de services communaux d’archives soient fixées par voie réglementaire. À nos yeux, il serait préférable qu’elles le soient par le législateur.
Selon que la mutualisation vise à garantir la préservation d’archives mises en danger faute de moyens dans de petites communes, à dégager des économies d’échelle ou à prendre en compte des considérations techniques, la situation n’est pas la même.
Dans cette perspective, le présent amendement tend à permettre aux représentants de l’État d’adresser des prescriptions aux services d’archives communaux susceptibles d’opérer une mutualisation. Il nous paraît essentiel que l’État, par l’intermédiaire des préfets, puisse juger de la pertinence et de la justification de ces projets de mutualisation, dans le respect à la fois de la politique d’emploi des archivistes et des missions de service public.
À ce titre, il est prévu que le représentant de l’État s’assure de la pérennité et de la continuité du service public, ainsi que de son accessibilité pour l’ensemble des citoyens, dans le cadre des mutualisations envisagées. L’objectif est de préserver les emplois utiles au maintien de la qualité et de l’accessibilité des archives et le maillage territorial des services d’archives.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Monsieur Laurent, l’article 18
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Pour les raisons que Mme la rapporteur vient d’exposer, le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Audrey Azoulay,
Monsieur Laurent, l’amendement n
Mme la présidente.
Oui, je le maintiens, madame la présidente.
M. Pierre Laurent.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souhaite appeler l’attention de la Haute Assemblée, et notamment de son bureau, sur un sujet qui exige d’être clarifié pour la bonne tenue de nos débats.
M. David Assouline.
En présentant l’amendement n
Ce n’est pas le seul…
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Certes, madame la rapporteur, mais l’article 41 ne peut plus être appliqué de manière discrétionnaire ! Deux de nos amendements auxquels nous attachions beaucoup d’importance, relatifs l’un aux directions régionales des affaires culturelles, l’autre au Conseil national des professions des arts visuels, se sont vu opposer l’article 41 et n’ont donc pu être présentés en séance. J’accepte les règles, à condition qu’elles soient les mêmes pour tout le monde !
M. David Assouline.
Monsieur Assouline, la procédure à laquelle vous faires référence n’est entrée en vigueur que le 15 avril 2015. Elle est mise en œuvre de manière progressive. Lorsque les dispositions d’un amendement sont manifestement d’ordre réglementaire, il est déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution. Lorsque tel n’est pas le cas, on permet encore son examen en séance publique.
Mme la présidente.
D’accord !
M. David Assouline.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Mme la présidente.
Monsieur Assouline, la situation actuelle n’est effectivement pas acceptable. Alain Richard et moi-même allons soumettre à M. le président du Sénat une proposition visant à rationaliser la procédure relative aux articles 40 et 41 de la Constitution avant la fin de cette session.
M. Roger Karoutchi.
(Marques d’approbation.)
Très bien !
M. Vincent Eblé.
Je rappelle que c’est le président du Sénat qui déclare l’irrecevabilité d’un amendement, sur proposition du président de la commission concernée.
Mme la présidente.
Tout à fait !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Cette nouvelle règle se met en place petit à petit. Laissons un peu de temps au temps…
Mme la présidente.
(Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 18
Mme la présidente.
(L'article 18
est adopté.)
I. – L’article L. 212-11 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
Art. L. 212-11
« 1° Peuvent être confiées en dépôt, par convention, au service d’archives du groupement de communes à fiscalité propre dont elles sont membres ou au service d’archives de la commune membre désignée par ce groupement pour gérer les archives de celui-ci, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ;
« 2° Sont déposées au service départemental d’archives compétent à l’expiration d’un délai de cent vingt ans pour les registres de l’état civil et de cinquante ans pour les autres documents n’ayant plus d’utilité administrative et destinés à être conservés à titre définitif. Toutefois, après déclaration auprès du représentant de l’État dans le département et accord de l’administration des archives, la commune peut conserver elle-même ses archives ou les confier au service d’archives du groupement de communes à fiscalité propre auquel elle appartient ou au service d’archives de la commune membre désignée par ce groupement pour gérer les archives de celui-ci, dans les conditions prévues au 1°.
« Par exception, les archives numériques peuvent être déposées avant l’expiration de leur durée d’utilité administrative. »
(Supprimé)
L’article L. 212-12 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
Art. L. 212-12
« 1° Au service d’archives du groupement de communes à fiscalité propre dont elles sont membres ou au service d’archives de la commune membre désignée par ce groupement pour gérer les archives de celui-ci, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ;
« 2° Au service départemental d’archives compétent à l’expiration d’un délai de cent vingt ans pour les registres de l’état civil et de cinquante ans pour les autres documents n’ayant plus d’utilité administrative et destinés à être conservés à titre définitif.
« Par exception, les archives numériques peuvent être déposées avant l’expiration de leur durée d’utilité administrative. »
L'amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéa 2
Après les mots :
insérer les mots :
après avis du conseil municipal,
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le dépôt au service départemental d'archives est prescrit d'office par le représentant de l’État, après une mise en demeure restée sans effet, lorsqu'il est établi que la conservation des archives d'une commune n'est pas convenablement assurée. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
S’il n’est pas question pour nous de remettre en cause la faculté, pour les communes, de déposer leurs documents d’archives auprès des services d’archives intercommunaux, car nous avons conscience des difficultés que peuvent rencontrer certaines d’entre elles, la rédaction actuelle de l’article 18
M. Pierre Laurent.
Tout d’abord, sans vouloir alourdir plus que nécessaire une procédure que l’on pourrait considérer « de fonctionnement », il nous semble que ce devrait être au conseil municipal, et non au maire, de décider du dépôt des documents d’archives dans un service d’archives extérieur à la municipalité. Bien évidemment, rien n’empêche que la convention prévue à l’alinéa 1 soit signée par les villes, ce qui serait d’ailleurs logique. Toutefois, nous considérons que l’assemblée délibérante devrait donner son avis sur un tel transfert.
Ensuite, la rédaction actuelle de l’article ne fait mention nulle part de la faculté du préfet de faire des prescriptions ou même de se substituer au maire en cas de manquement mettant en danger les archives municipales.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Monsieur Laurent, concernant le I de votre amendement, je voudrais vous rassurer : le dépôt des documents d’archives n’intervient qu’après une délibération du conseil municipal. Le transfert des archives ne peut donc se faire en catimini, si j’ose dire, à l’insu d’une partie du conseil municipal.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Le II de votre amendement me semble également inutile, puisque son dispositif figure déjà dans le code du patrimoine, qui prévoit le dépôt d’office des archives des communes, quelle que soit leur taille, auprès des services départementaux d’archives, lorsque leurs conditions de conservation les mettent en péril.
Vous pouvez donc être pleinement rassuré sur les deux points qui vous préoccupent.
La commission est défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je crois également que cet amendement est satisfait par le droit existant, qu’il s’agisse de l’association du conseil municipal pour décider du dépôt des archives communales au service départemental d’archives ou de la possibilité, pour le préfet, de prescrire un dépôt d’office, prévu dans certains cas par l’article L. 212-13 du code du patrimoine pour des pièces présentant un intérêt historique.
Mme Audrey Azoulay,
L’avis est défavorable.
Monsieur Laurent, maintenez-vous l’amendement ?
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
M. Pierre Laurent.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 18
(L'article 18
B est adopté.)
Après le premier alinéa de l’article L. 212-25 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles ne peuvent être divisées ou aliénées par lot ou pièce sans l’autorisation de l’administration des archives. » –
Le 2° de l’article L. 214-8 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
« 2° Toute opération susceptible de modifier ou d’altérer des archives classées, ainsi que toute division ou aliénation par lot ou pièce d’archives classées, réalisées sans les autorisations administratives prévues à l’article L. 212-25 ; ». –
I. – L’article L. 211-4 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
Art. L. 211-4. –
« 1° Les documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. Les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l’ordonnance n
« 2° Les documents qui procèdent de la gestion d’un service public ou de l’exercice d’une mission de service public par des personnes de droit privé ;
« 3° Les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels et les registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité. »
II. – Les 1° et 3° de l’article L. 211-4 du code du patrimoine, dans leur rédaction résultant du I du présent article, s’appliquent à compter du 29 avril 2009. –
À la première phrase de l’article L. 214-10 du code du patrimoine, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 311-4-2, 322-2, 322-3-1, 322-4, ».
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il ne nous paraît pas opportun, en l’état, d’inscrire dans ce texte une interdiction d’accès aux locaux dans lesquels peuvent être consultés des documents d’archives à toute personne ayant volé ou dégradé de tels documents dans ces mêmes locaux. Ce n’est pas que nous trouvions normal qu’une telle personne puisse continuer à accéder auxdits locaux, mais nous pensons que cette éventuelle mesure d’éloignement doit relever d’une décision de justice.
M. Pierre Laurent.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Monsieur Laurent, vous avez parfaitement raison : c’est bien évidemment d’une procédure judiciaire qu’il s’agit. Simplement, l’interdiction que nous avons prévue est une mesure conservatoire. En effet, la destruction ou le vol d’archives entraîne l’engagement d’une procédure judiciaire, mais cette dernière n’empêche pas l’auteur de récidiver, le cas échéant, dans l’attente du jugement.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Il est également défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme Audrey Azoulay,
Je rappelle qu’une telle décision peut également relever des prérogatives d’ordre public de l’autorité administrative dans d’autres cas. Cette disposition ne fait qu’étendre à des infractions relatives aux archives, dans le but de les protéger, une législation d’ores et déjà en vigueur pour des infractions du même ordre.
Maintenez-vous l’amendement, monsieur Laurent ?
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
M. Pierre Laurent.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 18
(L'article 18
est adopté.)
Le livre IV du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° A Au dernier alinéa de l’article L. 430-1, la référence : « , L. 452-2 » est supprimée ;
1° L’article L. 452-1 est ainsi modifié :
« L’instance scientifique consultée peut assortir son avis de prescriptions motivées. Lorsque les travaux sont réalisés alors qu’un avis défavorable a été émis par l’instance scientifique ou qu’ils ne sont pas réalisés conformément à ses prescriptions, le ministre chargé de la culture peut mettre en demeure le propriétaire de les interrompre et ordonner toute mesure conservatoire utile afin d’assurer la préservation du bien.
« La mise en demeure est notifiée au propriétaire. » ;
2° L’article L. 452-2 est ainsi rédigé :
Art. L. 452-2
« La mise en demeure est notifiée au propriétaire.
« Lorsque le propriétaire ne donne pas suite à la mise en demeure de prendre toute disposition nécessaire, l’autorité administrative ordonne les mesures conservatoires utiles et, notamment, le transfert provisoire du bien dans un lieu offrant les garanties voulues.
« Lorsque le propriétaire ne donne pas suite à la mise en demeure de réaliser les travaux nécessaires ou conformes, l’autorité administrative fait procéder auxdits travaux conformément à la mise en demeure. » ;
3° Après l’article L. 452-2, il est inséré un article L. 452-2-1 ainsi rédigé :
Art. L. 452-2-1
« Le propriétaire peut toujours s’exonérer de sa dette en faisant abandon de son bien à l’État. » –
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 451-9 du code du patrimoine est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée :
« , ni à ceux dont la dimension historique nationale, notamment par leur caractère symbolique, leur ancienne appartenance aux collections de la couronne, leur provenance d’un monument historique appartenant à l’État, est affirmée par décision du ministre chargé de la culture rendue sur avis du Haut Conseil des musées de France. Cette disposition annule les transferts concernés intervenus en application de l’article 1
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n
Cet amendement a été préparé par notre collègue Jean-François Husson.
Mme Marie-Annick Duchêne.
L’article 13 de la loi n
Ces œuvres, réunies pour la plupart à partir du règne de François I
Par exemple, il serait souhaitable que deux tableaux des
Quatre saisons
L’élaboration de son avis par le Haut Conseil des musées de France sera facilitée par le travail de récolement effectué préalablement aux transferts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement a été excellemment défendu par ma collègue. Je n’ai rien à ajouter.
M. Jean-Claude Requier.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ces amendements visent à annuler le transfert de propriété de l’État vers les collectivités territoriales prévu par la loi de 2002 relative aux musées de France pour ce qui concerne les biens qui revêtent une dimension historique nationale.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Si je comprends bien, le dispositif présenté constitue une sorte de pendant à la protection mise en place pour les domaines nationaux, au bénéfice des œuvres présentant une dimension historique nationale par leur caractère symbolique, leur appartenance aux anciennes collections de la Couronne ou leur provenance d’un monument historique de l’État.
Néanmoins, il convient de rappeler que, en ce qui concerne la protection des domaines nationaux, le projet de loi ne prévoit pas la renationalisation de ces derniers, dont certaines parties continueront d’appartenir à des collectivités territoriales et à des personnes privées, ce qui complique la situation.
Ces amendements présentent, en outre, d’autres difficultés.
En termes d’affichage, comment expliquer à des collectivités à qui l’on a volontairement transféré la propriété d’œuvres pour enrichir et pérenniser les collections de leurs musées que l’on revient sur ce transfert, alors que ces œuvres constituent bien souvent les pièces maîtresses de leurs collections ? Cela me semble extrêmement difficile.
En termes juridiques, l’annulation prévue a-t-elle un caractère rétroactif et des conséquences financières ?
Mes chers collègues, je comprends bien vos motivations, mais les dispositions actuelles me semblent suffisantes pour permettre des prêts ou des dépôts. À mon sens, il vaut mieux mettre des partenariats en œuvre pour que le plus grand nombre puisse profiter de telles expositions.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Ces amendements ont pour objet d’introduire des exceptions à un dispositif mis en place par la loi relative aux musées de France et intégré à l’article L. 451-9 du code du patrimoine.
Mme Audrey Azoulay,
Cet article prévoit le transfert automatique des biens des collections nationales appartenant à l’État qui ont été déposés dans un musée de France d’une collectivité territoriale avant le 7 octobre 1910. Les auteurs de ces amendements proposent d’y déroger pour certains biens particuliers, d’importance majeure, afin d’éviter de démembrer le noyau des œuvres fondatrices des collections nationales.
Je me permettrai d’exprimer un désaccord de fond avec cette proposition, puisque ces biens, transférés à l’occasion de grandes vagues de dépôts, constituent aujourd’hui le cœur et la richesse de ces musées répartis sur l’ensemble du territoire. Il me semble qu’il importe au contraire que ces derniers puissent les conserver et développer des collections majeures.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.
Madame Duchêne, maintenez-vous l’amendement n
Mme la présidente.
Pour être tout à fait complète, je tiens à ajouter que M. Husson souhaitait, dans une optique de circulation des œuvres, que les quatre tableaux des
Mme Marie-Annick Duchêne.
Quatre saisons
L’amendement n
Mme la présidente.
Monsieur Requier, l’amendement n
Je ne veux pas dépouiller les musées de province : ce serait contraire à ma philosophie. Je retire donc l’amendement.
M. Jean-Claude Requier.
L’amendement n
Mme la présidente.
La parole est à Mme la rapporteur.
Madame Duchêne, j’ai bien compris cette volonté de partage, de mise en valeur de toutes ces œuvres, au bénéfice d’un plus large public. Toutefois, je le répète, il me semble préférable, dans cette optique, de développer les partenariats et les échanges.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je souscris parfaitement à l’objectif de circulation des œuvres. On doit pouvoir faire encore mieux en la matière.
Mme Audrey Azoulay,
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 octobre de chaque année, un rapport détaillé sur l’établissement de la liste des ayants droit auxquels restituer les œuvres spoliées et sur l’intégration aux collections nationales des œuvres répertoriées « Musées Nationaux Récupération ».
Cette intégration ne peut se faire que pour les œuvres répertoriées « Musées Nationaux Récupération » pour lesquelles une recherche approfondie établit qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une spoliation ou pour lesquelles on ne peut établir qu’elles ont fait l’objet d’une spoliation.
La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
Mme la présidente.
En matière d’archives, il aurait été prématuré d’ouvrir un débat sur autre chose que la conservation, mais il faudra un jour réfléchir à la question de l’accès aux archives pour les citoyens, les chercheurs, les journalistes.
M. David Assouline.
À l’heure d’internet et de la mise en ligne de certaines archives, nos réglementations sont très limitatives, à telle enseigne que, parfois, nos propres chercheurs peuvent plus facilement accéder à des archives secrètes aux États-Unis qu’à certaines archives françaises tout à fait anodines…
Nous devrons envisager une démocratisation de l’accès aux archives, pour assurer une transparence – maîtrisée, cela va de soi – qui permettra de lutter contre le développement, favorisé par les nouvelles technologies, des théories complotistes. À l’heure actuelle, l’inaccessibilité de trop de documents d’archives laisse la porte ouverte au n’importe quoi.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.
Mme la présidente.
Cet article prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale. Corinne Bouchoux a travaillé, au nom de la commission de la culture, sur ce dossier douloureux, en particulier sur l’intégration aux collections nationales des œuvres répertoriées « Musées nationaux récupération », ou MNR, désignation qui avait sombré dans l’oubli dans nombre de musées, où les œuvres en question étaient parfois exposées sans mention particulière, quand elles n’étaient pas enfouies dans les réserves ! Ce travail a donné lieu à quelques restitutions solennelles, très émouvantes, par le ministère de la culture. Le rapport, accepté par la commission, permettra d’assainir totalement la situation à l’avenir.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je mets aux voix l'article 19
Mme la présidente.
(L'article 19
est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L 451-11 du code du patrimoine, il est inséré un article L 451-… ainsi rédigé :
Art. L. 451-…
« L’État reconnaît, par une labellisation spécifique, les musées de France candidats qui, après avis du Haut conseil des musées de France et en lien avec les grands départements patrimoniaux dont ils relèvent, se constituent en pôle national de référence.
« Le label de pôle national de référence est déterminé par l’histoire et la nature particulière des collections du musée candidat. La dénomination et la répartition des pôles relèvent du ministère chargé de la culture.
« La réunion de collections spécifiques en un même lieu, sans transfert obligatoire de propriété, fait l’objet d’une convention entre le pôle national de référence et l’État et d’une convention de gestion entre les collectivités publiques propriétaires. Les conventions peuvent prévoir des dépôts compensatoires entre les collections publiques nationales et les musées territoriaux.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
Au travers de cet amendement, nous proposons une politique nationale de valorisation des collections éparses détenues par les musées de France.
M. Franck Montaugé.
Nous proposons que l’État reconnaisse, par une labellisation spécifique, les musées de France qui, sous réserve de l’avis du Haut Conseil des musées de France et en lien direct avec les grands départements dont ils relèvent, se constituent en pôles nationaux de référence.
Ces pôles nationaux de référence sont destinés à rassembler, à conserver et à valoriser en région des collections publiques non présentées, selon des thématiques précises définies préalablement dans un projet scientifique et culturel.
En effet, les musées de France sont dotés d’exceptionnelles collections, à la qualité et à la diversité reconnues. Toutefois, nombre d’entre elles ne sont pas exposées, non en raison d’un manque de place, mais parce qu’elles ne correspondent pas au projet scientifique du musée. Elles n’en constituent pas moins un patrimoine de grande valeur, qui mériterait une plus large diffusion.
À ce jour, par exemple, en matière de collections américaines, 173 musées abritent plus de 193 000 pièces réparties de la façon suivante : le musée du quai Branly accueille bien entendu l’essentiel de ces collections, avec un peu plus de 163 000 pièces, soit 84 % du total, le musée d’Auch, qui m’est cher, abrite 10 000 objets, soit 5 % de l’ensemble, les 11 % restants, soit un peu plus de 20 000 pièces, étant répartis entre 171 autres musées.
On constate une forte proportion d’ensembles de moins de 50 pièces. C’est une situation singulière, observée dans d’autres domaines. Dans ces conditions, très peu de musées disposent de collections suffisantes pour développer une présentation pertinente.
Dans le même esprit, la création d’autres pôles nationaux de référence pourrait être envisagée, par exemple pour les arts océaniens à Rochefort, pour les arts africains à Bordeaux, pour les arts asiatiques à Nice, pour les arts d’Amérique du Nord à Boulogne-sur-Mer, pour les arts du Mexique à Marseille, pour les arts hispaniques à Castres, pour les arts de l’Amazonie à Lyon, avec le musée des Confluences…
La création de ce label de pôle national de référence permettrait la reconnaissance de la spécificité de ces collections, le soin qui a été apporté à leur mise en valeur et la qualité du travail scientifique mené, en même temps qu’elle permettrait le rassemblement des collections dans des lieux privilégiés, et donc plus attractifs pour le public.
Mis en place à l’échelle nationale et pour des collections de nature très diverse, le dispositif proposé pourrait constituer un axe nouveau et original des politiques territorialisées du ministère de la culture, contribuant à l’aménagement et à la valorisation des territoires ruraux, et ce sans que cela coûte quoi que ce soit à l’État.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à permettre la création de musées labellisés « pôles nationaux de référence », qui pourraient, dans un domaine particulier, bénéficier de l’apport de collections publiques non présentées. Votre proposition, mon cher collègue, est évidemment tout à fait intéressante et séduisante, tant nous sommes attachés au partage de la culture.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Tout d’abord, la constitution d’un pôle sur un domaine ou un thème particulier permettrait au musée concerné de bénéficier de l’apport d’œuvres bloquées dans les réserves d’autres musées. Ensuite, cette formule permettrait au public d’avoir plus facilement accès à des œuvres jusqu’à présent rarement présentées.
Pour autant, monsieur le sénateur, cela est déjà possible, au travers de réseaux de partenariat culturel. C’est une question de volonté.
Par ailleurs, la création de ce nouveau label aurait un coût, qui n’a pas été expertisé, et supposerait – ce point me semble très important – la participation de personnels scientifiques qui interviennent déjà dans le cadre des réseaux d’échanges que j’évoquais à l’instant.
Je demande, au nom de la commission, le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Monsieur le sénateur, je salue votre connaissance fine des collections que vous avez mentionnées. Comme Mme la rapporteur, je suis sensible à votre proposition, mais l’instrument législatif me paraît peu adapté à une telle démarche, qui doit reposer sur le volontariat et l’adhésion de tous.
Mme Audrey Azoulay,
Il existe un certain nombre d’instruments qui permettent les prêts, les dépôts, les transferts entre les musées de France, que l’État favorise et encourage sur la base des projets scientifiques et culturels.
Eu égard aux nombreux exemples que vous avez cités, cette problématique, qui n’est pas sans lien avec celle de la circulation des collections, est peut-être négligée, je l’admets. Il me semblerait intéressant de la prendre en compte dans la réflexion engagée au sein du ministère de la culture sur ce que doivent être les musées du XXI
Je vous propose de vous rallier à cette démarche plutôt que de procéder par la voie législative.
La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je ne me range pas aux arguments développés par Mme la rapporteur.
M. Franck Montaugé.
L’article 3 du projet de loi, que nous avons adopté mardi soir, traduit une volonté gouvernementale forte de promotion des labels dans le domaine de la création. Nous ne demandons rien d’autre que la labellisation de musées un peu particuliers implantés en région. Cela permettrait de constituer une force indéniable en termes de promotion, tout en favorisant un travail scientifique de qualité. Il ne tient qu’au Gouvernement de définir, le cas échéant dans un décret, les critères d’attribution du label, notamment en termes de qualité du personnel scientifique.
Madame la ministre, je vous remercie de votre proposition. Je suis convaincu qu’il y a un travail de fond à réaliser, qui profitera à l’ensemble des musées de France.
On peut également envisager un système de contrats de dépôts compensatoires au bénéfice des musées qui prêteront des œuvres aux pôles nationaux de référence. Je le répète, il y a une véritable politique nationale de valorisation de nos collections à concevoir. J’espère que nous aurons l’occasion d’y travailler ensemble. Pour l’heure, je maintiens mon amendement.
La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais appuyer la proposition de mon collègue Montaugé.
M. Vincent Eblé.
En ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits du ministère de la culture, j’ai eu l’occasion de constater, l’année dernière, une baisse très sensible des moyens de l’État mis à la disposition des établissements pour l’acquisition de nouvelles œuvres.
On nous avait alors expliqué qu’il s’agissait d’intensifier la circulation des œuvres. Nous sommes tout à fait d’accord avec cette orientation, mais encore faut-il que des outils soient disponibles pour la mettre en œuvre.
Le présent amendement va plus loin, puisqu’il prévoit un fléchage d’établissements ayant vocation, en raison de la richesse de leurs collections, à devenir chefs de file dans tel ou tel domaine artistique et à présenter au public des œuvres de grande qualité parfois enfouies, aujourd’hui, dans les réserves d’autres musées.
Au travers de la mise en place d’une telle labellisation, il s’agit d’inciter au regroupement des œuvres dans un certain nombre d’établissements pilotes.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19
Mme la présidente.
Le livre V du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° L’article L. 510-1 est ainsi modifié :
2° L’article L. 522-1 est ainsi modifié :
« Il est le garant de la qualité scientifique des opérations d’archéologie. » ;
« Il est destinataire de l’ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations archéologiques. » ;
« Ces services contribuent à l’exploitation scientifique des opérations d’archéologie qu’ils réalisent et à la diffusion de leurs résultats et peuvent participer à l’exploitation scientifique des opérations d’archéologie réalisées sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont ils relèvent. » ;
« L’État recueille l’avis des maires des communes sur le territoire desquelles sont situés les projets de zones de présomption de prescriptions archéologiques et, le cas échéant, celui des présidents des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme.
« Les zones de présomption de prescriptions archéologiques sont indiquées sur un ou plusieurs documents graphiques et annexées au plan local d’urbanisme ou au document d’urbanisme en tenant lieu, ou à la carte communale.
« Le certificat d’urbanisme prévu à l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme indique si le terrain est situé dans une zone de présomption de prescriptions archéologiques. » ;
3° L’article L. 522-8 est ainsi modifié :
« L’habilitation est attribuée, à la demande de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont relève le service, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, par arrêté des ministres chargés de la culture et de la recherche. Elle est délivrée au vu d’un dossier établissant la capacité scientifique et technique du service et son organisation administrative.
« L’habilitation pour réaliser des opérations de diagnostic et de fouilles archéologiques préventives est attribuée automatiquement aux services archéologiques des collectivités territoriales agréés à la date d’entrée en vigueur de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. » ;
« L’habilitation peut être refusée, suspendue ou retirée par décision motivée, après avis du Conseil national de la recherche archéologique.
« Le service habilité transmet tous les cinq ans au ministre chargé de la culture un bilan scientifique et technique de son activité en matière d’archéologie préventive. » ;
« La collectivité ou le groupement de collectivités fait connaître sa décision au représentant de l’État dans la région dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception de la notification de prescription de diagnostic ; »
– le début est ainsi rédigé : « Faute d’un accord entre les parties sur les modalités de l’établissement de la convention, ces délais… (
le reste sans changement
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, lorsque l’État ne s’est pas prononcé dans un délai fixé par voie réglementaire, la prescription est réputée caduque. » ;
a) (Supprimé)
4° Après l’article L. 523-8, sont insérés des articles L. 523-8-1 et L. 523-8-2 ainsi rédigés :
Art. L. 523-8-1. –
« L’agrément peut être refusé, suspendu ou retiré par décision motivée, après avis du Conseil national de la recherche archéologique.
Art L. 523-8-2 (nouveau). –
« Pour l’exécution de leurs missions, l’ensemble des opérateurs agréés peuvent s’associer, par voie de convention, à d’autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique. » ;
5° L’article L. 523-9 est ainsi rédigé :
Art. L.523-9. –
« L’offre précise la date prévisionnelle de début de l’opération de fouilles, sa durée et le prix de réalisation des fouilles, les conditions et délais de mise à disposition du terrain par la personne projetant d’exécuter les travaux et de l’intervention de la personne chargée de la réalisation de la fouille, les indemnités dues en cas de dépassement de ces délais et la date de remise du rapport final d’opération.
« Préalablement au choix de la personne chargée de la réalisation de la fouille par la personne projetant d’exécuter les travaux, celle-ci transmet le projet scientifique d’intervention de l’offre qu’elle a retenue à l’État qui procède à la vérification de sa conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2.
« La mise en œuvre du contrat est subordonnée à la délivrance de l’autorisation de fouilles par l’État. » ;
– à la première phrase, la première occurrence des mots : « de fouilles » est supprimée et la seconde occurrence des mots : « de fouilles » est remplacée par les mots : « d’opération » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les opérations d’archéologie préventive sont réalisées sur le territoire d’une collectivité territoriale disposant d’un service archéologique, l’opérateur est tenu de remettre à la collectivité territoriale dont relève le service un exemplaire du rapport d’opération. » ;
6° Les articles L. 523-12, L. 523-14, L. 531-4, L. 531-5, L. 531-11, L. 531-16, L. 531-17 et L. 531-18 sont abrogés ;
« Un contrat conclu entre la personne projetant l’exécution des travaux et l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1 fixe les délais de réalisation de l’opération.
« Les biens archéologiques mis au jour et la documentation scientifique sont remis à l’État, qui les confie à l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1 afin qu’il en achève l’étude scientifique. » ;
7° La division et l’intitulé de la section 4 du chapitre I
8° Le chapitre I
« CHAPITRE I
« Régime de propriété du patrimoine archéologique
« Section 1
« Biens archéologiques immobiliers
Art. L. 541-1. –
« L’État verse au propriétaire du fonds où est situé le bien une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit bien. À défaut d’accord amiable sur le montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par le juge judiciaire.
Art. L. 541-2. –
Art. L. 541-3. –
« Section 2
« Biens archéologiques mobiliers
« Propriété
Art. L. 541-4. –
« Lors de la déclaration de la découverte fortuite qu’elle doit faire en application de l’article L. 531-14 du présent code, la personne déclarante est informée, par les services de l’État chargés de l’archéologie, de la procédure de reconnaissance de l’intérêt scientifique de l’objet susceptible d’être engagée. L’objet est placé sous la garde des services de l’État jusqu’à l’issue de la procédure.
« La reconnaissance de l’intérêt scientifique de l’objet est constatée par un acte de l’autorité administrative, pris sur avis d’une commission d’experts scientifiques. L’autorité administrative se prononce au plus tard cinq ans après la déclaration de la découverte fortuite. La reconnaissance de l’intérêt scientifique de l’objet emporte son appropriation publique. Cette appropriation peut être contestée pour défaut d’intérêt scientifique de l’objet devant le juge administratif dans les délais réglementaires courant à compter de l’acte de reconnaissance.
« Quel que soit le mode de découverte de l’objet, sa propriété publique, lorsqu’elle a été reconnue, peut être à tout moment contestée devant le juge judiciaire par la preuve d’un titre de propriété antérieur à la découverte.
Art. L. 541-5. –
« L’État notifie leurs droits au propriétaire du terrain et, en cas de découverte fortuite, à l’inventeur. Si, à l’issue d’un délai d’un an à compter de cette notification, le propriétaire et, en cas de découverte fortuite, l’inventeur n’ont pas fait valoir leurs droits, une nouvelle notification leur est adressée dans les mêmes formes.
« Si, à l’issue d’un délai d’un an à compter de cette nouvelle notification, le propriétaire et, en cas de découverte fortuite, l’inventeur n’ont pas fait valoir leurs droits, la propriété des biens archéologiques mobiliers mis au jour est transférée à titre gratuit à l’État.
« Chacune des notifications adressées au propriétaire et, le cas échéant, à l’inventeur comporte la mention du délai dont il dispose pour faire valoir ses droits et précise les conséquences juridiques qui s’attachent à son inaction dans ce délai.
« Lorsque seul l’un des deux a fait valoir ses droits, les biens archéologiques mobiliers sont partagés entre l’État et celui-ci, selon les règles de droit commun.
« Les biens qui sont restitués à leur propriétaire à l’issue de leur étude scientifique peuvent faire l’objet de prescriptions destinées à assurer leur bonne conservation et leur accès par les services de l’État. Les sujétions anormales qui peuvent en résulter sont compensées par une indemnité. À défaut d’accord amiable, l’action en indemnité est portée devant le juge judiciaire.
« Ensemble archéologique mobilier et aliénation des biens mobiliers
Art. L. 541-6. –
« Toute aliénation à titre onéreux ou gratuit d’un bien archéologique mobilier ou d’un ensemble n’appartenant pas à l’État reconnu comme cohérent sur le plan scientifique en application du premier alinéa, ainsi que toute division par lot ou pièce d’un tel ensemble, est soumise à déclaration préalable auprès des services de l’État chargés de l’archéologie.
« Section 3
« Transfert et droit de revendication
Art. L. 541-7. –
Art. L. 541-8. –
« À défaut d’accord sur la désignation de l’expert, celui-ci est nommé par le juge judiciaire.
« À défaut d’accord sur le montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par le juge judiciaire.
Art. L. 541-9. –
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Avant que nous abordions l’examen de cet article, je souhaiterais rappeler l’ambition du Gouvernement en matière d’archéologie préventive.
Mme Audrey Azoulay,
Avant d’être un secteur économique dont les conditions d’organisation suscitent maintes discussions, l’archéologie préventive est une politique scientifique ancrée dans les territoires.
Je regretterais que la majorité sénatoriale défasse le dispositif que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture. À l’issue d’un débat constructif entre majorité et opposition, les députés ont cherché à apporter des réponses pragmatiques aux dysfonctionnements que nous constatons tous.
Le Gouvernement avait souhaité que le débat parlementaire soit éclairé en amont et nourri au préalable par une mission parlementaire confiée à la députée Martine Faure, qui a remis un rapport intitulé : « Pour une politique publique équilibrée de l’archéologie préventive ».
L’Assemblée nationale dans son ensemble a salué la qualité de ce rapport. Je n’approuve pas le texte issu des travaux de votre commission, même si je note avec satisfaction des points de convergence, notamment sur la présomption de propriété publique des biens mobiliers et immobiliers archéologiques.
Je rappellerai tout d’abord que ce projet de loi renforce la reconnaissance du rôle des collectivités territoriales en matière d’archéologie, les faisant passer d’un dispositif d’agrément limité dans le temps à un dispositif d’habilitation pérenne. Il consacre aussi au niveau législatif leur compétence en matière d’exploitation des données scientifiques. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une avancée importante dans le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales en matière culturelle.
Pour autant, je défends l’idée que le rôle de l’État doit être renforcé, position que vous soutenez d’ailleurs en matière d’espaces protégés, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ce ne serait pas faire honneur à l’archéologie préventive, qui est pourtant au fondement de la connaissance de ce que nous sommes, de ce qu’est l’histoire de notre nation, que de ne la considérer que sous l’angle d’une activité économique concurrentielle de droit commun. Il faut tenir compte de ses spécificités et de son rôle dans la connaissance de notre patrimoine.
Je rappellerai, à titre d’exemple, la découverte exceptionnelle qu’a permise une opération d’archéologie préventive menée à Lavau – dans une région qui doit être chère à votre cœur, madame la rapporteur –, sur un terrain destiné à accueillir une zone commerciale. Cette fouille, menée par l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, a permis de mettre au jour une nécropole, active entre 1300 avant Jésus-Christ et 300 après Jésus-Christ : il s’agit de la fameuse « tombe à char », dont nous gardons tous les images en tête, parfaitement bien conservée, contenant notamment un très beau chaudron en bronze.
Cette découverte a suscité l’intérêt du monde entier et constitue désormais un élément important du patrimoine de l’humanité tout entière. Les élus concernés, parmi lesquels votre collègue sénateur de l’Aube et président de l’Association des maires de France,…
François Baroin !
M. Roger Karoutchi.
… dont la commune a vocation à recevoir ces vestiges fabuleux, savent bien l’importance de ceux-ci pour la notoriété de leur territoire, qui accueillera de nombreux visiteurs souhaitant découvrir ce patrimoine exceptionnel.
Mme Audrey Azoulay,
En matière d’archéologie préventive, ce projet de loi n’est ni contre les entreprises privées d’archéologie ni contre les archéologues qui en sont salariés. Il ne constitue pas non plus une défense sans nuances d’un système qui a été ouvert à la concurrence et qu’il nous faut simplement mieux réguler et mieux adapter.
Il ne faudrait pas non plus caricaturer l’archéologie préventive, comme on le fait trop souvent en la présentant comme une source de délais, de pertes de temps : les délais de fouilles sont encadrés et les retards ont bien souvent une tout autre cause que l’archéologie préventive.
Lors de la discussion générale, Mme Estrosi Sassone a mis en cause le principe même de la politique d’archéologie préventive, et en particulier l’INRAP. Sur ce sujet, je souhaiterais apporter quelques précisions à la Haute Assemblée.
Concernant l’opération évoquée par votre collègue, le diagnostic a été réalisé par le service archéologique de la ville de Nice, cela en deux fois, car l’aménageur n’avait pas pris la peine de libérer tous les terrains, encore encombrés par la présence d’une ancienne entreprise de casse automobile.
La prescription de fouille qui a ensuite été émise a été confiée par l’office public de l’habitat présidé par Mme Estrosi Sassone à une entreprise privée agréée, France archéologie, qui s’est retirée du marché des fouilles en 2013.
Enfin, le dossier de fouille a été déposé au mois d’octobre 2011. La fouille a été réalisée au début de 2012 et, dès la fin de la du mois de février de la même année, donc très rapidement, l’État validait la libération du terrain au profit de l’aménageur.
Nous sommes donc loin du tableau apocalyptique lié à de prétendus délais abusifs de l’INRAP qui a été dressé par votre collègue. L’INRAP n’a pas grand-chose à voir avec ce dossier, qui a été traité par des opérateurs départementaux et privés.
Pour autant, des problèmes existent dans le secteur de l’archéologie préventive. C’est pourquoi le rapport de Mme Faure évoque la nécessité de mettre en place un dispositif encadré par l’action de l’État, dans lequel les règles seraient claires et la concurrence équitable.
La Cour des comptes, dans son dernier rapport public, rappelle que « les dispositions incluses dans le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine voté par l’Assemblée nationale, notamment celle qui prévoit de renforcer les conditions d’agrément des opérateurs privés, vont dans la bonne direction » et appelle l’État à « mieux réguler le secteur ». Elle n’adresse pas que des compliments à l’INRAP et à l’État, mais elle donne une orientation.
Dans le même temps, il faut demander à l’opérateur public de poursuivre ses efforts de modernisation, dans un cadre qui doit être équitable et clair. Cette modernisation a été engagée, mais elle n’est pas encore achevée.
Ce sont ces principes que l’Assemblée nationale, dans un certain consensus, a bien voulu promouvoir avec le Gouvernement. C’est pour toutes ces raisons que le Gouvernement a déposé, à l’article 20, un amendement que je défendrai dans quelques instants.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Je voudrais exposer la position de la commission de la culture sur ce sujet particulièrement sensible, en insistant sur le fait que nous l’avons abordé sans
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Oui, madame la ministre, nous sommes pour une archéologie préventive de qualité, mais nous refusons l’opposition archaïque entre des acteurs publics qui seraient dotés de toutes les vertus et des acteurs privés qui agiraient au mépris de la qualité des opérations de fouilles.
Oui, nous défendons l’ouverture à la concurrence du secteur de l’archéologie préventive opérée par la loi de 2003. Ceux qui regretteraient le temps béni où l’INRAP se trouvait en situation de monopole n’ont sans doute jamais eu à faire faire des travaux de fouilles à cette époque !
Oui, l’État dispose déjà de moyens suffisants pour s’assurer de la qualité des opérateurs et des opérations de fouilles.
Les opérateurs autres que l’INRAP sont soumis à un agrément qui doit être renouvelé tous les cinq ans et qui peut être retiré à tout moment. Croyez-vous sincèrement qu’ils ont intérêt à faire du mauvais travail ?
Quant à l’aménageur, s’il choisit un projet qui ne respecte pas les prescriptions posées par l’État, il n’obtiendra pas d’autorisation de fouilles, ce qui est très bien. Enfin, les services régionaux d’archéologie ont un pouvoir de contrôle sur place, qui peut aboutir au retrait de l’autorisation.
Pourquoi l’Assemblée nationale a-t-elle donc complètement modifié la rédaction initiale du projet de loi, qui nous satisfaisait globalement, au point de remettre en cause l’équilibre de la loi de 2003 ? Est-ce à dire que, compte tenu des déboires financiers de l’INRAP, la priorité a changé ? Il faut sauver le soldat INRAP, comme l’indiquait, en langage certes plus administratif, la lettre de mission adressée à la députée Martine Faure, même s’il faut pour cela permettre à l’État d’assurer – je cite Mme Faure – « une véritable mission de régulation économique du secteur ».
Or, je le dis sans aucun esprit polémique, nous ne pouvons accepter une telle situation.
Tout d’abord, le problème me semble être pris à l’envers. Entre 2004 et 2014, le budget de l’INRAP a crû de 66 %, ses effectifs ont augmenté de 16,5 %, et même de 33 % si l’on ne prend en compte que les contrats à durée indéterminée, alors que, parallèlement, le nombre des diagnostics et des fouilles effectués par l’INRAP diminuait respectivement de 41 % et de 52 %. Dans le même temps, les subventions exceptionnelles du ministère de la culture, accordées au-delà du budget initial, se sont élevées à 168,3 millions d’euros ! Le mauvais rendement de la redevance d’archéologie préventive a certes sa part de responsabilité dans la situation, mais, comme le rappelle la Cour des comptes, ce sont également les lourds problèmes en matière de gestion des ressources humaines et de gouvernance qui sont à l’origine de celle-ci.
Or, plutôt que de s’attaquer à une réforme structurelle de l’INRAP, le Gouvernement préfère s’en prendre aux services archéologiques des collectivités territoriales et aux opérateurs agréés, en réduisant le champ de leur activité, en multipliant les tracasseries administratives, voire en essayant d’orienter le choix des aménageurs, à qui on dénie toute capacité d’analyse et tout sens des responsabilités. Le plus grave, c’est que, à vouloir défendre l’INRAP à tout prix, l’État court le risque de voir son impartialité mise en doute dans le cadre de l’exercice ses missions régaliennes.
Très bien !
M. Yves Détraigne.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme la présidente.
Comme l’a dit Mme la ministre, l’archéologie préventive est au fondement de la connaissance de ce que nous sommes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Notre groupe défendra un certain nombre d’amendements visant à revenir sur les changements apportés au texte par la majorité sénatoriale en commission.
Nous reconnaissons au chapitre II de ce projet de loi deux mérites : la reconnaissance du rôle des services d’archéologie préventive des collectivités territoriales et leur distinction des opérateurs privés, d’une part ; une très timide tentative de revenir sur le désengagement global de l’État, d’autre part.
C’est sur ce dernier point que nous sommes le plus inquiets. Du monopole de l’INRAP avant 2003, on est passé au « tout-concurrence ». Avec ce projet de loi, le Gouvernement, en voulant faire plaisir à tout le monde, ne satisfait personne. Bien entendu, la brèche laissée ouverte a été parfaitement exploitée par la majorité sénatoriale.
intuitu personae, exit
Mon discours pourra vous paraître dur, mais les dangers qui menacent notre patrimoine sont grands. Le groupe CRC a donc fait le choix de défendre une série d’amendements tendant à réaffirmer sa volonté de voir l’État prendre ses responsabilités en matière d’archéologie préventive, en assurant,
Nous revendiquons aussi un contrôle de l’État sur les opérateurs privés, que ce soit en matière sociale, technique ou financière. Il s’agit tout de même d’assurer la préservation de biens communs de la nation. Il s’agit aussi de se prémunir, dans la mesure où l’INRAP se retrouve dans l’obligation de prendre le relais en cas de défaillance d’un opérateur privé. On demande donc à l’État de laisser faire le marché, mais on prévoit tout de même un filet de sécurité au cas où…
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l'article.
Mme la présidente.
Nous abordons l’examen de l’un des articles du projet de loi qui donnent lieu à des prises de position antagonistes et à des débats particulièrement vifs.
Mme Marie-Pierre Monier.
Le cadre juridique de l’archéologie préventive s’est bâti sur les lois de 2001 et de 2003. Quinze ans plus tard, il paraît opportun de l’évaluer et d’y apporter les corrections nécessaires.
En outre, comme l’a souligné de nouveau le dernier rapport public de la Cour des comptes, plusieurs mesures d’ajustement doivent être mises en œuvre rapidement afin de mieux réguler le secteur de l’archéologie préventive.
En effet, comme le relève le Livre blanc de l’archéologie préventive et le confirme le rapport de Martine Faure, la loi de 2003 a conduit à une concurrence non régulée, au détriment de la qualité scientifique, provoquant de profonds dysfonctionnements concurrentiels du secteur.
Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré à quel point la demande était forte que l’État garantisse la qualité scientifique des opérations.
Plusieurs points nous paraissent fondamentaux dans ce texte, en premier lieu la réaffirmation du rôle essentiel de régulation que doit jouer l’État au moyen de sa maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations de fouilles.
Parallèlement, nous devons veiller à ce que l’INRAP soit parfaitement en mesure de remplir les missions de service public dont il est investi. Ces deux sujets ne manqueront pas d’être discutés lors de l’examen des amendements.
La loi doit également reconnaître et consacrer le rôle particulier que jouent les collectivités territoriales dans la politique publique d’archéologie, et favoriser la simplification des démarches administratives pour ces collectivités, afin d’améliorer la coopération des acteurs publics. Nous y reviendrons.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale intégrait ces éléments et redonnait à l’État et au service public de l’archéologie préventive des outils pour assumer leurs missions et réduire les déséquilibres du secteur dénoncés par la plupart des acteurs. Mais, par le biais d’amendements adoptés en commission, notre rapporteur a souhaité revenir sur les avancées majeures apportées par cette partie du texte en matière de régulation, ce qui dénature ce dernier.
Le point le plus marquant est sans doute la suppression de la maîtrise d’ouvrage scientifique de l’État sur les opérations de fouilles. Or il faut rappeler que l’archéologie préventive est un bien commun, dont les enjeux s’expriment en termes de préservation du patrimoine, certes, mais également de contribution à la connaissance de l’histoire de nos sociétés.
Pour nous, en matière d’archéologie, l’intérêt général scientifique et culturel doit primer sur les questions de coût ou de foncier.
L'amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéas 6 à 10
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
a) La seconde phrase est supprimée ;
b) Sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Il veille à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive dans ses dimensions scientifique, économique et financière, notamment dans le cadre des missions prévues à l’article L. 523-8-1.
« Il exerce la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations d’archéologie préventive et, à ce titre :
« 1° Prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l’étude scientifique du patrimoine archéologique ;
« 2° Désigne le responsable scientifique de toute opération ;
« 3° Assure le contrôle scientifique et technique et évalue ces opérations ;
« 4° Est destinataire de l’ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations. » ;
II. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment dans le cadre de la convention prévue à l’article L. 522-8
III. – Alinéas 14 à 19
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéas 22 à 24
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« L’habilitation est attribuée, à la demande de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont relève le service, par arrêté des ministres chargés de la culture et de la recherche. Elle est délivrée au vu d’un dossier établissant la capacité administrative, scientifique et technique du service. Ce dossier contient un projet de convention avec l’État fixant les modalités de leur participation à l’exploitation scientifique des opérations d’archéologie préventive. Elle est valable sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales demandeur. » ;
V. – Alinéa 26
Supprimer les mots :
, après avis du Conseil national de la recherche archéologique
VI. – Alinéas 28 et 29
Supprimer ces alinéas.
VII. – Alinéa 33
Supprimer cet alinéa.
VIII. – Alinéa 38
Rétablir le a) dans la rédaction suivante :
« a) À la première phrase, les mots : « La réalisation » sont remplacés par les mots : « L’État assure la maîtrise d’ouvrage scientifique » et, après la référence : « L. 522-1 », sont insérés les mots : «. Leur réalisation » ;
IX. – Après l’alinéa 39
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Les opérations de fouilles sous-marines intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë définie à l’article L. 532-12 sont confiées à l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1. » ;
X. – Alinéas 41 à 44
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
Art. L. 523-8-1.
« L’agrément peut être refusé, suspendu ou retiré par décision motivée.
« La personne agréée transmet chaque année à l’autorité compétente de l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d’archéologie préventive. » ;
XI. – Alinéas 45 à 49
Remplacer ces alinéas par quinze alinéas ainsi rédigés :
5° L’article L. 523-9 est ainsi modifié :
a) Au début, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une prescription de fouilles est notifiée à la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci sollicite les offres d’un ou de plusieurs des opérateurs mentionnés à l’article L. 523-8.
« Les éléments constitutifs des offres des opérateurs sont définis par arrêté du ministre chargé de la culture. Ils comportent notamment un projet scientifique d’intervention, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre.
« Préalablement au choix de l’opérateur par la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci transmet à l’État l’ensemble des offres reçues. L’État procède à la vérification de leur conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2, note le volet scientifique et s’assure de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur. » ;
b) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « prix », sont insérés les mots : « , les moyens techniques et humains mis en œuvre » ;
– sont ajoutés deux phrases ainsi rédigées :
« Le projet scientifique d’intervention en est une partie intégrante. La mise en œuvre du contrat est subordonnée à la délivrance de l’autorisation de fouilles par l’État. » ;
c) Le deuxième alinéa est supprimé ;
d) Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’État s’assure que les conditions d’emploi du responsable scientifique de l’opération sont compatibles avec la réalisation de l’opération jusqu’à la remise du rapport de fouilles.
« La prestation qui fait l’objet du contrat ne peut être sous-traitée. Elle est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur. » ;
e) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « quatrième » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
f) À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
XII. – Alinéas 54 et 55
Supprimer ces alinéas.
XIII. – Alinéa 56
Supprimer les mots :
et par tout autre opérateur agréé mentionné à l’article L. 523-8
XIV. – Alinéa 57
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Au dernier alinéa, les mots : « afférente à l’opération » sont remplacés par les mots : « , constituée de l’ensemble des données scientifiques afférentes à l’opération, » ;
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à rétablir les dispositions votées à l’Assemblée nationale.
Mme Audrey Azoulay,
Il rappelle l’attachement du Gouvernement aux principes suivants : premièrement, l’affirmation et le renforcement du rôle de l’État comme garant de la qualité scientifique et du bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive ; deuxièmement, l’affirmation de sa mission de régulation du marché de l’archéologie préventive –le laisser-faire en la matière étant incompatible avec les enjeux, l’État doit veiller au bon équilibre du secteur pour favoriser la qualité scientifique des fouilles ; troisièmement, la reconnaissance du rôle particulier des collectivités territoriales et de leurs services, avec la procédure d’habilitation pérenne et la convention passée avec l’État ; quatrièmement, le renforcement du contrôle des opérateurs, y compris dans la dimension financière, pour limiter les risques de faillites.
L’agrément ne devra être délivré qu’à des opérateurs qui respectent leurs obligations légales, ce qui n’a, hélas ! pas toujours été le cas dans le passé… Un dispositif d’évaluation préalable des offres des opérateurs sera mis en œuvre, afin de garantir à la fois la qualité scientifique des opérations et la sécurité juridique des aménageurs. L’évaluation des offres s’effectuera donc plus en amont, pour rendre la procédure plus sûre et plus rapide.
L’amendement affirme aussi le monopole de l’opérateur public dans le cas bien particulier de la réalisation des opérations sous-marines, pour des raisons à la fois opérationnelles et scientifiques que nous pouvons tous comprendre, puisque l’intervention archéologique sur le domaine public maritime induit le respect de règles dont l’État est le garant.
Pour toutes ces raisons qui ne sont en rien idéologiques, mais traduisent simplement une volonté profonde de mener au mieux cette importante et belle politique patrimoniale, j’invite la Haute Assemblée à adopter cet amendement. Il s’agit non pas de défendre le soldat INRAP, mais de pouvoir s’appuyer sur une politique d’archéologie préventive pérenne et au service de tous.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je n’entrerai pas, à ce stade, dans un long développement sur ce dispositif. L’avis de la commission est défavorable.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n
Alinéas 6 à 10
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
a) La seconde phrase est supprimée ;
b) Sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Il veille à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive dans ses dimensions scientifique, économique et financière, notamment dans le cadre des missions prévues à l’article L. 523-8-1.
« Il exerce la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations d’archéologie préventive et, à ce titre :
« 1° Prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l’étude scientifique du patrimoine archéologique ;
« 2° Désigne le responsable scientifique de toute opération ;
« 3° Assure le contrôle scientifique et technique et évalue ces opérations ;
« 4° Est destinataire de l’ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Cet amendement tend à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, qui prévoyait un dispositif cohérent dans lequel l’État était le garant non seulement de la qualité scientifique de l’ensemble des opérations d’archéologie préventive, mais aussi du bon fonctionnement et de la cohérence de l’ensemble du service public de l’archéologie préventive.
Mme Marie-Pierre Monier.
Il nous semble important d’octroyer à l’État la maîtrise d’ouvrage sur l’ensemble des opérations de diagnostic et de fouilles et qu’à ce titre il puisse prescrire et contrôler toute donnée scientifique afférente aux opérations.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 31 juillet 2003, que la loi de 2003 préservait l’intérêt général, dans la mesure où l’État restait prescripteur, que l’opérateur public conservait l’exclusivité de l’exploitation des résultats et que les opérations de fouilles ne pouvaient s’effectuer qu’après agrément des sociétés chargées de celles-ci.
Il y a bel et bien deux conceptions de l’archéologie préventive qui s’affrontent : d’une part, celle issue de la loi de 2001, qui a créé l’INRAP, établissement public doté d’une mission de service public en matière d’archéologie préventive, et fait primer l’intérêt général ; d’autre part, celle issue de la réforme de 2003, qui a procédé à une libéralisation de l’archéologie préventive et ouvert le marché des fouilles aux sociétés privées.
Dans un tel contexte, la recherche du « moins-disant » prévaut parfois sur la qualité scientifique.
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 8 à 10
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
b) La seconde phrase est supprimée ;
c) Sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Il veille à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l'archéologie préventive dans ses dimensions scientifique, économique et financière, notamment dans le cadre des missions prévues à l'article L. 523-8-1.
« Il exerce la maîtrise d'ouvrage scientifique des opérations d'archéologie préventive et, à ce titre :
« 1° Prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique ;
« 2° Désigne le responsable scientifique de toute opération ;
« 3° Assure le contrôle scientifique et technique et évalue ces opérations ;
« 4° Est destinataire de l'ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations. » ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement vise à réintroduire, au sein de l’article 20, l’affirmation du rôle de l’État en tant que garant scientifique du service public de l’archéologie préventive. Cette disposition, initialement inscrite dans le texte, va en effet dans le bon sens.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il est prévu que l’État, en tant que maître d’œuvre scientifique, soit une force de prescription et de contrôle scientifique et technique des opérations.
Le choix de supprimer ces dispositions opéré en commission se conformait au principe aménageur-payeur-décideur, qui met en question les visées mêmes de l’archéologie préventive. À cet égard, il est dommage que la conception de notre collègue député Patrick Bloche – celle de biens communs de la nation – n’ait été reprise ni dans le texte de l’Assemblée nationale ni dans celui de la commission, car elle résume à elle seule l’intérêt d’une maîtrise d’ouvrage scientifique de l’État.
Les biens archéologiques, en tant que biens communs de la Nation, participent de la construction de la mémoire nationale. Dans ce cadre, la démarche consistant à les dévoiler, à les expliquer et à les présenter au public, autrement dit l’archéologie préventive, relève clairement de l’intérêt général. Qui d’autre que l’État peut être le garant de la construction de la mémoire nationale ?
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Si ces deux amendements étaient adoptés, l’État ne serait plus simplement le garant de la qualité scientifique des opérations archéologiques : il aurait vocation à influencer les dimensions économique et financière du service public de l’archéologie préventive, afin d’assurer sa cohérence et son bon fonctionnement.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La commission s’est interrogée sur ces dispositions ; elle les a jugées un peu vagues, et aussi susceptibles de justifier un interventionnisme exagéré de la part de l’État, qui est déjà soupçonné de partialité. N’oublions pas, en effet, que celui-ci a une position délicate en tant que responsable des prescriptions de fouilles et de la qualité scientifique des opérations d’archéologie. Son attitude à l’égard de l’ensemble des opérateurs doit être neutre, mais, en tant que tutelle de l’INRAP, sa position est forcément influencée par les tensions à la fois sociales et financières que connaît cet établissement public administratif.
C’est aussi pour ces raisons que la commission a rejeté la disposition que reprennent les amendements n
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je ne peux que souscrire au rétablissement du texte de l’Assemblée nationale en ce qui concerne le rôle de l’État comme garant du bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive.
Mme Audrey Azoulay,
Il est indispensable de rappeler les fondements du rôle de l’État dans la conduite de cette politique publique, notamment sur le plan scientifique. On l’a dit, la Cour des comptes elle-même appelle l’État à mieux jouer son rôle en la matière.
Comme vous le savez, je suis très attachée à l’équilibre du texte tel qu’il a été établi par l’Assemblée nationale et je remercie les auteurs de ces amendements permettant de préciser le rôle de l’État, résumé par la formule « maîtrise d’ouvrage scientifique », qui me paraît tout à fait pertinente.
L’avis est donc favorable.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’ai souvent travaillé avec les services publics de l’archéologie et je dois dire que j’ai toujours eu à me louer à la fois de la qualité du travail de l’INRAP et des délais. Mon opinion au sujet de cet établissement est donc un peu plus nuancée que celle de Mme la rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère.
Cela étant dit, comme en toute chose, il faut trouver un équilibre.
L’amendement du Gouvernement conduisait, par exemple, à ce que les services de l’État notent le volet scientifique et s’assurent de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur dans le cadre d’un appel d’offres ouvert par des collectivités locales. Sur ce sujet, la rédaction de l’Assemblée nationale me paraît relever d’une complète illégalité !
J’ai écouté avec attention les observations de Mme Monier, qui a fait référence à une décision du Conseil constitutionnel. Or, à l’évidence, ma chère collègue, cette décision ne vous permet pas de prévoir, comme vous le faites dans votre amendement, que l’État « exerce la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations d’archéologie préventive ». Vous nous avez en effet rappelé la décision du Conseil constitutionnel qui a validé la disposition faisant que les services de l’État sont prescripteurs. Or le prescripteur est forcément extérieur à la convention et ne peut pas revendiquer la maîtrise d’ouvrage scientifique !
Cela m’amène à soutenir résolument la position de Mme le rapporteur, qui est la seule susceptible de respecter la règle de droit en cette matière.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Les arguments qui ont été opposés à ces deux amendements par Mme la rapporteur sont tout à fait éloquents : ils démontrent que la préservation du bien commun l’intéresse en vérité fort peu ! L’invocation de la partialité supposée de l’État prouve que la seule chose qui préoccupe vraiment ceux qui veulent défaire l’article 20 tel qu’adopté à l’Assemblée nationale, c’est non pas l’intérêt public et l’intérêt patrimonial de l’État, mais la défense d’une logique de marché.
M. Pierre Laurent.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n
I. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment dans le cadre de la convention prévue à l’article L. 522-1
II. – Alinéas 22 à 24
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« L'habilitation est attribuée, à la demande de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont relève le service, par arrêté des ministres chargés de la culture et de la recherche. Elle est délivrée au vu d'un dossier établissant la capacité administrative, scientifique et technique du service. Ce dossier contient un projet de convention avec l'État fixant les modalités de leur participation à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive. Elle est valable sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales demandeur. » ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il est bon de constater – c’est l’un des points positifs des mesures proposées par le Gouvernement – qu’une différentiation est effectuée entre services des collectivités territoriales et opérateurs privés, marquée par la distinction entre une habilitation et un agrément.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Si le fondement même de cette différentiation n’a pas été remis en cause, la majorité sénatoriale a fait le choix de supprimer la disposition prévoyant que la demande d’habilitation des services archéologiques des collectivités territoriales soit fondée sur un projet de convention entre l’État et ledit service d’archéologie préventive. Un tel document est pour nous essentiel, l’État étant le garant de la préservation des données récoltées. Le projet de convention ouvrirait aux services locaux la participation à l’exploitation scientifique des données, tout en assurant le rôle de l’État.
Si la fonction publique territoriale ne possède pas de corps de recherche en son sein, lui refuser de participer à l’exploitation scientifique des opérations d’archéologie préventive revient peu ou prou à nier ses compétences scientifiques. À l’inverse, il serait tout aussi malvenu de lui confier l’exploitation globale des données scientifiques, pour des raisons tant techniques que politiques.
Techniquement, tous les services locaux n’ont pas les compétences scientifiques pour exploiter les données. Politiquement, les résultats des fouilles archéologiques étant des biens communs de la nation, il est essentiel d’assurer à l’État une mission d’exploitation des opérations d’archéologie préventive.
Par ailleurs, la suppression de la délimitation territoriale de l’habilitation des services est un autre problème. Elle permettait à chaque service d’avoir une compétence pleine et entière sur le territoire de sa collectivité sans empêcher des partenariats entre services, lesquels, je le signale, existent déjà.
Ce que la majorité sénatoriale propose aujourd’hui, c’est une mise en concurrence entre les services archéologiques des collectivités territoriales, au mépris du principe de territorialité de leurs compétences.
Cet amendement tend donc à rétablir, à l’article 20, le projet de conventionnement entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi que la délimitation territoriale de l’habilitation à exercer des fouilles archéologiques.
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 23 et 24
Rédiger ainsi ces alinéas :
« L’habilitation est attribuée, à la demande de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont relève le service, par arrêté des ministres chargés de la culture et de la recherche. Elle est délivrée au vu d’un dossier établissant la capacité administrative, scientifique et technique du service. Ce dossier contient un projet de convention avec l’État fixant les modalités de leur participation à l’exploitation scientifique des opérations d’archéologie préventive.
« Un décret en conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les services des collectivités territoriales agréés à la date d’entrée en vigueur de la loi n
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Cet amendement vise à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale. Il s’agit de prévoir pour les services d’archéologie des collectivités une procédure d’habilitation à réaliser des projets d’archéologie préventive beaucoup plus sécurisante que celle qui est envisagée par notre rapporteur.
Mme Marie-Pierre Monier.
L’existence d’une convention est à cet égard primordiale. Elle permettra en particulier de fixer précisément les objectifs scientifiques territoriaux de ces services et de faciliter ainsi la mise en œuvre de partenariats avec l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Je rappelle que le rapport de 2016 de la Cour des comptes appelle de nouveau au développement de tels partenariats, afin de faciliter la mutualisation des coûts et des compétences.
En différenciant la procédure d’habilitation de celle de l’agrément réservé aux opérateurs privés, le projet de loi répond à une demande de simplification tout en portant une reconnaissance particulière aux services d’archéologie des collectivités.
Toutefois, simplifier ne signifie pas supprimer tout contrôle. La vérification de la capacité administrative nous paraît devoir être maintenue, ne serait-ce que pour que les services de l’État aient une idée de la dimension des services des collectivités.
Enfin, il ne nous semble pas opportun de prévoir une automaticité d’habilitation des services archéologiques des collectivités territoriales déjà en exercice. Nous préférons renvoyer au pouvoir réglementaire le soin d’en fixer les conditions.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mes chers collègues, car certains des avis de la commission sur les amendements sont particulièrement longs, mais je me dois de vous en faire part dans leur totalité.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
L’amendement n
De deux choses l’une : soit il s’agit simplement d’exhorter les acteurs publics de l’archéologie préventive à coopérer, et le projet de loi prévoyant un projet de convention, et non pas une convention, il n’y a pas
Enfin, il ne faut pas oublier que l’INRAP est légalement chargé de l’exploitation scientifique des opérations, ce qui est normal. Cette convention aura donc forcément vocation à être tripartite. Dans ce cas, pourquoi ne pas le dire clairement ?
Ces amendements tendent également à limiter géographiquement le champ de l’habilitation. L’un des arguments avancés est que, dans 97 % des cas, les services archéologiques sont actifs uniquement sur le territoire de la collectivité territoriale dont ils dépendent. Il me semble justement que c’est un réel problème.
À l’heure où nous parlons de mutualisation, pourquoi vouloir instaurer une limitation rigide dans la loi, qui aura peu d’effets pratiques, mais qui entravera les possibilités de partenariat et de mutualisation des compétences entre les collectivités ? En pleine refonte de l’intercommunalité, imaginez qu’une commune obtienne un agrément, mais que celui-ci ne soit pas valable pour l’ensemble du territoire de l’EPCI. Cela n’aurait pas de sens. Et l’on peut même aller plus loin dans l’absurde et imaginer des situations encore plus complexes !
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je me suis déjà exprimée sur l’article, en expliquant que le Gouvernement souhaitait un retour au texte de l’Assemblée nationale.
Mme Audrey Azoulay,
Mme la rapporteur a évoqué les projets de convention entre l’État et les collectivités locales. Ces projets ne concerneront que l’État et les collectivités locales, pas l’INRAP.
L’idée est véritablement de construire ce pôle public d’archéologie préventive, de reconnaître un statut spécifique aux services d’archéologie des collectivités territoriales et de renforcer la coopération entre les acteurs publics par cette convention.
En ce qui concerne les limites territoriales qui sont prévues dans le texte dont le rétablissement est demandé, vous avez évoqué les intercommunalités, madame Monier, ce qui montre que vous partagez notre préoccupation. On pourra effectivement examiner s’il n’y a pas, à la marge, des cas justifiant de prévoir des exceptions, afin d’épouser les contours d’un territoire qui serait plus pertinent que la stricte limite administrative.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Sur cette question de la territorialité, je souhaite me faire l’écho d’une préoccupation exprimée par le sénateur Dominique Bailly, qui ne peut être présent aujourd'hui en séance.
Mme Marie-Pierre Monier.
Dans certains départements, en effet, il peut arriver qu’il n’y ait pas de service d’archéologie préventive. Notre collègue m’a demandé de citer l’exemple de sa commune à Orchies dans le Nord. Les fouilles d’archéologie préventive sont réalisées par la communauté d’agglomération du Douaisis, une intercommunalité du département qui exerce cette compétence depuis plus de trente ans. Elle a ainsi développé des compétences et un savoir-faire qui lui permettent d’intervenir rapidement et de réaliser des opérations de bonne qualité scientifique.
Le département du Nord, qui n’est pas une exception dans notre pays, n’est pas doté d’un service dédié à l’archéologie préventive. Comme pour de nombreuses autres communes et intercommunalités voisines, l’exercice de cette compétence par la communauté d’agglomération du Douaisis est crucial pour le développement de nos communes et notre développement. M. Dominique Bailly considère donc qu’il est important, dans certains cas, d’élargir le périmètre.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 15 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
La carte archéologique constitue le document d’identité de toutes les zones présentant un intérêt patrimonial, car recelant de potentiels vestiges archéologiques, patrimoine commun de tous les Français.
Mme Marie-Pierre Monier.
Le code du patrimoine confie son élaboration à l’État, qui peut s’adjoindre les services de l’INRAP et ceux des collectivités territoriales. Or le texte issu de la commission propose que l’État, pourtant garant du service public d’archéologie préventive, partage cette compétence non seulement par la conduite d’une enquête publique, mais aussi par le recueil des avis des maires des communes ou des présidents d’EPCI des territoires concernés par la présomption de prescription archéologique.
Quand on connaît le peu de goût des aménageurs pour l’archéologie préventive, on peut s’inquiéter de la mise en place d’une telle procédure, qui ne manquera pas d’entraîner des pressions multiples et – je le crains – une carte très incomplète à l’avenir.
Outre ces appréciations d’opportunité, je ne vois pas sur quel fondement juridique l’État, garant des opérations scientifiques, devrait, pour l’élaboration d’un document purement scientifique, recourir à une procédure digne de celles qui s’appliquent aux marchés publics.
Nous souhaitons donc, par notre amendement, supprimer ces alinéas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement tend à supprimer l’obligation d’enquête publique et d’avis des élus concernés pour l’établissement des zones de présomption de prescriptions archéologiques.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Sur proposition de Mme Estrosi Sassone, la commission de la culture a adopté un amendement qui vise justement à faire figurer ces zones dans les documents d’urbanisme. Cette mesure nous paraît particulièrement pertinente.
En revanche, comme le prévoient les auteurs de l'amendement n
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est également favorable à cet amendement : il importe effectivement de ne pas alourdir la procédure.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Mme la présidente.
L'amendement n
Après le mot :
scientifique
insérer le mot
, financier
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La suppression, par la commission du Sénat, de l’obligation faite aux services habilités de l’archéologie préventive de présenter au ministère, tous les cinq ans, un bilan financier de leurs activités nous semble problématique. En effet, si le contrôle budgétaire des collectivités existe bel et bien par le biais du compte administratif annuel, il semble essentiel qu’un tel bilan financier soit établi séparément par les services locaux d’archéologie, et ce pour plusieurs raisons.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Si le compte administratif est bien transmis à l’État par le biais de son représentant localement, ce n’est pas le préfet qui délivre l’habilitation aux services de fouilles archéologiques. Il semble plus pertinent que le réceptionnaire du bilan financier des services habilités soit celui qui, justement, délivre les habilitations, c'est-à-dire le ministère de la culture.
Ensuite, pour précis qu’il soit, le compte administratif ne permettra jamais de réellement cibler les frais d’investissement et de fonctionnement des services habilités en matière d’archéologie préventive.
Pour ces raisons, qui tiennent tant à l’efficacité de la démarche qu’à transparence de cette dernière, il est proposé de réinstaurer dans le bilan quinquennal produit par les services habilités des collectivités territoriales en direction du ministère un volet financier.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ma chère collègue, je voudrais vous rassurer en ce qui concerne le contrôle des collectivités territoriales. Le compte administratif, bien sûr, ne préjuge en rien de la bonne dépense des deniers de la commune. Néanmoins, nous avons autour de nous des trésoriers, sans même parler de la chambre régionale des comptes, qui s’assurent du bon usage des deniers publics. Je vous enjoins à faire confiance à ces collectivités territoriales.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Si je voulais faire preuve d’un peu de malice cet après-midi, je dirais qu’il serait bon aussi d’appliquer cette méthode à l’INRAP, de manière à pouvoir s’extraire de ce cercle infernal.
(Sourires.)
La commission émet donc un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’alinéa 29
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le coût du diagnostic imposé par les services de l’État ne peut en aucun cas représenter plus de 5 % de la valeur du terrain.
« Lorsque le délai de réalisation du diagnostic rend impossible la réalisation de l’opération projetée sur le terrain concerné, un délai compatible avec le projet est fixé par le représentant de l’État dans le département. Le nouveau délai est proposé dans les quinze jours de la demande de révision du délai initial formulée par la personne projetant d’exécuter les travaux ou de vendre le terrain concerné. » ;
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Les coûts et délais qui résultent des contraintes légales entraînent parfois l'impossibilité pour un opérateur de réaliser son projet. Il arrive ainsi que le coût soit en décalage avec la valeur du terrain, ce qui signifie que, pour pouvoir assurer les recherches archéologiques, il faut dépenser plus que la valeur du terrain, ce qui va mettre l’opération en déséquilibre. Les délais cumulés avec ces problèmes financiers rendent impossible la faisabilité de l'opération. Dans ce cas, il faudrait trouver une solution compatible avec l'intérêt de l'opération.
Mme Caroline Cayeux.
Nous proposons donc d’insérer deux alinéas à l’article 20. Le premier prévoit que « le coût du diagnostic ne peut en aucun cas représenter plus de 5 % de la valeur du terrain », le second qu’un « nouveau délai est proposé dans les quinze jours de la demande de révision du délai initial formée par la personne projetant d’exécuter les travaux ou de vendre le terrain concerné ».
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise effectivement à limiter le coût et la durée du diagnostic.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Depuis l’adoption de la loi de finances pour 2016, le coût du diagnostic est financé par l’État à travers une subvention aux opérateurs. Les aménageurs ne sont donc pas impliqués dans son financement.
Par ailleurs, la durée de l’opération de diagnostic est arrêtée de manière conventionnelle entre l’aménageur et l’opérateur. Si l’une des parties est en désaccord avec la durée prévue, ce qui peut arriver, ainsi que vous nous l’avez signalé, ma chère collègue, elle peut saisir le préfet de région qui arrêtera une durée.
Cet amendement étant satisfait, me semble-t-il, par la réglementation en vigueur, j’y suis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’aménagement du territoire et la protection du patrimoine archéologique constituent deux missions de service public qui ne doivent pas être opposées et qui doivent être mises en œuvre en concertation et dans le respect des intérêts légitimes de l’une et de l’autre. C’est bien ce que fait l’archéologie préventive.
Mme Audrey Azoulay,
Les opérations de diagnostic sont financées par l’opérateur d’archéologie qui reçoit une part de la redevance d’archéologie préventive. L’exigibilité de la redevance est liée aux opérations d’aménagement et non pas à la réalisation des interventions elles-mêmes.
Enfin, la détermination des délais de réalisation des opérations de diagnostic, qui vous préoccupe, madame Cayeux, relève de la convention passée entre l’opérateur et l’aménageur. En cas de désaccord, il peut être fait appel à l’arbitrage du préfet de région.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme Caroline Cayeux.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Après l'alinéa 36
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le dernier alinéa est complété par les mots : « dans un délai de trois mois à compter de la fin du diagnostic fixé par la convention » ;
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Cet amendement vise à intégrer dans le projet de loi un délai, qui n’est actuellement pas prévu, pour la remise du rapport de diagnostic d'archéologie préventive.
Mme Catherine Procaccia.
Les signataires de cet amendement proposent que le rapport soit remis dans un délai de trois mois à compter de la fin du diagnostic, ce qui permettra d’informer, dans un temps raisonnable, les personnes projetant d’exécuter les travaux, ainsi que les propriétaires des terrains.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ma chère collègue, je comprends parfaitement votre préoccupation, car, en termes de délais, nous avons eu souvent à souffrir…
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
(Sourires.)
Votre amendement vise justement à réduire les délais d’attente des aménageurs susceptibles d’entreprendre des travaux sur un terrain. Toutefois, il convient de savoir que le délai est prévu dans la convention signée entre l’aménageur et l’opérateur. Ce n’est donc pas comme s’il n’y avait pas de délai du tout !
Si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre précisément sur le délai de retour, l’une d’elles peut saisir le préfet de région, qui fixera lui-même le délai. En revanche, il nous paraît difficile d’accepter un délai de trois mois pour toutes les opérations. En effet, on ne peut pas exiger le même délai pour un diagnostic concernant plusieurs centaines de kilomètres d’une voie TGV, par exemple, et pour un diagnostic visant la construction d’un lotissement de 3 000 mètres carrés.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons qui viennent d’être exprimées par Mme la rapporteur.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Procaccia, l'amendement n
Mme la présidente.
Je comprends parfaitement l’argument selon lequel, en fonction du type d’archéologie préventive réalisée, les délais peuvent être plus ou moins longs. Toutefois, le fait de ne pas prévoir de délai pose quand même problème, et la saisine du préfet de région n’est pas de nature, à mon avis, à faire avancer rapidement les choses.
Mme Catherine Procaccia.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Comme je viens de le souligner, mais sans doute ne l’ai-je pas dit suffisamment fort, il est possible, dans la convention signée entre l’aménageur et l’opérateur, de notifier des délais. C’est seulement dans le cas où le délai n’est pas respecté, alors qu’il a été fixé en toute connaissance de cause entre les parties, qu’on peut saisir le préfet de région. Dès lors, on peut mieux mesurer la durée du chantier et mettre en place les délais qui conviennent.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme Catherine Procaccia.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
a) À la première phrase, les mots : « La réalisation » sont remplacés par les mots : « L'État assure la maîtrise d'ouvrage scientifique » et, après la référence : « L. 522-1 », sont insérés les mots : « . Leur réalisation » ;
La parole est à M. Daniel Laurent.
Cet amendement vise à rétablir l’alinéa 38 de l’article 20 qui a été supprimé et qui visait à réaffirmer la maîtrise d’ouvrage scientifique. Dans la mesure où nous avons déjà débattu tout à l’heure de cette question, je retire cet amendement, madame la présidente.
M. Daniel Laurent.
L'amendement n
Mme la présidente.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 39
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les opérations de fouilles sous-marines intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë définie à l’article L. 532-12 sont confiées à l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l'amendement n
Cet amendement tend à prévoir le monopole de l’INRAP sur les fouilles effectuées sur le domaine public, en zone sous-marine contigüe. Je tiens à préciser qu’il s’agit d’une zone restreinte appartenant au domaine public, soit, conformément au droit international, jusqu’à vingt-quatre miles des côtes, calculés depuis la « ligne de base droite ».
Mme Marie-Pierre Monier.
Avec la transition énergétique, on peut penser que le développement de l’éolien va connaître un essor certain et que des efforts seront déployés en ce domaine. Or, l’installation de ces éoliennes en mer ne pose pas de problème, l’INRAP optant pour une politique d’évitement de la zone en cas de présence d’épaves.
En revanche, il y a quelques semaines, les archéologues de l’INRAP ont découvert, au large de Carnac, des alignements semblables à ceux du site bien connu. Il semble donc opportun de combler rapidement le vide juridique laissé par la loi de 2001 ; jusqu’à présent, un bureau du ministère de la culture était chargé d’exécuter les opérations en mer, après prescription de l’État.
Pour ceux qui craindraient que ce dispositif n’entrave la liberté d’entreprendre, je rappelle que le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi de la loi de 2001 relative à l’archéologie préventive, avait estimé, dans sa décision du 16 janvier 2001, que les droits exclusifs conférés à un établissement public en matière de fouilles d’archéologie préventive n’étaient pas contraires à la liberté d’entreprendre, en raison des contraintes de service public pesant sur cet établissement et de l’intérêt général qui s’attache à la préservation du patrimoine archéologique menacé par les opérations d’aménagement.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Tout comme le précédent, cet amendement vise à rétablir le monopole de l’INRAP sur les opérations de fouilles sous-marines intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë.
M. Pierre Laurent.
On touche là au cœur du débat sur l’article 20. La majorité sénatoriale multiplie les efforts pour nous convaincre que la suppression de tous ces articles se justifie par l’amélioration des conditions de mise en œuvre de l’archéologie préventive entre l’État et les collectivités locales. En l’occurrence, on ne peut pas avancer cet argument, et la restauration du monopole public pour les fouilles sous-marines paraît relever de l’évidence si l’on considère leur intérêt scientifique et la protection du domaine public maritime. Il est, à mes yeux, très révélateur que la majorité sénatoriale aille jusqu’à proposer la suppression de ce monopole de l’INRAP.
Nous proposons pour notre part de réintroduire cette disposition dans le projet de loi, pour des raisons de maîtrise scientifique de ces fouilles, mais aussi parce que cela contribuerait à rétablir l’efficacité de l’INRAP, dont la capacité de mener à bien sa mission a été amoindrie par la concurrence telle qu’elle a été organisée jusqu’à présent.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de revenir sur ce point au texte issu des débats à l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ces amendements tendent à prévoir un monopole de l’INRAP pour réaliser des fouilles sous-marines sur le domaine public maritime et la zone contiguë.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Or la commission s’oppose à la mise en place d’un tel monopole de l’INRAP. Le Gouvernement essaie de nous convaincre que ce marché n’est pas prometteur, mais, dans le même temps, il organise ce monopole. Je ne comprends pas très bien cette logique ou, plutôt, je crains de ne trop la comprendre : il s’agit d’assurer l’INRAP de nouvelles sources de revenus provenant d’une activité qui, me semble-t-il, a vocation à se développer – quelqu’un a mentionné, tout à l’heure, le développement des éoliennes.
Ce monopole soulève deux problèmes. Tout d’abord, il constitue une entrave à la libre concurrence ; ensuite, il ne permettra pas d’assurer une prestation de meilleure qualité. Compte tenu des contraintes spécifiques liées aux milieux aquatiques et aux infrastructures nécessaires, l’INRAP ne sera pas capable de faire face à ses missions dans des délais raisonnables en cas d’augmentation de la demande dans ce secteur. La diversification de l’offre me semble donc nécessaire, et nous en revenons, une fois encore, aux fameux délais.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Il importe, me semble-t-il, de bien tenir compte de la spécificité du domaine maritime. Si le Gouvernement plaide pour le retour au texte initial, donc au monopole en la matière, ce n’est absolument pas sur le fondement d’une position générale relative à l’INRAP, mais en raison des spécificités du domaine public maritime.
Mme Audrey Azoulay,
Il y aura de plus en plus d’opérations de développement de projets d’aménagement en mer, et les interventions d’archéologie préventive en mer nécessitent de lourds investissements matériels et une forte technicité. Il est également nécessaire d’atteindre une expertise et un seuil critique minimal. C’est pourquoi le recours à un opérateur unique, l’INRAP, permettrait de garantir la qualité des interventions, tant sur le plan technique que scientifique.
Compte tenu du nombre encore peu important de fouilles, il vaut mieux se concentrer sur un opérateur, pour qu’il puisse atteindre ce seuil critique.
En l’état actuel des textes, l’INRAP est déjà le seul habilité à réaliser des opérations de diagnostic sur le domaine public maritime, pour lequel il n’existe pas de marché concurrentiel. Pour des raisons de sécurité, de cohérence scientifique et d’économies d’échelle, et compte tenu de la spécificité du domaine public maritime, il serait donc souhaitable que l’INRAP se voie confier seul la réalisation des opérations de fouilles.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Tout a été dit par Mme la rapporteur : nous parlons de protection de biens communs de la nation ; elle s’intéresse au partage de ce qu’elle appelle un « marché prometteur » !
M. Pierre Laurent.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Mes chers collègues, notre débat risque de tomber dans la caricature.
M. Yves Détraigne.
Surtout, ne touchons pas au marché !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Les services de l’INRAP, contrôlés par l’État, auraient le sens de l’intérêt public et du bien commun, et les services privés de fouilles, qui sont pourtant agréés, ne seraient là que pour faire faire des économies aux collectivités qui les rétribuent et s’engraisser…
M. Yves Détraigne.
Qui a parlé de « marché prometteur » ?
M. Pierre Laurent.
Cette vision des choses n’est pas raisonnable. Si un service privé de fouilles est agréé, il est tout aussi capable de faire le travail que l’INRAP, et peut-être même parfois dans de meilleurs délais.
M. Yves Détraigne.
Dès lors, pourquoi s’opposer à la proposition de la commission ?
Il a raison !
M. Alain Fouché.
Excellente intervention !
Mme Catherine Procaccia.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente.
L’amendement n
Alinéas 41 et 42
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
Art. L. 523-8-1
« L’agrément peut être refusé, suspendu ou retiré par décision motivée.
« La personne agréée transmet chaque année à l’autorité compétente de l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d’archéologie préventive.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
S’agissant de la procédure d’agrément pour opérer des fouilles, nous avons deux points principaux d’achoppement avec la commission.
Mme Marie-Pierre Monier.
Le premier porte sur la vérification du respect du droit social par l’opérateur lors de la procédure d’agrément. Comment peut-on agréer un opérateur s’il se révèle qu’il a ensuite recours à des personnes non titulaires de contrat en bonne et due forme, faiblement rémunérées, et possiblement embauchées à la journée, ce qui ne garantirait pas une poursuite sérieuse des opérations, ou à des personnes qui ne présenteraient pas les qualifications scientifiques requises pour procéder aux fouilles ?
Par ailleurs, l’établissement annuel d’un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de leur activité par les opérateurs bénéficiant d’un agrément pour fouilles nous semble important pour établir un suivi effectif de ces opérations fondamentales en termes de patrimoine et d’héritage commun à tous.
Ces deux arguments nous conduisent à penser qu’il convient de préférer la version issue des débats de l’Assemblée nationale à celle qui a été adoptée par la commission du Sénat.
L’amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 41 et 42
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
Art. L. 523-8-1.
« L’agrément peut être refusé, suspendu ou retiré par décision motivée, après avis du Conseil national de la recherche archéologique.
« La personne agréée transmet chaque année à l’autorité compétente de l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d’archéologie préventive.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
D’après les recommandations de la commission d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie, les conditions d’obtention de l’agrément pour les opérateurs privés ne sont pas assez strictes, au vu du caractère scientifique des opérations à mener.
M. Jean-Claude Requier.
La commission a pourtant décidé de les rendre plus souples en prévoyant une réévaluation de l’agrément tous les cinq ans. Nous pensons à l’inverse qu’il faut un contrôle plus rigoureux, d’autant que certaines lacunes dans les projets des opérateurs privés ne sont pas décelables lors de l’examen de l’agrément.
C’est pourquoi cet amendement tend à revenir à une réévaluation annuelle de l’agrément accordé par l’État, tout en conservant l’avis du Conseil national de la recherche archéologique en cas de refus ou de suspension.
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par les mots :
et son respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vise à réintroduire la disposition obligeant les opérateurs privés demandant l’agrément du ministère à respecter des exigences en matière sociale, financière et comptable.
M. Pierre Laurent.
Il apparaît essentiel que le ministère ait un droit de regard, ou plutôt que les opérateurs privés prennent l’engagement de respecter un certain nombre d’exigences. L’ouverture à la concurrence de 2003 a conduit à la multiplication particulièrement importante du nombre d’opérateurs sur le marché, certains d’entre eux se lançant dans une course à la réduction des coûts de fonctionnement et dans des pratiques de
Pour cela, trois leviers ont pu être actionnés par ces opérateurs : la dégradation des conditions de travail des salariés, la réduction des délais d’intervention et la baisse de la qualité des prestations fournies. Ces pratiques ont aussi créé une concurrence déloyale à l’égard de l’INRAP.
Nous proposons donc que le respect par tous les opérateurs d’engagements sociaux, financiers et comptables soit clairement inscrit dans la loi, afin de garantir le caractère qualitatif des opérations d’archéologie préventive et d’assurer de bonnes conditions de travail aux professionnels du secteur.
L’amendement n
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n
Je ne voudrais pas laisser penser que nous sommes en train de brader la qualité des diagnostics et des fouilles archéologiques. Ce que j’entends me laisse quasiment sans voix !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Pour justifier l’avis défavorable de la commission sur les amendements n
La commission pense que ce contrôle outrepasse les compétences du ministère de la culture et que les obligations en matière de droit du travail ou de comptabilité exigent une expertise différente. Faut-il rappeler qu’il existe une inspection du travail pour contrôler les entreprises ?
Je ne discuterai pas des aspects scientifiques et techniques de l’agrément, sauf pour dire qu’il faut arrêter de penser que nous sommes en train de laisser filer l’élément essentiel, à savoir l’expertise scientifique des opérateurs de fouilles.
Quant au contrôle financier, nous l’avons évoqué tout à l’heure, et je n’y reviens pas. Il est effectué par les trésoriers et par la Cour des comptes. L’INRAP est d’ailleurs bien placé pour savoir ce que pense la Cour des comptes de sa gestion… Cessons de laisser penser que nous voudrions brader le patrimoine en baissant la garde au niveau social ou technique. Tel n’est pas le cas !
La commission est donc défavorable à ces trois amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Ces amendements visent à rétablir le texte initial relatif à la procédure d’agrément.
Mme Audrey Azoulay,
Madame la rapporteur, vous évoquez le rapport de la Cour des comptes et vous appelez à ne pas caricaturer le débat. Or la Cour des comptes a certes demandé à l’INRAP de faire des efforts de gestion, mais elle estime aussi, en examinant objectivement les prix pratiqués, que la question de la concurrence déloyale se pose.
Les opérateurs privés ont en effet baissé leurs prix de 30 %, tandis qu’ils sont restés stables du côté de l’INRAP et des collectivités territoriales. Je doute que l’on puisse expliquer cette diminution seulement par les gains de productivité extraordinaires qu’auraient effectués les opérateurs privés… L’écart est tel qu’il y a, selon moi, un problème d’équité de la concurrence entre les différents opérateurs.
La procédure d’agrément, qui vise à rendre les choses plus équitables, me semble faire sens, et c’est pourquoi je suis favorable à ces amendements.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Nous avons préparé nos avis avec des auditions, des documents et nos propres expériences, qui sont partagées par de nombreuses personnes.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Permettez-moi simplement de lire un paragraphe du rapport d’activité de l’INRAP : l’établissement a été conduit « à consentir des remises tarifaires compatibles avec les exigences de qualité scientifique des interventions ». Nous avons également eu accès à des documents montrant que l’INRAP a consenti des remises de 35 %. Comment voulez-vous que la concurrence soit loyale avec de tels procédés ?
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Vous vous en défendez, madame la rapporteur, mais, sur ce sujet, nous avons un classique débat entre la gauche et la droite.
M. David Assouline.
Pas du tout !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Vous avez l’air de penser que nous ne sommes pas sensibles au fait qu’il puisse y avoir un secteur privé, avec une dynamique, une autonomie et une créativité qui lui sont propres. Ce n’est pas la question !
M. David Assouline.
Quand on parle de recherche et de science, il est de tradition que la collectivité publique regarde les choses au plus près. Il arrive même qu’elle interdise la concurrence, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Et dans un marché qui peut – vous l’avez dit – être florissant, elle fait en sorte de faire attention aux distorsions de concurrence. Or, vous proposez, pour votre part, d’enlever tous les éléments qui peuvent permettre que cette concurrence soit loyale.
Normalement, la représentation nationale, qui ne représente pas une entreprise privée quelconque, est plutôt attachée à ce que l’opérateur public puisse continuer ses missions, sans être grignoté au fur et à mesure par des entreprises privées. Celles-ci peuvent baisser le coût du travail, ont un niveau de protection sociale moins élevé, peuvent faire évoluer leur convention collective et ont, globalement, moins d’impératifs que les organismes publics. De leur côté, ceux-ci obéissent à des règles strictes et subissent un contrôle plus intense sur leurs activités.
Vous voulez grignoter certaines sécurités ; c’est votre point de vue. Et au fond, vous estimez que l’INRAP, ce n’est pas génial !
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souhaite insister sur le fait que nous parlons, nous aussi, d’efficacité.
M. Pierre Laurent.
La Cour des comptes constatait qu’il est nécessaire de réguler différemment les choses, si nous voulons aller vers davantage de qualité et d’efficacité. Vous pouvez le nier, mais tous les observateurs sérieux de ce dossier le reconnaissent : il existe un problème de concurrence déloyale sur le marché de l’archéologie préventive.
Il faut le traiter de la bonne manière, c’est-à-dire en faisant respecter un certain niveau d’exigences pour s’assurer de la qualité du travail scientifique et d’une bonne exécution des travaux, au profit de tous, y compris des collectivités territoriales et des aménageurs. Nous sommes soucieux de ce niveau d’exigences, et il ne faut pas nier les difficultés.
En outre, en cas de défaillance des opérateurs privés – situation qui se produit fréquemment –, qui est appelé à la rescousse ? L’INRAP ! Il faut donc lui assurer les moyens de pouvoir travailler dans de bonnes conditions au service de tous.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Comme l’indiquait Mme la ministre, le rapport de la Cour des comptes présenté hier au Sénat donne les chiffres des prix moyens facturés à l’hectare : le coût de l’INRAP est de 318 euros, celui des collectivités territoriales de 278 euros et celui des opérateurs privés de 230 euros.
Mme Marie-Pierre Monier.
Je vais aller dans le même sens que M. Laurent : on peut effectivement se poser des questions. Il s'agit tout de même d’une sacrée différence ! Finalement, le coût à l’hectare pour les collectivités territoriales se rapproche plus de celui de l’INRAP que de celui des opérateurs privés. Cela met bien en exergue la question des modalités de fonctionnement des opérateurs privés.
En outre, comme cela vient d’être indiqué, il y a eu des abandons de chantier. Ces problèmes existent, ils ont été soulevés par la Cour des comptes. Il faut donc être vigilant, non seulement sur la qualité scientifique – nous sommes tous d’accord sur ce point, y compris Mme la rapporteur –, mais aussi sur les autres aspects de la question.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
J’ai entendu ce qu’a indiqué Mme Monier, mais il faut savoir que 48 % des opérations sont traitées par l’INRAP, ce qui maintient la guerre des prix. Les opérateurs privés sont conscients de la gravité de la situation, qu’ils partagent avec l’INRAP.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il faut trouver un juste équilibre dans les prix, ni plus ni moins. Je voudrais oublier que l’INRAP est subventionné, mais ce point doit aussi entrer en ligne de compte, car cela maintient les prix au plus bas.
C’est le service public !
M. David Assouline.
Il est plus facile de réduire les prix lorsqu’on sait que l’on sera soutenu financièrement d’une autre manière que lorsque l’on est une entreprise qui doit justifier ses comptes et s’inquiéter de l’emploi.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je voudrais dire, à ce stade de la discussion – et je me tourne vers vous, monsieur Assouline –, que je ne suis pas du tout en train de mener une bataille politicienne.
Politique, oui !
M. David Assouline.
Je ne voudrais pas laisser penser qu’il y a deux camps : les opérateurs privés et les collectivités, d'une part, et l’INRAP, d'autre part.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je viens d’en parler à Mme la ministre et je souhaite que l’on trouve un équilibre qui soit juste pour tous, avec des délais et des prix qui soient raisonnables. Il y a du travail pour tout le monde ! Collectivités, opérateurs et aménageurs ne demandent pas autre chose.
À l’issue de nos débats et des diverses prises de position de part et d’autre de l’assemblée, on doit pouvoir prendre en compte cette situation et la régler. D’ailleurs, nous la connaissons parfaitement les uns et les autres, certes avec des approches différentes.
Nous ne visons qu’un seul objectif : une mise en ordre de marche effective, avec une bonne qualité de réalisation. C’est dans l’intérêt de tout le monde, en particulier de nos concitoyens.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je souhaite revenir rapidement sur quelques éléments.
Mme Audrey Azoulay,
Mme la rapporteur a évoqué les remises consenties par l’INRAP, mais elles sont justement liées à la concurrence, qui pratique des prix nettement plus bas.
Non, c’est l’inverse !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
En outre, les opérateurs privés entre eux sont aussi amenés à déposer des recours contentieux pour concurrence déloyale et prix anormalement bas.
Mme Audrey Azoulay,
Cela se comprend dans cette situation.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il y a donc bien un problème, et il ne vient pas seulement de l’INRAP ou des collectivités.
Mme Audrey Azoulay,
Je souligne que l’INRAP reçoit des subventions au titre des missions de service public qu’il exerce sur tout le territoire et à tout moment. Les opérateurs n’ont pas cette contrainte. Enfin, même si cet argument est subsidiaire, les opérateurs privés ont accès au crédit d’impôt recherche.
Ils n’y auront bientôt plus accès !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Nous en discuterons tout à l’heure, mais il est vrai que ce n’est pas l’élément le plus déterminant.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L’amendement n
L’amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 43 et 44
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n
Cet amendement vise à supprimer la compétence attribuée aux acteurs agréés en matière d’exploitation scientifique des opérations d’archéologie préventive. Je rappelle que, lorsqu’il a examiné la loi de 2003, le Conseil constitutionnel s’est prononcé contre la délégation de cette mission de l’INRAP.
Mme Marie-Pierre Monier.
Par ailleurs, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose de reprendre, mot pour mot, les derniers alinéas de l’article L. 523-1 du code du patrimoine, qui définissent le rôle de l’INRAP.
Or, s’il est normal que le niveau législatif précise le cadre dans lequel un établissement public est amené à fonctionner, cela n’a aucun sens lorsqu’il s’agit d’entreprises privées. Les opérateurs privés sont généralement positionnés sur des créneaux extrêmement pointus et ne sauraient assumer une mission globale de service public en matière de recherche.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Il est défendu, madame la présidente.
M. Jean-Claude Requier.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ces amendements visent à supprimer la reconnaissance, au niveau législatif, de l’implication des opérateurs agréés et de leurs agents dans la recherche archéologique, que nous avons introduite en commission. Pourquoi un tel ostracisme ?
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Selon certains collègues, comme pour le Gouvernement, les opérateurs privés ne seraient attirés que par le profit ! Honnêtement, si des archéologues avaient fait fortune dans leur branche, je crois que cela se saurait !
En réalité, ces gens sont des passionnés ; ils ont fait les mêmes études que les archéologues de l’INRAP et passent souvent d’une structure à l’autre. Ils entretiennent d’ailleurs, pour la plupart, de bonnes relations avec leurs homologues. Ils font de la recherche, en liaison avec les opérations de fouilles qu’ils mènent, voire, pour les opérateurs les plus importants, ils établissent des programmes de fouilles, qui servent ensuite à leur recherche. Par conséquent, pourquoi ne pas reconnaître ce travail ?
Je citerai, à cet égard, le livre blanc sur l’archéologie : « Les agents des services archéologiques des collectivités territoriales, ainsi que les archéologues des autres opérateurs agréés, développent des programmes de recherche ou contribuent à des programmes interinstitutionnels, alors qu’ils ne peuvent prétendre, en règle générale, qu’au titre officieux de chercheur associé dans les unités mixtes de recherche. Cette situation ne se justifie pas sur le fond : elle introduit de véritables inégalités dans les parcours professionnels des différents acteurs de l’archéologie, une source de tensions et de frustrations, ainsi qu’une absence de reconnaissance des compétences scientifiques des individus et des organismes, tant au niveau national qu’international. »
Mes chers collègues, je m’arrête là, mais je vous engage à lire la suite de cet extrait du livre blanc, qui est tout à fait intéressant.
La commission a donc donné un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente.
L’amendement n
Alinéas 45 à 49
Remplacer ces alinéas par seize alinéas ainsi rédigés :
5° L’article L. 523-9 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une prescription de fouilles est notifiée à la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci sollicite les offres d’un ou de plusieurs des opérateurs mentionnés à l’article L. 523-8.
« Les éléments constitutifs des offres des opérateurs sont définis par arrêté du ministre chargé de la culture. Ils comportent notamment un projet scientifique d’intervention, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre.
« Préalablement au choix de l’opérateur par la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci transmet à l’État l’ensemble des offres reçues. L’État procède à la vérification de leur conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2, rend un avis motivé sur le volet scientifique et s’assure de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur. » ;
b) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- après le mot : « prix », sont insérés les mots : « , les moyens techniques et humains mis en œuvre » ;
- sont ajoutés deux phrases ainsi rédigées :
« Le projet scientifique d’intervention en est une partie intégrante. La mise en œuvre du contrat est subordonnée à la délivrance de l’autorisation de fouilles par l’État. » ;
c) Le deuxième alinéa est supprimé ;
d) Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’État s’assure que les conditions d’emploi du responsable scientifique de l’opération sont compatibles avec la réalisation de l’opération jusqu’à la remise du rapport de fouilles.
« La fonction de responsable scientifique d’opération, une fois l’arrêté d’autorisation de fouille délivré, ne peut être déléguée.
« La réalisation de l’opération de fouilles ne peut être sous-traitée. Elle est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur. » ;
e) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « quatrième » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
f) À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Cet amendement vise à donner compétence à l’État pour fixer le cahier des charges des opérations de fouilles, comme c'était initialement prévu dans le projet de loi. Il s’agit donc d’un rétablissement du texte dans une version qui nous semble plus conforme à l’esprit de la mission de service public de l’archéologie préventive, mission dont l’État doit être le garant.
Mme Marie-Pierre Monier.
En particulier, cet amendement tend à rétablir la transmission au service de l’État, pour validation scientifique, de l’ensemble des offres reçues préalablement au choix que devra ensuite effectuer l’aménageur.
La Cour des comptes, dans son rapport pour 2016, présenté par Didier Migaud au Sénat hier matin, estime justement que ces dispositions vont dans la bonne direction pour garantir le libre jeu de la concurrence.
L’amendement vise néanmoins à modifier le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de préciser la notion de sous-traitance. En effet, la version de l’Assemblée nationale interdit la sous-traitance pour l’ensemble de la prestation.
Le texte que nous proposons limite cette interdiction à l’opération de fouilles. Il est fondamental d’interdire ce type de délégation pour veiller à la qualité scientifique des opérations, ce qui est conforme aux articles R. 522-1 et suivants du code du patrimoine, selon lesquels le responsable scientifique est désigné nommément pour toute opération de fouille.
En revanche, les opérations de terrassement, phase fondamentale de décapage qui requiert des engins avec chauffeurs dont aucun opérateur, y compris l’INRAP, ne dispose, doivent pouvoir être déléguées à des entreprises compétentes.
Comme tout opérateur, l’INRAP recourt à la sous-traitance, en conformité avec le code des marchés publics, dans le cadre de collaborations avec les collectivités territoriales, mais surtout auprès d’entreprises privées pour opérer le terrassement.
Nous demandons donc que la sous-traitance demeure autorisée, mais dans un cadre bien précis.
L’amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 45 à 49
Remplacer ces alinéas par quinze alinéas ainsi rédigés :
5° L’article L. 523-9 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une prescription de fouilles est notifiée à la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci sollicite les offres d’un ou de plusieurs des opérateurs mentionnés à l’article L. 523-8.
« Les éléments constitutifs des offres des opérateurs sont définis par arrêté du ministre chargé de la culture. Ils comportent notamment un projet scientifique d’intervention, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre.
« Préalablement au choix de l’opérateur par la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci transmet à l’État l’ensemble des offres reçues. L’État procède à la vérification de leur conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2, note le volet scientifique et s’assure de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur. » ;
b) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- après le mot : « prix », sont insérés les mots : « , les moyens techniques et humains mis en œuvre » ;
- sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Le projet scientifique d’intervention en est une partie intégrante. La mise en œuvre du contrat est subordonnée à la délivrance de l’autorisation de fouilles par l’État. » ;
c) Le deuxième alinéa est supprimé ;
d) Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’État s’assure que les conditions d’emploi du responsable scientifique de l’opération sont compatibles avec la réalisation de l’opération jusqu’à la remise du rapport de fouilles.
« La prestation qui fait l’objet du contrat ne peut être sous-traitée. Elle est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur. » ;
e) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « quatrième » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
f) À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il s’agit du dernier amendement de réintroduction que nous présentons à l’article 20. Cette disposition répond à la même préoccupation que celle que vient d’exprimer notre collègue.
M. Pierre Laurent.
Même si nous avons des doutes sur la pleine efficacité de la procédure de contrôle
Il s’agit pour nous d’assurer des prestations de qualité, mais aussi d’assister les aménageurs, pas toujours en capacité de choisir leur opérateur autrement que par la voie des critères économiques. Ce contrôle permet donc de vérifier non seulement la qualité de la prestation, mais aussi l’absence de pratique illicite.
Nous regrettons la disparition des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, tout comme nous regrettons et condamnons la disparition de l’interdiction de sous-traiter des fouilles, qui ne peut, en aucun cas, se justifier.
En interdisant la sous-traitance, nous voulons garantir la transparence et lutter contre les pratiques frauduleuses telles que les candidatures prête-noms. Il est essentiel que l’aménageur et l’État puissent identifier clairement qui pratique les opérations de fouilles, car c’est une question d’honnêteté et d’égalité entre les candidats.
L’attribution du contrat de fouilles est forcément influencée par le nom du responsable technique reconnu pour ses savoirs et ses compétences. Il est étonnant, de ce point de vue, que la majorité sénatoriale lutte farouchement contre les signatures de complaisance dans le cadre de l’architecture et, ici encore, défende une disposition qui peut, en laissant la porte ouverte à la sous-traitance, introduire des pratiques regrettables.
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’alinéa 49
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le coût des travaux de fouilles imposés par les services de l’État ne peut en aucun cas représenter plus de 5 % de la valeur du terrain.
« Lorsque le délai de réalisation des travaux rend impossible la réalisation de l’opération projetée sur le terrain concerné, un délai de travaux compatible avec le projet est fixé par le représentant de l’État. Le nouveau délai est proposé dans les quinze jours de la demande de révision du délai initial formulée par la personne projetant d’exécuter les travaux ou de vendre le terrain concerné. » ;
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Cet amendement est proche de l’amendement n
Mme Caroline Cayeux.
Nous tenons à ce que le coût des travaux de fouilles ne soit pas trop en décalage par rapport à la valeur des terrains. Nous nous inscrivons toujours dans la perspective d’une simplification des procédures, afin de permettre un déroulement plus rapide des travaux.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Nous sommes au cœur du débat sur l’archéologie préventive. Mes chers collègues, je vous demande donc par avance de m’excuser si je suis un peu longue, mais je pense que ces explications seront de nature à balayer nos dernières interrogations.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Les amendements n
Tout d’abord, nous estimons que la notation du volet scientifique des offres outrepasse le rôle de l’État. L’aménageur est le seul maître d’ouvrage et il est de sa responsabilité et de sa compétence de choisir l’offre qui lui convient le mieux, l’État étant bien entendu chargé de vérifier que le projet scientifique d’intervention respecte le cahier des charges qu’il a établi. En réalité, la disposition proposée par les auteurs de ces deux amendements crée une suspicion généralisée d’incompétence à l’encontre des opérateurs et des aménageurs.
Ensuite, cette mesure risque soit d’être inopérante, car les services régionaux de l’archéologie seront incapables de faire face à cette surcharge de travail, soit d’accentuer les risques de favoritisme, puisque le Gouvernement prévoit de renforcer les effectifs de ses services régionaux avec du personnel de l’INRAP : ce dernier se retrouvera donc juge et partie !
Que veut-on atteindre par cette mesure ? La fin de la guerre des prix que se livrent l’INRAP, les services archéologiques des collectivités territoriales et les opérateurs privés ? Ces derniers ont leur part de responsabilité, mais ils ne peuvent pas jouer ce jeu longtemps sans remettre en cause leur viabilité économique. En revanche, lorsque l’INRAP, qui assure 48 % des fouilles, accorde des remises de 35 %, il influence durablement les prix à la baisse, sans pour autant en subir les conséquences financières, puisque son déficit est systématiquement compensé par des subventions d’équilibre exceptionnelles.
J’invite donc les auteurs de ces amendements à s’adresser avec moi à Mme la ministre pour lui demander de rédiger enfin le guide de bonne conduite pour la passation des marchés de fouilles d’archéologie préventive, d’arrêter enfin les normes en matière d’établissement des devis et de renforcer les capacités de contrôle et d’évaluation scientifique des services régionaux de l’archéologie. Si ces demandes obtenaient satisfaction, nous n’aurions plus besoin des mesures contenues dans ces amendements.
Par ailleurs, les auteurs de ces amendements cherchent à améliorer la rédaction des dispositions relatives au responsable scientifique, mais le résultat n’est pas satisfaisant. Ils proposent de préciser – pardonnez ces propos très techniques – que « la fonction de responsable scientifique d’opération, une fois l’arrêté d’autorisation de fouilles délivré, ne peut être déléguée. » En l’occurrence, c’est déjà le cas ! En plus de l’arrêté d’autorisation de fouilles, le préfet signe un arrêté de désignation du responsable scientifique de l’opération de fouilles. De grâce, cessons de polluer la loi !
J’en viens maintenant à la question de la sous-traitance.
Les auteurs de l’amendement n
En revanche, la disposition selon laquelle l’opération de fouilles « est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur » non seulement porte à confusion, mais est sans intérêt en raison de l’arrêté de désignation dont j’ai parlé précédemment.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n
En ce qui concerne l’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je voudrais revenir sur le déroulement des procédures.
Mme Audrey Azoulay,
Les aménageurs qui sélectionnent les opérateurs le font en général – on les comprend – sur des critères de prix et de délais, car ils ne disposent pas des compétences requises pour évaluer la qualité technique et scientifique des offres.
En revanche, si cette compétence scientifique et technique est insuffisante dans l’offre retenue, ils vont se trouver
L’objectif de rétablissement du texte adopté par l’Assemblée nationale est bien de garantir la qualité scientifique et de sécuriser le choix des opérateurs par les aménageurs en amont de la signature des contrats, ce qui permettra aussi de garantir le respect des délais.
Une fois les offres des opérateurs validées d’un point de vue scientifique par l’État, les aménageurs auront bien évidemment toute liberté de choisir les opérateurs qu’ils souhaitent, notamment en tenant compte des délais et des prix proposés. Il nous semble donc que le dispositif initial est un élément de sécurisation et de garantie des délais.
C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur les amendements n
En revanche, l’amendement n
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote sur l’amendement n
Mme la présidente.
Je voudrais tout d’abord revenir sur la façon dont la commission a rédigé le texte. Je comprends qu’une seule offre sera retenue et soumise aux services de l’État pour vérification de sa conformité.
Mme Marie-Pierre Monier.
Or nos auditions ont révélé qu’il était fondamental que plusieurs offres soient examinées, et c’est la raison pour laquelle le texte initial du projet de loi le prévoyait. En effet, auparavant, une seule offre était soumise à examen ; lorsque sa conformité scientifique n’était pas reconnue, il fallait relancer une procédure pour choisir un autre opérateur. C’est justement pour éviter ce risque de rallongement de la procédure qu’il a été décidé que plusieurs offres devaient être soumises au contrôle scientifique et que l’aménageur pouvait ensuite effectuer son choix.
Il est vrai que la présence du terme « noter » dans le texte adopté par l’Assemblée nationale a parfois été mal perçue, parce qu’elle a été assimilée à un classement qui aurait pu influer sur le choix de l’opérateur. Peut-être ce point mériterait-il d’être revu.
Ensuite, je voudrais insister sur la notion de qualité scientifique. En effet, une démarche scientifique très stricte doit être observée lorsque l’on veut fouiller, car le prélèvement sans méthode d’un bien détruit les couches stratigraphiques permettant de restituer le contexte archéologique. Il faut être conscient que l’objet des fouilles est non pas seulement de trouver des objets, mais aussi d’analyser l’ensemble du contexte. Si ces opérations ne sont pas effectuées de manière rigoureuse d’un point de vue scientifique et technique, des données fondamentales sont détruites.
Il est donc normal que la délivrance des autorisations administratives n’intervienne qu’après un contrôle scientifique et technique très vigilant de la part de l’État.
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L’amendement n
L’amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer les mots :
et par tout opérateur agréé mentionné à l’article L. 523-8
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n
Nous ne souhaitons pas autoriser les sociétés privées à exploiter les rapports de fouilles.
Mme Marie-Pierre Monier.
Il est opportun que ces rapports de fouilles puissent être exploités par les services d’archéologie des collectivités territoriales, puisque la coopération scientifique entre l’État et les collectivités territoriales en matière d’archéologie sera définie par l’intermédiaire des conventions prévues dans la procédure d’habilitation.
En revanche, le permettre pour des opérateurs privés serait contraire au principe de l’exclusivité de l’exploitation des résultats de fouilles par l’opérateur public, qui avait été, je le rappelle à nouveau, posé en 2003 par le Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Dans un souci d’intérêt public, il est justifié de permettre aux services archéologiques des collectivités territoriales – quand celles-ci en possèdent ! – sur le territoire desquelles une opération de fouilles a été réalisée d’accéder à l’exploitation scientifique des résultats des fouilles en étant destinataire du rapport de fouilles, même quand ils n’ont pas participé à ces dernières.
M. Jean-Claude Requier.
En revanche, il ne semble pas opportun que des opérateurs privés, même agréés, aient accès aux résultats d’opérations de fouilles auxquelles ils n’ont pas participé.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ces amendements identiques tendent à supprimer la possibilité offerte aux opérateurs agréés de se faire transmettre les rapports d’opération à des fins d’études scientifiques. Ce serait tout de même dommage ! Ces dispositions, une fois de plus, présentent une image quelque peu caricaturale, selon laquelle les acteurs publics de l’archéologie feraient de la recherche, mais pas les acteurs privés. Or tel n’est pas le cas !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
En 2013, on relève, pour cent équivalents temps plein, une moyenne de trente publications scientifiques à l’INRAP, contre vingt-huit chez les opérateurs privés. Personne n’a à rougir de cette situation ! Pourquoi donc empêcher les seconds d’avoir accès aux rapports d’opérations de fouilles des autres, lorsqu’ils souhaitent les utiliser dans un but seulement scientifique ?
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces amendements identiques.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Audrey Azoulay,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Ma remarque de soutien à ces amendements risque de ne pas détendre l’atmosphère : la majorité sénatoriale est très prompte à défendre le secret des affaires, y compris lorsque la connaissance de certaines formules de molécules ou de données sanitaires apparaît conforme à l’intérêt public. Et aujourd’hui, alors qu’un partenaire fait de la production scientifique avec ses propres moyens, il faudrait soudain que tout le monde joue cartes sur table !
Mme Marie-Christine Blandin.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Après le mot :
insérer les mots :
le prix et
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
L’INRAP, au titre de sa mission de service public, est chargé de mener à terme toutes les opérations non achevées pour cause de défaillance d’un opérateur. Il convient donc de prévoir une rémunération de l’Institut pour l’accomplissement de cette mission.
Mme Marie-Pierre Monier.
Les sommes que reçoit cet organisme au titre de subventions pour compensation de charges de service public sont forfaitaires, et rien ne précise qu’elles sont destinées à prendre en charge les opérations délaissées par d’autres opérateurs.
Sur ce point, les projets annuels de performance, ou PAP, annexés au budget ne flèchent rien, et le ministère indique que cette compensation permet de prendre en charge « des dépenses publiques liées aux missions qui ne sont pas financées par la redevance pour l’archéologie préventive, notamment la capacité d’intervention permanente de l’établissement pour toutes les périodes chronologiques et sur l’ensemble du territoire. »
Je rappelle que, jusqu’à cette année, cette compensation comblait seulement le manque à gagner dû à l’insuffisance du produit de la redevance d’archéologie préventive, la RAP. De plus, la partie consacrée à l’archéologie préventive du rapport de la Cour des comptes de 2016 ne considère pas le paiement demandé par l’INRAP pour la reprise des fouilles comme un dysfonctionnement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Sans aucun esprit polémique, je souhaite rappeler que l’INRAP a obtenu depuis 2015 le versement d’une subvention pour charge de service public, dont la commission de la culture s’interroge non seulement sur la pertinence, mais également sur la constitutionnalité.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Pour justifier cette subvention, le Gouvernement avance l’obligation pour l’INRAP de poursuivre des opérations de fouilles qui auraient été interrompues en cas de cessation d’activité de l’opérateur chargé de ladite fouille ou de retrait de son agrément.
Nous ne pouvons admettre que l’aménageur soit obligé de payer une seconde fois une prestation qu’il a déjà payée ! Tel est en effet le sens de cet amendement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de rétablir le texte de l’Assemblée nationale en ce qui concerne le contenu du contrat passé entre un aménageur et l’INRAP lorsque l’établissement public est contraint de reprendre une opération inachevée.
Mme Audrey Azoulay,
Cette reprise des fouilles, en cas de défaillance d’un opérateur, doit se dérouler dans de bonnes conditions économiques. Or le maître d’ouvrage d’une opération laissée inachevée n’en a pas nécessairement payé la totalité du prix, car les règlements se font souvent par tranches.
Il n’y a pas de raison que les prestations réalisées par l’INRAP pour achever l’opération ne donnent pas lieu au paiement du prix correspondant par le maître d’ouvrage de la fouille. Il est légitime que cette reprise d’opération, qui constitue une charge pour l’établissement, soit intégrée dans une convention entre l’opérateur et l’aménageur.
L’avis du Gouvernement est donc favorable.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Je rappellerai les chiffres : trois faillites en treize ans. Il ne s’agit donc pas d’une situation catastrophique, contre laquelle l’INRAP devrait absolument se prémunir ! L’aménageur a déjà payé une fois son prestataire, et l’on demande ici que l’INRAP soit payé une seconde fois. Nous ne sommes donc pas d’accord.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous envisageons cette situation différemment. Ces interventions n’entrent pas dans les missions premières de l’INRAP, mais constituent une surcharge, qui se manifeste lorsque l’Institut est contraint de pallier un manquement des opérateurs.
Mme Marie-Pierre Monier.
Trois faillites en treize ans !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’alinéa 69
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d’opérations archéologiques conduites par les services agréés d’une collectivité territoriale sur une propriété de celle-ci, les vestiges ainsi découverts appartiennent à ladite collectivité.
La parole est à M. Vincent Eblé.
Cet amendement vise à inscrire dans la loi que les mobiliers de fouilles découverts dans le cadre d’opérations archéologiques conduites par des services agréés d’une collectivité locale sur la propriété de celle-ci lui appartiennent.
M. Vincent Eblé.
Il s’agit donc d’une sorte de dérogation au principe d’appropriation des mobiliers de fouilles par l’État, sans pour autant que le principe de propriété publique soit mis en cause : lorsque la double condition de conduite des opérations archéologiques par la collectivité sur sa propriété est remplie, alors ce qui est exhumé lui appartient.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je comprends parfaitement votre préoccupation d’éviter que les collectivités ne soient dépouillées d’un patrimoine qu’elles auraient mis à jour sur leur territoire.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il convient néanmoins de rappeler que celles-ci, si elles souhaitent conserver et valoriser leur patrimoine, peuvent bénéficier de transferts de propriété à titre gratuit de la part de l’État. Cela ne pose aucune difficulté, et votre amendement me semble donc satisfait.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à conférer à une collectivité territoriale la possibilité de devenir propriétaire des objets mobiliers découverts au cours de fouilles, à la double condition qu’elle conduise elle-même ces opérations archéologiques et que ces fouilles se déroulent sur des terrains qui lui appartiennent.
Mme Audrey Azoulay,
Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, le projet de loi contient déjà des dispositions permettant d’opérer des transferts de propriété à titre gratuit de l’État au profit des collectivités.
Monsieur le sénateur, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Monsieur Eblé, l’amendement n
Mme la présidente.
Je le retire, madame la présidente, non sans souligner la différence fondamentale qui existe entre reconnaître la propriété de la collectivité et obtenir de l’État un transfert de propriété !
M. Vincent Eblé.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n
Alinéas 77 à 80
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
L’article L. 541-4 nouveau du code du patrimoine transfère au profit de l’État le régime de propriété des biens issus des fouilles archéologiques.
M. Jean-Claude Requier.
Si cet article est adopté, il est certain que les trésors archéologiques découverts, surtout de manière fortuite, ne seront plus révélés, car le propriétaire du fonds n’y aura plus intérêt. Par cet amendement, nous proposons donc de supprimer cette disposition, afin que les mises au jour de trésors archéologiques soient révélées et connues de tous.
L’amendement n
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n
Cet amendement tend à supprimer la présomption de propriété publique sur les biens archéologiques mobiliers mis au jour sur des terrains dont la propriété a été acquise après la date d’entrée en vigueur de la présente loi et lorsqu’ils ont un intérêt scientifique.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Cette disposition a été introduite dans l’article 20 du présent projet de loi, dont elle constitue une mesure phare. Elle se justifie par le fait que les biens archéologiques mobiliers permettent d’expliquer l’histoire de notre société et doivent donc relever du domaine public.
L’avis de la commission est par conséquent défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
La propriété publique n’est pas un obstacle à la déclaration des découvertes. La grande majorité des biens archéologiques sont découverts dans le cadre d’opérations archéologiques contrôlées par l’État. On entend beaucoup moins parler des découvertes fortuites !
Mme Audrey Azoulay,
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
Je retire mon amendement, madame la présidente !
M. Jean-Claude Requier.
L’amendement n
Mme la présidente.
L’amendement n
Alinéas 87 à 97
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Cet amendement vise le régime de propriété du patrimoine archéologique.
Mme Colette Mélot.
Outre qu’il sera facteur de complexité, puisque les règles ne seront pas les mêmes selon la date d’acquisition du terrain où sera effectuée la découverte – une différence est introduite entre les terrains acquis au 1
En comparant le système proposé ici à celui qui est en vigueur au Royaume-Uni, il apparaît que l’efficacité du
Treasure Act
Cet amendement tend donc à supprimer le dispositif introduit par le projet de loi dans le cas des biens mobiliers.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La présomption de propriété publique sur les biens archéologiques est justifiée. En effet, le patrimoine archéologique est le bien commun de la nation, puisqu’il permet de retracer l’histoire du développement de l’humanité. Plusieurs pays ont adopté un système similaire : la Grèce, l’Allemagne ou encore la Suisse.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Ma chère collègue, je comprends votre crainte que les inventeurs cessent de se soumettre à l’obligation de déclaration de leurs découvertes. Hélas, ils sont déjà peu nombreux à le faire.
Mme Colette Mélot.
Cette disposition sensibilisera les inventeurs de bonne foi sur le fait que le patrimoine archéologique ne peut être accaparé par des individus.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Les inventeurs peu scrupuleux sont, eux, déjà hors la loi. En revanche, le projet de loi donne à l’État les moyens de récupérer ces biens, notamment à l’occasion de ventes ou de sorties du territoire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable, ce que je regretterais infiniment.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Mélot, l’amendement n
Mme la présidente.
Je voulais attirer l’attention sur ce point, parce qu’il me semble que certaines découvertes risquent d’être dissimulées. Certes, la plupart des biens trouvés sont déposés dans des services de l’État, mais il me semblait possible de donner aux inventeurs la liberté de prendre eux-mêmes leur décision.
Mme Colette Mélot.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
L’amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les difficultés rencontrées par les agents nationaux, régionaux et communaux de l’archéologie préventive pour user de passerelles entre les différents services publics de l’archéologie préventive et sur l’opportunité d’un statut unifié d’archéologue.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mes chers collègues, je m’apprête à subir votre courroux, puisque les auteurs de cet amendement demandent au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
(Sourires.)
Par ailleurs, il nous semble essentiel de travailler à l’unification du statut d’archéologue, la situation actuelle expliquant pour partie les difficultés que je viens d’évoquer.
Ce rapport doit permettre de remettre à plat les questions statutaires au bénéfice des salariés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, et des services locaux. Dans le premier cas, la dérogation, accordée en 2001, permettant à l’Institut de recruter des agents non titulaires a conduit à une généralisation des CDD et à des situations ubuesques.
Cette dérogation n’a plus de sens aujourd’hui. J’en veux pour exemple que des agents de l’INRAP central se trouvent obligés de démissionner pour rejoindre un service archéologique territorial déconcentré. L’argument invoqué en 2001, qui, pour le coup, se tenait, consistait à justifier cette dérogation par l’existence d’une taxe affectée dont l’établissement assurait directement le recouvrement. Or cet argument tombe, puisque ladite taxe est supprimée.
Supprimer cette dérogation et titulariser les agents, c’est à la fois sécuriser la position de ces derniers et lever une bonne partie des barrages à la mobilité des personnels entre l’INRAP, les services régionaux de l’archéologie et le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS.
La situation est plus complexe entre les services déconcentrés et les services décentralisés, ces derniers ne disposant pas de corps de recherche dans la fonction publique territoriale. La possibilité ouverte aux collectivités depuis 2003 de recruter comme agents non titulaires des travailleurs de l’INRAP en CDI a rapidement montré ses limites et les risques qu’elle comportait, malgré la conservation pour ces agents de certains bénéfices de leur ancien contrat.
Ce rapport devrait permettre de dégager des réflexions, des solutions, notamment s'agissant de la création d’un statut unifié d’archéologue liant ensemble des travailleurs de la fonction publique, cette dernière piste trouvant un écho particulier à nos yeux.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ma chère collègue, vous êtes exaucée deux fois, et encore bien plus vite que vous ne l’imaginiez, puisque, le 15 décembre dernier, les ministres de la culture et de l’éducation nationale ont confié à M. Philippe Barbat, directeur de l’Institut national du patrimoine, la mission de rédiger un rapport sur ce sujet.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Nous pourrons en prendre connaissance très rapidement, et quand je dis très rapidement, c’est encore plus vite qu’on ne l’imagine, puisque ce sera le 29 février prochain. Je ne mets pas en doute les compétences de M. Barbat, mais ce délai semble très court ! Sur ce point, vous êtes donc parfaitement exaucée.
En ce qui concerne les personnels, permettez-moi de lire un paragraphe de sa lettre de mission, qui achèvera de nous éclairer : « Par ailleurs, la mobilité des agents de l’INRAP, notamment vers les services de l’État, serait de nature à renforcer les compétences techniques et scientifiques de ces services, qui vont être particulièrement sollicités dans la mise en œuvre des dispositions de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. » C’est à se demander si l’on a encore besoin de travailler sur ce texte de loi !
(Sourires.)
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je comprends la préoccupation qui est exprimée, à savoir créer des possibilités de mobilité pour les archéologues, notamment pour les agents de l’INRAP, et faciliter cette mobilité.
Mme Audrey Azoulay,
Cette mobilité sera utile ; elle l’est déjà lorsqu’elle existe, pour faire bénéficier les services de l’État et les collectivités territoriales des compétences techniques et scientifiques de ces agents hautement qualifiés, et de contribuer ainsi à l’amélioration de la politique publique de l’archéologie nationale. Elle peut également se révéler utile pour offrir une deuxième carrière à des archéologues qui ne peuvent plus aller sur le terrain.
Il est vrai que le statut dérogatoire qui régit les agents de cet établissement public, l’INRAP, constitue parfois un frein à la mobilité des agents. Plusieurs pistes peuvent être envisagées et évaluées, et comme cela a été rappelé par Mme la rapporteur, la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de la culture et de la communication ont missionné le directeur de l’Institut national du patrimoine pour mener une réflexion et formuler des propositions précisément et rapidement sur ces questions.
Madame la sénatrice, cet amendement me semblant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer.
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n
Mme la présidente.
Je ne doute pas que nous entendrons rapidement au sein de la commission le fruit de toutes ces réflexions et propositions !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
En attendant, je retire mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Après le chapitre II du titre II du livre V du code du patrimoine, il est inséré un chapitre II
« CHAPITRE II
« Instances scientifiques
« Section 1
« Le Conseil national de la recherche scientifique
Art. L. 522-9. –
« Il est présidé par le ministre chargé de la culture ou, en son absence, par le vice-président désigné dans les conditions prévues à l’article L. 522-12.
Art. L. 522-10. –
« Le Conseil national de la recherche archéologique est consulté sur toute question intéressant la recherche archéologique que lui soumet le ministre chargé de la culture.
« Il examine et il propose toute mesure relative à l’étude scientifique du patrimoine archéologique et à son inventaire, à la publication et à la diffusion des résultats de la recherche ainsi qu’à la protection, à la conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine.
« À ce titre, le Conseil national de la recherche archéologique :
« 1° Propose au ministre chargé de la culture les objectifs généraux de la recherche, assure une mission de prospective scientifique ainsi que l’harmonisation nationale des programmations interrégionales et émet des avis sur les principes, les méthodes et les normes de la recherche en archéologie ;
« 2° Peut être consulté sur tout dossier transmis au ministre chargé de la culture par le représentant de l’État dans la région, siège de commission interrégionale de la recherche archéologique, en particulier sur les dossiers concernant plusieurs interrégions ;
« 3° Contribue à la mise en place de réseaux et de partenariats scientifiques aux niveaux national et international ;
« 4° Participe à la réflexion en matière d’archéologie dans le cadre de la coopération européenne et internationale et en apprécie les effets, notamment dans les domaines de la formation et des échanges de savoir-faire ;
« 5° Procède à toute évaluation scientifique à la demande du ministre chargé de la culture ;
« 6° Établit chaque année la liste des experts compétents pour déterminer la valeur d’objets provenant de fouilles archéologiques et de découvertes fortuites.
« Il émet, en outre, les avis mentionnés aux articles L. 522-8, L. 523-8 et L. 523-8-1.
Art. L. 522-11. –
Art. L. 522-12. –
« 1° Cinq représentants de l’État, membres de droit :
« 2° Quatorze personnalités qualifiées, nommées par arrêté du ministre chargé de la culture, choisies en raison de leurs compétences scientifiques en matière d’archéologie, dont :
« 3° Quatorze membres élus en leur sein par les commissions interrégionales de la recherche archéologique à raison de deux membres par commission ;
« Le vice-président du Conseil national de la recherche archéologique est désigné par arrêté du ministre chargé de la culture après accord du ministre chargé de la recherche parmi les membres mentionnés au 2°.
Art. L. 522-13. –
« Section 2
« Les commissions interrégionales de la recherche scientifique
Art. L. 522-14. –
Art. L. 522-15. –
« Elle procède à l’évaluation scientifique des opérations archéologiques et de leurs résultats. Elle examine pour chaque région le bilan de l’année écoulée et le programme de l’année à venir et formule toute proposition et tout avis sur l’ensemble de l’activité archéologique, y compris pour le développement des études et des publications.
« Elle participe à l’élaboration de la programmation scientifique et établit, à l’issue de son mandat, un rapport sur l’activité de la recherche archéologique dans son ressort.
« Sur saisine du représentant de l’État dans la région, elle émet des avis dans les cas prévus par décret en Conseil d’État.
« Elle peut également être consultée sur toute question que lui soumet le représentant de l’État dans la région.
Art. L. 522-16. –
« Un membre du service de l’inspection des patrimoines compétent en matière d’archéologie, désigné par le ministre chargé de la culture, assiste aux séances avec voix consultative.
« Dans chaque commission, au moins trois membres n’ont pas leur résidence administrative dans le ressort des régions sur le territoire desquelles s’exerce la compétence de celle-ci.
Art. L. 522-17. –
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance d’une dizaine de minutes.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
Mme la présidente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 244
« … – Les dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouilles archéologiques prévus à l’article L. 523-9 du code du patrimoine n’ouvrent pas droit à ce crédit d’impôt. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n
Cet amendement tend à exclure les sociétés privées de fouilles archéologiques du bénéfice du crédit d’impôt recherche, ou CIR.
Mme Marie-Pierre Monier.
Si ce crédit d’impôt est utile et efficace pour le maintien et le développement de l’investissement innovant, la question de son application aux fouilles archéologiques doit être posée, dans la mesure même où sa raison d’être est de soutenir les efforts des entreprises en matière de recherche et de développement. Son utilisation pour subventionner les opérations d’archéologie préventive n’est pas conforme à cet esprit, les dépenses afférentes aux contrats de fouilles archéologiques n’étant pas destinées à financer une recherche menée en amont d’un processus de production. De fait, les fouilles sont la production des opérateurs concernés.
En outre, l’éligibilité de ces dépenses au CIR entraîne un effet d’aubaine au bénéfice des opérateurs privés et une grave distorsion de concurrence au préjudice des opérateurs publics. Songez que, en 2014, le CIR a représenté 15 % du chiffre d’affaires de l’un des premiers opérateurs privés du secteur !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement nous tient particulièrement à cœur. Il faut dire qu’il est assez singulier de voir les dépenses engagées pour les fouilles archéologiques entrer dans le champ d’application du crédit d’impôt recherche. En quoi creuser fait-il avancer la recherche et progresser l’état de l’art ? Nous nous le demandons bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Madame la rapporteur, si je voulais vous taquiner, je vous dirais, à vous qui à plusieurs reprises nous avez traités d’idéologues, que c’est ici votre majorité qui se trouve prise en flagrant délit de défense d’un avantage déloyal bénéficiant aux opérateurs privés !
En effet, comme il vient d’être expliqué, l’application du CIR dans le domaine des fouilles archéologiques induit une distorsion de concurrence entre les opérateurs privés agréés par l’État, qui profitent de ce crédit d’impôt, et les opérateurs publics – collectivités territoriales, universités et Institut national de recherches archéologiques préventives –, qui n’y ont pas droit. L’argent public ainsi reversé aux opérateurs privés représenterait entre 3 et 4 millions d’euros par an, soit en moyenne entre 8 % et 12 % du chiffre d’affaires de ces entreprises.
Ce phénomène amplifie la « spirale déflationniste » dénoncée par notre collègue députée Martine Faure dans son rapport de mai dernier. Décrivant une véritable « guerre des prix », Mme Faure a ainsi jugé que, « compte tenu de la faiblesse des progrès techniques et des gains de productivité réalisables pour une activité essentiellement scientifique, il est permis de s’interroger sur la baisse drastique des prix facturés par les opérateurs privés », avant d’ajouter : « Si la faiblesse de leurs coûts de structure peut rendre compte d’une partie des écarts constatés, l’évolution des prix met en évidence une spirale déflationniste préoccupante pour la viabilité financière du secteur et pour sa capacité à faire prévaloir durablement la qualité scientifique des opérations ».
Je pourrais citer des noms d’entreprises, mais il n’y a pas besoin d’exemples pour se persuader que l’on peut tout à fait légitimement s’interroger sur le but de ce système !
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
D’accord avec les deux argumentaires qui viennent d’être exposés, je considère que le crédit d’impôt recherche, qui n’est pas forcément dépourvu d’utilité dans certains secteurs et appliqué à certaines conditions, n’est pas justifiable dans le domaine de l’archéologie préventive.
Mme Corinne Bouchoux.
Certes, quelques opérations de fouilles constituent une forme de recherche, mais l’éligibilité de ces opérations au CIR entraîne une concurrence déloyale, puisque, par définition, seuls les opérateurs privés peuvent profiter de l’avantage fiscal. Il en résulte aussi une pression à la baisse sur les salaires des jeunes archéologues.
C’est pourquoi, sans faire de procès d’intention à quiconque, nous invitons le Sénat à adopter ces amendements identiques.
L’amendement n
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques n
Ces amendements identiques tendent à rétablir dans le projet de loi la disposition adoptée par l’Assemblée nationale pour interdire aux opérateurs privés du secteur archéologique de bénéficier du crédit d’impôt recherche.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Mes chers collègues, je vous signale que l’article 244
Et après ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Pour être éligibles au dit crédit, les dépenses ayant vocation à être déduites de l’impôt sur les sociétés doivent être affectées à la réalisation d’opérations de recherche. L’adoption de ces amendements priverait donc les entreprises concernées de la possibilité de mener des opérations de recherche. La commission ne voit pas très bien quel en serait le bénéfice.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Au demeurant, nous estimons qu’il revient aux services de l’État de s’assurer de la bonne utilisation du crédit d’impôt recherche par les opérateurs de droit privé en archéologie préventive, auxquels il n’y a pas de raison de refuser
À tous ceux qui s’opposent à l’application du CIR aux dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouille, je fais observer que cette question s’inscrit dans le débat plus général qui oppose le ministère de la culture au ministère de la recherche en ce qui concerne la définition du périmètre de la recherche en archéologie préventive. Je ne crois pas que ce débat puisse être tranché au détour d’un amendement.
J’ajoute que, en adoptant une vision que je trouve quelque peu restrictive de la notion de recherche, les auteurs des amendements rendent encore moins légitime la subvention pour charges de service public dont bénéficie l’Institut national de recherches archéologiques préventives.
À cet égard, qu’il me soit permis de répondre par quelques chiffres à ceux qui nous accusent de vouloir, comme de mauvais sujets, octroyer un avantage aux opérateurs privés : de 2004 à 2014, l’INRAP a cumulé 168 millions d’euros de subventions exceptionnelles et vu son budget augmenter de 66 %, ainsi que ses effectifs de 16,5 % – de 33 % pour les contrats à durée indéterminée –, alors que le nombre des diagnostics et des fouilles diminuait de moitié. Madame Gonthier-Maurin, expliquez-moi où est le privilège accordé aux opérateurs privés et en faveur de qui la concurrence serait faussée ?
Mes chers collègues, comme vous l’aurez certainement compris, la commission est défavorable à ces amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je commencerai par dire que je partage la préoccupation que vous exprimez sur le rôle et l’importance du crédit d’impôt recherche dans le secteur de l’archéologie préventive, ainsi que votre préoccupation quant aux effets qu’il peut induire sur les conditions de concurrence dans le secteur. Ce sujet est d’ailleurs mentionné dans le rapport public de la Cour des comptes, comme on l’a très brièvement dit tout à l’heure.
Mme Audrey Azoulay,
Le crédit d’impôt recherche a pour but d’inciter à la réalisation en France d’opérations de recherche et développement. Il s’agit d’un instrument central de la politique conduite par le Gouvernement en matière de soutien à l’innovation et au développement économique, et donc à la création d’emplois.
Comme on l’a déjà dit, c’est une mesure dont l’application est générale aujourd’hui et qui ne cible pas tel ou tel secteur. En revanche, son bénéfice est conditionné à la réalisation de travaux de recherche et de développement qui permettent de faire progresser l’état des connaissances, tout en résolvant des difficultés scientifiques ou techniques.
Il est bien sûr possible de réaliser des travaux de recherche et développement dans le domaine archéologique. Il faudrait simplement savoir de quels travaux il s’agit exactement et rappeler que toute dépense d’archéologie n’a évidemment pas vocation à être éligible au crédit d’impôt recherche.
Bien sûr !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il y a donc une voie à trouver entre les dispositions actuelles et une approche consistant à priver les entreprises d’un secteur donné du bénéfice du crédit d’impôt recherche, alors même que celles-ci auraient effectivement des dépenses de recherche qui y seraient éligibles. En effet, une telle démarche fragiliserait le dispositif non seulement au regard de ses objectifs généraux, mais aussi au regard du principe d’égalité devant l’impôt, voire au regard du droit communautaire.
Mme Audrey Azoulay,
En revanche, on est tout à fait légitime à comprendre les chiffres qui ont été donnés – entre 5 % et 20 % à un moment donné d’un chiffre d’affaires –, à aller regarder, de façon générale, quels sont les éléments d’assiette déclarés au titre de ce crédit d’impôt.
Le ministère de la culture a donc attiré l’attention du ministère des finances et du ministère de la recherche sur ce point, et je m’engage à rendre compte du résultat de ces échanges dans les meilleurs délais, en tout état de cause d’ici à la deuxième lecture du texte.
C’est pourquoi je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Sur ces amendements, la situation est extrêmement paradoxale.
M. Philippe Bonnecarrère.
Première observation : alors que nous avons évoqué tout à l’heure le contrôle scientifique sur la qualité des fouilles, il me semble qu’il n’y a rien d’anormal à ce que des organismes privés habilités aient un travail de recherche, soient en mesure d’en justifier et puissent ensuite se voir appliquer les dispositions fiscales en vigueur.
Deuxième observation – cela figurait implicitement dans les propos de Mme la rapporteur et il me semble l’avoir également entendu dans l’intervention de Mme la ministre – : vouloir, par voie d’amendement, priver un secteur professionnel ou une catégorie d’entreprises du bénéfice du crédit d’impôt recherche constitue une atteinte manifeste au principe d’égalité.
À mon avis, en choisissant ce thème, mes chers collègues, vous allez tout droit à une inconstitutionnalité, et ce d’autant qu’il s’agit d’une question que connaît bien le Sénat. En effet, cet argument a déjà été largement employé par l’un au moins des groupes de la Haute Assemblée lorsqu’il est intervenu en matière de santé. Vous aviez alors lancé un débat sur la légitimité d’autoriser les établissements privés de santé à accéder à ce même type de dispositions fiscales, au titre des dépenses de recherche qu’ils sont en mesure de justifier. Or personne n’a finalement demandé que ces secteurs d’activité soient exclus du bénéfice du crédit d’impôt recherche.
La position de Mme la rapporteur est donc à la fois cohérente sur le plan intellectuel et exacte. Mes chers collègues, elle vous évite également d’encourir le risque d’une inconstitutionnalité, à mon sens évidente, de la disposition que vous proposez
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la ministre, merci de vous être engagée pour davantage de transparence sur cette question ! C’est précisément sur la transparence et l’accès de tous à l’information que repose la confiance.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cela étant, je voudrais tout de même dire qu’il est du devoir du législateur de contrôler une dépense fiscale qui atteindra bientôt 6 milliards d’euros !
Pour ma part, je ne veux exclure personne du bénéfice du crédit d’impôt recherche. En réalité, la question n’est pas d’exclure du bénéfice de ce dispositif le secteur de l'archéologie préventive mais de vérifier – c’est pourquoi je viens de vous adresser mes remerciements, madame la ministre – si les travaux qui sont déclarés au titre du crédit d’impôt recherche relèvent bien non pas de l’innovation – il y a une confusion entre le crédit d’impôt innovation et le crédit d’impôt recherche –, mais de la recherche. Il s’agit de s’assurer que ces dépenses contribuent vraiment à l’accroissement de la recherche effectuée par les entreprises privées de notre pays. Je ne demande rien d’autre !
Nous sommes donc d’accord !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Monsieur Bonnecarrère, le parallèle que vous faites avec la santé est tout de même un peu surprenant.
M. David Assouline.
De quoi s’agit-il ici ? Si on veut rester concret, l’activité dans le domaine de l’archéologie préventive consiste d’abord à fouiller et à sortir des éléments menacés. Par conséquent, on produit quelque chose. Les travaux de recherche n’interviennent qu’ensuite : ceux qui réalisent les fouilles ne sont pas ceux qui, par la suite, exploitent ces fouilles, les datent et travaillent sur leur contenu.
Il est tout de même paradoxal que l’on détourne le crédit d’impôt recherche et que la principale entreprise du secteur parvienne à tirer de ce dispositif 15 % de son chiffre d’affaires ! Pourtant, cette situation ne respecte pas du tout les canons classiques de l’économie, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce crédit d’impôt a été créé. Il y a bel et bien un détournement !
Combien de chercheurs, c’est-à-dire de personnes qui font de la recherche – j’y insiste car il faut veiller à ne galvauder ni ce terme ni cette qualité –, sont missionnés et payés dans le cadre d’opérations de fouille archéologique ? Vous allez avoir du mal à me répondre, mes chers collègues !
En revanche, je suis conscient qu’il y a bien un travail d’interprétation, d’analyse et de recherche sur les éléments qui ont été sortis à la suite des fouilles. Seulement, pour ces opérations-là, ce ne sont pas les entreprises qui ont réalisé les fouilles qui sont à l’œuvre.
Chaque fois que l’on discute de ces questions, on entend des mots désagréables sur l’organisme public en charge de l’archéologie préventive. À chaque fois, ce sont les organismes privés dont on entend dire qu’on les empêcherait de travailler, alors qu’ils bénéficient pourtant du crédit d’impôt recherche !
Tout à l’heure, vous nous avez dit qu’il fallait absolument enlever certaines règles pour que les organismes privés soient dans une situation de concurrence loyale avec l’INRAP. Désormais, vous voulez en plus qu’ils bénéficient d’un avantage, le crédit d’impôt recherche, auquel l’INRAP n’a pas droit. Cela fait beaucoup !
Il y a un déséquilibre manifeste dans la façon dont le débat s’articule et un déséquilibre dans votre façon d’aborder le sujet, madame la rapporteur !
La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il y a un point sur lequel nous sommes tous d’accord : dès lors que la France et les Français consentent un gros effort en faveur de la recherche archéologique, il doit bien y avoir non seulement des activités de fouille, avec tout ce que cela représente comme travail, mais également une recherche véritable. La qualité de la recherche est une chose primordiale, que l’organisme qui entreprend les fouilles soit un organisme public ou privé !
M. Jacques Legendre.
Je suis d’accord avec Mme Gonthier-Maurin quand elle insiste sur la nécessaire qualité de la recherche et sur la réalité de cette recherche. Je suis également d’accord pour dire que l’on ne doit en aucun cas diminuer la qualité de la recherche pour être plus concurrentiel et gagner la bataille des prix, par exemple. Ce serait aller à l’encontre de ce qu’a voulu la représentation nationale lors de l’examen des lois successives sur l’archéologie préventive.
En revanche, si nous devons vérifier de manière très attentive la qualité de cette recherche, on ne doit pas créer de différence
Pour nous, ce qui doit compter, c’est la réalité et la qualité de la recherche !
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la ministre, merci tout d’abord de votre réponse et du souci de transparence et de clarté que vous avez manifesté.
Mme Corinne Bouchoux.
Je crains de ne pas être tant en désaccord que cela avec notre collègue Jacques Legendre. En effet, pour notre part, nous ne disons pas qu’il n’y a pas d’activités de recherche dans le privé, y compris lors de la phase préalable aux fouilles archéologiques. Je pense qu’il existe des docteurs et des doctorants qui font réellement de la recherche. On a pu le constater au cours des travaux de la mission sénatoriale sur le crédit d’impôt recherche, même si ceux-ci n’ont pas pu être fructueux.
Ce qui importe, c’est que la transparence sur les dépenses de recherche progresse vraiment. Il faut également faire en sorte que le crédit d’impôt recherche ne bénéficie qu’aux entreprises qui font de la vraie recherche. Or qui dit vraie recherche, dit embauche de docteurs et de doctorants. C’est là où il y a sûrement des progrès à faire.
Je ne voudrais pas faire de parallèle inutile entre le secteur de l’archéologie et le monde de la finance ou de l’informatique, mais je crois me souvenir – Mme Gonthier-Maurin me contredira peut-être – qu’il s’agit justement des trois secteurs pour lesquels on constate une fragilité dans le contrôle des dépenses en matière de recherche.
Par conséquent, nous demandons des statistiques sur le nombre de docteurs recrutés et sur la véracité des dépenses dans ce domaine, sans pour autant être soupçonneux outre mesure.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Madame Bouchoux, vous venez d’exprimer parfaitement ce que j’aurais tenté de dire moi-même. Madame la sénatrice, vous avez trouvé le ton juste et l’équilibre nécessaire à cette discussion.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Monsieur Assouline, je n’ai aucune envie de polémiquer avec vous, mais comprenez qu’entendre parler de concurrence déloyale me fâche quelque peu. Tout à l’heure, je n’avais aucune envie de redonner les chiffres, mais lorsque j’ai entendu cette expression, je me suis senti obligé de le faire, et j’en suis sincèrement désolé.
Dans cette assemblée, nous cherchons des solutions d’équilibre – nous en avons parlé tout à l’heure –, de telle sorte que tout le monde y trouve son compte et que des emplois, de quelque nature qu’ils soient, puissent être créés, ni plus ni moins.
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
En conséquence, l'article 20
Mme la présidente.
Un label « centre culturel de rencontre » est attribué par le ministre chargé de la culture à toute personne morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif qui en fait la demande et qui, jouissant d’une autonomie de gestion, occupe de manière permanente un site patrimonial ouvert au public qu’elle contribue à entretenir ou à restaurer et qui met en œuvre, sur ce site, un projet culturel d’intérêt général en partenariat avec l’État, une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’attribution et de retrait du label. –
L’intitulé du livre VI du code du patrimoine est ainsi rédigé : « Monuments historiques, sites patrimoniaux protégés et qualité architecturale ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Au-delà des débats qui se poursuivront sur les autres articles du projet de loi, je crois pouvoir dire que nous partageons l’objectif de conserver, restaurer et transmettre aux générations futures le patrimoine de notre pays. Nous souhaitons tous que vivent ou renaissent des espaces patrimoniaux. Si ceux-ci ont pu déserter nos villes, nos bourgs et nos villages, ils font la richesse et l’attractivité de la France, et sont surtout des lieux de vie pour l’ensemble de nos concitoyens.
Mme Audrey Azoulay,
C’est pourquoi nous cherchons collectivement au travers de ce projet de loi à rendre nos politiques patrimoniales toujours plus efficaces, tout en prenant en compte les évolutions de l’environnement dans lequel elles s’inscrivent.
Avant que nous ne débutions nos discussions sur les articles relatifs aux espaces protégés, je souhaiterais clarifier quelques points, à la lumière des interventions qui se sont déroulées en commission et qui ont conduit à faire évoluer le texte transmis par l’Assemblée nationale.
Si certaines des questions ou des préoccupations qui se sont exprimées me semblent tout à fait légitimes et doivent trouver des réponses dans le cadre de nos travaux, d’autres évolutions ne permettront peut-être pas, en revanche, de nous retrouver complètement lors de cette première lecture.
De mon côté, il me semble qu’il reste un différend qui est loin d’être un détail
(Sourires.)
Nous sommes tous d’accord pour considérer que les acronymes actuels comme les AVAP pour « aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine » ou les ZPPAUP pour « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager », par exemple, ou encore la catégorie des « secteurs sauvegardés » sont incompréhensibles.
(Mme Sylvie Robert opine.)
(Sourires.)
Les termes « cités historiques » ne font pas l’unanimité, je le sais. On peut donc être ouvert à une autre appellation, qui permette d’identifier sans ambiguïté les espaces protégés sur lesquels notre législation s’applique, tout en présentant une formulation simple et claire. Cette formulation, nos concitoyens pourraient se l’approprier ; ils pourraient s’en emparer pour faire vivre les territoires, dont ils tireraient ainsi une plus grande fierté encore.
M. Jean-Pierre Leleux, dont je connais l’engagement en faveur des pratiques patrimoniales, mais aussi d’autres politiques culturelles, a proposé une appellation différente : celle de « site patrimonial protégé ».
Il me semble que nous pouvons encore progresser entre notre proposition et la vôtre. Nous pouvons effectivement craindre que cette dernière ne se transforme rapidement en « SPP » ou autre acronyme. Il faudrait au contraire rechercher une dénomination qui ne favorise pas les acronymes et soit évocatrice d’images pour les Français.
Donc, le cheminement du texte n’est pas terminé et j’espère poursuivre, avec vous, cette recherche d’un nom qui nous rassemble, et qui rassemblera les Français.
J’en viens, sur le fond, à la question du risque, précédemment pointé, de désengagement de l’État s’agissant de la protection des espaces protégés.
Je voudrais d’abord lever un malentendu : ce n’était évidemment pas l’intention que le Gouvernement souhaitait afficher à travers ce texte. Que celui-ci ait été compris comme tel est révélateur d’un problème.
Le Gouvernement vous a entendus sur ce point, et essaiera de répondre à vos préoccupations par un amendement à l’article 24.
Je réaffirme solennellement que l’État continuera de jouer un rôle majeur en matière de protection.
Il le fera à travers les décisions qu’il prendra sur le classement des « cités historiques » – expression que je retiens à ce stade –, à travers les aides techniques et financières qu’il apporte aux collectivités territoriales pour les documents d’urbanisme, à travers les aides fiscales incitatives qu’il maintiendra dans ces espaces.
Il le fera aussi grâce aux architectes des Bâtiments de France, par le biais des accords que ceux-ci donneront en matière d’autorisations de travaux ou des conseils qu’ils peuvent apporter en amont.
Il le fera encore
À cet égard, il est souhaitable – je vous rejoins sur ce point – que la commission nationale en charge de ces questions puisse demander un rapport ou émettre un avis sur l’état de la conservation du patrimoine en « cités historiques ».
Dans le cadre de cette protection patrimoniale, un point est majeur : l’élaboration, l’adoption puis la mise en œuvre des documents d’urbanisme dans les espaces protégés.
Vous avez soulevé une question de fond sur le degré de précision de ces documents et sur la manière dont la protection patrimoniale, qui doit s’exercer dans le temps long, peut s’articuler avec les enjeux d’aménagement du territoire, qui, eux, à travers les documents d’urbanisme, peuvent évoluer plus souvent.
À partir de la réflexion que vous avez menée, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui a été partagée au sein de votre commission, je proposerai donc, au travers d’un amendement, une nouvelle rédaction. J’espère que celle-ci trouvera un large consensus, en réaffirmant clairement la place de l’État dans la mise en œuvre des espaces protégés… sans oublier, bien sûr, les collectivités territoriales. Aucune politique patrimoniale ne peut effectivement être menée sans action des collectivités concernées.
Un dernier mot – mais il a son importance au-delà de ce débat précis – : si la loi Malraux a permis de sauver et de préserver le patrimoine de ces nombreux centres anciens, il faut aussi les faire vivre au quotidien, en particulier sous un angle économique.
Il y a donc un enjeu autour des pistes de travail que nous pourrions trouver pour favoriser la vitalité économique des cités historiques. C’est un défi qui nous attend tous, et qui transcende les questions sémantiques ou le rôle de l’État que nous venons d’évoquer.
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer les mots :
sites patrimoniaux protégés
par les mots :
cités historiques
La parole est à Mme la ministre.
Comme je l’indiquais, je préférerais qu’à ce stade nous conservions l’appellation « cité historique », tout en m’engageant à rester ouverte sur des évolutions ultérieures, qui pourraient survenir au cours de la navette.
Mme Audrey Azoulay,
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je suis particulièrement ravie d’entendre vos propos, madame la ministre.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Nous étions persuadés que la dénomination « cité historique » ne convenait pas, et vous l’avez vous-même reconnu. Comme la présidente de la commission le faisait remarquer en aparté, on pense immédiatement à une cité médiévale. Cela ne contentait personne.
L’ajout de l’Assemblée nationale, qui permettait un élargissement aux espaces ruraux, n’a fait que démontrer un peu plus l’inadéquation de la formule. Sous la houlette du rapporteur Jean-Pierre Leleux, nous avons donc trouvé cette dénomination : « site patrimonial protégé ».
Nous avons bien compris que votre prédécesseur était arc-bouté sur ce titre. Nous avons donc été tout aussi arc-boutés sur l’idée qu’il fallait trouver autre chose. Après en avoir discuté avec les membres de la commission, notamment Mmes Blandin et Bouchoux, nous étions plutôt enclins à retravailler la question pour trouver une dénomination qui conviendrait.
Vous l’avez donc compris, madame la ministre, nous ne nous accrochons pas à notre proposition et sommes parfaitement heureux de savoir que nous allons peut-être pouvoir travailler ensemble sur le sujet. J’en suis particulièrement ravie.
Bien évidemment, nous rediscuterons d’un certain nombre de points au cours de l’examen de l’article 24.
Hélas, la commission émettra tout de même un avis défavorable sur votre amendement, afin que nous puissions continuer à travailler autour de notre dénomination.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Ce sont deux débats qui nous occupent ici : celui sur l’appellation et celui sur le fond.
M. David Assouline.
Nous étions disposés à encourager les efforts de simplification, de lisibilité et de modernisation affichés dans le projet gouvernemental ; dans le même temps, un consensus existait au sein de la commission pour que l’on ne jette pas par-dessus bord les politiques mises en place depuis une trentaine d’années, politiques sur lesquelles Yves Dauge, par exemple, a beaucoup travaillé, et qui ont fait leur preuve.
Sur le fond, donc, vos propos marquent une évolution, madame la ministre, et ce serait tout de même bête que l’on ne retienne qu’un « affrontement », une polémique sur le nom.
Je sais que le Gouvernement tenait à son appellation, car elle symbolisait la simplification qu’il souhaitait mettre en avant. Pour autant, elle ne recouvrait pas la totalité de la réalité que nous voulons affirmer. Au-delà de ce que désignent les termes « cité historique », il y a un patrimoine plus large, et là, nous avons une difficulté.
Je ne suis pas non plus d’accord avec la formulation proposée par la commission. Elle ne crée pas d’appétit ; elle n’est pas attractive ; elle n’offre aucun support de communication et ne permet aucune appropriation. Pourtant c’est ainsi qu’il faut le penser : une expression porteuse de valorisation et susceptible d’être comprise, y compris à l’international.
En tous les cas, il faut trouver la formule la plus simple, faisant référence à l’histoire, mais aussi à un patrimoine plus vaste et, en particulier, naturel.
Pour ma part, j’aurais proposé : « sites historiques et protégés ». Mais je sais que le terme « site » pose problème, car il relève d’autres réglementations.
(M. Vincent Eblé opine.)
Par conséquent, poursuivons le travail, mais ne nous focalisons pas sur le seul nom. Puisque nous n’avons pas trouvé le bon, laissons celui qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Gardons le nôtre !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
L’engagement de la ministre doit être noté. C’est un gage, aussi, de possible rapprochement des uns vers les autres. Pour la première fois, un déblocage est opéré avec l’annonce de la recherche d’une nouvelle terminologie dans le cadre de la navette. En prendre acte, ce n’est pas procéder à un vote sanction, juste après les propos que la ministre vient de tenir.
M. David Assouline.
La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je crois qu’aucune des appellations employées n’est totalement satisfaisante.
M. Jacques Legendre.
« Sites patrimoniaux protégés » relève du vocabulaire administratif. Nous avons déjà connu pire : quand il fallait défendre et veiller sur une ZPPAUP, ce n’était pas nécessairement très attractif.
Mais « cités historiques » est tout de même trop restrictif.
D’abord, l’expression donne un sentiment de resserrement sur les centres urbains, alors que nous avons aussi, dans les secteurs ruraux, des zones qui méritent d’être protégées. De ce point de vue, les villes et les pays d’art et d’histoire rendent mieux compte de la situation, mais ils ne sont pas répartis de la même manière partout sur le territoire.
Ensuite, l’appellation « cités historiques » donne l’impression qu’il faut déjà une certaine profondeur historique – plusieurs centaines années – pour mériter le titre. Or toutes nos villes, me semble-t-il, ont une histoire et prétendre que telle cité est historique, ce serait nier l’historicité des autres.
Prenons l’exemple de la ville du Havre : massacrée durant la Seconde Guerre mondiale, rebâtie selon des normes très modernes, cette ville est néanmoins particulièrement intéressante sur le plan architectural. Pourrait-on l’appeler « cité historique » ?… Les termes ne conviennent pas tout à fait !
Je crois donc que personne, en ce moment, ne détient la bonne solution. Mais la dénomination plus administrative de « site patrimonial protégé », telle qu’elle est proposée, laisse le débat ouvert. Ce n’est peut-être pas la peine de commencer à clore celui-ci en revenant à l’appellation « cité historique ».
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous avons tous entendu les arguments rappelant ce vilain acronyme ZPPAUP… Effectivement, c’est en soi un repoussoir.
Mme Marie-Christine Blandin.
Notons toutefois que, d’une certaine manière, c’est l’hôpital qui se moque de la Charité. Le sigle est en effet employé non pas par les habitants, mais par les services des collectivités et du ministère.
L’appellation « cités historiques » a l’avantage d’être compréhensible et mobilisatrice. Son seul problème, c’est qu’elle ne recouvre pas l’ensemble des réalités. En outre, le terme « cité » évoque nettement le bâti, et beaucoup moins les abords, le cadre naturel qui l’entoure et lui fait écrin. D’ailleurs, l’UNESCO ne s’y trompe pas, qui classe le Val de Loire, c’est-à-dire l’ensemble, et non les seules cités de Loire ou les seuls châteaux de Loire.
Mme la rapporteur a trouvé une réponse, avec la formule « sites patrimoniaux protégés », et voilà qu’on la menace de réduire celle-ci à « SPP ». C’est vrai, madame la rapporteur, qu’il y a là un risque majeur.
On verra !
M. Yves Détraigne.
En revanche, je salue les avancées que vous venez de faire, madame la ministre, s’agissant des termes « cités historiques ».
Mme Marie-Christine Blandin.
Nous n’en avons pas connu de telles dans les semaines qui ont précédé. Nous avions presque l’impression que les tee-shirts « cités historiques » étaient déjà imprimés
(Sourires sur plusieurs travées.)
En conséquence, et comme chacun ici, je crois, j’appelle de mes vœux cette recherche d’une nouvelle appellation. D’ailleurs, nos amis du RDSE ont une proposition, qui donnera lieu à la présentation d’un amendement n
En tout cas, madame la ministre, il faut vraiment qu’il y ait de la verdure ! Mettez-nous : « cités et paysages remarquables » ! Trouvez une expression qui parle au cœur de tout le monde ! Ainsi, nous pourrons avancer.
Pour notre part, nous n’allons faire de peine ni à vous-même ni à la rapporteur, en nous abstenant.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je remercie Mme la rapporteur d’avoir élargi la discussion et d’avoir admis qu’un travail de mise au point pouvait effectivement être mené pour trouver la terminologie la plus adaptée à ce que nous souhaitons tous mettre en œuvre.
M. Philippe Bonnecarrère.
Il vous appartient désormais, madame la rapporteur, notamment vis-à-vis d’un groupe qui vous est cher, de donner quelques indications sur la position à prendre – restons-nous calés sur la proposition de la commission ou sur celle du Gouvernement ? –, sachant, nous l’avons bien compris, que la navette sera mise à profit pour élaborer une autre proposition.
J’ajouterai, dans le souci d’être objectif et attentif à tous les points, que nous avons également pris bonne note, dans les propos de Mme la ministre, au-delà de son ouverture sur la terminologie, de son ouverture sur le fond. C’est un autre pas fait en direction de la commission.
Je pense, en particulier, à l’équilibre que la commission a essayé de rechercher sur les approches patrimoniales. Notre groupe est sensible à cette question et nous espérons avoir confirmation de cette ouverture au fil des débats.
La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais tout d’abord saluer l’ouverture à laquelle Mme la ministre vient de nous inviter. Sans doute la réflexion mérite-t-elle d’être poursuivie et, sous cet angle, mon intervention restera aussi raisonnablement ouverte.
M. Vincent Eblé.
Je ne suis pas certain qu’il faille rechercher absolument une appellation qui évoque un label de nature touristique. L’objectif, ce n’est pas de porter l’attention sur un lieu pour y attirer des visiteurs ; c’est de définir un espace dans lequel va s’appliquer un droit particulier de l’urbanisme lié à une réalité patrimoniale. Par conséquent, à cette appellation doivent être attachées des règles contraignantes pour les opérateurs immobiliers. C’est la raison pour laquelle une appellation en Z, aussi technocratique qu’elle pût apparaître, ne me heurtait pas. Néanmoins, si j’entends les arguments inverses, je ne peux pas cautionner une appellation contenant le mot « site » parce qu’elle viendrait en concurrence avec la réglementation en vigueur qui s’applique aux sites classés et aux sites inscrits. Techniquement, cela ne me paraît donc pas envisageable.
Selon moi, il existe une appellation qui non seulement est attractive, mais encore qui, dans l’esprit de tout un chacun, est contraignante – même si c’est de façon limitée – : l’appellation « patrimoine mondial de l’UNESCO ». Pourquoi ne pas retenir, par exemple, l’appellation « patrimoine national » ? Nous sommes tous attachés ici à ce que la définition des conditions de protection des monuments ne soit pas laissée à la seule liberté des autorités locales, mais que l’État ait son mot à dire. À cet égard, il y a sans doute là une piste de réflexion pour les semaines à venir. Toujours est-il que, à ce stade, compte tenu de l’ensemble des éléments indiqués, je m’en tiens pour ma part à l’appellation « cité historique ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je me félicite aussi de l’ouverture qu’a faite Mme la ministre. J’étais quelque peu réticente à l’égard de l’appellation « cité historique », qui me donnait l’impression d’un enfermement qui aurait pu conduire éventuellement à une mise en concurrence entre ceux qui auraient eu la chance, grâce à leur patrimoine, de bénéficier de cette appellation et les autres, quoique leur patrimoine pût être tout à fait intéressant.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
C’est bien de vouloir mettre à profit la navette, mais il y a un problème : si l’on vote l’amendement du Gouvernement qui tend à rétablir l’appellation « cité historique », alors le vote sera conforme et le débat sera clos.
(Mme Corinne Bouchoux et M. Jacques Legendre opinent. – Mme Catherine Procaccia s’exclame.)
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’entends bien vos propos, madame la ministre, et prends note de votre volonté d’ouverture concernant cette question de l’appellation. Parmi les orateurs qui se sont exprimés, notre collègue Vincent Eblé a évoqué l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il faut quand même savoir que l’obtention de ce label est un vrai parcours du combattant.
Mme Caroline Cayeux.
Pardonnez-moi de faire preuve d’un peu de chauvinisme, mais, ayant entrepris cette démarche au nom de ma ville de Beauvais, qui compte une cathédrale remarquable, je me suis vu répondre qu’on n’inscrivait plus de tels édifices au patrimoine mondial de l’UNESCO.
J’en reviens au label « ville d’art et d’histoire ». Obtenir celui-ci nous a pris beaucoup de temps, il a fallu monter un dossier important et il a même été nécessaire que nous revoyions deux fois notre copie. Si nous nous félicitons aujourd’hui de l’avoir obtenu, il faut savoir néanmoins qu’il impose des contraintes urbanistiques à la ville de Beauvais – ce dont je me félicite – lorsqu’il s’agit notamment de lancer des procédures de rénovation urbaine.
Ce label – et cela vaut également pour les autres appellations en Z – a vocation à protéger l’urbanisme remarquable, les monuments historiques et à imposer des contraintes de construction à des promoteurs indélicats ou à des élus qui n’étaient pas tellement au fait de ces questions, et à libérer les droits à construire. Aussi, il est important que ce projet de loi garantisse la protection des sites historiques – pardonnez-moi de reprendre cette dénomination – des villes qui en possèdent.
Au-delà du symbole se pose aussi – et c’est là où je voulais en venir – un problème budgétaire. Il n’est pas toujours facile de faire face aux dépenses d’entretien et de rénovation de ces sites, d’assumer les frais de construction dans leur périmètre. Se pose alors la question de la répartition des dépenses y afférentes entre l’État et les collectivités.
À titre personnel, je préférerais que soit retenue l’appellation « cité historique ».
La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
Mme la présidente.
En écoutant les interventions des uns et des autres, je me disais, avec mon ami Jacques Legendre, que l’on avait lancé un concours pour trouver le meilleur sigle. Alors permettez-moi d’apporter ma contribution.
M. Yves Détraigne.
Pourquoi ne pas retenir le mot « site » plutôt que le mot « cité » ? On a parlé du patrimoine, alors on pourrait parler de « site patrimonial ». On a parlé de qualité, alors pourquoi ne pas parler de « site patrimonial de qualité » ? Et puisqu’il faut bien remarquer ces sites, alors pourquoi ne pas parler de « site patrimonial de qualité remarquable », ou SPQR, ce qui présenterait l’avantage de nous renvoyer à l’histoire ?
Par conséquent, puisque cette appellation peut faire consensus ou, à défaut, être le plus petit dénominateur commun, je vous propose de retenir SPQR, ou « site patrimonial de qualité remarquable ».
Mon cher collègue, je vous remercie de cette contribution.
Mme la présidente.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
Beaucoup de communes ont retenu une terminologie propre. L’un de nos collègues évoquait l’appellation « cité d’art et d’histoire ». Les communes qui l’ont obtenue ont dû se battre pendant des années pour parvenir à leurs fins.
M. Alain Fouché.
Pour ma part, j’ai été maire pendant plus de trente ans d’une ville « cité médiévale » comptant cinq châteaux forts et une collégiale exceptionnelle et qui a obtenu le label « cité d’art et d’histoire ». Mais, sur toutes les cartes, il est indiqué « cité médiévale ».
Simplement, je pose la question suivante : quel sera le coût de l’opération s’il faut changer tous les panneaux, modifier tous les dépliants ? Il risque d’atteindre un montant extraordinaire et il appartiendra aux collectivités de l’assumer, car je ne pense pas que l’État les y aidera.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Je ne reviens pas sur le fond de notre discussion. Nous avons bien compris que le mot « site » peut prêter à confusion et que l’appellation « cité historique » ne convenait pas non plus.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
En tout cas, je trouve que ce débat a été extraordinaire : les idées foisonnent, les esprits sont en éveil et, comme l’a proposé Mme la ministre, je vous invite, mes chers collègues, à continuer de phosphorer, de faire tourner nos petites cellules grises afin de trouver une dénomination qui convienne à tous.
Pour répondre à la question de notre collègue Philippe Bonnecarrère, je veux lui dire que, à l’issue de ce débat, nous aurions tous envie de lever la main comme un seul homme – et comme une seule femme ! – pour approuver la proposition de la ministre. Simplement, si nous votons l’amendement du Gouvernement, l’article 22 sera voté conforme et donc, pour une simple raison de formalisme, il nous sera impossible de revenir sur cette question, ce qui ne satisfera ni le Gouvernement ni le Sénat.
Aussi, il nous faut, hélas, voter contre votre amendement. Madame la ministre, vous n’imaginez pas à quel point j’en suis désolée.
Il est quand même rare d’entendre ça !
Mme Catherine Procaccia.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
La vérité m’oblige à dire qu’il fut un temps – au mois de juillet – où l’administration du ministère était assez ouverte à une modification de l’appellation. Je me souviens de la réponse qu’on m’avait alors faite : « Écoutez, ce n’est pas forcément génial, mais si vous nous faites une proposition plus cohérente, nous serons à l’écoute. »
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Puis, à l’approche de l’examen par le Sénat du projet de loi, la position du ministère s’est quelque peu durcie. Aussi, je suis heureux de vous entendre, madame la ministre, parce que le travail va ainsi pouvoir se poursuivre durant la navette.
Il me paraît important d’ajouter deux petits points à cette réflexion.
Premièrement, et c’est à mon sens essentiel, nous nous inscrivons dans une démarche non pas de marketing, mais de protection patrimoniale. Certes, il vaut mieux avoir un panneau « cité historique » à l’entrée d’une commune qu’un panneau « site patrimonial », mais il faut quand même que les mots reflètent la réalité. Par conséquent, quand on voit cette appellation, il faut pouvoir se dire que, dans ce lieu, le maire, le président de la communauté a pris à bras-le-corps la protection de son patrimoine, qui doit être respecté.
Je le répète, la démarche n’est pas celle de la promotion touristique, même s’il s’y attache des effets secondaires positifs.
Deuxièmement, « cité historique », c’est une belle appellation, mais elle est tellement commune que je crains que beaucoup de villes ne se la soient déjà appropriée et n’aient apposé le panneau à leur entrée. Si ce label devait désormais emporter des contraintes juridiques, les communes en question devraient alors y renoncer, hélas !
Quant au label « ville d’art et d’histoire », il faudra qu’on en reparle un jour, car on ne sait pas comment il évoluera dans les années à venir. Cela étant, les villes qui l’ont obtenu n’apposent pas un panneau « VAH » à leur entrée ; elles mentionnent bien « ville d’art et d’histoire », et cela se passe très bien.
M. Alain Fouché.
Nous avons longuement évoqué cette question avec nos collègues membres de la commission, avec sa présidente, avec la rapporteur Françoise Férat ; puisque nous ne sommes pas tout à fait mûrs, laissons prospérer la réflexion…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
M. Alain Fouché.
… afin de trouver une locution plus sémantiquement adaptée.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il faudra penser au coût, aussi !
M. Alain Fouché.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Tout a été dit par l’ensemble des collègues qui sont intervenus.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Madame la ministre, je vous remercie vivement de cette ouverture que vous nous proposez ; elle nous permettra, au cours de la navette, de trouver une appellation adéquate.
Vous l’aurez compris, à quelque groupe qu’ils appartiennent, et pas seulement ceux qui sont membres de la commission, les élus sont extrêmement attachés à leur territoire, ils vivent ces réalités patrimoniales au sens large et ils ont besoin de s’approprier une appellation attestant une action de protection du patrimoine afin de porter ce projet de politique culturelle et patrimoniale.
Nous sommes favorables à la modernisation de la législation et à la fusion des trois appellations en une seule pour autant qu’elle soit porteuse de sens et surtout qu’elle traduise une réelle démarche de protection de notre patrimoine. Toutefois, je ne veux pas anticiper sur les débats à venir.
Encore une fois, madame la ministre, je vous remercie, car ce sujet nous tenait particulièrement à cœur.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Compte tenu de nos échanges, je retire l’amendement du Gouvernement.
Mme Audrey Azoulay,
(Applaudissements.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Le titre I
« DISPOSITIONS GÉNÉRALES
« CHAPITRE I
« Institutions
Art. L. 611-1
« Elle peut proposer toutes mesures propres à assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine et de l’architecture. Elle peut demander à l’État d’engager une procédure de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1, L. 621-25, L. 622-1 ou L. 622-20 du présent code.
« Elle procède à l’évaluation des politiques de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.
« En outre, elle peut être consultée sur les études, sur les travaux et sur toute question relative au patrimoine et à l’architecture en application du présent livre et de la sous-section 2 de la section 4 du chapitre I
« Placée auprès du ministre chargé de la culture, elle comprend des personnes titulaires d’un mandat électif national, des personnes titulaires d’un mandat électif local, des représentants de l’État, des membres d’associations ou de fondations ayant pour objet de favoriser la connaissance, la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine et des personnalités qualifiées.
« Son président est choisi parmi les sénateurs ou les députés. En cas d’empêchement du président pour tout ou partie d’une séance, la présidence de la commission est assurée par le représentant du ministre chargé de la culture.
« Un décret en Conseil d’État précise sa composition, les conditions de désignation de ses membres et ses modalités de fonctionnement.
Art. L. 611-2
« Elle peut proposer toutes mesures propres à assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine et de l’architecture.
« En outre, elle peut être consultée sur les études et sur les travaux ainsi que sur toute question relative au patrimoine et à l’architecture en application du présent livre et de la sous-section 2 de la section 4 du chapitre I
« Placée auprès du représentant de l’État dans la région, elle comprend des personnes titulaires d’un mandat électif national, des personnes titulaires d’un mandat électif local, des représentants de l’État, des membres d’associations ou de fondations ayant pour objet de favoriser la connaissance, la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine et des personnalités qualifiées.
« Un décret en Conseil d’État détermine sa composition, les conditions de désignation de ses membres et ses modalités de fonctionnement.
Art. L. 611-3
(Non modifié)
« CHAPITRE II
« Dispositions relatives aux biens inscrits au patrimoine mondial
Art. L. 612-1
« Pour assurer la protection du bien, une zone, dite “zone tampon”, incluant son environnement immédiat, les perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection est, sauf s’il est justifié qu’elle n’est pas nécessaire, délimitée autour de celui-ci en concertation avec les collectivités territoriales intéressées puis arrêtée par l’autorité administrative.
« Pour assurer la préservation de la valeur universelle exceptionnelle du bien, un plan de gestion comprenant les mesures de protection, de conservation et de mise en valeur à mettre en œuvre est élaboré conjointement par l’État et les collectivités territoriales intéressées, pour le périmètre de ce bien et, le cas échéant, de sa zone tampon, puis arrêté par l’autorité administrative.
« Lorsque l’autorité compétente en matière de schéma de cohérence territoriale ou de plan local d’urbanisme engage l’élaboration ou la révision d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un plan local d’urbanisme, le représentant de l’État dans le département porte à sa connaissance les dispositions du plan de gestion du bien. Le périmètre de la zone tampon et le plan de gestion sont pris en compte dans les documents d’urbanisme des collectivités territoriales concernées, afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du bien et la préservation de sa valeur universelle exceptionnelle.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
« CHAPITRE III
« Dispositions diverses
(Division et intitulé nouveaux)
Art. L. 613–1
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n
I. – Alinéa 6
1° Remplacer les mots :
du patrimoine et de l’architecture
par les mots :
des cités et monuments historiques
2° Supprimer la référence :
L. 621–29–9
II. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 11, première phrase
Remplacer les mots :
les sénateurs ou les députés
par les mots :
les titulaires d’un mandat électif national qui en sont membres
IV. – Alinéa 13
1° Après la référence :
insérer la référence :
, L. 631–4
2° Remplacer les mots :
à l’article L. 151–29–1
par les mots :
aux articles L. 151–29–1 et L. 313–1
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement traitant également d’appellation, il est retiré, madame la présidente.
Mme Audrey Azoulay,
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Rédiger ainsi cet alinéa :
Art. L. 611-2.
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Il s’agit d’un amendement de coordination du fait de la création de ces articles.
Mme Caroline Cayeux.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Après la référence :
insérer la référence :
, L. 631-4
La parole est à Mme la rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je reviens sur l’amendement n
Nous pourrons examiner ce point au cours de la navette.
Mme Audrey Azoulay,
Très bien !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Madame la ministre, vous pouvez, si vous le souhaitez, reprendre dès maintenant le III de votre amendement.
Mme la présidente.
Cela arrangerait-il la commission ?…
Mme Audrey Azoulay,
Dans ces conditions, je reprends dès à présent ce III, madame la présidente.
Je suis donc saisie d’un amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 11, première phrase
Remplacer les mots :
les sénateurs ou les députés
par les mots :
les titulaires d’un mandat électif national qui en sont membres
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n
La commission émet malheureusement un avis défavorable. L’adoption de cet amendement aurait pour effet de supprimer la référence à l’article L. 151–29 du code de l’urbanisme, alors même que la rédaction de cet article prévoit une saisine de la commission régionale. Sa référence doit donc être impérativement citée. En outre, cet amendement opère une coordination avec un amendement que l’auteur propose à l’article 24 et pour lequel la commission est réservée. Telle est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n
Mme la présidente.
Concernant l’amendement n
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Madame Cayeux, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Caroline Cayeux.
L'amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'amendement n
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer les mots :
et de gestion
par les mots :
, de gestion et de suivi
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Cet amendement tend à préciser les missions de la Commission nationale.
Mme Marie-Pierre Monier.
La plupart de nos amendements aux articles 23 et 24 seront guidés par une seule idée : mieux protéger et contrôler le patrimoine, et permettre aux autorités compétentes de garantir, à tout moment, une préservation optimale de celui-ci.
Nous souhaitons donc que la Commission nationale intervienne non seulement en matière de création et de gestion des servitudes d’utilité publique et des différents documents d’urbanisme, mais également en matière de suivi.
La gestion ne signifie pas forcément le suivi, qui constitue une mission de tous les instants. À ce titre, la Commission nationale pourra, à tout moment, surveiller l’évolution d’un bien ou d’un élément patrimonial protégé à quelque titre que ce soit.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission partageant évidemment cette préoccupation, l’avis est favorable.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis favorable également.
Mme Audrey Azoulay,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est également consultée sur tout projet de vente ou d’aliénation du patrimoine français situé à l’étranger, protégé ou présentant une valeur historique ou culturelle particulière.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Cet amendement vise à protéger davantage le patrimoine immobilier français à l’étranger, dès lors qu’il est classé ou qu’il présente une valeur historique ou culturelle particulière, en en soumettant tout projet de vente ou d’aliénation à une consultation de la Commission nationale des cités et monuments historiques.
Mme Claudine Lepage.
Depuis 2010, effectivement, la politique immobilière du ministère des affaires étrangères n’est plus financée que par les cessions de biens, principalement à l’étranger, car aucun crédit d’investissement n’est plus inscrit au budget général. Outre des bureaux ou appartements, sans valeur historique ou culturelle particulière, des biens prestigieux et particulièrement emblématiques du rayonnement de la France à l’étranger ont également été cédés.
L’un des derniers en date est le Palais Clam-Gallas, à Vienne, vendu au Qatar pour 22 millions d’euros. D’autres immeubles, comme la Maison de France à Berlin, véritable symbole de l’entente franco-allemande, ont échappé à la cession, grâce à la mobilisation des élus et des citoyens, français comme allemands.
Cette braderie continue, puisque la France envisage de vendre en 2017 les bâtiments de sa chancellerie et de son consulat général à Londres ! Ces ventes sont devenues parfois inévitables lorsqu’on a trop attendu pour engager les travaux nécessaires : je pense notamment à l’Institut wallon à Amsterdam.
Ces ventes suscitent toujours une vive opposition de la part des francophiles des pays concernés et elles sont un très mauvais signal pour l’image de la France à l’étranger.
Des solutions alternatives existent bien souvent. J’ai ainsi en tête l’exemple du Palazzo Lenzi, à Florence. Ce magnifique palais, attesté déjà en 1470 et qui abrite l’Institut français depuis 1908, était promis à une vente à la découpe en 2010. L’émoi suscité par ce projet a permis une reconsidération de la situation. En définitive, le Palais abrite toujours aujourd’hui l’Institut français et le consulat honoraire. Cependant, deux espaces loués du rez-de-chaussée accueillent des boutiques, dont une librairie française. Le troisième étage doit être également prochainement valorisé, par une vente ou une location. En outre, une médiathèque a été créée au rez-de-chaussée, bénéficiant ainsi d’un accès direct sur la rue, augmentant la visibilité de l’Institut.
En définitive, un réaménagement du Palais Lenzi a permis tout à la fois de tirer profit, sur le long terme, du bâtiment par une location partielle, tout en conservant un bien prestigieux et en valorisant la présence française à Florence.
Il me semble donc que la consultation préalable de la Commission nationale des cités et monuments historiques doit pouvoir pallier des ventes inconsidérées.
Je vous demande donc de bien vouloir voter cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Si la commission partage pleinement la préoccupation, telle que l’a évoquée Mme Lepage, de mieux encadrer les cessions de l’État, et s’inquiète de plusieurs ventes intervenues au cours des dernières années, la rédaction proposée dans le présent amendement semble malheureusement trop floue. En effet, le classement ou l’inscription au titre des monuments historiques ne vaut pas pour les immeubles situés hors du territoire de la France. Dès lors, comment entendre les mots de « patrimoine protégé ou présentant une valeur historique ou culturelle particulière » ? En l’état actuel, la commission ne peut, hélas, émettre un avis favorable sur cet amendement.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Même avis défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Lepage, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Claudine Lepage.
L'amendement n
Mme la présidente.
M. Jacques Legendre et Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mes chers collègues, l’un d’entre vous peut reprendre cet amendement s’il n’en est pas cosignataire.
Mme la présidente.
La parole est à M. Jacques Legendre.
L’obstacle qui a été évoqué, nous pourrons le faire disparaître si nous supprimons simplement les mots « protégé ou ». Un immeuble « présentant une valeur historique ou culturelle particulière », ce n’est pas un classement, tout en étant bien inclus dans la définition de ce que veut protéger notre collègue. Le terme « protégé », quant à lui, ne peut être valable que sur le territoire français.
M. Jacques Legendre.
C’est pourquoi je reprends cet amendement avec la suppression des termes susvisés, madame la présidente.
Je suis donc saisie d’un amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est également consultée sur tout projet de vente ou d’aliénation du patrimoine français situé à l’étranger présentant une valeur historique ou culturelle particulière.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Je voudrais simplement soutenir cette proposition, qui est une proposition de bon sens.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Comme ma collègue l’a rappelé, nous avons un excellent patrimoine, qui est un emblème de notre rayonnement au-delà des frontières. Nous y sommes très attachés et nous devons tout faire pour le garder chaque fois que cela sera possible. Cette proposition de ma collègue Claudine Lepage, reprise par mon collègue Legendre, est vraiment excellente et je voudrais essayer de convaincre la commission et le Gouvernement de la soutenir.
La reprise de l’amendement rouvre-t-elle une discussion, madame la présidente ?
M. David Assouline.
L’article 49, alinéa 6
Mme la présidente.
Oui, je le sais, madame la présidente.
M. David Assouline.
Vous m’avez posé une question, j’y réponds, monsieur Assouline, mais laissez-moi achever : « La discussion se poursuit à partir du point où elle était parvenue. »
Mme la présidente.
Ah, voilà !
M. David Assouline.
Donc, la discussion se poursuit, et je vous donne bien volontiers la parole, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Mon interrogation portait seulement sur le dernier point. Je ne savais pas, lorsqu’un amendement est repris, si cela rouvrait un temps de parole comme s’il s’agissait d’un nouvel amendement. C’est tout ! On en apprend tous les jours au Sénat sur les procédures…
M. David Assouline.
C’est vrai !
M. Jacques Legendre.
Quoi qu’il en soit, comme j’apprécie le consensus qui se dégage ici, je souhaite juste que l’amendement soit présenté par M. Legendre et par Mme Lepage.
M. David Assouline.
Malheureusement, ce ne sera pas possible, puisque Mme Lepage, signataire, l’avait retiré. Il ne s’agira donc que de l’amendement de M. Legendre.
Mme la présidente.
Je le reprends, madame la présidente !
M. Vincent Eblé.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous ne pouvez le reprendre une nouvelle fois, il a déjà été repris !
Mme la présidente.
Je n’étais pas signataire, madame la présidente, donc je souhaite pouvoir le reprendre avec mon collègue, s’il en est d’accord.
M. Vincent Eblé.
Nous discutons d’un amendement n
Mme la présidente.
Madame la présidente, si c’est possible, je souhaiterais que le nom de Mme Lepage y soit associé ; sinon, les débats que nous avons ici montreront bien que l’origine de cet amendement est double et que Mme Lepage en a la part initiale.
M. Jacques Legendre.
(Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Très bien !
Mme Éliane Assassi.
Malheureusement, le règlement ne le permet pas. Mais je reconnais là votre fair-play, monsieur Legendre.
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n
Je m’interroge sur une éventuelle modification de cet amendement, car il faudrait, après les termes « tout projet de vente ou d’aliénation du patrimoine français », ajouter les termes « de l’État ». Sinon, un amendement aussi flou que celui-ci pourrait laisser penser qu’après tout il y aurait une mainmise sur le bien en question. Il faut donc bien préciser que l’on parle de biens appartenant à l’État.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
À cette heure, je ne mesure vraiment pas les conséquences de cette disposition. Aussi, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Monsieur Legendre, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteur ? M. Assouline va être content : il s’agirait ainsi d’un amendement déposé par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, repris ensuite par M. Legendre et dont l’ultime rectification est suggérée par la commission. Cette solution est épatante, car elle devrait satisfaire tout le monde !
Mme la présidente.
(Sourires.)
Madame la présidente, je rectifie l’amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteur.
M. Jacques Legendre.
Vous voyez, il suffit de demander !
Mme la présidente.
(Nouveaux sourires.)
Il s’agit donc de l’amendement n
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est également consultée sur tout projet de vente ou d’aliénation du patrimoine français de l'État situé à l’étranger présentant une valeur historique ou culturelle particulière.
Madame la ministre, confirmez-vous l’avis défavorable du Gouvernement ?
Tout à fait, madame la présidente.
Mme Audrey Azoulay,
Oh là là !
M. Alain Fouché.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Très bien !
M. Alain Fouché.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Mme la présidente.
Incroyable unanimité !
M. Vincent Eblé.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut, à tout moment, intervenir dans le cadre de ses compétences mentionnées à l’article L. 631–5.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Lors du débat en commission, les sénateurs du groupe socialiste et républicain ont obtenu, à l’article 24, l’adoption d’un amendement tendant à rendre la Commission nationale compétente pour intervenir dans la gestion des cités historiques, en demandant la remise d’un rapport ou en émettant un avis sur l’état de conservation du site protégé considéré.
Mme Marie-Pierre Monier.
Ce rapport pourra être rédigé en interne, ou dans le cadre d’une mission d’inspection ou par toute personne publique ou privée mandatée par l’autorité compétente.
Nous avons également prévu que ces rapports et avis soient transmis au maire ou au président de l’EPCI. Cette transmission pourrait donner lieu à un débat au sein du conseil municipal ou du conseil communautaire s’agissant des communautés de communes ou des communautés d’agglomération.
À nos yeux, cette mission de contrôle permanent du patrimoine considéré, quelle que soit sa dénomination – cité historique, site patrimonial protégé, etc. –, est essentielle. Nous souhaitons donc que le présent article, détaillant les attributions de la Commission nationale, y fasse référence.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le présent amendement tend à ce que la Commission nationale puisse demander un rapport ou émettre un avis sur l’état de conservation des cités historiques. Or cette demande me semble satisfaite par l’article 24, tel qu’il est issu des travaux de la commission.
Mme Audrey Azoulay,
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
En conséquence, je suggère le retrait de cet amendement.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Monier, l’amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Marie-Pierre Monier.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
des membres
par les mots :
des représentants
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n
Il s’agit de prévoir que, au sein de la Commission nationale, les associations soient représentées par leurs représentants qui ont délégation, et non par des « membres » qui représentent l’association
Mme Caroline Cayeux.
intuitu personæ
L’amendement n
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n
Le présent amendement vise à ce que les associations puissent dépêcher, au sein de la Commission nationale, un « représentant » plutôt qu’un de leurs membres.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Madame Cayeux, je vous l’avoue, je n’ai pas découvert cet amendement sans surprise car la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale a été proposée par les associations de patrimoine elles-mêmes.
Au demeurant, le terme suggéré pourrait, me semble-t-il, susciter une confusion. Le représentant légal d’une association ne peut en aucun cas être son président.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Même avis défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Cayeux, l’amendement n
Mme la présidente.
Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme Caroline Cayeux.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Pour ma part, je comprends l’esprit qui sous-tend cet amendement. Il faut envisager le cas d’associations plus ou moins bien structurées, s’apparentant à des collectifs. Placé dans une situation délicate, un membre d’une telle association peut prétendre qu’il ne peut voter, puisqu’il n’en a pas le mandat ! Aussi, il est bon que des représentants précis soient mandatés.
M. Jean-Claude Requier.
Mais c’est bien le cas !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Voilà pourquoi je voterai le présent amendement.
M. Jean-Claude Requier.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après les mots :
des représentants de l'État,
insérer les mots :
des membres des services patrimoniaux des collectivités territoriales,
La parole est à M. Antoine Karam.
Les membres des services patrimoniaux des collectivités territoriales semblent rester absents de ce dispositif. Or leur représentation a son importance sur les plans politique et technique. Il convient donc de l’assurer !
M. Antoine Karam.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Mon cher collègue, les craintes que vous exprimez à travers cet amendement nous semblent infondées : les commissions régionales du patrimoine et des sites, à l’instar des commissions départementales des objets mobiliers, dont les nouvelles commissions régionales devraient reprendre les attributions, sont aujourd’hui composées, en application d’une liste fixée par voie réglementaire, de plusieurs personnes travaillant dans le domaine du patrimoine au sein des collectivités territoriales.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Dès lors, je me tourne vers Mme la ministre, pour qu’elle me confirme si le texte de la commission répond d’ores et déjà à ces préoccupations.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement a la même lecture que la commission de ces dispositions. Il émet donc un avis défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
Monsieur Karam, l’amendement n
Mme la présidente.
Ayant l’assurance que les représentants des services des collectivités territoriales seraient bien présents au sein de ces instances, je retire mon amendement, madame la présidente.
M. Antoine Karam.
L’amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La commission régionale du patrimoine et de l'architecture est présidée par une personne titulaire d'un mandat électif.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Composées des représentants de l’État, d’élus, de membres d’associations et de fondations, les commissions régionales du patrimoine et de l’architecture doivent, comme la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, être présidées par un élu. Il s’agit de sauvegarder l’indépendance de décision de ces nouvelles instances.
M. Jean-Claude Requier.
Très bien !
M. Alain Fouché.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Monsieur Requier, ces dispositions s’inscrivent dans la droite ligne de nos travaux de commission, qui ont conduit à confier la présidence de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture à un député ou à un sénateur.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Cela étant, il nous paraît important de rectifier cet amendement, afin de préciser que le président de la commission régionale est une personne titulaire d’un mandat électif et qui est membre de cette commission.
C’est préférable !
M. Alain Fouché.
Sous réserve de cette modification, la commission émet un avis favorable.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Monsieur Requier, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteur ?
Mme la présidente.
Bien sûr, et je rectifie donc ainsi cet amendement, madame la présidente.
M. Jean-Claude Requier.
Je suis donc saisie d’un amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La commission régionale du patrimoine et de l'architecture est présidée par une personne titulaire d'un mandat électif qui en est membre.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
L’avis est défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
M. Alain Fouché.
La Commission nationale sera bien présidée par un élu, mais le Gouvernement n’est pas favorable à ce que tel soit le cas à l’échelle régionale.
Mme Audrey Azoulay,
C’est bien dommage !
M. Alain Fouché.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
Mme la présidente.
M. Requier a raison : mieux vaut confier ces fonctions à un élu qu’à un représentant de l’État, qui sera aux ordres de je ne sais qui. Un élu est beaucoup plus indépendant. Les représentants de l’État, eux, ne sont pas indépendants,…
M. Alain Fouché.
Quelle défiance envers l’État !
M. David Assouline.
… et ce quel que soit l’État !
M. Alain Fouché.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Compléter cet alinéa par les mots :
, et des réserves de biosphère classées sur la liste « MAB and Biosphere » établie par le Conseil international de coordination du programme sur l’homme et la biosphère de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
À travers cet amendement, nous proposons d’inscrire au titre du présent article la réserve MAB, man and biosphere, classée par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je le sais, en voyant le mot « biosphère », la commission a immédiatement brandi son carton rouge en déclarant : « Nous ne débattons pas du projet de loi de biodiversité ! »
(Sourires au banc des commissions.)
M. Jean-Claude Requier.
Bref, mes chers collègues, votez pour ou contre cet amendement, mais n’allez pas croire qu’il a pour objet la biodiversité. Surtout, que ces dispositions ne suscitent aucun contresens ! Le classement en question n’aura jamais sa place dans un texte de loi relatif à l’environnement.
Mme Marie-Christine Blandin.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Madame Blandin, avant d’entendre vos explications, nous pensions effectivement – j’emploie bien l’imparfait – que ces dispositions relevaient davantage du code de l’environnement que du code du patrimoine.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Néanmoins, à ce stade de la discussion, je suis un peu troublée par votre intervention. Aussi, la commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame la sénatrice, je comprends bien la préoccupation exprimée
Mme Audrey Azoulay,
(Mme Marie-Christine Blandin opine.)
Si j’ai bien compris, l’avis du Gouvernement est défavorable, madame le ministre.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Je me réjouis de la nouvelle écoute dont bénéficie cet amendement. Je le dis à mon tour : ce sujet n’est en rien une lubie d’écologistes, et il tient extrêmement à cœur à de très nombreuses associations et à un certain nombre de professions, dont celle de paysagiste. Dans le cadre de leurs enseignements, les écoles de paysagistes abordent bel et bien le classement dont il s’agit, au titre de la culture.
Mme Corinne Bouchoux.
Ne balayons pas cette proposition, ce qui reviendrait à en perdre le fil et à la réduire à néant. Je conçois que l’on puisse s’y opposer, mais elle présente un réel intérêt. Je souligne que cette question compte d’ardents défenseurs de tous bords. Peut-être quelqu’un, de l’autre côté de l’hémicycle, va-t-il voler à mon secours !
La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote, et pour éventuellement voler au secours de Mme Bouchoux…
Mme la présidente.
(Sourires.)
Je trouve cet amendement sympathique, dans la mesure où il télescope une loi, à savoir la loi sur l’eau, qui devient une calamité pour le patrimoine historique, en particulier des cours d’eau. En effet, à cause de ce texte, qui impose le retour des rivières et des plans d’eau à leur trajet historique, on voit constamment sur notre territoire des moulins ou des déversoirs du XIII
M. Alain Houpert.
Le grand Buffon, né à Montbard, donc qui est Bourguignon comme moi, avait coutume de dire que « la nature est cultivée ». Pour ma part, je dis qu’elle a été maîtrisée par nos ancêtres, et je soutiendrai ce rapport, que je trouve, je le répète, sympathique. La biosphère ne vient pas que de la préhistoire ; elle a aussi été créée par l’homme.
La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’interviens rarement sur la biosphère
M. Jacques Legendre.
(Sourires.),
(Mmes Corinne Bouchoux et Marie-Christine Blandin opinent.)
Si nous ne le votons pas, je crains que ce problème ne soit définitivement évacué.
(Mme Corinne Bouchoux opine de nouveau.)
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Je voudrais apporter un élément complémentaire, qui ne va pas faciliter notre choix, mais qui va sans doute faciliter l’avis de la commission.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
La mention des réserves de biosphère au sein du présent alinéa nécessiterait d’élaborer une zone tampon et un plan de gestion. Avez-vous mesuré cela, madame Blandin ? Cela correspond-il aux demandes en matière de protection de ces espaces ?
Pour le coup, je me dois finalement de donner un avis défavorable.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Je suis interpellé par le fait d’inscrire dans le droit français, cher collègue Jacques Legendre, l’expression « MAB and Biosphere ».
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Entre guillemets !
M. Yves Détraigne.
(Nouveaux sourires.)
C’est en effet cela que l’on va inscrire dans le code du patrimoine.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Alinéa 24, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les documents d’urbanisme des collectivités territoriales concernées sont conformes au plan de gestion et respectent le périmètre de la zone tampon afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du bien et la préservation de sa valeur universelle exceptionnelle.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Le texte résultant des travaux de la commission indique que « le périmètre de la zone tampon et le plan de gestion sont pris en compte dans les documents d’urbanisme des collectivités ».
Mme Sylvie Robert.
Or, s’agissant de biens inscrits à l’UNESCO, les documents d’urbanisme des collectivités ne peuvent entrer en contradiction avec la zone tampon ou le plan de gestion sans méconnaître les obligations internationales qui s’imposent à l’État en matière de protection du patrimoine mondial. Il convient donc, et c’est l’objet de notre amendement, de prévoir une réelle conformité de ces documents avec le périmètre et le plan de gestion.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à imposer que les documents d’urbanisme soient conformes au plan de gestion et respectent le périmètre de la zone tampon.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il va plus loin que le texte proposé par la commission, qui évoque la seule nécessité d’une prise en compte.
La notion de conformité peut poser problème. Si on l’imposait, le document d’urbanisme pourrait devenir immédiatement illégal, dans le cas où des modifications seraient nécessaires.
Il faudrait alors prévoir que cette obligation de conformité emporte en parallèle révision, le cas échéant, des documents d’urbanisme. Compte tenu de la lourdeur des procédures de révision, il me semble qu’une disposition aussi contraignante pourrait se révéler problématique.
La commission a donc émis un avis défavorable, préférant s’en tenir à sa propre rédaction, qui paraît plus équilibrée.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Même avis défavorable.
Mme Audrey Azoulay,
Madame Robert, l’amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Sylvie Robert.
L’amendement n
Mme la présidente.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote sur l'article.
Je souhaite revenir sur l’amendement qui vient d’être retiré. Je demande à Mme la rapporteur et à Mme la ministre de profiter de la navette pour revoir cette question. Il y a une incompréhension totale sur ce qu’est le plan de gestion, que vous intégrez dans les documents d’urbanisme.
M. Philippe Bonnecarrère.
Le plan de gestion n’est pas un acte normatif. Il y a une incompréhension sur la constitution des dossiers en cette matière. Ce qui est normatif, c’est la décision prise entre l’État et la convention mondiale, lorsque l’on définit une valeur universelle exceptionnelle. C’est cet élément qui vaut engagement pour l’État français. Le plan de gestion c’est un document que nos collectivités établissent, mais qui est très général, ayant un caractère intentionnel. Je vous assure qu’il n’a aucun caractère normatif.
Pour prendre un seul exemple, dans un plan de gestion sont évoquées les conditions d’entretien ou de nettoyage de votre site. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de prévoir dans nos documents d’urbanisme s’il faut nettoyer une fois, deux fois, trois fois ou quatre fois par semaine. Je caricature un peu, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mais je vous suggère de retravailler pendant la navette ce qui, effectivement, doit entrer dans nos documents d’urbanisme, c’est-à-dire ce qui a un caractère normatif.
Je mets aux voix l'article 23, modifié.
Mme la présidente.
(L'article 23 est adopté.)
Madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il est dix-neuf heures vingt-cinq. Si vous en êtes d’accord, je vous propose de commencer l’examen de l’article 24, sachant que nous n’irons évidemment pas au bout, puisque je serai obligée de lever la séance à vingt heures au plus tard, pour reprendre l’examen du projet de loi sans doute mardi prochain, à quatorze heures trente.
Mme la présidente.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
I. – Le titre II du livre VI du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 621-5, au deuxième alinéa de l’article L. 621-6, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 621-12 et à la seconde phrase de l’article L. 622-3, les mots : « Commission nationale des monuments historiques » sont remplacés par les mots : « Commission nationale du patrimoine et de l’architecture » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 621-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, à un immeuble classé ou à une partie d’immeuble classée au titre des monuments historiques ne peuvent en être détachés sans autorisation de l’autorité administrative. » ;
3° Après le deuxième alinéa de l’article L. 621-27, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, à un immeuble inscrit ou à une partie d’immeuble inscrite au titre des monuments historiques ne peuvent en être détachés sans autorisation de l’autorité administrative. » ;
4° La section 4 du chapitre I
« Section 4
Art. L. 621-30
« La protection au titre des abords a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.
« II. – La protection au titre des abords s’applique, sur décision de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, à tout immeuble, bâti ou non bâti :
« 1° Visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci ;
« 2° Ou situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.
« La protection au titre des abords s’applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d’un immeuble partiellement protégé.
« La protection au titre des abords n’est pas applicable aux immeubles ou parties d’immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d’un site patrimonial protégé classé en application des articles L. 631-1 et L. 631-2.
« Les servitudes d’utilité publique instituées en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords.
(Supprimé)
Art. L. 621-31
« À défaut d’accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, la décision est prise soit par l’autorité administrative, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, lorsque le périmètre ne dépasse pas la distance de cinq cents mètres à partir d’un monument historique, soit par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, lorsque le périmètre dépasse la distance de cinq cents mètres à partir d’un monument historique.
« Lorsque le projet de périmètre délimité des abords est instruit concomitamment à l’élaboration, à la révision ou à la modification du plan local d’urbanisme, du document d’urbanisme en tenant lieu ou de la carte communale, l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale diligente une enquête publique unique portant à la fois sur le projet de document d’urbanisme et sur le projet de périmètre délimité des abords.
« Les enquêtes publiques conduites pour l’application du présent article sont réalisées dans les formes prévues au chapitre III du titre II du livre I
« Le périmètre délimité des abords peut être modifié dans les mêmes conditions.
Art. L. 621-32
« L’autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d’un monument historique ou des abords.
« Lorsqu’elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l’urbanisme ou au titre du code de l’environnement, l’autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues à l’article L. 632-2 du présent code. » ;
5° L’article L. 621-33 est ainsi rédigé :
Art. L. 621-33
« En cas d’urgence, l’autorité administrative met en demeure l’auteur du manquement de prendre, dans un délai qu’elle détermine, les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration, la dégradation et la destruction des biens concernés.
« L’acquisition d’un fragment d’immeuble protégé au titre des monuments historiques ou d’un effet mobilier détaché en violation des articles L. 621-9 ou L. 621-27 est nulle. L’autorité administrative et le propriétaire originaire peuvent exercer les actions en nullité ou en revendication dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle ils ont eu connaissance de l’acquisition. Elles s’exercent sans préjudice des demandes en dommages-intérêts qui peuvent être dirigées soit contre les parties contractantes solidairement responsables, soit contre l’officier public qui a prêté son concours à l’aliénation. Lorsque l’aliénation illicite a été consentie par une personne publique ou par un établissement d’utilité publique, cette action en dommages-intérêts est exercée par l’autorité administrative au nom et au profit de l’État.
« L’acquéreur ou le sous-acquéreur de bonne foi entre les mains duquel l’objet est revendiqué a droit au remboursement de son prix d’acquisition. Si la revendication est exercée par l’autorité administrative, celle-ci a recours contre le vendeur originaire pour le montant intégral de l’indemnité qu’il aura dû payer à l’acquéreur ou au sous-acquéreur. » ;
6° Le chapitre I
« Section 6
« Domaines nationaux
« Définition, liste et délimitation
Art. L. 621-34
« Ces biens ont vocation à être conservés et restaurés par l’État dans le respect de leur caractère historique, artistique, paysager et écologique.
Art. L. 621-35
« Ils peuvent comprendre des biens immobiliers appartenant à l’État, à des collectivités territoriales, à des établissements publics ou à des personnes privées.
« Protection au titre des monuments historiques
Art. L. 621-36
Art. L. 621-37
« Elles sont inconstructibles, à l’exception des bâtiments strictement nécessaires à leur entretien et à leur visite par le public.
Art. L. 621-38
« Sous-section 2
« Droit de préemption
(Division et intitulé nouveaux)
Art. L. 621–38–1. –
« Un décret définit les modalités d’application du présent article.
« Gestion des parties des domaines nationaux appartenant à l’État
Art. L. 621-39
7° Après l’article L. 622-1, sont insérés des articles L. 622-1-1 et L. 622-1-2 ainsi rédigés :
Art. L. 622-1-1
« Cet ensemble ne peut être divisé ou aliéné par lot ou pièce sans autorisation de cette autorité.
« Les effets du classement s’appliquent à chaque élément de l’ensemble historique mobilier classé et subsistent pour un élément s’il est dissocié de l’ensemble. Toutefois, lorsque l’élément dissocié ne bénéficie pas d’un classement en application de l’article L. 622-1, les effets du classement peuvent être levés pour cet élément par l’autorité administrative.
Art. L. 622-1-2. –
« Le déplacement de cet objet mobilier ou de tout ou partie de cet ensemble historique mobilier classé est subordonné à une autorisation de l’autorité administrative.
« La servitude de maintien dans les lieux peut être prononcée en même temps que la décision de classement des objets mobiliers ou de l’ensemble historique mobilier, ou postérieurement à celle-ci. » ;
8° À la première phrase de l’article L. 622-3, après le mot : « administrative, », sont insérés les mots : « après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, » ;
9° L’article L. 622-4 est ainsi modifié :
10° Après l’article L. 622-4, il est inséré un article L. 622-4-1 ainsi rédigé :
Art. L. 622-4-1
« En cas de désaccord, le classement d’office est prononcé par décret en Conseil d’État, sous les mêmes conditions et dans les mêmes formes que celles prévues à l’article L. 622-4. » ;
11° Le chapitre IV est abrogé.
II. – Le titre III du livre VI du code du patrimoine est ainsi rédigé :
« TITRE III
« SITES PATRIMONIAUX PROTÉGÉS
« CHAPITRE I
« Classement au titre des sites patrimoniaux protégés
Art. L. 631-1
« Peuvent être classés, au même titre, les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur.
« Le classement au titre des sites patrimoniaux protégés a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.
Art. L. 631-2
« À défaut d’accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, le site patrimonial protégé est classé par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture.
« L’acte classant le site patrimonial protégé en délimite le périmètre.
« Le périmètre d’un site patrimonial protégé peut être modifié dans les mêmes conditions.
« Les enquêtes publiques conduites pour l’application du présent article sont réalisées dans les formes prévues au chapitre III du titre II du livre I
Art. L. 631-3
« Sur les parties du site patrimonial protégé non couvertes par un plan de sauvegarde et de mise en valeur, un plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine est établi dans les conditions prévues à l’article L. 631-4 du présent code.
« L’État apporte son assistance technique et financière à l’autorité compétente pour l’élaboration et la révision du plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine.
« Dans son avis rendu en application des premier et deuxième alinéas de l’article L. 631-2, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture indique le document d’urbanisme permettant, sur tout ou partie du périmètre, la protection, la conservation et la mise en valeur effectives du patrimoine culturel. Elle peut assortir son avis de recommandations et d’orientations.
(Supprimé)
« Elle est consultée sur le projet de plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine et, le cas échéant, sur le projet de plan de sauvegarde et de mise en valeur et assure le suivi de sa mise en œuvre après son adoption. Dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux, elle peut être consultée par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation sur tout projet d’opération d’aménagement, de construction ou de démolition, notamment lorsque celui-ci nécessite une adaptation mineure du plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine ou du plan de sauvegarde et de mise en valeur.
« Elle peut également proposer la modification ou la mise en révision du plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine ou du plan de sauvegarde et de mise en valeur ».
Art. L. 631-4 (nouveau).
« 1° Un rapport de présentation des objectifs du site patrimonial protégé, fondé sur un diagnostic comprenant un inventaire du patrimoine et des éléments paysagers sur le périmètre couvert par le plan ;
« 2° Un règlement comprenant des prescriptions relatives :
« 3° Un document graphique faisant apparaître le périmètre couvert par le plan, une typologie des constructions, les immeubles protégés, bâtis ou non, dont la conservation, la restauration, la mise en valeur ou la requalification est imposée et, le cas échéant, les conditions spéciales relatives à l’implantation, à la morphologie, aux dimensions des constructions et aux matériaux du clos et couvert.
« II. – Le projet de plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine est arrêté par l’organe délibérant de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale.
« Le plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, dont le projet est arrêté par l’organe délibérant de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, est adopté par le même organe, après enquête publique, avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, consultation des personnes mentionnées à l’article L. 132-7 et L. 132-9 du code de l’urbanisme et accord de l’autorité administrative.
« Lorsqu’il n’est pas compatible avec le plan local d’urbanisme et, s’il existe, le projet de d’aménagement et de développement durables, il ne peut être adopté avant d’avoir été mis en compatibilité selon la procédure définie aux articles L. 153-54 à L. 153-59 du même code.
« Lorsque le projet de plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine est instruit concomitamment à l’élaboration, la révision ou la modification du plan local d’urbanisme, du document en tenant lieu ou de la carte communale, l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale diligente une enquête publique portant à la fois sur le projet de document d’urbanisme et sur le projet de plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine.
« Le plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine est annexé au plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151–43 dudit code.
« III. – La révision du plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine a lieu dans les mêmes conditions que celles prévues au II du présent article.
« Le plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine peut également être modifié lorsqu’il n’est pas porté atteinte à l’économie générale de ses dispositions relatives à la protection du patrimoine bâti et des espaces. La modification est prononcée, après enquête publique, consultation de l’architecte des Bâtiments de France puis accord de l’autorité administrative, par délibération de l’organe délibérant de l’autorité mentionnée au deuxième alinéa du même II.
« La modification de l’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine emporte, le cas échéant, la modification du plan local d’urbanisme.
Art. L. 631–5
« CHAPITRE II
« Régime des travaux
Art. L. 632-1
« L’autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial protégé.
Art. L. 632-2
« En cas de silence de l’architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné.
« L’autorisation délivrée énonce, le cas échéant, les prescriptions motivées auxquelles le demandeur doit se conformer.
« II. – En cas de désaccord avec l’architecte des Bâtiments de France, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l’autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. En cas de silence, l’autorité administrative est réputée avoir approuvé ce projet de décision.
« III. – Un recours peut être exercé par le demandeur à l’occasion du refus d’autorisation de travaux. Il est alors adressé à l’autorité administrative, qui statue. En cas de silence, l’autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation.
« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
Art. L. 632-3
« Les servitudes d’utilité publique instituées en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement ne sont pas applicables aux immeubles situés dans le périmètre d’un site patrimonial protégé.
« CHAPITRE III
« Dispositions fiscales
Art. L. 633-1
« II. – Les règles fiscales relatives à la réduction d’impôt dont peuvent bénéficier les personnes propriétaires d’un immeuble situé en site patrimonial protégé pour lequel une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1
La parole est à Mme la ministre, sur l’article.
Mme la présidente.
J’évoquais tout à l’heure les points sur lesquels nous pouvions nous retrouver et ceux sur lesquels nous étions un peu éloignés, et c’est le cas de vos propositions sur les abords.
Mme Audrey Azoulay,
Je tiens à préciser qu’il n’a jamais été question, pour le Gouvernement, de mettre fin à la règle actuelle. L’amendement du Gouvernement le rappelle : nous avons affirmé clairement le maintien de la règle des 500 mètres, mais seulement en l’absence de périmètre délimité.
Il me semble en effet que le périmètre spécifique à chaque monument, proposé et défini par l’architecte des Bâtiments de France, ou ABF, est un atout important qui permet une protection tenant compte des spécificités locales, que l’ABF connaît bien.
Cette disposition permet également de mettre fin à la règle de la covisibilité, qui n’est pas forcément très bien comprise, et qui peut même parfois être vue comme une source de traitement inéquitable.
Vous doutez de la pertinence du périmètre délimité ou du périmètre « intelligent », que nous souhaitons instaurer comme règle de droit commun, et vous souhaitez permettre à la commune ou à l’intercommunalité de choisir entre la règle habituelle des 500 mètres et de la covisibilité, ou le nouveau périmètre délimité.
Ce qui me paraît gênant dans votre proposition, c’est qu’il n’y a plus de règle de droit commun, et il y a potentiellement des conflits pour des monuments historiques qui sont à cheval sur plusieurs territoires ou plusieurs collectivités, qui ne seraient pas forcément d’accord sur la règle à appliquer.
Il me semble donc important de maintenir une règle de droit commun.
La proposition du Gouvernement ne méconnaît pas l’avis des collectivités locales concernées, puisque le nouveau périmètre délimité ne peut être créé qu’avec l’accord de la commune ou de l’intercommunalité.
Telles sont les précisions que je souhaitais porter à la connaissance de la Haute Assemblée avant de commencer le débat sur cet article.
La parole est à Mme la rapporteur, sur l’article.
Mme la présidente.
Avec l’article 24, nous allons aborder l’une des dispositions phares du projet de loi, mais aussi l’une des plus sujettes à discussion – vous venez de le dire, madame la ministre –, à en juger par le nombre d’amendements déposés : la réforme des espaces protégés.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il faut bien admettre que la perspective de la fin du délai de transformation des ZPPAUP l’été prochain n’imposait pas, à première vue, une réforme d’une telle ampleur.
Néanmoins, il faut aussi reconnaître que cette réforme apporte une simplification et une clarification tout à fait bienvenues sur plusieurs points, sur lesquels la commission n’a par conséquent pas jugé opportun de revenir. Distinction plus nette entre les protections au titre du code du patrimoine et du code de l’environnement, modernisation et alignement des régimes de travaux, suppression des chevauchements de servitudes d’utilité publique sont autant d’évolutions qui devraient permettre d’apporter de la lisibilité pour nos concitoyens.
La commission s’est efforcée de s’inscrire dans cette logique de simplification, sans remettre en cause le haut niveau de protection du patrimoine de notre législation et en gardant constamment à l’esprit la nécessité de préserver les intérêts des collectivités territoriales. Ces dernières ont largement manifesté leur besoin d’être mieux accompagnées, et c’est à cet effet que nous avons abandonné le recours au PLU au profit d’un document plus proche de celui du règlement des AVAP, renforcé le rôle de la Commission nationale ou rétabli l’élaboration conjointe du plan de sauvegarde et de mise en valeur.
L’article 24 présente aujourd’hui un équilibre entre la nécessaire protection du patrimoine, l’enjeu de simplification et de lisibilité des normes applicables en ce domaine et les intérêts des collectivités territoriales. Je forme l’espoir que nos travaux restent guidés par une même logique et ne viennent pas bouleverser l’équilibre que nous avons atteint, et qui a reçu, madame la ministre, des échos très très positifs.
La parole est à M. Alain Fouché, sur l'article.
Mme la présidente.
Je souhaite simplement attirer l’attention sur la portée des avis dits conformes des architectes des Bâtiments de France, les ABF.
M. Alain Fouché.
En effet, je pense qu’il devient urgent que le Gouvernement travaille à une réforme du fonctionnement des ABF. Il est un fait que leur pouvoir est prépondérant dans les domaines des permis de construire ou de travaux, un pouvoir bien supérieur à celui des premiers magistrats des communes.
Leurs préconisations doivent naturellement être prises en compte dans les choix et les accords qui sont donnés. Toutefois, je voudrais, comme bon nombre de maires, que cet avis soit non plus conforme, mais seulement consultatif, particulièrement pour les travaux n’ayant qu’un impact limité sur l’aspect extérieur des bâtiments situés dans un périmètre protégé, et souvent non visible, sans compter que les décisions rendues sont très souvent arbitraires et divergentes d’un département à un autre, d’une commune à une autre, comme on peut le voir dans de nombreuses situations, et même entre deux architectes successifs.
Globalement, les maires font face à des tracasseries quotidiennes et permanentes. Au-delà des difficultés financières dues à la baisse des dotations, beaucoup de normes, de contraintes et de freins rendent la gestion communale compliquée. Le Sénat, chambre des communes, est là pour leur rendre la vie plus facile.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le choix des entreprises qui interviennent sur ce type de travaux, il est assez limité, car elles doivent répondre à un certain nombre de contraintes souhaitées soit par les ABF, soit par les architectes des monuments historiques. Par conséquent, ce sont très souvent les mêmes entreprises qui bénéficient des chantiers après avoir obtenu le « label » de l’architecte. Il s’agit d’une vraie nébuleuse qui pose question. Sur quels critères sont-elles choisies ? Quelle est la réglementation en la matière ?
Celles qui n’ont pas ce label ne peuvent prétendre à ces travaux.
Il y a donc deux poids, deux mesures, madame la ministre.
Nous devons être pragmatiques dans nos décisions et introduire de la souplesse et de la vérité dans les procédures, en rendant aux maires leur rôle de décideurs en dernier ressort dans leur commune pour certains dossiers.
J’insiste sur les consultations des entreprises car ce sont bien souvent les mêmes entreprises qui tournent. Il y a quelque chose qui n’est pas clair, et il faut véritablement être attentif car les maires sont las de ces tracasseries de tous les jours. Si vous faites un sondage sur ce point, les résultats seront éloquents.
(Mme Caroline Cayeux et M. Michel Magras applaudissent.)
La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
Mme la présidente.
Ce débat démontre clairement l’apport du travail parlementaire et l’écoute du Gouvernement. Sur ce qui a longuement été débattu à l’Assemblée nationale, les choses ont bougé dans un climat d’écoute mutuelle. Au Sénat, sur le fond, la tonalité a été à peu près la même.
M. David Assouline.
Nous sentions déjà une inflexion du Gouvernement : il n’était pas possible de laisser la main aux seules municipalités, avec les risques d’abus ou des décisions dans lesquelles l’État était totalement évincé.
Cet équilibre, nous espérons le retrouver lors de la discussion des amendements. Nous remercions, en tout cas, le Gouvernement d’avoir fait preuve d’ouverture.
Tout à l’heure, à l’issue du débat pour choisir entre « les sites patrimoniaux protégés » et « les cités historiques », divergence d’appellation qui semblait le point de blocage majeur, nous avons salué par des applaudissements la décision prise par Mme la ministre, qui a accepté en séance de retirer son amendement. Elle a ainsi permis au Parlement d’apporter sa contribution à la rédaction du projet de loi.
Cette attitude mérite d’être soulignée, car elle annonce une poursuite de la discussion dans un climat constructif. Nous allons finalement surmonter ce qui paraissait être des points de discorde pour débattre les uns avec les autres, dans l’écoute du Gouvernement, et pour apporter au texte l’enrichissement du travail parlementaire.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme la présidente.
Nous considérons, au groupe communiste, républicain et citoyen, qu’un bâtiment protégé pour sa qualité architecturale et son importance historique appartient non à la collectivité dans laquelle il se trouve, mais au pays dans son intégralité. C’est pour cette raison que nous déplorons le recul de l’État opéré dans la version originale du texte.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
On pourrait ajouter un certain nombre d’arguments plus pragmatiques.
Les collectivités territoriales ont-elles toutes les moyens humains suffisants pour réunir des compétences patrimoniales ? Nous ne le pensons pas.
Est-il de leur seule responsabilité de veiller à la protection du patrimoine ? Nous ne le pensons pas non plus.
C’est dans cette optique que nous proposerons un certain nombre d’amendements pour permettre à toutes les personnes intéressées une participation au processus de protection des monuments.
Par ailleurs, je regrette que le Gouvernement se soit lancé dans une réforme du régime de protection, alors même que certaines collectivités viennent tout juste d’intégrer le dispositif précédent et que les premières observations montrent que le système fonctionne globalement bien.
Concernant la réforme des abords, il nous semble préjudiciable de revenir sur le caractère automatique de la zone des abords, pourtant déjà adaptable en fonction des circonstances. Nous le comprenons d’autant moins que le dispositif actuel semblait satisfaire aux exigences de protection du patrimoine.
Ce qu’il nous apparaît, c’est qu’une certaine logique urbanistique prend le pas sur la logique patrimoniale. Le renforcement du pouvoir du maire en matière d’abords le place dans une situation de juge et partie, d’autant plus dans la période tendue que nous connaissons en matière de logements.
Pour finir, j’évoquerai les architectes des Bâtiments de France. Je crains que le débat qui s’ouvre à ce propos à partir de l’article 24 ne soit un prétexte pour les fragiliser les architectes des Bâtiments de France. Certes, comme vous, je pense qu’ils ne sont pas exempts de tout reproche.
C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Alain Fouché.
Cependant, ils montrent des compétences de plus en plus affirmées. Dans le même temps – peut-être est-ce là que réside l’un des problèmes – leur nombre a diminué au fur et à mesure des années.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme la présidente.
Si une nouvelle fois, nous pouvons entendre qu’une réflexion soit entreprise sur une réforme du corps des ABF, il nous apparaît injuste de le faire ainsi, alors même qu’ils sont deux cents et gèrent près de 44 000 monuments !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme la présidente.
L’article 24 est réellement le cœur du volet « patrimoine » de cette loi.
Mme Marie-Pierre Monier.
Cet article est riche. Il contient de nombreuses dispositions qui concernent nos territoires, la gestion de leur patrimoine
Nous avons la conviction que pour mieux protéger le patrimoine il faut simplifier, clarifier, apporter plus de cohérence, tant sur le fond que sur la forme.
En ce sens, l’objectif est clairement de mieux identifier les enjeux patrimoniaux
Certains sujets abordés en commission ont fait l’objet d’un assez large consensus, avec des avancées notables, je pense notamment à la création de commissions locales ou à la Commission nationale, qui voit ses pouvoirs élargis.
À travers nos amendements, nous allons renforcer et préciser ces dispositions qui vont dans le bon sens, de manière constructive.
Quelques points de divergence sont apparus.
Tel est le cas de la question des abords : le périmètre dit « intelligent » délimité au cas par cas doit être réaffirmé. La nouvelle rédaction laisse les maires en première ligne sur cette question. Nous pensons, au contraire, que l’ABF doit rester maître d’œuvre en matière de tracé des abords.
Autre point de désaccord, la dénomination « cité historique », sur lequel je ne reviens pas.
S’agissant des domaines nationaux, nous n’approuvons pas le texte de la commission, qui limite drastiquement la constructibilité. Parce qu’elle tend à « figer » ces domaines, cette rédaction nous paraît inopportune.
Je tiens vraiment à saluer, après David Assouline et d’autres, l’évolution du Gouvernement sur le PLU patrimonial, qui était vraiment une grande préoccupation. Nous nous félicitons que vous en ayez tenu compte, madame la ministre.
Des questions importantes ont également été soulevées par cet article. Nous y reviendrons le moment venu. Je pense à la question de l’intercommunalité, qui ne doit pas affaiblir la volonté de protection patrimoniale de tel ou tel maire.
Dans tous les cas, nous souhaitons que l’État, par ses instances nationales et régionales, accompagne au mieux les maires et apporte une garantie nationale avec une assistance concrète sur les territoires. Ce point a été longuement abordé pendant nos travaux et nos auditions. Nous y avons été très sensibles.
Madame la ministre, compte tenu des contraintes de temps que vous savez, il serait préférable de ne pas entamer la discussion de votre amendement ce soir et de lever la séance.
Mme la présidente.
(Mme la ministre fait un signe d’assentiment.)
Mes chers collègues, nous avons examiné 110 amendements au cours de la journée ; il en reste 198.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 12 février 2016, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant :
Mme la présidente.
- sur l’article LO. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie (
Imposition sur le revenu des personnes mariées n’ayant pas toutes deux leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie
- sur l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme (
Principes d’aménagement et de protection en zone de montagne
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mardi 16 février 2016 de la suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Mme la présidente.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, je vais vous donner lecture de l’ordre du jour du mardi 16 février 2016.
Mardi 16 février 2016 :
À quatorze heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Texte de la commission (n
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq, le soir et la nuit :
Nouvelle lecture du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n
Résultat des travaux de la commission (n
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Texte de la commission (n
La conférence des présidents pourra se réunir le mardi 16 février, en fin de matinée, pour examiner l’ordre du jour de la fin de la semaine gouvernementale du 15 février 2016 et fixer la date du scrutin solennel sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je vais lever la séance.
Je vous souhaite à toutes et à tous une bonne soirée. Madame la ministre, nous savons où vous allez vous rendre. Donc, bon baptême du feu !
(Sourires.)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
(En application de l'article premier de l'ordonnance n
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
(En application de l'article premier de l'ordonnance n
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
(En application de l'article premier de l'ordonnance n
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
(En application de l'article premier de l'ordonnance n
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
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DEBATS/SEN_20160212_016.xml | M. le président
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Discussion générale :
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie
M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Mme Leila Aïchi
M. Jean-Claude Requier
M. Jean-Marie Bockel
M. Michel Billout
M. Jeanny Lorgeoux
M. Jacques Legendre
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
M. Alain Gournac
Adoption de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense. – Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité. – Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.
Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense. – Adoption du projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n
Amendements identiques n
Adoption de l’article.
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
M. François Fortassin ; M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. François Fortassin.
Mme Leila Aïchi ; M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; Mme Leila Aïchi.
M. Éric Bocquet ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Éric Bocquet.
Mme Patricia Schillinger ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. Michel Canevet ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Canevet.
M. Michel Vaspart ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Vaspart.
M. Maurice Vincent ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Mme Nathalie Goulet ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
M. André Reichardt ; Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire ; M. André Reichardt.
M. Gaëtan Gorce ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
M. Hugues Portelli ; Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
M. Philippe Dominati ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur ; M. Philippe Dominati.
M. Jean Louis Masson ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; M. Jean Louis Masson.
Mme la présidente
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mes chers collègues, nous venons d’apprendre une nouvelle terrible : six personnes ont été tuées ce matin dans un accident entre un bus scolaire et un poids lourd à Rochefort, en Charente-Maritime.
M. le président.
Hier, deux adolescents avaient trouvé la mort dans le Doubs au cours d’un accident frappant aussi un car scolaire.
Mes pensées vont aux victimes, et j’adresse les sincères condoléances du Sénat tout entier aux familles, aux proches des victimes ainsi qu’à la communauté scolaire.
L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
M. le président.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.
(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont introduits dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
Monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général, c’est avec un grand plaisir que nous vous accueillons ce matin pour la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes.
M. le président.
Les liens à la fois anciens et étroits entre le Sénat et la Cour des comptes ont été renforcés par la révision constitutionnelle de 2008, qui a consacré la mission d’assistance qu’exerce votre institution auprès du Parlement.
Au nom de tous mes collègues, notamment des présidents de commission, je tiens à vous dire combien nous nous félicitons de pouvoir bénéficier de votre expertise pour exercer les missions de contrôle et d’évaluation des politiques publiques qui sont les nôtres.
Hier soir, en conférence des présidents, nous avons examiné, avec les présidents des délégations et des commissions permanentes, le bilan de cette mission de contrôle.
Tout à fait !
M. Alain Milon,
président de la commission des affaires sociales.
Cette mission est particulièrement importante pour le Sénat : elle s’inscrit génétiquement dans ses attributions.
M. le président.
Monsieur le Premier président, je connais toute l’attention que vous portez au Parlement, je sais votre attachement à répondre à nos préoccupations et je me réjouis des relations que nous entretenons.
Jamais l’intensité de ces relations entre nos deux institutions n’aura été aussi forte. La Cour des comptes est très régulièrement sollicitée par nos commissions permanentes et nos délégations.
Elle l’est, bien sûr, d’abord, par la commission des finances - cinquante-cinq opérations de contrôle, comme l’a souligné hier soir sa présidente, Michèle André – et par la commission des affaires sociales, comme l’a relevé son président, Alain Milon.
En 2015, la commission des finances a bénéficié de l’éclairage de la Cour sur des sujets aussi variés que le Crédit immobilier de France, les aides personnelles au logement, les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l’État, le bilan de l’autonomie financière des universités ou encore l’ensemble des soutiens à la filière forêt-bois.
Le rapport que vous avez établi, à la demande de la commission des affaires sociales, sur la situation des maternités en France, a donné lieu à un riche débat au sein de cet hémicycle.
C’est exact !
M. Alain Milon,
président de la commission des affaires sociales.
Les autres instances sénatoriales sollicitent également la Cour des comptes dans le cadre de leurs travaux législatifs et de contrôle.
M. le président.
Monsieur le Premier président, vous avez ainsi été entendu par notre commission des lois dans le cadre de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Des magistrats de la Cour ont été auditionnés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable à la suite du rapport public thématique sur la grande vitesse ferroviaire.
(M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable opine.)
Toutes ces sollicitations illustrent l’attention que porte le Sénat à vos observations, aux constats et recommandations que vous formulez et, naturellement, aux suites qui leur sont réservées.
La remise du rapport annuel de la Cour des comptes est attendue, à un moment où la situation de nos finances publiques demeure une réelle et insistante préoccupation.
C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Charles Revet.
Les circonstances que nous vivons rappellent la nécessité de disposer de tous les moyens pour affronter les nombreuses menaces qui nous entourent et pour y répondre.
M. le président.
Nous devons, chacun le sait, accélérer la réduction des déficits, qui alimentent la dette à l’excès et annihilent notre capacité à agir souverainement, et engager un certain nombre de réformes pour créer la croissance dont notre pays a besoin.
C’est donc avec le plus grand intérêt que nous allons à présent vous écouter présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes. Mme la présidente de la commission des finances et M. le président de la commission des affaires sociales interviendront ensuite.
Monsieur le Premier président, vous avez la parole.
Monsieur le président, en application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières, j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes.
M. Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président remet à M. le président du Sénat le rapport public annuel de la Cour des comptes.)
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du rapport public annuel de la Cour des comptes est un moment important pour les juridictions financières et, nous en sommes convaincus, pour le débat relatif à la bonne gestion publique.
Ce rapport n’est pas, tant s’en faut, une collection d’anecdotes ou un florilège d’observations circonstancielles. Il est guidé et structuré par une préoccupation centrale : tracer des pistes de réforme, contribuer à la modernisation des services publics, en expliquant ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait progresser, et encourager les décideurs à s’intéresser davantage au résultat de l’action publique.
Les messages portés par le rapport de la Cour sont au nombre de trois.
Premièrement, la situation des finances publiques s’améliore, mais cette amélioration est encore lente, limitée et fragile. En conséquence, la situation reste source de préoccupations, voire d’inquiétudes.
Deuxièmement, l’urgence de moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en œuvre méthodique.
Troisièmement, enfin, nos contrôles mettent en lumière la nécessité d’une plus grande clarté, d’une plus grande sélectivité, d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience de l’action publique pour répondre aux attentes de nos concitoyens, mais aussi pour atteindre les objectifs que vous définissez.
Avant de détailler ces trois messages, je consacrerai un bref propos liminaire à la manière dont la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes s’efforcent de contribuer, par leur action, à l’amélioration de la gestion publique.
Tout d’abord, je tiens à insister sur l’unité et la cohérence de ce rapport public annuel.
Le premier tome a trait à la situation d’ensemble des finances publiques, au vu des dernières données disponibles, ainsi qu’à plusieurs politiques publiques et à différentes problématiques de gestion publique. Il fournit des exemples de réformes que les pouvoirs publics pourraient choisir de conduire.
Le second tome met sur la table le bilan de l’activité de la Cour et des chambres régionales, ainsi que les suites données par les pouvoirs publics aux recommandations qu’elles émettent. Les codes couleur employés au sein des chapitres sont désormais bien connus : lorsque la couleur est verte, « la Cour constate des progrès » ; lorsqu’elle est orange, « la Cour insiste » ; enfin, lorsqu’elle est rouge, « la Cour alerte ».
Certains progrès sont très directement liés aux recommandations que la Cour des comptes a pu formuler par le passé, et qui ont ensuite été reprises par les pouvoirs publics.
En premier lieu, je pense à la politique française d’incorporation des biocarburants dans les carburants. Le Parlement a récemment procédé à des ajustements utiles, conformément à nos recommandations, comme la fin des mesures de défiscalisation incohérentes ou l’inclusion du gazole non routier dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes.
En deuxième lieu, je pense au financement de la défense nationale par des ressources exceptionnelles, malgré les risques identifiés par la Cour. Ainsi, vous avez souhaité substituer dans la loi relative à la programmation militaire des crédits budgétaires à la quasi-totalité des ressources exceptionnelles. Cette clarification bienvenue a été mise en œuvre dans la loi de finances pour 2016. Elle doit à présent être confirmée dans le temps et menée à son terme.
En troisième lieu, j’évoquerai la gestion de l’extinction de Dexia, un exemple bien connu.
Dans le cadre du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le Gouvernement a déposé un amendement directement inspiré de nos travaux, que le Sénat a bien voulu adopter. Cet amendement porte sur ce que l’on appelle « les parachutes dorés ». Un fonctionnaire ayant exercé des fonctions de dirigeant au sein d’un organisme public ou bénéficiant de concours publics ne pourra plus réintégrer son administration d’origine tout en percevant, de cet organisme, des indemnités liées à la cessation de ses fonctions.
Très bien !
M. Michel Bouvard.
Bien sûr, cette avancée ne vaut pas seulement en cas de sinistre et doit encore être confirmée dans le texte qui sera adopté définitivement.
M. Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes.
Dans son rapport public annuel 2016, la Cour fait le point sur l’exercice de ses compétences, notamment l’évaluation des politiques publiques, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le président. Nous avons répondu à un certain nombre de demandes émanant de l’Assemblée nationale et du Sénat, et je profite de l’occasion pour me réjouir de la qualité des relations entre la Cour et le Parlement, qui témoigne de l’intensité et de la portée de la mission d’assistance de la juridiction à la représentation nationale. Je pense tout particulièrement à la qualité de nos relations avec les commissions des finances et des affaires sociales du Sénat.
J’en viens au premier message de la Cour : la situation des finances publiques s’améliore, mais cette amélioration est encore lente, limitée et fragile. La situation reste, en conséquence, source de préoccupations, voire d’inquiétudes.
La Cour relève la difficulté rencontrée pour redresser cette situation plus nettement et plus durablement, malgré les efforts entrepris. Selon les dernières prévisions du Gouvernement, les objectifs de réduction des déficits publics auraient été tenus l’an dernier. Les résultats devraient même être meilleurs que prévu. Pour autant, cette baisse est restée lente et limitée.
La prévision gouvernementale de maîtrise des déficits pour 2016 est plus ambitieuse qu’en 2015. La réalisation de cet objectif reste malgré tout incertaine, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, les hypothèses d’inflation et de hausse de la masse salariale du secteur privé – les prévisions de recettes fiscales et sociales – paraissent surestimées. Les prévisions toutes récentes de la Commission européenne viennent d’ailleurs de confirmer ce risque.
Ensuite, le choix de sous-doter certaines dépenses de l’État dans la programmation budgétaire initiale fait peser des risques de dépassement. Des urgences prévisibles en cours d’année, comme le plan pour l’emploi et la formation annoncé par le Gouvernement ces dernières semaines, sont susceptibles d’accentuer ces risques.
Enfin, l’objectif retenu pour la croissance des dépenses sociales sera également difficile à tenir. Une partie des économies attendues en matière de régimes de retraite complémentaire et d’assurance chômage pourrait ne pas être au rendez-vous cette année.
La Cour se réjouit évidemment de la perspective d’un retour à des conditions économiques un peu plus favorables, mais la prudence reste de mise. En 2016, le déficit public devrait rester supérieur à 3 points de PIB. La dette publique approcherait 100 points de PIB. Cette situation n’autorise aucun relâchement des efforts.
La réduction des déficits publics ne peut en effet pas seulement reposer sur l’amélioration des recettes permise par une amélioration conjoncturelle. Elle doit aussi résulter d’une action résolue sur le besoin de financement structurel de toutes les administrations publiques : État, collectivités territoriales, sécurité sociale. Dans ce dernier cas, nous ne pouvons pas nous satisfaire, collectivement, d’un déficit durable des comptes sociaux, destiné uniquement à financer des dépenses courantes.
Une fois de plus, la question n’est pas, pour la Cour des comptes, de tenir une position dogmatique ni de recommander à toute force de réduire les crédits nécessaires à l’exercice de missions prioritaires. La question qui se pose est celle de l’efficacité et de l’efficience de la dépense publique, et de la pertinence de crédits alloués à des missions ou des structures dont l’utilité n’est plus aussi démontrée.
Il faut mettre en regard les moyens consacrés et les résultats effectivement obtenus, avant de décider d’un éventuel maintien, voire d’un abondement de ces moyens. L’augmentation des dépenses ne doit pas être la principale, voire la seule réponse, à chaque fois qu’un problème est identifié, au risque de perdre de vue l’exigence d’efficacité et d’efficience de l’action publique.
Au total, la maîtrise des déficits et du poids de la dette publique doit être poursuivie avec vigueur. Dans le cas contraire, la France risquerait d’être à l’avenir encore plus contrainte dans l’utilisation de l’instrument budgétaire.
Il y a un mois, lors de l’audience solennelle de la Cour, j’évoquais la capacité de la France à procéder à des choix souverains de politique publique, à dégager des marges de manœuvre pour faire face aux priorités du temps. Il faut reconnaître que cette capacité reste entravée par la situation des finances publiques.
Plusieurs insertions du rapport public annuel 2016 illustrent parfaitement la difficulté parfois rencontrée dans la répartition des moyens consacrés à des missions régaliennes. C’est notamment le cas du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire des actes des collectivités territoriales. Notre rapport démontre que, sans modernisation de l’organisation et des modes de fonctionnement, la réduction uniforme des moyens est inefficace. Plus grave encore, elle peut fragiliser, voire remettre en cause, l’exercice de certaines missions pourtant essentielles.
J’en arrive au deuxième message de la Cour, fil rouge du rapport : l’urgence de moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en œuvre méthodique.
Cette méthode se fonde sur des principes de bon sens : une réforme réussie repose sur une bonne anticipation des besoins, une identification correcte des investissements pertinents, une conduite rigoureuse et un accompagnement du changement selon le calendrier approprié, c’est-à-dire sans précipitation, mais sans immobilisme.
Le cas des transports ferroviaires en Île-de-France et celui de la politique de maintenance des centrales nucléaires illustrent tout à fait la nécessité, pour les pouvoirs publics, de choisir avec rigueur et de hiérarchiser les investissements à consentir dans la durée.
Par ailleurs, je suis souvent amené, au nom des juridictions financières, à évoquer la question de la pertinence des dépenses d’investissements. Contrairement à une idée reçue, ces dernières ne sont pas vertueuses par principe. L’investissement est vertueux quand il répond à un besoin collectif, lorsqu’il est produit avec le souci de l’efficacité et de l’efficience, et dès lors que les dépenses de fonctionnement qu’il entraîne ont été correctement anticipées. Or le rapport public annuel 2016 offre de nouvelles illustrations d’investissements dont la pertinence n’est pas démontrée.
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, une mauvaise idée fait le plus souvent une mauvaise réforme, alors qu’une idée qui n’est pas mauvaise en soi ne fait pas nécessairement une bonne réforme.
La Cour analyse ainsi les raisons de l’échec du contrat de génération. Ce dispositif pouvait
La fusion entre Transdev et Veolia Transport constitue une autre opération mal conçue. Son bilan est très négatif à court terme pour la Caisse des dépôts et consignations, dont le choix stratégique devra, bien sûr, être apprécié sur le long terme.
Les juridictions financières sont conduites, dans leurs travaux, à étudier la capacité des gestionnaires publics à mener les projets ambitieux décidés jusqu’au bout de la logique qui les sous-tend. Le cas du versement de la solde des militaires est illustratif de la difficulté parfois rencontrée pour mener une réforme à son terme, surtout lorsque celle-ci passe par la refonte d’un système d’information.
L’exemple des facteurs, dont la profession est confrontée à la baisse du volume de courrier, ou celui de l’archéologie préventive appellent à aller plus loin dans l’effort de modernisation et d’adaptation.
Autre enseignement de nos contrôles : une réforme, une fois décidée, gagne à être menée rapidement et résolument. Faute d’un bon calendrier et d’un bon rythme, le résultat est souvent éloigné de l’objectif fixé, et plus coûteux. Lorsque des réformes ont été engagées, leur conduite suppose que le cap soit maintenu. C’est notamment le cas de la réforme des organismes payeurs des aides agricoles, caractérisée par des retards.
La réforme de l’inspection du travail montre, par défaut, l’utilité des réflexes de bon sens que je viens d’énumérer. Il est sans doute regrettable que ce service ait connu depuis dix ans des réformes successives, dont les finalités n’ont été que progressivement définies. Le climat de travail et les résultats en ont été affectés. La Cour recommande que cette modernisation soit désormais menée à son terme rapidement.
Nos contrôles mettent en évidence la nécessité d’une plus grande clarté, d’une plus grande sélectivité, d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience de l’action publique, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens et d’atteindre les objectifs que vous fixez. C’est mon troisième et dernier message.
Pour répondre à ces attentes, les pouvoirs publics doivent envisager la suppression des structures qui ne démontrent plus leur utilité, clarifier les orientations des politiques publiques qu’ils lancent et s’y tenir, et susciter, enfin, un sursaut de responsabilité individuelle et collective.
Deux structures publiques font l’objet d’une analyse dans le rapport public annuel 2016, qui conclut à la nécessité de programmer très rapidement leur extinction.
Le premier est l’Institut français du cheval et de l’équitation ; le second est le Fonds de solidarité, dont les missions de collecte pourraient être confiées à un réseau de recouvrement tel que celui de la direction générale des finances publiques ou de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Qu’il n’y ait pas de malentendu : nous ne proposons pas de supprimer les prestations de solidarité, mais le Fonds de solidarité est un organisme de collecte dont les missions pourraient tout à fait être assurées par d’autres organismes de collecte existants.
Plusieurs politiques publiques pâtissent par ailleurs du manque de clarté des orientations retenues, voire de la difficulté à s’y tenir. Le rapport évoque les théâtres nationaux ou encore la politique de la ville.
La Cour revient aussi sur le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, qui fonctionne comme un établissement public sans tutelle. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourriez être fondés à adapter le niveau de ses ressources en fonction de son activité et des conditions de leur emploi. En ce sens, la baisse du plafond de la cotisation, que vous avez incluse dans la loi de finances de 2016, est une incitation forte à améliorer l’efficience de cet organisme, eu égard aux marges de manœuvre dont il dispose. Tel est, en tout cas, notre sentiment.
L’esprit de réforme que les citoyens attendent des gestionnaires publics suppose un esprit de responsabilité individuel et collectif. Les services et les agents publics sont tenus à l’exemplarité. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires devrait accentuer davantage encore cette exigence.
Dans le même temps, deux chapitres du rapport rappellent chacune et chacun d’entre nous – citoyens, contribuables, usagers des services publics – à sa responsabilité individuelle, en tant que membre de la communauté nationale : le premier traite de la lutte contre la fraude dans les transports urbains en Île-de-France, où le taux de fraude est très supérieur à celui que l’on relève dans des réseaux comparables ; le second concerne la lutte contre la fraude fiscale. Certes, certaines améliorations législatives sont à noter sur ce sujet, mais les résultats ne sont pas encore à la hauteur des attentes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, ce que le rapport de la Cour met en évidence peut se résumer en trois phrases, qui ne remplacent évidemment pas sa lecture !
Premièrement, des efforts de réforme structurelle sont encore nécessaires si l’on souhaite que la France garde la maîtrise de ses choix souverains.
Deuxièmement, ces efforts doivent s’appuyer sur des décisions assumées et mises en œuvre avec rigueur.
Troisièmement, des voies possibles de réforme existent, à la portée des décideurs publics, à condition de faire preuve de détermination dans la conduite du changement, d’accorder davantage d’attention aux résultats et de viser une plus grande efficience et une plus grande clarté de l’action publique.
Les ministres en conviennent eux-mêmes le plus souvent dans les réponses qu’ils nous adressent et qui figurent après chaque chapitre du rapport : ils contestent peu nos constats et nos recommandations.
Il vous appartient, ainsi qu’au Gouvernement, de vous inspirer, si vous le souhaitez bien évidemment, de nos contributions et de reprendre nos recommandations pour conduire les réformes que vous considérez comme prioritaires ou légitimes.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.
M. le président.
La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, cette séance de remise du rapport public annuel de la Cour des comptes est un moment symboliquement important, qui illustre l’assistance que la Cour des comptes apporte au Parlement, comme le prévoit la Constitution.
Mme Michèle André,
présidente de la commission des finances.
Elle offre l’occasion de faire le point sur les relations entre le Sénat et la Cour des comptes et nourrit ainsi de futurs échanges.
Le rapport public annuel commence, comme c’est désormais la tradition, par une insertion consacrée à la situation des finances publiques.
Alors que le semestre européen bat son plein – nous serons la semaine prochaine à Bruxelles avec le rapporteur général et François Marc –, nos travaux des prochaines semaines seront largement consacrés à l’analyse du programme de stabilité et à la programmation des finances publiques.
Nous devrons évaluer la politique du Gouvernement en matière de finances publiques. Selon mon appréciation, qui ne peut bien entendu engager la totalité des commissaires des finances, celle-ci se caractérise par une maîtrise sans précédent de l’évolution des dépenses afin, dans un contexte de croissance faible, de permettre des allégements fiscaux et sociaux substantiels en faveur des entreprises et des ménages, tout en respectant une trajectoire de réduction du déficit public.
Pour ce faire, la Cour des comptes présente des éléments techniques qui, souvent, complètent les travaux du rapporteur général et des rapporteurs spéciaux, par exemple concernant l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, les aléas qui entourent le respect des objectifs de maîtrise des dépenses ou encore la trajectoire de solde structurel.
Cela nous est très utile, même si la politique budgétaire n’est que l’une des composantes de la politique économique, et que notre réflexion politique sur le bon dosage entre recettes, dépenses et réduction du déficit doit intégrer d’autres éléments, comme, par exemple, les conséquences sur la croissance et l’emploi. Mais tel n’est pas l’objet de la séance publique de ce matin.
Le rapport public annuel de la Cour des comptes, c’est, dans l’esprit de nos concitoyens, cette mosaïque annuelle d’insertions sur des sujets nombreux et variés qui nous plonge dans la diversité de notre vie économique et administrative ; nous ne pouvons pas les évoquer tous aujourd’hui.
En revanche, il nous appartient de nous en saisir, soit pour approfondir nos connaissances sur un sujet, soit pour donner des suites politiques aux constats ou recommandations de la Cour des comptes lorsque nous le jugeons utile.
Dès le 2 mars prochain, la commission des finances organisera des auditions sur le contrôle fiscal, sujet qui fait l’objet d’une insertion dans le rapport.
Nous avons constitué un groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport, et notre commission entendait hier les dirigeants de la Société du Grand Paris. Je ne doute pas que ses membres tireront un grand profit des développements du rapport sur les transports ferroviaires en Île-de-France.
D’autres insertions recevront sans doute des suites sous une forme ou sous une autre. Je pense à celle qui porte sur Transdev et Veolia, car rien de ce qui touche à la Caisse des dépôts et consignations ne nous est indifférent ; à celle qui concerne les biocarburants, qui formule des propositions de nature fiscale, ou encore, dans le domaine de l’administration territoriale de l’État, un domaine qui m’est cher, à celle qui a trait au contrôle de légalité qui pourra nourrir les travaux de notre rapporteur spécial Hervé Marseille. À la suite du rapport d’information de Maurice Vincent sur la Société de financement local, la SFIL, l’insertion sur Dexia vient compléter notre information.
À cet égard, je veux justement insister cette année sur la complémentarité entre les travaux du Sénat et ceux de la Cour des comptes, ainsi que sur la bonne coordination de nos activités.
La commission des finances a adopté la semaine dernière son programme de contrôle budgétaire, qui a été rendu public et a été transmis à la Cour des comptes.
Comme chaque année, ce programme de contrôle comprend des enquêtes dont la réalisation est confiée à la Cour. Cette année, André Gattolin et Vincent Eblé vous ont demandé un travail sur les archives nationales, Éric Doligé sur l’enseignement français à l’étranger et Vincent Capo-Canellas sur la compétitivité du transport aérien.
Avant la prochaine loi de finances, vous transmettrez au rapporteur général une enquête sur les dépenses fiscales en faveur du développement durable et, dans un mois, Marc Laménie rendra public le rapport qu’il élabore sur la base d’une enquête sur la Journée défense et citoyenneté que vous lui avez remise.
En tant que présidente de la commission des finances, je veux dire ma satisfaction de constater que les rapporteurs de la commission des finances utilisent les enquêtes que nous vous demandons pour nourrir leurs propositions politiques, sans pour autant épouser systématiquement les recommandations de la Cour, et sans, bien entendu, vous le comprendrez, que j’y sois toujours favorable à titre personnel.
Je pense aux initiatives qu’a prises notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, lorsqu’il a présenté des amendements visant à réduire la masse salariale de l’État.
M. Albéric de Montgolfier,
rapporteur général de la commission des finances.
Je pense aussi à Philippe Dallier, qui a utilisé l’enquête sur les aides personnelles au logement pour préparer des amendements tendant à étudier les modalités de création d’une base de données dans le but de connaître la surface des logements des allocataires et de lutter contre la fraude, ou encore les conditions dans lesquelles les revenus des parents pourraient être pris en compte dans l’attribution de l’aide personnalisée au logement, l’APL.
Mme Michèle André,
présidente de la commission des finances.
Je pense également aux propositions de Francis Delattre sur l’aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées ou au rapport d’information d’Alain Houpert et Yannick Botrel sur la filière forêt-bois, qui a suscité beaucoup de débats et de réflexions depuis sa publication au mois d’avril dernier.
La semaine dernière, le directeur général de l’Agence des participations de l’État évoquait devant la commission des finances les conséquences de la mise en œuvre des recommandations de l’enquête demandée par Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier sur le recours par l’État aux consultants extérieurs.
Nous ne nous bornons pas à utiliser les enquêtes que nous vous demandons, mais nous essayons de tirer profit de l’ensemble des travaux produits par la Cour des comptes, dans nos travaux de contrôle ainsi que dans le cadre des discussions législatives.
Ainsi, le rapporteur général, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, s’est fondé sur des rapports de la Cour des comptes pour approuver les modifications proposées dans les règles de fonctionnement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, ou encore la réforme du compte de commerce « Régie industrielle des établissements pénitentiaires ».
J’en profite pour signaler que le calendrier des travaux de la Cour des comptes ne permet pas toujours de les exploiter au mieux. C’est ainsi que nous avons reçu le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la TVA après le vote du projet de loi de finances et du collectif budgétaire.
Nous avons reçu cette semaine un référé consacré au dispositif ISF-PME, qui aurait sans doute été utile à notre rapporteur général lorsqu’il a présenté, en collectif budgétaire, un amendement qui n’a pas été retenu, mais qui va dans le même sens que ce que préconise la Cour des comptes. Aurait-il eu plus de succès si l’analyse de la Cour avait été disponible au mois de décembre ? Je ne sais pas !
Sans doute !
M. Albéric de Montgolfier,
rapporteur général de la commission des finances.
L’évolution toujours plus positive des relations entre la Cour des comptes et le Parlement doit beaucoup à l’état d’esprit qui a été insufflé, il y aura quinze ans au mois d’août, par l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Mme Michèle André,
présidente de la commission des finances.
Les enquêtes demandées en application de l’article 58-2 de la LOLF ont conduit les magistrats à travailler avec les rapporteurs spéciaux à l’origine de la saisine.
Les auditions publiques organisées à la suite de la remise de ces enquêtes ont transformé les présidents de chambre en habitués de nos salles de réunion. Monsieur le Premier président, permettez-moi de saluer l’ensemble de ceux qui, à vos côtés, travaillent dans cet état d’esprit.
Le rapport public annuel n’est plus l’unique grand rendez-vous entre la Cour des comptes et le Parlement. Chaque année, le Premier président vient désormais nous présenter le rapport sur l’exécution budgétaire de l’année précédente, celui sur la certification des comptes de l’État et celui sur la situation et les perspectives des finances publiques.
Pour toutes ces raisons, je me réjouis de l’initiative conjointe du président du Sénat et du Premier président de la Cour des comptes visant à « marquer le coup » et à organiser au Sénat, pour les quinze ans de la LOLF, une journée d’étude consacrée aux apports de la comptabilité générale en matière de contrôle parlementaire et de transparence des comptes publics.
Mes chers collègues, je sais que vous êtes impatients de vous plonger dans la lecture des 1 335 pages du rapport que le Premier président vient de déposer sur le bureau du Sénat.
(Sourires.)
Nous allons maîtriser…
M. le président.
(Nouveaux sourires.)
Aussi, je conclurai en remerciant de nouveau le Premier président de la Cour des comptes de sa grande disponibilité.
Mme Michèle André,
présidente de la commission des finances.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Permettez-moi de saluer Albéric de Montgolfier et Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteurs généraux respectivement de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, qui vont se plonger immédiatement dans ce document.
M. le président.
(Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la présentation du rapport public annuel marque l’un des temps forts de l’assistance au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, mission confiée à la Cour des comptes par l’article 47-2 de notre Constitution.
M. Alain Milon,
président de la commission des affaires sociales.
Rythmée par les différentes publications de la Cour, cette mission s’effectue tout au long de l’année et revêt une importance majeure dans le contexte que nous connaissons. La ressource publique est devenue rare et les déficits sont élevés. Plus que jamais, il est nécessaire de tracer les voies d’une action publique plus économe.
La contribution de la Cour des comptes est, de ce point de vue, essentielle, en particulier pour la sphère sociale qui représente, je le rappelle, près de la moitié de nos finances publiques.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales porte toujours un très grand intérêt aux analyses et propositions de la Cour, qu’elles figurent dans le rapport public annuel, le rapport annuel sur les lois de financement de la sécurité sociale, les rapports de certification, les rapports thématiques ou les enquêtes qui sont effectuées à notre demande.
Le rapport que vient de nous présenter le Premier président fait le point, au sortir de la période budgétaire, sur la situation des finances publiques.
Alors que nous constatons, sur ce sujet, une tendance du Gouvernement à se satisfaire de résultats limités, la Cour apporte quelques tempéraments bienvenus.
Le déficit ne s’est que faiblement réduit en 2015, alors que persistaient les « effets de traîne » du choc fiscal des années précédentes. La Cour constate que les baisses de prélèvement décidées pour 2015 représentaient 14 milliards d’euros, mais qu’elles ont, en partie, été neutralisées par 10 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires résultant de mesures décidées antérieurement.
Le premier bilan du pacte de responsabilité, en termes d’allégements des charges fiscales et sociales, apparaît donc encore bien mince, au moment où certains voudraient exiger des entreprises davantage de contreparties en termes d’emplois.
Car, au-delà des comptes publics, c’est bien la situation de l’emploi qui nous préoccupe tous, et c’est autour de cette problématique d’actualité que je centrerai mon intervention.
Sur ce terrain, notre pays est en situation d’échec majeur : 90 000 chômeurs de plus en 2015,…
M. Charles Revet.
… et 475 000 depuis 2011.
M. Alain Milon,
président de la commission des affaires sociales.
Notre dynamisme démographique, dont il faut, par ailleurs, se réjouir, bien qu’il soit fragilisé lui aussi, n’est pas seul en cause, loin de là. La France se distingue surtout par une faiblesse préoccupante de la création d’emplois, puisque seulement 57 000 emplois ont été créés en deux ans dans le secteur privé.
Autre sujet d’inquiétude : alors que le chômage est massif, l’évolution des coûts salariaux semble déconnectée de cette situation, consacrant ainsi un dualisme, désormais bien ancré, du marché du travail.
Nos voisins, qui ont fait des choix différents, ont vu leur situation s’améliorer. Ainsi, sur la même période, l’Italie a créé près de 300 000 emplois, l’Allemagne plus de 480 000, et l’Espagne 650 000.
Tout à fait !
M. Charles Revet.
Comment ne pas faire le lien entre l’état des finances publiques, le choix d’une augmentation massive des prélèvements pour y répondre et la situation de l’emploi ?
M. Alain Milon,
président de la commission des affaires sociales.
Nous pouvons trouver matière à réflexion dans certaines analyses de ce rapport public annuel et dans d’autres travaux récents de la Cour.
La multiplication du nombre de contrats aidés et la création d’emplois publics ne sont que de piètres palliatifs, qui ont, de surcroît, pour effet d’alourdir encore les charges publiques.
Le montage de dispositifs complexes n’a pas davantage stimulé la création d’emplois. Je constate que la Cour partage, sur le contrat de génération, le diagnostic de la commission des affaires sociales, qui en déplore l’échec depuis deux ans. Souvenez-vous de cette phrase devenue célèbre : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! »
(Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre opinent.)
En 2013, le Gouvernement s’était fixé comme objectif la création de 500 000 binômes pendant le quinquennat. Nous n’en sommes qu’à un peu plus de 50 000.
Les préconisations de la Cour qui appellent à une refonte du dispositif rejoignent donc pleinement les préoccupations de la commission des affaires sociales.
L’efficacité de l’action publique, ce n’est pas seulement celle des dispositifs, c’est aussi celle des organisations. Nous avons ainsi pris note du constat dressé par la Cour sur le Fonds de solidarité. Elle propose de transférer ses missions à une structure mieux à même de recouvrer de façon effective les montants dus par les fonctionnaires au titre du financement des allocations pour les chômeurs non indemnisés. Monsieur le Premier président, l’ACOSS nous semble aussi pouvoir remplir cette mission.
Évoquant l’exercice budgétaire 2016, la Cour des comptes indique que l’un des risques principaux d’écart à la prévision résulte de la « surestimation des économies attendues de la nouvelle convention d’assurance chômage ». Le Gouvernement a en effet intégré dans ses prévisions 800 millions d’euros au titre de la réforme de l’indemnisation du chômage.
Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, avait émis de fortes réserves sur les économies attendues des régimes à gestion paritaire, UNEDIC et retraites complémentaires, estimées à 4 milliards d’euros sur la période 2015-2017, en l’absence de toute disposition concrète permettant d’y parvenir.
Force est de reconnaître que les négociations sur les retraites complémentaires ont abouti à un accord qui porte une véritable réforme, ambitieuse et structurante. Les économies attendues à court terme dépendent d’un niveau d’inflation qui risque de ne pas être atteint, mais les fondements de la réforme à moyen terme ont été posés. Je rappelle que la Cour des comptes avait d’ailleurs établi un rapport particulièrement éclairant sur ce point l’an passé.
Les partenaires sociaux, même fortement incités par le Gouvernement, pourront-ils aboutir à une réforme comparable de l’assurance chômage, un sujet sur lequel la Cour des comptes s’est également prononcée très récemment ? Les négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage, qui s’ouvriront le 22 février prochain, seront à cet égard décisives.
Avec un déficit de 4,4 milliards d’euros et une dette de près de 26 milliards d’euros en 2015, la situation financière de l’assurance chômage n’est plus tenable. Une réforme est d’autant plus nécessaire que ce déficit comporte une part structurelle non négligeable, mise en lumière par les travaux de l’UNEDIC.
La commission des affaires sociales souscrit entièrement au constat du Gouvernement selon lequel, « en l’absence d’efforts raisonnables à court terme, la pérennité du régime pourrait être remise en cause ».
Les pistes tracées dans le rapport du Gouvernement sur la situation financière de l’assurance chômage sont claires : réduction de la durée d’indemnisation, dégressivité des allocations, baisse du ratio d’indemnisation par jour cotisé, baisse du plancher d’indemnisation et hausse des cotisations. Aucune de ces mesures prises isolément n’apportera, à l’évidence, de réponse durable à la situation financière de l’assurance chômage : comme pour les retraites complémentaires, c’est un panier de mesures qui devra être mis en place.
Cependant, une hausse des cotisations, qui alourdirait le coût du travail, serait contradictoire avec le renforcement des allégements décidé voilà deux ans. La commission des affaires sociales n’y est donc pas favorable.
Cette réforme devra surtout être mise au service du retour à l’emploi, au moyen d’une indemnisation à la fois protectrice et incitative.
Pour conclure, je voudrais souligner de nouveau l’apport des travaux de la Cour des comptes à la nécessaire analyse des liens étroits entre les finances publiques, la protection sociale et la situation de l’emploi. Au sein du Parlement, chacun y réagira selon sa sensibilité et en tirera ses propres conclusions. En tout cas, la Cour des comptes apporte à la réflexion et au débat une contribution que, au nom de la commission des affaires sociales, je tiens à saluer une nouvelle fois !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général, je vous remercie pour ce rapport et, au-delà, pour les relations étroites que la Cour des comptes entretient avec le Sénat ; le concours de votre institution contribue notamment à éclairer les travaux de nos commissions et de nos délégations.
M. le président.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.
(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont reconduits selon le cérémonial d’usage. – Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (projet n
Mme la présidente.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité de coopération en matière de défense entre la France et la République du Mali dont j’ai l’honneur de proposer la ratification à la Haute Assemblée a été signé à Bamako le 16 juillet 2014.
Mme Annick Girardin,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie.
Conclu après l’intervention française et la tenue d’élections démocratiques dans ce pays, ce traité refonde le cadre juridique de notre coopération avec le Mali en matière de sécurité et de défense. Il s’inscrit dans le droit fil des huit autres accords renégociés avec autant de pays africains partenaires, qui sont aujourd’hui entrés en vigueur. Comme eux, il traduit l’évolution de nos relations avec un pays ami – en l’occurrence, le Mali – et le continent africain en général.
La sécurité de l’Afrique et la sécurité de l’Europe sont indissociables, à l’égard tant du terrorisme que du trafic d’êtres humains ou d’autres trafics.
L’attaque qui a visé, une semaine après le 13 novembre 2015, un hôtel international de Bamako, est venue nous le rappeler douloureusement.
Ce traité, qui concerne le domaine de la défense, participe d’un dessein, celui de notre avenir commun, et porte sur les intérêts stratégiques de long terme de la France et de son partenaire.
À l’instar des accords entrés en vigueur avec d’autres États africains, c’est un traité simple, transparent, et, surtout, global. Je le résumerai en quelques points.
Il s’agit d’un texte unique pour le nouveau cadre juridique de notre relation de défense.
Il ne comporte pas de « clause de sécurité » prévoyant l’intervention des forces armées françaises en vue du maintien de l’ordre intérieur. Ce type de clause ne correspond plus ni à la situation de l’Afrique d’aujourd’hui ni à la politique de la France.
Par ailleurs, aucune clause d’assistance « automatique » n’est prévue en cas d’agression extérieure. Notre politique affirme nettement la volonté de voir prédominer les systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l’Union africaine.
En outre, c’est un accord global, afin que la coopération de défense puisse couvrir toute activité convenue d’un commun accord entre les parties en fonction de leurs intérêts communs, notamment pour la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme.
Enfin, ce traité est rédigé sous une forme réciproque permettant de couvrir juridiquement et dans des conditions identiques aussi bien le statut et les activités des membres du personnel français au Mali que ceux des personnels maliens en France.
Ce traité est tourné vers le soutien au développement des capacités militaires africaines, dans le cadre du système de sécurité collective que le continent construit pas à pas. Il traduit une relation marquée du sceau de la confiance et du partenariat, afin que nos intérêts communs soient au mieux garantis et que nous puissions construire ensemble les conditions de la stabilité et de la paix en Afrique.
Tel est, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de ce traité en matière de défense avec le Mali, proposé aujourd’hui à votre approbation.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, ce matin, nous devons examiner un traité de coopération de défense avec le Mali, signé le 16 juillet 2014 à Bamako. Ce traité revêt une importance particulière : l’armée française joue toujours un rôle de premier plan dans ce pays au titre de l’opération Barkhane.
M. Claude Nougein,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Quel est le contexte de cet accord ?
En premier lieu, je rappellerai très brièvement les événements ayant conduit à l’intervention française.
En avril 2012, le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad des Touaregs, allié à des groupes djihadistes, proclame l’« indépendance » du Nord-Mali. Le MNLA est bientôt débordé et vaincu par les groupes djihadistes. Entre-temps, à Bamako, un coup d’État entraîne le départ du président Amadou Toumani Touré.
La crise s’accélère au début du mois de janvier 2013, des groupes armés terroristes se mettant en mouvement vers le sud du pays. Dès lors, à la suite d’une demande d’aide formulée par le président du Mali, la France engage, avec le soutien de huit pays alliés, l’opération Serval, afin de stopper l’offensive des terroristes et de rétablir l’intégrité et la souveraineté du pays.
Cette opération a été un succès militaire, permettant de repousser les groupes djihadistes et de récupérer 200 tonnes d’armement et de munitions, ainsi que des explosifs dans l’Adrar des Ifoghas.
Mes chers collègues, en cet instant, j’ai à cœur de louer le professionnalisme, l’engagement et le courage de nos soldats. Permettez-moi, en tant qu’élu de la Corrèze, de saluer le 126
Tout à fait !
MM. Charles Revet, Jean-Claude Requier et Jeanny Lorgeoux.
Aujourd’hui, la situation au Mali s’est améliorée, même si elle reste fragile, comme les événements récents de Bamako l’ont tristement rappelé.
M. Claude Nougein,
rapporteur.
Sur le plan sécuritaire, l’opération Barkhane, qui a pris la relève de l’opération Serval, peut s’appuyer sur le G5 Sahel, c’est-à-dire une coopération étroite entre cinq pays du Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso. L’opération Barkhane est ainsi totalement transfrontière, ce qui est la seule manière de lutter efficacement contre les groupes djihadistes.
Toutefois, cette opération ne peut à elle seule venir à bout des terroristes, comme l’a encore démontré la récente attaque contre un camp de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, à Tombouctou. Elle n’emploie en effet que 3 000 à 3 500 hommes pour un territoire plus grand que l’Europe, et il est impossible de poursuivre les djihadistes dans les pays limitrophes du nord du Sahel. La situation en Libye est ainsi particulièrement préoccupante.
En outre, la MINUSMA, force de l’ONU établie par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, est un acteur important dans la stabilisation du pays, avec plus de 8 000 militaires essentiellement africains et 1 050 policiers. Toutefois, on peut regretter qu’elle ne joue pas un rôle opérationnel fort, lequel est toujours assumé par les troupes françaises.
Enfin, les quelques centaines d’hommes de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali, ou EUTM Mali, apportent également un soutien utile à la reconstruction des forces armées maliennes.
Si l’ensemble de ces forces militaires permet ainsi à l’État malien de subsister et de fonctionner, elles ne peuvent prétendre apporter une réponse à long terme aux problèmes qui touchent ce pays.
Le premier problème est d’ordre politique. Les accords d’Alger, signés entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad, la CMA, le 20 juin 2015 à Bamako grâce à la médiation algérienne, commencent certes à se concrétiser avec la création effective de patrouilles mixtes et le début d’une fusion des cantonnements des soldats. Mais la faiblesse des avancées politiques depuis la signature de l’accord révèle sa grande fragilité et les ambiguïtés sur lesquelles il repose.
Le second problème réside dans la situation agricole et économique précaire d’une grande partie du Sahel, qui favorise le recrutement de jeunes par les groupes terroristes.
Une partie de la solution tient évidemment à l’efficacité de l’aide au développement. Lors de la conférence de Paris du 22 octobre 2015, 3,2 milliards de dollars ont été annoncés par les bailleurs du Mali pour les années 2015-2017. La France a promis 360 millions d’euros. Malheureusement, cet effort significatif n’est pas une garantie de réussite si ces crédits ne vont pas au bon endroit au bon moment, et, pourrait-on ajouter, dans de bonnes mains.
J’en viens maintenant au traité de défense lui-même.
Premier élément, ce traité n’a rien d’original dans son contenu. Inspiré du modèle des
Status of Forces Agreement
Dans le cas du Mali, le nouveau traité remplace un accord de coopération militaire du 6 mai 1985, dont l’objet est essentiellement limité à la mise à disposition de coopérants militaires techniques français. Cet accord est aujourd’hui obsolète, dans la mesure où il est rédigé de manière unilatérale et reflète ainsi un état des relations entre la France et les pays africains désormais révolu.
Deuxième élément, le nouveau traité ne se substitue pas à l’accord par échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu pour assurer la sécurité juridique de l’intervention française au Mali, dans le cadre de l’opération Serval. En vertu de l’article 25 du nouveau traité, les actions menées dans le cadre de l’opération Barkhane continueront ainsi à relever de l’accord de 2013, plus favorable aux troupes françaises sur le plan de la sécurité juridique.
Pour le reste, le nouveau traité précise les principes généraux sur lesquels se fonde le partenariat de défense et de sécurité, en prenant en considération deux dimensions nouvelles : la dimension régionale africaine de la mission de coopération militaire confiée aux forces françaises et la dimension européenne.
Les domaines de la coopération mise en œuvre dans ce cadre sont ensuite énumérés. Ils couvrent notamment les échanges d’informations entre les forces et la formation des soldats maliens dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France. Je rappelle que la coopération de défense conduite au Mali par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères et du développement international se décline actuellement en sept projets, dont une école à statut international à Bamako, et représente un budget de 4,6 millions d’euros. Je ne peux ici que souligner l’importance cruciale de cette coopération militaire structurelle et regretter la réduction continue des moyens qui lui sont affectés au sein du budget.
M. Hubert Falco.
Le traité comporte ensuite des dispositions détaillées sur le statut des personnels engagés dans la coopération et fixe les règles de compétence juridictionnelle en cas d’infraction commise par un coopérant. Il précise notamment que, dans le cas où elle serait prévue par la loi, la peine de mort ne serait ni requise ni prononcée.
M. Claude Nougein,
rapporteur.
En conclusion, cet accord modernise et améliore notre coopération militaire avec le Mali. Il contribuera ainsi, modestement, mais de façon concrète, à la sécurité d’un pays et d’une région dont la stabilité est aujourd’hui un enjeu de premier ordre pour notre pays et le monde. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est prononcée en faveur de son approbation.
Le débat de ce matin est l’occasion de renouveler notre soutien à cette coopération, qui est un facteur de stabilisation et, à terme, de paix pour le pays.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le reconnaissons, l’objectif affiché de cet accord, à savoir donner un cadre juridique à notre coopération militaire avec le Mali afin de l’aider à se reconstruire, est indéniablement positif.
Mme Leila Aïchi.
Est, en revanche, sujet à caution le fait de savoir si ce traité se donne les moyens d’une telle ambition. En n’abrogeant aucune des dispositions de l’accord par échange de lettres des 7 et 8 mars 2013 qui régit l’opération Serval, cette convention n’engage aucune stratégie de redéfinition de notre action en cours au Mali.
Certes, j’entends bien que la présente convention traite uniquement de la coopération militaire, sujet distinct de l’opération Serval. Toutefois, dans l’optique qui est celle de cet accord, une consolidation des forces de défense maliennes, dans le cadre d’une articulation plus fine entre les deux textes, aurait été souhaitable. L’intervention française, même justifiée, n’a pas vocation à être pérenne.
Très bien !
M. Hubert Falco.
Repenser dès maintenant les prérogatives et le rôle du détachement français aurait donc pu être cohérent et aurait permis d’engager une telle consolidation. D’une telle omission résulte une impression d’inachevé. Comme nous le répétons sans cesse, nous devons inscrire notre action dans une approche à long terme. À défaut, toute intervention militaire française est vouée à l’échec. En ce sens, nous ne pouvons pas nous affranchir de l’aide au développement et de la coopération.
Mme Leila Aïchi.
S’agissant du texte lui-même, son article 15 suscite de fortes réserves de notre part. Il prévoit que la justice de l’État d’accueil est compétente pour certaines infractions commises sur son sol. Classique dans ce type d’accord et cohérente au regard du principe de territorialité de la loi pénale, cette stipulation n’en est pas moins problématique. La situation de déliquescence dans laquelle se trouve l’État malien fait en effet obstacle à ce que la justice y soit rendue dans le respect des droits de l’homme, et ce malgré les garanties de procédure visées dans cet article. Le fait que ces stipulations n’aient vocation à ne régir que de rares cas ne saurait nous dispenser de leur examen au vu des principes qui fondent notre conception de la justice, dans un état de droit respectueux des droits de la défense.
Plus largement, cet accord soulève la question de notre politique en Afrique.
Depuis 2008, la volonté affichée de sortir des vieux schémas afin de mettre un terme à une France « gendarme de l’Afrique », pour lui substituer un système de sécurité collective, n’est pas mise en œuvre de façon cohérente, faute de réflexion d’ensemble. La révision des accords de défense visant à mettre un terme aux pratiques d’antan, faites de clauses d’assistance, parfois secrètes, ne s’accompagne pas toujours d’un redéploiement adapté de nos forces en Afrique. La logique qui guide ce redéploiement hésite entre la défense d’intérêts bien compris et la lutte contre le terrorisme. Or, face à une menace terroriste qui essaime au Sahel et ailleurs en Afrique, l’hésitation est une impasse dangereuse.
Une stratégie d’ensemble, sans tabou ni déni, est plus que jamais nécessaire. Force est de l’admettre, le fait que les accords avec les pays africains nous soient soumis isolément, sans débat d’ensemble, est bien le reflet de ce manque de cohérence et d’ambition.
Vous l’aurez compris, l’objectif affiché de cet accord nous semble, certes, souhaitable, mais le groupe écologiste nourrit d’importantes réserves. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC. – M. Hubert Falco applaudit également.)
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en permettant la neutralisation des groupes islamistes armés et la conservation de l’intégrité territoriale du Mali, l’opération Serval a été un succès reconnu par la communauté internationale. La fragmentation du Mali aurait constitué une grave menace pour la région, mais également pour notre propre sécurité, comme le Gouvernement l’avait souligné, à l’époque, pour justifier l’intervention française, une intervention approuvée par le groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier.
Sur le plan politique, les accords d’Alger de 2015 ont rétabli le dialogue intercommunautaire, jetant les bases d’une réconciliation nationale et d’une réorganisation du territoire. Mais comme l’a souligné le rapporteur, le volet de la décentralisation peine à se mettre en œuvre. C’est pourtant un point essentiel pour répondre au défi de la diversité de la population malienne.
C’est pourquoi toutes les parties doivent continuer à discuter pour un partage équitable et inclusif du pouvoir, de manière à garantir la cohésion territoriale.
Les accords d’Alger posent également les fondations d’une nouvelle armée malienne. C’est une urgence pour assurer la sécurité du pays, car le processus de paix ne signifie pas la fin des menaces, comme l’ont démontré les deux attentats perpétrés à Bamako, à la fin de l’année dernière.
M. Hubert Falco.
Les terroristes, qui ont profité du chaos né en 2012 au Nord-Mali, sont toujours tapis dans l’ombre du Sahel, même si l’action combinée des forces du G5 du Sahel, de la MINUSMA et de l’opération Barkhane les tient à distance.
M. Jean-Claude Requier.
Dans ces conditions, la France doit continuer à apporter son aide au Mali en matière de défense, comme elle l’a toujours fait.
Cela a été rappelé, la coopération entre les deux pays est régie par deux accords : l’un datant de 1985 et l’autre spécifiquement destiné à sécuriser l’opération Serval. Aujourd’hui, nous devons renouveler cette coopération pour l’adapter au nouveau contexte.
Le groupe du RDSE est favorable au traité signé le 16 juillet 2014, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ce traité préserve l’accord garantissant la sécurité juridique de l’opération militaire Serval. Ensuite, il prend en compte les nouveaux enjeux de sécurité, en particulier ceux qui sont liés au terrorisme. Enfin, il ne comporte aucune clause d’intervention en cas d’agression extérieure et – cela va de soi ! – en cas de troubles intérieurs. Ce dernier point est important puisqu’il s’accorde avec l’un des nouveaux paradigmes de notre politique africaine, consistant à ne pas se poser en gendarme obligé.
Pour finir, j’ajouterai que le traité participe de la volonté de la France, et pas seulement, d’encourager l’Afrique à fonder son propre système de sécurité collective, qui doit à l’évidence reposer sur des échelons régionaux.
Si notre pays peut conserver des forces stationnées et s’impliquer au cas par cas, l’Afrique, souvent désignée comme continent de l’avenir, doit alors bâtir son propre futur en matière de défense. Pour cela, elle peut compter sur le soutien de la France et sur celui, plus modeste, du groupe du RDSE.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de la ratification de ce nouvel accord de partenariat entre la France et le Mali.
M. Jean-Marie Bockel.
Profitons-en pour évaluer brièvement la situation actuelle au Mali et les perspectives de stabilisation politique.
Voilà à peine plus de quatre ans, les institutions du Mali et la liberté du peuple malien ont été directement menacées par le terrorisme djihadiste. La réaction de la communauté internationale, spécialement de la France, fut prompte et vigoureuse. L’opération Serval et l’opération Barkhane, qui en est le prolongement dans la bande sahélienne, ont permis de sauvegarder l’intégrité du territoire malien et de renverser la situation sur le plan militaire.
La France a ainsi rempli son rôle d’allié du Mali, cristallisé depuis 1985 dans une série d’accords de défense et de coopération, dont la présente convention est le dernier exemple en date.
La situation semble pacifiée sur place et, pourtant, le risque terroriste demeure, même s’il est de moindre intensité. Les attaques sporadiques, quasi quotidiennes, continuent de fragiliser l’équilibre du Mali.
Une réponse doit être apportée dans la durée. Mais si nécessaire soit-elle, une intervention armée ne suffit jamais à trouver des solutions pérennes. La cause à long terme de ce mal est évidemment, et avant tout, de nature politique.
Rappelons-nous que, voilà moins d’une dizaine d’années, alors que l’Afrique ne connaissait pas encore l’expansion économique observée aujourd’hui, le Mali faisait figure d’exemple.
Cela a bien changé !
M. Hubert Falco.
Notre coopération décentralisée, notamment, fonctionnait très bien – le Mali comptait même la plus importante présence française ! – et a certainement contribué à renforcer les liens entre nos deux pays. Nous sommes nombreux, ici, à pouvoir en témoigner.
M. Jean-Marie Bockel.
Tout à fait !
M. Charles Revet.
Dans mon cas, si je connais bien le Nord-Mali, c’est d’abord au travers de cette coopération !
M. Jean-Marie Bockel.
Toutefois, malgré cette connaissance intime et mutuelle, il a fallu plusieurs semaines avant que nous – je veux dire : nous tous ! – n’appréhendions, côté français, l’urgence de la situation et la profondeur de la fracture.
Face à l’inexistence d’un État de droit en capacité de faire respecter son autorité, des groupuscules issus de minorités historiquement sous-représentées – nous pourrions passer beaucoup de temps à évoquer une longue histoire d’accords jamais respectés, sur fond de pauvreté du pays – se sont mutés en groupes terroristes, venant renforcer la démarche terroriste qui existait par ailleurs, le tout alimenté, on le sait, par des trafics en tous genres.
La clé de la sortie de crise est donc à trouver dans le dialogue politique : lui seul peut permettre de rétablir une saine gouvernance au Mali. C’est le sens des accords d’Alger du 20 juin 2015 et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, sur lesquels je ne reviendrai pas.
Les conditions sont donc réunies, mais les clauses de l’accord trouvent encore difficilement des traductions en actes sur le terrain. L’État de droit peine à se consolider et la représentation des populations du nord du pays au sein des institutions nationales demeure toujours insuffisante, même si, je le sais, la situation est complexe.
La France a pris sa part dans ce processus d’aide au développement, en sus de son effort militaire. Mais elle ne saurait fondamentalement se substituer aux autorités maliennes, qui détiennent, seules, la clé de la stabilisation politique du pays.
Au demeurant, la France n’a pas vocation à maintenir un contingent de forces important pendant une trop longue durée en Afrique. C’est à l’Afrique d’assurer, parallèlement à son développement, sa sécurité à terme.
Absolument !
M. Hubert Falco.
Il faut l’aider !
M. Charles Revet.
À cet effet, elle doit prendre progressivement dès aujourd'hui ses responsabilités et se mettre en capacité d’assumer cette défense à l’échelle des pays et de l’Union africaine. C’est un objectif que nous devons partager, et auquel, à notre manière, nous devons contribuer, et nous pouvons le faire au travers des conventions.
M. Jean-Marie Bockel.
Oui, comme cela a été souligné précédemment, l’état d’esprit n’est plus le même que celui qui prévalait dans les conventions d’autrefois. Les choses ont évolué, et nous devons évidemment nous inscrire dans cette démarche de montée en puissance de la responsabilité des Africains sur les enjeux sécuritaires.
Le présent accord de coopération semble être l’outil approprié pour permettre d’associer la France à la résolution de la crise malienne, tout en laissant le soin aux Maliens de définir eux-mêmes leur avenir commun.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Michel Billout.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été relevé, le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali doit être resitué dans une actualité et un contexte particuliers.
M. Michel Billout.
En effet, le Mali et ses voisins souffrent depuis de nombreuses années d’une situation économique, sociale et politique extrêmement fragile et dégradée, qui fait de l’ensemble de la région sahélo-saharienne une proie facile pour un certain nombre de groupes d’intérêts prospérant sur la misère, l’ignorance et le désespoir de populations entières.
Dernière manifestation de cette crise, tout récemment encore, les villes de Bamako, Tombouctou et Ouagadougou ont subi des attaques terroristes ayant fait plusieurs dizaines de morts.
Près d’un an après le déclenchement nécessaire de l’intervention militaire de notre pays, qui a permis d’éviter la disparition de l’État malien, et après la tenue d’élections démocratiques, il était devenu nécessaire, sur le plan juridique et au regard des relations internationales, de refonder et préciser le cadre de notre coopération de défense avec le Mali.
Ce traité actualise et régularise une situation de fait. Je ne conteste pas la nécessité de celui-ci, mais les membres du groupe CRC ont des réserves sur son contenu et sa signification.
Certes, ce traité est de même nature que d’autres accords de coopération ou de partenariat de défense conclus au cours des années précédentes avec des États africains. Mais je voudrais rappeler que nous nous sommes toujours prononcés sur ces accords, au cas par cas, en fonction de la situation particulière de chaque pays.
Dans le cas du Mali, avec cet accord strictement sécuritaire et uniquement axé sur la seule lutte contre les groupes terroristes, il manque une approche globale des problèmes posés, approche qui permettrait de comprendre que la réponse militaire est insuffisante dans le temps.
À ce propos, la stratégie de l’opération Barkhane contre les groupes armés terroristes au Mali et au Niger semble montrer ses limites. La situation politique et sécuritaire dans la région reste très fragile, en particulier au Mali, où l’on ne voit guère de progrès dans les régions du nord, principaux foyers d’instabilité.
D’autres critiques peuvent aussi porter sur les résultats difficilement perceptibles d’une opération militaire qui coûte 700 millions d’euros par an et dont on ne voit pas le terme.
Certes, les flux logistiques des groupes armés terroristes sont perturbés par l’action de nos forces, ce qui permet d’entraver leur liberté d’action et empêche la création de sanctuaires. Mais ces groupes s’adaptent eux-mêmes en pratiquant un terrorisme peu coûteux d’un point de vue militaire. En ce sens, on peut dire qu’ils conservent l’initiative en contournant nos 4 000 hommes et leur quarantaine d’aéronefs divers, y compris l’essentiel de nos drones.
L’exemple du Mali nous aurait permis de mesurer comment la politique menée par le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, pourrait gagner en efficacité et réussir à stabiliser, sur le long terme, une région à ce point fragilisée par la pauvreté, le terrorisme et les trafics.
Ainsi, pour assurer la stabilité et la sécurité dans ce pays, il faudrait, en comparaison du coût de nos opérations militaires, consacrer beaucoup plus de moyens à l’aide publique au développement. Or ce n’est pas la politique que vous menez, puisque les crédits affectés aux infrastructures et aux investissements économiquement structurants pour le Mali sont scandaleusement insuffisants.
C’est pourquoi je regrette le temps très limité de la discussion consacrée à l’examen de ce traité.
Notre groupe avait demandé que cette demande de ratification soit mise à profit pour organiser un débat de fond sur notre coopération militaire et civile, sur la situation sécuritaire de l’Afrique en général, voire, plus largement encore, sur la façon strictement militaire dont est conduite la lutte contre le djihadisme, sans s’attaquer aux causes qui le nourrissent.
En effet, nous aurions formulé de nombreuses réserves et des critiques sur la pertinence et l’efficacité de la politique de coopération en matière de défense et de sécurité menée dans la région, sur la nature de nos relations avec les gouvernements en place ou bien encore sur l’articulation de ce type d’accords avec l’opération militaire Barkhane, qui couvre maintenant cinq pays dans la bande sahélo-saharienne.
Pour cet ensemble de raisons, notre groupe émettra une abstention critique sur ce projet de loi de ratification.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est naturel que, entre pays amis, soudés par l’histoire, nos gouvernements, à intervalles réguliers, réaffirment solennellement dans un traité de coopération leur volonté de s’aider sur le long terme, alors que la menace extérieure peut, à tout moment, bousculer les frontières, desquamer l’État fragile, alors que l’ennemi, du dehors comme au-dedans, peut brutaliser une partie de la population et briser les joyaux de la culture et les fondements mêmes de la civilisation africaine. Nous pûmes le constater, avec une rage impuissante, lors de la sauvage et absurde destruction des mausolées de Tombouctou.
M. Jeanny Lorgeoux.
(MM. Alain Gournac et Hubert Falco approuvent.)
Mme Christiane Hummel.
En disant cela, nous n’exhalons aucun relent d’ingérence néocolonialiste ; nous assumons simplement notre histoire commune.
M. Jeanny Lorgeoux.
Qu’on en juge : après avoir procédé, entre 2009 et 2012, à un toilettage des textes régissant la coopération bilatérale en matière de défense avec les États africains, nous avons établi un partenariat de défense rénové, accompagnant l’appropriation par les acteurs africains eux-mêmes – les États, l’Union africaine, les organisations sous-régionales – de leur sécurité collective.
Exactement !
M. Daniel Reiner.
Huit accords de défense ont été signés, avec le Togo, le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine, les Comores, Djibouti, la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
M. Jeanny Lorgeoux.
Il était donc logique qu’un accord participant du même registre fût conclu à Bamako.
En effet, les relations de défense avec le Mali étaient régies jusqu’à maintenant par deux textes, devenus aujourd’hui insuffisants : d’une part, l’accord de coopération militaire technique du 6 mai 1985, limité à la mise à disposition de coopérants militaires techniques français et à la formation et au perfectionnement des cadres maliens dans nos écoles militaires ; d’autre part, l’accord sous forme d’échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu afin de garantir la sécurité juridique de l’opération Serval.
Et c’est précisément à la suite de l’intervention française, sous l’égide internationale, pour juguler le terrorisme djihadiste que le président Ibrahim Boubacar Keïta a appelé de ses vœux ce traité, le 16 octobre 2013, pour formaliser et pérenniser une relation de défense multiforme, qui contribue à conforter et sécuriser l’intégrité et la souveraineté du Mali.
Car, si le Mali veut faire cohabiter ses 14 millions de citoyens, égrenés sur plus de 1,24 million de kilomètres carrés, ventilés entre un groupe Mandé représentant la moitié de la population au sud-ouest – les Bambara, les Soninké et les Malinké –, les Peuls – 10 % de la population – dans le Macina, c'est-à-dire dans le delta intérieur du Niger, les Senoufo, d’origine voltaïque – 12 % de la population –, dans la région de Sikasso au sud-est, les Songhaï – 7 % de la population –, de part et d’autre de Tombouctou et de Gao, les Dogon – 5 % de la population –, en bordure du Burkina Faso et dont chacun connaît ici l’extraordinaire civilisation née des falaises de Bandiagara, et, enfin, les Touareg – 7 % de la population –, au nord du fleuve Niger, il lui faut alors créer ici, renforcer là, l’armature de l’État, et notamment au nord, livré trop souvent à lui-même, ouvert aux vents mauvais du trafic terroriste djihadiste islamiste et aux exactions de sectateurs hallucinés.
Il était donc indispensable que le traité, après avoir rappelé les principes généraux fondant le partenariat, englobant notamment les dimensions régionales et européennes, décrivît les actions à développer : échanges de renseignements, entraînement et formation des forces, organisation des transits ou des stationnements, exercices en commun, utilisation de l’espace aérien et, bien sûr, définition des statuts des personnels.
Cela s’ajoute à la coopération active au sein de l’École de maintien de la paix de Bamako et de l’École militaire d’administration de Koulikoro, à la formation de militaires maliens en France, à la cession de matériels.
Enfin, l’opération Barkhane, actuellement en cours, se superpose à ce canevas de fond. Mais, lorsque la paix reviendra – ce que nous souhaitons tous ! – et que les dispositifs de présence internationale autour de la MINUSMA seront levés, progressivement, en totalité ou en partie, la solidité de la coopération de défense aidera à la sécurisation des espaces frontaliers et à la lutte contre le terrorisme.
D’ailleurs, la réflexion se prolonge actuellement au forum de Dakar, qui se réunit chaque année, où nous partageons nos points de vue sur la sécurité du continent, mais qui est prise en main par les États africains eux-mêmes.
Nous saluons le rapport de notre collègue Claude Nougein pour sa clarté et sa précision,…
Absolument !
M. Daniel Reiner.
… et nous voterons donc, sans réserve aucune, le texte qui nous est proposé,…
M. Jeanny Lorgeoux.
Très bien !
M. Roland Courteau.
… car, comme nous l’écrivions naguère, Jean-Marie Bockel et moi-même, l’Afrique est l’avenir de la France.
M. Jeanny Lorgeoux.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Jacques Legendre.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’accord de coopération militaire que nous examinons ce matin est un traité de coopération militaire « classique » dans sa rédaction, il revêt une importance particulière à la lumière d’un contexte sécuritaire fortement dégradé et au regard de la menace terroriste.
M. Jacques Legendre.
La guerre au Mali n’est pas terminée ; l’attaque de l’hôtel Radisson Blu à Bamako en novembre dernier en est la preuve.
Je souhaite rappeler qu’on ne peut comprendre ce traité sans prendre en compte tant les réalités que les défis immenses auxquels doit faire face le Mali.
L’examen de ce projet de loi est aussi l’occasion de rappeler l’appui, le soutien décisif apporté par la France et son armée trois années après le début de l’opération Serval en décembre 2012, devenue l’opération Barkhane depuis août 2013.
Qu’en serait-il aujourd’hui, mes chers collègues, si le drapeau de Daech ou d’Al-Qaïda flottait sur Bamako ? C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui serait impactée, et nous en subirions les conséquences directement sur notre territoire.
En décembre 2012, la priorité était d’éviter l’effondrement de l’État malien. L’efficacité de l’opération française et de nos soldats a été saluée par les pays africains, l’Union africaine et la communauté internationale.
En 2016, la priorité est au renforcement de l’État, de ses structures et de ses moyens de gouvernance.
Si, ce matin, il n’est pas opportun de faire le bilan des OPEX Serval et Barkhane, permettez-moi, mes chers collègues, de regretter que l’article 4 de la loi de 2013 relative à la programmation militaire n’ait pas été respecté.
En effet !
M. Jean-Marie Bockel.
Il y est précisé que « les opérations extérieures en cours font, chaque année, l’objet d’un débat au Parlement » et que « le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours ». Il serait souhaitable que cet article soit respecté.
M. Jacques Legendre.
C’est très regrettable, car ce serait l’occasion de faire le bilan diplomatique et géopolitique de ces opérations militaires.
Par ailleurs, soyons conscients que bon nombre de pays sont menacés, y compris dans leur intégrité géographique, tant par la progression de l’État islamique que par la concurrence dans l’horreur entre AQMI et Daech. Dès lors, la coopération militaire est un moyen concret pour assurer la sécurité de cette région.
Aussi, mes chers collègues, je tiens à vous dire que ce traité ne porte aucune réminiscence de « néocolonialisme » ou d’une quelconque « Françafrique »…
Le traité qui nous est soumis tend précisément à remplacer un accord de 1985. Comme l’a très justement observé notre collègue Claude Nougein, que je remercie et dont je salue le travail, ce traité ne contient aucune clause pouvant laisser supposer – ou suspecter – une éventuelle ingérence politique de la part de la France.
On s’inquiète souvent de ce que peut faire la France en Afrique, mais, en même temps, on déplore qu’elle n’y soit pas assez présente !
C’est vrai !
M. Roland Courteau.
Bien au contraire, il n’est pas inutile de le rappeler, ce traité est de la même nature que ceux qui ont été signés précédemment avec le Sénégal, le Togo, le Cameroun, le Gabon, Djibouti, la Côte d’Ivoire et d’autres pays. Les quinquennats se suivent et, sur ce point, se ressemblent !
M. Jacques Legendre.
Un autre point doit être mentionné : ce traité ne se substitue pas à l’accord sous forme d’échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, qui permet de garantir la sécurité juridique de l’intervention militaire française au Mali, légitimée aussi par l’article 51 de la charte des Nations unies.
Toutefois, il nous apparaît important de dire ici que ni les OPEX ni la coopération militaire, aussi efficaces soient-elles, ne sauraient suffire à l’établissement d’une paix durable dans la région.
Le Mali, comme l’ensemble du continent africain, doit faire face à de profondes mutations. Celles d’ordre démographique sont cruciales, car l’augmentation de la population exige que le marché du travail puisse accueillir une main-d’œuvre jeune.
Dans le cas contraire, c’est toute une jeunesse désœuvrée qui trouvera un refuge dans l’économie du crime organisé, ses réseaux mafieux s’appuyant sur des tribus qui ne bénéficient pas des retombées d’une croissance atteignant certes 5 %, mais inégalement profitable et répartie sur le territoire.
N’oublions pas que la crise malienne trouve ses origines dans les inégalités entre les populations du nord et du sud du pays. Les Touaregs du Nord sont restés à l’écart du développement économique du Sud.
C’est pour cela que, plus que jamais, c’est une politique d’aide publique au développement inclusive qui doit être menée. En outre, l’aide publique au développement, l’APD, doit être renforcée et absolument évaluée ; son efficacité ne peut être une option.
À l’heure où les crises financières et économiques durent, c’est un impératif économique.
À l’heure où le terrorisme islamique menace le berceau africain de la civilisation, l’efficacité de l’APD est un impératif moral.
Enfin, nul ne peut ignorer que le défi démographique s’accompagnera d’un défi encore plus grand – je pense au défi alimentaire. Combiné aux conséquences des difficultés naturelles et climatiques, c’est un facteur immense de risques de déstabilisation politique et de guerre.
C’est pour cette raison que ce type d’accord mérite d’être soutenu ; il crée une condition supplémentaire de paix à long terme. La formation d’une armée nationale participe au renforcement de l’État malien.
Au regard de ces considérations juridiques et du contexte géopolitique complexe, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord, je le dis une nouvelle fois à l’attention de ceux qui s’interrogent encore, marque une différence entre une coopération structurelle – c’est son objet ! – et les différents accords portant sur des opérations ponctuelles telles les opérations Barkhane ou Sangaris.
Mme Annick Girardin,
secrétaire d'État.
Ce qu’il faut absolument retenir, c’est que nous adaptons en permanence nos dispositifs pour répondre aux situations spécifiques et aux nouveaux enjeux, non seulement la lutte contre le terrorisme, mais aussi la formation indispensable et l’accompagnement de l’armée malienne, qui doit effectivement prendre le relais dans la mission de sécurisation du territoire malien et de lutte contre le terrorisme.
Mais vous avez raison, il n’y aura pas de sécurité et de paix durable au Mali sans développement, sans une implication forte à ses côtés dans sa reconstruction de la France et, au-delà, de l’Union européenne.
Un orateur a qualifié le niveau de l’aide apportée au Mali de « scandaleusement insuffisant ». Le mot est un peu fort, d’autant que la France est le premier donateur bilatéral du Mali.
À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
La conférence des donateurs pour le développement du Mali, sous l’impulsion de la France, a accordé à ce pays une assistance à hauteur de 3,3 milliards d’euros pour l’aider à se relever. Certes, c’est encore trop peu au regard des défis auxquels il doit faire face, mais ce montant est suffisamment important pour qu’il soit tout de même un peu fort, je le répète, de parler de niveau « scandaleusement insuffisant ».
Le 22 octobre dernier, lors de la dernière réunion de l’OCDE, le Président de la République, François Hollande, a annoncé l’attribution de plus de 300 millions d’euros de financements sur la période 2015-2017 en faveur de 80 projets situés essentiellement dans le nord du Mali.
Je suis d’accord avec vous, il faut de la transparence et une évaluation de cette aide. Aussi, je me réjouis que vos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret aient entrepris la rédaction d’un rapport ayant précisément pour objet d’évaluer cette aide.
Par ailleurs, je prends bonne note de votre demande d’organiser un débat annuel,…
C’est indispensable !
M. Charles Revet.
… tout en faisant remarquer que les chefs d’état-major des armées sont régulièrement entendus par les commissions compétentes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Mme Annick Girardin,
secrétaire d'État.
Je veux le redire ici, l’année 2015 a été historique : la France et l’ensemble des pays du monde ont pris des engagements forts sur les questions climatiques, sur les questions de développement durable – lors du sommet des Nations unies sur le développement durable qui s’est tenu dernièrement à New York – ou en matière de lutte contre le terrorisme.
Je crois honnêtement que nous serons encore davantage au rendez-vous des enjeux auxquels est confrontée l’Afrique : terrorisme, nécessaire développement, démographie explosive et climat.
L’Afrique est une chance pour la France, mais si nous soutenons et accompagnons insuffisamment nos partenaires, ce continent peut aussi être source de véritables difficultés.
La discussion générale est close.
Mme la présidente.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Est autorisée la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali, signé à Bamako le 16 juillet 2014 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je soutiens bien évidemment le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense, car le Mali a toujours besoin de nous.
M. Alain Gournac.
Simplement, sans s’immiscer aucunement dans la politique intérieure du Mali, qui est un pays ami, il faudrait diriger notre attention vers le Nord. Le Président de la République du Mali avec lequel j’ai été en contact nous a indiqué que le développement concernerait aussi bien l’administration que les routes et les écoles. Or, à l’instant même où nous nous apprêtons à adopter ce projet de loi de ratification, le développement du nord du pays n’est absolument pas d’actualité. Aucun ministre ne s’est déplacé sur place.
Mme Annick Girardin,
secrétaire d'État.
Je parle des ministres maliens, pas de vous, madame la secrétaire d’État !
M. Alain Gournac.
(Sourires.)
On nous avait parlé d’une route, mais celle-ci n’existe toujours pas. On nous avait aussi promis des améliorations dans les écoles, où l’on compte un professeur pour six ou sept établissements. Sans s’immiscer dans la politique intérieure du Mali – ce n’est pas du tout ce que je veux, je le répète ! –, il faut insister sur le fait que l’équilibre du Mali passe par le développement du Nord.
(Mme la secrétaire d’État opine.)
Personne ne demande plus la parole ?…
Mme la présidente.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali.
(Le projet de loi est adopté.)
L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Mme la présidente.
Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense, signé à Singapour le 31 mai 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (projet n
Mme la présidente.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité, signé à Paris le 12 juillet 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (projet n
Mme la présidente.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 14 juillet 2013.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (projet n
Mme la présidente.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n
Mme la présidente.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre I
Mme la présidente.
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 11 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois est autorisée la reproduction par le cinéma, la photographie, la peinture ou le dessin des œuvres de toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Dans l’objectif de rendre l’art accessible à tous, cet amendement permet de diffuser et de reproduire en faveur du plus grand nombre, notamment sur internet, les œuvres du patrimoine culturel situées de manière permanente dans l’espace public, et ce, malgré l’existence de droits de propriété intellectuelle de l’architecte et de l’artiste.
Mme Françoise Laborde.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement prévoit une acceptation large de l’exception de panorama qui bénéficierait aux artistes.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Introduit par l’Assemblée nationale, l’article 18 ter du projet de loi pour une République numérique, que le Sénat sera prochainement amené à examiner, traite déjà du sujet, et ce de façon plus encadrée. Il limite en effet la liberté de panorama aux reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.
Cette définition me semble préférable. Aussi, il conviendra d’engager ce débat, qui a été fort animé à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de ce texte.
C’est pourquoi je vous invite, madame la sénatrice, à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise effectivement à créer une exception au droit d’auteur pour les reproductions d’œuvres situées dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments publics et pour tous les usages.
Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication.
Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, l’Assemblée nationale a adopté, dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, un amendement tendant à consacrer cette exception dite « de panorama ».
J’attire également votre attention, madame la sénatrice, sur le fait que les contours de cette exception ont été définis de manière très stricte par les députés, afin de ne pas causer de préjudice injustifié aux auteurs. C’est pour cette raison qu’il a été prévu de limiter l’exception aux seules œuvres présentes dans l’espace public et aux exploitations réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.
Or l’amendement que vous proposez, madame la sénatrice, vise à procéder à une extension très importante de cette exception : des professionnels pourraient exploiter à des fins commerciales les copies d’œuvres situées non seulement sur la voie publique, mais aussi dans les bâtiments publics. Les usages commerciaux qui garantissent la rémunération de ces auteurs se trouveraient donc directement concurrencés par les usages commerciaux réalisés par des tiers.
Cette extension serait susceptible de porter gravement préjudice aux intérêts, en particulier, des architectes et des auteurs des arts graphiques et plastiques, dont nous avons longuement discuté hier soir, ce qui ne serait pas souhaitable à l’heure actuelle.
Par ailleurs, je vous le rappelle, une discussion est en cours à l’échelon européen concernant des mesures de modernisation du droit d’auteur dans l’univers numérique, et, vous le savez, j’y apporte des propositions extrêmement concrètes et innovantes. La France est vraiment force de proposition dans le cadre de ce débat.
À cet égard, dans sa communication du 9 décembre dernier, la Commission européenne s’est engagée à évaluer l’opportunité de réduire l’incertitude juridique pour les internautes qui mettent en ligne leurs photos de bâtiments et d’œuvres d’art situés de manière permanente dans l’espace public.
Cette discussion doit également porter sur les bouleversements du partage de la valeur propres à l’environnement numérique de manière plus générale, me semble-t-il, et qui s’opèrent au bénéfice de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus, et au détriment de ce que l’on appelle l’amont de la chaîne, c’est-à-dire essentiellement les artistes qui, eux, prennent le risque de la création.
La Commission européenne adopte une démarche prudente, puisqu’elle s’est engagée à évaluer dans quelle mesure l’utilisation en ligne des œuvres de l’esprit profite équitablement à toutes les parties concernées. C’est dans ce cadre communautaire que je vous invite donc à sécuriser ce régime juridique.
Madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, dont l’adoption, je le redis, renforcerait, au lieu de le corriger, le bouleversement du partage de la valeur au détriment des auteurs des arts visuels.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur de ces informations. Certes, j’aurais pu retirer cet amendement avant, car nous avons déjà longuement débattu de ce sujet, mais cela m’a permis d’obtenir des précisions.
Mme Françoise Laborde.
Certains pays européens n’ayant pas la même législation, il est important d’asseoir l’exception culturelle française, tout en s’assurant qu’elle puisse être compatible avec les règles européennes.
Sous le bénéfice de ces observations, je retire mon amendement.
L’amendement n
Mme la présidente.
(Non modifié)
1° Le 7° est ainsi rédigé :
2° Au dernier alinéa, les mots : « l’autorité administrative mentionnée au 7°, ainsi que les conditions de désignation des organismes dépositaires et d’accès aux fichiers numériques mentionnés au troisième alinéa du 7°, » sont supprimés.
II. – Après le même article L. 122-5, sont insérés des articles L. 122-5-1 et L. 122-5-2 ainsi rédigés :
Art. L. 122-5-1
« 1° La reproduction et la représentation sont assurées par des personnes morales ou des établissements figurant sur une liste arrêtée conjointement par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées. La liste de ces personnes morales et de ces établissements est établie au vu de leur activité professionnelle effective de conception, de réalisation ou de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques mentionnées au 7° de l’article L. 122-5 et par référence à leur objet social, à l’importance des effectifs de leurs membres ou de leurs usagers, aux moyens matériels et humains dont ils disposent et aux services qu’ils rendent ;
« 2° La reproduction et la représentation peuvent également porter sur toute œuvre dont le fichier numérique est déposé par l’éditeur, dans un format facilitant la production de documents adaptés, auprès de la Bibliothèque nationale de France qui le met à la disposition des personnes morales et des établissements figurant sur la liste mentionnée au 1° du présent article et agréés à cet effet.
« Pour l’application du présent 2° :
« – en ce qui concerne les livres scolaires, pour ceux dont le dépôt légal ou la publication sous forme de livre numérique, au sens de la loi n
« – pour les autres œuvres, sur demande d’une des personnes morales et des établissements mentionnés au 1° formulée dans les dix ans suivant le dépôt légal des œuvres imprimées quand celui-ci est postérieur au 4 août 2006 ou dès lors que des œuvres sont publiées sous forme de livre numérique, au sens de la loi n
« Les modalités d’application du présent article, notamment les modalités d’établissement de la liste mentionnée au 1° et de l’agrément prévu au 2°, les caractéristiques des livres scolaires mentionnés au
Art. L. 122-5-2
« On entend par organisme, au sens du premier alinéa du présent article, toute personne morale ou tout établissement autorisé ou reconnu par un État pour exercer une activité professionnelle effective de conception, de réalisation et de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques atteintes d’une déficience qui les empêche de lire.
« Une convention entre ces organismes précise les conditions de mise à disposition des documents adaptés ainsi que les mesures prises par l’organisme sans but lucratif destinataire de ces documents afin de garantir que ceux-ci ne sont consultés que par les personnes physiques atteintes d’une déficience qui les empêche de lire.
« Les personnes morales et les établissements mentionnés autorisés en application du premier alinéa rendent compte chaque année, dans un rapport aux ministres chargés de la culture et des personnes handicapées, de la mise en œuvre des conventions conclues en application du troisième alinéa.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » –
Après le troisième alinéa de l’article 18 de la loi n
« Ce rapport rend également compte du respect par les éditeurs de services de radio des dispositions du 2°
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des raisons pour lesquelles il n’a, le cas échéant, pas pris de telles mesures
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n
Cet amendement vise simplement à compléter l’alinéa 2 de l’article 11
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La commission du Sénat a fait le choix de supprimer cette obligation de motivation et de justification. Il nous apparaît, au contraire, que c’est une question de responsabilité d’avoir un avis motivé du CSA.
En effet, sans remettre en cause l’indépendance de cette institution, il semble tout de même légitime de s’interroger sur les raisons qui ont poussé le gendarme de l’audiovisuel à ne pas faire respecter la loi, ce qui reste tout de même l’une de ses missions principales.
Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement tend effectivement à revenir sur un amendement adopté par la commission de la culture visant à restreindre la portée du compte rendu demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel sur l’application des quotas de chansons francophones, en supprimant l’obligation de rendre compte dans son rapport annuel des mesures prises, ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il aurait décidé de ne pas sanctionner les manquements qu’il aurait pu relever.
Mme Fleur Pellerin,
Il me paraît tout à fait opportun de rétablir cette précision, puisque la question des quotas donne lieu à d’importantes tensions entre la filière musicale et les radios. La plus parfaite information serait de nature à apaiser ces tensions.
Je crois donc utile de donner au CSA l’occasion, non seulement de rendre compte du respect des quotas par les radios et des mesures qu’il a prises pour remédier aux manquements constatés, mais également d’expliquer pourquoi il peut lui arriver de ne pas sanctionner de tels manquements, conformément à l’esprit de la régulation qui s’oppose à l’automaticité des sanctions. Ces explications seront, à mon sens, très précieuses pour la filière musicale, les radios, mais également la représentation nationale à laquelle le rapport du CSA est tout d’abord destiné.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Chaque année, le CSA rend son rapport. L’article initial précisait que ce rapport devait faire état du respect de la règle des quotas, avec 40 % de chansons francophones, et des différentes applications de ces quotas par les différentes radios, ainsi que des raisons du refus de sanctionner. Cette dernière mesure nous a semblé quelque peu superfétatoire, et nous l’avons supprimée.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cette affaire ne va pas faire tourner la planète dans le sens inverse !
(Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
Je mets aux voix l'article 11
Mme la présidente.
(L'article 11
est adopté.)
« Dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur les dix œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France les plus programmées par un service, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ne sont pas prises en compte pour le respect des proportions fixées par la convention pour l’application des quatre premiers alinéas du présent 2°
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n
À notre sens, la question des quotas musicaux dans les services de radiodiffusion, loin d’être anecdotique, soulève une véritable problématique : quelle programmation pour quel public, et dans quel but ?
Mme Christine Prunaud.
Les quotas musicaux, déjà imposés par la loi et renforcés par le présent texte, loin de contrevenir à la liberté de programmation, permettent au contraire de répondre aux missions de service public des stations de radio, qui, pour privées qu’elles soient, bénéficient de fréquences publiques. Mieux, ce dispositif est un atout pour toutes et tous : pour les artistes reconnus ; pour les artistes en devenir, qui peuvent bénéficier de plus d’audience ; pour les auditeurs, qui peuvent bénéficier d’un confort d’écoute et d’une réelle diversité musicale ; enfin, pour les stations de radio elles-mêmes, qui risquent moins l’exode d’auditeurs exaspérés d’entendre le même morceau à quarante-cinq minutes d’intervalle.
De fait, toute mesure qui viserait à affaiblir le dispositif recevrait un écho négatif de notre part. C’est pourquoi nous demandons que soit supprimée la possibilité accordée au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’autoriser un service de radio à déroger au respect des quotas musicaux. Plusieurs raisons motivent notre position.
Tout d’abord, cette possibilité de dérogation couplée à une absence de motivation de la part du CSA ne peut qu’entraîner une généralisation des dérogations et une opacité du processus. De fait, l’exception deviendrait la règle.
Ensuite, les éléments de sécurisation que la commission a voulu apporter, à savoir l’obligation d’engagements en faveur de la diversité, nous semblent bien fragiles, faute de cadre et de définition précis.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement vise également à revenir sur l’amendement adopté par votre commission, sur lequel le Gouvernement avait émis un avis défavorable, et donc à rétablir l’article 11
Mme Fleur Pellerin,
La faculté de dérogation accordée au CSA par l’amendement voté en commission n’est que très peu encadrée puisqu’elle a pour seule contrepartie le respect « d’engagements en faveur de la diversité musicale ». Une telle rédaction risque de priver la disposition de sa portée et de fragiliser considérablement les chances d’atteindre le but poursuivi, qui, je le répète, est de mettre en avant la diversité musicale et de favoriser l’émergence de jeunes talents.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Je pense moi aussi que la suppression de la possibilité accordée au CSA d’autoriser un service de radio à déroger au respect des quotas musicaux permettra de redonner toute sa substance à la disposition introduisant un seuil, afin de promouvoir la diversité musicale et la création artistique française.
Mme Françoise Laborde.
Les amendements n
Mme la présidente.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigées :
« Pour les radios spécialisées dont le genre musical identitaire ne comprend de fait que peu de titres francophones, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut accorder une dérogation spéciale à la proportion de titres francophones définie au présent 2°
« – la diffusion d’un nombre minimal d’artistes et de titres différents, avec un plafonnement du nombre de rediffusions pour les artistes et les titres les plus diffusés ;
« – le respect d’une part minimale de nouveaux talents ou de nouvelles productions dans l’ensemble de la programmation ainsi que parmi les titres les plus diffusés ;
« – la captation et la diffusion d’un nombre minimal de spectacles vivants. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n
Je veux dire mon très grand attachement aux termes de la loi du 30 septembre 1986 et, donc, à la nécessité que les conventions passées entre le CSA et les radios privées incluent une exigence de diffusion de quotas minimaux de titres francophones au sein des programmes dits de variétés. C’est très important, et nous avons raison de tenir bon là-dessus !
M. Jean-Pierre Sueur.
Il se trouve toutefois qu’existent des radios spécialisées qui ont pour vocation de diffuser du jazz, de la musique électronique, des musiques du monde, des musiques d’Amérique latine ou encore des musiques africaines. Des radios comme celles du groupe Nova, par exemple, diffusent une grande diversité de musiques.
Ces radios ont fait valoir – vous connaissez bien le problème, madame la ministre – qu’elles font face à une réelle difficulté pour respecter la règle des quotas. Le présent amendement prévoit donc que des dérogations puissent être accordées, dès lors que les radios concernées s’engagent à diffuser un nombre minimal d’artistes et de titres différents – avec un plafonnement du nombre de rediffusions –, à respecter une part minimale de nouveaux talents ou de nouvelles productions dans l’ensemble de leur programmation et à capter et à diffuser un nombre minimal de spectacles vivants.
Je n’ignore pas que ces dispositions ont donné lieu et donnent toujours lieu à des discussions avec votre ministère. Je serai donc très attentif à la réponse que vous pourrez apporter au problème véritable qui se pose à ces radios en raison de leur identité même.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Les quotas de musique francophone, s’ils étaient réellement appliqués, menaceraient la survie d’un certain nombre de radios qui participent pourtant activement à la richesse et à la diversité de l’offre radiophonique dans notre pays.
M. André Gattolin.
Je souligne le fait que nous ne sommes pas hostiles au principe des quotas. Notre amendement vise simplement à prendre en compte certaines situations spécifiques dans lesquelles, en l’état actuel du droit, l’application de ces quotas peut poser – et pose – problème. Jean-Pierre Sueur a évoqué le cas des radios spécialisées, comme celles diffusant du jazz, de la musique électronique ou des musiques du monde, domaines dans lesquels il n’existe pas – ou très peu – de production francophone.
Faute de définition juridique de la « musique de variétés », à laquelle s’appliquent les quotas définis par la loi Léotard de 1986, ces situations ne sont aujourd’hui pas prises en compte. De fait, les quotas sont actuellement loin d’être toujours respectés. S’il advenait une volonté d’appliquer la lettre de la loi, cela conduirait à la disparition rapide de la spécialisation de certaines de ces radios et donc, à rebours de l’esprit de la loi, à une grande uniformisation de l’offre musicale radiophonique. Or nous sommes probablement tous d’accord ici pour souhaiter que l’offre radiophonique soit aussi diverse que possible et que l’on ne retrouve pas, d’une antenne à l’autre, les mêmes artistes et les mêmes titres.
L’objet du présent amendement est de prévenir cette situation. À cette fin, il vise à permettre au CSA d’accorder une dérogation à des radios dont le positionnement musical est très spécialisé. En contrepartie, ces radios s’engageraient à adopter un comportement très exigeant en matière de diversité de la programmation et de promotion du spectacle vivant et des jeunes talents.
J’en profite pour rappeler que la définition arrêtée par le CSA, en septembre 2000, des jeunes talents est particulièrement lâche : est considéré comme jeune talent tout artiste qui n’a pas obtenu, avant la sortie de son nouvel
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Nous sommes tous d’accord pour imposer aux stations de radio des quotas de chansons francophones ou interprétées dans une langue régionale en usage en France. Nous sommes également tous d’accord pour dire que ces quotas sont en quelque sorte contournés par certaines radios, qui concentrent l’ensemble de leur diffusion d’œuvres francophones sur quelques titres seulement. Nos collègues députés ont donc eu raison de promouvoir la déconcentration des diffusions et de favoriser une meilleure prise en compte des nouveaux talents francophones.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Absolument !
M. Charles Revet.
Cela étant, le dispositif des quotas représente déjà une belle usine à gaz, assez complexe à gérer, puisqu’il implique de tenir une comptabilité des temps de diffusion par catégorie musicale, ce qui est loin d’aller de soi. Les radios ont désormais l’habitude, mais gardons-nous d’aggraver la situation par l’introduction d’une réglementation supplémentaire,…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il y en a déjà trop !
M. Charles Revet.
… sans parler d’une différenciation des seuils. Les règles sont trop nombreuses ; c’est déjà assez difficile comme ça ! Faisons preuve, mes chers collègues, d’un peu plus de souplesse.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission a cherché à conserver l’esprit de l’amendement voté par l’Assemblée nationale ; nous constatons en effet que le respect des quotas peut aller de pair avec une trop forte concentration des diffusions. Toutefois, nous avons souhaité, en raison de la très grande diversité des stations de radio, donner au CSA la possibilité d’accorder à certaines d’entre elles une petite dérogation au seuil visé par l’article 11
Nous proposons donc que le seuil des dix œuvres musicales francophones concentrant plus de la moitié du total des diffusions puisse être modulé par le CSA en contrepartie d’engagements spécifiques pris par la radio en faveur de la diversité musicale. Ces engagements peuvent d’ailleurs très bien ne pas concerner seulement la programmation, mais consister en un soutien à la chanson française dans les territoires ou en diverses autres mesures dont l’appréciation est laissée au CSA.
Je regretterais de ne pas voir inscrite dans le texte cette dose de souplesse. C’est pourquoi la commission est défavorable aux amendements qui tendent à la supprimer. En outre, leur adoption reviendrait à compliquer encore davantage la gestion des quotas.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques n
Mme la présidente.
Ces amendements répondent à un véritable enjeu : la défense de la diversité à la radio. Je ne partage donc pas tout à fait la position du rapporteur.
Mme Fleur Pellerin,
L’intention des signataires de ces deux amendements est de donner au CSA la faculté de prendre en considération la spécificité de certaines radios et donc d’autoriser, sous certaines conditions, les radios thématiques à déroger à leurs obligations en termes de quotas de diffusion de chansons francophones. Les radios visées sont « les radios spécialisées dont le genre musical identitaire ne comprend de fait que peu de titres francophones ».
Je suis très sensible à l’idée d’adapter nos outils de régulation aux différents formats. C’est, selon moi, une façon intelligente de prendre en compte la diversité. Le soutien et la promotion apportés à la diversité des esthétiques et des genres sont une condition indispensable à la diversité musicale. Je partage donc pleinement l’esprit de cette proposition. Néanmoins, la rédaction de ces amendements soulève quelques difficultés techniques, qui tiennent notamment à la délimitation du périmètre des radios éligibles et à l’ampleur des dérogations auxquelles elles pourraient prétendre.
Le respect de la diversité des formats doit, à mon sens, être concilié avec la préservation des mécanismes de promotion de la francophonie, qui ont fait leurs preuves et que le projet de loi vise à renforcer. C’est pourquoi je vous propose de travailler ensemble, d’ici à la seconde lecture, afin de trouver une solution juridiquement robuste permettant de prendre en compte les spécificités des radios thématiques et de répondre parfaitement à leur situation particulière. Pour ces raisons, je vous demande, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements.
La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je suis d’accord avec nos collègues Sueur et Gattolin. J’aime de temps en temps à m’évader en écoutant des musiques différentes sur ces radios thématiques, qui, effectivement, ne peuvent pas respecter les quotas. Pour autant, je suivrai la position du rapporteur. J’ai bien conscience en effet que cette situation n’est pas simple à gérer.
M. Éric Doligé.
Ce débat montre bien la difficulté d’instaurer des quotas. Voilà pourquoi on souhaite à présent introduire de la souplesse. Il sera d’ailleurs intéressant de voir avec le temps le degré de souplesse du CSA. Il pourra en effet être souple tout en étant quelque peu rigide ou être rigide tout en étant très souple… En fin de compte, tout dépendra de son appréciation. En outre, j’aimerais savoir comment cette notion de souplesse peut être traduite dans la loi.
Je profite de cette occasion pour exprimer les questions que je me pose quant à certains textes de chansons diffusées sur les radios, quoique j’ignore comment les transposer dans un texte de loi. Je pense en particulier au rap. Comme c’est de la musique, on passe tout ; néanmoins, quand on lit les textes sans la musique, on est un peu effaré par le contenu. Alors, je ne sais pas si une censure serait possible mais ce sujet mériterait, selon moi, une réelle analyse, surtout dans la période actuelle.
Après cette petite digression, je veux réitérer mon soutien à mes collègues Sueur et Gattolin, même s’il est préférable qu’ils retirent leurs amendements. Je pense en effet qu’il faut essayer de trouver une solution intermédiaire pour permettre la souplesse.
J’ajoute qu’il doit y avoir beaucoup de jeunes talents dans cet hémicycle : pour être un jeune talent, je rappelle qu’il faut simplement ne pas avoir reçu deux disques d’or. Beaucoup d’entre nous remplissent cette condition…
(Sourires.)
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
L’Assemblée nationale a cherché non pas à nuire aux radios spécialisées dans certains genres musicaux, comme le jazz ou les musiques tropicales, mais à imposer de la diversité aux grosses radios qui matraquent tout le temps les mêmes morceaux et laissent peu de place à la chanson française et aux nouveaux talents français. Je tenais à resituer le débat pour qu’on comprenne bien que le dispositif de nos collègues députés ne vise pas à ratiboiser toutes ces petites radios qui expriment la diversité en France. Au contraire, il s’agit d’empêcher l’uniformisation qui domine massivement le paysage radiophonique ou, du moins, les radios à forte audience.
M. David Assouline.
Certains parmi nous reconnaissent que tel était bien le but de ces mesures, mais objectent que, en poursuivant cet objectif louable, on affecte certaines petites radios. Le problème est le suivant : personne n’a encore trouvé la solution pour que ces radios de la diversité puissent bénéficier de souplesse sans ouvrir la boîte de Pandore et offrir aux grosses radios la possibilité de s’engouffrer dans la brèche et d’utiliser cette souplesse pour contourner l’esprit de la loi et continuer leurs pratiques antérieures.
Aucune rédaction satisfaisante n’a été trouvée. M. Sueur et M. Gattolin s’en approchent dans leurs amendements, mais sans y parvenir. Je les invite donc, ainsi que M. le rapporteur, qui a lui aussi tenté de trouver la formule adéquate, à répondre au souhait de Mme la ministre : travaillons ensemble pour trouver, d’ici à la deuxième lecture, une rédaction permettant de répondre à tous nos soucis sans constituer un cheval de Troie pour les cibles de la régulation.
Je demande à mes collègues de retirer leurs amendements et j’appelle le rapporteur à accepter l’amendement du Gouvernement, dès lors que Mme la ministre s’est engagée à retravailler la formule utilisée.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il est toujours délicat, dans un débat qui a été bien préparé par la commission et qui a fait l’objet d’un travail fourni de nos collègues, en particulier des rapporteurs, de prendre la parole pour défendre une position quelque peu différente. Je le ferai donc avec beaucoup d’humilité, simplement pour apporter au débat ma part de vérité.
M. Jean-Baptiste Lemoyne.
La francophonie, selon moi, doit être défendue au mieux et tous les jours. On voit bien, en effet, combien il est difficile de perpétuer cette petite flamme, qui est parfois bien ténue. La rédaction proposée par la commission permet certes la souplesse ; je vois bien pourtant les problèmes qui peuvent se poser, et cela m’interpelle. En effet, s’il ne s’agit que de dix titres, comment une radio peut-elle échouer à atteindre ce quota ? Il est tout de même possible de trouver quatre, cinq et même dix titres musicaux français permettant de respecter ce quota : la diversité des talents en France le permet bien. D’ailleurs, l’exigence posée est l’expression francophone de ces talents ; or Dieu sait que ce monde francophone riche et divers couvre bien des pays. Sans vouloir ici faire de publicité, on pourrait sans doute mieux mettre en avant à la radio un groupe québécois comme les Cowboys fringants, une jeune artiste française telle que le Prince Miiaou ou encore un groupe corse comme A Filetta : cela irait dans le bon sens.
La navette parlementaire permettra sûrement d’affiner ce texte. C’est d’ailleurs l’appel qui a été lancé par certains d’entre nous. Il ne s’agit pas de parvenir dès aujourd’hui à une rédaction définitive ; j’espère plutôt que les connaisseurs réunis au banc sauront trouver un équilibre d’ici à la deuxième lecture. En attendant, à titre conservatoire, je me rallierai à l’amendement du Gouvernement, car j’estime que donner tout de suite le signal de la souplesse n’irait pas forcément dans le bon sens.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nos collègues Sueur et Gattolin ont défendu leurs amendements avec passion. C’est naturel quand il est question de culture et de musique, domaines passionnants. Selon moi, les radios, en particulier les petites radios sont le fruit du travail de personnes de bonne volonté.
M. Marc Laménie.
On entend souvent qu’il faut soutenir la musique française, même s’il faut respecter toutes les musiques. Je trouve donc ces amendements intéressants. En revanche, on peut comprendre la nécessité de ces quotas. La modification de la loi du 30 septembre 1986 opérée par cet article donne un pouvoir d’appréciation au CSA. Il faut faire confiance à cette autorité. On a parlé de souplesse ; j’en confirme l’importance, quand bien même M. le rapporteur évoquait aussi une potentielle « usine à gaz ».
On nous répète qu’il faut simplifier et adapter les dispositifs aux circonstances. Pour ma part, je fais confiance sur ce point à mes collègues, aux rapporteurs et à toutes celles et tous ceux qui travaillent sur ces sujets afin de trouver les bonnes solutions qui permettront d’assurer la promotion des jeunes talents et de la musique française.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Le texte de la commission n’est pas forcément la version définitive. Je suis évidemment prêt, cher David Assouline, à travailler avec le Gouvernement pour parvenir, d’ici à la deuxième lecture, à la rédaction la plus adaptée possible en essayant de rassembler les propositions contenues dans les amendements défendus par MM. Abate, Sueur et Bonnecarrère ainsi que par d’autres collègues.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je vous demande tout de même, mes chers collègues, de ne pas voter l’amendement du Gouvernement. En effet, son adoption signifierait le vote conforme de cet article et donc l’impossibilité d’en retravailler la rédaction ultérieurement.
C’est vrai !
M. Olivier Cigolotti.
Afin de pouvoir poursuivre ce débat, je demande également à MM. Sueur et Gattolin de retirer leurs amendements, qui tendent à introduire une formulation encore différente.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le texte issu des travaux de la commission permettra au débat de se poursuivre au cours de la navette parlementaire.
Tout à fait !
M. Charles Revet.
Nous aurons ainsi le temps de nous rassembler pour trouver, en collaboration avec le Gouvernement, une formulation qui, sans être trop compliquée, garantirait ce que nous souhaitons tous, à savoir une plus grande présence de la chanson française, en particulier sur ces grandes radios, même si, c’est vrai, celles-ci ne constituent pas l’ensemble du paysage radiophonique.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)
Monsieur Sueur, l’amendement n
Mme la présidente.
J’ai bien compris quel état d’esprit présidait aux propos de M. le rapporteur, et je l’en remercie.
M. Jean-Pierre Sueur.
Par ailleurs, madame la ministre, j’ai beaucoup apprécié vos déclarations. J’en ai retenu qu’un travail approfondi serait conduit pour trouver la bonne rédaction, celle qui ne mettra pas en péril le principe des quotas, auquel nous sommes attachés, mais qui prendra en compte la spécificité de ces radios.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
L’amendement n
Mme la présidente.
Monsieur Gattolin, l’amendement n
Compte tenu de l’engagement pris par Mme la ministre de réfléchir à une nouvelle rédaction pour cet article, je vais retirer mon amendement.
M. André Gattolin.
J’ajoute que j’ai depuis longtemps le souci de protéger la langue française. Sur le fond, je n’irai toutefois pas dans le même sens que mon collègue Éric Doligé. Mais, sur la forme, je conviens que l’on voit des textes en français très mal écrits. La qualité n’est pas l’exclusivité de la production française ! Reste que nous avons la chance, en France, d’avoir des radios dont les programmations sont d’une grande diversité. Dans certains pays, comme l’Italie, l’uniformisation des programmes radiophoniques est extrême.
Quand on nous dit que le CSA ne peut mettre en œuvre des règles trop précises, je réponds qu’il existe des définitions normatives. Définir un « jeune talent » comme un artiste dont les précédentes productions n’ont pas encore obtenu deux disques d’or, cela ne va pas…
Un système de piges a été mis en place, d’abord par IPSOS Musique et aujourd’hui par Yacast, qui permet de connaître en temps réel ce qui est diffusé par les stations et donc de savoir quels sont les 10 % ou 20 % d’artistes qui sont le moins diffusés. Nous pourrions, à partir de là, élaborer des règles opérationnelles, évolutives et pragmatiques. Il ne faut pas croire que ce soit si compliqué à mettre en place.
Je retire l’amendement, madame la présidente.
L’amendement n
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre.
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Mme Fleur Pellerin,
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
Mme la présidente.
La séance se poursuivra, ensuite, jusqu’à treize heures trente.
(Protestations sur les travées du groupe CRC.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à treize heures cinq.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
La parole est à M. David Assouline.
Nous sommes tous tombés d’accord pour qu’un travail ait lieu au cours de la navette afin d’aboutir à une formulation qui réponde au problème posé par André Gattolin, Jean-Pierre Sueur et moi-même, ainsi que par notre groupe et par M. le rapporteur.
M. David Assouline.
Or, en l’état actuel des choses, nous allons adopter conforme le texte de l’Assemblée nationale. La navette sur l’article 11
C’est exactement l’inverse de ce qui vient d’être voté !
M. Charles Revet.
Je suis donc saisie d’un amendement n
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission ?
Je regrette que la formulation que j’avais proposée n’ait pas été maintenue. Mais on peut comprendre que certains de nos collègues, à treize heures dix, soient partis déjeuner…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Nous nous retrouvons, après ce vote qui n’a pas été favorable à la commission, avec un texte identique à celui qu’a voté l’Assemblée nationale. Par conséquent, comme l’a dit David Assouline, il ne reviendra pas devant le Sénat. Nous n’aurons donc pas la possibilité de réfléchir à une meilleure rédaction.
M. Assouline reprend l’amendement n
Après avoir consulté très rapidement les membres de la commission de la culture, je prends la responsabilité de proposer à mes collègues de s’abstenir sur l’amendement n
Votre sagesse est exemplaire, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Je n’ai rien à ajouter, madame la présidente.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 11
Mme la présidente.
(L'article 11
est adopté.)
À la fin du 6° de l’article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, les références : « aux deux premiers alinéas du 7° de l’article L. 122-5 » sont remplacées par les références : « au 7° de l’article L. 122-5, au 1° de l’article L. 122-5-1 et à l’article L. 122-5-2 ». –
À la fin du 3° de l’article L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle, les références : « aux deux premiers alinéas du 7° de l’article L. 122-5 » sont remplacées par les références : « au 7° de l’article L. 122-5, au 1° de l’article L. 122-5-1 et à l’article L. 122-5-2 ». –
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les livres édités sous une forme numérique font l’objet d’une obligation de dépôt légal. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 132-1 est complété par les mots : « , ou pour les livres édités sous forme numérique, à la transmission d’un fichier » ;
3° Après le i de l’article L. 132-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Celles qui éditent des livres sous forme numérique. »
La parole est à M. André Gattolin.
Cet amendement est défendu.
M. André Gattolin.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Si le dépôt légal des livres numériques est réalisé par la BNF, il ne s’agit pas d’un archivage complet de l’ensemble de la production tel que le prévoit le code du patrimoine. L’élargissement « officiel » du dépôt légal aux livres numériques est donc bienvenu. Il pourrait néanmoins conduire à augmenter sensiblement le coût des procédures de dépôt et de stockage pour l’établissement public. La commission aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement tend à créer un dépôt légal obligatoire des livres numériques, sur l’initiative des éditeurs.
Mme Fleur Pellerin,
Aujourd’hui, le dépôt légal des livres numériques est assuré dans le cadre du dépôt légal du
Le principe du dépôt légal du
Par ailleurs, dans la mesure où la BNF est à l’initiative du processus, la solution du dépôt légal du
Pour cette raison, la piste de la collecte des livres numériques
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Mme la présidente.
L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le producteur est tenu de rechercher une exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle, conforme aux usages de la profession. » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Les conditions de mise en œuvre de cette obligation sont définies par voie d’accord professionnel conclu entre, d’une part, les organismes professionnels d’auteurs ou les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III de la présente partie et, d’autre part, les organisations représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles, les organisations représentatives des éditeurs de services de communication audiovisuelle ou un ensemble d’éditeurs de services de communication audiovisuelle représentatifs et, le cas échéant, un ensemble d’éditeurs de services de communication au public en ligne représentatifs. L’accord peut être rendu obligatoire à l’ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné, par arrêté du ministre chargé de la culture. À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 5, première phrase
1° Au début, insérer les mots :
Le champ et
2° Remplacer le mot :
par le mot :
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que l'accord professionnel relatif à l'obligation de recherche, par les producteurs, d'une exploitation suivie des œuvres audiovisuelles définit non seulement les conditions de sa mise en œuvre, mais également son champ d'application.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 13
Mme la présidente.
(L'article 13
est adopté.)
I. – L’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
Art. L.331-3. -
Il peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles et le délit prévu à l’article L. 335-4 s’agissant des droits des artistes-interprètes d’œuvres audiovisuelles et des producteurs de vidéogrammes, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »
II. – L’article L. 442-1 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi rédigé :
Art. L. 442-1. –
I. – L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée. »
II. – Le Titre IV du livre IV du code du cinéma et de l’image animée, est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin par un service de communication au public en ligne
Art. L. 443-1. –
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 13 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes exerçant l’une des activités définies à l’article L. 7122-2 du code du travail sont soumises aux dispositions de l’article L. 430-2 du code de commerce, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
L’objectif de cet amendement est avant tout d’attirer l’attention sur l’écosystème du spectacle vivant, qui, vous le savez, connaît de profondes mutations depuis plusieurs années. En dix ans, le marché a progressé de plus de 70 %. Aujourd’hui, le spectacle vivant de variétés et de musiques actuelles représente environ 600 millions d’euros de billetterie.
Mme Sylvie Robert.
Cette croissance est allée de pair avec l’arrivée de nouveaux acteurs, à la fois nationaux et internationaux, internes et externes au secteur culturel. Un réel phénomène de concentration est actuellement à l’œuvre, sur un plan tant horizontal que vertical. Il convient donc d’en mesurer l’impact sur le secteur du spectacle vivant. Est-ce, comme je le pense, un facteur de déstabilisation ? C’est en tout cas un véritable danger pour la diversité culturelle, dont nous avons déjà parlé.
Une distorsion croissante entre les spectacles à fort et à faible budget s’opère. Ces derniers ont de plus en plus de difficultés à trouver une salle où se produire et, partant, à rencontrer leur public. À terme, le risque est de voir se créer un marché à plusieurs vitesses, avec au sommet quelques entreprises qui détiendraient des moyens financiers colossaux, mais qui contrôleraient aussi, comme c'est déjà le cas, une majeure partie de la chaîne, de la production à la diffusion en passant par la vente.
Il est impératif, et je pense que nous partageons tous cette volonté, mes chers collègues, que la concentration à l’œuvre dans le spectacle vivant ne se traduise pas par une uniformisation culturelle. Il s’agit d’éviter que cette intégration ne conduise les acteurs à prendre moins de risques, à moins se porter vers la création et l’innovation, et qu’elle aille à l’encontre de l’objectif de diversité culturelle.
Enfin, pour ce qui est de la dernière question posée, la finalité n’est en aucun cas d’entraver la liberté de concurrence ou d’entreprendre, mais plutôt de réfléchir aux conditions de régulation qui permettraient un partage équitable de la valeur ajoutée et garantiraient une diversité. À titre d’exemple, aux États-Unis, l’explosion du phénomène de concentration a abouti à une multiplication par deux du prix des billets.
Poux toutes ces raisons, il me semble qu’il nous faut prendre la mesure de cet enjeu et élaborer, ensemble, un projet de réponse. Tel est l’objet de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à rendre applicable le dispositif anti-concentration au-dessous des seuils actuellement prévus par le code de commerce.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je comprends tout à fait l’objectif. Il faut toutefois se demander si un tel dispositif est ou non opérant. Aujourd’hui, les entreprises de spectacles, comme toutes les autres entreprises, peuvent être soumises aux dispositions de l’article L. 430-2 du code de commerce à condition que les seuils prévus soient atteints.
Cet amendement me paraît appeler plusieurs observations.
D’abord, le contrôle des concentrations a toujours concerné les grosses opérations. On peut s’interroger sur la pertinence d’une remise en cause des seuils actuels. Précisons que les seuils concernent aujourd’hui toutes les activités économiques, y compris la culture.
Ensuite, il faut se demander si la rédaction de cet amendement ne pourrait pas être sanctionnée au titre de l’incompétence négative : ses auteurs se contentent de renvoyer à un décret en Conseil d’État, alors que la loi doit clairement fixer les critères.
Enfin, la législation actuelle offre d’autres outils, qui peuvent s’appliquer au cas visé par le présent amendement, pour sanctionner les comportements qui ont pour effet de fausser la concurrence. On peut penser, par exemple, au dispositif de sanction des abus de position dominante, en cas de maîtrise par une entreprise de spectacles d’une chaîne verticale comprenant à la fois des activités d’exploitation, de production et de diffusion.
Selon les chiffres qui m’ont été communiqués, en France, nous en sommes à peu près à 50 millions d’euros, ce qui est en dessous du seuil. Je ne vois donc pas l’intérêt de modifier les seuils globaux pour adopter un dispositif qui serait finalement inopérant, et ce alors même que d’autres outils permettent de lutter contre ces concentrations.
En l’état, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
La préservation de la diversité artistique et culturelle constitue pour moi, comme pour vous, madame la sénatrice, un objectif central des politiques publiques en matière de culture.
Mme Fleur Pellerin,
Je comprends tout à fait l’inquiétude des professionnels du spectacle vivant devant un certain nombre de mutations qui sont à l’œuvre dans le secteur, avec le développement d’entreprises sur l’ensemble de la chaîne des métiers liés au spectacle ou la concentration de la détention de lieux de spectacle au sein d’entreprises qui sont de plus en plus oligopolistiques. Je le répète, ces phénomènes de concentration à la fois verticale et horizontale font naître des craintes que je comprends tout à fait.
Un risque majeur à mes yeux serait de perdre, à la suite de cette évolution, une diversité artistique absolument essentielle à la vitalité culturelle de notre pays, à la diversité des pratiques culturelles et à l’émergence et au renouvellement des créateurs de façon plus générale. Je suis donc très sensible à la question que vous soulevez et attentive aux propositions contenues dans votre amendement.
Cela étant, l’Autorité de la concurrence exerce déjà un contrôle anticapitalistique sur l’ensemble des activités économiques en France, dont, par conséquent, les entreprises du spectacle vivant. Le droit de la concurrence s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public, en vertu de l’article L. 410-1 du code de commerce. L’Autorité de la concurrence veille à son respect.
En outre, lorsque les acteurs économiques enfreignent le droit de la concurrence, l’Autorité de la concurrence peut être saisie du dossier ou s’en saisir d’office. Votre amendement est donc déjà satisfait.
Reste que je crois très important que nous parvenions à réaliser une observation des risques et une mesure de l’impact des évolutions à l’œuvre pour pouvoir envisager une réponse qui serait, le cas échéant, législative. J’ai souhaité que mon ministère réalise une étude qui permette de mesurer ces évolutions sur les salles de grande capacité, de manière à disposer d’éléments d’évaluation économique sur les risques associés au phénomène de concentration du marché. Le ministère a entrepris ce travail dans le secteur musical en lien avec le CNV, avec lequel a été lancée une campagne de collecte d’informations auprès d’un échantillon significatif d’exploitants de salles de musiques – Zénith, Arena, et autres – ainsi que de théâtres privés.
Je suis, vous le savez, très attachée à la préservation d’un modèle économique garantissant le pluralisme de l’offre culturelle et l’écosystème des entreprises du spectacle vivant. Je crois indispensable de disposer de ces éléments précis, objectifs qui, seuls, nous permettront d’identifier les contours d’un éventuel dispositif anti-concentration. Cette étude sera finalisée avant la deuxième lecture du projet de loi de manière à pouvoir tirer des conclusions sur les éventuelles dispositions à prendre.
Je vous laisse, mesdames, messieurs les sénateurs, tirer les conclusions des éléments de précision que je viens de vous apporter. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Le sujet aura été mis sur la table.
M. David Assouline.
Il n’est pas anodin que le secteur culturel se heurte aux règles économiques générales. On assiste à quelque chose dont on sent le danger puisque ces concentrations touchent tout le champ de la culture, et on a bien vu que cela posait problème.
On peut donc, de plus en plus souvent, produire un spectacle, tout en possédant les salles et la billetterie. C'est une chaîne à la fois verticale et horizontale qui est détenue par les mêmes. Il est évident qu’une telle situation peut nuire à l’offre et à sa diversité et conduire à mettre de côté un certain nombre d’artistes et de productions.
C’est la tendance que l’on constate. Est-ce que l’on peut imposer des règles dans ce domaine qui ne soient pas celles qui sont applicables au reste de l’économie ? L’économie de marché le permet-elle ? En tout cas, il faut un contrôle plus fort, une visibilité et une transparence accrues.
Je crois que les propos tenus par Mme la ministre nous permettront de travailler. Nous voulions absolument mettre le sujet sur la table, et nous avons obtenu un avis de sagesse. Mme Robert dira si elle souhaite maintenir ou non cet amendement, après les explications qui ont été apportées. Pour ma part, j’estime que les propos et les engagements de Mme la ministre sont une réponse au débat que nous voulions soulever.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souhaite attirer l’attention de M. le rapporteur, de Mme la présidente de la commission et de Mme la ministre sur les difficultés rencontrées par les troupes de théâtre amateur lorsqu’elles sont à la recherche d’un local pour la production de leurs spectacles, tout du moins à Paris et en région parisienne.
M. Alain Vasselle.
Je m’éloigne peut-être quelque peu de l’esprit de l’amendement déposé par nos collègues, mais, comme Mme la ministre a annoncé qu’elle ferait procéder à une étude et qu’elle allait s’inquiéter des difficultés que pouvait provoquer ce phénomène de concentration, je pense qu’il serait bon de s’intéresser également aux difficultés que je viens de mentionner.
Quand les petites troupes de théâtre amateur trouvent des salles à des prix supportables, celles-ci sont souvent situées en sous-sol et ne remplissent pas toutes les conditions de sécurité. On leur donne vraiment ce qui reste. Si on veut que l’activité théâtrale et culturelle puisse se développer, il faut les aider.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Par cet amendement, je souhaitais attirer l’attention sur ce phénomène. On l’a vu lors de l’examen de cette première partie du projet de loi, le fil rouge est la question de la diversité : nous devons faire en sorte que la diversité soit à l’œuvre aujourd’hui en matière artistique et culturelle.
Mme Sylvie Robert.
Pour autant, j’ai entendu les propos du rapporteur et, bien sûr, ceux de la ministre. Je retire donc mon amendement en espérant que ce constat partagé nous permette d’obtenir les moyens et leviers nécessaires pour remédier à ce problème au niveau tant européen que national.
L'amendement n
Mme la présidente.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
La séance est reprise.
M. le président.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
M. le président.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Au nom du bureau du Sénat et en mon nom personnel, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours des échanges, qui doivent être directs, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
(Applaudissements.)
J’informe également le Sénat que la mission d’information sur le dispositif d’accueil des réfugiés est ce jour, à titre exceptionnel, en mission en Grèce, sur le
La parole est à M. François Fortassin, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
Ma question s’adressait à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, mais je crois savoir que, en son absence, c’est le secrétaire d’État chargé des affaires européennes qui me répondra.
M. François Fortassin.
La proposition faite au Parlement par le Président de la République de nommer M. Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel a quelque peu occulté son déplacement de mardi à Rome. C’est pourquoi nous souhaiterions avoir des précisions sur ce qui s’est dit et décidé à cette occasion entre les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs de la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France.
Ce que nous savons, à la lecture de la déclaration commune rendue publique à l’issue de cette rencontre, c’est que les six pays fondateurs se déclarent « préoccupés par l’état du projet européen » et qu’ils souhaitent « lancer une réflexion commune sur comment renforcer l’Union européenne » avant d’ajouter que l’Union européenne reste « la meilleure réponse » aux défis que doit relever notre continent. Ils déclarent ainsi être « résolus à continuer le processus de création d’une union toujours plus étroite entre les peuples d’Europe », mais, dans le même temps, ils reconnaissent que l’Union « permet différents » chemins d’intégration.
Il semble donc que l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses, permettant à ceux qui le souhaitent de continuer à avancer, n’est plus un tabou. Comment vingt-huit pays pourraient-ils tous suivre le même mouvement à la même vitesse ? Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, très attachés à l’idée européenne, pensent en effet que le moment est venu d’ouvrir un débat sur le fonctionnement de l’Union, car toutes les solutions aux crises qui nous frappent passent bien par plus d’Europe et surtout par « mieux d’Europe ». Ce n’est pas parce que l’Union est à bout de souffle et dysfonctionne parfois qu’il faut se replier sur soi et tourner le dos à l’idée européenne. Bien au contraire, il faut la relancer, la réactiver.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que l’Europe fêtera l’année prochaine les soixante ans du traité de Rome signé par notre ami regretté Maurice Faure, comment la France entend-elle œuvrer à cette relance du processus d’intégration ? Quelles sont les suites à attendre de cette rencontre entre les six pays fondateurs ? Des pistes ou des formes concrètes d’une Europe à géométrie variable ont-elles été évoquées mardi soir à Rome ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Frédérique Espagnac applaudit également.)
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. le président.
Face à une accumulation de crises sans précédent, nous ne pouvons laisser l’Europe se déconstruire. Les menaces régressives, les tentations de retrait, celles du repli sur soi ne peuvent l’emporter. Voilà ce que les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs ont affirmé lors d’une réunion à laquelle participait Laurent Fabius à Rome, mardi dernier.
M. Harlem Désir,
secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
Il existe beaucoup d’autres formats de rencontres entre les États membres, mais celui-ci a évidemment une portée symbolique très forte. Parce que nous avons été ensemble à l’origine de la construction européenne, nous avons aujourd’hui une responsabilité particulière. Parce que nous sommes les héritiers des pères fondateurs, nous devons être les architectes de la relance du projet européen. Parce que nous sommes, comme vous, monsieur le sénateur, convaincus qu’il n’y a pas de solution nationale aux grands défis auxquels nos pays sont confrontés, nous voulons établir et mettre en œuvre ensemble des réponses européennes.
Aujourd’hui, l’Europe fait face à des crises qui, au fond, révèlent qu’elle est inachevée dans bien des domaines. Nous avons bâti une union monétaire, mais il nous faut bâtir une véritable union économique ; nous avons construit un marché intérieur, mais, sans harmonisation fiscale et sociale, cela n’est pas possible ; nous avons créé un espace de libre circulation –l’espace Schengen –, mais il nous faut assurer le contrôle effectif des frontières extérieures communes.
Enfin, l’Europe est aujourd’hui le continent entouré par les crises internationales les plus graves et elle doit répondre à la menace terroriste. Elle doit donc renforcer sa politique étrangère et de sécurité commune. Il est par conséquent non seulement légitime, mais également nécessaire que ceux qui sont les plus attachés au projet européen prennent des initiatives. L’Europe doit être renforcée par son cœur, la zone euro, tout en continuant à porter une ambition pour l’Europe à vingt-huit.
Tels sont le rôle et la responsabilité de la France, avec l’Allemagne, les autres pays fondateurs et tous ceux qui veulent aller de l’avant : construire une Europe plus forte, plus unie et qui réponde aux défis de notre époque. Nous nous rejoignons autour de cette ambition. Nous pensons que c’est aussi comme cela que l’on doit relancer le projet européen, au-delà de ce que sera le résultat du référendum en Grande-Bretagne.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique ; vous disposez de dix secondes, mon cher collègue.
M. le président.
Je n’aurai pas besoin de plus, monsieur le président : je partage pour l’essentiel ce qu’a dit M. le secrétaire d’État.
M. François Fortassin.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je profite de l’occasion pour souhaiter à Laurent Fabius un plein succès dans ses nouvelles fonctions ; il a démontré qu’il était un véritable homme d’État et que la France pouvait être respectée dans le monde.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste.)
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Mme Leila Aïchi.
À l’heure où nous parlons, plus d’un million de Syriens subissent un état de siège. Ces hommes, ces femmes et ces enfants vivent l’enfer : l’enfer des bombardements, l’enfer des pénuries, l’enfer de la guerre. Il s’agit là d’une preuve de plus – d’une preuve douloureuse et cruelle – de l’impuissance de la communauté internationale à répondre à la crise syrienne.
Nous avons déjà perdu trop de temps. M. Fabius a parlé hier de la complicité de la Russie et de l’Iran envers le régime syrien, mais, une fois cela dit, que faisons-nous ?
Plus grave encore, en l’absence de relais solides et crédibles sur le terrain, à l’instar de la France, les États-Unis opèrent aujourd’hui un net recul. Il se murmure même qu’un accord américano-russe tacite ou secret serait en discussion. La Russie, intervenue bien des mois après nous, est en train d’imposer ses termes. La France est dépassée, décalée, débordée. C’est parce que nous avons d’emblée refusé de dialoguer avec l’ensemble des acteurs de la région que nous sommes aujourd’hui hors-jeu.
Monsieur le ministre, l’obsession française à l’égard de la personne de Bachar al-Assad nous a fait perdre de précieux mois et a décrédibilisé toute notre politique. À titre personnel, cela fait plus de trois mois que j’attire votre attention sur l’impérieuse nécessité d’entamer un dialogue élargi et de gérer la question libyenne. Or la diplomatie française s’est obstinée dans son aveuglement en Syrie. Pour qui ? Pour quoi ? Et pour quel résultat ? Un pays détruit, une région embrasée, une OTAN déboussolée, une Europe et des pays membres déstabilisés et fragilisés. Tout ça pour ça !
Alors, face aux centaines de milliers de victimes de Bachar al-Assad et de son régime totalitaire, face aux millions de réfugiés qui fuient l’horreur et les massacres de Daech, face aux centaines de vies détruites par le terrorisme en France et en Europe, que faisons-nous ? Ne sommes-nous pas revenus au point de départ ? Notre politique étrangère en Syrie n’est-elle pas un échec ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. le président.
Madame la sénatrice, le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, est en ce moment même à Munich, pour une réunion sur la Syrie.
M. Harlem Désir,
secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
L’offensive lancée par le régime syrien, avec le soutien de la Russie et de l’Iran, a miné les discussions de Genève. Alep, vous l’avez rappelé, se trouve désormais sous la menace d’un siège atroce, contre lequel nous avons à de nombreuses reprises alerté la communauté internationale. Le haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme a rapporté ce matin que plus de 51 000 civils ont été déplacés, que 300 000 autres risquent de se retrouver en état de siège et que des dizaines de personnes ont déjà été tuées depuis le lancement de cette offensive.
On ne peut à la fois prétendre discuter à Genève et assassiner à Alep. Il s’agit d’une nouvelle manifestation du double langage de Damas et de Moscou, dont le soutien à ces pourparlers n’a été, jusqu’à présent, que de façade. C’est ce que Laurent Fabius a réaffirmé hier. C’est avec le soutien russe que le régime continue de bombarder les populations civiles de façon indiscriminée, d’affamer des villes entières et de refuser l’accès aux acteurs humanitaires. C’est également avec le soutien russe qu’il continue de violer toutes ses obligations humanitaires, y compris la résolution 2254 pourtant votée le 18 décembre dernier par la Russie.
Pour reprendre les pourparlers dans des conditions crédibles, le régime doit cesser cette politique de terreur : accès humanitaire, levée des sièges et arrêt des bombardements indiscriminés ne sont pas des préconditions, ce sont des obligations pour le régime. C’est le prélude indispensable à l’objectif d’un cessez-le-feu, que nous soutenons évidemment.
Cet objectif n’a de chance d’aboutir que si les discussions peuvent s’engager sur la transition et que si la lutte antiterroriste ne sert plus de prétexte au régime et à ses soutiens pour assassiner l’opposition assise à la table des négociations.
C’est cette approche que la France continue de défendre par la voix de Laurent Fabius à la réunion du groupe de Vienne qui se tient en ce moment même à Munich. Face à la politique de terreur, la France maintient son soutien à l’opposition, car, sans opposition, il n’y a aucune solution politique envisageable en Syrie ni aucune solution crédible et durable à la menace terroriste de Daech. C’est Daech qu’il faut bombarder en Syrie et non l’opposition ou la population civile !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Très bien !
M. Roland Courteau.
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est à l’image de la politique menée dans la région…
Mme Leila Aïchi.
(Marques d’approbation et applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président.
Depuis le 1
M. Éric Bocquet.
L’idée de cette prime est de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes. En creux, elle souligne, de manière éclatante et dramatique à la fois, le faible niveau des salaires dans notre pays. En effet, d’année en année se confirme en France, grande puissance économique du monde, le constat de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités. Plus que jamais, la question du partage des richesses produites se pose avec force.
Oui, la pauvreté progresse en France ! Selon le rapport de décembre 2015 de l’Observatoire des inégalités, entre 2004 et 2013, si l’on prend en compte le seuil de 60 % du revenu médian – 1 772 euros par mois –, le nombre de personnes pauvres atteint le total considérable de 8,5 millions. Sur la même période, dans le même pays, les inégalités de patrimoine ont augmenté de 30 %. Aujourd’hui, 10 % de nos concitoyens détiennent 50 % de la richesse globale. Cette donnée fait écho aux 62 personnes les plus riches du monde, qui possèdent autant de richesses que le reste de l’humanité.
Quelle solution ?
M. Alain Fouché.
La prime d’activité, selon les premières indications, semble être plus sollicitée que ne l’était le RSA activité.
M. Éric Bocquet.
Ma question est double.
Sur la forme, d’abord, la Cour des comptes vient de pointer le risque d’un sous-financement du dispositif. Souvenons-nous pourtant des débats en commission des finances et ici même, dans l’hémicycle, au cours desquels les uns et les autres spéculaient sur la persistance d’un taux de non-recours faible. La réalité de la précarité croissante vous rattrape. Quelles dispositions prendrez-vous pour assurer le financement de la prime d’activité afin d’éviter la double peine pour d’éventuels candidats au dispositif ?
Sur le fond, ensuite, n’est-il pas urgent de s’attaquer résolument à la pauvreté et aux inégalités en mettant en œuvre une politique ambitieuse visant à donner aux salariés de ce pays les moyens d’une vie décente ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous demande tout d'abord de bien vouloir excuser Marisol Touraine, qui participe en ce moment même à la grande conférence de santé.
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Vous soulignez, et je veux vous en remercier, le succès du dispositif de la prime d’activité, qui, effectivement, dès le premier mois de son existence, concerne déjà 2 millions de personnes en France. Personne n’aurait parié sur ce chiffre !
C’est beaucoup trop !
Mme Annie David.
Chacun reconnaîtra que ce taux de recours est satisfaisant. Cela montre que le dispositif mis en place est accessible.
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État.
Comme vous le savez probablement, le Gouvernement fait de la lutte contre le non-recours aux droits une de ses priorités. Ainsi, c’est l’une des priorités du plan pauvreté, que vous n’avez pas évoqué dans votre question.
Cependant, si la prime d’activité est d'ores et déjà une réussite, le taux de recours à ce dispositif peut et doit encore progresser. D’ailleurs, si celui-ci devait dépasser nos prévisions initiales, ce serait une excellente nouvelle.
Pas sur le plan budgétaire !
M. Albéric de Montgolfier.
Cela voudrait dire que le dispositif fonctionne.
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État.
Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer complètement : nous ne modifierons pas les règles du jeu en cours d’année. L’enveloppe de 4 milliards d’euros a été établie sur la base d’une prévision, qui, en tant que telle – surtout lorsqu’il s’agit de la première année de mise en place d’un dispositif –, peut s’avérer inexacte. Nous ajusterons son montant si nécessaire.
Sachez aussi que cette enveloppe reposait sur un taux de recours, en masse financière, de 66 %. Nous en sommes encore relativement loin ! Imaginons tout de même que ce taux surpasse nos anticipations pour grimper jusqu’à 75 %, ce qui, je veux le souligner, serait totalement inédit pour une prestation de ce type. Le dépassement budgétaire risquerait alors de s’élever à 300 millions d’euros. Eh bien, sachez que ce risque, nous l’assumons !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. le président.
Madame la secrétaire d'État, vous semblez vouloir nous rassurer avec la « réussite » de la prime d’activité, mais, au fond, ce « succès » est d'abord et avant tout l’aveu cinglant de l’échec des politiques d’austérité menées dans notre pays alternativement par les uns et par les autres.
M. Éric Bocquet.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mesdames, messieurs les ministres, en changeant le casting du Gouvernement, pensez également à en réécrire le scénario !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC, du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Patricia Schillinger.
Le transfert de la gestion du revenu de solidarité active de l’État aux départements représente, pour ces derniers, une charge de plus en plus importante.
Au-delà du débat légitime que suscite une telle répartition des compétences, des initiatives se multiplient pour durcir les conditions d’accès à l’allocation, au risque de rompre avec l’égalité d’accès à la solidarité nationale qui doit prévaloir sur l’ensemble du territoire. La dernière en date est celle du conseil départemental du Haut-Rhin, qui a décidé de conditionner le bénéfice du RSA à sept heures de bénévolat hebdomadaires.
(Et alors ? sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors que les bénéficiaires du RSA se trouvent bien souvent dans une extrême précarité, cette mesure trahit une véritable méconnaissance de leur situation et de leurs besoins, de même qu’elle est révélatrice d’une méconnaissance du fonctionnement du monde associatif, pour qui accueillir et encadrer des bénéficiaires du RSA peut être davantage une charge qu’une aubaine.
Les auteurs de propositions de ce genre le savent très bien. Sous prétexte de vouloir favoriser l’insertion des bénéficiaires du RSA, ils engagent, en réalité, un bras de fer avec l’État, dont l’enjeu est la renationalisation du RSA. Ce procédé est déloyal et irresponsable.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la secrétaire d'État, comment entendez-vous réagir face à de telles initiatives ? Comment entendez-vous continuer à garantir, sur l’ensemble du territoire, le droit fondamental de chacun à disposer de ressources suffisantes ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Labbé applaudit également.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. le président.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la position du Gouvernement concernant une délibération prise récemment par le conseil départemental du Haut-Rhin à propos des bénéficiaires du RSA, qui seraient désormais obligés d’effectuer sept heures de bénévolat par semaine.
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Je veux vous répondre de façon extrêmement précise et, pour ce faire, vous citer la loi telle qu’elle existe. Aux termes de la loi, le bénéficiaire du revenu de solidarité active conclut avec le département un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d’insertion sociale ou professionnelle. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous voyez donc bien qu’il n’est pas possible de conditionner l’attribution du RSA à tel ou tel type d’activités !
En outre, qu’est-ce que le bénévolat ? Il faut aussi se poser cette question. Il n’en existe pas de définition dans le droit français. Toutefois, le Conseil économique et social en a donné, en 1993, une définition, qui n’est pas juridique, mais qui est devenue la définition communément admise : est bénévole « toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ».
Par définition, une action de bénévolat qui serait rendue obligatoire ne serait plus du bénévolat : cela ressemblerait à du travail obligatoire sans salaire !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Celles et ceux qui ont voté la délibération du conseil départemental du Haut-Rhin semblent ignorer que bon nombre de personnes vivant avec le RSA font déjà du bénévolat dans des associations.
Il va falloir conclure, madame la secrétaire d’État…
M. le président.
Il suffit de se rendre dans les locaux des associations caritatives pour s’en apercevoir.
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État.
(Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut conclure !
M. le président.
Pour conclure, monsieur le président, j’userai de trois adjectifs pour qualifier cette délibération : inefficace,…
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État.
Comme le Gouvernement !
M. Roger Karoutchi.
… illégitime, illégale !
Mme Ségolène Neuville,
secrétaire d'État.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC.)
Ma question s'adressait au Premier ministre.
M. Michel Canevet.
Il n’est pas là !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains.
En 2015, les responsables professionnels agricoles ont régulièrement saisi les pouvoirs publics, afin d’appeler à des réformes à même d’atténuer les conséquences désastreuses des écarts entre les prix de vente et les coûts de revient des productions agricoles, alors que, normalement, on ne peut pas vendre à perte.
M. Michel Canevet.
Les agriculteurs ne réclament pas de subventions, mais veulent des conditions d’exploitation permettant de faire face à des situations de concurrence internationale dans un domaine aussi sensible que l’alimentation humaine, qui touche au bien-être de chacun.
Cette situation a été particulièrement marquée en Bretagne, pour ce qui concerne les productions porcine, laitière et bovine, après que la région eut été secouée dans le domaine avicole – crise que connaissent d’autres régions françaises aujourd'hui, avec les épizooties.
Le conseil régional de Bretagne n’a pas pris conscience du drame économique qui s’annonce. Sans doute son président est-il trop occupé par ailleurs…
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Les propositions formulées par le ministre de l’agriculture n’ont contenté personne, ni les agriculteurs ni la représentation nationale, conduisant, en ce début d’année, à des réactions très vives des agriculteurs, en situation de désespérance profonde.
J’ai bien compris que le Premier ministre, comme sur le projet de révision constitutionnelle, avait dû reprendre la main sur ce dossier. De fait, il est plus que temps de prendre des mesures nouvelles… Aussi, je souhaite connaître les propositions que le Premier ministre formulera.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d’excuser Stéphane Le Foll, qui, comme vous le savez peut-être, participe aujourd'hui à une réunion avec des représentants des professions agricoles.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Je veux vous rappeler l’ensemble des mesures d’urgence qui ont été prises par le Gouvernement.
Le premier plan de soutien a été adopté le 22 juillet 2015, puis complété le 3 septembre de la même année, et encore le 26 janvier dernier. Le Gouvernement prend ses responsabilités
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.),
Comme vous devez le savoir, cette crise, plus que toute autre, n’est pas franco-française. C’est une crise des marchés, liée à une offre surabondante par rapport à la demande solvable, en particulier sur les marchés mondiaux du porc et du lait. À cet égard, le ministre de l’agriculture formulera des propositions de régulation sur les marchés, notamment laitiers, au Conseil européen qui se tiendra à Bruxelles la semaine prochaine.
Le plan de soutien à l’élevage que je viens d’évoquer a déjà permis de verser plus de 230 millions d’euros d’aides de trésorerie aux éleveurs en difficulté, à travers des baisses de cotisations sociales et des exonérations fiscales.
Une enveloppe complémentaire du Fonds d’allégement des charges, dotée de 50 millions d’euros, a été annoncée le 26 janvier dernier. Cette somme a d'ores et déjà été répartie entre les régions. Sachez que les éleveurs bretons, sur lesquels vous vous interrogez peut-être plus particulièrement, pourront bénéficier de près de 30 millions d’euros sur cette rallonge.
Le dispositif d’année blanche a été prorogé jusqu’au 30 juin 2016 et étendu aux céréaliers, aux producteurs de légumes et aux éleveurs de canards à foie gras.
Rappelons que, en 2009, les aides annoncées par le gouvernement de l’époque étaient arrivées un an après la crise. Monsieur le sénateur, vous devez vous en souvenir !
Il faut donc qu’aujourd'hui l’ensemble des acteurs de la filière alimentaire se mobilisent, grande distribution et producteurs comme coopératives.
Il faut conclure !
M. le président.
Le Gouvernement, lui, se bat pour les aides et pour les prix !
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.
M. le président.
Cette réponse confirme que le Gouvernement n’a pas pris la réelle mesure des difficultés du milieu rural et de leurs conséquences sur l’économie française.
M. Michel Canevet.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ce que nous appelons de nos vœux, ce sont des mesures structurelles fortes, c'est-à-dire des mesures de réduction des charges, pour que les agriculteurs puissent lutter à armes égales avec ceux des autres pays ; ce sont des mesures d’identification de l’origine des produits ; ce sont des mesures de simplification administrative. Il est temps que l’on prenne conscience de la réalité de la situation !
(Vifs applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Michel Vaspart, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Ma question s'adressait à M. le ministre de l’agriculture, qui est malheureusement absent…
M. Michel Vaspart.
Hier encore, dans mon département, un jeune agriculteur de trente-neuf ans s’est donné la mort parce qu’il ne savait pas comment s’en sortir. Un collectif de trois cents élus, toutes sensibilités confondues, vient de se mettre en place dans les Côtes-d’Armor pour soutenir notre agriculture.
Le Premier ministre impute la crise agricole à l’Europe. Certes, l’Europe a une très lourde responsabilité, mais qui est chargé de défendre les intérêts de notre agriculture à Bruxelles ? C’est la responsabilité du Président de la République et du chef du Gouvernement que de faire entendre la voix de la France, pour défendre, avec force, les intérêts de nos agriculteurs ! En renvoyant la responsabilité à la Commission européenne, le Gouvernement a adressé un très mauvais message aux agriculteurs : la crise serait non plus son problème, mais celui de l’Europe.
(Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quand nous aurons perdu entre 10 % et 30 % de nos producteurs, de qui la crise sera-t-elle le problème ? Ce sera, d’abord, le problème des agriculteurs et de leurs familles, qui sont dans une grande désespérance, mais aussi, bien sûr, le problème de la France.
Le Sénat a préparé, dès l’été 2015, dans un contexte déjà très tendu, une proposition de loi, qui a été votée à une large majorité. Ce texte avait le mérite d’être soutenu par la profession. Pourquoi le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale ne lui ont-ils pas apporté leur soutien ?
M. Alain Gournac.
Pourquoi l’avez-vous traité avec mépris et désinvolture ?
M. Michel Vaspart.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. le président.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je ne vais pas revenir sur la raison de l’absence de Stéphane Le Foll : je l’ai déjà donnée.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Je vous rappelle que c’est votre majorité qui a fait en sorte de supprimer les quotas, qui est à l’origine de la loi LME et qui, lorsqu’il fallait aider les agriculteurs, leur allouait le tiers de ce que nous leur versons aujourd'hui !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si notre agriculture est aujourd'hui confrontée à des problèmes structurels, c’est bien parce que vous avez désorganisé la filière agricole pendant des années !
(Vifs applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous êtes là depuis cinq ans !
M. Guy-Dominique Kennel.
Si nous intervenons dans l’urgence, nous intervenons aussi à Bruxelles – oui, à Bruxelles ! –, parce que vous avez laissé les quotas se défaire et qu’il faut, aujourd'hui, des régulations.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Ainsi, pour ce qui concerne le lait, la France plaidera pour un relèvement des prix d’intervention publique et pour la mise en place d’un mécanisme de régulation des volumes produits.
Il faudra aussi mobiliser la Commission européenne pour obtenir de la Russie la levée de l’embargo sanitaire sur le porc.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faudra en outre prolonger les mesures de stockage privé et faire en sorte que l’ensemble des acteurs se mobilise, ce qui n’est aujourd’hui ni le cas des coopératives ni celui de la grande distribution.
L’étiquetage de l’origine des viandes dans les plats transformés est un sujet important. Un projet de décret en Conseil d’État sera présenté dans les prochains jours et notifié à la Commission européenne. Ce projet vise à imposer l’étiquetage obligatoire de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés. Ce faisant, le ministre de l’agriculture associe l’ensemble des professionnels à sa démarche.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Michel Vaspart, pour la réplique.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous avons démontré avant-hier, en votant la reconduction de l’état d’urgence, que nous savions dépasser nos sensibilités politiques lorsque l’essentiel est en jeu. Or, pour notre agriculture, l’essentiel est en jeu ! Malheureusement, en ne soutenant pas nos propositions, vous démontrez une nouvelle fois que vous êtes en permanence dans la politique politicienne.
M. Michel Vaspart.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Alors que tout part à vau-l’eau en France, nous constatons, affligés, l’incapacité du Président de la République et du Gouvernement à résoudre les problèmes de notre pays.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
La parole est à M. Maurice Vincent, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Maurice Vincent.
Au moment où la croissance économique repart
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Eh oui, c’est vrai !
M. Didier Guillaume.
… il est important d’en assurer la solidité tout en répondant aux besoins sociaux en matière de développement durable et de logement.
M. Maurice Vincent.
Le 12 janvier dernier, à l’occasion de son intervention dans le cadre du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures mobilisant cette institution en faveur de la relance de la construction de logements sociaux et de la rénovation thermique du bâti. Cette mobilisation s’inscrit dans le prolongement du déploiement de 20 milliards d’euros de prêts des fonds d’épargne depuis 2013 pour soutenir durablement l’investissement public local, après la faillite, chacun s’en souvient, de Dexia. Elle place aujourd’hui encore la Caisse des dépôts au cœur des grands enjeux prioritaires pour notre pays.
Concrètement, François Hollande a demandé à la Caisse de mobiliser « 3 milliards d’euros de capacité d’investissement supplémentaire » d’ici à 2017. Ces financements seront dégagés sous forme de prêts à taux zéro, dont une moitié servira à consolider les fonds propres des organismes de logement social et l’autre moitié au financement, à 100 %, de la rénovation thermique des bâtiments publics, des collectivités, des universités, des hôpitaux…
En parallèle, le Président de la République a également annoncé la création d’une « société foncière publique » pour mettre à disposition des terrains en faveur de la construction de logements.
(La question ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin, il a appelé de ses vœux la création d’un « opérateur national de la rénovation thermique des bâtiments ». La filiale de la Caisse des dépôts, Exterimmo, remplira cette mission.
Pour permettre le financement de ces actions, le Président de la République a annoncé une augmentation des cessions d’actifs de la Caisse des dépôts et la diminution de son versement.
Un mois après cette annonce, ces mesures sont très attendues par les élus locaux et les acteurs du logement social. Elles soutiendront très concrètement l’investissement public local.
(La question ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, où en sont les déclinaisons concrètes et la mise en œuvre de leur échéance ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Très bien !
M. Didier Guillaume.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. le président.
Le Président de la République a lancé le bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations avec un programme de travail exigeant : faire en sorte que cette institution dégage des marges de manœuvre afin de concentrer ses moyens sur les deux priorités que vous avez citées, monsieur le sénateur. L’État, comme vous l’avez souligné, va diminuer temporairement son prélèvement pour accélérer cette opération.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
À la suite de récents échanges informels entre mes services et ceux de la Caisse des dépôts, le ministre des finances adressera dans les prochains jours un courrier à la commission de surveillance afin de solliciter son avis sur les modalités de mise en œuvre de cette baisse du prélèvement. Ce courrier a déjà recueilli l’accord de la direction générale de la Caisse. Ce sujet pourra donc être mis à l’ordre du jour de cette commission, dont je crois savoir que vous êtes membre, dès le 17 février prochain. Il revient désormais à la Caisse de procéder aux cessions auxquelles l’a invitée le Président de la République.
Le Gouvernement partage votre préoccupation : les sommes ainsi dégagées doivent être utilisées le plus rapidement possible. C’est déjà chose faite pour les prêts visant à financer la rénovation thermique des bâtiments publics : Michel Sapin a signé hier un courrier autorisant le fonds d’épargne à mettre en place ces prêts. Ce courrier a fait l’objet d’échanges et d’accords entre la Caisse et nos services. Ces prêts financeront toute opération de rénovation de bâtiments respectant la réglementation en vigueur et seront distribués par tous les opérateurs compétents.
Dans ce même état d’esprit, le Gouvernement et la Caisse travaillent main dans la main pour mettre en œuvre les autres dispositions. Notre souhait est que les discussions aboutissent rapidement afin de mobiliser les ressources – et il y en a – au service de nos priorités : le logement,…
Veuillez conclure !
M. le président.
… en particulier le logement social, et la transition énergétique.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État.
Tel est notre objectif commun.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
M. le président.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Nathalie Goulet.
Nous avons reconduit l’état d’urgence voilà quelques jours et nous sommes prêts à vivre dans un état de menace permanente.
Dans le cadre des différentes opérations que vous avez menées, plusieurs mosquées ont été fermées. Or, traditionnellement, à l’occasion du Ramadan, des dizaines d’imams en provenance du Maroc, d’Algérie, d’Arabie Saoudite et de Turquie arrivent en France pour renforcer les mosquées.
Votre ministère reçoit à cette occasion une liste de noms. Sachant que le Ramadan commence cette année au début du mois de juin, ma question est assez simple : avez-vous prévu des procédures particulières pour vous assurer de l’identité de ces personnes, de leur formation, de leur connaissance de la langue française et des principes fondamentaux de notre République ?
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. le président.
Madame la sénatrice, que disent les principes de droit en la matière et quelles sont les pratiques ?
M. Bernard Cazeneuve,
ministre de l'intérieur.
L’article 1
Pendant le Ramadan, des récitateurs déclinent sur un mode psalmodique, parfois tout au long de la nuit, des récits du Coran. Ces récitations s’appellent le
Tout à fait !
Mme Bariza Khiari.
Chaque année, nous faisons ainsi venir 299 psalmodieurs ou récitatrices dans le cadre d’accords bilatéraux passés notamment avec le royaume du Maroc et l’Algérie.
M. Bernard Cazeneuve,
La liste de ces personnes nous est transmise un mois avant leur arrivée, ce qui permet de procéder au criblage. Ces personnes, qui sont des fonctionnaires des États avec lesquels nous avons signé ces accords, bénéficient d’un visa de court séjour dont l’expiration est fixée au dernier jour du Ramadan.
Les personnes venant de pays avec lesquels nous n’avons pas conclu d’accords bilatéraux disposent de visas de droit commun. Ils font l’objet de la même attention de la part de nos services au regard du risque sécuritaire.
Voilà très précisément la réponse que je voulais apporter à votre question, qui ne manquait pas de pertinence au regard du contexte actuel.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et quelques travées de l’UDI-UC.)
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
M. le président.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Mme Nathalie Goulet.
La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
M. André Reichardt.
Nous vivons à une époque faite de paradoxes : alors que le Gouvernement vante la nécessité de la formation et qu’il dit vouloir relancer l’apprentissage, il envisage, semble-t-il, de supprimer certaines qualifications professionnelles prérequises pour les artisans. Il envisage également de restreindre l’obligation des stages de préparation à l’installation, préalables à la création d’entreprise. Il estime ainsi que certains des métiers de l’artisanat n’exigeraient aucune qualification. Grave erreur s’il en est ! L’essence même d’un artisan est la pratique d’un savoir-faire, ce qui ne s’improvise pas !
L’artisanat, ce sont des centaines de milliers d’emplois hautement qualifiés, qui sont autant de gages de compétences, de qualité et de sérieux. Brader ces qualifications, voire les supprimer, ouvrirait la porte à une sorte de secteur informel, constitué non plus de chefs d’entreprise, mais de tâcherons. Le consommateur serait le premier à pâtir d’une telle situation où service
De même, en matière d’installation, les stages préparatoires n’ont plus à faire la preuve de leur nécessité. Revenir sur leur caractère obligatoire dans nombre de cas reviendrait à vouloir mettre la charrue devant les bœufs : malgré toute l’énergie dont une personne peut disposer au moment de la création de son entreprise, elle ne peut démarrer son activité sans disposer des informations et conseils nécessaires à la bonne gestion. De fait, ces stages obligatoires ont permis d’éviter beaucoup de catastrophes.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, est-il exact que vous envisagiez de vous engager dans ces voies destructrices de tout un secteur économique de notre pays, alors que tous les représentants des activités concernées revendiquent au contraire toujours plus d’ambition depuis des années ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire
M. le président.
Monsieur le sénateur, je ne peux à aucun moment vous laisser dire que nous souhaitons remettre en cause les qualifications et la formation des artisans.
Mme Martine Pinville,
secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Très bien !
M. Didier Guillaume.
Tous les jours, je suis en contact avec ces artisans ; je connais la qualité de leur travail.
Mme Martine Pinville,
secrétaire d'État.
Cependant, force est de constater que les dispositifs aujourd’hui applicables sont parfois d’une immense complexité et qu’ils s’éloignent de l’objectif premier qu’est la protection du consommateur.
Vous citez tous ceux qui veulent s’installer pour exercer de si beaux métiers. Je prendrai l’exemple des restaurateurs : ces derniers, pour pouvoir s’installer, n’ont pas nécessairement besoin d’une qualification – je parle bien de la création d’entreprise et de la création d’emploi –, …
Je parlais des artisans !
M. André Reichardt.
… mais ont bien évidemment besoin d’une qualification pour exercer leur métier. Ne vous y trompez pas, monsieur le sénateur.
Mme Martine Pinville,
secrétaire d'État.
Vous m’interrogez également sur les stages préparatoires à l’installation. Vous le savez, au moment de décider de leur installation, nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés, notamment quant au délai qui peut leur être proposé pour effectuer ce stage d’installation et à son coût, souvent trop important. Là aussi, nous poursuivons nos discussions avec les organisations professionnelles pour avancer sur ce sujet.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. le président.
Je note que vous n’avez pas l’intention,
M. André Reichardt.
Ce que nous voulons, c’est un artisanat fort et non un artisanat tiré vers le bas. Cela passe par de véritables entreprises qui mettent en œuvre des métiers que le chef d’entreprise et ses collaborateurs savent maîtriser.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Ma question, à laquelle je souhaite associer mes collègues Didier Marie, Catherine Génisson et François Patriat, s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
M. Gaëtan Gorce.
L’entreprise Vallourec a annoncé plus de 1 000 suppressions d’emplois dans les prochains mois sur différents sites : Saint-Saulve, Déville-lès-Rouen, Montbard et Cosne-sur-Loire.
Tout d’abord, je voudrais exprimer ma solidarité à l’égard des personnels de l’entreprise, à commencer par ses ouvriers, qui sont non seulement les grandes victimes mais aussi les grands oubliés de la crise que nous traversons depuis 2008.
Ensuite, monsieur le ministre, je voudrais vous remercier des efforts consentis par l’État actionnaire pour éviter que les sites que je viens de citer ne soient fermés. Néanmoins, je me dois de vous indiquer – je pense que vous pouvez l’entendre – que cela ne sera pas suffisant.
Pour prendre l’exemple du site de Cosne-sur-Loire, qui se trouve dans un bassin ayant déjà perdu près de 1 000 emplois dans les secteurs de l’industrie et de la construction depuis 2008, ce sont 80 des 204 salariés qui vont perdre leur travail. Cela signifie que nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce qui a été constamment entrepris jusqu’à présent dans le cadre des plans de revitalisation, de reconversion et des promesses de recréation d’activité. Nous avons besoin de faire plus et mieux !
Monsieur le ministre, vous qui défendez l’innovation économique, faites aussi progresser l’innovation sociale ! Faisons en sorte de trouver les solutions industrielles avant que le plan social ne soit mis en œuvre, que ces solutions prennent la forme d’une recréation d’activité au sein de Vallourec ou qu’elles se traduisent par la reconversion des salariés et l’implantation de nouvelles activités. Nous souhaitons avoir la garantie que l’activité continuera dans ces bassins d’emploi, que le pouvoir d’achat des salariés sera maintenu et que nous trouverons des solutions humaines à la crise.
En clair, imposons à Vallourec non pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultat ! Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à prendre cet engagement ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
Très bien !
M. Didier Guillaume.
La parole est à M. le ministre de l’économie.
M. le président.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler la situation dans laquelle se trouvent les ouvriers du groupe Vallourec – c’est du reste la raison pour laquelle nous avons pris toutes nos responsabilités –…
M. Emmanuel Macron,
ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Tout à fait !
Mme Nicole Bricq.
… et la dignité avec laquelle ils ont réagi jusqu’à présent dans l’ensemble des sites industriels que vous avez cités.
M. Emmanuel Macron,
À quelle crise sommes-nous confrontés ? Je voudrais tout de même en dire deux mots.
En premier lieu, il s’agit d’une crise du secteur pétrolier et parapétrolier : ce secteur, qui constitue l’essentiel des débouchés et 66 % du chiffre d’affaires du groupe Vallourec, s’est effondré au cours des dix-huit derniers mois et a entraîné une forte chute de l’activité.
En second lieu, la crise s’explique par une baisse très brutale du prix de l’acier, qui est due au
Vous restez à votre poste, alors ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
(Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Bonne nouvelle !
M. Roger Karoutchi.
(Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Que faire sur ce sujet d’importance ?
M. Emmanuel Macron,
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, nous avons recapitalisé le groupe Vallourec. Nous avons également demandé que les restructurations soient limitées et qu’aucun site productif ne soit fermé. Des efforts sont certes demandés pour deux sites, dont celui de Cosne-sur-Loire, ainsi que la fermeture de deux laminoirs, l’un à Saint-Saulve, l’autre à Déville-lès-Rouen, mais c’est la condition pour qu’aucun site productif ne soit fermé, alors que le taux d’occupation des sites du groupe n’est quasiment plus que de 50 % depuis six mois.
Face à cette situation, le Gouvernement formule plusieurs exigences.
Tout d’abord, Vallourec doit développer une stratégie offensive, consistant à se repositionner sur les activités à forte valeur ajoutée. C’est la raison pour laquelle nous avons recapitalisé le groupe et avons signé un partenariat avec un groupe japonais.
Ensuite, nous avons demandé que le groupe réalise des investissements complémentaires sur les sites touchés par la crise, afin que l’emploi productif se maintienne. C’est pourquoi j’ai demandé à Vallourec de proposer dans les prochaines semaines un plan d’investissement pour la revitalisation de ces sites, ce qui va dans le sens de ce que vous souhaitez.
En d’autres termes, Vallourec doit nous donner des garanties…
Il faut conclure !
M. le président.
… en termes de création d’activités à la fois dans son cœur de métier et dans le secteur de la recherche et développement.
M. Emmanuel Macron,
Enfin, toujours pour aller dans votre sens, monsieur le sénateur, nous allons accélérer notre action et lancer des appels à projets pour la revitalisation des sites avant que les restructurations ne touchent à leur terme.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Guillaume.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
M. Hugues Portelli.
L’État s’est lancé depuis plusieurs années, bien avant 2012, dans une politique de modernisation de ses services publics, qui emprunte la voie du resserrement des effectifs, d’une part, et du recours systématique à la dématérialisation, d’autre part.
(Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Et voilà !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Les caisses primaires d’assurance maladie ferment leurs antennes à leur tour et sont remplacées par internet. Ainsi, les rendez-vous sont désormais pris en ligne, du moins pour les usagers qui bénéficient de ces moyens informatiques.
M. Hugues Portelli.
Pôle emploi vient quant à lui d’annoncer qu’il n’ouvrira plus qu’une demi-journée par jour, si bien que la moitié du temps consacré à l’accueil des personnes va disparaître…
Merci la RGPP !
M. Jean-Pierre Bosino.
… et que les rendez-vous devront également être pris sur internet.
M. Hugues Portelli.
Les services fiscaux se sont également lancés dans une politique de recours généralisé à la dématérialisation et n’accueilleront très bientôt plus aucun public.
Enfin, chacune et chacun d’entre nous sait d’expérience qu’il est devenu presque impossible de déposer une plainte dans un commissariat dans des délais raisonnables.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
C’est l’Hôpital qui se moque de la Charité !
Mme Laurence Cohen.
Quelles sont les conséquences de telles mutations ? Les changements touchent les personnes les plus démunies, les plus âgées, les moins mobiles. On transfère
M. Hugues Portelli.
Parfaitement !
M. Bruno Sido.
Cette politique peut même entraîner des conséquences d’ordre éthique,…
M. Hugues Portelli.
Votre question !
M. le président.
La question, c’est celle du désengagement de l’État !
M. Alain Fouché.
… car elle aboutit au transfert de la gestion de certains dossiers personnels aux services municipaux.
M. Hugues Portelli.
C’est à cause de vous !
Mme Éliane Assassi.
Alors, le modèle de la modernisation est-il celui de la disparition des services publics, à l’exemple de ce qui se passe avec La Poste ?
M. Hugues Portelli.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
C’est vous qui avez supprimé les services publics !
M. Dominique Bailly.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l’État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé une question sur ce qui constitue l’une des priorités du Gouvernement, à savoir les services publics.
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
Ce n’est pas une réussite !
M. Alain Fouché.
Il s’agit en effet d’une priorité pour le Gouvernement, comme le montre le choix de retenir l’échelon départemental, échelon de proximité, pour l’organisation des services de l’État. C’est une priorité notamment pour le ministre de l’intérieur, qui déploie les maisons de l’État sur l’ensemble du territoire. Cette priorité s’exprime également au travers de la mise en place, avec le concours de La Poste, de 1 000 maisons de service public partout en France.
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État.
Le service public a vocation et, je dirai même, l’obligation de s’adapter aux usages. Aujourd’hui, à l’heure de la révolution numérique, nous construisons le service public du XXI
Vous transférez la charge aux communes !
M. Alain Fouché.
Le numérique permet de disposer de points d’accès sur l’ensemble du territoire : c’est ce que nous cherchons, c’est ce que nous voulons et c’est ce que nous allons faire !
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État.
Pour autant, il n’est pas sérieux d’affirmer que les services publics étaient présents partout sur l’ensemble du territoire.
Ce n’est pas une raison pour supprimer ceux qui restent !
M. Alain Fouché.
On ne peut pas cultiver la nostalgie d’une réalité qui n’a jamais existé !
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État.
En revanche, grâce au numérique, nous allons créer des points d’accès aux services publics sur l’ensemble du territoire et, cela, personne ne l’avait jamais fait !
Personne ne sera laissé au bord du chemin
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Nous n’en croyons pas un mot !
M. Alain Fouché.
… puisque, à l’image de ce qui s’est passé pour les services des finances publiques,…
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État.
Il faut conclure !
M. le président.
… nous allons être en mesure de dégager des personnels
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État.
(Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Concluez, madame la secrétaire d’État !
M. le président.
… qui pourront prendre en charge les citoyens les plus fragiles et s’occuper des situations les plus complexes.
Mme Clotilde Valter,
secrétaire d'État.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
M. Philippe Dominati.
Deux jours après les attentats du 13 novembre, une jeune femme courageuse, n’écoutant que sa conscience, a appelé le numéro de téléphone d’urgence anti-attentat, le 197. Grâce à ce geste, elle a probablement sauvé des vies, empêchant un triple attentat et permettant surtout à la police de neutraliser l’un des assassins du 13 novembre.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette jeune femme attendait de la part de l’État un soutien, une reconnaissance, une assistance et surtout l’engagement de tout faire pour l’aider à réorganiser au mieux sa nouvelle vie.
Aujourd’hui, elle se sent abandonnée. Elle s’est trouvée dans la nécessité de courir un nouveau risque en contactant un certain nombre de médias, ainsi que le président de la Ligue des droits de l’homme, pour faire part de son isolement. Comment en est-on arrivé là ?
Monsieur le ministre, ma question est simple : comment l’État peut-il se déshonorer dans une situation pareille ? J’attends évidemment que vous me répondiez.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. le président.
Monsieur le sénateur, pardonnez-moi, mais je vous le dis très franchement, créer des polémiques sur des sujets aussi graves
M. Bernard Cazeneuve,
ministre de l’intérieur.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume.
Je vais même aller plus loin : sous l’autorité du procureur de la République, la police a procédé à l’interrogatoire de la personne dont vous parlez deux jours après les attentats. Elle ne l’a pas entendue sous X pour des raisons de droit. On ne peut entendre sous X qu’une personne dont on est convaincu au moment où on l’interroge qu’elle n’a aucun lien avec l’affaire en cours. Par conséquent, à la demande du procureur de la République, cette personne a été interrogée sous le régime de la garde à vue.
M. Bernard Cazeneuve,
Par ailleurs, après qu’un certain nombre de journalistes informés de cette affaire ont pris contact avec mes services, nous avons mis en place un ensemble de dispositifs très sûrs pour protéger cette personne. Je me souviens de manière extrêmement précise de ce que nous avons fait à ce moment-là pour avoir été informé des détails de l’affaire et avoir moi-même demandé sa protection la plus absolue.
Certains journalistes l’ont toutefois interrogée. Nous leur avons indiqué qu’il nous semblait très imprudent d’agir ainsi, parce que la vie de cette personne risquait d’être mise en danger et que les informations qui étaient diffusées ne correspondaient pas à la réalité. Malgré tout, une interview a été diffusée. Le procureur de la République a alors décidé de déclencher l’action publique pour mise en danger de la vie d’autrui.
À ce moment-là, la personne ne pouvait pas se voir reconnaître…
Il va falloir conclure !
M. le président.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Incroyable !
M. Vincent Eblé.
… le statut de témoin ni toutes les protections qui s’y attachent, tout simplement parce que le droit ne le prévoit pas.
M. Bernard Cazeneuve,
Pour conclure, je vous indique avoir décidé d’adresser une lettre au procureur de la République dans laquelle je rappelle très précisément tout ce que l’État a fait pour protéger cette personne. Par conséquent, je considère que ces polémiques sont totalement indignes !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.
M. le président.
Monsieur le ministre, je comprends votre gêne.
M. Philippe Dominati.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
On voit bien qu’employer le terme de polémique est parfaitement malvenu. Il est simplement question ici d’honneur et de respect de la parole donnée à une citoyenne qui a empêché que de nouveaux d’attentats ne soient commis.
À ma connaissance, les bons policiers comme les bons ministres de l’intérieur ont toujours protégé les citoyens…
C’est bien le cas !
M. Yannick Vaugrenard.
… qui contribuent à l’arrestation de criminels.
M. Philippe Dominati.
C’est indécent !
M. Claude Bérit-Débat.
J’espère que vous vous ferez un point d’honneur à tenir compte de cette interpellation…
M. Philippe Dominati.
Il faut conclure !
M. Dominique Bailly.
… et que vous agirez non seulement pour que ce dispositif puisse à l’avenir rester performant,…
M. Philippe Dominati.
Il faut conclure !
M. le président.
… mais également pour que cette personne soit protégée et considérée comme il se doit.
M. Philippe Dominati.
(Marques d’impatience
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Il y a deux poids, deux mesures en matière de temps de parole !
M. Vincent Eblé.
… je tiens à souhaiter, au nom de mon groupe, beaucoup de bonheur et de sérénité aux membres du Gouvernement qui ne seront peut-être plus en fonction dans quelques heures.
M. Philippe Dominati.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Dominique Bailly.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. le président.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean Louis Masson.
Monsieur le ministre, les habitants des trois départements d’Alsace-Moselle sont très attachés à la défense du droit local, en particulier à celle du régime des quatre cultes reconnus,…
M. Jean-Pierre Caffet.
… à savoir le culte catholique, deux cultes protestants et le culte israélite. Or ce régime est doublement menacé.
M. Jean Louis Masson.
D’une part, à l’échelle nationale, il est la cible de ceux qui veulent voir la loi relative à la laïcité de 1905 s’appliquer en Alsace-Moselle.
Et alors ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
D’autre part, au plan local, il est victime d’une surenchère, menée par des élus qui instrumentalisent le communautarisme musulman afin d’en faire un fonds de commerce électoral.
M. Jean Louis Masson.
Ainsi, après avoir préconisé le doublement du nombre des mosquées et s’être vanté dans la presse d’avoir construit une grande mosquée financée à 100 % par des fonds publics, un maire de Moselle propose aujourd’hui d’élargir au culte musulman le statut de religion historiquement reconnue. Cette démarche électoraliste est très dangereuse, car elle remet en cause la légitimité même du droit local.
Quel droit local ?
M. David Assouline.
En effet, le régime local des cultes se fonde sur l’histoire. L’élargir à une religion dépourvue de toute racine locale reviendrait à le priver de sa raison d’être.
M. Jean Louis Masson.
De plus, en l’absence de justification historique, on ne saurait opérer une discrimination entre telles et telles religions. On ne voit pas pourquoi, parmi les religions non reconnues, il faudrait favoriser un culte plutôt qu’un autre. Les chrétiens orthodoxes, les protestants évangélistes, les hindouistes ou les bouddhistes ne posent aucun problème de communautarisme ou de troubles à l’ordre public.
(Marques d’exaspération sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le ministre, ma question est donc double. Premièrement, garantissez-vous le maintien du régime local appliqué aux quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle ? Deuxièmement, si le champ du régime local était élargi, ne faudrait-il pas prendre en compte toutes les religions, et non une seule d’entre elles, que l’on chercherait à favoriser par démagogie électorale ?
(Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. le président.
Ministre de l’intérieur et des cultes !
M. Jean-Claude Lenoir.
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Puisque j’ai de nouveau la parole, je précise à l’intention de M. Dominati que, pour moi, le sens de l’honneur, c’est le respect de la vérité.
M. Bernard Cazeneuve,
ministre de l'intérieur.
Que sous-entendez-vous ? Que je ne dis pas la vérité ?...
M. Philippe Dominati.
Or, en la matière, je connais la vérité, contrairement à vous, monsieur le sénateur. En conséquence, je n’ai aucune leçon à recevoir de votre part.
M. Bernard Cazeneuve,
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
(Protestations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quelles leçons de morale !
M. Jacques Grosperrin.
Monsieur Masson, je tiens à vous répondre très précisément. La modification des règles prévalant à l’heure actuelle quant aux cultes en Alsace-Moselle n’est absolument pas à l’ordre du jour. Le régime concordataire est profondément enraciné dans l’histoire de l’Alsace-Moselle, et il n’est pas question de le remettre en cause.
M. Bernard Cazeneuve,
Très bien !
M. André Reichardt.
Par deux décisions, l’une de 2011, l’autre de 2013, le Conseil constitutionnel a souligné que les dispositions dont il s’agit étaient parfaitement conformes à la Constitution.
M. Bernard Cazeneuve,
Tout à fait !
M. André Reichardt.
En la matière, des réflexions, dont vous avez connaissance, sont actuellement menées par l’Institut du droit local alsacien-mosellan et par l’Observatoire de la laïcité. Elles portent sur le caractère de l’enseignement religieux et sur l’interdiction du blasphème.
M. Bernard Cazeneuve,
Ainsi, les termes du débat sont connus. Ce sujet est encadré constitutionnellement et, je le répète, il n’est absolument pas question de modifier l’ordre du droit.
Trois cultes sont reconnus en Alsace-Moselle : le culte protestant, le culte catholique et le culte israélite. Dans le cadre du droit existant, il est tout à fait possible d’étendre l’enseignement du fait religieux à la religion musulmane. Il n’y a pas, à cet égard, à susciter des divisions ou des oppositions, à éveiller de mauvais débats, qui ne seraient conformes à l’esprit ni du législateur ni du Gouvernement.
Dans le contexte que nous connaissons, la République a besoin de rassemblement, d’apaisement et d’élévation !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique, en quatorze secondes...
M. le président.
Monsieur le ministre, je le répète, l’Alsace-Moselle compte quatre cultes reconnus, puisque les cultes protestants considérés à ce titre sont au nombre de deux.
M. Jean Louis Masson.
(Exclamations et marques d’impatience sur plusieurs travées.)
En outre, le fait d’élargir au culte musulman l’enseignement religieux à l’école pose un véritable problème : pourquoi ce culte, et pas les autres ?
Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. le président.
Quatre cultes sont reconnus, d’autres ne le sont pas.
M. Jean Louis Masson.
(Protestations continues sur un grand nombre de travées.)
(M. le président coupe le micro de l’orateur.)
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
M. le président.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi prochain, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et qu’elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-sept heures.
(Murmures et exclamations sur l’ensemble des travées.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Mes chers collègues, à la suite du remaniement ministériel auquel vient de procéder M. le Président de la République, et compte tenu du changement de ministre de la culture, je vous propose de lever la séance et de reprendre demain, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir, la suite de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Mme la présidente.
Avant de lever la séance, je donne la parole à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de bien vouloir adapter l’ordre du jour de la Haute Assemblée aux contraintes de la vie gouvernementale.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Puisque l’occasion m’en est donnée, je veux exprimer en cet instant toute mon amitié et toute ma reconnaissance à Fleur Pellerin pour le travail qu’elle a effectué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’imagine que, parmi ceux d’entre vous qui s’apprêtaient à poursuivre cet après-midi et ce soir l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, vous êtes plusieurs à considérer qu’il constitue une importante avancée dans le domaine de la culture.
Mais l’action gouvernementale se poursuit et les parlementaires que vous êtes auront dès demain matin la possibilité de continuer à apporter leurs contributions à ce texte auquel je sais que vous tenez tant.
Mes chers collègues, le calendrier de la fin de l’examen de ce texte sera précisé ultérieurement, étant entendu que nous n’aurons pas matériellement le temps d’achever la discussion demain soir.
Mme la présidente.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous trouvons au milieu du gué. Nous saluons nous aussi le travail effectué avec la ministre sortante, Fleur Pellerin, et accueillerons demain Audrey Azoulay. Nous poursuivrons alors l’examen du projet de loi, conformément à ce qu’avait décidé la conférence des présidents.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
J’émets le souhait, que je crois partagé par l’ensemble des membres de la commission de la culture, d’avoir une lisibilité sur le calendrier de la poursuite de nos travaux, en espérant que ceux-ci ne soient pas entrecoupés.
Nous avons vécu une semaine compliquée.
C’est vrai !
Mme Françoise Férat,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Cela a également été très difficile pour tous ceux de nos collègues qui, bien que n’appartenant pas à la commission de la culture, souhaitaient se mobiliser aussi.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur.
J’espère que la conférence des présidents et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, tiendrez compte de ce souhait, afin que l’examen de ce texte se poursuive dans une sérénité qui nous permette d’être constructifs !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
(Applaudissements.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, bien évidemment, nous allons trouver ensemble très rapidement les conditions optimales pour la suite des travaux sur ce projet de loi. Il serait dommageable que le Gouvernement fasse des propositions de façon unilatérale aujourd'hui. Je préfère que nous réfléchissions ensemble au calendrier le plus opportun, calendrier que nous devrions connaître au plus tard demain, en fin de matinée.
M. Jean-Marie Le Guen,
secrétaire d'État.
Voilà la réponse que je peux vous donner, madame Morin-Desailly, en espérant qu’elle correspond à vos attentes.
Absolument !
M. Didier Guillaume.
Dans tous les cas, madame la présidente de la commission, une concertation entre le Gouvernement, votre commission et le président du Sénat ainsi qu’une nouvelle conférence des présidents seront nécessaires pour fixer le calendrier.
Mme la présidente.
Voici donc quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 12 février 2016, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Texte de la commission (n
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures dix.)
|
DEBATS/SEN_20160114_002.xml | M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution
M. Jean-Pierre Bosino
Mme Delphine Bataille
M. Joël Labbé
M. Jacques Mézard
M. Rémy Pointereau
Mme Françoise Gatel
M. René Vandierendonck
M. Mathieu Darnaud
M. Cédric Perrin
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale
Adoption de la proposition de résolution.
Discussion générale :
M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi
M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire
M. Jean-Louis Carrère
Mme Marie-Christine Blandin
M. Jean-Claude Requier
M. Pascal Allizard
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
M. René Danesi
Mme Agnès Canayer
Clôture de la discussion générale.
Discussion générale :
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Marie-Christine Blandin
Mme Hermeline Malherbe
M. Alain Milon
M. Jean-Marie Vanlerenberghe
Mme Annie David
M. Éric Jeansannetas
M. Philippe Mouiller
M. Jean-Louis Tourenne
M. Daniel Gremillet
Clôture de la discussion générale.
M. Roland Courteau
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendements identiques n
M. Jean-Marc Gabouty
Mme Nicole Bricq
M. Philippe Mouiller
Mme Hermeline Malherbe
Mme Annie David
M. Daniel Chasseing
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Discussion générale :
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
Mme Chantal Jouanno, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire
Mme Mireille Jouve
M. Alain Fouché
Renvoi de la suite de la discussion.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l’urbanisme et à la construction, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean Marie Bockel et plusieurs de ses collègues (proposition n
M. le président.
Dans le débat, la parole est à M. Jean Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les jours se suivent et se ressemblent, tout du moins s’agissant de la problématique des normes applicables aux collectivités territoriales.
M. Jean-Marie Bockel,
auteur de la proposition de résolution.
Nous avons en effet adopté, hier, une proposition de loi constitutionnelle qui devrait notablement contribuer – le jour où elle sera mise en œuvre ! – à corriger à la source la propension de notre culture politique et juridique à accumuler dans la loi et dans la réglementation des prescriptions redondantes, des exigences disproportionnées et des procédures inextricables.
Chaque élu local ne cesse d’expérimenter tout au long de ses mandats à quel point ce phénomène entrave l’action au-delà de ce que requiert la sécurité des procédures et renchérit les coûts au-delà de ce que permet la contraction des ressources publiques, surtout en ces temps de rigueur budgétaire et de réduction des dotations.
Il fallait donc viser la source de l’inflation normative, qui est bien souvent législative, et c’est pourquoi nous avons souhaité inscrire dans la Constitution elle-même le principe de la compensation par l’État des charges supplémentaires créées par les normes nouvelles. Il n’y a pas de moyen plus efficace de créer le changement dans notre façon de légiférer et de réglementer, afin de nous rapprocher de la réalité des pratiques en vigueur dans les pays européens qui nous entourent et qui, finalement, ne fonctionnent pas si mal, bien au contraire.
Toutefois, nous avons souhaité, parallèlement à cette initiative constitutionnelle, faire progresser la sobriété normative, en rappelant un principe simple : pour une norme réglementaire créée, une norme supprimée ou allégée. C’est le premier objet de notre proposition de résolution.
Des initiatives ont déjà été prises en ce sens, avec l’inscription de ce principe dans la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du « gel » de la réglementation. Cependant, M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification a indiqué lui-même, en réponse à une question orale, que ce texte n’était qu’un « premier pas ».
Donner à l’objectif de simplification la priorité qu’il mérite suppose en effet une profonde évolution de la culture administrative. Une circulaire, si utile soit-elle, ne peut y suffire dans la durée.
C’est la raison pour laquelle notre proposition de résolution suggère dans sa première partie de rehausser dans la hiérarchie des normes le principe selon lequel l’ajout d’une norme doit être compensé par la suppression ou l’allégement d’une autre, dans le cas de la réglementation applicable aux collectivités territoriales. C’est une façon pragmatique de réguler les flux de normes nouvelles tout en s’attaquant par la bande au stock existant.
En effet, le problème du stock est crucial. Alors que les ressources des collectivités territoriales subissent de la part de l’État une pression massive, les coûts économiques, techniques et administratifs de l’empilement normatif existant sont devenus insupportables. C’est pourquoi nous devons engager une action systématique de réduction de ces stocks. Les élus locaux nous le demandent, de manière insistante et réitérée, et ils ont raison.
Néanmoins, par quoi commencer ? Notre délégation a posé la question aux élus en les interrogeant sur leurs priorités à l’occasion du congrès des maires en 2014. Le niveau de participation à notre consultation, comme Rémy Pointereau le rappelait encore hier, a été significatif. Lors de la fermeture de celle-ci, en février 2015, près de 4 200 réponses avaient été transmises à la délégation.
Les résultats ont été parlants : près de 64 % des réponses ont mentionné l’urbanisme et le droit des sols comme secteurs prioritaires pour la simplification. C’est pourquoi notre délégation a décidé de consacrer ses premiers travaux de simplification du stock de normes aux dispositions régissant l’urbanisme.
Sous l’impulsion de Rémy Pointereau, notre premier vice-président délégué, nous nous sommes dans un premier temps intéressés à la réglementation. La deuxième partie de la proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui est l’aboutissement de cette démarche. Elle identifie plus d’une dizaine de pistes de simplification concrètes, qui nous semblent à même de montrer que le processus de simplification s’enclenche, qu’il s’intensifie, que la demande exprimée par les élus locaux ne reste pas sans réponse, que le Sénat, totalement inscrit dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, est à la manœuvre.
Certaines de ces pistes sont connues de tous ; notre collègue Éric Doligé les a présentées dans son rapport de 2011 sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Cinq ans après, elles sont toujours d’actualité.
Certaines autres pistes ont fait l’objet d’annonces de la part du Gouvernement, dont les plus récentes remontent au 14 septembre dernier. Souhaitons que le Sénat serve d’aiguillon pour que ces annonces se concrétisent pleinement et rapidement.
Je ne mets nullement en doute la détermination du Gouvernement, la vôtre, monsieur le secrétaire d’État ou celle de M. Mandon, avec qui nous avons eu l’occasion de nous entretenir de ce sujet. Toutefois, entre la volonté et l’action, nous avons un rôle d’impulsion à jouer, et c’est aussi l’esprit de cette résolution, qui n’a aucune valeur contraignante, mais qui constituerait un signal fort si elle était adoptée.
Je distinguerai quatre catégories de propositions.
Tout d’abord, trois dispositions de la proposition de résolution appellent le Gouvernement à clarifier, au moyen d’instruments de droit souple – des chartes ou des référentiels élaborés en concertation avec les élus locaux –, les relations entre les collectivités et certains de leurs interlocuteurs – les commissions de sécurité et les officiers préventionnistes, les architectes des bâtiments de France, les agences régionales de santé.
Quatre dispositions de la proposition de résolution incitent le Gouvernement à simplifier les règles de construction et de gestion des établissements recevant du public – il s’agit là d’un sujet sensible – en portant à la connaissance des préfets et des élus locaux les dérogations aux règles d’accessibilité existantes dans une circulaire ; en ajustant la périodicité de certains contrôles, à commencer par ceux qui sont relatifs aux installations électriques ; en élargissant la possibilité d’installation de classes démontables dans les établissements scolaires faisant l’objet de travaux ; enfin, en assouplissant les normes parasismiques dans les zones et pour les bâtiments présentant un très faible enjeu au regard du risque sismique.
Quatre autres dispositions de la proposition de résolution invitent le Gouvernement à alléger les formalités pesant sur les actes et les documents d’urbanisme grâce à la simplification d’un formulaire de déclaration préalable – le CERFA 13 404 – pour certains types d’aménagement, de construction et de travaux ; à l’établissement de la liste précise des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ; à la limitation à un mois de la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun des déclarations préalables, des permis de construire et des permis d’aménager ; enfin, à la simplification des obligations réglementaires pesant sur les plans locaux d’urbanisme, en particulier les études exigées dans les zones humides. Qui, sur son territoire, n’a pas été confronté à des conflits, des interrogations et des incertitudes sur ce sujet sensible ?
(M. Jacques Mézard acquiesce.)
Les deux dernières dispositions de la proposition de résolution ont trait à des équipements et des aménagements posant des difficultés spécifiques dans nos territoires. Elles tendent, d’une part, à accompagner les communes dans la mise en conformité de leurs équipements d’assainissement collectif avec la réglementation européenne, et, d’autre part, à permettre le regroupement des différents dossiers préalables à la création d’une zone d’aménagement concerté en un seul.
Cet ensemble pourrait paraître un peu technique et passablement fragmentaire, mais nous savons tous, en tant qu’élus locaux, ce qu’il y a de vécu, et souvent de mal vécu, dans cette énumération.
C’est la raison pour laquelle nous invitons le Sénat à adopter la présente proposition de résolution, fruit d’un travail collectif mené notamment avec Rémy Pointereau, qui anime, au sein de la délégation, un groupe de travail très actif. Avec Alain Lambert, qui préside aujourd’hui le conseil des normes, mais qui a longtemps siégé dans cet hémicycle, il effectue un travail considérable que je tiens à saluer.
Nous travaillons également en bonne intelligence avec les différentes commissions permanentes. Nous n’entendons nullement remettre en question leur rôle et nous œuvrons dans la transversalité, notamment avec la commission des lois, avec laquelle nous entretenons un très bon dialogue sur ces questions qui relèvent de sa compétence, mais également avec les autres commissions, comme nous le verrons dans la suite des travaux de la délégation.
Nous sommes nombreux, au sein de la délégation, mais aussi sur toutes les travées de notre assemblée, à souhaiter que cette proposition soit adoptée.
Les élus locaux y verront un signe de l’attention que nous portons à leurs problèmes concrets. Le président Gérard Larcher y est lui-même personnellement sensible et a donné une impulsion forte à nos travaux. Notre délégation y verra un encouragement à poursuivre sa tâche austère et le Gouvernement, à n’en pas douter, une incitation à mener à bonne fin les travaux qu’il a entrepris de son côté, car tous les gouvernements, quels qu’ils soient, sont toujours confrontés à un certain nombre de freins et de pesanteurs.
Au travers de ce projet de résolution, nous appuyons la volonté sincère du Gouvernement d’avancer sur cette question qui nous tient à cœur.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE. – MM. Joël Labbé et René Vandierendonck applaudissent également.)
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet récurrent au sein de notre hémicycle et dans les réflexions des pouvoirs publics.
M. Jean-Pierre Bosino.
Ainsi, en 1991, le Conseil d’État faisait déjà part de ses inquiétudes concernant la complexité du droit, caractérisé par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme.
En 2011, une mission d’information sur cette question a été conduite par le Sénat sous l’égide de la délégation aux collectivités territoriales, portée par notre collègue Éric Doligé. Ce rapport a abouti au dépôt d’une proposition de loi, toujours en cours de navette, que l’examen de cette proposition de résolution remet d’une certaine façon au goût du jour.
De fait, le sujet est important, en particulier pour les élus locaux. Aujourd’hui, ce sont plus de 400 000 normes qui sont applicables. Cette situation pose de vraies questions, liées notamment à l’insécurité juridique pour les collectivités. Trop de normes tue l’idée même de la norme et rend impossible l’idée que la loi soit connue et intelligible par tous. C’est donc aussi un problème démocratique.
Il faut cependant aller plus loin et remettre en cause non seulement le volume, mais aussi les modes d’élaboration de la norme et de la loi. Les efforts à produire en matière de démocratie sont immenses et, dans ce domaine aussi, les collectivités, notamment les communes, ont fait preuve d’un esprit d’initiative et d’innovation remarquable.
Dans d’autres circonstances, en particulier dans le cadre de l’élaboration de la loi, nous nous trouvons trop souvent enfermés dans des débats d’experts. Or de la vivacité de notre démocratie dépend aussi la qualité des normes et des lois.
Pour autant, il faut être clair. Cette volonté de diminuer les normes, donc les contraintes sur les collectivités, ne doit pas conduire à réduire la qualité et la sécurité pour nos concitoyens.
Limiter les normes ne doit pas constituer non plus une forme de déréglementation des secteurs de l’urbanisme, du logement et de l’environnement, dans lesquels les objectifs en matière d’accessibilité, de sécurité, de normes sanitaires et de protection de l’environnement seraient relégués comme des questions annexes ou trop complexes. Une telle posture est dangereuse.
Par ailleurs, derrière le rejet des normes par les élus, se cachent, pour beaucoup d’entre ces derniers, de réelles difficultés dans la mise en œuvre, faute d’accompagnement technique par les administrations et de soutien financier par l’État. En matière d’urbanisme, nous regrettons d’ailleurs la quasi-suppression de l’assistance technique de l’État, l’ATESAT, tout comme la baisse des dotations qui obère les capacités d’intervention des collectivités et leurs moyens humains pour garantir le respect de ces normes.
Gardons à l’esprit le fait que l’édiction de règles répond, le plus souvent, à un besoin essentiel de sécurité technique et juridique.
Au-delà de ces considérations sur l’utilité des normes, c’est aussi l’argument libéral qui est avancé. Ainsi, dans la discussion sur sa proposition de loi, Éric Doligé rappelait l’essentiel : « N’oublions pas que la compétitivité se mesure sur les marchés internationaux. Celui qui ne maîtrise pas ses charges et contraintes perd de la compétitivité. Chaque norme supérieure à celle de notre concurrent nous pénalise ».
Manifestement, nous ne sommes donc pas seulement dans une volonté de sécuriser les collectivités, mais bien de libéraliser les secteurs économiques qui ne le seraient pas encore, en abaissant le niveau des normes, qu’elles soient urbanistiques, environnementales, de sécurité ou encore sociales. Ce discours de l’ultralibéralisme débridé conduit à des catastrophes humaines, sociales et environnementales – nous le savons bien ! Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC condamnent cette orientation politique du moins-disant.
De notre côté, nous pouvons avancer deux propositions.
Tout d’abord, pour éviter l’écueil de lois utiles, mais inapplicables faute de moyens, ne faudrait-il pas prévoir, de manière systématique, un volet fixant les règles financières de leur mise en œuvre ?
Ensuite, ne pourrait-on pas encourager plus encore le dialogue avec les autorités devant délivrer des avis, par exemple les architectes des bâtiments de France ou les agences régionales de santé, pour éviter des recours systématiques à la justice administrative par ailleurs surchargée, recours qui allongent les délais ?
S’agissant des propositions formulées dans cette proposition de résolution, il faut bien reconnaître que nous ne les partageons pas.
En ce qui concerne le principe « pour une norme créée, une norme supprimée », nous considérons que cette affirmation est purement démagogique. Ce qui doit prévaloir pour définir le droit positif, c’est non sa masse globale, mais bien la justesse et l’utilité de ces normes. Toute idée mécanique est donc à bannir. Quant à savoir si un décret a plus de force qu’une circulaire, ce débat sur la hiérarchie des normes réglementaires est – franchement – bien en deçà des questions que vous posez.
Cette proposition de résolution semble être une curieuse collection de dispositions issues de divers rapports et propositions de loi, dont la portée et le contenu sont extrêmement variables, allant de la santé à l’environnement, en passant par l’assainissement. D’ailleurs, la plupart de ces mesures relèvent purement du pouvoir réglementaire ou même du bon sens. La proposition de résolution va même jusqu’à évoquer la question de formulaires administratifs...
La création de chartes nationales pour fixer le niveau d’exigence des commissions de sécurité ou celui des architectes des bâtiments de France relève uniquement, là encore, de bonnes pratiques.
Le fil conducteur de ces propositions, c’est au fond l’idée que l’administration serait par nature arbitraire et même dangereuse, alors qu’elle protège les administrés et notre environnement.
D’autres préconisations nous semblent tout autant problématiques, notamment en matière d’urbanisme, avec cette volonté tenace de déréglementer le droit des sols. Il en est ainsi de la proposition d’établir une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ou de celle qui entend carrément limiter la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme.
Pour ces raisons, nous ne voterons pas ce texte.
Nous, nous demandons en priorité au Gouvernement, et ce pour soulager les collectivités, de cesser ses coupes budgétaires et de remettre des fonctionnaires dans les préfectures et les services déconcentrés. Les collectivités pourront ainsi mener les politiques pour lesquelles les électeurs ont voté. Derrière la question des normes, c’est cela le vrai sujet !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à Mme Delphine Bataille.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est présentée – je souhaite d’ailleurs en remercier M. Bockel et ses collègues – se veut une réponse aux résultats de la consultation des élus locaux, lancée à l’occasion du congrès des maires en 2014 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Mme Delphine Bataille.
En matière de simplification des normes, les élus locaux ont en effet placé en tête de leurs préoccupations le secteur de l’urbanisme et du droit du sol.
Ils ont globalement mis en avant l’excès de formalisme, l’absence d’interlocuteur identifié, les dossiers administratifs longs et indigestes ou encore le manque d’adaptation des normes aux contextes locaux. Ils ont aussi relevé que toutes les normes édictées pour les zones urbaines sont difficilement applicables dans les zones rurales.
Il est indéniable que les élus engagés dans l’élaboration de documents d’urbanisme, notamment des plans locaux d’urbanisme, sont aujourd’hui confrontés à la complexité accrue des normes, devenues trop nombreuses et contraignantes.
Cette inflation normative résulte des demandes croissantes de nos concitoyens en matière de sécurité, de santé, de protection de l’environnement ou encore d’application du principe de précaution. Il faut aussi compter avec les textes communautaires et internationaux, voire avec d’autres législations.
L’élu communal, principal acteur des compétences d’urbanisme et conciliateur de l’intérêt général avec les intérêts particuliers des propriétaires et des constructeurs, a ainsi dû faire face, ces dernières années, à une profusion de nouveaux textes.
Cet étouffement normatif est, depuis longtemps, une source d’instabilité, de coûts importants, d’insécurité juridique et de lourdeurs, obligeant certains élus, quand ils le peuvent, à faire appel à des cabinets d’avocats. Pourtant, depuis plus de vingt ans, alors que le Conseil d’État mettait en garde contre de telles dérives, de nombreuses lois sont encore venues modifier les orientations et le contenu du droit de l’urbanisme.
Cet empilement législatif et réglementaire rend le droit de l’urbanisme instable, difficilement accessible et peu lisible pour la plupart des élus. Dans un tel contexte, la simplification des normes est devenue, en particulier pour les maires, une question prioritaire.
Partant de ce constat, la proposition de résolution, qui s’articule autour de deux axes, invite le Gouvernement à rehausser, dans la hiérarchie des normes, le principe de la compensation de l’ajout d’une norme par la suppression ou l’allégement d’une autre et lui présente ensuite treize propositions à mettre en œuvre pour simplifier les normes réglementaires en matière d’urbanisme et de construction.
Le principe de la compensation de tout ajout d’une nouvelle norme par la suppression d’une autre a été décidé par le Président de la République, qui, dès le début de son mandat, a fait de la simplification des normes pesant sur les collectivités locales une priorité.
Ce gel des normes, entré en vigueur le 1
C’est pourquoi le Gouvernement, au-delà de l’institution de ce gel, a limité le nombre de circulaires ministérielles, pour en améliorer la qualité, tout en rénovant le mode de relation avec les services déconcentrés. Il réserve désormais l’usage des circulaires à la diffusion d’instructions pour la mise en œuvre d’une politique publique. Les précisions techniques ou méthodologiques sont apportées
Il est donc inutile de transformer cette circulaire en décret et de rajouter ainsi à l’inflation des normes. En ce sens, Alain Lambert juge indispensable de rétablir la hiérarchie des textes – sortir de la loi ce qui aurait dû être du ressort du décret, sortir du décret ce qui aurait pu tenir dans un arrêté, etc. –, afin de modifier plus facilement un texte mal conçu.
Depuis l’adoption de cette mesure, le processus de simplification engagé par le Gouvernement se poursuit et s’intensifie. Pour mieux lutter contre l’inflation normative, le Conseil national d’évaluation des normes, créé par la loi du 17 octobre 2013, dispose de pouvoirs renforcés. Il est compétent pour la gestion des flux, comme pour le stock de normes. Ainsi, les élus pourront saisir directement cet organisme, afin de proposer l’abrogation ou la simplification d’une norme.
En matière d’urbanisme, plusieurs mesures récentes de simplification permettent d’agir sur le traitement contentieux des autorisations d’urbanisme, de raccourcir les délais d’obtention des permis de construire, de prolonger les délais de validité des permis de deux à trois ans et d’assouplir les conditions de la concertation pour certains d’entre eux.
Un décret publié en décembre dernier réforme le plan local d’urbanisme et clarifie le code de l’urbanisme. Les douze articles actuels seront remplacés par un règlement plus souple et mieux adapté aux spécificités des territoires.
Un certain nombre de règles ont donc bien été allégées et supprimées, mais les effets de ces simplifications – pour la plupart, récentes – ne sont pas encore spectaculaires. De plus, le toilettage du stock de normes existant peut s’avérer complexe, comme pour la loi sur le handicap.
Aujourd’hui, la plupart des treize propositions présentées dans le texte que nous examinons, soit sont déjà mises en place, soit ont fait l’objet d’annonces lors du comité interministériel du 14 septembre 2015 à Vesoul. Le Gouvernement a donc bien entendu les demandes exprimées par les élus et a mené un chantier spécifique de simplification des normes de construction et des règles d’urbanisme, qui commence à produire des effets.
Il n’y a donc pas d’intérêt majeur à cette proposition de résolution, qui va dans le sens du travail accompli par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle notre groupe s’abstiendra, mais de manière positive, sur ce texte.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
La parole est à M. Joël Labbé.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le chantier de la simplification est en cours depuis le mois de mars 2013 avec l’annonce, par le Président de la République, de son « choc de simplification ».
M. Joël Labbé.
Je ne suis pas nécessairement convaincu par les thérapies de choc. De manière générale, je préfère les évolutions aux révolutions, les petits matins aux grands soirs, les transitions concertées aux bouleversements soudains et imposés.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vraiment ?
M. Rémy Pointereau.
Cela vient peut-être avec l’âge, chers collègues !
M. Joël Labbé.
(Sourires.)
Heureusement, dans cette œuvre de simplification, il y a eu de la concertation. Nous avons examiné, dans cet hémicycle, de nombreux textes de simplification ces deux dernières années et la plupart d’entre eux ont fait l’objet d’une concertation préalable avec les acteurs économiques et institutionnels.
C’est aujourd’hui le travail de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui est en discussion. Il ne s’agit pas d’un travail partisan. Par les temps qui courent, c’est particulièrement appréciable !
En tant qu’ancien maire, je comprends très bien la détresse de certains élus locaux face aux réglementations extrêmement complexes, notamment en matière d’urbanisme. Cette résolution vient répondre à cette détresse, et je souscris à l’objectif de ses auteurs.
Toutefois, les écologistes resteront vigilants
(Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Trop d’excès !
M. Alain Gournac.
Elles méritent parfois d’être assouplies, mais il ne faut pas que leur utilité s’en trouve écornée.
M. Joël Labbé.
Il serait nécessaire d’établir un premier bilan de l’activité du Conseil national d’évaluation des normes, que notre assemblée a réformé en adoptant une proposition de loi présentée sur l’initiative commune de deux de ses « piliers », Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, dont je veux saluer ici le travail et la détermination.
La loi du 17 octobre 2013 a permis de consacrer, grâce à un amendement de notre ancienne collègue Hélène Lipietz – je tiens à la saluer, car je sais qu’elle est présente dans nos murs aujourd’hui –, la proposition du Président de la République consistant à abroger une norme devenue inutile ou obsolète chaque fois qu’une norme nouvelle est applicable aux collectivités territoriales. Ainsi, « l’avis rendu par le Conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur peut proposer des modalités de simplification de ces dispositions et l’abrogation de normes devenues obsolètes ». C’est donc avec une certaine satisfaction que je peux aujourd’hui oser soutenir ce texte,…
Très bien !
Mme Françoise Gatel.
… qui vise à renforcer ce principe. Ce texte prend des précautions bienvenues lorsqu’il indique, dans son alinéa 6, que les normes nouvelles doivent entraîner une simplification ou une suppression uniquement dans le cas où elles constituent une contrainte ou une charge pour les collectivités territoriales.
M. Joël Labbé.
La proposition d’élaborer une charte nationale harmonisant les niveaux d’exigence des commissions de sécurité, des offices préventionnistes et des architectes des bâtiments de France est, selon nous, intéressante. Elle pourra permettre une application plus lisible des différentes normes sur l’ensemble du territoire national, d’une façon objective et non plus subjective, en fonction du regard du fonctionnaire ou de l’organisme chargé de les appliquer.
Les écologistes seront vigilants si le Gouvernement traduit effectivement la présente résolution en actes réglementaires. Ainsi, concernant l’assainissement collectif, je comprends parfaitement l’objectif visé, mais la possibilité d’une application laxiste de la délivrance de permis de construire sur la foi de simples délais déclaratifs de mise en conformité m’inquiète. Il faudra faire preuve de fermeté dans ce domaine !
De la même manière, j’aimerais bien connaître la définition des actes de « faible importance » qui seraient exclus du contrôle de légalité en matière d’urbanisme. Ne faut-il pas renforcer les effectifs chargés du contrôle, puisqu’il semble que le contrôle effectif des actes soit insuffisant, plutôt qu’exclure du cadre du contrôle un grand nombre d’actes administratifs au risque qu’ils ne respectent pas la loi, malgré leur toute relative « moindre importance » ? Le respect de la loi ne peut être à géométrie variable. Certes, malheureusement, tel est trop souvent le cas dans les faits, mais nous ne pouvons nous en accommoder !
Ces réserves posées, au regard de l’esprit d’authentique simplification qui inspire ce texte très attendu, je voterai cette proposition de résolution au nom de mon groupe.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Puisqu’il me reste quinze secondes de temps de parole, j’en profite pour indiquer que l’un de nos futurs axes de travail pourrait être le droit à l’expérimentation encadrée en matière d’urbanisme. J’ai eu l’occasion de visiter un endroit regroupant tous les types d’habitats alternatifs – yourtes, cabanes, habitats en paille et terre –, installés sans véritable autorisation, mais extrêmement respectueux de l’esprit de la COP 21. Sur de telles questions, je réclame le droit à l’expérimentation, mais il sera nécessaire d’en débattre de nouveau.
(Applaudissements
sur les travées de l’UDI-UC.)
Très bien !
Mme Françoise Gatel.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution vient au bon moment, et notre groupe la votera, parce qu’elle va dans le bon sens.
M. Jacques Mézard.
Notre pays a une administration particulièrement compétente et efficace, au point que nous pourrions envisager de l’exporter si cela pouvait permettre de rééquilibrer notre balance commerciale !
(Sourires.)
Cela dit, pour la plupart d’entre nous, nous sommes des élus locaux – pour l’instant, on nous en laisse encore le droit ! –, ce qui fait que nous pouvons émettre des avis assez pertinents en matière d’urbanisme ou d’assainissement, grâce à l’expérience acquise dans nos collectivités. Demain, les choses seront certainement différentes.
(M. Patrick Abate applaudit.)
Mes chers collègues, notre administration est tellement compétente qu’elle ne peut pas s’empêcher de travailler – nous devrions nous en réjouir, et nous le faisons souvent –, dans des domaines qui nous tiennent particulièrement à cœur.
Même si elle concerne des questions qui s’éloignent un peu des sujets abordés par cette résolution, je vous invite vivement, mes chers collègues, à lire ce chef-d’œuvre de notre administration qu’est la circulaire du 22 décembre 2015 concernant l’application de la loi NOTRe. J’ai fait un peu de droit dans ma vie, d’abord comme étudiant, puis au barreau pendant quelques décennies. Je pensais que les circulaires n’avaient d’impact que sur les services de l’État. Or celle-ci explique quels sont les transferts de compétences ou les évolutions qui sont acceptables.
Il faut donc que vous lisiez tous cette excellente circulaire, parce qu’elle prolonge la loi NOTRe et en précise l’esprit. En matière de liaisons aériennes, vous apprendrez ainsi que le département ne peut plus intervenir, sauf si la liaison présente « un caractère touristique indiscutablement prépondérant », mais que la région peut organiser ce type de transport. C’est donc une circulaire qui dit ce qui est licite, et on essaiera ensuite d’imposer cette vision à nos collectivités au moyen du contrôle de légalité !
Si c’est à cela que se résume l’évolution positive en matière de réglementation et de normes qui nous est annoncée par l’exécutif, monsieur le secrétaire d’État, je considère que l’on peut faire beaucoup mieux ! En tout cas, c’est un nouveau fossé qui sépare les déclarations publiques de l’action.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, je pourrais m’arrêter là, mais je vais faire totalement abstraction de l’excellent document que l’on m’avait préparé pour vous livrer la suite de ma réflexion.
Nous avons le tort, les uns et les autres, de confondre le problème de la réglementation avec celui des normes. De la réglementation et des textes d’application des lois, il en faut. Cependant, comme nous le disons souvent, moins on a de textes, mieux on les applique – je sais que je m’adresse à un excellent juriste, monsieur le secrétaire d’État. À l’inverse, plus on fabrique de textes, moins on les applique, soit parce que l’administration ne les connaît plus, soit parce que le législateur, lorsqu’il adopte de nouvelles lois, ne tient pas compte des textes antérieurs. Nous finissons ainsi par vivre dans un système d’insécurité juridique.
Nous avons tous, dans nos communes, dans nos intercommunalités, dans nos départements, dans nos régions, la volonté de développer des projets. Pour rendre service à la nation, il faudrait mettre en lumière, dans le cas d’un dossier concret de développement, toute la mécanique administrative qui est imposée à la collectivité pour réaliser son projet, qui prend souvent des années, notamment avec la multiplication des commissions.
Nous voulons tous simplifier les choses. Le Gouvernement a fait des efforts, reconnaissons-le, même si nous ne sommes pas d’accord avec ses conclusions dans le cadre de la réforme territoriale. Pour simplifier, on pourrait déjà supprimer toute une série d’agences et de structures intermédiaires qui font perdre du temps et de l’argent, de même que les commissions administratives des préfectures, qui nous posent des problèmes insurmontables !
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac.
Ainsi, chaque année, en tant que président d’agglomération, je dois désigner un élu pour siéger à la commission « chauves-souris ».
M. Jacques Mézard.
(Sourires.)
(Nouveaux sourires.)
Pour conclure, je félicite les auteurs de cette résolution, en faveur de laquelle nous voterons, mais je pense qu’il faut faire beaucoup plus. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, cessez de prendre des circulaires qui ont un caractère impératif à l’égard de ceux qui n’en sont pas les destinataires !
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivons les débats consacrés cette semaine à la simplification des normes, et j’en suis très heureux.
M. Rémy Pointereau.
Tout comme Jean-Marie Bockel, je me réjouis que le Sénat ait adopté hier la proposition de loi constitutionnelle que j’ai présentée. Ce texte est, je le crois, important. Il fixe à l’État l’obligation de compenser aux collectivités territoriales le coût induit par toute norme qu’il édicte à leur égard. Il s’agit d’une claire affirmation du principe « prescripteur-payeur ». Cette règle me semble indispensable pour responsabiliser l’État central. Elle est la condition pour endiguer la profusion de normes et de dépenses, rétablir une relation de confiance entre l’échelon local et national et favoriser un changement de culture normative.
Cependant, la simplification normative doit être appréhendée par les deux bouts : en amont, par l’inscription dans la Constitution d’un cadre robuste contre le zèle normatif ; en aval, par le toilettage régulier des normes excessivement complexes.
C’est pourquoi le groupe de travail sur la simplification des normes créé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a entamé une tâche aride, difficile, même frustrante, mais ô combien nécessaire : la simplification du stock de normes applicables aux collectivités territoriales.
Comme cela vient d’être dit, le législateur n’est ni l’unique ni le principal responsable de l’inflation normative. Cette mission de simplification s’est concentrée aussi sur la matière réglementaire. En effet, sur plus de 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, on ne dénombre que 8 000 lois – même si c’est déjà beaucoup ! La plupart de nos partenaires européens ont pris la mesure de l’inflation réglementaire et admis la nécessité d’y mettre un terme.
Ainsi, ils ont expérimenté des dispositifs innovants. Au Royaume-Uni, le principe « pour une norme créée, une norme supprimée » impose au gouvernement de compenser la création d’une norme applicable aux entreprises par la suppression d’une autre... et maintenant de deux autres !
Il faut aller plus loin !
M. Claude Nougein.
En Italie, le mécanisme dit « de la guillotine réglementaire » repose sur la fixation d’une échéance au-delà de laquelle une norme est présumée supprimée, sauf à ce que l’administration la justifie.
M. Rémy Pointereau.
Au Danemark, enfin, les prescripteurs de normes se déplacent auprès des acteurs de terrain pour évaluer avec eux les effets de la réglementation et les possibilités de simplification.
Ces dispositifs ont permis à ces pays d’atteindre des résultats significatifs. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la charge administrative a diminué de 25 % au Danemark, selon l’OCDE. La France doit donc à son tour intensifier son action en faveur de la simplification réglementaire, afin de restaurer les marges d’action des acteurs locaux et de favoriser l’esprit d’initiative dans nos territoires.
Plus précisément, c’est à la simplification de la réglementation applicable en matière d’urbanisme et de construction que le groupe de travail s’est attelé, de nombreux rapports ayant depuis longtemps dénoncé l’anarchie normative qui règne dans ce domaine.
D’ailleurs, l’urbanisme était considéré comme un « champ de simplification prioritaire » par Éric Doligé dans son rapport sur la simplification des normes de 2011, et comme un « foyer de blocage ou de lenteur » par Alain Lambert et Jean Claude Boulard dans leur rapport sur la lutte contre l’inflation normative de 2013.
Tout à fait !
M. Charles Revet.
La complexité des règles d’urbanisme est également soulignée par les élus locaux eux-mêmes. À cet égard, je ne reviendrai pas en détail sur la consultation conduite par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont les résultats ont été rappelés par le président Jean-Marie Bockel tout à l’heure : deux tiers des élus souhaitent que le droit de l’urbanisme soit allégé.
M. Rémy Pointereau.
Pour atteindre ses objectifs, le groupe de travail a adopté une méthode innovante, associant les élus. Ainsi, j’ai réuni les maires de mon département, dont les observations ont nourri nos travaux.
Nos élus ont à cette occasion rappelé la nécessité de lever plusieurs obstacles : la complexité des dossiers d’urbanisme ; l’enchevêtrement des documents d’urbanisme ; les difficultés d’application de certaines normes d’accessibilité, de sécurité et de protection du patrimoine ; les retards induits par les études préalables pour les opérations d’aménagement ; le problème de la mise aux normes européennes des équipements d’assainissement collectif.
Afin de remédier à ces difficultés, le groupe de travail a souhaité donner une traduction concrète à certaines préconisations formulées dans les rapports précités.
À titre d’illustration, il a semblé opportun de faire suite aux propositions formulées par Éric Doligé, s’agissant notamment de la création des zones d’aménagement concerté.
Dans le même ordre d’idées, nous avons trouvé pertinent d’appuyer une recommandation faite par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard quant à la nécessité d’ajuster la réglementation parasismique dans les zones présentant un très faible risque. Constatant le caractère excessif de cette réglementation, ils ont attribué dans leur rapport le « troisième prix des normes absurdes » aux « normes parasismiques là où la terre n’a jamais tremblé »
(Sourires.)
C’est de la démagogie !
M. Jean-Pierre Bosino.
Être à l’écoute des élus locaux et faire aboutir les préconisations des spécialistes de la simplification normative : voilà, en somme, le double esprit qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de résolution. Il s’agit non pas de démagogie, monsieur Bosino, mais d’une réalité.
M. Rémy Pointereau.
Je souhaite que le Sénat, en adoptant cette proposition, envoie au Gouvernement un signal fort pour l’encourager à simplifier la réglementation des domaines de l’urbanisme et de la construction.
Des annonces ont d’ailleurs été faites dans ce sens à l’issue du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul. Le Gouvernement s’est notamment engagé à harmoniser les niveaux d’exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes, à alléger certains contrôles dans les plus petits établissements recevant du public et à simplifier les normes parasismiques dans les zones de sismicité faible et modérée.
Ces engagements doivent être pleinement concrétisés, de sorte que les élus locaux disposent enfin du cadre juridique protecteur qu’ils sont en droit d’attendre.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de veiller à l’avenir de cette résolution.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Très bien !
M. Charles Revet.
La parole est à Mme Françoise Gatel.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rappelons en préambule que la norme est un outil, et non une fin en soi. Souvenons-nous de cette vérité simple, exprimée en son temps par Portalis : « Les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois. »
Mme Françoise Gatel.
Certes, monsieur Bosino, des règles sont indispensables pour assurer la sécurité et réguler la vie en société, mais force est de constater que leur accumulation finit par en détraquer le bon fonctionnement. Nous avons besoin de pouvoir agir avec souplesse, réactivité, inventivité, alors que l’accumulation des règles paralyse, ralentit et tétanise toute initiative.
Au dernier classement du Forum économique mondial, la France occupait la cent vingt et unième place sur cent quarante-huit pour le poids des contraintes administratives. L’OCDE estime, quant à elle, que notre frénésie réglementaire aurait un coût annuel de 80 milliards d’euros.
Aujourd’hui, quelque 400 000 normes réglementaires s’imposent aux seules collectivités locales. En quatre ans, de 2011 à 2015, le coût induit par les normes nouvelles a été évalué à plus d’un milliard d’euros !
Ce que MM. Lambert et Boulard appellent l’« incontinence normative » dans leur excellent rapport de 2013 est un obstacle considérable à l’initiative et, surtout, à l’efficacité de l’action publique,
a fortiori
Face à ce constat, la simplification des normes et la jugulation d’un flux toujours plus important sont primordiales. Aussi, le président du Sénat, Gérard Larcher, a fait à juste titre de la simplification des normes l’une des priorités de notre institution, qui, depuis plusieurs années, a pleinement pris la mesure de ce problème.
À cet égard, il convient de saluer ici l’excellent travail de nos collègues Éric Doligé, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, à l’origine de la loi de 2013 portant création du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Pourtant, si les pouvoirs de ce dernier ont bien été élargis, il faut aussi souligner que les saisines en urgence ou en extrême urgence sont utilisées à outrance, empêchant les élus membres de ce conseil de mener correctement leur travail de fond sur ces normes.
Le Conseil national ne peut, à lui seul, réaliser l’évaluation de la totalité des normes. Aussi, il a préconisé la mise en place d'une procédure de déclassification des normes existantes, confiée non seulement au législateur, mais aussi aux administrations elles-mêmes ; l’un de nos brillants collègues le rappelait tout à l’heure.
De même, le CNEN recommande de limiter la surtransposition des directives européennes, recommandation qui devrait devenir pour nous, mes chers collègues, un principe à suivre obligatoirement.
Nous le savons, les normes représentent un coût financier considérable. La circulaire datant de juillet 2013 et instaurant la règle « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » a été publiée à la suite de l’annonce d’un « choc de simplification » par le Président de la République. Or, en 2014, l’instance d’évaluation des normes a examiné 303 projets, dont le coût a été évalué à environ 1,4 milliard d’euros en année pleine. Cette tendance montre bien que le « choc de simplification » peine, pour le moment, à se traduire dans les faits.
En octobre 2014, le Premier ministre – qu’il en soit félicité ! – a enjoint les ministères de compenser toute charge financière liée à une nouvelle norme par un allégement équivalent. Au moment des vœux inaugurant cette nouvelle année, nous attendons avec impatience les résultats de cette prescription.
L’enquête réalisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation auprès des maires est très significative : sur 4 200 réponses, quelque 61 % des élus considèrent la simplification des normes sur l’urbanisme comme prioritaire.
En tant qu’élus locaux, pour la plupart, nous avons tous vécu des moments de très grande solitude et de profond désarroi dans des situations confinant à l’absurde, face à une administration qui justifie trop souvent et inlassablement l’empêchement de faire par des formules du type : « Je comprends bien votre question, madame ou monsieur le maire, mais ce que vous demandez n’est pas possible à cause des règles d’accessibilité, qui ne sont elles-mêmes pas forcément compatibles avec les règles de sécurité ou le PLU. »
Citons quelques exemples. Les normes de construction parasismiques concernent aujourd’hui 21 000 communes, contre 5 000 auparavant. Comme Rémy Pointereau l’a rappelé, MM. Lambert et Boulard ont, en 2013, attribué le « troisième prix des normes absurdes » aux « normes sismiques là où la terre n’a jamais tremblé ».
Rappelons également l’empilement des documents d’urbanisme – le SCOT, le PLU, le PLH, le plan de déplacement, le plan climat-énergie –, la nécessité de réaliser parfois trois études distinctes avant d’entreprendre des travaux en zone humide, l’excès ubuesque de surprotection, qui conduit parfois – je l’ai vécu – des commissions de sécurité à exiger un contrôle de l’avis du contrôleur.
Je pourrais aussi évoquer l’incompatibilité de la norme et des usages – dans les crèches ou les unités d’Alzheimer, il faut s’assurer de l’impossibilité de sortie, alors même qu’il est nécessaire de disposer d’issues de secours ouvrables à tout moment –, l’étonnante réglementation sur l’implantation des classes mobiles, fréquentes dans nos communes – à ce sujet, notre collègue Éric Doligé a, à juste titre, suggéré que l’autorisation d’implantation de classes mobiles soit non pas renouvelable chaque année, mais valable pour la durée du chantier –, ou encore l’insupportable complexité des procédures de ZAC – le délai actuel de 3 à 5 ans, alors que l’on nous presse de produire des logements, détourne les maires de cet outil très pertinent d’aménagement, qui oblige à avoir une vraie vision du développement de notre commune, appuyée sur une démarche de concertation. Mes chers collègues, en ces matières comme en tout, le mieux est l’ennemi du bien !
Enfin, j’évoquerai les situations invraisemblables provoquées par l’évolution des textes de loi et de réglementation, en prenant l’exemple, très révélateur, d’une commune de mon département. Entre le lancement de la procédure de révision de son PLU et la date définitive d’approbation de celui-ci, le contexte réglementaire a bougé trois fois, pour finalement revenir à la situation initiale.
Manque de chance, cette commune avait achevé l’enquête publique sur la révision de son PLU au moment de la promulgation de la loi ALUR, qui était d’application immédiate. Elle a donc dû relancer la révision de son PLU, réaliser une étude supplémentaire pour intégrer les nouvelles dispositions et, surtout, répondre à l’étonnement justifié des habitants, qui ne comprenaient pas pourquoi le maire recommençait un travail qu’il n’avait pas achevé.
À peine six mois plus tard, la loi d’avenir pour l’agriculture a apporté son lot de modifications et de nouveautés sur le sujet. Enfin, la loi Macron a assoupli ces dispositions, pour que, peu ou prou, l’on revienne aux dispositions applicables avant l’adoption de la loi ALUR.
Mes chers collègues, nous marchons sur la tête !
C’est vrai !
M. Charles Revet.
Cessons de constater avec désespérance cette incontinence normative, car, disons-le clairement, les législateurs que nous sommes sont responsables de cette surréglementation,…
Mme Françoise Gatel.
Il faut le dire !
M. Charles Revet.
… comme l’est aussi l’administration au travers des normes qu’elle édicte.
Mme Françoise Gatel.
C’est pourquoi je salue l’excellente initiative de la délégation aux collectivités territoriales et de son président, ainsi que le non moins excellent travail de notre collègue, Rémy Pointereau, dont je connais la détermination. Nous devons vraiment agir et cesser de gémir.
Simplifier ne veut pas dire déréglementer ! En revanche, simplifier doit être pour nous une ardente obligation. La loi doit avoir pour objet de permettre d’agir et de résoudre des questions au lieu d’empêcher de faire, car cela n’a jamais supprimé une question ou un problème.
Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, le groupe de l’UDI-UC votera cette excellente proposition de résolution.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. René Vandierendonck.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, soyons beaux joueurs ! La proposition de loi constitutionnelle ayant été approuvée, monsieur Pointereau, je suis sûr qu’il ne fait aucun doute dans votre esprit que nous sommes à quelques semaines du vote en termes identiques de cet important texte par l’Assemblée nationale et de l’organisation du référendum nécessaire à son entrée en vigueur.
M. René Vandierendonck.
(Sourires. – M. Rémy Pointereau s’esclaffe.)
Néanmoins, bien que je m’incline devant l’importance de cette procédure de révision constitutionnelle, je n’hésiterai pas à porter un jugement plus que positif sur cette proposition de résolution.
En effet, j’ai eu la chance de travailler avec Alain Richard, Alain Lambert, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur sur le renforcement du CNEN, et je mesure l’ampleur et le caractère ingrat de la tâche qu’a confiée le président du Sénat à Jean-Marie Bockel et à la délégation aux collectivités territoriales. Si les choses bougent, comme je le soutiens, le Sénat, notamment sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, y est incontestablement pour beaucoup.
Soucieux d’éviter les répétitions, je ne reviendrai pas sur les observations de la Cour des comptes, qui sont loin d’être neutres. Cette instance regrette l’insuffisante coordination entre le secrétariat général du Gouvernement et le CNEN, dont M. le secrétaire d'État a rappelé hier que la saisine avait été considérablement allégée.
Je veux simplement évoquer la thèse défendue hier par M. le secrétaire d'État au sujet de l’interprétation facilitatrice. M. Vallini s’est adressé aux sénatrices et sénateurs pour leur dire que quelque chose était en train de changer en France. Peut-être les élus locaux que nous sommes ne l’ont-ils pas encore totalement perçu, mais M. Vallini a tenu à nous le faire savoir, les circulaires destinées aux préfets n’imposent plus à ces derniers une stricte lecture des textes. Il s’agit désormais de circulaires interprétatives, qui leur laissent un pouvoir d’appréciation, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État relative au droit souple.
M. Vallini nous dira tout à l’heure ce qu’il pense de la ligne aérienne desservant le Cantal, dont il a été beaucoup question lors de la discussion de la loi NOTRe. En tout cas, pour moi, un préfet digne de ce nom devrait considérer que, si la région ne reprend pas cette compétence, rien ne saurait empêcher le département de le faire au nom de la solidarité territoriale.
Cet excellent exemple concret nous amène à saluer un certain nombre d’avancées en matière d’urbanisme. Sans trop allonger mon propos, je voudrais tout de même rappeler – en effet, biscuit avalé n’a plus de goût !
(Sourires.)
(Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je voudrais saluer ces mesures, comme je tiens à saluer les progrès observés du côté du Conseil d’État, sur l’initiative de Cécile Duflot.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je voudrais insister particulièrement sur le fait que le droit à l’expérimentation, version Joël Labbé ou version Rémy Pointereau, introduit une possibilité de différenciation.
Je tiens à le dire, saluant au passage Jean-Jacques Hyest, lors des débats sur la loi NOTRe, nous avons défendu le schéma régional d’aménagement du territoire, appelé désormais le SRADDET. Nous avons tenu à ce que cet outil, dont l’échelle est régionale et qui a une portée prescriptive – c’est l’une des grandes modifications apportées par le texte – permette de prendre en compte les spécificités du territoire, ses enjeux, économiques, sociaux et environnementaux, afin de savoir précisément adapter – je n’ai pas peur du mot – la règle.
Je le rappelle, le droit souple, ce n’est pas nous qui l’avons inventé ; c’est le Conseil d’État qui a forgé la notion. Et il a rappelé que si le droit n’est pas toujours aussi souple qu’on pourrait le souhaiter, nous n’y sommes pas pour rien. L’administration y est certes pour quelque chose, mais il ne faut pas oublier le rôle du législateur. Aussi, osons cette différenciation dans l’application !
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, que les conférences territoriales de l’action publique, les CTAP, vont déjà permettre cette adaptation des politiques publiques aux territoires. Je plaide, quant à moi, pour la simplification. Je vais jusqu’à dire que les SCOT ne couvrent même pas 20 % du territoire national et que l’on peut s’en passer !
(Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Exactement !
M. Rémy Pointereau.
On peut très bien fonctionner avec des schémas régionaux d’aménagement du territoire, qui engagent l’essentiel et qui sont à la bonne échelle. En effet, quand il s’agit de traiter de problématiques d’étalement urbain, de préservation des terres agricoles, d’assainissement, d’hydrologie, quand il faut lutter contre un certain nombre de pollutions, il n’y a pas besoin de SCOT, car les SRADDET sont à la bonne échelle.
M. René Vandierendonck.
Il faut conclure, mon cher collègue.
M. le président.
Si vous saviez le temps que les élus de la région Nord-Pas-de-Calais passent, dans le cadre d’un exercice qu’ils appellent « l’inter-SCOT », à essayer de se coordonner, vous vous rendriez compte que l’heure est venue de simplifier ! Je conclus donc en disant : « Continuons à simplifier ! »
M. René Vandierendonck.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour le maire que je suis, l’ensemble des points qui constitue la résolution dont nous débattons aujourd’hui semblent si évidents que je ne peux m’empêcher de penser qu’elle est largement partagée sur toutes les travées de l’assemblée représentant les collectivités locales. Aussi formulerai-je, avant toute chose, une interrogation : comment en sommes-nous arrivés là ?
M. Mathieu Darnaud.
Comment, durant ces décennies, avons-nous laissé prospérer ce labyrinthe de détours et de culs-de-sac qui constitue un parcours du combattant réglementaire dont tout semble donner à penser qu’il vise à ralentir la progression des élus vers la satisfaction des besoins de leur territoire ?
L’écrasante majorité des membres des gouvernements qui proposent les lois et l’écrasante majorité des parlementaires qui votent ces dernières ont exercé les fonctions de maires ou d’élus municipaux. Tous ont donc eu à affronter ces obstacles, qui vont des tracasseries administratives et coûteuses à l’application d’une réglementation souvent excessive et parfois – disons le mot – absurde.
J’y vois une explication : la fâcheuse inclination de notre époque à vouloir placer sous tutelle chacune des entreprises conduites par les personnes physiques ou morales, au lieu de fixer des objectifs et de laisser aux élus le soin de mettre en œuvre leurs propres solutions.
Je pense que cette mise en garde s’adresse directement à nous-mêmes, nous, législateurs et donc prescripteurs de normes. Osons dresser un bilan impartial de la poursuite de certains objectifs parfaitement louables, mais qui se concrétisent sur le terrain en contraintes insurmontables, à l’instar des exigences liées à la « grenellisation » des plans locaux d’urbanisme.
Ces normes d’urbanisme étouffent le développement de nos territoires, notamment en milieu rural. Et la morosité du secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, ne s’explique pas par la seule baisse des dotations ou le mauvais climat économique de notre pays. Elle a également pour origine les obstacles sans cesse plus nombreux qui séparent une délibération d’une inauguration.
Les diverses compatibilités auxquelles les PLU doivent se soumettre forment un étau qui se resserre chaque fois un peu plus. Ajoutons-y la liste des études obligatoires, souvent redondantes, et nous obtenons une illustration typique du mal français.
Les conséquences sont fâcheuses. Je vais en donner une illustration : j’évoquais à l’instant la « grenellisation » des plans locaux d’urbanisme. Comment comprendre qu’il soit désormais fait obligation à un maire de réduire de façon drastique son enveloppe foncière, abandonnant ainsi toute forme d’urbanisation et de développement sur des secteurs qui viennent de faire l’objet d’investissements lourds de la commune pour être viabilisés ?
Nous avons tous ici eu à connaître d’innombrables situations dans lesquelles des citoyens, des entrepreneurs ou des agriculteurs sont révoltés par des règles dont les bénéfices supposés ne leur profiteront jamais, mais dont ils sont les premiers à subir les rigidités.
Les décideurs locaux doivent donc reprendre un peu du poids que la légitimité du suffrage universel leur procure. Sinon, à quoi bon avoir inscrit le principe de décentralisation dans notre Constitution ?
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
J’en viens au rééquilibrage qui doit, à mon sens, s’opérer face aux agents de l’État dont les conséquences laissées à leur pouvoir d’appréciation font naître des disparités d’un département à un autre, ainsi qu’un climat de perpétuelle incertitude. D’où mon soutien à l’alinéa de la résolution proposant l’harmonisation des niveaux d’exigence en matière de sécurité, de protection du patrimoine et de contrôle des obligations sanitaires.
Prenons le cas des architectes des Bâtiments de France : je pense que, finalement, ils nous sauront gré d’avoir mieux défini leur mission et d’atténuer les facteurs de frictions susceptibles de naître avec les élus locaux.
Je voterai donc en faveur de cette proposition de résolution excellemment rédigée par notre collègue Jean-Marie Bockel, à qui je veux rendre hommage, ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales, qui a mené un travail de concertation aussi dense que rigoureux.
Mes chers collègues, nous avons l’ardente obligation de redonner de l’air à nos territoires. Maintenant, monsieur le secrétaire d'État, la balle est dans le camp du Gouvernement. Puisque celui-ci prêche la réforme et la simplification, il lui reste plus d’un an pour mener à bien ce chantier pour lequel, soyez-en sûr, vous n’aurez cette fois à souffrir aucune contestation de la part des élus locaux !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Cédric Perrin.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’introduire mon propos par le diagnostic établi par le Conseil d’État en 1991 : « La surproduction normative, l’inflation des prescriptions et des règles ne sont pas des chimères, mais une réalité ». Cette réalité, nous la subissons tous au quotidien. Dans ce rapport, la haute juridiction démontrait déjà l’existence d’une véritable « logorrhée législative et réglementaire ».
M. Cédric Perrin.
D’autres travaux récents sont venus illustrer ce constat : en 2007, le rapport d’Alain Lambert ; en 2011, le rapport d’Éric Doligé ; en 2012, le rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Et sur le plan international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, consacrait en 2010 une étude relative aux moyens permettant de « mieux légiférer en France ».
Pourtant, plus de vingt-cinq ans après le rapport du Conseil d’État, le constat est le même et il se révèle particulièrement préoccupant pour les collectivités territoriales.
Cela a été rappelé à de nombreuses reprises, cette inflation législative est incompréhensible pour nos concitoyens, parce qu’elle se traduit par des dépenses obligatoires nouvelles, mais aussi parce qu’elle va de pair avec des procédures complexifiées et des délais toujours plus longs. Dans les petites communes, notamment, des aberrations sont quotidiennement constatées. Nous les subissons tous.
Deux propositions concernent la rédaction d’une charte nationale pour harmoniser les niveaux d’exigence en matière de sécurité et d’architecture.
Cette harmonisation est urgente. Tous les maires peuvent en attester. À ce titre, prenons l’exemple d’une commune de mon département, qui compte moins de 400 habitants. Son église, de style roman, dont les premières pierres furent posées au XII
Ainsi, un propriétaire âgé s’est vu refuser la pose d’une porte de garage séquentielle, alors même que sa propriété est très éloignée de l’édifice et qu’elle se situe dans un lotissement moderne. Rassurez-vous, la pose d’une porte de garage en bois avec une petite porte lui a été autorisée, ce qui lui impose de sortir systématiquement de son véhicule pour le stationner !
Une autre proposition concerne l’établissement d’une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité. On ne peut douter de l’utilité d’une telle mesure quand on apprend que seuls 22 % des actes reçus ont été effectivement contrôlés en 2012. Au-delà de ce constat, c’est aussi la question de la formation et des compétences techniques des agents municipaux qui se pose. Nombre d’entre eux sont démunis face à la multiplication des normes et à la complexité qui en découle.
Chaque préparation de délibération est redoutée, par crainte qu’elle ne soit « retoquée ». Exclure du contrôle de légalité certains actes secondaires permettra à nos agents de se concentrer sur l’essentiel.
La proposition visant à simplifier la réglementation applicable aux PLU et à réduire le nombre de documents d’urbanisme concourt également à cet objectif : les SRCE, SCRCAE, SRADDT, SRADDET, PGRI, etc., sont autant d’acronymes derrière lesquels se cache un empilement normatif qui nourrit l’exaspération de nos agents. On exige d’eux le respect des réglementations, alors même que celles-ci n’ont pas la même valeur juridique.
J’ai recueilli à cet égard les témoignages d’agents et d’élus de mon département. « On marche sur la tête », m’ont-ils confié, appelant à plus de souplesse. Ils ont raison. Comment justifier des divergences d’appréciation et d’exigence d’un département à un autre ? Comment justifier le zèle dont font parfois preuve certains fonctionnaires qui surajoutent des obligations aux normes en vigueur ?
En ce sens, un autre secteur a été à juste titre désigné comme prioritaire pour la simplification : la mise en accessibilité des établissements recevant du public, un secteur que 36 % des élus ayant répondu au questionnaire proposé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont en effet mentionné.
Au degré de complexité des dispositions s’ajoute dans ce domaine l’imprévisibilité des avis rendus par les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité. Sur le terrain, les situations s’enlisent. Il est urgent d’agir pour faciliter et promouvoir les actions engagées, et pour enfin harmoniser le degré d’exigence d’un territoire à l’autre.
Ainsi, notre objectif, avec la proposition de résolution, est de faciliter le quotidien des élus locaux et des administrés en relâchant l’étau normatif qui entrave l’action locale. Nous en parlons tous dans nos circonscriptions, nos mairies, nos conseils municipaux. Aussi, ici au Sénat, faisons-le et simplifions enfin ! Une fois de plus, notre assemblée s’inscrira ainsi dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, en proposant des mesures réglementaires significatives et, surtout, de bon sens.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Très bien !
M. Charles Revet.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme hier après-midi, nous voici de nouveau réunis autour du sujet des normes, excessives, contraignantes, coûteuses, qui pèsent sur les collectivités territoriales.
M. André Vallini,
secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale.
Plus précisément, nous discutons aujourd'hui d’une proposition de résolution visant à simplifier et à alléger les normes réglementaires en matière d’urbanisme et de construction, proposition qui émane de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, que préside Jean-Marie Bockel et dont le premier vice-président, Rémy Pointereau, est chargé de la simplification des normes – de la « lutte » contre les normes, suis-je tenté de dire.
Les éléments de ce débat sont connus : nous avons eu l’occasion d’en parler beaucoup hier ; nous le faisons souvent et depuis longtemps, notamment dans cet hémicycle et dans nos départements respectifs.
Je commencerai mon propos en disant, comme je l’ai fait hier, et, comme l’ont fort opportunément rappelé Mme Bataille et MM. Bosino et Labbé, que la norme est utile et même souvent indispensable. Elle est nécessaire dans un État de droit et dans une société qui se veut développée, par exemple dans les domaines de la santé et de l’environnement, ou encore dans le domaine qu’évoquait hier Jean-Pierre Vial, celui de l’accessibilité, notamment aux handicapés, des bâtiments publics.
Grâce à des normes parfois contraignantes, mais c’est leur nature de l’être, des progrès considérables ont été accomplis depuis quelques années en matière de protection de l’environnement, de santé publique et en faveur des handicapés.
C’est le premier élément : il ne faut donc pas complètement « diaboliser » la nécessité, dans nos sociétés, d’avoir des normes parfois contraignantes et, c’est vrai, parfois coûteuses aussi.
Tout est dans la mesure !
M. Charles Revet.
Pour le second élément, je reprendrai ce qui a été dit hier par Jean-Pierre Vial, mais aussi par Jean-Marie Bockel : qui est à l’origine de la prolifération des normes ? Le Parlement.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
C’est vrai.
M. Jean-Claude Carle.
Absolument !
M. Jean-Marie Bockel.
Toutefois, la responsabilité incombe aussi aux gouvernements successifs, de droite comme de gauche, qui vous proposent, mesdames, messieurs les sénateurs, comme ils proposent aux députés, de plus en plus de lois, et des lois de plus en plus longues. Ce constat a été dressé depuis longtemps par le Conseil d'État, par le Conseil constitutionnel – par Jean-Louis Debré notamment, mais pas seulement.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Que ce débat, au-delà des clivages partisans, nous permette donc aussi de faire notre examen de conscience ; le mot est un peu fort, mais sachons reconnaître les responsabilités des uns et des autres dans ce problème, qui est réel.
J’en viens aux solutions, car tout problème a une solution, et c'est aussi le cas de celui que pose, incontestablement, la prolifération normative.
Monsieur Mézard, vous êtes président de la communauté d’agglomération du Bassin d’Aurillac, où je me trouvais récemment et où l’on m’a en effet parlé de l’aéroport. À ce titre, vous avez à nommer des délégués ou des représentants dans de nombreuses commissions, notamment celle qui s’occupe des chauves-souris.
J’ai été président du conseil général de l’Isère et j’avais moi-même à nommer des délégués, comme peut-être M. Savin d’ailleurs
(M. Michel Savin sourit.)
(Sourires.)
M. Savin se souviendra peut-être que j’ai dû patienter pendant des années pour obtenir la réalisation d’un pont dans mon propre canton, entre Tullins et Saint-Quentin-sur-Isère, à cause de la protection des tritons crêtés rendue nécessaire par une norme.
(Nouveaux sourires.)
C’est vrai !
M. Michel Savin.
Il a fallu surmonter de nombreux obstacles, et, le jour où j’ai enfin cru parvenir au but, on m’a expliqué que le chantier devait être retardé, parce qu’il allait sinon s’ouvrir en pleine période de nidification des hirondelles…
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Je connais donc bien ces sujets, qui sont exaspérants.
Absolument !
M. Jean-Claude Carle.
J’ai aussi été maire de ma petite ville natale et j’ai moi aussi, monsieur Perrin, eu à respecter la réglementation qui interdit, parce que l’église de Tullins est classée, de construire dans un rayon de 500 mètres. C’est tant mieux d’ailleurs pour la protection du patrimoine, même s’il y a parfois des excès de la part des fameux ABF. Nous sommes donc tous d’accord sur le constat et, tous, nous partageons la même volonté d’agir.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Les gouvernements successifs, là encore de droite comme de gauche, ont essayé d’agir, mais j’ai plutôt tendance à défendre celui auquel j’appartiens, et c'est la raison pour laquelle je vais vous dire que l’actuel gouvernement agit, peut-être pas mieux que les autres, mais en tout cas beaucoup plus que ce n’était le cas depuis une quinzaine d’années, à l’instigation et sous la pression, au bon sens du terme, du Sénat, notamment des membres de la délégation sénatoriale présidée par Jean-Marie Bockel.
L’action résolue engagée par le Gouvernement s’inscrit dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, comme l’a rappelé Mme Gatel.
Le dispositif repose sur le Conseil national d’évaluation des normes, présidé par votre ancien collègue Alain Lambert, ainsi que sur deux circulaires, l’une du 17 juillet 2013, l’autre du 9 octobre 2014.
Un premier bilan des effets de la nouvelle impulsion qu’a donnée le Gouvernement à la lutte contre les normes peut être dressé, en premier lieu sur le flux. Je sais que les chiffres sont toujours sujets à contestation, notamment dans ce domaine, et je n’en citerai donc pas. Je tiens simplement à dire que la DGCL, qui assure le secrétariat du CNEN, est formelle : l’objectif de « zéro charge nouvelle » a été atteint en 2015. Chaque fois qu’une norme a été créée ou que l’« aggravation » d’une norme existante a été décidée, l’administration a été tenue d’obtenir un allégement d’un montant équivalent.
La tendance est donc claire et le résultat net. On ne doit bien sûr pas s’en satisfaire : il faut aller plus loin. Pour accentuer encore en 2016 cette tendance favorable, que personne ne conteste au CNEN, nous allons, à la demande notamment d’Alain Lambert, améliorer les évaluations des conséquences financières des textes présentés au CNEN, car celles-ci ne sont pas suffisamment détaillées. Je disais hier à cette tribune que les administrations centrales se contentent encore trop souvent, en guise de concertation avec les associations d’élus, d’une note d’information ou d’un message électronique.
Cela doit changer, et des directives ont été données en ce sens. Une circulaire a été envoyée par le Premier ministre le 12 octobre dernier à tous les membres du Gouvernement pour leur rappeler que les évaluations financières doivent être aussi précises que possible.
Après le flux, le stock fait lui aussi l’objet de toute notre attention. Une mission d’inspection a d’abord été mandatée en 2015 pour faire ressortir les normes les plus contestables et discuter de leur bien-fondé. Elle a rendu son rapport, avec une liste de 76 propositions regroupées par thématiques, dont celle de l’urbanisme.
J’ai en outre réuni à six reprises des ateliers thématiques à mon cabinet avec les associations d’élus, auxquelles j’avais demandé de nous envoyer des « praticiens » au quotidien de la norme, c'est-à-dire des DGS, les directeurs généraux des services, et des DST, les directeurs des services techniques. Les élus sont évidemment très compétents et dénoncent à juste titre la prolifération des normes, mais ce sont les DGS et les DST qui ont à appliquer celles-ci, avec difficulté, au jour le jour.
À la suite de ces ateliers thématiques, une dizaine de propositions ont été formulées après chaque réunion et deux séries de simplification ont été actées ces derniers mois.
Tout d’abord, comme M. Vandierendonck l’a rappelé, la loi NOTRe a intégré seize mesures de simplification, dont douze étaient issues du rapport de votre collègue Éric Doligé, à qui j’ai rendu hommage hier, ce que je fais de nouveau volontiers cet après-midi. Je ne les citerai pas, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous les connaissez.
Ensuite, M. Vandierendonck et Mme Bataille l’ont dit, le 14 septembre dernier, lors du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul, dix-huit mesures de simplification de normes existantes ont été annoncées, notamment dans le domaine de la gestion des bâtiments publics et l’urbanisme.
Pour aller plus loin en 2016, deux évolutions importantes ont été décidées par le Premier ministre.
La première concerne le renforcement du dispositif gouvernemental. Nous avons obtenu qu’une équipe du SGMAP, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, soit dédiée au suivi de l’allégement des normes. Des fonctionnaires – il en faut, bien sûr, y compris pour simplifier – sont désormais chargés de suivre la mise en œuvre des simplifications.
En effet, une chose est de dire que l’on va alléger et simplifier une norme et l’acter dans un comité interministériel, ou même dans une loi comme la loi NOTRe, une autre chose est de vérifier que l’allégement et la simplification ne se perdent pas dans les sables de l’administration centrale. Grâce à la SGMAP, notre équipe de suivi est donc renforcée.
La seconde évolution, qui est importante, découle d’une demande formulée par Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau dans la proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du Conseil national d’évaluation des normes. Le 20 mai dernier, je vous avais expliqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette proposition de loi ne convenait pas parce qu’elle visait à modifier un décret, mais j’avais pris l’engagement devant vous que j’obtiendrais la modification de celui-ci.
Cela a pris beaucoup de temps, j’en conviens, mais je puis vous dire que pas une semaine ne s’est passée sans que ne m’inquiète de savoir où en était le décret modifié. Il est resté longtemps dans certains bureaux ; il est ensuite resté très longtemps au Conseil d'État ; enfin, la semaine dernière, nous avons obtenu la publication de ce décret : alors que, auparavant, il fallait réunir cent maires, ce qui est beaucoup, même si ces derniers sont désormais 35 945 en France, désormais, un seul maire peut saisir le CNEN d’une modification, d’un allégement, voire d’une suppression de norme s’il le souhaite.
Après le flux et le stock des normes en vigueur, tous deux trop importants, j’en viens au troisième point, que j’ai déjà évoqué hier après-midi et qui est peut-être le plus important : les conditions d’application des normes. Les élus locaux, quand on les interroge, se plaignent bien évidemment de l’excès de normes, mais surtout de la difficulté qu’ils ont à les appliquer, du manque de conseils…
De l’interprétation !
M. Rémy Pointereau.
… et de l’interprétation qui est parfois faite de ces normes par l’administration.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Voilà le troisième chantier auquel le Premier ministre m’a demandé de m’attaquer. Sur un conseil judicieux du sénateur Jean-Claude Boulard, expert en la matière, j’ai suggéré au Premier ministre, voilà quelques semaines, d’adresser aux préfets et à tous les chefs de services déconcentrés de l’État une circulaire qui leur prescrive une interprétation facilitatrice des normes ou plutôt, comme diraient les Québécois, un accommodement raisonnable – je trouve la formule plus imagée encore –…
M. Marc Daunis.
… dans leur application, en fonction des réalités du terrain et de la collectivité locale à laquelle elles doivent être appliquées.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Le Premier ministre a bien voulu signer cette circulaire, qui sera adressée aux préfets dans les prochains jours. On m’avait dit que ce serait fait en décembre, or nous sommes en janvier : je vais donc à nouveau m’inquiéter de savoir si les préfets vont bientôt la recevoir.
Je vous invite d’ailleurs instamment à faire connaître cette circulaire aux élus locaux lors des cérémonies de vœux auxquelles nous participons tous dans nos départements. Vous pourrez leur faire savoir qu’ils auront désormais la possibilité non seulement de saisir le CNEN, pourquoi pas par votre intermédiaire, mais aussi de rappeler aux préfets qu’ils ont reçu du Premier ministre une circulaire qui leur demande d’interpréter de façon facilitatrice telle ou telle norme.
J’en viens maintenant plus précisément à votre proposition de résolution. Elle invite en premier lieu le Gouvernement à remplacer par un décret la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation.
Je ne suis pas certain que faire remonter dans la hiérarchie des normes ce principe de compensation permette de maîtriser très efficacement et rapidement l’inflation normative. Ce qui compte en la matière, vous le savez bien, c’est d’abord la volonté politique, que le Sénat et le Gouvernement ont en commun.
Cette volonté doit aussi s’appliquer à changer la culture de l’administration française. Trop souvent encore, nos hauts fonctionnaires considèrent qu’agir, c’est forcément édicter, réglementer, légiférer. Nous devons aujourd’hui faire comprendre à l’administration qu’agir, ce peut être inciter plutôt que réglementer, ce peut être conseiller plutôt que légiférer.
J’évoquais hier une autre idée de Jean-Claude Boulard, que partage d’ailleurs Alain Lambert – tous deux ont accompli un travail remarquable à ce sujet –, l’idée d’un guide ou d’un référentiel des bonnes pratiques, qui pourrait, dans de nombreux domaines, se substituer à des normes trop contraignantes. Il faut réfléchir à quelques domaines dans lesquels de telles méthodes pourraient être expérimentées.
J’évoquais hier le sujet des cantines : vous savez que la réglementation dans ce domaine est très précise et tatillonne ; je me souviens d’avoir évoqué, lors d’un conseil des ministres où je présentais un bilan d’étape de mon action contre les normes, les réglementations imposant des longueurs et diamètres différents aux quenelles servies dans les cantines selon qu’il s’agisse d’écoles maternelles, d’écoles primaires ou de collèges. Or il existe, dans nos départements, de nombreux restaurants scolaires fréquentés à la fois par des élèves d’écoles maternelles, d’écoles primaires et de collèges : c’est un casse-tête pour l’intendant chargé de la gestion d’un tel restaurant !
Il faut donc faire confiance en premier lieu au bon sens des fonctionnaires qui se trouvent au plus près de la réalité vécue par nos concitoyens. Il faut en outre, par exemple dans ce domaine, préférer un référentiel de bonnes pratiques à des normes tatillonnes…
Il y en a beaucoup !
M. Charles Revet.
En effet, il y en a beaucoup.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
… et quasiment impossibles à appliquer. Je vous soumets donc cette idée ; il peut y en avoir d’autres.
Nous avons réfléchi hier, avec le sénateur Jean-Pierre Vial et l’ensemble d’entre vous, à une autre évolution possible, à savoir une administration différenciée de nos territoires. J’ai écouté attentivement les discours des uns et des autres ; tous, vous avez affirmé qu’il faut adapter les normes à nos réalités locales.
C’est déjà possible, et ce le sera plus encore demain grâce à la loi NOTRe. En effet, à l’article 1
La première d’entre elles est que la modulation locale dans l’application d’une norme législative devra reposer soit sur une différence objective de situation entre territoires ou collectivités, soit sur une raison d’intérêt général.
La seconde condition est que la différence de traitement doit être en rapport direct avec les finalités de la législation dans le cadre de laquelle le législateur décide de confier aux collectivités territoriales un pouvoir réglementaire.
Sous ces deux réserves, les régions pourront adapter la législation qui s’applique à l’ensemble du pays aux réalités de leur territoire.
Très bien !
M. René Vandierendonck.
Il ne manquait plus que cela !
M. Jacques Mézard.
Enfin, comme le sénateur Vandierendonck l’a rappelé, nous n’avons pas encore assez mesuré le rôle facilitateur que joueront les conférences territoriales de l’action publique, ou CTAP, pour adapter l’organisation des administrations locales aux réalités de nos territoires. Ce rôle apparaîtra plus clairement au fil des mois et des années à venir : en effet, les CTAP pourront, dans chaque région, décider la délégation de telle ou telle compétence, ici à un département, là à une communauté d’agglomération ou à une communauté de communes.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Votre proposition de résolution invite en second lieu le Gouvernement à engager plusieurs mesures de simplification. Avec mon cabinet et les services de l’administration, nous avons beaucoup travaillé sur ce point. Le Gouvernement est très intéressé par ces propositions. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été engagées dès le comité interministériel aux ruralités de Vesoul, le 14 septembre dernier. Je pense notamment à l’établissement, en concertation avec les élus locaux, d’une charte nationale d’harmonisation des niveaux d’exigence en matière de sécurité et de prévention.
De même, vous proposez d’alléger ou de supprimer les normes parasismiques. Voilà un sujet, parmi d’autres, que connaît parfaitement Jean-Claude Boulard. Il m’en a d’ailleurs saisi et j’ai commencé à faire bouger les choses, ce qui n’est pas facile. Il existe dans notre pays des territoires où la terre n’a jamais tremblé, où la géologie indique qu’elle ne devrait pas trembler avant longtemps et où, pourtant, les normes parasismiques s’imposent,…
Tout à fait !
Mme Françoise Gatel.
… engendrant un coût supplémentaire dans la construction des bâtiments.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
M. Charles Revet.
Je m’en préoccupe donc, presque chaque semaine. En tout cas, mon cabinet est là pour ça.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État !
M. Charles Revet.
Je négocie actuellement avec le ministère de l’environnement, monsieur le sénateur, ce qui n’est pas facile…
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
(Rires et applaudissements sur plusieurs travées.)
Le cabinet ou la ministre ?
Mme Isabelle Debré.
Si j’osais employer une formule un peu facile, je dirais : comme il est compliqué de simplifier, dans notre pays !
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
(Marques d’approbation sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Vous proposez également, mesdames, messieurs les sénateurs, de simplifier la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme : cela aussi a été annoncé lors du comité interministériel de Vesoul.
D’autres propositions, telles que l’exclusion du contrôle de légalité d’actes de faible importance ou l’ajustement de la périodicité du contrôle des installations électriques, ont également été engagées lors de ce comité interministériel. J’ai ici la liste que je vous avais promise hier de toutes les mesures de simplification et d’allégement qui sont en cours d’examen ou de réalisation.
Oh là là !
Mme Isabelle Debré.
Je ne vous en ferai pas la lecture intégrale – cela ne mérite pas d’être mentionné
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
in extenso
Eh oui ! C’est pour cela qu’il faut changer les choses !
M. Charles Revet.
Mon travail, travail de bénédictin ou de Romain, selon la période que l’on préfère, consiste à descendre ainsi dans le détail des choses, afin que les mesures concernant l’inclinaison des pentes de piscine soient harmonisées, car les réglementations ne sont pas les mêmes selon l’administration concernée.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
On peut également mentionner, dans le même domaine, l’obligation de vidange des bassins de piscine, qui sera ramenée à une par an au lieu de deux : cela représente tout de même une économie importante pour une commune de faible importance qui a la chance d’avoir une piscine, car une telle vidange coûte cher.
Tout cela paraît quelque peu lointain aux administrations centrales et à leurs hauts fonctionnaires, qui sont excellents, que le monde entier nous envie et que je rencontre régulièrement ; néanmoins, ces sujets concrets sont vécus au quotidien par les élus.
Comme vous le savez, je me rends chaque semaine dans un département, et notamment dans ceux d’entre eux qui sont les plus éloignés des agglomérations urbaines et qui se sentent, à écouter leurs élus, quelque peu délaissés par Paris. J’y vais justement pour leur expliquer que ce n’est pas le cas, que le Gouvernement se préoccupe de leur vie quotidienne, et pour les écouter. Je pars ainsi demain en Vendée pour deux jours et je serai à nouveau la semaine prochaine en Lozère. Or partout, on me parle de problèmes aussi concrets que ceux que je viens d’évoquer : mon travail est bien là, dans le suivi des mesures les plus concrètes et les plus pragmatiques, de ces mesures qui vous intéressent, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que représentants constitutionnels des communautés locales.
En conclusion, si la présente résolution, comme je le pressens, est adoptée, le Gouvernement étudiera très attentivement chacune des propositions qui y sont faites. Par ailleurs, puisque nous partageons dans ce domaine le même objectif, j’allais dire la même philosophie, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée sur son adoption.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Très bien !
M. Rémy Pointereau.
Bonne nouvelle !
M. Loïc Hervé.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
M. le président.
Vu l’article 34–1 de la Constitution,
I) Considérant que l’objectif de limitation des charges et contraintes pesant sur les collectivités territoriales du fait de la réglementation doit être considéré comme prioritaire ;
Considérant que le Gouvernement a lui-même posé, par la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation, le principe : « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » ;
Considérant que l’adoption d’un texte plus impératif qu’une circulaire est nécessaire pour assurer la pleine application de ce principe et l’ancrer dans la culture administrative ;
Invite le Gouvernement à fixer par un décret les conditions dans lesquelles toute introduction d’une norme réglementaire constituant une contrainte ou une charge pour les collectivités territoriales doit s’accompagner de la suppression ou de l’allégement d’une contrainte ou d’une charge équivalente ;
II) Considérant en outre que la situation financière des collectivités territoriales doit conduire à intensifier l’effort de simplification des normes existantes, qui peut conduire à des économies significatives ;
Considérant en particulier la demande de simplification des normes relatives à l’urbanisme et à la construction exprimée tant par les élus locaux que par les administrés ;
Invite le Gouvernement à engager les mesures suivantes :
– établir, en concertation avec les élus locaux, une charte nationale harmonisant les niveaux d’exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes ;
– établir également, en concertation avec les élus locaux, une telle charte pour les niveaux d’exigence des architectes des bâtiments de France, en prévoyant une règle
de minimis
– élaborer au niveau national des référentiels fixant les procédures, les critères et les exigences appliqués dans le cadre des missions d’inspection et de contrôle des agences régionales de santé ;
– simplifier le formulaire CERFA 13404 ;
– inciter les communes dont les équipements d’assainissement collectif n’ont pas encore été mis en conformité avec la législation européenne à déterminer les délais et le concessionnaire retenus pour les travaux de mise aux normes, de manière à permettre la délivrance de permis de construire ;
– établir une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ;
– publier une circulaire clarifiant le régime des dérogations et mesures compensatoires en matière d’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) ;
– autoriser un ajustement de la périodicité du contrôle des installations électriques dans les ERP, en s’inspirant des règles applicables aux locaux professionnels ;
– permettre que l’installation de classes démontables dans les établissements scolaires ou universitaires faisant l’objet de travaux soit dispensée de formalités pour la durée du chantier ;
– permettre le regroupement en un dossier unique des dossiers de création et de réalisation d’une zone d’aménagement concerté ;
– limiter à un mois la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun en matière d’urbanisme ;
– alléger ou supprimer les normes parasismiques pour les bâtiments de catégorie d’importance III dans les zones de sismicité 2 ;
– simplifier la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme et réduire le nombre de documents d’urbanisme dont les exigences se superposent ; en particulier, éviter le cumul des études exigées pour les projets de travaux en zones humides.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
M. le président.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Bravo ! et applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
M. le président.
La commission des finances a proposé la candidature de M. Francis Delattre.
La candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des lois n
M. le président.
(Mme Sophie Primas applaudit.)
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI–UC, de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (proposition n
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe UDI-UC d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour d’aujourd’hui de la proposition de loi que j’ai déposée. Je tiens aussi à remercier mes collègues, membres non seulement du groupe UDI-UC mais aussi du groupe Les Républicains, qui ont accepté de cosigner cette proposition de loi.
M. Vincent Delahaye,
auteur de la proposition de loi.
À un moment où notre pays est attaqué sur ses valeurs républicaines, il m’a semblé nécessaire de prendre une initiative qui permette d’inculquer ces valeurs à tous nos jeunes ; il faut en effet, me semble-t-il, leur apprendre ce qui a fait la France et ce que signifie être Français.
Les journées de commémoration, entre autres éléments, devraient théoriquement jouer ce rôle. Dans les faits, on constate que les jeunes s’en désintéressent. Qui plus est, depuis quelques années, les jeunes hommes ont été privés d’un service militaire qui permettait notamment de leur inculquer certaines valeurs républicaines.
J’ai adressé cette proposition de loi au Président de la République, au Premier ministre et à l’ensemble des ministres concernés. Je suis heureux d’avoir reçu une réponse de Mme la ministre de l’éducation nationale. Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui n’a pas manqué de saluer mon initiative, a souligné que son ministère avait déjà pris un certain nombre d’initiatives en la matière. Si je remercie Mme la ministre d’apprécier ce texte, je trouve cependant les actions organisées par son ministère largement insuffisantes au regard des enjeux.
Ainsi, Mme la ministre m’indique qu’est organisé depuis 1982 un partenariat entre son ministère et le ministère de la défense en faveur d’actions en direction des jeunes et des enseignants incitant au souvenir des conflits qu’a connus la France depuis 1870. Ce partenariat est un préalable, une aide au travail de mémoire, mais dont les conséquences concrètes me semblent assez floues.
Mme la ministre précise également que des journées mémorielles sont organisées auxquelles des classes sont associées, par exemple la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 2015 dernier et la cérémonie de panthéonisation du 27 mai de la même année. Tout le monde s’en souvient, mais il s’agit de deux journées ponctuelles et on ne connaît pas le nombre d’enfants concernés. Or l’action de l’éducation nationale doit s’inscrire dans le temps et deux journées ponctuelles ne sauraient suffire.
C’est pour cela que c’est dans les programmes !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme la ministre mentionne en outre l’association de l’école à la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai, et la Journée du souvenir des victimes de la déportation, le dernier dimanche d’avril. En tant que maire, je participe à ces commémorations et la ville de Massy a une place Victor Schœlcher avec une statue de Toussaint Louverture – je pense que c’est la seule qui existe en France – : je n’ai jamais eu le bonheur de voir des écoles ou des classes participer à ces journées de commémorations ; je le regrette et j’espère qu’il n’en est pas de même ailleurs. Je crains donc que les actions évoquées ne relèvent plus de l’effet d’annonce que d’une réalité pour les élèves et leurs enseignants.
M. Vincent Delahaye.
Mme la Ministre cite la mise en place du nouveau parcours citoyen de l’école élémentaire jusqu’en classe de terminale, dans lequel la participation des élèves aux commémorations serait renforcée. Dont acte, mais comme ce parcours est nouveau, nous n’avons encore aucun recul quant à son efficacité.
Dans un esprit constructif, je pense que ces initiatives sont intéressantes et vont dans le bon sens. Toutefois, elles sont incomplètes et parcellaires ; elles restent trop souvent subordonnées à la bonne volonté des enseignants et circonscrites dans les établissements scolaires. Elles concernent trop peu d’élèves.
On le constate, un travail de mémoire est bien effectué en classe, au sein de l’univers scolaire, mais aucun travail pratique ne permet de le mettre en valeur, de se l’approprier pleinement et de le partager avec la société civile.
Il manque en particulier l’étincelle pour passer du « devoir de mémoire » – je reprends les termes du courrier de Mme la ministre – au « travail de mémoire », pour que les élèves s’approprient notre histoire et qu’elle devienne leur histoire.
Le travail de mémoire proposé en classe existe déjà dans les programmes scolaires. Ce n’est donc pas un travail supplémentaire pour les enfants et les enseignants. Il s’agit de rendre ce travail systématique pour que tous les enfants en bénéficient à trois reprises au cours de leur scolarité, en CM2, en quatrième – et non plus en cinquième, comme je l’envisageais initialement – et en seconde.
En reprenant le programme scolaire de ces années, il me semble que l’on peut trouver matière à des travaux pratiques.
En CM2, au programme d’instruction civique est inscrit le thème suivant : « connaître les symboles républicains et en comprendre le sens » ; en histoire, figurent les points suivants : « la violence du XX
En quatrième, le programme d’histoire aborde la question des traites négrières et de l’esclavage ; celui d’instruction civique se concentre sur les valeurs de diversité, égalité, sécurité, liberté, droit, justice.
En seconde, l’enseignement moral et civique a pour thème « Égalité et discrimination » ; en histoire, les thématiques étudiées sont : révolutions, libertés, nations à l’aube de l’époque contemporaine, y compris les abolitions de la traite et de l’esclavage et leur application.
On le constate, les programmes scolaires sont riches et le travail de mémoire peut porter sur de nombreux sujets, prendre de multiples formes pour s’adapter aux élèves et aux projets. L’idée, c’est que les élèves ressentent cette journée non pas comme un devoir imposé, mais bien comme l’aboutissement d’un travail constructif, reconnu et valorisé.
Vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objectif, c’est que, à trois reprises au cours de leur scolarité, les élèves puissent travailler avec leurs enseignants, dans le cadre des programmes existants – il ne s’agit donc pas d’un ajout –, sur des objets en lien avec cette problématique. Il peut s’agir de chants patriotiques – pas uniquement les hymnes nationaux –,…
M. Jean-Louis Carrère.
Le Chant des partisans
… d’expositions de travaux des élèves, de témoignages d’anciens combattants ou de militaires des OPEX, de visites de mémoriaux, de conférences, de la présence éventuelle de l’armée… De nombreuses possibilités existent. Ce travail serait montré aux élus et au monde combattant lors d’une journée qui ne serait pas un jour férié au cours de laquelle participeraient les élèves, les enseignants, les parents, peut-être d’autres adultes.
M. Vincent Delahaye.
La mise en place de ce jour de mémoire peut se faire progressivement, sur la base du volontariat : volontariat des villes et des élus, volontariat des enseignants.
J’ai présenté cette idée à des municipalités et à des enseignants : un certain nombre d’entre eux seraient intéressés et prêts à faire partie des sites pilotes. Je pense toutefois que cette initiative devrait être généralisée à l’ensemble du pays et à l’ensemble des élèves.
Les associations d’anciens combattants que j’ai contactées sont également très ouvertes à cette proposition. Il est vrai que celle-ci a le mérite de chercher à donner plus d’ampleur à nos commémorations, malheureusement la plupart du temps limitées, et à y associer l’ensemble de la jeunesse. Cela me semble répondre à un besoin aigu.
Dans le cadre de cette proposition de loi, j’ai proposé que ce jour de commémorations, qui, je le répète, ne sera pas un jour férié, soit fixé le dernier jeudi du mois de mai. En effet, il est préférable que cet événement ait lieu vers la fin de l’année scolaire, pour permettre aux enseignants de travailler avec leurs élèves et de rendre compte de ce travail.
J’ai bien noté que la proposition de loi semblait à certains incomplète, voire insuffisante
(M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.)
Je me rallierai donc à la position de la commission et voterai la motion tendant au renvoi en commission de ce texte. J’espère qu’il ne s’agira pas d’un enterrement de première classe
(Sourires)
(Applaudissements
sur de nombreuses travées de l'UDI-UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie Vincent Delahaye d’avoir eu l’initiative de cette proposition de loi. L’examen de ce texte nous donne en effet l’occasion de nous pencher sur ce sujet important, que l’actualité et le rythme effréné de nos travaux relèguent trop souvent dans l’ombre.
M. Claude Kern,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Faire partager la mémoire de notre nation est un enjeu crucial, essentiel : c’est assurer la pérennité du « principe spirituel » qu’est notre nation et qu’Ernest Renan définit comme reposant sur deux éléments : « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; [...] le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu
L’actualité récente et le malaise qu’elle a parfois suscité montrent à quel point la transmission de notre mémoire nationale auprès de la jeunesse est aujourd’hui urgente et nécessaire. À bien des égards, il nous reste du chemin à faire.
Cette proposition de loi part en effet d’un triste constat : les commémorations officielles ne rencontrent qu’un faible écho auprès de la jeunesse. S’il y a heureusement des exceptions à ce constat, notamment lorsque les jeunes sont invités spécifiquement, les cérémonies ne réunissent de nos jours le plus souvent que les élus, les représentants d’associations et les anciens combattants.
La proposition de loi a le mérite de souhaiter inverser cette tendance, en instaurant un « jour de mémoire », afin de « sensibiliser les élèves aux enjeux liés à la transmission de la mémoire combattante de notre nation ».
Dans sa version initiale, le texte crée un article nouveau dans la partie du code de l’éducation relative à l’organisation du temps et de l’espace scolaires. Il précise que ce « jour de mémoire » est organisé « pendant l’année scolaire, hors période de vacances et jours fériés, le dernier jeudi du mois de mai », et qu’elle concerne en particulier les classes de CM2, de cinquième et de seconde. Les objectifs pédagogiques de la journée sont déterminés par le conseil supérieur des programmes ; le contenu des activités étant « librement déterminé par les enseignants, dans le respect du programme scolaire » et leur mise en œuvre « coordonnée par l’autorité scolaire responsable et les maires ».
Je crois pouvoir affirmer que, tous, dans cette enceinte, nous partageons les objectifs de ce texte, à savoir donner une plus grande place au travail de mémoire dans l’éducation de notre jeunesse. Le débat au sein de la commission de la culture a montré que cette finalité faisait largement consensus. Ce consensus se retrouve dans la politique du Gouvernement : la participation des élèves aux commémorations et aux cérémonies nationales constitue en effet l’une des mesures de la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, décidée à la suite des attentats du mois de janvier 2015.
Malgré le peu de temps imparti, j’ai proposé à la commission quelques modifications, certaines substantielles, du dispositif de la proposition de loi. Il m’a notamment paru préférable d’inscrire cet événement le jour de classe qui précède immédiatement le 11 novembre. En effet, depuis la loi du 28 février 2012, ce jour est celui à l’occasion duquel il est rendu hommage à tous les morts pour la France. Cette journée n’aurait pas été une nouvelle journée de commémoration en elle-même : il se serait agi d’une journée de classe consacrée au travail de mémoire et à la préparation du 11 novembre.
La solution retenue par l’auteur de la proposition de loi – le dernier jeudi du mois de mai – présente l’inconvénient d’avoir lieu dans un mois qui connaît un grand nombre de commémorations, surtout depuis l’instauration d’une Journée nationale de la Résistance le 27 mai.
En effet, toute initiative en matière de mémoire se heurte à cet état de fait : les commémorations et les « journées de » n’ont jamais été aussi nombreuses, mais ont perdu leur caractère rassembleur et unitaire. En 2008, le rapport de la commission Kaspi rappelait que « la multiplication des commémorations diminue l’effet de chacune d’entre elles » et recensait douze commémorations nationales. De nouvelles ont été créées depuis et toutes les tentatives de remédier à l’émiettement commémoratif ont échoué.
L’éducation nationale n’est pas épargnée par la multiplication des injonctions mémorielles et des journées de mobilisation, bien au contraire. Le temps scolaire est scandé par d’autres « journées de », à l’instar de la journée de l’Europe le 9 mai, de la journée de sensibilisation et de mobilisation des élèves des écoles, collèges et lycées pour les droits des femmes et l’égalité hommesfemmes le 8 mars, de la journée de la laïcité le 9 décembre, ou encore de la journée nationale « Non au harcèlement », dont la première a eu lieu le 5 novembre dernier. Toute initiative visant à favoriser le travail de mémoire dans le cadre scolaire devra tenir compte de cet état de fait.
À la suite d’une discussion à la fois longue et constructive, notre commission a préféré ne pas adopter de texte. Les nombreux intervenants ont salué l’intention des auteurs de cette proposition de loi mais n’ont pas manqué de souligner les difficultés que leur texte soulève.
Tout d’abord, la commission a émis des réserves sur la pertinence de légiférer sur un sujet relevant de l’organisation des enseignements scolaires. De plus, elle a considéré qu’une proposition de loi présentée dans le cadre d’un espace réservé, examinée de surcroît dans des délais extrêmement restreints, ne constituait pas le moyen adéquat de traiter des questions mémorielles. Notre commission a estimé qu’un sujet aussi sensible méritait une réflexion et un travail préparatoire plus importants.
Les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont au contraire émis le vœu que l’examen de cette proposition de loi soit l’occasion d’un débat riche et fécond sur les conditions de la transmission de la mémoire nationale dans l’école de la République et sur les moyens de la favoriser. À cet égard, je salue la présence aujourd'hui du secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, M. Jean-Marc Todeschini, ancien membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, que nous avons plaisir à retrouver.
En conséquence, Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission, et moi-même vous proposons, avec l’accord du groupe UDI-UC et de l’auteur de la présente proposition de loi, l’adoption d’une motion de renvoi en commission, en application de l’article 44, alinéa 5, de notre règlement. Cette motion, qui ne sera examinée qu’à l’issue de la discussion générale, ne fera pas avorter le débat et nous permettra de retravailler ce sujet de la plus haute importance. Elle nous donnera le temps de la réflexion et de la concertation, selon des modalités qui restent à définir, afin d’aboutir à un large consensus, car ce n’est pas en s’appuyant sur des divisions partisanes que l’on construit une mémoire partagée.
En conclusion, il est important que nous menions aujourd’hui une réflexion sur la transmission de notre mémoire. À l’heure où notre nation est attaquée de l’extérieur comme de l’intérieur, il nous faut nous ressouder autour d’une mémoire commune et la faire partager à ceux qui nous suivent. Le contexte y est favorable. Le centenaire de la Grande Guerre a été l’occasion d’une forte mobilisation, particulièrement dans les établissements scolaires. Il nous faudra la maintenir à l’avenir alors que s’ouvrira bientôt le centenaire de la bataille de Verdun.
Mes chers collègues, il me semble que, plus que jamais, le souvenir des épreuves passées est nécessaire pour aborder avec confiance celles auxquelles nous sommes confrontées, ainsi que pour mesurer le prix de notre sécurité et de nos libertés.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mme Danielle Michel ainsi que MM. Jean-Louis Carrère et Bernard Lalande applaudissent également.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage bien entendu, tout comme Mme la ministre de l’éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, l’ambition des auteurs de cette proposition de loi, qui est de sensibiliser les jeunes à l’histoire de notre pays, aux sacrifices de nos anciens et aux valeurs républicaines de la nation française. Nous avons tous, je pense, cette ambition chevillée au corps, que nous soyons élus, professeurs, parents ou citoyens.
M. Jean-Marc Todeschini,
secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire.
Pour le secrétaire d’État en charge de la mémoire que je suis, c’est plus qu’une ambition : c’est un devoir, une responsabilité. Dès mon entrée en fonctions, et fort de mon passé d’enseignant, j’ai mesuré l’importance de ce travail de sensibilisation et de transmission. Tout d’abord, l’histoire et les mémoires de notre pays, la France, constituent une part de notre identité et de celle de nos enfants. Ensuite, c’est à la lumière du récit de nos anciens et des sacrifices consentis pour défendre l’héritage de nos libertés et de nos valeurs républicaines que les jeunes d’aujourd’hui, artisans de la nation de demain, sauront avancer vers l’avenir. Enfin, au lendemain du triste anniversaire des attentats de janvier et de la survenue des attentats du mois de novembre, nous devons entretenir auprès des jeunes, particulièrement touchés par ces drames, le souvenir des victimes et des rassemblements qui se sont organisés autour des valeurs simples mais fermes de notre République.
Une fois cette ambition rappelée se pose la question du meilleur moyen d’arriver à la satisfaire.
Je partage le constat selon lequel la présence des jeunes lors des cérémonies nationales est en baisse. Toutefois, cet élément ne peut être le seul indicateur de leur mobilisation. Dès lors, je m’interroge : les mémoires doivent-elles continuer de vivre et d’être transmises seulement devant les monuments aux morts ? Pour ma part, je ne le pense pas. Ce n’est pas suffisant.
La mémoire se vit et se transmet dans les écoles, sur nos lieux de mémoire, notamment au cours des grands anniversaires décennaux, qui sont autant d’occasions de se souvenir et de comprendre, comme cela sera le cas jusqu’en 2018.
À cet égard, permettez-moi de vous donner quelques chiffres significatifs. Sur les 3 000 projets actuellement labellisés dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, plus de 1 000 étaient des projets pédagogiques conduits par des élèves avec les équipes enseignantes.
Par ailleurs, le succès des concours scolaires témoigne de l’enthousiasme des plus jeunes concernant la mémoire. Ainsi, le concours « Les petits artistes de la mémoire » organisé par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre a concerné plus de 13 000 élèves de CM2 en 2015. Il s’agissait pour les élèves de choisir un nom sur le monument aux morts de leur commune et de s’interroger sur la signification d’un tel monument. Le concours national de la Résistance et de la déportation réunit quant à lui entre 30 000 et 40 000 participants chaque année. Le Président de la République souhaite d’ailleurs rénover ce concours et l’étendre à d’autres participants. Un rapport vient d’être remis à ce sujet, à ma demande et à celle de Mme la ministre de l’éducation nationale.
De grandes opérations mémorielles sont organisées au cours et en marge des cérémonies nationales par le ministère de la défense et ses opérateurs, notamment l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et la Mission du centenaire, qui a en charge l’organisation du centenaire de la Grande Guerre.
C’est ainsi que la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, dans le cadre d’un partenariat noué avec le ministère de l’éducation nationale depuis 2007, soutient chaque année 500 projets pédagogiques qui incitent 25 000 jeunes à réfléchir à la notion d’engagement. Elle soutient également plus de 300 voyages scolaires dans les anciens camps de concentration et d’extermination et, plus largement, dans nos lieux de mémoire.
Se recueillir devant un monument aux morts, entendre le récit d’un résistant ou d’un déporté, s’imprégner d’une émotion sur un ancien champ de bataille, est un enseignement complémentaire des manuels scolaires.
Le ministère de la défense accompagne aussi les enseignants, qui peuvent par exemple proposer à leurs élèves, à l’occasion des cérémonies nationales, une conférence délivrée par un agent du ministère sur le déroulé et le sens d’une commémoration.
Le ministère travaille également sur les nouveaux vecteurs de la mémoire, tels que le numérique, lequel a rencontré un immense succès dans le cadre des deux grands cycles commémoratifs du centenaire de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Il permet notamment de construire des contre-discours face à la désinformation et à la falsification de l’Histoire dont nous sommes malheureusement trop souvent victimes sur internet.
Par ailleurs, le 11 novembre dernier, des reportages diffusés sur les réseaux sociaux ont par exemple permis de mettre en lumière la présence de lycéens venus d’Auvergne à Paris spécialement pour la cérémonie. L’événement a eu une très belle visibilité. Il a suscité plus de 30 000 « Vues » et près de 500 « J’aime » sur Facebook.
J’ai également participé aux Rencontres du Web 14–18 organisées par la Mission du centenaire le 10 avril 2015, lesquelles ont démontré l’émergence d’une véritable communauté de la mémoire sur le
Le ministère s’engage, enfin, dans le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme lancé par le Président de la République le 27 janvier 2015. En lien avec le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture, et sous la coordination de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, il met en œuvre l’action 32 du plan – « À chaque étape de la scolarité, un lieu de mémoire et une œuvre pour éduquer contre le racisme et l’antisémitisme », sur laquelle un point d’étape sera fait prochainement.
Pour ma part, je ne pense pas que la question de la transmission de la mémoire puisse être réglée par l’instauration d’une nouvelle journée nationale.
À cet égard, je rappelle que la journée du 27 mai, journée de la Résistance, instaurée en 2013 sur l’initiative de votre ancien collègue Jean-Jacques Mirassou, a précisément une vocation pédagogique. Le jour de mémoire que vous proposez, le dernier jeudi du mois de mai, entrerait donc en concurrence avec cette journée, voire, et ce serait pire, il créerait de l’indifférence vis-à-vis des cérémonies nationales.
Or en 2014, comme en 2015, cette journée fut l’occasion pour les enseignants, qui font un travail formidable en matière d’éducation à la citoyenneté, de consacrer une partie de leurs cours à la question de l’engagement, de la Résistance et de la déportation.
Le 27 mai dernier, à l’occasion de la panthéonisation de quatre grandes figures de la Résistance, les jeunes ont été associés à la préparation de la cérémonie et de nombreux établissements ont travaillé sur le parcours de l’une ou l’autre des quatre personnalités distinguées ce jour.
En outre, l’instauration d’un jour de mémoire tendrait à laisser penser que toutes les mémoires se valent et qu’elles peuvent être honorées d’un même élan. Cela créerait des confusions et gommerait les spécificités historiques de la France. Or vous savez combien le monde combattant est attaché, comme je le suis moi-même, à la singularité mémorielle de chacune de nos journées nationales.
Par ailleurs, je m’emploie depuis plus d’un an, avec force et conviction, à faire des scolaires non pas de simples spectateurs mais des acteurs de la mémoire pour en devenir des passeurs. Quand je dis « les scolaires », je pense aux élèves de tous les niveaux et de tous les établissements, qu’il s’agisse des établissements d’enseignement général ou technique ou des établissements situés en zone d’éducation prioritaire. Je ne pense pas seulement aux élèves de CM2, de cinquième et de seconde, contrairement aux auteurs de la proposition de loi !
Faire de nos jeunes des acteurs éclairés, des citoyens attentifs, dotés d’un esprit critique et nourris de l’engagement de leurs aînés est le meilleur moyen de préserver et de nourrir le lien intergénérationnel indispensable à toute société. C’est aussi le meilleur moyen de lutter contre les discours et les actes qui se nourrissent de la haine et des négationnismes et qui menacent notre socle républicain. C’est pourquoi je veux dépasser la seule ambition de conduire les jeunes en masse devant les monuments aux morts, même si cela est nécessaire.
J’ai rencontré et échangé avec des élèves d’écoles primaires, de collèges, de lycées, en France et à l’étranger, pour évoquer la figure du poilu, du combattant de 1940 ou encore du harki arrivé en France en 1962 et du soldat tombé en Afghanistan en 2011.
Je sais que les enseignants veillent à ce que leurs élèves réfléchissent aussi à l’actualité de notre histoire. Oui, je tiens à le redire, les enseignants font leur travail consciencieusement, à tous les niveaux d’enseignement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nos jeunes s’intéressent à la mémoire. Je le mesure chaque jour. Ils n’ont pas besoin de contraintes juridiques pour continuer de s’y intéresser. À nous de les accompagner ! À cet égard, les 22,2 millions d’euros consacrés à la politique de la mémoire dans le budget pour 2016 y contribueront en nous permettant de nous doter d’outils pédagogiques modernes et d’investir massivement les nouveaux vecteurs de la mémoire pour inscrire cette dynamique dans la durée.
C’est aussi de cette manière que nous pourrons rétablir « la République en actes », conformément au souhait du Président de la République.
La mémoire est un travail de tous les jours – nous en sommes tous d’accord –, qui requiert du courage, qui exige que nous renouvelions sans cesse notre pratique mémorielle, que nous développions des approches modernes et que nous soyons pleinement mobilisés autour de nos jeunes, non pas un jeudi du mois de mai, mais tout au long de l’année, comme le sont les enseignants.
Donnons-nous les moyens, comme l’espérait Jean Zay, de « donner à la jeunesse assez de doctrine offensive, assez de convictions intangibles, assez d’impératifs, assez d’armes pour affronter les dangers d’une époque, pour défendre par tous les moyens l’héritage de nos libertés ».
J’ai écouté attentivement les deux orateurs précédents. Monsieur le rapporteur – ce sera ma conclusion –, je suis effectivement sensible à votre proposition de renvoyer ce texte à la commission, même s’il faut laisser ce débat se dérouler, car l’intention est noble, nous devons poursuivre la réflexion sur ce sujet et, comme vous l’avez dit, travailler dans l’unité.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Patrick Abate, Jean-Claude Requier et Antoine Lefèvre applaudissent également.)
(M. Hervé Marseille remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)
J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître à la présidence qu’elle propose la candidature de Mme Laurence Cohen pour siéger, en qualité de titulaire, au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, en remplacement de Mme Annie David, démissionnaire.
M. le président.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 9 du règlement.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française.
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre pays vient de commémorer les attentats de janvier 2015 et d’honorer la mémoire des victimes de ceux-ci, mais également de ceux du 13 novembre dernier. Désormais, un chêne, symbole de force et de la liberté, emblème de la République, en fixera le souvenir, s’il en était besoin, sur le lieu même de la marche du 11 janvier.
M. Jean-Louis Carrère.
Notre pays, vous le rappeliez, monsieur le rapporteur, a besoin d’unité ; la mémoire collective doit y contribuer ; car faire nation implique non seulement l’adhésion à une communauté de destin, la volonté de vivre ensemble, mais également de se reconnaître dans un passé commun. Comme l’affirmait le maréchal Foch, « un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».
La proposition de loi dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui interroge cette notion de mémoire et nous invite à réfléchir surtout sur la manière de transmettre cette mémoire nationale.
Je ne m’attarderai pas sur le caractère très peu législatif du dispositif présenté, notre collègue Claude Kern ayant largement développé cet argument dans le rapport qu’il a établi au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Permettez-moi cependant – je ne peux m’y soustraire – de relever la cocasserie que constitue le fait d’examiner en séance, sur l’initiative d’un sénateur UDI-UC, un texte qui ne relève pas du domaine législatif moins d’un mois après la discussion de notre proposition de loi sur l’accès à la cantine
(Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.)
(Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.)
Je dois également relever la contradiction intrinsèque de la présente proposition de loi : partir du constat d’une moindre fréquentation des journées commémoratives pour en rajouter une !
(Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame de nouveau.)
Je rejoins les orateurs qui en commission n’ont pas manqué de pointer les difficultés que cette proposition de loi soulève et que vous avez justement rappelées, monsieur le rapporteur. En effet, celle-ci pose plus de problèmes qu’elle ne paraît en résoudre, car elle méconnaît selon moi le fonctionnement de notre institution scolaire, les responsabilités de l’État en ce domaine, et le respect de la liberté pédagogique des enseignants, pour le moins !
Parlons-en !
Mme Sylvie Goy-Chavent.
Je serai votre interlocuteur quand vous le voudrez ! J’ai assez longtemps exercé le métier d’enseignant…
M. Jean-Louis Carrère.
Justement !
M. Loïc Hervé.
… pour savoir que la grande majorité des enseignants font le meilleur travail possible en ce domaine. Je ne comprends pas pourquoi vous m’interpellez sur ce sujet.
M. Jean-Louis Carrère.
Ce n’est pas l’objet de ce texte !
Mme Sylvie Goy-Chavent.
Ce n’est pas le débat !
M. Loïc Hervé.
Pour notre part, nous considérons l’injonction à commémorer sur laquelle elle se fonde contre-productive. Faisons confiance aux enseignants pour transmettre à leurs élèves la mémoire nationale, en coordination avec l’enseignement et le programme d’histoire, et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement.
M. Jean-Louis Carrère.
Pour déployer tout son sens, s’enraciner dans les consciences et être efficace, le travail de mémoire doit en effet s’inscrire dans une démarche pédagogique construite et portée par les enseignants. Cela faisait dire, madame Goy-Chavent, à l’historien François Bédarida qu’au-delà du « devoir de mémoire » il y a un « devoir de connaissance » défini comme « la constitution d’un savoir seul apte à construire une mémoire vraie ».
Nous devons donc nous interroger sur la meilleure manière de susciter à la fois l’adhésion des enseignants et l’intérêt des élèves. En ce sens, les futurs enseignements pratiques interdisciplinaires, EPI, prévus dans la réforme du collège constitueront, dès la rentrée prochaine – ayez un peu de patience ! – un cadre tout à fait approprié pour développer de tels projets pédagogiques.
(M. Michel Bouvard s’exclame.)
(M. Michel Bouvard s’exclame de nouveau.)
D’ailleurs, l’an passé, pas moins de douze programmes d’actions éducatives organisées par l’éducation nationale portaient sur le thème « histoire et mémoire »
(Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.)
Ce calendrier particulièrement riche conduit à un renforcement de la politique mémorielle du ministère de la défense, avec une consolidation substantielle du pilotage et des moyens affectés à ces actions.
(M. Michel Bouvard s’exclame.)
J’ajouterai que les maires, monsieur le maire de Massy et cher auteur du texte,…
Bientôt, il n’y aura plus de texte !
M. Loïc Hervé.
Vous pouvez m’écouter !
M. Jean-Louis Carrère.
… disposent eux aussi, dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires entrés partout dans les mœurs
(Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.)
(Même mouvement.)
Ce n’est pas vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Provocation !
Mme Sophie Primas.
Écoutez-moi au lieu de pérorer !
M. Jean-Louis Carrère.
… et d’actions concrètes de promotion de la mémoire nationale, dans leur projet éducatif territorial. Voilà un axe sur lequel vous pouvez et devez vous appuyer !
(Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.)
Chers collègues de la majorité, faites-leur donc confiance en ce domaine
(Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame de nouveau.)
Mme Sylvie Goy-Chavent.
Cessez les provocations, monsieur Carrère !
M. Antoine Lefèvre.
Poursuivez, monsieur Carrère.
M. le président.
Faites-leur donc confiance en ce domaine comme vous avez souhaité leur faire confiance pour respecter l’égal accès de nos enfants à la cantine, ainsi que le défendait avec conviction Jean-Claude Carle il y a quelques jours !
M. Jean-Louis Carrère.
Quant à la transmission des valeurs de la République, cette préoccupation n’a jamais été aussi forte qu’actuellement, avec la mise en œuvre de l’enseignement moral et civique, ainsi que le plan de la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République,…
Tout à fait !
M. Jacques-Bernard Magner.
… en réponse aux attentats de janvier 2015. Laissons donc le temps à ces nouvelles actions pédagogiques de prendre leur place,…
M. Jean-Louis Carrère.
M. Alain Néri.
… au parcours citoyen de se déployer dans tous les niveaux scolaires et prenons notre part à leur évaluation. Le Sénat, mes chers collègues, pourrait faire œuvre utile en ce sens, dans un travail commun aux commissions de la défense et, madame la présidente Morin-Desailly, de la culture, de l’éducation et de la communication. Vous comprendrez qu’en tant qu’ancien président de la première, je sois très attaché à cette approche commune.
M. Jean-Louis Carrère.
J’avais déjà plaidé, en commission, monsieur le rapporteur, pour une démarche consensuelle sur ce texte, y compris avec nos partenaires des ministères de la défense et de l’éducation nationale, car, sur le fond, il est important et intéressant.
Je me félicite du fait que notre rapporteur s’inscrive, à son tour, dans cette démarche de recherche du consensus, en appelant au renvoi en commission. Cela me paraît correspondre à l’esprit de cette proposition de loi.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Cette proposition de loi, on pourrait s’en passer !
M. Michel Bouvard.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte tend à instaurer un jour de mémoire au sein de l’ensemble des établissements scolaires. Il vise à sensibiliser les élèves aux enjeux liés à la transmission de l’histoire de notre pays, aux sacrifices de nos anciens et aux valeurs républicaines de la nation française.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je pense que nous pouvons faire crédit aux auteurs de leurs intentions. Ils ont vraiment envie, comme nous, que les enfants, les adolescents prennent conscience de ce qui a été vécu, qu’ils s’émeuvent sincèrement en pensant aux jeunes conscrits qui ont été fauchés par les balles, qui ont été défigurés, qui ont été blessés. On a vraiment envie que les enfants soient partie prenante de cette réalité.
Nous comprenons la préoccupation des auteurs de cette proposition de loi, mais pouvons-nous dire qu’une journée de plus, telle qu’elle est prévue dans le texte, serait la solution ? Je ne le crois pas. Il faut réfléchir davantage.
Actuellement, un grand nombre de journées existent déjà : la journée du numérique à l’école, celle du sport scolaire, la journée de mobilisation pour dire « Non au harcèlement à l’école », la journée de la laïcité, la semaine du vélo, la semaine du goût, la semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme ou la semaine de la presse…
L’école croule sous les injonctions, des injonctions beaucoup trop cadrées parce que cela ampute les emplois du temps sans donner les moyens de vraiment réfléchir.
C’est vrai !
M. Antoine Lefèvre.
Qui plus est, la loi du 28 février 2012 a fixé au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France. La création d’une journée de plus risquerait d’être incompréhensible.
Mme Marie-Christine Blandin.
Les municipalités se mobilisent déjà pour que les enfants s’approprient la commémoration. Le concours national des « Petits artistes de la mémoire » qui se déroule chaque année, avant le 11 novembre, avec l’aide de l’Union nationale des combattants, en témoigne.
M. Bernard Accoyer, dans le rapport qu’il a établi en 2008 sur les questions mémorielles, disait très justement que « Si l’école ne peut ignorer la mémoire dont peuvent être porteurs les élèves ni s’abstraire de participer à la mise en œuvre du devoir collectif de mémoire, sa mission première, qui est une mission éducative, doit rester d’enseigner l’histoire. » Elle le fait déjà.
Transmettre le devoir de mémoire aux jeunes générations pour le faire perdurer est un impératif.
Toutefois, les initiatives permettant d’associer l’école à ce devoir de mémoire et aux commémorations ne peuvent se faire sans un travail progressif. Elles doivent comporter un tel travail pédagogique et une sensibilisation à la mémoire en interdisciplinarité avec le programme d’histoire.
Le rapport précité préconise d’ailleurs de donner un lendemain à ces initiatives en prévoyant que les travaux d’un groupe d’élèves sur un événement historique soient régulièrement enrichis par les recherches des classes qui se succèdent. Cette idée de continuité et de cohérence se retrouve pleinement dans le parcours citoyen sur lequel a travaillé le Conseil supérieur des programmes. La publication des propositions du Conseil est attendue pour le mois de février : il faudra en tenir compte !
La mise en place d’un parcours citoyen pour chaque élève de l’école élémentaire à la classe de terminale, qui impliquerait un enseignement moral et civique, l’éducation aux médias et à l’information, ainsi que la journée défense et citoyenneté illustrent bien la notion de progressivité.
La transmission des valeurs républicaines à l’école est assurément perfectible.
C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Michel Bouvard.
Les témoignages des enseignants nous donnent d’ailleurs des pistes pour l’améliorer.
Mme Marie-Christine Blandin.
À la suite des attentats de 2015, de nombreuses mesures ont été mises en place pour que cette transmission soit mieux assurée. Alors que la semaine dernière a été marquée par la commémoration des attentats, l’école a ainsi été associée aux hommages.
Par ailleurs, le site du ministère de l’éducation nationale propose plusieurs outils et un ensemble de ressources pédagogiques est mis en ligne sur le nouveau portail internet « Valeurs de la République » par le réseau Canopé.
Nous devrons prendre conscience de toutes ces nouveautés et les intégrer dans le cadre de votre proposition de loi, monsieur Delahaye.
(M. Michel Bouvard s’exclame.)
La réserve citoyenne, encore balbutiante dans chaque académie, les comités départementaux d’éducation à la santé et à la citoyenneté qui associent les parents d’élèves, les nouvelles perspectives d’allongement de la journée défense et citoyenneté, l’amplification du service civique sont autant de lieux et de temps qui doivent croiser votre réflexion au profit d’un parcours citoyen généralisé à l’école, dans lequel la mémoire doit avoir toute sa place. À cet égard, de nombreux partenaires sont mobilisables, comme la Fondation de la Résistance.
Enfin, j’ajouterai que la prise en compte des témoignages locaux peut créer encore plus de ferveur. J’en veux pour preuve l’exemple de ces enfants – parmi lesquels on comptait des enfants issus d’autres pays que le nôtre – qui étaient présents le 17 décembre dernier pour fêter les fraternisations sur le lieu des tranchées de la guerre de 1914. Il faut souligner le remarquable travail pédagogique préalable qui a été accompli à cette occasion.
Monsieur le secrétaire d’État, vous étiez vous-même présent ce jour-là aux côtés du Président de la République et d’élus de toutes tendances politiques. Il y avait là un consensus, des jeunes émus et militant pour la paix !
(Applaudissements
sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes régulièrement amenés à examiner des propositions de loi à caractère mémoriel. Le plus souvent, le groupe du RDSE adhère à l’esprit qui anime ces démarches visant à souder la communauté nationale.
M. Jean-Claude Requier.
En effet, la transmission de la mémoire est consubstantielle à la conception française de la Nation. Les sacrifices consentis hier par nos anciens se prolongent aujourd’hui au travers de la liberté transmise aux générations suivantes. Il est donc primordial de rappeler aux plus jeunes le prix de ces engagements passés fondés sur la solidarité et le sacrifice.
La commémoration des événements qui ont bouleversé l’histoire de la France est le vecteur privilégié de la transmission de la mémoire collective.
En tant qu’élus, nous sommes bien entendu tous très attachés à ces moments de recueillement, qui nous rassemblent autour du monde combattant. Pour qu’ils conservent une visibilité, ils ne doivent cependant pas se multiplier au-delà du raisonnable.
Aussi, mon groupe n’est pas favorable à l’accumulation des jours de mémoire et à l’intervention permanente du législateur dans le champ mémoriel. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire au cours d’autres débats et partageons en cela la crainte de « boulimie commémorative » exprimée par l’historien Pierre Nora.
Mes chers collègues, comme vous le savez, ce ne sont pas moins de treize commémorations nationales qui figurent déjà dans notre calendrier, auxquelles il faut ajouter les manifestations liées aux grands anniversaires. Trop de rendez-vous risquent d’affaiblir la mémoire collective en la dispersant ou en la segmentant, ce qui serait évidemment contre-productif.
Si trop d’impôt tue l’impôt, si trop de réglementations affaiblissent la réglementation, trop de commémorations gomment la commémoration et favorisent l’indifférence !
Très bien !
M. Jacques-Bernard Magner.
Certes, j’en conviens, le texte qui nous est soumis aujourd’hui aborde le sujet sous un angle particulier, celui de la sensibilisation des jeunes aux enjeux de la mémoire combattante.
M. Jean-Claude Requier.
Comme le rappelle notre collègue Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi, il est vrai que les cérémonies nationales actuelles ne rassemblent souvent plus que des élus et des anciens combattants autour du monument aux morts.
C’est vrai !
M. Yvon Collin.
Nous pouvons tous le constater localement, même si de nombreuses initiatives émanant des élus et des enseignants existent partout sur le territoire pour associer les jeunes aux jours de mémoire. On peut donc partager l’objectif visé par l’auteur du texte.
M. Jean-Claude Requier.
Toutefois, la présente proposition de loi appelle plusieurs réserves sur la forme.
Tout d’abord, sur le plan juridique, comme le rapporteur l’a souligné, le texte empiète sur le domaine réglementaire. De plus, le manque de clarté du dispositif risquerait de rendre celui-ci inopérant.
Ensuite, la proposition de loi crée une injonction contraignante à l’égard des professeurs, alors que leur rôle réside en premier lieu dans la transmission du savoir et non directement dans l’entretien de la mémoire nationale.
(M. Vincent Delahaye s’exclame.)
Enfin, le choix de fixer la date de cette journée au mois de mai alourdit davantage une période déjà occupée le 8 mai par la commémoration de la victoire de 1945 et, depuis 2013, par la journée nationale de la Résistance fixée le 27 mai.
Dans ces conditions, ce texte ne paraît pas opportun. Cependant, il nous invite à réfléchir aux moyens d’impliquer davantage les jeunes à l’histoire de notre pays et aux valeurs de la République.
L’éducation nationale est déjà engagée dans la politique de mémoire nationale au travers de différentes initiatives. Je citerai la mission pour le centenaire de la Première Guerre mondiale qui a engendré différents projets partout en France à l’intention des jeunes. Les professeurs sont le plus souvent très réceptifs à l’égard de tout ce qui permet de concilier pédagogie et travail de mémoire.
C’est pourquoi il faudrait encourager et développer l’existant autrement que par les seules notes de service du ministère.
Mes chers collègues, il faut aussi rechercher ailleurs qu’au sein de l’éducation nationale la voie d’une sensibilisation plus générale des jeunes aux valeurs républicaines.
Je pense en particulier à deux dispositifs que le Président de la République souhaite renforcer. D’une part, il a annoncé lundi dernier son souhait d’allonger la journée défense et citoyenneté. Dès lors, pourquoi ne pas prévoir une journée dédiée à la mémoire collective dans ce nouveau cadre ?
D’autre part, le chef de l’État a indiqué vouloir étendre le service civique à la moitié d’une classe d’âge d’ici à 2018 et à tous les jeunes à compter de 2020.
Très bien !
M. Yvon Collin.
Le RDSE, et plus particulièrement notre collègue Yvon Collin, est à l’origine de la loi sur le service civique. Il se félicite de cette annonce, puisqu’il demande la généralisation de cet engagement depuis longtemps !
M. Jean-Claude Requier.
Rendu obligatoire, le service civique serait l’occasion de sensibiliser les jeunes Français à l’histoire et aux valeurs de la République.
En attendant, mes chers collègues, le RDSE n’est pas favorable à la proposition de loi dans la rédaction qui nous est proposée, car elle ne fait pas consensus. En revanche, il approuve à l’unanimité la motion tendant au renvoi en commission.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Pascal Allizard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail de qualité mené par M. le rapporteur de la commission de la culture du Sénat.
M. Pascal Allizard.
Aborder les sujets relatifs à la mémoire est une tâche noble et ardue. Néanmoins, la question principale qui se pose aujourd’hui me semble être celle de la meilleure manière de commémorer. Cette question ne peut se satisfaire d’approches partisanes et implique le rassemblement de tous.
À cet instant, je voudrais dire un mot sur le contexte de nos travaux.
Depuis plusieurs mois, la France traverse une période de crise mettant à l’épreuve la République et ses valeurs. Près de cent cinquante civils ont péri dans des attentats, des centaines pansent encore leurs blessures, et nos soldats continuent de combattre le terrorisme au Sahel comme au Levant.
Dans ces épreuves, c’est vers la Nation que nombre de Français se tournent. Chacun d’entre eux se félicite de l’engagement des services de l’État, au premier rang desquels figurent militaires, policiers, gendarmes, pompiers et services de santé. C’est donc dans un contexte inédit et dans un pays sous le choc que nous examinons la présente proposition de loi.
Spontanément, chacun d’entre nous peut adhérer au texte présenté, car toute initiative au bénéfice de la jeunesse et visant à la fois à honorer la mémoire et à diffuser les valeurs républicaines mérite d’être examinée et développée.
Lors de l’examen du budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », j’ai moi-même appelé à une plus grande mobilisation de l’éducation nationale pour la transmission de la mémoire et de notre histoire nationale, notamment au travers des commémorations dédiées aux anciens combattants.
Chez les jeunes, il existe une attente et un besoin de rassemblement. Ceux-ci doivent pouvoir exprimer leur appartenance à la République et à une communauté de valeurs qui font la France.
Toutefois, au-delà des grands principes que nous partageons tous, le texte proposé aujourd’hui pourrait être contre-productif. Prenons garde : l’émotion a trop souvent guidé l’action des pouvoirs publics et du législateur sur ces sujets.
Comment transmettre ce passé français, une histoire riche en événements tragiques et en faits glorieux, dans une époque marquée par l’instantanéité en toute chose et par l’information en continu ? Faut-il une nouvelle loi ?
La multiplication des lois mémorielles et l’instauration d’un grand nombre de journées de commémoration ont fini – je le crois – par brouiller le message républicain et parfois même par cliver la Nation au lieu de la rassembler.
Les Français sont de moins en moins sensibles aux commémorations. En réalité, en 2016, les efforts devraient davantage porter sur la compréhension et la signification des commémorations que sur les actes de célébration.
De la même façon, j’ai pu constater que les associations d’anciens combattants manquaient parfois de bénévoles pour gérer les questions administratives, participer aux commémorations ou porter la parole dans les écoles. J’y vois un manque de solidarité vis-à-vis de ceux qui se sont sacrifiés pour la Nation, mais aussi une difficulté à assurer le passage de témoin entre les générations.
Nous sommes une fois de plus devant le paradoxe très bien décrit par Paul Ricœur dans son livre
La mémoire, l’histoire, l’oubli
Mes chers collègues, il est impératif que les jours de souvenir renouent avec le rôle fédérateur que leur multiplication dilue. Cela correspond d’ailleurs à la conclusion des travaux de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques en 2008, laquelle estimait que de telles journées étaient « trop nombreuses » et de nature à « affaiblir la mémoire collective ».
Par conséquent, une journée dédiée à la mémoire de plus, même au sein de la seule institution scolaire, me semble inadaptée. Nous n’avons pas forcément besoin de nouvelles lois mais il nous faut revenir aux fondamentaux.
En outre, quel bénéfice collectif tirer d’opérations ponctuelles et limitées ? L’apprentissage de la citoyenneté et les initiatives pour la mémoire ne peuvent être réservés à une classe ou à un niveau scolaire. Enfin, après l’hypothétique journée pour la mémoire combattante, le sacrifice et les valeurs,
Puisqu’il s’agit d’objectifs pédagogiques avec l’école pour support, la place à accorder à ces sujets dans les programmes scolaires doit être plus grande. Il doit en être de même pour les enseignements de l’histoire et de l’éducation civique. Devant vous, je regrette d’ailleurs que les programmes aient largement fait place à la repentance et à l’interprétation politique qui a parfois pris le pas sur la présentation historique.
Une nation qui veut aller de l’avant et construire un avenir plus apaisé ne peut se complaire dans la haine d’elle-même et le ressassement de ses pages les plus sombres. Mes chers collègues, la France a souvent été un modèle pour le monde, ne l’oublions pas !
Depuis des années, nos armées sont engagées dans un combat contre le terrorisme global. Aussi, j’estime que nos enfants doivent le savoir, en étudier le contexte, et comprendre l’action de ceux qui ont pris part aux opérations, aujourd’hui comme hier, plutôt que de n’y penser qu’une fois par an.
Pour conclure, je tiens à remercier les auteurs de la proposition de loi, laquelle a le grand mérite de nous permettre de nous interroger sur cette question si importante.
Cependant, la voie législative ne me semble pas appropriée et notre groupe reste dubitatif quant à la pertinence de ce texte. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’adoption de la motion tendant au renvoi en commission.
J’ajoute que ce sujet mérite incontestablement d’être approfondi.
Je pense que la commission de la culture saura poursuivre ce travail, pourquoi pas en concertation avec le groupe d’études qui, au Sénat, s’occupe de la question des anciens combattants.
Tout à fait !
M. Charles Revet.
En effet, lorsque l’on constate la lente dégradation du sentiment d’appartenance à la Nation, les atteintes à certains principes fondamentaux comme la laïcité, voire, parfois, les incivilités dont la multiplication fragilise notre vivre-ensemble, on mesure combien la tâche est immense et requiert, là encore, toute notre mobilisation.
M. Pascal Allizard.
Il faut conclure !
M. le président.
Je conclus, monsieur le président.
M. Pascal Allizard.
Enfin, comme le rappelait le président Gérard Larcher dans son rapport intitulé
La nation française, un héritage en partage
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Très bien !
M. Charles Revet.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « Puissent les commémorations des deux guerres s’achever par la résurrection du peuple d’ombre […] ». Comme le déplorait André Malraux, le retour aux limbes de notre histoire est avant tout l’oubli et l’abandon de ceux par qui nous sommes ici.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il est donc absolument essentiel, dans le cadre d’une politique mémorielle efficace, de rappeler les heures de lumière, mais aussi les temps sombres de notre histoire.
De ce point de vue, n’avons-nous pas à nous interroger sur l’usage qui est fait de nos cérémonies solennelles ?
Ces cérémonies ont longtemps eu pour vocation de créer une unité nationale, lorsque celle-ci était encore fragile et fugace, nos frontières en perpétuel mouvement.
Cet objectif peut-il être le même aujourd’hui ? Je ne le pense pas.
Quand bien même l’unité de la Nation serait l’objectif de nos commémorations, y parviendraient-elles ? Qu’elles soient respectées, du moins en apparence, et une unité superficielle est créée. Qu’elles soient perturbées, même de manière mineure, et une polémique traverse la communauté nationale de part en part.
Interrogeons-nous ! L’instauration à outrance d’hommages nationaux, minutes de silence et autres cérémonies solennelles atteint-elle sa cible ?
Je repère, pour ma part, deux écueils.
Premièrement, par trop souvent imposées et péremptoires, ces cérémonies ne sont que trop rarement comprises et exécutées sans retour critique.
Deuxièmement, leur multiplication tend à créer une réelle confusion sur les événements passés et à diluer un message pourtant essentiel.
D’ailleurs, permettez-moi de m’étonner que nous débattions aujourd’hui d’un texte visant à instaurer une énième journée de commémoration alors même que son exposé des motifs rappelle le nombre déjà élevé de telles journées.
Le contexte que nous connaissons, fait de montée des extrémismes de tout bord, impose une action sobre et efficace, non pas péremptoire, mais constructive et coconstruite. Nous extraire de l’émotion est la condition
sine qua non
Au devoir de mémoire, je préfère donc les termes de réflexe du souvenir, de compréhension et d’enseignement pour l’avenir.
C’est, je crois, l’enjeu majeur de la pratique mémorielle, comme le préconisait la contribution de mon collègue Patrick Abate, à l’occasion du rapport d’enquête sur les valeurs républicaines à l’école.
En effet, l’école a son rôle dans la formation de la conscience mémorielle.
Parce que nous sommes issus du courant philosophique et politique des Lumières, nous voulons croire en une institution scolaire qui permette l’émancipation de la jeunesse par la raison et le savoir, et son intégration dans notre société.
Celle-ci est le fruit d’un passé, parfois glorieux, parfois honteux. Il semble essentiel de revenir sur l’ensemble de ces moments pour permettre à la jeunesse de notre pays de maîtriser les tenants et les aboutissants qui structurent, aujourd’hui, notre nation.
Les réformes portant sur les programmes scolaires et la formation des enseignants doivent donner aux professionnels l’ensemble des outils nécessaires à la transmission des valeurs de la République, non pas comme un étendard porté aveuglement, mais plutôt comme une prise de conscience de ses bienfaits, du bien-vivre ensemble. Dans ce cadre, l’instauration de rites républicains peut paraître dérisoire et ne constituer qu’un vernis destiné à rapidement craquer.
Malheureusement, le texte que nous examinons aujourd’hui contribue, à nos yeux, à cette dynamique de politique d’affichage, plutôt que d’être partie intégrante d’un travail en profondeur.
Nous préférons que soit privilégiée une revalorisation de l’enseignement de l’histoire, trop souvent maltraitée, mais aussi de l’éducation civique. C’est par cette formation transversale que nous donnerons aux jeunes les outils d’une compréhension critique de notre passé.
À ce titre, nous resterons vigilants quant au contenu des programmes issus de la réflexion du Conseil supérieur des programmes, où siègent nos collègues Marie-Christine Blandin et Jacques-Bernard Magner.
Bien évidemment, les initiatives citoyennes et pédagogiques comme le concours national de la Résistance et de la déportation sont à saluer, mais elles ne pourront jamais supplanter un enseignement régulier de l’histoire et des valeurs républicaines.
Par ailleurs, il suffit de regarder rapidement les programmes appliqués actuellement pour voir que la pratique mémorielle y est bien présente à tous les niveaux scolaires, dont les classes visées par la proposition de loi.
Ainsi, les élèves de CM2 étudient l’émergence des Lumières, la Révolution, les XIX
De fait, les enseignants délivrent déjà l’enseignement que la proposition de loi cherche à transmettre, à la condition, bien évidemment, qu’ils puissent exercer dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas toujours le cas !
Vous l’aurez certainement compris, mes chers collègues, nous ne pourrons que voter contre cette proposition de loi, qui dresse un constat sujet à caution et ne prévoit aucune solution pertinente pour améliorer la pratique mémorielle.
J’aimerais, une fois n’est pas coutume, terminer mon intervention par une citation d’un ancien Président de la République qui, s’il a été un adversaire politique, a su faire preuve de grandeur le 16 juillet 1995.
« Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays.
« Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l’on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l’horreur […] de ces journées de larmes et de honte.
« Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions.
« Quand souffle l’esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l’exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d’une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. »
Mes chers collègues, vous aurez reconnu ici les propos de Jacques Chirac.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC. – MM. Roland Courteau et Jean-Louis Carrère ainsi que Mme Marie-Christine Blandin applaudissent également.)
La parole est à M. René Danesi.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi instaurant dans nos écoles un jour de mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française me laisse sceptique.
M. René Danesi.
Elle me laisse sceptique quant à sa portée réelle.
L’éminent historien Pierre Nora, déjà cité, rappelait récemment que « toute commémoration est une transformation de l’événement passé au service des besoins du présent. Il en a toujours été ainsi. »
Cette proposition de loi est donc motivée par le constat que chacun peut faire depuis un an et que nous avions oublié depuis la fin de la guerre d’Algérie, à savoir que l’histoire est tragique.
Ce texte semble aussi motivé par le constat que, pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, des Français tuent d’autres Français.
En conséquence, cette journée de mémoire a pour objectif subliminal de réintroduire le roman national dans l’école, mais à dose homéopathique, à raison d’un jour dans le primaire, un jour au collège et un jour au lycée. L’intention est louable, mais un jour de mémoire tous les trois ou quatre ans, c’est la perle perdue dans le champ de ruines qu’est devenu l’enseignement de l’histoire de France dans nos établissements scolaires
(M. Alain Néri opine.)
Cette proposition de loi me laisse sceptique car elle traite timidement la conséquence - une mémoire collective affaiblie –, à défaut de s’attaquer à la cause - les programmes d’enseignement de l’histoire.
Comme Jeanne d’Arc a bouté les Anglais hors de France, notre V
Cette déconstruction a commencé dès les années soixante-dix. Depuis lors, que les ministres soient de gauche ou de droite, les manuels d’histoire ont de moins en moins vocation à former des citoyens et l’éducation n’a plus de « nationale » que le nom !
On a donc jeté par-dessus bord, ou mis à fond de cale, les pages glorieuses de notre roman national.
L’exemple est venu d’en haut. C’est ainsi que le Premier ministre de la France s’est bien gardé d’aller à Austerlitz, pour y célébrer le bicentenaire de la dernière grande victoire offensive que l’armée française a remportée, seule et contre tous.
Pourquoi n’y est-il pas allé ? Parce qu’un petit groupe de pression le lui a interdit, au motif que Napoléon a réintroduit l’esclavage dans les îles. Quel lien avec Austerlitz ? Aucun !
Il ne faut donc pas s’étonner que l’anachronisme, c’est-à-dire le jugement porté sur les événements historiques avec nos opinions d’aujourd’hui, se retrouve dans l’enseignement de l’histoire, à tous les niveaux.
Notre époque n’aime pas les héros historiques. Les moments de grandeur de l’histoire de France sont devenus tabous, car ils sont à l’exact opposé des valeurs marchandes du libéralisme.
En conséquence, notre époque aime les victimes. Elle recherche des coupables et les livre aux juges impitoyables d’internet.
Dans ces conditions, je ne vois pas comment ce nouveau jour de mémoire parviendra à sensibiliser les jeunes « aux sacrifices de leurs anciens ».
Le héros, celui qui s’est sacrifié pour une cause qui le dépassait, est devenu ringard car l’heure est à la repentance pour les fautes qu’auraient commises nos ancêtres. Il n’y a plus qu’au Maroc que l’œuvre du général Lyautey est encore reconnue.
À la repentance, s’ajoutent le relativisme et l’universalisme. Le royaume des Zoulous se retrouve quasiment au même niveau que le royaume de France, qui a fait notre pays.
(M. le rapporteur sourit)
Dans ces conditions, comment la jeunesse de France peut-elle être fière de son pays, de sa langue, de sa culture et d’une civilisation qui est la fille de la religion chrétienne et des Lumières ?
(M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Ernest Renan écrivait en 1882 : « L’existence d’une nation est […] un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de la vie ».
Ce plébiscite de tous les jours n’est plus l’objectif assigné à l’enseignement de l’histoire. Au contraire, les professeurs ont été progressivement amenés, par des gouvernements de tous les bords politiques, à enseigner l’histoire dans cette novlangue politiquement correcte, qui affaiblit les valeurs et les principes ayant cimenté la République et la Nation.
Avec un enseignement de l’histoire authentiquement républicain, nous ne connaîtrions pas aujourd’hui ce problème dramatique de l’affaiblissement de la mémoire collective et nous n’aurions pas besoin d’instaurer une journée de mémoire. Une journée parmi tant d’autres, qui participent déjà à la concurrence mémorielle.
Seul un enseignement de l’histoire revenu aux fondamentaux permettra à notre jeunesse de connaître le lien étroit entre l’histoire et la citoyenneté, dont la mémoire n’est qu’une composante.
En conclusion, et comme l’a écrit fort justement le président du Sénat, Gérard Larcher, la nation française est un héritage en partage.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Agnès Canayer.
M. le président.
(Mme Sophie Primas applaudit.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui rassemblés pour évoquer le devoir de mémoire et sa mise en œuvre auprès des jeunes.
Mme Agnès Canayer.
L’intention de l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Vincent Delahaye, est louable et répond à un enjeu d’unité nationale.
Depuis plusieurs années, le devoir de mémoire est invoqué de manière récurrente et insistante par les associations, par les plus hautes autorités de l’État. Il est régulièrement inscrit dans la loi.
L’injonction au devoir de mémoire renvoie au motif légitime de la crainte de voir la mémoire submergée par l’oubli. C’est aussi garder la conscience juste et présente des événements du passé. Le passé se conjugue toujours au présent, mais il faut être vigilant pour que ce devoir de mémoire ne devienne pas pesant pour nos jeunes générations, qui ont aujourd’hui la responsabilité d’en entretenir le souvenir.
Toutefois, sans le remettre en cause, je me permets de manifester une certaine réticence face à la multiplication de cet exercice.
Plusieurs arguments viennent étayer cette position.
Je considère que l’histoire ne peut pas être absorbée par la mémoire. Quand l’histoire est une science, fondée sur la compréhension et l’interprétation, le savoir et la mise à distance, la mémoire, elle, repose plutôt sur l’affect, le vécu. Elle se maintient lorsque les gens revivent, réactualisent et transmettent ce vécu aux jeunes générations. Elle est donc nécessairement parcellaire et partielle. L’histoire est universelle, pas la mémoire. Un « devoir d’histoire » s’impose par lui-même, pas un devoir de mémoire, qui repose avant tout, selon moi, sur l’engagement de ceux qui transmettent l’histoire, la mémoire, notamment les anciens combattants.
La mémoire doit être aussi couplée avec la citoyenneté : chaque acte de la vie quotidienne doit être un acte de citoyenneté et participe en cela à notre devoir du souvenir de notre histoire.
Les commémorations et les échanges avec les anciens prennent ici tout leur sens et toute leur consistance. Ils permettent aux plus jeunes de prendre toute la mesure de l’engagement dans un contexte précis.
D’un point de vue pratique, les commémorations en France sont déjà très nombreuses. Comme le soulignait le rapport Kaspi de 2008, auquel a fait référence Claude Kern, on comptait douze commémorations publiques ou nationales en 2008 ; il y en a deux de plus aujourd’hui.
L’auteur du rapport poursuivait en expliquant que cette multiplication des commémorations entraînait une désaffection et une incompréhension de la part d’une très grande majorité de la population, affaiblissait la mémoire collective et encourageait des particularismes allant à l’encontre de l’unité nationale.
Enfin, si l’école est le lieu approprié pour la transmission de la connaissance, elle peut aussi mettre en œuvre des actions pédagogiques autour du devoir de mémoire à la condition qu’il y ait un engagement volontaire des enseignants, et cela autour d’un projet d’école construit. L’imposer nuira selon moi à la qualité des actions autour du devoir de mémoire et aura des effets inverses à ceux qui sont recherchés.
Plutôt que d’imposer un jour supplémentaire, je pense qu’il est plus opportun d’encourager les initiatives locales. Il appartient à chaque collectivité territoriale d’adapter aux particularités de chaque territoire l’organisation, si elle le souhaite, de journées de la mémoire qui associeraient élèves et anciens combattants, comme cela se fait déjà.
Les messages sont d’autant plus marquants pour les jeunes qu’ils peuvent être reliés à leur histoire, à celle de leur commune, voire à celle de leur famille.
(M. Alain Néri s’exclame.)
Bien que l’enjeu soit fondamental de savoir se souvenir de notre passé pour construire notre futur, il n’apparaît pas opportun aujourd’hui d’adopter un texte dont les effets sont limités et les contours encore trop imprécis.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Alain Néri applaudissent également.)
La discussion générale est close.
M. le président.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi, par M. Kern et Mme Morin-Desailly, d'une motion n
M. le président.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française (n
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
Lors de son examen, le 16 décembre dernier, la commission de la culture a salué l’intérêt que suscite cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Delahaye. Au cours des débats, les membres de la commission ont fait part de leur souhait d’associer davantage la jeunesse aux commémorations et au travail de mémoire.
M. Claude Kern,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Toutefois, considérant le caractère sensible des questions mémorielles, à plus forte raison dans le cadre scolaire, la commission a estimé que ce sujet nécessitait un travail préparatoire plus important et devant aboutir à un large consensus.
En conséquence, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cette motion de renvoi en commission de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Ayant exprimé la position du Gouvernement au cours de la discussion générale, je dirai simplement qu’on ne peut pas empiler les jours de mémoire. Par ailleurs, les enseignants, à quelque niveau que ce soit, font leur travail et l’histoire, sur laquelle des désaccords sont toujours possibles, est enseignée. Les enseignants sont consciencieux, ils savent qu’ils ont en face d’eux des citoyens en devenir. Le travail sur l’histoire – et cela est vrai également pour les autres matières – se fait dans le respect de notre passé et de ceux qui ont sacrifié leur vie pour nous permettre aujourd’hui de nous exprimer librement.
M. Jean-Marc Todeschini,
secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire.
Je ne citerai qu’un exemple. Cette année, trois mille jeunes Français et mille jeunes Allemands participeront aux commémorations de la bataille de Verdun. Ils seront donc acteurs et non pas témoins ou spectateurs. Cet événement sera précédé de tout un travail pédagogique et, même si les avis peuvent être partagés sur l’analyse qui en est faite, il est bien une manière d’évoquer tous ceux qui ont laissé leur vie pendant la Première Guerre mondiale.
Les équipes pédagogiques à travers toute la France, dans tous les territoires, seront associées à ces commémorations et partout des projets voient le jour. C’est bien pour cette raison qu’on est obligé d’en limiter le nombre.
Pareillement, les batailles de la Somme – celle de 1914-1918 et celle de 1939-1945 – donnent lieu à un travail dans les écoles et je peux vous garantir que nos jeunes y sont très sensibles, à quelque niveau que ce soit.
On peut ne pas aimer les termes, mais le devoir de mémoire, c’est surtout le travail de mémoire. Ce travail, je peux vous garantir qu’il est fait
(M. Jacques Chiron opine.)
Instaurer un jour de mémoire au sein des établissements scolaires n’y ajoutera rien.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Très bien !
M. Jacques-Bernard Magner.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Beaucoup de choses ont été dites au cours de ce débat très riche, dense et nourri, qui est le reflet des échanges que nous avons eus en commission sur cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Delahaye et cosignée par un certain nombre de collègues du groupe de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains, proposition de loi dont je salue les objectifs à la suite des différents orateurs.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
En commission, une demande pressante a été exprimée en faveur de la constitution d’un groupe de travail qui serait chargé de s’emparer de ces questions liées à la mémoire et aux questions de civisme. Avec le rapporteur, nous avons réfléchi à la meilleure manière de satisfaire les objectifs des auteurs de la proposition de loi. Comme je l’ai dit ce matin en commission, c’est bien volontiers que je m’attacherai à constituer ce groupe de travail. Monsieur Carrère, vous avez évoqué un rapprochement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; bien entendu, j’accède à votre demande, mais je suggère également d’associer la commission des affaires sociales, dont dépend le groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante.
Bien sûr !
M. Charles Revet.
Ce travail de rapprochement sera très utile, car, de mémoire de sénatrice, jamais ce travail n’avait été mené par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il sera aussi sans doute très intéressant.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Je réunirai prochainement le bureau afin de définir les modalités d’action de ce groupe de travail.
Mes chers collègues, je vous remercie de ce débat, qui a éclairé nos esprits, de la même manière qu’en commission.
Je mets aux voix la motion n
M. le président.
(La motion est adoptée.)
En conséquence, le renvoi de la proposition de loi à la commission est ordonné.
M. le président.
La commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
M. le président.
La Présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Francis Delattre membre du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Il va être procédé à la nomination d’un membre titulaire de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, en remplacement de Mme Annie David, démissionnaire.
Mme la présidente.
Cette candidature a été publiée conformément à l’article 9 du règlement. Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, je proclame Mme Laurence Cohen membre titulaire de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée (proposition n
Mme la présidente.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien, le chômage, ce n’est pas seulement des chiffres que l’on commente chaque mois. C’est avant tout une réalité, une réalité vécue par des millions de Français. C’est pour eux, leurs enfants, leurs parents, leurs proches, la peur de se retrouver en marge de la société, de perdre confiance et l’estime de soi, et de ne pas se sentir utile socialement.
Mme Myriam El Khomri,
ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Faire de la politique, c’est souhaiter que chacun trouve sa place dans la société, qu’il puisse s’épanouir dans un cadre collectif fait de règles, de devoirs, mais aussi de droits. Je crois que nous en sommes toutes et tous convaincus ici, le droit au travail est un droit fondamental.
C’est pour cette raison que nous avons toutes et tous une responsabilité majeure. Nous devons trouver les conditions pour que chacun construise son projet de vie autour d’un projet professionnel émancipateur.
Nous entrons dans une année décisive dans la bataille de l’emploi. Vous le savez, le chômage ne se règle pas à coups de « mesurettes », et c’est bien la raison pour laquelle, dès le début de ce quinquennat, nous avons engagé des réformes structurelles, et nous continuerons à le faire.
Notre politique s’inscrit dans le temps long, pour des effets durables. C’est notre objectif.
Ces réformes, au travers du pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, des contrats aidés mieux ciblés, plus longs et plus qualifiants, des dispositifs d’accompagnement et de suivi des décrocheurs comme la Garantie jeunes, des aides aux recrutements pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, les TPE et les PME, des mesures relatives à l’apprentissage et à la formation, commencent à produire des effets encourageants, notamment sur le chômage des jeunes.
Bien sûr, nous devons aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. C’est pour cette raison que nous ne devons écarter aucune piste en faveur de l’emploi. D’un côté, il y a les réponses que nous apportons dans le cadre de la politique du Gouvernement et, de l’autre, il y a toutes les initiatives locales, qui proposent des solutions expérimentales innovantes.
Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » engagé par ATD Quart Monde a ainsi été identifié, dans le cadre du plan « Prévenir, aider, accompagner : nouvelles solutions face au chômage de longue durée », comme pouvant être expérimenté et évalué avant une généralisation éventuelle.
Je veux saluer ici une nouvelle fois devant la représentation nationale l’action de cette association, comme celles de toutes les associations qui prennent à bras-le-corps cette problématique, souvent dans la proximité, au plus près des réalités locales.
Je suis plus que jamais convaincue que c’est à partir du terrain, au plus près des réalités locales, que nous trouverons les réponses les plus adaptées aux problématiques de l’emploi. C’est aussi pour cette raison que j’entends renforcer plus encore l’action du Gouvernement en lien avec les collectivités territoriales, à commencer par les régions, dont le rôle est déterminant en matière de politique d’emploi, de formation et d’apprentissage.
Face à la réalité du chômage, je l’ai dit et je le redis, nous n’avons pas tout essayé. C’est l’objet même du texte contre le chômage de longue durée que nous discutons aujourd’hui. C’est toute la philosophie du plan pour l’emploi que le Président de la République détaillera le 18 janvier prochain.
Nous sommes tous ici toujours très forts pour partager les constats, pour dire depuis des décennies qu’il existe des emplois non pourvus, qu’il existe des opportunités d’emploi dans des secteurs d’avenir, pour dire, enfin, qu’il faut former les demandeurs d’emploi vers ces emplois.
Nous devons aujourd’hui saisir l’opportunité de cette expérimentation. Tel est le sens de la proposition de loi qui nous réunit ce soir, et c’est pourquoi je soutiens cette initiative, qui pose un autre regard sur le fonctionnement du marché du travail.
Quelle est notre analyse ? Et comment y répondons-nous ?
Il existe des besoins non pourvus : nous devons tout mettre en œuvre pour y répondre et créer tout à la fois de l’activité et de l’emploi.
Je veux être claire : il s’agit non pas d’encourager un dispositif parallèle ou concurrent des indispensables activités portées par l’insertion par l’activité économique, mais de mettre en place un dispositif complémentaire efficace et utile. Il s’agit précisément de promouvoir un développement économique local sur la base d’activités non encore couvertes. J’y vois là une opportunité évidente, pratique et très concrète d’accès à l’emploi durable des demandeurs d’emploi de longue durée.
Je me réjouis donc de l’intérêt et de la mobilisation qu’a suscités cette proposition dans cette assemblée, mais également dans les territoires.
Les débats, puis le vote à l’Assemblée nationale ont marqué une première étape importante dans l’élaboration de ce projet qui a su dépasser les clivages politiques, puisqu’il a été voté à l’unanimité. Je souhaite bien sûr que cette dynamique se poursuive.
À l’heure où nous parlons, nous comptons environ 2,5 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B ou C depuis au moins douze mois. Cela représente 44 % des inscrits. Cette situation n’est pas propre à notre pays ; c’est un mal européen. Entre 2007 et 2014, le nombre de demandeurs d’emploi concernés a doublé au sein de l’Union européenne.
Considérant qu’il y a urgence à réagir à ce problème, le Conseil de l’Union européenne a d’ailleurs adopté, le 7 décembre dernier, une recommandation sur l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail, visant à établir un cadre approprié pour soutenir les actions des pays membres sur le modèle de la garantie européenne sur la jeunesse.
Je le disais, des dizaines de milliers de demandeurs d’emploi ne demandent qu’une chose : pouvoir se rendre utile – utile à la société – par le travail.
Cette loi, j’en suis convaincue, participera de cette bataille nécessaire contre le chômage et produira des effets durables sur le terrain.
L’expérimentation se concentre sur dix territoires de petite taille, pour un nombre limité de bénéficiaires que je souhaite porter à 2 000.
Pour se donner les moyens de réussir cette expérimentation, il nous faut savoir commencer petit, quitte à contenir des élans, pour, ensuite, pouvoir généraliser cette initiative, sur la base d’un partenariat territorial qui aura fait ses preuves.
Il s’agit non pas de réduire l’ambition de la démarche, mais de la rendre contrôlable : elle doit nous permettre d’analyser méthodiquement les réalisations qu’elle aura induites et les effets produits. À ce titre, un cahier des charges sera élaboré par le fonds d’expérimentation, sur la base duquel seront sélectionnés les territoires expérimentateurs.
Je souhaite que la procédure la plus juste et la plus équitable possible soit mise en place pour identifier les territoires qui seront retenus.
Je m’y engage également, nous accompagnerons les acteurs locaux dans la mise en place de ce projet. Concernant le financement, nous l’assumerons : cette expérimentation doit être à coût maîtrisé pour la collectivité, et doit donc bénéficier de l’apport financier d’une diversité de partenaires.
Le rôle de tous les niveaux de collectivités ou des établissements publics de coopération intercommunale sera, lui aussi, déterminant.
D’ailleurs, je souhaite que cet engagement explicite soit une condition qui s’impose à chaque territoire pour intégrer l’expérimentation. À ce titre, je précise que, la première année de l’expérimentation, l’État pourra consentir un effort financier exceptionnel pour mieux accompagner la mise en place de ce projet, et, au-delà, la participation de l’État sera équivalente au coût d’un contrat initiative emploi, ou CIE.
Nos échanges d’aujourd’hui doivent être guidés par le souci de réussite, demain, de la mise en œuvre de l’expérimentation. Pour ce faire, nous devrons lever toute ambiguïté sur le public cible, le statut des bénéficiaires et les modalités de leur accompagnement.
Le service public de l’emploi, notamment, prendra toute sa part et aidera les personnes qui le veulent à sortir du dispositif pour trouver un autre emploi. Nous devrons sécuriser les droits et les devoirs des différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des financeurs, des entreprises conventionnées ou des bénéficiaires.
Nous devons nous attacher à définir ensemble une gouvernance simple et efficace du fonds. Comme le propose Mme le rapporteur, nous devrons aussi réfléchir ensemble à la question de l’évaluation. Celle-ci ne sera possible que dans la mesure où les objectifs de l’expérimentation sont dès à présent clairement exprimés : tel est l’objet de l’article 1
Sur ces bases, nous demanderons notamment que soit évalué, en toute rigueur et par un organisme indépendant, dans quelle mesure les demandeurs d’emploi de longue durée trouvent dans l’accès au contrat à durée indéterminée, et par des activités d’utilité sociale, la voie d’une insertion sociale et professionnelle durable. De plus, nous voulons savoir dans quelle mesure l’accès à l’emploi se réalise effectivement à coût constant ou inférieur et, bien sûr, nous voulons connaître les facteurs de réussite ou les freins à lever pour plus d’efficacité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je salue encore une fois l’initiative et le désir d’innovation porté par cette proposition de loi. Je remercie les parlementaires, auteurs de cette proposition de loi, ainsi que Mme le rapporteur, qui s’est appliquée à rendre le texte plus clair encore. J’invite la représentation nationale à se mobiliser fortement pour soutenir ce projet.
Notre objectif, que je sais partagé sur l’ensemble des travées de cette assemblée, est de faire baisser le chômage de longue durée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une responsabilité collective face au défi de l’emploi, parce que nous n’avons pas le droit de décevoir et que nous devons réveiller l’espoir. J’en suis convaincue, nous pourrons y parvenir. Nous le devons aux Françaises et aux Français.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays livre depuis maintenant quarante ans une bataille pour l’emploi, dont le déclenchement remonte aux deux chocs pétroliers qui ont remis en cause le modèle de croissance bâti durant les Trente Glorieuses.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Confrontés à une aggravation constante de la situation et à une conjoncture économique dégradée, les gouvernements successifs ont dû gérer l’urgence et développer un traitement social du chômage qui préserve de moins en moins les demandeurs d’emploi, notamment les chômeurs de longue durée, de la grande précarité et de l’exclusion, et montre ses limites quand il s’agit d’assurer leur réinsertion professionnelle.
La crise économique mondiale, à partir de 2008, puis les incertitudes qui ont plané sur la soutenabilité des dettes souveraines européennes, ont fait augmenter durablement le nombre de chômeurs dans notre pays. Plus encore, c’est l’effectif des personnes sans emploi depuis plus d’un an, dont l’employabilité a diminué tout autant que les chances de retrouver un emploi stable, qui a connu la plus forte hausse : entre 2008 et 2015, le nombre a bondi de 147 %.
Face à ce fléau, il serait illusoire de croire à l’existence d’une seule et unique solution miracle. Bien entendu, la réponse est multiple, comme l’illustre l’action du Gouvernement depuis 2012. Elle passe par une meilleure formation initiale et continue, à l’instar du plan de 500 000 formations supplémentaires dédiées aux chômeurs qui vient d’être annoncé par le Président de la République ; par un renforcement de la compétitivité des entreprises grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE ; par un soutien à l’embauche dans les PME, ou encore par la prochaine refonte du code du travail, afin de donner davantage de place aux accords d’entreprise et de branche sans remettre en cause les droits des salariés.
Dans ce combat pour l’emploi, il ne faut écarter par principe aucun dispositif innovant. En la matière, l’imagination ne doit pas être bridée, et les expériences méritent d’être tentées.
Telle est la philosophie des initiateurs du présent texte, qui s’attaque au chômage de longue durée, celui qui touche surtout les publics les plus fragiles et met en péril la cohésion sociale dans notre pays.
Je souhaite rendre hommage aux associations qui ont inspiré ce projet, plus spécialement à ATD Quart Monde, dont des représentants sont présents ce soir dans les tribunes du Sénat, ainsi qu’à notre collègue député Laurent Grandguillaume, qui s’est fortement investi dans l’élaboration de cette proposition de loi et l’a beaucoup enrichie, en tant que rapporteur, lors de son examen par l’Assemblée nationale.
Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu du dispositif, que la commission a adopté sans modification le 16 décembre dernier.
Je rappellerai simplement qu’il autorise, sur des territoires d’expérimentation définis et restreints, des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en contrat à durée indéterminée, ou CDI, des demandeurs d’emploi de longue durée, qui seront rémunérés au moins au SMIC pour effectuer des prestations répondant à des besoins économiques et sociaux non satisfaits localement. L’objectif est de les rendre solvables grâce à une réallocation, totale ou partielle, des dépenses publiques d’indemnisation ou de solidarité dont auraient bénéficié les personnes ainsi recrutées.
Cette proposition de loi est à la fois modeste et ambitieuse. Modeste, car il ne s’agit à ce stade que d’un dispositif expérimental, pour une durée maximale de cinq ans et limité à dix territoires volontaires. Ambitieuse, car elle pourrait entraîner à terme un changement de paradigme de la politique de l’emploi, en donnant la priorité à l’activation des dépenses dites « passives » liées au chômage.
De surcroît, il faut se réjouir du fait que le texte dont nous débattons aujourd’hui ait pu être enrichi grâce aux avis sollicités par l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Ce dernier a confié à l’Agence nouvelle des solidarités actives, l’ANSA, la réalisation d’une étude de faisabilité du projet. Le président de l’Assemblée nationale a, quant à lui, saisi le Conseil d’État, dont les remarques ont permis d’améliorer la sécurité juridique du dispositif, ainsi que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dont l’avis met l’accent sur les conditions de réussite de l’expérimentation – un avis adopté à l’unanimité, moins une abstention, un fait suffisamment rare pour être noté.
Par ailleurs, il est heureux de constater que le présent texte promeut non pas un mécanisme conçu et piloté par l’administration centrale, mais un projet pensé, partagé et porté par et dans les territoires.
Les amendements que j’ai déposés dès la semaine dernière sur ce texte, cosignés ensuite par mes collègues membres du groupe socialiste et républicain, tendent à s’inscrire dans la lignée des pistes de réflexion que j’avais identifiées dans mon rapport. Les dispositions prévues répondent également aux remarques formulées par plusieurs collègues en commission, où ce texte a fait l’objet d’un débat très riche et très ouvert.
Certains de ces amendements visent à assurer des coordinations et clarifications juridiques, tandis que d’autres ont pour objet d’apporter des modifications plus substantielles au texte initial.
En premier lieu, il m’a semblé utile de ne pas limiter le bénéfice de l’expérimentation aux personnes ayant subi un licenciement, autrement dit aux personnes « involontairement privées d’emploi », pour reprendre les termes juridiques adaptés. Il convient de l’élargir à toutes les personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, inscrites à Pôle emploi, quel que soit le motif de rupture de leur précédent contrat de travail. Ainsi, les personnes ayant démissionné de leur emploi ou celles qui ont conclu une rupture conventionnelle ne seront plus exclues de l’expérimentation, et ce dans le souci de ne pas complexifier le dispositif et de le laisser le plus ouvert possible.
En deuxième lieu, j’ai souhaité renforcer le volet relatif à l’accompagnement des salariés de l’entreprise conventionnée. Certes, ces personnes sont en général moins éloignées de l’emploi que celles qui travaillent, par exemple, dans les structures d’insertion par l’activité économique. Il n’en demeure pas moins que des actions d’accompagnement spécifiques sont nécessaires, comme l’ont souligné de concert l’ANSA et le CESE, afin, notamment, d’inciter et d’aider les salariés à travailler, ensuite, dans des structures non couvertes par l’expérimentation.
C’est pourquoi nous souhaitons que le comité local, pivot du dispositif, soit chargé de déterminer les modalités d’accompagnement de tous les salariés de l’entreprise conventionnée. Bien entendu, cette structure agira en lien étroit avec les acteurs du service public de l’emploi comme Pôle emploi, les missions locales pour les jeunes et Cap emploi, pour les personnes handicapées, notamment.
En troisième lieu, il m’est apparu indispensable de bien distinguer, d’une part, le bilan de l’expérimentation, essentiellement de nature comptable et financière, qui peut et doit même être réalisé par le fonds, et, de l’autre, l’évaluation de celle-ci, fondée sur une analyse économétrique, qui doit être menée par un comité scientifique indépendant, à l’instar de ce qui a été prévu et mis en œuvre avec succès pour l’expérimentation de la Garantie jeunes.
En effet, chacun en conviendra, le fonds ne doit pas être juge et partie en matière d’évaluation ; il n’en aurait d’ailleurs pas les compétences. Cette distinction est fondamentale, car c’est à l’aune de cette évaluation que l’expérimentation débouchera ou non sur un dispositif pérenne, que nous appelons tous, bien entendu, de nos vœux.
En quatrième et dernier lieu, je souhaite clarifier les règles liées à la prise en charge de l’indemnité de licenciement en cas d’arrêt prématuré de l’expérimentation décidée par le fonds.
C’est dans ce cas de figure uniquement que le présent texte présume l’existence d’un motif économique au licenciement, et oblige le fonds à participer au paiement de l’indemnité de licenciement. Dans tous les autres cas, si l’entreprise souhaite se séparer de l’un de ses salariés pour un motif personnel ou économique, ce sont bien les règles de droit commun du code du travail qui s’imposent à elle.
(Mme Annie David acquiesce.)
Notre débat de ce soir permettra, je l’espère, de clarifier certains de ces points et de dissiper les dernières craintes.
Très bien !
Mme Annie David.
La question du financement de l’expérimentation est bien évidemment centrale, certains de nos collègues craignant des conséquences néfastes pour les finances locales.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Je rappelle que la philosophie de l’expérimentation est de réorienter des dépenses existantes liées au chômage de longue durée, en principe à budget constant. Au demeurant, le périmètre géographique de l’expérimentation est très restreint, et cette dernière est portée par des territoires qui sont d’ores et déjà volontaires : cinq d’entre eux se sont lancés sans attendre le vote de la loi. Cela étant, je ne préjuge pas de leur sélection dans le dispositif final, qui dépendra de l’arrêté de Mme la ministre du travail, faisant suite à la création du fonds.
Madame la ministre, vous avez pris l’engagement devant l’Assemblée nationale de consentir un effort exceptionnel de l’État pour amorcer et soutenir l’expérimentation, un engagement que vous venez de renouveler devant la Haute Assemblée. Sur la base du volontariat, les collectivités territoriales devront néanmoins, dès son lancement, confirmer leur engagement à cofinancer le projet, afin de garantir sa pérennité. Le sens de l’expérimentation est de mobiliser tous les acteurs locaux : l’État doit jouer pleinement son rôle, sans se substituer néanmoins aux collectivités territoriales volontaires.
De plus, l’articulation entre cette expérimentation et les structures d’insertion par l’activité économique semble désormais satisfaisante. Celles-ci gardent, bien entendu, toute leur utilité et toute leur place ; des entreprises d’insertion pourront même dans certains territoires être conventionnées par le fonds.
Enfin, il me semble pertinent et raisonnable de limiter le champ de l’expérimentation, du moins dans sa première phase, aux seules entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont la définition a été clarifiée par la loi du 31 juillet 2014. Ce sont elles qui connaissent le mieux les publics et les problématiques concernés, et qui pourront être rapidement mobilisées pour assurer le succès de l’expérimentation dans les territoires. Par la suite, si l’expérimentation se révèle concluante, ce que nous souhaitons, il est tout à fait envisageable d’étendre ce projet à toutes les entreprises, quel que soit leur mode de gestion.
En conclusion, je forme le vœu que cette proposition de loi, assortie des amendements sur lesquels la commission a émis un avis favorable, puisse être adoptée à l’unanimité ce soir par le Sénat. Ce texte est attendu par l’ensemble des partenaires des premières expérimentations.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mmes Élisabeth Doineau et Anne-Catherine Loisier applaudissent également.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a le mérite d’apporter une certaine fraîcheur au débat public sur la question du chômage qui est depuis trop longtemps sclérosé.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, vous l’avez affirmé à juste titre : nous n’avons pas tout essayé !
Loin de restreindre ces enjeux à la seule question de la compétitivité des entreprises ou de la prétendue rigidité du code du travail, la présente proposition de loi prévoit de partir du concret, de la base, à savoir les territoires.
Ce texte se fonde sur un triple constat.
Tout d’abord, il est le fruit de la réflexion d’acteurs mobilisés sur le terrain, comme ATD Quart Monde, qui ont depuis longtemps compris que les chômeurs ont envie de travailler, qu’ils ne sont pas des assistés satisfaits de leur inactivité et qu’ils ne demandent qu’à mettre leurs compétences au service de la société.
Ensuite, il s’appuie sur le fait que beaucoup de travail utile à la société n’est pas réalisé, qu’il s’agisse des actions culturelles, assurant du lien social, des services à la personne ou de l’amélioration du cadre de vie ; les territoires et leurs habitants ont besoin d’activités qui, faute d’être suffisamment rentables, ne sont pas effectuées.
Enfin, la privation de travail d’une partie de plus en plus importante de la population active coûte très cher à la société, bien plus que les simples allocations versées. Ainsi, ATD Quart Monde estime qu’un chômeur de longue durée représente 15 000 à 17 000 euros de dépenses, chaque année, pour la collectivité. C’est un manque de recettes en termes d’impôts ou de cotisations sociales, mais c’est aussi un sinistre humain et social, dont la réparation sera très coûteuse : précieux savoir-faire perdus, déconsidération, liens rompus, couples fragilisés, santé précarisée, décrochage scolaire des enfants.
Partant de cette analyse, le député Laurent Grandguillaume, avec le soutien d’ATD Quart Monde, propose au travers de ce texte une expérimentation qui apporte des réponses concrètes.
Le dispositif proposé est simple : il suffit de réunir toutes les allocations et dépenses de l’État, des collectivités et de Pôle emploi à destination des chômeurs longue durée involontairement privés d’emploi dans un fonds unique. Ce fonds utilisera ces crédits pour créer des CDI à destination de ces personnes, au sein de structures de l’économie sociale et solidaire conventionnées, afin de répondre à des besoins locaux préalablement identifiés.
Cette proposition de loi est bénéfique à trois niveaux.
Premièrement, elle est bénéfique aux chômeurs de longue durée. Elle leur permettra de retrouver un vrai emploi et des perspectives, de mobiliser leurs compétences et d’en apprendre de nouvelles. Le fait que le contrat retenu soit le CDI est positif, car il s’agit d’un vecteur de stabilité pour des travailleurs habitués jusqu’alors à cumuler des petits boulots précaires.
Deuxièmement, elle est bénéfique aux territoires. L’identification de leurs besoins et l’utilisation de structures de l’économie sociale et solidaire vont leur permettre de satisfaire les besoins de leurs populations et d’aider à leur développement.
Troisièmement, cette proposition est bénéfique à la société tout entière. Elle permet de transformer des dépenses passives en investissements utiles, tout en diminuant les dépenses indirectes liées à la précarité.
J’ajoute, même si tel n’est pas son objet principal, que ce texte permet de pointer les insuffisances du secteur privé dès lors qu’il s’agit de satisfaire certains besoins sociaux de la collectivité. En effet, le marché privé concurrentiel délaisse des pans entiers d’activités dont la valeur lucrative est jugée insuffisante, alors même qu’ils sont créateurs de valeur d’usage. En mettant en avant les structures de l’économie sociale et solidaire, ce texte démontre toute l’importance qu’elles ont dans notre société.
En ce qui concerne la mise en œuvre, ce texte retient une bonne méthode, à savoir l’expérimentation. Les territoires qui se porteront volontaires permettront d’accumuler suffisamment d’expérience, en vue de songer, ensuite, à une généralisation du dispositif. Du reste, Mme la ministre l’a rappelé, une évaluation intermédiaire est prévue, à dix-huit mois de la fin de l’expérimentation, pour analyser véritablement les impacts en termes d’emploi.
Certes, seuls 2 000 chômeurs de longue durée seront concernés, mais il faut bien commencer, et l’échelle d’expérimentation retenue nous semble pertinente.
Concernant les publics cibles, nous soutiendrons l’amendement de Mme la rapporteur visant à inclure les personnes ayant signé une rupture conventionnelle dans la liste des bénéficiaires potentiels. Nous le savons, les ruptures conventionnelles sont souvent des licenciements déguisés. Il serait injuste de considérer que tous les salariés y ayant eu recours ont quitté leur précédent poste le cœur gai et volontairement.
En conclusion, les membres du groupe écologiste soutiendront avec enthousiasme cette proposition de loi novatrice et bénéfique pour toute la collectivité. Redonner une chance de travailler aux exclus, dynamiser des territoires en créant de nouveaux services et réduire le coût de la précarité pour la collectivité : les objectifs et la méthode de cette proposition de loi sont louables et même exemplaires. Voilà pourquoi nous voterons ce texte.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je vous présente tous mes vœux pour cette nouvelle année, que je souhaite plus sereine et fertile au développement de l’emploi.
Mme Hermeline Malherbe.
Je me réjouis de prendre part aujourd’hui à l’examen d’une proposition de loi visant à résorber le chômage de longue durée dans nos territoires. Ce texte tend à faciliter l’embauche en contrat à durée indéterminée par des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire de personnes durablement éloignées du marché du travail.
Ces emplois
À titre liminaire, permettez-moi de dire qu’il me semble bienvenu d’avoir modifié l’intitulé de cette proposition de loi, qui, à l’origine, évoquait des « territoires zéro chômage de longue durée », puis une « expérimentation visant à faire disparaître ce chômage de longue durée ». Si ces objectifs sont louables, nous devons, selon moi, être attentifs aux mots que nous choisissons afin de ne pas créer inutilement chez nos concitoyens de la frustration et de l’insatisfaction. Je salue donc le consensus trouvé en commission des affaires sociales autour de l’intitulé « expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée ».
Certains se demandent si ce texte marque le retour, sous une nouvelle forme, de l’emploi aidé. Non, ce n’est pas le cas ! Le financement recherché est innovant, car il s’appuie sur la réallocation de dépenses d’intervention supportées par l’État, les collectivités, notamment les conseils départementaux, et les partenaires sociaux. En outre, l’aide versée par le fonds d’expérimentation aux entreprises n’a pas de caractère définitif. On parle à juste titre de « fonds d’amorçage » : cette aide vise à permettre l’émergence de nouvelles activités portées par le secteur privé de l’économie sociale et solidaire, qui devront, à l’issue de cette période d’amorçage, être financées dans les seules conditions du marché.
Il s’agit donc d’offrir aux entreprises la possibilité de se positionner sur de nouveaux marchés. Ce type d’initiative fonctionne, j’ai pu l’éprouver dans mon territoire avec l’association Bois Énergie 66, qui a développé une activité de conseil aux structures souhaitant s’équiper d’une chaufferie à bois – une énergie renouvelable –, laquelle a démarré grâce à une aide du conseil général de l’époque, dirigé par Christian Bourquin. Cette amorce a permis de développer la filière, qui n’a plus besoin, aujourd’hui, de financement de la collectivité. Je suis donc convaincue que ce type d’initiative permettra à des chômeurs de longue durée de bénéficier des potentialités offertes par ces nouveaux emplois.
Pour revenir plus en détail au texte de la proposition de loi, je me félicite d’abord de la méthode employée.
L’initiative est portée par l’association ATD Quart Monde. J’aime l’idée que les décisions émanent des acteurs du territoire, quotidiennement confrontés aux dures réalités du contexte socio-économique actuel, qu’ils soient issus du monde associatif, élus ou chefs d’entreprise.
En juin dernier, j’ai organisé dans mon département une grande conférence sur l’emploi et le développement économique, réunissant tous les acteurs économiques locaux, afin de les mobiliser, de les fédérer et de réfléchir à de nouvelles solutions pour les emplois locaux. Cette proposition de loi s’inscrit dans le même esprit. Elle requiert un large consensus, par-delà les clivages politiques, afin de faire la démonstration que la diminution drastique du chômage de longue durée est un objectif commun.
Les modifications les plus importantes me semblent avoir été réalisées en commission des affaires sociales, même si des améliorations peuvent encore être apportées au texte. J’aurais notamment souhaité revenir sur le nombre de collectivités territoriales pouvant bénéficier de cette expérimentation. Las, mes deux amendements en ce sens ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en ai été très surprise, dans la mesure où ils ne nécessitaient pas de réajuster le budget global prévu dans le texte.
Malgré le nombre limité de bénéficiaires, je forme le vœu que la candidature de qualité, dans mon département des Pyrénées-Orientales, de la communauté de communes Albères-Côte Vermeille, présidée par mon ami député Pierre Aylagas, reçoive toute l’attention de ceux qui évalueront les possibilités de mise en œuvre du dispositif. Cela redonnerait de l’espoir aux 2 000 chômeurs de longue durée que compte ce territoire.
En conclusion, mes chers collègues, j’espère que nos débats en séance se poursuivront sur la voie du consensus dessinée en commission des affaires sociales, afin que cette proposition de loi soit rapidement adoptée et mise en œuvre.
L’ensemble du groupe du RDSE soutient cette proposition de loi, dont l’adoption s’inscrirait dans la dynamique initiée en ce début d’année par le Président de la République et son gouvernement, qui présenteront lundi 18 janvier un plan d’urgence pour l’emploi.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
La parole est à M. Alain Milon.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a presque un an, le 9 février 2015, le ministre du travail et de l’emploi de l’époque, François Rebsamen, présentait une liste de vingt mesures destinées à lutter contre le chômage de longue durée. Pourtant, avec plus de 2 447 000 personnes inscrites en novembre dernier, le chômage de longue durée a augmenté de 9,7 % en un an, touchant 215 900 personnes supplémentaires. Sa progression est plus rapide que celle de la moyenne générale du chômage. Plus inquiétant encore, dans la mesure où les chances de retrouver un emploi se réduisent avec le temps, 705 000 demandeurs d’emploi restent bloqués sur les listes de Pôle emploi depuis plus de trois ans. Cette courbe du chômage de longue durée n’a montré aucun signe de faiblesse depuis quatre ans.
M. Alain Milon.
Au début de l’année 2015, les propositions présentées visaient à « préparer le plus possible les chômeurs de longue durée à être prêts lors de la reprise de l’emploi ». Il s’agissait alors de faire bénéficier 460 000 d’entre eux d’un renforcement du suivi intensif par Pôle emploi d’ici à 2017, de leur accorder un droit réel à la formation qualifiante gratuite – ce qui rejoint les dernières déclarations gouvernementales dont il faut espérer qu’elles ne visent pas simplement à faire baisser les statistiques du chômage... – ou de lutter contre ce qu’on appelle « les freins périphériques à l’emploi » en développant par exemple l’ouverture des crèches aux chômeurs le temps d’un entretien d’embauche, la possibilité de recourir à la garantie de loyers ou à un bilan de santé, etc. Il s’agissait donc surtout de mesures sociales, qui sont sans doute loin d’être inutiles, mais qui peuvent apparaître dérisoires au vu de la gravité de la situation.
Notre groupe ne cesse de répéter qu’une politique efficace de lutte contre le chômage de longue durée passe d’abord par des politiques macroéconomiques favorisant la croissance et l’emploi. Ce sont des réformes de fond qui manquent à notre pays. Leur absence maintient nombre de nos concitoyens dans la précarité, alors que certains de nos voisins connaissent un redressement de leur économie.
En France, 43,2 % des inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C sont chômeurs de longue durée. Il faut donc intégrer l’expérimentation dont nous parlons aujourd’hui dans ce contexte. Toutefois, affirmer que celle-ci, qui repose sur une analyse d’éventuels besoins locaux dans le seul secteur de l’économie sociale et solidaire, vise à supprimer le chômage de longue durée est pour le moins « exagéré », comme l’indique avec plus de diplomatie que moi notre rapporteur dans un amendement.
Cette expérimentation présente l’intérêt de s’appuyer sur les territoires pour réinsérer des chômeurs de longue durée. Si quelques postes leur permettent de renouer avec une activité, ce dispositif aura rempli sa mission sociale. Si certains débouchent sur un emploi stable, ce qui nous semble bien aléatoire, ce sera encore mieux !
Tout cela ne nous semble pourtant pas très novateur et rappelle singulièrement les contrats aidés créés dans le secteur non marchand, plus particulièrement les contrats TUC, ou travaux d’utilité collective, mis en place par le ministre Laurent Fabius – c’était en 1984 ! – et qui n’ont malheureusement pas réglé le problème du chômage des jeunes. La nouveauté de cette expérimentation réside dans le mode de financement retenu, qui repose sur la redistribution des allocations auxquelles auraient eu droit les demandeurs d’emploi s’ils n’avaient pas participé au projet. Elle se ferait donc à « budgets constants ». J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail de l’association ATD Quart Monde, qui a mis en lumière le fait que les dépenses publiques liées au chômage peuvent être mieux employées en offrant des services socialement utiles.
Au-delà de la mise en œuvre de ce principe, qui nécessite une stricte équivalence entre la baisse des dépenses et le financement du dispositif, il faudra que celui-ci réunisse de nombreuses conditions pour être efficace. Outre qu’il doit absolument reposer sur le volontariat des collectivités, qui ne sauraient se voir imposer des charges nouvelles, il devra bénéficier d’un appui financier constant de l’État. Le Conseil économique, social et environnemental a estimé dans son avis que l’expérimentation ne pourra être conduite sans un financement spécifique inscrit en loi de finances. Des amendements présentés par notre collègue Philippe Mouiller viseront à obtenir des assurances de votre part, madame la ministre.
Comme l’a relevé notre rapporteur, dont je tiens à souligner la qualité du travail et la rigueur des analyses, il faudra qu’une autorité indépendante effectue une évaluation de l’expérimentation le plus en amont possible et assure ensuite son suivi, afin, surtout, de garantir que celle-ci débouche sur une réinsertion durable.
Le dispositif devra pouvoir s’articuler avec l’activité des structures d’insertion par l’activité économique, dont la vocation naturelle vient recouper des objectifs identiques. Il devra également proposer un contenu en formation suffisamment important. Les évaluations de l’effet de ce type de mesures montrent en effet qu’elles ont un impact positif lorsqu’elles permettent d’acquérir une réelle expérience.
Ainsi précisé, le présent projet d’expérimentation aura le soutien de notre groupe, car, si nous regrettons l’absence de réforme d’ampleur, nous approuvons toute initiative rassemblant les énergies au niveau local et permettant aux chômeurs les plus en difficulté de renouer avec une vie « normale », une vie avec un emploi.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Très bien !
Mme Catherine Deroche.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un constat difficile, rappelé par chacun d’entre nous : le chômage de longue durée est, aujourd’hui encore, à un niveau très élevé – Alain Milon vient de rappeler les chiffres. En croisant ceux de l’INSEE et de Pôle emploi, on constate que 2,5 millions de personnes ne travaillent pas depuis plus de douze mois.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Au-delà des chiffres, qui sont édifiants, il faut bien avoir à l’esprit la situation de ces personnes. Éloignées depuis de longs mois d’un emploi, elles se sentent déclassées, inutiles voire exclues. Elles voient arriver la fin de leurs droits et s’isolent chaque jour un peu plus. Nous ne pouvons rester insensibles et surtout inactifs face à cette situation.
Depuis trente ans, des initiatives nombreuses ont été prises par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ainsi que par les parlementaires. Or nous sommes obligés de constater que ces différentes politiques se sont soldées par des échecs et que le nombre de chômeurs est toujours à un niveau très élevé et ne cesse de croître.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est donc intéressante à plusieurs égards pour réduire, à défaut de faire disparaître – ne rêvons pas, malheureusement ! –, le chômage de longue durée.
Cette proposition de loi est d’abord intéressante par son origine, puisqu’elle repose sur une initiative portée par l’association ATD Quart Monde, que nous sommes nombreux ici à connaître et dont nous saluons l’action de terrain en faveur des personnes démunies, en détresse sociale. Elle est par ailleurs soutenue par d’autres associations reconnues, tels Emmaüs ou le Secours catholique. Ce texte ambitionne d’associer les acteurs locaux de l’emploi – les associations, l’État, les collectivités locales et bien sûr les entreprises –, et c’est là son originalité. Cette association est essentielle au bon fonctionnement du dispositif, car l’ensemble des acteurs doivent se sentir concernés.
Cette proposition de loi est ensuite intéressante par son fonctionnement. La question de l’activation des dépenses sociales liées au chômage est en effet fondamentale, surtout s’agissant des chômeurs de longue durée. Le texte conduirait ainsi à réallouer les dépenses publiques dont ils bénéficient, comme l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’allocation de solidarité spécifique ou le revenu de solidarité active, aux entreprises qui les recruteraient. Une partie de la rémunération d’un CDI serait ainsi prise en charge, facilitant le recrutement des bénéficiaires.
Cette proposition de loi est également intéressante par son caractère expérimental. L’un des maux français étant de vouloir légiférer sur tout, et surtout trop vite, l’expérimentation a ceci de précieux qu’elle permet de tester un dispositif avant de le généraliser. Il y aura nécessairement des évolutions, des réajustements pour assurer éventuellement une généralisation pérenne du dispositif. Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de le consolider dès maintenant.
Pour que cette expérimentation soit significative, il nous semble nécessaire d’aller plus loin. En effet, la proposition de loi ne concerne que dix territoires – cela nous paraît un peu court comme échantillon – et ne vise que les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Dans le cas des chômeurs de longue durée, pour les raisons que j’évoquais à l’instant, on peut aisément comprendre ce choix. Ces entreprises connaissent particulièrement bien ce public et sauront lui assurer un retour adapté à l’emploi. Mais ne peut-on envisager d’élargir ce dispositif aux entreprises du secteur marchand ? Certaines pourraient être intéressées par ce projet, notamment celles pour lesquelles la qualification du chômeur compte moins que sa motivation.
J’ai longuement échangé avec le président du Mouvement des entrepreneurs sociaux, lui-même directeur d’un groupe qui emploie aujourd’hui 2 500 personnes dans quatorze sociétés sociales et solidaires. Il est tout à fait convaincu du bien-fondé de cette proposition de loi. Il se déclare même prêt à la mettre en œuvre dans son entreprise, mais il considère que le secteur de l’économie sociale et solidaire ne doit pas être la seule porte d’entrée dans l’emploi des chômeurs de longue durée.
Je souscris pleinement à sa position – je l’ai évoquée devant des chefs d’entreprise, qui se déclarent intéressés –, et je la compléterai même en y ajoutant ma crainte que cette ouverture à la seule économie sociale et solidaire ne conduise à une distorsion de concurrence – cela peut paraître paradoxal – avec le secteur marchand, même si les députés ont complété l’article 1
Par ailleurs, je crois que la durée de cinq ans prévue pour cette expérimentation est trop longue. Le bilan qui serait effectué dix-huit mois avant son terme donne un peu le sentiment d’une dilution du projet dans le temps, qui pourrait trahir un manque de motivation. Nous pensons que trois années peuvent suffire à déterminer si le dispositif est viable socialement et économiquement, avec la publication d’un bilan douze mois avant l’échéance.
Madame la ministre, je crois que cette expérimentation est une initiative qu’il faut accompagner. Elle a le mérite d’être le fruit de réflexions de terrain visant à chercher des solutions adaptées à une difficulté bien particulière et socialement désastreuse que nous tous ici connaissons bien. J’espère que vous saurez entendre nos suggestions tirées de notre expérience.
Pour être tout à fait franc et clair, je précise que certains membres du groupe UDI-UC ont émis des réserves vis-à-vis de ce texte et ne le voteront pas. De manière plus générale, ils regrettent le manque d’ambition des réformes visant à lutter contre le chômage.
Alors qu’est régulièrement affichée par le Gouvernement la volonté de simplifier les règles applicables au monde du travail, les politiques proposées ne nous semblent pas toujours être à la hauteur de l’enjeu. La question du chômage ne trouvera en effet de réponse pérenne que par la croissance de l’activité économique et la conquête de nouveaux marchés. Cela passe par la réforme du marché du travail, par l’investissement productif. Dans ce domaine, le rendez-vous du printemps, que nous attendons tous, sera certainement déterminant.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Annie David.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vais moi aussi citer des chiffres, mais n’oublions pas que, derrière ces chiffres que chacune et chacun a énoncés, nous parlons de femmes et d’hommes.
Mme Annie David.
À la fin du mois d’octobre 2015, la France comptait 5,7 millions de salariés privés d’emploi. Parmi ces femmes et ces hommes, le nombre de chômeurs de longue durée est de plus en plus important : en quinze ans, leur part est passée de 34 % à 43 % de l’ensemble des chômeurs. Selon l’INSEE, leur nombre s’est accru de 56 % entre 2008 et 2013, alors que le chômage augmentait globalement de 43 %.
Face à cette réalité, force est de constater l’impuissance des gouvernements successifs à trouver des moyens efficaces de lutte contre le chômage. Ainsi, la flexibilité accrue ou les exonérations accordées aux entreprises, mesures privilégiées ces dernières années, n’ont pas conduit à une baisse du taux de chômage ni empêché les plans de licenciement, même dans les entreprises qui font des bénéfices !
Au groupe communiste, républicain et citoyen, nous proposons depuis plusieurs années un tout autre projet pour lutter contre le chômage – je n’ai malheureusement pas le temps de le développer ce soir –, qui s’accompagne de la fin de la politique d’austérité menée depuis bien trop longtemps maintenant et qui permettrait de remplir les carnets de commandes et, ainsi, de favoriser l’emploi. Car c’est bien le secteur marchand qui doit être créateur d’emploi !
Compte tenu du constat que je viens de faire et nonobstant les préconisations que nous portons pour lutter efficacement contre le chômage, nous ne sommes pas insensibles à cette proposition de loi, qui permet d’ouvrir des « possibles ». Sous forme d’expérimentation, le dispositif proposé sort du cadre habituel ; en cela, on peut y voir la « plume » d’associations qui ont largement contribué à son écriture, et je les salue : ATD Quart Monde, Emmaüs, le Secours catholique ou encore la FNARS. Il s’agit en quelque sorte d’une coconstruction qui part du terrain pour arriver au Parlement, qui, je l’espère, enrichira encore le contenu du texte.
Aucune solution ne doit être négligée, d’autant moins quand il s’agit de s’attaquer au fléau du chômage de longue durée. En effet, pour les personnes concernées, il signifie la remise en cause des liens sociaux et familiaux, de la confiance en soi, il conduit à une sorte de résignation et s’associe parfois, et même souvent, à la précarité, qui rime, nous le savons bien, avec pauvreté. Aussi, nous ne pouvons envisager un « mieux vivre ensemble » en « laissant sur le carreau » des milliers de nos concitoyennes et concitoyens.
Cette proposition de loi permettra d’« essayer » une nouvelle option sans remettre en cause les dispositifs déjà mis en œuvre dans nos territoires. Elle permettra également d’apporter des réponses à des besoins sociaux qui s’expriment dans nos territoires, qui correspondent à des emplois non solvables et pour lesquels aucune entreprise du secteur marchand ne veut ou ne peut se positionner. De plus, la mesure proposée s’appuie sur le droit commun du travail, tant du point de vue de la rémunération que du temps de travail, et le CDI est la norme.
Cette expérimentation sera dans un premier temps centrée sur dix territoires, qui seront tous volontaires, et sera limitée dans le temps à cinq ans. Il nous semble que cela correspond à un juste équilibre. Puis, après une évaluation réalisée par un organisme indépendant – si l’amendement de Mme Emery-Dumas, que nous soutenons, est adopté –, et bien sûr si cette évaluation s’avère concluante, la mesure a vocation à être généralisée à l’ensemble du territoire national.
Bien sûr, nous sommes conscients que ce dispositif ne suffira pas à résoudre à lui seul le problème du chômage de longue durée. Mme la rapporteur nous a d’ailleurs indiqué en commission que, à terme, il pourrait concerner environ 2 500 à 3 000 personnes dans les dix territoires volontaires. Néanmoins, nous lui apporterons notre soutien, car il met en œuvre un procédé très nouveau et qui, pour une fois, ne consiste pas à donner de l’argent public aux entreprises, soit sous forme d’exonération ou d’aide directe à l’embauche. Cependant, l’aspect financier reste le point qui nous questionne le plus.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée à financer à hauteur de 10 millions d’euros ce dispositif la première année, un amorçage en quelque sorte ; mais, pour la suite, planent beaucoup d’inquiétudes, notamment parmi nos collectivités locales. Ces dernières ont bien conscience que seules celles d’entre elles qui seront volontaires seront concernées, mais, si elles s’engagent dans le dispositif pensant pouvoir y faire face et que les finances viennent à manquer, vers qui se retourneront les entreprises qui auront passé une convention avec le fonds de financement ?
À l’heure où les restrictions budgétaires s’abattent sur les collectivités locales, beaucoup d’élus s’interrogent. Peut-être pourrez-vous nous rassurer pendant le débat. Ce serait un bon signal envoyé à tous les acteurs du secteur de l’insertion sociale. Cela répondrait aussi à certaines des préconisations du CESE, qui demande justement des précisions sur les modalités de financement de l’expérimentation, avec notamment l’inscription de crédits spécifiques dans la loi de finances.
Je souhaite maintenant aborder nos travaux en commission et souligner ici le travail de très grande qualité de notre rapporteur. Mme Emery-Dumas a su présenter non seulement les avantages de ce texte, mais aussi ses défauts, dont elle a réussi à corriger une grande partie, en dehors du financement – l’article 40 ne lui en a pas laissé la possibilité... Cela nous a donc permis de retirer certains de nos amendements pour nous associer aux siens. Nos échanges en commission nous ont également permis d’en modifier d’autres. Je pense notamment à celui qui tend à élargir à tous les demandeurs d’emploi de longue durée présents sur le territoire concerné depuis plus de six mois le bénéfice du dispositif ; quand on sait qu’en 2014 le nombre de ruptures conventionnelles s’est établi à 333 000, soit 19 000 de plus qu’en 2013, il nous semble pertinent d’apporter cette modification.
De la même manière, la proposition de confier l’évaluation à un organisme indépendant, conformément à une autre recommandation du CESE, va dans le bon sens. En effet, la réussite de l’expérimentation dépendra pour une large part de l’évaluation du dispositif, de ses points faibles et de ses points forts, qui ouvrira la voie à une éventuelle généralisation.
Nous présenterons des propositions pour renforcer l’efficacité de ce texte et pour assurer la réussite du dispositif, notamment en matière de formation professionnelle. De même, nous défendrons un amendement visant à garantir une mise en œuvre du dispositif respectueuse de la parité entre les femmes et les hommes. Enfin, nous proposerons, suivant une préconisation du CESE, de revenir sur la disposition, contraire au droit du travail, aux termes de laquelle la rémunération des contrats s’appuie sur le niveau du SMIC.
Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi donne corps à une idée novatrice en matière de lutte contre le chômage d’une durée supérieure à un an, un mal qui concerne 3 millions de salariés dans notre pays. Il est nécessaire que le dispositif qu’elle instaure soit expérimenté dans de bonnes conditions. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain, et citoyen la voteront, à condition qu’elle ne subisse pas de modifications qui leur déplaisent.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par féliciter Mme la rapporteur, au nom du groupe socialiste, pour la qualité de son travail, son implication et sa rigueur.
M. Éric Jeansannetas.
Tout le monde convient que l’augmentation du chômage,
a fortiori
Au-delà de cet objectif, je tiens à saluer la démarche adoptée, qui est en tout point innovante.
Tout d’abord, cette proposition de loi émane d’un travail de terrain, en premier lieu celui d’ATD Quart Monde, une organisation dont nous ne pouvons tous que louer le travail : depuis plus de soixante ans, elle lutte avec acharnement contre la pauvreté et toute forme d’exclusion.
Grâce à la rencontre des acteurs économiques, associatifs et politiques locaux et à une évaluation des situations au plus près, cinq territoires ont d’ores et déjà démarré l’expérience. Cinq territoires supplémentaires intégreront le dispositif lorsque, comme je l’espère, cette loi aura été promulguée. Mme la ministre a d’ailleurs annoncé à l’Assemblée nationale que les zones de revitalisation rurale et les quartiers prioritaires de la politique de la ville seraient les premiers concernés, ce dont je ne puis que me réjouir.
La loi ne pouvant préjuger de tout, je suis heureux de légiférer sur la base d’un travail de terrain. En effet, qui mieux que les acteurs locaux peut élaborer un diagnostic juste et adapté à des situations particulières ? En vérité, je pense que la mobilisation des acteurs d’un territoire est essentielle pour mener des politiques d’emploi localisées.
Je tiens, par ailleurs, à insister sur le caractère expérimental de la méthode adoptée : ce dispositif nouveau pourra et devra faire l’objet de divers ajustements ; il jouera un rôle de laboratoire social, duquel émaneront des bribes de solutions pour lutter contre le chômage de longue durée.
L’originalité de cette expérimentation tient également à ceci que l’on s’extrait de la logique de rentabilité à tout prix qui prévaut dans l’économie actuelle. L’idée de créer de l’emploi en fonction du besoin social est éminemment intéressante. De fait, là où il n’y a pas d’offres d’emploi, il y a pourtant toujours du travail : ici c’est un boulanger qui n’a personne pour livrer les personnes âgées, mais qui ne peut pas se permettre d’embaucher, là un parc naturel qui a besoin d’être préservé et entretenu.
Au stade de l’expérimentation, le choix a été fait de réserver aux seules entreprises de l’économie sociale et solidaire la possibilité d’être conventionnées. Ces entreprises embaucheront des chômeurs de longue durée, sur des emplois extrêmement variés. Les membres d’ATD Quart Monde ont constaté que les besoins les plus récurrents jusqu’ici se situent dans les services administratifs et culturels, les espaces verts et le développement durable, le tourisme, les services aux collectivités, aux personnes et aux entreprises, l’agriculture et l’élevage, la forêt, l’entretien de bâtiments, les travaux de peinture et ce qu’on appelle le gros nettoyage : autant de missions qui, aujourd’hui, ne peuvent pas être assumées, alors même qu’elles sont d’utilité publique et propres à susciter des externalités positives, en particulier de moindres dépenses de santé et un affaissement des besoins sociaux.
Le mode de financement du dispositif est en lui-même novateur : l’État et les collectivités territoriales concernées, volontaires, financeront son amorçage, après quoi le fonds sera abondé par l’ensemble des organismes publics et des collectivités territoriales qui tireront un bénéfice du retour à l’emploi des chômeurs de longue durée. Ces bénéfices, comme il a déjà été expliqué, viendront principalement du redéploiement des différentes aides sociales que percevaient les anciens demandeurs d’emploi.
Je tiens à préciser que ce dispositif n’a en aucun cas vocation à se substituer à un dispositif existant en matière de politique de l’emploi ; Mme la ministre a eu raison d’être très claire à cet égard. Les emplois créés le seront selon le régime de droit commun, en CDI, et seront rémunérés au minimum au SMIC. Ce ne seront pas de nouveaux emplois aidés, comme on le prétend ici ou là. L’expérimentation, en effet, vise à faire émerger des emplois nouveaux en les solvabilisant, au moins partiellement. Par ailleurs, l’embauche en CDI répond au besoin de stabilité qui caractérise un parcours sécurisé d’insertion.
Il faut considérer également que l’impératif de non-concurrence à un emploi existant est inscrit dans l’ADN de cette expérimentation. Les emplois créés ne le seront donc jamais au détriment d’emplois préexistants. Il n’est pas question de provoquer des effets d’aubaine ou de perturber des dispositifs d’insertion déjà en place.
Le pilotage de cette expérimentation – chose intéressante – s’articulera autour de deux niveaux : le national et le local.
Au niveau national, c’est à une association relevant de la loi de 1901, administrée par des représentants syndicaux, associatifs et parlementaires, que la gestion du fonds sera confiée. Son rôle sera de superviser le pilotage des comités locaux et d’approuver leurs modalités de fonctionnement, ainsi que leur programme d’action.
Au niveau local, des comités rassembleront tous les acteurs publics et privés : élus, entreprises, associations et citoyens. Leur mission sera d’abord de rencontrer les demandeurs d’emploi afin d’inventorier leurs compétences ; ensuite, d’identifier les potentiels économiques du territoire ; enfin, de piloter le déploiement de l’expérimentation.
Il va sans dire que cette expérimentation sera soumise à une évaluation rigoureuse ; telle est bien la volonté de Mme la rapporteur. L’article 1
Si cette expérimentation ne constitue pas une solution miracle, elle prouve que nous pouvons toujours faire plus dans la lutte contre le chômage. En renversant le paradigme d’adaptation de l’offre à la demande, elle met au jour un angle d’attaque nouveau dans le combat pour l’emploi. Sans doute, reconnaissons-le, la portée du dispositif sera d’abord modeste ; mais l’objectif est de procéder, en fonction des résultats et des aménagements qui seront opérés, à son extension, voire à sa généralisation.
Mes chers collègues, nous soutenons cette expérimentation originale et peu coûteuse et nous vous invitons tous à faire de même. Dans la lutte contre le chômage, la création d’un outil nouveau ne peut être que salutaire et, comme Mme la ministre l’a souligné, il ne faut écarter aucune piste.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Très bien !
M. Yves Daudigny.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le chômage touche 10,6 % de la population active et le nombre des chômeurs de longue durée, qui n’a cessé d’augmenter depuis 2008, atteint aujourd’hui près de 2,5 millions. Face à ces réalités, toute initiative innovante allant dans le sens d’une réduction du fléau du chômage doit être encouragée.
M. Philippe Mouiller.
La proposition de loi dont nous entamons l’examen, largement promue par l’association ATD Quart Monde, que je salue, vise à permettre à des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, conventionnées, d’employer des chômeurs de longue durée sous contrat à durée indéterminée et au niveau du SMIC, pour des emplois qui, faute d’être assez rentables, ne sont pas créés par le secteur marchand, alors qu’ils répondent à des besoins sur un territoire donné.
Le caractère innovant de ce dispositif réside dans le financement des emplois, qui reposera sur la réaffectation de dépenses liées à la privation d’emploi, en particulier de celles associées au revenu de solidarité active, à l’allocation de solidarité spécifique et à l’allocation de retour à l’emploi. De plus, les chômeurs de longue durée qui s’engageront dans ce processus seront tous volontaires.
L’originalité du dispositif tient aussi à la méthode de l’expérimentation, rendue possible par l’article 37-1 de la Constitution. Plus précisément, il s’agit de tester pendant cinq ans, sur dix territoires volontaires, un système qui ne remet nullement en cause l’architecture de notre système de protection sociale. Une première évaluation en sera dressée dans trois ans : si les résultats sont probants, le Parlement légiférera de nouveau, pour corriger et améliorer le dispositif avant, éventuellement, de le généraliser à l’ensemble du territoire, ce que nous espérons. Cette démarche consistant à expérimenter avant de généraliser et d’imposer uniformément me semble intéressante.
Je crois beaucoup en la capacité des territoires à se mobiliser pour des projets de ce type. Actuellement, cinq collectivités territoriales sont déjà engagées dans cette expérimentation, parmi lesquelles une commune de mon département, les Deux-Sèvres : Mauléon. Les acteurs de ce territoire m’ont présenté leur projet et m’ont convaincu de la pertinence de cette proposition de loi, moi qui, à l’origine, avais de nombreuses interrogations sur la faisabilité de cette initiative. Dans cette commune, les élus de tous bords politiques se sont déclarés prêts à soutenir cette expérimentation et attendent l’adoption définitive de la présente proposition de loi pour continuer leur démarche.
Localement, la maison de l’emploi s’est vue confier la coordination de l’expérimentation. Un tiers des deux cents chômeurs de longue durée qu’elle a contactés se sont portés volontaires. Certains, au chômage depuis de nombreuses années, ont pour motivation première de sortir de l’assistanat ; en retrouvant une activité professionnelle, ils reprendront confiance en eux et pourront, ensuite, valoriser cette nouvelle expérience dans leur parcours professionnel.
Dans le même temps, les partenaires sont en train de repérer les besoins non satisfaits sur le territoire, afin de proposer des emplois dans ces domaines d’activité. Je rappelle que le principe est de créer des activités utiles qui ne fassent pas concurrence aux emplois existants dans le secteur privé. Les secteurs concernés sont l’environnement, le lien social et les services aux collectivités territoriales, voire aux entreprises.
Compte tenu des différentes informations qui m’ont été données et de l’engagement volontaire de tous les acteurs, je ne puis que soutenir cette proposition de loi qui, je le répète, prévoit une expérimentation portée par les territoires. Après avoir testé ce dispositif, nous pourrons l’évaluer et en tirer des conclusions pour imaginer le futur.
Toute intéressante que cette expérimentation me paraisse, un certain nombre d’aspects restent à préciser.
Tout d’abord, des craintes ont été exprimées à juste titre par un certain nombre d’élus locaux au sujet du financement du dispositif. Il n’est pas question que de nouvelles charges financières soient imposées aux collectivités territoriales qui s’engageraient dans le processus. En effet, la baisse des dotations de l’État et le surcroît de dépenses occasionné par la montée en charge des dépenses sociales ne laissent aucune marge de manœuvre financière aux collectivités territoriales, notamment aux départements. Nous ne souhaitons pas que l’État se désengage du processus après l’avoir amorcé et que l’essentiel du financement de celui-ci retombe sur les collectivités territoriales ! Madame la ministre, nous voudrions que vous nous rassuriez à ce sujet en prenant l’engagement que le dispositif sera principalement financé par l’État, la participation des collectivités territoriales restant volontaire.
Ensuite, l’article 2 de la proposition de loi exclut du bénéfice du dispositif les chômeurs de longue durée ayant perdu volontairement leur dernier emploi, c’est-à-dire ceux qui ont démissionné et ceux qui ont fait l’objet d’une rupture conventionnelle. Mme Emery-Dumas présentera un amendement tendant à modifier cette disposition. Madame la ministre, nous souhaitons obtenir du Gouvernement un certain nombre de garanties à cet égard.
Cela étant, je profite de mon intervention pour le rappeler, quelle que soit la qualité de ce projet, dont nous espérons tous qu’il produira des résultats positifs, je doute que cette seule initiative puisse régler le problème du chômage de longue durée. Dans tous les cas, en matière d’emploi, il est avant tout urgent de relancer l’économie, de soutenir nos PME, nos TPE et nos artisans, qui sont les véritables créateurs d’emplois. C’est le seul moyen de sortir les chômeurs de longue durée de leur situation.
Le Gouvernement doit rapidement modifier sa politique économique et sociale, et nous attendons des mesures en ce sens. Il doit entendre les propositions du monde économique, à savoir la diminution des charges sociales, la simplification du droit du travail, l’adaptation de la formation aux besoins des entreprises et l’amélioration de la compétitivité de celles-ci. L’insertion, c’est d’abord l’emploi et, s’il n’y a pas de travail, il n’y a pas d’insertion réussie !
Je salue donc la position du groupe Les Républicains sur ce texte, exposée précédemment par Alain Milon.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà que s’énonce devant nous, à travers cette proposition de loi, une grande et belle ambition, portée avec enthousiasme et détermination par des forces vives et voilà que se dressent des territoires et leurs habitants pour combattre l’un des plus grands maux dont souffre notre société : le chômage de longue durée.
M. Jean-Louis Tourenne.
Le chômage touche toutes les catégories de population, mais plus particulièrement les plus de cinquante ans : 63 % d’entre eux sont des chômeurs de longue durée ! Contrairement aux rumeurs malintentionnées, ils sont animés d’une forte envie de travailler, que l’on a déjà constatée auprès des bénéficiaires du RMI ou du RSA ; ils ont envie de restaurer leur dignité et leur place dans la communauté. Non, ce ne sont pas des assistés ! Ce sont les victimes d’une crise, des victimes qui ont besoin d’être accompagnées, et non stigmatisées, et dont les enfants ne méritent pas l’abandon par les pouvoirs publics que certains proposent bien imprudemment.
C’est donc une grande originalité que cette initiative soit partie du terrain dans cinq territoires. Celle-ci réunit, dans un même projet, trois grands atouts, qui sont autant de conditions essentielles garantes de la réussite.
Le premier atout est de nourrir une grande ambition ancrée et partagée pour en finir avec le chômage de longue durée et les tragédies qui l’accompagnent : tragédie personnelle, avec son long cortège de dommages collatéraux – perte de pouvoir d’achat, de confiance en soi – ; tragédie sociale, avec un sentiment d’inutilité, la peur du regard supposé des autres, qui conduit à l’auto-exclusion de la collectivité et au repli sur soi ; tragédie familiale, enfin – quand on ne s’accepte plus, comment s’intéresser aux autres, notamment à ses enfants, à leur éducation, à leur avenir ?
Éradiquer le chômage de longue durée, c’est lutter contre le déterminisme social, c’est favoriser l’égalité des chances et le « bien vivre ensemble ».
En outre, le chômage hypothèque la santé économique d’un territoire par la perte de pouvoir d’achat des habitants. Il engendre également un vrai gaspillage des savoir-faire, préjudiciable à la compétitivité. À titre d’exemple, entre 1993 et 1997, la Bretagne avait perdu 13 000 emplois dans le bâtiment. En 1997, avec l’effervescence nouvelle de la construction, les entreprises ont voulu faire appel à ces compétences écartées. Elles ne les ont pas retrouvées : les travailleurs s’étaient perdus dans le désespoir, et leur confiance en eux avait disparu.
Le deuxième atout réside dans la mobilisation de tout un territoire derrière un projet construit avec l’ensemble des forces vives et la population. Ce dernier s’appuie sur des territoires déjà engagés, depuis longtemps, dans des actions menées par les forces vives, au sein desquels la dimension humaine, les relations interpersonnelles et la confiance réciproque sont autant d’atouts pour la réussite de l’entreprise ; il s’appuie également sur des associations caritatives, comme ATD Quart Monde, des responsables associatifs, des élus, la population ; il s’appuie enfin sur des entreprises citoyennes ancrées dans leur territoire et conscientes de leur responsabilité devant l’avenir commun.
Le troisième atout est le fait que ce projet est concret et réaliste, avec une organisation locale à échelle humaine qui permet l’expression de tous et des corrections de trajectoires au moyen d’observations permanentes.
Il s’agit d’une expérimentation qui a pour ambition non seulement de résorber le chômage, mais aussi de déterminer les conditions essentielles à réunir pour servir de modèle transposable à l’ensemble des territoires de France.
Les financements sont assurés : ils seront essentiellement nationaux dans la phase expérimentale, le temps d’éprouver les moyens nécessaires et de définir les modalités administratives du financement. Dans un second temps, les participations financières seront gagées sur les économies attendues par les différents contributeurs sollicités.
Une évaluation externe sera réalisée au bout de cinq ans. La mesure en ce domaine est souvent difficile et s’avère fréquemment plus élogieuse que la réalité. Combien de bilans réalisés trop tôt en matière d’insertion ont ainsi versé dans une complaisance coupable, recensant comme d’égales réussites les sorties en CDI, en CDD, en intérim ou encore en formation ? Souvenons-nous de la mise en œuvre du RSA après une période d’expérimentation raccourcie.
La pratique expérimentale habituelle autorise l’échec. Celle-ci s’en distingue : elle doit réussir, non seulement parce que l’échec aurait un goût amer pour tous ceux qui ont cru à ce projet et qui s’y sont impliqués avec enthousiasme, mais aussi parce que la généralisation, qui doit nécessairement être notre horizon, suppose que l’équilibre financier soit atteint après la phase d’expérimentation. S’il faut aujourd’hui des crédits d’amorçage, il faudra demain que l’État et les collectivités, notamment les départements, n’aient pas à souffrir d’une augmentation des charges déjà trop lourdes qu’ils supportent.
La mobilisation originale à laquelle nous prenons part est sans doute le chemin à emprunter pour restaurer la citoyenneté, la responsabilité individuelle, plutôt que de privilégier une attitude passive et de plus en plus généralisée de consommateurs de services publics exigeant de la collectivité qu’elle règle tous les problèmes, y compris les problèmes domestiques. Mieux vaut rechercher leur résolution, citoyenne cette fois, dans la solidarité familiale ou de voisinage.
Demander à un habitant de s’impliquer dans la vie locale en contrepartie des services qu’il en attend, c’est lui reconnaître le statut de citoyen acteur du développement de la cité – il faut tout un village pour élever un enfant, selon un proverbe africain –, plutôt que celui, dégradant et toujours frustrant, de consommateur toujours déçu et se réfugiant dans des votes extrêmes pour exprimer cette déception. Redonner à chacun le sentiment de sa part de responsabilité dans le devenir de la communauté de destin à laquelle il appartient, c’est faire se lever une nouvelle citoyenneté. Rappelons-nous de ce que Kennedy disait fort justement : « Plutôt que de demander ce que l’Amérique peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour l’Amérique. » C’est à cela aussi que ce texte nous invite.
Cette proposition de loi, c’est plus qu’un remède nouveau et efficace contre le chômage de longue durée ; c’est l’amorce d’une autre conception de la politique. Offrir à nos concitoyens les moyens d’exercer leur citoyenneté, de se sentir responsables du devenir de la collectivité et de s’y engager, c’est le meilleur antidote contre l’individualisme, contre le repli sur soi. Donner aux territoires les moyens de l’implication de tous leurs habitants, c’est, j’en suis persuadé, la manière de dessiner le meilleur avenir.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Daniel Gremillet.
Mme la présidente.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qu’il nous est demandé d’examiner ce soir est une bonne initiative, que je soutiendrai, à la suite de mes collègues Alain Milon et Philippe Mouiller, à la condition de la voir amender par un certain nombre de précisions.
M. Daniel Gremillet.
C’est une bonne initiative en ce qu’elle est porteuse d’un paradigme nouveau : elle vise à faire émerger de nouveaux emplois partiellement solvables pour accomplir des tâches utiles à la société, mais non réalisées actuellement, alors que les besoins sont pourtant nombreux, notamment dans un contexte de vieillissement de la population, comme nous l’avons mis en exergue, dans ce même hémicycle, voilà quelques semaines, au moment de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Les besoins en termes d’aides à la personne sont notamment très importants, et la question du financement de ces prestations reste entière. Et ce sont bien souvent les structures associatives locales aux faibles moyens qui réalisent un immense travail au sein des territoires, notamment auprès des populations les plus vulnérables.
Imaginer de redonner des perspectives aux chômeurs de longue durée, tout en développant des activités répondant à des besoins économiques et sociaux locaux non satisfaits semble donc une bonne opportunité de valoriser et de mettre en œuvre les compétences des personnes privées d’emploi et de parier sur la volonté collective des acteurs territoriaux de développer localement des activités nouvelles en se plaçant au plus près des besoins exprimés. L’idée est louable… Néanmoins, cette proposition de loi élude un certain nombre de réponses structurelles, sans lesquelles nous ne pourrons renouer avec le plein-emploi et la croissance.
Il demeure tout d’abord fondamental de s’attaquer aux racines du mal : le chômage de longue durée, ce fléau qui concerne aujourd’hui 4,2 % de l’ensemble de la population active. Cette situation de privation d’emploi a des effets graves sur les personnes qui en sont victimes. Il s’agit au demeurant d’un cercle vicieux, puisque ces personnes sont également celles qui ont le moins de chance de retrouver un emploi en cas de reprise de la croissance.
En parallèle, ce sont plus de 2 millions d’emplois industriels que la France a perdus depuis les années quatre-vingt. Au regard de ces chiffres, l’établissement d’une corrélation entre désindustrialisation et permanence du chômage de masse se fait naturellement et doit nous interpeller, aujourd’hui plus encore qu’hier.
Le secteur tertiaire, porté notamment par les entreprises de l’économie sociale et solidaire dont il est question dans ce débat, joue un rôle clé dans la vitalité de nos territoires et le développement économique. Mais, j’en suis convaincu, la France doit également pouvoir compter sur le secteur secondaire, à travers la réindustrialisation de notre pays, même si les emplois directs sont moins nombreux qu’auparavant dans le secteur productif avec l’augmentation de la productivité.
Notre pays doit renouer avec la compétitivité en stimulant l’activité industrielle et la recherche. Cette approche est à mener de front avec le développement de l’activité économique sur le territoire et avec l’idée qu’aucune personne en âge d’exercer une activité professionnelle n’est inemployable. La création de richesses est un préalable au bon fonctionnement des mécanismes de solidarité et aux initiatives locales. En cela, cette proposition de loi est insuffisante.
Nous devons ensuite répondre à la question de la formation. La crise n’a fait qu’exacerber ce problème historique, de nature structurelle : il existe une inadéquation flagrante entre la formation et les besoins des entreprises. Ce sont environ 300 000 emplois qui ne trouvent pas preneurs actuellement.
Le reflux du chômage appelle une rénovation de nos systèmes de formation pour entretenir nos compétences industrielles à travers la réhabilitation des filières professionnelles. Il convient aussi de rapprocher les systèmes de formation, les salariés et les entreprises, pour développer dès le plus jeune âge un « habitus » de travail commun chez les ingénieurs, les techniciens, les ouvriers, et permettre une meilleure insertion de chacun, notamment des plus vulnérables.
Certains secteurs de notre économie sont amenés à disparaître, d’autres sont en voie d’émergence, comme les énergies vertes, les biotechnologies, les nouveaux matériaux... D’autres métiers vont perdurer, mais devront répondre à de nouvelles exigences.
Dans le cas de l’expérimentation qui nous est proposée à travers cette proposition de loi, quelles mesures sont-elles envisagées pour former les demandeurs d’emploi de longue durée ? Quels dispositifs sont-ils prévus pour permettre un retour à l’emploi « choisi » ? Quelle cohérence est-elle assurée avec les autres dispositifs de retour à l’emploi ?
Il faudra veiller à accompagner les bénéficiaires de l’expérimentation pour garantir leur insertion pérenne dans l’emploi, afin que le dispositif ne s’apparente pas
Madame la ministre, il nous faut absolument apporter la garantie des financements et nous attaquer à la source du chômage de longue durée, ce qui passe par la reconquête de l’activité industrielle. À travers tous ces éléments, cette expérimentation peut avoir un sens.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
La discussion générale est close.
Mme la présidente.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous disposons d’un temps contraint, la séance devant impérativement se terminer à une heure du matin, sans possibilité de prolongation. Il nous faut donc, dans ce délai, examiner quarante-deux amendements et cinq sous-amendements pour parvenir au vote sur l’ensemble. J’émets donc le souhait que vos interventions soient respectueuses des temps impartis et aussi concises que possible.
Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, est mise en place une expérimentation qui a pour objet de tester, dans un nombre limité de collectivités territoriales volontaires, la possibilité de résorber fortement le chômage de longue durée en permettant à des demandeurs d’emploi d’être recrutés, dans le cadre de contrats à durée indéterminée, par des entreprises de l’économie sociale et solidaire pour exercer des activités non concurrentes avec des activités économiques exercées sur le territoire. Cette expérimentation est, pour les collectivités concernées, complémentaire des politiques publiques en faveur du développement économique et de la lutte contre le chômage.
Cette expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État, des collectivités territoriales volontaires et des organismes publics et privés volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces recrutements, avec pour objectif que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif.
Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation, le fonds mentionné à l’article 3 de la présente loi adresse au Parlement et au ministre chargé du travail un rapport public dressant le bilan de l’expérimentation et en évaluant l’impact direct et indirect. Ce rapport dresse notamment un bilan des effets de l’expérimentation sur la situation de l’emploi dans les collectivités territoriales ou groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation et évalue l’impact financier, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics et privés participant à l’expérimentation, de ces recrutements par rapport au coût lié aux situations de chômage. Il tient compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n
La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
Mme la présidente.
Nul besoin d’y insister. Chacun sait, ici, à quel point le chômage de longue durée est une véritable plaie, une vraie souffrance, pour celles et ceux qui en sont victimes. C’est en effet une épreuve violente dans un parcours de vie, un véritable piège, qui enferme la personne touchée dans un engrenage pouvant conduire à la précarité.
M. Roland Courteau.
Dès lors, contre ce fléau tenace, nous devons être attentifs à toute innovation, à toute proposition, à toute solution, car chaque dispositif, chaque proposition, chaque innovation peut apporter sa pierre pour assurer le retour à l’emploi.
En fait d’innovation, cette proposition de loi en porte une de taille, avec le lancement d’une expérimentation permettant de réinsérer dans l’emploi des chômeurs de longue durée pour un coût qui pourrait être nul pour les finances publiques. L’innovation est réelle et sans précédent. C’est ce qui me séduit dans cette proposition de loi : permettre de faire embaucher en CDI, par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, des travailleurs rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi et financer, en partie, ces nouveaux emplois par les sommes économisées sur les aides allouées à ces chômeurs de longue durée. II y a là une piste particulièrement intéressante, qui mérite d’être empruntée : réorienter ou redéployer les économies réalisées par les organismes publics, grâce au retour à l’emploi des personnes qui sont au chômage de longue durée.
Ne négligeons pas une telle innovation et saluons l’auteur de cette proposition de loi et, surtout, ATD Quart Monde, qui en est à l’origine, ainsi que les associations caritatives qui ont travaillé sur le sujet.
Chaque proposition peut apporter sa pierre dans la lutte contre le fléau du chômage de longue durée, qui, rappelons-le, touche plus d’un chômeur sur deux.
Le travail ne manque pas. Les besoins existent et sont nombreux. Cette proposition de loi et les pistes qu’elle suggère sont bien la preuve que non, décidément, nous n’avons pas tout essayé contre le chômage. Faisons donc preuve d’audace et d’imagination !
Voilà, en tout cas, un texte qui va dans le sens de l’intérêt général et qui prend réellement en compte la notion de droit à l’emploi, tel qu’elle figure dans le préambule de la Constitution de 1946.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n
Alinéa 1, première phrase
Remplacer cette phrase par un paragraphe ainsi rédigé :
I. – Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi est mise en place dans, au plus, dix territoires couvrant chacun tout ou partie de la superficie d'une ou plusieurs collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités volontaires, une expérimentation visant à résorber fortement le chômage de longue durée, en permettant à des demandeurs d’emploi d’être embauchés en contrat à durée indéterminée, par des entreprises qui remplissent les conditions fixées aux articles 1
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement apporte des clarifications juridiques. Il indique notamment le nombre de territoires qui seront concernés par l’expérimentation, c’est-à-dire dix au total dans un premier temps.
M. Éric Jeansannetas.
Comme l’indique l’avis du Conseil économique, social et environnemental, il conviendra de veiller à l’équilibre entre les territoires ruraux, périurbains, urbains et ultramarins dans la répartition des zones choisies. Nous obtiendrons ainsi un spectre assez large des activités possibles et des résultats corrélés à toutes les situations démographiques et économiques.
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Mme la présidente.
Le sous-amendement n
Amendement n
Remplacer le mot :
par le mot :
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Ce sous-amendement vise à réduire de cinq à trois ans la durée de l’expérimentation. Il ne s’agit pas d’amoindrir la portée du texte, bien au contraire. C’est plutôt le fait de poursuivre une expérimentation sur cinq ans qui en réduit l’ambition.
M. Jean-Marc Gabouty.
Des expériences sont déjà engagées, le nombre de territoires est limité et tout le monde reconnaît d’ailleurs que l’expérimentation est de « petit format ».
La modification de calendrier que nous proposons répond à un souci de réactivité pour mieux évaluer l’expérimentation proposée, l’étendre le plus rapidement possible si elle est positive et, à l’inverse, y mettre fin si le dispositif s’avère inopérant. Nous souhaitons ainsi donner plus de force à la loi.
Comment dire à un public de chômeurs de longue durée que nous allons faire une expérimentation sur cinq ans ? À la vitesse où notre monde et notre société évoluent, ce délai est beaucoup trop long et va à l’encontre des intentions mêmes du texte.
Le sous-amendement n
Mme la présidente.
Amendement n
Remplacer les mots :
qui remplissent les conditions fixées aux articles 1
par le mot :
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Ce sous-amendement vise à élargir l’expérimentation au secteur marchand, notamment aux petites entreprises.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Comme je l’ai dit dans la discussion générale, on peut parfaitement comprendre l’intention première de cibler l’économie sociale et solidaire, parce que les entreprises de ce secteur connaissent bien les publics concernés. Reste que l’ouverture au secteur marchand se justifie, car, en cas de généralisation du dispositif, celui-ci aura vocation à s’appliquer à tous les types d’entreprises. Il convient donc de conduire cette expérimentation de manière plus large que ce qui est prévu afin de tirer les conclusions les plus pertinentes possible.
Le sous-amendement n
Mme la présidente.
Amendement n
Après le mot :
économiques
insérer les mots :
pérennes et
La parole est à Mme Annie David.
Notre sous-amendement vise à compléter la rédaction proposée par l’amendement n
Mme Annie David.
La proposition de loi vise à offrir un emploi en contrat à durée indéterminée, avec un salaire fixé au minimum au niveau du SMIC, conformément au droit commun du travail, et un temps choisi adapté à la personne recrutée. L’emploi est donc considéré comme un élément émancipateur : il a une fonction sociale et pas seulement économique.
En commission, il nous a été rétorqué que nous n’étions pas devins, que nous n’avions pas de boule de cristal… Nous ne pouvions donc pas prétendre, avant même de les avoir créées, que ces activités économiques seraient pérennes. C’est évident ! Mais il nous paraît important de poursuivre un tel objectif.
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
de l’économie sociale et solidaire pour exercer des activités non concurrentes avec des activités économiques exercées
par le mot :
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Cet amendement a le même objet que le sous-amendement n
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 1, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et par toute entreprise implantée dans une collectivité territoriale participant à l’expérimentation
La parole est à M. Daniel Chasseing.
Comme vous l’avez très justement dit, madame le ministre, le chômage, c’est la peur d’être en marge. Le droit au travail est donc fondamental. C’est pourquoi, même si cette proposition de loi est modeste, je la soutiens. J’ai d’ailleurs fait acte de candidature auprès du préfet de Corrèze pour que ma commune et ma communauté de communes puissent bénéficier du dispositif. Nous devons être bien conscients que l’initiative locale constitue un atout, notamment dans les territoires ruraux.
M. Daniel Chasseing.
Cela étant, comme l’a dit M. Vanlerenberghe, le texte de la proposition de loi doit être amélioré – le Sénat est dans son rôle en le faisant –, notamment en permettant à toutes les entreprises de participer à l’expérimentation. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ne représentent en effet qu’une partie minime des employeurs ; il paraît donc difficile de réduire durablement le chômage de longue durée avec elles seules.
Une aide, par une exonération de charges sociales pendant la période de l’expérimentation, permettrait d’inciter les entreprises du secteur marchand, qui sont volontaires et ont la fibre sociale, à embaucher des chômeurs de longue durée. Avec une telle exonération, les entreprises embaucheraient plus facilement cette catégorie de chômeurs et pourraient prendre le temps de former le salarié, qui aurait également du temps, de son côté, de s’adapter à l’entreprise. Ensuite, l’emploi serait pérennisé, peut-être mieux d’ailleurs que dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a débattu ce matin de la possibilité de réduire de cinq à trois ans la durée maximale de l’expérimentation, comme le prévoit le sous-amendement n
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Le sous-amendement n
Le sous-amendement n
L’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
J’entends la forte impatience et la volonté d’aller vite, qui se sont d’ailleurs exprimées sur toutes les travées ce soir. Dans la mesure où des territoires sont prêts, il pourrait paraître légitime d’avoir un bilan plus rapidement que ce qui est aujourd’hui prévu. Néanmoins, si nous voulons nous donner toutes les chances de réussir, nous devons laisser le temps aux entreprises conventionnées de développer des activités et des emplois pérennes. C’est également ce que pensent le Conseil économique, social et environnemental ou des associations comme ATD Quart Monde.
Mme Myriam El Khomri,
Même si je comprends votre volonté de faire preuve de réactivité, monsieur Gabouty, j’observe que nous sommes en train de décider ensemble la mise en place d’une expérimentation. Bien que nous ayons tous hâte de connaître ses résultats, il me semble plus raisonnable de maintenir à cette expérimentation une durée de cinq ans, le bilan débutant dix-huit mois avant sa fin. J’émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n
Le sous-amendement n
Il me semble important de réserver le bénéfice de cette expérimentation aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont l’action ne se limite pas au secteur non marchand, il est important de le rappeler. En effet, l’économie sociale et solidaire offre un modèle adapté à tous les domaines de l’activité humaine, qu’ils soient marchands ou non marchands, mais la ligne de partage avec les entreprises classiques est marquée par l’adhésion à certaines valeurs : le but poursuivi ne se limite pas au partage des bénéfices, mais il englobe la recherche d’une utilité sociale, une gouvernance démocratique, l’affectation en majorité des bénéfices au développement des activités de l’entreprise.
Je tiens à bien faire la distinction entre cette expérimentation et les aides destinées aux petites entreprises. Nous avons par ailleurs des débats sur l’aide « TPE jeunes apprentis » et sur l’aide « TPE première embauche », ou sur d’autres dispositifs destinés à soutenir les entreprises, mais il s’agit ici d’un dispositif destiné à l’ESS, car celle-ci contribue à lutter contre les exclusions économiques et sociales et pour le maintien de la cohésion territoriale ; il me semble donc important que cette expérimentation lui soit réservée. J’émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n
S’agissant du sous-amendement n
Enfin, l’amendement n
La parole à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote sur le sous-amendement n
Mme la présidente.
Je souhaite répondre à Mme la rapporteur, puisqu’elle m’a objecté que le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée pourrait interrompre le dispositif en cours. J’estime que cet argument présente l’inconvénient d’introduire une incertitude sur le fonctionnement dudit dispositif.
M. Jean-Marc Gabouty.
Quand on s’engage dans une telle expérimentation, il faut fixer des principes clairs. La durée du dispositif est de trois ans ou de cinq ans, elle ne saurait être aléatoire ni soumise à divers critères. La réponse que vous m’avez donnée crée une insécurité autour du dispositif.
La réduction de la durée de l’expérimentation s’inscrit bien dans l’esprit qui a inspiré ce texte. Sans prendre en compte les nécessités de notre époque, vous voulez expérimenter une start-up à vocation sociale et vous lui donnez le rythme d’un attelage à bœufs !
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souhaite faire deux remarques générales, l’une sur la limitation de l’expérimentation à l’économie sociale et solidaire, l’autre sur la durée de l’expérimentation.
M. Philippe Mouiller.
Ayant pu observer de très près le montage de cette expérimentation, il m’est apparu que les structures qui sont aujourd’hui mobilisées sur nos territoires pour recruter des demandeurs d’emploi de longue durée sont avant tout des structures qui s’occupent d’insertion. De fait, la très grande majorité d’entre elles sont des entreprises de l’économie sociale et solidaire, parce qu’il s’agit de métiers qui, aujourd’hui, ne sont pas ou peu rentables. En parallèle, les autres entreprises observent de très près ces expérimentations et n’ont qu’une seule crainte : que l’on mette en place un système concurrentiel…
On ne peut donc pas, d’un côté, écouter les préoccupations des entreprises traditionnelles qui observent ce qui se passe et, de l’autre, affirmer que l’expérimentation concerne des activités non rentables. Nous devons être très clairs : seules les structures d’insertion ont la capacité aujourd’hui de démarrer l’expérimentation.
En ce qui concerne la durée de l’expérimentation, si l’on discute avec ceux qui se sont engagés dans ces projets, on constate que le temps de constituer le dossier, c’est-à-dire de contacter les chômeurs de longue durée et de mobiliser les partenaires, prend dix-huit mois à deux ans, au bas mot. Ensuite, il faut mettre en place la structure, en partant de métiers non rentables qui doivent devenir rentables.
Je comprends l’argument consistant à dire qu’il faut aller vite, parce que l’on a besoin de résultats probants, mais les choses sont beaucoup plus compliquées en réalité. Nous théorisons ici, mais la situation est sensiblement différente sur le terrain, je peux vous l’assurer !
La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
Mme la présidente.
« Éradiquer le chômage de longue durée », rien de moins !
M. Olivier Cadic.
Vous n’arrivez pas à inverser la courbe du chômage et, pour mieux masquer cet échec, vous lancez une expérimentation de résorption du chômage de longue durée. On en évaluerait le résultat à la fin de 2019 ou au début de 2020, c’est-à-dire au milieu du mandat du prochain Président de la République, qui sera élu en 2017. Qui peut croire que c’est avec une telle loi que disparaîtra le chômage de longue durée ?
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Faire une loi, pour faire une expérimentation, cela ne choque personne !
Nous sommes en France !
Mme Nicole Bricq.
Encore une loi ! Où est le pacte de simplification ? Quelle loi supprimons-nous pour compenser cette nouvelle loi ?
M. Olivier Cadic.
La rapporteur a reconnu que de nombreux points restaient à éclaircir quant au fonctionnement et au financement de cette expérimentation. D’autres s’en chargeront donc, la belle affaire !
Je souhaiterais que l’état d’urgence soit déclaré pour lutter contre le chômage.
Mme Catherine Génisson.
Tout le monde semble se réjouir de cette loi qui sera évaluée en 2019 et ne s’appliquera qu’à dix territoires ; les autres attendront 2021. Les électeurs, eux, vous évalueront en 2017, et je crains qu’ils n’aient pas votre patience. En ce qui me concerne, je n’ai pas cette patience et je ne voterai pas ce texte qui laisse tant de chômeurs sur le bas-côté !
M. Olivier Cadic.
Il ne s’agit pas d’une explication de vote sur l’ensemble, mais sur le sous-amendement n
Mme Nicole Bricq.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la ministre, vous m’avez indiqué que l’économie sociale et solidaire concernait également le secteur marchand. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point !
M. Daniel Chasseing.
Pour certains territoires, comme celui que je connais le mieux, qui est rural et isolé, cette expérimentation apporte un petit « plus » qu’il ne faut pas négliger. J’y suis donc favorable, même si je pense, comme M. Cadic, qu’elle n’est pas la panacée.
En revanche, je voudrais faire évoluer le texte sur un point : l’artisanat et le commerce dans les territoires ruraux isolés disposent de marges très limitées. Il serait bon de faire évoluer assez rapidement cette expérimentation vers le secteur marchand. La solution que je suggérais tout à l’heure consistait à réduire les charges sociales de ces entreprises. Il me semble qu’une telle évolution serait très positive.
La parole est à M. Michel Vergoz, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je ne vous suivrai pas sur le terrain de la caricature, monsieur Cadic, parce que le sujet est grave. J’habite une île où l’on compte 30 % de chômeurs et où 60 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage, alors que ce taux n’est que de 25 % dans l’Hexagone – et, à partir de 10 %, vous lancez des SOS !
M. Michel Vergoz.
Chez moi, les signaux d’alarme résonnent de partout ; je n’ai pas envie de rire et vous ne m’avez pas fait rire, monsieur ! Les représentants des gouvernements précédents, lorsqu’ils se rendaient dans mon île, n’avaient que le mot d’assistanat à la bouche. Je ne peux plus entendre ce discours !
Je suis chef d’entreprise, et ma conviction est qu’on ne pourra jamais développer l’emploi si l’on ne fait pas marcher l’économie sur ses deux jambes : l’économie marchande, qui est l’économie de référence, l’économie maîtresse, et l’économie sociale et solidaire.
Je suis très respectueux, cher collègue, mais j’ai du mal à entendre ces mots que vous prononcez en rigolant. Je n’ai plus envie de rire, et je vous invite tous, mes chers collègues, à tenter cette petite expérience.
Madame la ministre, je ne suis pas concerné pourtant je viens de vous dire les drames que vit mon territoire, l’île de la Réunion. J’ose espérer que vous retiendrez un territoire ultramarin pour cette expérimentation, et je rêve que ce soit le mien !
J’aimerais convaincre MM. Vanlerenberghe et Chasseing. En commission, j’ai entendu qu’ils faisaient preuve d’ouverture d’esprit. Tentons l’expérience ! Bien sûr, l’économie marchande est l’économie de référence, mais la législation sur les associations et les coopératives a été revisitée depuis 2014, ce qui a fait considérablement avancer les choses. Cette loi, c’est notre majorité qui l’a voulue, mais je vous y associe, car certains d’entre vous ont participé aux travaux. Faisons en sorte que l’économie sociale et solidaire accueille cette expérience. Monsieur Vanlerenberghe, je vous l’ai dit ce matin, je suis persuadé que cette économie sociale et solidaire ouvrira des champs qui seront, demain, autant de passerelles vers l’économie de référence, l’économie marchande.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Mes chers collègues, chacun parle avec son cœur et la dernière intervention le prouve. Il nous reste deux heures et nous ne nous sommes pas encore prononcés sur le premier amendement. La force du nombre est présente du côté de la majorité comme du côté de l’opposition : laissez tomber le couperet du vote avant une heure du matin, sinon vous jouez la montre, vous évitez de vous prononcer et la proposition de loi ne sera pas adoptée !
Mme Marie-Christine Blandin.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je serai bref, pour répondre à la demande de Mme Blandin.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Si vous croyez à cette expérimentation, mes chers collègues, réduisez sa durée. Aucun des arguments qui ont été développés jusqu’à présent ne m’a convaincu !
(Applaudissements
sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agit d’une expérimentation. Nous savons très bien que le dispositif sera imparfait, mais c’est un test. Il faut aller vite, sinon, comme l’a dit Olivier Cadic, on va attendre 2020 avant de pérenniser le système, mais les chômeurs n’attendent pas !
(Applaudissements
sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Franchement, refaire en séance publique le travail long et sérieux réalisé en commission, ce n’est pas de bonne méthode parlementaire ! Nous discutons du sous-amendement n
Mme Nicole Bricq.
Je voudrais également insister sur un point extrêmement important : cette proposition de loi comporte un dispositif d’évaluation. En France, nous n’avons pas la culture de l’évaluation ; ce texte représente donc une première, puisque le travail réalisé sera évalué. Mme la ministre a expliqué que le bilan commencerait dix-huit mois avant l’expiration du délai maximal de cinq ans. Si vous faites bien les comptes, conformément à ce que nous a dit notre collègue, entre le temps de préparation, le temps de mobilisation des acteurs et celui où commence le bilan, l’évaluation portera sur une durée très courte de fonctionnement.
De grâce, ne nous faisons pas de mauvais procès ! Nous voulons une loi d’expérimentation, assortie d’une évaluation, de surcroît effectuée par un organisme indépendant, et ce grâce à Mme la rapporteur et aux remarques faites par les associations porteuses du projet, notamment ATD Quart Monde, et le Conseil économique, social et environnemental. Il s’agit donc d’une première, qui apporte une véritable innovation sociale, et c’est cela que nous voulons voter. Cette loi ne va pas se substituer à d’autres mécanismes existant déjà, encore moins à ceux qui seront annoncés par le Président de la République le 18 janvier.
Je reprendrai la parole tout à l’heure pour répondre à vos arguments sur les emplois marchands, monsieur Vanlerenberghe.
Je mets aux voix le sous-amendement n
Mme la présidente.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n
Mme la présidente.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n
Mme la présidente.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, les amendements n
Mme la présidente.
L'amendement n
1° Remplacer les mots :
Cette expérimentation
par le mot :
2° Après la première occurrence du mot :
volontaires
insérer les mots :
, des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au premier alinéa du présent I
3° Remplacer la deuxième occurrence du mot :
par le mot :
4° Remplacer le mot :
recrutements
par le mot :
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement a pour objet de procéder à des coordinations et clarifications juridiques. Il tend notamment à corriger un oubli relatif aux EPCI, qui devront financer l’expérimentation, évidemment sur la base du volontariat.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a émis un avis favorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le caractère volontaire du concours financier des collectivités est impératif.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
Je tiens à insister sur la nécessité du caractère volontaire de la participation financière des collectivités. C’est un point fondamental pour le groupe Les Républicains, qui souhaite que les choses soient claires sur le sujet.
M. Philippe Mouiller.
Connaissant déjà les avis qui me seront opposés, je retirerai certainement cet amendement, mais je tiens au préalable à entendre Mme la ministre.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a considéré que la demande de M. Mouiller était satisfaite. Elle sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle y sera défavorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que l’État consentirait un effort financier exceptionnel la première année afin d’accompagner le lancement ou, si vous préférez, la phase d’amorçage du dispositif. Je vous confirme que la participation de l’État sera équivalente au coût d’un CIE. Il s’agit d’un signal fort que le Gouvernement souhaite envoyer en s’engageant ainsi devant vous.
Mme Myriam El Khomri,
Nous solliciterons bien évidemment la participation des organismes publics ou privés, mais le caractère volontaire de la participation des collectivités locales est pour nous une évidence.
Votre amendement étant satisfait, je vous invite donc à le retirer.
Monsieur Mouiller, l’amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
M. Philippe Mouiller.
L’amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Alinéa 3, première phrase
1° Faire précéder cette phrase de la mention :
2° Remplacer les mots :
du travail
par les mots :
de l’emploi
3° Supprimer les mots :
et en évaluant l’impact direct et indirect
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement vise également à procéder à des coordinations et clarifications juridiques s’agissant des EPCI.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Il s’agit d’un amendement important puisqu’il a pour objet d’opérer une distinction entre le rapport portant sur le bilan de l’expérimentation et celui relatif à son évaluation. La commission a donc émis un avis favorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
par le mot :
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Cet amendement avait vocation à s’insérer dans le dispositif de réduction de trois à cinq ans de la durée de l’expérimentation. Cependant, comme nous sommes sur un petit échantillon, avec de petites ambitions, mais avec des délais relativement longs – dix-huit mois et cinq ans –, l’amendement n’a plus d’intérêt. Par conséquent, je le retire.
M. Jean-Marc Gabouty.
L’amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Alinéa 3, deuxième et dernière phrases
Remplacer ces phrases par un paragraphe ainsi rédigé :
III. – Dans le même délai, un comité scientifique indépendant réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation et rend public son rapport. Celui-ci évalue notamment les effets de l’expérimentation sur la situation de l’emploi dans les territoires participant à l’expérimentation ainsi que les conséquences financières, pour les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes mentionnés au dernier alinéa du I, par comparaison avec le coût lié au chômage de longue durée. Il tient compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Comme l’a indiqué Mme la rapporteur ce matin en commission, cet amendement est sans doute le plus important parmi ceux que nous examinons ce soir. En effet, il a pour objet de confier à un comité scientifique indépendant spécifique le soin de réaliser l’évaluation de l’expérimentation, le fonds étant seulement chargé de réaliser son bilan comptable et financier.
M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement, qui s’inspire du mécanisme mis en place pour l’évaluation de la Garantie jeunes, créera, s’il est adopté, les conditions d’un débat serein sur l’opportunité de généraliser ou non l’expérimentation.
Le sous-amendement n
Mme la présidente.
Amendement n
Après les mots :
participant à l'expérimentation
insérer les mots :
, sur les formations suivies par les personnes
La parole est à Mme Annie David.
Nous souhaitons que l’évaluation qui sera faite par le comité scientifique indépendant porte également sur les formations suivies par les demandeurs d’emploi. En effet, une partie de la réussite de ce dispositif reposera aussi sur la qualité des formations.
Mme Annie David.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement et sur l’amendement.
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix le sous-amendement n
Mme la présidente.
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 1
Mme la présidente.
(L'article 1 est adopté.)
Peuvent devenir salariés des entreprises de l’économie sociale et solidaire, dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article 1
L'amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
Peuvent être embauchés par les entreprises de l'économie sociale et solidaire mentionnées au I de l’article 1
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement a pour objet de clarifier la liste des bénéficiaires de l’expérimentation, tout en l’élargissant aux demandeurs d’emploi qui ont démissionné de leur ancien poste et à ceux qui ont bénéficié d’une rupture conventionnelle. Nous avons en effet été nombreux, sur toutes les travées de cette assemblée, à nous interroger sur le cas de ces personnes, qui, au moins formellement, ne sont pas involontairement privées d’emploi. Elles peuvent néanmoins être inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an et répondre ainsi au critère essentiel, qui est celui du chômage de longue durée.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Avis favorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Myriam El Khomri,
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, à la suite de nos travaux en commission, nous avons retiré certains de nos amendements, dont l’un qui visait le même but que celui-ci, même s’il n’était pas rédigé de la même manière. Nous voterons donc bien évidemment l’amendement présenté par nos collègues du groupe socialiste.
Mme Annie David.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé, et les amendements n
Mme la présidente.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n
Remplacer les mots :
de l’économie sociale et solidaire, dans le cadre de
par les mots :
participant à
L'amendement n
Supprimer les mots :
de l’économie sociale et solidaire
L'amendement n
Supprimer le mot :
Involontairement
L'amendement n
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les offres d’emploi peuvent être proposées indifféremment aux hommes et aux femmes, dans le respect des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1142-1 du code du travail.
I. – Il est institué un fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, chargé de financer une fraction de la rémunération des personnes mentionnées à l’article 2 de la présente loi recrutées par des entreprises de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’une fraction de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement lorsque celui-ci intervient dans les conditions prévues à l’article 7.
Ce fonds élabore un cahier des charges, approuvé par un arrêté du ministre chargé du travail, fixant les critères que doivent respecter les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales candidats à l’expérimentation.
Un arrêté du ministre chargé du travail dresse la liste des collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation, sur proposition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, au vu de leur programme d’actions mentionné au II du présent article et du cahier des charges mentionné au deuxième alinéa du présent I. Cette liste comprend au plus dix collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales.
La gestion de ce fonds est confiée à une association relevant de la loi du 1
1° Deux représentants de l’État ;
2° Un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de son organisation ;
3° Un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de son organisation ;
4° Un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative au plan national multiprofessionnel, sur proposition de son organisation ;
5° Un représentant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
6° Un représentant du Conseil national de l’insertion par l’activité économique ;
7° Un représentant de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail ;
8° Deux parlementaires désignés, respectivement, par l’Assemblée nationale et le Sénat ;
9° Un représentant du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire ;
10° Un représentant de chaque comité local mentionné au II du présent article, après sa mise en place ;
11° Trois personnalités qualifiées désignées par arrêté du ministre chargé du travail ;
12° Un représentant de l’Association des régions de France ;
Un représentant de l’Assemblée des départements de France ;
14° Un représentant de l’Assemblée des communautés de France ;
Un représentant de l’Association des maires de France ;
16° Un représentant des missions locales.
Les membres du conseil d’administration siègent à titre bénévole.
Le conseil d’administration peut déléguer certaines de ses compétences à son président et à un bureau constitué en son sein.
Le ministre chargé du travail désigne un commissaire du Gouvernement auprès de cette association. Le commissaire du Gouvernement assiste de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. Il est destinataire de toutes les délibérations du conseil d’administration et a communication de tous les documents relatifs à la gestion du fonds.
Lorsque le commissaire du Gouvernement estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance de l’association gestionnaire du fonds est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds, il peut s’opposer, par décision motivée, à sa mise en œuvre.
II. – Les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mettent en place un comité local chargé du pilotage de l’expérimentation, dont les modalités de fonctionnement sont approuvées par le fonds.
Le comité local établit un programme d’actions, approuvé par le fonds, ayant pour objet de promouvoir la création d’entreprises conventionnées ou le conventionnement d’entreprises existantes pour le recrutement des personnes mentionnées à l’article 2 de la présente loi.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
recrutées par des entreprises de l’économie sociale et solidaire
par les mots :
embauchées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au I de l’article 1
II. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
du travail
par les mots :
de l’emploi
2° Après la deuxième occurrence du mot :
territoriales
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
mentionnés au I de l’article 1
III. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Sur proposition du fonds, un arrêté du ministre chargé de l’emploi dresse la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation et des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des groupes de collectivités mentionnés au I de l’article 1
IV. – Alinéa 15
Remplacer les mots :
du travail
par les mots :
de l’emploi
V. – Alinéa 23, première phrase
Remplacer les mots :
du travail
par les mots :
de l’emploi
VI. – Alinéa 25
Après les mots :
pilotage de l’expérimentation
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et de déterminer les modalités d’accompagnement des personnes mentionnées à l’article 2 de la présente loi en lien avec les acteurs du service public de l’emploi. Les modalités de fonctionnement du comité local sont approuvées par le fonds.
VII. – Alinéa 26
Remplacer les mots :
le recrutement
par les mots :
l'embauche
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement tend à apporter des améliorations rédactionnelles et des éléments de coordination juridique. Son adoption permettra de distinguer clairement les territoires retenus pour mener l’expérimentation des autres collectivités, comme le département ou la région.
M. Éric Jeansannetas.
J’ajoute, en écho aux interrogations qui ont été soulevées ce matin en commission et à la nouvelle intervention de notre collègue Philippe Mouiller tout à l’heure, que, à nos yeux, le département et la région pourront participer à l’expérimentation, notamment par des actions d’accompagnement et de formation. Pour autant, il est clair que l’initiative, à l’instar de ce qui existe déjà aujourd’hui dans plusieurs territoires, doit partir du terrain, avec l’implication de tous les partenaires locaux.
Nous proposons également de renforcer le volet accompagnement des salariés de l’entreprise conventionnée, comme l’ont proposé l’Agence nouvelle des solidarités actives dans son étude de faisabilité et le Conseil économique, social et environnemental dans son avis.
Le sous-amendement n
Mme la présidente.
Amendement n
Après les mots :
d’accompagnement
insérer les mots :
, notamment en matière de formation professionnelle,
La parole est à M. Dominique Watrin.
Nous avions initialement déposé plusieurs amendements sur le sujet de la formation professionnelle. Ne pouvant cependant être trop directifs et instruits par les discussions intervenues ce matin en commission des affaires sociales, nous avons modifié notre rédaction.
M. Dominique Watrin.
Il nous semble que les exigences en termes de formation attachées à cette expérimentation doivent être à la hauteur de l’approche nouvelle et des ambitions affichées dans ce texte, à savoir concourir à une insertion professionnelle durable des demandeurs d’emploi de longue durée.
Il nous apparaît aussi très important de citer la formation au service des demandeurs d’emploi au moment où le Président de la République, à l’occasion de ses vœux, vient d’annoncer l’objectif de former 500 000 demandeurs d’emploi, contre 150 000 actuellement. Il semble même que l’une de ses priorités viserait les chômeurs de longue durée.
Dès lors, il nous apparaît normal que les comités locaux, qui vont piloter l’expérimentation, prennent bien en considération la formation professionnelle dans l’accompagnement individuel dû au demandeur d’emploi et la qualité de cette formation, si possible qualifiante, à tout le moins certifiante.
Pour ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ce sous-amendement, qui répond à ces objectifs.
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer les mots :
de l'économie sociale et solidaire
par les mots :
participant à l'expérimentation
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Cet amendement vise le secteur de l’économie marchande. L’affaire étant entendue, je le retire.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
dont la composition est la suivante :
par les mots :
composé au maximum de vingt membres dont la liste est fixée par décret. D'autres organismes ou représentants qualifiés, sans voix délibérative, sont associés aux travaux du conseil d'administration.
II. – Alinéas 5 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
L’article 3 confie la gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à une association qui sera administrée par un conseil d'administration dont la composition est définie dans le présent texte. Une telle précision ne s’impose pas dans la mesure où on ne connaît même pas les statuts de ladite association. Si j’ai bien compté, le conseil d’administration serait composé de cinquante à soixante membres.
M. Jean-Marc Gabouty.
Confier la gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à une instance qui compte autant de membres, c’est pratiquer une inflation qui nous promet la plus grande inefficacité. C’est pourquoi je propose qu’il soit composé au maximum de vingt membres dont la liste serait fixée par décret – c’est dire que je fais confiance au Gouvernement ! Cela n’empêcherait pas d’autres organismes ou représentants qualifiés d’être associés, sans voix délibérative, auxdits travaux de l’association et de son conseil d’administration.
Notre amendement vise donc à améliorer le fonctionnement de la structure gestionnaire du fonds en le rendant plus efficace.
Les deux amendements suivants sont identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Un représentant de l’association nationale des collectivités territoriales pour la formation, l’insertion et l’emploi, dénommée « Alliance Ville Emploi ».
La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l’amendement n
Alliance Ville Emploi est une association qui est la tête de réseau des maisons de l'emploi et des PLIE.
M. Jean-François Husson.
Cette association est présente sur tout le territoire national et son savoir-faire est reconnu. Il apparaît donc parfaitement cohérent qu’elle compte un représentant dans chaque conseil d’administration : cela rejoint son objet, ses compétences, son savoir-faire et son expertise.
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
L’article 3 précise notamment les missions et la composition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Ainsi, la gestion du fonds sera assurée par une association dirigée par un conseil d’administration de trente-deux membres parmi lesquels seront notamment représentés le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, Pôle emploi, etc.
Mme Mireille Jouve.
Par cet amendement, nous proposons que le conseil d’administration de l’association comprenne également un représentant de l’association dénommée « Alliance Ville Emploi ». Cette association regroupe les collectivités territoriales, communes, établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que leurs outils territoriaux de développement de l’insertion et de l’emploi, les maisons de l’emploi et les plans locaux pour l’insertion et l’emploi. Comme son président l’a rappelé, elle est « un creuset d’expériences à partager, une vitrine de cette volonté d’initiatives des collectivités territoriales et une force d’entraînement de tous les élus locaux pour le développement de l’insertion et de l’emploi ». Sa présence au sein du conseil d’administration de l’association qui met en place cette expérimentation en faveur de l’emploi à l’échelon intercommunal est donc tout à fait légitime.
L'amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéa 25
Après les mots :
pilotage de l’expérimentation
insérer les mots :
, incluant les acteurs du territoire engagés dans les politiques d’insertion et d’emploi, telles les maisons de l’emploi et les structures porteuses des plans locaux pluriannuels d’insertion et d’emploi
II. – Alinéa 26
Après le mot :
insérer les mots :
, en cohérence avec les actions des acteurs territoriaux pour l’emploi
La parole est à M. Jean-François Husson.
Il est important que cette expérimentation s’appuie sur les orientations existantes sur les territoires, notamment les outils pour l’emploi et l’insertion, en particulier quand ils sont fédérés par les communes dans des intercommunalités. Il est également nécessaire que l’expérimentation s’intègre dans les principes de coordination des politiques de l'emploi préexistantes sur les territoires – les nouvelles conventions régionales pluriannuelles de coordination de l'emploi ou le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation –, ce qui est tout à fait conforme à la loi NOTRe.
M. Jean-François Husson.
L'amendement n
Mme la présidente.
Après le mot :
insérer les mots :
en cohérence avec les actions des acteurs territoriaux pour l'emploi,
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Il nous paraît important que les actions du comité local soient établies « en cohérence avec les actions des acteurs territoriaux pour l’emploi ».
Mme Hermeline Malherbe.
Au terme de la discussion qui a eu lieu ce matin en commission, cette proposition serait
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
S’agissant du sous-amendement n
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
L’amendement n
J’ai dit ce matin en commission qu’il me semblait difficile de revenir sur un accord trouvé à l’Assemblée nationale sur la composition du conseil d’administration. Néanmoins, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n
Les amendements identiques n
L’amendement n
La position de la commission est la même sur l’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n
Mme Myriam El Khomri,
Concernant les amendements identiques n
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n
Je mets aux voix le sous-amendement n
Mme la présidente.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, les amendements n
Mme la présidente.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote sur les amendements identiques n
Ce matin, en commission, nous avons longuement discuté du rôle des maisons de l’emploi. Votre intervention, madame la ministre, nous permet de trouver un bon compromis. En effet, vous acceptez de les reconnaître à un certain degré mais sans forcément aller jusqu’à les intégrer totalement dans la démarche.
M. Philippe Mouiller.
Je suis maintenant enclin à voter ces amendements, alors que, ce matin, j’étais beaucoup plus réservé. Tout l’intérêt du débat, c’est de faire évoluer nos positions…
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements sont adoptés.)
Madame Malherbe, l’amendement n
Mme la présidente.
Avant de retirer cet amendement, j’aurais aimé entendre Mme la ministre.
Mme Hermeline Malherbe.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je veux vous rassurer, madame la sénatrice. Le projet territorial déterminera la composition ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement du comité local en fonction notamment des acteurs localement présents. Je le répète, je ne suis pas favorable à la constitution d’une liste exhaustive, parce qu’on oublie toujours des noms.
Mme Myriam El Khomri,
Je vous invite donc à retirer votre amendement, qui est satisfait.
Madame Malherbe, que décidez-vous ?
Mme la présidente.
Bien que la réponse ne soit pas très précise, je retire l’amendement.
Mme Hermeline Malherbe.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Après les mots :
fixant les critères
insérer les mots :
économiques, sociaux, environnementaux, et garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Lors de la discussion qui a eu lieu en commission ce matin, certains ont souligné le risque d’oublier certains critères quand on tient à les énumérer. Je veux toutefois profiter de cette occasion pour appeler votre attention, madame la ministre, sur notre souhait de voir ce dispositif profiter à égalité aux femmes et aux hommes.
Mme Laurence Cohen.
En effet, s’il fut un temps où les femmes étaient les plus nombreuses à pâtir du chômage de longue durée, aujourd'hui, les courbes se rejoignent et ce sont les hommes qui sont les plus touchés par le chômage de longue durée. Je veux néanmoins signaler que les chiffres cachent un sous-emploi des femmes, pour lesquelles la pratique du temps partiel est très élevée.
J’aurais pu développer ces arguments lors de la présentation de l’amendement n
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission, bien qu’elle partage votre souci, madame Cohen, de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes, a estimé que la liste limitative des critères proposée par le biais de cet amendement pourrait constituer un obstacle parce qu’elle risque d’être incomplète. Par conséquent, elle vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, sans quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’avis du Gouvernement est également défavorable. Je me montrerai certes particulièrement vigilante quant au respect de ces critères, mais insérer dans le texte une telle liste est impossible. Le décret qui définira le cahier des charges de ces expérimentations intégrera bien évidemment ces critères : l’attention portée aux femmes y sera importante.
Mme Myriam El Khomri,
Madame Cohen, l’amendement n
Mme la présidente.
Dans ces conditions, nous acceptons bien évidemment de retirer notre amendement. J’insiste néanmoins sur l’importance de l’égalité d’accès à ce dispositif entre les femmes et les hommes. Tout en comprenant les arguments de mes collègues, je souhaite absolument que cet élément fasse l’objet de la discussion.
Mme Laurence Cohen.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L’amendement n
L’amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La mise en œuvre de l’expérimentation prévue à l’article 1
Elle pourra s'appuyer sur les expertises des outils territoriaux de l'emploi et de l'insertion : les plans locaux pour l'insertion et l'emploi pourront contribuer au repérage, à l'orientation et au suivi individualisé des publics. Les maisons de l'emploi, qui ont pour mission principale la gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences, pourront repérer les emplois pouvant être financés par ce fonds, et mobiliser et accompagner les entreprises de l'économie sociale et solidaire du territoire.
Dès lors qu'ils existent sur les territoires, les dispositifs territoriaux pour l'insertion et l'emploi, notamment les plans locaux pour l'insertion et l'emploi et les maisons de l'emploi, pourront piloter le comité local de gestion du fonds.
La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l’amendement n
Dans la droite ligne des amendements défendus précédemment, j’estime là encore qu’il faut tenir compte des dispositifs qui existent sur les territoires. En effet, comme cela a été dit plusieurs fois depuis le début de ce débat, les expériences doivent venir du territoire, de là où l’on est déjà bien organisé. Dans tous les cas, cela doit se faire à travers les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, les PLIE, ou encore les maisons de l’emploi. Il paraît naturel que ces acteurs, dont l’expertise est essentielle et reconnue, participent à ces expérimentations.
M. Jean-François Husson.
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement vise à associer à l’expérimentation, lorsqu’ils existent dans les territoires concernés, les maisons de l’emploi et les PLIE. Ce sont des outils d’animation, d’innovation et de mise en œuvre des politiques de l’emploi à l’échelon local qui coordonnent les actions des différents acteurs de leur territoire. Ils s’inscrivent dans la stratégie territoriale pour l’insertion et l’emploi.
Mme Mireille Jouve.
À ce titre, il serait tout à fait légitime de s’appuyer sur ces acteurs existants, qui apporteraient une expertise essentielle au succès de cette expérimentation.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission demande le retrait de ces amendements, faute de quoi son avis sera défavorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’enjeu de cette expérimentation est justement, à mon sens, de partir des collectivités. Dès lors, c’est dans le cadre de leur candidature que celles-ci doivent exprimer leur volonté quant aux acteurs du pilotage de l’expérimentation. Par conséquent, je ne souhaite pas à ce stade orienter le pilotage systématique de cette dernière vers les maisons de l’emploi ou les PLIE. Les décisions sur ce point doivent appartenir aux acteurs locaux et, en premier lieu, aux collectivités.
Mme Myriam El Khomri,
On nous reproche bien souvent, dans le champ de l’emploi, le manque de lisibilité des dispositifs et la mise en place trop fréquente de procédures un peu trop corsetées à l’échelle nationale. Je reconnais cela d’autant plus volontiers que je viens d’admettre, auprès des préfets, la fongibilité entre les aides aux postes en matière d’insertion et les contrats d’insertion. En fait, les territoires demandent plutôt que l’on ne rigidifie pas trop les règles. Il faut, à mon sens, je le répète, partir des territoires et des volontés exprimées par les collectivités, ce qui explique l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements identiques.
Monsieur Husson, l’amendement n
Mme la présidente.
Oui, je maintiens cet amendement, dont l’objet n’est pas de rendre obligatoire l’implication de ces acteurs.
M. Jean-François Husson.
Je profite de cette occasion, ne m’étant pas exprimé auparavant, pour saluer le revirement de position du Gouvernement. En effet, concernant le même sujet, madame la ministre, on nous expliquait il y a un an et demi que, si les maisons de l’emploi avaient du bon, du fait des disparités territoriales, on laissait les collectivités locales, quand bien même elles s’impliquent et participent au financement des dispositifs en cause, plutôt livrées à elles-mêmes. Je veux donc saluer l’engagement pris à présent sous votre responsabilité.
Je conviens que votre ministère est bien compliqué à exercer ; les résultats, d’autres l’ont dit avant moi, sont difficiles à atteindre. Toutefois, vous vous mobilisez aux côtés des collectivités locales. Cela étant, il faut d’abord penser à celles et ceux qui n’ont pas de travail depuis longtemps et, là encore, reconnaître la capacité d’expertise des acteurs locaux d’un territoire quand, ensemble, ils se mettent d’accord sur ce point.
Je veux enfin vous rappeler, madame la ministre, puisque vous y êtes déjà venue, que, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, il existe trois maisons de l’emploi, chacune située sur un territoire différent, plus ou moins urbain. Ces maisons mènent des actions de coordination au service des populations les plus en difficulté, les plus éloignées de l’emploi. C’est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, ma combativité et ma détermination sont intactes.
Madame Jouve, l’amendement n
Mme la présidente.
Oui, madame la présidente.
Mme Mireille Jouve.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
I. – Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signe des conventions avec les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui remplissent les conditions fixées aux articles 1
Cette convention, conclue pour la durée de l’expérimentation, précise le montant de la rémunération pris en charge par le fonds compte tenu de la durée de travail prévue dans le contrat, ainsi que la fraction de l’indemnité de licenciement prise en charge par le fonds et due lorsque le licenciement résulte de la fin du versement de l’aide attribuée dans le cadre de l’expérimentation. Les conditions de fixation du montant de la rémunération pris en charge par le fonds ainsi que les conditions de dégressivité dans le temps de ce montant, en fonction de la situation de l’entreprise, sont fixées par le décret mentionné à l’article 7
II. – La rupture du contrat à l’initiative du salarié avant la fin de l’expérimentation soit pour exercer un emploi sous contrat de travail à durée déterminée d’au moins six mois ou sous contrat de travail à durée indéterminée, soit pour suivre une action de formation qualifiante au sens de l’article L. 6314-1 du code du travail ne peut avoir pour effet de priver le salarié de ses droits à l’assurance chômage.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente.
L’amendement n
Remplacer les mots :
de l’économie sociale et solidaire qui remplissent les conditions fixées aux articles 1
par les mots :
participant à l’expérimentation
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Je retire cet amendement, madame la présidente.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
L’amendement n
Mme la présidente.
L’amendement n
1° Remplacer les mots :
qui remplissent les conditions fixées aux articles 1
par les mots :
mentionnées au I de l’article 1
2° Supprimer les mots :
de la présente loi et domiciliées depuis au moins six mois dans une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un groupe de collectivités territoriales participant à l’expérimentation
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Après le mot :
indéterminée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
conformément au droit du travail
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement est issu des travaux que nous avons accomplis ce matin en commission. En effet, il se substitue à deux amendements que nous avions précédemment déposés : le premier avait pour objet de préciser que le salaire soit à hauteur de la grille en cours dans l’entreprise ayant passé convention avec le fonds pour employer les personnes visées ; le second tendait à préciser que le temps de travail de ces salariés ne saurait déroger au temps de travail légal aujourd’hui en vigueur.
Mme Annie David.
Lors de la discussion qui s’est tenue ce matin en commission, Mme la rapporteur nous a confirmé que ce dispositif rentrait bien dans le droit commun du travail. Il nous a donc semblé que, plutôt que d’inscrire dans la loi la nécessité que le salaire des bénéficiaires de l’expérimentation soit au moins égal au SMIC, ce qui laisserait entendre que, à défaut de cette mention, l’expérimentation fait exception au droit commun, il conviendrait de modifier la fin de l’article 4 en remplaçant la référence au SMIC par l’expression : « conformément au droit du travail ». Cela apporterait la garantie que ce dispositif s’inscrit bien dans le droit commun.
Ainsi, en conclusion des travaux menés ce matin en commission, nous avons estimé que la rédaction que nous proposons en l’espèce, en supprimant du texte cette référence malvenue au SMIC au profit de l’assurance de la conformité du dispositif au droit du travail, nous permettrait d’être tous d’accord.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Les auteurs de cet amendement souhaitent que le droit commun du travail s’applique aux CDI conclus dans le cadre de l’expérimentation. Qu’ils soient rassurés ! La réunion de la commission ce matin leur a déjà donné des raisons de l’être, et je tiens à confirmer en cet instant que ce sera bien le cas : cette conformité est même l’un des points forts de cette expérimentation, qui rompt avec la logique dérogatoire des contrats aidés. Je pense que Mme la ministre ne me contredira pas sur ce point.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
La référence au SMIC à l’article 4 peut par ailleurs être expliquée. Il faut rappeler que, initialement, ATD Quart Monde prévoyait que ces contrats seraient invariablement payés au SMIC durant les cinq années de l’expérimentation. Or le Conseil économique, social et environnemental a indiqué que cela ne serait ni souhaitable ni légalement valable.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je n’ai rien à ajouter aux explications de Mme la rapporteur : l’avis du Gouvernement est aussi défavorable.
Mme Myriam El Khomri,
La parole est à Mme David, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Mme la rapporteur et Mme la ministre nous affirment que le dispositif s’inscrit bien dans le droit commun. De son côté, le Conseil économique, social et environnemental précisait bien, dans son avis, qu’il fallait que le contrat respecte le droit du travail et qu’il ne pouvait par conséquent être question de bloquer le salaire au SMIC pendant la durée de l’expérimentation de cinq ans. La rédaction de l’article a en conséquence été légèrement modifiée, pour préciser que le SMIC représente le salaire minimum au début du processus, ce qui n’empêche pas une évolution ultérieure.
Mme Annie David.
Cela dit, je retire cet amendement, madame la présidente.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
1° Première phrase
Remplacer les mots :
résulte de la fin du versement de l’aide attribuée dans le cadre de l’expérimentation
par les mots :
intervient dans les conditions prévues à l’article 7
2° Deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un amendement d’harmonisation et de coordination qui a pour objet de préciser que le fonds d’expérimentation n’interviendra dans le financement de l’indemnité des salariés licenciés que si le licenciement résulte d’un arrêt anticipé de l’expérimentation ou de sa non-reconduction.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente.
L’amendement n
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
II. – Le contrat de travail conclu dans le cadre de l’expérimentation peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre d’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois, ou bien un contrat à durée déterminée de moins de six mois.
En cas d’embauche à l’issue de cette période d’essai, le contrat est rompu sans préavis.
L’aide attribuée pour cet emploi par le fonds dans le cadre de l’expérimentation n’est pas versée pendant la période de suspension du contrat de travail.
La parole est à Mme la ministre.
La proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit que la rupture du contrat, si elle est effectuée avant la fin de l’expérimentation et sur l’initiative du salarié pour exercer un CDD d’une durée d’au moins six mois, un CDI ou une formation qualifiante, ne peut avoir pour effet de priver le salarié de ses droits à l’assurance chômage, comme c’est le cas pour les contrats aidés suivant les termes de l’accord d’application du 14 mai 2014 annexé à la convention d’assurance chômage.
Mme Myriam El Khomri,
Si le même régime peut légitimement s’appliquer aux bénéficiaires de l’expérimentation, il revient aux partenaires sociaux d’en décider. Je leur proposerai bien évidemment de s’emparer de ce sujet.
En attendant, afin d’encourager la recherche d’emploi sur le marché du travail de façon sécurisée par les salariés participant à l’expérimentation, le présent amendement vise à substituer au cadre de la démission la possibilité de suspendre le contrat pour accomplir la période d’essai d’un CDI, un CDD d’une durée au moins égale à six mois ou bien un CDD de moins de six mois. Ce point est très important.
Je prends également en compte les débats que vous avez eus en commission, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que l’amendement qui a été défendu par M. Gabouty. Si, par exemple, la période d’essai n’est pas concluante, les salariés pourront, si besoin est, réintégrer leur entreprise d’accueil et poursuivre leur parcours professionnel.
Enfin, la rédaction proposée par le biais de cet amendement ne mentionne plus les actions de formation qualifiante, car le code du travail permet déjà d’articuler période de travail et actions de formation.
L’amendement n
Mme la présidente.
Remplacer le mot :
par le mot :
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Même si nos amendements précédents n’ont pas été pris en compte par Mme la ministre et ont été quelque peu malmenés tant par la gauche que par la droite, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir retenu notre réflexion sur le présent point. En effet, la rédaction que vous proposez dans votre amendement permet de contourner certaines difficultés, notamment vis-à-vis de l’UNEDIC, dans la mesure où ce dispositif avait été modifié et où sa finalité est bien d’encourager la recherche d’emploi sur le marché du travail de droit commun par les personnes entrées dans ce dispositif expérimental. Je retire donc cet amendement ; ses signataires apporteront leur soutien à celui du Gouvernement.
M. Jean-Marc Gabouty.
L'amendement n
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n
La réponse qu’apporte le Gouvernement par son amendement convient à la commission. C'est la raison pour laquelle celle-ci émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
Mme la présidente.
(L'article 4 est adopté.)
Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les groupes de collectivités territoriales et les organismes publics et privés mentionnés à l’article 1
Le fonds signe avec chaque collectivité territoriale, établissement public de coopération intercommunale ou groupe de collectivités territoriales habilité une convention qui précise leur engagement à respecter un cahier des charges élaboré par le fonds et qui fixe les conditions de leur participation volontaire au financement de l’expérimentation. L’État et l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail sont également cosignataires de ces conventions.
Le fonds signe par ailleurs une convention avec l’État et les organismes publics et privés participant à l’expérimentation afin de fixer le montant de leur contribution au financement de l’expérimentation et de définir l’affectation de cette contribution.
Les modalités de participation de l’État au fonds sont fixées par le décret mentionné à l’article 7
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer la référence :
à l’article 1
par la référence :
au I de l’article 1
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 2, première phrase
1° Remplacer le mot :
par les mots :
participant à l’expérimentation
et les mots :
un cahier des charges élaboré par le fonds et
par les mots :
le cahier des charges mentionné au deuxième alinéa du I de l’article 3,
2° Compléter cette phrase par les mots :
et qui définit l’affectation de cette participation
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un amendement d’harmonisation et de précision rédactionnelle, qui vise à confirmer que la contribution financière des collectivités au financement de l’expérimentation sera bien destinée aux projets situés sur leurs territoires respectifs.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le fonds signe une convention avec l’État et chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation afin de fixer le montant de leur contribution à son financement et de définir l’affectation de cette contribution.
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement vise à préciser que le fonds signera non une convention globale, mais une convention avec chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
En lien avec les amendements n
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
Mme la présidente.
(L'article 5 est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre de la mise en place de l’expérimentation territoriale visant à réduire le chômage de longue durée, l’effectif de l’indice de référence des entreprises adaptées est augmenté de 15 % dans les territoires participant à l’expérimentation.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
Les entreprises adaptées, qui sont dans le secteur marchand, seront impliquées dans l’expérimentation territoriale visant à réduire le chômage de longue durée. Il est donc nécessaire que les travailleurs classés handicapés puissent avoir leur place dans ces entreprises. Je rappelle que, actuellement, les dotations par région sont assez basses. Par conséquent, pour les territoires retenus, il serait bien que les travailleurs classés handicapés puissent trouver des postes dans les entreprises adaptées. En effet, la catégorie des chômeurs de longue durée inclut aussi les travailleurs classés handicapés.
M. Daniel Chasseing.
C’est pourquoi cet amendement vise à augmenter de 15 % l’effectif de l’indice de référence des entreprises adaptées dans les territoires participant à l’expérimentation.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a du mal à comprendre l’intérêt d’une disposition qui ressemble fort à un cavalier. En effet, il est prévu que les entreprises adaptées puissent passer une convention dans le cadre de l’expérimentation. En revanche, pour celles qui ne conventionneraient pas, nous nous interrogeons sur le lien à établir entre l’augmentation possible de l’effectif de l’indice de référence et la contractualisation. C’est la raison pour laquelle la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Monsieur le sénateur, je partage votre position : cette expérimentation doit absolument inclure une action en direction des demandeurs d’emploi de longue durée en situation de handicap. Il est normal que cette population puisse en bénéficier. Cependant, je ne pense pas que ce soit en augmentant l’effectif de l’indice de référence que l’on accroîtra la part relative aux entreprises adaptées.
Mme Myriam El Khomri,
La situation des personnes handicapées au regard de l’accès au marché du travail est intolérable. C’est pourquoi, dans le secteur non marchand, nous avons porté de 10 % à 15 % l’effectif des personnes en situation de handicap dans le secteur des emplois aidés, car nous avons des difficultés à leur permettre d’accéder au marché du travail. C’est aussi pourquoi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, j’ai augmenté de 500 le nombre d’aides aux postes dans les entreprises adaptées et le Gouvernement entend bien poursuivre dans cette voie.
Néanmoins, il ne faut pas trop figer les choses : les personnes en situation de handicap pourront bénéficier de l’expérimentation, mais cela n’a pas véritablement de lien avec les aides qui peuvent par ailleurs être apportées aux entreprises adaptées.
Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. Daniel Chasseing.
L'amendement n
Mme la présidente.
Si l’expérimentation n’est pas reconduite au terme du délai mentionné à l’article 1
Elles peuvent rompre tout ou partie des contrats de travail mentionnés au même article 4. Ce licenciement, qui est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique, repose sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse. Le fonds verse à l’employeur la fraction du montant de l’indemnité de licenciement fixée par la convention mentionnée à l’article 4.
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer le mot :
par le mot :
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéa 2
1° Première phrase
Au début, insérer les mots :
Dans ce cas,
2° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ce licenciement, qui repose sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique.
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans tous les autres cas, le licenciement intervient dans les conditions du droit commun.
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Cet amendement porte sur le licenciement des salariés d’une entreprise conventionnée. Il vise à limiter explicitement la reconnaissance par la loi d’un licenciement individuel pour motif économique au seul cas où ce licenciement serait consécutif à l’arrêt prématuré du versement à l’entreprise de l’aide financière par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Dans ce seul cas, le fonds financera une partie de l’indemnité de licenciement des salariés concernés.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
Mme la présidente.
(L'article 7 est adopté.)
Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application de la présente loi, notamment la méthodologie de l’évaluation de l’expérimentation par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, les modalités de fonctionnement et de gestion du fonds et des comités locaux mentionnés à l’article 3, les modalités de passation des conventions conclues entre le fonds et les entreprises mentionnées à l’article 4 et celles conclues entre le fonds et les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales habilités ainsi que les critères retenus pour fixer le montant de la fraction de la rémunération prise en charge par le fonds mentionné à l’article 3.
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer les mots :
par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
À la suite des dispositions adoptées à l’article 1
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer le mot :
par les mots :
participant à l’expérimentation
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.
M. Éric Jeansannetas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet article par les mots :
, qui peut être dégressif dans le temps en fonction de la situation de l’entreprise, et les modalités de participation de l’État au fonds
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
Il s’agit d’un simple amendement de coordination, dont l’examen nous conduit à rappeler le principe même du fonctionnement de l’expérimentation.
M. Éric Jeansannetas.
L’objectif de cette expérimentation est que, au-delà de la phase d’amorçage, l’activité de l’entreprise ainsi créée devienne progressivement solvable. Ce but devrait être atteint, puisque les activités de l’entreprise seront déterminées à partir de l’évaluation de besoins identifiés sur le terrain, mais ne seront pas prises en charge par le secteur marchand.
Au fur et à mesure que l’activité se développe et génère un profit, l’entreprise peut prendre en charge directement la rémunération des salariés ; l’équilibre se met en place et le soutien financier du fonds peut être dégressif. Il est donc nécessaire de le préciser dans le décret d’application, tout comme il est nécessaire de préciser dans ce texte les modalités de participation de l’État. Il s’agit là d’une simple technique juridique, qui ne présage en rien le maintien du montant global de la participation de l’État, en rapport avec l’extension du dispositif.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ce matin, en commission, l’examen de cet amendement a donné lieu à un long débat, nourri par des incompréhensions sur la portée réelle du dispositif. Je tiens à rappeler que la disposition prévue n’ajoute rien à la proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale : il s’agit uniquement d’un amendement de légistique, qui vise à réintroduire à l’article 7
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est son objet ? Le décret d’application devra prévoir les conditions de l’éventuelle dégressivité dans le temps non de la participation de l’État – ce qui était à l’origine du vote défavorable de la commission ce matin –, mais du montant de l’aide versée par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à chacune des entreprises conventionnées. Cette dégressivité est envisagée, parce que le but de l’expérimentation est bien de rendre solvables des activités nouvelles. Il est donc tout à fait possible d’envisager que, au bout d’un an ou de deux ans, la rentabilité de celles-ci s’améliore : dans ces conditions, le fonds n’aurait plus à compenser un différentiel aussi important qu’à l’origine entre le coût du salarié pour l’entreprise et le bénéfice qu’il lui permet de réaliser.
Je précise qu’il s’agit là d’un dispositif demandé par les associations impliquées dans l’expérimentation !
Enfin, il est prévu que le décret fixe « les modalités de participation de l’État au fonds », ce qui figurait à l’alinéa 4 de l’article 5. Il n’est pas ici question de prévoir, de manière détournée, un éventuel désengagement anticipé de l’État, qui abandonnerait les collectivités volontaires à leur propre sort – Mme la ministre a déjà donné toutes les précisions nécessaires en ce sens.
Par conséquent, mes chers collègues, bien que la commission ait émis un avis défavorable sur cet amendement ce matin, je vous demande de bien vouloir reconsidérer cette position à la lumière des explications que je viens d’apporter.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable !
Mme Myriam El Khomri,
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la rapporteur, j’entends bien les arguments que vous venez de développer. Il n’en reste pas moins que vous avez d’abord expliqué que cette disposition n’apportait rien à la proposition de loi. En même temps, depuis le début de nos discussions, on cherche à rassurer les collectivités sur le financement, mais on finit en nous expliquant que le principe de la dégressivité de l’aide de l’État sera inséré dans le texte, alors même qu’un décret en fixera les modalités. Pourquoi adopter cet amendement, si un décret fixant les règles du jeu est déjà prévu ?
M. Philippe Mouiller.
Cette disposition me semble un mauvais signal. Si elle n’apporte rien de spécifique à la proposition de loi, pourquoi la faire figurer ?
Je le répète, nous avons besoin d’être rassurés et une telle précision, en fin de débat, nous dérange. La position défavorable adoptée par la commission ce matin me semble donc la bonne.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Ce que je comprends, tout en me remémorant la discussion de ce matin, c’est que la disposition prévue à cet amendement n’apporte juridiquement rien de plus ou de moins au texte, mais elle l’éclaire. Peut-être aurions-nous dû avoir ce débat en début de séance, parce que certains collègues, dont Daniel Chasseing et Jean-Marie Vanlerenberghe, ont fait allusion aux emplois marchands privés. Telle est bien la finalité économique de la proposition de loi. Certes, il s’agit d’un texte d’innovation sociale, mais qui a aussi une logique économique, puisque nous voulons créer des emplois solvables par l’activité économique.
Mme Nicole Bricq.
Ce matin, en commission, j’ai pris l’exemple des déchets – je ne recommence pas ma démonstration, il est trop tard –, produits gérés de manière associative voilà plus de trente ans, qui sont maintenant entrés dans un
Voilà la logique du texte, et je voudrais vous en convaincre, mes chers collègues, pour vous faire revenir sur votre position. Ce n’est pas uniquement un texte d’innovation sociale ; cette proposition de loi a une logique économique, à savoir créer des emplois solvables. C’est ce que précise la disposition qui nous est soumise.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je comprends bien les propos de Mme Bricq tendant à rassurer M. Mouiller et, comme ce matin en commission, à nous convaincre de voter en faveur de cet amendement.
Mme Annie David.
Toutefois, je trouve dommage et malvenu, alors que l’examen de ce texte s’est bien passé jusqu’à présent, que l’on nous propose de viser dans le décret les modalités de participation de l’État au fonds en fin de discussion, alors que les collectivités territoriales sont déjà inquiètes concernant leurs finances. On pourrait simplement ajouter à la fin de l’article 7
Si cet amendement est adopté, cela ne nous empêchera pas de voter le texte, mais il suscite néanmoins des interrogations. Madame la ministre, pourriez-vous, comme je vous l’ai demandé lors de la discussion générale, nous garantir que les collectivités territoriales ne seront pas amenées à financer le dispositif en cas de désengagement de l’État ? Outre le fait que cela nous rassurerait, cela constituerait une réponse forte, conforme aux préconisations du Conseil économique, social et environnemental, qui demande que le financement de ce dispositif soit inscrit dans une loi de finances.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous redonner lecture de l’article 7
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Le présent amendement vise simplement à compléter cet article par les mots : « , qui peut être dégressif dans le temps en fonction de la situation de l’entreprise, et les modalités de participation de l’État au fonds ».
Quel est l’intérêt ?
M. Philippe Mouiller.
Ce complément tend seulement à prévoir clairement que la participation du fonds peut être dégressive dès lors que l’emploi devient rentable.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Peut-être pourrions-nous supprimer la référence aux modalités de participation de l’État au fonds qui semble plus particulièrement poser problème, alors que Mme la ministre a été claire sur son engagement…
Ce serait bien !
Mme Catherine Deroche.
Je sollicite son avis sur ce point.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Il était en effet important de redonner lecture de l’article 7
Mme Myriam El Khomri,
J’indique toutefois que cette dégressivité ne sera pas automatique, comme pouvait le laisser supposer le texte tel qu’il était initialement rédigé. Il s’agit de tenir compte du modèle économique de l’entreprise ayant passé une convention et de sa situation financière – tel est l’enjeu –, de faire en sorte que les activités deviennent pérennes et qu’elles n’aient plus besoin d’être subventionnées. Nous allons essayer de montrer que des dépenses actives permettent de donner un emploi viable à des chômeurs.
Il fallait éviter deux écueils : d’une part, une dégressivité automatique, afin de pouvoir laisser plus de temps à certaines activités, d’autre part, un financement par l’État et ses partenaires tout au long de l’expérimentation. À cet égard, la formulation proposée clarifie le fait que la dégressivité dépendra de la situation économique de l’entreprise.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous avons abordé cette proposition de loi comme un texte d’expérimentation. Pour nous, il n’était pas du tout question de « surlégiférer » par rapport à ce qu’avait fait l’Assemblée nationale.
Mme Catherine Deroche.
Mon groupe a simplement exprimé la crainte que la charge du dispositif ne bascule à un moment donné sur les collectivités territoriales. Force est de le reconnaître, le caractère dégressif de la participation de l’État au fonds est inquiétant. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne rassure ni les collectivités ni les entreprises. Nous y demeurons donc défavorables.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 7
Mme la présidente.
(L'article 7
est adopté.)
La présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1
Je suis saisie de trois amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
faire disparaître
par le mot :
La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour présenter l’amendement n
S’il est bon d’être ambitieux, il n’est pas raisonnable d’être présomptueux ! Il ne serait pas digne du législateur de faire croire ou de laisser croire qu’il a trouvé une formule magique pour faire disparaître le chômage de longue durée. D’ailleurs, personne ne le croirait !
M. Éric Jeansannetas.
Nous savons que les chômeurs de longue durée sont les personnes les plus en difficulté, celles qui doivent particulièrement bénéficier d’un accompagnement adapté à leur réinsertion dans l’activité économique et dans l’emploi. Il s’agit d’une œuvre de longue haleine, exigeant la mobilisation de tous. Nous en prenons dans cette enceinte modestement notre part en permettant à l’initiative de grandes associations et des partenaires locaux de se développer pleinement.
Il est bien évident que le présent texte ne permettra pas de faire disparaître le chômage de longue durée – nous n’avons pas d’illusion sur ce point –, mais nous avons l’espoir de parvenir à le contenir et, progressivement, à le réduire et à le résorber. Nous voulons partager cet espoir avec tous ceux qui vivent cette situation ou craignent de la vivre un jour.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de modifier l’intitulé de la proposition de loi en remplaçant le mot : « disparaître » par le mot : « résorber ».
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Mon amendement étant identique au précédent, mes explications seront sensiblement les mêmes.
M. Jean-Marc Gabouty.
Certains auraient bien sûr préféré que l’on utilise les termes « diminuer » ou « réduire », mais ces mots pouvant être accompagnés d’un pourcentage, ils pourraient être tournés en ridicule. Ils n’étaient donc pas appropriés. En effet, réduire le chômage de 0,5 %, c’est effectivement le diminuer…
Le terme « résorber » répond, lui, à l’objectif ambitieux, même si ce dernier est un peu irréaliste, de réduire le plus possible le chômage de longue durée. Il s’agit de fixer un cap. Par ailleurs, il indique bien que la réduction sera progressive, ce qui est bien plus réaliste. Ce terme peut susciter un consensus.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Pour ma part, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur et la commission des affaires sociales d’avoir entendu mon cri d’alarme sur ce sujet avant l’interruption de nos travaux pour les fêtes de fin d’année. Il ne faut pas faire croire n’importe quoi aux chômeurs de longue durée. Certes, on a besoin et raison d’être ambitieux sur un tel sujet, c’est important. Il est intéressant de vouloir faire disparaître le chômage de longue durée, mais il faut faire attention à la manière de formuler les choses. Il y aura de la communication sur ce texte, du moins je le souhaite. Il ne faudrait pas, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, provoquer de la frustration, de l’insatisfaction et, une fois de plus, du désespoir.
Mme Hermeline Malherbe.
J’espère que ces amendements identiques seront adoptés à une grande majorité, voire à l’unanimité, même si je sais que certains préfèrent la notion de réduction, sur laquelle je ne reviendrai pas, Jean-Marc Gabouty venant de l’évoquer.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission est favorable à ces trois amendements identiques.
Mme Anne Emery-Dumas,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Je comprends tout à fait les arguments qui viennent d’être avancés et je pense qu’il revient à cette assemblée de décider de l’intitulé de cette proposition de loi.
Mme Myriam El Khomri,
Je profite de ma dernière intervention pour remercier Mme la rapporteur du travail qu’elle a effectué sur ce texte, tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de la tenue de ce débat.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Si la question du chômage de longue durée n’était pas si dramatique pour les personnes concernées, le débat sur l’intitulé de la proposition de loi prêterait à sourire.
M. Olivier Cadic.
Je tiens à signaler à mon collègue qui m’a interpellé tout à l’heure que je suis également un entrepreneur, mais que je me paie non pas de mots, mais de résultats. Comme vous, je vis sur une île, où le taux de chômage est non pas de 30 %, mais de 5 %. D’autres politiques économiques sont donc possibles ; d’autres organisations du travail permettent d’obtenir de tels résultats. Je vous le dis sans rire : c’est cette efficacité que je veux apporter à mon pays.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements sont adoptés.)
En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Mme la présidente.
Par ailleurs, je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Le groupe UC-UDI s’est investi dans l’examen de ce texte en ayant la volonté de l’améliorer sans en trahir ni l’esprit ni les objectifs.
M. Jean-Marc Gabouty.
L’échantillon de dix territoires nous paraît cependant trop limité pour pouvoir tirer des enseignements pertinents du dispositif proposé. Il nous semble également antinomique de refuser l’ouverture du dispositif, laquelle aurait pu être contingentée, au secteur marchand, alors que ce mécanisme lui sera étendu si l’expérimentation est positive. Comment une telle extension sera-t-elle possible, alors qu’aucune expérimentation n’aura été effectuée au préalable en l’espèce ? Il y a une certaine contradiction dans la démarche.
Enfin, maintenir une durée d’expérimentation de cinq ans ne permettra pas de garantir la réactivité nécessaire à ce type de dispositif. Or ce point nous paraissait essentiel.
Cela étant dit, la grande majorité de mon groupe approuvera ce texte, compte tenu de l’objectif poursuivi et de sa volonté de laisser une chance à ce type d’expérimentation. Toutefois, en faisant de tels choix en matière de gestion et de durée, on n’est sans doute pas près d’inverser la courbe du chômage de longue durée !
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme la présidente.
Je tiens à remercier à la fois Mme la rapporteur de son travail et le Gouvernement. Si le texte est d’origine parlementaire, le Gouvernement y a apporté sa contribution. C’est là une coproduction dont on ne peut que se féliciter.
Mme Nicole Bricq.
Je veux aussi remercier la majorité sénatoriale de son soutien à cette proposition de loi. Elle a compris l’enjeu. Nos concitoyens attendent de nous que, sur des textes, nous arrivions à nous mettre d’accord pour un objectif commun. Il s’agit de retrouver des majorités d’idées, et ce n’est pas si fréquent.
Oui, monsieur Cadic, il est anormal que la France ait un taux de chômage aussi élevé. Dans un hebdomadaire paru la semaine dernière, le macroéconomiste Olivier Blanchard, qui était encore récemment chef économiste au Fonds monétaire international, considère que ce taux pourrait être ramené à 8 % et qu’une réforme du marché du travail permettrait de le ramener à 5 %.
J’attends beaucoup des propositions législatives qui nous seront faites prochainement. Nous nous retrouverons certainement à vos côtés, madame la ministre, pour en débattre au Sénat.
Il ne faut pas forcément mettre en concurrence l’innovation sociale et les logiques purement économiques, fussent-elles macroéconomiques – je me rappelle votre intervention ce matin, monsieur Vanlerenberghe –, il faut les mener de pair. C’est le sens de ce texte, qui fait confiance aux territoires, à l’expérimentation, à l’innovation et qui introduit un cadre très clair pour l’évaluation. Nous avons, je le crois, fait œuvre utile ensemble cette nuit.
Je suis bien d’accord !
M. Jean-Marc Gabouty.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
Mme la présidente.
Nous sommes relativement satisfaits du débat qui a eu lieu ce soir.
M. Philippe Mouiller.
L’enjeu de ce texte, c’est d’utiliser l’argent qui est investi dans l’aide sociale au bénéfice des chômeurs de longue durée afin de leur permettre de bénéficier d’un emploi en CDI. Il s’agit d’avoir une approche différente du chômage de longue durée, en donnant aux personnes concernées la possibilité de retourner vers l’emploi, dans un environnement sociétal qui répond davantage à leurs attentes et à leurs aspirations.
Au-delà, les discussions ont apporté des réponses à plusieurs de nos interrogations. Mais si le groupe Les Républicains est favorable à ce texte – le message a été entendu, madame la ministre –, celui-ci n’est qu’un élément du processus, et nous attendons beaucoup des futures mesures économiques en faveur de l’emploi. L’urgence est générale, je tenais, en conclusion, à rappeler ce point essentiel.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme la présidente.
Je compléterai simplement ce qui vient d’être dit de part et d’autre.
Mme Hermeline Malherbe.
Nous aurions souhaité, sur certaines dispositions, que cette proposition de loi aille plus loin. Je regrette notamment ces expériences limitées à dix. Cela étant, les débats ont été riches, et en votant ce texte, qui constitue une expérimentation, nous allons de l’avant.
Je félicite moi aussi Mme la rapporteur pour la tenue de ces débats. Ils nous ont permis d’avancer franchement les uns et les autres et de nous mettre en ordre de bataille pour continuer à progresser dans cette démarche. Nous savons en effet que nous devrons bientôt travailler sur des textes concernant l’emploi.
J’insiste tout particulièrement, comme d’autres – peut-être moins ce soir –, sur les très petites entreprises, les artisans et un certain nombre de petits commerçants qui sont aussi fortement touchés dans nos territoires et qui ont très souvent envie d’embaucher leur premier ou leur deuxième salarié.
Nous voici donc en ordre de marche pour travailler sur ces sujets au bénéfice de nos concitoyens !
La parole est à Mme Annie David.
Mme la présidente.
Je veux dire à mon tour le plaisir que je ressens à voir ce texte sur le point d’être adopté à la quasi-unanimité. Sans doute est-ce le résultat, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, de l’association du terrain et du Parlement à l’écriture de cette proposition de loi, que le débat parlementaire a encore permis d’enrichir.
Mme Annie David.
Ce résultat est aussi dû à Mme la rapporteur, Anne Emery-Dumas, dont les efforts ont beaucoup contribué à nous donner une vision positive de ce texte. Je tiens à l’en remercier, ainsi que la commission, bien sûr, et son président.
Les amendements qui nous inquiétaient, dont j’ai parlé lors de la discussion générale, ayant été repoussés, certains des nôtres adoptés, nous sommes heureux de voter cette proposition de loi telle qu’elle ressort de nos travaux.
Néanmoins, mes chers collègues – cela a été indiqué –, il ne faut pas non plus faire dire à ce texte plus que ce qui y est écrit. Cette proposition de loi n’a pas vocation à réduire à néant le chômage de longue durée sur l’ensemble du territoire. En ce sens, la modification de son intitulé, en ramenant ce texte à un peu plus de modestie, est sage, car il ne faudrait pas apporter de l’insatisfaction aux personnes qui souffrent de ce fléau qu’est le chômage de longue durée.
Nous faisons œuvre utile, car toute mesure susceptible de combattre ce chômage est positive, même si seuls quelques milliers de cas sont concernés. Donner de l’emploi à deux à trois mille chômeurs de longue durée, comme l’indiquait Mme la rapporteur, c’est bien, mais je suis persuadée que c’est quand même au secteur marchand de créer des emplois.
Il est nécessaire – et le groupe CRC est très souvent porteur de propositions en ce sens – de redonner à notre pays une industrialisation forte et de prendre de vraies mesures pour l’emploi qui ne soient pas seulement des dispositions en faveur des entreprises.
Mme Laurence Cohen.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
Mme la présidente.
N’attendons quand même pas de cette proposition de loi qu’elle résorbe le chômage de longue durée !
M. Daniel Chasseing.
C’est évident !
Mme Nicole Bricq.
Certes, c’est un petit plus. Je me félicite que nous soyons nombreux à soutenir ce texte et je remercie Mme la rapporteur.
M. Daniel Chasseing.
Cependant, je regrette que, dans l’immédiat, le secteur marchand n’y soit pas associé. J’espère qu’il le sera à l’avenir.
J’espère également que ce texte créera, dans certains territoires ruraux, que je connais bien, une dynamique territoriale. La mise en œuvre d’une telle dynamique nécessiterait effectivement, comme l’a dit Mme Malherbe, l’intégration des artisans et des commerçants, qui ont très peu de marges de manœuvre pour embaucher. Certains, même s’ils peuvent le faire, hésitent à recruter, notamment des chômeurs de longue durée, parce qu’ils ont parfois quelques
L’intégration du secteur marchand, je le répète, aurait été un atout supplémentaire pour favoriser une dynamique dans les territoires qui vont être retenus.
Bien sûr, je vais voter ce texte, qui sera utile dans mon département et dans ma commune.
Personne ne demande plus la parole ?...
Mme la présidente.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (proposition n
Mme la présidente.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devrons suspendre l’examen de ce texte au terme du délai de quatre heures réservé au groupe socialiste et républicain, soit à une heure du matin.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
Madame la présidente, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, Ségolène Royal s’est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. C'est la raison pour laquelle, avec le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, elle avait demandé à Guillaume Garot de lui remettre un rapport sur le sujet au premier semestre 2015.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Les constats faits dans ce rapport étaient particulièrement préoccupants.
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estime qu’un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est perdu ou gaspillé dans le monde. Cela représente 1,3 milliard de tonnes par an, ce qui équivaut à plus de 160 kilogrammes par an et par habitant.
La FAO considère que le gaspillage alimentaire est le troisième émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis.
Vingt kilogrammes de nourriture par an et par habitant sont ainsi jetés à la poubelle par les ménages, dont sept kilogrammes de nourriture encore emballée. Le chiffre de vingt kilogrammes est d'ailleurs sous-estimé. La réalité du gaspillage, au vu des résultats d’études complémentaires, se situe vraisemblablement à plus de trente kilogrammes par habitant.
La quantité des déchets ménagers générée par le gaspillage alimentaire est très importante, alors que le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a fait de la prévention des déchets un axe essentiel de sa politique. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit ainsi une réduction de 10 % des déchets par personne et par an en 2020 par rapport à 2010.
Enfin, le gaspillage alimentaire est profondément injuste, car il touche surtout les familles les plus démunies, qui se laissent abuser par des dates limites de consommation qui, pour certains produits, ont été sous-estimées, conduisant souvent ces familles à jeter des produits encore consommables.
Guillaume Garot, après avoir auditionné l’ensemble des acteurs responsables de la chaîne de production et de consommation des aliments – agriculteurs, transformateurs, distributeurs, associations de consommateurs, associations habilitées à délivrer des dons alimentaires – a émis des propositions innovantes.
Il propose d’interdire la javellisation des produits alimentaires par la grande distribution.
Il préconise également de rendre le don de produits invendus obligatoire à toute association habilitée qui en ferait la demande.
Il souhaite par ailleurs permettre aux industriels de l’agroalimentaire de donner à des associations caritatives des produits non conformes, mais encore consommables.
Il recommande aussi d’élargir la défiscalisation aux produits agricoles transformés.
Enfin, une autre de ses propositions est d’instaurer une hiérarchie de la prévention du gaspillage alimentaire, en adaptant au mieux la production agricole.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte comprend déjà des dispositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Elle prévoit ainsi la mise en place de plans de lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective publique avant le 1
Comment réduire le gaspillage alimentaire au sein de sa restauration collective ?
A également été instituée la suppression des dates limites d’utilisation optimale des produits non périssables.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte adopté par le Parlement comprenait d’autres dispositions, directement issues du rapport de Guillaume Garot.
Était ainsi prévue l’interdiction de rendre délibérément impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation les invendus alimentaires encore consommables.
Une autre de ses dispositions était la suppression des stipulations contractuelles faisant obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur par un opérateur du secteur alimentaire à une association caritative habilitée.
L’instauration d’une convention précisant les modalités de don de denrées alimentaires par un commerce de détail alimentaire avait également été adoptée afin de mieux encadrer ces pratiques.
Figurait enfin dans le texte l'obligation pour les commerces alimentaires de proposer à une ou plusieurs associations de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures n’ont pas pu être promulguées avec le reste des dispositions figurant dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour des raisons de procédure.
Le 27 août dernier, Ségolène Royal a donc signé une convention avec la grande distribution pour anticiper la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures.
De nombreux parlementaires, sur tous les bancs ou les travées, ont alors exprimé le souhait que les dispositions votées à l’unanimité des deux chambres puissent être reprises dans une proposition de loi.
De plus, les distributeurs eux-mêmes avaient indiqué que certaines mesures prévues par la convention signée le 27 août nécessitaient des adaptations législatives pour être applicables. C’est notamment le cas de la responsabilité du donateur lorsqu’un produit de marque de distributeur est ainsi distribué gratuitement à une association caritative habilitée par le fabricant du produit.
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, l’un des grands objectifs de cette proposition de loi est avant tout de faciliter, d’encourager le don de produits invendus encore consommables. De ce fait, de nouveaux moyens devront être mis à la disposition des milliers de bénévoles actifs dans les associations habilitées à effectuer des dons de produits alimentaires.
Au mois de décembre dernier, Ségolène Royal a ainsi transmis un questionnaire à ces associations pour qu’elles expriment leurs besoins prioritaires et que le Gouvernement puisse leur fournir les moyens nécessaires.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ferez de la France l’un des pays les plus en pointe en matière de gaspillage alimentaire en adoptant ce texte.
L’Union européenne, quant à elle, commence enfin à se préoccuper du sujet. Dans le paquet économie circulaire remis le 2 décembre dernier, la Commission européenne prévoit la mise en œuvre de plans d’action dans ce domaine. Elle envisage également de s’attaquer au cadre juridique des dates limites d’utilisation optimale des produits. En effet, seule une liste très limitée de produits non périssables peut se passer de l’obligation d’apposer ce type de mention, ce qui conduit souvent les familles, notamment les plus modestes, à jeter des produits encore parfaitement consommables.
C’est vrai !
M. Roland Courteau.
Dans un monde où l’homme exploite sans vergogne les ressources naturelles, le gaspillage des ressources, quelles qu’elles soient, n’est plus tolérable ! Des initiatives sont lancées partout dans le monde pour lutter contre un tel gaspillage, mais aussi contre la surexploitation des océans ou la déforestation.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État.
En adoptant ce texte à une semaine de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, vous contribuerez également, mesdames, messieurs les sénateurs, à la préservation des ressources naturelles de notre planète !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été cosignée par plus de trois cents députés et a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier.
Mme Chantal Jouanno,
rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
En réalité, elle reprend des dispositions qui avaient été introduites en deuxième lecture dans la loi relative à la transition énergétique et que le Sénat avait déjà adoptées. Seulement, le Conseil constitutionnel les avait censurées pour des raisons de pure forme.
Ce texte, relativement court et en apparence assez simple, pose en réalité des questions complexes.
La première d’entre elles concerne la définition du gaspillage alimentaire. Celui-ci commence-t-il à partir du moment où des légumes sont laissés dans les champs parce qu’ils ne correspondent pas aux calibres souhaités par les distributeurs ou par les transporteurs ? Ou faut-il considérer qu’il n’y a gaspillage alimentaire qu’à compter d’un stade plus lointain de la chaîne de production ?
Guillaume Garot, dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre au mois d’avril 2015, a adopté une définition du gaspillage alimentaire qui me semble très claire. Il s’agit de « toute nourriture destinée à la consommation humaine, qui à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ». Cette étape peut correspondre à la production, au transport, à la logistique, à la distribution, ou même à la consommation.
Sur le fondement de cette définition, certains chiffres dont on dispose montrent l’ampleur du problème. En 2007, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a ainsi évalué que ce gaspillage représentait vingt kilogrammes par personne dans notre pays, dont sept kilogrammes de nourriture non déballée, et cela parce que les dates de péremption sont généralement dépassées !
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, un tiers des aliments destinés à la consommation humaine est gaspillé, perdu ou jeté entre le champ et l’assiette à l’échelle internationale. Cela pousse souvent la FAO à affirmer que, aujourd’hui, nous avons en réalité très largement la capacité de nourrir la population de la planète entière.
Dans un contexte post-COP 21, il me semble également intéressant de souligner les incidences du gaspillage en termes de gaz à effet de serre, puisque les produits gaspillés représentent 3,3 gigatonnes d’équivalent carbone. Si le gaspillage alimentaire était un pays, ce serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre !
Exactement !
M. Roland Courteau.
La proposition de loi qui nous occupe ce soir, et qui va probablement nous occuper une autre soirée, vise plutôt la grande distribution.
Mme Chantal Jouanno,
rapporteur.
Pour autant, n’oublions pas que celle-ci n’est qu’un maillon de la chaîne du gaspillage dont le principal maillon reste les ménages. Viennent ensuite la restauration hors domicile et la distribution en grande et moyenne surface.
Le gaspillage alimentaire est un problème économique, environnemental et social, mais c’est surtout un problème éthique.
Tout d’abord, il renvoie à la pauvreté économique. Je l’ai déjà dit lorsque j’ai précisé que nous aurions en théorie les moyens de nourrir toute la planète.
Ensuite, il renvoie aussi à la pauvreté intellectuelle. En effet, le gaspillage est finalement le signe d’une société qui considère l’abondance, le superflu et la surconsommation comme une fin en soi. De surcroît, aujourd’hui, il est nécessaire de redonner une juste valeur aux produits alimentaires. Nous sommes submergés par les messages publicitaires sur la nécessité de tirer le prix de tous les produits, y compris les produits alimentaires, vers le bas. En conséquence, la part de l’alimentation dans le budget des ménages est passée de 35 % en 1960 à 20 % en 2014. Autre effet : on ne rémunère plus les agriculteurs au juste prix de la production. On ne leur permet donc plus non plus de fournir des produits de qualité. En définitive, les prix sont tellement bas que jeter devient pour certains un acte tout à fait anodin !
J’en arrive plus précisément au contenu de cette proposition de loi, qui reprend les conclusions du rapport de Guillaume Garot sur le gaspillage alimentaire.
L’article 1
Par ailleurs, l’article 1
En outre, cet article lève les obstacles au don de produits vendus sous marque de distributeur, ce qui constitue un enjeu de responsabilité assez technique.
Enfin, point important et qui nous occupera certainement longtemps, il formalise les pratiques de don en vigueur en imposant qu’une convention de don soit établie entre le distributeur et l’association caritative, afin d’en négocier toutes les modalités, et ce dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.
J’insiste sur le fait qu’il s’agit non pas d’une obligation de donner – les associations n’en veulent d’ailleurs pas, car elles craignent de devenir le « déversoir » des invendus de la grande ou de la moyenne distribution –, mais d’une obligation de s’engager dans la démarche et de proposer au moins la reprise des invendus.
L’article 2 transfère la responsabilité des produits défectueux du distributeur vers le fournisseur, dans le cas où ce dernier réalise un don de denrées sous marque de distributeur que le distributeur ne souhaite pas commercialiser pour des raisons autres que sanitaires. En d’autres termes, en cas de problème d’étiquetage – par exemple, l’étiquetage est en italien alors que vous êtes en France –, vous ne pouvez pas donner vos produits pour des raisons de responsabilité. Avec l’adoption de ce texte, cela deviendra désormais possible.
L’article 3 complète l’information et l’éducation à l’alimentation dans les écoles en prévoyant un volet sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. À cet égard, il faut noter que de nombreuses collectivités locales se sont déjà engagées dans cette voie.
Enfin, l’article 4 précise le contenu du rapport sur la responsabilité sociale et environnementale publié chaque année par les entreprises cotées.
À l’unanimité, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter conforme cette proposition de loi.
Il s’agit tout d’abord d’une question de cohérence, puisque nous avons voté ce dispositif dans des termes strictement identiques voilà à peine six mois.
Par ailleurs, il nous est apparu urgent d’adopter ce texte, car le calendrier parlementaire est relativement chargé dans les mois à venir, monsieur le secrétaire d’État. L’adoption de cette proposition de loi avant la fin de cette année par l’Assemblée nationale est peu probable si nous ne l’adoptons pas rapidement.
Enfin, les leviers qu’il reste à mobiliser pour poursuivre la lutte contre le gaspillage alimentaire ne sont pas nécessairement législatifs. Beaucoup d’aspects relèvent en effet du Gouvernement et de mesures réglementaires.
Je souhaite maintenant évoquer un point particulier, qui est régulièrement soulevé par nos interlocuteurs, à savoir la réduction d’impôt dont bénéficient les agriculteurs lorsqu’ils font des dons de produits agricoles. Ce dispositif existe déjà pour les dons de lait ou de légumes frais. En revanche, certains produits agricoles doivent être transformés, ce qui a un coût et génère un transfert de propriété. Pour prendre un exemple, les fruits peuvent être transformés en compote ou en jus de fruit. Toutefois, il est nettement plus difficile de donner des animaux sur pied, car une association ne saurait qu’en faire ! Il est alors nécessaire de les transformer. Des discussions sont en cours à Bercy pour que les agriculteurs aient la possibilité de bénéficier de réductions d’impôt dans de tels cas.
Compte tenu des amendements déposés, le dernier point que je souhaite aborder correspond à une réelle préoccupation de la commission : il s’agit de la question du coût éventuel de la mesure pour les collectivités territoriales.
Les collectivités locales souhaiteraient que les produits invendus, s’ils sont donnés en trop grand nombre aux associations, ne se retrouvent pas par la suite dans le circuit du service public de gestion des déchets. En d’autres termes, elles ne veulent pas payer le traitement de déchets qui est aujourd’hui pris en charge par les distributeurs.
Théoriquement, ce risque est assez limité si les conventions signées sont bien calibrées. En effet, les associations elles-mêmes ne veulent pas crouler sous les invendus. Néanmoins, nous avons maintenu nos amendements pour l’examen du texte en séance publique, parce qu’il s’agit là d’une préoccupation réelle, qui est soulevée par de nombreuses associations et collectivités.
Nous aimerions enfin obtenir des garanties de la part du Gouvernement sur les dispositifs d’évaluation de cette proposition de loi et sur les différentes clauses de revoyure qui nous permettraient éventuellement d’en corriger la rédaction si jamais l’on venait à constater de telles dérives.
En conclusion, je tiens à souligner que le présent texte a obtenu le soutien unanime de la commission, tout comme les dispositions similaires qui avaient été examinées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique avaient reçu un accueil unanime dans cet hémicycle !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. le président de la commission applaudit également.)
La parole est à M. le président de la commission.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur d’avoir présenté, comme toujours, avec beaucoup de compétence et de conviction la proposition de loi que nous examinons ce soir. Vous ne serez pas étonnés, je pense, que mon intervention vienne en appui de la sienne. J’exprimerai ainsi la position très consensuelle des membres de la commission.
M. Hervé Maurey,
président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Comme l’a rappelé Chantal Jouanno, nous avons adopté cette proposition de loi à l’unanimité, suivant en cela la position de l’Assemblée nationale, qui a elle-même unanimement adopté ce texte le 9 décembre dernier.
Je voudrais rappeler que notre collègue du groupe UDI-UC, Mme Nathalie Goulet, avait initialement déposé une proposition de loi très proche de celle que nous étudions ce soir, et ce dès le mois d’août dernier, lorsque le Conseil constitutionnel avait annulé les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte portant sur le gaspillage pour des questions de procédure et en application de la règle de l’entonnoir.
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale pour des raisons de calendrier et d’efficacité. Néanmoins, cette convergence d’initiatives montre bien l’importance qu’il y a à traiter ce sujet sans tarder.
Le gaspillage alimentaire est en effet loin d’être anecdotique. Il s’agit d’un phénomène de grande ampleur. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estime que la quantité de nourriture perdue ou gaspillée à l’échelle de la planète s’élève à 1,3 milliard de tonnes par an, ce qui représente plus de 1 000 milliards de dollars de nourriture inutilisés !
En France, l’ADEME indique qu’au moins 20 kilogrammes de nourriture sont jetés par an et par personne, ce qui porte le coût du gaspillage alimentaire entre 100 et 160 euros par an et par personne et, pour l’ensemble du pays, entre 12 et 20 milliards d’euros.
Ces montants, considérables, forcent à réfléchir et, surtout, à agir, car, nous le savons bien, certaines parties du globe connaissent des famines et, dans notre pays aussi, de véritables situations de pauvreté alimentaire sont rencontrées.
Par ailleurs, les difficultés que le réchauffement climatique fait naître en matière de sécurité alimentaire et la limitation des ressources naturelles de la planète incitent à une préservation de ces dernières. Il y a là une priorité.
Pour toutes ces raisons, nous devons fortement réduire le gaspillage alimentaire, bien sûr sur notre territoire, mais aussi, au-delà, à l’échelle mondiale.
Dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la lutte contre le gaspillage alimentaire a été inscrite parmi les piliers de l’économie circulaire, celle-ci étant désormais consacrée comme l’un des objectifs de la transition énergétique.
Cette inscription dans notre droit est tout à fait positive ; il reste maintenant à la mettre en œuvre. Cela appelle une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire : producteurs agricoles, industries agroalimentaires et, bien sûr, la grande distribution et les restaurations collective et commerciale. Cela nécessite aussi un fort engagement des collectivités locales et des élus, pour inciter et faciliter les évolutions indispensables. Néanmoins, il ne faudrait pas que, une fois de plus, toute la responsabilité de ces évolutions retombe sur nos collectivités ou que ces dernières fassent les frais de mauvaises coordinations entre la grande distribution et les associations.
En réalité, rien ne pourra se faire sans un véritable changement des comportements, individuels, en particulier, mais aussi collectifs.
Nous vivons dans une société de consommation et le temps est bien loin où l’on élevait les enfants en leur apprenant à respecter la nourriture, à ne pas gaspiller le moindre quignon de pain. L’éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire constitue donc une dimension tout à fait essentielle, et je me réjouis que la proposition de loi comporte une disposition en ce sens.
Par cette initiative, les parlementaires veulent donner un signal très fort. De nombreux intervenants de la chaîne alimentaire sont prêts à s’engager et je crois, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement devra garantir un suivi de ces efforts en mettant en place des indicateurs précis et pertinents pour mesurer plus finement ce que le gaspillage alimentaire recouvre et accompagner judicieusement les démarches des élus et de nos concitoyens.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, voici une proposition de loi qui semble découler du bon sens… Pourtant, qu’elle fut longue à parvenir jusqu’à notre assemblée ! Cela étant, je voudrais aujourd’hui saluer son caractère transpartisan et consensuel.
Mme Mireille Jouve.
Le gaspillage alimentaire est emblématique des dérives de notre société de consommation. Il met en lumière le caractère limité de nos ressources et l’importance de leur préservation. Un tel combat ne peut recueillir qu’une franche unanimité sur les travées de la Haute Assemblée.
Tout le monde s’accorde à le dire, le gaspillage alimentaire est un fléau, et les chiffres donnent le tournis. Rien qu’en France, entre 20 et 30 kilogrammes de nourriture, dont 7 kilogrammes encore parfaitement emballés, sont jetés par personne et par an, soit, sur le plan économique, un coût estimé entre 12 et 20 milliards d’euros chaque année.
C’est aussi un enjeu écologique crucial, le gaspillage alimentaire représentant l’équivalent du troisième émetteur de gaz à effet de serre, après la Chine et les États-Unis.
Il y avait donc urgence à agir, tant les enjeux de cette proposition de loi sont multiples : économiques et sociaux, bien sûr, mais également écologiques et éthiques. Comment penser, en effet, qu’une société fonctionne correctement quand elle dilapide des tonnes de nourriture saine tous les ans, alors que, dans le même temps, trop de personnes peinent à se nourrir convenablement ?
M. Roland Courteau.
Devant l’ampleur de ce scandale, il fallait réfléchir à nos comportements et structurer le cadre des bonnes pratiques déjà existantes.
Mme Mireille Jouve.
C’est ainsi que l’article 1
Chaque acteur de la chaîne alimentaire est responsabilisé par les actions qu’il doit s’engager à mener afin de lutter contre la gabegie alimentaire, la valorisation des surplus alimentaires s’accompagnant d’une généralisation des dons alimentaires de la moyenne et grande distribution vers les associations caritatives, dans le cadre d’une convention qui organisera les modalités du don. L’élaboration de cette convention, qui devra être signée avant le 1
Dans le cadre de cet article 1
L’interdiction de ce que l’on appelle plus communément la « javellisation » n’allait pas du tout de soi, puisque certains distributeurs continuaient d’asperger d’eau de Javel leurs produits invendus, comme l’a mis en évidence, avec humour et lucidité, le film
Le frein juridique que posait le régime des produits sous marque de distributeur – c’est-à-dire la responsabilité juridique des producteurs – est également levé par l’article 2 de la proposition de loi. Cela permettra aux producteurs de faire, eux aussi, des dons réglementés aux associations, plutôt que de devoir jeter les produits refusés, pour diverses raisons, par les supermarchés.
Si ces mesures s’avèrent indispensables, elles ne sauraient épuiser le champ de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Ce sont avant tout les usages des consommateurs qu’il faut regarder et changer en profondeur. Les ménages jettent chaque année 6,5 millions de tonnes de produits encore consommables, contre 2,3 millions de tonnes pour la distribution. À ce titre, il est essentiel d’éduquer contre les méfaits de cette dilapidation d’une ampleur considérable.
Il faut donc saluer l’inscription dans le parcours scolaire d’une sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire, inscription prévue à l’article 3 du texte. On le sait, en matière d’innovation, ce sont souvent les enfants qui mettent leurs parents à la page. Pour atteindre l’objectif fixé, il faut redonner de la valeur à l’alimentation, ce qui peut passer par la connaissance de l’origine des produits ou encore de la manière dont ils sont transformés ou dont on peut les cuisiner.
Pour sensibiliser les consommateurs et offrir des solutions à ceux qui ne savent pas quoi faire de produits périssables qu’ils ne pourront pas utiliser, nous pourrions, en outre, nous inspirer de nos voisins allemands. Depuis bientôt deux ans, des réfrigérateurs en libre-service ont été installés par les bénévoles d’une association berlinoise dans les rues de la ville. Grâce à une plateforme internet, les consommateurs peuvent déposer dans ces appareils de la nourriture qu’ils ne pourront pas consommer ; chacun est ensuite libre de venir se servir.
De façon plus réaliste et plus immédiate, il faudrait peut-être encourager davantage la pratique du
La lutte contre le gaspillage alimentaire est donc un combat contre l’absurde et la France, grâce au volontarisme de cette proposition de loi, est à l’avant-garde de ce combat. Ce n’est pas anodin pour une culture accordant une telle importance à la gastronomie !
En espérant que l’adoption de ce texte entraînera nombre d’autres pays européens dans son sillage et les poussera à progresser sur le sujet, les membres du groupe du RDSE, dans leur ensemble, soutiendront la proposition de loi.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Alain Fouché.
Mme la présidente.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte dont nous avons l’honneur de débattre aujourd’hui doit tous nous rassembler sur ces travées. Il est effectivement l’aboutissement d’un travail important d’associations comme la Croix-Rouge ou Action contre la faim et de plusieurs parlementaires que je veux saluer ici : Jean-Pierre Decool, Guillaume Garot, Frédéric Lefebvre, Nathalie Goulet. Je citerai enfin M. Arash Derambarsh, qui a travaillé sur le sujet dans sa ville de Courbevoie, sensibilisant l’opinion sur cette question par ses actions et sa pétition signée par 750 000 personnes. Son rôle a donc été essentiel.
M. Alain Fouché.
Au mois de mars 2015, j’avais interrogé le Gouvernement sur ce problème du gâchis alimentaire. Je souhaitais qu’il agisse en urgence, car nombre de nos concitoyens ne pouvaient attendre plus longtemps. Il était primordial de disposer d’une loi permettant, enfin, la distribution des produits invendus aux personnes qui en ont le plus besoin, et incitant encore plus les supermarchés à s’engager dans cette voie.
Dans le même esprit, j’avais déposé en avril dernier un amendement au projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de permettre aux supermarchés de distribuer les invendus alimentaires à des associations.
Cela a été évoqué, le Conseil constitutionnel a invalidé ces dispositions de la loi. Je n’ai donc pas hésité à signer la proposition de loi déposée alors par Nathalie Goulet.
Le présent texte, issu d’un rapport sur la lutte contre le gaspillage, a été adopté à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale. Dans le même sens, il a été adopté sans modification par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, au sein de laquelle j’ai l’honneur de siéger. Nous allons donc créer l’arsenal législatif et juridique qui permettra de changer la vie des plus démunis.
Environ 10 millions de Français seront concernés par l’application de ce texte. Chacun d’entre nous, mes chers collègues, rencontre dans ses permanences des personnes qui sont dans la misère ou doivent se limiter à un seul repas par jour.
À cet effet, l’article 1
Par ailleurs, les supermarchés se verront interdire de jeter les invendus et les actes de javellisation, véritable scandale auquel on peut assister régulièrement, seront sanctionnés.
D’ailleurs, aucune stipulation contractuelle ne pourra dorénavant s’opposer au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur à une association.
Les dons aux associations feront l’objet d’une convention pour les surfaces dépassant 400 mètres carrés. Voilà, monsieur le secrétaire d’État, une avancée réelle et significative !
Si, toutefois, le distributeur rend les invendus alimentaires impropres à la consommation, des amendes élevées pourront être prononcées.
Je crois que la grande distribution peut faire plus, et la future loi l’y obligera !
La proposition de loi prévoit également que la lutte contre le gaspillage alimentaire soit intégrée dans les parcours scolaires. Cette sensibilisation des plus jeunes, qui en ont besoin, est effectivement un point très important.
Les entreprises pourront aussi faire valoir leurs actions en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de leur responsabilité sociale et environnementale.
Vous l’avez bien compris, mes chers collègues, l’adoption de ce texte changera profondément la vie de nombreux Français.
La prochaine étape sera européenne : la Commission va se saisir du sujet, les députés européens ayant déjà voté, au mois de juillet dernier, un texte dans ce sens.
En conclusion, les membres du groupe Les Républicains, dont je suis membre, soutiennent donc cette proposition de loi avec enthousiasme. Mais celle-ci va bien au-delà des sensibilités politiques – droite, centre, gauche –, et son adoption à l’unanimité, tout comme celle de l’amendement relatif au gaspillage alimentaire en avril dernier, serait un beau symbole. Ainsi, nous serons l’un des premiers pays à légiférer sur le sujet et, comme très souvent, le Sénat sera à l’avant-garde !
(Applaudissements.)
Mes chers collègues, il est précisément une heure du matin. Le temps attribué au groupe socialiste et républicain étant écoulé, je vais lever la séance.
Mme la présidente.
Il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de l’examen de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 janvier 2016 :
Mme la présidente.
À onze heures : débat sur les conclusions du rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques intitulé « Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises ».
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze : débat sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 14 janvier 2016, à une heure.)
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DEBATS/SEN_20160210_014.xml | Question n
Question n
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Question n
Discussion générale :
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois
Mme Éliane Assassi
M. Alain Richard
Mme Esther Benbassa
M. David Rachline
M. Jacques Mézard
M. Bruno Retailleau
M. François Zocchetto
M. Bernard Cazeneuve, ministre
Clôture de la discussion générale.
M. Gaëtan Gorce
M. Pierre-Yves Collombat
M. Jean-Yves Leconte
Amendement n
Adoption de l’article unique.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission.
Discussion générale :
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
M. David Assouline
Mme Marie-Christine Blandin
M. David Rachline
Mme Françoise Laborde
M. Pierre Laurent
Mme Colette Mélot
M. Philippe Bonnecarrère
Mme Sylvie Robert
Mme Corinne Bouchoux
Mme Mireille Jouve
M. Jacques Grosperrin
Mme Marie-Pierre Monier
Mme Dominique Estrosi Sassone
M. François Commeinhes
Clôture de la discussion générale.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur
Mme Sylvie Robert
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Mme Fleur Pellerin, ministre
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Mme Maryvonne Blondin
Mme Sylvie Robert
Mme Christine Prunaud
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
M. David Assouline
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 4 février 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
M. le président.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 février 2016.
M. le président.
J’informe le Sénat que la question orale n
M. le président.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
M. le président.
La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur l’état du réseau ferré capillaire en France et sur les moyens financiers mis en œuvre pour leur rénovation.
Mme Françoise Férat.
Notre pays est traversé par de nombreuses voies ferrées dédiées au fret et dont les utilités économiques et écologiques sont actées par de nombreuses entreprises agricoles et industrielles. Certaines de ces voies existent depuis le début du siècle dernier, et sont même parfois antérieures à 1900.
L’entretien n’a pas toujours été optimal et il n’est pas rare de trouver aujourd’hui, par exemple, des traverses qui n’ont pas été changées depuis plus de quatre-vingts ans. De ce fait, de nombreuses lignes sont délaissées pour raisons de sécurité ou connaissent un trafic très perturbé – on y circule à 10 km par heure et des tronçons sont fermés.
Dernièrement, dans mon département, un tronçon a été fermé entre Sézanne et Esternay, une zone très rurale. Cette fermeture pénalise les entreprises agricoles, notamment pour le transport des céréales depuis les silos.
Le réseau capillaire a la particularité de connecter au réseau principal des activités économiques la plupart du temps intimement liées aux territoires ruraux et à l’économie agricole : céréales, bois, eaux de source, carrières...
Hormis la question de la vitalité des espaces ruraux et de la prospérité de nos entreprises non délocalisables et exportatrices, le réseau ferré secondaire soulève la question de la protection de l’environnement. Rien qu’en Champagne-Ardenne, ce sont chaque année 50 000 camions qui épargnent les routes en empruntant « ces rails ruraux ». À l’heure de notre engagement massif dans la lutte contre le réchauffement climatique, il convient de pérenniser ces infrastructures à faible impact carbone.
Je tiens à saluer ici, devant la Haute Assemblée, le partenariat réussi dans ma région entre le conseil régional, les départements des Ardennes et de la Marne, les communautés de communes, accompagnées par l’État et SNCF Réseau, et les entreprises qui chargent sur ces voies capillaires.
Ce sont 21 millions d’euros qui ont été dédiés à l’investissement pour huit lignes par les acteurs publics. Les chargeurs se sont engagés sur le financement de la maintenance, à hauteur de 2 euros par tonne transportée par an sur cinq ans.
De nombreuses régions s’intéressent à cette réussite. C'est la raison pour laquelle l’enveloppe engagée par l’État ne suffira pas. Il est nécessaire d’obtenir les sommes indispensables pour pérenniser toutes les lignes et assurer leur rénovation.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande, d’une part, quelle somme supplémentaire le Gouvernement envisage d’affecter à la rénovation et à l’entretien des voies de chemin de fer capillaires, si nécessaires au monde économique agricole et rural ; d’autre part, dans quelle mesure vous envisagez la pérennité de ces lignes.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Madame la sénatrice, les lignes capillaires fret constituent un maillon essentiel du transport de fret ferroviaire. Leur modèle économique étant très fragile et leur état très dégradé, une mobilisation collective est indispensable pour assurer la pérennité de ces lignes.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Je me félicite tout d’abord de voir que la démarche que j’ai engagée, à la fin 2014, dans le cadre de la conférence périodique pour la relance du fret ferroviaire commence à porter ses fruits. Je me réjouis notamment de la mobilisation des acteurs locaux, en particulier des régions, pour redonner un avenir à ces lignes.
La réflexion doit en effet s’ancrer dans une perspective d’aménagement du territoire et du développement économique régional. Convaincu que l’implication des régions est l’une des clés de la pérennisation du réseau capillaire, j’ai obtenu, dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation de la République, dite loi NOTRe, la possibilité que les régions et les intercommunalités puissent devenir propriétaires de certaines lignes à leur demande.
L’État a pris ses responsabilités en mobilisant 30 millions d’euros sur trois ans pour accompagner la mobilisation financière des acteurs locaux et des acteurs économiques. Au total, l’effet de levier de l’ensemble de ces cofinancements atteindra plus de 100 millions d’euros d’investissements.
Par ailleurs, de nouveaux référentiels adaptés à ces lignes seront mis en œuvre cette année et permettront de faciliter l’atteinte d’un modèle économique.
En Champagne-Ardenne, des discussions avancées entre l’État, SNCF Réseau, les collectivités territoriales et les industriels ont déjà permis d’affecter les deux tiers de l’enveloppe mobilisée par l’État en 2015 en faveur des capillaires fret sur cette seule région. C’est le signe d’une coopération efficace autour d’industriels et de chargeurs responsables et désireux de continuer le fret ferroviaire.
Des comités de lignes se sont réunis durant l’automne 2015 et ont permis de finaliser les tours de table financiers sur les lignes qui auront été priorisées dans le cadre de ces discussions. Les conventions de financement ont été signées en décembre 2015 sur trois lignes – Oiry-Sézanne, Châlons-en-Champagne-Troyes et Vitry-le-François-Troyes.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’implication du préfet, de la région et des collectivités champenoises pour le succès de ces rénovations de lignes capillaires. Il reste encore des points à définir entre les acteurs, mais je souhaite que les premiers chantiers démarrent dès cette année.
La parole est à Mme Françoise Férat.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien entendu votre engagement, qui est de nature à me rassurer. Vous l’avez souligné, dans un contexte budgétaire très contraint, les collectivités locales se sont très fortement mobilisées.
Mme Françoise Férat.
Vous l’avez également souligné, ce dossier est stratégique ; le traiter au coup par coup serait dramatique. Je comprends que la remise en état de ce réseau ne peut se faire d’un coup de baguette magique. Il convient toutefois, vous l’avouerez, de le pérenniser.
J’ai bien retenu votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, et vous réaffirme que les collectivités locales sont prêtes !
La parole est à M. Henri de Raincourt, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre sur les incertitudes qui concernent l’application de l’article 93 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et, plus précisément, sur le traitement des déchets de certaines entreprises.
M. Henri de Raincourt.
En effet, ces dispositions prévoient qu’à compter du 1
Si ces entreprises ne contestent pas les objectifs inscrits dans la loi – la valorisation des déchets, la lutte contre les décharges sauvages –, les conditions qui leur ont été présentées dans le cadre des travaux sur le projet de décret leur paraissent dénuées de toute rationalité économique.
Les professionnels du secteur ont deux interrogations persistantes.
Premièrement, la reprise et la mutualisation entre entreprises concurrentes d’un service marchand et payant ne poseront-elles pas certaines difficultés de type anticoncurrentiel ?
Deuxièmement, le fait d’envisager une exclusion du périmètre de l’obligation des grandes surfaces de bricolage, qui sont pourtant des acteurs ô combien importants de l’approvisionnement du bâtiment, ne risque-t-il pas de créer une distorsion de concurrence entre les opérateurs ?
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous éclairer sur les difficultés attachées à l’application de cet important article. Il faudrait connaître assez rapidement les dispositions envisagées par le Gouvernement, le calendrier étant contraint.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, la valorisation des déchets inertes des bâtiments et travaux publics, BTP, demeure insuffisante dans notre pays et l’un des freins identifiés est le manque de plates-formes de valorisation.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Or les entreprises de traitement de déchets n’investiront dans ces plates-formes que si elles peuvent anticiper un flux de déchets entrants suffisant et des clients pour les matériaux préparés en vue de leur utilisation en technique routière.
Le manque de déchetterie professionnelle accentue également les problématiques de dépôts sauvages de déchets.
Pour cette raison, l’article 93 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de créer un réseau de déchetteries professionnelles du BTP d’ici au 1
Cette mesure va densifier le maillage du territoire en installations de regroupement de ces matériaux, ce qui multipliera le nombre de points de collecte disponibles pour les professionnels. Cela permettra la massification des flux collectés et facilitera la création d’installations de valorisation.
Afin d’inciter à l’investissement dans ces installations, la loi a prévu des seuils d’incorporation de matériaux valorisés pour la commande publique.
Le projet de décret d’application est en cours d’examen par le Conseil d’État. Il a fait l’objet d’une large concertation avec les professionnels par les services du ministère et de plusieurs visites de sites.
De nombreuses modifications y ont été apportées, telles que la prise en compte d’un critère supplémentaire, outre la surface : le chiffre d’affaires, l’élargissement du périmètre de reprise des déchets et l’implication des collectivités territoriales.
Le projet de décret permet en outre la mutualisation de l’activité de reprise entre distributeurs ou avec une déchetterie communale ou professionnelle existante. Autrement dit, il n’oblige pas chaque site à investir. La mutualisation aidera les professionnels à optimiser leurs investissements.
La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, dans les collectivités locales, la gestion des déchets, en général, et des déchets industriels, en particulier, n’est pas très simple. Il s’agit en effet d’un sujet très sensible dans la vie de nos compatriotes.
M. Henri de Raincourt.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, des explications et des précisions que vous venez de nous apporter. Je suis conscient que vous ne pouviez sans doute pas nous en donner plus en cet instant, mais nous aurions aimé en savoir davantage sur la date de sortie du décret en cours d’examen par le Conseil d’État.
La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, n’allez pas croire que je vous persécute !
M. Jacques Mézard.
(Sourires.)
Depuis Aurillac, une ligne ferroviaire nous permet de rejoindre Brive et, de Brive, Limoges, donc Paris - c’est d’ailleurs la ligne la plus fréquentée pour rejoindre la capitale.
Depuis de nombreux mois – pour ne pas dire depuis ces dernières années ! –, la desserte Aurillac- Brive fait l’objet de dysfonctionnements de plus en plus préoccupants.
J’ai posé cette question orale parce que nous subissions des suspensions de dessertes ferroviaires. Le motif avancé par la SNCF – j’ai en la preuve écrite – était et est toujours inacceptable. L’argument avancé est qu’un déraillement a eu lieu à Sainte-Pazanne, ce qui impose à la SNCF de prendre cinq mesures pour prévenir un risque de « déshuntage ». L’une de ces mesures impacte la circulation de certains trains et impose des restrictions de trafic.
La SNCF nous dit ne pas pouvoir envisager l’allégement de la desserte périurbaine de Clermont-Ferrand, très fréquentée. Elle prend donc les locomotives destinées à assurer le trajet entre Aurillac et Brive qui, de ce fait, ne peut plus être assuré !
Les travaux du plan « rail » sur la ligne Aurillac-Clermont-Ferrand n’ont pas amélioré le temps de trajet et l’on nous a coupé la liaison avec Brive.
J’ai déposé cette question orale voilà trois mois environ, mais, aujourd’hui, les usagers sont toujours victimes de suspensions de desserte, et, constamment, de ralentissements - on roule à 50 kilomètres, à 70 kilomètres par heure –, ce qui se traduit par un allongement du temps de parcours de plus de vingt minutes lorsqu’il faut rejoindre Brive, et ce dans des conditions de desserte déplorables. Il faut en effet que vous sachiez, monsieur le secrétaire d'État – nous sommes là pour vous faire part des réalités du terrain –, que nos concitoyens venant de Paris se retrouvent parfois à la gare de Brive sans train, mais aussi sans bus, ce qui est difficilement supportable lorsqu’il est plus de vingt-deux heures…
Face à cette situation, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous prendre ? Après vous avoir entendu, je vous proposerai une solution, certes de nature financière, mais qui devrait au moins apporter une réponse à la question des ralentissements. Aujourd’hui, le département est rattaché à Lyon – voyez pourtant comme il est difficile de s’y rendre ! Il est plus que nécessaire de résoudre ce problème.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, la sécurité ferroviaire est une exigence, un impératif. Nous ne pouvons tolérer de fatalité. C’est la raison pour laquelle, dès mon arrivée, j’en ai fait ma priorité et ai demandé la mobilisation de tous les acteurs du ferroviaire en faveur de la sécurité.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
J’ai ainsi créé un comité de suivi de la sécurité ferroviaire, que je préside tous les six mois et qui me permet notamment de m’assurer de la mise en œuvre des recommandations du Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre, sous le contrôle de l’Établissement public de sécurité ferroviaire.
Le phénomène de « déshuntage », c'est-à-dire la non-détection d’un train sur l’infrastructure pendant quelques secondes, voire plusieurs minutes, présente des enjeux de sécurité très importants, induisant des risques de déraillements, de collisions ou de « ratés » dans la fermeture de passages à niveau.
À la suite de l’accident intervenu le 12 octobre dernier à Sainte-Pazanne, j’ai immédiatement saisi le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre. J’ai également demandé à l’Établissement public de sécurité ferroviaire de s’assurer, en lien avec les services techniques de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau que les mesures conservatoires qui s’imposent pour la sécurité de l’ensemble des circulations ferroviaires soient prises.
Ces mesures ont conduit à ajouter des contraintes sur l’exploitation de certaines lignes, en particulier celles qui sont exploitées avec le matériel X73500.
La ligne TER reliant Brive à Aurillac, exploitée par SNCF Mobilités sous l’autorité de la nouvelle région Auvergne - Rhône-Alpes, est effectivement concernée et, du fait de ces contraintes, quatre circulations quotidiennes sont aujourd’hui assurées par des autocars de substitution.
C’est donc un problème de matériel et non un problème géographique, monsieur le sénateur, et, afin de ne pas mettre en danger la vie des usagers, j’attends d’obtenir des certitudes concernant ce phénomène de déshuntage avec ce matériel avant d’autoriser une reprise normale du trafic.
J’ai demandé à SNCF Réseau et à SNCF Mobilités de rechercher dans les meilleurs délais toutes les solutions permettant de lever ces contraintes d’exploitation en maintenant le niveau de sécurité exigé.
Le prochain comité de suivi de la sécurité ferroviaire, que je réunirai au cours du printemps 2016, sera pour moi l’occasion de m’assurer de l’avancement de ces actions. En attendant, un dialogue avec SNCF Mobilités, en lien avec l’autorité organisatrice, doit permettre de trouver les meilleures solutions ; j’y suis très attentif.
Monsieur le sénateur, je peux par ailleurs vous confirmer que cette ligne verra son infrastructure bénéficier d’une modernisation prévue aux contrats de plan État-régions signés en 2015 par l’État respectivement avec Midi-Pyrénées et Limousin.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, je rebondis sur votre conclusion, car c’est bien cela, le problème pour l’avenir.
M. Jacques Mézard.
À très juste titre, vous venez de rappeler que les deux CPER, Limousin et Midi-Pyrénées, prévoyaient des travaux d’infrastructures concernant les voies et traverses sur les lignes Aurillac-Brive et Aurillac-Figeac-Toulouse, celles qui nous concernent. Or le conseil régional d’Auvergne n’a pas inscrit ces travaux dans son CPER. Les travaux ne concerneront donc que les régions Limousin et Midi-Pyrénées. Mais nous sommes au carrefour de trois régions et, sur les trajets Aurillac-Bretenoux et Aurillac-Capdenac, cela fait zéro euro !
Pour régler le problème, il est nécessaire d’inscrire 15 millions d’euros dans le CPER de la nouvelle région Auvergne - Rhône-Alpes. C’est à mon avis indispensable pour garantir le fonctionnement de ces lignes.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, c’est une véritable urgence de revisiter le CPER et de trouver une solution avec la nouvelle région. Il serait d’ailleurs tout à fait aberrant de réaliser les travaux juste au-delà de la limite du département et non là où l’on en a également besoin !
La parole est à M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne les réponses que l’État doit pouvoir apporter face à la problématique des « ruisseaux couverts » de l’ex-bassin houiller cévenol.
M. Jean-Paul Fournier.
Ces ruisseaux, qui serpentent dans les fonds de vallée, ont été construits à partir du XIX
Aujourd’hui, la dangerosité de ces tunnels désaffectés, délaissés depuis des décennies, est totalement avérée.
Cette problématique concerne non seulement Robiac-Rochessadoule, dont le maire est dans les tribunes ce matin, mais aussi une vingtaine de communes situées au nord d’Alès, dans cet ancien bassin houiller exploité jusque dans les années soixante.
De nombreux tunnels délabrés sont situés à proximité et parfois même sous des lieux de vie. Néanmoins, les communes comme les habitants ne peuvent pas assumer l’entretien de ces tunnels, dont certains sont d’ailleurs la propriété publique.
L’État, qui a été actionnaire de ces mines durant des années, a donc une responsabilité toute particulière dans ce dossier. Aussi, il paraît urgent que celui-ci, non seulement soutienne l’entretien et la rénovation des ruisseaux couverts au travers d’un plan partenarial pluriannuel d’investissement, mais permette également d’entamer une réflexion sur les risques et le devenir de ces ouvrages.
Récemment, une mission de recherche a été confiée à l’École des Mines d’Alès pour inventorier et hiérarchiser les actions à mener afin de sécuriser les ouvrages. Parallèlement, l’inspection générale du ministère a été missionnée afin d’établir un inventaire des dispositifs administratifs et financiers disponibles. La prise de conscience est donc bien là, mais nous devons aller plus loin afin de valoriser ces ruisseaux.
En effet, si la première étape doit être la sécurisation, nous pouvons par la suite imaginer de nouvelles utilisations, comme la création d’échangeurs géothermiques. Dans le même temps, comme cela s’est déjà fait dans des pays miniers du nord de la France, d’autres évolutions de ce territoire profondément modifié par l’homme peuvent être envisagées, par exemple la valorisation des terrils.
Cette réorientation doit être pensée au mieux, dans un souci de développement durable, sur le long terme, d’un territoire en difficulté.
Ainsi, l’idée de créer un laboratoire de recherche sur les techniques de remise en ordre des ruisseaux couverts et l’élaboration d’un projet de territoire semble une réponse cohérente à cette problématique pour réfléchir à la mise en œuvre de solutions concrètes. Ce laboratoire doit pouvoir s’établir à Robiac-Rochessadoule, commune qui, en raison des circonstances, possède une réelle expertise dans ce domaine.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande dans quelle mesure l’État pourrait s’associer à la création de ce laboratoire d’importance majeure pour résoudre la problématique des ruisseaux couverts de l’ex-bassin houiller cévenol et permettre un nouveau départ pour tout ce territoire.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, vous le savez, la ministre de l’écologie attache une grande importance à la mise en œuvre d’une politique de prévention des risques adaptée aux enjeux et qui tienne compte des spécificités des territoires. La gestion des risques miniers après la fin de l’exploitation en fait partie.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Je rappelle à ce sujet que la responsabilité de la réparation des dommages revient à l’exploitant et que la loi ne confie à l’État certaines des responsabilités des exploitants miniers qu’en cas de défaillance ou de disparition de ceux-ci. Votre question appelle donc quelques précisions.
Comme vous l’avez indiqué, les installations communément appelées « ruisseaux couverts » n’étaient pas directement liées à l’activité d’extraction minière. Lorsque les exploitants ont mis fin à leurs activités, ils ont suivi une procédure d’arrêt des travaux prévue par la réglementation en vigueur, à laquelle ces ouvrages de génie civil n’étaient pas soumis. Vous avez précisé à juste titre que les droits et responsabilités, notamment d’entretien, ont ainsi été transférés aux acquéreurs des terrains de ces installations.
Le Gouvernement n’entend pas prendre de manière automatique et indifférenciée des responsabilités qui ne sont pas les siennes et se substituer de manière générale à tous les propriétaires de terrains qui se trouvent aujourd’hui responsables d’ouvrages qui, par absence d’entretien, menacent aujourd’hui la sécurité.
Pour autant, conscient des difficultés auxquelles font face les propriétaires actuels, l’État intervient pour apporter son appui aux communes et aux particuliers concernés. Vous avez évoqué une mission de recherche, confiée à l’École des Mines d’Alès, visant à réaliser un état des lieux et à hiérarchiser les actions qui seraient nécessaires pour sécuriser ces ouvrages en Languedoc-Roussillon : elle a été cofinancée par l’État.
Afin d’avoir une vision complète des travaux à entreprendre et apporter un appui aux propriétaires concernés face à l’ampleur des réparations à envisager, Ségolène Royal confirme également qu’elle a saisi l’inspection générale du ministère de l’écologie pour explorer les dispositifs d’accompagnement envisageables. Cette mission devra lui rendre ses conclusions au cours du premier trimestre 2016.
Votre suggestion de création d’un laboratoire de recherche à Robiac-Rochessadoule pourra être examinée dans ce cadre. La ministre de l’écologie doit toutefois indiquer qu’
La parole est à M. Jean-Paul Fournier.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, je prends bonne note de vos précisions, mais votre réponse ne me rassure qu’à moitié.
M. Jean-Paul Fournier.
Je serai très attentif au suivi de ce dossier, qui est particulièrement important pour le département du Gard, notamment dans le secteur cévenol. Je rappelle que ce territoire a fourni des efforts très importants au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, grâce à l’énergie produite par le charbon et la houille, pour redresser l’économie de notre pays.
Il semble donc plus que nécessaire que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités face au danger que représentent les ruisseaux couverts. Les habitants du contrefort des Cévennes, notamment les anciens mineurs ou leurs veuves, attendent une prise en compte de ce risque.
Parallèlement, les maires des communes concernées espèrent un appui sur ce dossier et nous devons tous assumer l’« après-mines ». En tout cas, nous serons vigilants : on ne peut plus fermer les yeux sur ce grave problème !
La parole est à M. René Danesi, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'État, la circulaire du 15 mai 2013 du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie porte « instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé ». Cette circulaire introduit
M. René Danesi.
Cette contrainte est illégale, d’abord, car la réglementation en matière d’amiante ressort exclusivement de l’annexe 13-9 du code de la santé publique, qui énumère exhaustivement les matières et matériaux utilisés dans les bâtiments où il faut rechercher la présence d’amiante. En aucun cas ne sont cités les enrobés utilisés pour la voirie, laquelle ne peut pas être assimilée à un bâtiment. Pourtant, la circulaire du 15 mai 2013 étend
Cette contrainte est inadaptée, ensuite, car la circulaire prévoit l’établissement d’une cartographie des voiries concernées par l’éventuelle présence d’amiante sans consultation des directions départementales des routes, compétentes pour un tel travail.
Cette contrainte est inapplicable, enfin, car il est impossible d’établir cette cartographie, les voiries potentiellement concernées par la présence d’amiante étant innombrables. En effet, la circulaire cite les routes dont les couches d’enrobés ont été réalisées entre 1970 et 1995, mais aussi les couches récentes issues d’enrobés recyclés.
La circulaire reconnaît elle-même son illégalité et ses contradictions en « recommandant » – j’insiste sur ce mot – le carottage et l’analyse quasi systématique avant tout chantier de voirie.
Comme si cela ne suffisait pas, le Comité de pilotage national « travaux routiers - risques professionnels » de novembre 2013 « recommande » – j’insiste encore une fois sur ce mot – la même démarche de recherche des hydrocarbures aromatiques polycycliques, les HAP, dans son
Guide d’aide à la caractérisation des enrobés bitumineux
Une seconde fois, et sans fondement légal, on « recommande » aux maîtres d’ouvrage des carottages et des analyses qui conduisent à un surcoût pouvant atteindre 50 % du coût total du chantier !
Non seulement on n’en finit plus d’empiler des obligations et des contraintes en tout genre, mais il semble bien que l’administration utilise, pour arriver à ses fins, de simples textes administratifs qui prennent le pas sur les lois, les décrets et les règlements.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner des éclaircissements sur l’étendue réelle et effective des recommandations contenues dans la circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante et sur celles figurant dans le guide du Comité de pilotage concernant les HAP ? S’il s’agit de nouvelles réglementations, il appartient au ministère d’utiliser les procédures légales, c’est-à-dire de publier des décrets en bonne et due forme.
Le glissement de la réglementation à la recommandation normative m’apparaît comme un moyen détourné pour l’administration de ne pas respecter l’engagement pris par le Gouvernement de limiter le nombre de nouvelles normes.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur la circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Vous estimez que cette circulaire introduit de nouvelles contraintes pour les collectivités gestionnaires de voirie, qu’elle poserait plus de questions qu’elle n’apporterait de réponses et qu’elle aurait des conséquences inattendues et insidieuses.
Enfin, le renvoi de la circulaire au
Guide d’aide à la caractérisation des enrobés bitumineux
Je précise donc que la circulaire du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie du 15 mai 2013 n’est destinée qu’aux services gérant le réseau routier national. Elle ne traite que du risque lié à l’amiante et non de celui qui résulte de la présence de HAP.
Guide d’aide à la caractérisation des enrobés bitumineux
Il constitue donc un guide sur l’état de l’art, dont les maîtres d’ouvrage peuvent se prévaloir avec une certaine garantie pour mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées au risque lié à l’amiante routier. Ce guide a été rédigé pour traiter la problématique de l’amiante ajouté dans les enrobés. Les voies à faible trafic et légères sont, de ce fait, exclues.
Le repérage avant travaux constitue le premier maillon de l’évaluation des risques par le donneur d’ordre et l’employeur permettant la mise en œuvre des mesures de prévention adaptées. Son introduction dans la réglementation pour les travaux routiers est en préparation.
La cartographie faite à partir de la connaissance du gestionnaire du réseau routier des travaux réalisés peut se révéler très utile pour limiter les carottages et les analyses en laboratoire avant de nouveaux travaux.
Tous les ministères concernés – santé, écologie, travail – œuvrent de concert pour à la fois éclairer les acteurs de la filière routière sur leurs obligations et pour évaluer les risques sanitaires afin de définir au plus juste l’application de la réglementation « amiante » aux travaux routiers.
La parole est à M. René Danesi.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui a le mérite d’être officielle et d’être très claire.
M. René Danesi.
En ma modeste qualité de maire d’une commune rurale, j’ai eu l’occasion de constater que le bureau d’études chargé de la rénovation de deux ponceaux que j’aurai l’occasion de décider si j’obtiens pour cela des subventions, avait expressément prévu le carottage et l’analyse détaillée des quelques mètres carrés de macadam concernés…
Alors que la circulaire ne s’appliquait au départ qu’aux routes nationales à forte circulation, comme vous l’avez fort bien dit, monsieur le secrétaire d’État, on voit qu’elle s’applique à deux ponceaux sur un chemin rural de la modeste commune de Tagsdorf, qui compte 350 habitants. Quelle dérive !
Votre réponse va dans le bon sens, monsieur le secrétaire d’État. Elle démontre une prise de conscience sur l’art consommé de l’administration, mais aussi de différents comités Théodule, de contourner un engagement pris par le Gouvernement. Avec tous les collègues élus qui sont concernés, j’attendrai qu’il soit mis bon ordre à ce dossier. C’est que notre pays ne peut plus se permettre, compte tenu de nos contraintes financières, d’empiler de la réglementation ayant pour principal objet de maintenir une administration de contrôle pléthorique et de soutenir éternellement un secteur bien précis de l’économie.
La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai cessé, des années durant, d’interpeller vos prédécesseurs devant le Sénat et dans les ministères sur l’urgente nécessité de réaliser la construction du chaînon manquant de la ligne à grande vitesse Montpellier-Narbonne-Perpignan. Ce chaînon manquant constitue un véritable goulet d’étranglement sur le plus grand des axes européens à grande vitesse, puisqu’il relie l’Europe du Nord au sud de l’Espagne.
M. Roland Courteau.
Lors de l’examen, ici même, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord franco-espagnol pour la réalisation de la ligne à grande vitesse transpyrénéenne entre Perpignan et Figueras, en Espagne, j’avais beaucoup insisté, en ma qualité de rapporteur, sur l’urgence qui s’attachait à réaliser concomitamment le tronçon Montpellier-Perpignan.
Les années ont passé, et le dossier est resté au point mort, jusqu’à aujourd'hui peut-être. Allez-vous nous rassurer, monsieur le secrétaire d’État ?
Les élus et les populations des départements concernés ont longtemps craint que l’on assiste encore à un énième report du projet. Il faut les comprendre : alors que la mission Querrien avait promis la réalisation de ce chaînon manquant en 1990, les choses n’avaient toujours pas évolué vingt ans plus tard !
Ce projet est non seulement un atout économique majeur pour l’essor et le développement de nos territoires, mais il constitue également un enjeu en matière de mobilité et de développement durable.
La ligne nouvelle Montpellier-Perpignan et l’axe ferroviaire Narbonne-Toulouse doivent offrir des liaisons structurantes entre les trois métropoles régionales que sont Montpellier, Barcelone et Toulouse. Si donc sa réalisation est une priorité régionale, elle est tout autant une priorité européenne.
Votre prédécesseur avait posé les perspectives suivantes : une approbation du tracé à la fin de l’année 2015, la réalisation d’une enquête publique pour la fin 2016 et le démarrage du chantier en… 2018.
Vous avez vous-même indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que l’objectif de lancer l’enquête publique à la fin de l’année 2016 avait été retenu. Où en sommes-nous donc aujourd'hui du calendrier des différentes étapes de réalisation ? Une date, même approximative, pour le commencement des travaux a-t-elle été fixée ?
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Ce projet doit en effet permettre d’assurer la continuité d’un lien ferroviaire performant entre la France et l’Espagne sur la façade méditerranéenne.
M. Alain Vidalies,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Comme vous l’avez rappelé, le territoire languedocien est concerné par la phase de chantier actuellement en cours du contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, dont la livraison est prévue en 2017.
Dans le prolongement de cette évolution, le projet de création d’une ligne nouvelle entre Montpellier et Perpignan suit son cours, conformément à la feuille de route fixée par la commission Mobilité 21 et dans la perspective de la saturation de l’axe languedocien.
Je tiens à rappeler que plusieurs étapes importantes relatives à la réalisation de ce projet de ligne nouvelle ont été franchies en 2015.
La plus importante d’entre elles, puisque vous citez le rôle de l’Europe, c’est que la Commission européenne a confirmé le financement de 50 % du montant des études sur la période 2015-2019, pour un montant de 11,65 millions d’euros.
J’ai souvent eu l’occasion de souligner l’enjeu européen de l’amélioration des performances de l’axe ferroviaire méditerranéen. Il s’agit là d’un gage de reconnaissance de l’intérêt européen de l’achèvement de ce maillon pour les liaisons vers l’Espagne. Cette décision constitue donc aussi une première étape vers un financement européen des travaux, le moment venu.
Comme je l’avais annoncé, j’ai signé il y a quelques jours, le 29 janvier, la décision ministérielle relative au tracé, conformément à la proposition que m’avait transmise le préfet de région en fin d’année dernière, à la suite de la consultation des acteurs du territoire. C’est là la deuxième étape importante de ce projet.
D’autres étapes seront franchies en 2016. En particulier, SNCF Réseau est chargé d’initier l’ensemble des procédures préalables à la tenue d’une enquête publique sur le projet de ligne nouvelle, dont les montants sont inscrits au contrat de plan État-région 2015-2020. L’objectif est d’aboutir au lancement de l’enquête publique à l’hiver 2016-2017.
Tous ces éléments sont la preuve que le projet avance, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, en cohérence avec les choix de l’Europe, lesquels resteront déterminants pour l’avancement de ce projet dont la dimension européenne est essentielle.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous rassurer. Il semblerait donc que cette fois-ci soit la bonne ! Les élus et les populations apprécieront.
M. Roland Courteau.
Permettez-moi toutefois de faire une dernière remarque : il faudra bien tenir compte des risques d’inondation dans la traversée de la basse plaine de l’Aude lors de la construction de cette ligne à grande vitesse. Sur cette partie, la traversée ne pourra se faire que par la réalisation d’un viaduc et non d’un remblai. Il s’agit de ne pas aggraver les risques, pour les personnes et pour les biens, liés aux inondations violentes, notamment près de la commune de Cuxac-d’Aude, laquelle a déjà payé un lourd tribut lors des inondations de 1999. Marie-Hélène Fabre, député de l’Aude, et moi-même vous avons déjà alerté sur ce problème, monsieur le secrétaire d’État.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n
M. le président.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la pénurie de médecins en Eure-et-Loir. Je pourrais malheureusement élargir ma question à bien d’autres départements, puisque 8 % de nos concitoyens habitent des territoires où la densité médicale est préoccupante.
Mme Chantal Deseyne.
Tous les départements de la région Centre ont une densité de médecins plus faible que la moyenne nationale : elle est de 97,6 omnipraticiens pour 100 000 habitants.
Parmi les départements de la région Centre, l’Eure-et-Loir est le département dont la densité de médecins est la plus faible puisqu’il compte 74,2 omnipraticiens pour 100 000 habitants.
Atlas régional de démographie médicale
Cette situation est source d’inquiétude pour les patients, qui rencontrent de réelles difficultés pour accéder à une offre de soins de proximité dans des délais courts.
Ce manque de médecins provoque par ailleurs un engorgement des services d’urgences à l’hôpital. L’été dernier, les médecins urgentistes du centre hospitalier de Dreux ont fait grève pour alerter les pouvoirs publics. En un an, ils ont constaté une augmentation de 8 % du nombre de leurs patients.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour favoriser l’installation de médecins en Eure-et-Loir et ainsi remédier à cette pénurie ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Madame la sénatrice, améliorer l’accès aux soins et réduire les inégalités territoriales ont immédiatement été au nombre des objectifs prioritaires du Gouvernement dès 2012.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Le « Pacte territoire santé » que Marisol Touraine a lancé précisément en 2012 est une illustration concrète de cet engagement. Ce pacte mobilise un ensemble de leviers, de la formation des professionnels aux conditions d’exercice, pour attirer notamment les jeunes médecins dans des territoires manquant de professionnels.
Trois ans après, les résultats sont au rendez-vous. Ce pacte est aujourd’hui largement reconnu et a permis d’impulser une dynamique nouvelle dans les zones en difficulté.
C’est la raison pour laquelle la ministre a annoncé, à la fin de 2015, un « Pacte territoire santé 2 » intégrant de nouvelles initiatives. Sans revenir dans le détail sur le contenu du pacte, voici quelques résultats concrets de cette politique.
Le contrat d’engagement de service public permet aux jeunes en formation de bénéficier d’une bourse, en contrepartie d’une installation dans un territoire manquant de professionnels. Grâce à cette mesure, plus de 1 300 étudiants ou internes se sont déjà engagés à s’installer dans une zone avec des difficultés démographiques.
Grâce au contrat de praticien territorial de médecine générale, ou PTMG, qui sécurise l’installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d’exercice, 500 professionnels se sont installés dans des territoires manquant de médecins.
Les projets d’exercice coordonné, qui répondent aux attentes des professionnels, notamment des jeunes, désireux de travailler autrement, sont aussi en plein essor : il y avait 174 maisons de santé en 2012 ; nous en sommes à près de 800 à la fin de 2015.
Je veux vous indiquer par ailleurs, madame la sénatrice, que la mobilisation est également au rendez-vous en région Centre - Val de Loire. L’Agence régionale de santé s’est ainsi engagée aux côtés du conseil régional dans le cadre du contrat de projets État-région pour soutenir le déploiement de maisons de santé pluridisciplinaires : 42 de ces maisons de santé pluridisciplinaires sont actuellement en fonctionnement. Une maison de santé pluridisciplinaire a d’ailleurs vu le jour à Dreux, dans le quartier des Bâtes, le 2 janvier 2016.
Autres éléments encourageants, 41 contrats d’engagement de service public et 38 contrats de praticien territorial de médecine générale ont été signés dans la région.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement et la ministre restent mobilisés, car c’est dans la durée que nous mesurerons la portée de nos efforts.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
M. le président.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse et j’ai bien pris note des mesures qui ont été mises en place, sauf que celles-ci ne sont pas tout à fait arrivées jusqu’en Eure-et-Loir…
Mme Chantal Deseyne.
La région compte certes 42 maisons de santé, mais, en 2016, dans la seule ville de Dreux, 7 médecins prendront leur retraite et ne seront pas forcément remplacés.
Il me semble que la médecine générale est quelque peu méprisée et je vous inviterais bien à la valoriser dans le cursus de médecine. En effet, sur cent étudiants en médecine, seule une très faible proportion, de l’ordre de 10 %, envisage d’exercer en médecine générale libérale.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n
M. le président.
Madame la secrétaire d’État, actuellement, en France, il naît environ 2 % d’enfants par an qui ne disposent pas, à la naissance, de caractères sexuels bien précis. Les parents, mal informés, doivent se déterminer sur l’assignation du sexe qu’ils veulent donner à leur enfant pour l’inscrire à l’état civil selon la classification binaire du genre, et ce dans un délai de trois ans.
Mme Maryvonne Blondin.
Les actes de chirurgie corrective qui en découlent sont qualifiés de véritables mutilations et tortures par les institutions des Nations unies et par le Conseil de l’Europe, dans son rapport de 2013 sur les droits des enfants à l’intégrité physique. Au-delà de la violence physique, ces personnes sont niées dans ce qu’elles sont intrinsèquement. Les discriminations dont elles sont victimes entraînent bien souvent leur précarisation.
Les personnes intersexes réclament aujourd’hui le droit à leur intégrité physique et au respect de leur choix. Des associations se sont constituées dans de nombreux pays afin de faire entendre leurs revendications et leur volonté de faire changer la législation des États qui pratiquent les opérations destinées à la détermination sexuée des nourrissons.
Certains pays ont d’ores et déjà établi qu’aucune opération ne peut être pratiquée tant que l’enfant n’est pas en âge de dire s’il souhaite devenir un homme ou une femme, ou rester intersexe. Nous n’en sommes pas encore là en France. Aucune étude n’a été réalisée, ce qui rend encore plus invisibles les personnes intersexes. En revanche, la prise en compte de cette question progresse dans notre société.
En juin dernier, dans le cadre du festival du cinéma des minorités, l’Organisation internationale des Intersexes a mis en place une résidence à Douarnenez accueillant les témoignages des personnes intersexes du monde entier, ainsi que des juristes, des médecins, des sociologues et le représentant du Commissaire européen aux droits de l’homme.
Je me réjouis aussi que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes organise une table ronde sur cette thématique le 12 mai prochain.
Par ailleurs, la décision du tribunal de grande instance de Tours, en octobre dernier, de modifier l’acte de naissance d’une personne intersexuée âgée de plus de soixante ans, désignée jusque-là comme étant de « sexe masculin », en acceptant d’enregistrer la mention « sexe neutre », constitue une avancée indéniable.
Aussi, madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mieux protéger ces enfants et garantir leurs droits fondamentaux ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les enfants intersexes à la naissance, c’est-à-dire les nouveau-nés qui ont une anomalie congénitale entraînant une difficulté de détermination du sexe.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Ces situations sont fort heureusement rares : l’incidence à la naissance est mal connue, mais serait de l’ordre d’une naissance sur 5 000, soit probablement environ 160 naissances par an. Pour autant, la marginalité de la situation n’altère en rien l’importance du sujet.
Non, en effet !
Mme Maryvonne Blondin.
Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a interrogé à ce sujet la France au cours des auditions des 13 et 14 janvier dernier. Le Comité a soulevé des questions relatives à la temporalité des interventions et au consentement de l’enfant lui-même, qui nécessiterait de décaler les interventions dans l’intérêt de l’enfant.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État.
Avant toute décision thérapeutique, ces enfants nécessitent une prise en charge multidisciplinaire dans des centres experts spécialisés où seront réalisés les examens endocrinologiques, génétiques et d’imagerie indispensables pour définir la maladie responsable et les possibilités thérapeutiques, médicales autant que chirurgicales.
En France, il existe un centre de référence, le centre des maladies rares du développement sexuel, qui comprend un site à Lyon et un site au Kremlin-Bicêtre ; il travaille en lien avec les autres centres de référence des maladies endocriniennes rares. Le recours à un centre de référence est essentiel pour la démarche diagnostique, le traitement médical et les indications chirurgicales, précoces ou différées, le suivi, ainsi que pour la recherche clinique.
Les indications chirurgicales peuvent être difficiles. C’est pourquoi elles font l’objet de discussions et de travaux internationaux, qui, reconnaissons-le, ne sont pas parfaitement consensuels. Ces indications chirurgicales sont le plus souvent spécifiques à chaque cas et demandent donc une information personnalisée très complète et régulière des parents.
Le caractère irréversible de certaines interventions de reconstruction impose de tenir compte des données médicales, en particulier pronostiques, et du libre choix des parents et de l’enfant quand celui-ci est en mesure d’exprimer sa volonté.
Quelles que soient les modalités thérapeutiques, un suivi prolongé est nécessaire pour évaluer les conséquences physiques, sexuelles et psychiques des traitements réalisés.
Dans ces situations médicales complexes, aux conséquences multiples tout au long de la vie, la qualité de l’expertise, de la prise en charge et du dialogue continu est le meilleur garant du respect des droits de l’enfant. Elle doit permettre d’éviter toute décision hâtive et tout acte qui pourrait être vécu plus tard comme une mutilation inacceptable.
Enfin, cette question de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est une problématique partagée en Europe. Elle fait l’objet de travaux en cours au sein du plan d’action sur les droits des enfants 2016-2021 et de l’unité « SOGI » du Conseil de l’Europe, en charge des questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre.
Au regard de la complexité d’un sujet qui se rapporte tant aux questions d’éthique qu’aux droits de la personne humaine, à la lutte contre les discriminations et à la santé, le Comité consultatif national d’éthique sera saisi avant que puisse être arrêtée une position du Gouvernement en la matière.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
M. le président.
Vous avez décrit toutes les difficultés d’un sujet sur lequel ma question visait à sensibiliser un peu plus encore notre société, madame la secrétaire d’État, et je vous en remercie.
Mme Maryvonne Blondin.
Je veux tout de même souligner la force des témoignages qui ont été recueillis dans le cadre du travail réalisé par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, travail auquel j’ai participé auprès de Mme Rupprecht. En Allemagne, les interventions chirurgicales ont ainsi été différées jusqu’à l’âge de quinze ans, le temps que l’enfant puisse véritablement donner son avis.
Or, en France, s’impose un délai de trois ans pour remplir la fameuse case : « femme » ou « homme ». Nous en sommes là ! J’aimerais donc que ce sujet soit vraiment pris en compte et que le Défenseur des droits, qui y a été sensibilisé, puisse s’en saisir.
La parole est à Mme Corinne Imbert, auteur de la question n
M. le président.
Madame la secrétaire d'État, je souhaitais attirer votre attention sur la politique d’animation de la vie sociale, élément de la politique familiale et sociale porté par les caisses d’allocations familiales.
Mme Corinne Imbert.
Cette politique s’appuie notamment sur les centres sociaux et les espaces de vie sociale. Ces derniers contribuent également de manière très active à la mise en œuvre des politiques départementales d’action sociale. Ils participent ainsi au maintien du lien et de la cohésion sociale au sein d’une ville ou d’un territoire. Le fonctionnement de ces centres et services est financé par les caisses d’allocations familiales et par les collectivités – ville, communauté de communes ou d’agglomération et département.
Les collectivités financent, d’une part, les prestations de service assurées par le centre et, d’autre part, les fonctions dites de « tronc commun », c'est-à-dire de direction, de comptabilité, de secrétariat et de logistique. De leur côté, les collectivités se sont engagées dans une démarche d’optimisation et de rationalisation de leurs moyens dans tous leurs secteurs d’activité et de compétences.
Concernant les centres sociaux, une mutualisation des fonctions du « tronc commun » pourrait être réalisée à l’échelle d’un territoire ou d’un bassin de vie sans pour autant nuire à la qualité du projet d’animation de vie sociale.
À titre d’exemple, le département de la Charente-Maritime compte, à ce jour, vingt-trois centres sociaux, dont sept pour la seule ville de La Rochelle.
La ville de Saintes a essayé, de son côté, de regrouper un espace de vie sociale et deux centres sociaux. Elle souhaitait ainsi avoir une seule direction pour les trois structures. Ce regroupement s’est heurté à la position de la CAF, au motif qu’il ne peut être accordé plusieurs agréments à une seule association assurant la fonction d’animation globale et que l’agrément d’un centre social passe par la nécessité de disposer d’un directeur.
Or ces centres ne peuvent exister qu’avec l’apport des financements des collectivités locales. Aussi, et ce dans une logique d’efficience, convient-il que les centres sociaux puissent mutualiser leurs moyens.
Aujourd'hui, dans le département de Charente-Maritime, chaque centre est piloté par une association et un directeur. À titre d’information, la contribution du département à cette mission de tronc commun est de 740 000 euros, auxquels il convient bien sûr d’ajouter les financements de la CAF et des autres collectivités locales.
Il est, à mon avis, possible de préserver la vie associative, et celle-ci doit pouvoir être maintenue en mutualisant des fonctions de direction et de comptabilité. Cette recherche d’efficacité passe par la rationalisation des moyens de direction et ne doit pas entraîner une perte d’agrément de la part de la CAF.
Compte tenu de ces éléments, je souhaiterais connaître la politique que vous envisagez de conduire en la matière, ainsi que votre position quant à la politique de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et l’évolution possible vers une mutualisation des fonctions de direction des centres sociaux.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Madame la sénatrice, ma réponse, comme votre question, aura une dimension technique. La convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales pour la période 2013-2017 comprend un soutien important aux structures d’animation de la vie sociale.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
L’offre d’accompagnement prend en compte les besoins de rationalisation des moyens de ces structures tout en veillant à la qualité du projet d’animation.
La circulaire de la CNAF du 20 juin 2012 relative à l’animation de la vie sociale a notamment pour objet de clarifier les critères d’agrément des centres sociaux. Il y est rappelé que pour assurer la qualité de l’encadrement, la fonction de direction d’un centre social nécessite un équivalent temps plein, ou ETP.
Dans ce contexte, et pour répondre précisément à votre question, madame la sénatrice, il est donc possible de mutualiser certaines fonctions de pilotage des centres sociaux sans pour autant fusionner les structures et leurs agréments.
Les centres sociaux autonomes peuvent se rassembler au sein d’une association pour mutualiser leurs compétences et leurs outils de gestion.
En fonction de la situation locale, une CAF peut autoriser l’association à confier la direction de différents établissements à une seule personne, à la condition que, pour chaque structure, une personne assure les fonctions de directeur adjoint.
Cette fonction de direction peut ainsi, exceptionnellement et selon le contexte local apprécié par la CAF, être partagée entre un directeur et un directeur adjoint, si le temps de travail du directeur n’est pas inférieur à un demi ETP et si le cumul du temps de travail du directeur et de son adjoint n’est pas inférieur à un ETP.
Dans tous les cas, les questions d’adaptation de l’organisation de la direction d’un centre social et du développement des espaces de vie sociale doivent être soumises à l’appréciation du conseil d’administration de la CAF.
En effet, la décision d’agrément est une prérogative des administrateurs de la branche famille, qui sont fortement attachés au développement de l’animation de la vie sociale, mais également à leurs prérogatives, d’ailleurs justifiées.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
M. le président.
Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse effectivement technique. Il faudra que j’étudie les équations de manière approfondie.
Mme Corinne Imbert.
(Sourires.)
Dans mon esprit, l’objet n’est pas de diminuer le nombre de centres sociaux ; il s’agit de rendre possible la mutualisation des postes de direction.
J’ai bien compris qu’il pouvait y avoir un directeur pour plusieurs centres, mais qu’il devait y avoir un directeur adjoint par centre. J’ai également entendu la réponse de Mme la secrétaire d’État s’agissant des prérogatives de chaque CAF.
Personne ne conteste le rôle des centres sociaux en matière de prévention. Toutefois, le financement de ces structures relève d’une politique facultative des départements. Vous comprendrez que nous soyons attachés à l’effort de mutualisation à un moment où les collectivités sont asphyxiées financièrement.
Quoi qu’il en soit, je remercie Mme la secrétaire d’État de nous avoir éclairés sur les possibilités offertes aux CAF. Je souhaiterais que la règle d’automaticité entre, d’une part, un centre et, d’autre part, un directeur et un projet puisse être modulée en fonction des territoires et des besoins. J’espère qu’il pourra y avoir des évolutions en ce sens.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, auteur de la question n
M. le président.
Madame la secrétaire d’État, selon le code de l’action sociale et des familles, les actions de prévention spécialisée visent « à prévenir la marginalisation et faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ». Elles sont reconnues comme fondamentales pour la protection de l’enfance, car elles évitent à des jeunes d’entrer dans un parcours de délinquance.
Mme Marie-Pierre Monier.
En dépit du rôle majeur que joue la prévention spécialisée, y compris dans une perspective de sécurité du territoire, nous constatons d’année en année que de plus en plus de départements décident de se désengager financièrement des actions de prévention spécialisée.
Cette situation soulève de fortes inquiétudes parmi les acteurs de la prévention spécialisée, des personnels majoritairement employés par des associations dont je veux saluer ici le professionnalisme et le dévouement au service de l’intérêt général. Elle alarme aussi les élus des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, et des communes concernées, comme l’a d’ailleurs souligné le député Jean-Pierre Blazy dans son rapport d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire du 22 octobre 2014.
Les départements concernés déclarent fonder leur décision sur le code de l’action sociale et des familles. En effet, les articles relatifs à la prévention spécialisée semblent susceptibles d’interprétations parfois contradictoires s’agissant de l’obligation, ou non, pour le département, de mettre en œuvre la mission de réalisation d’actions de prévention spécialisée.
En outre, en dehors des zones urbaines sensibles, ou ZUS, expressément mentionnées à l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles, les actions de prévention spécialisée peuvent être mises en œuvre « dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale ». Cette définition trop imprécise peut conduire à ce qu’aucune action ne soit menée hors des ZUS.
Or tous les territoires sont concernés, y compris les plus ruraux, qui n’échappent pas aux difficultés des jeunes et des familles concernant l’accès à la santé, les conduites à risques ou l’insertion professionnelle.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaite que vous m’indiquiez, d’une part, les dispositions que vous pourriez mettre en œuvre pour rendre plus explicites les compétences respectives de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que leur exercice en matière de prévention spécialisée, et, d’autre part, les suites que le Gouvernement entend apporter à la proposition n
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Madame la sénatrice, vous attirez mon attention sur la fragilisation des services de prévention spécialisée, qui, dans certains départements, connaissent des baisses, parfois brutales, de leurs financements.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Je partage votre préoccupation. Je suis avec attention la situation dans chaque département, au-delà de la distinction qu’on peut faire entre les zones urbaines sensibles, celles-ci pouvant aussi être touchées par les diminutions des budgets alloués à la prévention spécialisée, et les zones non urbaines sensibles.
Au moment où s’intensifie la lutte contre toutes les formes de décrochage, où de nouvelles menaces pèsent sur les jeunes – vous connaissez mon engagement et mon action dans la lutte contre la radicalisation des adolescents, ainsi que dans le soutien aux familles –, les équipes de prévention spécialisée sont une ressource indispensable pour repérer les signes de mal-être et répondre aux besoins des jeunes sur les territoires. Grâce au travail de rue et à la proximité des éducateurs avec les habitants des quartiers, la prévention spécialisée permet l’accompagnement de jeunes et de familles parfois très éloignées de toute autre forme d’intervention sociale. Cette mission trouve donc tout naturellement une place centrale dans la réforme de la protection de l’enfance que je conduis actuellement.
La proposition de loi relative à la protection de l’enfant est en cours d’examen par le Parlement. Elle a clairement inscrit la prévention spécialisée dans les missions du service de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE. Elle prévoit par ailleurs la constitution d’un conseil national de la protection de l’enfance, dont la composition sera fixée par décret. Il a été tranché sans ambiguïté que la prévention spécialisée, rattachée au champ de la protection de l’enfance, serait représentée dans ce conseil. C’est une attente forte des acteurs de la prévention spécialisée, qui insistent sur la nécessité d’un cadre national pour conforter l’exercice de leurs missions.
Au-delà de la clarification du cadre d’intervention de la prévention spécialisée dans la loi, la feuille de route pour la protection de l’enfance comporte des mesures pour le développement de la prévention à tous les âges de la vie de l’enfant. C’est dans ce cadre qu’ont démarré les travaux d’un groupe de travail, dont la première réunion s’est tenue le 27 janvier dernier, et qui doit aboutir avant l’été à la production de propositions concrètes pour valoriser et consolider l’exercice des missions de prévention spécialisée.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
M. le président.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, car elle montre combien le Gouvernement est attentif à ce sujet important pour notre jeunesse.
Mme Marie-Pierre Monier.
En tant qu’ancienne enseignante, je peux témoigner du caractère essentiel de la prévention spécialisée pour les jeunes concernés.
Dans le cadre du travail que vous avez engagé et dans la perspective du projet de loi que vous avez évoqué, il me semble indispensable de trouver des solutions pour empêcher que certains ne décident, sous divers prétextes, de ne plus financer les actions de prévention spécialisée ou de les limiter aux zones urbaines, conduisant à une véritable discrimination territoriale. Les zones rurales ne doivent pas être une nouvelle fois oubliées.
La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n
M. le président.
Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’accueil des personnes handicapées au sein des établissements médico-sociaux.
M. Dominique Bailly.
Comme vous le savez, les personnes handicapées sont confrontées à des difficultés qui rendent la gestion de leur quotidien très difficile. Pour faire face à de telles situations, le soutien et l’accompagnement sont des enjeux essentiels.
C’est pourquoi, et je tiens à le souligner ici, le Gouvernement mène une politique très active en la matière. Je pense par exemple à la troisième conférence nationale du handicap, qui a eu lieu le 11 décembre 2014, ou encore à la loi visant à rendre effectif l’accès aux personnes handicapées de tous les établissements recevant du public.
Malheureusement, malgré la mobilisation forte du Gouvernement, et bien que la plupart des personnes handicapées bénéficient d’une reconnaissance de leur handicap, d’une orientation et d’un accompagnement, des difficultés subsistent.
En effet, selon les chiffres de l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis, il y a aujourd’hui dans notre pays plus de 47 000 personnes souffrant de handicaps complexes qui habitent au domicile familial ou vivent avec des solutions inadaptées à leurs besoins quotidiens.
Faute de places disponibles dans les établissements spécialisés français, des personnes sont aujourd’hui orientées vers des établissements situés hors de nos frontières. Dans notre région, ils sont 6 500 à s’exiler en Belgique.
Les conséquences pour les proches sont graves. Les familles sont épuisées, isolées et souvent désocialisées, parfois même contraintes de quitter leur activité professionnelle pour s’occuper à plein temps de leur parent handicapé ou de déménager en Belgique si elles le peuvent.
Cela a également des conséquences sur l’emploi et l’économie. Ce sont aujourd’hui plus de 4 000 emplois qui pourraient être créés en France, et plus de 250 millions d’euros économisés par l’assurance maladie !
J’interpelle donc le Gouvernement sur les solutions qui pourraient être envisagées pour répondre à l’urgence de la situation et continuer à faire avancer notre politique du handicap.
Je me permets de suggérer modestement la création de nouvelles places d’hébergement, peut-être par la réorientation des financements de l’assurance maladie actuellement consacrés à l’accueil de ces citoyens handicapés à l’étranger.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, historiquement, la Belgique a toujours été un territoire d’accueil pour les personnes handicapées françaises. Un peu plus de 1 500 enfants et 4 500 adultes handicapés sont accueillis aujourd’hui dans un établissement médico-social belge.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Mais ces départs s’expliquent en partie par le manque de solutions adaptées en France, notamment pour les situations complexes de handicap.
Tout d’abord, je tiens à rappeler qu’un accord-cadre franco-wallon concernant l’accueil des personnes handicapées en Belgique a été ratifié par la France et s’applique depuis le mois de mars 2014. Concrètement, cela signifie que nous contrôlons de très près les conditions d’accueil et la qualité de l’accompagnement dans les établissements belges. Plus d’une quinzaine d’inspections conjointes franco-wallonnes ont déjà eu lieu au sein des établissements belges.
Cependant, cet accord-cadre ne dédouane pas la France de proposer des solutions au sein de ses propres établissements et services. C’est bien la priorité essentielle pour que, à terme, plus aucune personne en situation de handicap ne soit contrainte, faute de solution en France, de se diriger vers un établissement wallon si ce n’est pas son choix libre et éclairé. Et, nous le savons bien, dans la très grande majorité des cas, le choix est contraint.
Comme vous l’avez indiqué, Mmes Marisol Touraine et Ségolène Neuville ont décidé de mettre en place un fonds d’amorçage doté, en 2016, de 15 millions d’euros à la création de réponses nouvelles en France, pour offrir à chacune et à chacun une solution adaptée à ses besoins et ses attentes près de chez lui.
Il s’agit bien d’un fonds d’amorçage. Concrètement, cela signifie que, s’il faut faire plus, nous ferons plus ! Ce fonds de 15 millions d’euros servira à financer des interventions directes de professionnels spécialisés au domicile, des renforts de personnels dans les établissements médico-sociaux de proximité et des créations de places sur mesure dans les établissements et services médico-sociaux.
Une instruction va être adressée dans les tout prochains jours aux agences régionales de santé, les ARS, leur précisant les modalités concrètes de mise en œuvre de ce fonds d’amorçage. Il sera notamment indiqué l’importance que l’utilisation de ces crédits se fasse en cohérence avec la mise en œuvre des dispositions prévues par l’article 89 de la loi de modernisation de notre système de santé.
Enfin, il a été demandé à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, d’assurer le suivi de la mise en œuvre de l’instruction, ainsi qu’un bilan objectif et détaillé fin 2016.
La parole est à M. Dominique Bailly.
M. le président.
Je vous remercie de votre attention et de votre accompagnement sur ce dossier difficile, madame la secrétaire d’État.
M. Dominique Bailly.
Mon ambition était d’alerter sur l’urgence. Il s’agit souvent de situations contraintes qui perturbent fortement la vie quotidienne, la « vraie vie », d’un nombre important de nos concitoyens. De surcroît, les répercussions économiques, notamment en termes d’emplois, pourraient être importantes.
Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur le sujet. L’administration doit également tenir compte de cet « état d’urgence » et se placer dans la même dynamique. C’est souvent à cet égard que l’on constate des blocages.
La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n
M. le président.
Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, porte sur les difficultés d’accès, pour les agriculteurs de Seine-Maritime, aux mesures agro-environnementales et climatiques, les MAEC.
Mme Agnès Canayer.
Dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, ou PAC, dont l’ambition est d’être plus juste, plus équitable, plus verte et transparente, le système des MAEC a été rénové.
L’objectif de ces mesures est d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le maintien ou le développement de pratiques favorables à l’environnement.
Compte tenu de l’hétérogénéité de notre agriculture, il était initialement prévu d’établir un cahier des charges et des zones cibles par région soit établi, sur la base du document de cadrage national.
En Seine-Maritime, neuf projets agro-environnementaux et climatiques ont été retenus. Compte tenu du contexte climatique et de la structure des exploitations, le cahier des charges se révèle très, voire trop restrictif pour les exploitants normands.
En effet, l’un des principaux enjeux de la Seine-Maritime est la sensibilité des sols à l’érosion. Il est indispensable de maintenir l’herbe pour éviter l’érosion et en limiter les conséquences. Cela contribue par ailleurs à la préservation de la ressource en eau. Cette caractéristique est très localisée.
Or le document de cadrage national est trop rigide et ne peut pas être adapté à cette spécificité départementale.
Il n’existe donc pas de MAEC localisée pour le maintien de l’herbe, dans le cadre de l’enjeu lié à l’érosion ou de celui qui est lié à la protection de l’eau potable. Aujourd’hui, certains exploitants abandonnent purement et simplement la démarche !
En outre, je souhaiterais souligner que les efforts engagés par les agriculteurs ne sont pas à la hauteur des aides perçues.
Dans un contexte de crise agricole, la demande d’adaptation est forte. Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement s’agissant de l’adaptation du cahier des charges aux territoires, des valeurs cibles et de la rémunération aux caractéristiques locales. Quelles actions est-il prévu de mener auprès des instances européennes pour obtenir le financement des MAEC à la hauteur des besoins de la Normandie ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président.
Madame la sénatrice, pour la nouvelle période de programmation de développement rural 2015-2020, le ministère de l’agriculture a coconstruit en lien avec les conseils régionaux, puis négocié avec la Commission européenne un cadre national comprenant certaines mesures, dont les MAEC, que vous venez d’évoquer.
Mme Laurence Rossignol,
secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Ces mesures sont de deux types.
D’une part, de nouvelles mesures, dites « systèmes », permettent aux agriculteurs d’engager la totalité de leur exploitation dans une logique de maintien de pratiques vertueuses ou de conversion du système d’exploitation.
D’autre part, il existe des mesures dites « localisées », déjà utilisées lors de la programmation précédente ; l’agriculteur les engage sur les seules parcelles pour lesquelles un enjeu environnemental est clairement défini.
Une multitude de mesures différentes sont proposées et peuvent être combinées, en fonction des sujets et des territoires, afin d’envisager une réponse adaptée au terrain.
Dans un cas comme dans l’autre, les montants fixés sont issus de calculs de surcoûts et de manque à gagner, méthode de travail imposée par les règlements européens.
Néanmoins, un grand nombre de paramètres techniques sont à fixer par le niveau local, région ou opérateur de territoire, permettant ainsi de tenir compte des spécificités du territoire et pouvant aussi faire varier l’attractivité de la mesure, de manière concomitante avec son ambition environnementale.
Après une première année de mise en œuvre, des ajouts et modifications de ces mesures sont à l’étude, afin de tenir compte des premiers retours des utilisateurs.
Ainsi, un travail sur la mesure système « polyculture-élevage » est en cours, afin d’affiner ses modalités de rémunération pour plus d’attractivité et une prise en compte encore plus poussée de l’impact des pratiques locales.
De même, les montants de certaines mesures localisées sont révisés, afin de tenter de limiter les disparités interrégionales trop fortes, même si l’adaptation régionale des montants reste un principe important à préserver dans le contexte de décentralisation du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, qui est désormais une réalité.
Enfin, et parce que c’est dans l’actualité, il y avait une demande forte des agriculteurs, notamment dans votre région, de pouvoir toucher des avances sur les aides liées aux MAEC au titre de la PAC 2015. Celles-ci ont pris du retard en raison de la révision de toutes les parcelles agricoles, suite à la pénalité financière d’un milliard d’euros qui a été infligée à la France pour l’application de la politique agricole commune entre 2008 et 2012.
Je peux vous confirmer que ce sera bien le cas. Conformément aux annonces de M. le ministre de l’agriculture le 26 janvier, l’État va déployer, pour paiement au mois d’avril 2016, une avance de trésorerie pour les MAEC, entre autres, étendant ainsi l’effort réalisé en décembre sur les aides du premier pilier de la politique agricole commune, afin que les agriculteurs puissent toucher des aides.
La parole est à Mme Agnès Canayer.
M. le président.
Les agriculteurs attendent aujourd’hui des engagements, afin d’être rassurés quant à leurs perspectives d’avenir. Il faut prendre en compte les besoins environnementaux particuliers des territoires et faire remonter les doléances, notamment à l’échelon européen. Les mesures adoptées doivent être déclinées en fonction des spécificités locales, notamment en Normandie.
Mme Agnès Canayer.
La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n
M. le président.
Depuis plusieurs années, j’alerte le Gouvernement sur la situation du département du Val-de-Marne s’agissant de l’accueil des mineurs isolés étrangers et des conditions de répartition nationale de ce dispositif.
M. Christian Favier.
En effet, si l’accueil relève bien de la compétence départementale, dans le cadre de leur mission d’aide sociale à l’enfance, seuls quelques départements sont massivement confrontés à ce problème. C’est notamment le cas du Val-de-Marne, de Paris, de la Seine-Saint-Denis et de quelques autres.
Aussi, dans le cadre d’un protocole signé avec l’Assemblée des départements de France, une cellule nationale avait été instituée en 2013 par circulaire interministérielle, afin de mieux répartir la prise en charge sur l’ensemble du territoire.
Malheureusement, ces dispositions ne sont plus respectées. Ainsi, en 2015, alors que le Val-de-Marne aurait dû recevoir 13 mineurs isolés, il en a accueilli 185 !
Une telle situation déstabilise et sature les dispositifs d’accueil du département. En l’occurrence, cela a représenté une charge supplémentaire de 21 millions d’euros en 2015, ce qui devient insupportable en ces temps de disette budgétaire.
Depuis le mois d’octobre dernier, la cellule nationale de répartition a cessé de fonctionner, par décision unilatérale du Gouvernement, et les juges du tribunal pour enfants de Créteil ont continué à prendre plusieurs dizaines de décisions de placement chaque mois.
Pour faire face à une telle situation, j’ai à plusieurs reprises déposé des amendements sur divers textes législatifs, afin de mettre en place un fonds national permettant de mutualiser les dépenses nécessaires à l’accueil de ces enfants. Jamais le Gouvernement n’a accepté un tel dispositif, laissant le département seul face à un problème qui dépasse ses capacités techniques et financières et qui relève pourtant, à notre avis, de la solidarité nationale !
Vous le comprendrez, au vu des chiffres que je viens d’indiquer, le département ne saurait continuer à assumer seul l’explosion de l’accueil des mineurs si le rythme actuel des placements judiciaires ne faiblit pas et si la répartition nationale ne reprend pas.
Ma question sera donc simple : que compte faire le Gouvernement pour assurer sans délai une juste répartition territoriale de cette mission, mais aussi pour prendre sa part des dépenses d’accueil, dont la portée nationale ne vous aura pas échappé ?
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le garde des sceaux, qui est retenu à l’Assemblée nationale ce matin.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Vous appelez à juste titre l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par le Val-de-Marne, dont vous présidez le conseil départemental, s’agissant de l’accueil d’un grand nombre de mineurs isolés étrangers, ou MIE. Vous souhaitez des décisions permettant une répartition plus équilibrée sur le territoire des mineurs.
À l’instar des autres États membres de l’Union européenne, la France accueille sur son sol de très nombreux jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers.
Ainsi, le 31 décembre 2014, la mission MIE identifiait 213 mineurs isolés étrangers confiés au département du Val-de-Marne, dans le cadre du premier exercice du dispositif, qui a été mis en place à partir du 1
Pour l’année 2015, cette mission a eu à connaître de 343 MIE évalués par le Val-de-Marne : 174 ont été réorientés vers d’autres départements, et 169 ont été confiés au Val-de-Marne.
Vous évoquez la dette de l’État à l’égard des départements. Je souhaite vous préciser que cette dette a été soldée au mois de septembre 2015 par un versement de 9,5 millions d’euros. Par ailleurs, une ligne de crédit de 14 millions d’euros a été inscrite en loi de finances pour 2016, afin de financer la contribution de l’État.
Pour répondre à vos inquiétudes, deux articles ont été introduits, sur l’initiative du Gouvernement, dans la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, que le Sénat examinera en nouvelle lecture le 18 février prochain.
Selon ces deux articles, le Gouvernement fixera des objectifs de répartition des mineurs sur le territoire, et l’autorité judiciaire transmettra les informations nécessaires à une orientation des mineurs garantissant l’intérêt de l’enfant.
Au-delà, une circulaire interministérielle a été transmise aux préfets, recteurs et directeurs d’agence régionale de santé le 16 décembre dernier. Elle doit permettre une meilleure coordination des services de l’État dans la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
Enfin, je salue votre initiative de développer des infrastructures associatives aux fins d’évaluation, dans le délai de cinq jours, des personnes qui se présentent comme MIE, puis de leur prise en charge éducative.
Soyez donc assuré que le Gouvernement est pleinement investi auprès des départements dans la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
La parole est à M. Christian Favier.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre réponse. Mais je souhaite rappeler que l’accueil des étrangers en France relève en premier lieu d’une responsabilité régalienne de l’État !
M. Christian Favier.
Par conséquent, en la matière, il appartient d’abord à l’État de prendre toutes les mesures pour s’assurer que les personnes accueillies relèvent bien des engagements de la France au regard de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Malheureusement, ce travail n’est pas fait complètement aujourd’hui. Des personnes arrivent par centaines en France, par l’intermédiaire de réseaux souvent mafieux, qui les rackettent en leur fournissant de faux papiers d’identité. L’État laisse faire, malgré tous les discours sécuritaires actuels sur l’état d’urgence…
Ce n’est pas aux collectivités locales, sur lesquelles vous vous déchargez, de réaliser les contrôles documentaires !
J’ai donc pris une décision. À compter de ce jour, je renverrai systématiquement vers les services de la préfecture toute personne qui ne serait pas en mesure de présenter une pièce d’identité dont l’authenticité m’aura été garantie par les services de l’État. Je rétablirai ainsi l’État dans ses missions régaliennes.
En outre, je vous informe que je vais engager une assignation en référé contre l’État devant le tribunal administratif pour la reprise immédiate de la répartition nationale des mineurs isolés étrangers.
Enfin, je réitère notre demande de mise en place d’un véritable fonds national permettant la prise en charge des dépenses indues engagées par les départements pour faire face au flot de ces mineurs accueillis bien au-delà de la répartition nationale qui avait été prévue en 2013.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, auteur de la question n
M. le président.
Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation fiscale des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs, qui sont présents dans tous les champs de la protection sociale.
M. Jean-Jacques Filleul.
De plus en plus souvent, les services fiscaux notifient à ces établissements et services associatifs des assujettissements à la taxe foncière et à la taxe d’habitation, alors même que des établissements publics sociaux, médico-sociaux et de santé bénéficient d’une exonération pour des activités similaires.
Par ailleurs, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, bénéficie aux maisons de retraite et services à domicile privés de statut commercial, mais les structures privées non lucratives du même secteur en sont écartées, alors qu’elles participent au financement de ce crédit d’impôt
De plus, elles sont écartées des dispositifs du crédit d’impôt recherche et du crédit d’innovation alors que les établissements de santé privés de statut commercial en bénéficient.
Les mêmes activités sociales et médico-sociales gérées par des centres communaux d’action sociale sont exonérées à la fois de TVA et de la taxe sur les salaires – c’est une charge fixe, acquittée quelle que soit la situation budgétaire –, tout en pouvant accéder au Fonds de compensation pour la TVA au titre de leurs investissements.
Au regard de toutes ces distorsions, difficilement compréhensibles, il semble nécessaire qu’un réajustement fiscal soit effectué au bénéfice du secteur privé non lucratif.
Je souhaite donc savoir ce que le Gouvernement compte faire pour répondre aux incompréhensions légitimes de ces établissements et services, ainsi qu’à leur demande d’un traitement fiscal plus équitable.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, votre question porte sur la situation des structures privées non commerciales du secteur social ou médico-social. Vous estimez qu’elles subissent une injustice dans leur traitement fiscal.
M. Christian Eckert,
secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Tout d’abord, je souhaite relativiser votre diagnostic : en effet, si des structures du même secteur professionnel peuvent bénéficier, notamment, du CICE, elles sont par ailleurs soumises aux trois impôts commerciaux : l’impôt sur les sociétés, la TVA et la contribution économique territoriale.
Le champ d’application des impôts locaux, en particulier de la taxe foncière, ne dépend pas des conditions d’exercice d’une activité. Je reste en outre réservé quant à l’idée de priver les collectivités territoriales de ressources fiscales propres. Pour cette raison, les exonérations de structures privées dans ce domaine sont laissées à la responsabilité de ces collectivités. C’est ainsi que l’article 92 de la loi de finances pour 2016 permet aux collectivités territoriales d’exonérer des maisons de santé pluriprofessionnelles sur leur propre initiative.
En outre, il faut éviter de laisser entendre qu’aucune mesure n’aurait été prise en faveur de l’économie sociale et solidaire. En effet, voilà bientôt deux ans, une baisse du montant de la taxe sur les salaires que paient les structures non lucratives a été instaurée. Cet abattement a ainsi été porté de 6 000 euros à 20 000 euros, puis revalorisé en 2015 à 20 262 euros.
Une telle mesure représente un effort de 314 millions d’euros pour le budget de l’État. Les associations en bénéficient à compter du 1
Au-delà de ces mesures, le Gouvernement est conscient de l’importance du sujet. À plusieurs reprises, le Président de la République a évoqué la possibilité de transformer le CICE en allégements de cotisations sociales. Le Gouvernement travaille à cette mutation. Je ne suis pas en mesure d’en préciser aujourd’hui l’ampleur et le calendrier.
Soyez assuré qu’un dispositif plus général en matière d’allégement de cotisations sociales couvrirait le champ de l’économie sociale et solidaire, dont vous avez légitimement évoqué la situation. Une réponse serait alors apportée à la préoccupation que vous avez exprimée.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, ces associations, qui réalisent un travail très important sur nos territoires, m’ont saisi pour me faire part de leurs inquiétudes. Je crois qu’elles vous auront entendu. Cependant, il faudra continuer de travailler avec elles, afin qu’elles n’éprouvent plus le sentiment d’être exclues du bénéfice de mesures auquel elles estiment avoir droit. Dans cette perspective, l’évolution du CICE dans le sens d’une baisse des prélèvements sociaux pourrait être une piste intéressante.
M. Jean-Jacques Filleul.
La parole est à Mme Sylvie Robert, auteur de la question n
M. le président.
La loi du 4 janvier 2002 relative à la création des établissements publics de coopération culturelle, les EPCC, répondait à un désir de culture et à une volonté politique singulièrement forte.
Mme Sylvie Robert.
Créés pour structurer le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes, les EPCC sont au service de la décentralisation culturelle. Uniques dans leur objet, ils sont la traduction juridique de la spécificité de notre modèle français, rappelée par les articles 103 et 104 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Lors de l’examen de ce texte, nous avons acté que la culture serait une compétence partagée entre l’État et les différentes collectivités.
Ainsi, en un peu plus d’une dizaine d’années, les EPCC se sont rapidement développés, si bien qu’il en existe près d’une centaine aujourd’hui. Ils maillent le territoire et couvrent l’ensemble du champ culturel : il s’agit tantôt d’opéras, de musées, de théâtres, mais aussi d’écoles supérieures d’art, de centres culturels de rencontres ou d’espaces de vie et de découverte mêlant patrimoine, arts visuels et spectacle vivant.
Pour autant, leur essor s’est accompagné de nouveaux défis, en particulier dans le contexte économique actuel, particulièrement contraint. Ainsi, sur le plan fiscal, deux évolutions pourraient être salvatrices et sécuriser tant le fonctionnement que la gestion de ces établissements publics.
D’une part, en vertu de l’article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales, un EPCC dont l’État est membre ne peut pas récupérer la taxe sur la valeur ajoutée concernant les travaux d’investissement qu’il mène en qualité de maître d’ouvrage. Or cette impossibilité se révèle parfois un obstacle à la transformation de structures culturelles en EPCC. Autrement dit, soit l’EPCC se prive de la participation de l’État, soit il prend le risque d’opérer dans un cadre juridique inapproprié, donc contestable.
D’autre part, l’article 231 du code général des impôts fixe les conditions d’assujettissement à la taxe sur les salaires. En l’état, hormis les établissements d’enseignement supérieur visés au livre VII du code de l’éducation, qui organisent des formations conduisant à la délivrance, au nom de l’État, d’un diplôme sanctionnant cinq années d’études après le baccalauréat, tous les EPCC, quel que soit leur objet, doivent s’acquitter de cette taxe. Bien souvent, elle représente une charge assez importante pour ces organismes et pénalise les collectivités désireuses de coopérer entre elles.
Par conséquent, je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage d’élargir l’accès au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, ou FCTVA, aux EPCC dont l’État est membre et si vous pourriez prévoir d’exonérer l’ensemble des EPCC de la taxe sur les salaires. Ces deux mesures seraient véritablement porteuses d’un nouvel élan en faveur de la culture sur notre territoire, qui en a bien besoin aujourd’hui.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président.
Madame la sénatrice, j’ai pris connaissance avec intérêt de votre question relative aux conditions d’éligibilité au FCTVA des dépenses d’investissement réalisées par les EPCC.
M. Christian Eckert,
secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Vous m’interrogez sur l’élargissement du FCTVA, alors que, lors de l’examen des textes financiers de l’automne dernier, de nombreux amendements en discussion visaient à en étendre l’assiette. Certains de ces amendements ont même été adoptés ; même s’ils ne concernent pas le domaine que vous évoquez, ils représentent une dépense importante pour notre budget.
Plus précisément, vous souhaitez connaître la position du Gouvernement quant à l’éligibilité au FCTVA des EPCC dont l’État est membre.
L’article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales dresse la liste des personnes publiques bénéficiaires du FCTVA, au rang desquelles figurent notamment les communes, leurs groupements, les départements et les régions. Par extension, aux termes de l’article précité, les EPCC ne sont donc pas, par principe, exclus du bénéfice du FCTVA, dès lors que tous leurs membres y sont éligibles et que leur activité n’est pas assujettie à la TVA. Tel n’est pas toujours le cas, notamment en ce qui concerne les EPCC comprenant parmi leurs membres l’État ou des établissements publics nationaux, organismes non recensés et qui ne sont pas éligibles au FCTVA.
Par ailleurs, le Gouvernement n’envisage pas, et je pense qu’il ne faut pas l’envisager, de rendre éligibles au FCTVA, par une modification du code général des collectivités territoriales, les EPCC dont un des membres n’est pas éligible.
Tout d’abord, le FCTVA est exclusivement destiné à bénéficier au secteur public local. On trouverait là l’occasion d’en faire un usage nouveau et de créer un précédent.
Ensuite, cet élargissement des conditions d’éligibilité introduirait une discrimination envers les autres établissements publics, ce qui ne manquerait pas de susciter à terme de nouvelles demandes d’élargissement. Celles-ci ne pourraient être satisfaites qu’en compromettant l’objectif de maîtrise des dépenses publiques.
L’autre partie de votre question portait sur la taxe sur les salaires. Je ferai sensiblement le même raisonnement. Certes, je comprends bien l’intérêt d’une telle exonération du point de vue d’un établissement donné. Mais nous ne pouvons pas établir de démarcation claire, conforme à nos raisonnements et principes habituels, sans aboutir à une exonération massive de cette taxe. Vous le comprendrez, dans le cadre de mes fonctions, je ne peux pas souhaiter une telle évolution.
Je n’oublie pas les demandes de chiffrages que vous m’avez adressées. Je vous répondrai rapidement sur ce point, qui est en cours d’étude par mes services.
La parole est à M. Jacques Genest, auteur de la question n
M. le président.
Le Gouvernement a très récemment annoncé un train de mesures de simplification en direction des entreprises et des particuliers.
M. Jacques Genest.
Malheureusement, les grands oubliés de cette démarche sont les artisans, les petits commerçants et les très petites entreprises, c’est-à-dire l’ensemble des acteurs du monde rural !
J’ai bien noté les quelques mesures prises pour le secteur de la construction, mais l’autorisation de pouvoir livrer un appartement neuf sans évier ne changera certainement pas la situation actuelle. Nos petites entreprises doivent sans cesse adapter leurs locaux professionnels à des mises aux normes, dont le coût dégrade leur compétitivité et entame leurs marges.
Dommage pour les entreprises et les habitants des territoires ruraux, qui n’avaient déjà pas eu la chance de ressentir les effets supposés fracassants du « choc de simplification » annoncé par le Gouvernement au mois de mars 2013 ! C’est le cas notamment de ceux qui doivent mettre aux normes à leur frais leur fosse septique. En outre, le coût de la construction a augmenté de 25 % à 40 % du fait des nouvelles normes thermiques, quand il est encore possible de construire !
Enfin, les patrons de salons de coiffure ou les professionnels de la médecine libérale se voient contraints d’appliquer des normes d’accessibilité à la fois onéreuses et superflues. Les fonctionnaires qui produisent ces textes s’imaginent-ils que les Français les ont attendus pour s’entraider et remédier aux problèmes d’accessibilité qui peuvent ponctuellement se poser ?
Les collectivités locales sont particulièrement exposées avec leurs bâtiments recevant du public, leurs écoles, leurs cantines, leurs crèches et leurs équipements sportifs. Le maire que je suis est passible des tribunaux en cas de manquement, mais il n’a pas le droit de changer une ampoule, opération d’une haute complexité nécessitant l’appel d’un technicien habilité !
Cet inventaire kafkaïen prêterait à rire s’il ne reposait pas sur des situations inextricables subies par des gens de bonne foi, aboutissant à une perte d’énergie insupportable. Derrière les déclarations d’intentions, les 400 000 normes qui encadrent toutes les activités ont la vie dure.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures drastiques pour, au minimum, assouplir les normes applicables aux artisans et aux petites entreprises, poumon économique de nos territoires ?
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue Martine Pinville, qui, retenue ce matin, m’a chargé de vous transmettre sa réponse.
M. Christian Eckert,
secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Le Gouvernement mène depuis 2012 une action résolue de simplification de la vie des entreprises et de nos concitoyens. Ce « choc de simplification » annoncé en 2013 par le Président de la République a permis d’arrêter un programme de simplification qui comportait 325 mesures en faveur des entreprises, dont 54 % sont effectives à ce jour. Ce programme a été complété le 3 février 2016 par 90 nouvelles mesures en faveur des entreprises.
Un certain nombre de ces 415 mesures visent à simplifier les obligations applicables aux locaux ou à l’activité des artisans, des commerçants et des très petites entreprises.
Permettez-moi d’en évoquer quelques-unes : la simplification des obligations d’affichage dans les hôtels-cafés-restaurants ; la mise en place d’un règlement sanitaire unique dans l’hôtellerie-restauration ; la suppression de la déclaration des congés d’été des boulangeries auprès des préfectures ; l’assouplissement des conditions d’information du consommateur sur les allergènes dans la restauration ; l’adaptation des règles d’accessibilité pour les établissements recevant du public, les ERP, comprenant notamment la possibilité d’installer des rampes amovibles dans les ERP existants.
Le Gouvernement a également souhaité canaliser le flux de nouvelles réglementations et mieux prendre en compte leur impact sur les entreprises. Afin d’atteindre ces deux objectifs, plusieurs principes ont été instaurés.
Il s’agit, tout d’abord, du gel de la réglementation ou moratoire des normes, avec la règle : « une norme créée, une norme supprimée ou allégée ». Ainsi, toute proposition de texte réglementaire nouveau doit s’accompagner d’une simplification correspondante.
Ensuite, les dates communes d’entrée en vigueur permettent aux entreprises de mieux anticiper les évolutions réglementaires qui leur sont applicables.
Enfin, la lutte contre la surtransposition vise à écarter, dans la conception des mesures de transposition des directives européennes ou d’application des lois, toute mesure allant au-delà de ce qu’implique strictement la mise en œuvre de la norme juridique de rang supérieur.
J’évoquerai également le « test PME », outil de consultation des entreprises, qui vise à évaluer de manière qualitative les impacts de projets de réglementation auprès d’un échantillon de PME et permet ainsi de renforcer l’évaluation préalable des projets de textes réglementaires.
Le programme de simplification est régulièrement enrichi et suivi par le conseil de la simplification pour les entreprises. Les problématiques auxquelles les TPE sont confrontées y sont pleinement prises en compte, notamment dans le cadre des ateliers participatifs mis en place pour formuler des propositions de simplification.
La parole est à M. Jacques Genest.
M. le président.
Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jacques Genest.
Vous avez évoqué les hôtels. Si l’administration appliquait les mêmes règles et faisait preuve du même excès de zèle à Paris qu’en province, il ne resterait pas beaucoup d’hôtels ouverts dans la capitale ! En province, nombre d’établissements sont obligés de fermer, alors qu’ils sont aussi bien que ceux dans lesquels je dors ici, à Paris.
Enfin, le monde rural aime bien les paroles, mais il préfère les actes !
La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n
M. le président.
Je ne vous apprendrai rien en soulignant que l’artisanat et le commerce de proximité sont confrontés à de graves difficultés dans les villes petites et moyennes, et plus encore dans le monde rural.
M. Mathieu Darnaud.
Le commerce de proximité est un lieu d’échanges ; il contribue à l’attractivité d’une ville, petite ou moyenne, et crée du lien social. La qualité du cadre de vie des habitants en dépend.
La majorité des petits artisans et commerçants proposent une grande variété de produits de qualité provenant de circuits courts. La relation humaine est au cœur de leur activité. Très souvent, le commerce reflète l’âme d’un village.
Quelques chiffres illustrent l’évolution très inquiétante de la situation. Les cessions de fonds de commerce se sont tout simplement effondrées au premier semestre de l’année 2015, passant sous le seuil des 20 000, soit une chute de près de 12 % par rapport au premier semestre 2014. Par ailleurs, sur l’ensemble du territoire français, la proportion des commerces vacants en centre-ville est proche de 8 %.
En outre, à la suite de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui avait pour but de simplifier les modalités de mise en œuvre du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, le montant de cette aide est passé de 42 millions d’euros en 2012 à 15 millions d’euros en autorisations d’engagement dans le budget pour 2016, que vous avez présenté et défendu ici même.
Cette baisse massive et brutale des moyens d’accompagnement des artisans et commerçants, décidée par le Gouvernement, est un des facteurs de la situation critique dont les chiffres que je viens d’évoquer donnent une illustration.
En outre, l’augmentation récente des plafonds de chiffre d’affaires de la microentreprise crée une vraie distorsion de concurrence avec les petites entreprises, qui sont assujetties à la TVA et à davantage de charges. Cette situation crée des conflits et des rancœurs entre artisans qui exercent le même métier sans avoir le même statut.
Enfin, les artisans sont préoccupés par la prochaine entrée en vigueur du compte personnel de la prévention de la pénibilité, qui va ajouter un lot de contraintes à un stock déjà très consistant. Les entrepreneurs ne sont absolument pas prêts à intégrer les six nouveaux critères devant s’appliquer au 1
Je souhaite donc connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour enrayer cette mauvaise spirale et aider au maintien et à la dynamisation de l’artisanat et du commerce de proximité.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir, vous aussi, excuser l’absence de ma collègue Martine Pinville, qui ne peut pas être présente ce matin.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Le Gouvernement s’était engagé à reformer le FISAC. Cet engagement a été tenu. Ce dispositif passe d’une logique du guichet, où tous les dossiers éligibles étaient mis en attente de financement, à une logique d’appel à projets, où les meilleurs dossiers sont sélectionnés, dans la limite des crédits disponibles.
Cette nouvelle formule répond aux critiques de la Cour des comptes. Dans son rapport adressé au Gouvernement en 2014, elle jugeait les délais de traitement et les modalités de financement inappropriés.
Avec la logique précédente, nous avions accumulé de trop nombreux dossiers non financés, sans aucune priorité. Notre action est donc désormais tournée de manière prioritaire vers la réalisation des projets ayant un effet direct et immédiat sur les entreprises et la dynamique économique de proximité.
Par ailleurs, la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a ouvert la possibilité d’expérimenter pendant cinq ans les contrats de revitalisation artisanale et commerciale dans des zones marquées par une disparition progressive des activités commerciales ou par un développement de la monoactivité, au détriment des commerces et services de proximité.
Cet outil, qui est désormais à la disposition des élus, comprend notamment la rénovation du droit de préemption des communes sur les fonds de commerce. Les élus pourront désormais les déléguer à d’autres opérateurs publics, comme des sociétés d’économie mixte, ou à l’intercommunalité. Le texte prévoit également la possibilité d’allonger le délai dont dispose la commune pour trouver un repreneur. En cas de mise en location-gérance, le délai passe de deux ans à trois ans. Les contrats de revitalisation commerciale et artisanale permettent ainsi aux élus de préempter des locaux pour réimplanter des commerces de proximité.
Afin de répondre à l’enjeu de revitalisation des commerces en centre-ville, Mme Sylvia Pinel, ministre de l’égalité des territoires, et Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce et de l’artisanat, ont lancé vendredi 5 février une mission ayant pour objet d’identifier l’ensemble des causes qui expliquent de telles difficultés – elles sont nombreuses – et d’expertiser l’efficacité des outils disponibles. Les conclusions de cette mission, confiée à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, seront rendues au plus tard au mois de juin 2016.
Vous avez complété votre question par un certain nombre d’autres sujets, dont le compte pénibilité. Certains de mes collègues pourront utilement vous répondre à cet égard en d’autres circonstances.
La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. le président.
J’entends la réponse de M. le secrétaire d’État.
M. Mathieu Darnaud.
Va pour une réforme du FISAC qui tienne compte des observations de la Cour des comptes et pour l’évolution de la réglementation relative aux crédits ! Mais l’essentiel demeure : le montant des crédits est passé de quelque 45 millions d’euros à 12 millions d’euros !
De 42 millions d’euros à 17 millions d’euros !
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État.
Malheureusement, c’est la réalité ! Nos territoires, notamment dans le monde rural, ont besoin non pas de réglementations, mais de moyens pour permettre le développement du commerce et de l’artisanat.
M. Mathieu Darnaud.
J’ai hâte de savoir ce que d’autres ministres auront à nous indiquer sur le compte pénibilité, mais je puis vous affirmer que le monde du commerce et de l’artisanat voit arriver ce dispositif comme une nouvelle contrainte. On est en train d’alourdir un peu plus chaque jour la gestion des entreprises. Ce n’est pas une voie vertueuse. Le monde rural est encore et toujours pénalisé !
La parole est à M. François Marc, auteur de la question n
M. le président.
Je souhaite interroger le Gouvernement sur les circuits d’évasion fiscale organisée.
M. François Marc.
Nous savons tous les dégâts causés par la crise financière de 2007-2008. Les dérives du monde financier qui ont contribué au déclenchement de cette crise ont été mises à jour ces dernières années. Des interrogations ont notamment porté sur les pratiques bancaires spéculatives et sur des agissements à l’international qui n’étaient pas satisfaisants.
On peut dès lors se féliciter que des mesures significatives aient été prises ces dernières années, en vue d’une meilleure régulation financière et bancaire. La réglementation a été renforcée, et les conventions internationales ont évolué dans un sens souhaitable.
Cependant, des questions restent posées. Elles concernent notamment le développement considérable du
shadow banking
L’autre question fondamentale porte sur la subsistance de circuits d’évasion fiscale organisée. Comme les médias l’ont rapporté en septembre et octobre 2015, certaines pratiques ont, semble-t-il, continué à prospérer. Citons par exemple le cas de la banque HSBC, dont on a beaucoup entendu parler, ou encore de la banque Pasche, qui, ayant son siège à Monaco, était une filiale d’une banque française jusqu’à l’été 2015 ! D’anciens cadres de cet établissement ont publiquement dénoncé des pratiques frauduleuses ayant eu cours jusqu’à une période très récente.
Je souhaite donc savoir si des investigations poussées sont entreprises par les autorités de régulation bancaire françaises en vue d’apporter un éclairage approprié sur les pratiques déviantes des établissements concernés. J’aimerais aussi obtenir toutes informations utiles sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les circuits d’évasion fiscale organisée.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, la question que vous posez est de la plus haute importance. Vous faites référence à des agissements totalement inacceptables.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Je ne peux évidemment pas commenter directement les cas particuliers que vous avez mentionnés, même si vous avez sans doute pu observer que la banque HSBC, y compris la holding, avait été mise en examen récemment ; la justice fait son travail de manière rigoureuse. Le Gouvernement s’est porté partie civile dans cette procédure. Nous attendons avec une certaine impatience les conclusions d’une enquête qui sera forcément longue. À cet égard, je vous renvoie à un rapport qu’un député alors rapporteur général du budget avait fait en son temps sur le sujet.
(Sourires.)
Depuis 2012, nous avons promu l’échange automatique d’informations et de renseignements relatifs aux comptes financiers des particuliers, ce qui s’est traduit par un accord entre les pays de l’OCDE au mois d’octobre 2014. À ce jour, cinquante-sept États se sont engagés à le mettre en œuvre pour 2017. Cet accord a été rendu obligatoire pour tous les pays européens par la directive du 9 décembre 2014, qui a été transposée par la France
Les banques vont ainsi devoir identifier et transmettre automatiquement à l’administration fiscale les comptes détenus en France ou à l’étranger par les contribuables. Nous sommes actuellement en train de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires au sein non seulement de l’administration fiscale, mais aussi des banques, pour que ces échanges puissent commencer le plus rapidement possible, en tout cas en 2017 comme prévu.
Surtout, avant même l’entrée en vigueur de ces dispositions, nous assistons en ce moment à un mouvement massif de régularisation de ces avoirs, car les contribuables et les banques étrangères savent désormais que l’ère de l’opacité est derrière nous. Le service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, a déjà permis de recouvrer 1,9 milliard d’euros en 2014 et 2,65 milliards d’euros en 2015. Étant donné le très grand nombre de dossiers qui continuent d’affluer, nous anticipons encore 2,4 milliards d’euros de recettes pour l’année prochaine.
Ces nouvelles recettes nous ont permis de baisser l’impôt des contribuables les plus modestes. Nous avons ainsi une fiscalité plus juste, supportée par chacun en fonction de ses capacités contributives, et non pas de sa capacité à dissimuler son argent. Au total, sur la durée du quinquennat, nous aurons mis fin au secret bancaire.
Vous avez évoqué les agissements d’un certain nombre de banques. Vous n’êtes pas sans savoir que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, qui est une autorité administrative indépendante, prononce un certain nombre de sanctions pour assurer le contrôle du fonctionnement des banques françaises et des banques étrangères ayant une activité en France.
La parole est à M. François Marc.
M. le président.
Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse éclairante sur les évolutions récentes et sur les modifications qui viennent d’être introduites, notamment s’agissant des échanges d’informations entre tous les pays concernés.
M. François Marc.
Nous avons le sentiment que les choses avancent. Mais la finance progresse elle aussi dans ses pratiques, et ce dans un sens qui n’est pas toujours rassurant.
J’ai attiré votre attention voilà quelques instants sur le
shadow banking
M. Rameix, le président de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, qui a d’ailleurs émis récemment un avis sur le sujet, signalait en présentant ses vœux que les moyens actuels des organisations de contrôle et de suivi paraissaient modestes en comparaison de la capacité d’innovation dont font preuve les organismes financiers.
Il est donc nécessaire de consolider nos moyens de contrôle et d’accompagner avec des mesures appropriées l’ACPR et l’AMF dans l’accomplissement des missions qui leur sont aujourd’hui dévolues. Il y va de la protection de l’épargnant et de l’orientation de l’épargne vers les besoins des entreprises et le développement de l’économie, plus que vers la spéculation, qui a malheureusement eu tendance à prospérer ces dernières années !
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières à compter du 6 novembre dernier et, plus encore, les mesures décidées dans le cadre de l’application de l’état d’urgence ont mis en lumière la gravité sans précédent de la situation à laquelle la profession douanière est confrontée. Or c’est une question de sécurité nationale.
M. Thierry Foucaud.
L’approche douanière par les flux, notamment illicites, de marchandises et de capitaux, en complémentarité des personnes a démontré son efficacité. Elle devrait donc pouvoir être déclinée en tout point du territoire.
Mais ce n’est pas le cas, en raison de la multiplication des économies réalisées par la suppression de divers éléments de notre premier et dernier rempart national : des vedettes garde-côtes, des avions, des brigades, des bureaux, des effectifs douaniers et même des missions douanières, le tout en pleine guerre contre le terrorisme !
La douane est la seule administration de protection non prioritaire. Je demande qu’elle le devienne. Les douanes, qui jouent un rôle unique au service de l’intérêt général, doivent pouvoir mener à bien leurs missions. Il faut que des moyens suivent.
Le 16 décembre dernier, le Président de la République a annoncé le recrutement de 1 000 douaniers. L’effectif actuel étant de 16 396 douaniers, pouvez-vous me confirmer que le Gouvernement s’engage à le porter à 17 396 d’ici à deux ans, monsieur le secrétaire d’État ? En outre, ces personnels auront-ils les moyens de mener leurs actions ?
Je pose ma question sur les effectifs en ces termes, car la loi de finances pour 2016 prévoit une réduction de 230 postes de douaniers. Si 500 postes sont créés parallèlement, les douanes ne pourront compter en réalité que sur 270 postes supplémentaires !
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je partage votre conviction : la douane joue un rôle essentiel pour la protection de nos concitoyens. Par leurs actions de contrôle des flux de personnes et de marchandises aux frontières et de lutte contre les trafics de toute nature, les douaniers sont des maillons indispensables de la lutte contre le terrorisme et contre tous les réseaux criminels. Cette estime pour l’un des corps en uniforme les moins bien connus de la République est partagée au plus haut sommet de l’État.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
C’est pourquoi le Président de la République a annoncé le 16 novembre dernier au Parlement réuni en Congrès un plan de renfort des moyens des douanes. Ce plan, dont j’ai précisé les modalités le 22 janvier en Haute-Savoie, prévoit un renforcement des effectifs, des moyens d’action opérationnelle et des outils juridiques. Contrairement à ce que vous avancez, ces nouveaux moyens sont bien inscrits dans la loi de finances pour 2016 telle qu’elle a été votée par le Parlement.
En particulier, 1 000 recrutements supplémentaires seront effectués en 2016 et 2017. Ainsi, alors qu’il était prévu de recruter 735 agents sur les différents concours, les recrutements seront en fait 1 735 agents sur deux ans. Tous les niveaux de concours sont concernés : les douanes procéderont au recrutement supplémentaire de 550 agents de constatation, de 350 contrôleurs et de 100 inspecteurs. Ces renforts d’effectifs bénéficieront à plusieurs services à compétence nationale et à toutes les directions interrégionales. J’ai communiqué les détails aux personnels.
Soyons clairs : cette bataille de chiffres relève d’une mauvaise querelle !
Il était effectivement prévu de diminuer les effectifs de la douane, dans une proportion toutefois moindre que par le passé. La réduction envisagée était d’environ 245 postes en 2016 et en 2017, contre 400 les années antérieures. Mais, compte tenu de l’engagement du Président de la République, nous avons décidé de procéder à 1 000 embauches supplémentaires, aboutissant à des créations nettes : nous sommes passés de près de 500 emplois en moins à quelque 635 emplois en plus sur deux ans !
De même, lorsque le Président de la République a annoncé 10 000 postes supplémentaires pour le ministère de la défense alors qu’il était prévu de réduire les effectifs de 7 500 emplois, nous sommes passés de 7 500 emplois en moins à 2 500 emplois en plus ! Il n’y a là aucune opération de Gribouille !
Le nombre de postes ouverts pour les concours de recrutement de la douane atteste de la réalité de la création de ces 1 000 postes.
Je salue le travail des agents des douanes, que je côtoie au quotidien. Les moyens budgétaires consacrés à l’équipement des personnels, notamment en armes et en gilets pare-balles, seront renforcés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, si je vous ai bien compris, les effectifs des douaniers passeront de 16 400 environ aujourd’hui à 17 400 d’ici à deux ans.
M. Thierry Foucaud.
(M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)
En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé, avec 400 à 500 suppressions de postes par an au sein des douanes, l’hémorragie était grave.
Vous avez évoqué les moyens en général. À mon sens, il faudrait renforcer les services non seulement aux frontières, mais également dans les bureaux, en travaillant sur l’efficacité des moyens matériels pour améliorer le repérage.
Je pense notamment au système de scanneur des conteneurs, le Sycoscan, sur le port du Havre, dans mon département, la Seine-Maritime. J’avais alerté le Gouvernement au mois de mars 2013 sur la fermeture de ce dispositif. On m’avait alors répondu en évoquant « une solution de remplacement qui garantira l’exercice des contrôles dans des conditions d’efficacité équivalentes au Sycoscan, tant en termes de fréquence d’inspection que de qualité d’imagerie ».
C’est bien prévu !
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État.
Je constate que ce nouveau système n’a malheureusement toujours pas été installé. C’est pourquoi je continue, avec les douaniers, de demander le retour sur le port du Havre de cet outil de contrôle non intrusif et néanmoins très efficace.
M. Thierry Foucaud.
La question des effectifs ne concerne pas seulement, et les douaniers en sont bien conscients, la défense des emplois ; elle concerne la défense du pays !
La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n
M. le président.
Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de la défense sur les effets de l’installation de zones d’entraînement militaire de type secteur d’entraînement à très basse altitude, ou SETBA, en particulier sur l’activité éolienne dans notre pays, et plus spécialement dans mon département, la Haute-Loire.
M. Olivier Cigolotti.
À ce jour, la Haute-Loire compte seulement trois parcs éoliens. Depuis 2009, aucune nouvelle mise en service n’est intervenue. Le territoire de ce département présente pourtant des atouts sérieux en matière éolienne, notamment en termes de gisement de vent et d’espace disponible. Il peut donc miser sur le développement de l’énergie éolienne.
Le schéma régional éolien, qui date du mois de juin 2012, fixe les conditions générales du développement éolien et détermine les zones les plus favorables. Or, depuis quelques mois, des avis négatifs sont émis par le ministère de la défense en raison de l’existence de périmètres SETBA. Ces avis compromettent la réalisation de nombreux projets, notamment à Bas-en-Basset, Saint-Paul-de-Tartas et Saint-Jean-de-Nay.
Si je suis bien conscient qu’il est impératif pour notre armée de maintenir des espaces opérationnels en basse altitude correspondant au mieux aux missions liées à la protection du territoire, je tiens à souligner que la répétition de ce phénomène de non-réalisation menace le développement des énergies renouvelables. Cette situation pèse sur l’attractivité de certains territoires ruraux. Elle nous prive d’une manne d’emplois non délocalisables et de ressources financières recherchées par certaines communes qui subissent une baisse de dotations importante.
Ces difficultés ne concernent pas l’ensemble du territoire français. Cela contribue à accentuer les inégalités entre les départements sur les plans économique, social et environnemental. Comment accepter qu’un département entier passe à côté de la transition énergétique et de la croissance verte ?
En 2014, M. le ministre de la défense nous a annoncé que des pistes de réflexion verraient le jour sur les moyens techniques, opérationnels et réglementaires, afin de concilier au mieux les activités du ministère tout en augmentant la part des énergies renouvelables. Je souhaite connaître les conclusions de ces travaux, qui auraient dû contribuer à faciliter le dialogue et la coordination entre les nombreux acteurs associés à ces projets en Haute-Loire et sur l’ensemble du territoire.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser M. le ministre de la défense, qui est dans l’impossibilité de vous répondre directement.
M. Christian Eckert,
secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Votre question touche aux effets de l’installation de zones d’entraînement militaire sur l’activité éolienne en France, et plus particulièrement dans le département de la Haute-Loire.
L’engagement de nos forces sur les théâtres d’opérations nécessite un entraînement régulier et poussé des équipages en métropole. Comme vous l’avez souligné à juste titre, il est impératif de maintenir des espaces de préparation et d’entraînement en basse altitude qui répondent au mieux aux exigences des missions opérationnelles. Il y va de la sécurité des équipages et des populations comme de l’efficacité des actions menées.
Les secteurs d’entraînement à très basse altitude, ou SETBA, ont été créés pour répondre à cet objectif. Ils existaient déjà au moment de l’élaboration des premiers schémas régionaux éoliens.
Chaque projet éolien fait l’objet d’une étude approfondie, menée au cas par cas et visant à rendre compatibles l’accompagnement du projet et l’entraînement des forces. Dans ce cadre, le ministère de la défense a accepté un nombre important de projets dans ces secteurs où les avions de chasse et les hélicoptères évoluent à des hauteurs inférieures à celle des éoliennes. Il a pour principe de favoriser la densification des parcs qui existent dans ces secteurs plutôt que le développement de nouveaux micro-parcs qui fragiliseraient l’équilibre actuel. La hauteur moyenne des éoliennes est passée en dix ans de 90 mètres à 200 mètres, soit les deux tiers de la tour Eiffel ! Ces constructions n’en sont que plus dangereuses pour nos équipages.
Les projets des communes que vous avez mentionnées sont situés dans le SETBA « Ardèche ». Ce secteur est aujourd’hui très utilisé, pour trois raisons : sa position géographique centrale, la faible densité de population, évidemment favorable aux activités de vol à basse altitude, et ses caractéristiques topographiques.
Soyez assuré que les services de la défense étudient attentivement ces projets avec l’ensemble des acteurs locaux. Ainsi, une réunion s’est tenue au mois d’octobre dernier à la préfecture de la région Auvergne en présence des élus et des porteurs de projets. D’autres échanges sont prévus avec la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement ce mois-ci.
Par ailleurs, le ministère de la défense travaille avec le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie pour offrir une meilleure visibilité aux porteurs de projets. Conformément à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un décret en Conseil d’État définira les critères applicables pour autoriser l’implantation d’éoliennes à proximité des radars, des balises de radionavigation ou des systèmes d’atterrissage.
En outre, les services de la défense se sont réorganisés pour répondre aux nouvelles sollicitations. Des études sont en cours pour permettre aux porteurs de projets de disposer plus en amont d’informations sur la recevabilité de ceux-ci.
Enfin, le ministère de la défense encourage les travaux menés par les industriels pour réduire l’impact des éoliennes sur la détection des radars et a investi dans le développement d’un outil de simulation pour mesurer les effets des éoliennes sur les radars.
Au plan national, plus de 26 gigawatts ont déjà été autorisés par le ministère de la défense, alors que le Grenelle de l’environnement a fixé l’objectif de 19 gigawatts à l’horizon de 2020. En Auvergne, ce ministère a autorisé la construction de 462 mégawatts sur les 800 prévus par le schéma régional.
La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de ces éléments de réponse.
M. Olivier Cigolotti.
Au lendemain de la COP21, alors que le développement des énergies renouvelables est au cœur de nos préoccupations, le département de la Haute-Loire, qui fait face à de nombreuses difficultés, entend ne pas rester en marge de la transition énergétique et de la croissance verte !
La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n
M. le président.
Sollicité par plusieurs communes de mon département, les Côtes-d’Armor, lors de la rentrée scolaire dernière, je voulais évoquer l’absence de prise en charge par l’État, au titre du décret Hamon, des dépenses des communes inhérentes à la mise en œuvre des dispositifs des temps d’activités périscolaires, les TAP, dans les établissements privés sous contrat d’association.
M. Yannick Botrel.
Alors qu’un certain nombre d’établissements d’enseignement privés sous contrat d’association avaient mis en œuvre avec les communes des dispositifs TAP dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, la non-éligibilité des dépenses inhérentes au titre du fonds de soutien a créé une inégalité de traitement, qui semblait contestable ou, du moins, qui pénalisait les communes concernées. Or celles-ci sont déjà lourdement impactées par la situation budgétaire contrainte que nous connaissons.
Je m’interrogeais donc sur les raisons d’une telle non-éligibilité au fonds de soutien des communes pour ce qui concerne les établissements privés sous contrat d’association. Quoi qu’il en soit, nous avons voté en loi de finances pour 2016 l’élargissement de cette disposition aux établissements privés sous contrats d’association. Ma question pourrait donc de prime abord paraître caduque.
Toutefois, après consultation des communes m’ayant sollicité, il me semble opportun que certains points puissent être précisés. Pouvez-vous confirmer que l’ensemble du dispositif est à ce stade opérationnel, monsieur le secrétaire d’État ? De plus, comment envisagez-vous de traiter la période qui va du mois de septembre 2015 à l’adoption du projet de loi de finances pour 2016 ? En clair, la mesure sera-t-elle rétroactive ?
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, le bénéfice du fonds de soutien au développement des activités périscolaires n’était initialement ouvert aux écoles privées qu’à la condition pour elles d’adopter le dispositif dit Peillon.
M. André Vallini,
secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale.
Il se trouve que des communes ont souhaité mettre en place des activités périscolaires pour la totalité des élèves, qu’ils viennent des écoles privées ou des écoles publiques. Lorsqu’elles ont choisi d’adopter une organisation du temps scolaire de type Hamon, le problème de l’aide accordée aux écoles privées s’est posé.
Parce que ces communes avaient fait un choix conforme à l’esprit de la réforme, parce qu’elles avaient construit un projet local avec l’envie d’offrir aux enfants des activités périscolaires de qualité, Mme la ministre de l’éducation nationale, qui a entendu cette demande, a décidé de les accompagner. Mieux encore, elle a annoncé dans cet hémicycle, le 1
Vous avez soutenu cette volonté en votant l’amendement proposé par le Gouvernement en loi de finances rectificative pour 2015. En vertu de ce texte, tous les élèves des écoles publiques et des écoles privées sous contrat sont désormais pris en compte pour le calcul des aides aux communes ou aux intercommunalités lorsque ces dernières ont adopté une organisation de la semaine scolaire identique à celle des écoles publiques et que les activités périscolaires proposées sont bien organisées dans le cadre du projet éducatif territorial.
Le problème que vous soulevez a donc été résolu. C’est une belle illustration de notre démarche concernant les nouveaux rythmes : nous travaillons avec les élus communaux et intercommunaux, et nous facilitons leur action lorsqu’elle va dans le sens de l’intérêt des enfants et de la complémentarité entre les temps scolaires et périscolaires, qu’il s’agisse des écoles publiques ou des écoles privées.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. le président.
On peut effectivement donner acte au Gouvernement d’avoir répondu aux attentes des collectivités. Il n’y a aucune ambiguïté à cet égard.
M. Yannick Botrel.
Si j’ai posé cette question avec un certain retard, c’est en raison des règles d’inscription des questions orales à l’ordre du jour de notre Haute Assemblée.
Comme je l’ai indiqué, j’ai bien conscience que, sur ce point, la réponse a été apportée. Reste toutefois en suspens le problème de la rétroactivité, qui a été soulevé par un certain nombre de maires, en particulier en Bretagne, un grand nombre d’enfants de cette région étant scolarisés dans l’enseignement privé. Sur cet aspect particulier, je n’ai pas entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle préciser ses intentions.
La parole est à M. Patrick Masclet, auteur de la question n
M. le président.
Chacun connaît les effets que provoque la baisse massive et rapide des dotations aux collectivités locales, par exemple sur les services publics.
M. Patrick Masclet.
Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les investissements. La capacité d’autofinancement des communes se réduit. En 2015, 62 % d’entre elles ont diminué d’une manière significative leurs investissements, qui ne sont donc plus au rendez-vous.
Malheureusement, les collectivités locales ont, malgré elles, provoqué une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi dans les entreprises, aujourd'hui estimée par l’Association des maires de France à 15 000 personnes.
Cette baisse des dotations et, donc, des investissements est malheureusement accélérée par un moindre accompagnement des partenaires que sont les autres collectivités. Je mentionne en particulier le département du Nord, pour lequel il manque cette année 288 millions d’euros pour financer le reste à charge du RSA.
Ainsi, les maires bâtisseurs, ceux qui veulent continuer d’investir, sont aujourd'hui appelés à ouvrir des lignes de trésorerie pour financer les investissements dont ils ont besoin. Chacun le sait, il s’agit d’une opération non pas budgétaire, mais plutôt comptable. La difficulté rencontrée par nos collègues est celle de l’équilibre des comptes et du remboursement avant la fin de l’année de ces lignes de trésorerie.
Or, je viens de le rappeler, dans le département du Nord, les subventions attendues, qui ont été délibérées, n’arrivent pas en temps et en heure, et le retard accumulé est désormais d’un à deux ans.
Par conséquent, je souhaiterais savoir si le Gouvernement souhaite assouplir les règles concernant les lignes de trésorerie et leur remboursement avant la fin de l’année, à la condition qu’elles soient gagées par des actes juridiques solides tels que des délibérations, afin d’éviter, à l’arrêt des comptes, une situation de fort déséquilibre susceptible d’alerter les services de l’État.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la nécessité de soutenir l’investissement public local, qui représente plus de 70 % de l’investissement public et contribue à soutenir la croissance.
M. André Vallini,
secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale.
Vous vous inquiétez de la situation de certaines collectivités territoriales, qui souscrivent des lignes de trésorerie, afin de pallier des décalages ponctuels de trésorerie ou de préfinancer des subventions à venir.
Vous proposez la mise en œuvre d’un assouplissement des règles de gestion de ces produits de court terme permettant aux collectivités de surseoir au remboursement d’une ligne de trésorerie à la clôture de l’exercice, si elle a obtenu un accord de subvention dont le versement est différé.
Bien que constituant des sources de financement externe pour les collectivités locales, l’emprunt et les crédits de trésorerie obéissent à des régimes budgétaire et comptable différenciés.
Les lignes de trésorerie, dont la durée d’utilisation ne peut pas excéder une année, n’entrent pas dans le calcul de l’équilibre budgétaire et ne sont pas non plus soumises à l’obligation de remboursement à la clôture de l’exercice budgétaire. Il n’est donc pas nécessaire d’envisager un assouplissement de leurs règles de gestion.
Pour autant, le Gouvernement a pris des mesures de soutien à l’investissement, qui répondent à votre préoccupation. En 2015, la Caisse des dépôts et consignations a proposé aux collectivités de préfinancer à taux zéro leurs remboursements du FCTVA.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité créer un fonds de un milliard d’euros pour soutenir, en 2016, l’investissement des communes et intercommunalités, fonds dont les crédits d’engagement ont d’ores et déjà été délégués aux préfets de région. Il appartient à ces derniers de les répartir en concertation avec les élus régionaux, départementaux et, bien entendu, communaux.
La parole est à M. Patrick Masclet.
M. le président.
Je remercie M. le secrétaire d’État de cette réponse technique, mais très claire, qui devrait nous permettre de mieux alerter les services de l’État.
M. Patrick Masclet.
Certains de mes collègues – cette question ne vous est bien évidemment pas posée par hasard ! – ont été incités à réaliser de l’emprunt pour solder de telles opérations. Ils se retrouvent aujourd'hui dans les réseaux d’alerte. Nous comptons donc sur votre diligence pour prévenir les préfets, notamment, de ne pas s’engager dans cette voie, qui n’est pas la bonne. Car il s’agit bien, vous l’avez précisé, d’un besoin temporaire de trésorerie, et non pas d’emprunt.
La parole est à M. Dominique de Legge, auteur de la question n
M. le président.
Jusqu’à un passé récent, la Direction générale des collectivités locales, ou DGCL, communiquait aux collectivités locales et aux laboratoires de recherches ou bureaux d’études qui en faisaient la demande le fichier « DGF », qui intègre l’ensemble des paramètres de calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, pour toutes les collectivités locales de France.
M. Dominique de Legge.
Ce fichier est précieux. Il permet, entre autres, de calculer les critères de répartition de la dotation de solidarité communautaire, la DSC, entre les intercommunalités. Il donnait en outre aux laboratoires de recherches et bureaux d’études les moyens de réaliser de nombreuses analyses. Le fichier, qui était communiqué depuis des années sous format papier numérisé, l’est depuis quelques années sous format informatique.
Toutefois, depuis 2014, la DGCL refuse de le communiquer ou de le vendre. Doit-on y voir un lien avec la diminution des dotations ?
Au moment où on évoque une réforme de la DGF, serait-il envisageable, dans un souci de transparence, de disposer de ces documents ?
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le sénateur, conformément à la décision n
M. André Vallini,
secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale.
L’article 28 de la loi de programmation des finances publiques 2015-2019 prévoit qu’une annexe générale est jointe au projet de loi de finances de l’année. Elle détaille les attributions individuelles versées aux collectivités territoriales ou, le cas échéant, les prélèvements dont elles font l’objet au titre de l’année précédente. Elle porte sur les dotations financées par des prélèvements sur les recettes de l’État ou par des crédits inscrits au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les fonds de péréquation entre collectivités et la fiscalité transférée à divers titres. Elle présente de manière distincte chaque dispositif compris dans ce périmètre.
La refonte du site internet de la Direction générale des collectivités locales a permis de rénover l’information apportée aux collectivités. Ce site permet en effet désormais d’accéder, pour chaque commune, chaque établissement public de coopération intercommunale, chaque département et chaque région, aux montants versés au titre des différentes composantes de la dotation globale de fonctionnement, ainsi qu’aux attributions et contributions au titre des fonds nationaux de péréquation. Dans l’onglet
Dotations en ligne
Par ailleurs, on peut aussi accéder aux principaux critères physiques et financiers utilisés pour la répartition des fonds nationaux de péréquation et des dotations de l’État aux collectivités territoriales. Ces principaux critères physiques et financiers sont consultables pour l’ensemble des collectivités territoriales en format CSV dans l’onglet
Critères de répartition des dotations
Sur ce site sont également indiquées les modalités de répartition des dotations et des fonds de péréquation. Dans l’onglet
Notes d’information sur la répartition des dotations
Enfin, ce site rénové permet d’analyser sur plusieurs années les évolutions des montants de la DGF ou des fonds nationaux de péréquation.
Il est aussi possible de consulter l’ensemble de la répartition de chaque dotation ou de chaque fonds national de péréquation au titre des années précédentes.
Ces données sont téléchargeables.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. le président.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. J’ai bien compris que le site était rénové. À vous entendre, la vie est belle…
M. Dominique de Legge.
Pour ma part, j’ai encore un tout petit doute. D’après vous, les données sont accessibles aux collectivités territoriales. Mais beaucoup de ces dernières ne disposent pas forcément des moyens humains pour en tirer toutes les analyses nécessaires. Or nous avons besoin d’une vision d’ensemble, notamment lorsque nous faisons appel à des cabinets d’études chargés d’alimenter notre réflexion.
Je souhaiterais donc que l’accès à toutes ces données soit proposé, non pas simplement aux collectivités territoriales, mais aussi, dans un souci de transparence, à toutes celles et tous ceux qui ont un intérêt à les connaître.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach, auteur de la question n
M. le président.
Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur un projet de démolition de 750 logements sociaux dans mon département, les Hauts-de-Seine, précisément dans le quartier du Pavé blanc, à Clamart. L’actuelle équipe municipale a pour projet de livrer ensuite ces terrains aux promoteurs privés, afin d’y reconstruire principalement du logement de standing et ainsi, selon elle, assurer une mixité sociale…
M. Philippe Kaltenbach.
Je note au passage qu’elle a abandonné de nombreux projets de construction de logements sociaux dans des quartiers où il n’y en avait pas, ou peu. Sa vision de la mixité sociale consiste donc avant tout à démolir le logement social là où il existe !
Un projet de requalification globale des logements du quartier du Pavé blanc et de leur environnement vient pourtant de s’achever, après plusieurs années de travaux, dont le coût a avoisiné les 20 millions d’euros.
On peut vraiment s’interroger sur ce projet de démolition de 750 logements sociaux, tout juste requalifiés. Cela va à l’encontre des efforts entrepris dans la lutte contre la crise du logement et représente un gaspillage d’argent public, au moment où il est très difficile, compte tenu de la conjoncture économique, de financer une offre accrue de logements.
La région francilienne connaît une situation particulièrement tendue en matière de logement. Dans ce contexte, il convient de construire plus de logements à loyer abordable, et non de détruire un parc existant, surtout lorsqu’il vient d’être rénové et se trouve en parfait état.
Au demeurant, l’association des locataires du quartier s’est fortement mobilisée contre le projet de démolition. Les locataires ont signé à plus de 70 % une pétition demandant son arrêt. Parmi les 30 % de non-signataires, il y avait de nombreuses personnes absentes lors du recueil des signatures : on ne peut donc pas préjuger de leur éventuel soutien au projet, tant s’en faut. Il y a eu de fortes mobilisations, des manifestations contre le projet. On sent bien que les habitants sont attachés à leur quartier.
Comme il s’agit d’une démolition de logements sociaux, un accord préalable de l’État est exigé. J’aimerais donc connaître la position que le Gouvernement adoptera. Acceptera-t-il que 750 logements sociaux en bon état soient détruits, alors que nous manquons de logements sociaux avec des loyers abordables en Île-de-France ?
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur un projet de renouvellement urbain qui concerne le quartier du Pavé blanc à Clamart, dans les Hauts-de-Seine.
Mme Sylvia Pinel,
ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Ainsi que vous l’indiquez, ce quartier comporte un peu plus de 700 logements sociaux, qui sont la propriété du bailleur Immobilière 3F, aussi appelé I3F. Parmi ces logements, 671 ont bénéficié, au cours des années 1995 et 1996, d’une réhabilitation financée par un prêt obtenu dans le cadre du programme de prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, dit PALULOS. Ces travaux, vieux de vingt ans, sont désormais amortis. Quelques travaux plus récents ont été réalisés par le bailleur, sans aide publique.
Comme vous le savez, le préfet des Hauts-de-Seine est particulièrement attentif à ce projet, au sujet duquel il rencontre régulièrement le maire de Clamart. À ma connaissance, tous les éléments du projet ne sont pas aujourd’hui figés. La ville est en cours d’études, en lien avec le bailleur social, pour proposer une perspective de renouvellement urbain sur ce quartier.
L’État se mobilise pleinement auprès des collectivités locales et des opérateurs sociaux, en faveur du développement du parc social, de sa qualité et de la mixité sociale.
L’aménagement et les infrastructures du quartier du Pavé blanc datent de 1964 et ne répondent plus aux besoins et aux exigences actuelles. Par ailleurs, il n’est pas anormal qu’une collectivité souhaite introduire de la mixité sociale dans un secteur actuellement constitué de 100 % de logements sociaux.
Si les réflexions aboutissaient effectivement à un projet de démolition de tout ou partie de ces logements, l’État serait particulièrement vigilant, comme sur l’ensemble des territoires, à la reconstitution de l’offre sociale démolie, à la qualité de la concertation menée avec les acteurs locaux, notamment les habitants du quartier – vous les avez mentionnés –, à la qualité des propositions de relogement faites aux ménages, ainsi qu’à l’équilibre économique de l’opération.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. le président.
J’invite Mme la ministre à venir sur place, afin qu’elle se rende compte par elle-même de la situation.
M. Philippe Kaltenbach.
Même si ce quartier a été construit à la fin des années soixante, il a été rénové une première fois dans les années quatre-vingt-dix, grâce à des prêts PALULOS, et il a été complètement requalifié au cours des dernières années par le bailleur I3F, pour un montant de travaux de 20 millions d’euros. C’est un quartier agréable, avec un bâti de grande qualité et des espaces extérieurs, où les habitants sont heureux de passer du temps et de se rencontrer.
L’ensemble est en très bon état, et non dégradé. Nous ne sommes pas dans un cas de renouvellement urbain sur un quartier en difficulté.
En outre, favoriser la mixité sociale, c’est peut-être aussi, et surtout, construire des logements sociaux dans des quartiers qui n’en disposent pas, avant d’envisager de démolir les logements sociaux existants ! À cet égard, je signale que la ville de Clamart en compte à peine 26 %.
Je prends donc note de la réponse de Mme la ministre, en particulier du fait que le préfet n’a pas encore donné son accord et que le dossier est toujours en voie d’instruction.
Mais j’insiste sur un point : ce n’est pas en détruisant massivement du logement social de bonne qualité que l’on répondra à la grave crise du logement en Île-de-France ! La zone est très tendue. Il y a un déficit de logements à loyer abordable. Il faut absolument maintenir ce type de logements lorsqu’ils sont en bon état. La priorité doit même être d’en construire beaucoup plus dans les quartiers où il y en a peu, plutôt que de détruire ceux qui existent.
La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n
M. le président.
Madame la ministre, ma question porte sur les zones d’aménagement concerté, les ZAC.
M. Rémy Pointereau.
Comme vous le savez, l’article L. 122-3 du code de l’environnement, issu de l’article 161 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, prévoit la modification, par un décret en Conseil d’État, du cadre réglementaire applicable aux études d’impact nécessaires à la réalisation des zones d’aménagement concerté.
L’avis émis par l’autorité environnementale sur l’étude d’impact préalable à la création de la zone pourra ainsi tenir lieu d’avis pour les études d’impact afférentes aux acquisitions foncières, aux travaux et aux ouvrages réalisés au sein de la zone.
Cette disposition, adoptée par le Sénat, est évidemment la bienvenue. Elle permettra d’alléger les normes dans un domaine, l’urbanisme, dont la simplification est jugée prioritaire par deux tiers des élus locaux, consultés en ligne en 2014. Elle contribuera également à revaloriser le dispositif des ZAC, qui a largement perdu de son attractivité depuis les années quatre-vingt-dix, du fait, entre autres, de la prolifération normative.
Vous savez aussi que plusieurs études d’impact sont aujourd’hui requises lors de la mise en œuvre des ZAC : la première pour leur création ; les autres pour les travaux, ouvrages et aménagements réalisés en leur sein.
Au total, le cumul des études d’impact conduit à porter les délais de création des ZAC à vingt-cinq mois dans le meilleur des cas, et entre trois et cinq ans en pratique.
Cette situation, insatisfaisante, a été dénoncée à plusieurs reprises, d’abord dans un rapport de 2013 signé par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, ensuite dans le rapport que M. Jean-Pierre Duport a présenté au Premier ministre au mois mars 2015.
Afin de faciliter le recours aux ZAC, il me paraît essentiel que le décret prévu à l’article L. 122-3 du code de l’environnement soit pris dans les meilleurs délais.
C’est pourquoi je souhaiterais connaître l’échéance envisagée pour son édiction par le Gouvernement.
Je voudrais également que vous m’en précisiez le contenu, madame la ministre. Il me semble indispensable d’accorder aux collectivités territoriales le cadre réglementaire le plus favorable possible, dans la limite évidemment des exigences européennes.
Trois questions ont particulièrement retenu mon attention.
D’abord, toutes les ZAC pourront-elles avoir recours à ce dispositif sans que des conditions particulières ne soient opposées à certaines d’entre elles ?
Ensuite, toutes études d’impact entreront-elles dans le champ de ce dispositif, sans distinction selon la catégorie des travaux ou des aménagements ?
Enfin, l’autorité environnementale pourra-t-elle dispenser les ZAC de certaines évaluations environnementales ou se limitera-t-elle à émettre un avis unique sur toutes les études d’impact dont elle continuera d’exiger la production ?
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, l’article L. 122-3 du code de l’environnement prévoit la fixation par décret en Conseil d’État des conditions dans lesquelles l’avis de l’autorité environnementale sur l’étude d’impact d’une zone d’aménagement concerté peut également tenir lieu d’avis pour les études d’impact obligatoires des opérations comprises à l’intérieur de cette même ZAC, comme les acquisitions foncières, les travaux ou les ouvrages et équipements.
Mme Sylvia Pinel,
ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Cette disposition, introduite par la loi ALUR, a pour objectif de simplifier les procédures pour les porteurs de projets, en évitant de cumuler plusieurs demandes d’avis sur plusieurs études d’impact, pourtant réalisées pour un même projet d’ensemble. Il est en effet primordial, dans le contexte que nous connaissons, de faciliter la réalisation des projets, notamment ceux qui concernent des constructions de logements.
Mais j’ai souhaité aller plus loin en matière de simplification, notamment en permettant que l’étude d’impact globale de la ZAC vaille également étude d’impact pour les projets inscrits dans cette même zone, dès lors qu’elle est assez précise et détaillée.
Cette mesure, issue du travail mené dans le cadre du chantier de modernisation du droit de l’environnement qui a été piloté par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, est reprise dans une habilitation, inscrite dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance.
Le texte est en cours de préparation et devrait être publié d’ici à la fin du premier semestre 2016. Il contiendra un dispositif plus opérationnel, complémentaire des dispositions de l’article L. 122-3, sur lequel vous m’interrogez.
Cette ordonnance et son décret d’application permettront ainsi aux porteurs de projet des travaux et ouvrages réalisés au sein d’une ZAC d’être exonérés d’études d’impact dès lors que celle de la ZAC aura précisément évalué les conséquences de ces travaux. Nous travaillons à la partie réglementaire en parallèle, en vue d’une publication pratiquement concomitante.
Ces dispositions permettront de redonner à l’outil ZAC son véritable rôle d’ensemblier et, ainsi, d’accélérer les projets de construction sans réduire l’attention portée aux impacts environnementaux.
Tout comme ce qui est aujourd'hui possible en matière de procédure intégrée pour le logement, les mesures nouvelles seront également source d’économie de temps et d’argent pour les maîtres d’ouvrage, privés comme publics.
Enfin, les simplifications s’inscrivent de manière plus globale dans le plan de relance que nous avons présenté avec le Premier ministre en faveur de la construction.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. le président.
Le début de réponse de Mme la ministre va dans le bon sens.
M. Rémy Pointereau.
L’évaluation environnementale des projets d’aménagement constitue un sujet important. Les élus locaux attendent une action forte et déterminée en faveur de la simplification.
Dans ce cadre, il faut aller encore plus vite. C’est pourquoi, si le Gouvernement ne donne pas une suite rapide et satisfaisante au renvoi réglementaire prévu à l’article L. 122-3 du code de l’environnement, je proposerai toute suggestion de nature réglementaire ou législative permettant d’obtenir des résultats concrets – maintenant, il nous faut du concret ! – dans ce domaine.
Il y a là, me semble-t-il, un frein à la croissance et à l’emploi. Nous avons besoin d’obtenir des réponses dans un délai très bref !
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n
M. le président.
Ma question porte sur la mise en œuvre du plan numérique dans les collèges, objectif que le Gouvernement a affiché avec beaucoup de résolution. Au cours d’une première phase d’expérimentation, ce sont 600 établissements qui ont été concernés, avant que ce plan ne soit complètement généralisé, de la rentrée 2016 jusqu’en 2018. Le Gouvernement a annoncé que, grâce à ce plan numérique, les collégiens pourraient disposer à la fois des équipements et des ressources pédagogiques.
M. Jean-Claude Lenoir.
Toutefois, il y a un problème de ressources. Certes, les équipements sont financés par les collectivités territoriales, en l’occurrence les départements, qui assurent la maintenance des matériels. Mais les ressources doivent également concerner les manuels. Or les manuels numériques coûtent beaucoup plus cher que les manuels sur papier. Il va falloir les changer en raison de la réforme des programmes, qui s’appliquera dès la rentrée 2016.
Les ressources, ce sont également les personnels. Dans les collèges, on fait appel à des enseignants, à des professeurs particulièrement compétents dans les domaines de l’informatique et du numérique et qui acceptent de donner un « coup de main » en tant qu’administrateurs réseaux. Tout cela repose largement sur le volontariat. Le problème, c’est que les collèges n’ont pas forcément les ressources nécessaires. Si les gros collèges ne rencontrent pas de difficultés particulières, les collèges ruraux n’ont pas toujours les personnels suffisants ou les agents qui disposeraient des compétences requises et du temps nécessaire.
Le Gouvernement a créé récemment des référents numériques avec pour mission d’aider au bon fonctionnement de ces réseaux et d’apporter une assistance pédagogique, notamment en formant les enseignants.
Ma question est la suivante : quels moyens l’éducation nationale va-t-elle mettre en œuvre pour permettre au plan numérique de bien fonctionner ?
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui m’a priée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Mme Sylvia Pinel,
ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Vous l’avez souligné, l’acquisition des connaissances passe aujourd’hui par la pleine intégration du numérique dans les pratiques pédagogiques. Le ministère de l’éducation nationale est pleinement mobilisé en ce sens.
Vous le savez, Mme la ministre de l’éducation nationale a lancé avec le Commissariat général à l’investissement l’appel à projets « collèges numériques et innovation pédagogique », afin de concentrer les efforts de tous les partenaires, mais également d’accélérer l’investissement nécessaire à la généralisation des usages : sans moyen, le numérique ne peut pas se développer.
C’est pourquoi l’État s’est engagé dans un partenariat durable avec les collectivités territoriales pour la période 2016-2018. Ainsi, pour un euro investi dans les équipements individuels mobiles par les collectivités, l’État versera un euro ainsi qu’une dotation de trente euros par élève et par enseignant équipé pour l’acquisition de ressources supplémentaires.
De plus, une subvention spécifique pour les classes mobiles est également prévue, à défaut d’un matériel dévolu à chaque élève.
Enfin, l’État assure 100 % de la prise en charge de l’équipement des enseignants.
Vous le voyez, les efforts financiers sont donc significatifs.
Si les équipements sont essentiels, les ressources le sont également. Une série d’appels d’offres a été lancée pour mettre à la disposition gratuite des enseignants et des élèves des collèges et des écoles les banques de ressources numériques, comme l’a annoncé le Président de la République au mois de mai 2015.
Ces évolutions majeures ne se feront pas sans l’appui des personnels. C’est ainsi qu’un plan exceptionnel de formation a été mis en place. Le dispositif de formation
Des référents sont en outre présents dans chaque académie en soutien auprès des enseignants et en accompagnement des projets au sein des territoires.
Vous le voyez, le Gouvernement est très actif dans la mise en œuvre du plan numérique, car nous voulons que chaque élève puisse en bénéficier et l’utiliser, au service de sa réussite.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. le président.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je me permets quand même de souligner le décalage entre les objectifs affichés et les moyens qui seront mis en œuvre.
M. Jean-Claude Lenoir.
Les chiffres que vous annoncez sont souvent imprécis, et les rares à être précis ne répondent pas aux vrais besoins. Trente euros par élève ! Mais c’est ce que coûte un manuel numérique ! Or, à la rentrée, il faudra changer l’ensemble des manuels scolaires en raison de la réforme pédagogique annoncée.
J’ajoute que les administrateurs réseau sont la clé du succès. Ce sont des enseignants, des personnels des collèges, qui, en raison de leur compétence, de leur volonté d’apporter quelque chose aux élèves, donnent beaucoup de leur temps. La question est de savoir comment ils seront rémunérés. Un moment, il a été envisagé de les payer en heures supplémentaires – elles sont souvent versées avec beaucoup de retard –, avant que cette solution ne soit abandonnée au profit d’un système d’indemnités, dont le montant varie selon les académies. Ce qu’ils souhaitent avant tout, je crois, ce sont des décharges horaires, afin de pouvoir s’investir complètement dans cette mission.
Madame la ministre, je vous adresse ce message à l’attention de votre collègue de l’éducation nationale : nous sommes parfaitement d’accord avec les objectifs du plan, qui nous convient très bien. Il n’en demeure pas moins que beaucoup d’établissements, notamment en zones rurales – et ce point ne peut pas vous être indifférent –, seront dépourvus de moyens.
Il me reste quelques instants pour ajouter une touche personnelle à mon propos.
Madame la ministre, si j’en crois certaines rumeurs, vous pourriez renoncer à vos responsabilités gouvernementales dans les heures ou les jours qui viennent. Peut-être était-ce d’ailleurs la dernière fois que vous vous adressiez à un représentant du peuple, ici au Sénat.
Qu’il me soit donc permis simplement de vous souhaiter bonne chance dans les missions que vous avez acceptées et que les électeurs vous ont confiées. Je veux aussi vous indiquer combien nous avons apprécié votre courtoisie au cours des nombreux débats et travaux menés par la commission des affaires économiques auxquels vous avez participé. Je vous souhaite de continuer à œuvrer avec la courtoisie qui ne vous a jamais abandonnée.
Je vous remercie, monsieur le sénateur.
Mme Sylvia Pinel,
Madame la ministre, je m’associe pleinement aux propos de notre collègue Jean-Claude Lenoir.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
La séance est reprise.
M. le président.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi prorogeant l’application de la loi n
M. le président.
Mes chers collègues, comme je l’ai annoncé en conférence des présidents, nous voterons, à ma demande, par scrutin public sur l’ensemble de ce projet de loi, conformément à l’article 60 de notre règlement.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le 13 novembre 2015, notre pays est confronté à une menace terroriste d’une gravité sans précédent au cours de notre histoire.
M. Bernard Cazeneuve,
ministre de l'intérieur.
Voilà maintenant trois mois, 130 victimes innocentes ont perdu la vie, en plein cœur de Paris et aux abords du Stade de France, tandis que des centaines d’autres resteront longtemps marquées dans leur chair, parfois même pour le restant de leurs jours. Jamais, jusqu’alors, nous n’avions connu des attentats d’une telle nature et d’une telle ampleur sur le sol national.
Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement a pris toutes les mesures qui s’imposaient, décrétant notamment l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national, afin de donner aux autorités de l’État les moyens, dans de telles circonstances, de préserver l’ordre public et de prévenir la commission de nouveaux attentats.
Le 20 novembre, le Parlement a adopté à la quasi-unanimité la loi modernisant la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et en prorogeant l’application pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015.
Aujourd’hui, en raison de la persistance de menaces susceptibles de nous frapper à tout moment, le Gouvernement soumet à votre examen une nouvelle loi de prorogation de l’état d’urgence pour une durée supplémentaire de trois mois.
À cet égard, je veux saluer le travail réalisé en commission des lois du Sénat autour du constat de la nécessité de cette nouvelle prorogation, et remercier tout particulièrement le président Philippe Bas. Je tiens également à remercier le comité de suivi de l’état d’urgence et son rapporteur spécial, Michel Mercier, qui ont d’ores et déjà fourni un travail très important d’évaluation des mesures que nous avons prises dans le cadre de l’état d’urgence.
Je crois utile de commencer par rappeler l’état d’esprit dans lequel nous proposons au Parlement d’adopter cette nouvelle loi de prorogation.
L’exception au droit commun fait partie intégrante de l’histoire républicaine française. Tout État démocratique a en effet le devoir de prévoir un dispositif d’exception susceptible de lui donner les moyens de droit pour faire face à une situation d’une extrême gravité. Mais il doit bien évidemment le faire dans le respect scrupuleux des principes démocratiques et en prévoyant les garanties permettant de s’assurer qu’il en sera fait un usage strictement nécessaire.
La loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence vise ainsi à nous permettre de lutter contre tout « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou contre des « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Nul ne conteste ici, j’en suis convaincu, que les attentats du 13 novembre s’inscrivaient dans ce cadre.
Mais si nous devons faire preuve de fermeté et de détermination, nous devons également agir dans la pleine conscience de la responsabilité qui est la nôtre. L’état d’urgence n’est pas le contraire de l’État de droit : il en est au contraire, dès lors que la situation l’exige, le bouclier.
Contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là parfois dans la presse, l’état d’urgence n’est donc pas synonyme d’arbitraire. Les raisons justifiant d’y avoir recours, sa déclaration comme sa prorogation, ainsi que les actes et les décisions pris sur son fondement, sont tous prévus et strictement encadrés par la loi.
Par principe, l’état d’urgence n’a pas vocation à durer plus longtemps qu’il est nécessaire. Sa légitimité réside précisément dans ce caractère provisoire, déterminé par la persistance du péril imminent qui a justifié sa déclaration. Je vous présenterai dans quelques instants les données factuelles qui amènent le Gouvernement à juger que ce péril persiste.
J’ajoute enfin que, avec la loi du 20 novembre 2015 et cette nouvelle loi de prorogation, nous demeurons fidèles à l’ambition républicaine et progressiste qui animait les rédacteurs de la loi de 1955 – je veux bien sûr parler de Pierre Mendès France et d’Edgar Faure –, lesquels considéraient en effet que l’état d’urgence constituait une alternative libérale à l’état de siège.
C’est dans ce même esprit que le Gouvernement a pris l’initiative, dès la loi du 20 novembre, de supprimer certaines mesures relatives au contrôle des médias qui apparaissaient inadaptées aux réalités contemporaines et susceptibles de porter atteinte aux libertés publiques.
C’est également pourquoi le Gouvernement a souhaité prévoir des garanties supplémentaires, telles que l’interdiction de procéder à des perquisitions administratives « dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes », la nécessité d’information du procureur de la République avant et après la perquisition ou encore le contrôle du juge administratif, y compris dans l’urgence.
Enfin, c’est également ce gouvernement, et nul autre, qui a mis en place un contrôle parlementaire inédit et pleinement effectif de l’état d’urgence ; j’y reviendrai.
Je veux maintenant vous présenter un bilan précis des mesures que nous avons mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence et des résultats qu’elles ont d’ores et déjà permis d’obtenir.
Depuis le 13 novembre dernier, 3 336 perquisitions administratives ont été réalisées. Elles ont notamment permis la saisie de 578 armes, qui se répartissent de la manière suivante : 220 armes longues ; 169 armes de poing ; 42 armes de guerre ; 147 autres armes, présentant pour la plupart un caractère de dangerosité élevé. De plus, 395 interpellations ont eu lieu, entraînant 344 gardes à vue.
Au lendemain des attentats du 13 novembre, l’État a fait le choix de créer un effet de surprise pour éviter toute réplique éventuelle et déstabiliser les filières liées à des activités terroristes. Nous y sommes d’ores et déjà parvenus.
Néanmoins, je n’ignore pas que, depuis la proclamation de l’état d’urgence, des critiques ont été émises, notamment sur l’usage qui était fait de ces mesures. J’ai pour ma part identifié certains faits isolés, certaines perquisitions qui n’ont pas été accomplies avec le discernement qui aurait dû pourtant présider à leur mise en œuvre ou même à leur choix. Je pense notamment à une perquisition dans une ferme biologique du Périgord qui a eu lieu le 24 novembre dernier et qui était manifestement injustifiée. Je pense également aux conditions d’une autre perquisition, menée le 17 novembre, cette fois dans une mosquée à Aubervilliers. On peut perquisitionner un lieu de culte, mais rien ne justifie, au moment de cette perquisition, que l’on ne respecte pas un certain nombre de symboles de la religion concernée, au risque de choquer les fidèles.
J’ai par conséquent immédiatement donné des instructions extrêmement fermes pour que les opérations de perquisition ne concernent que des objectifs pertinents et qu’elles se déroulent de manière irréprochable. Ces instructions ont fait l’objet d’un télégramme, en date du 25 novembre dernier, adressé aux préfets. J’ai également demandé à la Direction générale de la police nationale et à la Direction générale de la gendarmerie nationale de transmettre les mêmes consignes auprès de leurs effectifs.
J’ai transmis l’ensemble des éléments communiqués à mes collaborateurs précisant les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence aux commissions de contrôle de l’état d’urgence instituées par le Parlement. Votre rapporteur, Michel Mercier, dispose depuis de nombreuses semaines de ces documents.
Je souhaite également vous informer des suites judiciaires qui ont été pour l’heure réservées à ces mesures, et tout particulièrement aux perquisitions.
À la date du 2 février, 563 procédures judiciaires avaient été ouvertes. Sur les 344 gardes à vue, 65 condamnations ont d’ores et déjà été prononcées et 54 décisions d’écrou ont été prises.
Si l’on s’en tenait au seul chiffre des procédures ouvertes sous la qualification terroriste – 28 procédures, dont 23 pour apologie du terrorisme –, le bilan pourrait sembler modeste, mais ce serait une erreur de méthode que de s’arrêter à ce décompte pour évaluer l’utilité des perquisitions effectuées.
En effet, les perquisitions administratives ont, par construction même, une finalité préventive et de renseignement. Les éléments collectés peuvent alimenter des dossiers de renseignement qui donneront lieu, le cas échéant, à judiciarisation plusieurs semaines ou plusieurs mois plus tard, après avoir été enrichis par d’autres sources d’information. C’est pourquoi ces résultats sont extrêmement précieux, sans être pour autant encore définitifs.
En outre, les perquisitions ont pour effet de désorganiser les réseaux qui arment et financent le terrorisme, en particulier à travers les trafics d’armes et de stupéfiants. C’est donc tout un environnement logistique permettant l’organisation et la commission d’actes terroristes que nous avons commencé à déstabiliser durablement.
Les saisies d’espèces, qui s’élèvent à plus de 1 million d’euros, permettent également aux services de Bercy d’ouvrir des enquêtes particulièrement utiles. Les données numériques qui ont été saisies et qui sont en cours d’exploitation déboucheront dans de nombreux cas sur de nouvelles mises en cause.
La mise en œuvre de l’état d’urgence a d’ores et déjà permis aux forces de sécurité d’accomplir un travail considérable. La lutte contre la menace terroriste se poursuit et elle se poursuivra sans trêve ni pause.
Très bien !
M. Bruno Sido.
À ce jour et depuis 2013, le travail minutieux de nos services de renseignement a ainsi permis de déjouer onze attentats, outre les deux tentatives qui ont échoué à Villejuif et à bord du Thalys reliant Amsterdam à Paris.
M. Bernard Cazeneuve,
Je veux par conséquent saluer devant vous le travail réalisé par la Direction générale de la sécurité intérieure, dont je veux rappeler qu’elle est saisie, en propre ou avec la police judiciaire, du suivi de 216 dossiers judiciaires concernant 1 038 individus pour leur implication dans des activités liées au terrorisme djihadiste. Parmi eux, 320 ont d’ores et déjà été interpellés et 13 font l’objet d’un mandat d’arrêt international ; 199 ont été mis en examen, 153 ont été écroués et 46 font l’objet d’un contrôle judiciaire. Ces chiffres montrent, s’il en était besoin, à quel point l’action quotidienne des services, sous l’autorité de la justice, porte ses fruits, permettant ainsi d’empêcher la commission sur notre sol d’actions violentes, voire d’attentats.
Je voudrais à présent vous rappeler les garanties qui ont été prises afin de nous assurer que les mesures mises en œuvre au titre de l’état d’urgence respectent scrupuleusement, comme je le disais en introduction, toutes les exigences de l’État de droit.
En premier lieu, afin de préserver les garanties dont doivent bénéficier les personnes mises en cause et la sécurité juridique des procédures, des directives très précises ont été données, dès le lendemain des attentats, en vue d’associer pleinement l’autorité judiciaire, à travers les procureurs de la République, aux opérations de perquisition administrative, et ce en parfait accord avec la Chancellerie.
En second lieu, nous avons veillé à ce que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence fassent l’objet d’un contrôle juridictionnel, qui n’était pas systématiquement prévu par la loi de 1955.
Ce contrôle est exercé à titre principal par le juge administratif. Certains ont pu déplorer l’absence, dans ce dispositif, du juge judiciaire, y voyant une « mise à l’écart » plus ou moins délibérée. Pourtant, il ne s’agit là que d’une conséquence de ce principe général du droit qui veut que le juge administratif soit compétent pour contrôler la légalité des mesures de police administrative.
Le juge administratif a d’ailleurs eu maintes fois l’occasion, au cours de notre histoire récente, de démontrer qu’il n’était pas moins indépendant que le juge judiciaire, et pas moins sourcilleux en matière de contrôle du respect des libertés publiques.
Par ailleurs, en vertu d’un principe ancien de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier, dans le cadre des procédures judiciaires engagées par des perquisitions administratives, la légalité des ordres de perquisition émanant de l’autorité administrative.
À cet égard, j’ai eu l’occasion d’entendre des propos extrêmement incongrus en droit, aux termes desquels l’absence du juge judiciaire dans les procédures relevant de l’état d’urgence priverait la personne concernée par celles-ci de tout recours. Certains expliquent même que cette procédure consistant à prendre des mesures de police administrative sous le contrôle d’un juge administratif est absolument dérogatoire à tous les principes de l’État de droit et constitue en cela une violation des principes intangibles hérités de notre histoire et énoncés notamment dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
À l’intention de ceux qui développent de telles théories, je rappellerai simplement que c’est par une loi de 1790,…
r Tout à fait !
M. Michel Mercier,
rapporteude la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
… c’est-à-dire votée un an après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que le législateur a posé le principe que, pour les actes relevant des pouvoirs de l’exécutif, il est normal que le juge judiciaire soit écarté. Cela a été confirmé par l’arrêt
M. Bernard Cazeneuve,
M. le ministre a raison !
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Philippe Bas,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Entre les commentaires auxquels certains se livrent sur ce sujet en convoquant des références juridiques et historiques frelatées et la réalité du droit, il existe donc un décalage qui méritait d’être souligné à la tribune de la Haute Assemblée. Je me devais d’apporter ces précisions et ces corrections pour leur répondre : le Gouvernement ne met en œuvre les mesures relevant de l’état d’urgence que pour protéger la République de la violence de ceux qui s’en prennent à ses valeurs de fraternité, de concorde et de solidarité.
M. Bernard Cazeneuve,
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe UDI-UC.)
Bien entendu, en tant que ministre de l’intérieur, j’affirme que ces mesures ne sont pas soutenables sans un contrôle parlementaire exigeant.
Absolument !
M. Bruno Sido.
C’est important !
M. Charles Revet.
Ce contrôle a été exercé par le Sénat comme par l’Assemblée nationale. J’ai d’ailleurs créé, au sein de mon ministère, une structure spécialisée ayant pour mission de répondre dans les quarante-huit heures à toute demande des parlementaires. Toutes les interrogations doivent pouvoir être exprimées, y compris celles que je viens d’évoquer ; cela est parfaitement légitime, mais je persiste à penser que, dans les circonstances particulières auxquelles nous sommes confrontés, ce sont les terroristes qui font peser un risque sur nos libertés et sur les valeurs de la République, et non l’État lorsqu’il prend des mesures pour en protéger les citoyens.
M. Bernard Cazeneuve,
(Nouveaux applaudissements
sur les mêmes travées.)
C’est vrai !
M. Bruno Sido.
S’agissant des assignations à résidence, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions introduites en novembre dernier à l’article 6 de la loi de 1955, les a déclarées conformes à la Constitution. Il a, par là même, réaffirmé la compétence du juge administratif, l’assignation à résidence n’étant pas constitutive d’une privation de liberté au sens de l’article 66 de la Constitution, aux termes duquel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Cette décision, rendue le 22 décembre 2015, est sans ambiguïté.
M. Bernard Cazeneuve,
Ainsi, près de 400 assignations à résidence ont été prononcées depuis le début de l’état d’urgence, dont 27 concernaient des personnes susceptibles de constituer une menace pour l’ordre et la sécurité publics dans le contexte de la conférence internationale sur le climat. Elles se sont tout naturellement trouvées périmées à l’issue de la COP 21, c’est-à-dire dès le 12 décembre. Par ailleurs, 41 autres assignations ont été spontanément abrogées, lorsque des éléments nous ont permis de lever les doutes quant à la dangerosité des personnes concernées.
Enfin, s’agissant des contentieux administratifs, dont le nombre n’est pas un mauvais indice de la pertinence de l’action menée, 160 référés, dont 125 référés-liberté et 35 référés suspension, ont été soumis à la juridiction administrative. Seulement 11 suspensions ont été prononcées : ce chiffre traduit tout à la fois le sérieux des procédures engagées par le ministère de l’intérieur et la parfaite indépendance de la juridiction administrative, qui n’hésite pas à prononcer des annulations quand la situation l’exige. Cela prouve bien, s’il en était besoin, qu’un juge intervient pour évaluer de manière rigoureuse la pertinence des actes pris dans le cadre des mesures de police administrative. Au demeurant, j’ai souvent eu l’occasion de l’observer : ceux-là mêmes qui dénoncent l’absence du juge judiciaire s’empressent de se féliciter des jugements rendus par le juge administratif lorsqu’il casse des décisions prises par le Gouvernement !
(M. Bruno Sido rit.)
Par ailleurs, si 108 recours au fond ont été introduits, une seule annulation a été prononcée jusqu’à présent. Je précise qu’aucune annulation n’a concerné des personnes assignées à l’occasion de la COP 21. En effet, il a été jugé que ces assignations à résidence ne méconnaissaient pas le principe de proportionnalité, s’agissant d’individus présentant un risque pour l’ordre public dans le contexte que vous connaissez.
Aujourd’hui, 290 assignations à résidence sont toujours en vigueur, dont 83 % – je m’empresse de le dire – concernent des individus surveillés par nos services de renseignement au titre de leur activité dans le champ de l’islamisme radical. À la fin de l’état d’urgence, leur assignation à résidence cessera de plein droit, même si, bien sûr, des suites judiciaires et administratives de droit commun sont mises en œuvre lorsque les conditions sont réunies.
De même, je tiens à souligner que les interdictions de manifester décidées par les préfets jusqu’au 12 décembre 2015 étaient pleinement justifiées par l’impossibilité dans laquelle se trouvait alors le Gouvernement de garantir le maintien de l’ordre public dans ces circonstances particulières, alors que nos forces étaient mobilisées pour protéger les Français du terrorisme et assurer le bon déroulement de la COP 21.
La liberté de manifester, à laquelle nous sommes particulièrement attachés, demeure bien évidemment la règle dans notre pays. Chacun a encore pu le constater au cours de ces dernières semaines, à l’occasion de plusieurs mouvements sociaux. Le 30 janvier dernier, des manifestants ont même pu défiler, sous la protection des forces de l’ordre, pour dénoncer l’état d’urgence. Je trouve cela tout à fait légitime. À mes yeux, il est du rôle du ministère de l’intérieur, même dans le contexte de l’état d’urgence, de tout mettre en œuvre, en mobilisant les forces de sécurité intérieure, pour que le droit de s’exprimer et de manifester puisse s’exercer, sauf lorsque risquent de survenir des troubles graves à l’ordre public que nous ne serions pas en mesure de prévenir. C’est dans cet esprit que j’ai décidé d’interdire les manifestations prévues à Calais, qui menaçaient de donner lieu à des violences graves, comme cela s’était déjà produit auparavant.
Concernant les mosquées et les salles de prière, quarante-cinq d’entre elles ont fait l’objet d’une perquisition administrative et dix ont été fermées. Ces lieux, dont certains étaient des établissements recevant du public totalement clandestins, constituaient autant de bases arrière pour la propagande d’un islam incompatible avec les valeurs de la République, encourageant ou légitimant la commission d’actes mettant en péril l’ordre et la sécurité publics.
Je relèverai le cas particulier de la mosquée de Lagny, en Seine-et-Marne. Celle-ci a été la toute première à faire l’objet d’une mesure de dissolution, après l’adoption de trois décrets en conseil des ministres prononçant la dissolution des associations constituant les personnes morales sur lesquelles reposait la gestion des activités de la mosquée.
Enfin, je rappelle que l’état d’urgence est soumis à un contrôle parlementaire d’une portée inédite. Dans son principe, celui-ci avait été inscrit dans la loi du 3 avril 1955, mais il n’avait jamais été appliqué. Il a été indiqué d’emblée aux présidents des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale que nous étions résolus à mettre en œuvre un tel contrôle, allant même au-delà de celui exercé par une commission d’enquête parlementaire.
J’ai affirmé d’emblée que j’étais prêt à apporter des réponses précises et circonstanciées sur tout cas individuel, à transmettre en temps réel et quotidiennement un bilan chiffré des mesures mises en œuvre. De même, je me suis engagé à exiger la plus grande transparence de la part de tous mes services à l’occasion de contrôles réalisés sur pièces et sur place par le président du comité de suivi parlementaire.
En outre, des réunions hebdomadaires ont été organisées avec les représentants des groupes parlementaires, sous l’autorité du Premier ministre ou sous la mienne. Jusqu’à présent, jamais un tel contrôle n’avait été mis en place ; les parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, l’ont d’ailleurs unanimement reconnu.
J’en viens à la prorogation de l’état d’urgence et aux raisons pour lesquelles nous la croyons absolument nécessaire.
Vous savez que la nécessité de cette prorogation s’apprécie à l’aune de la persistance d’un péril imminent. Or, je le dis devant vous avec gravité : force est de constater que, plusieurs mois après les actes terroristes du 13 novembre, le péril qui menace la France n’a pas disparu, tant s’en faut.
Je rappellerai tout d’abord que le Conseil d’État lui-même, jugeant en référé, a estimé, par une décision du 27 janvier dernier, que la persistance d’un péril imminent justifiait que le Président de la République s’abstienne, à l’heure actuelle, de prendre un décret mettant un terme anticipé à l’état d’urgence, et que ce faisant il ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.
Par ailleurs, depuis le 13 novembre, des attentats, fussent-ils de moindre ampleur, ont été commis en France et à l’étranger, visant nos intérêts et nos ressortissants. Ils ont également visé des alliés directs de la France, au nom d’organisations terroristes telles que Daech ou Al-Qaïda au Maghreb islamique.
À la fin de l’année 2015, plusieurs attentats ont été évités en Belgique et en Allemagne. De même, au mois de décembre, deux projets terroristes en gestation sur le territoire national ont été déjoués : le premier à Tours, où un djihadiste tchétchène a pu être arrêté avant de passer à l’acte, et le second dans la région d’Orléans, où deux individus cherchaient à se procurer des armes en vue de s’en prendre à des représentants de la force publique.
Le 24 décembre 2015, un couple demeurant à Montpellier a été mis en examen et écroué pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et financement du terrorisme. Des documents de propagande djihadiste et un faux ventre de femme enceinte recouvert d’une couche d’aluminium, qui aurait pu servir à dissimuler des explosifs, ont notamment été saisis au domicile des personnes interpellées.
Le 7 janvier 2016, un individu armé, apparemment porteur d’un engin explosif, qui s’est par la suite révélé factice, et d’un document de propagande faisant clairement référence à Daech a été neutralisé par des policiers en faction devant le commissariat du XVIII
Le 11 janvier 2016, à Marseille, un adolescent mineur a blessé à l’arme blanche un professeur des écoles, avant de revendiquer son action et son mobile antisémite.
Je rappelle également qu’au mois de décembre dernier, Daech a explicitement appelé à cibler nos écoles et à tuer des enseignants et des élèves.
En outre, depuis le 13 novembre et au cours des dernières semaines, les organisations terroristes ont démontré leur capacité à frapper dans de nombreuses villes étrangères – à Tunis, à Bamako, à Jakarta, à Istanbul, à Ouagadougou, sans même parler, bien sûr, de la Syrie et de l’Irak – et à viser notamment les ressortissants français et européens présents à l’étranger.
Le 20 novembre 2015, deux terroristes ont ainsi attaqué l’hôtel Blue Radisson de Bamako, au Mali, établissement essentiellement fréquenté par des Occidentaux. Ils ont assassiné vingt otages avant d’être neutralisés. Le groupe djihadiste Al-Mourabitoune, dirigé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, a revendiqué la prise d’otages.
Le 12 janvier 2016, un attentat suicide perpétré à Istanbul et visant des touristes allemands a causé la mort de dix d’entre eux et en a blessé dix-sept autres.
De même, le 15 janvier, un triple attentat était perpétré à Ouagadougou, au Burkina Faso, visant un hôtel et des établissements connus pour être fréquentés par des expatriés et causant la mort de trente personnes, parmi lesquelles trois ressortissants français.
À l’heure actuelle, nous savons qu’environ 600 Français sont présents en Syrie et en Irak ; 254 sont d’ores et déjà revenus sur le territoire français et nous faisons preuve à leur endroit de la plus grande sévérité.
Très bien !
M. Bruno Sido.
Parmi eux, 143 font l’objet d’un suivi judiciaire, dont 74 ont été incarcérés après avoir été placés en garde à vue et 13 ont été placés sous contrôle judiciaire.
M. Bernard Cazeneuve,
Par ailleurs, 111 Français de retour de Syrie ou d’Irak sont actuellement surveillés par nos services de renseignement ; 67 d’entre eux ont d’ores et déjà fait l’objet d’entretiens administratifs avec la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI.
Au cours de la seule année 2015, nous avons enregistré 329 nouvelles arrivées sur le théâtre des opérations en provenance de notre pays. En un peu plus d’un an, le nombre de personnes ayant manifesté des velléités de départ, mais n’ayant pas encore mis leur projet à exécution est passé de 295 à la fin de l’année 2014 à 755 au début de l’année 2016.
Pour toutes ces raisons, et quelles que soient les précautions que nous prenons, il ne nous est pas permis de nous croire à l’abri, ni de considérer que le « péril imminent » qui a justifié, en novembre dernier, la proclamation de l’état d’urgence a disparu.
C’est pour permettre à notre pays de faire face à une menace exceptionnellement grave que le Gouvernement a décidé de prendre, dans le respect scrupuleux de l’État de droit, des mesures exceptionnelles. Ces mesures sont nécessaires au combat que nous menons contre le terrorisme et elles ont commencé à porter leurs fruits, mais il ne nous est pas permis, je le dis avec gravité, de relâcher notre vigilance, tant le risque auquel notre pays est confronté demeure élevé.
Au milieu des années quatre-vingt, tandis que la France, déjà, était en butte à des attentats islamistes commandités depuis l’étranger, le président François Mitterrand avait défini, d’une formule lapidaire, la doctrine qui devait présider à notre action : « tout faire, sauf céder ».
Tous les gouvernements successifs ont eu à cœur d’adopter cette politique de fermeté face au terrorisme. Je suis convaincu qu’elle doit nous réunir encore aujourd’hui ; c’est pourquoi je vous demande solennellement d’approuver le projet de loi prorogeant de nouveau l’état d’urgence pour trois mois.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, dans la soirée du 13 novembre 2015, des attentats affreux ont été perpétrés sur notre territoire, dans la région parisienne et à Paris, faisant plus de 130 morts et de nombreux blessés, qui ne sont pas encore tous rentrés chez eux.
M. Michel Mercier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
La France se trouvant dès lors dans une situation de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, pour reprendre la formule de la loi de 1955, dans la nuit, le Président de la République a déclaré l’état d’urgence en conseil des ministres. Quelques jours plus tard, le Parlement a approuvé cette mesure, avant de proroger pour trois mois, jusqu’au 26 février, l’état d’urgence, assorti, M. le ministre l’a rappelé, d’un contrôle parlementaire.
Avant d’exposer la position de la commission des lois à l’égard de cette nouvelle demande de prorogation de l’état d’urgence, je voudrais établir un bilan rapide du travail effectué dans le cadre de ce contrôle parlementaire.
M. le ministre de l’intérieur a largement dressé le bilan des mesures prises depuis le 14 novembre 2015 ; je ne reviendrai pas sur les chiffres qu’il a livrés.
Il convient de remercier tous ceux qui ont assisté aux nombreuses réunions que nous avons tenues dans le cadre du contrôle parlementaire mené, notamment, par la commission des lois. Le Gouvernement s’est pleinement prêté à l’exercice. Nous avons obtenu les renseignements que nous avions demandés, et même ceux que nous n’avions pas demandés !
(Sourires.)
Nous connaissons toutefois les limites d’un tel contrôle et nous savons qu’il faut parfois aller au-delà des simples éléments statistiques qui peuvent nous être communiqués. À cet égard, je relèverai qu’il y a eu quelque 350 assignations à résidence et de nombreuses perquisitions administratives. Cela nous amènera à nous interroger sur les modalités de contrôle des unes et des autres.
Il faut souligner une innovation fondamentale au regard des autres périodes d’état d’urgence qu’a connues notre pays : l’utilisation des technologies de l’internet, qui constitue pour les groupes terroristes un moyen particulièrement efficace de mener leurs actions. Nous avons affaire à des techniciens de l’internet de premier ordre et nous devons prendre en compte cette dimension technologique dans notre combat contre le terrorisme.
Je m’étendrai plus longuement sur le contrôle des actes et des mesures pris dans le cadre de l’état d’urgence, qui représente une question fondamentale. M. le ministre de l’intérieur a beaucoup insisté sur ce point : lorsque la République agit dans le cadre de l’état d’urgence, en recourant à des pouvoirs exorbitants du droit commun, l’État de droit est-il encore respecté ? Si tel n’était pas le cas, nous serions comme les terroristes et nous bafouerions la République.
(Murmures sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
(Applaudissements
sur les travées de l’UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)
Il ressort de l’analyse de la jurisprudence du Conseil d’État à compter du 11 décembre 2015 que la République a agi dans le cadre de l’État de droit, dont elle a respecté les règles fondamentales, auxquelles nous sommes particulièrement attachés.
Je souhaite évoquer cette jurisprudence s’agissant des mesures d’assignation à résidence, qui ont donné lieu au plus grand nombre de recours, ce qui peut s’expliquer. C’est à leur propos que le Conseil d’État a le mieux explicité ses pouvoirs et le niveau de contrôle qu’il souhaitait exercer.
Le Conseil d’État a tout d’abord choisi d’avoir largement recours au Conseil constitutionnel, en utilisant les questions prioritaires de constitutionnalité, mises en place par la révision constitutionnelle de 2008, à trois reprises : sur les assignations à résidence, sur les perquisitions et sur les pouvoirs éventuels dont dispose la juridiction administrative en matière d’injonctions au Président de la République.
S’agissant des assignations à résidence, le Conseil constitutionnel a répondu qu’elles avaient pour objet d’assurer la prévention des atteintes à l’ordre public et que la Constitution n’excluait pas la possibilité, pour le législateur, de prévoir la mise en œuvre d’un régime d’état d’urgence conciliant cet objectif avec le respect des droits et libertés que la République reconnaît à tous ceux qui vivent sur son territoire.
Le Conseil constitutionnel distingue donc mesures privatives de liberté, qui relèvent du juge judiciaire au titre de l’article 66 de la Constitution, et mesures restrictives de liberté, qui sont des mesures de police administrative relevant du seul juge administratif.
L’assignation à résidence est une mesure de police administrative, sauf à dépasser les douze heures de rétention dans le même lieu ou à imposer de se présenter plus de trois fois au commissariat ou à la brigade de gendarmerie. La durée et la composition de la mesure doivent être justifiées et proportionnées au danger.
De ce point de vue, le Conseil d’État s’est livré à un contrôle plein et entier des mesures prises au titre de l’état d’urgence. Ce point est à mon sens très important et témoigne que nous sommes toujours restés dans le cadre de l’État de droit.
J’évoquerai maintenant quelques points particuliers.
S’agissant tout d’abord des notes blanches, qui ont suscité un certain nombre d’articles de presse, le Conseil d’État a admis la possibilité, pour le ministre de l’intérieur, de les utiliser, dès lors qu’elles étaient soumises au débat contradictoire. Cette exigence étant posée, tout mode de preuve peut être discuté.
Ensuite, le Conseil d’État a admis les mesures prises sur le fondement de l’état d’urgence, ainsi que des mesures visant à maintenir l’ordre public, mais ne présentant pas de lien évident avec l’état d’urgence, au motif que la situation ayant mené à la déclaration de ce dernier, à savoir la menace terroriste, était prégnante et avait pour conséquence de modifier toutes les règles relatives au maintien de l’ordre public. Ce point extrêmement important devra être précisé lorsque nous débattrons de la réforme constitutionnelle.
Concernant les perquisitions administratives, elles ont été nombreuses, mais n’ont donné lieu qu’à très peu de contentieux. En effet, par définition, elles ont déjà pris fin au moment où elles pourraient être contestées. Elles donneront peut-être lieu, ultérieurement, à un contentieux de la responsabilité. Nous aurons à débattre, le moment venu, de la façon dont peut être engagée la responsabilité de l’État ; ce sera peut-être en dehors du régime de la faute lourde, qui est celui aujourd’hui reconnu et qui empêche pratiquement toute intervention du juge.
J’en viens à la question de savoir s’il faut ou non proroger l’état d’urgence.
À deux reprises, le Conseil d’État s’est prononcé sur la notion de « péril imminent », estimant qu’un tel péril était toujours présent. Dès lors qu’il y a péril imminent, cela justifie suffisamment la prorogation de l’état d’urgence. C’est la position que la commission des lois proposera au Sénat de retenir.
Mais la question est aussi de savoir comment sortir de l’état d’urgence. Dès lors que le péril est permanent, on ne peut y répondre uniquement par des mesures exceptionnelles fondées sur l’état d’urgence.
Vient un moment où il faut renforcer les procédures de droit commun, pour permettre au juge judiciaire de retrouver tout son rôle. Il est essentiel de préparer dès maintenant les conditions du retour au droit commun, aux procédures habituelles, faute de quoi nous en serons toujours au même point dans trois ou six mois. Or nous ne pouvons pas vivre de façon définitive sous l’empire de l’état d’urgence.
C’est vrai !
M. Bruno Sido.
Monsieur le ministre, le Conseil d'État, dans son avis, ouvre un certain nombre de pistes pour la sortie de l’état d’urgence. Aurai-je la fatuité de dire que le Sénat a déjà en partie répondu à cette problématique en votant, la semaine dernière, la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste présentée par nos collègues les présidents Bas, Retailleau et Zocchetto et votre serviteur ?
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Absolument !
Mme Catherine Troendlé.
Excellente loi !
M. Bruno Sido.
Le Conseil d'État nous dit que, en matière de lutte antiterroriste, tous les moyens légaux employés en dehors des périodes d’état d’urgence doivent être mis à contribution.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Tout d’abord, il faut renforcer l’efficacité des enquêtes et des investigations, qui doivent être menées sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Cela correspond au premier chapitre de la proposition de loi que nous avons votée la semaine dernière. Il faut aussi assurer les garanties dont bénéficient les justiciables et la surveillance des personnes revenant de zones contrôlées par des groupes terroristes. Nous avons également adopté des dispositions en ce sens.
Sur ce sujet, le Gouvernement a déposé un texte dont notre assemblée débattra dans quelques semaines. Nous l’avons précédé ; j’espère qu’il saura tenir compte du travail accompli par le Sénat.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose de voter l’article unique du présent projet de loi, en n’en modifiant que la forme, afin que le Parlement puisse se prononcer sur la prorogation de l’état d’urgence, autoriser expressément les perquisitions administratives et, enfin, donner au Président de la République la possibilité de mettre fin, le cas échéant, à l’état d’urgence avant le 30 mai 2016.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI
UC, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme Éliane Assassi.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France vit depuis plus de deux mois et demi sous un régime d’état d’urgence. La mise en œuvre – justifiée – de celui-ci dès le 13 novembre 2015, pour rétablir la sécurité et répondre à la terrible angoisse de nos concitoyens, suscite aujourd’hui, que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, des interrogations, une inquiétude croissante et l’hostilité d’associations et de personnalités diverses.
Mme Éliane Assassi.
Depuis le 16 novembre, le Parlement est accaparé par cette question de l’état d’urgence et par la regrettable, très regrettable initiative relative à la déchéance de la nationalité.
Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils.
Congrès de Versailles, première prorogation de l’état d’urgence, propositions de loi d’initiative sénatoriale tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste ou relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs,…
Mme Éliane Assassi.
Excellents textes !
M. François Grosdidier.
… projet de loi portant réforme du code de procédure pénale, projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation : ce second projet de loi prorogeant l’application de la loi n
Mme Éliane Assassi.
Monsieur le ministre, vous connaissez la principale critique adressée à votre dispositif : son inefficacité dans la lutte contre le djihadisme de Daech. Si quelque 3 300 perquisitions administratives ont été effectuées, seulement quatre enquêtes ont été ouvertes pour des faits de terrorisme, et une seule personne a été mise en examen à ce jour…
Le temps me manque pour détailler les effets désastreux de ces perquisitions hors droit
(M. Bruno Sido s’exclame.)
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Peut-être schizophrène !
Mme Catherine Troendlé.
La prorogation de l’état d’urgence
Mme Éliane Assassi.
stricto sensu
Puisque, selon votre propre aveu, monsieur le ministre, le dispositif de l’assignation à résidence ne respecte pas les libertés publiques, il faut modifier ce projet de loi. C’est ce que nous proposerons au Sénat de faire par voie d’amendements.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je répète, mot pour mot, ma question du 20 novembre dernier : des mesures très larges doivent certes être prises pour faire face à la situation, mais ne peuvent-elles pas l’être dans le cadre du droit commun, avec un contrôle de l’autorité judiciaire ? Pouvons-nous accepter de maintenir une situation qui brise l’équilibre des pouvoirs, avec, d’une part, un pouvoir exécutif surpuissant, et, d’autre part, des pouvoirs législatif et judiciaire rabaissés ?
L’état d’urgence est un état d’exception. Il entraîne une mise en cause significative des droits des citoyens, ce qui suscite interrogations et critiques, y compris au-delà de nos frontières. Monsieur le ministre, est-il acceptable que notre pays soit pointé du doigt par une association aussi reconnue et rigoureuse qu’Amnesty International ?
(MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido s’exclament.)
Comme je ne cesse de le répéter depuis le Congrès de Versailles, la dérive sécuritaire en cours, les propos martiaux, la remise en cause des libertés publiques constituent autant de victoires pour Daech.
Oui, ces intégristes assassins « nous tendent un piège politique », pour reprendre la formule de l’ancien garde des sceaux Robert Badinter, qui souligne par ailleurs que « ce n’est pas par les lois d’exception et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre l’ennemi ».
Des forces comme Daech se nourrissent de la violence, du sang et du malheur. Oubliez-vous que ce sont les dizaines de milliers de bombes déversées sur l’Irak qui ont donné naissance à ces combattants qui mêlent fanatisme et soif de vengeance contre la destruction insensée de leur pays, de leur peuple ?
Ce n’est pas une excuse !
M. Philippe Bas,
président de la commission des lois.
Face à ce phénomène, l’arme absolue, c’est la liberté, la démocratie, la paix.
Mme Éliane Assassi.
Oui, il faut assurer la sécurité de notre peuple. Pour cela, il faut donner des moyens humains et matériels suffisants à nos forces armées et à notre police, réorganiser nos services de renseignement, qui eux aussi ont été victimes de l’austérité.
Cette politique de sécurité doit s’inscrire dans un vaste effort de reconstruction de notre société dévastée par des décennies de crise.
Le Premier ministre m’a choquée quand il nous a affirmé qu’« expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser ».
Ce n’est pas faux !
M. Bruno Sido.
Comme si ceux qui s’efforcent d’expliquer pouvaient éprouver de la bienveillance à l’égard des terroristes !
Mme Éliane Assassi.
Certes, le libre arbitre est à prendre en compte dans une large mesure, mais les racines du fléau de la radicalisation ne se trouvent pas uniquement dans les parcours personnels. Pour mieux lutter et combattre, monsieur le ministre, il est nécessaire de comprendre l’ensemble du phénomène en cherchant toutes les explications.
Oui, le fanatisme religieux se nourrit de terribles fractures, là où la République faillit, là où « liberté, égalité, fraternité » ne restent que des mots vains.
Il n’y a pas que ça !
M. Roger Karoutchi.
Combien de jeunes tomberont encore dans le fanatisme si des actions d’envergure ne sont pas menées sans attendre, en urgence, en grande urgence ?
Mme Éliane Assassi.
Dans son avis sur le projet de loi dont nous débattons, le Conseil d’État a lui-même signalé que l’état d’urgence doit demeurer temporaire. Cependant, le « péril imminent » qui justifie l’état d’urgence demeurera, selon les propos tenus par le Premier ministre lui-même à la BBC, jusqu’à l’éradication de Daech. Ce péril imminent devient donc un péril permanent…
En conséquence, l’orientation préconisée par le Conseil d'État lui-même est de faire entrer dans le droit commun l’état d’urgence, ce qui sera d’ailleurs l’objet du prochain projet de loi tendant à réformer le code de procédure pénale.
Monsieur le ministre, il faut dire la vérité : l’état d’urgence va devenir permanent et la justice soumise, dans bien des circonstances, à la puissance administrative et à la puissance policière.
Pour conclure, l’état d’urgence dépasse à mon sens largement le champ de la réaction à la menace terroriste. Avec l’état d’urgence, le pouvoir exécutif s’affirme, le Parlement et la justice s’inclinent.
Nous sommes en guerre, martelez-vous ! Mais quels sont donc vos projets de paix, monsieur le ministre ? Comment allez-vous apaiser notre pays, redonner l’espoir ? Comment allez-vous participer à l’essor de la fraternité, en France et dans le monde ?
Nous sommes de plus en plus nombreux à être las des propos guerriers et des coups de menton. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir comprendre, à attendre des actes et un discours de justice, de progrès, de réconciliation, des actes et un discours républicain, pour tout dire des actes et un discours de gauche !
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
On l’aura compris, le groupe CRC votera contre ce projet de loi tendant à proroger l’état d’urgence.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. Alain Richard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est un moment de rencontre entre le Gouvernement et le Parlement, dans une exigence de responsabilité collective face à un péril.
M. Alain Richard.
La loi de 1955 relative à l’état d’urgence confère en effet au Parlement la responsabilité, en exerçant son pouvoir d’appréciation, d’autoriser ou non le Gouvernement à appliquer l’état d’urgence ou à le proroger.
Le régime de l’état d’urgence prévoit une extension des pouvoirs d’intervention et des pouvoirs d’enquête des pouvoirs publics, afin d’assurer la sécurité de la République. Comme le ministre l’a dit à juste titre, il s’agit d’une forme d’état particulier, liée à des situations d’urgence, qui remonte loin dans la tradition républicaine. Depuis qu’elle existe, notamment dans ses premières années où elle était contestée de l’intérieur comme de l’extérieur, la République a toujours voulu se donner les moyens de la défense de la démocratie, des libertés et de l’intégrité territoriale du pays. C’est donc bien une tradition républicaine que nous poursuivons.
Il n’y a plus de débat, me semble-t-il, sur la justification de l’état d’urgence pour la période qui vient de se terminer. Nous avons approuvé, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, l’engagement de l’état d’urgence à la quasi-unanimité, et nous n’entendons personne regretter ce vote positif. Il faut en tirer quelques conclusions.
Cette justification est-elle maintenue pour la période de trois mois à venir, pour laquelle le Gouvernement sollicite la prorogation de l’état d’urgence ?
Je ne m’étendrai pas longuement sur l’importance du danger auquel nous sommes confrontés. La source principale de ce danger est une entreprise politique internationale djihadiste, visant à établir une autre forme de société, une autre norme de vie, qui a pris pour cible notre pays, entre autres, et qui dispose de nombreux moyens de transmission de son message et d’impulsion de sa volonté meurtrière envers notre société.
La question que nous devons nous poser est la suivante : ces groupes djihadistes – l’État islamique n’est pas la seule organisation décidée à frapper notre pays – ont-ils au même degré qu’il y a trois mois la capacité de déclencher des actes meurtriers dans notre pays ? Nous sommes très nombreux à considérer, après avoir écouté tous les arguments, que la réponse à cette question est indiscutablement positive.
L’état d’urgence habilite les pouvoirs publics à employer un éventail plus large de pouvoirs de l’État de droit qu’en situation ordinaire. Permettez-moi néanmoins d’insister sur le fait que, dans tous les actes qui ont été effectivement pris par les représentants du Gouvernement en application de l’état d’urgence durant ces trois mois, la volonté a toujours été d’associer l’autorité judiciaire, à travers la participation des représentants du ministère public.
Nous pouvons donc avoir la certitude que l’intention du Gouvernement, comme ses actes l’ont montré, n’est pas de dissocier l’intervention d’urgence de celle de l’autorité judiciaire. J’ajoute que la justice administrative a exercé un contrôle très attentif sur les décisions prises. Ce point a fait l’objet de nombreuses discussions au sein du comité de suivi.
Je ferai simplement observer, à cet égard, que, même s’agissant des assignations à résidence, plus des deux tiers de ces décisions n’ont pas été contestées devant la justice. Cela signifie que les personnes qui en ont fait l’objet savaient qu’il n’y avait guère de motifs de les voir remises en cause. Et lorsqu’elles ont été contestées, les cas dans lesquels elles ont été déclarées non fondées représentent moins de 5 % de l’ensemble des décisions de contrainte qui avaient été adoptées.
Comme le disait le ministre à l’instant, cela démontre à la fois que la justice est attentive et intervient très rapidement à travers les procédures d’urgence et que le Gouvernement est vigilant quant au bien-fondé des actes pris dans le cadre de l’état d’urgence. Nous sommes, me semble-t-il, nombreux à considérer que le Gouvernement, en particulier le ministre de l’intérieur, a fait face à la situation avec beaucoup de fermeté et une forte volonté de respecter le droit.
De notre côté, je crois que nous n’avons pas à rougir du travail parlementaire accompli pour assurer un contrôle vigilant sur la conduite de l’état d’urgence.
Nous en sommes convaincus, la situation continue de requérir des moyens spécifiques d’enquête et de contrôle des personnes et des organisations qui présentent un risque particulier. C’est ce qui fonde l’objet même de cette demande de prorogation de l’état d’urgence pour les trois mois à venir.
À partir du constat que le danger s’établit durablement à un niveau élevé, le débat porte aussi sur la création de moyens supplémentaires de vigilance et de préservation de la sécurité. Ce sera l’objet du projet de loi visant à renforcer l’efficacité de la justice pénale. Comme le rappelait M. Mercier, nous avons déjà débattu de ce sujet la semaine dernière, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi déposée par les groupes de l’opposition. Nous avons alors bien vu que, comme cela avait déjà été le cas pour la loi antiterroriste de 2014 et pour la loi sur le renseignement, nous étions en mesure de dégager des solutions partagées au terme d’un dialogue républicain.
Cela étant dit, pour aujourd'hui, et peut-être aussi pour demain – qui peut savoir quels faits interviendront, quels risques se réaliseront d’ici à la fin du mois de mai ? –, la prudence s’impose.
Notre mandat, mes chers collègues, est, en tout moment, de servir la République. Quand la République fait face au danger, cela nous dicte des devoirs. Je suis assuré que nous saurons y faire face.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI
UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Esther Benbassa.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui, près de trois mois après les sanglants attentats de Paris et de Saint-Denis, pour décider ou non de la prorogation de l’état d’urgence pour trois mois supplémentaires.
Mme Esther Benbassa.
Dans l’exposé des motifs, pour nous convaincre de la nécessité de cette prorogation, le Gouvernement aligne pêle-mêle les actes terroristes déjoués en France et ceux aboutis à l’étranger.
Il évoque également « un bilan opérationnel conséquent au-delà des seuls constats chiffrés ». Une telle formule me paraît relever au mieux d’une forme de surréalisme, au pire d’un étonnant jésuitisme gouvernemental.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Les jésuites ne méritent pas cela, quand même !
M. Jean-Claude Lenoir.
Il fallait bien l’inventer, une telle formule, pour tenter de justifier une prorogation de l’état d’urgence, alors même que ce fameux bilan, dans le strict domaine de la lutte contre le terrorisme, est assez mince ! Sur 3 289 perquisitions administratives effectuées, seules cinq procédures concernent des faits de terrorisme, contre 202 relevant du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants.
Mme Esther Benbassa.
Dans quelques années, lisant l’exposé des motifs de ce projet de loi, les historiens ne manqueront pas de souligner comment une tactique politique a habilement été transformée en obsession politique, contribuant au lavage de cerveau de la population, afin de la persuader que sa sécurité dépend de la prorogation de l’état d’urgence.
(Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce qui est excessif est insignifiant !
M. Bruno Sido.
Personne n’oserait affirmer aujourd’hui que la menace terroriste est écartée. Chacun sait, sur nos travées comme dans l’ensemble de notre société, que la menace est bien réelle et qu’il faudra probablement plusieurs années pour la réduire. Devons-nous, pour autant, maintenir ce régime d’exception aussi longtemps que durera le terrorisme et conférer aux autorités administratives des pouvoirs étendus et renforcés, susceptibles de restreindre considérablement les libertés publiques ?
Mme Esther Benbassa.
C’est terrifiant !
M. Bruno Sido.
Nous disposons en France d’un arsenal législatif pour le moins complet, pour ne pas dire pléthorique, permettant de lutter contre le terrorisme. Cet arsenal n’a cessé d’être renforcé ces dernières années et promet de l’être un peu plus encore dans les semaines à venir, avec de nouveaux textes visant davantage à protéger les politiciens des retombées électorales d’un éventuel attentat que les Français eux-mêmes.
Mme Esther Benbassa.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Je voudrais également rappeler que les conditions permettant de décréter l’état d’urgence ne visent pas spécifiquement la criminalité terroriste. En effet, les mesures de contrainte qu’il autorise ont vocation à s’appliquer à un nombre potentiellement infini de situations, puisqu’il suffit, pour décider d’une perquisition ou d’une assignation à résidence, d’exciper d’un « comportement » perçu comme « une menace pour la sécurité et l’ordre publics », pour interdire une réunion, de soutenir qu’elle est « de nature à provoquer ou à entretenir le désordre », ou, pour dissoudre une association, de démontrer qu’elle participe, facilite ou incite « à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ».
M. Bruno Sido.
Non seulement les résultats obtenus à ce jour sous le régime de l’état d’urgence ne plaident pas en faveur de sa prorogation, mais ses nombreuses dérives militent contre elle. Il est dommage, par ailleurs, que nous débattions de ce texte aujourd’hui, avant que le comité de suivi sénatorial sur l’état d’urgence ait remis un rapport de mi-parcours.
Mme Esther Benbassa.
L’exécutif a plutôt le devoir de revenir à l’État de droit afin de remédier à tout ce qui fait défaut actuellement pour parvenir à éradiquer le terrorisme et de se donner les moyens nécessaires. Il est urgent de poser les bonnes questions, pour trouver des réponses plus adaptées à ce phénomène à facettes multiples que nous avons su cerner et vaincre dans le passé sans avoir eu recours à un état d’exception, et ce dans les pires moments.
Légiférer en permanence, en profitant de l’émotion d’une population endeuillée, relève de la paresse intellectuelle.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
C’est dit avec délicatesse !
M. Bruno Sido.
Cela impressionne peut-être les délinquants, mais pas les terroristes !
Mme Esther Benbassa.
Votre intervention ne nous impressionne pas !
M. Michel Bouvard.
On ne va tout de même pas proroger l’état d’urgence pour maintenir l’ordre public !
Mme Esther Benbassa.
M. Urvoas, nouveau garde des sceaux, reconnaissait lui-même, lorsqu’il était président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, que « l’arrêt de l’état d’urgence ne sera pas synonyme d’une moindre protection des Français. L’essentiel de l’intérêt que l’on pouvait attendre des mesures dérogatoires me semble à présent derrière nous. » Je ne crois pas que M. Urvoas soit un adhérent d’EELV !
Il y en a de moins en moins !
M. Didier Guillaume.
C’est encore lui qui disait, il y a peu : « Stop à l’état d’urgence ! »
Mme Esther Benbassa.
Si quelque chose pouvait sortir les Français de leur marasme et de leur angoisse, ce serait moins l’empilement de textes de loi à l’efficacité douteuse que la prise d’un éventail de décisions pragmatiques et opérationnelles en matière de lutte contre le terrorisme et l’émergence de quelques espoirs pour l’avenir en matière économique et sociale. Rien ne sert de les plonger dans cette ambiance obsédante, tournant autour de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité, mesures qui, de surcroît, enfoncent chaque jour un peu plus leurs initiateurs. Les Français veulent vivre en sécurité, en liberté et améliorer leur quotidien : sans cela, tout le reste ne sera considéré que comme une vaine entreprise – une de plus !
Mon groupe votera majoritairement contre la prorogation de l’état d’urgence.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à M. David Rachline.
M. le président.
Monsieur le ministre, vous venez une nouvelle fois devant le Parlement demander la prorogation de l’état d’urgence. Si, la fois précédente, nous n’avions guère hésité à soutenir cette demande, car les douze jours accordés par la Constitution étaient nettement insuffisants pour agir efficacement, cette fois votre requête nous paraît beaucoup moins légitime.
M. David Rachline.
Comme aucun parlementaire du premier parti de France en termes électoraux ne fait partie des différentes commissions mises en place pour contrôler l’application de l’état d’urgence, nous n’avons que peu de visibilité sur le détail des mesures prises rendues possibles par cette dérogation au droit commun permise par nos textes.
Certes, vous faites état d’un certain nombre de perquisitions, de saisies d’armes, de fermetures de mosquées ou de salles de prière fortement radicalisées ; nous vous prions de faire part de nos félicitations et de notre soutien à vos services.
Jusque-là, ça va !
M. Roger Karoutchi.
Mais à quoi sert l’état d’urgence lorsque des migrants sèment le chaos à Calais, soutenus par des groupuscules d’extrême gauche ?
M. David Rachline.
(Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
À quoi sert l’état d’urgence lorsque, sur les plateaux de télévision, des islamistes radicaux viennent proférer des paroles scandaleuses, le tout devant une ministre qui reste muette, alors qu’on la connaît bien virulente quand, par exemple, des parlementaires s’opposent à sa politique ?
En outre, douze lieux de culte fermés, c’est bien faible, d’autant que l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste nous apprend que, contrairement à une idée reçue, on ne bascule quasiment jamais dans l’islam radical en pianotant seul sur son ordinateur, le facteur déclenchant étant lié, dans 95 % des cas, à un contact humain ! Dans ces conditions, ce n’est pas la fermeture de sites virtuels qui va régler la question de la radicalisation, mais bien celle de sites réels !
Certes, me direz-vous, un certain nombre de forces de police considèrent qu’il faut prolonger l’état d’urgence, car les procédures sont simplifiées, les marges de manœuvre plus grandes, etc. Cela se comprend très bien. Dans un État policier, les procédures sont toujours plus simples pour les forces de l’ordre ! Mais nous, nous défendons non pas un État policier, mais un État de droit.
(Exclamations sur diverses travées.)
Si vous entendez, comme nous, faciliter le travail des forces de l’ordre dans la lutte contre les terroristes et dans la lutte contre la délinquance tout en respectant l’État de droit et en préservant les libertés, permettez-moi de vous donner – ou plus exactement de vous redonner – quelques pistes : contrôles aux frontières, arrêt de l’accueil des migrants, politique pénale forte, expulsion des délinquants étrangers, accès aux fiches « S » élargi à l’ensemble des forces de police ! Pourquoi un officier de gendarmerie, commandant une compagnie, ne peut-il pas avoir accès à ces fiches et ne connaît-il donc même pas les personnes habitant sur son secteur repérées comme potentiellement dangereuses ?
Il faut conclure !
M. le président.
Oui, je pense que la prolongation de l’état d’urgence, c’est avant tout de la « com’ », destinée à cacher votre absence d’action ou vos errements en matière de réforme constitutionnelle !
M. David Rachline.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il proroger l’état d’urgence ? Répondre à cette question – nous le ferons, très majoritairement, de manière favorable –, c’est résoudre une équation à plusieurs degrés.
M. Jacques Mézard.
La situation est-elle la même que lors de la discussion de la loi du 20 novembre 2015 ? Pas exactement : d’abord, parce que le choc émotionnel s’est en partie estompé, ensuite parce que, deux mois et demi de mise en œuvre de l’état d’urgence, cela permet de tirer un bilan, bilan d’autant plus accessible que le ministre de l’intérieur a fait le choix de la transparence à l’égard du comité de suivi sénatorial.
Le pouvoir exécutif doit aussi nous dire et établir qu’il existe toujours un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public.
Si le travail que nous avons réalisé au sein du comité de suivi nous permet de disposer d’éléments concrets sur le bilan de l’état d’urgence, en ce qui concerne le péril imminent, il revient au Gouvernement – et, en premier lieu, au ministre de l’intérieur –, qui dispose en l’état des renseignements de nature à étayer l’existence de ce péril imminent, de nous convaincre de celle-ci. Vous l’avez fait lors de votre intervention, monsieur le ministre, et nous n’avons pas de raison de mettre en doute la fiabilité de vos déclarations.
Ce point étant établi, la résolution de l’équation avance ; il convient ensuite de décider si la prorogation de l’état d’urgence est encore utile pour assurer la sécurité de nos concitoyens face au risque terroriste et si le maintien des procédures restreignant les libertés est proportionné audit risque.
Je comprends que, pour un gouvernement, quel qu’il soit, imaginer un nouvel attentat, un nouveau drame après la sortie de l’état d’urgence relève du cauchemar, car personne ne l’épargnerait en ce cas, et surtout pas ceux qui refusent la prorogation de l’état d’urgence.
M. Bruno Sido.
Pourtant, mes chers collègues, il faudra bien sortir un jour de l’état d’urgence !
M. Jacques Mézard.
Cet exercice est difficile, en premier lieu pour le Gouvernement, dont un des objectifs, respectable au demeurant, est de rassurer l’opinion publique, tétanisée, sur tout le territoire national, par les attentats odieux et, il faut le dire, par la reprise en boucle des images à longueur de semaine par des chaînes de télévision capables de terroriser nos compatriotes jusque dans nos plus petits villages de montagne.
MM. Roger Karoutchi et Henri de Raincourt.
Cependant, monsieur le ministre, il en est de l’état d’urgence comme de tout : sa pérennisation entraînerait sa banalisation pour l’opinion et une dérive inacceptable pour les libertés publiques. Vous risquez donc de cumuler attentats et atteinte aux libertés. C’est la dure loi de l’exercice du pouvoir !
M. Jacques Mézard.
L’état d’urgence a-t-il été efficace ? Autrement dit, les mesures administratives en découlant ont-elles prouvé leur utilité dans la lutte contre le terrorisme ?
Ces mesures, vous l’avez rappelé, ont été d’une ampleur exceptionnelle : environ 3 300 perquisitions administratives et 392 assignations à résidence ont été décidées sur l’ensemble du territoire national.
On peut raisonnablement considérer que le « stock » de perquisitions a été largement évalué, et c’est là un euphémisme. Reste à permettre ou non à l’autorité administrative d’intervenir suite à de nouveaux renseignements. Quant aux assignations à résidence, la question est plutôt de savoir dans quelles conditions il peut y être mis fin, la fin de l’état d’urgence emportant la fin des assignations à résidence.
Comme l’a rappelé notre excellent rapporteur Michel Mercier, l’état d’urgence constitue bel et bien « un régime juridique exceptionnel par les prérogatives étendues qu’il offre à l’autorité administrative », sous le seul contrôle
a posteriori
Certes, le rapporteur a souligné, à juste titre, que l’état d’urgence « ne constitue aucunement un régime arbitraire dénué de toute voie de recours », mais, la différence fondamentale avec le contrôle de l’autorité judiciaire, c’est que le juge administratif intervient
a posteriori
Dans la perspective de la recherche du juste équilibre entre sécurité et liberté, nous pouvons être sensibles à l’argumentation du ministre Bernard Cazeneuve et du rapporteur Michel Mercier et accepter la prorogation pour trois mois de l’état d’urgence, mais en disant clairement que cela ne vaut pas blanc-seing pour ce qui se passera au terme de cette prorogation.
Bien sûr !
M. Bruno Sido.
Il convient que, au cours de ces trois mois, soient mises en place les dispositions législatives utiles pour faciliter le travail de nos services de sécurité – et uniquement pour cela – et qu’il soit mis fin à l’état d’urgence.
M. Jacques Mézard.
Monsieur le ministre, cela ne devrait pas amener à éluder les problèmes de fond concernant les quartiers sensibles, l’économie, le pouvoir d’achat et le bilan de notre politique étrangère, laquelle n’est pas sans lien avec ce qui se passe sur notre territoire…
Nous disons fermement que les textes relatifs à ces questions, en particulier en matière pénale, doivent restituer à l’autorité judiciaire le pouvoir de garant des libertés individuelles au sens de l’article 66 de la Constitution et de l’expression initiale de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, ce qu’ont rappelé avec force et courage, ces dernières semaines, le Premier président de la Cour de cassation, ainsi que tous les premiers présidents de cour d’appel de France.
Nous aurons l’occasion d’y revenir lors des prochains débats sur la révision constitutionnelle et le texte portant réforme du code de procédure pénale, et je pense que la position d’une partie de notre groupe sera alors différente…
Pour l’heure, monsieur le ministre – c’est aussi une marque de confiance personnelle à votre égard –, la grande majorité du groupe du RDSE votera la prorogation de l’état d’urgence ; deux de nos collègues s’y opposeront.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l'UDI
UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Vous les avez rappelés, ils sont consternants. J’en ajouterai un que vous n’avez pas cité : le nombre des signalements a plus que doublé depuis mars 2015, pour dépasser les 8 000 cas.
M. Bruno Retailleau.
La France est donc en guerre, une guerre d’un type totalement nouveau, une guerre qui ne dit pas son nom, où nos ennemis sont en civil, ont pour cible des civils qui sont leurs compatriotes, une guerre qui s’est affranchie des frontières, des champs de bataille, des codes militaires, une guerre qui ne s’achèvera pas par un armistice et ne finira malheureusement pas avec la seule éradication de Daech.
Cette guerre a surpris un Occident perdu dans des rêves de fin de l’histoire et brutalement réveillé par le retour dans l’histoire du tragique, sous sa forme la plus archaïque et la plus cruelle. C’est une guerre prétendument menée au nom d’une religion, une guerre froide peut-être aussi, inspirée par un totalitarisme, au sens que donnait à ce terme Hannah Arendt : la fusion de l’idéologie et de la terreur.
La menace est là. Elle est non seulement imminente, mais aussi permanente. Nous n’en avons donc pas fini avec cette guerre. Tout se passe comme si l’État islamique, mis en difficulté au Levant, était en train de se projeter partout sur la planète, frappant sur presque tous les continents. La liste de ses cibles est aussi étonnante qu’effrayante.
Tout à fait !
M. Charles Revet.
Devant cette menace, mes chers collègues, nous ne devons pas hésiter, nous ne devons pas trembler. Nous devons être implacables, nous devons protéger les Français et la France.
M. Bruno Retailleau.
Nous voterons, monsieur le ministre, cette seconde prorogation de l’état d’urgence, comme nous avions voté la première, comme nous avions voté la loi relative au renseignement ou la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. La majorité sénatoriale a toujours su prendre ses responsabilités.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous voterons cette reconduction de l’état d’urgence d’abord parce que nécessité fait loi, en balayant toutes les oppositions d’ordre idéologique, en considérant que la sécurité et la liberté ne sont pas des sœurs ennemies, mais plutôt des sœurs siamoises !
Nous voterons cette reconduction de l’état d’urgence avant même d’avoir voté une quelconque révision constitutionnelle.
Nous voterons ce projet de loi tel qu’amendé par le rapporteur et le président de la commission des lois, que je tiens à remercier ici.
Nous le ferons à la lumière d’une double évidence : d’une part, l’état d’urgence ne peut être que temporaire ; d’autre part, comme l’a dit dans son avis du 2 février dernier le Conseil d'État, pour faire face à une menace permanente, il faut des instruments pérennes.
Tout à fait !
M. Bruno Sido.
Il importe donc d’envisager dès maintenant la sortie de l’état d’urgence.
M. Bruno Retailleau.
Aujourd'hui, Michel Mercier y a fait allusion, deux textes sont sur la table : le projet de réforme du code de procédure pénale du Gouvernement et notre proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, votée ici la semaine dernière. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu’entre ces deux textes, je choisis le second, parce que celui du Gouvernement est trop timide…
Absolument !
Mme Catherine Troendlé.
… en matière de répression du terrorisme : nous créons trois nouveaux délits, vous n’en créez pratiquement aucun.
M. Bruno Retailleau.
En outre, la proposition de loi que nous avons adoptée est beaucoup plus exigeante et rigoureuse en matière d’application des peines.
Tout à fait !
M. Roger Karoutchi.
Par exemple, sur la proposition de Michel Mercier, nous avons introduit une peine de perpétuité réelle, une peine d’interdiction du territoire non pas facultative mais systématique pour les étrangers reconnus coupables d’infraction en matière de terrorisme. Il faut rompre définitivement avec l’angélisme pénal qui a marqué les quatre premières années du quinquennat.
M. Bruno Retailleau.
C’est exagéré !
M. Didier Guillaume.
Évidemment, on ne gagne pas une guerre uniquement avec un arsenal juridique.
M. Bruno Retailleau.
Sans même évoquer la diplomatie, à laquelle Jacques Mézard vient de faire allusion, non plus que la fragilité dont souffre parfois la coopération entre nos services de renseignement, je voudrais mettre en exergue trois lignes de front qui me semblent importantes.
La première, c’est l’Europe. Nous assistons, mes chers collègues, à l’émergence du chaos, au retour des passions nationalistes sur le continent européen. Où sont les voix qui appellent à rebâtir une Europe menacée de déliquescence, en voie de désintégration ? Je ne mésestime pas vos efforts, monsieur le ministre, mais il est urgent que l’Allemagne et la France fassent entendre une voix forte.
Très bien !
M. Gérard Longuet.
La deuxième ligne de front, c’est celle de nos valeurs. Nous ne devons rien céder sur ce plan. Il faut, évidemment, rappeler systématiquement l’exigence de laïcité, refuser toute dérive communautariste en France, rétablir l’autorité de l’État sur tout le territoire, monsieur le ministre ! Aucune parcelle du territoire national ne saurait échapper à la loi de la République.
M. Bruno Retailleau.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI
La troisième ligne de front, c’est l’école. Parce que nulle part ailleurs dans le monde il n’existe un lien aussi étroit entre la nation et l’école, parce que nulle part ailleurs sur la planète une importance aussi décisive n'est accordée au pacte scolaire au cœur du pacte républicain, il nous faut créer, comme Pierre Manent l’écrit si bien, une nouvelle « amitié civique ». Nous ne le ferons ni dans la médiocrité ni dans la facilité ; nous le ferons dans l’exigence, dans le mérite, dans l’effort, pour que demain, pour les jeunes Français, les mots « France », « patrie », « République » ne soient pas des termes abstraits, mais renvoient à un contenu sentimental et affectif. C’est capital !
Très bien !
Mme Catherine Troendlé.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. le président.
En conclusion, mon groupe votera bien sûr la prorogation de l’état d’urgence. À Stockholm, Albert Camus, recevant le prix Nobel, fit allusion à l’école de la République et à son instituteur. Celui-ci lui avait confié la mission qui est la nôtre aujourd'hui : « empêcher que le monde se défasse ». La France ne doit pas se défaire face à la barbarie !
M. Bruno Retailleau.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI
La parole est à M. François Zocchetto.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’émotion est déjà derrière nous, la vie quotidienne a repris son cours. Pour autant, est-ce le retour à la vie normale pour notre pays ?
M. François Zocchetto.
Bien évidemment, nous savons que la menace terroriste est toujours aussi forte et nous devons apprendre à vivre avec, sans céder à la peur et encore moins à la panique, qui pourrait nous entraîner, par un réflexe sécuritaire, à mettre en péril nos libertés publiques. Ce serait là sans nul doute la victoire de nos ennemis, les terroristes.
L’état d’urgence, tel qu’il a été voté le 20 novembre 2015, est une mesure d’exception, qui était nécessaire. Faut-il oui ou non le proroger aujourd'hui ? Pour le savoir, il ne faut surtout pas se demander si la menace terroriste est toujours aussi forte, car la réponse est évidente et elle pourrait nous conduire à proroger très longtemps, trop longtemps, ce cadre qui doit rester une exception. Telle est d’ailleurs l’analyse du Conseil d’État sur ce projet de loi : « L’état d’urgence doit demeurer temporaire. »
Nous devons aujourd’hui savoir si nos services de police, de gendarmerie et de renseignements ont impérativement besoin que nous maintenions l’état d’urgence. D’après le Gouvernement, la réponse est oui, et le Conseil d’État partage son analyse.
Monsieur le ministre, une nouvelle fois, nous allons vous faire confiance. Je formulerai toutefois deux interrogations.
La question de la durée de la prorogation de l’état d’urgence n’a pas été évoquée jusqu’à présent. Pourtant, il faut justifier cette durée. Pourquoi trois mois et pas deux ?
C’est une bonne question !
M. Philippe Bas,
président de la commission des lois.
Est-ce pour attendre le vote du projet de loi défendu par le garde des sceaux ? Pourquoi ne pas parler de l’Euro 2016, qui est présent dans tous les esprits ?
M. François Zocchetto.
La question principale, qui a déjà été soulevée, c’est de savoir quand et comment nous pouvons sortir de l’état d’urgence. L’éventualité d’un attentat commis au lendemain de la levée de l’état d’urgence ne doit pas nous conduire à rester trop longtemps en dehors du cadre de droit commun. Le moyen de sortir de l’état d’urgence sans baisser la garde, c’est de renforcer et d’actualiser notre arsenal répressif contre les terroristes.
Telle est bien la démarche qu’a choisie le Sénat dès que nous avons voté l’instauration de l’état d’urgence. Aussitôt en effet, la commission des lois s’est mise au travail, s’appuyant sur les connaissances qu’elle avait déjà accumulées, auditionnant un certain nombre d’acteurs du dispositif d’enquête et de répression, en particulier les magistrats, dont les procureurs. Nous avons proposé un dispositif qui me semble assez complet concernant l’amélioration de la chaîne pénale : accroître l’efficacité des enquêtes ; créer de nouvelles incriminations.
Nous avons ainsi créé deux incriminations très importantes : la première porte sur la consultation habituelle des sites Internet faisant l’apologie du terrorisme ; la seconde, plus importante encore à mes yeux, concerne le fait de séjourner intentionnellement sur le théâtre d’opérations de terrorisme, qui devient un délit, de façon à ne pas attendre que ceux qui en reviennent et qui sont des menaces en puissance commettent un autre délit pour que nous puissions les appréhender et les neutraliser.
C’est dans le cadre normal de l’État de droit, sous l’autorité du juge judiciaire, que nous envisageons la lutte à moyen et long termes contre le terrorisme. Monsieur le ministre, convenez qu’il s’agit d’un apport tout à fait considérable du Sénat, donc de la représentation nationale, à la lutte effective contre le terrorisme. En effet, dans la période troublée que nous connaissons, de quoi avons-nous besoin ? De symboles ou d’outils juridiques efficaces ? Probablement des deux, mais ce qui est sûr, c’est que la menace d’une déchéance de nationalité ne permettra jamais de neutraliser le moindre terroriste.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Bien sûr !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Ces remarques formulées, vous aurez compris, monsieur le ministre, que notre groupe soutiendra la demande de prorogation et sera particulièrement attentif à ce que les dispositifs de suivi de l’état d’urgence puissent se poursuivre, sous la houlette de la commission des lois et de Michel Mercier.
M. François Zocchetto.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre.
M. Le président.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie l’ensemble des orateurs de leurs contributions à ce débat sur la prorogation de l’état d’urgence ; j’apporterai dans un instant les précisions qui manquaient à mon propos liminaire, notamment sur les raisons de cette demande du Gouvernement.
M. Bernard Cazeneuve,
Je tiens tout particulièrement à remercier Bruno Retailleau des questions, toutes excellentes, comme toujours, qu’il a posées avec brio et finesse et auxquelles je tiens à répondre avec minutie ; mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ne vous inquiétez pas : en disant cela, je ne veux pas le compromettre…
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela se discute !
M. Roger Karoutchi.
C’est presque fait !
M. Bruno Retailleau.
(Sourires.)
Nous avons suffisamment de sujets d’opposition pour que vous n’ayez aucune crainte concernant sa tranquillité politique et intellectuelle !
M. Bernard Cazeneuve,
Sur la question de l’Europe, un sujet absolument déterminant, comme vous le savez, un conseil JAI s’est tenu à Amsterdam voilà quelques jours, à l’occasion duquel nous avons présenté un agenda extrêmement précis. Quel est le sujet de préoccupation au regard de la menace terroriste ?
Nous avons obtenu le 15 décembre 2015 une modification de l’article 7-2 du code frontières Schengen, dont la mise en œuvre rapide devra permettre de procéder à des contrôles systématiques de nos ressortissants qui reviennent notamment du théâtre des opérations terroristes, au moment du franchissement des frontières extérieures de l’Union européenne, quel que soit le lieu de ce franchissement. C’est la première proposition.
Si nous voulons être efficaces dans la lutte contre le terrorisme, ce contrôle systématique doit être assorti d’un certain nombre d’éléments qui, aujourd’hui, ne sont pas possibles ou n’existent pas. Je pense tout d’abord à l’interrogation systématique du fichier du système d’information Schengen, le SIS. C’est la deuxième proposition.
Certes, un certain nombre d’États versent aujourd'hui dans ce fichier des informations concernant l’activité terroriste de ceux qu’ils ont dans leur radar, mais il faut que cela concerne tous les pays, ce qui n’est pas le cas. C’est la troisième proposition. Cela permettra, au moment du franchissement des frontières de l’Union européenne, d’identifier les individus qui peuvent poser problème, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui, comme les événements du 13 novembre dernier l’ont d’ailleurs prouvé concernant un certain nombre de ceux qui nous ont frappés.
Il est absolument indispensable de connecter le SIS aux autres fichiers de police dont nous disposons, de manière à ce que le croisement des informations permette de réduire le risque de trous dans la raquette. C’est la quatrième proposition. Je pense à la base de données SLTD,
Stolen and Lost Travel Documents
Par ailleurs, et c’est une autre proposition très importante, il faut qu’Eurodac, qui est une banque de prise des empreintes digitales, puisse être utilisé à des fins de sécurité. Il n’en est pas ainsi aujourd’hui. Cela implique donc une modification de son règlement par l’Union européenne.
Si nous ne mettons pas toutes ces mesures en œuvre et si nous n’y ajoutons pas une dernière mesure, qui est une
task force
Je vous rappelle que deux des kamikazes qui ont frappé en France le 13 novembre dernier s’étaient vu prendre leurs empreintes digitales à Leros sous de fausses identités, en bénéficiant de faux passeports.
Oh là là !
M. Bruno Sido.
Monsieur Retailleau, selon vous, il faut une initiative européenne forte pour maîtriser notre espace européen commun. Les propositions que nous avons formulées correspondent à un agenda extrêmement précis et sont de nature à permettre de sauver cet espace que nous avons en commun.
M. Bernard Cazeneuve,
À tout cela s’ajoute la question migratoire. Sur ce sujet aussi, les choses sont extrêmement claires dans notre esprit. Nous devons impérativement tarir le flux. Il est faux de penser que l’Europe peut accueillir sur son territoire l’ensemble des réfugiés. Ce n’est pas possible. Par conséquent, nous devons aider les pays qui ont des camps à y maintenir un haut niveau de soutien humanitaire ; c’est d’ailleurs ce qui préside aux discussions entre la France, l’Allemagne et la Turquie.
Je me suis rendu en Grèce avec mon homologue allemand, pour que les propositions qui ont été formulées par la France au conseil JAI soient très vite transformées en propositions franco-allemandes. Je me suis en effet rendu au conseil des ministres allemand pour présenter ces propositions et faire en sorte qu’elles soient partagées par nous tous. Monsieur Retailleau, vous avez eu raison de souligner que c’était extrêmement important.
Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont évoqué la question de l’autorité de l’État. Sur ce sujet, il faut faire preuve d’une extrême fermeté, tout en étant extrêmement prudent face aux conséquences que peut avoir, dans un pays fragilisé, une instrumentalisation politique systématique de la question de l’autorité de l’État.
Je prendrai des exemples très concrets. Après des événements comme ceux qui se sont déroulés à Roye – j’ai d’ailleurs été interrogé sur ce point au Sénat –, on demande immédiatement que justice soit rendue. Pour qu’il en soit ainsi, il faut respecter le temps judiciaire – nous en sommes tous d’accord ici –, le temps des investigations, le temps de la police scientifique et technique. Vous avez pu constater que, la semaine dernière, une grande partie de ceux qui ont été à l’origine de ces troubles à l’ordre public avait été condamnée. Il en a été de même à Moirans, où des interpellations ont eu lieu.
J’ai entendu des déclarations immédiatement après les événements inacceptables de Corse, qui m’ont conduit à me rendre sur place. Des interpellations ont eu lieu aussi la semaine dernière.
C’est bien !
M. Bruno Sido.
Lorsque l’on constate des intrusions de migrants sur le port de Calais – migrants instrumentalisés par des
M. Bernard Cazeneuve,
No Borders
Lorsque j’ai empêché dimanche dernier une manifestation en raison de ces troubles et d’autres rassemblements qui étaient susceptibles de se produire et que des individus ont bravé cette interdiction, se revendiquant de l’uniforme qu’ils avaient porté, alors que celui-ci incarnait le respect du droit, l’attachement aux décisions et aux lois votées par le souverain, j’ai fait la même chose ! L’autorité de l’État, l’attachement à l’ordre public et le respect du droit, c’est pour tout le monde !
(M. David Rachline s’exclame.)
Très bien !
M. Didier Guillaume.
On ne comprend pas qu’un général en retraite puisse s’ériger au-dessus des lois de la République et enfreindre celles-ci en toute impunité, en raison de ce qu’il pense être bon. Cela rappelle de très mauvais souvenirs à la République… Aussi longtemps que je serai ministre de l’intérieur, cela ne sera pas.
M. Bernard Cazeneuve,
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Monsieur Retailleau, vous avez évoqué la question des services de renseignement. À ce sujet, je veux appeler votre attention sur un constat que je dresse à chaque fois : à peine un attentat se produit-il que les micros sont tendus et qu’est posée la question « quelle est la faille des services de renseignement ? », sans même savoir s’il y a eu faille.
Je rappelle tout de même qu’une grande partie de ceux qui ont commandité les attentats du 13 novembre vivait en dehors du territoire national, comme les Belgo-Marocains qui les ont préparés, et qu’ils n’étaient donc pas suivis par nos services. Quant à ceux qui l’étaient et qui se trouvaient sur les théâtres d’opérations en Syrie, ils sont revenus en France après avoir franchi les frontières de plusieurs pays de l’Union européenne, en ayant vraisemblablement utilisé – l’enquête le dira – les mêmes procédés de dissimulation.
Je tiens à attirer l’attention de chaque parlementaire sur le fait que la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, le Service du renseignement territorial, mais aussi la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, sont confrontés à des risques et à des menaces inédites, émanant d’individus situés à l’extérieur de notre pays et utilisant tous les moyens de dissimulation, notamment de faux documents, pour revenir sur le territoire national et nous frapper. Je tiens à défendre ces personnels placés sous ma responsabilité, car je sais à quel point ces services sont engagés et travaillent à flux tendus.
On parle beaucoup de l’attentat qui vient de se produire, mais jamais de ceux qui ont été déjoués. Or je rappelle que, en douze mois, les services de renseignement ont démantelé dix-huit filières d’acheminement de terroristes vers les théâtres d’opérations et déjoué onze attentats.
J’indique à tous ceux qui théorisent sur l’inefficacité de l’état d’urgence et des services de renseignement que, depuis le début du mois de janvier, la Sous-direction antiterroriste, la SDAT, et la DGSI, ont procédé à l’interpellation de quarante personnes en un mois. Si vous rapportez ce nombre, que je n’avais pas encore donné, à celui des arrestations intervenues chaque mois depuis le début de la crise syrienne, cela représente une augmentation très significative. Quarante personnes en un mois ! La moitié d’entre elles ont été placées sous contrôle judiciaire ou en détention ; les autres font l’objet d’un suivi particulier.
Je me dois devant vous de dire la vérité sur le niveau du risque, sur l’activité des services, mais aussi de rendre un hommage appuyé, car personne ne le fait spontanément, aux policiers et aux gendarmes pour le travail qu’ils font, car ils le méritent. Présents devant les synagogues, les mosquées et les institutions, ils assurent, dans leurs uniformes, la protection des Français et veillent au respect des valeurs républicaines auxquelles nous tenons tous, comme la laïcité, qui est le droit de croire ou de ne pas croire, puis, dès lors que l’on a fait le choix de sa croyance, de l’exercer librement.
Aux théoriciens récurrents et pavloviens des violences policières, je rappelle toutes les violences que subit la police lorsqu’elle assure la protection des Français et veille au respect des principes républicains.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Très bien !
M. Didier Guillaume.
On n’évoque jamais ce point, et je le regrette beaucoup, car le respect des valeurs et des principes de la République, c’est aussi la reconnaissance que l’on doit à ceux qui, au péril de leur vie, assurent la protection de tous les Français dans un contexte de menace élevée.
M. Bernard Cazeneuve,
Les policiers et les gendarmes vivent douloureusement ces procès en France, compte tenu de la lourdeur de leur tâche, de l’engagement qui est le leur pour l’accomplir et de la contrainte inhérente à leurs responsabilités. Il me semble donc que l’on pourrait, au moins de temps en temps, leur adresser un minimum de remerciements plutôt que de stigmatiser l’État policier, les violences policières et le reste.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Sachez cependant que, en tant que ministre de l’intérieur, je serais d’une intransigeance totale si des manquements étaient commis par ceux qui, sous ma responsabilité, sont chargés de faire respecter l’ordre républicain.
Monsieur Zocchetto, vous vous êtes interrogé sur la durée de la prolongation de l’état d’urgence et sur la pénalisation de la fréquentation des sites faisant l’apologie d’actes terroristes. Comme Michel Mercier, vous vous demandez comment sortir de l’état d’urgence.
Je prépare bien entendu la sortie de l’état d’urgence tous les jours en prenant des mesures. À titre d’exemple, un certain nombre des personnes qui ont été assignées à résidence et qui présentent un danger ne sont pas de nationalité française. Il serait légitime de les expulser vers leur pays au terme de l’état d’urgence. Nous devons manifester notre détermination et faire preuve de fermeté à l’égard d’individus qui vivent en France, mais qui ne sont pas de nationalité française et qui enfreignent la loi.
Des mesures de droit commun pourront prendre le relais de l’état d’urgence, lorsque celui-ci aura cessé, pour assurer la sécurité des Français, comme les interdictions de sortie du territoire, lesquelles relèvent de la loi du 13 novembre 2014.
Le projet de loi pénale, dont vous aurez à débattre, et la proposition de loi que vous avez vous-même portée sont autant de textes préparant la sortie de l’état d’urgence par des mesures de droit commun. Il s’agit d’assurer, dans le respect rigoureux des principes constitutionnels et des libertés publiques, la sécurité des Français.
La pénalisation de la consultation des sites faisant l’apologie d’actes terroristes a été envisagée, monsieur Zocchetto, lors de l’examen de la loi visant la pédopornographie, mais le Conseil d’État a considéré qu’une telle mesure n’était pas constitutionnelle. Cette disposition n’a donc pas été retenue. Votre proposition présente donc un intérêt, en même temps qu’elle pose un problème de constitutionnalité, qu’il faudra examiner de près.
Monsieur Richard, vous avait repris dans votre intervention l’ensemble des interrogations que j’avais moi-même exprimées sur la dimension internationale et les risques qui s’y attachent. Je partage bien entendu vos propos.
Le président Mézard a posé des questions extrêmement justes, avec l’esprit de nuance et la sagesse qui le caractérisent toujours, sur le nécessaire équilibre entre la sécurité, que nous devons assurer, et l’état d’urgence, que nous ne pouvons pas prolonger indéfiniment. Au-delà de la période de trois mois, nous souhaitons pouvoir prendre des mesures, soit de police administrative, soit de droit commun, inscrites dans la loi pénale, pour prendre le relais de l’état d’urgence.
Enfin, madame Benbassa, madame Assassi, je n’ai pas eu le sentiment que vous adhériez à ce que nous proposions. Vous avez exprimé avec sincérité, et parfois avec beaucoup de passion, votre opposition à l’état d’urgence.
Très sincèrement, nous faisons face à une menace inédite, qui ne ressemble en rien, madame Benbassa, à ce que nous avons eu à affronter jusqu’à présent. Je rappelle que près de 2 000 ressortissants français sont concernés, de près ou de loin, par les activités terroristes de groupes situés en Irak et en Syrie, une partie d’entre eux vivant sur le territoire national. Le défi auquel nous sommes confrontés n’est donc pas du tout le même que celui que nous avons dû relever au milieu des années quatre-vingt-dix, face, par exemple, au GIA, le Groupe islamiste armé. Il est d’une tout autre nature.
Par conséquent, face à l’ampleur de ce phénomène, nous ne pouvons pas raisonner comme nous l’avons fait il y a de cela vingt ou trente ans. Face à ce niveau de menace élevé, et alors que le nombre d’interpellations intervenues depuis le début du mois de janvier dernier est extrêmement élevé – j’ai rappelé les chiffres –, le raisonnement qui est le vôtre, que je peux comprendre et que je respecte, est le suivant : « Le danger, c’est la manière dont l’État s’arme pour faire face à la menace et le risque que cela fait peser sur nos libertés ».
Pour ma part, je considère, et là se situe le désaccord de fond que j’ai avec vous, que si la République ne se dote pas, dans le respect des principes constitutionnels et du droit, des moyens de faire face à la menace qui se présente à elle et qui a l’acuité que je viens d’indiquer, alors les libertés publiques s’en trouveront très fortement vulnérabilisées et remises en cause. Un État qui, avec toute la rigueur et tous les scrupules que je viens d’indiquer, se prépare à affronter, avec lucidité, une telle menace, en prenant toutes les précautions en droit pour éviter toute dérive, ne remet pas en cause les libertés publiques, il les protège.
C’est parce que j’ai la conviction profonde que nous ne pouvons pas ne pas réagir face à une telle violence à l’égard de ce que nous sommes et de ce que sont nos valeurs que je présente aujourd'hui le projet de loi prolongeant l’état d’urgence, non pas avec la conscience tranquille – lorsque l’on est confronté à une telle menace, on interroge à chaque instant sa conscience pour savoir si l’on fait bien et si l’on prend les bonnes mesures –, mais avec la sincérité d’un Républicain.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Moi aussi !
Mme Éliane Assassi.
La discussion générale est close.
M. le président.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
I. – L’état d’urgence déclaré par le décret n
II. – Il emporte, pour sa durée, application du I de l'article 11 de la loi n
III. – Il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l'expiration de ce délai. En ce cas, il en est rendu compte au Parlement.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le ministre, je connais suffisamment votre sens de l’État pour ne pas avoir de doute sur le fait que les mesures que vous nous proposez sont indispensables à la sécurité des Français. Je m’interroge en revanche sur le climat dans lequel ce débat s’inscrit et se poursuit.
M. Gaëtan Gorce.
Dans le contexte particulièrement difficile dans lequel nous nous trouvons, la façon dont nous nous adressons aux Français, la façon dont l’exécutif s’adresse aux Français, est évidemment décisive.
La France est un superbe et grand pays, dont l’énergie et la vigueur ont parfois besoin d’être stimulées. Notre pays a, aux tréfonds de lui-même, foi dans ses valeurs, mais il ne les mobilise avec enthousiasme que s’il les sent partagées.
C’est à cette France-là, celle qui croit que, au fond, elle peut venir à bout de tous ses adversaires sans jamais remettre en question ses valeurs et ses principes, qu’il faut s’adresser. Il y a au fin fond de notre pays, liée à notre histoire, une force qui nous permet chaque fois qu’elle est mobilisée d’écarter les trahisons, les reniements, les menaces, les petitesses et les mesquineries qui accompagnent parfois le débat public. Oui, c’est à cette France-là qu’il faut s’adresser.
En disant cela, je n’ai pas le sentiment d’exprimer une conviction personnelle. Je pense qu’elle est partagée dans cet hémicycle et qu’elle est le fruit de notre histoire, cette histoire qui nous dit que la France de 1914 n’est pas celle de 1940, celle que ses dirigeants surent mobiliser grâce à une foi républicaine et patriotique, celle qui sut emporter la victoire, dans des circonstances douloureuses, quand celle de 1940 s’effondra, avec des dirigeants qui, au fond, ne surent être à la hauteur ni de l’événement ni de la France qu’ils étaient censés diriger.
Comment expliquer que la France de 1959 ait su se redresser, alors que celle de 1958 apparaissait au bord du précipice ? Sans doute est-ce parce que le général de Gaulle a su parler à la France de toujours
(Marques d’approbation
sur les travées du groupe Les Républicains.)
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Si nous ne cessons d’évoquer les menaces, d’expliquer à notre jeunesse qu’elle doit apprendre à vivre avec la terreur, de rappeler qu’il y aura toujours au-dessus de nos têtes la menace immanente du terrorisme, alors nous installons un climat et nous mobilisons une France du repli et de la peur. Et de cette France-là, il n’y a rien à attendre de bon !
Il faut conclure, mon cher collègue !
M. le président.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que le Président de la République, le Gouvernement et nous tous ici dans cet hémicycle sachions trouver le ton pour nous adresser aux Français.
M. Gaëtan Gorce.
Il faut dire à nos compatriotes que, en croyant à nos valeurs, en partageant cette foi républicaine, nous ne céderons rien. Il faut leur dire que nous n’avons pas peur, que nous ne devons pas revenir en arrière sur ce qui nous caractérise et que, par conséquent, chaque fois que nous voterons une loi, chaque fois que nous nous mobiliserons sur un texte, nous le ferons au nom de ces valeurs, sans céder au repli, à la frilosité et à la peur, mais en ayant foi dans le destin de notre pays.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Pierre Raffarin applaudit également.)
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai voté l’instauration de l’État d’urgence à la suite des attentats du mois de novembre dernier, j’ai voté sa prolongation pour trois mois, mais je ne voterai pas cette nouvelle prorogation, parce le principal intérêt de l’état d’urgence réside dans l’effet de surprise des interventions des premières semaines, et elles furent nombreuses. Or nous n’en sommes plus là.
M. Pierre-Yves Collombat.
Selon la commission de contrôle de l’Assemblée nationale, alors présidée par Jean-Jacques Urvoas, devenu depuis lors notre garde des sceaux : « L’essentiel de l’intérêt de ce que l’on pouvait attendre de ces mesures [d’urgence] semble, à présent, derrière nous. Partout où nous nous sommes déplacés, nous avons entendu que les principales cibles et les objectifs avaient été traités. De fait, l’effet de surprise s’est largement estompé, et les personnes concernées se sont pleinement préparées elles aussi à faire face à d’éventuelles mesures administratives. »
En outre, l’argument de la persistance d’un danger fort et permanent invoqué par le Gouvernement en appui de sa demande, mais aussi par d’autres, peut se retourner. La permanence du danger est précisément le signe que son traitement relève de bien autre chose que de la prolongation de l’état d’urgence.
« Réagir efficacement à un attentat terroriste en donnant à l’État les moyens proportionnés à l’ampleur de la menace imminente était une chose, nous dit encore la commission Urvoas, combattre sur la profondeur le terrorisme en est une autre ».
Personnellement, je déplore le peu d’attention porté par le Gouvernement, en tout cas à ma connaissance, aux dimensions autres que policières – quelle que soit l’importance de ces dernières – de la lutte contre le terrorisme, et tout particulièrement à leur dimension idéologique. Neutraliser les tueurs actifs ou potentiels, c’est l’urgence ; stériliser le terreau idéologique qui les nourrit, l’obligation permanente. Je crains que le souci quasi exclusif de l’urgence ne l’ait fait oublier.
Les Français ne comprendraient pas la levée de l’état d’urgence si un nouvel attentat survenait, nous dit-on. Un an après les attentats de janvier 2015, état d’urgence ou pas, ces Français comprendraient-ils mieux si une nouvelle tuerie intervenait ? Je ne le pense pas.
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l'article.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites. Je voudrais tout d'abord revenir, comme l’a souligné M. Pierre-Yves Collombat, sur le fait que quelque 95 % des assignations à résidence et des perquisitions ont été décidées dans les six premières semaines après la proclamation de l’état d’urgence.
M. Jean-Yves Leconte.
Finalement, le principal enjeu aujourd'hui, de ce point de vue, c’est la gestion des 339 assignations à résidence, qui pourraient être annulées si l’état d’urgence n’était pas prolongé, ce qui pourrait provoquer des difficultés. Pour cela, il est vrai, l’état d’urgence et sa prorogation sont indispensables, mais le sont-ils dans les mêmes conditions que pendant les trois premiers mois ? Je me pose vraiment la question.
Ensuite, nous examinons le 9 février en séance publique un projet de loi présenté en conseil des ministres le 2 février et examiné par la commission des lois le 3 février. Pourquoi une telle rapidité, pour ne pas dire une telle précipitation ? Ne pouvait-on pas un peu mieux prévoir ? En cette période, face aux urgences, notre pays a également besoin de sérénité.
Enfin, la menace est mondiale. Tous les pays qui sont des symboles de diversité, de pluralité et de tolérance sont visés. La réaction de la France, face à cette menace, doit rester un exemple. Pour mobiliser la communauté internationale et nos partenaires qui n’ont pas la même perception de la menace que nous, nos arguments doivent pouvoir être compris. Sinon, nous n’y parviendrons pas, alors que la mobilisation de l’ensemble de nos partenaires européens et mondiaux est absolument nécessaire.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que l’état d’urgence reste aujourd'hui indispensable pour gérer la menace, et nous serons nombreux ici à vous faire confiance sur ce point. Toutefois, comme d’autres l’ont dit, la sécurité n’est jamais une politique suffisante en soi : c’est une condition indispensable pour se projeter dans l’avenir avec confiance, et c’est ce dont le pays a besoin aujourd'hui.
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut également y être mis fin par le Parlement qui apprécie, au terme d’un délai de trente jours, si les conditions fixées à l’article 1
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Lors de la première prorogation de l’état d’urgence a été mis en avant l’ajout positif dans la loi de 1955 de l’information au Parlement, qui s’est d'ailleurs concrétisé les jours suivants par la mise en place d’un comité de suivi au sein de la commission des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, aux travaux duquel j’ai participé.
Mme Éliane Assassi.
Or le contrôle parlementaire a été inscrit hier soir à l’Assemblée nationale dans le projet de révision constitutionnelle. « Les règlements des assemblées prévoient les conditions dans lesquelles le Parlement contrôle la mise en œuvre des mesures de l’état d’urgence », lit-on dans l’amendement adopté par les députés, sur l’initiative du rapporteur, Dominique Raimbourg, au nom de la commission des lois, sur lequel le Gouvernement a émis un avis favorable. « Si le Parlement, dans sa sagesse, décide d’élever ces éléments au rang constitutionnel, le Gouvernement respecte la volonté du Parlement », a indiqué, pour sa part, le garde des sceaux, M. Urvoas.
Vous le savez, nous sommes absolument défavorables à la constitutionnalisation de l’état d’urgence, considérant qu’il n’y a rien de plus dangereux que de faire vaciller le socle des droits fondamentaux en période troublée. Toutefois, nous aurons le temps d’en discuter dans les semaines à venir…
Pour l’heure, mes chers collègues, nous vous proposons d’intégrer dans la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence un contrôle effectif du Parlement, en lui conférant le pouvoir d’interrompre l’état d’urgence au-delà de trente jours si les conditions fixées à l’article 1
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Votre amendement est intéressant, madame Assassi, sauf qu’il limiterait beaucoup trop les pouvoirs du Parlement.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Le Parlement décide de proroger l’état d’urgence aujourd'hui ; il peut très bien y mettre fin dans deux ou trois jours. Pourquoi prévoir un délai de trente jours ? Le Parlement est souverain et peut adopter la position qu’il souhaite.
Je suis donc défavorable à l'amendement n
Vous êtes extraordinaire, monsieur le rapporteur !
Mme Éliane Assassi.
(Sourires.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
M. Bernard Cazeneuve,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article unique.
M. le président.
(L'article unique est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 6 de la loi n
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Les mesures de contrainte qu’autorise la loi relative à l’état d’urgence, telle qu’elle a été modifiée en novembre dernier, sont d’une portée générale ayant vocation à s’appliquer à un nombre potentiellement large de situations. Il suffit, pour décider d’une perquisition ou d’une assignation à résidence, d’avoir « des raisons sérieuses de penser » qu’un « comportement » peut être « une menace pour la sécurité et l’ordre publics », alors qu’auparavant les personnes étaient ciblées du fait « d’activités avérées comme dangereuses pour la sécurité et l’ordre publics ».
Mme Christine Prunaud.
Selon le rapporteur du Conseil d’État, « cette rédaction, telle qu’elle résulte de la loi de 2015, permet il est vrai de se fonder, plus que ne le faisait la précédente, sur un risque, une potentialité, appréciation toujours plus délicate à opérer que le constat d’une certitude ».
L’interprétation combinée de la notion de comportement avec celles de sécurité et d’ordre publics constitue une atteinte au principe de légalité et de prévisibilité de la loi, en ce que les notions prévues par la loi sont trop vagues et imprécises.
L’élargissement des critères et du champ d’application a ainsi conduit, comme nous l’avons constaté, à un nombre exponentiel de mesures de perquisition et d’assignation à résidence dans un temps très réduit – quelques semaines.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, nous vous proposons, au moins pour la formulation de l’article 6 de la loi de 1955, de s’astreindre à assigner à résidence les personnes dont le comportement est véritablement dangereux pour la sécurité et l’ordre publics, comme prévu initialement dans la loi en question.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je répondrai aux auteurs de cet amendement en deux temps.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Premièrement, la commission a fait le choix de ne pas revenir sur des modifications apportées à la loi de 1955 à l’occasion du texte prorogeant la durée de mise en œuvre de l’état d’urgence. Il y aura probablement lieu d’en discuter. Si la réforme constitutionnelle vient à son terme, la loi de 1955 sera modifiée et nous aurons l’occasion de l’amender, afin de l’améliorer. Plusieurs thèmes ont ainsi été développés au cours de la discussion générale.
Deuxièmement, sur le fond, je rappelle que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence relèvent de la police administrative et sont donc, par définition, des mesures de prévention. Il s’agit d’empêcher la commission de tel ou tel acte. S’il s’agit de constater un comportement, l’acte est déjà commis, et l’on se trouve dans le cadre de la police judiciaire et non plus dans celui de la prévention et de la police administrative.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
M. Bernard Cazeneuve,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 11 de la loi n
1° Après la deuxième phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Une copie de l’ordre de perquisition est remise à la personne faisant l’objet d’une perquisition. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Une copie de ce compte rendu est remise à l’intéressé. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Le régime de l’état d’urgence ne peut qu’être exceptionnel, comme nous l’avons signalé. Or, de prolongation en prolongation, il devient permanent, mettant en péril la cohésion sociale de la nation. Nous avons été alertés par de nombreux syndicalistes de la police et de la magistrature, qui ont démontré que l’état d’urgence ne pouvait que provoquer des dérives, des abus à l’encontre des libertés individuelles et collectives.
Mme Laurence Cohen.
Notre amendement est donc destiné à limiter autant que faire se peut la poussée de l’arbitraire. Il tend à faire écho au constat opéré par le rapporteur Michel Mercier, à savoir que le cadre juridique de l’état d’urgence mériterait un réexamen à l’aune des enseignements tirés pendant sa première période de mise en œuvre. Selon lui, une telle réflexion ne peut être menée alors que le Parlement est saisi parallèlement de la constitutionnalisation de l’état d’urgence ; telle n’est pas notre opinion.
Dans la lignée de ce que vient de dire ma collègue Christine Prunaud, plusieurs compléments devraient être apportés à la loi du 3 avril 1955. Ainsi, le cadre juridique des perquisitions administratives mériterait, selon nous, d’être précisé. À la lumière de plusieurs éléments qui nous ont été révélés, il nous semble indispensable de prévoir dans la loi qu’une copie de l’ordre de perquisition est remise à la personne faisant l’objet de celle-ci.
Comme l’indiquent les auteurs du rapport sur ce texte, bien que les ordres de perquisition signés par les préfets disposent, en leur dernier article, que l’acte doit être notifié à l’intéressé, des perquisitions ont été conduites sans qu’il ait été procédé à une telle remise, ce qui rend ensuite quasiment impossible toute faculté de recours juridictionnel pour les personnes concernées, celles-ci n’étant pas formellement informées de leur droit au recours.
De la même manière, il est indispensable qu’une copie du compte rendu de la perquisition soit, à son issue, remise à l’intéressé. Tel est l’objet de notre amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je dois dire à son auteur que l’amendement est bien inspiré. Si je ne me trompe, monsieur le ministre de l’intérieur, les ordres de perquisition comportent un dernier alinéa prévoyant expressément que celui qui ordonne cette perquisition doit procéder à la remise d’une copie. Or nous avons constaté à plusieurs reprises que cela n’était pas fait.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Monsieur le ministre, vous devriez pouvoir satisfaire l’amendement en donnant les ordres nécessaires, les préfets étant soumis, jusqu’à preuve du contraire, au ministre de l’intérieur. Cela me permettrait de demander le retrait de cet amendement et, à défaut, de lui donner un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Madame la sénatrice, je comprends, comme M. le rapporteur, la préoccupation que vous exprimez.
M. Bernard Cazeneuve,
D’une part, nous présenterons, consécutivement à la réforme constitutionnelle relative à l’état d’urgence, un projet de loi ordinaire destiné à compléter le régime juridique de l’état d’urgence en application de cette révision. Ce projet de loi ajoutera à la législation actuelle de nouvelles mesures qui sont apparues nécessaires au cours de la mise en œuvre récente de ce régime.
D’autre part, madame la sénatrice, votre amendement est déjà satisfait pour deux raisons : l’ordre de perquisition préfectoral est notifié à la personne perquisitionnée au début de l’opération ; quant au compte rendu, il s’agit d’un document administratif communicable à la personne perquisitionnée, ainsi que l’a confirmé la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.
Pour des raisons qui tiennent au fait que ces dispositions existent et que nous allons conforter leur existence par des dispositions législatives nouvelles, votre amendement est satisfait, et je vous invite donc à le retirer.
Madame Cohen, l’amendement n
M. le président.
J’entends les bonnes dispositions du Gouvernement à l’égard de notre proposition. Toutefois, il nous semble utile que ces précisions figurent dans cette loi d’importance, d’autant que le cadre général du texte ne nous rassure pas.
Mme Laurence Cohen.
C'est pourquoi nous maintenons notre amendement, monsieur le président.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 14-1 de la loi n
« La condition d’urgence est présumée remplie pour le recours juridictionnel en référé d’une mesure d’assignation à résidence. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Je commencerai tout d’abord par regretter la relative brièveté de nos échanges, même si vous avez pu, monsieur le ministre, exposer longuement vos arguments. Quarante-cinq minutes de discussion générale réservées aux orateurs des groupes et quatre amendements seulement du groupe CRC, ce n’est pas beaucoup pour un projet de loi qui n’est pourtant pas anodin…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
En même temps qu’il soumet la constitutionnalisation de l’état d’urgence à l’Assemblée nationale, le Gouvernement demande au Sénat de prolonger celui-ci de trois mois, arguant d’un contexte national et international risqué – personne ne le conteste au demeurant, même si le danger ne disparaîtra probablement pas en l’espace de trois mois, vous me l’accorderez.
En réalité – ce débat le révèle –, le Gouvernement veut gagner du temps pour faire passer une réforme pénale et de nouvelles mesures qui, de fait, inscriront dans la loi ordinaire une grande partie des dispositions de l’état d’urgence.
Comme nous le disions au travers de notre précédent amendement, plusieurs compléments doivent être apportés à la loi du 3 avril 1955. Si la loi du 20 novembre 2015 améliore en théorie les voies de recours contre les mesures prises pendant l’état d’urgence, il apparaît que l’efficacité de ces recours est fortement limitée.
Pendant les premières semaines de l’état d’urgence, de nombreuses personnes ont été dans l’impossibilité de faire valoir leur droit à la défense, leur droit à un procès effectif ayant par conséquent été violé.
En effet, un grand nombre de recours ont été classés selon la procédure du « tri sans audience », qui s’applique lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence. En dépit de la décision du Conseil d’État du 11 décembre 2015, qui considère comme présumée la condition d’urgence pour la contestation d’une mesure d’assignation à résidence en référé-liberté, le ministère de l’intérieur continue, comme le souligne M. Mercier, rapporteur du texte, de soutenir dans ses mémoires en défense, à l’occasion des audiences de contestation de ces mesures, que la condition d’urgence n’est pas remplie.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons, pour garantir le droit à la défense, d’inscrire dans la loi le fait que la condition d’urgence est présumée remplie pour le recours juridictionnel en référé d’une mesure d’assignation à résidence.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Les auteurs de l’amendement proposent d’inscrire dans la loi une sorte de « droit à l’audience », tel qu’il a été reconnu par le Conseil d’État dans ses décisions du 11 décembre dernier. C’est en effet un progrès très important de la part du juge administratif qui, s’il intervient
M. Michel Mercier,
rapporteur.
a posteriori
En considérant ainsi que l’assignation à résidence constitue en elle-même une violation suffisamment grave des libertés publiques fondamentales pour que la condition d’urgence soit remplie de fait, le Conseil d’État poursuit la construction de ce droit prétorien qu’il a commencé à bâtir depuis longtemps. Tout à l’heure, M. le ministre n’a pas hésité à remonter à l’arrêt
(Sourires.)
Nous aurons, me semble-t-il, l’occasion de rediscuter de ce point après la révision constitutionnelle, si celle-ci va à son terme. En attendant, ne provoquons pas de navettes entre les deux assemblées et engageons-nous clairement pour la prorogation de l’état d’urgence. Ce faisant, nous adresserons à l’opinion publique, mais aussi aux terroristes, le signal que notre réaction ne faiblit nullement.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Même avis.
M. Bernard Cazeneuve,
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Personne ne demande la parole ?…
M. le président.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.
En application de l’article 60 du règlement, j’ai demandé, en ma qualité de président du Sénat, que ce vote ait lieu par scrutin public.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq
, est reprise
à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
La séance est reprise.
M. le président.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il est des lois qui arrivent à bas bruit devant le Parlement et qui, chemin faisant, enrichies par le travail des assemblées, deviennent un jalon pour les politiques qu’elles portent.
Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication.
Au regard du travail intense, auquel la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a soumis le texte qui lui a été proposé, je crois que celle que nous écrivons aujourd’hui comptera parmi les grandes lois de la politique culturelle française. Une telle abondance d’amendements ne saurait être, en effet, qu’un signe manifeste de l’importance que vous lui accordez.
Que le Gouvernement partage les conclusions du travail de la commission ou qu’il ne les partage pas – l’on verra par la suite qu’il est loin de les partager toutes –, il convient de se réjouir que le Sénat s’en soit ainsi emparé.
Si tout concourt à faire de ce débat un moment important pour l’avenir de la culture en France, il me reste à préciser, indépendamment de la discussion au fond que nous allons engager, l’intention du Gouvernement dans cette loi.
Que la grande mutation, dans laquelle numérique et mondialisation se conjuguent, vienne ébranler la vie culturelle de notre pays, chacun en conviendra ici ! Patrimoine, vie artistique, accès à la culture : il n’y a pas un domaine de l’action culturelle qui ne soit affecté, de près ou de loin, par ces bouleversements, dans lesquels on pourra voir la marque de notre époque.
Une question s’impose alors : dans ces conditions nouvelles, les règles et les dispositions que nous avons prises par le passé pour organiser notre vie culturelle ont-elles la même efficacité aujourd’hui et l’auront-elles encore demain ?
Poser cette question, c’est déjà y répondre. Nous adapter à cette nouvelle donne est d’autant plus nécessaire que nous avons besoin d’une vie artistique riche et diversifiée, d’un patrimoine préservé, pour enrichir et consolider ces liens qui nous rassemblent et par lesquels nous formons une nation. Les événements tragiques de 2015 ont renforcé le Gouvernement dans cette conviction. C’est pourquoi il en a fait l’une de ses priorités majeures.
En la matière, les temps troubles que nous connaissons redoublent la responsabilité de l’exécutif, comme du législateur, et je sais que la Haute Assemblée l’aura bien à l’esprit au cours de ce débat.
Ne nous étonnons pas qu’un nouveau texte législatif soit nécessaire. Tout n’appelle pas une loi, certes. C’est la raison pour laquelle nous n’avons inclus dans ce texte que ce qui avait besoin de l’être. Néanmoins, pour réaffirmer les fondements de nos politiques culturelles, pour moderniser une partie de nos dispositions et pour consacrer une nouvelle liberté dans nos codes, une loi s’imposait.
Moderniser la protection du patrimoine s’imposait, comme chaque fois qu’il fallut redéfinir son périmètre. Il fut un temps, en effet, où ce que nous appelions « patrimoine » se limitait aux chefs-d’œuvre et aux grands monuments. Leur recension, leur préservation et leur restauration imposèrent à l’État d’intervenir.
Puis, ce fut le temps des abords et des quartiers les plus anciens et les plus remarquables. Il s’agissait à la fois de protéger les traces de notre passé, car « un chef-d’œuvre isolé est un chef-d’œuvre mort », disait Malraux, et d’améliorer les conditions de vie et de travail des Français.
C’est ce qui conduisit mon ministère à faire adopter la grande loi de 1962 sur les secteurs sauvegardés : sauver les quartiers menacés d’abandon ou de destruction et venir en aide aux collectivités, contraintes de « choisir entre le bulldozer et la restauration ». Malraux ouvrit ainsi une étape nouvelle pour la protection du patrimoine, qui ne cessa ensuite de s’approfondir.
Grâce aux lois Defferre, qui engagèrent la décentralisation culturelle, l’État, garant de la préservation des traces du passé, s’est adjoint le concours indispensable des collectivités qui, depuis lors, se sont constamment engagées à ses côtés. Sans leur action, sans l’implication déterminante de leurs élus, rien n’aurait été possible.
Aux châteaux des princes comme aux châteaux de l’industrie, on reconnut bientôt une égale valeur d’existence. Aux quartiers médiévaux comme aux quartiers Renaissance, aux vieux bourgs nichés à flanc de colline comme aux cités ouvrières, aux maisons bâties par des anonymes comme aux immeubles signés de grands architectes, on accorde aujourd’hui une grande importante.
Leur préservation et leur mise en valeur font désormais consensus, et il faut s’en réjouir. La législation que nous avons mise en place au fil du temps confère à notre pays, à son histoire et à ses territoires un aspect singulier, qui fait notre fierté et que beaucoup d’autres pays nous envient.
Il n’y a pas, je le crois, de domaine de la vie culturelle qui ne suscite aujourd’hui autant d’attachement de la part des Français. Le succès des Journées européennes du patrimoine, l’engagement de nos concitoyens dans les nombreuses associations qui œuvrent à le sauvegarder en témoignent. Et comme vous, comme chaque élu, comme chaque habitant de notre pays, je partage cet engouement.
On aurait pu penser – certains le croient encore – qu’il fallait s’en tenir là. Une première visite à la Villa Cavrois, que l’on doit au génie de Robert Mallet-Stevens et qui fut sauvée de la destruction grâce à l’attention et à la ténacité de conservateurs du patrimoine, d’architectes des monuments historiques, d’architectes et de restaurateurs suffirait déjà à nous convaincre du contraire.
Le démembrement de sites aussi éminents et la dispersion de leur mobilier, qu’il faut désormais racheter aux enchères, témoignent, si besoin est, de la nécessité d’étendre la protection de la puissance publique aux biens mobiliers rattachés à ces lieux, ainsi qu’au patrimoine de moins de cent ans, dont le caractère remarquable n’est pas toujours immédiatement perçu du grand public.
Ce projet de loi y pourvoit, de même qu’il crée les domaines nationaux, dont le lien avec notre histoire est exceptionnel, et qu’il reconnaît dans le droit national le patrimoine classé par l’UNESCO.
Élargir le champ de la protection de l’État était déjà un premier objectif, mais la nécessité de cette loi est plus profonde encore.
Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre aujourd’hui dans bien des villes de taille moyenne et dans bien des bourgs de France. À côté des « grandes migrations » de l’exode rural, qu’invoquait Malraux pour justifier la loi de 1962, il nous faut désormais convoquer les plus petites, qui ont conduit nos concitoyens à s’installer aux abords des villes et des villages. Ici et là, des périphéries croissent, tandis que des centres se vident et s’appauvrissent. Et ce sont des quartiers et des villages entiers qui sont aujourd’hui en danger.
Ce qui menace le patrimoine, vous le savez mieux que moi, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est l’absence de vie. Ce qui manque de l’achever, c’est l’absence d’usage. Les pierres ne survivent, elles ne sont préservées, que lorsqu’elles sont habitées.
Tout ceci n’a rien d’irrémédiable. La protection du patrimoine peut contribuer à revitaliser les territoires aujourd’hui menacés. De nombreux maires en ont fait l’expérience. Ce que Chinon est devenue aujourd’hui, ce que Besançon, Cahors ou Le Havre sont devenues, d’autres villes et d’autres villages de France peuvent le devenir à leur tour. Notre responsabilité est de les y aider.
Je citais Chinon à l’instant et je ne puis que prendre en exemple l’impulsion donnée par Yves Dauge, votre ancien collègue. Je souhaite que, avec lui, avec vous et avec les maires concernés, nous y travaillions, pour que la mise en place des cités historiques soit l’occasion de repenser nos outils en matière de revitalisation des centres. J’ai proposé au Premier ministre, en lien avec ma collègue en charge du logement, qu’une mission soit constituée sur ce sujet de préoccupation majeure pour de nombreux élus et pour beaucoup de nos concitoyens des villes moyennes et rurales.
Il ne s’agit donc plus seulement d’élargir la protection du patrimoine, comme on l’a fait jusqu’à présent, mais de la renforcer, en la clarifiant et en la rendant plus lisible. La clarification seule suffirait, en effet, à la rendre plus efficace : elle facilitera le travail des élus et raffermira l’accompagnement de l’État. La lisibilité seule suffirait à faire grandir l’intérêt et l’attachement que nous portons à cet héritage : plus le patrimoine sera identifiable, plus il sera attractif. Nous ferons les deux !
Tels sont les motifs qui ont conduit le Gouvernement à proposer au législateur la création des cités historiques. À l’entrée en vigueur de la loi, la France devrait en compter plus de 800. D’autres, je l’espère, viendront s’y ajouter par la suite.
Toute clarification suscite des inquiétudes. Les élus locaux en ont exprimé. Vos débats en commission en ont été le reflet. Qui ne le comprendrait pas ?
Il faut dire que, en la matière, bien des dispositions prises par le passé ont échaudé plus d’un élu. N’est-ce pas la loi dite « Grenelle II » qui condamnait déjà toutes les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager – les ZPPAUP – non encore transformées en aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine – AVAP – à disparaître ? Au 14 juillet 2016, plus de 600 auraient été concernées.
La première de vos inquiétudes fut sémantique. Vous vous êtes préoccupés de savoir si le terme de « cité historique » pouvait adéquatement recouvrir le patrimoine protégé. À cette première interrogation, je laisse l’histoire et le bon sens répondre à ma place.
L’histoire parle d’elle-même, en effet. N’est-ce pas depuis la fin du XIV
Chroniques
Son Excellence Eugène Rougon
Si toute ville est donc une cité, toute cité n’est pas nécessairement une ville. Un hameau ou un ensemble bâti peut parfaitement revendiquer ce titre. Vouloir le leur attribuer, ce n’est qu’être fidèle à l’étymologie !
Mais le terme n’évoque que le bâti !
Mme Françoise Férat,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Quant au bon sens, il devrait nous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, de la nécessité impérieuse de renoncer aux acronymes.
Mme Fleur Pellerin,
Si j’ai proposé le terme de « cité historique », c’est parce que je veux que le patrimoine soit toujours plus visible aux yeux de nos concitoyens. C’est parce que je veux qu’ils se l’approprient davantage encore. C’est parce que je veux qu’ils reconnaissent la valeur des cités historiques, comme ils reconnaissent celle des monuments historiques.
Il est déjà rare que les sigles fédèrent les foules. En la matière, AVAP et ZPPAUP comptaient sans doute parmi les plus abscons et les plus méconnus du grand public… Je vous laisse juge et nous reviendrons sur la question de savoir si l’appellation de « site patrimonial protégé », qu’a retenue votre rapporteur, répond à ces objectifs. La charge poétique comparée des « SPP » et des « cités historiques » me semble de nature à vous convaincre.
À côté de l’inquiétude sémantique, s’est exprimée une préoccupation d’un autre ordre. Au terme de cette réforme, se sont interrogés les élus locaux, l’accompagnement de l’État sera-t-il toujours de même ampleur, condition nécessaire pour que la protection du patrimoine soit absolument garantie ?
À cette question, je réponds oui, sans hésiter.
Oui, l’État continuera d’être aux côtés des élus des territoires,
Non, l’État n’abandonnera ni les collectivités ni le patrimoine – bien au contraire. Toutefois, on ne bâtit pas une telle réforme sans les élus locaux. S’ils ne la portent pas avec nous, s’ils ne s’y reconnaissent pas, elle ne peut donner le moindre fruit.
A fortiori
A fortiori
Je suis donc attentive aux solutions qui viennent des territoires et qui sont susceptibles d’améliorer l’efficacité du texte. De fait, pour les cités historiques ou les parties de cité historique qui ne seront pas concernées par un plan de sauvegarde et de mise en valeur, Mme Férat suggère la création d’un plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine qui serait annexé au plan local d’urbanisme. Cette solution permet, selon elle, de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées. Je suis prête à travailler en ce sens.
J’ai donc proposé un amendement qui tend à s’appuyer sur cette proposition, tout en procédant aux ajustements qui me semblent nécessaires. Je vous invite à vous y rallier et je suis prête à reprendre certaines des évolutions que vous avez souhaitées.
Merci, madame la ministre !
Mme Sylvie Robert.
Sur ce point, il me semble que tout est réuni pour que nous puissions bâtir un compromis transpartisan.
Mme Fleur Pellerin,
Sur d’autres points en revanche, votre commission et la majorité sénatoriale n’ont pas fait preuve de la même clairvoyance, et nos désaccords demeurent. Je pense en particulier à l’archéologie préventive. Notre politique en la matière est aujourd’hui déséquilibrée, l’excellent rapport de la députée Martine Faure l’a bien montré.
En renforçant les hauts standards scientifiques de notre archéologie préventive, le projet issu des débats de l’Assemblée nationale visait précisément à rétablir l’équilibre. Il y parvenait en confortant dans leur rôle chacun des acteurs, tout en clarifiant leurs périmètres d’intervention respectifs, et assurait cet équilibre en garantissant le caractère scientifique des fouilles qu’ils conduisent.
Je rappelle notamment que le texte initial du projet de loi reconnaissait la participation des services archéologiques des collectivités territoriales au service public de l’archéologie préventive et confortait leur action par une habilitation pérenne, au lieu d’un simple agrément, sans remettre en cause le rôle des sociétés privées qui ont toute leur place, je veux le dire ici, dans l’archéologie préventive. J’espère donc bien vous convaincre de revenir à la rédaction initiale.
Un mot encore, pour en finir avec cette évocation du patrimoine. Si nous nous attachons autant à le mettre en valeur, c’est parce qu’il participe à l’attractivité et à la vie culturelle de nos territoires, je l’ai évoqué, mais c’est aussi parce qu’il fait figure de point de repère, de permanence, dans un monde en perpétuel mouvement.
Pour autant, si nous regardons avec autant d’intérêt les vestiges du passé, ce n’est pas pour y retourner. Si nous accordons autant de place au passé, ce n’est pas pour le ressusciter, dans une version mythifiée et figée à jamais, comme certains, aujourd’hui, cherchent à le faire.
Si nous sauvegardons le patrimoine, c’est parce qu’il nous rappelle que des hommes sont passés avant nous et que d’autres viendront après nous. Si nous préservons l’héritage, c’est parce qu’il nous rappelle que nous sommes mortels et qu’il nous faut lutter contre ceux qui prétendent édifier – ou relever, c’est selon – une France éternelle qui n’a jamais existé que dans leurs fantasmes les plus fous et les plus dangereux.
Ne faisons donc pas de la protection du patrimoine un prétexte pour cadenasser l’avenir. Ne laissons pas le patrimoine à ceux qui s’en servent pour mieux fustiger la création contemporaine. Préservons l’héritage, tout en demeurant plus que jamais ouverts à l’invention et à la créativité. Qui contesterait aujourd’hui que le Louvre fut rehaussé dans sa splendeur par la pyramide de Pei ?
Être attentif au passé, être ouvert à l’avenir : telle est l’ambition du Gouvernement, et c’est pourquoi celui-ci a souhaité rassembler création et patrimoine en un même texte ; tel est le combat qu’il mène, et c’est pourquoi il a souhaité que l’article 1
Je ne puis donc que me réjouir du vote conforme de votre commission. On a parfois reproché à cet article, y compris dans cet hémicycle, de ne pas être normatif ; on lui a parfois reproché sa sobriété. Pourtant, la puissance d’une loi, vous le savez mieux que moi, ne se mesure pas à la jurisprudence qu’elle va créer. Une loi n’est pas toujours là pour contraindre ; elle est aussi là pour rendre possible.
Cette loi confortera donc la France comme un pays où l’art et la création ont une place singulière. Cette loi consacrera la France comme un pays où le politique ne dicte pas sa loi à l’artistique et ne laisse aucune prise à ceux qui auraient l’intention de le faire. Cette liberté nouvelle n’a d’intérêt, bien sûr, que s’il existe un espace pour l’exercer.
Puisque nous avons longuement évoqué le bâti et sa préservation, vous m’autoriserez à y revenir, pour évoquer le bâti et son innovation. Je veux parler, bien sûr, de l’architecture. Sur ce point encore, je ne peux que déplorer le sort que votre commission a réservé à la plus grande liberté que nous avions offerte aux architectes.
Vous revendiquez votre attachement à une création artistique libre, mais vous refusez d’accorder aux architectes la liberté d’expérimenter dans des conditions pourtant encadrées. Vous vous inquiétez de ce que les périphéries et les entrées de villes finissent par se confondre, tant elles sont uniformes, et vous refusez que les architectes interviennent davantage dans les constructions individuelles pour les petites surfaces…
Malraux lui-même, en présentant la loi de 1962, récusait tous ceux qui se vantaient d’être des défenseurs du patrimoine en construisant du neuf à l’ancienne. Il invitait, déjà, lorsqu’il s’agissait de bâti nouveau, à choisir la modernité, car, disait-il, « quand l’ancien entre en jeu, la reconstruction aboutit inévitablement à l’ersatz ». Nous aurons un débat dans cet hémicycle et j’espère que, dans ce débat, c’est à Malraux, dont vous vous revendiquez souvent, que vous resterez fidèles.
Comme les architectes, les artistes ont besoin de conditions propices et durables pour oser créer en toute liberté. Or, c’est un fait avéré, le numérique et la mondialisation les transforment. Ces grandes mutations modifient notamment en profondeur les relations entre les acteurs – artistes, producteurs, diffuseurs ou distributeurs.
Dès lors, posons la question : quelles dispositions doivent être modernisées pour garantir aux artistes des conditions pérennes, favorables à la création ? Quelles dispositions faut-il, au contraire, réaffirmer et compléter ?
En la matière, je revendique une méthode : encourager des négociations entre les acteurs, car ils sont les mieux à même de déterminer ce qui leur est collectivement le plus profitable. On aura donc recours à la loi uniquement lorsque la nécessité l’impose : soit pour entériner des accords, soit pour endosser une responsabilité que les parties prenantes n’auront pas voulu assumer, comme je l’ai fait sur le livre.
C’est en ayant l’ensemble de ce processus à l’esprit, y compris les combats que je mène au sein des instances communautaires en faveur du droit d’auteur, y compris ceux que je poursuis contre l’offre illégale, que je vous invite par conséquent à examiner ce texte et à juger des amendements qui vous sont proposés par votre rapporteur.
Ainsi, pour rééquilibrer les relations entre les artistes et les producteurs de cinéma à l’ère du numérique, nous avons adapté nos dispositions pour que ces relations soient plus transparentes. À ce titre, je ne peux que me réjouir que, sur l’initiative de David Assouline et du groupe socialiste, vous ayez transposé à l’audiovisuel ce que les députés ont adopté pour le cinéma, car c’est un réel progrès.
En revanche, pour ce qui relève des relations entre les producteurs et les diffuseurs, des négociations sont en cours, après qu’un premier accord, attendu depuis longtemps, a été conclu entre France Télévisions et les producteurs. Tout ce qui viendrait déséquilibrer ces négociations ou prendre les acteurs au dépourvu doit donc être évité. C’est pourquoi je ne puis qu’être en désaccord avec les amendements adoptés par la commission à ce sujet, sur l’initiative de votre rapporteur.
De même, c’est la transparence que nous avons privilégiée pour rééquilibrer les relations entre artistes-interprètes et producteurs de musique, d’une part, et entre producteurs et plateformes de musique en ligne, d’autre part.
Ainsi, le développement équitable de la musique en ligne a fait l’objet d’un accord signé par de très nombreuses organisations de la filière musicale, sous la houlette de Marc Schwartz. Là aussi, d’autres négociations sont en cours et elles sont d’ailleurs suivies de près à l’étranger, car cet accord n’a pas de précédent. Il importe donc, là encore, de ne rien faire qui pourrait déséquilibrer ces négociations.
Je regrette, en revanche, que vous refusiez d’étendre la licence légale au webcasting linéaire qui ne présente aucune difficulté, dans la mesure où nous ne faisons qu’appliquer le principe de la neutralité technologique. J’espère vous convaincre de revenir sur votre décision.
Les dispositions qui régissent le cinéma, l’audiovisuel et la musique ont donc besoin d’être modernisées, parce qu’elles sont exposées au premier chef aux mutations numériques et à la globalisation. D’autres, au contraire, ont besoin d’être affirmées ou complétées.
Il s’agit tout d’abord la liberté de programmation et la liberté de diffusion. Elles sont le fondement de notre histoire, elles font notre fierté et, sans elles, aucune vie culturelle ne serait possible ; plus que jamais, il importe de les préserver. Je suis donc extrêmement attentive à ce que ces libertés soient garanties.
Toutes les dispositions qui offrent un cadre pérenne à l’intervention publique en matière culturelle ont aussi besoin d’être affirmées.
Ce sont les labels, auxquels il est nécessaire de donner une base juridique indiscutable.
Ce sont les droits sociaux, qu’il s’agit d’ouvrir aux professions du cirque et de la marionnette, après que le régime de l’intermittence a été sanctuarisé dans la loi relative au dialogue social et à l’emploi.
C’est la formation des artistes en devenir, dans nos établissements d’enseignement supérieur culturel, dans les classes préparatoires publiques aux écoles d’art, qui seront désormais reconnues par agrément, et dans les classes préparatoires à l’enseignement supérieur du spectacle vivant, qui remplacent les cycles d’enseignement professionnel initial, les CEPI.
C’est le caractère inaliénable des collections publiques, que nous vous proposons de conférer à celles des Fonds régionaux d’art contemporain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez donc compris : mon souci est de donner aux artistes la possibilité de créer librement dans cet environnement nouveau, en prenant les dispositions et en confortant les moyens qui s’imposent. Il est de permettre aux acteurs culturels, qui travaillent avec eux, d’exercer leur métier dans un environnement sécurisé. Il est de soutenir l’emploi dans ce secteur et de donner de meilleures garanties aux artistes professionnels. Il est de renforcer la protection du patrimoine, au bénéfice de tous.
Parce que tout doit être fait pour qu’une vie culturelle riche et diversifiée soit offerte aux Français, parce que mon objectif ultime reste la participation de tous nos concitoyens à la vie culturelle, j’assume que cet objectif imprègne ce texte dans sa globalité et que beaucoup de dispositions concourent à faciliter sa réalisation dans ce contexte nouveau.
Je pense à la réforme de l’exception au droit d’auteur pour faciliter l’accès à la lecture des personnes en situation de handicap, dont je me réjouis qu’elle fasse consensus. Je pense aussi à l’affirmation de l’éducation artistique et culturelle comme axe majeur de nos politiques culturelles.
Cependant, j’espère que, sur deux dispositions particulières, nos points de vue convergeront au cours du débat. Je veux parler de la réforme des conservatoires et de la reconnaissance des pratiques amateurs, parce qu’il s’agit du quotidien culturel des Français.
C’est grâce à un réseau très important de conservatoires, unique en Europe, que nos enfants ont accès à une formation et à une pratique artistique exigeantes. Nous l’avons d’ailleurs très souvent évoqué avec Catherine Morin-Desailly. Celle-ci sait combien, dès mon arrivée rue de Valois, je m’en suis particulièrement préoccupée.
Mon ambition est de faire de l’enseignement artistique spécialisé, de la pratique artistique collective, de la formation des amateurs dans les conservatoires, un moyen de renforcer la participation de tous les jeunes à la culture et de leur offrir une éducation artistique et culturelle de qualité.
J’ai souhaité conforter les grands principes de la loi de 2004 et confirmer la répartition des missions entre les collectivités territoriales et l’État. J’ai souhaité réengager l’État dans le financement des conservatoires, pour que les actions de ces derniers puissent aller encore plus loin, pour tous les enfants, dans tous les territoires, vers une plus grande diversité.
Toutefois, c’est aussi en amateurs que les Français pratiquent les arts et la culture : quelque douze millions d’entre eux le font de manière régulière. Comment ne pas vouloir les accompagner ? Comment ne pas vouloir lever le flou juridique auquel se heurtent chaque jour des spectacles amateurs ou professionnels ? Là encore, il s’agit de nous adapter à ces conditions nouvelles dans lesquelles les Français participent à la vie culturelle, tout en préservant et en renforçant l’emploi professionnel, qui reste notre priorité.
Je sais le Sénat très soucieux de défendre ces avancées et, en particulier, Maryvonne Blondin et Sylvie Robert très attachées, comme moi, à promouvoir une culture de la participation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est rien de moins que l’avenir de la vie culturelle de la France qui est entre vos mains aujourd’hui ; l’avenir de son patrimoine, que vous pouvez choisir de protéger mieux ; l’avenir de ses territoires, que vous pouvez choisir de mettre davantage en valeur ; l’avenir de ses artistes et de ses architectes, auxquels vous pouvez choisir d’accorder de nouvelles libertés ; l’avenir de ses professionnels de la culture, auxquels vous pouvez apporter le soutien dont ils ont besoin pour accompagner les créateurs dans leur travail ; l’avenir des Français, enfin, qui ne cessent de chercher dans la vie culturelle ces liens qui nous unissent, qui nous rassemblent, qui nous élèvent et qui font aussi de nous des citoyens.
Dans cette époque de grandes mutations, où numérique et mondialisation se conjuguent, le terrain sur lequel nous avons bâti nos politiques culturelles est en train de changer. Ce texte nous donne les moyens de nous y adapter.
Ce texte conforte la place que notre pays accorde aux artistes, il témoigne de la confiance qui leur est faite pour raconter le monde d’aujourd’hui et imaginer celui de demain. Prenons-en toute la mesure ! Permettons aux générations qui viennent de prendre part à une vie culturelle toujours aussi diverse, toujours aussi intense, toujours aussi propice à nourrir leur curiosité ! Car, en elle, ils trouveront de quoi faire face aux turbulences du monde.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, enfin ! Enfin, ce texte tant attendu, annoncé depuis le début du quinquennat, arrive devant notre assemblée.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
On nous avait annoncé, successivement, une grande loi sur le spectacle vivant, une autre loi pour remplacer la loi HADOPI, une grande loi sur le patrimoine, une grande loi sur la création, et nous voilà avec un « projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine », un texte fusionné, protéiforme et, convenons-en, terriblement touffu.
En termes de méthode, notre commission de la culture a pu regretter la multiplication des amendements du Gouvernement introduisant des dispositifs totalement nouveaux, la quantité de demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances,…
Encore ! On ne fait plus que cela !
M. Charles Revet.
… ainsi que la prolifération des articles demandant des rapports au Gouvernement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Texte touffu, disais-je, avec, comme étendard, son article 1
À cet article 1
Dans le domaine de l’audiovisuel, nous avons proposé, d’une part, de faire passer à 60 % au minimum la part de production indépendante, et, d’autre part, de définir le critère de l’indépendance à l’aune de la seule détention capitalistique.
Sur le sujet de la copie privée, nous avons adopté diverses mesures en faveur d’une plus grande transparence et d’une meilleure gouvernance de la Commission pour la rémunération de la copie privée.
S’agissant des web radios, nous proposons la suppression du dispositif, compte tenu des trop grandes incertitudes qui demeurent quant aux incidences d’une telle réforme.
Concernant les conservatoires, nous inspirant largement des travaux de notre présidente, Catherine Morin-Desailly, en particulier de la récente proposition de loi de cette dernière, nous avons clarifié la répartition des compétences entre collectivités, afin que la région assume un véritable rôle de chef de file.
Par ailleurs, au sujet du droit de suite, nous avons ouvert la possibilité à un auteur d’œuvres d’art graphiques et plastiques, en l’absence de tout héritier réservataire, de léguer son droit de suite à un musée ou à une association ou fondation culturelle.
Enfin, dans le domaine du soutien à la création, nous proposons un dispositif innovant en faveur du mécénat territorial.
Je n’ai abordé là que quelques-uns des apports les plus marquants de notre commission. Je n’irai pas plus loin, le temps qui m’est imparti étant réduit. J’aurai l’occasion, au cours du débat qui va s’engager entre nous, de développer plus avant toute la richesse de nos propositions.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)
La parole est à Mme la rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsqu’elle a examiné le titre II du projet de loi, qui comporte les dispositions relatives au patrimoine culturel et à la promotion de l’architecture, notre commission a travaillé dans un esprit de compromis, constructif et pragmatique. Nous avons œuvré pour apporter des améliorations de bon sens, en recherchant toujours la concision et la simplification.
Mme Françoise Férat,
rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Il en va ainsi de la réforme des espaces protégés au titre du patrimoine. Nous ne l’avons pas rejetée en bloc, mais nous l’avons profondément modifiée, en gardant à l’esprit deux exigences.
D’une part, nous avons souhaité assurer la lisibilité des dispositifs sans mettre en cause la protection du patrimoine. Ainsi, notre commission a changé l’appellation « cité historique » en « site patrimonial protégé ». Nous avons également préféré abandonner le recours au PLU au profit d’un document plus stable et plus complet. Nos amendements visent à renforcer le rôle de la commission nationale, garante de l’intérêt public et de l’unité de la protection du patrimoine sur notre territoire.
D’autre part, nous avons voulu préserver les intérêts des collectivités territoriales. Celles-ci ont exprimé le souhait de disposer d’un cadre juridique stable et lisible, mais également d’être accompagnées et de ne pas se voir imposer des contraintes excessives. Nous les avons entendues, et c’est à cette fin que nous avons renforcé le rôle de l’État et rétabli des dispositions que le projet de loi entendait remettre en cause, comme l’élaboration conjointe des PSMV, les plans de sauvegarde et de mise en valeur.
C’est dans cet esprit que nous avons abordé la partie consacrée à l’architecture. Nous avons maintenu les dispositions originelles du projet de loi, notamment celles qui visent les CAUE, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, ou qui ont trait au fonctionnement interne de l’ordre, et modifié celles qui sont relatives à la lutte contre les signatures de complaisance ou à l’amélioration de la qualité architecturale des lotissements.
Toutefois, nous avons supprimé les articles qui allaient à l’encontre des exigences de simplification ou qui avaient pour effet de pénaliser nos concitoyens, à l’instar de l’article concernant l’abaissement du seuil d’intervention de l’architecte.
En ce qui concerne l’archéologie préventive, nous approuvons l’instauration d’une présomption de propriété publique sur les biens archéologiques mobiliers qui présentent un intérêt scientifique. En revanche, nous sommes opposés aux dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, qui, sous prétexte d’améliorer la qualité scientifique de l’archéologie préventive, renforcent le contrôle de l’État sur les opérateurs de droit public ou privé soumis à agrément et sur le déroulement des opérations de fouilles, avec l’objectif affiché de restreindre l’ouverture à la concurrence du secteur de l’archéologie préventive au seul bénéfice de l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives.
Incroyable !
M. Charles Revet.
Qui serait assez naïf pour croire que la notation du volet scientifique de toutes les offres n’a pas pour but d’imposer un choix à l’aménageur, d’autant que,
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Évidemment !
M. Éric Doligé.
Ce soupçon se confirme encore un peu plus lorsque l’on sait que le Gouvernement prévoit de renforcer les services chargés de contrôler les offres et de noter les projets scientifiques par des agents de l’INRAP.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Néanmoins, au-delà de notre opposition sur l’archéologie préventive, vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, notre commission a apporté des améliorations notables à ce texte, pour assurer sa pérennité. C’est dans le même esprit de compromis et d’ouverture que nous examinerons les nombreux amendements extérieurs.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, grand millésime ou petite année ? À l’évidence, ni l’un ni l’autre !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Comme l’ont souligné plusieurs membres de notre commission lors de l’examen du texte, il s’agit plutôt d’une bouteille à moitié vide, ou à moitié pleine. Tel apparaît en effet le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis, un projet de loi maintes fois annoncé, qui, à force d’être différé, est devenu un peu un texte à tiroirs et dont on a peine à voir le fil conducteur.
À titre personnel, et j’ai eu l’occasion de le dire dans mon rapport pour avis sur la loi NOTRe, j’aurais aimé que celle-ci soit une vraie loi de décentralisation, qui, dans le domaine qui nous concerne, précise de nouveau les missions de l’État et celles des collectivités territoriales, puis qu’elle soit suivie de lois-cadres définies sur la création, d’une part, et sur le patrimoine et l’architecture, d’autre part. Je pense que nous y aurions gagné en lisibilité et en cohérence.
C’est peu dire que ce projet de loi suscite un sentiment mitigé, entre mesures bienvenues ou nécessaires, traduisant souvent des accords interprofessionnels – je pense notamment aux dispositions relatives à la musique – et modifications plus contestables – par exemple la réforme en profondeur de l’archéologie préventive – ou notoirement insuffisantes.
Je n’oublie pas l’ouverture par l’Assemblée nationale de nombreux nouveaux chantiers, ce dont je remercie nos collègues députés, au moins pour certains d’entre eux, en particulier celui sur les enseignements artistiques spécialisés. Cet oubli dans le texte initial était d’autant plus regrettable que les établissements concernés vivent depuis 2004 une crise institutionnelle, doublée ces dernières années d’une crise financière, qui est loin, hélas, d’être terminée.
Depuis la loi de 1977, le Parlement n’avait pas eu à examiner les questions relatives à l’architecture. Près de quarante ans plus tard, il était donc utile de réfléchir au rôle de l’architecte dans la cité. Certains ajouts dus à l’Assemblée nationale, notamment à son rapporteur, et relatifs à l’architecture font l’unanimité, tandis que d’autres, qui font davantage débat, seront sans doute très discutés dans les jours à venir.
Il est difficile, dans ces conditions, de porter un jugement sur ce texte. Beaucoup d’acteurs s’en sont perçus comme les grands oubliés, parfois injustement, dans la mesure où tout ne passe pas par la loi.
C’est pourquoi, sans esprit polémique, madame la ministre, notre commission, sur l’initiative de nos deux rapporteurs, François Férat et Jean-Pierre Leleux, dont je tiens à saluer le travail très approfondi, mais également de ses autres membres, s’est efforcée de clarifier le texte. Elle a adopté 34 articles sans modification et plusieurs autres ont été modifiés pour de simples questions de coordination ou des corrections mineures.
Pour une fois, nous ne sommes pas exposés à la brutalité de la procédure accélérée, ce dont nous nous réjouissons, car cela devrait nous permettre de rapprocher les points de vue, notamment en matière de protection du patrimoine, où nous avons réussi à bâtir, je crois pouvoir le dire ici, un système équilibré entre liberté des collectivités territoriales et protection efficace et simplifiée. Nous avons ainsi levé les légitimes inquiétudes qui s’étaient exprimées, et pas seulement celles des associations de défense du patrimoine.
Notre commission a également estimé utile d’enrichir le texte, afin, en particulier, de soutenir la création. Le nombre des amendements déposés montre combien notre rapporteur a eu raison de proposer que le droit de suite puisse être dévolu aux musées et fondations.
Les dispositions que nous avons adoptées afin de clarifier les relations entre producteurs et distributeurs sont plus controversées et pourraient évoluer au fil de la navette parlementaire. Elles ont le mérite de lancer un débat plus que nécessaire : le monde bouge et la mutation numérique entraîne des recompositions ; il faut y réfléchir.
Tout à fait !
M. Michel Savin.
Nos apports montrent en tout cas que le Sénat est aujourd’hui au rendez-vous pour prendre toute sa part dans l’élaboration d’un texte qui, sans être une grande loi, nous en sommes tous conscients, constitue une chance à saisir pour que vive, dans un monde en profonde mutation, l’exception culturelle à laquelle nous sommes tous très attachés.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Au-delà des divergences d’appréciation, une chose est sûre : dans ces temps troublés, où le fanatisme et l’obscurantisme frappent de manière effroyablement barbare salles de concert, rédactions de presse, sites archéologiques ou musées, et surtout ceux qui y travaillent ou qui les fréquentent, notre objectif doit être de réaffirmer le bien-fondé de la culture comme partie prenante de notre démocratie.
Comme le soulignait Didier Hallépée, écrivain français, auteur récemment décédé d’ouvrages plutôt techniques : « Notre culture […] s’inscrit dans deux besoins intrinsèques de l’être humain : la soif d’apprendre, la soif de transmettre. […] Besoins sans lesquels l’espèce humaine n’aurait pas parcouru le long chemin qui l’a menée de la Préhistoire jusqu’à nos civilisations modernes. »
Plus que jamais, mes chers collègues, nous devons répondre à ces besoins, car la culture n’existe pas pour elle-même : la culture est, avant tout, du développement humain.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.)
La parole est à M. David Assouline.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous entamons au Sénat un débat sur une loi trop longtemps attendue.
M. David Assouline.
Ce texte était attendu, certes, parce que les sujets qu’elle traite méritaient des réponses législatives, mais, surtout, parce que le contexte actuel, dominé par des attaques terroristes contre notre mode de vie en société, mais aussi par une remise en cause de nos valeurs républicaines et de la laïcité, qui nous permettent de vivre ensemble, comme par le chômage de masse, qui mine le lien social, appelait également une réponse culturelle.
C’est notre culture qui est visée, dans ce qu’elle est et ce qu’elle a de magnifique, ce concentré de valeurs universalistes, d’expressions et de représentations qui ont infusé au fil des siècles et les territoires de notre pays, d’apports ininterrompus de tous ceux qui sont venus le peupler et s’y installer ; c’est bien cela qui est la cible particulière des terroristes.
Ils tuent des dessinateurs caricaturistes ou des amoureux de musique dans un concert au Bataclan ; ils tirent sur des terrasses de l’Est Parisien, assassinent des Juifs parce qu’ils sont juifs, dans la France du « J’accuse » de Zola, ou détruisent des trésors archéologiques, patrimoines de l’humanité, brûlent des livres, interdisent des poèmes, des films, des chants et des musiques.
C’est aussi la culture qui est ciblée de plus en plus fréquemment par les intolérants et les extrémistes, qui, en Europe et dans notre pays, saccagent des œuvres et des expositions ou empêchent des représentations au nom de leur idéologie d’exclusion.
La culture est ciblée, mais c’est aussi par la culture que nous devons répondre, par la création, par l’art – tous les arts –, par la défense de notre patrimoine, de tous nos patrimoines.
Plus généralement, je pense que nous devons être capables de redonner du sens à la politique par la culture, et non par l’énoncé sans âme de chiffres et de statistiques économiques.
Dans ce moment où le lien social se délite, où un nombre grandissant de nos concitoyens vit dans la précarité et où la tentation éternelle d’accuser l’autre de ses difficultés de vivre envahit l’espace social et politique, s’émerveiller au plus profond de soi, mais comme tant d’autres, devant une peinture, être bouleversé par un film dans l’obscurité d’une salle, reprendre en chœur par milliers le refrain d’une chanson dans un concert, prendre plaisir à déguster les mots d’un auteur d’il y a plusieurs siècles ou d’un contemporain, par la lecture ou pendant une représentation théâtrale, ou danser sur des rythmes et des musiques qui viennent de tous les continents et de tous les temps, tel est l’antidote à la barbarie, à la haine et à l’ignorance, engrais des moissons de poison.
Oui, parce qu’aujourd’hui nous traversons des crises multiples, notamment des crises terroriste, économique et civique, aujourd’hui moins que jamais, la culture est un supplément d’âme. La culture est notre âme ! Dès lors, nous devons lui redonner toute sa place dans le projet républicain : nous devons être capables de la valoriser, de lui redonner toute sa force, tout son rayonnement et toute sa capacité dynamique d’évocation, de sublimation, d’entraînement, d’utopie, de contestation et de partage d’émotions à nul autre pareil.
Madame la ministre, mes chers collègues, la bataille culturelle pour les valeurs de la République doit être aussi un combat de la République pour la culture !
Le projet de loi que défend Mme la ministre, largement amendé à l’Assemblée nationale, est une pierre importante dans ce combat : il affirme résolument la place de l’art et de la culture dans la République, relance l’éducation artistique, renforce la protection du patrimoine et apporte, enfin, une première réponse à la révolution numérique qui a bouleversé les pratiques artistiques et culturelles.
Grâce à ce texte, les artistes seront mieux protégés et, surtout, mieux rémunérés, par des règles précises et transparentes dans les secteurs musical et cinématographique. En outre, la diversité culturelle et les pratiques amateurs bénéficieront désormais d’une reconnaissance législative, tandis que la libre création des œuvres et la libre programmation des spectacles seront des biens communs garantis par la loi.
Surtout, madame la ministre, vous avez tenu à affirmer avec force dès l’article 1
Pour aller dans votre sens, nous proposerons d’introduire après l’article 1
De fait, chacun sait que, dans le contexte actuel de la mondialisation, de la financiarisation de l’économie, de la gigantesque révolution technologique du numérique, du bouleversement de l’offre et des usages et de la tendance à la concentration de la diffusion de la création entre les mains d’un petit nombre de grands acteurs qui contrôlent souvent toute la chaîne d’un secteur, la diffusion de la création est de moins en moins libre, en dépit de toutes les apparences, car l’abondance de l’offre, des supports et des consommateurs qui peuvent recevoir l’offre ne garantit pas la diversité de celle-ci.
De ce point de vue, aucun secteur n’est épargné : ni la création audiovisuelle ou cinématographique, ni la musique, ni le spectacle vivant, ni même le livre ou les arts visuels. À tel point que, pour que la création soit libre, c’est aujourd’hui sa diffusion qui doit être libérée. Comment ? En la régulant, pour s’assurer que ni le contenu de la création, ni son exposition, ni son financement ne sont touchés par l’uniformisation, qui est la négation de la création artistique.
Or, comme toujours, le marché fait son œuvre, mais sa seule logique, brutale parce que guidée avant tout par la recherche du profit maximum et par le rapport de forces financier et économique, ne permet pas de préserver ni de promouvoir la diversité et la qualité de l’offre créative, qui sont au cœur de l’exception culturelle que la France défend avec constance, et souvent avec succès, dans toutes les enceintes de la délibération, de la négociation et de la gouvernance internationales.
Ainsi, la France a obtenu que les biens culturels soient retirés de la négociation du traité transatlantique, et nous avons marqué des points encourageants, qui ne doivent pas nous conduire à relâcher notre vigilance, sur la directive Droit d’auteur, en préparation au niveau européen.
Cette tendance à la concentration a pour conséquence le délitement de cette exception culturelle, qui était au cœur du consensus républicain sur la culture, ainsi que l’effacement progressif du citoyen au profit du consommateur.
L’exception culturelle, chacun certes se sent obligé de s’y référer, et cela n’est pas à négliger, mais ce qui domine dans le monde et submerge les digues que nous avions patiemment construites, c’est la transformation de la culture en une marchandise comme les autres. Or cette conception mine les deux grandes ambitions culturelles de la République, intimement liées et dépendantes l’une de l’autre : l’égalité d’accès des citoyens aux œuvres artistiques dans tous les domaines ; la protection de la liberté de création et des créateurs, ainsi que l’aide à tous deux.
Nous savons que les « industries culturelles », comme l’on dit aujourd’hui, de façon à mon sens impropre
(M. Michel Le Scouarnec opine.)
Pour ce faire, de justes rémunérations doivent être servies à chaque étape de la chaîne, car la captation de la valeur par quelques grands acteurs connus qui s’émancipent de l’équité fiscale comme des protections du droit d’auteur, au premier rang desquels Google, Amazon, Facebook et Apple, met en péril les créateurs, qui sont au fondement de tout.
Il faut aussi veiller à la diversité et à l’indépendance des contenus proposés. C’est pourquoi nous n’entendons pas laisser à l’écart du projet de loi les questions qui touchent à l’audiovisuel et aux rapports producteurs-diffuseurs, ni celles qui sont liées à l’indépendance des rédactions et des productions des groupes de l’audiovisuel privé vis-à-vis de leurs actionnaires, lesquels, du reste, en vertu d’une particularité française qui n’est pas à notre avantage, ont souvent peu à voir avec le monde de la création et de l’information, ni d’ailleurs avec celui des médias en général.
Dans cet esprit, nous défendrons des amendements visant à compléter le projet de loi initial du Gouvernement, notamment en matière d’indépendance des rédactions et des producteurs, ou à corriger des excès issus des travaux de notre commission et du rapporteur Jean-Pierre Leleux ; je pense en particulier aux dispositions relatives aux rapports entre les producteurs indépendants et les diffuseurs, dont l’application, en l’état actuel de leur rédaction, reviendrait à tuer tout le tissu de la production indépendante, tel qu’il existe aujourd’hui.
Par ailleurs, nous tenons à défendre le maintien dans le projet de loi des dispositions qui sont issues de nos amendements adoptés par la commission en ce qui concerne la redevance pour copie privée et le renforcement de la transparence dans les domaines de l’audiovisuel et du cinéma, aux fins de garantir de justes rémunérations aux auteurs et aux artistes.
Sur les questions importantes se rapportant à l’archéologie préventive, à l’architecture et à la défense du patrimoine, nous soutiendrons toutes les mesures qui iront dans le sens d’une modernisation, tout en préservant la philosophie et les dispositifs qui ont fait leurs preuves, des dispositifs souvent engagés et conçus d'ailleurs sous l’impulsion de notre ami et ancien collègue Yves Dauge. En d’autres termes, il n’est question ni de brader la qualité et la bonne harmonie des relations entre l’État et les collectivités territoriales, ni de faire prévaloir, s’agissant de notre patrimoine, une logique privée libérale au détriment du rôle de l’État, garant de la conservation de nos trésors patrimoniaux.
Madame la ministre, mes chers collègues, après l’inscription dans la loi du régime spécifique des intermittents du spectacle, après des arbitrages budgétaires se traduisant par des crédits enfin en augmentation et après l’engagement de l’État à travers des pactes culturels conclus avec les collectivités territoriales, le présent projet de loi concrétise l’engagement du Gouvernement et de la gauche en faveur des artistes et de la création artistique, ainsi que de la relance d’une politique de défense et de promotion de notre patrimoine.
Nous le soutenons et nous essaierons de l’améliorer en séance, comme nous avons commencé de le faire en commission sur des sujets importants. Nous espérons voter en sa faveur, pourvu, bien entendu, que nos délibérations n’aient pas conduit à le dénaturer !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, voici enfin, en un seul texte, le projet tant attendu sur la culture, le beau projet que les artistes appellent de leurs vœux, le nécessaire projet qui doit garantir l’engagement de l’État et des collectivités territoriales vis-à-vis d’une société pleine d’incertitudes.
Mme Marie-Christine Blandin.
La culture donne à comprendre et à ressentir le monde tel qu’il est, tel qu’il peut devenir et aussi tel qu’il fut. La création se nourrit de la sensibilité aiguisée des artistes et utilise toutes les voies sensibles pour nous faire entrer en émotion : grâce à elle, nous rions, nous rêvons, nous nous révoltons, nous sommes déstabilisés, nous partageons des réflexions, nous rencontrons les autres.
Qui ne se souvient d’un concert qui l’a enthousiasmé, d’un livre ou d’un film qu’il a voulu partager avec ses amis, ses voisins ou ses collègues ? Qui ne s’est pas lui-même étonné de l’effet intime et profond que produisait en lui ou en elle un tableau découvert dans un musée ou une sculpture rencontrée dans l’espace public ? Qui n’est pas ressorti ébloui d’un cirque ou d’une exposition ? Qui n’a jamais eu ses certitudes ébranlées à la sortie d’une pièce de théâtre ?
La France de 2015, parcourue par des frissons d’effroi, par des élans de compassion, par de bonnes résolutions, est aussi traversée par quelques relents xénophobes. Moins que jamais, elle ne doit laisser quiconque dans une solitude aigrie et peureuse.
Les droits culturels, salués par l’ensemble du Sénat, ne sont pas un luxe. Ils sont, pour chacun, des promesses de développement individuel, d’épanouissement et d’émancipation. Ils sont aussi des ferments de démocratie et d’enrichissement par la rencontre. Ils sont la fondation d’un avenir commun désirable, « dans le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes », comme le précise à juste titre l’alinéa 3 de l’article 2 du projet de loi.
De fait, il y a grand besoin de redresser l’injustice culturelle en matière de parité. Au demeurant, nous aurions pu ajouter aussi « sans aucune autre discrimination », tant restent nombreux les mises à l’écart et les chemins d’accès lisibles ou praticables seulement par quelques-uns. Il est impératif que les politiques publiques culturelles reconnaissent à chacun une égale dignité, qu’il soit pauvre ou riche, rural ou urbain, valide ou non, né en France ou ailleurs, amateur de slam ou passionné de chant grégorien.
Or je ne suis pas certaine que tout notre peuple, dans sa diversité et avec son foisonnement d’activités, ses aspirations et ses milliers de parcours en héritage, ait été convié à l’élaboration du projet de loi et pourra, demain, participer réellement à la vie culturelle et à la création, ni que la mue de l’ancien ministère des beaux-arts en ministère de la culture du XXI
À la vérité, passée la phrase symbolique « La création est libre » – qui, au demeurant, n’est pas normative et n’engage pas à grand-chose –, le souffle est vite retombé au profit d’un dialogue entre services du ministère et professionnels. Tandis que certains articles juxtaposent des intérêts particuliers, les parlementaires ont été harcelés pour faire pencher le fléau entre architectes et géomètres, auteurs et interprètes, éditeurs financeurs et producteurs, archéologues de l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, et entreprises privées. Malheur à ceux qui n’ont pas les bonnes entrées, comme les paysagistes, les photographes et les artistes des musiques actuelles !
Les tables rondes de la commission ont aussi été le théâtre d’âpres revendications concurrentielles concernant le partage de la ressource, les garanties d’obligations de recours à des professionnels et les possibilités de dérogation.
Bien sûr – nous ne sommes pas naïfs –, la loi ne fait pas de poésie, mais fixe des cadres. Encore faut-il que ceux-ci soient inspirés, garants de la permanence artistique sur le territoire et de l’autonomie des programmations et fidèles aux conventions internationales dont nous sommes plus prompts à brandir le nom qu’à décliner les contenus… C’est dans cette perspective que les écologistes défendront leurs amendements.
Nous formons des vœux pour que les conférences territoriales de l’action publique et leur volet « culture » ne se résument pas à des tours de table de financeurs, mais qu’elles se nourrissent des dynamiques du territoire et des aspirations et talents des habitants, amateurs comme professionnels, qu’elles n’oublient ni la culture ouvrière, ni la culture rurale, ni la culture scientifique et qu’elles prennent en compte les itinéraires de chacun, pour garantir la qualité de la stratégie publique. En effet, c’est l’authenticité de cette attention qui fait rayonnement, alors que la finalité du rayonnement ne garantit pas que l’on tisse du lien.
Je terminerai sur une note sociale : ni les réunions interministérielles ni les commissions parlementaires n’ont pris à bras-le-corps les injustices pesantes qui entravent la constitution des droits sociaux des artistes, et plus particulièrement des plasticiens, en matière de couverture maladie ou de retraite. Le Gouvernement a fait avancer le dossier de l’intermittence, c’est une bonne chose, mais le soutien à la création, c’est aussi la dignité de l’accueil à Pôle Emploi et la réparation de « trous » dans le filet protecteur, au risque de bousculer le fonctionnement en silo de certains guichets.
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)
La parole est à M. David Rachline.
M. le président.
Madame la ministre, votre ambition pour la culture est bien floue, et nous le regrettons.
M. David Rachline.
Il semble écrit que le gouvernement auquel vous appartenez soit malheureusement plus habile dans les effets de manche que dans l’exercice du pouvoir.
(Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde s’exclame.)
(Mme Dominique Gillot s’exclame.)
Nous aurions aimé, comme vous l’aviez annoncé, une grande loi sur la création artistique, une autre sur l’architecture et une autre sur le patrimoine.
Par ces temps de perte de repères, de crise d’identité, la culture est véritablement l’élément fédérateur, le socle commun qui unit les Français.
La culture, c’est une langue qu’il faut défendre – je ne reviendrai pas sur la réforme ubuesque de l’orthographe
(Mme Maryvonne Blondin s’exclame.)
Permettez-moi de dire qu’avec tant d’or entre les mains votre projet de loi fait grise mine. J’aimerais en souligner quelques points.
Sur le patrimoine tout d’abord, je déplore que la création des cités historiques masque une fois de plus le désengagement de l’État. Jamais, depuis les lois de décentralisation, le modèle de financement global de la culture en France n’a été aussi menacé par les coupes claires opérées dans les dotations de l’État aux collectivités territoriales. Aujourd’hui, la baisse drastique des dotations semble être la seule réponse de ce gouvernement.
(M. David Assouline s’exclame.)
Votre projet est de fusionner trois catégories d’espaces protégés existantes – les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine – au sein d’un nouveau régime de protection : les cités historiques.
La mise en œuvre de ce nouveau régime serait entièrement déléguée aux collectivités territoriales. Cette gestion décentralisée risque à l’évidence de créer des disparités énormes mettant en danger notre patrimoine. Le travail de la commission a été de ce point de vue intéressant.
Les principes essentiels de protection et le rôle de l’État dans la création des secteurs sauvegardés et des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager sont maintenus, et la protection du patrimoine réintègre le code du patrimoine.
Je m’oppose aussi à ce que la redélimitation du périmètre protégé de 500 mètres autour d’un monument historique se fasse sur l’initiative de la commune, la validation de l’État n’intervenant qu’
a posteriori.
Les Français attendent que notre pays reste à la pointe de la protection du patrimoine. C’est un défi à relever, car nous sommes tributaires d’un héritage qu’il nous faut transmettre.
Concernant l’architecture, j’approuve certaines modifications apportées par la commission. Je pense notamment à celles qui portent sur les points suivants : l’abaissement à 150 mètres carrés du seuil de recours obligatoire à un architecte qui aurait pour conséquence une augmentation de frais pour nos concitoyens ; le délai réduit d’instruction du permis de construire pour les personnes faisant appel à un architecte sans y être obligées, qui provoquerait un engorgement général de nos services municipaux. Ces mesures auraient des conséquences particulièrement douloureuses, singulièrement pour certaines entreprises de construction.
S’agissant de l’article 11 A, je m’oppose à ce que l’on vienne toucher un domaine qui fait honneur à notre société. On ne comprend pas très bien pour quelles raisons vous venez vous en mêler, au risque de le contraindre : c’est celui des bénévoles, que vous vous plaisez à appeler « artistes amateurs ». Je le rappelle, bénévolat rime souvent avec excellence, j’en veux pour preuve le succès de l’admirable cinéscénie du Puy du Fou en Vendée.
Aujourd’hui, vous laissez une entière liberté aux bénévoles, alors que votre projet initial laissait craindre le contraire. Nous verrons donc comment tout cela évoluera dans le cadre de nos débats.
Nous nous opposons à ce qu’on limite le nombre de représentations des spectacles bénévoles : laissons les hommes et les femmes de bonne volonté s’investir autant qu’ils le souhaitent.
Sur ce texte où se mêlent le bon et, surtout, le beaucoup moins bon, nous conditionnons notre vote à l’évolution de nos travaux dans cet hémicycle.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la liberté de création est une liberté essentielle. Pour nous, en France, elle peut paraître évidente, mais, comme toute liberté, elle est fragile, et nous devons la préserver.
Mme Françoise Laborde.
En décembre dernier, nous avons été effarés par les événements qui se sont produits à Toulouse, à l’occasion de l’exposition du photographe Olivier Ciappa portant, je vous le rappelle, sur l’« universalité du sentiment amoureux » et représentant notamment des couples homosexuels. Par trois fois, elle a été vandalisée, taguée d’inscriptions homophobes.
Kandisky l’affirmait dans son célèbre
Regards sur le passé
Proclamer la liberté de création artistique, c’est encourager cette nécessité intérieure à s’exprimer, et permettre aux artistes de s’investir sans réserve dans la noble mission qui leur incombe. N’oublions pas que la création doit bénéficier à un large public, qui doit y avoir accès et même s’inspirer des créations artistiques. Je suis particulièrement sensible à ce sujet et je soutiens les dynamiques locales, qui créent du lien entre les populations, stimulent l’économie – il faut le dire et le répéter – et contribuent à la richesse de notre patrimoine national.
Au cœur de cette question réside la notion de politique de service public en faveur de la création artistique. Il doit être possible à tous d’accéder au questionnement, à l’invitation contenue dans chaque œuvre artistique, et ce quels que soient le lieu de résidence ou les revenus de nos concitoyens ! Il nous faut soutenir la diffusion artistique auprès du public, dans les écoles pour y éveiller les sensibilités, dans les rues, comme à Aurillac avec le Festival international de théâtre de rue, cher à mon collègue Jacques Mézard, dans nos parcs, dans nos musées ou dans les fonds régionaux d’art contemporain.
Le maillage exceptionnel de nos territoires par les associations et les écoles d’art est une richesse à défendre, une garantie de création et, en même temps, un moteur pour notre économie.
Enfin, la préservation de notre héritage commun est une nécessité. Je suis attentive et vigilante au renforcement de la protection du patrimoine. Il faut permettre le partage avec le plus grand nombre de ces richesses et créer les conditions d’émergence du patrimoine de demain.
Sur toutes ces questions, le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine apporte des réponses. Nous attendions depuis longtemps des mesures pour sécuriser les pratiques amateurs, préserver l’équilibre entre les acteurs de la création artistique, favoriser l’enseignement artistique dans nos territoires, créer les conditions de l’accès de tous à la culture, et fixer les grands principes de service public en faveur de la création artistique.
Nous souscrivons à la consécration de la liberté de création, inscrite à l’article 1
S’agissant de l’enseignement artistique, nous souhaiterions maintenir sa qualité dans nos territoires et obtenir l’assurance d’une collaboration efficace entre l’État et les collectivités locales. Nous souhaitons voir inscrit dans la loi le financement par l’État du troisième cycle des conservatoires. Par ailleurs, il est crucial d’affirmer le rôle de l’État dans le contrôle pédagogique des écoles d’art plastique et du spectacle vivant, afin d’assurer la cohérence du niveau de l’enseignement dans les différents territoires, sans oublier de renforcer l’organisation des cycles d’enseignements professionnels initiaux, qui font peser un trop lourd tribut sur les communes. Hélas, l’amendement que j’avais déposé sur ce sujet est tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution, je n’hésiterai pas à le rappeler dans la suite de nos débats.
Je suis heureuse que l’Assemblée nationale ait rénové le cadre juridique des pratiques artistiques amateurs : nos douze millions d’amateurs sont une grande richesse. Nous souhaitons encourager leurs pratiques, tout en défendant l’emploi artistique. Saluons à ce titre les amendements adoptés par notre commission de la culture.
Pour protéger les droits des artistes-interprètes, nous proposerons un certain nombre de dispositions visant un meilleur équilibre et davantage de transparence.
L’accord d’octobre dernier, issu de la médiation confiée à Marc Schwartz, nous paraît insuffisant pour garantir la rémunération minimale des artistes-interprètes lors de l’exploitation de leurs enregistrements en
Enfin, je regrette certains ajouts de la commission, notamment l’introduction arbitraire de seuils et dérogations, sans que leurs conséquences aient été mesurées. Les filières de la production indépendante audiovisuelle et de la création musicale d’expression française sont deux sources de diversité, qu’il faut préserver. C’est pourquoi je proposerai, sur ces deux sujets, de revenir au droit existant et de laisser libre cours aux négociations actuelles.
Concernant le patrimoine et l’architecture, nous souhaitons maintenir et renforcer un haut niveau de création architecturale en France, qui ne doit pas se faire au détriment des professions du bâtiment, de l’expertise topographique et de l’accès à la propriété, surtout dans les territoires ruraux, où le prix du foncier est faible et doit le rester. Ma collègue Mireille Jouve reviendra sur le titre II du projet de loi.
Si nous sommes favorables à certaines dispositions, les débats doivent encore nous permettre d’améliorer un projet de loi que nous espérons pouvoir approuver la semaine prochaine.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà enfin saisis de cette loi attendue, retardée, repoussée. Elle n’arrive en discussion dans notre hémicycle que la quatrième année du quinquennat de François Hollande. Mieux vaut tard que jamais, diront certains. La promesse forte qu’elle contient en son article 1
M. Pierre Laurent.
Comme l’a écrit le romancier italien antifasciste Elio Vittorini, dont nous commémorons ce vendredi la mort, survenue voilà cinquante ans, « la culture est la force humaine qui découvre dans le monde les exigences d’un changement et lui en fait prendre conscience ». Ces mots disent l’essence même de la culture : humanité, découverte, engagement et mouvement. N’en avons-nous pas grand besoin aujourd'hui ? La culture et les arts ne sont plus la culture et les arts lorsqu’ils se figent et vivent sur leurs acquis. Ils ne sont plus alors que de pâles copies de ce qu’ils sont censés être.
C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons du dépôt de ce projet de loi, même si son manque d’ambition nous laisse sur notre faim. Je ne pense pas qu’une seule personne parmi nous puisse considérer ce texte comme superflu, tant la culture et les arts sont le chemin de l’émancipation démocratique pour tous. La culture est aujourd’hui plus que jamais au cœur du combat que nous devons mener contre tous les obscurantismes, tous les conservatismes, tous les totalitarismes.
Quand des trésors de culture sont réduits en poussière par des guerres à travers la planète – je pense aux bouddhas de Bâmiyân et à la cité de Palmyre –, notre devoir d’alerte doit être total pour défendre la culture. Quand la guerre économique, la violence de la concurrence du marché abîment chaque jour les possibilités de fraternité et de coopération, la culture doit être portée au-devant de nos libertés. Quand l’argent veut mettre la main sur tout et réduire tout geste de création au statut de marchandise, la culture doit être protégée contre l’uniformisation. Quand la censure interdit à des artistes de pratiquer ou de diffuser leurs œuvres, quand des idéologies de régression envisagent notre société pluriculturelle comme un danger, alors qu’elle est une richesse, il est de notre devoir de faire vivre une République libre, égale et fraternelle, qui ne peut souffrir de l’assèchement culturel et artistique.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, notre ambition pour la culture et les arts n’est pas de circonstance. À nos yeux, ils doivent être au cœur de notre projet de société. Au cours de la discussion de ce projet de loi, notre détermination sera totale pour faire avancer la liberté de nos artistes, faire rayonner notre culture et favoriser son accès à tous.
Pour cela, la France a besoin d’une politique publique de grande ambition, et l’État doit être le moteur de cette politique de service public dans le domaine culturel et artistique.
Pour paraphraser l’interrogation lancée par un de vos prédécesseurs, madame la ministre, et reprise par vous-même à l’occasion de la présentation de vos vœux, la culture et les arts comme service public, pour quoi faire ?
Pour assurer, conformément à nos grands principes républicains, un égal accès de ces champs à l’ensemble des citoyens de ce pays, indépendamment de leur sexe, leur âge, leur couleur de peau, leur religion, le solde de leur compte en banque, leur situation d’emploi, l’état de leur santé, leur localisation géographique, etc.
Pour prémunir aussi les créateurs de toutes disciplines d’une pratique de leur art qui serait ostracisée, ou bridée, soit par des consignes d’exercice, soit par des empêchements matériels à exercer.
Pour garantir, enfin, la fraternité républicaine, qui unit dans un même élan les créateurs entre eux, mais aussi les créateurs et le public.
L’État doit piloter et garantir cette grande politique de service public.
Bien entendu, celle-ci est aujourd'hui déployée avec l’engagement des collectivités locales, un engagement qui doit aller de pair avec celui de l’État et, lui aussi, demande à être protégé – je pense malheureusement aux baisses actuelles de dotations. Sans un partenariat solide entre État et collectivités locales, c’est l’ensemble du système qui est fragilisé, face aux logiques de l’industrie culturelle la plus « marchandisée ».
L’action de l’État et les dispositions législatives que nous votons doivent permettre un pilotage attentif de ce partenariat, tout en veillant à garantir la liberté de création et de diffusion des artistes dans tous les domaines.
Notre volonté d’ancrer les arts et la culture dans le service public tient dans cette conviction : l’acte artistique ne peut être enfermé dans le tout-marchand !
Bien évidemment, nos yeux sont grand ouverts et nous voyons bien que le « chemin » de la marchandisation a malheureusement été emprunté voilà bien longtemps, tandis que l’« avenue » de l’éducation à la culture et aux arts a progressivement été rétrécie. Mais il faut en avoir conscience, sans les artistes, sans la protection et la promotion de la création, la massification culturelle aurait été abandonnée au seul marché et aux seules industries.
Aussi, nous abordons la discussion avec la volonté mêlée de promouvoir la création et les créateurs, de relancer l’éducation populaire, de démultiplier les lieux et les espaces de la création.
La révolution numérique nous impose également de nouveaux défis. Elle demande de nouvelles garanties pour la rémunération de l’acte créateur, de nouvelles protections face à la concentration et à l’uniformisation – nos amendements iront dans ce sens. Sans cela, l’exception culturelle que nous invoquons tous se réduira comme peau de chagrin.
Ainsi, c’est avec beaucoup d’exigences que nous entrons, pour quatre jours, dans ce débat longtemps attendu.
Certains des champs traités par le texte n’avaient pas connu de réforme législative majeure depuis les années soixante-dix. Dans le nouveau contexte national et international, devant les exigences de culture que la société exprime, au-delà même des souffrances qu’elle endure du fait de la crise, voire, précisément, pour en sortir, trop de retard a été pris.
Certains ont très longtemps considéré qu’assurer la liberté de la culture et des arts, c’était lever la censure – point déjà très important – et travailler à des modes de diffusion plus massifs. Au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous pensons que cela ne suffit pas pour affronter les inégalités du monde actuel ! Aujourd’hui des réformes en profondeur sont nécessaires pour donner à chacun les moyens d’une activité culturelle épanouie.
Ce projet de loi – c’est tout à son honneur – fait des progrès en ce sens, mais ces progrès sont bien insuffisants à nos yeux et ne bénéficient pas à tous les artistes. Je pense notamment à la situation des plasticiens, qui mériterait d’être renforcée à certains égards. Mais, là aussi, nous essaierons d’enrichir le texte en ce sens.
Enrichir le texte, nos collègues de l’Assemblée nationale l’ont d’ailleurs déjà fait ! Le projet initial affichait effectivement de nombreux manques. Les discussions au Sénat ont continué dans la même veine. Intégration des archives, de la pratique amateur ou encore des conservatoires, question du partage de la valeur ajoutée sur internet, problématique de la transparence dans l’audiovisuel… : tous ces ajouts, qui font encore beaucoup débat, méritent d’être conservés, mais la discussion doit permettre de les encadrer et de les préciser.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous estimons que la dynamique du renforcement de l’intervention publique, avec des avancées comme celle qui a été opérée au niveau des labels, reste encore trop timide. Je pense singulièrement à la faiblesse des dispositions concernant l’éducation artistique tout au long du parcours éducatif des enfants et des jeunes.
En matière d’architecture et de patrimoine, nous apprécions certains progrès permis par le texte, notamment le fait de conforter le recours aux architectes et à leur mission de service public. Mais nous resterons vigilants face à toutes les tentations de repli de l’État, notamment en matière de patrimoine.
Nous nous inquiétons aussi des reculs opérés par la majorité sénatoriale en commission, qui nous ont obligés, contrairement à notre intention initiale, à voter contre le projet de loi dans sa version amendée par la commission.
Je pense tout d’abord à la déconstruction pure et simple – c’est bien de cela qu’il a été question – des moyens de la politique publique d’archéologie préventive, alors même que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale contenait des avancées notables.
Je pense aussi aux dispositions ambiguës sur la question de la pratique amateur. Au prétexte de valoriser l’activité des artistes amateurs, ce que nous appelons de nos vœux, on organiserait une mise en concurrence déloyale entre amateurs et professionnels, incitant à des pratiques douteuses en matière de travail dissimulé. À ce sujet, je viens d’entendre, avec inquiétude, les propos de David Rachline.
Je pense encore à la suppression en commission des dispositions concernant la licence légale pour les web radios ou de l’interdiction du recours au crédit d’impôt recherche dans le cadre de fouilles archéologiques, instaurée grâce à un amendement que nous avions fait adopter à l’Assemblée nationale. Mais je ne doute pas que certains essaieront encore de nous convaincre que tout cela relève du crédit d’impôt recherche…
J’y ajoute la limitation de la portée des dispositions destinées à lutter contre la concentration dans le secteur de la radio ou encore la restriction de l’accès à certaines rémunérations pour certains artistes.
Enfin, nous regrettons une fois de plus qu’un texte aussi longtemps attendu et travaillé, se voulant refondateur de la culture et des arts, ait fait l’objet d’autant de dispositions renvoyant à la voie réglementaire. Avant son examen en commission du Sénat, ce n’était pas moins de 36 demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance qui étaient sollicitées… C’est beaucoup trop à nos yeux ! Les citoyens, les artistes, les parlementaires méritent mieux !
Heureusement, nous soutenons aussi beaucoup d’autres mesures proposées dans le texte.
Ainsi, la création du médiateur de la musique, le renforcement d’une partie des droits des artistes, les progrès, encore trop timides – mais nous déposerons des amendements pour y remédier –, qui ont été réalisés sur la place des femmes artistes, le rapprochement entre les filières universitaires et les établissements spécialisés de l’enseignement artistique et culturel, entre autres mesures, marquent une nette avancée à nos yeux.
Pour conclure, je ferai appel à l’audace de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».
Je ne sais pas si c’est impossible, mais nous allons essayer d’améliorer ce texte autant que faire se peut, dans l’intérêt de la création et de l’émancipation culturelle de tous. En particulier, nous travaillerons tout au long du débat à revenir sur les reculs imposés par la majorité sénatoriale en commission, avec l’objectif, si nos amendements sont pris en compte, si les avancées initiales sont maintenues, de pouvoir, peut-être, voter ce texte. Nous avons beaucoup de travail et, manifestement, ce n’est pas gagné !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme Colette Mélot.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte tant attendu devait révolutionner le monde de la culture. Il l’a très certainement ému, car nombreux sont les professionnels qui nous ont adressé leurs protestations !
Mme Colette Mélot.
Pour autant, le projet de loi ne fait qu’effleurer certains sujets majeurs, alors que s’y trouvent rassemblées quantité de mesures techniques disparates, qui trouvent ainsi une fenêtre législative fort opportune.
Sur le volet dit « création », nous déplorons qu’il y ait si peu de fond et trop de forme. Beaucoup de dispositions s’apparentent surtout à un catalogue, particulièrement bavard, de bonnes intentions.
Faute de réforme d’ampleur, le Gouvernement a largement communiqué sur sa mesure phare : l’inscription de la liberté de création dans la loi.
Je crois que dans la France qui est la nôtre aujourd’hui, au XXI
Nous ne nous battrons pas sur cet article 1
De même, à l’article 2, la longue liste des objectifs de la politique culturelle a-t-elle surtout valeur de symbole. Elle occupera quelque temps nos débats, puisque le champ culturel est vaste, et que chacun voudra apporter sa pierre à l’édifice…
Mais entrons dans le vif du sujet.
En matière de création, le projet de loi comporte certaines avancées, souvent à la suite de concertations ou de négociations interprofessionnelles, par exemple pour encadrer les relations entre artistes-interprètes et producteurs, ou concernant le cinéma, en matière de transparence. Je tiens à souligner l’importance de la mise en place d’un cadre juridique sécurisé pour les pratiques amateurs, celle également d’un observatoire de la création, ou encore l’insertion des écoles d’art dans notre système d’enseignement supérieur.
En revanche, nous avons de nombreux points de désaccord sur d’autres sujets. Je citerai deux exemples, particulièrement révélateurs des erreurs de méthode du Gouvernement.
Concernant la création d’un médiateur de la musique, vous avez prévu, madame la ministre, un périmètre d’action considérable et diverses possibilités de saisine, ce qui a conduit certains professionnels du secteur à s’inquiéter à juste titre sur la portée du dispositif et le respect du secret des affaires.
S’il est nécessaire de trouver des alternatives à la voie judiciaire, pour des différends économiques opposant notamment producteurs et artistes-interprètes, nous devons encadrer le périmètre d’intervention de ce médiateur. Puisque nous disposons des modèles du médiateur du cinéma et du médiateur du livre, pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?
S’agissant des web radios, madame la ministre, vous avez décidé de les faire bénéficier du régime de rémunération équitable. Mais votre empressement vous a conduit à faire l’impasse sur une étude d’impact préalable. Or il semble qu’une telle mesure pénalisera aussi bien les artistes-interprètes que les producteurs, le régime de « droit exclusif » actuellement en vigueur leur permettant de négocier des rémunérations largement supérieures à celles qui s’appliquent à la licence légale.
Cette disposition fait partie des nombreux articles introduits à l’Assemblée nationale, souvent à l’initiative du Gouvernement lui-même. Je rappelle que le texte a doublé de volume lors de la première lecture. Quelles sont les raisons de ces ajouts de dernière minute, alors que le projet de loi est depuis tant de temps en préparation ?
Bien que longuement mûri, le texte présente d’ailleurs de nombreuses lacunes sur ce volet « création ». Comme l’a souligné notre rapporteur, il est pauvre sur l’audiovisuel, peu ambitieux en matière d’emploi et d’activité professionnelle, et je m’étonne, en tant que rapporteur de la loi de finances, de la faible place accordée au livre, qui est déjà le secteur le moins aidé financièrement par l’État.
Face à ce constat, il appartenait à l’opposition de corriger les excès du texte et de se faire force de proposition. Aussi, je salue la détermination de notre rapporteur Jean-Pierre Leleux, qui a accompli cette lourde tâche.
Je ne m’attarderai pas sur les améliorations que ce dernier a apportées au texte – il vient de nous les présenter –, ni sur les suppressions d’articles, qu’il s’agisse de rapports destinés à s’empiler sur les bureaux de l’administration ou de mesures inopportunes.
Je souhaiterais surtout évoquer une proposition qui a déjà beaucoup fait parler d’elle, concernant la production audiovisuelle et la possibilité pour les chaînes de développer celle-ci. Je pense qu’il est en effet temps de redistribuer les cartes à l’heure où nos chaînes connaissent la concurrence de nouveaux modèles, tels Netflix et YouTube, qui échappent à la réglementation nationale.
Notre modèle économique a beaucoup changé depuis les décrets Tasca. Il faudra tôt ou tard en tenir compte, et donner à la création française les moyens de se développer au sein de grands groupes audiovisuels.
Certes, le Gouvernement, à peine plus d’un an avant l’élection présidentielle, ne souhaitera pas s’engager, mais il nous appartient de lancer le débat. Il ne s’agit pas de régler une querelle entre professionnels, diffuseurs d’une part, producteurs indépendants d’autre part. Si des concurrents internationaux viennent s’emparer de parts de marché, tout le monde sera perdant.
Nous espérons que ce geste fort de notre rapporteur aura un impact sur les choix qui seront faits dans l’avenir.
J’en viens maintenant au second volet du projet de loi, portant sur l’architecture et le patrimoine.
Mes commentaires seront bien différents, car autant la première partie contenait peu de mesures marquantes, autant la seconde vient bouleverser notre droit patrimonial, et donc potentiellement le paysage français.
En effet, en fusionnant les trois catégories d’espaces protégés existantes pour créer des « cités historiques », le projet de loi abolit toute nuance dans cette protection, pour remettre entièrement celle-ci entre les mains des collectivités territoriales.
L’État ne conserverait qu’un rôle d’assistance technique et financière, alors que les collectivités seraient libres de choisir le document d’urbanisme à adopter pour fixer les règles patrimoniales sur tout ou partie du périmètre d’une « cité historique ».
Le plan local d’urbanisme, ou PLU, deviendrait l’outil de référence. Bien que soumis aux aléas électoraux, c’est lui qui serait donc censé protéger un patrimoine appartenant aux Français !
Vous me direz que notre Haute Assemblée devrait se réjouir de ce transfert de pouvoirs. Ce serait cependant faire preuve d’inconséquence. Les pouvoirs passent, les majorités fluctuent, mais le patrimoine reste. C’est bien pour cela qu’il doit absolument demeurer une compétence nationale. Sinon, il est peu probable que le charme des vieilles pierres puisse toujours primer des contraintes financières ou des pressions locales…
Aussi, j’espère que vous retiendrez, madame la ministre, les propositions de notre rapporteur Françoise Férat, qui a accompli un travail de réécriture remarquable afin de préserver l’effort de simplification du texte, dont nous reconnaissons d’ailleurs l’utilité, tout en maintenant un haut niveau de protection de notre patrimoine, réclamé par les nombreux acteurs qui nous ont contactés.
Les amendements adoptés en commission permettront de garantir une stabilité de la réglementation au sein de nos collectivités territoriales, ainsi qu’un haut niveau de protection du patrimoine.
Ils permettront également de réintroduire l’intervention étatique afin de ne pas laisser les collectivités livrées à elles-mêmes. Comme l’a souligné notre rapporteur, la volonté première des collectivités n’est pas d’accroître leur autonomie, mais d’être accompagnées efficacement.
Cette situation me permet de faire un parallèle avec le sujet de l’archéologie préventive, où le Gouvernement adopte précisément une démarche inverse, restreignant le champ d’intervention des services archéologiques des collectivités territoriales. Outre l’imprécision entourant les habilitations, la persistance du Gouvernement à affirmer le monopole de l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, respecte peu les collectivités, tout comme les opérateurs privés.
Mais je laisserai les orateurs suivants évoquer plus largement ce sujet.
Le message que souhaiterait faire passer notre groupe aujourd’hui, c’est qu’il est urgent de faire preuve d’audace pour soutenir la création française face aux nouveaux défis de la communication, mais également de prudence pour protéger un patrimoine que tous nous envient.
Si le projet de loi n’a pas su s’inscrire dans cette démarche, nous espérons qu’il en sera autrement à l’issue de son examen par le Sénat.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, si le texte qui nous est soumis est riche de technicité, il brille moins par la confiance qu’il accorde à la culture et à sa vitalité.
M. Philippe Bonnecarrère.
Exprimé autrement, à défaut de résoudre le problème du sens de la culture aujourd’hui, ce texte compense par une large batterie de mesures techniques.
Madame Férat, monsieur Leleux, vous avez mené avec beaucoup de mérite et de patience un travail constructif en déposant de multiples amendements sur ce texte que j’aurais tendance, compte tenu du nombre de dispositions qu’il contient, à qualifier de texte portant DDOC, ou diverses dispositions d’ordre culturel.
Il est vrai que la situation est assez étonnante. Depuis quelques mois, nous avons eu à examiner la loi Macron, la loi de transition énergétique, et aujourd’hui ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ; demain viendra le projet de loi sur le numérique.
Ces textes sont de nature très différente et je ne les mélange pas ; je veux simplement dire qu’ils ont en commun de comporter un nombre de dispositions tel qu’on finit par en perdre le fil. C’est leur technicité finalement qui leur permet de conserver une forme de continuité.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je considère pour ma part qu’il faut se garder de verser dans cet excès – même s’agissant des meilleures choses – ; non seulement la technique est omniprésente dans ce texte – c’est un tort –, mais surtout il n’a que trop peu de sens.
Exprimé autrement, et à l’instar de certains des orateurs qui se sont exprimés avant moi, je ne décèle pas d’ambition dans les dispositions qui nous sont présentées, et ce en dépit du travail fait par la commission.
Selon moi, une culture est vivante, elle n’a pas besoin d’être défendue, d’être détaillée article par article, objectif par objectif ; elle est attractive par sa propre vitalité.
L’article 2, même si je ne veux pas employer de termes trop lourds, représente pour moi sinon une forme de défaite sur le fond, au minimum un manque de confiance envers la culture.
Cet article est en effet comme une caverne d’Ali Baba. Il fixe dix-sept objectifs – on en a compté près de vingt dans une rédaction antérieure – à la politique en faveur de la création artistique. Dans la vie courante, dans la vie législative, dans la gestion publique – vous en connaissez par cœur les modalités –, lorsqu’on affiche dix-sept objectifs, cela signifie en réalité qu’on n’en a aucun, en particulier lorsqu’ils ne sont pas hiérarchisés.
Autant j’approuve bien volontiers le principe fixé à l’article 1
Je dirai une dernière chose sur ce manque de confiance – et sachez, madame la ministre, que mon propos ne se veut pas spécialement critique ; je souhaiterais au contraire que ce texte soit plus rassembleur. Nous retrouvons là les éléments du débat que nous avions connu dans le cadre de la loi de finances avec l’idée directrice que le budget de la culture était sanctuarisé. Nous comprenions bien votre objectif budgétaire et donc le travail qu’il sous-tendait pour obtenir des arbitrages favorables, mais, en même temps, la sanctuarisation budgétaire peut-elle être considérée comme l’alpha et l’oméga de la culture ? Je n’en suis pas tout à fait certain.
Pour en finir avec article 2, dans le détail duquel je n’entrerai pas, je vous sais gré, monsieur le rapporteur, d’avoir proposé d’en modifier notamment le premier alinéa, qui assimilait l’exercice de la liberté de création à un service public. J’avoue que cette formulation m’avait beaucoup étonné, la liberté artistique ne me semblant pas pouvoir être assimilée à un service public. Je ne méconnais pas les valeurs du service public, mais celui-ci est un moyen ; en tant que tel, il n’est pas consubstantiel à la liberté de création.
Peut-être d’autres orateurs l’ont-ils fait avant moi, je voudrais insister sur le fait que la liberté de création n’a de sens que si cette dernière fait l’objet d’une diffusion suffisamment large. Il me semble que, parmi les tâches de ce grand et beau ministère qu’est le ministère de la culture, il y a ce qui relève de l’aspect mémoriel, ce qui relève de l’aspect création et ce qui relève de l’aspect diffusion, celle-ci étant la condition de la viabilité de la création. Or cet aspect me paraît devoir être travaillé dans ce texte.
Je veux dire quelques mots rapides de l’excellent travail réalisé par nos rapporteurs Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat.
Monsieur Leleux, tout en vous renouvelant mes félicitations pour votre travail, je serai peut-être un peu plus prudent en ce qui concerne en particulier le volet médias et la définition de l’indépendance des sociétés indépendantes, point évoqué notamment par l’orateur précédent.
Je comprends bien ce que j’appellerai votre « sous-jacent », un « sous-jacent » économique. Entendons-nous bien : je ne méconnais pas du tout la signification que vous donnez à ce volet économique et je sais que vous ne vous inscrivez pas dans une logique d’abandon au marché, dans une logique de type
mainstream
Je comprends parfaitement ce « sous-jacent » et la logique des quotas de diffusion de chansons d’expression française par les radios. En même temps, il faut trouver un équilibre, et ce au nom de l’indépendance de la culture, indépendance qui est même l’un de ses aspects indiscutables. Vous comprendrez donc que les centristes, qui sont par essence indépendants, soient également sensibles à l’indépendance en matière culturelle ou dans le domaine des grands médias.
Madame Férat, vous vous êtes attachée à traiter deux des grands thèmes traités par ce texte : les questions architecturales et les questions patrimoniales. Dans un cas comme dans l’autre, vous avez eu le souci de la qualité. Avec les collègues de mon groupe, nous apprécions vraiment cette recherche de qualité dans la manière de construire dans notre pays, dans la manière de mettre en valeur ou de préserver les paysages.
Je vous sais également gré de ne pas être entrée dans les débats internes aux professions. Notre pays manque cruellement d’une culture architecturale au sens large du terme. Je ne suis pas certain que la réponse consiste à décider quelle profession doit signer tel ou tel document administratif ou d’urbanisme ; la problématique est beaucoup plus large. Vous avez soutenu l’idée que le problème étant plus global, il concernait les architectes, les paysagistes, les urbanistes les géomètres experts, mais aussi les ingénieurs.
Tous ceux qui ont l’expérience de la gestion locale – c'est-à-dire la quasi-totalité d’entre nous – savent combien l’urbain est transversal ; de fait, il n’y a jamais de réponse sectorielle, il n’y a jamais de réponse professionnelle. Ce qui fait la richesse du travail que l’on peut conduire sur le tissu urbain, c’est son caractère transversal, c’est parce que vous-mêmes, dans vos responsabilités locales passées ou présentes, vous avez aggloméré les différentes informations pour essayer de donner le meilleur à vos territoires.
Madame la rapporteur, vous avez eu à traiter enfin la question patrimoniale. Bravo encore pour le travail que vous avez réalisé avec l’ensemble de nos collègues de la commission. Les collègues de notre groupe et moi-même approuvons pleinement votre objectif de préservation et de mise en valeur du patrimoine. Je partage sans réserve l’idée de garder dans notre pays un haut standard de protection du patrimoine et je donne volontiers acte à Mme la ministre d’avoir fait sienne cette approche dans le travail préparatoire à ce projet de loi.
D’une certaine manière, madame la rapporteur, vous avez même presque trop bien réussi.
Il est permis d’observer que, parfois, pour mettre en œuvre certaines mesures, le curseur a été déplacé un peu plus loin. Je voudrais en particulier attirer votre attention sur deux points : il faut, d’une part, ne pas devenir trop jacobin et, d’autre part, ne pas rigidifier à l’excès, ou par excès d’État.
Si je dis qu’il ne faut pas devenir trop jacobin, c’est que je ne partage pas totalement l’idée, largement évoquée, selon laquelle tout ce qui relève des PSMV, des AVAP, est stable et sûr, est quelque chose sur lequel on peut compter, alors que les PLU, ou maintenant les PLUI, seraient frappés d’une sorte d’instabilité chronique ou seraient susceptibles d’évoluer très facilement, ou trop facilement.
Les élus locaux ont le sens du patrimoine. Les intercommunalités ont également le sens du patrimoine de la commune siège de celui-ci. Vous connaissez très bien, mes chers collègues, dans les intercommunalités que vous administrez, la fierté qui existe sur l’ensemble du territoire au regard de tel ou tel élément de patrimoine qui se trouve sur telle ou telle commune de votre secteur géographique.
L’idée selon laquelle la solution résiderait toujours dans le document coproduit par l’État et non dans celui qui est produit par les élus avec les « porter à connaissance » de l’État me paraît quelque peu excessive et un peu trop jacobine, si vous me permettez ce raccourci.
Il convient également de ne pas rigidifier à l’excès en matière patrimoniale.
Vous surestimez peut-être la capacité de l’État à accompagner localement les procédures de création, de révision. Les effectifs sont maintenant très faibles localement, et je doute de la capacité, sur le terrain, de pouvoir réaliser tout ce qui est envisagé.
Vous me semblez sous-estimer les délais, même si, madame la ministre, les choses se sont améliorées pour créer ou pour réviser un PSMV. La situation qu’a connue ma commune où le PSMV n’a été validé qu’au bout de vingt ans n’est plus d’actualité. Pourtant, les révisions de ces documents prennent toujours plusieurs années, et même en 2016, la facilité ne va pas jusqu’à en diminuer les coûts, puisqu’il faut procéder, vous le savez, à des inventaires parcelle par parcelle.
À titre d’exemple, une commune de 51 000 habitants, qu’il m’est permis de connaître un peu plus particulièrement, vient d’amorcer une révision de PSMV pour un coût prévisionnel de 350 000 euros. Les niveaux de contraintes restent donc assez importants : il faut à mon avis en tenir compte pour trouver un juste équilibre entre les servitudes publiques effectivement codécidées par les collectivités et l’État, et les capacités qui sont les nôtres à traiter ces questions dans nos PLU. J’ai bien entendu, madame la ministre, que, tout à l’heure dans votre intervention liminaire, vous avez annoncé que vous feriez une proposition sur ce point.
En définitive, mes chers collègues, il existe une réelle attente sur toutes ces travées, en particulier sur celles du groupe de l’UDI-UC, pour que nos débats permettent de mener à bien le travail d’amendement et, dans le même temps, que nous soyons capables, collectivement, de donner un peu plus d’ambition, un peu plus de souffle à ce projet de loi.
Enfin, un orateur précédent indiquait que la culture était au cœur de son projet politique. Je n’ai pas le sentiment que mes collègues centristes et moi-même avons besoin d’affirmer que la culture est au cœur de notre projet, tant il est évident que, pour des parlementaires passionnés par la décentralisation, par l’humanisme, par l’ouverture à l’international, dotés d’une sensibilité européenne et ayant le sens des équilibres, dotés d’une sensibilité sociale et soucieux de rationalité, tout ce qui tire vers le haut la société a beaucoup de sens. La culture fait partie de l’ADN des centristes, vous pouvez en témoigner quotidiennement, madame la présidente de la commission.
Madame la ministre, même si nous pensons que le texte doit indiscutablement être amélioré, il est probable que le groupe UDI-UC, au regard des résultats qui seront atteints en séance, vote en faveur des dispositions qui nous seront présentées.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC. – Mmes Colette Mélot et Marie-Annick Duchêne applaudissent également.)
La parole est à Mme Sylvie Robert.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, 2015 aura marqué un tournant dans la vie démocratique de la France. Ciblée à de nombreuses reprises, attaquée dans sa chair, elle a vu ressurgir les affres du terrorisme.
Mme Sylvie Robert.
Innocent, le peuple a été touché, dans sa pleine diversité. La barbarie s’est abattue avec fracas sans faire cas de l’âge, du genre, des convictions de chacun, et la France a tristement redécouvert son visage. L’objectif était bel et bien de défier lâchement et cruellement ce que nous sommes intrinsèquement, culturellement, ce que nous représentons en tant que société plurielle et ouverte.
Nous avons tous vacillé, incrédules devant des scènes dont nous n’avons nulle habitude, abasourdis par une violence sans limites, traumatisés par une terreur qui nous était inconnue. Cependant, nous nous sommes collectivement relevés, et nous continuons à agir, à réagir comme en témoigne la vitalité des débats autour de la recherche de l’équilibre subtil entre protection de la nation et sauvegarde de nos libertés publiques.
Nous n’avons pas dérivé vers le silence craintif de ceux qui n’osent plus s’exprimer ; nous ne nous sommes pas résignés à courber l’échine devant cet obscurantisme.
D’ailleurs, l’Europe fait aussi face à ses propres obscurantismes. La menace d’un repli identitaire, mâtinée de populisme, assombrit l’horizon.
(Mme Dominique Estrosi Sassone s’exclame.)
Dans certains pays d’Europe centrale, des journalistes accusés de « manquer d’objectivité et d’impartialité » sont constamment mis sous pression, quand ils ne sont pas débarqués. La liberté des médias, qui a été conquise de haute lutte, se trouve ainsi remise en cause. D’autres entraves à la liberté sont en passe d’être concédées. Est-ce fidèle à la communauté de valeurs sur laquelle s’est construite l’Europe ? Est-ce fidèle à l’idéal et à l’espoir de nos pères fondateurs ?
Aujourd’hui, l’édifice inspiré par la philosophie des Lumières et l’ambition pacifiste de l’après-guerre vacillent. Sur l’ensemble du continent européen, le sens de la valeur liberté, déclinée sous tous ses jours, se perd. Et quelle liberté, peut-être la plus impérieuse, subit les assauts répétés d’idéologies qui souhaiteraient enfermer les consciences ? La liberté d’expression, qui sert de point de ralliement à tous les contempteurs d’un modèle de société tolérant, fondé sur la dialectique et la raison.
Alors, oui, la liberté ne peut être absolue. Mais il est malheureux de constater que des raisons spécieuses et pernicieuses sont invoquées quotidiennement pour restreindre son effectivité. On ne peut pas aujourd’hui ne pas penser à tout ce qui fonde cette réalité qui nous entoure.
Dans ce cadre, l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création a bien sûr une résonance toute particulière. Il ne s’agit plus uniquement d’un texte comportant diverses dispositions qui ont trait aux secteurs culturels, à la protection du patrimoine et de l’architecture. C’est aussi la question d’un engagement pour la démocratie, à l’image de la formulation de l’article 1
Eu égard au climat général décrit précédemment, aux dégradations répétées d’œuvres subversives, aux atteintes à la personne à l’encontre d’artistes, dont le seul crime serait de nous pousser à nous interroger, de nous déconcerter jusqu’à nous choquer, il se révèle plus que nécessaire d’ériger en préambule ce principe universel. Je tiens ardemment à vous saluer, madame la ministre, pour cette initiative.
Sur ce point, je proposerai d’ailleurs un amendement afin de conférer une portée véritablement normative à ce principe. En effet, si je crois en la force des valeurs, je crois également en la légitimité de sanctions proportionnées. C’est pourquoi je soumettrai à votre sagesse l’idée d’une sanction pénale en cas d’entrave aux libertés de création et de diffusion artistiques, peine qui serait analogue à celle qui est prévue en cas d’entrave à l’exercice de la liberté d’expression, d’association ou de réunion.
Ce parallélisme des formes, loin d’être anodin, aurait un impact concret. Il permettrait notamment de sortir de l’impunité dont jouissent certains, en particulier des groupuscules extrémistes, qui se sont spécialisés dans l’interruption de spectacles ou de pièces de théâtre sans être pour autant inquiétés par la justice. La liberté de création mérite d’être un droit effectif et non seulement déclaratif.
Face aux dérives précitées, les artistes ont donc besoin d’un soutien politique affirmé et sans ambiguïté. Souvenons-nous du temps où ils ont risqué leur vie au titre de cette liberté de création, au titre de la possibilité d’évoquer le monde comme ils l’entendaient, en jetant leurs sentiments et leur vision dans l’acte créateur. L’artiste a toujours revendiqué son droit de déranger, et ce droit lui est inaliénable. Pourtant, l’actualité récente souligne avec quelle acuité ce droit, aujourd’hui, lui est contesté…
Dans un contexte économique moins favorable et marqué par une nouvelle phase de décentralisation, à la suite de l’adoption de la loi portant nouvelle organisation de la République, dite « loi NOTRe », qui consacre la culture comme « compétence partagée », il est essentiel de rassurer les artistes et de les prémunir, autant que faire se peut, d’un désengagement qui entraînerait l’annulation de projets.
C’est l’un des aspects d’une politique culturelle publique moderne. Si les commandes publiques existent toujours, il est surtout attendu des pouvoirs publics qu’ils mettent tout en œuvre pour créer les conditions, notamment financières, d’exercice propices à l’épanouissement et à l’activité des artistes. Cela implique de réfléchir à l’ensemble des enjeux qui concernent l’artiste, de sa formation à son insertion professionnelle, de sa participation à la vie de la cité à la valorisation de ses œuvres. À cet égard, l’article 2 énumère un nombre important de ces finalités ; c’est une avancée notable. Notre groupe a souhaité le réécrire pour en organiser un peu plus clairement les grandes missions.
Dans cette même optique, tout un titre était enfin dédié à la création et à la qualité architecturales. Même si les dispositifs prévus étaient imparfaits d’un point de vue législatif, ils pouvaient être améliorés. Or la quasi-totalité des articles portant sur l’architecture a été supprimée en commission – on en oublierait presque que l’intitulé du projet de loi comprend tout de même le terme « architecture » !
Sans surprise, vous l’imaginez, le groupe socialiste et républicain déposera donc une série d’amendements qui a pour objet de replacer la problématique architecturale au cœur de ce projet de loi. Elle est nécessaire, et plus que jamais aujourd’hui, quand les villes se reconstruisent sur elle-même, quand l’économie du foncier induit une maîtrise des formes urbaines, quand les paysages habités dessinent de plus en plus notre environnement. Nous devons susciter l’envie d’architecture, tout en ayant la lucidité nécessaire à son recours lorsqu’elle est opportune.
Par ailleurs, j’aimerais verser un sujet au débat, sur lequel certains de nos collègues, notamment Jean-Pierre Sueur, ont beaucoup travaillé : celui des entrées de ville et des zones d’activité commerciale. Il devient littéralement terrifiant de mesurer l’absence d’esthétisme et d’intégration de ces zones dans le paysage urbain. D’ici à la deuxième lecture, peut-être pourrions-nous trouver ensemble un mécanisme législatif, expérimental par exemple, qui serait de nature à remédier à ce qui constitue quand même une défiguration de la ville et de notre environnement.
Enfin, une politique culturelle de service public n’a que peu de sens si elle ne se soucie pas des personnes. Créer est unique, diffuser est impératif ; mais permettre le partage, la rencontre avec le plus grand nombre est une nécessité. L’intérêt d’une création, indépendamment de sa valeur en soi, est nul si elle demeure cachée aux yeux du plus grand nombre ; ce qui en fait son ultime richesse, c’est son appropriation par tous.
Il me semble qu’en termes de politique publique nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Il n’est plus pertinent de raisonner seulement en termes d’offre et de démocratisation culturelles. Sans négliger ni renier l’apport constant d’une telle politique, qui reste fondamentale, il est tout aussi indispensable de mieux reconnaître l’identité et la diversité culturelles des individus, ce que recouvre justement le concept de droits culturels que je souhaite vivement voir figurer à l’article 2 de ce projet de loi. C’est affaire de démocratie culturelle, c’est affaire de partage, de rencontre et de participation.
Tout un nouveau champ d’investigation s’ouvre ainsi pour les politiques publiques culturelles, dicté par l’évolution sociétale globale et de plus en plus horizontale.
(M. René Danesi frappe sur son pupitre en signe d’impatience.)
Bien évidemment, l’action publique en matière d’éducation et de culture ne sera jamais tonitruante. Loin des éclats d’un jour, elle agit sur le long terme, imperceptiblement, et les fruits récoltés ne sont mûrs qu’après une période certaine. Mais, oui, la culture est source d’émancipation individuelle et collective, source de liberté une fois encore.
C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons prendre la mesure de notre responsabilité collective de faire progresser ce texte, même si l’on sait que les grandes mutations sociétales actuelles questionnent en permanence les enjeux.
Mais, comme le disait René Char, « L’inaccompli bourdonne d’essentiel ».
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Christine Blandin et Françoise Laborde applaudissent également.)
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte, cela a été dit tout à l’heure, répond à une forte attente et ressemble, d’une certaine façon, à un
Mme Corinne Bouchoux.
Selon l’étude d’impact, ce texte offre un cadre rassurant aux professionnels de la photographie et aux autres arts visuels. Un oubli nous semble avoir été réparé en commission. Un mécanisme assure désormais la rémunération de ces auteurs pour les images que les moteurs de recherche et de référencement s’approprient sans autorisation, les spoliant ainsi de leur travail.
Si d’autres conséquences sur la précarité de leur situation persistent par ailleurs, cette réponse, reprenant l’article 2 d’une proposition de loi naguère repoussée, nous semble satisfaisante.
Même si la question relève, de fait, du domaine réglementaire, nous souhaitons relayer une inquiétude, qui peut sembler anecdotique, mais qui ne l’est pas.
Madame la ministre, comment comptez-vous résoudre à l’avenir les difficultés auxquelles se heurtent les auteurs d’œuvres plastiques, graphiques et photographiques pour accéder gratuitement aux musées de France ? Pour eux, il s’agit là d’une nécessité professionnelle, d’un moyen d’aider et de stimuler leur création. Or la gratuité ne leur est pas concédée de manière uniforme. Pourquoi ne pas l’accorder aux plasticiens, photographes et graphistes assujettis au régime de sécurité sociale des artistes auteurs ? Je dis bien « assujettis », et non « affiliés ».
La reconnaissance de la notion de patrimoine immatériel, déjà retenue par l’UNESCO, va dans le bon sens.
Nous saluons également, dans le présent texte, la consécration législative de la protection des biens inscrits au patrimoine mondial. Mais qu’en est-il des réserves de biosphère classées au titre du programme MAB,
Man And Biosphere
À nos yeux, ces biens et zones naturelles méritent l’application du même régime juridique de protection que celui qui concerne les biens de la liste mondiale. Nous comptons attirer l’attention sur ce niveau de protection, fondée sur une collaboration constructive entre l’État et les collectivités territoriales. Ce point nous tient particulièrement à cœur.
Des réactions locales et des oppositions fortes ont guidé l’adoption d’une disposition en commission, quant au conflit d’usage entre les moulins à eau et la restauration de la continuité écologique des cours d’eau. À cet égard, il nous semble prématuré de modifier la législation avant d’avoir mis à plat les véritables enjeux en présence.
Mes chers collègues, pour ce qui concerne les archives, nous approuvons les dispositions relatives aux dépôts. La mutualisation et la conservation entre les différents services publics d’archives constituent, elles aussi, une réelle et belle avancée.
Mme Maryvonne Blondin.
Les archivistes attendaient ces mesures.
Mme Corinne Bouchoux.
En la matière, un autre progrès est à signaler. À l’heure de l’
Enfin, la meilleure définition de ce qu’est un service public d’archives renvoie à un débat que nous devrons mener. Soyons cohérents : nous sommes sur le point d’améliorer l’accessibilité et l’ouverture des données publiques. Il faudra également évoquer les enjeux de formation et de professionnalisation ainsi que le renforcement des moyens humains, matériels et financiers, qui ne doivent pas être oubliés et sont nécessaires pour aider les archivistes.
Tout à fait d’accord !
Mme Maryvonne Blondin.
Parallèlement, pour ce qui concerne l’archéologie préventive, nous demeurons aussi dans une forme d’ambiguïté : ce constat a été rappelé à plusieurs reprises.
Mme Corinne Bouchoux.
D’une part, les collectivités territoriales souhaitent avoir davantage la main sur les opérations de fouilles, tout en devant faire face à des problèmes de financements. De l’autre, on le perçoit nettement, l’État entend à la fois réduire le montant de ses crédits et accroître son contrôle.
Dans un contexte où opérateurs publics et privés se partagent un marché de plus en plus réduit et compliqué, le présent texte ne tranche pas suffisamment ces questions politiques, sur lesquelles nous pouvons avoir des désaccords.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Veillons cependant à ne pas fragiliser ces services, qui travaillent avec beaucoup d’application.
Mme Corinne Bouchoux.
Tout de même, il est bon de le souligner !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Madame la ministre, nous avons le sentiment qu’avec ce projet de loi on a quelque peu tendance à mettre en concurrence les professions entre elles. Architectes, géomètres, aménageurs, maîtres d’œuvre, paysagistes : nous avons besoin de tous. À nos yeux, l’enjeu n’est pas de les opposer mais de les faire coopérer, pour mieux articuler leur action. Tous ces acteurs doivent travailler main dans la main au service de la culture, du patrimoine et de nos paysages.
Mme Corinne Bouchoux.
Au total, nous veillerons à ce que l’intérêt collectif et l’intérêt général sortent gagnants de ce travail législatif, à ce que la biodiversité de notre patrimoine soit préservée et à ce que l’on assure un équilibre entre la conservation de l’existant et les nécessaires évolutions !
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
La parole est à Mme Mireille Jouve.
M. le président.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, après ma collègue Françoise Laborde, je tiens à m’exprimer sur les dispositions du présent texte relatives à l’archéologie préventive, au patrimoine culturel et à la promotion de l’architecture.
Mme Mireille Jouve.
C’est un grand et vaste projet qui est soumis à notre examen aujourd’hui : un texte croisant l’amélioration de la protection du patrimoine et l’incitation à valoriser l’architecture.
Ces dispositions, dans les deux cas, étaient attendues de longue date. Au reste, c’est pourquoi plusieurs des mesures contenues dans le présent texte modifient en profondeur les règles actuellement en vigueur. Je pense notamment à la réforme des espaces protégés ou à celle des abords des monuments historiques, qui n’ont pas fini de susciter des débats. De même, les dispositions encourageant le recours à l’architecte constituent une évolution majeure à l’égard d’une profession dont le statut n’a pas été modifié depuis la loi du 3 janvier 1977.
On a pu le constater depuis l’examen du texte à l’Assemblée nationale : quelques-unes de ces mesures ont provoqué de fortes réticences de certains professionnels, mais aussi des interrogations, non moins inquiètes, émanant des collectivités territoriales, qui craignent d’être laissées en première ligne par l’État.
« Il faut que l’État reste garant des mesures de protection du bien général », avaient d’ailleurs déclaré en décembre dans une lettre commune adressée au Président de la République et au Premier ministre les deux cents maires des villes d’art et d’histoire, soutenus par l’Association des maires de France, l’AMF.
Madame la ministre, vous semblez avoir entendu cet appel, et vous êtes parue visiblement disposée à des inflexions sur la question du regroupement des dispositifs de protection et de sauvegarde dans les plans locaux d’urbanisme, les PLU. Sur ce sujet, la commission a avancé, nous semble-t-il, dans le bon sens, c’est-à-dire dans l’intérêt des collectivités territoriales. Le PLU, sujet par sa nature même à des changements fréquents, ne paraît effectivement pas le meilleur rempart pour une protection durable du patrimoine.
D’autres mesures, attendues elles aussi, ont connu une destinée plus consensuelle, comme le renforcement de la protection juridique du patrimoine de l’État, en particulier les mesures visant à la protection des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ou concernant la sauvegarde spécifique des domaines nationaux.
En revanche, un point suscite notre mobilisation : c’est celui de l’archéologie préventive. La commission est revenue sur la plupart des mesures prises par l’Assemblée nationale, lesquelles visaient pourtant à renforcer le contrôle de l’État sur les opérateurs privés soumis à l’agrément, dans le but d’améliorer la qualité des fouilles. Au prétexte de lutter contre une « reconcentration » entre les mains de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, notre commission a réduit les vérifications auxquelles sont soumis les opérateurs agréés, jusqu’à leur permettre de disposer du crédit d’impôt recherche, le CIR. Or, à mon sens, cette faveur ne répond ni à la logique du dispositif ni à une concurrence saine.
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Soucieux de préserver l’intérêt général, nous proposerons des amendements tendant à réintroduire un contrôle rigoureux des opérateurs privés subordonnés à l’agrément. Ces derniers ont toute leur place au cours des opérations de fouilles, mais doivent procéder dans le respect de certaines règles. Or les pratiques de
Mme Mireille Jouve.
Dans un marché de plus en plus concurrentiel, le choix du moins-disant financier conduit trop souvent à faire passer les critères économiques avant la qualité scientifique des projets.
Dès lors, il existe un risque réel de négligence des fouilles et des opérations post-fouilles, en contradiction avec la mission d’intérêt général que doit remplir l’archéologie préventive, d’autant que, lorsqu’une fouille est exécutée, il est impossible de la recommencer.
Notre pays dispose d’un service public de recherches archéologiques préventives particulièrement compétent. Il faut le soutenir, comme il faut reconnaître le rôle spécifique des collectivités territoriales en la matière et encourager le recours à leurs services archéologiques, ainsi que doit le permettre la procédure d’habilitation. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés.
Au sujet du patrimoine, je salue à la fois les avancées assurées
Dans le cadre de la réforme des espaces protégés, nous souscrivons également au renoncement du recours au plan local d’urbanisme au profit d’un document plus constant et de nature à échapper aux modifications intempestives. L’unité de la protection du patrimoine passe par cette stabilité.
Les collectivités territoriales seront davantage accompagnées par l’État dans l’élaboration des plans de sauvegarde et de mise en valeur. Cette demande était formulée par nombre d’entre elles. Quant au nouveau label, son appellation fait couler beaucoup d’encre. Les « cités historiques » sont devenues en commission des « sites patrimoniaux protégés ». Mes chers collègues, nous soumettrons à votre vote une appellation quelque peu différente, qui nous semble à la fois plus lisible et plus attractive : ne perdons pas de vue que, derrière cette désignation, demeurent des enjeux touristiques.
Le volet architecture a, quant à lui, été très largement complété par l’Assemblée nationale, s’inspirant des propositions formulées par la mission parlementaire sur la création architecturale et sur la stratégie nationale pour l’architecture.
Néanmoins, adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale dans un consensus suffisamment rare pour être souligné, ces mesures se sont révélées assez clivantes au Sénat, eu égard aux sollicitations envoyées par les différents professionnels du secteur. Pour ma part, je suis attachée à la promotion de la qualité architecturale du bâti, qui, comme l’a dit Mme la rapporteur, constitue notre patrimoine de demain.
Je ne serai pas la première à dresser le constat d’une France périurbaine assez peu mise en valeur par les zones commerciales et les lotissements au kilomètre.
Mme Corinne Bouchoux.
En favorisant le recours à l’architecte, nous nous donnons les moyens de renouer avec la qualité architecturale des constructions individuelles et collectives tout en veillant à leur insertion harmonieuse dans leur environnement. La diversité culturelle passe également par l’architecture, qui se donne à voir à tous de manière gratuite.
Mme Mireille Jouve.
Dans son ensemble, nous accueillons donc favorablement plusieurs avancées de ce texte, aussi bien en matière de patrimoine que d’architecture, mais nous resterons vigilants quant au sort réservé à l’archéologie préventive.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin.
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. le président.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, « la création artistique est libre » : l’article 1
M. Jacques Grosperrin.
Pourquoi pas ?
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Il s’agirait de définir notamment le sens de la liberté de création artistique dans la société française, de réfléchir à notre exception culturelle dans la mondialisation ou à la notion de politiques culturelles.
M. Jacques Grosperrin.
Toutefois, ces grandes réformes annoncées par François Hollande accouchent, dans leur premier volet consacré à la création, d’une série de mesures fourre-tout plus ou moins floues. Nous attendions pourtant un grand texte, doté d’une âme, d’un souffle, d’une ambition pour la France.
M. Claude Haut.
Il est loin le temps où le mot « culture » avait du sens pour la gauche.
M. Jacques Grosperrin.
(M. Alain Dufaut s’esclaffe.)
Quel aveu ! Pour la droite, il n’en a jamais eu ! Nous, au moins, nous avons un passé !
M. David Assouline.
Ce texte devait être un marqueur du quinquennat : le marqueur restera la baisse historique des crédits du ministère de la culture opérée depuis 2012, exception faite de la sacralisation en 2015.
M. Jacques Grosperrin.
On reconnaît, dans le présent texte, tantôt telle ou telle revendication corporatiste, tantôt de grandes déclarations d’intention s’inscrivant dans une forme de droit mou, pour reprendre une formule figurant dans l’avis du Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Qui trop embrasse mal étreint…
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
« La création artistique est libre »… Vérité et paradoxe dans un pays jacobin où l’État ne semble pas avoir l’intention de partager les compétences culturelles avec les collectivités territoriales, sauf, bien sûr, lorsqu’il s’agit du financement. L’article 3, relatif à la politique de labellisation de l’État dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques, en est la preuve irréfutable.
M. Jacques Grosperrin.
Ce serait au pouvoir législatif de labelliser les structures culturelles à soutenir et, ainsi, d’endosser ces décisions arbitraires. Ce dispositif est inacceptable, car la France incarne la liberté d’expression dans le monde. Notre pays est assimilé à la culture universelle d’une République empreinte de laïcité, de culture et d’humanisme, et non d’une culture d’État.
Cette culture étatique, centralisée, jugée parfois élitiste, remplit-elle son rôle auprès de nos concitoyens ? Où le lien avec le public est-il abordé dans ce projet de loi ? Comment y inclut-on les pratiques artistiques amateurs, qui concernent, à ce jour, 12 millions de nos concitoyens, autrement que par un nouveau cadre juridique liberticide ? S’il traite de questions juridiques nécessaires pour l’artiste amateur, l’article 11 A n’ouvre aucune perspective à ces pratiques, n’assure aucun cadre d’accompagnement, n’exprime aucune volonté de redéfinir une dynamique positive dans la relation entre artistes amateurs et professionnels.
Puisqu’il faut bien aborder le volet du financement, je pose cette question : comment incite-t-on les entreprises, les fondations et les mécènes à participer davantage à la vie culturelle ? En la matière, rien n’est fait, ou si peu, malgré le travail des rapporteurs, Françoise Férat et Jean-Pierre Leleux, que je tiens à saluer particulièrement.
Et que dire du deuxième volet de ce projet de loi, relatif au patrimoine, qui n’annonce aucun nouveau souffle pour les 1 200 musées, 500 000 entités archéologiques recensées, 44 000 immeubles protégés au titre des monuments historiques et 41 biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO ?
Encore une série de mesures, comme la dénomination « cité historique », qui remplace les secteurs sauvegardés par la loi Malraux de 1962, les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager issues de la loi Lang, en 1983, et les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine mises en place en 2010 par Mitterrand – Frédéric !
S’agit-il d’un tour de passe-passe pour désengager l’État du financement ?
Pourquoi ne pas redonner vie et jeunesse à notre patrimoine exceptionnel en regroupant le patrimoine et le tourisme au sein d’un même ministère ?
La France est le pays le plus visité de la planète pour son patrimoine architectural, son offre culturelle et son savoir-vivre. Elle a accueilli 80 millions de touristes en 2014. Aux États-Unis, 70 millions de touristes engendrent quatre fois plus de revenus : 200 milliards de dollars, contre 50 milliards d’euros en France. Nos pays vivent, certes, des réalités différentes, mais des revenus importants pourraient être engendrés par une association dynamique entre le tourisme et le patrimoine. Des milliers de projets à soutenir, un vivier d’artisans à préserver, des points de PIB à gagner et des milliards d’euros de recettes supplémentaires à collecter pour le tourisme : voilà un grand chantier, madame la ministre !
Au lieu de l’engager, vous entendez légiférer sur l’abaissement de l’obligation de recours à un architecte pour les travaux de construction ou d’aménagement supérieurs à 150 mètres carrés, au lieu de 170 mètres carrés actuellement. Selon vous, cette mesure favorisera-t-elle l’accession à la propriété du plus grand nombre, simplifiera-t-elle les normes d’urbanisme, transformera-t-elle nos lotissements en « cités historiques » ?
On reconnaît ici la signature d’un gouvernement qui oscille sans cesse entre des déclarations fortes au sujet de réformes et des lois qui n’ont pas d’ambition.
Ce projet de loi est un texte sans ambition pour une politique sans vision. Je le regrette sincèrement et je souhaite que la liberté, l’égalité et la fraternité qualifient toujours la création artistique en France.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, une importante partie de ce texte est consacrée à la protection du patrimoine. Les acteurs de la sauvegarde du patrimoine attendaient depuis longtemps une loi qui traite de la majeure partie des questions relatives au patrimoine et qui ne se contente pas de dispositions insérées au gré des circonstances, dans des textes portés par d’autres ministères que le ministère de la culture.
Mme Marie-Pierre Monier.
Oui, c’est une grande loi que vous nous proposez, madame la ministre, au sens où elle porte une orientation forte pour la politique culturelle de l’État, qui fait le lien entre création et patrimoine ; au sens, également, où elle s’inscrit dans la lignée des lois qui forment la politique de protection du patrimoine en France.
Ainsi, depuis les lois de 1887 et 1913 sur les monuments historiques jusqu’à la loi de 2001 sur l’archéologie préventive, en passant par la loi de 1930 créant les sites protégés et l’incontournable loi Malraux de 1962 sur les sites sauvegardés, toutes ont contribué à permettre que des lieux, des œuvres et des objets continuent de nous raconter notre histoire commune. Expression à la fois des racines de chacun et d’une mémoire partagée, voilà ce que représente notre patrimoine, c’est pourquoi nous y sommes tellement attachés. L’un des héritages de ces grandes lois est justement d’avoir permis que les richesses patrimoniales soient mises à la disposition de tous.
La politique de conservation, de protection et de mise en valeur du patrimoine a, depuis des années, bâti cette image culturelle de la France, dont nous avons raison d’être fiers, car elle contribue au rayonnement international de la France et représente, aujourd’hui, un poids économique considérable.
Le patrimoine porte en lui l’histoire des peuples, dont l’historien Patrick Boucheron expliquait récemment qu’elle « est riche des expériences accumulées du passé, elle ne trace pas de chemin, elle ne donne pas de leçons », et, de ce fait, elle n’admet pas d’explication univoque.
Ce n’est donc pas par hasard que les terroristes s’attaquent aux cités antiques et détruisent ce patrimoine qui représente les apports de la diversité des racines de ces peuples, mais aussi différentes lectures du passé et qui ouvre donc l’esprit à des interprétations variées. En agissant ainsi, ils espèrent effacer la mémoire des peuples et imposer plus facilement leur vision totalitaire du monde.
Il est heureux que le Gouvernement ait décidé d’intégrer à ce texte plusieurs dispositions qui affirment les valeurs de la France dans le contexte international que nous connaissons, qu’il s’agisse du contrôle du commerce international des biens culturels ou de l’instauration d’une sorte de « droit d’asile culturel » pour des biens reconnus en danger par la communauté internationale.
Par l’intermédiaire de ce texte, il s’agit bien d’affirmer que la protection du patrimoine est partie intégrante du projet politique de la culture, dont l’objectif principal est l’émancipation de tous.
Ce projet de loi replace l’État au centre des politiques culturelles, en réaffirmant son rôle et en renforçant ses outils de régulation. Parallèlement, il adapte ces politiques aux évolutions contemporaines, qu’il s’agisse de l’intercommunalité, de la participation des citoyens aux décisions ou du poids croissant du tourisme dans l’économie. En effet, sauvegarder notre patrimoine, ce n’est pas le mettre sous cloche ou le figer, mais bien protéger son âme historique en permettant que le monde contemporain s’en saisisse et en fasse usage.
Il y va ainsi de la protection et de la diffusion des biens culturels. Les dispositions prévues dans ce texte me tiennent à cœur, car pour une élue comme moi, sensible au maintien de territoires ruraux vivants, l’accès de tous à la culture demeure un objectif important. Une meilleure diffusion des collections nationales sur tout le territoire comme la reconnaissance et la sécurisation des fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, constituent de véritables avancées.
En outre, l’État se donne les moyens de mieux veiller à la qualité scientifique et technique des musées de France, notamment par l’intermédiaire du projet scientifique et culturel, le PSC. Nous souhaitons, pour notre part, que les musées s’ouvrent un peu plus à leur public en mettant en place des partenariats avec les associations culturelles et les établissements scolaires. Nous ferons des propositions en ce sens.
Un plus grand contrôle de l’État sur la qualité scientifique et technique pour le choix de l’opérateur comme pour le déroulement de l’opération archéologique était l’une des demandes fortes issues du Livre blanc de l’archéologie préventive. Le projet de loi y répond, en attribuant aux services de l’État la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations de fouilles. Évidemment, cela n’est pas sans conséquence sur plusieurs dispositions issues de la loi d’août 2003, qui avait ouvert à la concurrence les opérations d’archéologie préventive et dont la députée Martine Faure avait, dans son rapport, pointé l’ensemble des déséquilibres concurrentiels.
Contrairement à ce que la majorité du Sénat soutient, qui a conduit aux larges coupes que vous avez opérées dans le texte, madame la rapporteur, nous n’avons nullement l’intention de revenir sur le principe de l’ouverture concurrentielle et encore moins, évidemment, de créer un monopole pour l’INRAP.
Il s’agit simplement de conférer à l’État et à ses services en région – les services régionaux d’archéologie – un rôle plus régulateur, ce qui répond d’ailleurs à une demande de l’ensemble des acteurs du secteur. Nous vous proposerons donc, à travers nos amendements, de revenir à un texte plus proche de celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale, tout en intégrant certaines modifications issues des propositions entendues lors des auditions que nous avons menées.
Lorsque l’on parle d’archéologie préventive, on ne doit pas considérer seulement l’aspect financier des fouilles et les contraintes qu’elles imposent. Gardons également à l’esprit qu’elles contribuent à valoriser le territoire sur lequel elles sont réalisées par une meilleure connaissance de l’histoire locale ou par la qualité des objets qui y sont découverts.
Cette remarque m’amène à la valorisation du patrimoine et à la qualité architecturale, qui constitue le cœur de la partie de ce projet de loi consacrée au patrimoine. En effet, la création des cités historiques dépasse la simplification des procédures et des dénominations, avec le double objectif de faciliter leur mise en œuvre et leur compréhension pour les collectivités comme pour le grand public.
Certes, le nom « cité historique » a fait l’objet de critiques et de débats, mais il rappelle celui de « monument historique », porteur sur le plan touristique et qui ne recouvre pas seulement des édifices monumentaux, loin de là.
Avec la cité historique, nous estimons, madame la ministre, que vous créez un outil puissant et souple pour unifier l’ensemble des moyens actuels de conservation, de protection et de mise en valeur du patrimoine. Plus encore, vous les modernisez en permettant un rééquilibrage de ces moyens en faveur des collectivités et des territoires, tout en maintenant une supervision par l’État, garantie de la qualité de la protection du patrimoine. Il est vrai que notre commission a œuvré pour renforcer la participation des collectivités, en particulier des communes concernées.
En définitive, je forme le vœu que le Gouvernement et le Sénat parviennent à s’entendre sur l’équilibre atteint en ce qui concerne les cités historiques. Ce nouvel outil ouvrira des opportunités nouvelles, notamment en matière de protection des centres anciens des petites villes, qui restent parfois en déshérence.
Tous les points de ce texte illustrent parfaitement que le patrimoine doit être protégé, qu’il est vivant et qu’il doit le rester !
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux applaudissent également.)
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, lors de vos vœux à la presse le 20 janvier, vous avez précisé que l’examen de ce projet de loi au Sénat offrirait « l’occasion d’améliorer le texte » et qu’il existait « encore des questions » à éclaircir. Je vous le confirme !
Mme Dominique Estrosi Sassone.
Ce texte est sorti de l’Assemblée nationale tellement gonflé de mesures que son examen révèle des imprécisions juridiques inquiétantes pour certaines professions de l’urbanisme et de l’architecture, dont les conséquences sur l’emploi ne sont pas maîtrisées.
Mon propos se bornera à évoquer, dans le titre II, les sujets sensibles que sont l’archéologie préventive et les architectes des Bâtiments de France en versant à l’appui de mes propos des exemples concrets issus de mon territoire.
En matière d’urbanisme, tout particulièrement dans le domaine de l’archéologie préventive, ce texte requiert de profondes modifications, puisque l’approche théorique a été préférée au pragmatisme, comme en témoigne l’amendement du Gouvernement réintroduisant mot pour mot le texte de l’Assemblée nationale, lequel révélait un manque de considération pour les élus en alourdissant les conditions d’obtention des agréments de réalisation de fouilles pour les collectivités locales, conduisant à placer l’INRAP en situation de quasi-monopole.
Pourtant, en 2013, la Cour des comptes a souligné les insuffisances du cadre concurrentiel pour les activités de fouilles archéologiques ainsi que « de lourds problèmes de financement, de gestion des ressources humaines et de gouvernance » à l’INRAP.
Tous les membres de cette assemblée qui ont dirigé ou dirigent des exécutifs locaux et qui ont engagé de grands travaux ont déjà eu à souffrir des retards de l’INRAP.
Ça, c’est sûr !
Mme Colette Mélot.
Par conséquent, renforcer son monopole au détriment des collectivités territoriales constitue un contresens majeur.
Mme Dominique Estrosi Sassone.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Très bien !
M. Michel Savin.
En effet, faire courir le risque d’un retour à la situation antérieure à la loi de 2003, avec un allongement des délais de fouilles et une tarification excessive, sans garantie d’une amélioration de la qualité des prestations va à l’encontre des résultats de la consultation des élus organisée par le Sénat lors du congrès des maires de 2014. Ces derniers se sont prononcés à plus de 63 % pour une simplification des règles d’urbanisme et du droit des sols.
Mme Dominique Estrosi Sassone.
Les collectivités ont une double exigence : être des aménageurs respectant les délais, mais aussi être les acteurs de la sauvegarde du patrimoine. Il est donc essentiel d’encourager une simplification des normes et une optimisation du temps de l’archéologie préventive, afin de ne pas bloquer les chantiers de construction et, plus globalement, les circuits économiques.
À ce titre, la question des délais d’intervention constitue un point de cristallisation des tensions.
Les absences d’échéance précise dans le code du patrimoine ont pour conséquence des retards accumulés sur certaines opérations de fouilles. Elles constituent autant de freins pour des projets dont la réussite est conditionnée par la tenue d’un agenda contraint. Or les collectivités et les opérateurs, comme les bailleurs sociaux, qui se lancent dans des chantiers ambitieux doivent faire face à des coûts supplémentaires qui surenchérissent le prix du foncier, alors que celui-ci est déjà onéreux et rare, par exemple dans les Alpes-Maritimes.
Présidente de Côte d’Azur Habitat, premier bailleur social de mon département, je connais bien ces situations qui remettent en cause les projets et entraînent des retards chroniques.
Ainsi, à l’occasion d’un lancement de chantier pour un projet d’immeuble de quatre-vingts logements sociaux et de quatre-vingt-dix-huit parkings, un four romain tuilier nécessitant des fouilles archéologiques a été trouvé.
Bien qu’elles aient été réalisées et prises en charge pour partie par la direction régionale des affaires culturelles, le manque d’encadrement des délais et les lourdeurs administratives ont engendré dix-neuf mois de retard et un coût total de 835 000 euros,…
Et qui paie ?
M. Michel Savin.
… auxquels s’ajoutent l’incertitude et le mécontentement tant des opérateurs et des entreprises que des demandeurs de logement auxquels il est parfois difficile de faire accepter ces normes et/ou l’absence de résultat.
Mme Dominique Estrosi Sassone.
Un autre point en matière d’urbanisme concerne les décisions parfois jusqu’au-boutistes des architectes des Bâtiments de France. Sans remettre en question le regard scientifique qu’ils portent sur notre patrimoine et sur sa sauvegarde, leurs avis pour certains types de travaux devraient tendre vers davantage de souplesse afin de prendre en compte les décisions des élus et la pertinence de leurs projets d’aménagement.
Une catégorie d’avis émis par les architectes des Bâtiments de France pourraient ainsi devenir consultatifs pour de petits travaux ou pour le déplacement d’ornements de façade facilement démontables et repositionnables sur de nouvelles constructions afin d’éviter les situations ubuesques.
À Nice, j’ai été confrontée à des décisions subjectives et sans appel qui empêchent toute réfection, voire la démolition de certains immeubles qui deviennent insalubres, qui sont inoccupés et par conséquent susceptibles d’être squattés, alors que même si un opérateur faisait l’effort de s’y projeter, ces immeubles ne pourraient jamais répondre aux objectifs d’efficacité énergétique fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Des blocages existent aussi dans des projets de rénovation urbaine pour la reconstitution du parc social. En vue de réaliser un immeuble de trente-deux logements, l’architecte des Bâtiments de France s’est opposé à un projet de démolition-reconstruction en raison de la présence d’une fresque estimée « remarquable ».
Au regard des préconisations de l’architecte des Bâtiments de France, l’ABF, démonter cette fresque puis la repositionner à l’identique sur un nouveau bâtiment, ce qui était tout à fait possible, était jugé impossible malgré un état de vétusté et d’abandon du reste de l’immeuble pourtant flagrant.
Là encore, huit ans ont été perdus dans des allers et retours administratifs sans fin.
C’est une honte !
M. Michel Savin.
Les trente-deux logements sociaux n’ont pas été réalisés dans un territoire pourtant tendu. Le montant des dépenses occasionnées par une telle décision s’est élevé à près de 1 million d’euros, dont 350 000 euros pour le portage d’un projet manqué et une sécurisation de site abandonné.
Mme Dominique Estrosi Sassone.
Au regard de ces deux exemples particulièrement contre-productifs et paralysants mais sans pour autant s’opposer à trouver des solutions pérennes et communes pour la conservation de notre patrimoine, la rigidité et la contrainte ne doivent pas devenir l’alpha et l’oméga de cette loi, d’autant qu’il est demandé aux maires de construire toujours plus, et ce sans tenir compte des spécificités locales et des contraintes propres à chaque territoire.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)
M. Michel Savin.
Je connais une ville où, dès que l’on creuse, on trouve le tibia de Jules César…
M. le président.
(Sourires.)
La parole est à M. François Commeinhes.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, articulé autour de deux grands objectifs, ce projet de loi a la double ambition d’« affirmer et garantir la liberté de création », et de « moderniser la protection du patrimoine ».
M. François Commeinhes.
C’est sur ce dernier volet que je m’exprimerai, me faisant le porte-parole de beaucoup de maires car ces dispositifs impactent fortement les collectivités.
En juin dernier, le Conseil économique, social et environnemental a souligné avec pertinence le flou qui règne sur la gouvernance des politiques culturelles à venir tant que la réforme territoriale, notamment la loi NOTRe, n’aura pas produit ses effets.
Car, dans sa version votée à l’Assemblée nationale, la volonté de simplification avec la création des cités historiques, voulue par la loi, supprime les verrous de protection du patrimoine national.
Notre assemblée l’a déjà prouvé l’an passé en redonnant une ambition à la loi NOTRe : nous ne sommes pas opposés, et les territoires que nous représentons non plus, à l’évolution des règles.
Toutefois, le patrimoine n’est pas une compétence qui se transfère, mais un bien national qui se protège. En cela, l’État doit rester garant des mesures de protection du bien général, c’est son rôle ! Les règles ne peuvent être que nationales. Censée simplifier les dispositifs de protection existants, la création des cités historiques risque de conduire à un affaiblissement de la protection du patrimoine en décentralisant la compétence de sauvegarde patrimoniale.
Les cités historiques viennent remplacer des outils qui ont fait leur preuve : les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP, et les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine, les AVAP, créées en 2010.
Surtout, ce désengagement de l’État pose le problème du financement de la défense du patrimoine par les collectivités, alors que dans un contexte de baisse de leurs dotations, celles-ci n’en ont pas les moyens. On peut douter à ce sujet de la pérennisation de l’accompagnement financier et technique de l’État.
Je salue le travail de notre commission et de notre corapporteur Françoise Férat en la matière. Ces cités historiques devenues sites patrimoniaux protégés bénéficieront de deux niveaux de protection. Le Sénat propose de rendre leurs caractéristiques aux secteurs sauvegardés et transforme très opportunément la « cité historique » en « site patrimonial protégé », retrouvant ainsi le sillage de la loi Lang. L’État y est fort et présent, aidé par des commissions aux prérogatives renforcées et des documents de protection efficaces.
Le plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine sera moins contraignant mais tout de même protecteur, s’inspirant très largement des règles actuellement en vigueur concernant les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine.
Pourtant, il n’y a pas de raison objective de supprimer les AVAP, d’autant qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une évaluation, car cette suppression serait non pas une simplification, mais un affaiblissement des protections patrimoniales.
L’argument consistant à dire que les AVAP n’ont pas rencontré un franc succès ne prend pas en compte les effets de l’annonce depuis 2014 d’un projet de loi pouvant modifier les règles relatives à l’urbanisme patrimonial. Cela eut pour effet « pervers » de geler les initiatives pour transformer les ZPPAUP en AVAP, en les fragilisant également au regard de la date butoir du 15 juillet 2016.
Au-delà, il est nécessaire d’avoir un projet de loi fort pour la protection du patrimoine bâti et non bâti, urbain et rural, qui, par conséquent, va plus loin que les dispositions existantes. Ce n’est pas le cas ici et, comme souvent, le législateur devra, à moyen terme, revoir sa copie et ses ambitions.
À l’instar des positions de l’AMF, j’ai personnellement appelé en commission à la suppression du dispositif des cités historiques dont on ne perçoit nullement l’intérêt, si ce n’est le désengagement de l’État sur le champ de la protection du patrimoine. Les cités historiques n’engagent aucune simplification ni aucune amélioration des dispositifs de protection actuels.
Car oui, le patrimoine est idée d’avenir à conjuguer au temps national ! La décentralisation n’implique pas le renoncement à des règles de protection qui exigent pérennité et harmonisation, et elle ne consiste pas non plus à casser des outils de gestion locale qui ont fait leur preuve…
Avec leurs patrimoines, nos villes et villages possèdent un exceptionnel potentiel économique. Ils permettent à la France d’être la première destination touristique au monde ! Nos quartiers anciens constituent un formidable gisement de logements à reconquérir, gage de développement social et environnemental. Ne cassons pas cette richesse sur l’autel de la rationalisation technocratique.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
La discussion générale est close.
M. le président.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
J’indique aux membres de la commission de la culture que nous allons nous réunir immédiatement en salle 245, afin de poursuivre l’examen des amendements.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
La séance est reprise.
M. le président.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
La discussion générale ayant été close, nous passons à la discussion du texte de la commission.
La création artistique est libre.
La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
M. le président.
« La création artistique est libre », proclame l’article 1
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Vous l’aurez remarqué, la commission a, comme on dit aujourd'hui, « sanctuarisé » cette locution, cette rédaction un peu clinquante, si étincelante d’ailleurs que je l’ai qualifiée de « pépite brillante » de votre projet de loi, madame la ministre ! Je souhaite d’autant plus m’expliquer sur ce choix qu’il n’allait pas de soi, notamment si l’on relit l’ensemble des débats à l’Assemblée nationale sur le sujet.
Nous avons débattu de cette rédaction en commission, et nous avons été convaincus qu’il ne fallait pas y toucher, même si nous estimons que celle-ci ne modifiera pas profondément le droit en vigueur. Selon nous, cette rédaction pourrait laisser penser que la création artistique ne serait pas libre aujourd'hui en France. Or, à mon sens, rien n’est moins vrai !
Jamais dans notre histoire, il n’a été aussi aisé de s’exprimer, d’une part, parce que les supports de communication et les lieux de création n’ont à aucun moment été aussi nombreux, et, d’autre part, parce que les limites juridiques apportées à l’exercice de cette liberté ont été réduites au minimum.
Le temps est loin où un jeune auteur normand, Gustave Flaubert, devait comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris pour se justifier des écarts de son héroïne, Mme Bovary, au regard des principes de la morale publique et de la religion reconnus par la loi !
Pourtant, si cette disposition n’est pas nécessaire, cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit inutile. Elle constituera votre marqueur, madame la ministre. Et, en ces temps de remaniement – vous noterez que je me garde bien de parler d’autre chose !
(Sourires.)
Cette disposition montrera également que la création et la culture, en général, sont des valeurs partagées sur toutes les travées de cet hémicycle. Il nous semblait important de le rappeler, alors que nous entamons le débat sur ce projet de loi.
« La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert », écrivait Malraux. Je forme le vœu que cet article 1
(Mme la présidente de la commission approuve.)
C’est beau !
M. Jean-Pierre Sueur.
La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
M. le président.
Je tenais à le souligner après l’avoir dit lors de la discussion générale, cet article représente l’enjeu majeur du projet de loi que nous examinons.
Mme Sylvie Robert.
Il est vrai que nombreux sont les censeurs qui, au nom d’une supposée morale protectrice, font avancer leur idéologie rétrograde au mépris des droits, notamment ces droits qui sont constitutionnellement garantis.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous avez dû vous offusquer et réagir vivement au nouveau recours qui vise à revoir le visa d’exploitation d’un film actuellement en salle. L’association à l’origine de cette démarche judiciaire, qui n’en est pas à son premier fait d’armes, s’est lancée dans une véritable croisade contre une création artistique antinomique, selon elle, avec l’obligation de protection des mineurs.
La création artistique qui est ciblée ne l’est que pour une seule raison : parce qu’elle dérange ces groupuscules ! Parce qu’elle s’oppose frontalement à leur conception ! Parce qu’elle est aux antipodes de leur vision ! Oui, l’artiste bouscule, il dérange, il transgresse, il interroge !
Cet article me donne l’occasion d’attirer votre attention sur un phénomène encore nouveau qui est à l’œuvre, celui de l’autocensure, dont je voudrais tous vous faire prendre conscience. Que l’artiste s’interroge sur sa responsabilité et sur la réception de ses créations est bénéfique. Qu’il en arrive, en revanche, à remettre en question son travail créateur par lassitude, voire par crainte de représailles faute d’être suffisamment protégé, est révélateur d’une société où l’intolérance progresse aussi rapidement que la liberté décline.
Lorsque l’artiste commence à s’interdire et peut même avoir intériorisé ces interdictions, oui, la société est en souffrance et la démocratie s’essouffle ! C’est pourquoi il était très important que l’article 1
Pour conclure, je dirai que la portée symbolique et très politique de cette disposition transcende ce projet de loi. Non seulement elle servira de guide au juge, qui lui rappellera la spécificité de la création, et donc de l’œuvre, mais, surtout, elle sera le signal du sursaut démocratique qui sécurisera, je l’espère, tous les créateurs.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
M. le président.
« La création artistique est libre » : vous avez fait de cet article, madame la ministre, un marqueur de l’ambition de votre projet de loi.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cette « liberté » de création est déjà, sous une autre forme, inscrite dans l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, déclaration consacrée par le préambule de notre Constitution.
Cette liberté est également assurée par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont l’article 19 proclame la liberté d’opinion et d’expression, tandis que l’article 27 précise que « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ».
Cette liberté fondamentale est d’ailleurs reconnue par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Il était donc tout à fait indispensable qu’un projet de loi sur la création réaffirme ce droit fondamental.
Cependant, l’ambition d’un projet de loi ne se juge-t-elle pas à l’aune des garanties nouvelles qu’il prévoit pour faire vivre ce droit fondamental, notamment en s’engageant pour assurer la liberté de « diffusion » ?
Je pense à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui établit également que l’imprimerie et la librairie sont libres, englobant ainsi la totalité de la chaîne de la liberté de la presse.
Il faut évidemment protéger les créateurs de la censure, mais la liberté de création est affaiblie sans liberté de diffusion.
Ce n’est pas un combat du passé ! L’actualité fourmille d’exemples. Ainsi, on voit comment l’organisation de l’invisibilité des femmes créatrices, en tout domaine, constitue bien un frein à leur engagement artistique.
Réaffirmer la liberté de création est essentiel, mais insuffisant.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposerons un amendement visant à inscrire dans la loi la définition des droits culturels telle qu’elle est établie par l’ONU et la convention de l’UNESCO de 2005 à laquelle la France a adhéré.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire quelques mots en préambule du débat que nous allons avoir et qui sera très constructif, j’en suis certaine.
Mme Fleur Pellerin,
L’article 1
« La création artistique est libre ». Monsieur le rapporteur, vous avez relevé que, si vous vous êtes rallié à la rédaction de cet article, celui-ci vous paraît néanmoins quelque peu superfétatoire dans la mesure où la création n’a jamais été aussi libre qu’aujourd'hui.
Pour ma part, je crains de ne pas partager cette analyse. En effet, Sylvie Robert a cité précédemment un certain nombre d’exemples récents, et il en est d’autres qui le sont moins : tous montrent bien que, si nos artistes et créateurs ont aujourd'hui probablement accès à des moyens inédits de diffusion de leurs œuvres, notamment numériques, il pèse sur leur liberté de créateur un certain nombre de menaces, dont certaines sont extrêmement tangibles.
À cet égard, je citerai plusieurs exemples. Vous avez tous en tête les actions engagées par l’association Promouvoir, qui vise à empêcher le public d’accéder à un certain nombre de films, au nom de la moralité publique ou de la défense de valeurs judéo-chrétiennes qu’elle estime devoir protéger. En leur nom, elle s’attaque à des films qui sont pourtant des films d’auteurs. Je pense en particulier aux films d’Abdellatif Kechiche, de Lars Van Trier ou de Quentin Tarantino, pour les plus récents.
Par ailleurs, je citerai, en ce mois de février, le spectacle
Je pourrais également citer des déclarations de Marion Maréchal-Le Pen contre toute subvention à l’art contemporain, qu’il conviendrait, selon elle, de supprimer, ou encore les décisions du maire de Villers-Cotterêts, qui a retiré de sa médiathèque le livret d’une exposition parce qu’on y lit que la montée des eaux peut être comparée à la montée de l’extrême droite.
Les exemples, qui sont, en réalité, extrêmement nombreux et tous récents, nous laissent à penser que, contrairement à ce que l’on pourrait croire acquis, la liberté de création, au même titre que la liberté de l’imprimerie, la liberté de la presse ou la liberté d’expression, requiert qu’on la protège aujourd'hui de manière extrêmement solennelle dans un texte législatif.
J’ajoute que nous ne pensons pas uniquement aux artistes d’aujourd'hui. Cela a été dit par plusieurs orateurs, nous pensons aussi à l’avenir, à la relève de la création. Nous voulons adresser aux artistes de demain le message fort que la France, fidèle à ses valeurs et à ses principes, entend défendre de manière extrêmement solennelle son attachement à la liberté de création, au même titre qu’aux autres grandes libertés qui sont défendues par le juge constitutionnel et les magistrats.
Cet article me semble donc extrêmement important. Loin d’être une simple pétition de principe, il constitue, au contraire, un élément majeur de notre bloc juridique et des principes que nous pourrons collectivement inscrire dans la loi. Et j’en suis très fière ! Je pense que vous partagez également ce sentiment dans la mesure où la commission a été unanime pour défendre cet article. Nos débats découleront de l’unanimité que nous saurons réunir autour de cette déclaration.
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet article par les mots :
et son expression est garantie par la loi, les traités et les conventions internationales
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
La phrase « La création artistique est libre » est tellement sonnante, telle une « pépite », comme l’a qualifiée M. le rapporteur, que ni lui ni les membres de la commission n’ont osé l’émailler de compléments !
Mme Marie-Christine Blandin.
D’ailleurs, plutôt que de toucher à l’article 1
L’amendement que je vous propose, mes chers collègues, n’enlève pas cette phrase non normative, non protectrice, mais qui semble tellement douce aux oreilles de ceux qui en furent les inspirateurs ! Les écologistes vous proposent de la compléter et de la renforcer, en l’inscrivant dans un élan plus universel, incarné dans des conventions et déclarations coécrites, inspirées et ratifiées par la France.
Ces textes internationaux sont des ressources précieuses par leur ambition. En témoigne l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique. » Ainsi, l’ajout que nous proposons n’abîmerait pas la phrase prévue à l’article 1
Par ailleurs, ces textes sont aussi précieux par leur rigueur. Je vous renvoie à l’article 4 de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle : « Nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l’homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée. »
Madame la ministre, tous les beaux exemples de résistance nécessaire aux sombres tentatives de censure vous avez cités sont louables. Ils ne sauraient néanmoins masquer que la France s’est trouvée brutalement confrontée à un obstacle quand elle a voulu empêcher les paroles racistes du spectacle de M. Dieudonné à Paris. Il a fallu recourir à des procédures d’urgence et saisir le Conseil d’État pour prendre des décisions rapides.
Ces déclarations universelles sont, par conséquent, fondatrices de bonheur et de rigueur.
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste. – Mme Dominique Gillot applaudit également.)
Quel est l’avis la commission ?
M. le président.
Si la commission n’a pas souhaité modifier cet article, ce n’est pas qu’elle n’a pas osé : elle aurait pu le faire. Ce n’est pas non plus pour faire plaisir à Mme la ministre, sachant qu’elle tenait à cette rédaction. C’est parce que cette phrase a du sens, même si je considère, pour ma part, que la liberté de création est intégrée dans la liberté d’expression ; je sais bien le débat entre liberté d’expression et liberté de création.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission a donc préféré maintenir l’article 1
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Madame la sénatrice, je suis bien évidemment sensible à votre préoccupation. L'article 1
Mme Fleur Pellerin,
Cet article marque l’attachement de notre pays à la préservation de l’indépendance du processus de création artistique. Il reconnaît la libre expression des artistes et, plus généralement, leur contribution irremplaçable au développement d’une plus grande cohésion de la population, d’un meilleur vivre ensemble, tout en englobant les valeurs d’universalité, de pluralisme et de diversité.
En cela même, par cette simple phrase, cet article porte la traduction dans notre droit positif des engagements ratifiés par la France pour la protection de cette liberté à l’échelon communautaire et international, sous l’égide de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1948, des pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits civils, politiques, économiques et sociaux, ou encore des conventions de l’UNESCO.
C’est pourquoi il n’est pas utile – ce serait même redondant – de faire expressément référence à ces textes. J’ai souhaité résumer par une phrase emblématique l’essence de ce que vous indiquez : « La création artistique est libre. » Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, cette proclamation me paraît urgente et nécessaire dans la mesure où les attaques et les remises en cause des artistes, des auteurs et de leurs créations ont tendance à se multiplier.
Avec cette formulation, l’article 1
En revanche, les articles suivants ont vocation à le compléter, notamment en insistant sur la liberté de diffusion et la liberté de programmation artistique. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Madame Blandin, l'amendement n
M. le président.
Oui, je le maintiens, monsieur le président !
Mme Marie-Christine Blandin.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Le groupe socialiste et républicain refuse que l’on touche à l’article 1
M. David Assouline.
Toutefois, nous n’en sommes qu’au tout début du texte. Par la suite, y compris lorsque nous déclinerons concrètement à l’article 2 ce que signifie cette proclamation en termes de politique publique, d’accès à la culture et que nous le traduirons dans ce texte, nous aborderons tous ces domaines, y compris des sujets particuliers qui ont été évoqués et le droit à l’expression.
Ce qui importe, c’est, par cette phrase très simple, d’éviter toute ambiguïté, de parvenir à créer ici une certaine unanimité, car personne ne s’oppose à cette proclamation. Indépendamment des postures et parfois des divergences qui peuvent s’exprimer dans cet hémicycle, nous sentons bien que nous vivons un moment où inscrire une telle affirmation est loin d’être anodin.
Dans une autre conjoncture, dans une conjoncture idéale – Mme Mélot a indiqué au cours de la discussion générale qu’il n’y avait jamais eu autant de liberté de création dans notre pays ! –,…
Mme Colette Mélot.
… il en aurait peut-être été autrement. Mais nous savons au contraire que certaines forces politiques, y compris quand elles prennent le pouvoir à l’échelon local – heureusement, seulement à cet échelon, pour l’instant ! –, remettent en cause concrètement cette liberté et s’attaquent à elle, que ce soit par les livres, les représentations ou les déprogrammations.
M. David Assouline.
On dénombre de plus en plus d’attaques contre des représentations, des expositions ; Mme la ministre les a énumérées. C’est un phénomène européen. Nous sommes donc à un moment où affirmer cette liberté avec force est important.
Ce n’est pas parce que c’est écrit que cela changera grand-chose !
Mme Colette Mélot.
Par ailleurs, pour donner à la liberté de création toute sa place, il va falloir évoquer la liberté de diffusion, qui constitue aussi un enjeu majeur ; c’est tout le sens de l'amendement portant article additionnel après l'article 1
M. David Assouline.
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
M. le président.
Madame la ministre, vous avez eu raison de placer ce projet de loi sous le beau drapeau de la liberté de création. Le groupe socialiste et républicain vous soutient bien évidemment et votera cet article. Mais je saisis le moment où nous entamons la discussion des articles pour vous appeler à la vigilance.
Mme Catherine Tasca.
Toute liberté ne prend pleinement son sens que si elle a les moyens de son existence. Vous avez évoqué toutes les agressions des censeurs, et c’est un danger qu’il faut en effet combattre. Il en est un autre toutefois : nombre de collectivités territoriales, de départements, de régions privent actuellement de subventions les opérateurs culturels sur leur terrain.
Pour quelles raisons ?
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Certains le font de manière très brutale – par exemple, le département de l’Allier a supprimé purement et simplement toutes les subventions accordées aux opérateurs culturels – ; d’autres de façon plus sournoise.
Mme Catherine Tasca.
Madame la ministre, au moment où vous voulez tellement que notre politique culturelle serve d’appui à la création, ce qui est vital pour notre pays, il va falloir se donner les moyens de contrer cette attaque, qui consiste tout simplement à détricoter ce qu’ont permis des décennies de politiques culturelles, portées d’ailleurs par toutes les majorités dans notre pays. De ce point de vue, l’alternance n’a pas compromis le maillage culturel et artistique de la France. Il va donc falloir contrecarrer cette offensive politique, qui consiste à condamner à mort un très grand nombre d’opérateurs culturels et artistiques.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. le président.
J’ai beaucoup de sympathie pour la position de Mme Blandin, mais je ne suis pas d’accord avec la rédaction qu’elle propose. Si son amendement était adopté, l’article 1
M. Jean-Pierre Sueur.
Implicitement, on nous convie à adopter une philosophie quelque peu dualiste dans laquelle se trouvent le fond et la forme, le signifiant et le signifié, le contenant et le contenu, l’essence et l’existence, etc. Or, tel qu’il est rédigé, l’article 1
À l’orée de ce débat, je pense à Guillaume Budé, né à Orléans et mort brûlé, place Maubert, à Paris, par des gens qui ne supportaient pas qu’il fût l’adepte de la souveraine liberté d’esprit. Il a été brûlé ainsi que tous les livres de lui qu’on a pu retrouver. Il était en effet important pour ceux qui avaient commis un tel geste qu’il disparût et que disparussent avec lui tout ce qu’il avait écrit, tout ce qu’il avait pensé, tout ce qu’il avait été, à la fois l’essence et l’existence, le fond et la forme, l’être et la création.
C’est pourquoi cette phrase, parole d’ouverture, parole d’entame - « La création artistique est libre » -, est belle dans sa complétude et dans sa sobriété.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Toutes les personnes jouissent du droit à la liberté d'expression artistique et de création, qui recouvre le droit d'assister et de contribuer librement aux expressions et créations artistiques par une pratique individuelle ou collective, le droit d'avoir accès aux arts et le droit de diffuser leurs expressions et créations.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Dans le même esprit, cet amendement vise à compléter l’article 1
M. Pierre Laurent.
Aussi, nous proposons de compléter l'article 1
D’une certaine manière, nous prolongeons l’intention de nos amis écologistes, puisque cet ajout est directement inspiré des définitions retenues par la convention internationale de l’UNESCO.
Nous sommes sensibles aux arguments qui consistent à vouloir laisser en l’état la force de cette phrase d’ouverture, mais nous estimons que l’article 1
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
J’ai le sentiment que, en souhaitant renforcer l’article 1
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Comme je viens de le dire à l’occasion de la discussion de l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
Comme vous, monsieur le sénateur, je porte un grand intérêt à la question des droits culturels des citoyens, reconnus par la convention de l’UNESCO de 2005, à laquelle je porte le même niveau d’attention que vous.
Cependant, il me semble que la consécration de la liberté de la création artistique garantit déjà les droits culturels que vous entendez rappeler, comme les différentes formes de pratiques artistiques, les droits d’accès aux arts et la liberté de diffusion.
En outre, l’article 2 du projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission, fait lui aussi directement référence aux droits culturels. Il contient plusieurs garanties en faveur du droit à la libre expression artistique et les décline comme autant d’objectifs des politiques publiques nationales et territoriales en matière de création artistique.
Il me semble que cette double reconnaissance législative crée un environnement juridique suffisamment protecteur pour une partie des aspirations culturelles des citoyens.
Je le répète, je ne souhaite pas affaiblir la force de l’article introductif qui, par sa concision, rappelle les principes essentiels à toute démocratie, tels qu’ils sont affirmés dans les grandes lois que nous connaissons.
Pour cette raison, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Le problème de cet amendement, c’est qu’il tend à définir l’unique phrase de l’article 1
M. David Assouline.
La force de cette phrase, cela a été dit à plusieurs reprises, c’est qu’elle permet beaucoup de choses, y compris des vocations et des interprétations. Ensuite, la loi, qu’on ne veut pas bavarde – nous allons essayer de nous tenir à ce principe, mais c’est assez difficile, le nombre d’articles du texte ayant déjà doublé à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale et le Sénat souhaite, lui aussi, apporter sa pierre à l’édifice – définira la liberté de création.
Les précisions que vous souhaitez apporter, mon cher collègue, auraient davantage leur place dans l’article 2, plus détaillé. Je pourrais citer tous les éléments qui manquent dans la rédaction que vous proposez et qui, de ce fait, pourraient ne pas être considérés comme faisant partie des droits fondamentaux en termes de création.
Nous aurons l’occasion d’entrer dans le vif du sujet lors de l’examen des amendements visant à insérer des articles additionnels après l’article 1
Monsieur Laurent, l'amendement n
M. le président.
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. Pierre Laurent.
Je précise que nous ne cherchons pas à définir le droit à la liberté de création. Je partage l’idée selon laquelle il n’est pas nécessaire de poser un préalable, de définir cette liberté ou de l’assortir de conditions. Vous connaissez notre attachement, profond et historique, à cette question. Il n’y a pas de divergence de fond entre nous sur ce sujet.
Certes, des précisions sont prévues dans les amendements visant à insérer des articles additionnels après l’article 1
En effet, la liberté de création, qui doit être totale et sans conditions à nos yeux, nécessite, nous le savons tous, d’être effective. Aussi, les précisions que nous souhaitons apporter renforceraient, selon nous, l’article 1
Ne nous prêtez donc pas des intentions qui nous sont totalement étrangères. Je le répète, nous ne voulons pas amoindrir la force d’un principe auquel nous sommes mille fois attachés.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 1
M. le président.
(L'article 1
est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n
Après l'article 1
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La diffusion de la création artistique est libre. Elle s’exerce dans le respect des principes encadrant la liberté d’expression et conformément aux dispositions de la première partie du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. David Assouline.
La liberté de création ne se pose pas uniquement en termes d’attaques ou de remises en cause de la part d’extrémistes, comme nous en avons parlé jusqu’à présent. Je veux aussi aborder le problème de l’actualité du monde culturel.
M. David Assouline.
Aujourd'hui, on peut écrire ou réaliser un film vite fait – c’est de plus en plus facile ! –, mais la concentration, le monopole des moyens de diffusion conduisent à la diffusion d’œuvres de plus en plus uniformisées, ce qui peut porter atteinte à la liberté de diffusion, mais aussi réduire la diversité de l’offre culturelle.
Aussi, il nous semble tout à fait important d’affirmer dans un article en tant que tel que la diffusion de la création artistique est libre, tout en l’« encadrant » – mais ce n’est pas véritablement un cadre ! –, tout en l’insérant, dirai-je, dans le respect des principes qui guident la liberté d’expression dans notre pays. Nous savons en effet que certains s’abritent parfois derrière ce qu’ils appellent une œuvre artistique, mais qui n’en est pas une en réalité – je rappelle l’affaire Dieudonné – pour pervertir la liberté d’expression. Dans ce cas, des lois existent bien sûr. Il ne s’agit en aucun cas ici d’amoindrir la liberté d’expression. On peut se permettre beaucoup dans la fiction, c’est cela la création.
Par ailleurs, la liberté de diffusion ne peut pas remettre en cause les lois sur la propriété intellectuelle. Il faut protéger le créateur, l’auteur, qui est à la base de tout et doit tirer une rémunération de son art. La liberté de diffusion n’est pas la liberté de voler les œuvres ou de ne pas rémunérer les artistes. Les moyens technologiques permettent aujourd'hui ce genre de choses ; certains grands groupes de l’internet se permettent ainsi de porter atteinte au droit de propriété.
Le présent amendement vise donc à réaffirmer que la diffusion libre donne toute sa force à la liberté de création.
L'amendement n
M. le président.
Après l'article 1
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La liberté de programmation, la liberté de diffusion artistique et la liberté de création artistique sont garanties par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Beaucoup de choses ont déjà été dites par mon collègue David Assouline.
Mme Françoise Laborde.
Notre groupe a fait le choix de ne pas modifier l’article 1
Le présent amendement vise donc à introduire un article additionnel après l’article 1
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je tiens à dire à notre collègue David Assouline que sa proposition d’insérer un article additionnel après l’article 1
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Vous y reconnaissez le principe de liberté de diffusion de la création, qui a certes été ajouté par l’Assemblée nationale à l’article 2, que nous examinerons tout à l’heure, tout en encadrant tout de même un peu cette liberté, conformément à nos valeurs fondamentales, qui, au fond, sont assez libérales.
Vous mentionnez le fait que toute liberté connaît tout de même des limites et que la liberté d’expression est encadrée. Je partage votre point de vue. Aussi – peut-être en serez-vous surpris ! –, j’émets un avis favorable sur votre amendement.
L’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Comme les auteurs de ces deux amendements, je souhaite que la liberté de création artistique soit garantie dans toutes ses composantes, qu’il s’agisse de la conception ou de la diffusion des œuvres. La liberté de création ne peut pas se limiter à l’acte de créer, elle s’étend nécessairement à la liberté de diffusion.
Mme Fleur Pellerin,
Le rapporteur l’a rappelé à l’instant, l’inscription de cet objectif dans le texte a suscité à l’Assemblée nationale un débat riche et nourri, qui s’est traduit par son intégration dans l’article 2, au titre des objectifs de la politique en faveur de la création artistique, de manière à faire clairement apparaître la liberté de diffusion. Il me semble cependant légitime, voire nécessaire, d’aller plus loin et de consacrer à la liberté de diffusion un article spécifique, comme le prévoient ces amendements.
C’est l’essence même du service public de la culture que de favoriser l’accès le plus large possible aux œuvres de l’esprit, de garantir les moyens de cette diffusion partout sur le territoire, notamment dans les zones les plus délaissées, mais aussi de préserver la liberté des créateurs à diffuser des œuvres sans censure ni autocensure.
La rencontre avec le public est au cœur des dispositifs des politiques culturelles, c’est elle qui permet le développement de l’émergence artistique, l’emploi et la structuration des entreprises culturelles. C’est aussi elle qui favorise le développement des pratiques culturelles des Français et de l’attachement de nos concitoyens à la culture et aux artistes.
L’amendement n
Madame Laborde, l'amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Françoise Laborde.
L'amendement n
M. le président.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Permettez-moi de revenir sur une petite divergence sémantique, et non de fond, avec le rapporteur.
M. David Assouline.
L’amendement n
Journal officiel
La liberté n’est effective et ne se déploie que si elle ne porte pas atteinte à la liberté de l’autre, et c’est ce que nous précisons. On n’a pas la liberté d’être raciste ou homophobe. Limiter la liberté de diffusion, c’est lui donner un sens humain.
Il faut que l’intention du législateur soit claire, car d’aucuns s’appuieront ensuite sur la loi pour plaider la liberté d’une œuvre ou sa censure.
Les principes guidant la liberté d’expression s’appliquent à la liberté de création et à la défense du droit d’auteur et des droits voisins, mais ils ne restreignent pas la liberté de création et de diffusion. Ils sont l’essence même de l’expression d’une liberté qui ne porte pas atteinte à la liberté des autres.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1
M. le président.
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes, une politique en faveur de la création artistique construite en concertation avec les acteurs de la création artistique.
Cette politique poursuit les objectifs suivants :
1° Soutenir le développement de la création artistique sur l'ensemble du territoire et le rayonnement de la France à l’étranger, ainsi que la création d'œuvres d'expression originale française, et encourager l'émergence, le développement et le renouvellement des talents et de leurs modes d’expression dans le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes ;
2° Garantir la diversité de la création et des expressions culturelles et la liberté de diffusion artistique en développant les moyens de la diffusion de la création artistique et en mobilisant le service public des arts, de la culture et de l'audiovisuel ;
3° Favoriser la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d'expression artistique ;
4° Favoriser, notamment au travers des initiatives territoriales, les activités de création artistique pratiquées en amateur ;
5° Garantir, dans le respect de l'équité territoriale, l'égal accès des citoyens à la création artistique et favoriser l'accès du public le plus large aux œuvres de la création, dans une perspective d'émancipation individuelle et collective, et mettre en valeur ces œuvres dans l'espace public à travers des dispositifs de soutien adaptés, dans le respect des droits des auteurs et des artistes ;
6° Mettre en œuvre, à destination de tous les publics, des actions d'éducation artistique et culturelle permettant l'épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l'égalité d'accès à la culture :
7° Favoriser l'accès à la culture dans le monde du travail ;
8° Soutenir les artistes, les auteurs, les professionnels et les personnes morales privées ou publiques, qui interviennent dans les domaines de la création, de la production, de la diffusion, de l'enseignement artistique et de la recherche, de l'éducation artistique et culturelle, de l'éducation populaire et de la sensibilisation des publics et, à cet effet, s’assurer, dans l'octroi de subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs ;
9° Garantir la transparence et l’équité dans l’octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique à travers le recours à des appels à projet et l’évaluation régulière des actions menées ;
10° Contribuer à la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, les acteurs de la diversité culturelle et de l'égalité des territoires ;
11° Encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et favoriser le développement des actions des fondations reconnues d’utilité publique qui accompagnent la création ;
12° Promouvoir la circulation des œuvres, la mobilité des artistes et des auteurs et favoriser les échanges et les interactions entre les cultures, notamment par la coopération artistique avec une attention particulière pour les pays en développement afin de contribuer à des échanges culturels équilibrés ;
13° Contribuer à la formation initiale et continue des professionnels de la création artistique, à la mise en place de dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques ainsi qu'à des actions visant à la transmission des savoirs et savoir-faire ;
14° Contribuer au développement et à la pérennisation de l'emploi, de l'activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques, au soutien à l'insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes ;
15° Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d'art ;
16° Favoriser une juste rémunération des créateurs et un partage équitable de la valeur, notamment par la promotion du droit d'auteur et des droits voisins aux niveaux européen et international ;
17° Entretenir et favoriser le dialogue et la concertation entre l'État, l'ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, le secteur associatif, les acteurs du mécénat et l'ensemble des acteurs de la création et le public concerné.
Dans l’exercice de leurs compétences, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l'article.
M. le président.
Si l’article 1
Mme Maryvonne Blondin.
Notre objectif, au travers de ce texte, est non seulement de favoriser le développement de la création sous toutes ses formes, mais aussi de garantir l’accès à la culture pour tous, en favorisant l’éducation artistique et culturelle et en concentrant nos efforts en direction de ceux qui en sont trop souvent exclus.
Pour ce faire, notre groupe politique s’est attaché à proposer une version remaniée de cet article, regroupant et clarifiant les différents objectifs visés. Je pense, par exemple, aux dispositions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sont, selon moi, indispensables et sur lesquelles je reviendrai. Je sais que vous avez rédigé quelques mots sur ce thème, monsieur le rapporteur, mais ceux-ci me semblent un peu timides…
Je tiens également à ce que figurent à l’article 2 des dispositions spécifiques à la promotion des arts de la rue, qui sont des sources intarissables de lien social, de diffusion de la culture sous toutes ses formes et de réappropriation de l’espace public.
Nous devons également soutenir l’activité artistique et ceux qui la font vivre, professionnels et amateurs, en promouvant la mobilité des artistes et leur rayonnement en France et à l’étranger, en leur assurant des conditions d’exercice satisfaisantes en termes de formation, de rémunération et de droits sociaux.
Toutes ces mesures contribuent à créer ce qui constitue le ciment de notre République. Permettez-moi de remonter dans le temps en citant Thucydide, né voilà vingt-cinq siècles : « La protection de la cité tient plus dans la motivation de ses habitants que dans l’épaisseur de ses murs. » J’espère donc que nous allons motiver nos collègues et, avec eux, toute la société française !
(Mme Françoise Laborde applaudit.)
La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l'article.
M. le président.
Il est vrai que l’article 2 peut apparaître, dans une certaine mesure, comme une liste à la Prévert. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle notre groupe a souhaité l’organiser en cinq grandes missions.
Mme Sylvie Robert.
Je tiens à souligner que cet article fixe également pour la première fois un cadre législatif clair à un certain nombre de politiques culturelles mises en œuvre conjointement par l’État et les collectivités territoriales.
En complément des précisions apportées par ma collègue Maryvonne Blondin, je voudrais que vous portiez une attention particulière à un certain nombre de termes et de phrases que nous avons introduits dans cet article dans la rédaction que vous présentera David Assouline. Lorsque nous demandons, par exemple, que les pouvoirs publics respectent et veillent au respect de la liberté de programmation, n’est-ce pas là un complément indispensable aux propos que nous avons entendus tout à l’heure ? Ce n’est pas rien, et cela engage !
De la même manière, nous avions à cœur de réintroduire le concept des droits culturels, qui ont trouvé leur consécration législative dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe. Il était important que nous comprenions bien ce concept de façon à pouvoir le mettre en œuvre dans nos différentes politiques publiques.
Enfin, nous avions également à cœur de réintégrer la notion de service public que notre rapporteur a supprimée, je ne sais toujours pas pourquoi - mais peut-être nous le dira-t-il. Pourtant, il me paraît aujourd'hui absolument nécessaire de refonder le service public culturel. Nous avons plus que jamais besoin de ce service public, à la fois pour lutter contre les zones blanches qui persistent en dépit de l’importance de l’égalité territoriale, pour mieux organiser la coopération entre l’État et les collectivités territoriales, mais aussi pour permettre une nécessaire infusion culturelle.
La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
M. le président.
Même si l’article 2 a déjà fait l’objet d’enrichissements en commission, nous pensons que ce travail n’est pas terminé. C’est pourquoi nous vous présenterons, mes chers collègues, une série d’amendements visant à mieux définir le rôle de l’État et des collectivités territoriales.
Mme Christine Prunaud.
Les modifications proposées par chacun traduisent des conceptions différentes de l’action publique en faveur de la création. Nous considérons que l’État et les collectivités territoriales doivent apporter un soutien indéfectible à la création artistique.
Pour l’État, il s’agit de porter, en tant que pilote, une politique culturelle ambitieuse, et ce d’autant plus que la culture et l’éducation constituent l’une des armes pour lutter contre la violence et les actes terroristes qui nous frappent, nous en sommes ici tous conscients.
Le soutien à la création doit concerner à la fois la conception, la diffusion et l’usage, et passe donc par plusieurs voies : assurer les moyens humains, techniques et financiers de la création artistique et culturelle, développer les canaux de communication, repousser toute tentative de censure et, enfin, permettre un accès physique et social aux œuvres. C’est pourquoi nous tenons particulièrement à la rédaction de l’alinéa 1 que nous proposerons.
De plus, nous souhaitons vous alerter sur la référence qui est désormais faite dans le texte au mécénat et aux fondations. Le mécénat ne doit pas venir compenser le désengagement de l’État en matière de soutien à la création.
Si l’insertion des mécènes et des fondations a été votée en commission, on peut d’ailleurs regretter que celle concernant les comités d’entreprise, pourtant largement compétents sur les questions culturelles et artistiques, ait été rejetée. Le message que fait passer le texte est le suivant : si la culture et le monde de l’entreprise doivent être liés, les salariés n’ont pas leur place dans cette relation.
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet article :
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique et veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
Cette politique poursuit les objectifs suivants :
1° Soutenir l’activité artistique professionnelle :
a) Garantir la diversité artistique sur l’ensemble du territoire, en particulier les œuvres d’expression originale française ;
b) Promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines de la création artistique, de l’architecture et du patrimoine ;
c) Encourager l’émergence, le développement et le renouvellement des talents ;
d) Promouvoir la mobilité des artistes, favoriser leur implication dans le cadre de leur activité professionnelle et favoriser leur rayonnement à l’étranger ;
e) Promouvoir la diversité professionnelle et l’égalité entre les femmes et les hommes dans les professions artistiques et dans les établissements culturels ;
f) Assurer une juste rémunération des artistes et un partage équitable de la valeur, en promouvant le droit d’auteur et les droits voisins aux plans européens et internationaux ;
g) S’assurer, dans l’octroi des subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle, de la transparence dans leur attribution;
h) Encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et favoriser le développement des actions des fondations reconnues d’utilité publique qui accompagnent la création ;
i) Contribuer au développement et à la pérennisation de l’emploi, de l’activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques au soutien à l’insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes ;
j) Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art ;
k) Garantir la prise en charge des risques particuliers découlant des modes de collaboration multiformes propres aux métiers de la culture et de la création, sous l’égide de structures dédiées, aux moyens mutualisés ;
2° Favoriser l’accès, la participation et la contribution des personnes :
a) Garantir les droits culturels des personnes ;
b) Garantir l’égalité d’accès des personnes à l’art dans sa diversité et leur participation à la vie culturelle ;
c) Garantir l’accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;
d) Garantir la diversité des expressions culturelles et la liberté de participer et de contribuer à la vie culturelle ;
e) Développer la création et l’expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l’échange et le vivre ensemble ;
f) Mettre à la disposition des personnes les ressources culturelles, encourager les parcours et favoriser les échanges et les interactions entre les expressions culturelles ;
g) Favoriser les pratiques en amateur, sources de développement personnel et de lien social ;
h) Mettre en œuvre, en conformité avec le code de l’éducation, des parcours d’éducation artistique et culturelle à destination de la jeunesse et favoriser l’implication des artistes dans ces actions, dans le cadre de leur activité professionnelle ;
i) Favoriser la présence des arts et de la culture dans le monde du travail et dans les lieux de vie sociale ;
3° Former à la pratique artistique :
a) Contribuer à la formation initiale et continue des artistes professionnels ;
b) Mettre en place des dispositifs de reconversion professionnelle ;
c) Contribuer à la transmission des arts et de la culture dans leur diversité ;
d) Favoriser la transmission des savoirs et savoir-faire au sein et entre les générations ;
4° Soutenir les établissements qui mettent en œuvre ces objectifs :
a) Garantir la liberté de diffusion artistique, développer ses moyens, mobiliser à cette fin l’audiovisuel public ;
b) Promouvoir la circulation des œuvres et la coopération des établissements au service de la production, de la diffusion et de la médiation ;
c) Mettre en valeur les propositions artistiques dans l’espace public, dans le respect des droits des auteurs et des artistes ;
d) Soutenir les actions de médiation et les processus artistiques participatifs ;
5° Renforcer la coopération entre l’État et les collectivités territoriales dans l’élaboration de politiques communes.
Dans l’exercice de leurs compétences, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, respectent et veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
La parole est à M. David Assouline.
Après le foisonnement de la discussion sur l’article 2, où chacun a ajouté ce qu’il lui semblait nécessaire de mentionner dans la loi en matière de droits culturels, de participation des citoyens, d’association de la population, de droits des artistes et des professions concernées, nous avons proposé d’y mettre un peu d’ordre pour donner du sens à ce qui pouvait s’apparenter à un inventaire à la Prévert. L’amendement que nous vous présentons, par son caractère énumératif, conserve cet aspect, mais il est très ordonné et précis. Je me réjouis d'ailleurs que la commission, ce matin, ait donné un avis favorable.
M. David Assouline.
Par cet amendement, nous proposons de réparer quelques oublis. La notion de diversité artistique, professionnelle et culturelle, par exemple, ne figure pas dans la rédaction actuelle. C’est un oubli dommageable, car ce qui est en jeu dans la transmission, c’est le contour de ce qui constitue le patrimoine commun.
Le terme de médiation n’apparaît pas non plus, seulement celui d’éducation artistique et culturelle. Nous avons voulu renforcer cet aspect.
Le volet de la formation est considéré comme optionnel et non pas obligatoire. En effet, l’article est hiérarchisé entre des missions obligatoires de formation et des missions optionnelles, l’éducation artistique et culturelle et, plus loin, les parcours d’éducation artistique et culturelle.
Ranger la médiation dans les missions optionnelles est insuffisant pour deux raisons : la première, c’est l’évolution du métier qui requiert de plus en plus d’être en lien avec les personnes. Un établissement de formation supérieure se doit de préparer les artistes à ce volet de leur métier. L’argument mis en avant par certains, c’est que les musiciens d’orchestre ou encore les professeurs des conservatoires, par exemple, n’ont pas été formés à cet effet et que l’on ne peut donc pas attendre d’eux qu’ils conduisent des actions de médiation, sauf démarche volontaire.
Enfin, nous avons souhaité compléter la rédaction de l’Assemblée nationale, en prévoyant l’accès aux personnes souffrant d’un handicap aux pratiques culturelles et artistiques, l’encouragement au mécénat, souhaité par notre rapporteur, la reconnaissance des droits culturels, comme prévu par la loi NOTRe, et le rappel de la règle de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui doit guider de nombreuses actions.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, une rédaction d’ensemble de l’article 2, qui lui donne une cohérence, en n’oubliant aucun de ces droits et aucune de ces préoccupations.
On aurait pu faire plus synthétique !
M. Alain Vasselle.
Et je remercie de nouveau la commission d’avoir voté en faveur de cette rédaction.
M. David Assouline.
Ce n’est pas tout à fait ainsi que cela s’est passé.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
(Sourires.)
Le sous-amendement n
M. le président.
Amendement n
I. – Après l'alinéa 3
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
1° Favoriser l’accès, la participation et la contribution des personnes :
a) Garantir les droits culturels des personnes ;
b) Garantir l’égalité d’accès des personnes à l’art dans sa diversité et leur participation à la vie culturelle ;
c) Garantir l’accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;
d) Garantir la diversité des expressions culturelles et la liberté de participer et de contribuer à la vie culturelle ;
e) Développer la création et l’expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l’échange et le vivre ensemble ;
f) Mettre à la disposition des personnes les ressources culturelles, encourager les parcours et favoriser les échanges et les interactions entre les expressions culturelles ;
g) Favoriser les pratiques en amateur, sources de développement personnel et de lien social ;
h) Mettre en œuvre, en conformité avec le code de l’éducation, des parcours d’éducation artistique et culturelle à destination de la jeunesse et favoriser l’implication des artistes dans ces actions, dans le cadre de leur activité professionnelle ;
i) Favoriser la présence des arts et de la culture dans le monde du travail et dans les lieux de vie sociale ;
II. – En conséquence, alinéas 16 à 25
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Je retire ce sous-amendement, monsieur le président.
Mme Marie-Christine Blandin.
Le sous-amendement n
M. le président.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n
Il était tout de même hasardeux, dans cet article 2, d’établir la liste la plus exhaustive possible des objectifs que se fixe la création, à tel point qu’en les additionnant les uns aux autres on en vient à se demander lesquels ont été oubliés. Je ressens un certain paradoxe, au fond, dans cette liberté qui est exprimée, à vouloir établir des cases pour définir ces objectifs.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il est vrai que la liste regroupant les ajouts successifs manquait de cohérence à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, une cohérence que la commission a rétablie. Or vous proposez une autre rédaction à laquelle, à titre personnel, je ne souscris pas, même si, comme vous l’avez rappelé, la commission a donné, tôt ce matin, un avis favorable sur votre amendement.
Il faut arriver à l’heure !
M. David Assouline.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Mes chers collègues, je vous transmets donc l’avis favorable de la commission, mais, en ce qui me concerne, je suis défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je partage le souci de lisibilité de cet amendement. Il est, je crois, important que la formulation des objectifs publics des politiques culturelles traduise au plus juste l’ambition qu’elles s’assignent. Je salue d'ailleurs le travail qui a été mené pour détailler toute la richesse de cet article. La formulation issue des travaux de la commission améliorait déjà globalement la lisibilité des objectifs. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme Fleur Pellerin,
Je relève néanmoins, pour la clarté des débats, que la formulation retenue pour les droits culturels devrait être modifiée par cohérence avec la formulation de la loi NOTRe, afin de préciser que la compétence partagée s’exerce dans le respect des droits culturels au sens de la convention de l’UNESCO, mais j’aurai probablement l’occasion d’y revenir au cours de la navette.
Vous alourdissez le texte avec des dispositions inutiles !
M. Alain Vasselle.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. le président.
Bien que nous soyons généralement extrêmement disciplinés et que nous nous plaisions à suivre les avis de la commission, dans ce cas précis, nous suivrons l’avis personnel du rapporteur : j’invite mon groupe à voter contre cet amendement.
M. Bruno Retailleau.
(Sourires.)
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Vous pouvez sourire, mais le vote d’une commission, ce n’est pas rien ! Nous ne dirigeons pas la commission de la culture, nous n’y sommes pas majoritaires, mais la démocratie, c’est le respect de la décision de ceux qui sont présents à l’heure au moment des délibérations.
M. David Assouline.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
C’est le cas ce soir !
M. Alain Joyandet.
Je demande aux touristes de ce soir de ne parler que lorsqu’ils ont la parole et de nous laisser nous exprimer sans nous interrompre !
M. David Assouline.
(Vives protestations sur les mêmes travées.)
Le touriste, c’est vous ! Nous sommes là tous les soirs !
M. Jean-François Longeot.
Des excuses !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains.
Veuillez poursuivre, monsieur Assouline.
M. le président.
Nous avons travaillé sur ce projet de loi, au sein de la commission, dans une ambiance de respect et de sérieux que je ne retrouve pas ce soir dans l’hémicycle, avec ces interruptions incessantes.
M. David Assouline.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mais je ne sais pas pourquoi vous vous énervez ainsi !
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Vous vous écoutez surtout parler !
Un sénateur du groupe Les Républicains.
Ce matin, la commission, une et indivisible, a émis un avis favorable sur cet amendement. Je comprends que le rapporteur ne soit pas d’accord,…
M. David Assouline.
Eh oui, c’est la démocratie !
Mme Françoise Gatel.
… mais j’aimerais aussi obtenir des réponses à mes questions – nous les aurons peut-être lorsque nous examinerons les amendements suivants.
M. David Assouline.
Cette nouvelle écriture de l’article 2 que nous proposons n’est pas le fruit du hasard. Nous voulons introduire davantage de cohérence, mais aussi intégrer des éléments que le rapporteur a écartés, et qui nous semblent très importants. Pour certains, cet article dresse un inventaire à la Prévert.
La commission a émis ce matin un avis défavorable sur un amendement de repli visant à garantir le droit d’accès à la culture pour les personnes handicapées.
Il faut conclure, monsieur Assouline !
M. le président.
C’est pourtant un point très important à nos yeux, car les lieux de culture ne sont souvent pas conçus pour accueillir ces personnes, qui doivent pouvoir accéder à la culture comme tout un chacun.
M. David Assouline.
Monsieur Assouline, votre temps de parole est écoulé !
M. le président.
Pour cette raison, et pour d’autres, nous avons décidé de déposer cet amendement et de le maintenir. J’en ai terminé, monsieur le président, mais je vous signale que mes collègues m’ont empêché de parler pendant une minute.
M. David Assouline.
Depuis le début de ce débat, vous avez régulièrement dépassé votre temps de parole, monsieur Assouline. Les règles sont les mêmes des deux côtés de l’hémicycle.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Nous voterons cet amendement.
M. Pierre Laurent.
L’écriture de cet article progresse au fil du travail parlementaire ; c’est d’ailleurs le rôle du Parlement.
Absolument !
M. Bruno Retailleau.
À mes yeux, elle progresse dans le bon sens.
M. Pierre Laurent.
Il ne s’agit pas d’un inventaire à la Prévert, même si, évidemment, on peut regretter que l’ensemble des alinéas qui forment désormais l’article 2 ne fassent pas tous l’objet de dispositions détaillées dans le reste du texte. Sur certains points, nous aurions souhaité une loi plus ambitieuse.
Il n’en demeure pas moins que ce texte, dont nous avons tous souligné l’importance à la tribune, était très attendu. Après l’article 1
Selon nous, il s’agit bien d’une politique « de service public », et ces termes, qui avaient disparu du texte de la commission, sont réintroduits à juste titre par cet amendement.
Cet article nous semble utile et important. La rédaction peut encore s’enrichir au fil de la navette parlementaire, et c’est tant mieux, mais, en l’état, nous voterons la proposition de réécriture défendue par David Assouline.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne partage pas l’enthousiasme de mon collègue.
Mme Marie-Christine Blandin.
La proposition de M. Assouline et de son groupe a certes le mérite de clarifier, d’ordonner et de rendre beaucoup plus lisible cet article.
Mais les « droits culturels » se sont subrepticement évaporés de la phrase chapeau… Or c’est une conquête que nous avons obtenue au Sénat après un an d’efforts, et il serait vraiment inopportun de les faire disparaître du texte.
Ensuite, j’avais déposé un sous-amendement d’inversion des priorités, qui faisait passer le public avant les artistes. Le cas échéant, je le déposerai de nouveau en commission lors d’une prochaine lecture. Je pense en effet qu’une politique publique ne doit pas être conçue uniquement pour servir les professionnels. Quand on élabore une politique des transports, on ne dit pas que son but principal est de développer l’industrie ferroviaire, mais il est de favoriser la mobilité et l’acheminement des denrées. Il faut mettre les habitants et les gens avant les artistes, même si ces derniers sont au cœur d’un projet de loi sur la création.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
M. le président.
L’amendement n
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, une politique de service public en faveur de la création artistique.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans le cadre de leur activité professionnelle ;
III. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, je souhaite rectifier l’alinéa 1 de cet amendement, afin de réintégrer dans la rédaction de cet article la question du respect des droits culturels des personnes. Il se lirait ainsi : « L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes, une politique de service public en faveur de la création artistique. »
Mme Fleur Pellerin,
Je suis donc saisi d’un amendement n
M. le président.
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes, une politique de service public en faveur de la création artistique.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans le cadre de leur activité professionnelle ;
III. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Comme vous le savez, cet article 2 est d’une importance fondamentale, car il fixe pour la première fois au niveau de la loi les objectifs majeurs qui gouvernent l’action publique en faveur de la création artistique. De nouveau, je remercie la commission pour son travail de simplification rédactionnelle. Les formulations retenues améliorent, pour la plupart, la lisibilité des objectifs, même si certaines modifications réduisent quelque peu nos intentions sur le fond.
Mme Fleur Pellerin,
L’amendement que défend le Gouvernement vise ainsi à modifier la rédaction proposée par la commission sur trois points, qui constituent une priorité de mon ministère.
Le I prévoit de modifier l’alinéa 1 pour rétablir le caractère de service public de la politique en faveur de la création artistique. Cette consécration législative marque sans ambiguïté que la culture, au même titre que l’éducation nationale, est un service public dans toutes ses dimensions et composantes. Elle s’inscrit aussi dans la continuité des grands textes fondateurs, notamment la charte des missions de service public pour le spectacle vivant de 1998 et la charte des missions de service public pour les institutions d’art contemporain du 27 novembre 2000.
Cette rédaction n’aura pas pour effet de diminuer le rôle joué par le secteur associatif, ou encore par le secteur privé lucratif, mais, au contraire, de conforter le caractère d’intérêt général de leurs actions dans le secteur culturel. Je suis donc attachée, tout comme vous, à la diversité des acteurs, qui contribue à la richesse et à la vigueur de la culture dans notre pays. La rédaction que nous proposons met en exergue cet intérêt.
Toutefois, de même que le service public de l’éducation ou le service public hospitalier associent des acteurs publics et des acteurs privés, il est temps, me semble-t-il, de reconnaître la notion de service public dans les politiques culturelles.
Le II vise à rétablir et à améliorer la formulation proposée pour l’éducation artistique et culturelle. À mon sens, la rédaction issue des travaux de la commission, à trop simplifier, a beaucoup perdu en ambition. L’éducation artistique et culturelle, c’est la condition du développement d’une politique culturelle volontariste tournée vers l’ensemble des publics. Il importe donc d’affirmer très fortement, dans toutes ses dimensions, cette politique, et de mettre les parcours d’éducation artistique et culturelle au cœur de l’action de l’État, en direction de tous les jeunes, et de reconnaître aussi le rôle primordial de l’artiste dans les actions d’éducation artistique et culturelle. Je souhaite donc donner une portée plus importante à notre texte, en défendant un amendement de rétablissement très clair.
Enfin, au III, je propose de supprimer l’alinéa 11, qui impose le recours à une procédure d’appel à projets pour l’octroi des subventions dans le secteur culturel. Si les objectifs de transparence et d’équité président évidemment à l’octroi des subventions dans le secteur culturel, le recours à une procédure d’appel à projets ne constitue qu’une modalité d’attribution relevant d’une appréciation au cas par cas, suivant la nature des projets.
Cet ajout va, de plus, au-delà des règles définies de manière transversale par l’article 59 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
Les trois amendements suivants sont identiques.
M. le président.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
une politique
insérer les mots :
de service public
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n
Dans le même esprit que l’amendement du Gouvernement, nous proposons simplement de réintroduire la notion de service public.
Mme Sylvie Robert.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n
M. le président.
Notre amendement vise à rétablir un membre de phrase évidemment très important, supprimé dans le texte de la commission, et que l’amendement du Gouvernement prévoit également de rétablir.
M. Pierre Laurent.
Par les termes « politique de service public », il ne s’agit pas de dire que les acteurs de la politique culturelle sont tous des institutions publiques ; cela n’a rien à voir. Une politique de service public est une politique qui peut mettre en œuvre, mettre au travail et faire coopérer des institutions de caractère public et d’autres qui ne le sont pas. Mais il est extrêmement important que la politique nationale soit définie comme telle, comme une politique de service public en matière de culture.
Nous tenons donc évidemment à ce membre de phrase, dont le rapporteur ne nous a toujours pas dit pour quelle raison il avait disparu.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n
M. le président.
Nous insistons, les uns et les autres, pour rétablir cette notion de politique de service public, qui a été supprimée par la commission du Sénat – mais nous allons sans doute bientôt savoir pourquoi !
Mme Françoise Laborde.
Au cœur de cette notion réside la question de l’accès de tous nos concitoyens, quels que soient leur lieu de résidence ou leurs revenus, à la création artistique ou à l’éducation artistique et culturelle.
La politique de l’État et des collectivités territoriales en faveur de la création artistique est une politique de service public, y compris lorsqu’il s’agit pour l’État et les collectivités d’encourager les actions du privé en faveur de la création. Nous avons donc tous envie que ces termes soient réintroduits.
L'amendement n
M. le président.
I. – Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
et fondée sur un égal accès des femmes et des hommes
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
dans le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet article, qui vise à définir le rôle de la puissance publique centrale et décentralisée dans le monde de la culture, a été modifié en profondeur à de multiples reprises.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La question de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines de la création, initialement absente, a été ajoutée par nos collègues députés, puis « remontée » en meilleure position par la commission du Sénat. En effet, sa place initiale, en remorque de l’article, ne pouvait offrir à cette exigence la place qu’elle méritait.
Toutefois, si nous saluons sa nouvelle position au sein de l’alinéa 3, il nous apparaît que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes ne se trouve pas encore à sa juste place, et qu’elle devrait figurer à l’alinéa 1.
Nous voulons croire que la création artistique et culturelle et la société sont interdépendantes, et qu’elles s’influencent l’une l’autre. La bataille pour l’égalité entre les sexes doit donc passer, pour partie, par le véhicule de la culture et des arts. C’est pour cette première raison qu’il nous apparaît essentiel de compléter l’alinéa 1, en y ajoutant la question de l’égalité entre les sexes.
De fait, une politique culturelle et artistique ne saurait se fonder sur autre chose que la stricte égalité, dans l’ensemble de ces domaines, entre les citoyens, et donc les sexes. Cette exigence est d’autant plus centrale que le constat est accablant. Il n’est qu’à voir la récente polémique au festival d’Angoulême ; il n’est qu’à lire certaines tribunes particulièrement virulentes dans une partie de la presse spécialisée lorsque l’on parle de la nécessaire féminisation des postes à responsabilité dans le domaine des arts ; il n’est qu’à visiter l’exposition intitulée « Qui a peur des femmes photographes ? » ; il n’est qu’à regarder ce qu’est devenu le projet de musée des femmes pour voir le long chemin qu’il reste à parcourir.
Pour terminer mon propos, permettez-moi de citer deux chiffres : 31 % et 24 %, ce qui correspond à la représentation des femmes respectivement dans la direction des musées nationaux et dans les œuvres exposées.
Il est donc temps que la culture et les arts, « miroir de la nation », prennent à bras-le-corps ce problème de sous-représentation.
Nous voulons croire que, en plaçant l’égalité entre les sexes à la base de la politique culturelle du pays, nous pourrons parvenir à changer positivement les choses. C’est bien plus exigeant que d’affirmer un simple besoin de respect.
Je suis d’accord, mais alors plafonnons partout à 50 % la représentation des femmes, dans la médecine, la justice, l’éducation !
M. Alain Joyandet.
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
6° Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans ces actions ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement vise à préciser, à l’alinéa 8, la mission des politiques publiques en faveur de la culture, en mettant notamment l’accent sur les publics que l’on dit « spécifiques », c’est-à-dire ceux qui en sont les plus éloignés. Comme Mme la ministre l’a rappelé tout à l’heure, il faut développer des actions d’éducation artistique et culturelle.
Mme Sylvie Robert.
Il faut également favoriser l’accès de la culture aux publics empêchés. Vous le savez, mes chers collègues, des actions de médiation sont menées envers ces publics, qui n’ont pas parfois le même égal accès à certains projets culturels.
C’est pourquoi il importe d’apporter ces précisions.
Le sous-amendement n
M. le président.
Amendement 76 rectifié, alinéa 3
Après le mot :
permettant
insérer les mots :
la découverte et
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n
Mme Marie-Christine Blandin.
Nous souhaitons ajouter qu’elle permet aussi la découverte de ces aptitudes. Sans cela, on pourrait avoir l’impression que l’on s’intéresse uniquement aux enfants qui ont l’oreille absolue, par exemple, aux petits chéris doués.
Pour notre part, il nous semble qu’il faut à la fois faire naître de nouveaux talents et cultiver ceux qui existent.
L'amendement n
M. le président.
Après les mots :
tous les publics
insérer les mots :
, notamment ceux les plus éloignés de la culture,
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
On peut comprendre la logique qui a conduit à supprimer, en commission, la référence aux publics les plus éloignés de la culture. Il est vrai que l’article 103 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République reconnaît à chacun sa participation à la culture et aux arts. Personne n’en est tenu éloigné.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Pourtant, le principe de réalité s’impose. Exclure de la loi le fait que tout le monde n’est pas égal face à la culture, aux arts et aux œuvres de l’esprit en général, c’est perpétuer et entretenir une double dynamique dangereuse : l’exclusion toujours plus forte de certaines et de certains et l’uniformisation des contenus. C’est la raison pour laquelle nous voulons revenir sur ce point.
L'amendement n
M. le président.
Après le mot :
permettant
insérer les mots :
la découverte et
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’argumentation que j’ai défendue pour ce qui concerne le sous-amendement n
Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
, en particulier au contact d’artistes dans le cadre de leur activité professionnelle
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement vise à reconnaître le rôle central des artistes dans les actions d’éducation artistique et culturelle. Ils sont fortement engagés, sur l’ensemble de nos territoires, dans des actions de sensibilisation et de transmission auprès de tous les publics. Ils favorisent l’accès le plus large aux œuvres artistiques et l’accompagnement des parcours culturels d’émancipation de chacun.
Mme Marie-Christine Blandin.
Pour ces raisons, il nous semble important de rappeler que les actions d’éducation artistique se font au contact d’artistes, en particulier dans le cadre de leur activité professionnelle, et pas seulement de médiateurs. C’est bien en tant qu’artistes, et non en tant qu’enseignants ou animateurs, qu’ils interviennent à la demande de l’État ou des collectivités territoriales.
Cette précision est destinée à lever certaines ambiguïtés : Pôle emploi, par exemple, ne reconnaît pas toujours ces actions comme partie intégrante du métier d’artiste. Je tiens d’ailleurs à votre disposition l’exemple d’un artiste chorégraphe intervenant dans le cadre d’ateliers de danse : ces ateliers n’ont pas été retenus au titre de l’annexe X de la convention relative à l’indemnisation du chômage, mais requalifiés comme relevant du régime général, ce qui a entraîné un trop-perçu de 14 000 euros.
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
9° Favoriser la démocratie culturelle en garantissant la transparence des critères, pour les attributions de subventions publiques comme pour les nominations, et en ayant recours à une évaluation régulière et partagée des actions menées ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
La rédaction proposée par la commission pour l’alinéa 11 de l’article 2 répond à des objectifs très louables de justice des subventions, de transparence et d’évaluation.
Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement regroupe toutes ces belles finalités sous le nom de « démocratie culturelle », à ne pas confondre avec la démocratisation culturelle. Nous souhaitons appliquer également ces critères vertueux aux nominations, ce qui n’avait pas été prévu par le rapporteur.
Cet amendement sera suivi d’amendements de repli, moins ambitieux.
L’amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
9° Garantir la transparence dans l’octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique, et une évaluation régulière et partagée des actions menées ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement, qui prévoit lui aussi une nouvelle rédaction de l’alinéa 11, reprend les principes de transparence et d’évaluation, sans citer le mécanisme des appels à projet comme la solution idéale pour atteindre ces buts louables.
Mme Marie-Christine Blandin.
En effet, les appels à projet, qui peuvent, dans certaines circonstances, constituer une méthode adaptée, présenteraient des inconvénients s’ils devenaient la règle unique.
Tout d’abord, ils sont contradictoires avec l’autonomie de l’initiative culturelle, telle qu’elle est protégée par la charte des engagements réciproques signée en 2014 par le Premier ministre.
Ensuite, ils fragilisent, à l’égard de la Commission européenne, la justification de l’usage de l’argent public en dehors de toute mise en concurrence et de tout acte de commande des pouvoirs publics.
Enfin – et c’est sans doute ce qui peut nous rassembler –, ils peuvent provoquer des ruptures dommageables pour la permanence artistique sur un territoire, pour peu que des réponses à ces sortes d’appels d’offres puissent arriver de toute structure européenne, susceptible d’y répondre sans même connaître le territoire.
L'amendement n
M. le président.
Remplacer les mots :
le recours à des appels à projet
par les mots :
des conventions et dispositifs concertés
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement représente en quelque sort le SMIC de nos propositions… C’est le repli du repli !
Mme Marie-Christine Blandin.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je disais tout à l’heure qu’il était hasardeux et compliqué de se lancer dans la rédaction d’une liste. Je maintiens cette perception…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Certains me demandent d’expliquer la suppression, par la commission, de la notion de service public. Au fond, nous n’avons rien fait d’autre que de revenir au texte du Gouvernement. En effet, le texte initial n’intégrait pas du tout cette notion : « L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique en faveur de la création artistique. »
C’est le droit de l’Assemblée nationale de modifier cet article, en ajoutant la notion de service public, mais cela peut entraîner une forme d’ambiguïté sémantique.
Cela pourtant Malraux qui en est à l’origine !
M. Pierre Laurent.
On peut parler de politique publique de la culture, mais nous avons préféré revenir au texte initial du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Ce texte vise à favoriser la création, l’ouverture et l’émergence de talents en provenance de toutes parts. Dès lors, pourquoi limiter les choses ou être restrictif, en laissant entendre que seul le service public est concerné ?
En ce qui concerne les droits culturels, je veux rappeler à Mme Blandin que c’est la commission qui a fait remonter cette notion à l’alinéa 1 de l’article 2, car elle avait été reléguée plus loin dans les versions précédentes du texte.
Tout à fait !
Mme Marie-Christine Blandin.
La commission est défavorable à l’amendement n
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
À la faveur de la précision qui a été apportée, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n
Par ailleurs, elle est défavorable aux amendements nos 364 et 365.
Enfin, la commission émet un avis de sagesse – plutôt positive – sur l’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est favorable à l’ensemble des amendements en discussion commune. Ils intègrent, à mes yeux, des objectifs extrêmement importants.
Mme Fleur Pellerin,
En ce qui concerne l’affirmation du rôle de service public de la politique culturelle, je tiens à préciser que le Gouvernement, même s’il n’a pas fait figurer ce terme dans le projet de loi initial, n’y est pas défavorable, bien au contraire. Ce sujet de discussion a été porté par Marie-George Buffet à l’Assemblée nationale, et le Gouvernement s’y est montré très favorable.
De la même façon, le Gouvernement est également très favorable aux amendements visant à préciser les objectifs en matière d’éducation artistique et culturelle, ainsi qu’à l’amendement relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mon ministère est extrêmement engagé sur cette question, puisqu’il est l’un des rares à avoir mis en place un observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est en particulier chargé d’examiner les conditions de rémunération ou d’accès aux moyens de production des femmes dans la sphère culturelle.
Je suis, enfin, très attachée aux objectifs de transparence dans l’attribution des subventions.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis favorable à l’ensemble des amendements.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’amendement n
M. le président.
Je souhaite insister sur l’idée de service public.
M. Pierre Laurent.
Monsieur le rapporteur, vous entretenez une confusion à ce sujet. Cette idée a traversé les années et les majorités ; il ne s’agit donc pas d’une question idéologique.
Il existe de grandes politiques de service public, qui sont mises en œuvre à la fois par des acteurs publics et par d’autres qui ne le sont pas. Je pense, par exemple, à la grande politique de service public de la santé – quoi que je pense de l’état actuel de ce secteur en France ! – à laquelle participent l’ensemble des médecins libéraux.
Parler de politique de service public ne signifie donc absolument pas que nous considérions qu’il faille réduire la mise en œuvre de celle-ci à des acteurs publics. Il ne s’agit pas de cela.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Ma collègue Sylvie Robert l’a indiqué, on ne peut pas rester arc-bouté sur une position, qui se réfère simplement à une version initiale du Gouvernement. L’expression de service public a été introduite grâce aux débats de l’Assemblée nationale, car l’absence de cette notion pouvait prêter à confusion.
M. David Assouline.
S’il existe aujourd’hui un domaine où nous avons une responsabilité, en particulier du fait de l’exception culturelle et de la nécessaire diversité culturelle, c’est bien celui de la culture et de la création artistique.
Une politique de service public n’est pas du tout antinomique avec la nécessité de libérer les énergies en matière de création artistique et ne doit pas constituer un frein pour les acteurs privés ou les amateurs. En outre, une telle politique, contrairement à l’interprétation que j’ai pu entendre, ne signifie pas une fonctionnarisation : une politique de service public, ce n’est pas ici une politique de fonction publique.
Il n’est donc pas compréhensible de faire disparaître cette notion. Peut-être voulez-vous lever des confusions ? Mais on ne fait là que se référer à une constante depuis Malraux. Il ne faisait pas partie de ma famille politique, mais, en l’occurrence, il reste un maître en matière de politique culturelle. Il a révolutionné ce secteur, que ce soit par sa philosophie ou par la mise en place du ministère de la culture. Affirmer cette notion, c’est lui rendre hommage, ce n’est pas autre chose.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n
M. le président.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, l’amendement n
M. le président.
L’amendement n
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Favoriser la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d’expression artistique ;
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Le texte du Gouvernement et celui de la commission, comme la nouvelle rédaction proposée précédemment par M. Assouline, qui n’a pas été adoptée, ordonnent les objectifs de la loi en commençant par le soutien à la création et aux talents.
Mme Marie-Christine Blandin.
Les écologistes approuvent ce soutien aux professionnels, car la création est vraiment le ressort de la production de biens communs culturels qui non seulement font sens et lien à une époque donnée, mais aussi laissent des œuvres cumulées dans le temps qui caractérisent l’humanité.
Toutefois, ils pensent que l’objet premier d’une politique publique, quelle qu’elle soit, doit d’abord s’adresser à l’ensemble de la population. C’est pourquoi ils proposent de faire remonter, dans la liste des objectifs de la politique culturelle, la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d’expression artistique – ce qui englobe les créateurs comme les habitants dans leurs pratiques et leurs aspirations – avant l’objectif de soutien aux professionnels.
Par comparaison, on n’imaginerait pas une loi sur la santé qui fixerait comme premier objectif la fabrication de médicaments ou le soutien aux praticiens. Une telle politique doit d’abord viser à garantir le bon état du capital de santé de chacun. Comme je l’ai dit tout à l’heure, on n’imaginerait pas non plus qu’une loi sur les transports commence par la mention du soutien au transport ferroviaire ou au transport routier.
C’est dans cet esprit que nous proposons de changer, modestement mais symboliquement, l’ordre des priorités. La politique culturelle se fait d’abord pour et avec tous les citoyens !
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à faire de la liberté de choix des pratiques culturelles le premier objectif de la politique en faveur de la création artistique, ce qui est contradictoire avec l’objectif même de cette politique, énoncé plus haut, à savoir le soutien aux œuvres et aux artistes. Les auteurs de cet amendement proposent de permuter l’ordre des choses.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Après le mot :
insérer les mots :
l’existence et
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Cet amendement vise à réintroduire une précision supprimée par la commission, car il s’agit d’une nuance importante pour les membres du groupe CRC.
Mme Christine Prunaud.
Oui, l’État et les collectivités territoriales ont pour mission d’assurer le développement des structures culturelles et artistiques sur l’ensemble du territoire national, mais l’État et les collectivités territoriales ont aussi une obligation politique, celle de permettre l’émergence de lieux de culture là où il n’y en a pas. En effet, là où aucun espace culturel ou artistique n’existe, on trouve des individus très éloignés, tant physiquement que socialement, de la culture et des arts.
C’est donc notre rôle, en présentant cet amendement que certains pourraient qualifier de « rédactionnel », de rappeler l’importance capitale de la nécessaire démocratisation de la culture et des arts.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement est assez proche de l’amendement n
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Autant on peut comprendre ce que signifie le fait d’encourager « l’émergence, le développement et le renouvellement des talents », autant la référence au fait d’« encourager l’existence » des talents n’est pas très claire et peut même nous amener à nous interroger. Signifie-t-elle qu’il faut subventionner les artistes reconnus par principe, indépendamment de leurs réalisations ? La question peut se poser.
J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que, ultérieurement, sur l’amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis du Gouvernement est favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Effectivement, le soutien à la création artistique ne saurait se limiter au développement des structures ou des actions existantes. Il me semble que l’ajout du terme « existence » est important pour indiquer que, outre le soutien à la création de structures ou au développement d’activités artistiques et culturelles, le soutien à l’existence de la création artistique est aussi un objectif de l’action publique.
Catherine Tasca évoquait tout à l’heure les difficultés budgétaires qui « justifient » parfois que certaines collectivités se désengagent assez massivement des institutions culturelles. Il me paraît important de rappeler que, même lorsque ces collectivités sont confrontées à des difficultés budgétaires – ce qui est également le cas de l’État ! –, beaucoup d’entre elles font aujourd’hui le choix du maintien de leurs crédits à la culture – en tout cas, je tente de les encourager dans cette voie ! –, afin de maintenir les établissements culturels, de les soutenir dans l’accomplissement de leurs missions et d’aider au mieux les équipes artistiques.
Il est absolument indispensable de ne pas mettre à terre les établissements et le maillage d’institutions culturelles que plusieurs décennies de décentralisation culturelle ont contribué à mettre en place et qui sont aujourd’hui au cœur de l’animation de la vie culturelle de notre pays.
Il s’agit d’un engagement et d’une nécessité absolus, et c’est dans cet esprit que j’ai souhaité conclure les pactes culturels avec les collectivités territoriales volontaires. C’est pourquoi je suis très favorable à cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Supprimer les mots :
et le rayonnement de la France à l’étranger,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Je vais m’entourer de précautions pour présenter cet amendement, parce qu’un lecteur non averti pourrait considérer que nous souhaitons mettre fin au rayonnement de la France à l’étranger.
Mme Marie-Christine Blandin.
Rassurez-vous, mes chers collègues, la suppression qui est ici proposée n’est pas l’expression d’un renoncement à faire valoir hors de nos frontières la qualité et la diversité de nos créations, de nos spectacles et de l’ensemble des œuvres produites en France.
Cependant, le rayonnement culturel – que Mme la ministre favorise, tout comme M. le ministre des affaires étrangères – ne peut pas être un objectif en soi : on ne crée pas pour être visible à l’étranger, on ne monte pas une pièce en se disant qu’elle fera recette ailleurs. On construit le Louvre-Lens d’abord pour les habitants du bassin minier : puisque le résultat est beau, tout le monde vient d’ailleurs pour le voir. On construit le musée La Piscine à Roubaix, ou bien le MuCEM, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, pour les habitants et avec eux : ceux qui les visitent sentent tellement l’authenticité, la justesse des parcours, la ferveur qui lient ces projets aux territoires et le choix des œuvres que le rayonnement naît de la qualité de la réalisation et non pas d’un objectif proclamé
En revanche, je n’aurai pas la cruauté de citer des exemples ou des initiatives conçus uniquement pour le rayonnement, qui furent des échecs retentissants ou d’éphémères événements, aussi vite oubliés que cités au détour de brochures de voyagistes.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Au contraire, j’estime que la poursuite de l’objectif du rayonnement de la France à l’étranger grâce à la vitalité de sa création artistique constitue l’un des fondements du soutien public à la création.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Dès lors, l’avis de la commission est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. le président.
J’ai du mal à comprendre ce débat.
M. Jacques Legendre.
Il me semble que, quand on construit un musée, on le construit évidemment pour les habitants du territoire sur lequel il se trouve, mais aussi pour toutes celles et tous ceux qui peuvent apprécier de le visiter : il contribue donc aussi au rayonnement de la France. Il serait donc malheureux de supprimer cette référence dans un tel texte.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Supprimer le mot :
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Je vais vous accabler dans le malheur ! Nous avons maintenu dans ce projet de loi la mention du rayonnement de la France à l’étranger, et il me semble donc redondant et maladroit de mentionner de nouveau le qualificatif « française » dans la même phrase.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je sais bien que, après ces années bouleversées, la tendance est à se tenir chauds les cœurs autour de notre pays. J’attire cependant votre attention sur un point : si ce qualificatif s’applique sans ambiguïté aux œuvres rédigées, énoncées ou chantées en langue française, excluant de fait d’autres langues parlées en France comme le picard ou le breton, il devient impossible à interpréter pour un ballet ou un tableau, par exemple, et il écarterait au passage des coproductions d’artistes en résidence et venus d’ailleurs.
La complexité résultant des termes « œuvres d’expression originale française » et les potentielles tenues à l’écart qu’elle pourrait engendrer, outre la répétition dans la même phrase, nous semblent justifier la suppression de ce qualificatif, d’autant que la culture et l’art tendent à tirer chacune et chacun vers l’universel.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Vous ne serez pas étonnée, madame Blandin, que j’émette un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il me paraît essentiel de maintenir la référence au caractère français des œuvres d’expression originale bénéficiant d’un soutien, afin de préserver l’exception culturelle. Les critères sont par ailleurs suffisamment souples pour permettre d’encourager des projets de nature internationale avec un fort ancrage français.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
Madame la sénatrice, vous estimez qu’il ne convient pas de promouvoir tout particulièrement la création d’œuvres d’expression originale française et qu’il faut donc supprimer l’adjectif « française », dans la mesure où il risque d’encourager des interprétations trop restrictives des critères de soutien à la création sur notre territoire.
Sans rien enlever à notre ambition de faire connaître au plus large public des œuvres de toutes natures, de toutes formes et en toutes langues, l’une des missions fondamentales du ministère de la culture et de la communication, depuis sa création, est de veiller à ce que la culture de langue française rayonne et que les œuvres et les artistes français parviennent à toucher le public le plus large possible, à l’intérieur de nos frontières comme à l’étranger.
À cette fin, le ministère a su développer des dispositifs, en propre ou portés, notamment par l’Institut français, l’Office national de diffusion artistique, l’ONDA, ou encore par nos instruments de valorisation à l’exportation.
À mon sens, il est important de ne pas masquer cet objectif fondamental de défense de notre propre culture, mais, bien entendu, dans un esprit d’ouverture permanente en direction des œuvres et des artistes de tous horizons et de toutes langues.
Nos lieux culturels ont d’ailleurs su développer l’accueil de pièces en langue étrangère, les échanges entre établissements et entre artistes de tous pays, accompagner les publics dans cette connaissance et ce goût de la découverte d’œuvres en d’autres langues, et, au-delà, favoriser une meilleure approche des richesses de l’altérité.
C’est la raison pour laquelle je préfère maintenir cette mention, telle qu’elle figure dans le texte. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Il s’agit de savoir si la mention est exclusive. Est-ce que le fait d’être à l’avant-garde pour promouvoir la culture française et les œuvres françaises est exclusif de toute autre action ?
M. David Assouline.
À mon avis, ce n’est pas le sujet. Mais il nous faut quand même pouvoir dire que nous allons promouvoir les œuvres françaises, tout en nous assurant que cette promotion ne se fera pas au détriment des langues régionales, qui font partie de la culture française, ou d’autres cultures avec lesquelles nous avons des échanges. Pour autant, le monde réel de la création artistique des œuvres, avec l’uniformisation de la diffusion, impose des œuvres américaines, par exemple.
Certes, des mots dans une loi ne suffiront pas, mais si nous ne commençons pas par là, nous allons perdre ce combat, qui est, je le pense, déjà mal engagé, même si la France résiste grâce à l’exception culturelle et à cette politique particulière de promotion des œuvres françaises. À l’inverse, regardez comme les grands cinémas, en Italie et en Espagne, sont déjà hors-jeu, pendant que le cinéma français résiste !
S’il y a un pays où tous les artistes du monde savent qu’ils seront aidés, encouragés et où ils adorent venir créer, c’est bien la France ! C’est pourquoi ce terme n’est pas, à mon sens, exclusif.
Madame Blandin, maintenez-vous votre amendement ?
M. le président.
J’ai trop peur que vous me preniez pour une mauvaise citoyenne…
Mme Marie-Christine Blandin.
(Sourires.)
L’amendement n
M. le président.
L'amendement n
Après les mots :
l’émergence,
insérer les mots :
l’existence,
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Nous avons déjà abordé ce sujet précédemment.
Mme Maryvonne Blondin.
Il est de notre rôle, avec nos politiques publiques, non seulement d’accompagner l’émergence des talents, mais aussi de soutenir les talents existants. Nous devons leur offrir tout ce qui est possible en termes de formation et d’insertion professionnelle, ou leur permettre d’accéder aux lieux de diffusion.
Néanmoins, comme cela a déjà été proposé tout à l’heure, je retire cet amendement.
L’amendement n
M. le président.
L'amendement n
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Garantir les droits culturels des personnes ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Il s’agit de garantir véritablement les droits culturels des personnes, conformément aux termes de la loi NOTRe et à la déclaration de Fribourg de 2007.
Mme Sylvie Robert.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ma chère collègue, vous m’en donnerez acte, nous avons remis en bonne place le respect des droits culturels dans la liste des objectifs de la politique en faveur de la création artistique que nous avons élaborée ensemble en commission.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Considérant que cet amendement est satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mme Fleur Pellerin,
Madame Robert, l'amendement n
M. le président.
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Mme Sylvie Robert.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique ;
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
À mon sens, cette rédaction est plus forte et plus ambitieuse que celle qui a été retenue par notre rapporteur. En effet, il y a urgence. Si une certaine prise de conscience a émergé depuis peu, les femmes demeurent cruellement sous-représentées dans tous les domaines de la culture et de la création. Or comment les œuvres produites peuvent-elles espérer refléter efficacement notre société si les femmes, qui représentent plus de la moitié de la population française, occupent une moindre place dans la création artistique ?
Mme Maryvonne Blondin.
Malheureusement, elles souffrent d’une représentation très limitée au sein de la programmation artistique. En témoignent les chiffres du rapport de 2015 de l’observatoire de l’égalité entre femmes et hommes du ministère de la culture et de la communication : un quart des spectacles sont mis en scène par les femmes ; 5 % d’entre elles dirigent des concerts ; au cinéma, les chiffres sont un peu meilleurs, mais bien loin d’être satisfaisants.
Je rappelle également que les femmes sont sous-représentées parmi les lauréats des prix et des récompenses. Nous avons tous en mémoire ce qui vient de se passer au festival d’Angoulême. Et je ne parlerai pas des écarts de rémunération, qui sont également flagrants.
Il est grand temps de redresser la barre. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de soutenir l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la création, ce qui est loin d’être accessoire. Ce soutien est même fondamental et nous engage toutes et tous.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Le soutien à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique est un objectif tout à fait louable, que nous soutenons. Nous le savons, il s’agit d’une démarche longue…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cela fait des siècles !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cela prend du temps, mais je n’y peux rien !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Je pense vraiment qu’ajouter un alinéa supplémentaire peut être de nature à affaiblir la portée de votre combat, madame la sénatrice. C’est ce qui arrive parfois quand on multiplie les rappels.
La commission a inscrit, à ma demande, cet objectif au 1° de l’énumération. J’estime donc que c’est suffisant.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je suis un peu attristée par la position de M. le rapporteur, car je considère qu’il s’agit d’un objectif non seulement louable et légitime, mais aussi nécessaire et indispensable. J’ai d’ailleurs rappelé tout à l’heure que j’avais souhaité créer un observatoire de la parité entre femmes et hommes au sein du ministère de la culture et de la communication.
Mme Fleur Pellerin,
Les premières statistiques que cet observatoire a rendues publiques cette année ont montré qu’il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour assurer une véritable égalité de traitement entre les femmes et les hommes, que ce soit en termes de présence à des postes de responsabilité et sur les plateaux, d’accès aux moyens de production ou de représentation dans les institutions culturelles.
Vous connaissez mon engagement en faveur du respect de la parité, qui doit demeurer une ardente obligation. Je suis donc favorable à l’introduction d’un alinéa propre sur ce sujet, au-delà de la question de l’objectif de parité dans le soutien à l’existence et à l’émergence des talents prévu au 1°, ce qui constitue une bonne place.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Développer la création et l’expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l’échange et le vivre ensemble ;
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Cet amendement vise à faire figurer au sein de l’article 2 la mention de la défense et de la promotion des arts de la rue.
Mme Maryvonne Blondin.
Dans le contexte actuel, où le vivre ensemble est menacé, où la cohésion sociale est souvent mise à mal et où les valeurs de la République sont trop souvent questionnées, il est primordial que nos politiques publiques permettent la création et l’expression artistique et culturelle dans tous les espaces publics, tant urbains que ruraux.
La promotion des arts de la rue, cette culture hors les murs à laquelle je suis très attachée, et qui revêt une importance toute particulière dans mon département, est fondamentale. Elle est un enjeu fort non seulement pour la vitalité artistique – il suffit de voir combien d’adeptes ces spectacles attirent ! –, mais aussi pour l’accès de tous à la culture et constitue, donc, une véritable démocratisation.
Elle est également liée aux politiques d’aménagement des espaces publics et à l’architecture de nos villes. Il s’agit d’un point important, que nous évoquerons lors de la discussion de la deuxième partie de ce projet de loi.
J’estime donc qu’il est essentiel de reconnaître et de promouvoir toutes les initiatives en la matière, portées – ou qui seront portées – tant par l’État que les collectivités territoriales ou les opérateurs privés. Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Je rappelle que la commission a essayé de synthétiser, de « ramasser », de rassembler de façon la plus cohérente possible l’ensemble des items qui concourent à une politique de création artistique.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Ma chère collègue, vous souhaitez ajouter aux multiples alinéas un alinéa supplémentaire, mais le 5°, adopté par la commission, prévoit déjà de mettre en valeur les œuvres dans l’espace public, grâce à des dispositifs de soutien adaptés, dans le respect des droits des auteurs et des artistes.
À mon sens, cette rédaction est de nature à répondre aux attentes des professionnels des arts de la rue, que nous soutenons tous ici, car ils contribuent à la qualité du vivre ensemble. Il serait superflu d’ajouter une disposition supplémentaire.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis du Gouvernement est favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Le ministère de la culture a lancé en avril 2014 une mission nationale pour l’art et la culture dans l’espace public, manifestant ainsi sa volonté de dépasser l’obstacle majeur que constitue le cloisonnement entre les opérateurs, les administrations, les collectivités et les institutions qui interviennent dans l’espace public, et de favoriser les projets artistiques développés dans l’espace public, en particulier dans les contextes de réaménagement urbain.
La mission, présidée par Jean Blaise, va me rendre son rapport dans les jours prochains, et ses conclusions, j’en suis sûre, permettront d’ouvrir des pistes intéressantes pour la mise en œuvre d’une politique structurée sur le sujet.
Pour ma part, j’en suis convaincue, c’est dans l’espace public, hors les murs, que nous parviendrons à toucher les publics les plus éloignés de la culture, qui n’ont pas l’opportunité, le désir ou, tout simplement, les moyens de franchir les portes des établissements culturels.
Pour toutes ces raisons, je le répète, je suis favorable à cet amendement.
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
M. le président.
Je veux, à mon tour, soutenir cet amendement.
Mme Catherine Tasca.
Les arts de la rue sont globalement sous-entendus dans la longue liste des missions des politiques culturelles. Ces disciplines connaissent aujourd’hui des problèmes spécifiques. Les arts de la rue rencontrent non seulement des difficultés de financement, mais aussi, tout simplement, des difficultés d’existence dans l’espace public. En raison tant de l’évolution du tissu urbain que des problèmes d’organisation de la circulation, il devient de plus en plus difficile de les faire vivre.
Or ceux-ci sont un creuset, un vivier d’inventivité pour la création d’aujourd’hui et de demain. Il n’est donc pas superflu, à mon sens, de les mentionner de façon particulière, eux qui contribuent non seulement au vivre ensemble, comme on le signale souvent à juste titre, mais aussi au renouvellement des formes de la création contemporaine.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
M. le président.
En tant que présidente du groupe d’études « Arts de la scène, de la rue et festivals en régions », je me sens très concernée par les difficultés auxquelles doivent faire face les arts de la rue : des difficultés financières, bien sûr, mais aussi des difficultés d’aménagement et des problèmes de vandalisme. À ce dernier égard, il convient d’éduquer non seulement nos jeunes, mais également les adultes, qui sont capables aussi de vandaliser des œuvres.
Mme Françoise Laborde.
Je voterai résolument cet amendement, car, je persiste et signe, nous devons pouvoir continuer à montrer des œuvres dans la rue.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
J’ai été à l’origine de la création, au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, du groupe d’études « Arts de la scène, de la rue et festivals en régions » ; celui-ci vit d’ailleurs bien, ce qui est une très bonne chose. Toutefois, je m’interroge : n’y a-t-il pas contradiction lorsqu’on affirme que la création est libre, de même que l’expression et la diffusion, à vouloir préciser dans la loi les formes de cette création ? Après tout, les arts de la rue ne sont pas seuls à rencontrer des difficultés : les arts de la scène, les salles de spectacles et les théâtres font également face à des difficultés financières majeures, voire à des menaces sur leur survie même.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Il me semble que, à vouloir mentionner certains secteurs plutôt que d’autres, nous risquons de nous éloigner du principe de liberté totale que nous avons tenu à affirmer à l’article 1
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Mme la présidente de la commission m’ôte les mots de la bouche. J’ajouterai seulement qu’il ne faudrait pas nous faire un mauvais procès : que nous émettions un avis défavorable sur tel ou tel des amendements qui sont présentés pour promouvoir certains secteurs en particulier ne signifie évidemment pas que nous serions hostiles aux secteurs en question. Les arts de la rue, nous les soutenons ; nous considérons simplement qu’ils sont inclus dans la formulation générique figurant à l’alinéa 5 de l’article 2.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Plus on voudra préciser la rédaction, plus on s’apercevra qu’il y manque des choses. Or, mes chers collègues, nous ne sommes pas en train de dresser l’inventaire de toutes les formes de création possibles dans la rue et partout ailleurs : nous sommes en train d’écrire la loi !
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. le président.
L’intention des auteurs de cet amendement est fondée, car les arts de la rue, qui reposent souvent sur des associations de bénévoles, ont le mérite d’animer l’espace public et, comme on l’a souligné, de soutenir le vivre ensemble. Toutefois, en prenant un peu de recul, ainsi que nous y invitent Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur, on s’aperçoit qu’il est préférable de ne pas alourdir la rédaction du projet de loi, ce qui pourrait créer des contraintes. Je me range donc à leur avis, quelque fondé que l’amendement m’apparaisse au regard de la nécessité de renforcer la citoyenneté et de promouvoir le vivre ensemble, ce dont nous avons aujourd’hui grand besoin.
M. Marc Laménie.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Comme le même argument nous sera opposé chaque fois que nous voudrons introduire dans le projet de loi une précision, je veux rappeler le contexte.
M. David Assouline.
Alors que nous avons décidé de ne pas toucher à l’article 1
On nous objecte que les arts de la rue seraient forcément inclus dans la rédaction actuelle. Non ! Si certains arts apparaissent comme tels de façon évidente pour tout le monde, l’évidence n’est pas la même pour certains autres, qui, de ce fait, sont maltraités. Ainsi, l’un des festivals les plus célèbres des arts de la rue, celui de Chalon-sur-Saône, a vu toutes ses aides publiques supprimées.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Certes, mais personne aujourd’hui ne considère que ces scènes nationales ou l’opéra sont les parents pauvres du soutien à la création artistique et aux arts. Certains arts, comme les marionnettes, ne sont pas aussi bien considérés, alors même que, par le passé, ils ont été puissants dans notre tissu culturel.
M. David Assouline.
De la même façon, dans le domaine économique, si l’on parle beaucoup des artisans, ce n’est pas parce qu’ils seraient le fer de lance de l’économie – encore qu’ils en soient une composante très importante –, mais parce qu’ils détiennent un savoir-faire et assurent la transmission de cultures et de métiers.
Si nous parlons des arts de la rue, c’est pour parler de ceux dont on ne parle pas et qu’on laisse mourir. Il n’y a pas là une vue de l’esprit, mais une réalité concrète, puisque, je le répète, le principal festival des arts de la rue a vu ses vivres coupés. Ces arts, mes chers collègues, nous avons l’occasion de les mettre un peu en lumière, de même que, tout à l’heure, nous aurons l’occasion de mentionner les handicapés.
On dit les « personnes handicapées » !
M. Michel Canevet.
Certes, on vise ces personnes en visant tout le monde, mais il est important de les mentionner de façon particulière.
M. David Assouline.
J’espère avoir répondu à l’argument qui, sans doute, nous sera encore opposé plusieurs fois : pourquoi introduire des précisions, vu qu’une généralité inclut tout ?
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
M. le président.
L’amendement n
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° Favoriser les activités de création artistique pratiquées en amateur, en particulier celles issues des initiatives territoriales ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Je pense qu’une attention particulière doit être prêtée aux initiatives territoriales en faveur des activités de création artistique pratiquées en amateur. Tel est le sens de l’alinéa 6 de l’article 2, que vise à corriger le présent amendement, purement rédactionnel.
Mme Françoise Laborde.
L’amendement n
M. le président.
Remplacer les mots :
artistique pratiquées en amateur
par les mots :
ou les pratiques qui associent des amateurs
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’alinéa 6 de l’article 2, dans le texte de la commission, fait référence aux « activités de création artistique pratiquées en amateur ». Cet amendement, qui n’est pas seulement rédactionnel, tend à viser plutôt les « activités de création ou les pratiques qui associent des amateurs ».
Mme Marie-Christine Blandin.
C’est un des mérites du projet de loi, dans la rédaction initiale du Gouvernement comme dans la rédaction établie par la commission, de reconnaître la place des amateurs tout en évitant une concurrence déloyale avec les professionnels. Cependant, les amateurs ne sont cités qu’à propos de la création. Il nous semble judicieux de les mentionner aussi à propos des simples pratiques.
En effet, un grand nombre d’amateurs se produisent dans un cadre artistique sans qu’on puisse exactement considérer qu’ils sont en train de créer. Songeons aux chanteurs de chœurs lyriques, qui prennent plaisir à répéter dans un cadre amateur, mais qui sont parfois requis par des orchestres symphoniques pour certaines œuvres exigeant jusqu’à une centaine de choristes ; en pareil cas, ils ne se livrent pas à une activité de création, mais à une simple pratique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il est à l’exact inverse de l’avis du rapporteur : je suis favorable à l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
La proposition de modification rédactionnelle présentée par Mme Laborde me convient très bien, puisqu’elle met en valeur le rôle essentiel pour le vivre ensemble et pour la cohésion de notre société des initiatives territoriales favorisant les activités de création artistique pratiquées en amateur. Ce tissu d’acteurs et ce foisonnement de projets sont à mes yeux primordiaux. Au demeurant, lorsque ces projets s’étiolent ou viennent à disparaître, les conséquences s’en font souvent sentir très rapidement, et parfois de façon dramatique. Il me semble donc que l’État, à travers ses services déconcentrés, doit être au côté des collectivités territoriales pour promouvoir ces projets fédérateurs et source de dynamique collective.
En revanche, la formulation proposée par Mme Blandin ne me paraît pas judicieuse, dans la mesure où l’alinéa 6 de l’article 2 ne vise pas les activités de création associant des amateurs, mais les activités des amateurs en propre. Il me semble que l’adoption de l’amendement n
Madame Laborde, l’amendement n
M. le président.
Puisque le Gouvernement soutient mon amendement, je le maintiens pour qu’il soit mis aux voix, monsieur le président !
Mme Françoise Laborde.
Madame Blandin, l’amendement n
M. le président.
Contrairement à M. le rapporteur, qui, se livrant à un véritable exercice de gymnastique, fait tomber par anticipation l’amendement de Mme Laborde avant même que l’amendement n
Mme Marie-Christine Blandin.
(Sourires.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. le président.
L’amendement n
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres en direction du public atteint de handicap et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives, intermédiaires et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes souffrant de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, une politique de liberté de la création artistique ne peut être pleinement efficace qu’en se fondant sur le socle du service public, garant de l’égal accès des citoyens à la culture.
Mme Christine Prunaud.
Nous avons parlé tout à l’heure de l’égalité entre les sexes ; parlons à présent de l’égalité entre valides et non-valides.
Cet amendement vise à rappeler le nécessaire investissement que doit faire la puissance publique pour assurer l’accès à toutes les étapes de la création artistique et culturelle, que ce soit au niveau de la contribution, de la diffusion ou de l’usage.
La loi du 11 février 2005 avait consacré l’obligation de rendre accessibles tous les lieux recevant du public avant le 1
Les lieux culturels et artistiques ne dérogent pas à cette règle : trop de citoyens ne peuvent y accéder, faute de dispositifs permettant de les accueillir.
Le renoncement opéré par le Gouvernement en juin dernier lors de la demande de ratification de l’ordonnance du 26 septembre 2014 en est une nouvelle preuve. Tout le monde a conscience du problème, mais personne ne veut mettre les moyens nécessaires pour répondre à l’objectif d’accessibilité, pourtant purement démocratique, égalitaire et humaniste.
Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi que la puissance publique, dans le cadre de sa politique culturelle et artistique, doit tout mettre en œuvre pour assurer la mise en accessibilité des lieux et des œuvres au public en situation de handicap.
Dans le même temps, il convient de promouvoir les initiatives professionnelles ou associatives permettant aux personnes souffrant de handicap d’accéder aux lieux de la culture et aux œuvres de l’esprit par le biais, notamment, d’audiophones, de descriptions en braille, du développement du sous-titrage et du télétexte. Avouons-le, ce domaine est tout de même de la responsabilité de l’État !
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Garantir l’accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées actualise la loi d’orientation de 1975 et érige un principe simple : les personnes en situation de handicap ont les mêmes droits que toute autre personne et tout doit être fait pour que leur handicap ne les gêne nullement dans l’exercice de leurs droits et de leurs devoirs.
Mme Sylvie Robert.
Beaucoup d’acteurs et d’opérateurs ont aujourd'hui intégré cette question, comme le montrent les nombreuses expériences menées dans les musées et un certain nombre de théâtres pour permettre l’accès à la culture des personnes en situation de handicap. Ces dernières doivent avoir les mêmes possibilités d’accès aux espaces et aux pratiques culturels. Parallèlement, il ne peut être fait abstraction des aménagements nécessaires, afin de les rendre, précisément, accessibles.
Pour cette raison, il est primordial d’intégrer, dans cet article-cadre, l’objectif d’« accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ». Ne pas souscrire à cette disposition, ce serait presque renier les apports de la loi de 2005 ! Dans la mesure où nous étions d’accord sur la notion de service public et attristés de voir qu’elle n’avait pas été reprise, notre responsabilité collective est d’intégrer la question du handicap au sein de l’article 2.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Il me paraît nécessaire d’apporter de nouveau une précision : ce n’est pas parce que j’émets un avis défavorable que je suis en désaccord avec l’idée défendue par les amendements qui sont présentés.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission s’est attachée à ne pas allonger l’énumération pour ne pas alourdir l’article 2. Nous avons donc essayé de prévoir des alinéas génériques, incluant de façon très claire les extensions que vous souhaitez insérer dans le texte.
Il est évident que les personnes atteintes d’un handicap doivent pouvoir accéder à la culture. Si nous avons fait remonter à l’alinéa 1 « les droits culturels », c’est pour bien signifier que la culture doit être accessible à tous, notamment aux publics empêchés, qu’ils soient en milieu hospitalier ou en prison, handicapés, jeunes, vieux…
Par ailleurs, il est prévu, aux alinéas 7 et 8, de favoriser l’accès à la culture de tous les publics.
Bien entendu, les personnes handicapées seraient sans doute satisfaites d’être explicitement mentionnées. Pour autant, on ne peut avoir deux doctrines : d’une part, résumer et synthétiser et, d’autre part, citer tous les cas particuliers. Comme le disait Mme la présidente de la commission, dans un contexte de liberté, le cloisonnement et l’énumération constituent une erreur dans le cadre de l’élaboration de la loi. Nous ne sommes pas ici, je le rappelle, pour produire des listes !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je considère au contraire que la question de l’accessibilité des institutions culturelles et des œuvres aux personnes handicapées ne constitue pas un cas particulier. C’est un objectif qui me paraît transversal et qui doit nous mobiliser.
Mme Fleur Pellerin,
Je partage donc l’objectif poursuivi par ces deux amendements. Selon moi, l’accessibilité doit non pas se réduire à celle du bâti, mais englober l’ensemble de l’offre artistique et culturelle. Il est très important de mener une politique volontariste pour favoriser l’accessibilité aux personnes atteintes de tout type de handicap. Il ne suffit d’ailleurs pas de s’intéresser aux équipements culturels. Les œuvres, ainsi que les pratiques artistiques, doivent être prises en considération, dans un objectif d’inclusion des personnes en situation de handicap.
À ce jour, nombre de nos établissements publics – structures labellisées et conservatoires – développent d’ores et déjà des projets et des offres particulièrement remarquables en la matière. C’est aussi l’objectif de certains dispositifs, qui permettent un travail extraordinaire entre l’État et les collectivités territoriales. J’ai d’ailleurs réuni avec Ségolène Neuville, voilà une quinzaine de jours, la commission culture et handicap. À cette occasion, nous avons également remis des prix « Patrimoines pour tous » aux institutions particulièrement vertueuses en matière d’accessibilité.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi je vous rejoins, mesdames les sénatrices, s’agissant de la nécessité d’accompagner tous les réseaux d’initiative indépendants et associatifs visant à favoriser l’accès à l’art et à la culture, ainsi que la contribution des personnes handicapées à la création artistique et culturelle.
Je suis donc favorable à l’amendement n
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, je voudrais vous convaincre.
M. David Assouline.
Nous l’avons compris, vous défendez l’idée selon laquelle il convient de ne pas établir de listes. Comme vous appartenez à la majorité sénatoriale, votre ligne s’impose… Reste que, en plaçant ce sujet au même niveau que les discussions précédentes, vous témoignez d’une certaine incompréhension.
Bien entendu, dans notre société, les droits valent pour toutes les personnes. Mais, dans ces conditions, pourquoi avons-nous adopté la loi de 2005, qui consacrait de façon concrète et particulière les droits des handicapés, sinon pour rendre effectifs des droits fondamentaux concernant tout un chacun ? Car, en l’absence d’une telle démarche, le handicap exclut !
Il s’agit donc d’un sujet transversal et non pas particulier. Les citoyens et citoyennes dont il est question jouissent des mêmes droits et devoirs que les autres. Toutefois, la société n’a considéré que tardivement qu’ils devaient avoir accès, comme les autres, à un certain nombre d’activités, notamment professionnelles. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit non seulement d’avoir accès aux œuvres, mais aussi de pouvoir pratiquer l’art.
Lorsque des festivals adoptent un label « handicap », vous ne vous imaginez pas l’appel formidable que cela représente pour les handicapés ! Ils savent que, même si l’événement a lieu dans un champ, ils seront pris en charge, protégés et accompagnés ; ils pourront voir correctement. Tout cela ne s’est pas créé spontanément, mais fait suite à l’inscription de certains principes dans la loi, ce qui a permis d’avancer plus vite sur ces questions et, surtout, de ne pas reculer.
Plus le monde est fou, plus l’urbanisation est galopante, plus on veut aller vite, plus on a tendance à ignorer ceux qui ne peuvent pas aller aussi vite. C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, je vous demande de faire évoluer votre position.
Quoi qu’il en soit, nous retirons notre amendement, au profit de l’amendement déposé par le groupe CRC, qui est plus clair et mieux rédigé.
L’amendement n
M. le président.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’amendement n
Je comprends l’argument fondé sur un nécessaire effort de synthèse. Personne, ici, ne veut rendre la loi bavarde ! Pour autant, la question de l’accessibilité des personnes handicapées à la culture et aux arts ne relève pas du même paradigme que les autres questions abordées par ailleurs.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Dans cette dimension, eu égard au formidable effort qu’il convient de réaliser pour permettre une accessibilité effective, une telle disposition confine à une sorte de reconnaissance de la dignité de ces personnes. Il s’agit non pas seulement de l’accessibilité – ce serait résumer la question de façon assez étroite –, mais aussi de la pleine entrée de ces hommes et de ces femmes en situation de handicap dans la création elle-même. S’il y avait un signe supplémentaire à inscrire dans cette loi, ce serait celui-là !
D’ailleurs, je précise que Mme la présidente de la commission et la commission ont accepté…
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
… de mettre en route un groupe de travail sur cette question. Car, nous le voyons bien, il y a encore loin de la coupe aux lèvres !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Permettez-moi d’éclairer ce débat, qui est important, on le mesure à l’implication des uns et des autres.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Je veux le rappeler, la loi de 2005 consacre le principe de l’accessibilité de tous aux lieux publics, quels qu’ils soient. Les lieux culturels sont donc concernés comme les autres. Cela figure d’ores et déjà dans la loi, de même que l’accès aux pratiques culturelles.
Vous le savez, mes chers collègues, nous avons jugé bon, à la faveur des dix ans de cette loi sur le handicap, d’organiser une table ronde, pour vérifier son applicabilité et son application. Or nous avons constaté des carences et des manques. C’est pour cette raison que j’ai proposé, madame Gonthier-Maurin, que s’engage un travail sur ce sujet au cours de cette année.
Les droits culturels ont été réaffirmés, grâce au Sénat, dans la loi NOTRe et dans ce texte. Nous sommes extrêmement attentifs à l’ensemble des publics, chacun peut le comprendre. À cet égard, je vous renvoie à la Déclaration de Fribourg, en vertu de laquelle tous les publics, y compris les publics handicapés, sont concernés par les droits culturels.
Au demeurant, la force du symbole est telle et les progrès à réaliser tellement immenses pour permettre aux handicapés l’accès aux lieux et aux pratiques – c’est peut-être sur ce point qu’il faut encore travailler – qu’il convient en effet de bien réfléchir au texte que nous adopterons.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
M. le président.
Je rappelle que, aux termes de la loi, tous les textes législatifs doivent prévoir une étude d’impact des dispositions votées sur l’intégration des personnes en situation de handicap, et ce pour toutes formes de handicaps. Or bien peu de textes de loi s’obligent à la présentation d’une telle étude d’impact, et le présent projet de loi ne fait pas exception. C’est d’ailleurs un reproche que le Conseil national consultatif des personnes handicapées, que j’ai l’honneur de présider depuis quelque temps, formule très régulièrement. Cet amendement est donc la moindre intervention que l’on puisse faire, dans ce projet de loi, sur le sujet.
Mme Dominique Gillot.
Je vous invite, madame la ministre, à joindre au projet de loi le compte rendu de la dernière commission nationale culture et handicap. Particulièrement complet sur ce sujet d’actualité, ce document fait le point sur ce qui peut être exigé aujourd'hui en matière de procédures et d’évolution de ces procédures, s’agissant de l’audiovisuel, des pratiques artistiques et de l’enseignement, afin de respecter l’obligation d’intégration des personnes handicapées.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Nous avons retiré notre amendement au profit du vôtre, chers collègues du groupe CRC, qui est mieux écrit. Dès lors, autant continuer à rechercher la meilleure écriture.
M. David Assouline.
Dans votre amendement, vous évoquez le public « atteint » de handicap, puis, dans la phrase suivante, les personnes « souffrant » de handicap. Nous souhaiterions que la formule soit lissée. Nous pourrions conserver le terme « atteint »…
… ou employer la formule « en situation de handicap » !
Mme Maryvonne Blondin.
C’est mieux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Par ailleurs, nous ne comprenons pas la signification du terme « intermédiaires » dans le corps de phrase « initiatives professionnelles, associatives, intermédiaires et indépendantes ». Afin de clarifier la rédaction, nous proposons d’ôter ce terme, la formule « initiatives professionnelles, associatives et indépendantes » nous paraissant couvrir l’intégralité du champ.
M. David Assouline.
Je dépose donc un sous-amendement tendant à introduire ces modifications rédactionnelles.
Le sous-amendement n
M. le président.
Amendement 222, alinéa 3
1° Remplacer le mot :
par les mots :
en situation
2° Supprimer le signe et le mot :
, intermédiaires
3° Remplacer le mot :
par les mots :
en situation
Quel est l’avis de la commission ?
Il est minuit deux, l’heure des générosités, l’heure où nous nous embrassons tous !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Ayant été attendri par le discours de mon collègue Assouline – je ne suis pas certain qu’il obtienne le même résultat chez tous mes collègues –, j’émettrai un avis favorable sur ce sous-amendement.
Au fond, je tiens surtout à éviter d’être montré du doigt au motif que je ne voudrais pas des personnes handicapées… En effet, comme l’a indiqué la présidente de la commission, la préoccupation est présente dans l’esprit du texte. Cependant, en ne la mentionnant pas, au nom du respect, coûte que coûte, d’une théorie de la simplification, nous prendrions une position susceptible d’être perçue négativement, ce que je ne souhaite pas.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Favorable.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
M. le président.
Nous soutenons volontiers ce sous-amendement, d’autant que j’avais moi-même envisagé de modifier la rédaction pour mettre les associations plus en valeur.
Mme Christine Prunaud.
Je mets aux voix le sous-amendement n
M. le président.
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
par le biais des comités d’entreprise, des comités d’œuvres sociales et des comités d’activités sociales et culturelles quand une de ces structures existe
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Comme vous le savez, mes chers collègues, au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous voyons d’un œil particulièrement bienveillant l’entrée officielle de la culture et des arts dans le monde du travail.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet apport de l’Assemblée nationale dans le projet de loi ne vise, en définitive, qu’à légaliser une pratique déjà courante et à inciter à la développer partout. Il nous apparaît toutefois essentiel de compléter les dispositions de l’alinéa 9 de l’article 2, en précisant que cette politique culturelle et artistique en entreprise doit être mise en œuvre par le biais des structures que sont les comités d’entreprise, les comités d’œuvres sociales et les comités d’activités sociales et culturelles.
Plusieurs raisons nous poussent à avancer cette demande.
Premièrement, en cohérence avec un amendement que nous avons fait adopter dans le cadre des travaux en commission, nous considérons qu’une politique culturelle et artistique ne s’impose pas de manière pyramidale. Au contraire, elle se construit en concertation avec tous les acteurs. Partant de là, il serait incohérent de ne pas attribuer cette mission aux structures précitées, réunissant employeurs et employés. Chacun a son rôle à jouer, sa pierre à apporter, et il est essentiel d’œuvrer en ce sens.
Deuxièmement, les comités d’entreprise, comités d’œuvres sociales, comités d’activités sociales et culturelles ont acquis, depuis des décennies, une compétence certaine en la matière. Les exemples sont nombreux. Combien de salariés peuvent aujourd'hui accéder aux lieux de culture et d’art grâce à ces structures ? Combien d’expositions ou de performances sont organisées sur les lieux de travail grâce aux actions de ces organes essentiels à la vitalité des entreprises ? Ce ne serait que justice de reconnaître, enfin, leur activité !
Troisièmement, cela doit permettre de sécuriser ces structures qui, une nouvelle fois, contribuent à faire vivre les entreprises. Allons même plus loin, cela encouragera peut-être leur généralisation.
Par ailleurs, pourquoi refuser à ces divers comités ce qui a été autorisé aux centres des œuvres universitaires et scolaires, qui gèrent le programme « Culture-actions » ?
Reconnaissance, concertation, sécurisation, c’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe CRC demande à compléter l’alinéa 9 de l’article 2 du projet de loi.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement tend à préciser le texte, au travers d’une référence explicite aux comités d’entreprises, comités d’œuvres sociales et comités d’activités sociales et culturelles.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Nous ne cherchons à écarter personne, mais, toujours suivant le même principe, nous estimons que l’alinéa 9 vise le monde du travail, en général, ce qui, de fait, inclut l’ensemble de ces comités. Ils entrent tous dans le champ de l’alinéa ! Par conséquent, l’avis est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. le président.
Je me permets à mon tour d’insister, monsieur le rapporteur.
M. Pierre Laurent.
Comme lors du débat précédent, nous ne cherchons pas à ajouter des détails pour le plaisir. Si nous partageons les objectifs affichés par le projet de loi, si nous avons l’ambition culturelle que chacun affirme ici, nous devons nous en donner les moyens. C’est pourquoi l’ajout que nous proposons est essentiel pour le monde du travail.
Force est de constater que les comités d’entreprise et autres comités ont joué un rôle très positif par le passé, mais ce rôle s’est amoindri au fil du temps. Pour ne prendre qu’un exemple – l’accès à la diversité culturelle nous préoccupe beaucoup –, il se vend aujourd'hui beaucoup plus de tickets d’entrée à Eurodisney que d’autres produits dans de nombreux comités d’entreprise ou comités d’œuvres sociales. Pour autant, au sein de beaucoup de ces structures, la volonté demeure de faire autrement. Il y a donc une ambition culturelle que nous devons encourager.
Par ailleurs, le travail a beaucoup changé, ce qui complique désormais la vie sociale et la vie culturelle. Les conditions de travail sont difficiles ; il y a beaucoup de souffrance et de précarité, y compris dans les grandes entreprises ou dans les entreprises de taille moins importante, mais disposant d’un comité d’entreprise. La culture peut donc jouer un rôle extrêmement important.
Je le répète, il ne s’agit pas d’une précision parmi d’autres. L’enjeu est de première importance. Adopter cet amendement non seulement serait utile, mais nous permettrait également de terminer la soirée dans la liesse générale…
(Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet alinéa par les mots :
et en respectant les principes d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Pour reprendre une précédente intervention, je persiste et signe ! Cette fois-ci, il s’agit de faire respecter les principes d’égalité entre femmes et hommes dans l’accès aux postes de responsabilité. On constate en effet que les femmes sont largement minoritaires au sein des postes stratégiques du monde de la culture. C’est d’ailleurs ce qui ressort d’un rapport élaboré, en 2009, sur la question.
Mme Maryvonne Blondin.
Je voudrais tout de même vous donner quelques exemples, mes chers collègues.
La musique, encore et toujours : aucune femme n’est à la tête d’un centre national de création musicale. La situation au sein des grands établissements nationaux n’est guère plus reluisante. Depuis le départ de Muriel Mayette de la Comédie française en juillet 2014, plus aucune femme ne dirige de théâtre national.
En revanche, madame la ministre, on constate des avancées notoires au sein de l’administration du ministère de la culture et de la communication. On y dénombre à peu près 50 % de femmes directrices d’administrations centrales. C’est un progrès ! Malheureusement, on ne peut pas en dire autant dans les entreprises culturelles. Sur les 100 plus grosses entreprises culturelles en France, on ne recense que 7 % de femmes à des postes de direction.
Nous l’avons dit tout à l’heure, cette situation n’est plus acceptable aujourd'hui. Nous souhaitons donc que ce principe d’égalité aux postes de responsabilité soit reconnu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Nous sommes tous d’accord pour dire que les principes d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité doivent être respectés, mais on ne peut pas inscrire cette phrase à chaque alinéa. L’insertion systématique de cette référence aurait même tendance à en affaiblir la portée. En outre, elle apparaît sans lien avec l’alinéa 9, qui concerne l’accès à la culture dans le monde du travail.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Par ailleurs, la problématique que vous soulevez, ma chère collègue, est traitée à l’article 3, qui porte sur la nomination des dirigeants des structures labellisées.
Voilà pourquoi – je pense que vous le comprenez – l’avis de la commission est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Je suis très favorable à cet amendement.
Mme Fleur Pellerin,
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à l’occasion de l’examen de précédents amendements sur le sujet, je suis très attachée au respect des principes d’égalité entre hommes et femmes dans l’accès aux postes de responsabilité,…
Nous aussi !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
… indépendamment des domaines d’activité concernés.
Mme Fleur Pellerin,
Ce que l’on constate aujourd'hui, et vous l’avez très bien expliqué dans votre présentation, madame Blondin, c’est que, même si ces principes sont rappelés dans la loi, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Il faut bien en tirer un certain nombre de conclusions et affirmer davantage de volontarisme, y compris par l’inscription dans la loi de ce principe d’égalité.
Je crois vraiment que la culture n’a pas à demeurer en retard, alors même que nous avons la chance de disposer d’un vivier de femmes artistes, metteurs en scène, scénographes, chorégraphes, interprètes, chefs d’orchestre et administratrices de la culture, qui serait normalement de nature à nous faire parvenir à un meilleur équilibre. Il nous faut donc être très volontariste en la matière.
J’en profite pour préciser que, lors du dernier comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai fixé au ministère de la culture et de la communication une feuille de route pour 2015-2017 extrêmement complète sur ces questions. Nous devons vraiment passer maintenant à une phase active, avec des objectifs chiffrés si nécessaire, dans la suite des frémissements positifs enregistrés ces dernières années – je pense en particulier aux nominations, dans lesquelles des progrès sensibles ont été enregistrés, même s’ils demeurent insuffisants.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Nous souscrivons bien sûr à cet objectif. Je rappelle néanmoins que ce principe est déjà inscrit dans la loi sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Il faut passer à des mesures coercitives !
Mme Maryvonne Blondin.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Favoriser l’accès à la culture dans les lieux de vie sociale ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
J’entends déjà le rapporteur nous dire que nous ajoutons une couche… Cela étant, cet amendement s’inscrit dans le droit fil de celui qu’ont défendu à l’instant nos collègues communistes sur la place de la culture dans l’entreprise.
Mme Sylvie Robert.
Tout à l’heure, je parlais d’« infusion culturelle ». De fait, aujourd’hui, les artistes et, de façon plus générale, la culture ne se cantonnent plus à ces lieux dédiés que sont l’opéra, les théâtres, les musées, les bibliothèques, mais s’invitent dans la rue – on parlait tout à l’heure de l’espace public –, dans les quartiers.
Voyez comment se rencontrent aujourd’hui la population des quartiers et les artistes, grâce aux résidences d’artistes ; on peut véritablement parler d’« infusion culturelle ». Les droits culturels se jouent aussi dans l’appropriation de la culture dans l’ensemble de ces lieux.
Faire en sorte que la culture s’invite dans des quartiers, dans des maisons de retraite, dans un certain nombre de lieux peut-être improbables, mais qui permettent la rencontre entre les populations et les artistes, cela me semble être une mission de service public extrêmement importante.
Je le répète, cet amendement se situe dans le prolongement de celui qui porte sur le monde du travail et de l’entreprise ; il est même son corollaire, en quelque sorte.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ma chère collègue, si vous anticipez ma réponse, il n’est peut-être pas nécessaire que je donne l’avis de la commission…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Mais vous m’avez écoutée !
Mme Sylvie Robert.
Et même avec beaucoup d’intérêt !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je rappelle que le 5° de l’article 2 prévoit déjà de garantir « l’égal accès des citoyens à la création artistique et [de] favoriser l’accès du public le plus large aux œuvres de la création ». Cette rédaction, d’une portée déjà très générale, fait, par définition, référence à tous les lieux. Pourquoi alors ne pas mentionner également les appartements ? Allonger toujours et encore la liste peut être dangereux ; le risque serait alors d’exclure certains lieux, ce qui serait tout de même paradoxal.
Évidemment, la création artistique et la culture doivent être promues dans tous les lieux de vie sociale – les communautés humaines comme les lieux physiques – et chacun doit pouvoir y accéder. Ainsi, le 6° de l’article vise les « actions d’éducation artistique et culturelle », tandis que le 7° prévoit de « favoriser l’accès à la culture dans le monde du travail ». Mais, je le répète, dresser un catalogue de ces lieux, c’est prendre le risque d’en oublier et d’affaiblir ainsi la portée de l’objectif. En outre, que faut-il entendre par « lieu de vie sociale » ?
M. David Assouline.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
L’article 2 a doublé de volume à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale ; il ne faudrait pas que nous fassions de même. Soyons raisonnables !
Très bien !
M. Michel Canevet.
La rédaction de l’article 2 est suffisamment large pour nous dispenser d’y ajouter de nouveaux alinéas.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après les mots :
sensibilisation des publics
insérer les mots :
, de l’art-thérapie
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Si la culture est bonne pour l’esprit, elle l’est aussi pour le corps. C’est dans cette optique que le présent amendement vise à accorder la reconnaissance à l’art-thérapie et à encourager une nouvelle fois son développement et sa sécurisation par la puissance publique.
Mme Christine Prunaud.
Bien évidemment, du chemin a déjà été parcouru sous l’impulsion de l’État, comme la reconnaissance du titre d’art-thérapeute par la Commission nationale de la certification professionnelle ou la création du master d’art-thérapie de l’université Paris Descartes.
Comme je le disais, nous avançons sur le chemin de la reconnaissance, mais bien lentement.
Les chercheurs de notre pays commencent tout juste à étudier cette pratique et démontrent petit à petit les bienfaits de l’art-thérapie sur le comportement des enfants psychotiques, qui voient leur situation progresser quand ils suivent de l’art-thérapie ou des thérapies dites « médiatisées ».
Concentration, canalisation de l’énergie, exutoire dans certains cas, la pratique de l’art, et notamment de la peinture dans un cadre médicalisé, est une véritable libération pour des patients dont les proches se sentent trop souvent isolés et impuissants.
Partant de là, il me paraît essentiel de rappeler combien l’art-thérapie est un vecteur de progression dans notre société et à quel point il me semble nécessaire de la considérer en tant que tel.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à donner une reconnaissance législative à l’art-thérapie. Je ne doute pas de son efficacité probable, mais si cette discipline est effectivement reconnue par le monde universitaire, comme vous venez de le rappeler, ma chère collègue, l’évaluation de ses effets n’en est qu’à ses prémices et une reconnaissance législative apparaît tout de même un peu prématurée, en particulier à cet article 2.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
À ce stade, la commission a émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cette préoccupation est satisfaite par l’alinéa 10 de l’article 2, qui vise le soutien de tous les acteurs et de toute forme d’action culturelle, ce qui, me semble-t-il, englobe l’art-thérapie, comme les autres modalités d’action artistique, dans le champ social au sens large.
Mme Fleur Pellerin,
J’ajoute que cette discipline fait l’objet d’un soin tout particulier de la part du ministère de la culture et de la communication, qui s’est engagé en sa faveur ces dernières années, notamment au travers de la convention « culture et santé », conclue en 2010, qui a connu de multiples déclinaisons en région.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Madame Prunaud, l'amendement n
M. le président.
Cet amendement avait essentiellement vocation à nous sensibiliser à l’art-thérapie et au soutien que nous devons lui apporter. Je le retire, monsieur le président.
Mme Christine Prunaud.
L'amendement n
M. le président.
L'amendement n
Remplacer les mots :
à la promotion
par les mots :
au développement et au soutien
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’alinéa 12 est utile, parce qu’il installe dans le paysage de la culture des territoires les associations, les lieux intermédiaires et les acteurs de la diversité culturelle. Cependant, le mot « promotion » est un peu ambigu en raison de sa polysémie. C’est pourquoi nous proposons de le remplacer par les mots « au développement et au soutien », ce qui n’altère en rien l’esprit de cet alinéa.
Mme Marie-Christine Blandin.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Même à minuit trente, c’est encore l’heure des cadeaux
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Favoriser et soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturel en matière de production et de diffusion des œuvres ;
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il nous paraît important de soutenir la recherche, qui est depuis toujours un moteur de développement de la culture.
M. Pierre Laurent.
La révolution numérique en cours bouleverse beaucoup de pratiques et nécessite de développer la recherche. Les liens entre l’art et la technique ont toujours été extrêmement puissants, mais les évolutions actuelles déplacent bien des frontières. La pluridisciplinarité, qui a toujours été présente chez les grands artistes et dans le domaine de l’art, se développe de manière tout à fait nouvelle et permet de faire émerger de nouveaux talents dans des secteurs qui paraissaient jusqu’alors inaccessibles ou qui n’étaient pas voués à devenir des secteurs proprement créatifs.
J’ajoute un dernier argument – il y en aurait bien d’autres – : en matière notamment de préservation et de restauration du patrimoine, d’architecture, auxquelles le projet de loi accorde une importance particulière, les possibilités ouvertes par la recherche dans le domaine de l’art et de la culture ouvrent certainement des horizons nouveaux.
Pour toutes ces raisons, nous trouverions utile de souligner combien il est important de favoriser et de soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturel, quitte à insérer un nouvel alinéa, monsieur le rapporteur…
(Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Faut-il allonger la liste pour viser le soutien à « la recherche dans le domaine artistique et culturel » ?
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Pour moi, le créateur, par définition, est forcément un chercheur, quelque part ; il s’inscrit dans une démarche d’innovation. Ensuite, que recouvre ce champ de la recherche dans le domaine artistique ? C’est quand même un peu flou… Les auditions au cours desquelles nous avons tenté d’en cerner le sens, les contours, ne m’ont pas forcément éclairé. Tant que cette notion ne sera pas plus précisément définie, il me paraît un peu prématuré de la mentionner en tant que telle dans le projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La politique culturelle en faveur de la création organise la régulation entre le service public des arts, de la culture, de l'audiovisuel et du cinéma, le secteur subventionné privé et le secteur marchand. Les instruments de cette politique de régulation sont : la charte des missions de service public, le cahier des charges des institutions ou établissements labellisés et la mise en œuvre de fonds de soutien.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement reprend notre analyse selon laquelle il est nécessaire de préciser que la politique menée par l’État et les collectivités territoriales en matière de création artistique relève du service public.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Nous sommes nombreux à penser que le secteur culturel n’est pas une marchandise quelconque et que l’exception culturelle est un acquis de la nation. La puissance publique ne peut donc se contenter d’être une superviseuse éloignée ; elle doit incarner une véritable autorité régulatrice dont la boussole est toujours orientée vers l’intérêt général.
Bien évidemment, cela ne veut pas dire que l’État doit se placer en censeur en chef. La liberté d’expression est suffisamment cadrée par la loi pour qu’un exercice sain de cette liberté soit assuré. Cela ne veut pas dire non plus que le secteur privé doit être exclu de toute culture. Il lui a apporté, et lui apporte encore, de fort belles-lettres.
Toutefois, un acte de régulation doit être pris à la fois pour éviter une marchandisation de la culture et, au final, pour préserver la culture et les arts eux-mêmes. En effet, le constat accablant que nous faisons aujourd’hui est que la marchandisation de la culture et des arts rime bien souvent avec uniformisation des œuvres, concentration des acteurs et donc, au fond, mort de l’exception et de la diversité culturelles.
Certains répondront certainement que, dans un cadre concurrentiel, s’il y a uniformisation des œuvres, c’est pour répondre à la demande des consommateurs de culture et d’art. Ceux-là oublient bien trop souvent que les citoyens intégrés dans la société sont eux-mêmes influencés par les œuvres. Ne proposez qu’un choix uniforme d’œuvres aux gens et ils ne vous demanderont plus que ça ! En outre, est-il réellement nécessaire de rappeler que ceux-ci sont non pas des consommateurs de la culture et de l’art, mais des usagers ?
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons aujourd’hui un engagement grand, un engagement fort, afin que la culture et les arts, héritage et moteur de la Nation, soient protégés et assurés par la puissance publique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Cet amendement vise à confier à la politique en faveur de la création un rôle de régulation entre le secteur public, le secteur privé subventionné et le secteur marchand.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il n’apparaît pas opportun, à mon sens, de vouloir distinguer, voire hiérarchiser les partenaires selon leur statut, alors que la politique culturelle doit d’abord viser à promouvoir les partenariats et une offre diversifiée. Par ailleurs, il n’appartient pas à l’État de réguler les initiatives privées dans le domaine de la création artistique, qui, je vous le rappelle, et conformément à l’article 1
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Il serait préférable de faire référence au service public de la culture au début de l’article ; nous y reviendrons au cours de la navette. En attendant, il ne me semble pas opportun d’ajouter cette mention sous cette forme et à cet endroit du texte. C’est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme Fleur Pellerin,
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n
M. le président.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L'amendement n
M. le président.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’article.
Nous avions commencé ce long débat en proposant une réécriture complète de l’article 2 visant en quelque sorte à synthétiser les suggestions qui étaient apparues en commission, mais notre amendement a été rejeté par notre assemblée sur le conseil de M. le rapporteur. Cependant, au fur et à mesure de la discussion, des amendements écologistes et communistes – rarement socialistes – ont été adoptés.
M. David Assouline.
Cela étant, ce n’est plus vraiment le même article que celui que nous soutenions. Toutefois, pour permettre à nos travaux, qui ne font que commencer, de se poursuivre dans un bon état d’esprit, et compte tenu de l’acceptation d’un certain nombre d’amendements, nous ne nous opposerons pas à la nouvelle rédaction de l’article 2 : nous nous abstiendrons.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
M. le président.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat a adopté.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 39 amendements au cours de la soirée ; il en reste 416.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 février 2016, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
M. le président.
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Texte de la commission (n
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 février 2016, à zéro heure quarante.)
M. Didier Guillaume
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
En effet, il est constaté une recrudescence de certaines pathologies qui avaient disparu, par exemple la rougeole, faisant suite à une perte de confiance de la population dans la nécessité de se faire vacciner.
Les vaccinations contre l'hépatite « B », le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) ou contre la méningite sont en recul considérable, en raison notamment des polémiques ou des idées reçues propagées par les opposants aux vaccins.
C'est pourquoi il lui demande quelles mesures elle envisage de mettre en place ou de relancer, afin de réhabiliter une politique vaccinale qui s'avère urgente.
M. Jean-Louis Tourenne
Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Ces ACI permettent une déclinaison de la politique d'emploi innovante et créatrice de richesse qu'a conforté la réforme pour l'insertion par l'activité économique.
Si la réforme a eu de nombreux effets bénéfiques, notamment sur les droits et parcours des salariés, les déficits financiers induits ont des conséquences dramatiques.
En effet, il apparaît que faisant suite à la réforme de l'insertion par l'activité économique (IAE), votée en 2013, il existe désormais un décalage de paiement de l'aide conventionnelle aux postes. Ce décalage conduit, aujourd'hui, de nombreux ateliers et chantiers d'insertion vers un gouffre financier. La fédération a 25 adhérents en Bretagne, plus de 101 ateliers en 2014 qui ont accueilli plus de 1700 salariés polyvalents.
Il souhaiterait, dès lors, savoir comment le ministère, en lien avec l'agence de services et paiements (ASP), permettra à ces structures de rétablir leur trésorerie car cette action et ces emplois ne peuvent être remis en question en raison de complexités administratives ou temporelles.
M. Henri Tandonnet
Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité
L’article 55 de la loi SRU a créé l’obligation, pour les communes les plus urbaines, de disposer d’au moins 20 % de logements locatifs sociaux dans le parc de résidences principales d’ici à 2020. La loi du 18 janvier 2013 renforce cette obligation pour certaines communes, en augmentant le seuil à 25 % de logements sociaux et introduit un échéancier de rattrapage par période triennale, en décalant la date butoir pour atteindre l’objectif de 20 % ou 25 % de logements sociaux à 2025. Dans ce cadre législatif, l’article L. 3028, alinéa 2, du code de l’habitation et de la construction offre la possibilité d’appréhender cette obligation dans un cadre territorial mutualisé, en cohérence avec la prise de compétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de logement social.
En effet, sans remettre en cause les obligations introduites par la loi SRU et la loi du 18 janvier 2013 précitées, l’alinéa 2 de cet article permet de confier le soin à l’EPCI compétent en matière de plan local de l’habitat de fixer un objectif de réalisation de logements sociaux par commune dès lors que le cumul des objectifs communaux à réaliser sur l’ensemble du territoire communautaire est au moins égal aux obligations de la loi SRU applicables aux communes qui y sont assujetties. Alors que les territoires sont invités à raisonner sur un ensemble cohérent de collectivités en mettant en œuvre le schéma de cohérence territoriale et le plan local d’urbanisme intercommunal, il apparaît plus conforme à la bonne réalisation de l’objectif d’équilibre de logements sociaux de répartir ceux-ci sur l’ensemble de ces territoires ainsi mieux organisés.
Dans ce contexte, il lui demande s’il est possible que soit admise cette application mutualisée à l’échelle d’un EPCI des obligations de réalisation de logements sociaux par les services de l’État dans les différents départements.
Tout blocage lié à une interprétation restrictive de l’article L. 3028 du code de l’habitation et de la construction remettrait en cause, d’une part l’opportunité d’un développement de la mixité sociale qu’offre cette approche mutualisée et, d’autre part, les compétences dévolues aux EPCI en matière d’habitat, de politique du logement, de planification de l’urbanisme et la cohérence recherchée par les nouveaux outils de l’urbanisation.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
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DEBATS/SEN_20160113_001.xml | Mme Brigitte Gonthier-Maurin, au nom du groupe communiste républicain et citoyen
Mme Françoise Laborde
M. Francis Delattre
M. Michel Canevet
M. Éric Bocquet
M. Michel Berson
Mme Corinne Bouchoux
M. Michel Vaspart
Mme Dominique Gillot
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Philippe Leroy, au nom du groupe Les Républicains
M. Louis-Jean de Nicolaÿ
Mme Anne-Catherine Loisier
M. Michel Le Scouarnec
M. Yannick Botrel
M. Joël Labbé
M. Gilbert Barbier
M. Jackie Pierre
M. Alain Duran
Mme Nicole Duranton
Mme Gisèle Jourda
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
Discussion générale :
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi constitutionnelle
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale
M. Jean-Marie Bockel
Mme Cécile Cukierman
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont
M. Ronan Dantec
M. Michel Amiel
M. Éric Doligé
M. Dominique de Legge
M. Bernard Fournier
Clôture de la discussion générale.
M. Antoine Lefèvre
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
M. Rémy Pointereau
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission, modifié.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 décembre 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.
M. le président.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Marcel Debarge, qui fut sénateur de la Seine-Saint-Denis de 1977 à 1991 et de 1995 à 2004.
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu une lettre de Mme Natacha Bouchart, par laquelle elle s’est démise de son mandat de sénateur du Pas-de-Calais, à compter du lundi 11 janvier 2016, à minuit.
M. le président.
En application de l'article L.O. 320 du code électoral, elle est remplacée par M. Jean-François Rapin, dont le mandat de sénateur du Pas-de-Calais a commencé le mardi 12 janvier 2016, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.
Par lettre en date du 22 décembre 2015, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 1
M. le président.
Acte est donné de cette communication.
M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, en remplacement de M. Christian Cambon.
M. le président.
La commission des affaires étrangères a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 17 et 29 décembre 2015, le texte de quatre décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution :
M. le président.
- de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ;
- de la loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française ;
- de la loi de finances pour 2016 ;
- et de la loi de finances rectificative pour 2015.
Acte est donné de ces communications.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 21 décembre 2015, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et soixante sénateurs, de la loi de modernisation de notre système de santé.
M. le président.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation, déposée sur le bureau du Sénat le 23 décembre 2015.
M. le président.
Mes chers collègues, en raison des vœux de M. le Président de la République aux bureaux des assemblées et en accord avec le groupe socialiste et républicain, les commissions concernées et le Gouvernement, l'espace réservé au groupe socialiste et républicain lors de la séance du mercredi 13 janvier 2016 commencerait à 21 heures et se terminerait à 1 heure du matin.
M. le président.
Il n'y a pas d'observation ?…
Il en est ainsi décidé.
J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (n
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Marie-Annick Duchêne, démissionnaire.
M. le président.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
M. le président.
- la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « Fonds de fonds de retournement » ;
- l’avenant n
- la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative à la gestion des fonds du programme d’investissements d’avenir, action « développement de l’économie numérique » et du plan « France très haut débit » ;
- la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « innovation numérique pour l’excellence éducative » ;
- l’avenant n
- le rapport sur la mise en application de la loi n
- la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de construction du réseau de transport public du Grand Paris – ligne 17 Nord, accompagnée de l’avis du commissariat général à l’investissement ;
- le rapport recensant au 31 décembre de l’année précédente le volume des emprunts structurés souscrits par les collectivités territoriales et les organismes publics ;
- le rapport évaluant le fonctionnement et l’évolution du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ;
- le rapport sur la mise en application de la loi n
- le rapport sur la mise en application de la loi n
- le rapport sur la mise en application de la loi n
- le neuvième rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire ;
- le rapport sur l’opportunité de la mise en place d’une cellule opérationnelle de décèlement précoce des escroqueries à la taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre les infractions mentionnées aux articles 313–1 et 313–2 du code pénal ;
- le rapport sur l’écart budgétaire de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le rapport sur la mise en application de la loi n
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis aux commissions compétentes.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 décembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales (Répartition des sièges de l’organe délibérant de la métropole Aix–Marseille–Provence) (2015–528 QPC).
M. le président.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 décembre 2015, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel la décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le II de l’article 34–2 de la loi n
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 28 décembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel la décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 13 de la loi n
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 6 janvier 2016, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 1142–1, I, alinéas 1
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 janvier 2016, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 836 du code de procédure pénale et L. 532–8 du code de l’organisation judiciaire (Composition du tribunal de première instance de Wallis-et-Futuna) (2016–532 QPC).
Les textes de ces décisions de renvoi et de cet arrêt de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 22 décembre 2015, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de « l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 » (n
M. le président.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 7 janvier 2016, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- les sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité de la concurrence (n
- les décisions de la commission spécialisée composée d’éditeurs en matière de distribution de presse (n
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 8 janvier 2016, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le délit de contestation de l’existence de certains crimes contre l’humanité (n
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, avant de débuter nos travaux, je tiens à souhaiter une bonne année et une bonne santé à chacun d’entre vous,…
Bonne année, monsieur le président !
MM. Jean-Claude Lenoir et Michel Canevet.
… ainsi qu’à vous-même, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président.
M. Thierry Mandon,
secrétaire d'Étatchargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Les incidences du crédit d’impôt recherche sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays », organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, orateur du groupe auteur de la demande.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la dépense budgétaire directe est régulièrement soumise à contrôle et évaluation, il semble ne pas en être de même pour la dépense fiscale, comme en témoigne le sort réservé au rapport de la commission d’enquête sur le crédit d’impôt recherche, qui avait été créée sur l’initiative du groupe communiste républicain et citoyen, et dont j’étais la rapporteur.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin,
au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
Décréter la sanctuarisation d’une créance publique qui atteint aujourd’hui 5,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016 ne saurait couper court aux interrogations, au débat et à l’exigence d’évaluation ! C’est la raison pour laquelle mon groupe s’est mobilisé pour la tenue de ce débat en séance publique.
Rappelons que le crédit d’impôt recherche, le CIR, est le transfert consenti par l’État – au nom du contribuable – pour que les dépenses de recherche des entreprises privées progressent significativement et contribuent ainsi à la reprise d’une croissance durable.
Entre 2007 et 2012, le CIR a bondi de 1,8 milliard d’euros à 5,3 milliards d’euros, à la suite de la réforme réalisée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au début des années 2000, cette créance ne s’élevait qu’à 500 millions d’euros.
Vous me rétorquerez que cela n’a rien d’anormal pour un outil qui se veut incitatif. Cependant, « attractivité » ne signifie pas automatiquement « efficacité ».
C’est du reste ce que montrait le projet de rapport que j’avais proposé aux membres de la commission d’enquête.
En effet, personne ne peut contester le fait que les données macroéconomiques ne sont pas rassurantes quand il est question d’étudier la conformité du CIR par rapport aux attentes fixées par le législateur, c’est-à-dire au regard des efforts de recherche et développement réellement consentis par les entreprises et de leurs effets positifs sur l’emploi scientifique.
Premier constat : si la charge du CIR a considérablement augmenté, la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises, la DIRDE, n’a pas progressé en conséquence.
Avec une augmentation de 3,5 milliards d’euros de la créance du CIR entre 2007 et 2012, on aurait pu s’attendre à un accroissement de la DIRDE compris entre 10,5 milliards d’euros et 14 milliards d’euros, compte tenu du taux de couverture de la dépense de recherche et développement par le CIR.
En réalité, en 2012, la DIRDE n’est supérieure que de 5,3 milliards d’euros par rapport à son niveau de 2007, et cela pour un nombre de brevets qui s’accroît de manière uniforme. Il existe donc bien un décalage entre l’avantage fiscal consenti et son effet !
Pour atténuer la perception de ce décalage, les promoteurs du CIR font état d’une « intensification de la recherche et développement », dont le projet de rapport démontrait d’ailleurs le manque de sérieux.
Une méthode alternative de justification de l’efficacité du CIR a été fréquemment mentionnée, à savoir les fameuses « estimations économétriques ».
Nous avons auditionné des économistes et les deux principales méthodes employées ne permettent pas d’écrire cette équation. J’ai donc recommandé qu’une étude économétrique pluraliste – et donc incontestable – soit réalisée.
Le nombre de déclarants a également été démultiplié : alors que 8 951 entités bénéficiaient du CIR en 2008, la loi de finances pour 2015 faisait état de 16 200 entreprises bénéficiaires, la loi de finances pour 2016 en pointant même 20 465 désormais ! Le dispositif est donc loin d’être stabilisé.
Il est particulièrement intéressant de mesurer les facteurs de l’augmentation du CIR observée ces dernières années.
La « marge intensive » a joué avec une augmentation soudaine de l’avantage accordé aux grandes entreprises. Leur effort en matière de recherche et développement n’a pas augmenté entre 2007 et 2009. En revanche, leur créance en matière de CIR a parfois doublé, voire triplé.
Cela ne veut pas dire que le CIR soit dépourvu d’effets positifs sur le long terme, mais il est beaucoup trop tôt pour s’en persuader.
Ce qui bouge vraiment, c’est la « marge extensive », c’est-à-dire le nombre d’entreprises qui entrent dans le dispositif. Faisaient-elles de la recherche et développement auparavant ? Sont-elles nouvelles ? D’où viennent-elles ? Sont-elles indépendantes ? Quel est leur devenir ? Sont-elles rachetées si elles ne disparaissent pas et par qui ? Quelles fonctionnalités le CIR assume-t-il vraiment pour elles ?
À ces questions, peu de réponses car il n’existe pas d’outil de suivi.
Cela mérite pourtant l’attention de chacun, car nous savons que les PME, souvent fragiles, voient dans l’outil fiscal qu’est le CIR le moyen de financement qui leur fait défaut auprès des banques.
Autre incertitude : la nature des dépenses éligibles, qui est l’un des principaux motifs de redressement fiscal. Ces dépenses font-elles réellement progresser l’état de l’art ? Le projet de rapport mettait en évidence des zones de flou, notamment dans le domaine informatique et des professions financières.
À ces constats, s’ajoute celui d’une sous-administration patente. Souvent présenté comme simple et efficace, le CIR n’est en fait que peu maîtrisé, peu contrôlé, faute de moyens dédiés suffisants.
En matière de contrôle fiscal, le taux de couverture du CIR est très faible. Le chiffre avancé de 7 % donne une image trop flatteuse de la réalité, puisque le nombre de redressements et le nombre de déclarants sont amalgamés. En effet, des dizaines de redressements peuvent intervenir pour un même déclarant. En réalité, le taux de couverture du CIR n’est pas susceptible d’être supérieur au taux de couverture moyen de l’impôt sur les sociétés, soit 1,7 % environ, et peut-être même moins, compte tenu du nombre de dossiers à examiner.
Une déclaration au titre du CIR a donc à peu près une chance sur cent de faire l’objet d’un contrôle fiscal. De plus, en dessous d’une certaine quotité, on ne le contrôle pas. Compte tenu de l’explosion des petits créanciers, cela revient tout de même à ne pas vérifier d’emblée quelque 30 % de la créance !
En outre, le dispositif offre des possibilités d’optimisation fiscale scandaleuses au travers du lieu d’immatriculation de certains brevets, de la pratique des prix de transfert et de la localisation dans des paradis fiscaux des entités percevant des redevances découlant des brevets, qui, pour partie, sont pourtant financés par le CIR !
Le CIR est également une véritable aubaine pour des cabinets de conseil, dont les comportements prédateurs nous ont été décrits. Ainsi, les tarifs pratiqués par ces intermédiaires réduisent plus ou moins l’impact positif du CIR sur les bilans des entreprises d’un montant dépassant 150 millions d’euros.
J’évoquerai aussi le chevauchement des assiettes du CIR et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE -, et la possibilité de cumuler ces deux avantages fiscaux.
Un principe s’applique en matière d’assiette du CIR : on procède à la soustraction des autres subventions publiques accordées aux entreprises, afin d’éviter un cumul d’avantages. Or cette règle ne vaut pas pour le CICE.
En découle un chevauchement qui, certes, ne concerne pas la totalité de l’assiette du CIR, mais porte toutefois sur la partie correspondant aux rémunérations les moins élevées. Ce chevauchement d’assiette pourrait représenter entre 360 millions et 600 millions d’euros, pour un coût en CIR compris entre 120 millions et 200 millions d’euros.
J’avais donc proposé la suppression pure et simple de cette duplication d’avantages, proposition que j’ai d’ailleurs réitérée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.
Qu’en est-il, enfin, des effets du CIR sur l’emploi scientifique ?
On nous indique que le nombre de chercheurs dans les entreprises privées a beaucoup augmenté en France.
Il existe sur ce point de très fortes interrogations.
Qui sont ces chercheurs ? Essentiellement des ingénieurs !
De plus, on constate une baisse significative de la durée du travail des chercheurs en entreprises. Cela laisse supposer que beaucoup d’entre eux sont en situation de multi-activité, venant de compartiments du secteur public de la recherche où ils continuent d’exercer leur profession.
Quant à l’effet d’entraînement du CIR sur l’embauche des jeunes docteurs, il est pratiquement nul.
S’agissant des requalifications de personnel au titre de la recherche, vos services, monsieur le secrétaire d’État, ne nient pas le besoin d’évaluer dans quelle mesure certains emplois ont été indûment déclarés dans le cadre du CIR, tout en considérant cette évaluation comme n’étant pas prioritaire. Je ne partage pas cet avis.
En revanche, le CIR constitue manifestement un allégement massif du coût de l’emploi scientifique. Or il est intéressant de noter que les niveaux de recherche et développement en entreprise les plus importants sont enregistrés dans les pays où le coût des chercheurs est le plus élevé.
De plus, ce dispositif, par trop aveugle, ne permet pas de cibler de grandes priorités de relance industrielle et s’articule difficilement avec les grands chantiers prioritaires définis par le Gouvernement. J’ai en mémoire cette analyse d’un grand groupe international, estimant que le CIR, « par l’indétermination de son régime, constitue un outil dangereux ».
Il est donc urgent d’encadrer ce dispositif.
C’est ce que j’avais proposé, consciente de l’absence de consensus en faveur d’une réforme plus radicale, pour permettre, à tout le moins, de sécuriser un dispositif qui ne l’est pas et d’en renforcer l’efficience.
Mais ma proposition a été rejetée en bloc. Quel dommage ! Cela ne peut qu’alimenter la suspicion à l’égard du CIR qui, en définitive, s’apparente davantage à un abaissement de l’impôt sur les sociétés qu’à une stimulation efficace de la recherche et développement des entreprises privées.
Mes chers collègues, le législateur a la responsabilité de s’interroger sur l’usage et l’efficacité de la mobilisation d’un tel volume de dépense publique. Il s’agit là d’un impératif démocratique, d’autant que, dans le même temps, la recherche publique est maintenue dans un état de paupérisation et de précarisation croissantes.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Jacques Cornano applaudit également.)
Mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, je salue les militaires de l’opération Sentinelle présents dans nos tribunes.
M. le président.
(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le progrès et l’innovation constituent des leviers essentiels à la relance de la croissance. La montée en puissance du crédit d’impôt recherche, décidée en 2008, avait pour objectif de pallier la faiblesse chronique des dépenses des entreprises françaises en matière de recherche et développement.
Mme Françoise Laborde.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Avec 5,5 milliards d’euros, le crédit d’impôt recherche est devenu l’aide fiscale en faveur de la recherche et développement la plus avantageuse des pays de l’OCDE. L’évaluation de cette dépense publique est impérative au regard de son coût élevé pour nos finances publiques et des efforts ainsi consentis par les contribuables.
La création de la commission d’enquête devait contribuer à vérifier la légitimité de cette intervention publique. Je regrette donc qu’un accord n’ait pu être conclu en vue d’autoriser la publication de son rapport.
Nul ne conteste que le crédit d’impôt recherche engendre des effets positifs pour la recherche dans notre pays.
En effet, la dépense en recherche et développement des entreprises a augmenté de 19,2 % entre 2008 et 2013, dans un contexte de crise économique. Le niveau de la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises, la DIRDE, a ainsi atteint 1,46 % du produit intérieur brut en 2014, ce qui place la France au sixième rang mondial et au deuxième rang européen.
En matière d’emploi scientifique, le bilan est également favorable avec 33 000 chercheurs supplémentaires embauchés depuis 2008.
Toutefois, ces critères sont insuffisants pour caractériser l’efficacité du dispositif. Le nombre de brevets déposés et de publications scientifiques peine encore à décoller et une fois la recherche aboutie, son exploitation est délocalisée.
Par ailleurs, la commission d’enquête a orienté ses travaux sur le détournement du CIR. Il y a tout d’abord, il faut le dire, un « détournement » autorisé par la loi, car ses dépenses ne financent pas uniquement la recherche.
On ne peut pas reprocher à des entreprises d’optimiser leur imposition à partir du moment où elles agissent dans le cadre de la légalité, même si cela est, bien sûr, contestable. Je pense, par exemple, au calcul du seuil de 100 millions d’euros filiale par filiale, au lieu d’un calcul au niveau du groupe fiscalement intégré, ou encore au cumul avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi portant sur les mêmes assiettes.
Il y a ensuite le détournement au sens de la fraude, qui doit être sévèrement sanctionné, et les contrôles fiscaux en la matière sont lourds.
Il est ainsi complexe de se faire une idée précise du rapport entre le coût et l’efficacité du CIR.
La recherche française, qu’elle soit publique ou privée, souffre d’autres maux, à savoir la complexité administrative et l’instabilité normative et financière.
Le baromètre de l’attractivité de la France pour 2015, établi par un cabinet de conseil, démontre que l’environnement administratif et juridique constitue l’une des principales préoccupations des entreprises. C’est notamment le cas des petites entreprises françaises qui, lorsqu’elles réussissent, ne parviennent pas à surmonter les effets de seuil ou à croître en taille. Pourtant, 90 % du CIR bénéficie aux PME.
Certes, le crédit d’impôt recherche participe pleinement à l’attractivité de la France. Toutefois, il ne doit pas être le seul argument à retenir dans un contexte de concurrence fiscale internationale.
Nous devons agir sur l’ensemble des leviers possibles pour créer un environnement propice à l’investissement. D’autres pays de l’OCDE font mieux, sans pour autant disposer d’une niche fiscale aussi généreuse.
La Cour des comptes rappelait, dans son rapport publié en 2013, que ce dispositif ne peut être regardé uniquement comme une aide. Il doit aussi être considéré comme une baisse de la fiscalité des entreprises exposées à la concurrence internationale. Il contrebalance ainsi un taux facial d’imposition sur les sociétés très élevé.
Par conséquent, réformer cette niche impliquerait de remettre à plat l’ensemble de notre fiscalité. Le rapport de l’OCDE sur la politique de l’innovation de la France, publié en 2014, recommande de baisser la pression fiscale générale et, en parallèle, de procéder à une diminution du poids du crédit d’impôt recherche, ses auteurs estimant que l’effet d’un CIR trop élevé est bridé par l’ensemble des autres facteurs affectant la dépense en recherche et développement.
Mais telle ne semble pas être la voie empruntée par le Gouvernement.
À défaut, et conformément aux recommandations de la Cour des comptes, il serait plus pertinent, pour des raisons évidentes de stabilité et de visibilité pour les entreprises, de modifier le CIR à la marge en vue de le simplifier.
La sécurité juridique favorise l’accueil des entreprises sur notre territoire et, surtout, leur maintien.
Ainsi, un ciblage vers les dépenses relevant exclusivement de la recherche mériterait d’être effectué.
Enfin, les relations entre les entreprises et l’administration fiscale étant essentielles, la création par la loi de finances rectificative pour 2015, votée en décembre dernier, d’un comité consultatif pour le crédit d’impôt recherche sera d’une grande utilité. Il devrait faciliter la conciliation des parties en cas de redressements.
De même, la dématérialisation des procédures de déclaration va dans le bon sens. Elle permettra en outre d’avoir un suivi plus rapide de la dépense.
Bien que tout indiquait que le crédit d’impôt recherche allait atteindre rapidement la barre des 7 milliards d’euros, son montant a pu être contenu. Celui-ci demeurant très élevé, ce débat devait avoir lieu, et je tiens à saluer l’excellent travail de la commission d’enquête et, bien sûr, de Brigitte Gonthier-Maurin.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
La parole est à M. Francis Delattre.
M. le président.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette commission d’enquête, que j’ai eu l’honneur de présider, a malheureusement été ouverte sur un malentendu.
M. Francis Delattre.
J’en rappelle l’intitulé : « commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays ». D’emblée, le mot « détournement » était prononcé ! On pouvait dès lors s’interroger sur l’objectivité de cette affirmation et la sélection par Mme la rapporteur des personnes auditionnées laissait naturellement entrevoir, en filigrane, la teneur du rapport final.
C’est de l’idéologie !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Et c’est grossier !
Mme Éliane Assassi.
Quelle entrée en matière !
Mme Françoise Laborde.
J’ai donc veillé au pluralisme des auditions, sans jamais renier l’intérêt d’un contrôle, par le Parlement, d’une dépense fiscale importante, s’établissant autour de 5,5 milliards d’euros.
M. Francis Delattre.
Au cours de la centaine d’auditions que nous avons menées pendant quatre mois, nous avons eu l’occasion de visiter les grands centres de recherche et développement de France – en région parisienne comme à Grenoble, à Nice, etc. – et de rencontrer les vrais acteurs de la recherche et développement.
Nous avons été impressionnés par la capacité d’innovation des chercheurs français, qui sont de véritables pépites pour notre pays. Ce terme « pépite » a d’ailleurs été repris au cours des derniers jours par les médias anglo-saxons, à l’occasion du
Consumer electronics show
Il est réjouissant de constater que notre pays compte des chercheurs bien formés, mettant au point les innovations de demain, que le monde s’arrache.
Il est donc apparu très vite que le CIR est parfaitement en phase avec les besoins actuels du pays. Indéniablement, ce dispositif est un élément d’attractivité de la France, qui en a besoin. Il influence positivement le choix d’entreprises étrangères au regard de leurs implantations dans le monde, étant précisé que le CIR contribue à réduire de 10 %, en moyenne, le coût des ingénieurs en recherche et développement.
La véritable actualité, mes chers collègues, ce sont les entreprises françaises de taille intermédiaire qui ont pris aujourd’hui des positions stratégiques en recherche et développement, notamment dans le secteur de l’automobile. Mais naturellement, reste l’immense problème du financement de leurs applications sur le territoire national, où elles rencontrent des difficultés d’accès au financement à moyen et long termes, faute d’une véritable politique favorisant le capital-risque.
Lors des auditions, les plus dures critiques ont émané de chercheurs visiblement militants de la recherche publique, déplorant de ne pas avoir suffisamment de moyens, alors que ceux des entreprises étaient en développement. Mais ce n’était pas véritablement le sujet !
En outre, le dispositif du CIR permet de cofinancer une partie de la recherche publique dans le cadre de projets mixtes. Ce point, insuffisamment connu, nous a été confirmé par le directeur des études du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, qui estime que 500 millions d’euros émanant du CIR contribuent à des projets mixtes.
Cette orientation, complétée d’une meilleure implication avec les universités, est la meilleure façon de briser des barrières, aujourd’hui totalement dépassées. Il faut accentuer ce mouvement.
Le rapport qui nous a été présenté formulait cinq grandes critiques.
Première critique : un détournement fiscal massif. Nous avons rencontré les services fiscaux de plusieurs départements particulièrement concernés par la recherche-développement. Si le constat qu’a dressé Mme la rapporteur a été évoqué, il n’a jamais été observé par ces services. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, nous a confirmé que le sujet était parfaitement maîtrisé. Qui peut croire que, dans notre pays, l’administration fiscale ne serait pas capable de détecter des détournements massifs ?
Bien sûr, une difficulté technique a été souvent évoquée, à savoir le contrôle du périmètre de la recherche. Parce qu’un inspecteur des impôts n’est pas forcément un scientifique, il doit agir en tandem avec un expert nommé par le ministère de la recherche et du développement et un responsable des services fiscaux. La difficulté, c’est que les experts ne sont pas assez nombreux. Ce qui ne justifie pas de condamner le dispositif.
En sus des détournements dont on a longuement démontré qu’ils étaient fictifs, Mme la rapporteur a soulevé à de nombreuses reprises une autre critique : il n’y aurait aucune corrélation entre le CIR et la création d’emplois.
Je rappellerai juste que, lors de son audition, Marko Erman, directeur technique chargé de la recherche et de l’innovation du groupe Thales, une grande entreprise française, nous a déclaré que le recrutement sur un emploi en recherche et technologie engendre la création de dix autres emplois en développement et en production !
Au surplus, la réforme de 2008 a fait passer le nombre des entreprises bénéficiant du CIR de 5 000 à 20 000. Nous sommes donc loin des quarante entreprises du CAC 40 qu’on désigne toujours comme les grands « détourneurs » du dispositif !
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Autre critique : le CIR profiterait plus aux grandes entreprises qu’aux PME.
Certes, les grandes entreprises totalisent pratiquement 60 % des dépenses de recherche et développement en France et perçoivent en valeur plus de crédit d’impôt recherche que les PME.
(Quand même ! sur les travées du groupe CRC.)
De nombreuses études ont démontré que le CIR est aussi efficace pour les unes que pour les autres, même si quelques cas particuliers peuvent toujours contredire ce constat.
En annexe à la fraude, une critique a été émise sur l’optimisation fiscale du CIR par les grands groupes, notamment avec l’utilisation des filiales pour répartir sur celles-ci des dépenses de recherche et développement et se soustraire à la limitation du taux de 5 % au-delà de 100 millions d’euros de dépenses déclarées.
Peu de grands groupes, moins de dix, utilisent des filiales aux maisons mères susceptibles de faire fructifier un tel dispositif.
Sur cette thématique particulière des filiales, je dénonce un reportage télévisé sur France 2 complètement à charge et parfaitement mensonger à une heure de grande écoute. Alors que la commission d’enquête semblait se diriger vers des conclusions justes et quasi unanimes, M. Pujadas, par pur hasard, annonçait comment une entreprise publique, Renault, utilisait des filiales comme « pompe à fric » au détriment du fisc. Or Renault développe 75 % de sa recherche et développement en France alors qu’il n’y vend plus que 20 % de sa production. Quelle gifle pour M. Pujadas de voir le succès de la voiture connectée considérée par cet expert comme un véhicule détournant l’argent public ! Alors qu’en ce moment même, au
Consumer Electronics Show
Mes chers collègues, la filiale présentée comme une « pompe à fric » par l’éminent présentateur est aujourd’hui un véritable succès industriel de la France !
Très bien !
M. Philippe Bonnecarrère.
Autre critique : le CIR serait inefficace.
M. Francis Delattre.
L’observatoire du CIR a mis en évidence un effet d’entraînement du dispositif : « Un euro du CIR supplémentaire investi par l’État s’accompagne de 1,5 euro de dépenses de recherche et développement supplémentaire de la part des entreprises. »
Mesurer l’efficacité du dispositif, c’est vérifier s’il atteint son objectif, à savoir augmenter l’investissement en recherche et développement, ce qui est le cas.
Dans un rapport publié sur le sujet en 2012, notre collègue Michel Berson estimait que le CIR permettait un surplus de croissance du PIB à long terme de 0,5 %.
C’est donc un enjeu important, tant pour notre taux de croissance que pour notre compétitivité.
Nous avions formulé des recommandations sur lesquelles nous aurions pu nous retrouver : faciliter l’élaboration des dossiers CIR, qui sont complexes ; renforcer le nombre d’experts pour rendre incontestables les aspects scientifiques ; clarifier le rôle de la sous-traitance, et donc le rapport entre donneur d’ordres et sous-traitant, car le CIR doit être exclusivement attribué à l’auteur des recherches ; créer un comité de conciliation pour l’examen des problèmes fiscaux, ce que nous a accordé Christian Eckert – la commission d’enquête aura au moins servi à cela ; redéfinir le rôle des cabinets de conseil ; privilégier l’écosystème, ce que préconisent tous les grands groupes, comme Total.
Certes, pour les brevets se posent des problèmes d’ordre commercial, mais là n’est pas l’essentiel : l’essentiel, c’est de combler aujourd’hui nos retards et de retrouver demain l’impact d’un pays innovant. Pour cela, il est préférable d’assurer une longévité et une visibilité aux entreprises sur un dispositif qui, par effet de levier, a montré ses résultats. J’ajouterai que ce dispositif a été imaginé par le gouvernement de Pierre Mauroy,…
Et alors ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
… et modernisé par celui de François Fillon : il y a de plus mauvais auteurs.
M. Francis Delattre.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
La parole est à M. Michel Canevet.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe CRC d’avoir demandé cette commission d’enquête – dont nous nous sommes réjouis – sur le crédit d’impôt recherche. Les membres du groupe de l'UDI-UC sont en effet particulièrement attachés à ce que l’action publique oriente son effort autant que possible sur l’emploi.
M. Michel Canevet.
Je tiens particulièrement à féliciter son président, Francis Delattre, qui a mené cette commission d’enquête de main de maître, et à remercier sa rapporteur, Brigitte Gonthier-Maurin, qui a nous a permis aussi d’aller au fond des choses.
Déjà, on ne peut pas être d’accord
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
a fortiori
Par le biais de cette commission d’enquête, et aujourd’hui également, nous avons pu approfondir le débat sur l’intérêt du crédit d’impôt recherche pour notre pays.
Cela a été dit tout à l’heure, le CIR représente 5,5 milliards d’euros octroyés à 21 000 entreprises bénéficiaires, dont 90 % de PME. La réalité n’est pas celle que l’on voudrait nous faire croire, à savoir que ce seraient les grands groupes qui s’approprieraient le crédit d’impôt recherche.
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame de nouveau.)
Presque tous les orateurs qui sont intervenus au cours de la commission d’enquête nous ont dit combien cet outil était particulièrement pertinent pour le développement des entreprises.
Il est exact, comme l’a rappelé Francis Delattre, que nous avons eu à supporter un reportage télévisé mettant en cause un grand constructeur national de véhicules.
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Le crédit d’impôt recherche concourt ainsi à la création dans notre pays d’un grand nombre d’emplois. Il concerne à 60 % des entreprises dans le secteur de l’industrie, secteur dans lequel nous avons des faiblesses avérées et sur lequel il nous faut donc faire porter notre effort.
Comme Francis Delattre le soulignait, ce grand groupe industriel a choisi de concentrer en France les trois quarts de ses efforts de recherche, qui sont importants et nécessaires pour s’adapter constamment au marché. Ce groupe consacre ainsi 2 milliards d’euros à la recherche.
C’est fort justement que les membres du groupe de l’UDI-UC appartenant à la commission d’enquête n’ont pas voté les conclusions de sa rapporteur.
Absolument !
M. Philippe Bonnecarrère.
Pourquoi ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
À cause de Pujadas !
Mme Éliane Assassi.
sur les travées du groupe CRC.)
Il faut prendre conscience que la réalité, ce n’est pas celle du détournement du crédit d’impôt recherche. Au contraire, c’est un outil qui sert les entreprises, particulièrement les petites entreprises, pour leur développement, pour adapter leurs produits aux attentes des consommateurs. Il est absolument nécessaire !
M. Michel Canevet.
Très bien !
M. Francis Delattre.
Cet outil, le monde entier nous l’envie.
M. Michel Canevet.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Je disais donc que les membres du groupe de l’UDI-UC qui ont pris part à cette commission d’enquête n’ont pas pu en voter les conclusions, parce que nous considérons que cet outil est absolument nécessaire.
Il l’est également sur le plan stratégique. Je rappelle que la France a validé la stratégie de Lisbonne qui visait à ce que les dépenses intérieures de recherche et de développement des entreprises atteignent 3 % du PIB. Quel est le constat aujourd’hui ? C’est que nous n’y sommes pas ! La recherche privée se monte à environ 30 milliards d’euros, la recherche publique à environ 15 milliards d’euros, pour un PIB dépassant légèrement les 2 000 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d'État, vous qui connaissez bien ces questions liées à la recherche, vous savez bien qu’il faut que l’on aille plus en avant en la matière, sans quoi nos entreprises ne sauront pas s’adapter. Nous avons clairement besoin de poursuivre cet effort et l’on sait bien que l’action publique, compte tenu de l’état particulièrement dégradé de nos finances publiques, ne pourra seule nous permettre d’atteindre cet objectif ambitieux, mais ô combien nécessaire.
Il faut donc encourager les entreprises à s’engager résolument dans cette voie. C’est l’objet du crédit d’impôt recherche, créé en 1983 et dopé en 2008.
Prenons un seul chiffre : en 2007, on comptait 216 000 chercheurs ; en 2012, il y en avait pratiquement 250 000. Cela signifie que l’effort fait à travers le crédit d’impôt recherche a permis d’augmenter les moyens humains consacrés à la recherche de notre pays
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
C’est particulièrement important parce que, avec plus de 5 millions de demandeurs d’emploi, nous ne pouvons continuer à regarder les autres agir ; il nous faut être particulièrement vigoureux.
Le groupe de l’UDI-UC est attaché à la stabilité fiscale. C’est aussi ce que nous ont demandé les entrepreneurs que nous avons auditionnés dans le cadre de cette commission d’enquête. Il ne faut pas remettre en permanence sur la table les règles. C’est à cette seule condition que les entreprises pourront continuer à se développer en France, à déposer des brevets et à préparer l’avenir.
Le groupe de l’UDI-UC approuve clairement ce dispositif.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Très bien !
Mme Élisabeth Lamure.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 5,34 milliards d’euros de dépense fiscale constatée en 2015 et 5,58 milliards d’euros en 2016 au titre du crédit d’impôt recherche : voilà la somme que la non-publication du rapport de notre collègue et amie Brigitte Gonthier-Maurin n’a pas permis de porter à la connaissance du grand public, pas plus que d’y apporter la moindre approche critique.
M. Éric Bocquet.
Pareille mésaventure survint en juillet 2014 à notre collègue Michelle Demessine qui constata que « l’efficacité des exonérations en termes d’emplois n’était pas établie » ; elle proposait ensuite « une remise à plat des exonérations des cotisations sociales ».
Brigitte Gonthier-Maurin proposait pour sa part, non pas une suppression pure et simple, idéologique, radicale du CIR, mais sans doute un meilleur ciblage.
Y aurait-il donc une malédiction pour notre groupe…
Apparemment !
Mme Éliane Assassi.
C’est la lutte des classes !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
… lorsqu’il s’agit d’interroger l’efficacité de l’argent public alloué par milliards au monde des entreprises ?
M. Éric Bocquet.
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Quand le Parlement, pourtant en charge, de par la Constitution, de vérifier le bon usage des deniers publics, de l’argent que les Françaises et les Français confient à l’État pour réduire les inégalités sociales et économiques et pour répondre aux besoins collectifs,…
C’est le b.a.-ba !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
… s’autocensure en ne publiant pas le résultat de ses propres travaux, ce ne peut qu’être au mieux regrettable, au pire une atteinte aux principes de la démocratie représentative !
M. Éric Bocquet.
Très bien !
Mme Éliane Assassi.
Nous avons tous le droit de nous interroger sur le bien-fondé de cette importante dépense fiscale et sur ses effets concrets sur l’activité économique, sur celle des laboratoires de recherche, sur l’emploi des docteurs et doctorants, sur le devenir de nos universités et établissements publics, et je pourrais allonger la liste sans difficulté !
M. Éric Bocquet.
L’enjeu est connu : notre économie ne peut se développer et trouver, notamment, les voies d’une croissance économe en ressources naturelles et respectueuse du travail des hommes et des femmes que si l’effort de recherche trouve sa pleine expression.
Pour ne prendre que l’actualité – je ne saurais la qualifier de « brûlante » – des enjeux de la COP 21, il est évident que nous devons renforcer les potentiels de recherche et d’expérimentation dans les domaines des économies d’énergie, du recyclage de matériaux jusqu’à présent voués à l’abandon, des énergies renouvelables ou encore des modes de transport économe.
N’oublions pas qu’à l’entrée les investissements des entreprises en faveur de la recherche bénéficient de la TVA déductible, parfois de certaines formes d’amortissement dégressif et qu’à la sortie ils peuvent aussi se traduire par la plus faible taxation des reventes de brevets !
Comme je le rappelais, 5,58 milliards d’euros de CIR prévus en 2016, cela équivaut à 10 % de l’impôt sur les sociétés brut ! C’est un peu comme si les ménages mensualisés pour l’impôt sur le revenu étaient exemptés d’un versement !
Mais 5,5 milliards d’euros, cela représente aussi, par exemple, plus de 40 % des crédits ouverts pour le fonctionnement de nos universités, notamment le recrutement et la rémunération des enseignants-chercheurs, et plus de deux fois les crédits que nous consacrerons en 2016 à l’amélioration des conditions de vie des deux millions et demi d’étudiants que compte notre pays !
Nous pouvons d’ailleurs nous demander, de manière liminaire, s’il y a lieu d’apporter aux entreprises une facilité fiscale de plus, pour une activité somme toute naturelle – celle qui consiste à rechercher et innover pour produire plus et mieux à moindre coût – de l’entreprise, si tant est qu’elle veuille se développer et tenir face à la concurrence effectivement sévère.
Des crédits d’impôt et des mesures fiscales dérogatoires, il y en tant pour les entreprises que l’on peut en venir à se demander si la France, contrairement à ce qui est dit ici et là, est un authentique paradis fiscal légal.
sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Le crédit d’impôt recherche est censé faciliter le développement de l’emploi technique, de l’ingénierie, de l’emploi scientifique.
Atteint-on l’objectif, dans un contexte marqué par la précarisation du travail des équipes de recherche, notamment dans les établissements publics où les budgets consistent désormais en enveloppes fongibles et non plus en postes budgétaires ?
On pourrait le penser au regard de la hausse régulière du nombre d’entreprises – cela a été rappelé – qui sollicitent le crédit d’impôt recherche. Mais, en fait, il semble bien que, selon leur grande habitude consistant à répartir les coûts, certaines entreprises aient décidé de jouer des effets du seuil du dispositif CIR pour multiplier les petites structures de recherche « dédiée », sociétés sous-traitantes et vassales des groupes pour lesquels elles sont appelées à consommer de la « matière grise » pour produire de la dépense éligible au crédit d’impôt !
Cela signifie que, à la précarisation renforcée de l’emploi dans les organismes publics de recherche, victimes des politiques d’austérité et de réduction de la dépense publique, nous ajoutons la précarisation de l’emploi dans le secteur privé, le crédit d’impôt suscitant la création d’entreprises de petite taille et d’une durée de vie limitée.
De plus, il est tout de même étrange de constater que, sous le quinquennat de M. Sarkozy, nous n’eûmes qu’une erratique croissance d’un dixième de point par an
(M. Michel Canevet s’exclame.)
Peu contrôlé, peu évalué – y compris parce que des directives semblent avoir été données dans ce sens –, le crédit d’impôt recherche a besoin d’être repensé – c’est exactement ce que Brigitte Gonthier-Maurin préconisait. Il doit être repensé quant à son architecture, en ayant le souci de parer la tentation de l’optimisation fiscale qui l’accompagne aujourd’hui et dans laquelle un certain nombre d’entreprises se sont essayées depuis la réforme de 2008. Il doit également être repensé s’agissant de son interaction avec d’autres formes d’aides publiques, notamment quand les compétences économiques désormais dévolues aux régions leur donnent, en lien avec leurs moyens propres, leurs relations avec la Banque publique d’investissement et les structures régionales de bien des établissements bancaires, quelque possibilité pour mobiliser, au profit des entreprises comme de l’emploi qualifié, les ressources financières nécessaires.
Le crédit d’impôt recherche, comme le CICE pour des raisons comparables, ne peut plus être quasi aveuglément distribué, sans contrôle citoyen, que celui-ci s’effectue par le biais des conseils régionaux ou, dans l’entreprise, des prérogatives des instances représentatives du personnel – comités d’entreprise ou délégués du personnel.
L’argent public – il n’en est pas de même de l’argent privé – est une denrée rare, nous dit-on aujourd’hui. Vouloir s’en servir avec parcimonie et à bon escient est une règle de bonne gestion.
La situation du crédit d’impôt recherche nécessite, selon nous, que cet effort soit accompli.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe CRC. – Mmes Corinne Bouchoux et Marie-Christine Blandin ainsi que M. Yannick Vaugrenard applaudissent également.)
La parole est à M. Michel Berson.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’existence du crédit d’impôt recherche n’est plus remise en cause aujourd’hui, le CIR continue à faire débat, comme l’a montré la commission d’enquête du Sénat.
M. Michel Berson.
Si l’efficacité du CIR semble aujourd’hui communément reconnue, nombre de critiques restent vives : optimisation fiscale, effet d’aubaine pour les plus grands groupes, détournement de son objet transformé en financement de trésorerie pour les PME, contrôle fiscal insuffisant pour les uns, excessif pour les autres, coût trop élevé pour l’État.
Je limiterai mon propos à l’analyse des effets du crédit d’impôt recherche sur les dépenses de recherche des entreprises françaises, c’est-à-dire à l’analyse de l’efficacité du dispositif.
En 2016, la créance du CIR devrait dépasser 5,5 milliards d’euros.
Seconde dépense fiscale de l’État après le CICE, le coût du CIR représente 40 % des 14 milliards d’euros du budget de l’État consacrés à la recherche publique. C’est le dispositif de soutien public à la recherche privée le plus favorable des pays membres de l’OCDE. Il représente 0,26 % du PIB, devant 0,21 % au Canada.
En effet, avec la réforme du CIR en 2008, le nombre d’entreprises bénéficiaires a doublé en sept ans, pour atteindre, en 2014, le chiffre de 21 500 ; en outre, sur la même période, la créance du CIR a triplé, de 1,7 milliard à 5,5 milliards d’euros, niveau qui semble maintenant se stabiliser.
Parallèlement à la croissance du CIR, les dépenses de recherche des entreprises ont progressé, entre 2008 et 2014, de 24,7 milliards à 30,5 milliards d’euros
Cet effort d’investissement des entreprises est égal à 1,5 % du PIB français, contre 2,18 % en Allemagne, taux supérieur à l’objectif européen de 2 %.
Pourquoi la France est-elle loin de cet objectif, en dépit de l’importance du crédit d’impôt recherche qui, en Allemagne, n’existe pas ? Pour deux raisons.
D’abord, pour une raison fiscale : en Allemagne, le taux d’imposition des sociétés est de 30 %, contre 38 % en France, pays qui a fait le choix d’un taux plus élevé d’imposition, mais assorti d’exonérations et de déductions fiscales comme le crédit d’impôt recherche.
Ensuite et surtout, pour une raison économique : depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la France a connu une désindustrialisation croissante, accélérée par la crise de 2008. Ainsi, de 2001 à 2012, la part de l’industrie dans le PIB français a régressé de 17,3 % à 12,5 %, alors qu’elle est restée stable en Allemagne, à hauteur de 25 %.
Là réside la principale explication de la faiblesse des dépenses de recherche et développement des entreprises en France, car, dans tous les pays, la recherche privée est, pour l’essentiel, effectuée dans les entreprises industrielles.
Parallèlement à cette désindustrialisation, les dépenses de recherche auraient donc dû mécaniquement fléchir. Or que constate-t-on ? Entre 2008, année du début de la crise – mais aussi, première année d’application de la réforme du CIR –, et 2014, la dépense de recherche des entreprises françaises a augmenté de 24,7 milliards à 30,5 milliards d’euros, soit de 20 %, la plus forte progression observée en Europe durant cette période.
Comme le démontre un rapport du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche qui fait autorité, cette progression s’explique par la croissance de l’intensité en recherche et développement de l’industrie française, c’est-à-dire du ratio entre dépenses de recherche et développement et chiffre d’affaires des entreprises industrielles, un ratio qui, aujourd’hui, est légèrement supérieur à celui de l’Allemagne.
Finalement, en France, ce qui est en cause, ce n’est pas l’effort de recherche des entreprises, c’est le poids élevé dans notre PIB des secteurs à faible intensité de recherche, comme le BTP, l’agroalimentaire ou l’énergie.
Deux conclusions peuvent être tirées de ce constat.
Premièrement, la hausse de l’intensité en recherche et développement des entreprises françaises a plus que compensé l’impact négatif de la désindustrialisation, mais, globalement, la recherche reste pénalisée par la faiblesse du socle industriel français.
Deuxièmement, le crédit d’impôt recherche, en soutenant l’effort de recherche des entreprises, a produit un effet anti-crise : il a évité une réduction des dépenses de recherche et développement, notamment depuis 2008, année de mise en œuvre de la réforme du CIR.
Cette analyse, démontrant l’efficacité du CIR, pourrait être complétée par les résultats convergents de plusieurs études économétriques, concluant à un effet positif du CIR sur les dépenses de recherche et développement des entreprises.
En effet, l’un des indicateurs annuels de performance des dépenses de l’État, présenté dans les documents budgétaires du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, montre un effet d’addition du CIR qui exclut toute hypothèse d’effet d’aubaine : 1 euro de CIR engendrerait 1,3 euro de recherche et développement privée supplémentaire.
Le crédit d’impôt recherche s’avère efficace, mais la forte expansion du CIR impose une amélioration du contrôle de son utilisation, notamment une plus grande cohérence dans l’action de l’administration fiscale et des experts du ministère de la recherche qui effectuent conjointement les contrôles.
De même, la forte expansion du CIR nécessite une maîtrise de son coût. Ce que l’État consent aux entreprises, en crédit d’impôt recherche, pour soutenir la recherche privée, il n’en dispose pas pour financer les dotations budgétaires de la recherche publique.
Aussi, aujourd’hui, la question se pose de la pertinence de la répartition de l’effort annuel de l’État entre les 14 milliards d’euros de dotations budgétaires pour développer la recherche publique et les 5,5 milliards d’euros du crédit d’impôt recherche pour soutenir la recherche privée.
L’ensemble de ces crédits mobilisés par l’État, soit 19,5 milliards d’euros, est à comparer aux 30,5 milliards d’euros de dépenses annuelles de recherche des entreprises. Ces dernières ne les financent d’ailleurs qu’à hauteur de 25 milliards d’euros, compte tenu des 5,5 milliards d’euros du CIR.
Monsieur le secrétaire d’État, à la lumière de ces chiffres, on comprend que s’exprime de plus en plus souvent le souhait d’un rééquilibrage des financements de l’État au profit de la recherche publique, en limitant le coût du CIR.
La sanctuarisation de ce crédit d’impôt, décidée par le Président de la République, empêche aujourd’hui toute évolution, toute amélioration. Il s’agirait par exemple de permettre aux sociétés sous-traitantes agréées d’en bénéficier, alors même que ce n’est pas le cas de leurs donneurs d’ordres, ou encore de conditionner, dans les grands groupes, l’application du taux du CIR de 5 % à l’embauche de docteurs.
Mes chers collègues, j’ai quelque peu dépassé le temps qui m’était imparti,…
En effet !
M. Daniel Dubois.
Quelque peu…
M. Jean-Pierre Bosino.
Plus qu’un peu !
M. Michel Canevet.
… et je vous prie de m’en excuser. Je conclurai ainsi : compte tenu des enjeux que représente le financement de la recherche en France, la réforme du crédit d’impôt recherche paraît inéluctable. Tel est l’avis des membres du groupe socialiste et républicain !
M. Michel Berson.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur de feu notre rapport, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier vivement les membres du groupe communiste républicain et citoyen d’avoir fait inscrire à l’ordre du jour ce débat portant sur un thème important : les incidences du crédit d’impôt recherche sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays.
Mme Corinne Bouchoux.
Ce dispositif a, sur nos finances publiques, un impact dont les précédents orateurs ont rappelé l’ampleur : plus de 5 milliards d’euros. Quoi de plus pertinent que de voir où va l’argent ?
Je ne peux donc que regretter vivement que la commission d’enquête sénatoriale portant sur le sujet que nous avons évoqué se soit fait hara-kiri, faisant du même coup disparaître son rapport, ses conclusions et ses comptes rendus d’audition. C’est une forme de masochisme sur lequel il faudra peut-être un jour s’interroger.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen.
Puisque l’on m’a assuré que tout ce travail n’existait plus, que les archives avaient disparu, je vais fonder mon propos sur ce qui existe encore !
Mme Corinne Bouchoux.
(Mme Françoise Laborde sourit.)
Attention, madame Bouchoux, vous allez agacer M. Delattre…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L’association Sciences en marche a mené un réel travail d’investigation. Pour ceux qui le souhaitent, ses sources sont accessibles sur internet. Elle propose une photographie tout à fait précieuse, impartiale et claire de ce qu’est le crédit d’impôt recherche. Elle indique où il va, quelle est sa progression, et mentionne des marges d’améliorations possibles.
Mme Corinne Bouchoux.
Le CIR a été analysé par les précédents intervenants comme un « dopant », un facteur d’innovation, par d’autres comme une source d’attractivité, un moyen, comme j’ai pu l’entendre dans nos couloirs, de rester « sexy » dans l’économie mondiale.
Mes chers collègues, il faut être honnête : personne ici ne souhaitait voir ce rapport adopté. Deux petites familles politiques mises à part, il existait un accord pour employer tous les moyens de forme ou de fond, notamment des rebondissements télévisuels, permettant de torpiller ce rapport !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
Absolument !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
C’est faux !
M. Daniel Raoul.
À cet égard, nous avons bel et bien disposé d’une présidence brillante et réussie. Le but n’a pas été atteint pour ce qui concerne le CIR. En revanche, il l’a été concernant la suppression du rapport…
Mme Corinne Bouchoux.
En examinant ce sujet d’un peu plus près, que peut-on dire de ce crédit d’impôt de 5,5 milliards d’euros ?
Bien entendu, le CIR n’est pas réservé aux sociétés du CAC 40. Toutefois, certains l’ont signalé : en proportion, il profite largement aux grands groupes.
En outre, il a été montré que, dans certains domaines, ce dispositif était un moyen d’attirer en France des entreprises internationales, qui y voit, elles le disent elles-mêmes, un facteur d’attractivité de notre territoire. Mais est-ce le sens d’un crédit d’impôt consacré à la recherche ? C’est la question que l’on peut se poser.
C’est un fait, il faut rendre notre territoire attractif. Cela étant, faut-il procéder par ce biais ?
Ensuite, si l’on examine dans le détail la question de l’emploi, on peut se montrer un peu plus critique. Par exemple, en 2011, seuls 12 % des chercheurs en entreprise étaient titulaires d’un doctorat, contre 55 % qui étaient diplômés d’une école d’ingénieur ou d’une grande école.
La situation des docteurs en entreprise s’est-elle améliorée grâce au CIR ? Pas du tout, malheureusement. Le doctorat, titre universitaire le plus élevé reconnu à l’échelle internationale, reste peu attractif en France. Or, dans ce domaine, le crédit d’impôt recherche s’est révélé relativement inopérant.
De plus, le CIR devrait – c’est l’un de ses buts – favoriser la promotion de la recherche et développement dans le secteur privé. Sur ce front, le bilan est-il si positif que ce qui a été dit ? À l’instar du comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur,…
Et de la Cour des comptes !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
… qui, sur ce sujet, a remis un rapport extrêmement intéressant, nous estimons qu’il faut absolument renverser la tendance actuelle : il faut garantir davantage l’embauche de véritables docteurs, la création de véritables emplois scientifiques, en lieu et place de simples requalifications.
Mme Corinne Bouchoux.
Dans un certain nombre de domaines, comme dans le secteur bancaire, on habille ainsi en dispositions éligibles au crédit d’impôt recherche des mesures qui n’en relèvent pas, et nous le savons tous !
Très bien !
M. Éric Bocquet.
Par ailleurs, il faut reprendre le rapport de 2013 établi par la Cour des comptes.
Mme Corinne Bouchoux.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cette instance le signalait déjà : « L’efficacité du CIR, au regard de son objectif principal d’augmentation de la dépense de R&D des entreprises est difficile à établir, et l’évolution de cette dépense n’est pas à ce jour en proportion de l’avantage fiscal accordé. »
Mme Corinne Bouchoux.
(Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Nous ne prétendons pas que le CIR ne sert à rien. Nous relevons simplement que, au regard des moyens mis en œuvre, le résultat est extrêmement modeste. Il doit donc être interrogé par le législateur que nous sommes.
Mes chers collègues, je vous invite également à consulter le rapport de l’association Sciences en marche, présenté le 6 avril 2015 à notre commission d’enquête, mais qui, je le répète, n’existe plus… Ce rapport a été publié sur le site de cette association. Il met clairement au jour non seulement l’effet de levier que permet le CIR dans les entreprises de moins de 500 salariés, mais également les causes mitigées dans les grandes sociétés et dans certains secteurs qui profitent plus que d’autres de ce dispositif.
Pour le dire autrement, le CIR favorise massivement la recherche duale, le nucléaire : autant de sujets dont on doit pouvoir débattre sereinement. Ce sont aussi ces constats qui ont gêné, dans les travaux de la commission d’enquête diligentée.
À mon sens, il faut accepter d’avoir une vision prospective du CIR. Nous ne vous proposons pas sa suppression. Nous disons simplement qu’avec ce dispositif, tel qu’il existe actuellement, on marche sur la tête ! Dans un certain nombre de cas, cette niche permet des optimisations fiscales. Aussi, nous vous soumettons cette proposition : tournons-nous vers la transition écologique. Cela tombe bien, la COP 21 vient d’avoir lieu.
Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons vivement que le CIR, puisqu’il existe, soit consacré massivement à la transition écologique, notamment pour faire évoluer notre tissu industriel : c’est là un enjeu capital. Nous souhaitons que la France dispose d’un crédit d’impôt recherche vertueux, permettant de modifier la société et non de stabiliser des rentes de situation.
Au surplus, il ne faudrait pas que l’on nous reproche un jour, au niveau européen, les problèmes posés par notre crédit d’impôt recherche, dont nous abusons allègrement. À plusieurs reprises, nous avons lancé l’alerte sur ce point.
Enfin, faut-il que nous ayons rompu des tabous pour que soient annihilés, en quelques minutes, quatre à six mois de recherches, des dizaines et peut-être des centaines d’heures d’auditions, de production de savoir intellectuel et intelligent ? Je m’en remets aux citoyens, aux journalistes et aux enseignants-chercheurs. Ils pourront poursuivre le travail que nous avons amorcé !
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le bilan demandé par les membres du groupe CRC de l’efficacité du crédit d’impôt recherche, en sollicitant la réunion d’une commission d’enquête dont Mme Gonthier-Maurin a été le rapporteur, partait d’une bonne intention.
M. Michel Vaspart.
Bien entendu, il faut s’interroger sur l’efficacité des aides aux entreprises. Sur ce sujet, les rapports se suivent et se ressemblent. Ils dénoncent le nombre pléthorique de dispositifs non évalués et coûteux, que ce gouvernement a d’ailleurs très sensiblement augmenté depuis 2012.
En présentant ses vœux aux Français, le Président de la République a même annoncé de nouvelles aides publiques. Les aides publiques sont l’éternelle réponse à la crise économique que traverse notre pays, dont certains de nos voisins sont pourtant sortis. Ces aides ont un coût faramineux, et l’on se demande comment le budget peut encore le supporter !
Parallèlement, on oublie bien sûr que ce que veulent les entreprises françaises pour créer de la richesse et de l’emploi, c’est surtout moins de charges, moins de réglementations coûteuses et parfois inutiles, qui pèsent sur leur compétitivité.
La commission d’enquête dont les membres du groupe CRC avaient demandé la création a engagé ses travaux il y a près d’un an. Sa première audition a eu lieu à la fin du mois de janvier 2015. Au cours des semaines et des mois suivants, d’autres, très nombreuses, ont suivi.
Avec mes collègues membres de la commission d’enquête, et aux côtés de son président, Francis Delattre, j’ai ainsi pu vérifier l’utilité et l’efficacité du CIR.
Certains orateurs l’ont dit, le malaise perceptible dans cette commission d’enquête est venu, tout d’abord, de son intitulé : « commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays ».
Et alors ? Où est le problème ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Dépourvu de tout point d’interrogation, cet intitulé est une affirmation péremptoire et dogmatique !
M. Michel Vaspart.
Tant que certains resteront prisonniers de dogmes et tourneront le dos au pragmatisme, les décisions résultant de leur réflexion ne feront que nous éloigner des réalités du monde de l’économie vraie, régi par les échanges, la compétitivité et la performance.
M. Ladislas Poniatowski.
Évidemment, cela ne signifie pas que le Gouvernement et les services de l’État ne doivent pas contrôler et sanctionner les abus. C’est non seulement leur rôle, mais c’est leur devoir. Néanmoins, il ne faut pas remettre en cause ce dispositif.
M. Michel Vaspart.
Au fond, ce débat est utile, car il permet de dire clairement que le CIR est efficace. À ce titre, je regrette comme mes collègues que le rapport issu de nos travaux n’ait pu être diffusé : cette situation pourrait laisser entendre que nous souhaitions enterrer ses conclusions. Or le fil des auditions a précisément permis d’établir tout l’intérêt de ce crédit d’impôt pour l’économie française. Si ce rapport n’est pas diffusable, il est permis d’en retenir ce que l’on voudra bien lui faire dire.
Début décembre 2015, le rapport de l’observatoire du CIR a été publié, pour la quatrième édition, par le comité de conseil ACIES. Il établit que cette dépense fiscale « joue un rôle capital pour la compétitivité des entreprises ». Il constate que le budget du CIR se stabilise, après avoir fortement augmenté entre 2008 et 2012. Pour 2016, la dépense prévue est de 5,5 milliards d’euros, soit un montant similaire à celui de 2013. De même, le nombre de bénéficiaires du CIR se stabilise autour de 21 000 entreprises.
Les banques ne leur font pas crédit !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Plusieurs de mes collègues l’ont précisé, notamment Francis Delattre : il ne s’agit pas uniquement de multinationales. Parmi elles, on dénombre certes de grandes entreprises, mais également des PME et des entreprises de taille intermédiaire, des ETI.
M. Michel Vaspart.
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Plus de 33 500 chercheurs ont été recrutés par les entreprises françaises entre 2008 à 2013. En Allemagne, ils n’ont été, au cours de la même période, que 22 800. En France, les investissements étrangers en recherche et développement ont, en outre, été trois fois plus élevés qu’outre-Rhin. Ils ont suscité la création de près de 9 300 emplois à haute valeur ajoutée.
Le même rapport ajoute qu’en 2014 les rectifications faisant suite à un contrôle fiscal ont, pour la première fois, connu une baisse.
On le sait, juste après la réforme de 2008, le crédit d’impôt recherche a pu être source de contrôles fiscaux : les entreprises et l’administration fiscale ont mis du temps à maîtriser ce dispositif.
L’effet de levier est, lui aussi, de plus en plus accentué. Pour un euro de CIR investi par l’État en 2013, les entreprises dépensent 1,63 euro en recherche et développement, contre 1,50 euro en 2012.
Enfin, je note que le gouvernement socialiste a choisi de préserver ce dispositif.
Lors de son audition par la commission d’enquête le 7 mai 2015, M. Eckert a dit tout le bien qu’il pensait du CIR. Le Gouvernement a même décidé d’en augmenter les fonds, témoignant ainsi tout son intérêt pour ce dispositif.
La position du Gouvernement a été réaffirmée par M. le secrétaire d’État au budget en novembre 2015. En réponse à une question d’actualité, il a déclaré : « L’outil du crédit d’impôt recherche remplit son objectif. Il est d’avoir un effet de levier sur la dépense de recherche des entreprises. »
J’ai voulu, sans succès, faire auditionner par notre commission d’enquête les représentants de l’entreprise Roullier. Cette société vient de faire le choix d’installer le centre de recherche et développement de son groupe à Saint-Malo,…
C’est une bonne chose !
M. Thierry Mandon,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
… ville de 50 000 habitants et qui a le dos à la mer. Dans des locaux sécurisés et entièrement neufs, ce sont quatre-vingts chercheurs qui viennent d’être recrutés, s’ajoutant aux effectifs déjà présents.
M. Michel Vaspart.
Ce choix d’implantation ne s’est fait que parce que la France a mis en place le CIR, lequel permet de rendre plus compétitif le coût de la recherche dans notre pays par rapport à d’autres États. Sans le CIR, c’est vraisemblablement en Amérique du Sud que ce centre aurait été ouvert. Au demeurant, les constructeurs automobiles français sont dans la même situation.
En conclusion, soutenir la recherche privée est une nécessité, tout autant que soutenir la recherche publique. Il est absurde d’opposer l’une à l’autre,…
Très bien !
M. Michel Savin.
Qui fait cela ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
… tant elles sont complémentaires et nécessaires à notre pays. Cela va sans dire, la recherche et le développement ne doivent pas être exclusivement publics !
M. Michel Vaspart.
(Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Ce n’est pas ce que nous avons dit !
Mme Laurence Cohen.
Dans le monde si concurrentiel qui est le nôtre, il est fondamental que nos entreprises innovent, et il est tout aussi fondamental qu’elles soient soutenues. Sur ce front, la France a une longueur d’avance.
M. Michel Vaspart.
Monsieur le secrétaire d’État, voilà pourquoi nous ne pouvons que soutenir le Gouvernement lorsque le dispositif du CIR est non seulement maintenu mais conforté !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Très bien !
M. Michel Savin.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’emploi scientifique.
Mme Dominique Gillot.
En 2013, plus de 21 000 entreprises ont déclaré près de 20 milliards d’euros de dépenses en recherche et développement – soit une progression de 24 % depuis 2007 –, ce qui a entraîné l’inscription de 5,5 milliards d’euros de crédit d’impôt recherche au projet de loi de finances pour 2016.
La dépense publique se stabilise, mais l’effet de levier est en constante augmentation : pour 1 euro de CIR supplémentaire, il est passé de 1,15 euro en 2011 à 1,50 euro en 2012 pour atteindre 1,63 euro en 2013. Quant à l’intensité de la recherche et développement des entreprises, elle a atteint 1,46 % en 2014.
Un des freins à l’innovation souvent évoqué en France serait un trop faible recours des entreprises à la recherche publique et un taux d’intégration de docteurs trop bas dans leurs effectifs. La vocation du CIR est bien de favoriser la coopération entre recherche publique et recherche privée.
L’embauche de docteurs dans les entreprises, en évolution, tient aussi à la valorisation du diplôme : formation à la recherche et formation par la recherche, et contrats doctoraux équivalant à une première expérience professionnelle.
Les docteurs savent résoudre des problèmes complexes, inventer de nouvelles solutions, imaginer le futur, augmenter l’entropie des systèmes… Ils offrent une réelle capacité d’innovation pour la croissance et la compétitivité des entreprises.
Malgré cela, la reconnaissance et l’adéquation du diplôme de docteur, hors la recherche académique, reste un vrai sujet, et les études montrent qu’il y a peu de perméabilité entre les milieux.
Les jeunes docteurs français affichent encore une nette préférence pour la recherche académique ou publique et les entreprises continuent à recruter principalement des ingénieurs, même pour réaliser leurs travaux de recherche. Des titulaires du doctorat sont employés à 50 % dans la recherche publique et à 25 % dans la recherche privée, alors même que la stratégie de Lisbonne, à laquelle la France adhère, vise un partage « un tiers pour le public, deux tiers pour le privé ».
Dans un contexte de globalisation, où la concurrence internationale est vive, le CIR est très apprécié.
En Europe, eu égard au coût du chercheur, grâce au CIR, la France se compare favorablement à l’Italie, au Royaume-Uni, à la Belgique, à l’Allemagne, à la Suède, et la recherche reste plus coûteuse en Amérique du Nord qu’en France, où la progression de l’effectif des chercheurs en entreprise se maintient à un rythme fort.
Depuis 2008, malgré un environnement économique marqué par la crise, la progression, avec 33 000 chercheurs supplémentaires, est la plus forte d’Europe, devant l’Allemagne, qui n’affiche que 22 815 chercheurs supplémentaires recrutés. C’est la meilleure progression mondiale, avec celle de la Chine, de la Corée du Sud et des États-Unis.
Le CIR profite majoritairement aux entreprises manufacturières, même si la progression des services reflète l’évolution structurelle de l’économie.
L’ingénierie, le conseil, l’assistance numérique et informatique, le management, la gestion des ressources humaines servent de plus en plus la performance économique de l’industrie et justifient le recours à l’interdisciplinarité des chercheurs.
La loi de juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR, a fait droit à un certain nombre d’attentes de la communauté universitaire, notamment en ce qui concerne le doctorat.
Le processus d’accès à un emploi stable, plus lent pour les docteurs que pour les titulaires d’un diplôme de master, fonde les revendications des représentants de jeunes chercheurs, ce qui a conduit à préciser la reconnaissance du doctorat dans la haute fonction publique et l’engagement d’un dialogue avec le patronat pour son inscription dans les grilles de compétences et de salaires.
Le CIR contribue à renforcer les relations entre les entreprises et la recherche publique, sans que se perpétuent les effets d’aubaines dénoncés. Depuis 2013, le nombre de rectifications après contrôle, notamment fiscal, a diminué significativement grâce à une meilleure éligibilité scientifique des entreprises et à un meilleur dialogue entre les experts mandatés.
Cependant, en nombre absolu, les PME ne sont pas encore suffisamment bénéficiaires du dispositif. À cet égard, il me semble que le recrutement d’un chercheur partagé par deux
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez envisagé plusieurs éléments pour faciliter l’insertion des docteurs dans la fonction publique : concours d’agrégation réservé, place dans les recrutements de la fonction publique ou encore adaptation des modalités d’accès à l’ENA.
L’article 79 de la loi ESR prévoit la transmission annuelle au Parlement d’un rapport sur l’accessibilité des titulaires de doctorat aux emplois de catégorie A relevant du statut général de la fonction publique. La représentation nationale est dans l’attente de ce rapport.
Concernant l’emploi dans le secteur privé, Geneviève Fioraso avait lancé une mission sur la reconnaissance professionnelle du doctorat qui devait présenter le déploiement des dispositifs législatifs en mesures concrètes et préparer les négociations relatives aux conventions collectives. Le rapport n’a pas été rendu public.
Peut-on, monsieur le secrétaire d'État, être éclairé sur l’avancée des négociations avec les branches professionnelles ?
Un autre chantier pour l’insertion professionnelle des docteurs dans le privé repose sur une réforme programmée du diplôme de troisième cycle. En effet, si le nombre d’élèves ingénieurs augmente fortement, le nombre de doctorants ne croît lui que par l’augmentation des doctorants étrangers, qui constituent toujours 42 % du vivier. Ces évolutions du doctorat garantiraient aux postulants une formation de très haut niveau et une meilleure reconnaissance de leur diplôme, reposant sur des critères opérationnels efficients, remèdes à l’inemployabilité.
En conséquence et en application de la loi ESR, la révision des textes réglementaires relatifs à la formation doctorale s’impose.
Cette réforme d’un texte régissant le plus haut diplôme de l’Université nécessite à l’évidence un temps de concertation ! Où en est donc le calendrier de cette concertation qui doit stimuler l’employabilité des docteurs, en popularisant les acquis de la formation doctorale auprès des employeurs en termes de compétences transférables ?
Revaloriser le doctorat, faciliter l’accès des docteurs à la fonction publique, favoriser leur insertion professionnelle dans le secteur privé par une meilleure appréciation et des dispositifs fiscaux comme ceux dont nous débattons sont des solutions qui doivent ouvrir les débouchés aux titulaires de ce diplôme de troisième cycle et encourager les PME à recourir à eux.
Les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à choisir la France, comme en témoigne la forte augmentation du nombre des implantations de centres de recherche et développement – 72 en 2014 contre 21 en 2008 – réalisées grâce à des investissements étrangers. Ce résultat est la conséquence du talent de nos chercheurs et de nos universités ainsi que du partenariat entre la recherche publique et la recherche privée, stimulé notamment par le CIR, et des dispositifs fiscaux qui font que la France est très compétitive par rapport à certains pays émergents, comme Singapour, et réduit même son écart avec la Chine.
En conclusion, le CIR a certes pu faire l’objet de critiques justifiées, être suspecté de créer des effets d’aubaine et sembler manquer d’une efficacité probante, mais, au vu des observations de l’année 2015 comme des orientations de votre ministère et de l’attention soutenue du ministère de l’économie, notamment à travers la future loi #noé – pour autant que le volet « soutien à l’emploi scientifique » reste une vraie priorité dont les entreprises puissent mesurer l’intérêt –, l’année 2016 et les suivantes devraient permettre d’enregistrer les dividendes, sur les plans tant économique que scientifique et académique, d’un dispositif qui est parmi les plus incitatifs pour la recherche et l’innovation française, et qui nous est fortement jalousé.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de ce débat sur les incidences du crédit d’impôt recherche sur l’emploi et la recherche dans notre pays.
M. Thierry Mandon,
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Vous connaissez la position du Gouvernement à l’égard du CIR : il entend le stabiliser, mais la stabilité n’interdit pas, bien au contraire, que l’on s’interroge, que l’on analyse, que l’on évalue l’impact d’un dispositif budgétaire aussi important. Stabiliser celui-ci ne revient pas à dire « Circulez, il n’y a rien à voir » ; c’est prendre le temps de mesurer les impacts microéconomiques et d’en débattre, notamment au Parlement, dont il est bien naturel et dans ses prérogatives qu’il s’intéresse à une dépense fiscale de cette importance.
Afin que nous partagions le diagnostic, je voudrais reprendre plusieurs des éléments qui ont été évoqués et, en m’appuyant sur les nombreux rapports parlementaires et études publiés récemment, identifier quelques-unes des problématiques de moyen terme relatives au CIR.
La plupart d’entre vous l’ont souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, la recherche repose sur deux piliers, la recherche publique et celle des entreprises.
Notre pays, vous l’avez dit, se singularise par une répartition des dépenses de recherche dans laquelle la recherche publique a une part plus importante que dans la moyenne des pays de l’OCDE et, corrélativement, la recherche privée une part moins importante. Alors que nos dépenses de recherche atteignaient au total 2,28 % du produit intérieur brut en 2014, les dépenses de recherche publique représentaient 0,8 % de la richesse nationale, celles de recherche privée 1,48 %, contre plus de 2 % du produit intérieur brut en Allemagne, alors que les dépenses publiques y sont sensiblement comparables aux nôtres.
C’est une préoccupation. Des éléments d’analyse nous ont d’ailleurs été fournis dans ce débat, notamment dans la très fine intervention de Michel Berson. Il y a là une problématique très importante pour la structure économique et de l’industrie de notre pays.
Ce problème n’est pas nouveau. Je rappelle ainsi que c’est le gouvernement de Pierre Mauroy qui a créé le crédit d’impôt recherche en 1983 afin que les entreprises s’engagent davantage dans des activités de recherche et développement. À cette époque, les entreprises françaises consacraient 0,83% du produit intérieur brut à la recherche et développement quand les entreprises allemandes dépensaient 1,43 %, les entreprises américaines 1,24 %, les entreprises japonaises 1,62 %.
Aujourd’hui, donc plus de trente années plus tard, le niveau des dépenses de recherche privées a, heureusement, progressé en France, mais il a progressé partout ailleurs, de sorte que l’écart demeure entre la France et ses principaux partenaires, écart qui s’explique probablement, en effet, par une structure économique et de l’industrie différente de celles des pays que j’ai cités.
Le CIR est devenu le dispositif le plus important dont dispose l’État pour inciter les entreprises à accroître leur effort de recherche et développement. Il a subi plusieurs modifications importantes au cours de son histoire, la principale étant la réforme de 2008, qui a largement ouvert le dispositif, ce qui a conduit de nombreuses entreprises à déclarer des dépenses éligibles au CIR.
C’est, je l’ai dit, sur la base des nombreuses analyses et rapports parlementaires dont il a fait l’objet que je veux m’appuyer pour donner des éléments factuels qui nous permettent au moins de partager un diagnostic commun avant que, bien naturellement, les points de vue s’expriment.
Le montant de la créance était de 5,707 milliards d’euros en 2014, sur les dépenses 2013, en prenant en compte la nouveauté que fut le crédit d’impôt innovation, pour un montant de 74 millions d’euros. En déduisant ce nouveau dispositif, le CIR a atteint – je crois que nous sommes d’accord sur les chiffres – un montant de 5,567 milliards d’euros en 2014 contre 5,609 milliards d’euros en 2013.
Après avoir connu une croissance importante à partir de 2008, le dispositif semble donc être entré dans une phase de maturité et il ne progresse plus en montant.
Qui sont les bénéficiaires du CIR ? Son impact doit en effet aussi être analysé en fonction de la nature des entreprises bénéficiaires et de leur taille. On a dit trop souvent que seules les grandes entreprises étaient bénéficiaires du CIR. De fait, la réalité est bien plus nuancée.
On constate ainsi que des entreprises de toutes tailles, y compris les plus petites, bénéficient du CIR. Par exemple, plus de 6 000 entreprises de moins de dix salariés bénéficient du CIR, avec une créance moyenne de 50 000 euros.
Les entreprises de moins de 250 salariés représentent 31 % des dépenses fiscales au titre du CIR, alors qu’elles n’effectuent que 28,7 % des dépenses de recherche privée. De l’autre côté du spectre, les grandes entreprises de plus de 5 000 salariés réalisent 39,5 % des dépenses de recherche privée et reçoivent 34,5 % du CIR. Cette différence s’explique notamment par le taux réduit de CIR au-delà du seuil de 100 millions d’euros.
Le CIR concerne donc bien les plus grandes entreprises, mais il exerce aussi un effet redistributif en direction des plus petites entreprises, qui bénéficient d’une part du CIR plus importante que celle de leur contribution aux dépenses de recherche.
Parmi les secteurs d’activité, l’industrie collecte 61 % de la créance, soit presque les deux tiers, contre 36 % pour les services, dont la majorité profite aux services informatiques, d’architecture et d’ingénierie.
Il est frappant que les dépenses de recherche et développement aient continué à augmenter dans notre pays, alors même que le poids du secteur industriel, qui en concentre la majorité, a fortement baissé entre 2002 et 2012, passant de 16,8 % à 12,5 % du PIB. On peut y voir là l’effet très puissant du crédit d’impôt recherche, qui s’ajoute à d’autres facteurs, comme la montée en gamme de la production.
L’impact du crédit d’impôt recherche se mesure, enfin, au travers du nombre des investisseurs étrangers, qui ont implanté des centres de recherche et développement en France. Le nombre de ces centres a augmenté, passant de quarante-cinq en 2012 à soixante-douze en 2014. Vous avez tous à l’esprit, mesdames, messieurs les sénateurs, les noms d’investisseurs étrangers de renom qui ont choisi la France comme plateforme européenne de recherche et développement, notamment en raison de ce dispositif très attractif.
Notamment, mais pas exclusivement !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
On entend dire parfois que l’augmentation du crédit d’impôt recherche serait incontrôlée. Cela ne correspond pas à la réalité observée.
M. Thierry Mandon,
secrétaire d’État.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Le Président de la République a choisi de garantir la stabilité fiscale, afin de permettre aux entreprises d’avoir une prévisibilité de leur cadre fiscal. C’est d’autant plus important quand on parle de recherche et développement, car cette activité nécessite une planification dans la durée.
M. Thierry Mandon,
secrétaire d’État.
Dans un contexte de forte crise, les éléments dont nous disposons montrent que les dépenses en matière de recherche et développement privée ont légèrement augmenté depuis 2010. Pour le dire autrement, le crédit d’impôt recherche a, à l’évidence, produit un effet de stabilisation, y compris contracyclique, des dépenses de recherche dans notre pays. Et nous devons tous nous en réjouir ! Ce dispositif a ainsi contribué à soutenir l’embauche de docteurs dans le secteur privé, alors même que notre pays compte 33 000 chercheurs supplémentaires depuis 2008, ainsi que le rappelait Mme Laborde.
Il convient pourtant d’évaluer avec sérieux, et surtout avec transparence, l’impact du crédit d’impôt recherche.
Nous ne demandons pas autre chose !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Nous n’avons rien à craindre de la transparence. Nous souhaitons, au contraire, l’encourager.
M. Thierry Mandon,
secrétaire d’État.
La stabilité du dispositif nous permet de bénéficier du temps nécessaire pour établir une évaluation sérieuse.
Sous l’autorité de Geneviève Fioraso, le ministère a ainsi lancé des travaux très précis en ce sens, que je poursuis : il commande des études à des chercheurs extérieurs ; il lance des enquêtes précises auprès des entreprises ; il entreprend lui-même des analyses statistiques et il présente des synthèses des résultats obtenus.
Depuis plusieurs années, le ministère a également encouragé les travaux de recherche sur ce dispositif, en mettant à la disposition des chercheurs les données de la base relative au crédit d’impôt recherche. Plusieurs équipes de recherche travaillent actuellement sur ces données.
Cette démarche s’effectue dans le cadre de la procédure générale concernant les données d’enquêtes et les données fiscales, qui prévoit un accord de la commission du secret statistique et l’utilisation du centre d’accès sécurisé aux données, le CASD, par les chercheurs.
Plusieurs équipes ont déjà présenté, y compris récemment, des demandes dans ce cadre. Je tiens à m’en porter garant, je soutiens ces demandes, comme je l’ai déjà fait auprès d’associations qui réclamaient une plus grande transparence sur le crédit d’impôt recherche. Ces demandes, qui sont absolument légitimes, devront naturellement donner lieu à un traitement respectueux des protocoles de recherche scientifique.
Deux rapports d’évaluation ont été publiés au cours de ces deux dernières années. Le rapport intitulé
Développement et impact du crédit d’impôt recherche : 1983-2011
Le dernier rapport confié à deux chercheurs qui vient d’être publié porte sur l’évaluation de l’impact spécifique du dispositif « jeunes docteurs ». Le crédit d’impôt recherche comporte en effet une disposition particulièrement favorable à l’embauche de ces derniers dans des fonctions de recherche et développement pour un premier contrat à durée indéterminée, le « dispositif jeunes docteurs ».
Cette mesure, qui n’est pas suffisamment connue, permet à une entreprise qui embauche un docteur pour son premier CDI dans une activité de recherche et développement peut bénéficier pendant vingt-quatre mois d’un crédit d’impôt égal à 60 % de son coût salarial. À cela s’ajoute un forfait de 60 % du coût salarial au titre des frais de fonctionnement. Dans ces deux dimensions, le montant du crédit d’impôt recherche est ainsi très supérieur à celui qui s’attache aux autres dépenses éligibles.
Cette étude relève l’effet positif de cette surbonification, qui reste pourtant insuffisant au regard des effectifs de docteurs formés dans notre pays. L’explication réside peut-être dans l’image que notre recherche privée se fait des jeunes docteurs, qui me semble datée et erronée.
Toutes les études en attestent, les jeunes docteurs apportent aux entreprises des ressources précieuses tant en matière de méthodologie que de connaissance de leur champ disciplinaire et des innovations dans ce secteur.
Nous avons ainsi affecté des moyens à l’organisation d’une mission qui, dans les semaines qui viennent, démarchera systématiquement les entreprises pour les convaincre de l’intérêt qu’elles trouveraient à faire porter l’effort sur l’embauche de docteurs, notamment, de jeunes docteurs.
Après s’être interrogé sur l’impact du crédit d’impôt recherche sur l’activité de recherche et développement des entreprises, il paraît nécessaire de mieux comprendre l’incidence, pour les établissements publics de recherche, des différents dispositifs mis en place pour développer la recherche privée.
Le crédit d’impôt recherche comporte une disposition – elle est également insuffisamment connue – favorable aux travaux de recherche et développement que les entreprises externalisent auprès des institutions publiques de recherche.
Tous les travaux de recherche et développement externalisés sont éligibles au crédit d’impôt recherche. Ceux qui s’adressent à des institutions publiques, comme les laboratoires universitaires, bénéficient d’un taux d’aide double – 60 % contre 30 % – et d’un plafond de dépenses supérieur.
En 2013, près de 3 000 entreprises ont déclaré 550 millions d’euros de recherche contractuelle avec des institutions publiques dans le cadre du crédit d’impôt recherche. La créance correspondante s’est élevée à 274 millions d’euros.
Au vu de la qualité de la production scientifique de nos universités, de nos organismes et de nos laboratoires de recherche publique comme des besoins d’innovation de nos entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises, il est souhaitable que ces dernières fassent plus massivement appel à ce dispositif bonifié de recherche en partenariat avec les laboratoires universitaires qu’elles ne le font aujourd’hui.
En conclusion, voici les pistes que l’on peut dès maintenant explorer et qui sont compatibles avec l’orientation gouvernementale : transparence sur les données – je m’y suis engagé, j’y veille, et c’est normal ! – ; promotion du dispositif d’embauche des jeunes docteurs ; et promotion de la bonification pour ce qui concerne la recherche partenariale avec les universités, les laboratoires et les organismes publics.
Des améliorations du crédit d’impôt recherche sont à portée de main, à condition que nous nous mobilisions tous pour mieux faire connaître l’importance de cet outil et les conditions dans lesquelles il peut contribuer à développer l’emploi scientifique et à bonifier notre recherche.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Les incidences du crédit d’impôt recherche sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays. »
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
M. le président.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Didier Mandelli, membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Marie-Annick Duchêne, démissionnaire.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
La séance est reprise.
M. le président.
J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de Mme Natacha Bouchart, démissionnaire de son mandat de sénateur.
M. le président.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2015.
M. le président.
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La forêt française en questions », organisé à la demande du groupe Les Républicains.
M. le président.
La parole est à M. Philippe Leroy, orateur du groupe auteur de la demande.
. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur la forêt est un peu un débat annuel pour relancer l’idée forestière au sein du Parlement et rappeler au ministre tous les engagements qu’il a pris. Il fait également suite aux travaux du groupe d’études sénatorial Forêt et filière bois. Il répond, enfin, aux inquiétudes qui s’expriment actuellement dans les journaux.
M. Philippe Leroy,
au nom du groupe Les Républicains
Mon intervention s’articulera autour de trois séries de questions.
La première série est liée à la gestion des forêts. Toutes les forêts françaises sont gérées suivant le principe de la plurifonctionnalité : fonctionnalité de production – la récolte –, fonctionnalité écologique, du fait du rôle très diversifié de la forêt sur la protection de la nature, et fonctionnalité sociale.
Je ne parlerai pas aujourd’hui de la forêt guyanaise ou des forêts des départements et des régions d’outre-mer, dont on ignore trop souvent l’intérêt. La forêt de Guyane, notamment, pourrait être un porte-drapeau des scientifiques français en matière de sciences naturelles et de foresterie, puisque nous sommes très expérimentés dans le domaine de la forêt équatoriale et tropicale. Or on n’en parle jamais ! Un débat sur ce sujet avec nos amis outre-mer pourrait être organisé prochainement.
La forêt plurifonctionnelle rend quantité de services.
Première question : est-il normal, monsieur le ministre, – je sais que vous allez être d’accord avec moi ! – de ne pas valoriser financièrement les aménités des forêts ?
Nous connaissons quelques difficultés pour financer la forêt. Or les services de la forêt sont aujourd’hui autofinancés essentiellement par les récoltes de bois et non pas par tous les services qu’elles rendent. Est-ce normal, alors que la forêt française, il faut le souligner, se porte globalement bien ?
Globalement !
M. Stéphane Le Foll,
ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
On dit toujours qu’elle est en mauvais état. Mais non, elle se porte globalement bien !
M. Philippe Leroy.
Il y a certes des progrès à faire, mais elle représente une masse d’emplois importante, entre 400 000 et 500 000 emplois.
Les questions que je pose visent non pas à démobiliser ou décrédibiliser l’action des forestiers, mais, au contraire, à l’améliorer, parce que nous partons d’une bonne base.
Deuxième question : le morcellement de la forêt privée est-il un problème dominant dans la gestion de la forêt française ?
Oui, parce que deux millions d’hectares sont émiettés entre des millions de propriétaires. Toutefois, l’essentiel de la forêt privée est aujourd’hui « sous contrôle » des plans de gestion et des organisations professionnelles ; elle est donc sur la voie d’un aménagement et d’une sylviculture rationnelle et nouvelle.
Le morcellement soulève pourtant des questions. Monsieur le ministre, portez-vous un intérêt aux recherches actuelles visant à regrouper les parcelles des tout petits propriétaires
Troisième question : monsieur le ministre, êtes-vous inquiet à propos de la permanence de la gestion communale par l’Office national des forêts, l’ONF ? Vous avez brillamment trouvé quelques solutions en décembre dernier pour apaiser les inquiétudes des communes forestières, mais il s’agit, à mes yeux, de réponses provisoires. Le fond du problème n’est pas réglé.
J’en viens à la deuxième série de questions, qui sont liées à la nature même de nos forêts.
Contrairement à d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, nous avons essentiellement des forêts de feuillus. Or les usages traditionnels du bois de feuillus disparaissent ou diminuent très fortement en Europe ; nous manquons de résineux en France, si bien que nous en importons.
Première question : les exportations de grumes et de bois de feuillus vers la Chine – on en parle dans les journaux ! – sont-elles une nécessité ou un danger ?
Pour ma part, j’aurais tendance à penser que, dans la mesure où nous produisons trop de bois de chêne, il n’y a pas lieu de s’interdire les exportations vers la Chine, à condition que l’approvisionnement de nos industriels européens et français soit bien organisé. Cela permet de soutenir les cours et de liquider des bois qui, sinon, dépériraient en forêt.
Deuxième question : le déficit de la filière bois dont on parle tant est-il une fatalité ?
Il faut l’affirmer franchement, nous ne réglerons pas le problème du déficit de la filière bois à court terme. La forêt ne se laisse pas manœuvrer en quelques années ! En effet, ce n’est pas en quelques années que nous adapterons mieux la forêt française aux besoins du marché ; c’est plutôt le marché qui doit s’adapter à la forêt. La forêt continuera à produire ce qu’elle produit pendant de longues années.
Pour redresser le solde extérieur de la filière bois, il est indispensable de prendre en compte cette longue durée, et donc de favoriser, dans la mesure du possible, la transformation des bois feuillus. En tout cas, le déficit actuel ne doit pas être sans cesse mis sur le dos des forestiers : il est pour partie structurel.
Bien sûr, nos industriels du bois feuillu, notamment dans l’ameublement, ne brillent pas par leurs performances à l’exportation, ni par leur créativité dans la conception de pièces modernes. En vérité, il leur faut accomplir des progrès considérables pour se mettre à la page ! Il en est de même, au demeurant, pour l’usage des bois feuillus dans le bâtiment. Mais je n’insisterai pas davantage sur ces sujets, car les orateurs qui vont me succéder à la tribune les aborderont certainement.
J’en termine par ma troisième série de questions.
La forêt française connaît une croissance biologique de l’ordre de 100 millions de mètres cubes par an, dont nous ne récoltons
grosso modo
Monsieur le ministre, je souhaite vous poser trois questions à ce propos.
On a l’impression que les différentes instances de l’État qui s’intéressent à la forêt ont parfois tendance, si j’ose dire, à faire feu de tout bois.
(Sourires.)
C’est bien !
M. Gérard César.
Vous avez bien raison !
M. Stéphane Le Foll,
(Sourires.)
Je le crois, monsieur le ministre !
M. Philippe Leroy.
Le fait est que, si l’on écoutait certains de vos collègues, ils nous brûleraient même des gros chênes, au nom des énergies renouvelables. Pensez-vous utile de rappeler à tous qu’on ne peut pas faire feu de tout bois et que la meilleure façon d’utiliser le bois est non pas de le brûler – même s’il est souhaitable, et même nécessaire, de brûler le bois fatal ! –, mais d’en assurer la transformation industrielle ?
Ensuite, faut-il espérer un mieux en ce qui concerne la transformation des bois feuillus ? Une question redoutable, en vérité !
Certes, j’ai déjà souligné que nos industriels devaient faire les efforts nécessaires. Mais comment les différents ministères qui s’intéressent à la question pourraient-ils encourager toutes les recherches susceptibles de développer la transformation du bois feuillu ?
Enfin, êtes-vous d’accord, monsieur le ministre, pour relancer à fond les politiques de reboisement ?
Car là est le problème : la France ne plante plus d’arbres. Si nous ne relançons pas une politique énergique de reboisement, si nous n’aidons pas les propriétaires publics, notamment les communes, comme les propriétaires privés à opérer un changement de sylviculture, c’est-à-dire un changement d’essences, qu’ils ne peuvent pas financer avec le seul produit de leurs récoltes, nous immobiliserons de nombreuses parcelles forestières qui, faute d’argent, ne pourront pas être modernisées ni mieux valorisées sur le plan économique ; sans compter que nous ne faciliterons pas l’adaptation de la forêt à d’éventuels changements climatiques graves pour elle.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il faille faire du reboisement le phare de la politique écologique, forestière et économique de la forêt ?
Si, bien sûr !
M. Stéphane Le Foll,
C’est un thème national, qui vous aiderait à gagner la bienveillance de vos collègues des finances et d’autres ministères, qui entravent souvent le bon développement forestier !
M. Philippe Leroy.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la forêt est un milieu naturel unique mêlant des enjeux à la fois économiques, environnementaux et sociaux.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
Deux rapports du mois d’avril 2015 ont mis au jour les insuffisances actuelles de la filière : le rapport de la Cour des comptes a mis en exergue l’inefficacité de la gouvernance publique dans ce secteur ; quant au rapport d’information de nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel, il compare, en substance, le modèle économique actuel à celui d’un pays en développement !
Les différentes réflexions menées parallèlement par les acteurs de la filière soulignent que la forêt doit être efficacement gérée pour faire face à de multiples changements et risques.
À ce titre, la mise en place, notamment dans la Sarthe, un département que vous connaissez bien, monsieur le ministre,…
Un peu, oui !
M. Stéphane Le Foll,
(Sourires.)
… de plateformes de commercialisation par les propriétaires en complément des coopératives et des experts forestiers va déjà dans le sens d’une meilleure mise en marché, et donc de la mobilisation de la valeur ajoutée et du renouvellement des forêts de toute taille ; je pense en particulier à la société Boisloco.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
Trois axes prioritaires sont aujourd’hui envisagés : produire plus et mieux valoriser la ressource bois ; gérer durablement les forêts et mieux préserver la biodiversité ; adapter les forêts françaises et anticiper le changement climatique. À ces objectifs s’ajoute celui de gérer les risques.
Pour les atteindre, deux pistes me semblent intéressantes à étudier : l’évolution de la fiscalité, bien sûr, mais aussi l’anticipation d’un renouvellement de la forêt en tant que pompe à carbone.
Sans conteste, la fiscalité forestière actuelle n’est pas adaptée aux défis de la forêt française, qui devra faire face à d’importants investissements pour renouveler les peuplements, accroître la part des résineux par plantation et améliorer la voirie, mais aussi anticiper le changement climatique. Il importe donc de passer, dans la mesure du possible, d’une fiscalité favorable à l’acquisition et à la détention à une fiscalité favorable à la gestion et à l’investissement productif.
Les aménagements pourraient être les suivants.
Le dispositif de l’« amendement Monichon », avec l’exonération au bénéfice des seules forêts effectivement gérées, devrait être maintenu, tandis que, en ce qui concerne l’investissement en forêt en matière d’infrastructures et de reboisement de peuplements pauvres ou sinistrés, le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt pour les travaux forestiers, dit « DEFI travaux », pourrait être déplafonné avec amortissement de la dépense sur, par exemple, dix ans. S’agissant de la restructuration foncière, la surface obtenue par acquisition d’autres parcelles dans le cadre du « DEFI acquisition » pourrait être déplafonnée.
Quant à l’abattement prévu par la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, pour les contribuables à l’ISF, qui se monte à 50 % des investissements consentis par les souscripteurs au capital d’un groupement forestier ou d’une PME, il a eu un effet important sur les prix, entraînant un décalage de 15 % à 30 % entre la valeur technique des forêts, fondée sur le seul raisonnement économique, et leur valeur vénale. Cet écart risque d’ailleurs de se creuser avec le lancement des groupements forestiers d’investissements. Or la filière n’a pas besoin de cette bulle, et le marché forestier n’a pas l’ampleur nécessaire pour constituer le substrat de tels produits.
Dès lors, ne conviendrait-il pas d’envisager la limitation de ce dispositif aux seules augmentations de capital liées à la restructuration foncière ou à des investissements productifs, qu’il s’agisse de routes ou de reboisement des peuplements ?
Par ailleurs, il faut anticiper le renouvellement forestier pour maintenir le rôle de pompe à carbone de la forêt.
Dans cette perspective, et puisque, je le rappelle, les trois quarts de la forêt sont privés, il nous appartient de convaincre les propriétaires et les gestionnaires de la nécessité de prendre en compte dès maintenant le changement climatique et ses conséquences, notamment en pratiquant une sylviculture efficace et prévoyante qui intensifie le renouvellement forestier.
En amont, un engagement fort de l’État est indéniablement nécessaire pour impulser une véritable dynamique
Par ailleurs, le contrat de filière du Comité stratégique de la filière bois signé à la fin du mois de décembre 2014 et visant à « conduire une politique interministérielle avec des objectifs communs aux différentes directions des ministères concernant la filière forêt-bois » est une aubaine pour développer une réelle stratégie en ce sens.
Le programme national de la forêt et du bois prévu dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt pourrait définir, en étroite corrélation avec les programmes régionaux, les actions à mener pour augmenter la capacité technique de l’amont de la filière à mettre en production de façon réactive des semences et plants d’espèces nouvelles. À ce titre, des expérimentations pourraient être menées dans ce domaine dans une ou deux régions, par exemple.
L’élaboration des programmes régionaux serait également l’occasion d’actualiser l’adéquation entre essences et stations forestières, et ainsi de tendre vers une sylviculture plus dynamique et adaptative, en tenant compte bien évidemment des résultats des expérimentations, qui devront être mieux partagés.
Il s’agit d’introduire progressivement des essences ou des variétés adaptées aux changements constatés ou attendus, ainsi qu’aux différents milieux rencontrés, en vue d’accroître la résilience des forêts. La plantation d’espèces adaptées aux évolutions climatiques pourrait servir en priorité à la transformation de peuplements pauvres présentant un faible intérêt écologique, une faible activité de pompe à carbone par rapport aux potentialités de la station ou une vulnérabilité élevée.
Pour tendre efficacement vers cet objectif, ne serait-il pas intéressant, pour ce qui est de la forêt privée, d’agir par le truchement des plans simples de gestion en œuvrant pour un volet de valorisation environnementale ? La condition
sine qua non
L’objectif pour les dix prochaines années est de disposer de réponses éprouvées scientifiquement et d’en assurer la diffusion auprès des propriétaires, qui seront accompagnés dans le choix des espèces, des provenances et des sylvicultures et guidés par une fiscalité favorable à la gestion et au renouvellement de la forêt !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe UDI-UC.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mai dernier, nous débattions de la renégociation du contrat d’objectifs et de performance liant l’ONF, l’Office national des forêts, l’État et la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR. Le nouveau contrat a été signé le mois dernier, non sans hésitation du côté des communes forestières, qui s’interrogent encore sur l’esprit partenarial qui anime l’ONF.
Mme Anne-Catherine Loisier.
En effet, alors même que ces communes s’étaient prononcées sur le contrat, l’ONF a modifié les données avant la signature. Et le voilà qui, ces derniers jours, revient de nouveau sur le principe de libre administration des communes, en remettant en cause les choix d’ajournement de certaines coupes ou encore l’affouage !
Je rappelle que, sur ces deux sujets, les élus municipaux ont affirmé leur attachement à ce principe avec vigueur. Il serait temps que l’ONF s’engage dans des relations plus respectueuses avec les communes forestières, sous peine de briser la confiance et la volonté de réussir que la fédération nationale s’efforce de préserver au quotidien auprès des associations locales.
Le mois de décembre a aussi été marqué par la COP21, qui a reconnu, dans son accord final, le rôle crucial des puits de carbone forestiers et la place capitale des forêts dans la lutte contre le changement climatique. Cet accord souligne aussi l’importance d’allouer des ressources financières adéquates aux États membres, afin que ceux-ci mettent en œuvre des mesures incitatives en matière de gestion durable des forêts.
Aujourd’hui, chacun mesure bien l’enjeu que représente le patrimoine forestier exceptionnel de notre pays. Quatrième État le plus boisé d’Europe, la France présente une surface forestière qui équivaut à 31 % de son territoire métropolitain. La forêt est un poumon vert de par son rôle de captation et de stockage du carbone. La filière forêt-bois emploie près de 450 000 personnes, soit plus que le secteur automobile, et réalise un chiffre d’affaires correspondant à 3 % du PIB. Notre pays ne compte pas moins de cinq pôles de compétitivité liés à cette filière.
La forêt française est exceptionnelle, car multifonctionnelle : elle assure des missions d’intérêt économique, social et environnemental. On a parfois tendance à l’oublier : certains ne voient dans la forêt qu’une réserve ; d’autres, au contraire, qu’une source de matières premières. À ces derniers, qui évoquent une « belle endormie » qu’il faudrait réveiller, je leur conseille de chausser leurs bottes et de venir constater sur le terrain combien les forêts dites productives grouillent d’activités !
En vérité, il n’y a pas une forêt française, mais des forêts françaises aux réalités bien différentes : les grandes forêts productives de l’est, du centre et des Landes, les forêts de montagne, les forêts péri-urbaines, les forêts méditerranéennes. Il y a aussi différentes essences de feuillus ou de résineux, auxquelles correspondent des marchés spécifiques et distincts.
Cette forêt, dans sa diversité, s’est considérablement développée au cours de ces dernières décennies.
Aujourd’hui, la France est plus boisée qu’elle ne l’a jamais été. Elle représente l’une des principales ressources européennes en matière de bois, d’autant que son réseau routier a facilité l’accès aux grands massifs forestiers. L’exploitation s’est donc intensifiée et mondialisée, ce qui a créé des aléas de marchés, comme avec les exportations massives de grumes de feuillus ces derniers mois.
Paradoxalement, alors que cette ressource est de plus en plus mobilisée, il y a rarement eu aussi peu de soutiens publics, notamment depuis la suppression du Fonds forestier national en 2000. Il est vrai que les forestiers sont des gens plutôt discrets et peu revendicateurs…
On leur demande aujourd'hui de mobiliser plus avec moins de moyens. À quelques exceptions près, ce qui est facilement mobilisable est déjà mobilisé aujourd'hui, ou le sera prochainement. L’enjeu réel porte donc sur les bois plus difficiles d’accès, qui induiront des coûts supplémentaires.
Il faut également entendre l’inquiétude de certaines populations qui vivent dans des régions déjà très productrices et qui voient la pression s’intensifier. Car le risque est bien réel que l’on s’adresse demain à des régions déjà fortement sollicitées…
La plus grande vigilance est donc requise pour bien appréhender et répartir le nécessaire effort de mobilisation, tout en tenant compte des potentiels de production de chaque territoire. Car toutes les essences ne se produisent pas partout, au grand dam de certains industriels qui voudraient voir planter davantage de résineux.
Pour ces derniers, il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande de bois français. Il est vrai que notre forêt française est majoritairement constituée de feuillus, à 60 %, contre 40 % de résineux.
Or les marchés de résineux constituent aujourd’hui deux tiers du bois commercialisé, la part atteignant 75 % pour ce qui concerne les grumes ; d’où les pressions actuelles importantes sur la ressource pour mobiliser davantage et replanter du résineux. Des améliorations sont évidemment souhaitables, mais il faut tempérer de telles demandes.
D’abord, les forestiers savent bien qu’un résineux ne pousse pas partout. Il faut un sol, une exposition ; bref, une station.
En outre, une monoculture intensive et des coupes rases tous les quarante ans, comme certains le souhaiteraient, cela épuise le sol, mais également les riverains et les populations attenantes.
Comme tout écosystème, la forêt a besoin de diversité végétale pour bien se développer et se régénérer. Au lieu de demander aux propriétaires de reconvertir systématiquement leurs peuplements de feuillus en résineux, ce qui prendrait au moins quarante ans, au lieu d’épuiser nos sols dans des monocultures intensives préjudiciables à l’environnement, proposons à nos industriels d’essayer de transformer davantage la matière première « feuillus », disponible immédiatement et à grande échelle, comme l’a évoqué notre collègue Philippe Leroy ! Je pense, notamment, à toutes les essences secondaires de feuillus, qui sont aujourd'hui sous-exploitées.
Bien entendu, cela impliquera de la recherche, de l’innovation pour transformer une matière première négligée aujourd'hui. Mais le paradoxe qui nous fait manquer de matière première bois quand nous disposons d’un stock colossal inutilisé sur notre territoire pourra-t-il tenir longtemps ?
Une chose est sûre : comme cela a été dit, il est absolument nécessaire d’investir en parallèle dans la transformation et le reboisement.
En 2013, le déficit commercial de la filière bois française s’élevait à près de 6 milliards d’euros. Il est dû aux deux tiers à l’absence d’une filière industrielle de l’ameublement et des papiers cartons forte et compétitive.
Notre balance commerciale dans cette filière n’est pas sans rappeler celle d’un pays en développement. Nous disposons de la matière première, mais la valeur ajoutée s’échappe vers les marchés étrangers, en raison de déséquilibres entre l’exportation de bois brut et l’importation de produits transformés.
Un autre point d’actualité me semble essentiel ; c’est celui de la filière bois-énergie. Cela nous renvoie au respect de la hiérarchie des usages. Derrière toute exploitation intensive forestière, il existe de réels risques d’épuisement des sols. Je vous le rappelle, on ne fait pas d’amendement en forêt. Alors, gardons-nous de rentrer dans une production intensive de bois énergie à courte rotation ! Développons une approche d’optimisation des déchets bois, dans une logique d’approvisionnement de proximité !
Je rejoins à cet égard nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel, qui, dans leur rapport d’information, mettaient en garde contre la priorité accordée aujourd'hui au bois énergie, laquelle bénéficie de plus de 36 % des soutiens publics. L’exploitation forestière ne s’inscrit dans une démarche durable que si elle produit en priorité du bois d’œuvre ou du bois d’industrie. Le bois énergie ne doit être que la destination ultime.
En outre, le fléchage des aides ne doit pas s’effectuer au détriment des autres filières, notamment celle de la construction, qui constitue tout de même aujourd'hui le principal débouché en France pour le bois et est peu soutenue.
Il est temps de tirer les leçons de ce déficit commercial extérieur et de proposer des stratégies durables en matière de développement et de reboisement de notre forêt, ainsi qu’en matière d’exploitation et de transformation de ses bois.
En ce sens, et pour plus d’efficacité, la Cour des comptes préconise de créer une instance interministérielle unique de réflexion et de pilotage stratégique.
Pour conclure, j’aimerais évoquer le prochain projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Je m’étonne que les acteurs forestiers ne soient pas, ou soient très peu associés à la future agence française de la biodiversité, malgré le rôle environnemental stratégique reconnu à la forêt par la dernière COP21.
Quelle est la pertinence d’instituer une agence ayant vocation à fusionner les acteurs de la biodiversité en ignorant les forestiers ?
On en revient toujours à cette fâcheuse tendance à empiler de nouvelles structures qui s’additionnent aux précédentes, oubliant souvent nos bonnes volontés de simplification, de lutte contre l’inflation législative et l’empilement des normes. Espérons que cela renforcera vraiment l’efficacité !
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour le groupe CRC.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis maintenant plusieurs années, le constat reste le même : la France doit produire davantage de bois, la filière bois doit être développée et la forêt privée française est sous-exploitée depuis plus de vingt-cinq ans.
M. Michel Le Scouarnec.
Ainsi, le rapport d’information présenté au mois d’avril 2015 par nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel, à la suite d’une enquête de la Cour des comptes, dresse un constat sans appel : « La politique forestière est sans stratégie, sans pilote, sans résultat. »
Nous partageons l’idée que la forêt et la filière bois sont de véritables atouts pour notre pays et nos territoires et que des changements doivent être opérés.
Toutefois, il serait bon de rappeler que ce constat est aussi le résultat des politiques menées depuis plusieurs années sans véritable cohérence.
Tout d’abord, il y a la réduction importante des effectifs de l’Office national des forêts, l’ONF, alors que ses agents jouent un rôle essentiel auprès de la myriade de petits propriétaires. Le personnel est soumis à une forte pression et à des conditions de travail détériorées, les éloignant de leurs missions principales. Ainsi, ils ne se reconnaissent plus dans les nouvelles priorités de l’ONF.
Nous pensons au contraire qu’il faut conforter cet office et rassurer ses agents, et non pas les pousser, comme le recommande la Cour des comptes, vers une logique de performance, dont les résultats économiques et humains sont simplement désastreux !
De même, il est nécessaire que la demande de productivité soit conforme à la réalité de la forêt française, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Ainsi, la filière bois souffre surtout de la logique mercantile portée par les réformes successives de la législation forestière.
La politique forestière doit reposer sur l’idée selon laquelle la forêt n’est pas, et ne doit pas être considérée comme un produit comme les autres. Or, dans les faits, la logique financière et commerciale prend aujourd’hui le pas sur le principe d’une gestion durable et soutenable.
Dernier exemple en date, dans le Morbihan, de nombreux acteurs ont dénoncé la vente de 145 hectares de forêt domaniale à des fins purement mercantiles.
Nous assistons à un phénomène de spéculation sur les terrains boisés. À cet égard, au mois de mai dernier, lors d’une séance de questions cribles thématiques ici même, Mme Carole Delga nous rejoignait sur le constat suivant : certaines dérives conduisent à faire de nos forêts des refuges fiscaux sans qu’aucun service économique, social ou environnemental soit rendu à la nation.
Le Gouvernement s’était engagé à contrôler l’effectivité de la gestion forestière eu égard aux réductions fiscales accordées aux propriétaires forestiers concernant les droits de mutation et l’ISF. Mme Delga confirmait que des bulles spéculatives sur la valeur des forêts avaient été constatées, en lien avec certains avantages fiscaux prévus dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
La forêt, bien que privée pour ce qui concerne 75 % de sa surface, représente également, et même surtout, un patrimoine commun qui ne peut être considéré sous le seul angle du régime fiscal. Elle est majoritairement constituée de feuillus. Or l’industrie du bois réclame actuellement de la matière résineuse pour accompagner l’essor des constructions en bois. Dès lors, il y a un véritable risque qu’une baisse systématique de l’âge d’exploitabilité des forêts soit mise en place, mais aussi qu’il soit porté atteinte à la biodiversité, avec une préférence systématique pour le résineux, plus rentable à court terme.
Il ne faut pas négliger la diversité des essences. Malheureusement, ce n’est absolument pas dans la logique de la législation actuelle, pas plus que cela ne figure dans les préconisations de nos collègues Yannick Botrel et Alain Houpert, qui souhaitent un accroissement de la part des résineux. Or nous connaissons tous les risques de la multiplication de ces essences pour la biodiversité, les effets indirects en termes d’acidification des sols ou de refroidissement. Il faut faire preuve de vigilance.
Ainsi, pour de nombreux professionnels, le remplacement des forêts feuillues et mélangées par des monocultures résineuses à courte rotation est contraire aux préconisations d’adaptation au changement climatique et défavorable à l’environnement. Les coupes rases qui les accompagnent dégradent et modifient brutalement et profondément la biodiversité forestière, déstockent massivement le carbone du sol, favorisent l’érosion et les inondations, appauvrissent les sols et polluent les nappes. Ce mode d’exploitation remet en cause le caractère multifonctionnel, d’autant que le reboisement est insuffisant.
Selon nous, pour une gestion forestière dynamique et respectueuse de la biodiversité, il faut développer les filières courtes et le commerce de proximité, à l’exemple des bourses au bois local.
C’est pourquoi il nous faut rechercher des débouchés diversifiés pour notre bois, comme le souligne par ailleurs le rapport d’information. En effet, l’énergie ne peut pas être le seul horizon de notre forêt.
À cet égard, les expériences de formation à la charpente et à la reconnaissance du bois pour assurer sa valorisation doivent se développer. Pour que la diversité des essences puisse répondre à une diversité des usages, il nous faut retrouver des savoir-faire perdus faute de formation adéquate. Si nous voulons une filière bois qui dépasse le stade de l’expérimentation de la construction de quelques écoquartiers en bois, commençons par la formation, du niveau V jusqu’à l’université, en passant par les lycées d’enseignement général ou professionnel !
Il faudrait par ailleurs privilégier le maintien ou la création de sites de transformation au sein des territoires forestiers. Cela entraînerait une réduction importante du transit des poids lourds et aurait un effet essentiel en termes de maintien de l’emploi et de maillage du territoire.
Je prends l’exemple des scieries mobiles – j’ai vu la machine chez mon fils, qui est menuisier –, qui se développent dans le Morbihan, par exemple dans le parc naturel régional d’Armorique.
Il y en a aussi dans la Sarthe !
M. Stéphane Le Foll,
Elles permettent une valorisation au plus près et de faibles volumes souvent non exploités.
M. Michel Le Scouarnec.
La forêt pourrait bien évidemment aussi recueillir les retombées financières de son immense réserve de carbone, sous forme de crédits carbone.
Il nous faudra aussi réfléchir à la mise en place d’un outil de regroupement forestier foncier efficace garantissant l’intérêt général. En ce sens, nous souhaitons non seulement élargir le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, aux parcelles boisées, mais aussi le conférer aux communes, afin de mettre un terme à une spéculation qui dépossède les acteurs locaux.
De même, nous pensons qu’il faut une politique de soutiens budgétaires cohérents et ambitieux, et non de « saupoudrage des soutiens publics, nombreux, diversifiés et peu cohérents », comme le relève la Cour des comptes.
Maintes fois proclamée, l’ambition française en faveur de la forêt se heurte à une réalité complexe et à des enjeux contradictoires. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut une grande loi d’avenir pour la forêt, distincte de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui réunirait le plus largement possible tous les acteurs concernés. C’est une demande constante de notre groupe. De même, il est nécessaire de dresser un bilan de l’incidence des législations passées en la matière, afin que la forêt aille mieux demain sans forcément faire feu de tout bois !
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
La parole est à M. Yannick Botrel, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité forestière a été très dense en 2015. Je me réjouis que nous débutions l’année 2016 en gardant cette thématique à l’esprit. Je me suis assez bien retrouvé dans les propos de notre collègue Philippe Leroy tout à l’heure.
M. Yannick Botrel.
En effet, comme cela a été rappelé, je travaille depuis maintenant plusieurs années sur cette question stratégique à plusieurs titres. La forêt française est le croisement d’impératifs écologiques, d’une part, et d’enjeux économiques, d’autre part. Elle est également partagée entre les sphères d’activité publique et privée.
À bien des égards, elle est révélatrice de la complexité de l’action publique que nous connaissons aujourd’hui. Il n’y a pas de solution simple et évidente. Mais il s’agit pour nous, qui sommes en responsabilité politique, de créer les conditions d’une bonne administration et d’une réorientation de cette filière au bénéfice de nos territoires, mais aussi de ceux qui travaillent dans ce secteur et l’exploitent au quotidien de manière responsable.
Après la publication de deux rapports d’information parlementaires en 2015, dont celui que j’ai eu le plaisir de cosigner avec mon collègue Alain Houpert, après la COP21, qui a aussi rappelé l’importance de la forêt à l’échelle de notre planète, après le plan gouvernemental en faveur de l’agroforesterie française, puis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, après le contrat de filière du Comité stratégique de la filière bois signé en décembre 2014, après la signature d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens entre l’État, l’ONF et les communes forestières, et dans le contexte d’une réorientation budgétaire significative engagée depuis 2012, il y a lieu d’exposer l’état de cette question et de nous interroger sur l’adéquation des politiques publiques menées aujourd’hui au regard des enjeux, notamment au vu des besoins et des usages de la ressource en bois, comme cela a été souligné.
En quelques minutes, il n’est pas possible de faire le tour d’un sujet aussi vaste. C’est pourquoi mon intervention se limitera à opérer une mise en perspective et à souligner deux sous-problématiques qui me paraissent importantes.
En préambule, je veux rappeler et saluer l’ambition du Gouvernement. Le programme « Forêt », pour reprendre la typologie de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, a pour triple objet de faire participer les produits de la forêt au développement d’une économie plus sobre en carbone, de permettre une gestion durable des forêts et de développer les emplois induits en renforçant la compétitivité de la filière bois exposée à la concurrence internationale.
La stratégie gouvernementale porte sur trois axes prioritaires que j’estime, personnellement, correctement définis et calibrés : mobiliser plus la ressource bois et mieux la valoriser ; gérer durablement les forêts ; adapter les forêts françaises et anticiper le changement climatique. Ce dernier enjeu a été rappelé par plusieurs orateurs avant moi.
Tout n’est certainement pas parfait, comme nous l’avons souligné dans notre rapport d’information. Pour autant, il nous faut mesurer les progrès réalisés en matière d’action publique en direction de la forêt et, bien entendu, nous en réjouir. Certains points peuvent être sans aucun doute améliorés.
Ainsi, je m’interroge, par exemple, sur la bonne fiscalité applicable aux propriétés forestières privées. Nous sommes tous d’accord quant à l’insuffisance de la mobilisation de la ressource, tant d’ailleurs dans la forêt publique que dans la forêt privée. Dès lors, dans quelle mesure et à quel niveau faut-il réorienter la fiscalité pour la rendre moins patrimoniale et plus incitative en matière d’investissements et d’exploitations ?
Je suis personnellement favorable à une remise en question de certaines niches fiscales, telles que les exonérations existant en matière d’ISF, sous réserve que ces mesures soient compensées par le renforcement d’outils incitatifs comme les dispositifs d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt, notamment en ce qui concerne le « DEFI travaux » et le « DEFI contrat », qui sont sans conteste les plus efficaces.
Dès lors, la question est de savoir où l'on pourrait placer le curseur de manière optimale pour inciter au mieux les propriétaires forestiers à gérer leurs biens.
À cet égard, j’aimerais connaître les intentions du Gouvernement : estime-t-il souhaitable d’aller plus loin en matière de fiscalité incitative et dans quelle mesure envisage-t-il de le faire ?
Je tiens à évoquer, en guise de conclusion, un autre point qui peut sembler de prime abord plus secondaire, mais dont il ne faut pas, j’en suis convaincu, sous-estimer l’importance. Il s’agit de la question sanitaire, qui intervient dans la mobilisation durable, cette fois, de la ressource, dans la mesure où elle conditionne et conditionnera la production et la commercialisation future de nos bois.
Plusieurs professionnels du secteur ont évoqué l’infestation du bois, notamment par des insectes tropicaux, qui tendrait à se propager.
Pour autant, je ne dispose pas d’éléments détaillés à ce stade, et je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le ministre, si vos services ont eu connaissance de tels éléments d’information. Si oui, quelle est l’ampleur du phénomène ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain. –M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi présenter tous mes vœux à ceux d’entre vous que je n’aurais pas encore salués.
M. Joël Labbé.
Notre collègue Philippe Leroy a évoqué la prise en compte des aménités apportées par les massifs forestiers. Je partage parfaitement son analyse, qui rejoint la proposition que j’ai déjà faite devant le Sénat de prendre en compte les aménités apportées en matière d’agriculture par l’agriculture biologique.
La forêt française est un atout considérable. Elle représente 16 millions d’hectares, soit 30 % de la superficie du territoire. Ce chiffre atteint 96 % de la superficie de la Guyane, avec environ 8 millions d’hectares. C’est le plus grand massif forestier, ainsi que le seul grand massif tropical de l’Union européenne. Plus de 1 500 espèces d’arbres prospèrent dans la forêt guyanaise. Cette biodiversité, autant en termes de flore que de faune, qui compte parmi les plus riches au monde, doit être préservée et protégée.
Sans compter que la forêt guyanaise abrite six ethnies amérindiennes qui, vivant en symbiose avec le milieu naturel, contribuent à la préservation de la biodiversité et à la richesse de ce que l’on doit appeler la « biodiversité humaine ».
Ces populations sont aujourd'hui en danger ; je vous invite à ce sujet à consulter le rapport parlementaire de notre collègue Aline Archimbaud sur le suicide des jeunes amérindiens en Guyane française, une situation dramatique.
De nombreux enjeux sont directement liés à celui de la gestion forestière, qu’il s’agisse du bois d’œuvre ou du bois pour l’énergie, notamment pour le chauffage individuel ou collectif, de la préservation des sols et des espaces naturels, de la gestion des eaux pluviales, de l’érosion, du stockage du carbone atmosphérique, de la biodiversité ou encore de la chasse régulatrice.
Nous devons également penser aux enjeux de la production agricole avec le développement – heureux ! – de l’agroforesterie et le maintien du bocage, notamment autour des prairies permanentes.
Le changement climatique va apporter son lot de transformations. Les essences aujourd’hui adaptées à chaque territoire vont migrer – c’est drôle pour un arbre, mais c’est une réalité ! Avec ou sans l’intervention humaine, les paysages forestiers français, et principalement métropolitains, vont être profondément transformés. L’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, suit de près ces sujets. On envisage même la migration assistée. « La biodiversité s’est déjà adaptée à de grands changements climatiques par le passé. Mais cette fois, l’évolution est trop rapide, et les arbres risquent de dépérir avant d’avoir eu le temps de migrer. » Une question de rythme donc « quand on sait que les chênes ont mis près de 2 000 ans à traverser la France à l’ère postglaciaire », précise l’INRA.
Pour l’instant, certains forestiers commencent à anticiper ces changements, en privilégiant des espèces plus méridionales.
Les épisodes de sécheresse et le stress hydrique auquel beaucoup de massifs sont déjà confrontés vont s’accentuer.
Les peuplements de Méditerranée et du Sud-Ouest s’étendront vers le Nord, tandis que ceux de l’Est et des montagnes s’amenuiseront.
Le changement climatique risque de provoquer l’émergence ou le déplacement de maladies, de champignons et d’insectes ravageurs. En témoigne la chenille processionnaire du pin, qui ne dépassait pas le Massif central et qui atteint, depuis quelques années, la région parisienne. La principale cause de ce phénomène est que les hivers sont de plus en plus doux.
Selon l’INRA, la conservation de la biodiversité des essences forestières offre des perspectives intéressantes pour la régulation des insectes ravageurs par le développement de leurs prédateurs naturels. Il va falloir réfléchir sérieusement à nos forêts en termes évolutifs, dynamiques, et trouver la manière de les rendre résilientes aux assauts des modifications climatiques.
Je vous en ai déjà parlé lors du débat sur la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles présentée par le groupe du RDSE : il s’agit dans beaucoup de domaines forestiers de passer d’une monosylviculture à une futaie irrégulière jardinée. Cette méthode permet de varier les espèces, les âges, les tailles, et combine les zones d’éclaircie, de vieillissement et de sénescence. Cela permet de retrouver les xylophages, mais également leurs prédateurs, et l’ensemble de la faune et de la flore associée.
Cette biodiversité mélangée permet d’offrir plusieurs cartes au jeu des forestiers, pour peu que les espèces soient complémentaires : le chêne sessile aux racines profondes et le hêtre aux racines superficielles, par exemple.
Le changement climatique peut avoir des effets retors. Ainsi, selon l’INRA, « les arbres les plus performants en termes de croissance seraient les plus fragiles en cas de sécheresse », ce qui va à l’encontre de la préférence de la sylviculture pour les espèces les plus productives.
Je conclurai en citant un proverbe chinois, qui illustre bien notre situation : « Le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a vingt ans. Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd'hui. »
(Applaudissements
sur les travées du groupe écologiste. – M. Michel Delebarre applaudit également.)
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe du RDSE.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat organisé aujourd'hui à la demande du groupe Les Républicains traduit bien le dilemme récurrent qui se pose à nous : alors que notre pays dispose de la quatrième surface forestière européenne, cette richesse est à l’origine, bon an mal an, de près de 10 % du déficit de notre balance commerciale.
M. Gilbert Barbier.
Élu du Jura, je retrouve en condensé dans ce département les problèmes soulevés : une couverture forestière importante de près de 50 % du territoire départemental répartie à peu près à égalité entre forêts publiques, essentiellement communales, et forêts privées, avec un émiettement parcellaire ancestral, mais aussi des forêts domaniales, dont la deuxième forêt de feuillus de France, avec la forêt de Chaux.
De plus, cette région ayant fourni sous Colbert les mâts de la Royale est aussi le berceau de l’industrie du jouet en bois, aujourd’hui largement supplantée par le plastique.
Il est, pour moi, des moments insupportables : quand je vois, par exemple, sur nos petites routes jurassiennes des énormes camions chargés de grumes partir en direction de l’Italie ou vers les ports méditerranéens à destination du Moyen-Orient, voire de Chine.
La deuxième chose qui m’est difficilement supportable est d’apprendre des bâtisseurs utilisant le bois que l’origine de la matière première est soit autrichienne soit nordique, et qu’elle est exceptionnellement locale !
Les multiples rapports – le rapport d’information de nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel analyse d’une manière on ne peut plus claire l’enquête menée par la Cour des comptes – présentent des recommandations majeures à caractère organisationnel et économique.
Nous faisons tous les mêmes constats : d’abord, le morcellement d’une forêt détenue aux trois quarts par des propriétaires privés ne permettant pas une offre stable et significative ; ensuite, une production de bois largement dominée par les feuillus, qui ne correspond pas à la demande des marchés ; enfin, une accumulation des documents de gestion et de plans stratégiques, qui ne facilitent pas la compréhension de la politique publique et l’organisation de la filière forêt-bois.
Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que rien n’a été fait jusqu’à présent pour pallier ces difficultés.
Je rappellerai tout d’abord que la filière bénéficie de 910 millions d’euros de soutiens publics annuels directs ou indirects. Mais sont-ils bien orientés ?
S’agissant des mesures les plus récentes, je pourrais citer la mise en place du Comité stratégique de la filière bois en 2013 destiné à encourager le développement de l’amont.
Le contrat de filière signé à la fin de l’année 2014 par quatre ministères et vingt-deux organisations professionnelles engage ainsi l’État et tous les acteurs dans une démarche stratégique de long terme. C’est naturellement une bonne chose.
Le problème de la sous-exploitation forestière est depuis longtemps un débat récurrent. Dès 1978, le rapport Méo-Bétolaud en pointait les inconvénients.
Le résultat, sur le plan économique, c’est un secteur globalement en difficulté, un véritable gâchis industriel : on est passé de 10 000 scieries en 1960 à moins de 2 000, et notre pays coupe moins de bois qu’il n’en pousse sur son territoire.
Certes, les forestiers se regroupent de plus en plus autour de stratégies locales pour mieux mutualiser les coupes et la commercialisation du bois. L’apport du Fonds forestier national est crucial pour encourager ces regroupements.
C’est aussi vers l’aval que les problèmes se posent. Pour ma part, la ressource « bois de chauffage » ne me paraît pas devoir être encouragée. Ainsi, dans ma région, des chaudières à bois de plus ou moins grande capacité, dont la mise en place a largement été aidée, ont été installées. Aujourd’hui, la concurrence est grande et la ressource naturelle – déchets de scierie, rémanents, coupes de taillis sous futaie – se tarit, ce qui nécessite d’aller chercher la matière première à 50 ou 100 kilomètres. Vous vous doutez bien que le bilan carbone n’est plus si glorieux !
Concernant l’aval et la transformation, les difficultés du secteur reposent pour l’essentiel sur les problèmes généraux du coût de la main-d’œuvre dans notre pays. Nos entreprises ne peuvent s’en sortir que sur des créneaux spécifiques, mais la créativité est peut-être insuffisante, comme certains de mes collègues l’ont souligné.
Aujourd’hui, il faut en tout cas accélérer les prises de décision, en tirant les enseignements des derniers rapports relatifs à la question forestière.
Je partage plusieurs des propositions du rapport d’information de nos collègues, notamment la nécessité de procéder à un rapprochement des interprofessions. Des démarches sont en cours et, là aussi, il serait souhaitable de favoriser le dialogue entre l’amont et l’aval.
S’agissant de la révision des soutiens publics, sans remettre ces aides en cause – je pense notamment à la fiscalité patrimoniale –, il serait sans doute souhaitable de mieux les conditionner, afin qu’elles passent d’une logique de guichet à une logique plus incitative.
Je dirai un mot sur l’ONF, qui a beaucoup évolué dans sa gestion : cet office interroge les observateurs de la forêt sur la pratique de la coupe rase, dont je ne sais si M. le ministre y est favorable, mais qui, si elle présente un intérêt pratique, perturbe inévitablement le biotope d’une manière souvent irréversible.
Quant à l’innovation, elle est essentielle, car on met souvent en avant le problème de la domination des feuillus dans les forêts françaises, une essence qui ne colle pas à la demande.
Puits de carbone, cadre de loisirs et de pratiques cynégétiques, et, bien sûr, acteur économique significatif, la forêt concentre de nombreux atouts qui nous invitent régulièrement à nous pencher sur son exceptionnel potentiel.
Je ne saurais oublier que cette forêt constitue pour nos communes une ressource financière indispensable à l’équilibre budgétaire, même s’il ne s’agit plus, comme par le passé, d’offrir une machine à laver à chaque foyer lors de la vente des bois.
Le bois est un matériau d’avenir. La France sait être créative quand elle s’en donne les moyens. Le pavillon français de l’exposition universelle de Milan, en bois du Jura, est l’illustration de l’excellence française. La formation des jeunes aux métiers du bois doit être développée et l’innovation encouragée.
Je prendrai encore un exemple de réussite jurassienne : le lycée du bois de Mouchard, seul en France à former au compagnonnage, envoie ses élèves à travers l’Europe et le monde pour transmettre le savoir français.
Il n’y a pas de fatalité. De surcroît, le potentiel est là, et il suffirait d’une ambition forte et d’une fédération des énergies, à la fois publiques et privées, pour faire de la France un acteur majeur du secteur bois.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE.)
La parole est à M. Jackie Pierre, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d’aujourd’hui porte sur la forêt française. Je suis d’autant plus sensibilisé à cette question que je suis originaire d’un département forestier, celui des Vosges, qui, avec ses 280 000 hectares de forêt et un taux de boisement de 48 %, est le troisième département le plus boisé de France.
M. Jackie Pierre.
En 2014, selon les chiffres de l’Institut national de l’information géographique et forestière, la forêt en France métropolitaine couvre 16,5 millions d’hectares, soit 30 % de notre territoire. Elle représente l’occupation du sol la plus importante après l’agriculture, laquelle couvre la moitié de la France, les forêts publiques représentant un quart des forêts réparties entre les forêts domaniales et les autres forêts publiques, essentiellement communales.
J’ai souhaité rappeler ces quelques chiffres pour démontrer l’importance de l’espace forestier en France et l’attachement que nous lui portons. La forêt est perçue par les sociétés modernes, dont la nôtre, comme l’un des derniers espaces naturels. Il est primordial de la préserver face au changement climatique, un problème au cœur des préoccupations de notre société, dont les incidences éventuelles pourraient menacer sa pérennité.
Nous savons tous que notre écosystème a la capacité de s’adapter aux divers changements. Il n’en demeure pas moins que les mécanismes naturels de l’évolution peuvent rencontrer des limites.
C’est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts pour assurer une gestion durable de nos forêts et de nos terrains boisés, en veillant bien au remplacement des essences. Ce renouvellement est indispensable pour maintenir leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et leur inclination à satisfaire actuellement et pour le futur les fonctions écologiques, économiques et sociales pertinentes au niveau tant local, national que mondial.
En effet, n’oublions pas que la forêt contribue au développement des énergies renouvelables, fournit un cadre de vie à nos concitoyens, crée une importante activité économique et de l’emploi, notamment en zone rurale. Il est donc essentiel de préserver cette richesse et de permettre ainsi le développement de la filière forêt-bois, pour en faire un acteur innovant de l’économie verte et un atout à l’exportation.
Avec le réchauffement climatique que nous connaissons, le bois peut de nouveau s’imposer et être à l’origine de différentes formes d’énergies renouvelables.
L’utilisation du bois comme énergie renouvelable est certes ancienne. À titre d’exemple, les volumes de bois disponibles en France permettraient, selon l’Académie d’agriculture de France dans son ouvrage intitulé
La Forêt et le Bois en France en 100 questions
Cet exemple tend bien sûr à démontrer que la France dispose d’une ressource forestière abondante qu’il convient d’exploiter, et la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte va dans ce sens : elle place la filière bois au cœur de la transition énergétique, en prévoyant de renforcer la part des énergies renouvelables, pour atteindre plus de 30 % de la consommation d’énergie en 2030, contre 13 % en 2012.
Dans cette perspective, nous devons mettre en œuvre les moyens nécessaires, de la plantation à l’exportation, pour que le bois français soit bien le matériau du futur.
En effet, bien que la filière bois constitue un secteur majeur de l’économie française avec 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires et les quelque 250 000 emplois qu’elle produit, les échanges extérieurs n’en demeurent pas moins déséquilibrés, avec un déficit commercial de plus de 5 milliards d’euros.
Cela implique une meilleure adaptation de la sylviculture française en ce qui concerne le choix des essences et les modalités de replantation, afin que les qualités du bois français, qu’il s’agisse des résineux ou des feuillus, soient mieux reconnues tant sur le marché national qu’à l’étranger. Nous pourrions ainsi renforcer les actions de promotion sur le marché extérieur de produits innovants à forte valeur ajoutée, comme le préconise notre collègue Christian Franqueville, député des Vosges, dans le rapport sur les exportations de grumes et le déséquilibre de la balance commerciale de la filière forêt-bois française qu’il a remis au Premier ministre le 8 septembre 2015.
La forêt française est l’un des atouts économiques de demain par son abondance et sa diversité d’essences. Nous devons certes utiliser et exploiter cette richesse, mais à bon escient, car le bois est un matériau précieux. La filière bois peut répondre aux nouveaux besoins de notre société, aux nouveaux défis énergétiques, mais n’oublions pas qu’il convient d’assurer sa pérennité, afin de préserver, entre autres, les nombreux emplois qu’elle produit.
Le Gouvernement doit poursuivre les efforts engagés dans le cadre du Plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois et du plan « Industries du bois » de la Nouvelle France Industrielle.
Par ailleurs, en ce qui concerne la production de la forêt, le Gouvernement doit donner les moyens aux propriétaires publics ou privés de faciliter le reboisement rapide des parcelles, qui sont trop souvent coupées à blanc et laissées en l’état pendant des années.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. Michel Delebarre applaudit également.)
La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son rapport publié en novembre 2014 sur la situation de la filière française du bois, la Cour des comptes a dressé un bilan critique et appelé à une amélioration de son fonctionnement.
M. Alain Duran.
Les constats qu’elle a dressés à l’égard d’une filière qui accuse un déficit commercial structurel très important trouvèrent un écho en 2015 dans deux nouveaux rapports d’information parlementaires, l’un émanant de l’Assemblée nationale et l’autre de nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel.
À chaque occasion, il a été souligné que l’enjeu principal de la politique forestière n’était plus nécessairement aujourd’hui l’accroissement de la surface forestière, mais bien une meilleure gestion de celle-ci. La forêt française est en effet globalement sous-exploitée et elle est insuffisamment entretenue au regard d’une gestion sylvicole durable. Il en résulte que la France n’est pas la puissance forestière qu’elle pourrait être.
Le morcellement très important de la forêt française, qui est privée à 75 %, est le premier facteur de cette sous-exploitation. Les propriétés sont en effet, le plus souvent, de taille trop modeste pour être exploitées de manière rentable.
La forêt ariégeoise, que je connais bien, donne à cette problématique une illustration significative. Apte à produire différentes qualités, allant du bois d’œuvre au bois d’énergie, elle est pourtant de plus en plus difficilement valorisable. La récolte de bois est très faible au regard de l’accroissement naturel de la surface forestière : 18 % seulement de la production annuelle est prélevée chaque année.
Surexploitée aux XVIII
Cette situation issue de la déprise agricole a occasionné un morcellement très important. Aujourd’hui, alors que le taux de boisement du département dépasse les 50 %, plus de 90 % des parcelles sont inférieures à 4 hectares. Cet émiettement du foncier ne permet pas aux propriétaires d’avoir une approche économique de leur patrimoine.
Confronté à un accroissement biologique très important et insuffisamment géré, le département est aujourd’hui exposé à « un vrai risque d’avalanche végétale ». Vous le savez, mes chers collègues, une forêt mal gérée se dégrade, maintient des peuplements dans un état insuffisant pour produire de la qualité, amoindrit la qualité paysagère et assure avec moins d’efficacité ses fonctions écologiques.
Dès lors, l’amélioration du foncier forestier représente un enjeu majeur pour la mobilisation et la gestion durable de cette ressource.
À ce titre, la nouvelle assemblée départementale, élue en mars 2015, a mis en place un projet forestier global à l’horizon de 2050 visant à améliorer la qualité de la forêt ariégeoise. Désormais amorcé, il encourage notamment les regroupements par l’accompagnement et le conseil aux propriétaires, et par l’installation de gestionnaires exploitants sylviculteurs.
La constitution d’unités de gestion viables permet de mutualiser les moyens de production, de rationaliser les politiques de coupe et d’engendrer des économies d’échelle importantes. Pour ce faire, le conseil départemental s’appuie notamment sur les dispositions de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, laquelle favorise la constitution de groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, et simplifie les regroupements forestiers. Un groupement d’intérêt public, ou GIP, rassemblant les divers acteurs concernés du département – le conseil départemental, l’État
Cette gestion proactive des parcelles forestières recèle de nombreux effets positifs. Le travail en amont au niveau de la production favorise le développement de la filière en aval, offrant des débouchés en circuit court pour les propriétaires forestiers – ce sont souvent des agriculteurs –, qui en tirent des compléments de revenus. Ce cercle vertueux est porteur d’une relocalisation économique de l’ensemble de la filière, dont nos territoires ruraux ont besoin pour créer des emplois et de la valeur ajoutée.
Le développement de la sylviculture et une gestion durable des forêts assurent, en outre, des progrès substantiels en termes de qualité environnementale, et contribuent à améliorer la qualité de vie des habitants et à accroître l’attrait touristique d’un territoire.
Parce que nous connaissons le terrain, ainsi que nos administrés, lesquels sont souvent des propriétaires, notre rôle en tant qu’élus proches des territoires est, dès lors, primordial pour soutenir le déclenchement de telles démarches et jouer un rôle de médiateur entre les attentes individuelles et les intérêts collectifs au travers de ces microprojets.
Grâce à de nouvelles méthodes d’aménagement du territoire, la forêt pourrait certainement être perçue comme l’un des moteurs de l’économie de nos territoires ruraux de montagne, et non plus, faute d’être exploitée, comme un danger.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.
M. le président.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer l’initiative de notre collègue Philippe Leroy du groupe Les Républicains et sa volonté de débattre au sein de la Haute Assemblée de la filière bois.
Mme Nicole Duranton.
La forêt française souffre. L’équation de notre filière bois est simple : avec 16 millions d’hectares, soit 30 % de notre territoire, nous possédons l’une des plus vastes forêts d’Europe, et ce bois est de qualité. Nous exportons beaucoup, très souvent à bas prix, et nous importons très souvent à prix d’or.
C’est vrai !
M. Guy-Dominique Kennel.
Le résultat est alarmant : le déficit commercial de la filière atteint près de 5 milliards d’euros par an.
Mme Nicole Duranton.
Dans un contexte budgétaire très compliqué – le Gouvernement soumet les Français à une forte pression fiscale et réduit drastiquement les dotations des collectivités –, le déficit commercial de la filière, au regard de sa qualité, est inacceptable.
Pour réduire ce déficit commercial, nous devons mieux exploiter nos forêts. Je n’invente rien. Le dernier rapport de la Cour des comptes nous informe des lacunes de la gouvernance publique de la filière : nous exploitons notre forêt à la manière d’un pays en voie de développement…
C’est au Gouvernement, au travers de la mise en œuvre d’une politique, de jouer un rôle majeur pour la filière forêt-bois.
C’est au Gouvernement de fixer le cap.
C’est au Gouvernement de veiller à ce que les différents acteurs de la filière agissent de façon cohérente et efficace pour atteindre leurs objectifs.
Aussi, je ne puis m’empêcher de nous comparer avec nos amis allemands.
L’Allemagne possède 11 millions d’hectares de forêt, constituée principalement de résineux, contre 16 millions pour notre pays. La filière outre-Rhin affiche un chiffre d’affaires de plus de 117 milliards d’euros, quand la France dépasse difficilement les 60 milliards.
Chez nous, environ 400 000 à 500 000 personnes travaillent pour l’ensemble de la filière, contre près de 1,5 million d’Allemands, qui, surtout, font vivre correctement la filière forêt-bois.
Après de nombreux rapports publiés depuis 2009, le temps est venu de trouver des solutions.
Il est primordial d’améliorer, pour ne pas dire créer, la gouvernance de la filière forêt-bois. Il paraît invraisemblable que cinq ministères mettent en œuvre une politique concernant cette filière. Chaque ministère adopte sa propre vision des enjeux et des objectifs prioritaires, ce qui a inévitablement pour conséquence les divergences ayant mené la filière bois dans une impasse. Aucune stratégie cohérente, aucune décision interministérielle, aucun dialogue construit entre les ministères : voilà ce que constate la Cour des comptes. Quand allons-nous prendre en considération les observations qu’elle formule ?
C’est pourquoi il est urgent de créer une instance interministérielle de pilotage stratégique de la filière.
Qui paiera ?
M. Jean-Louis Carrère.
Ce lieu de décision sera le garant de l’efficacité, en réunissant tous les acteurs de la filière. Il faut un chef de file au niveau interministériel. Une clarification et la mise en place d’une stratégie cohérente sont nécessaires.
Mme Nicole Duranton.
Monsieur le ministre, le Gouvernement ne peut pas imposer un véritable big-bang territorial, avec la fusion des régions et des intercommunalités, la création de communes nouvelles et la clarification des compétences des collectivités, pour éviter précisément des doublons de compétences et ainsi clarifier l’action publique territoriale, sans appliquer ces principes au niveau de l’État.
La filière bois a besoin d’une simplification au plus haut niveau. Il importe que l’on clarifie et que l’on simplifie sa gouvernance. La réforme de l’État et la simplification a connu, depuis 2012, un ministre et deux secrétaires d’État : les résultats se font encore attendre.
La création d’une délégation interministérielle permettrait d’améliorer la cohérence et la transparence. Les politiques des ministères seraient mieux articulées, ce qui favoriserait également une meilleure compréhension des différents acteurs. La principale mission du délégué interministériel serait de valoriser la forêt et le bois, dans leur dimension économique et dans le respect du développement durable.
Structurer la filière, c’est la rendre compétitive.
Structurer la filière permettrait de mieux définir les besoins et les ressources de l’amont forestier, tout en ayant connaissance des besoins et des débouchés de l’aval industriel.
Structurer la filière conduirait aussi à faciliter le rapprochement éventuel des deux principales interprofessions, à savoir France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprises. Ce regroupement a d’ailleurs été recommandé par la Cour des comptes dans son rapport.
Enfin, comme je l’ai évoqué, la création d’une véritable gouvernance doit inévitablement redonner une dimension économique à la filière. Aujourd’hui, nous exportons une matière première sans plus-value, alors que celle-ci peut mettre plus d’un siècle à repousser.
Alors que la filière est sous-exploitée, nous importons nos panneaux de bois, nos portes, nos fenêtres, notre pâte à papier, et nous perdons une scierie tous les trois jours depuis maintenant trente ans. Le bilan financier est catastrophique. Nous vendons le mètre cube de chêne brut environ 80 euros, alors qu’une fois séché et scié, nous le réimportons à 500 euros, et parfois même à plus de 2 000 euros lorsqu’il est transformé en meuble.
Veuillez conclure, ma chère collègue.
M. le président.
Comment expliquer que les constructeurs de maisons en bois n’utilisent que 40 % de bois français ?
Mme Nicole Duranton.
Clarifions la stratégie, grâce à une instance interministérielle qui aura, au moins, le mérite d’éviter une opposition systématique entre le ministère de l’écologie et les ministères de l’agriculture et de l’industrie !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe socialiste et républicain.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève. Elle a pour but de mettre en évidence les attentes fortes des communes forestières.
Mme Gisèle Jourda.
Oui, monsieur le ministre, ces communes ont besoin d’être rassurées : elles doivent l’être sur les modalités futures de calcul de leur DGF réformée, sur les conséquences de l’adoption du nouveau contrat d’objectifs et de performance 2016-2020, le COP, signé le 17 décembre dernier avec l’ONF, et, enfin, sur le respect des engagements que vous avez pris à Nancy.
La signature de ce COP a confirmé l’ONF dans son rôle de gestionnaire unique des forêts publiques et dans son statut d’EPIC doté de missions de service public et d’activités concurrentielles.
Certes, les communes forestières se sont montrées majoritairement favorables à la signature de ce contrat, car il répond à des attentes fortes que vous avez su, monsieur le ministre, prendre en compte.
À cet égard, je citerai, d’abord, l’absence de hausse des contributions et paiements supplémentaires pour les communes ; ensuite, la stabilisation des effectifs de l’ONF ; et, enfin, le maintien d’un versement compensateur sur la durée du COP à hauteur de 140,4 millions d’euros.
Pour autant, de nombreuses fédérations régionales, notamment celle du Languedoc-Roussillon, se sont inquiétées de l’insuffisance de cette convention sur certains points, et non des moindres : la diminution du service rendu aux communes par l’ONF – simplification des aménagements, présentation triennale des coupes, regroupement de la gestion – ; l’absence de réformes structurelles, afin de faire évoluer l’ONF dans son statut, son fonctionnement et son financement, des réformes qu’appellent pourtant de leurs vœux de nombreux acteurs de la forêt.
Les communes forestières signataires ont réaffirmé leur soutien au régime forestier, parce qu’il apporte un cadre réglementaire et un ensemble de garanties pour préserver les forêts sur le long terme.
S’il est évident pour nous tous que la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques repose sur ce régime, il convient aujourd’hui de rassurer les communes forestières, ou COFOR, sur son bien-fondé, afin de mettre un terme à la volonté exprimée dernièrement par certaines d’entre elles d’en sortir ou de ne pas contractualiser.
Pour ce faire, il existe des solutions. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas associer ces communes à l’élaboration de nouveaux dispositifs, systèmes et documents cadres ? Je pense à de nouveaux modèles de plans d’aménagement, à la mise en place de possibilités de synergie et de mutualisation au niveau d’un massif, à la rédaction de la charte de la forêt communale. Certes, ce sont des outils de communication, mais ils permettraient d’opérer une mobilisation collective qui aurait du sens.
Je vous sais favorable à certaines de ces idées, puisque vous avez rappelé à Nancy, le 2 octobre dernier, la nécessité de mutualiser les moyens de collecte, notamment en matière de débardage et de ramassage. C’est d’ailleurs lors de ce congrès national que vous avez exprimé votre volonté de faire du COP un contrat ambitieux et réaliste qui assurera et pérennisera la place de la forêt et de l’ONF pour les dix ans à venir.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir permis de ne pas retomber dans l’erreur du précédent COP, pour lequel des objectifs mirobolants avaient été fixés,…
M. Stéphane Le Foll,
… qui n’ont pas été atteints. L’État fait de nombreux efforts, et il importe d’en prendre conscience au quotidien. Le COP a été signé. Il convient aujourd’hui de rassurer les parties prenantes.
Mme Gisèle Jourda.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
La parole est à M. le ministre.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sur la forêt, organisé sur l’initiative de M. Leroy, est bienvenu, car le sujet est d’actualité. La discussion a été de qualité, et je répondrai à certains intervenants qui ont donné l’impression que rien n’était fait.
M. Stéphane Le Foll,
ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Sauf à être de véritables spécialistes, nous faisons tous les mêmes constats : morcellement de la forêt privée française, déficit commercial de la filière, perte de valorisation de l’industrie forestière sur l’ensemble du territoire, question du devenir de la forêt dans les domaines de la transformation du bois ou de l’utilisation du bois-énergie. Ces questions ont toujours été posées. Faut-il y apporter des réponses ?
Je tiens tout d’abord à rappeler que le déficit commercial de la filière s’élève à environ 6 milliards d’euros, dont 2 milliards pour les meubles et 2 milliards pour la pâte à papier. Nous sommes en effet d’importants consommateurs de papier, mais nous avons fait le choix, par le passé, d’importer du bois pour produire ce papier au lieu d’utiliser le nôtre. Telle est la base du constat.
Ensuite, comme cela a été rappelé, la forêt française est la quatrième forêt d’Europe en surface, et la troisième si l’on y ajoute les départements et régions d’outre-mer. Au regard des questions qui sont posées, il est intéressant de relever que la France, dont la surface forestière est plus importante que celle de l’Allemagne, a 2,6 milliards de mètres cubes de bois sur pied.
Avec une surface forestière de 11 millions d’hectares, l’Allemagne a 3,6 milliards de mètres cubes de bois sur pied, soit presque 1 milliard de mètres cubes de plus que la France pour une surface inférieure. Ce facteur explique aussi, pour partie, sa capacité à pouvoir mieux valoriser son bois.
Quant à la Suède, elle a 2,9 milliards de mètres cubes de bois sur pied pour une surface supérieure à celle de la France ou de l’Allemagne.
La problématique de la filière bois dans son ensemble doit tenir compte de tous ces éléments, mais aussi du fait – cela vaut en particulier pour le COP, le contrat d’objectifs et de performance, et la FNCOFOR, la Fédération nationale des communes forestières – de la question du Fonds forestier national.
Entre les communes qui ont à leur disposition des forêts – je pense au grand Est de la France – sur lesquelles elles peuvent percevoir des recettes et celles qui, dans le sud – j’ai bien entendu les propos qui ont été tenus à ce sujet – ont des difficultés à dégager de telles ressources eu égard à la spécificité de leur forêt, il y a des différences. C’est non pas à « une » forêt française que nous avons affaire, mais à « des » forêts françaises, auxquelles il faut trouver, par grands bassins, des destins et des organisations spécifiques.
Nous avons tous fait le constat du morcellement et des difficultés d’organisation de la forêt française. Ont même été évoquées les questions d’interprofessions.
Le bassin historique forestier des Landes est bien organisé et structuré ; je l’ai dit aux professionnels, qui ont d’ailleurs plutôt tendance à voir les choses sous un angle positif. Mais l’organisation globale mériterait d’être revue pour tenir compte de la diversité des forêts. Tel était l’objectif de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, madame Duranton.
Ces constats, nous les avons tous établis, et nous en avons tiré un certain nombre de conclusions nuitamment ici au Sénat ; je pense en particulier à l’équilibre sylvo-cynégétique, dont M. Leroy se souvient certainement.
Il faut donc avoir une stratégie, ainsi que vous l’avez évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, et organiser les choses parce qu’elles ne le sont pas. Il ne s’agit pas simplement d’un problème avec l’ONF. Quand celui-ci était bien plus important et présent, le problème de la forêt se posait déjà.
Ne nous trompons pas de diagnostic ou d’objectif ! Je reviendrai ultérieurement sur le COP. Il faut se préoccuper de l’organisation, de la structuration. Depuis trois ans que je suis à la tête du ministère de l’agriculture et de la forêt – je tiens à ce titre dans son entier ! –, j’ai cherché avec vous, et avec tous ceux qui s’y sont intéressés, les moyens d’organiser et de structurer la filière.
Nous sommes à la veille de la présentation du programme national de la forêt et du bois, un sujet dont nous avions débattu en vue de retenir des objectifs, fixer un cadre et élaborer une stratégie pour la forêt française. Ce programme est en cours de finalisation et sera présenté au Conseil supérieur de la forêt et du bois en février prochain, c’est-à-dire dans quelques semaines.
Cette stratégie que vous appelez de vos vœux, il fallait la construire avec tous les acteurs de la forêt, qu’ils soient producteurs, transformateurs, patrons de scieries ou futurs utilisateurs, et mettre tout le monde d’accord. Cela a pris un peu de temps depuis l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, mais le programme sera présenté, je le répète, en ce début d’année. C’est ce que nous devions faire pour donner de la perspective et élaborer une stratégie.
En effet, s’il est très facile de dresser le constat que tout va mal, il est plus difficile, en revanche, de travailler pour réorganiser les choses, afin de faire en sorte que la situation s’améliore.
Tel est l’objectif du programme national de la forêt et du bois, qui sera décliné en programmes régionaux. D’ailleurs, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a également mis en place le Fonds stratégique de la forêt et du bois, sur lequel je reviendrai.
Tel est aussi l’objectif du contrat de filière du Comité stratégique de la filière bois qui a été signé par l’ensemble des acteurs et des ministères concernés. Sur ce sujet, j’entends bien aussi garder la main.
Même si plusieurs ministères sont concernés, la création d’un délégué interministériel supplémentaire ne simplifierait pas les choses, madame Duranton, et ne permettrait pas d’avancer plus vite. Il est toujours facile de penser que, en créant un poste supplémentaire, on résoudra les problèmes. Mais non, c’est en se mettant d’accord, autour d’une table !
Et tel est l’objectif du contrat stratégique de filière qui a été signé par mon ministère, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, celui de l’économie, de l’industrie et du numérique et celui du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Il est prévu d’en faire le bilan après un an de mise en œuvre, lors de la prochaine réunion du Comité stratégique de la filière bois, au cours de laquelle la Fédération nationale du bois signera le contrat.
Par ailleurs, la négociation du prochain contrat d’objectifs et de performance 2016-2020, qui a largement été évoqué, représente un sujet important pour les communes forestières, les COFOR, et l’ONF. Je l’ai toujours dit, je suis attaché au Fonds forestier national parce qu’on doit mutualiser. En effet, on le sait bien, sans un outil permettant aux forêts publiques d’être gérées et valorisées partout, dans toutes les communes, il y aura d’énormes différences entre les forêts. D’où l’importance de ce fonds.
Pour ce faire, il fallait négocier ce nouveau COP, tout en conciliant l’objectif de réduction des coûts de fonctionnement de l’ONF, la stabilisation, pour la première fois, de ses effectifs et la volonté de ne solliciter en aucune manière les communes forestières, comme je l’ai dit à Nancy. Ce nouveau COP assure ainsi la viabilité de l’ONF et permet aux COFOR de gérer leurs forêts publiques.
Vous l’avez souligné, madame Jourda, le volume ciblé de bois mobilisé est objectivement atteignable, alors qu’il était irréaliste auparavant. Il s’élève ainsi à 15 millions de mètres cubes : 8,5 millions de mètres cubes pour la forêt communale et 6,5 millions de mètres cubes pour la forêt domaniale. La discussion a été ardue, mais elle était nécessaire. L’objectif, je l’ai rappelé, visait à définir des objectifs en matière de mobilisation des recettes, afin d’équilibrer aussi le budget de l’ONF ; on en a besoin pour maintenir la forêt publique, en particulier pour ce qui concerne les communes forestières. Nous avons, en outre, tenu compte de l’ensemble des contributions des communes, et nous ne les avons pas augmentées.
C’est pourquoi ce COP, qui stabilise, je le répète, les effectifs de l’ONF, offre de la visibilité à cet organisme. Bien sûr, tout cela peut être discuté, et il aurait peut-être été possible d’aller plus loin. Mais, dans le contexte actuel, il définit les objectifs et donne les moyens de maintenir les services de l’ONF, tout en répondant aux attentes des communes forestières.
Pour en revenir au programme national de la forêt et du bois, les questions de M. Leroy sont essentielles : quelles sont les perspectives ? Que sortira-t-il de ce programme au cours des semaines à venir ?
Tout d’abord, concernant la grande question du bois-énergie, l’appel à manifestation d’intérêt DYNAMIC bois a été une réussite et sera renouvelé. Je le dis, chaque forêt a ses spécificités. Aussi, il conviendra de poursuivre la réflexion pour développer l’exploitation du bois-énergie dans certaines forêts.
En effet, au regard de la diversité des forêts françaises, certaines d’entre elles ont été historiquement consacrées à la production et d’autres ont gagné sur la déprise agricole. On peut considérer ces dernières comme étant potentiellement productrices d’énergie renouvelable. Mais encore faut-il que l’on s’organise à cette fin !
C’est pourquoi je souhaite combiner dans ces zones-là, au sein des groupements d’intérêt économique et environnemental forestier, les GIEEF, les enjeux liés à la forêt publique et à la forêt privée pour regrouper l’offre. On conduira des expériences de regroupements qui, contrairement à ce que la loi prévoit, ne concerneront plus uniquement la forêt publique, mais également la forêt privée, en particulier dans les forêts où l’on a besoin de produire du bois-énergie.
Ensuite, un autre enjeu majeur réside dans la question du repeuplement et de l’utilisation du Fonds stratégique de la forêt et du bois. M. Leroy l’a souvent relevé, il s’agit là du renouvellement de la forêt et de son adaptation au réchauffement climatique. Tous les forestiers en discutent, dans toutes les zones de France. Au nord de la Loire, se posent aussi ces questions.
En 2015, le Fonds stratégique de la forêt et du bois était doté de 15 millions d’euros. En 2016, selon les prévisions, il pourrait être abondé à hauteur de 25 millions d’euros environ, notamment avec les centimes forestiers et les compensations financières en cas de défrichement. De surcroît, un cofinancement du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, pourrait s’y ajouter – entre 40 millions et 50 millions d’euros –, mais cela fera aussi l’objet d’un débat avec les régions.
Puisque nous traitons de la question du repeuplement, un sujet important à mes yeux, permettez-moi de vous faire une proposition, mesdames, messieurs les sénateurs. Fixons-nous comme objectif de mobiliser – ce fonds peut être utilisé pour le repeuplement ou les infrastructures de collecte du bois –, 100 millions d’euros, en 2016, afin d’engager une stratégie de repeuplement, dont il faudra, ensuite, discuter ; et c’est ce que nous ferons.
Cette enveloppe se décomposerait en quatre abondements égaux de 25 millions d’euros issus du Fonds stratégique de la forêt et du bois, du FEADER, du programme d’investissements d’avenir et d’un financement privé. En effet, le volet concernant la forêt et le bois du plan « Agriculture-innovation 2025 » prévoit des financements innovants. À cette fin, on peut mobiliser – et on doit le faire ! – 100 millions d’euros en 2016 pour engager le repeuplement à l’échelle nationale, un vrai sujet, qui est souvent abordé, en fixant des objectifs et en se donnant les moyens de les atteindre. Telle est la proposition que je vous fais cet après-midi. C’est important, tant la question du repeuplement demeure essentielle, aux yeux des forestiers, pour l’avenir de la forêt.
Comme l’a très bien dit Joël Labbé, en citant ce beau proverbe chinois – je ne sais pas où il l’a trouvé ni d’ailleurs à quel grand Chinois il faisait référence !
(Sourires.)
Par ailleurs, se pose aussi la question de l’approvisionnement des secteurs de première et de deuxième transformations. Cela rejoint le constat que je faisais précédemment à propos du faible volume de bois à l’hectare, qui doit avoir des conséquences sur la transformation. Nous devons être plus offensifs.
Cela passe, d’une part, par le label « Union européenne » apposé sur les lots de bois vendus par l’ONF depuis septembre 2015, une mesure qui, il faut le rappeler, commence à porter ses fruits, et, d’autre part, par le renforcement de la réglementation sanitaire en matière de certification à l’export. Une telle action, tout en ayant une influence sanitaire forte sur le bois, nous évitera d’être un producteur de matière première qui exporte des billes de bois, au lieu de les transformer, et qui importe des meubles – nous sommes en train de mettre au point un dispositif à ce sujet.
Enfin, la question du soutien au matériau bois dans la construction, deuxième objectif majeur, est posée.
Nous devons en effet ouvrir des perspectives de débouchés, en particulier pour les feuillus. Tel est l’objet de l’appel à manifestation d’intérêt pour les immeubles de grande hauteur en bois que j’avais lancé et qui est financé par le commissariat général à l’investissement à hauteur de 5 millions ou 6 millions d’euros.
Cela conduira des acteurs à manifester concrètement leur intérêt pour ces tours en bois dans chaque territoire. Nous sommes en train de procéder au recensement des projets. Je vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous pouvez être intéressés par la construction de tours en bois dans vos territoires. Les bâtiments ainsi construits utiliseront des feuillus – nous en avons déjà quelques exemples – et seront innovants. Cette action entre dans le cadre de la stratégie industrielle de la filière du bois présentée voilà deux ans, qui trouve concrètement aujourd’hui un débouché.
En effet, il faut des débouchés pour produire et valoriser la production. Je suis donc très heureux de vous annoncer que cet appel à projets, qui concerne tant les territoires ruraux que les villes, apporte une réponse à la construction d’immeubles de grande hauteur. Il s’agit d’un dossier important, sur lequel je m’impliquerai personnellement. Nous organiserons d’ailleurs un concours international d’architecture : en utilisant ce matériau, on doit faire du beau, on doit attirer l’œil. Cela démontrera que le bois peut favoriser l’architecture et le logement, et qu’il renouvelle ainsi la construction. Cela fait partie des choix stratégiques sur lesquels nous devons travailler.
Toutes ces actions sont en œuvre. Aussi, il importe que l’ensemble des ministères concernés poursuivent leur implication : il faut regrouper et organiser ces actions. D’où les dispositifs fiscaux évoqués lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dont certains sont d’ores et déjà applicables, comme le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement, le DEFI, qui est garanti et revalorisé, le compte d’investissement forestier et d’assurance, le CIFA, qui permet de mobiliser le bois dans les forêts privées, ainsi que les GIEEF ou les appels à projets.
Certes, on peut aller au-delà – c’est toujours possible ! –, mais on a déjà beaucoup fait. Il convient maintenant de procéder à l’évaluation des mesures en vigueur – je propose que le Sénat participe à ces travaux –, afin d’envisager d’autres mécanismes fiscaux, dont l’effet de cliquet serait encore plus incitatif, en vue de mobiliser la ressource bois. Toutefois, le DEFI et le CIFA sont d’ores et déjà des outils opérationnels et sont très importants pour ce secteur.
Du reste, nous devons favoriser l’investissement et l’innovation.
Je l’ai dit tout à l’heure à propos du volume de bois et de l’organisation de la production, nous devons favoriser les regroupements pour mutualiser les coûts, notamment en matière de collecte. Mais cette filière a aussi besoin d’innovation technique. Certains d’entre vous l’ont souligné, à juste titre, il faut se méfier de la monoculture ou encore des coupes rases. La vieille technique du taillis sous futaie existe depuis très longtemps. Elle a toujours été contestée, mais elle dure depuis 300 ou 400 ans, et elle est durable puisque nous avons encore des forêts parfaitement entretenues aujourd’hui.
Néanmoins, il faut aussi être techniquement capable d’évoluer sur ce sujet. Le stockage du carbone par les sols agricoles, que nous avons soutenu dans le cadre de la COP21, vaut aussi pour les sols forestiers. En effet, ces derniers peuvent aussi y contribuer, avec le bois qui pousse dessus, à condition que la forêt ait aussi une vocation économique : on peut passer de vingt mètres cubes à l’hectare à trois mètres cubes à l’hectare. Or plus il y a de mètres cubes de bois à l’hectare, plus on peut stocker de carbone ; mais plus on a de bois, plus il faut le valoriser et plus nombreux doivent être les débouchés. Tout cela se tient.
Aussi, nous serons attentifs aux stratégies de mutualisation au travers des regroupements, notamment les GIEEF, car l’innovation est un sujet très important.
Voilà pourquoi nous avons mis en place une mission innovation forêt-bois 2025, comme nous l’avions précédemment fait pour l’agriculture. Cette mission regroupe cinq ministères, dont le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, qui, j’y insiste, en est à l’initiative, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique. Tous les ministères concernés sont représentés.
Dans la feuille de route stratégique, l’un des objectifs de cette mission est de réfléchir à la manière d’utiliser tous les outils qui sont à notre disposition dès aujourd'hui et, surtout, qui le seront demain. Je pense, en particulier, aux réflexions que nous devons conduire sur les systèmes innovants de collecte et de regroupement de celle-ci que j’ai vus et dont j’ai entendu parler.
Sur ce plan, j’essaierai d’œuvrer en faveur du développement de la collecte de bois par dirigeable. En effet, la mise en place d’infrastructures pour aller chercher le bois coûte très cher, notamment dans les zones montagneuses, et cela limite la mobilisation du bois. Toutefois, la mise en œuvre des innovations existant en matière de collecte et de ramassage du bois nécessite aussi que l’on soit capable de regrouper la production, car ces innovations ne peuvent fonctionner qu’à la condition que l’on ait, au sol, suffisamment de bois à collecter.
Les objectifs en la matière devront être formalisés.
D’autres objectifs seront définis concernant les innovations en matière de financement. Comme je le disais précédemment, il faudra consacrer 25 millions d’euros, sur les 100 millions d’euros mobilisés dans le cadre à la fois du fonds stratégique, du PIA et du FEADER, aux innovations dans ce domaine. En effet, de plus en plus de fonds peuvent être intéressés à la forêt, compte tenu de l’enjeu stratégique que représente celle-ci dans le contexte de la COP 21, comme cela a d'ailleurs été dit par une sénatrice.
La mobilisation de fonds nouveaux contribuera à la réalisation de l’objectif de repeuplement.
C’est aussi l’objet de la mission innovation forêt-bois 2025, dont les résultats devraient être connus d’ici au mois de mars prochain. Ceux-ci seront présentés au Sénat. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble très important que vous disposiez des grands éléments qui permettront d’identifier les projets innovants d’ici à dix ou quinze ans et d’établir un plan d’action sur le financement, en mobilisant tous les outils de financement existants. L’innovation passe aussi par la mobilisation des fonds disponibles sur le PIA 3 pour 2016, qui constitue également un enjeu pour la forêt.
Au-delà des constats – ils sont connus –, il fallait se donner les moyens et les outils d’organiser une filière. L’histoire a montré que ce n’est pas si simple… La prise en compte de spécificités, en particulier pour ce qui concerne les grandes forêts résineuses – suivez mon regard…–, n’empêchera pas la mise en place d’interprofessions et l’organisation de la filière bois-forêt de manière générale. Cette évolution est très importante : elle permettra que les interprofessions aient aussi la capacité de lever les CVO, les fameuses contributions volontaires obligatoires, et, ainsi, d’intégrer dans les financements les moyens de lutter contre les problèmes sanitaires, de manière à gérer l’avenir. Cette possibilité existe déjà du côté de la forêt des Landes. Elle devrait être élargie. À cet égard, le programme national de la forêt et du bois, dont les grands axes seront présentés au début du mois de février, permettra de mobiliser stratégiquement les acteurs.
Organiser la filière, fixer les grands objectifs stratégiques, jouer sur les grandes innovations de demain, disposer de nouveaux débouchés, avec, en particulier, les bâtiments de grande hauteur, tout cela fait partie de la stratégie forestière qui vise à redonner à la forêt française, en métropole comme en outre-mer, au-delà de la dimension patrimoniale qu’on lui connaît, de son importance environnementale, de son rôle en matière de biodiversité, de son caractère multifonctionnel, qu’elle doit conserver, une fonction économique. En effet, la forêt est un élément de développement de nos territoires. Nous en sommes tous convaincus !
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste, du RDSE et de l'UDI-UC.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « La forêt française en questions ».
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. le président.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-François Rapin membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de Mme Natacha Bouchart, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)
La séance est reprise.
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’application de la loi n
M. le président.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (proposition n
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà vingt-cinq ans, le Conseil d’État, dans son rapport consacré à la sécurité juridique, déplorait les effets pernicieux de l’inflation normative sur l’action publique et l’initiative privée. Fustigeant la « logorrhée législative et réglementaire », la plus haute juridiction administrative dénonçait « la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme ».
M. Rémy Pointereau,
auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
Depuis lors, le signal d’alarme lancé par le Conseil d’État n’a, hélas, rien perdu de son actualité : notre ordonnancement juridique demeure caractérisé par une complexité normative toujours plus grande.
Les collectivités territoriales, acteurs incontournables de la mise en œuvre des politiques publiques depuis les lois de décentralisation, sont les premières victimes de ce zèle normatif. En effet, au fil des ans, l’État n’a cessé de prescrire de nouvelles normes, charge aux collectivités territoriales d’en assurer l’application et, plus encore, d’en supporter le coût !
La situation dégradée des finances locales impose aujourd’hui de mettre un terme à cette fuite en avant. Rappelons que les collectivités territoriales sont confrontées à deux tendances de fond dont la conjugaison est insurmontable pour bon nombre d’entre elles : une hausse des dépenses imputable, pour une large part, à la prolifération de normes de toute nature et une baisse des recettes dans un contexte de maîtrise des concours financiers de l’État. Face à cet « effet de ciseau », il est urgent de desserrer l’étau normatif, afin de restaurer durablement la latitude financière et décisionnelle des collectivités territoriales.
Nous le savons, l’empilement normatif porte préjudice à l’action publique locale à plus d’un titre. En soumettant tout projet à des contraintes, des délais et des procédures irraisonnées, l’inflation normative paralyse l’initiative locale. Selon l’Association des maires de France, on dénombre ainsi un total de 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales. Ces normes constituent autant d’entraves à la capacité d’action des élus et des acteurs locaux, ainsi qu‘un frein à la croissance.
En outre, la prolifération normative grève les ressources locales dans le contexte financier que j’ai rappelé. Le coût total des normes représente ainsi 3 points de produit intérieur brut par an, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. De son côté, le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, chiffre à 6 milliards d’euros le coût brut des textes qui lui ont été soumis pour examen de 2008 à 2014.
Contraignant et onéreux, l’étouffement normatif nuit de surcroît à l’attractivité de nos territoires. Selon le Forum économique mondial, la France se positionne à la 121
Enfin, la complexité normative n’est pas satisfaisante sur le plan de la sécurité juridique. Les normes mouvantes, contradictoires, confuses posent de réelles difficultés d’application aux élus locaux, et notamment des risques de contentieux. À titre d’illustration, je citerai une publication sénatoriale de 2010 selon laquelle, en dix ans, la partie législative du code général des collectivités territoriales a été modifiée à hauteur de 80 % et la partie réglementaire à hauteur de 50 %. Les élus locaux ne s’y retrouvent plus !
En définitive, et d’un certain point de vue, c’est au principe de la libre administration des collectivités territoriales que l’inflation normative porte atteinte.
Dans ces circonstances, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, doit offrir aux élus locaux une réponse à la hauteur des enjeux. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est engagée résolument dans cette voie. La prolifération normative est d’ailleurs pour elle un axe de réflexion ancien, comme en témoignent les rapports publiés par ses membres sur ce sujet : des travaux de Claude Belot sur la maladie de la norme, en 2010, à ceux de Jean-Pierre Vial sur l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public, en 2014, ainsi qu’au travail de notre collègue Éric Doligé.
Cet engagement bien établi en faveur de la simplification normative a été confirmé par la décision du président Gérard Larcher et du bureau du Sénat, qui a confié à la délégation sénatoriale compétence pour évaluer et simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales.
Depuis lors, beaucoup de travail a été accompli, même si les résultats obtenus resteront toujours en deçà de l’ampleur – titanesque – de la tâche.
La délégation s’est tout d’abord concentrée sur le flux de normes, en proposant des amendements de simplification au cours de l’examen au Sénat de certains projets de loi.
Elle s’est également penchée sur le stock de normes dans le domaine de l’urbanisme, dont la simplification a été jugée prioritaire par les deux tiers des élus locaux ayant répondu au questionnaire en ligne qu’elle a proposé lors du dernier congrès des maires Une proposition de résolution, issue de ces travaux, sera présentée demain, en séance publique, par le président Jean Marie Bockel.
Enfin, la délégation a souhaité améliorer le fonctionnement du CNEN avec lequel elle entretient des contacts réguliers. Sur l’initiative du président Bockel et de moi-même, le Sénat a adopté une proposition de loi levant les entraves réglementaires posées par le Gouvernement à la saisine de cette instance.
Telles sont les actions concrètes et pragmatiques que la délégation a d’ores et déjà engagées ; elles seront poursuivies et intensifiées.
Cependant, il faut admettre que ces initiatives ciblées, si elles sont tout à fait utiles, ne permettront pas, à elles seules, d’endiguer l’inflation normative. C’est par une intervention d’ensemble posant des bornes claires et précises aux prescripteurs de normes que pourront s’opérer un changement de pratiques et, espérons-le, un changement de culture. C’est pourquoi la proposition de loi ainsi que l’amendement que j’ai déposés ont pour objet d’inscrire dans la Constitution un arsenal complet, destiné à protéger les collectivités territoriales contre la furie normative.
À mon sens, trois principes protecteurs devraient être garantis par notre texte constitutionnel. Le premier d’entre eux est la règle : « pour une norme créée, une norme supprimée ».
Le CNEN a évalué que, chaque jour, une nouvelle norme applicable aux collectivités territoriales est édictée. Dans le même temps, il est rare que des normes soient abrogées, de sorte que des contraintes – parfois contradictoires – s’amoncellent. C’est la raison pour laquelle je suggère d’introduire, avec une certaine souplesse, la règle selon laquelle la création d’une norme applicable aux collectivités territoriales doit être compensée par la suppression d’une autre. Par la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013, ce mécanisme a d’ores et déjà été consacré par le Gouvernement dans le domaine réglementaire. Une modification constitutionnelle permettrait de l’appliquer également à la matière législative.
Le deuxième principe que je souhaite inscrire dans notre texte constitutionnel est celui du « prescripteur-payeur ».
L’État doit assumer le coût des normes qu’il édicte à l’égard des collectivités territoriales. Il s’agit là d’une préconisation formulée de longue date et avec constance par la délégation. Dès 2010, en effet, Claude Belot indiquait dans le rapport précité que c’est « au prescripteur, et donc à l’État, de devenir – ou redevenir – payeur en prenant en charge financièrement les conséquences de ses normes ».
Au terme d’un échange fructueux avec notre collègue Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois, nous sommes parvenus, je le crois, à une solution protectrice des finances locales, dont nous aurons l’occasion de débattre.
Enfin, le dernier principe est celui de l’interdiction de la « surtransposition » des actes législatifs européens.
La proportion des textes issus du droit de l’Union européenne dans notre droit national est de 50 %, selon l’OCDE. Or leur transposition donne souvent lieu à une surenchère normative. C'est la raison pour laquelle je propose de retenir la règle issue du droit allemand selon laquelle le texte de transposition d’un acte législatif européen doit s’en tenir au contenu de celui-ci.
Ces trois principes permettraient de fixer un cadre bien établi au processus normatif, ce qui contribuerait à renforcer la qualité de la loi et la clarté des débats.
Si l’inflation normative est aujourd’hui unanimement décriée, les élus locaux sont encore dans l’attente de résultats tangibles ; et pour obtenir des résultats, il faut s’en donner les moyens ! C’est pourquoi je vous invite à adopter la présente proposition de loi constitutionnelle, afin d’inscrire dans la Constitution un « bouclier protecteur » en faveur des collectivités territoriales. Le Sénat doit se trouver aux avant-postes de la simplification administrative, il doit en être le moteur !
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Très bien !
M. Gérard Cornu.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’auteur de cette proposition de loi ayant longuement évoqué l’aspect économique et administratif de cette question, je me limiterai à examiner son aspect juridique, du plus haut degré, au regard de la Constitution.
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
L’inflation normative à laquelle doivent faire face nos collectivités territoriales est une réalité quotidienne. La complexité souvent inutile de ces normes, leur coût budgétaire font de cette question un enjeu majeur; et déjà ancien. L’excellent rapport de MM. Boulard et Lambert consacré à la lutte contre l’inflation normative, qui recense les exemples les plus aberrants, en était une illustration.
Depuis plusieurs années déjà, nombreux sont les rapports ayant condamné cette croissance normative, ses conséquences sur le dynamisme de nos territoires, l’action publique locale et les budgets locaux. Le contexte local actuel d’une raréfaction de nos ressources financière ne fait qu’aggraver cette situation.
Depuis plusieurs années, le Parlement, et en particulier le Sénat, s’est engagé dans une démarche de simplification des normes, aussi bien en faveur des collectivités territoriales que des entreprises ou des administrés. Je citerai, pour mémoire, la création de la Commission consultative d’évaluation des normes, sur l’initiative de notre ancien collègue Alain Lambert, transformée, voilà deux ans, en Conseil national d’évaluation des normes, sur la proposition de nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. Le Conseil bénéficie aujourd’hui de pouvoirs étendus pour lutter contre le flux de normes, mais aussi le stock de normes.
Plusieurs initiatives parlementaires ont également eu pour vocation de simplifier la vie quotidienne de nos collectivités. Je songe au travail de qualité de notre collègue Éric Doligé, qui a déposé, en 2011, une proposition de loi de simplification du fonctionnement des collectivités territoriales, dont plusieurs dispositions ont été intégrées dans la récente loi NOTRe, ce qui témoigne du caractère transpartisan de cette lutte.
Malgré les démarches mises en place et dont les effets commencent à se faire sentir, il convient d’aller encore plus vite et plus loin. Tel est l’objet de la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Rémy Pointereau, au nom de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Oui, le poids des normes est devenu une contrainte trop lourde pour nos collectivités et leur dynamisme ! Toutefois, la commission des lois a soulevé plusieurs difficultés ou interrogations.
La rédaction initiale de l’article 1
Au-delà de ces difficultés d’ordre général, votre commission des lois a estimé que l’application des dispositions de l’article 1
Tout d’abord, se posait la difficulté à apprécier le caractère équivalent d’une charge,
a fortiori
Ensuite, en prévoyant un mécanisme de gage qui autorisait la discussion d’une disposition créant une charge supplémentaire, l’article 1
Or, en vertu de l’article 1
En matière de transposition de directives, l’article 2 du texte tendait à dissocier les projets ou propositions de loi de transposition de directives de ceux qui contiendraient des dispositions d’accompagnement de la transposition. Il visait à limiter, voire à interdire, dans le premier cas, le droit d’amendement, tandis que celui-ci aurait été pleinement opérant dans le second cas. Or, en vertu d’une jurisprudence ancienne et constante du Conseil constitutionnel, le droit d’amendement du Parlement et du Gouvernement doit s’exercer « pleinement », sous réserve des irrecevabilités prévues par la Constitution.
Rappelons qu’une directive définit, dans un domaine déterminé, le cadre minimal commun à l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Aucun État ne peut adopter une législation en deçà de ce socle minimum. En revanche, il relève de la libre appréciation du législateur national d’adopter des dispositions allant au-delà d’une simple transposition, tout en veillant à ce que cette « surtransposition » volontaire soit proportionnée et réponde à un objectif d’intérêt général. Il relève donc de la responsabilité du pouvoir politique d’apprécier l’opportunité d’aller au-delà d’une simple transposition et de pouvoir en justifier.
Tout en partageant les objectifs de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, la commission des lois a estimé que l’introduction dans la Constitution de nouvelles règles contraignantes pour le législateur ne devait pas conduire à une négation du débat parlementaire. Au contraire, l’objectif est de mieux apprécier la pertinence et l’utilité d’une nouvelle mesure pesant sur les collectivités territoriales. Le législateur doit s’astreindre à une plus grande rigueur pour ce qui concerne non seulement l’analyse des mesures qu’il adopte, mais aussi leur mise en œuvre par les collectivités territoriales.
Enfin, les dispositions initialement proposées auraient été contraignantes pour le seul législateur, tandis qu’aucune règle n’aurait encadré l’action des autres responsables de l’emballement normatif.
C’est pourquoi, pour ne pas en rester à des formules incantatoires, nous nous sommes efforcés de rechercher, dans un temps très court, des formulations qui concilient l’objectif de lutte contre l’inflation normative et le maintien de la liberté d’initiative du législateur.
Ainsi, l’article 1
Ce même article prévoit, dans les conditions fixées par une loi organique, que toute mesure nouvelle ou toute aggravation d’une mesure nouvelle qui porterait sur les compétences exercées par une ou plusieurs collectivités territoriales ne pourrait être adoptée si elle n’a fait l’objet d’une évaluation préalable sérieuse. Il s’agit ainsi d’obliger le législateur, dans sa volonté de créer ou d’aggraver une charge pesant sur les collectivités territoriales, à réfléchir aux conséquences techniques et budgétaires d’une telle proposition. En effet, une compensation financière n’est pertinente que si elle repose sur une évaluation sincère et précise.
Une loi organique préciserait les éléments devant figurer dans l’évaluation ainsi que les règles encadrant la compensation.
S’agissant de l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle, la commission a adopté la disposition selon laquelle les mesures assurant la transposition d’un acte législatif européen ne devraient pas excéder les objectifs poursuivis par cet acte. Selon la commission, cette mesure s’applique au législateur aussi bien qu’au pouvoir réglementaire, tout en introduisant implicitement la notion de proportionnalité, qui fait l’objet d’une jurisprudence ancienne et claire du Conseil constitutionnel.
À la suite de la réunion de la commission le 16 décembre dernier, M. Pointereau et moi-même avons continué à travailler, afin de trouver, pour l’article 1
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.
M. André Vallini,
secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale.
La norme n’est pas en elle-même à combattre, car elle est utile et même nécessaire dans un État de droit et une société qui se veut développée. Le problème vient de l’inflation normative, qui asphyxie l’action publique et freine les initiatives locales. Cette inflation a de plus un coût très élevé : de 2008 à 2013, le coût brut des normes nouvelles pour les collectivités territoriales a été estimé à 5,8 milliards d’euros.
Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le gouvernement de Manuel Valls a engagé une action résolue concernant la maîtrise des normes applicables aux collectivités territoriales. Le dispositif repose sur le CNEN, le Conseil national d’évaluation des normes, et sur deux circulaires du Premier ministre, l’une du 17 juillet 2013 et l’autre du 9 octobre 2014, qui fixent un objectif et affirment une volonté.
L’objectif concerne le flux des normes nouvelles : à compter de 2015, toute charge financière liée à l’impact d’une réglementation nouvelle doit être compensée par un allégement équivalent.
La volonté porte sur le stock, avec la mise en œuvre de plusieurs vagues de simplification de normes existantes.
En janvier 2016, un premier bilan de cette action peut être mené.
S’agissant du flux, l’objectif « zéro charge nouvelle » fixé par le Premier ministre à la fin de 2014 a été tenu en 2015. Mais plus que les chiffres, qui reposent sur des estimations et sont donc toujours sujets à contestations, c’est la tendance qu’il faut considérer. Celle-ci est claire : avec les mêmes références, que l’on prenne le coût brut ou le coût net, on constate une diminution réelle et non contestée du poids financier des normes nouvelles sur les collectivités locales.
Si cette inflexion est majeure et si nous devons collectivement nous en féliciter, le dispositif peut et doit être encore amélioré. Je pense notamment à la qualité de l’évaluation des conséquences financières des textes présentés. Certaines évaluations réalisées par les ministères prêtent à débat, voire à critiques, parfois justifiées. Les administrations centrales doivent donc fournir au CNEN des évaluations plus précises et non contestables. Une circulaire a ainsi été envoyée par le Premier ministre le 12 octobre dernier à tous les membres du Gouvernement pour leur rappeler que ces évaluations financières doivent être aussi précises que possible.
Il faut également que les échanges entre les associations d’élus et les administrations centrales soient plus étroits et plus constructifs. Trop souvent, l’administration considère avoir engagé une concertation en envoyant un simple e-mail ou en organisant une seule réunion d’information. Les administrations centrales doivent accepter de débattre et, éventuellement, de modifier les textes en fonction des échanges avec les associations d’élus. Or les procédures d’urgence devant le CNEN sont encore trop nombreuses, empêchant ce nécessaire dialogue.
Le président Lambert s’était ouvert au Premier ministre et à moi-même du trop grand nombre de saisines en urgence du CNEN. Nous avons essayé d’y remédier. Des progrès ont été enregistrés en 2015 – M. Lambert en convient –, mais ils sont encore insuffisants.
Concernant le stock de normes applicables aux collectivités territoriales, des actions complémentaires et coordonnées, destinées à permettre l’identification de normes pouvant être abrogées ou simplifiées, ont été engagées dès la fin de l’année 2014. Une mission d’inspection a été mandatée en février 2015 pour faire ressortir des normes contestables et discuter de leur bien-fondé. Elle a rendu en juillet son rapport, qui comporte une liste de 76 propositions précises, regroupées par thématiques : fonctionnement des collectivités, sécurité civile, accessibilité, formation professionnelle, marchés publics, normes budgétaires et comptables, normes sportives, urbanisme.
Par ailleurs, six ateliers thématiques ont été réunis par mon cabinet. Ils regroupaient les associations d’élus, des acteurs du terrain, notamment des élus locaux de base – l’expression n’est pas péjorative –, ainsi que des praticiens de la norme, à savoir des DGS, des directeurs généraux des services, et des DST, des directeurs des services techniques, issus de communes et de départements de toutes tailles. Ces ateliers ont porté sur la gestion, l’entretien et l’exploitation des bâtiments publics, les installations et les réglementations sportives, le fonctionnement des collectivités territoriales, les marchés publics, les normes budgétaires et comptables et le secteur social.
À la suite de cette mission d’inspection et de ces ateliers thématiques, deux séries de simplification ont été menées. La loi NOTRe a intégré seize mesures de simplification, dont douze étaient directement issues d’un rapport et d’une proposition de loi, dont je salue la qualité, du sénateur Doligé. Par ailleurs, dix-huit mesures de simplification ont été annoncées le 14 septembre dernier à Vesoul, lors du comité interministériel aux ruralités. Elles concernent essentiellement la gestion des bâtiments publics et l’urbanisme, les activités sportives et le fonctionnement des collectivités locales. J’aurai l’occasion demain, lors de l’examen de la proposition de résolution déposée par M. Jean-Marie Bockel, de vous donner, mesdames, messieurs les sénateurs, des exemples très concrets de ces mesures de simplification, qui concernent aussi bien le degré d’inclinaison des rebords de piscine que la façon dont on doit fixer au sol les cages de foot ou les poteaux de rugby.
Une nouvelle vague de simplification est en cours, qui porte notamment sur les marchés publics et la comptabilité publique. Pour accélérer la cadence, deux évolutions seront lancées en 2016.
La première concerne un renforcement du dispositif gouvernemental, avec la mise à disposition d’une équipe du SGMAP, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, pour la préparation des ateliers et le suivi – c’est peut-être le plus important – des mesures de simplification décidées.
La seconde évolution visera le renforcement du rôle du CNEN. Comme je m’y étais engagé ici même le 20 mai dernier, le décret concernant la saisine du CNEN a été modifié. Alors qu’il fallait cent maires ou dix présidents de conseil départemental ou deux présidents de conseil régional pour saisir le CNEN, tout élu peut désormais saisir directement cette instance d’une demande d’évaluation d’une norme qu’il juge inutile ou trop coûteuse. La publication de ce décret a pris un peu de temps, car son examen par le Conseil d’État, qui a demandé au Gouvernement de revoir sa copie, s’est avéré particulièrement long. Désormais, le maire d’une petite commune peut saisir le CNEN d’une demande de simplification ou d’allégement de normes.
Le CNEN pourra confier son instruction aux services de l’administration de l’État dont la norme est critiquée. C’est une évolution très importante. Nous devons, mesdames, messieurs les sénateurs, la faire connaître aux élus. Comme vous, je participe à de nombreuses cérémonies de vœux dans mon canton. C’est pour moi l’occasion d’indiquer aux élus qu’ils peuvent saisir directement le CNEN de toute norme qu’ils jugent excessive ou trop coûteuse.
Nous pourrions, comme l’a suggéré Alain Lambert…
L’excellent Alain Lambert !
Mme Nathalie Goulet.
… lors de ma dernière venue au CNEN – je participe en effet régulièrement aux travaux de cette instance –, développer les guides de bonne pratique. Nous réglementons trop, de façon trop tatillonne, alors que, sur de nombreux sujets, un référentiel suffirait pour guider l’action des élus. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que nous mettions cela en pratique à titre expérimental sur le fondement d’une réglementation à définir entre nous, en faisant en sorte que la rédaction de ce référentiel, de ce guide de bonnes pratiques se fasse en concertation entre les administrations et les associations d’élus. Beaucoup de sujets sont envisageables ; je pense par exemple aux normes relatives à la qualité des aliments servis dans les cantines ou encore à des réglementations techniques sur les bâtiments notamment sportifs, comme les piscines, les gymnases ou les patinoires. De ce point de vue, j’attends évidemment vos propositions, qui, je n’en doute pas, seront très intéressantes.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Enfin, après avoir évoqué le flux et le stock, je voudrais vous parler de l’application des normes.
L’inquiétude exprimée par les élus locaux, leur mécontentement parfois, voire leur colère, concernent au moins aussi souvent l’application de la norme que la norme elle-même. Cela est notamment le cas dans les petites communes, qui ont peu de moyens techniques et humains et qui ne disposent pas nécessairement des moyens financiers pour adapter leur patrimoine – bâti notamment – ou leurs actions aux normes en vigueur ou aux normes nouvelles. La question est alors moins celle de la norme nationale que celle de son application sur le territoire. Les élus doivent pouvoir trouver auprès des préfectures et des services déconcentrés de l’État les éléments nécessaires à la compréhension des normes applicables ou à l’explication des normes nouvelles. Ils doivent également être accompagnés et conseillés dans la mise en œuvre de ces normes, en particulier si celles-ci entraînent des adaptations complexes ou coûteuses pour la collectivité.
Dans cette perspective, la réforme actuelle de l’administration territoriale de l’État devra permettre d’accompagner les élus mieux encore qu’aujourd’hui. Aussi, lors de mes déplacements hebdomadaires dans les départements, comme celui de M. Pointereau il y a quelques mois, ou en Vendée après-demain ou encore en Lozère la semaine prochaine, j’insiste pour que les préfectures, les sous-préfectures et les services de l’État soient davantage facilitateurs dans la mise en œuvre des normes. Comme cela a été dit précédemment, il faut un véritable changement de culture de l’administration : elle a certes pour mission de veiller à ce que la norme soit correctement appliquée, mais elle doit aussi aider les élus à l’appliquer au mieux et de la façon la plus adaptée et la plus pragmatique.
Voilà pourquoi j’ai suggéré au Premier ministre d’envoyer une instruction aux préfets et aux chefs de services des administrations déconcentrées leur prescrivant une interprétation facilitatrice des normes et l’accompagnement des élus. Cette circulaire est en cours de finalisation et leur sera adressée dans les prochains jours. À ce sujet, je reprends volontiers à mon compte l’expression québécoise d’« accommodement raisonnable ». Bien qu’elle signifie à peu près la même chose, l’expression est plus imagée encore que celle d’« interprétation facilitatrice ».
Pour mieux accompagner les collectivités locales, l’État doit également renforcer son ingénierie au service des collectivités locales, notamment au service de celles qui sont les moins dotées. Aussi la mesure 36 du comité interministériel aux ruralités de Vesoul prévoit-elle l’élaboration d’une directive nationale d’orientation relative à l’ingénierie de l’État dans les territoires. Elle est en cours de concertation interministérielle et devrait être adressée sous peu aux préfets.
Enfin, je voudrais évoquer une autre des formes de simplification administrative mise en place par le Gouvernement, à savoir l’application aux collectivités locales du principe selon lequel « silence vaut acceptation ». Ce n’est certes pas tout à fait l’objet de la proposition de loi constitutionnelle, mais je tiens tout de même à en parler. En effet, cela participe de ce mouvement général de simplification de la vie que nous appelons de nos vœux pour nos concitoyens et pour les élus locaux.
Aux termes de la loi du 12 novembre 2013, le silence gardé par l’administration sur une demande vaut désormais acceptation. Ce principe, qui est applicable depuis le 12 novembre 2014 aux administrations de l’État et à ses établissements publics, l’est également aux collectivités locales depuis le 12 novembre dernier. Il concernera 260 procédures applicables aux collectivités locales, soit environ 70 % des procédures éligibles. Il s’agit là d’une petite révolution silencieuse, qui facilitera toutefois grandement la vie de nos concitoyens comme celle des élus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, l’action du Gouvernement en matière de lutte contre l’inflation normative est résolue, déterminée et quotidienne pour ce qui me concerne.
J’en viens au texte même de la proposition de loi constitutionnelle qui nous réunit aujourd’hui.
Comme cela a été évoqué lors de l’examen du texte en commission, la création d’un mécanisme de gage créerait une charge financière supplémentaire et serait en contradiction avec l’article 40 de la Constitution. En outre, une telle disposition pourrait bloquer de nombreuses initiatives. En effet, comment confier un jour aux régions, à titre expérimental, une compétence en matière d’accompagnement vers l’emploi, sauf à supprimer une compétence régionale de charge équivalente ?
Quant à la disposition sur la surtransposition des textes européens, elle obligerait le Conseil constitutionnel à contrôler le respect du droit de l’Union européenne, remettant ainsi en cause la hiérarchie des normes. J’ajoute que cette disposition dérogerait directement à l’article 44 de la Constitution selon lequel « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement ». Plus largement, il est de la responsabilité du pouvoir politique d’apprécier l’opportunité d’aller au-delà d’une simple transposition d’un texte européen.
Votre commission des lois, comme l’a dit le rapporteur Jean-Pierre Vial, a très profondément modifié les deux articles de la proposition de loi constitutionnelle. Toutefois, de l’impossibilité juridique, nous sommes passés à la déclaration d’intention…
L’article 1
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour faire reculer la prolifération normative, ce que nous souhaitons tous, il est inutile de réviser la Constitution. Privilégions plutôt la volonté, plus précisément la volonté politique, ce dont le Sénat comme le Gouvernement ne manquent pas ! Je souhaite que Sénat et Gouvernement continuent ensemble à œuvrer pour atteindre l’objectif primordial que sont la simplification des normes et l’allégement de leur coût pour les collectivités locales. Voilà pourquoi le Gouvernement considère qu’il n’est pas opportun d’adopter cette proposition de loi constitutionnelle.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président.
Je suis saisi, par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, d'une motion n
M. le président.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales et à encadrer la transposition des directives européennes (n
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. René Vandierendonck, pour la motion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il existe une inflation normative et qu’il faut faire preuve de volontarisme pour la combattre. En effet, l’inflation normative est au cœur des préoccupations des élus locaux.
M. René Vandierendonck.
Élu sénateur en 2011, j’ai rapidement fait le constat lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat que près de 70 % des élus avaient placé les contraintes réglementaires en tête de leurs difficultés. Je pense notamment aux contraintes en matière d’urbanisme, qui feront d’ailleurs l’objet dès demain d’une discussion au Sénat à l’occasion de l’examen d’une proposition de résolution.
La consultation très fine et très minutieuse des élus locaux, à laquelle la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a procédé en 2014, est venue confirmer ce constat.
Nous sommes également tous d’accord sur le fait que toutes les normes ne sont pas infondées, que c’est leur accumulation qui pose problème et que les difficultés que connaissent certaines collectivités locales découlent parfois de la manière dont ces normes sont mises en œuvre sur le terrain, ainsi que notre collègue Rémy Pointereau l’a souligné à juste titre. Parfois, les « accommodements facilitateurs » manquent bel et bien !
Enfin, nous sommes tous d’accord au Sénat pour dire que le traitement du problème ne peut pas être hémiplégique. En effet, de nombreux rapports ont déjà traité cette question, comme le rapport de Claude Belot sur la maladie de la norme en 2010, celui de notre collègue Éric Doligé en 2011 ou encore le fameux rapport élaboré par Alain Lambert…
Excellent !
Mme Nathalie Goulet.
… et Jean-Claude Boulard en 2013, qui décrivait parfaitement le phénomène de sédimentation des normes, comme les différentes couches d’une géologie normative.
M. René Vandierendonck.
Personnellement, je me contenterai de dresser quelques constats.
Le Gouvernement a engagé plusieurs mesures de simplification des normes applicables aux collectivités locales. Un tel chantier était d’autant plus indispensable que, entre 2008 et 2013, la charge brute des normes nouvelles mises à la charge des collectivités territoriales a été estimée à 5,8 milliards d’euros.
Le Gouvernement a donc entrepris un plan d’action tant sur le flux que sur le stock des normes. À cet égard, je souligne que c’est sur l’initiative du Sénat, comme M. le rapporteur a eu l’élégance de le mentionner, et plus particulièrement de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, que « la chenille est devenue papillon » : la Commission consultative d’évaluation des normes est en effet devenue le Conseil national d’évaluation des normes. Ce dernier dispose désormais de pouvoirs renforcés, même s’il est vrai que les conditions de saisine du Conseil écartaient beaucoup d’initiatives des élus jusqu’à présent. En effet, le CNEN ne pouvait être saisi que par un minimum de cent maires. Heureusement, ces modalités de saisine ont été récemment assouplies. Aujourd’hui, il faut donc saluer l’existence de ce CNEN !
Par ailleurs, le Gouvernement a pris une autre décision importante, à savoir le gel des normes. Je rappelle que, en juillet 2010, François Fillon, alors Premier ministre, avait tenté de le mettre en œuvre avec un succès mitigé. Désormais, le gel de normes est entré en vigueur par une circulaire de juillet 2013. On importe dans notre culture gouvernementale le dispositif britannique du «
one-in, one-out
En outre, la circulaire du 9 octobre 2014 prévoit que l’impact financier net des normes nouvelles sur les collectivités soit nul dès le 1
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les douze mesures issues de la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé qui ont été intégrées dans la loi NOTRe, car cela a déjà été évoqué. Je ne reviendrai pas davantage sur les importantes avancées qui ont été annoncées lors du comité interministériel aux ruralités de Vesoul. J’en arrive donc à l’essentiel : faut-il à ce stade réviser la Constitution pour atteindre les objectifs fixés dans la présente proposition de loi constitutionnelle ? À mon sens, cette révision n’est pas nécessaire, et je vais tâcher de vous le montrer.
Figurez-vous que l’action du CNEN ainsi que celle du Secrétariat général du Gouvernement ont fait l’objet d’une analyse attentive de la part de la Cour des comptes. Personne ne l’a évoqué jusqu’ici, mais la Cour des comptes a publié un important rapport sur les finances publiques locales en octobre 2015 qui montre bien ce qu’il reste à améliorer. Dans ce rapport, il est précisé que « l’évaluation de l’impact des textes applicables aux collectivités territoriales relève de deux instances, l’une politique, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dont le secrétariat est assuré par la direction générale des collectivités locales (DGCL), et l’autre, administrative, le Secrétariat général du Gouvernement (SGG), responsable de la mise en œuvre d’un “moratoire” qui ne recouvre qu’une partie des textes réglementaires comportant une dimension normative ».
Par ailleurs, il y est indiqué qu’il reste cependant « difficile d’apprécier de façon globale l’impact des normes sur les finances publiques locales du fait de l’existence de ces deux instances, aux objectifs, champs d’intervention et méthodes de chiffrage distincts, chargées de se prononcer sur l’évaluation des divers coûts et gains induits par les textes ». C’est là-dessus qu’il conviendrait de travailler !
Enfin, on peut y lire que, « si les mêmes fiches d’impact leur sont transmises par les ministères producteurs de normes, le CNEN et le SGG les exploitent de façon différente en fonction de leurs missions respectives » et que, « de surcroît, ces fiches souffrent parfois d’une fiabilité insuffisante ».
La critique émise dans le rapport de la Cour des comptes est constructive, puisqu’elle reconnaît malgré tout les avancées réalisées. Toutefois, mes chers collègues, vous voyez bien que, pour avancer aujourd’hui dans la lutte contre l’inflation normative, il n’est en aucun cas nécessaire de réviser la Constitution.
Une autre préconisation importante de la Cour des comptes consiste à accroître la portée des avis rendus par le Conseil national d’évaluation des normes, en étendant la publicité faite à l’évaluation du coût des normes et en renforçant le suivi, c’est-à-dire la transparence quant aux suites données à ces avis.
Dès lors, monsieur le rapporteur, si je salue sincèrement l’immense travail de réécriture que vous avez réalisé dans un temps restreint sur cette proposition de loi constitutionnelle, je reste sur ma faim, car je ne vois nulle part comment l’évaluation préalable de toute mesure nouvelle ou toute aggravation d’une mesure sur les compétences des collectivités territoriales s’articulera avec la loi organique du 15 avril 2009 établissant le dispositif des études d’impact.
Je me pose aussi d’autres questions. Pourquoi modifier l’article 39 de la Constitution plutôt que l’article 72-2, qui fixe les principes relatifs aux finances locales et aux relations entre l’État et les collectivités ? Le dispositif d’encadrement des transpositions des directives européennes est juridiquement distinct, à mes yeux, de l’objet de l’article 1
Au regard de ces incertitudes, et fidèles à la fameuse phrase que Philippe Bas, président de la commission des lois, avait lancée dans cette enceinte le 17 novembre dernier - « La Constitution est le pacte fondamental qui unit tous les Français. Il n’en est pas de plus élevé. On ne doit la réviser que pour des raisons impérieuses. » -, nous considérons que, pour atteindre les objectifs fixés, que nous partageons, il n’est pas nécessaire de recourir à une révision de la Constitution.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président.
Sans chercher à rouvrir le débat et sans revenir sur les positions qui ont pu être exprimées par les uns et les autres, je formulerai quelques observations. Convenons d’ailleurs que ces positions nous permettent de nous situer dans un « accommodement raisonnable », pour reprendre votre expression, monsieur le secrétaire d’État. En effet, je n’ai entendu aucune véritable opposition dans la présentation qui vient de nous être faite. Sur les chiffres, peut-être, mais, là encore, notre collègue René Vandierendonck a été extrêmement prudent et, effectivement, certains considèrent que les chiffres appellent à la modestie.
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas sur ces points, me semble-t-il, qu’il faut s’opposer. Comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes qu’au début d’un processus et si une expression doit être fédératrice – je n’en ai trouvé aucune tirée du parler canadien -, c’est celle de « démarche culturelle ».
Oui, c’est une démarche culturelle qu’il nous faut engager pour que, par les textes et au-delà, nous accédions à une véritable révolution ! En effet, si notre pays est atteint d’un mal - peut-être le devons-nous d’ailleurs à notre cartésianisme -, c’est bien d’être dans l’incapacité de prévoir une mesure sans passer par une disposition normative. Il est un exemple assez intéressant à cet égard, dont nous avons d’ailleurs largement débattu en commission des lois, même s’il ne représente qu’un aspect du texte soumis à notre examen. Il s’agit de la transposition des directives européennes.
Nous l’avons dit, nous travaillons dans un cadre extrêmement contraint, la norme européenne constituant un plancher en deçà duquel il est impossible d’aller. Le risque, dès lors, est d’aller au-delà. Or ce risque, nous le concrétisons allégrement en France ! Si nous faisons un peu de droit comparé sur des dispositions très pratiques, par exemple en matière économique, que constatons-nous ? Certes, nous sommes un État unitaire et nos voisins sont des États fédéraux, mais force est de constater que les directives ne sont absolument pas intégrées de la même manière chez nous et chez eux. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne procèdent à des transpositions très «
D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’ai été très sensible à la possibilité que vous avez évoquée de voir, demain, peut-être à titre expérimental, les régions disposer de capacités législatives. Chez nos voisins, c’est déjà le cas ! De ce fait, non seulement les directives sont transposées dans une version très légère, mais, en plus, la mise en œuvre bénéficie de toute la souplesse, pour employer une formulation pudique, qu’offrent les régions ou
Voilà un exemple qui montre bien les conséquences de ce souci de bien faire, de cette rigueur qui, malheureusement, dans le temps, a un poids. Pourquoi cette précision, « dans le temps » ? Il a été fait référence aux premiers rapports du Conseil d’État, lequel produit annuellement une évaluation des politiques législatives. Je crois me souvenir d’un conseiller d’État ayant dénoncé l’incertitude créée par « trop de droit ». C’était Mme Françoise Chandernagor, qui est bien connue pour ses écrits. Donc nous parlons de phénomènes anciens.
Dans le cadre de la préparation de ce texte, avec la DGCL, nous avons pu apprécier les efforts réalisés sur le plan réglementaire – vous êtes revenu sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État, et M. René Vandierendonck a également insisté sur ce point dans sa démonstration.
Nous avons été un peu plus discrets sur l’importance de certains textes. Le cas des associations sportives a par exemple été évoqué, et cette difficulté rencontrée par certains maires qui, à la fois, souhaitent voir leur club sportif évoluer vers une division supérieure et appréhendent cette montée pour toutes les contraintes en découlant.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. le président.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous opposons à la motion tendant à opposer la question préalable. Aujourd'hui, il faut pouvoir aller plus loin. La délégation sénatoriale aux entreprises a d’ailleurs déposé un texte dans le même sens et c’est au travers de la loi organique qu’il faudra arrêter les modalités auxquelles nous avons fait, les uns et les autres, référence.
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président.
Je suis bien évidemment favorable à la motion tendant à opposer la question préalable présentée par M. Vandierendonck, mais je souhaite rebondir sur les propos du rapporteur et souligner que, nous aussi, nous devons faire notre révolution.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
On demande à l’administration de changer de pratiques, d’évoluer d’une culture du contrôle à une culture du conseil. Mais nous-mêmes, parlementaires ou membres du Gouvernement, nous sommes les héritiers – c’est un motif de fierté - des jacobins et de Napoléon. Ceux-ci ont non seulement centralisé la France, mais ils ont aussi fait en sorte qu’elle soit administrée exactement de la même façon, du nord au sud et d’est en ouest.
On parle beaucoup de l’Ancien Régime, avec cette fameuse phrase, « l’État, c’est moi », que Louis XIV, paraît-il, n’a jamais prononcée… Sous l’Ancien Régime, nos anciennes provinces étaient administrées de façon très différenciée. Mais, depuis plus de deux siècles maintenant, nous nous employons à ce que la France soit administrée à l’identique, et ce sur tous les endroits du territoire. Il faut évoluer, me semble-t-il…
Pour ma part, j’ai coutume de dire que je suis jacobin de cœur - parce que j’ai été élevé, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’amour de la République une et indivisible - et que je suis devenu girondin par raison, l’évolution actuelle de la société, les réactions de nos concitoyens, mais aussi celles des élus locaux que vous représentez exigeant d’aller vers une gestion différenciée selon les territoires.
Une telle évolution heurte beaucoup de choses en chacun d’entre nous, et ce indépendamment de notre couleur politique. Mais, j’y insiste, il faut aller vers cette gestion différenciée. À cet égard, la loi MAPTAM a instauré la CTAP, la conférence territoriale de l’action publique. Cette instance permettra une organisation différente selon les régions, notamment en termes de répartition des compétences entre collectivités. Cette création, qui est passée presque inaperçue, en tout cas auprès du grand public, pourrait avoir beaucoup d’effets – positifs, je l’espère - dans les années à venir.
Je rejoins donc vos propos, monsieur le rapporteur. En matière d’application de normes, aussi, nous devons pouvoir envisager de ne pas appliquer une même norme strictement à l’identique sur l’ensemble du territoire de la République.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
M. le président.
Le texte de la proposition de loi constitutionnelle, tel qu’amendé par la commission des lois, n’est pas forcément meilleur que la version initiale sur le fond, notamment s’agissant des réponses qu’il entend apporter. Pour reprendre une formule assez traditionnelle, disons que ce texte propose une réponse « inadaptée et incomplète » à deux questions pourtant majeures, soulevées à la fois par son auteur, le rapporteur, le défenseur de la motion et M. le secrétaire d’État.
Mme Cécile Cukierman.
Au problème de l’insuffisance des ressources des collectivités locales, il est opposé une sorte de
Par ailleurs, s’agissant des normes et de ce qu’on appelle l’inflation normative, qui vient d’être évoquée, nous sommes encore en présence d’un mélange plus que discutable d’éléments en définitive fort différents. Certes, la norme peut être contraignante, mais, parce qu’avant de répondre à une préoccupation de centralisme, elle se fonde sur un principe d’égalité de chacun devant la loi, elle est aussi source de protection. Quand on adopte le système métrique dans la France de la fin du XVIII
Pour autant, un devoir d’inventaire s’impose certainement face à cette fuite en avant de la production normative, qui nous a aussi poussés, nous, parlementaires, femmes et hommes politiques, à toujours agir plus, sans forcément évaluer ou modifier l’existant.
Pour conclure, je dirai que la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons tend à accepter tout à la fois le déclin des ressources des collectivités et la réduction de leur implication dans la vie quotidienne des Français. Comme nous y sommes opposés, nous ne pouvons que nous associer à la motion déposée par les membres du groupe socialiste.
Je mets aux voix la motion n
M. le président.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat n'a pas adopté.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Claude Belot, qui présidait voilà quelques années la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avait donné comme titre à un rapport publié en 2011 :
M. Jean-Marie Bockel.
La maladie de la norme
On a cité le rapport d’Éric Doligé, celui d’Alain Lambert – premier président de la délégation à sa création – et de Jean-Claude Boulard sur l’inflation normative. Ce rappel illustre la portée profonde de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd’hui : il s’agit bien de soigner une maladie, une maladie affectant de longue date notre ordonnancement juridique, une maladie profondément inscrite dans les gènes de tout ce que la France compte de créateur de droit, à commencer par nous, le Parlement, qui sommes, avec l’exécutif, monsieur le secrétaire d'État, la source à partir de laquelle s’enclenche le processus cumulatif responsable de cet empilement normatif.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Certaines médications ont été identifiées ; je pense en particulier au rôle du Conseil national d’évaluation des normes, que préside Alain Lambert. Nous avons poussé ses prérogatives aussi loin que possible en adoptant la loi du 17 octobre 2013, sur la proposition de nos collègues Jacqueline Gourault, alors présidente de la délégation, et Jean-Pierre Sueur, alors président de la commission des lois.
M. Jean-Marie Bockel.
C’était nécessaire, mais cela reste insuffisant : pour traiter en profondeur la maladie de la norme, il faut aborder la Constitution, il faut instiller dans l’élaboration de la loi des règles curatives du mal que nous avons à combattre. Quand on compare avec les pays qui nous entourent – je pense en particulier à l’Allemagne, limitrophe du département dont je suis l’élu –, on voit qu’il faut un moment donné renverser la table et prendre des mesures fortes. À défaut, les vieilles habitudes et la maladie reprennent le dessus.
Bien entendu, il faut de l’expérience, et même du tact, pour modifier la Constitution – sujet d’actualité – ; nous en sommes parfaitement conscients. C’est pourquoi nous sommes heureux du travail accompli par la commission des lois sur le texte que nous lui avons proposé, et nous nous félicitons de l’échange fructueux qui a eu lieu avec son rapporteur, Jean-Pierre Vial, qui est aussi membre de notre délégation, pour élaborer le meilleur texte possible. Cette collaboration succède à celle que je viens de rappeler entre Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. On voit que, pour dresser le cadre institutionnel et juridique de la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, il est bon que s’associent, chacune dans son rôle, la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales.
Cette association nous a permis de progresser sur plusieurs axes.
La maladie de la norme se manifeste sous des formes très diverses appelant chacune son propre traitement. Dans le rapport qu’il a consacré l’année dernière à la problématique de la transition énergétique, Rémy Pointereau, premier vice-président de notre délégation chargé de la simplification des normes, s’est attaché à esquisser un début de typologie très utile à cet égard, distinguant six catégories de dispositions qui créaient une aggravation des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.
Cette typologie permet de constater que la simplicité normative se heurte à trois tendances principales bien connues : la tentation de donner à l’idéal politique une traduction juridique aussi ambitieuse et détaillée que possible ; l’indifférence aux conditions financières de mise en œuvre des règles que l’on institue – je caricature un peu – ; la propension à négliger ce que la surcharge rédactionnelle ou procédurale peut représenter du point de vue de l’efficacité.
La modification constitutionnelle à laquelle nous souhaitons aboutir à l’issue de nos échanges avec la commission des lois tend à instaurer des principes modérateurs dans ces trois directions.
Le premier principe est celui de la sobriété normative : il doit dissuader de surcharger les mesures de transposition des textes européens avec des dispositions superfétatoires au regard de nos obligations européennes – d’autres pays européens, cela a été dit, ont une vision et une pratique beaucoup plus sobres en la matière – ; il doit aussi permettre la compensation des normes nouvellement créées par la suppression de normes équivalentes. C’est cette philosophie que chacun doit avoir à l’esprit. Tout à l’heure, René Vandierendonck, même si je n’étais pas d’accord avec ses conclusions, et le secrétaire d’État ont dit des choses assez justes des différents leviers sur lesquels il convient d’agir. Nous n’avons pas le sentiment que cette modification de la Constitution que nous proposons est l’alpha et l’oméga, mais elle doit être un tournant et concrétiser cet engagement.
Le deuxième principe est celui de la responsabilité normative, en vertu duquel le prescripteur, en l’occurrence l’État, doit aussi être le payeur des charges découlant des normes qu’il crée. Des dispositions en ce sens existent déjà à l’article 72–2 de la Constitution ; nous souhaitons les compléter en fonction de l’expérience acquise.
Le troisième principe est celui de la simplicité et de la clarté normative, dont la consécration dans la Constitution encouragera le Conseil constitutionnel à développer sa jurisprudence dans ces domaines. Là aussi, le terrain est déjà relativement défriché, il s’agit de confirmer et d’approfondir.
L’adoption par le Sénat de la proposition de loi constitutionnelle, qui décline ces trois orientations, montrera aux élus locaux, pour qui la simplification normative reste une priorité – ils nous le rappellent chaque semaine avec force –, que nous continuons de progresser.
J’ignore bien sûr quel sera le sort de cette proposition de loi constitutionnelle si, comme je le souhaite, elle est adoptée par le Sénat. J’espère qu’elle prospérera. En tout état de cause, son adoption sera d’ores et déjà un signal très fort, marquera la détermination du Sénat et montrera que la priorité évoquée par le président Larcher et à laquelle nous nous rangeons tous chacun à notre manière n’est pas un vain mot.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, outre ces tragiques événements du point de vue de la sécurité intérieure, la France a connu cet automne une campagne électorale pour les élections régionales au cours de laquelle, manifestement et fort heureusement, quelques candidats et candidates ont dû entendre l’inquiétude et les préoccupations des élus locaux.
Mme Cécile Cukierman.
Cette inquiétude est d’ailleurs parfaitement légitime puisque, au même moment, la majorité du Sénat, malgré l’attitude de nombre de ses membres éminents dès lors qu’ils sont en situation, a concédé au Gouvernement qu’il n’était pas anormal que les collectivités locales participent, par la baisse de leurs dotations, à la réduction des déficits publics par mise en déclin de la dépense publique. Ce qui, de fait, laisse apparaître le caractère d’affichage – hors la très grande approximation du texte original de la proposition de loi, pour ne pas dire plus – du texte qui nous est présenté ce jour.
Car, mes chers collègues, de qui se moque-t-on ? Les difficultés des collectivités locales n’auraient que des raisons exogènes, qui seraient, d’une part, les charges transférées sans compensation réelle et, d’autre part, les normes techniques, juridiques, réglementaires, sanitaires et j’en passe sûrement qui découlent de la transposition de directives européennes protéiformes et proliférantes ?
Question : qui vote ces transferts de charges, sinon, dans la plupart des cas, des majorités qualifiées constituées d’éminents parlementaires ?
M. Rémy Pointereau.
Et qui permet la transposition de directives communautaires, sinon le vote, par les mêmes éminents parlementaires, de textes composés en grande partie de dispositions de pure transposition ?
Mme Cécile Cukierman.
Je ne parle même pas, mes chers collègues, du fait que, parfois, les normes et les directives se trouvent transposées par le truchement d’articles d’habilitation à légiférer par ordonnance présentés, depuis bien des années, au fil des projets de loi dont nous débattons et que, régulièrement, des majorités adoptent.
M. Charles Revet.
On peut se demander s’il y a lieu de modifier une fois encore un texte constitutionnel déjà passablement martyrisé par la pratique d’un peu plus de cinquante ans et dont la mise en œuvre a tout de même abouti à créer un rapport de force politique dont le premier parti est, le plus souvent, celui de la cohorte des abstentionnistes et le second, celui du « vote contre, faute de mieux ».
Mme Cécile Cukierman.
Le texte qui nous est présenté part donc d’un constat relativement juste mais apporte des solutions inadaptées. Plutôt que de corseter l’action publique dans une évaluation le plus souvent strictement comptable, il conviendrait que nous nous interrogions sur ses objectifs, ses finalités, son contenu.
Quelques-uns de ceux qui ont signé le texte mis en discussion ont pourtant voté le transfert du RMI aux départements, sans d’ailleurs se demander si la compensation suivrait ; je crois qu’il serait fastidieux, mes chers collègues, de rappeler ici les votes que vous avez exprimés, notamment entre 2002 et 2012, sur les dotations aux collectivités locales, alors même que vous affirmiez votre attachement à la décentralisation et à l’autonomie financière des collectivités locales. La remarque vaudrait aussi, soit dit en passant, pour ceux qui furent vent debout contre la réforme Sarkozy des collectivités locales et qui ont fini par proposer, en échange, la loi NOTRe et le développement des communes nouvelles comme pis-aller à la réduction des concours budgétaires… Et je ne parle pas d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement dont on sent, confusément, qu’elle tend à faire « table rase du passé », notamment le passé industriel de nombre de villes petites et moyennes de notre pays qui n’ont plus, aujourd’hui, que les sans-emploi laissés sur le carreau par les plans sociaux et les stratégies d’entreprises et de groupes.
La démagogie a ceci de déplaisant, mes chers collègues, qu’elle empêche d’appréhender les voies et moyens conduisant au redressement de situations compromises.
Oui, nous devons revisiter et revivifier l’action publique dans ce pays !
Nous sommes partisans, de longue date, d’une dépense publique adéquate, qu’elle soit menée par les collectivités locales comme par l’État ou la sécurité sociale, tout simplement parce que, par principe, la dépense publique, c’est le salaire de celui qui n’en a pas ou pas beaucoup et c’est l’application la plus évidente du principe d’égalité, élément pivot du pacte républicain. La dépense publique, c’est l’essence et peut-être même la quintessence de notre République. La réduire, c’est affaiblir – je l’ai dit précédemment – le lien entre le citoyen et nos valeurs de fond, et cela conduit parfois à ce que nous constatons depuis plusieurs mois.
Le bien-fondé de notre travail de parlementaire n’est donc pas de nous livrer au petit jeu des équivalences entre dépenses à prendre en charge et dépenses à redonner à d’autres, ni de devenir des comptables au petit pied et à la vue étroite, mais bien plutôt de rendre plus efficace l’allocation de la ressource tirée de l’impôt, c’est-à-dire de répondre aux besoins et aux attentes de nos compatriotes pour ce qui concerne l’éducation, le logement, l’action sociale, la réalisation d’infrastructures, la santé, les transports publics, le sport ou la culture.
À ce stade de la discussion, je ne peux évidemment manquer de rappeler – nous l’avons encore vu cet après-midi – à quel point ceux-là mêmes qui s’affichent contempteurs de la dépense publique deviennent souvent négligents quand il s’agit de s’interroger sur la dépense fiscale et d’en interpeller l’efficacité !
Avant de conclure, je ne peux également oublier de parler quelques instants de la question des normes et directives européennes.
Il n’y a pas de « surtransposition » des directives européennes. Un acte communautaire, fruit de la procédure en vigueur au niveau européen, n’a pas vocation à constituer une sorte de « plafond » législatif ou réglementaire pour chaque droit positif national. Il constitue en réalité un socle commun à l’ensemble des pays membres de l’Union, et il se peut fort bien, dans un domaine donné, que le droit national d’un pays membre propose, sous certains aspects, des garanties supérieures du point de vue des usagers ou des citoyens.
Transposer une directive européenne ne signifie donc pas nous plier à une règle forcément supérieure. En revanche, qu’un certain nombre d’élus soient préoccupés par les « normes » continue de nous interpeller. Le titre de cette proposition de loi surfe sur le ras-le-bol des normes de nombreux élus locaux, que nous entendons fortement dans cette période de vœux.
La norme peut être contraignante, mais la norme peut aussi – elle le doit de fait – signifier la sécurité pour l’usager, la règle commune, appliquant des principes aussi importants que ceux de prévention, précaution, préservation des individus et de notre environnement par exemple. Il faut donc, non pas balayer d’un revers de manche cette question, mais éviter tout amalgame. Certaines normes, nous le savons, sont le fruit de
Or, et j’en terminerai par ce hasard de calendrier, cette colère anti-normes s’accroît au moment où les conséquences de la RGPP se font sentir avec le départ de nombreux fonctionnaires des services déconcentrés de l’État au plus près de nos communes, poussant les élus locaux vers des cabinets coûteux d’assistance, de conseil, d’accompagnement. Enfin, cette colère s’accroît au moment où le gel, puis la baisse de la dotation plongent les élus locaux dans l’incapacité à investir pour répondre aux besoins de femmes et des hommes qui vivent et travaillent sur leurs territoires.
Nous ne voterons évidemment pas cette proposition de loi, qui est, selon nous, un pur affichage politique sans plus-value pour l’intérêt général, objet naturel de la loi.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, outre les éléments développés par notre collègue René Vandierendonck, qui ont conduit notre groupe à déposer la motion tendant à opposer la question préalable qu’il a défendue, cette proposition de loi, si elle présente le mérite d’avoir pour objet de combattre l’aggravation, par diverses lois, des charges pesant sur les collectivités territoriales, s’en tient au coût des normes – qui n’est pas minime et contre lequel le Gouvernement vient d’engager un certain nombre de mesures – et n’aborde pas – elle ne propose donc aucune réponse – l’une des questions les plus prégnantes en termes de transferts de coûts de l’État vers les collectivités, la plus emblématique par les montants concernés, à savoir la question des trois allocations de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et surtout le revenu de solidarité active.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
En effet, le transfert aux départements de l’APA en 2001, de la PCH en 2005 et, cerise sur le gâteau, du RMI en 2004, devenu RSA en 2009, a petit à petit conduit les conseils généraux hier, départementaux aujourd’hui – le problème reste le même –, dans une impasse budgétaire quasiment inextricable tant ils n’ont pas été accompagnés d’une compensation financière juste et pérenne.
Entre 2007 et 2012, les dépenses liées à ces trois prestations ont progressé de 11 milliards d’euros à 15 milliards d’euros – 4 milliards d’euros de plus en cinq ans ! – et, dans le même temps, la situation financière des départements s’est ainsi dégradée de façon spectaculaire avec une épargne nette passant de 7 milliards d’euros en 2007 à 4 milliards d’euros en 2013, des délais de désendettement augmentant de 2,4 à 4,6 années et l’obligation de solliciter de plus en plus le levier fiscal local avec une hausse de 8 % du taux de la taxe d’habitation et de 18 % du taux du foncier bâti, chiffres constatés sur une moyenne nationale.
Ce faisant, c’est la capacité d’action, d’innovation de ces collectivités au service de nos concitoyens, leur capacité d’investissement propre et de soutien aux investissements des communes et des intercommunalités dont elles sont les partenaires privilégiées qui ont été remises en cause, faisant planer de lourdes hypothèques sur tout un tissu économique, associatif, social.
Jusqu’en 2013, les gouvernements successifs sont, hélas ! restés impassibles face aux nombreuses alertes lancées par les exécutifs départementaux de tous bords. La seule avancée, même si elle n’est pas à la hauteur du défi du financement global de la solidarité dans notre pays, a été en 2013 la reconnaissance par le Président François Hollande et son Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, d’une compensation insuffisante de ces trois allocations, et ce à la suite d’un travail partenarial entre l’État et les départements, sous le contrôle d’un conseiller-maître à la Cour de comptes, gage d’objectivité, travail qui a abouti au diagnostic partagé d’un manque avéré de moyens transférés et d’une situation de plus en plus intenable pour les assemblées départementales.
S’ensuivirent les accords de juillet 2013 signés à Matignon, auxquels plusieurs d’entre nous, alors présidents de conseil général, participaient dans leur diversité politique, des accords qui actèrent deux mesures relatives au RSA, problème le plus prégnant et première des urgences. Ces mesures visaient à mieux couvrir les dépenses engagées par les départements en lieu et place de l’État, pour une prestation dont ils n’ont aucun pouvoir de maîtriser les coûts, pas plus que les critères d’attribution. Aussi le gouvernement Ayrault décida-t-il de transférer aux collectivités départementales le produit des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties et leur donna la possibilité d’augmenter le taux de droit commun des droits de mutation à titre onéreux, possibilité dont la plupart se sont saisis ; parallèlement, un fonds de solidarité entre départements fut créé et le principe d’une clause de revoyure également posé, ce qui est essentiel.
Ces dispositions ont permis de stabiliser une situation qui ne cessait de se dégrader avec le refus des gouvernements précédents de reconnaître une « dette » de l’État envers les conseils généraux et donc d’entrer dans des discussions visant à dégager des solutions. Pour autant, stabilisation ne signifie pas amélioration, et, à la suite du renouvellement des assemblées départementales au printemps dernier, une nouvelle négociation est, semble-t-il, engagée avec le gouvernement de Manuel Valls ; on ne peut que s’en féliciter.
Si j’ai développé cet exemple du revenu de solidarité active, ce n’est pas pour dévier du sujet ; c’est parce qu’il est particulièrement emblématique d’une « aggravation par la loi de charges pesant sur une collectivité territoriale » sans qu’elle ait la moindre marge de manœuvre pour influer sur le montant de ces charges.
Mauvaise évaluation dès le départ du coût du transfert, volontairement ou non – je ne fais pas de procès d’intention –, refus des gouvernements pendant plusieurs années de reconnaître l’engrenage mortifère du reste à charge pesant sur les budgets locaux, conjugués à une hausse significative du nombre d’allocataires dans un contexte de crise économique aiguë depuis 2008 et à une augmentation de la prestation pour les allocataires, augmentation légitimement décidée par le Gouvernement mais instaurant une charge supplémentaire pour les finances départementales, sont autant d’éléments qui ont conduit à la situation budgétaire actuelle particulièrement inquiétante.
Cette situation incite aujourd’hui nombre de départements à demander une renationalisation de cette allocation du RSA, proposition qui signe l’échec de ce transfert dans les conditions où il a été réalisé. Au demeurant, cette proposition n’est pas dénuée de sens, tant il n’y a aucune plus-value à ce que le paiement de cette prestation transite par les conseils généraux hier, départementaux aujourd’hui, qui jouent là un simple rôle de guichet, contrairement à l’allocation personnalisée d’autonomie ou à la prestation de compensation du handicap, dont la gestion en proximité permet du cousu main et apporte une véritable plus-value aux allocataires.
Dans ce contexte, mes chers collègues, la proposition de loi débattue ce jour est absolument inopérante. La vraie problématique qui devrait animer nos débats est de savoir comment trouver le moyen d’assurer une vision évolutive lors de tout transfert, intégrant les besoins en ressources humaines pour le gérer, les évolutions du point d’indice, des régimes indemnitaires, etc. On pourrait à cet égard citer le cas des personnels techniciens, ouvriers et de service de l’éducation nationale pour lesquels, par exemple, n’existait pas ou peu de médecine préventive, alors même qu’ils sont au contact permanent d’adolescents, que nombre d’entre eux travaillent à la restauration scolaire où la rigueur sanitaire est de mise, ce qui a obligé départements et régions à recruter des médecins du travail sur fonds propres bien au-delà des tiers ou quart temps transférés.
Dans un autre domaine, la Cour des comptes, dans un rapport de février 2012 sur le transfert des routes nationales aux départements, a estimé à 46 millions d’euros les frais supplémentaires de personnel générés par l’alignement des régimes indemnitaires des anciens agents de l’État sur celui des collectivités territoriales. Parallèlement, ces mêmes collectivités ont dû faire face à de nouvelles dépenses pour remettre à niveau les infrastructures transférées quelque peu laissées à l’abandon jusque-là. Là encore, la Cour des comptes estime à 30 % le surplus de dépenses consacrées depuis 2005 à la remise en état et à l’entretien du réseau routier et des ouvrages d’art transférés.
À l’évidence, le constat honnête du coût d’un transfert ne peut être fait qu’une fois celui-ci effectif, avec un recul d’appréciation qui nécessite d’acter dans la loi des clauses de revoyure obligatoires. Cette culture de la négociation – elle n’est malheureusement pas la coutume en France –, qui semble se dessiner depuis 2013 sur le RSA, devrait devenir la norme dans une République décentralisée assumée.
Dans le même temps, il est impératif que les collectivités aient une réelle visibilité sur les vrais leviers fiscaux à leur disposition et sur les dotations qui leur sont attribuées, y compris lorsque le contexte économique rend inévitable une diminution de celles-ci.
Cette proposition de loi, outre son instabilité juridique et constitutionnelle, n’aborde aucun de ces sujets, pourtant prégnants ; elle serait inopérante et ne servirait qu’à alourdir un arsenal législatif dont l’encombrement nuit souvent à l’efficacité. C’est la raison pour laquelle, en dépit de la bonne volonté de ses auteurs, notre groupe ne la soutiendra pas.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais commencer par me montrer un peu taquin. Nous sommes en effet appelés à débattre de l’inflation normative, de l’inflation des textes ; or je me demande si l’inflation des propositions de loi constitutionnelle entre elle-même dans le champ du présent texte… En effet, il me semble que cette proposition de loi constitutionnelle crée un cadre normatif assez complexe à gérer, et il est certain qu’il constitue une charge supplémentaire, au moins pour l’agenda du Sénat.
M. Ronan Dantec.
La présentation qu’a faite M. Pointereau en ouvrant cette discussion m’a laissé assez sceptique. Finalement, elle revient à mélanger dans la même discussion la question des normes, celle des charges et donc celle des compétences des collectivités. Or ces sujets sont assez différents les uns des autres. À mon sens, les réunir dans un même débat ne permet pas de gagner en clarté. En contrepartie, la réponse apportée par M. le secrétaire d’État s’est révélée assez précise. Chacun l’a compris, les normes constituent un véritable sujet. Aujourd’hui, le CNEN est à l’œuvre, il faut tout simplement qu’il puisse travailler et tirer les conséquences, les enseignements de ses réflexions sans se précipiter.
J’ajoute qu’avec cette proposition de loi constitutionnelle, nous en restons à un propos assez général. Or la question n’est pas celle de la norme en tant que telle. Lorsqu’on discute avec les élus locaux, on constate que le débat se focalise toujours sur un certain nombre de normes précises, que l’on connaît.
Premièrement, j’évoquerai les normes liées à l’accessibilité. Cet exemple peut sembler dérangeant, mais, à mon sens, il a toute sa pertinence. Sur ce front, la France était extrêmement en retard par rapport à d’autres grands pays, notamment les États-Unis. Certes, les normes adoptées constituent des contraintes réelles pour les communes et les aménageurs, mais, sans elles, nous serions encore dans une situation scandaleuse.
Bien sûr, dans un certain nombre de cas, telle ou telle dérogation, telle ou telle souplesse semblent nécessaires. Néanmoins, les associations ne sont absolument pas enclines à étudier les modalités de telles dérogations. Quand de si grands retards ont été accumulés, il est difficile d’adopter des mécanismes dérogatoires. Ces derniers exigent un consensus, de la confiance entre acteurs. Ainsi, derrière la norme, ce sont finalement les blocages de notre pays qui apparaissent en filigrane.
Deuxièmement, je mentionnerai la question environnementale. Cet exemple est évident. Pour certains, peu nombreux dans cet hémicycle, l’environnement et les normes environnementales, ça suffit… Mais, très clairement, sans les normes, notre pays, qui n’est pas en pointe en la matière, continuerait de dégrader son environnement, déjà gravement atteint.
De surcroît, ceux qui sont les premiers à se battre pour la simplification peuvent parfois se retrouver du côté de la norme, lorsque la législation ne leur paraît pas aller dans le bon sens.
Ainsi, j’ai défendu ici même, et à plusieurs reprises, des amendements tendant à simplifier et à réduire les normes en vigueur, notamment pour le développement de l’éolien. J’ai été surpris de la créativité dont a fait preuve la Haute Assemblée pour créer encore des normes supplémentaires !
Troisièmement et enfin, je citerai brièvement le code des marchés publics. Les normes qu’il contient ralentissent quelque peu l’action publique locale. Elles n’en étaient pas moins nécessaires. En la matière, on a connu trop de difficultés au cours des périodes précédentes pour ne pas adopter des dispositions extrêmement précises permettant d’éviter les suspicions, en particulier de conflits d’intérêts.
Si j’ai pris ces trois exemples, c’est parce que, loin d’être théorique, ce débat est lié à des sujets politiques. Au total, mettre toutes les normes dans le même panier, cela n’aurait guère de sens.
Voilà pourquoi, au commencement de cette discussion, j’étais quelque peu sceptique. Toutefois, je vous l’avoue, c’est avec plaisir que j’ai entendu l’ouverture énoncée par Jean-Pierre Vial et confirmée par M. le secrétaire d’État : derrière ce débat, figure l’enjeu de l’organisation et de la culture administratives françaises. C’est clairement le cas !
Jean-Pierre Vial l’a bien expliqué : si, aujourd’hui, l’Allemagne est à même d’avancer dans ce domaine, c’est parce qu’elle dispose d’un système beaucoup plus décentralisé, laissant aux territoires une bien plus grande capacité d’adaptation en fonction de leurs spécificités. À cet égard, M. le secrétaire d’État a évoqué une « gestion différenciée ». Je me suis demandé s’il irait jusqu’à parler de « décentralisation différenciée » ou de « régionalisation différenciée ». En tout cas, on l’observe clairement, il existe un lien entre ces enjeux.
On ne peut pas, d’une part, rester dans le cadre idéologique de l’ancienne culture jacobine et, de l’autre, déplorer l’inflation des normes. Dans une société de plus en plus complexe, les deux phénomènes se conjuguent ! C’est donc bien par la souplesse, en reconnaissant les spécificités des territoires, que l’on pourra réduire la part des normes, en améliorant leur adaptation.
Si ce débat nous permet d’émettre cette critique quant à ce jacobinisme, qui, je le précise, n’a jamais été ma culture de cœur, nous aurons effectivement fait œuvre utile ce soir. Je ne sais si telle était la volonté initiale des auteurs de cette proposition de loi… En tout cas, pour éviter l’inflation normative, il faut renforcer la capacité des territoires à adapter au mieux les normes à leur spécificité. À ce titre, ce débat est plutôt positif, même s’il n’est pas pour autant nécessaire d’adopter cette proposition de loi. En tout cas, les membres du groupe écologiste ne la voteront pas.
La parole est à M. Michel Amiel.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la présente proposition de loi constitutionnelle, déposée par nos collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, MM. Pointereau et Bockel, vise un objectif important et sérieux pour les représentants des territoires que nous sommes. Cette ambition est simple : lutter contre l’inflation normative, fléau de notre pays qui pèse lourdement sur la gestion de nos collectivités. L’avenir de ces dernières est précaire et ne saurait trouver grâce à l’aune d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement, laquelle est reportée à l’année prochaine.
M. Michel Amiel.
Les difficultés de financement et de gestion de nos collectivités ne sont plus un secret pour grand monde. L’AMF estime que le corpus pesant sur les élus locaux comprend quelque 400 000 normes.
Les collectivités s’inquiètent des ressources mises à leur disposition en dépit de l’alinéa 4 de l’article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »
Certes, il serait sûrement injuste de croire que la multiplication des normes est nécessairement néfaste. Toutefois, simplification et clarification vont souvent de pair. Comme le précise le rapport, dont je tiens à saluer la qualité, relatif au présent texte, c’est la « complexité inutile » qu’il s’agit de combattre.
Ces normes ont des origines multiples : le pouvoir réglementaire de l’État, des collectivités territoriales ou du législateur, le pouvoir normatif d’autorités administratives indépendantes, d’organismes de droit privé, mais aussi, bien sûr, la législation européenne.
De l’adoption, en 2010, d’un premier moratoire sur la création normative, à la mise en place de la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, devenue le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, puis d’un second moratoire, plus général celui-ci, sur le gel de la réglementation, les gouvernants se sont souvent intéressés à l’aspect quantitatif de la création normative. Néanmoins, mieux vaudrait se pencher sur la qualité et les conséquences des normes que sur le seul nombre.
En tant que sénateur et élu local, il m’apparaît bien plus pertinent de vouloir réguler l’inflation normative quant aux conséquences juridiques et financières de tout nouveau projet. En ce sens, une circulaire du Premier ministre a été publiée le 9 octobre 2014. Elle impose que toute charge financière « liée à l’impact d’une loi ou d’une réglementation nouvelle [soit] compensée par une simplification ou un allégement d’un montant équivalent, de sorte que l’impact financier net des normes nouvelles sur les collectivités soit nul ».
Le CNEN, dont les méthodes de saisine sont loin d’être incitatives et devraient être redéfinies par décret, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, est également chargé de l’examen de cet impact technique et financier. Cependant, la direction générale des collectivités locales a dressé le constat suivant : c’est moins le coût des normes que leur caractère inadapté qui a conduit à des avis négatifs de la part de ce Conseil.
La rédaction initiale ne concerne que les projets et propositions de loi. Elle laisse fermée la possibilité d’une création normative supplémentaire pouvant servir l’intérêt général et prévoyant la suppression de normes ou contraintes équivalentes qui, dans les faits, peuvent ne pas exister.
L’initiative parlementaire ne saurait souffrir une restriction supplémentaire : l’article 40 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel affirment le caractère absolu de l’interdiction de créer ou d’aggraver une charge publique par le biais d’une initiative parlementaire.
Pour ce qui concerne l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle relative aux délais de transposition des directives communautaires, je me permets de rappeler que le principe même de la directive de droit européen est de laisser libres les États membres « quant à la forme et aux moyens » mis en place pour atteindre les objectifs de la directive.
Le fait de chercher à limiter la transposition paraît donc contradictoire avec le principe même de cette directive. D’ailleurs, M. le rapporteur exprime cette position très clairement : « Il relève de la responsabilité du pouvoir politique d’apprécier l’opportunité d’aller au-delà d’une simple transposition. »
Ainsi, la version de ce texte adoptée par la commission en décembre dernier semble prendre en compte au mieux les exigences juridiques et pratiques liées à l’objectif de mieux contrôler la multiplication des normes et leurs conséquences pour les collectivités territoriales. Son article 1
Reste la question de l’opportunité d’inscrire ces dispositions dans la Constitution.
Les débats en commission ont énoncé la possibilité d’adopter une loi organique contenant les mêmes éléments. Dès lors, pourquoi convoquer la Constitution, alors qu’une simple loi organique suffirait ?
M. René Vandierendonck.
Pourquoi ne pas insister davantage sur un meilleur respect des articles de la Constitution relatifs aux collectivités territoriales ?
M. Michel Amiel.
Aussi, une majorité du groupe du RDSE ne votera pas ce texte. À titre personnel, je voterai contre.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
La parole est à M. Éric Doligé.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qui mieux que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, connaît la situation financière, particulièrement dégradée, de ces mêmes collectivités ? Qui est mieux à même de tenter de répondre à leurs inquiétudes ?
M. Éric Doligé.
Depuis des mois, nous ne cessons de lancer l’alerte sur la dégradation continue des équilibres financiers de nos collectivités, à tous les niveaux. Nous nous donnons beaucoup de mal pour expliquer au Gouvernement, loi après loi, que l’État leur impose des charges nouvelles sans assurer les compensations nécessaires. Or ces charges viennent se télescoper avec les normes, qui pèsent de plus en plus lourd. Elles deviennent financièrement encore plus insupportables.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de citer quelques-uns des propos que vous avez tenus devant le CNEN le 17 décembre 2015.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Je suis en relative adéquation avec votre analyse. Malheureusement, elle ne correspond pas tout à fait à la réalité du quotidien.
M. Éric Doligé.
Vous avez déclaré : « Si la norme n’est pas en elle-même à combattre, […] l’inflation normative asphyxie l’action publique et freine les initiatives locales. Les élus locaux réclament une simplification, et ils ont raison. »
Vous avez poursuivi en disant : « Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le Gouvernement a engagé une action résolue sur la maîtrise des normes applicables aux collectivités locales ».
Je vais vous donner quelques exemples qui montrent à quel point la norme et la réglementation mettent en difficulté nos collectivités.
La loi ALUR devait apporter de la souplesse et permettre de développer le logement, dans un monde idéal. Or chacun sait ce qu’il en a été pour le secteur de la construction et connaît l’effet désastreux sur les finances des collectivités.
Le Gouvernement a dû faire marche arrière, mais n’a en aucun cas compensé les charges nouvelles qu’il avait créées. Il reste bien des scories que les collectivités doivent encore supporter.
Le nombre de logements sociaux par rapport à la population correspond-il à une norme ou à une règle ? Quelle est la frontière entre ces deux notions ? Lorsque l’on connaît les normes en vigueur dans le secteur du bâtiment, l’on comprend le poids cumulé qu’elles représentent !
La décision de l’État de se désengager des permis de construire et d’en confier la compétence et les coûts aux intercommunalités est encore un exemple de transfert de charge sans qu’y aient été adjointes les compensations financières. Des règles nouvelles ont été établies, avec un mélange de normes techniques que doivent appliquer les collectivités.
La loi NOTRe, au lieu de simplifier l’organisation territoriale, a conduit à créer de nouvelles structures et à épaissir le millefeuille territorial.
La transformation des départements, le passage au conseil départemental et l’instauration des binômes ont produit de nouvelles charges en instaurant de nouvelles normes.
La mise en place des nouveaux rythmes scolaires a été à l’origine de dépenses nouvelles associées à une multitude de normes applicables, changeant au gré des règlements.
Parfaitement !
Mme Catherine Troendlé.
Un encadrement pour huit, dix ou douze enfants en fonction de leur âge correspond-il à une norme ou à une règle ?
M. Éric Doligé.
L’analyse des normes nouvelles applicables aux collectivités locales chaque année montre un surcoût, même s’il va en se réduisant.
Nous ne sommes pas d’accord avec vous sur le chiffrage, monsieur le secrétaire d'État, car vous semblez très optimiste. Le 17 décembre 2015, vous affirmiez ainsi : « l’objectif de zéro charge nouvelle, fixé par la circulaire, semble tenu. C’est la tendance qu’il faut regarder. Elle indique une réelle diminution du poids financier des normes nouvelles sur les collectivités locales. » Il ne me semble pas qu’un seul élu ait sérieusement ressenti cette inflexion. Peut-être n’avons-nous pas le même baromètre, ou sommes-nous soumis à des normes anciennes qui trouvent progressivement leur application…
Un secteur dans lequel les normes sont ravageuses mérite d’être cité : les outre-mer, qui subissent l’application de normes totalement inadaptées à leur réalité. Nous agissons à l’égard de ces territoires comme s’ils se trouvaient à quelques encablures de la métropole. Ils sont clairement plombés par la surnormalisation française et européenne. La délégation à l’outre-mer du Sénat engagera très prochainement un travail approfondi sur le sujet.
Je citerai un dernier exemple : lors de vœux récents aux sapeurs-pompiers, le directeur, en me montrant la dernière grande échelle acquise, m’en a annoncé le coût – 630 000 euros – et précisé que la précédente, acquise peu d’années auparavant, avait coûté 300 000 euros ; la différence s’explique par l’application de normes nouvelles. Il a conclu que, entre trop et trop peu, il doit exister une juste moyenne !
Ces quelques exemples montrent, s’il en était besoin, la nécessité de mettre en œuvre le texte proposé par Rémy Pointereau dans la continuité des travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Dès 2012, dans un rapport, j’ai préconisé de travailler sur le flux et le stock de normes et de cesser d’en produire. La surenchère normative, dont la France a la triste spécialité, crée en effet des surcoûts qui grèvent la compétitivité et conduisent nécessairement au chômage.
Monsieur le secrétaire d'État, comme moi, vous avez la conviction que le stock et le flux doivent être nos deux préoccupations majeures et vous l’avez exprimé. Vous avez évoqué un objectif concernant le flux et une volonté portant sur le stock et l’avez démontré en engageant deux vagues de simplifications.
Dans la loi NOTRe, vous avez intégré douze mesures de simplification. Pourtant, comme je l’ai dit précédemment, le bilan de ce texte va se solder par plus de complexité, résultant de règles, de normes ou de contraintes nouvelles.
De même, le 14 septembre 2015, vous avez annoncé dix-huit simplifications. C’est une avancée très positive, mais elle ne compense pas les contraintes imposées dans d’autres domaines.
Les grands principes à appliquer sont simples. Il faut limiter les normes aux normes européennes. Plus une seule norme française ne doit être supérieure à la norme applicable en Europe, conformément au principe de la non-surtransposition.
Il est impératif d’engager un travail sur la simplification des normes. Il faut élaguer toutes les normes obsolètes et inutiles. Vous commencez à le faire.
Un moratoire doit être appliqué pendant au moins une année, durant laquelle on ne créera plus la moindre norme.
Le choc de simplification annoncé par le Président de la République en 2012 est malheureusement balbutiant, peut-être en raison de la complexité du sujet !
La proposition de loi présentée ce jour répond à cette nécessité d’allégement des charges normatives. Je forme le vœu que, dans l’intérêt général, l’on dépasse le débat politicien.
Je me permets maintenant de rappeler que la finalité de cette proposition de loi est claire et n’est pas neutre pour l’État. Il y est formellement indiqué que celui-ci devra assumer la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales. Autrement dit, lorsque l’État créera une nouvelle charge, il devra impérativement la compenser.
C’est, probablement, le meilleur frein à la boulimie de création de normes, de règles, de contraintes qui présentent toutes un coût financier pour les collectivités, mais aussi, par ricochet, pour les entreprises et les citoyens.
Cette proposition de loi répond à nos attentes et je souhaite que nous la votions tous.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je vous souhaite une très bonne année et une bonne santé. Il vous en faudra afin de freiner la boulimie normative administrative !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la volonté constante du Sénat de combattre l’inflation des normes qui entrave le dynamisme et l’esprit d’entreprise des collectivités et de leurs élus.
M. Dominique de Legge.
Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, en tant qu’élu local, à avoir fait l’expérience de normes kafkaïennes et affronté des contraintes pénalisantes et coûteuses, dont certaines nous semblaient décalées, excessives, voire inutiles. L’Association des maires de France, ou AMF, évalue ce zèle normatif de l’État, des instances européennes, ou encore d’organismes publics ou privés, comme les fédérations sportives, à 400 000 normes représentant un coût de plus de 700 millions d’euros pour la seule année 2015.
L’initiative qui nous rassemble ce soir contribuera à atteindre l’objectif recherché en fixant un garde-fou constitutionnel. Pour autant, mes chers collègues, reconnaissons que cette proposition de loi constitutionnelle de réglera pas à elle seule tous les problèmes, si elle ne s’accompagne pas d’une volonté politique. C’est pourquoi je souhaite insister sur deux impératifs, préalable à une diminution de l’emprise des normes.
Il faut tout d’abord, au-delà de l’importante question des coûts, substituer à l’obligation de moyens une obligation de résultat, en se posant la question suivante : voulons-nous contrôler les moindres détails du fonctionnement des collectivités locales ou permettre à celles-ci d’atteindre les objectifs et les réalisations que commande l’intérêt général ? En d’autres termes, ne faut-il pas faire preuve de pragmatisme et privilégier le but plutôt que le chemin pour y parvenir ?
Reconnaissons qu’il y a une certaine bonne conscience collective à prétendre, au nom de l’égalité de traitement, du principe de protection, de précaution, et d’autres bonnes intentions, tout prévoir et tout anticiper. Les moyens prennent le pas sur la finalité, au risque de faire perdre de vue les objectifs. Les bonnes intentions des Grenelle de l’environnement et de la loi ALUR, dans lesquelles le formalisme l’a emporté sur le fond, se sont traduites parfois par une incapacité à agir, quand elles n’ont pas simplement dissuadé les acteurs.
Il est nécessaire, ensuite, de proportionner les normes aux enjeux et aux effets escomptés au regard des moyens à déployer. Éric Doligé a amplement développé ce point. Ainsi, peut-on demander à une commune de 300 habitants le même niveau d’investissement – tenant compte de l’amortissement – qu’à celles qui en comptent 10 000 ou 100 000 ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que durant vos nombreux déplacements dans les départements, vous insistiez pour que les services de l’État fassent preuve de bonne volonté, d’intelligence et substituent une culture du conseil à une culture du contrôle.
Je vous invite à vous rendre dans le département d’Ille-et-Vilaine et je vais vous soumettre un cas très concret qui illustre parfaitement cette absence de proportionnalité et les difficultés face auxquelles nous nous trouvons.
Les communes de la baie du Mont-Saint-Michel ont dû se conformer à de nombreuses prescriptions, à la suite de la tempête Xynthia, dont certaines se sont avérées aussi injustifiées qu’inutiles, tant les problématiques du littoral atlantique et de la Manche sont différentes.
La baie n’est pas soumise aux mêmes risques que l’océan et une application tatillonne et sans discernement du plan de prévention des risques de submersion marine conduit à des aberrations. Vous conviendrez qu’il est difficile de demander aux habitants la suppression des chambres à coucher situées en rez-de-chaussée lorsque les maisons n’ont pas d’étage ! De surcroît, si les habitants demandent un permis de construire afin de se mettre en conformité avec ce plan, ce permis leur est refusé, car il serait contraire à la loi Littoral et à la protection des sites classés !
Chaque prescripteur campe sur ses positions, plus préoccupé de faire appliquer sa part de réglementation que de trouver une solution. En fin de compte, c’est un paradoxe, ce plan de prévention, censé prémunir les communes d’un danger naturel, les condamne, en raison non pas d’un risque naturel, mais d’une inflation normative contradictoire.
Pour conclure, je constate que, une fois de plus, c’est la culture de la quantité et du nombre qui l’emporte sur celle de la qualité et que l’initiative locale a peu de place.
Il me semble urgent de faire preuve de modestie et de pragmatisme. À l’heure où l’organisation territoriale de notre pays connaît une profonde mutation, peut-on formuler le vœu qu’à un échelon donné – pourquoi pas la région ? – un pouvoir d’adaptation soit conféré à ces nouvelles entités, afin de leur permettre de s’adapter aux préoccupations du terrain ?
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte historique de baisse des dotations accordées aux collectivités, cette proposition de loi constitutionnelle, de Rémy Pointereau, issue du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, est bienvenue ! Composée de deux articles, elle me paraît tout à fait justifiée et légitime.
M. Bernard Fournier.
Aujourd’hui, dans nos départements et dans nos régions, la plupart des élus sont tout à fait conscients que les collectivités sont à un tournant.
L’effet de ciseau des réformes territoriales et la chute des ressources vont modifier profondément nos territoires dans les prochaines années. L’AMF, et l’AMRF, l’Association des maires ruraux de France, ont plusieurs fois lancé des cris d’alarme pour critiquer les conséquences néfastes de la baisse des dotations non seulement pour les collectivités, mais aussi pour l’ensemble des investissements publics.
La diminution des dotations de 1,5 milliard d’euros en 2014 et de 3,67 milliards en 2015 ainsi que la baisse programmée de 3,67 milliards en 2016 et 2017 priveront au total les collectivités locales de 28 milliards d’euros entre 2012 et 2017.
En tant qu’élus locaux, nous avons tous été témoins ces dernières années de transferts de charges imposés, dont les compensations étaient insuffisantes. Nous avons tous en tête, dans cette assemblée, l’exemple du coût du RSA qui explose dans nos départements, en comparaison avec la baisse du taux de compensation par l’État entre 2009 et 2014, ou celui des rythmes scolaires, pour lesquels les débats sur les compensations financières n’en finissent plus entre l’État et les communes. Sur le terrain, nous constatons pourtant tous un décalage entre le coût réel pour les communes de la mise en œuvre de la réforme et l’aide accordée par l’État à travers le fonds de soutien.
Par ailleurs, à ce moment de la discussion, je ne peux m’empêcher de me poser des questions sur l’article 72-2 de la Constitution, lequel dispose : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »
Nous constatons, dans tous les cas, que se pose de façon récurrente la question de la réactualisation des évaluations initiales effectuées par l’État.
D’un autre côté, nous faisons face à cette inflation normative qui n’en finit pas, dans tous les domaines, dans tous les secteurs – l’environnement, l’urbanisme, le sport, etc. –, dont nous parlons depuis maintenant vingt-cinq ans sans parvenir à la limiter, bien au contraire !
La volonté de s’attaquer à cette question fondamentale est présente sur toutes les travées de la Haute Assemblée, les initiatives législatives se multiplient, les outils de lutte contre l’étouffement normatif se mettent en place. Nous devons continuer, persévérer et nous finirons par obtenir des résultats.
La deuxième partie de la proposition de loi constitutionnelle relative aux directives européennes apparaît dictée tout simplement par le bon sens. Les dispositions de ces textes sont déjà parfois difficiles à transposer et Rémy Pointereau pointe du doigt le fait qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter et d’aller au-delà des exigences définies par le législateur européen, sous peine d’alourdir les contraintes et les charges des collectivités territoriales.
Ainsi, le présent texte a le grand mérite de remettre à l’ordre du jour de la Haute Assemblée des questions devenues plus primordiales encore pour nos collectivités qu’elles ne l’étaient à l’époque.
Dans le contexte économique et institutionnel que connaît la France, il y a aujourd’hui urgence à trouver des réponses adaptées, applicables et efficaces rapidement sur ces deux points. Il y va de la pérennité de certaines de nos collectivités, qui, vous en conviendrez tous, mes chers collègues, se retrouvent parfois dans des situations financières intenables à moyen ou long terme.
En conséquence, je voterai cette proposition de loi de Rémy Pointereau, ainsi que les amendements visant à améliorer sa rédaction.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
La discussion générale est close.
M. le président.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Après l’article 39 de la Constitution, il est inséré un article 39-1 ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues par une loi organique, toute mesure nouvelle ou toute aggravation d’une mesure portant sur les compétences ou obligations incombant aux collectivités territoriales fait l’objet d’une évaluation préalable. »
La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l'article.
M. le président.
Depuis maintenant plus de sept ans que je siège sur ces travées, c’est quasiment à chaque session parlementaire que la problématique des charges et des normes insupportables pour les collectivités territoriales est dénoncée. Nous l’avons constaté encore ce soir.
M. Antoine Lefèvre.
En effet, à toutes les normes qui nous viennent de l’Europe s’ajoutent celles que nous nous auto-imposons, si je puis dire, et auxquelles nous semblons avoir particulièrement goût, que ce soit en matière de sécurité, dans le domaine sportif, de l’accessibilité, de l’urbanisme, ou encore dans le domaine sanitaire, social, écologique, environnemental. Nos quelque 400 000 normes constituent un véritable inventaire à la Prévert, pas toujours très poétique, il faut bien en convenir, source de dépenses superfétatoires, mais aussi de nombreux contentieux.
Parce que le Sénat reçoit de l’article 24 de la Constitution la mission spécifique d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, il est temps pour notre assemblée de répondre à l’attente des élus. Il n’est donc que temps que le Sénat soit un acteur constitutionnel, et que nos collègues de l’opposition sénatoriale dérogent à cette fameuse discipline de vote qui apparaît contreproductive pour nos collectivités. La présentation de la motion tendant à opposer la question préalable par René Vandierendonck est à mon sens une illustration assez pénible de cet attentisme permanent sur des décisions à prendre, alors que le constat est partagé par tous depuis trop longtemps.
L’article 1
À l’heure des restrictions budgétaires drastiques auxquelles nos collectivités doivent survivre en tâchant de faire toujours mieux avec de moins en moins, je vous enjoins, mes chers collègues, à considérer positivement cet article en ce qu’il inscrit notre volonté d’avancer sur ce dossier récurrent. Je compte sur vous tous !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
L'amendement n
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à M. René Vandierendonck.
Il est défendu !
M. René Vandierendonck.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Défavorable !
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Favorable !
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Toute mesure législative ou réglementaire ayant pour effet de créer ou d’aggraver une charge pour les collectivités territoriales fait l’objet d’une évaluation préalable et est assortie de la suppression de mesures représentant une charge équivalente ou d’une compensation financière, dans les conditions prévues par une loi organique. »
La parole est à M. Rémy Pointereau.
Le présent amendement vise à inscrire dans la Constitution l’obligation pour l’État de compenser aux collectivités territoriales les conséquences financières des normes nouvelles, législatives ou réglementaires, qui leur sont applicables.
M. Rémy Pointereau.
Très bien !
M. Charles Revet.
Cette compensation pourrait s’effectuer selon deux modalités : la suppression de mesures représentant une charge équivalente ou l’attribution de ressources financières.
M. Rémy Pointereau.
En définitive, le dispositif proposé permettrait l’application du principe prescripteur-payeur à toute norme coûteuse prise dans l’un des domaines de compétences existantes des collectivités territoriales.
Puisqu’il me reste du temps, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous faire part, à titre d’exemple, du courrier que j’ai reçu de M. le maire et président de la métropole de Châteauroux. À la suite d’une révision du règlement de la Ligue de football professionnel, ce dernier avait mis en place en 2011 un terrain de jeu synthétique pour un montant de 900 000 euros. La Fédération française de football s’était réjouie de cet investissement exceptionnel. Or une modification récente de l’article 117 du règlement précité interdit le déroulement de matchs de football sur les terrains synthétiques pour les Ligues 1 et 2 à compter de la saison 2018-2019. Vous le pensez bien, M. le maire de Châteauroux est très satisfait de cette nouvelle norme !
Voilà un exemple concret des sujets que traitent les collectivités locales, qui n’en peuvent plus de se mettre aux normes de toutes les fédérations françaises sportives.
Nous avons donc travaillé à cette proposition de loi constitutionnelle afin que le principe de compensation des charges applicables aux collectivités territoriales soit inscrit dans la Constitution, tout comme le principe de précaution.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Favorable !
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Défavorable !
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. le président.
Je ne suis pas intervenu dans la discussion générale, mais nous avons largement débattu de cette proposition de loi au sein de la commission des lois, dont je fais partie.
M. Alain Vasselle.
Cela étant, je me réjouis du dépôt de cet amendement par Rémy Pointereau, et je l’aurais cosigné si j’en avais eu l’occasion, parce qu’il tend à introduire une disposition qui ne figurait pas initialement dans le texte examiné par la commission des lois : celui-ci se contentait de faire référence à l’évaluation nécessaire de nouvelles normes qui seraient introduites à travers un texte législatif. Or si nous nous étions contentés de ces dispositions, cela aurait été à mon sens un coup d’épée dans l’eau.
Mes chers collègues, je rappelle que tout texte de loi doit dorénavant être accompagné d’une étude d’impact. Or, et c’est une difficulté que nous rencontrons aujourd’hui, le Conseil constitutionnel, lorsqu’il examine les textes, s’intéresse peu au contenu de ces études d’impact, pourtant essentielles. Ce sont elles qui permettent d’apprécier la pertinence d’un texte, mais également sa faisabilité lors de son application sur le terrain, dans nos collectivités, nos territoires.
Dans le contexte particulièrement difficile que nous connaissons actuellement, le problème de l’évolution des normes et du poids des charges qu’elles représentent pour nos collectivités nous appelle inévitablement à nous poser la question de savoir si les nouvelles normes ou les nouveaux textes de loi adoptés qui entraînent des charges nouvelles pour nos collectivités font l’objet d’une compensation.
Les exemples sont multiples – je ne les citerai pas – : on a constaté au fil du temps que l’on a transféré du niveau de l’État ou par le biais de normes des charges nouvelles sans qu’aucune compensation financière ait été consentie. Il est un peu facile ensuite de dénoncer la progression trop forte de notre fiscalité et le poids des dépenses de nos collectivités !
Tout à fait !
M. Antoine Lefèvre.
À travers cet amendement, M. Pointereau fait donc œuvre utile. Je me réjouis que la commission ait émis un avis favorable sur cet amendement, que j’invite la Haute Assemblée à approuver très majoritairement, voire unanimement !
M. Alain Vasselle.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 1
M. le président.
(L'article 1
est adopté.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 1
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « ou entre collectivités territoriales » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « déterminées par la loi » sont remplacés par les mots : « équivalentes à leur montant estimé » ;
3° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations ou extensions de compétences font l’objet d’une réévaluation régulière. Les modalités de mise en œuvre du présent alinéa sont fixées par une loi organique. »
La parole est à M. le rapporteur.
Le présent amendement vise à modifier l’article 72-2 de la Constitution, afin d’y introduire deux dispositions.
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur.
Il s’agit, d’une part, d’élargir le principe d’une compensation pour le transfert d’une compétence entre collectivités territoriales, même si la loi NOTRe a adapté les principes déjà prévus pour le transfert d’une compétence entre l’État et les collectivités territoriales à ce cas d’espèce.
Il s’agit, d’autre part, d’introduire le principe d’une réévaluation régulière de la compensation des transferts, créations et extensions de compétences. En effet, si la compensation obéit à des règles précises, elle s’avère souvent déconnectée, dans les années suivant le transfert, des charges effectivement supportées par les collectivités territoriales, comme en témoignent les compétences sociales des départements. Ainsi, en prévoyant le principe d’une réévaluation régulière définie par une loi organique, chaque collectivité territoriale bénéficiera de ressources de compensation qui lui permettront d’exercer les compétences qui lui sont transférées, étendues ou créées.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Défavorable !
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. le président.
Je soutiens la proposition de M. le rapporteur.
M. Marc Laménie.
L’enjeu financier lié au poids des normes a déjà été largement souligné. Il faut mesurer aussi que la multitude des normes et des contraintes financières auxquelles les collectivités territoriales sont soumises, sans forcément percevoir les compensations nécessaires, est une source de tracas quotidiens pour les élus de base.
La confiance est essentielle dans les relations entre les autorités publiques, surtout à l’heure où l’on parle beaucoup de transparence, de bonne information et de bonne communication. En vérité, il faut un partenariat de confiance entre l’État et l’ensemble des collectivités territoriales !
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi constitutionnelle, après l’article 1
M. le président.
Après l’article 88-7 de la Constitution, il est inséré un article 88-8 ainsi rédigé :
L’amendement n
M. le président.
Supprimer cet article.
La parole est à M. René Vandierendonck.
Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. René Vandierendonck.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Défavorable.
M. Jean-Pierre Vial,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Favorable.
M. André Vallini,
secrétaire d'État.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 2.
M. le président.
(L'article 2 est adopté.)
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. le président.
Je remercie les membres de la commission des lois et tous mes collègues qui s’apprêtent à voter cette proposition de loi constitutionnelle.
M. Rémy Pointereau.
Monsieur Vandierendonck, vous avez affirmé, en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, que ce texte avait été conçu dans l’improvisation, ce dont témoignerait sa réécriture complète par la commission des lois, et qu’il ne répondait pas à l’objectif recherché. Reconnaissez que, pour une improvisation, le résultat n’est pas si mauvais !
En effet !
Mme Catherine Troendlé.
J’ajoute que votre propos n’était pas très aimable pour vos collègues auteurs de la proposition de loi constitutionnelle. Je ne vous en estime pas moins, mais je constate que, d’habitude, vous êtes beaucoup plus élégant et modéré !
M. Rémy Pointereau.
Personne ne demande plus la parole ?…
M. le président.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales et à encadrer la transposition des directives européennes.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
M. le président.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
M. le président.
Le Sénat a adopté.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
M. le président.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 janvier 2016 :
M. le président.
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l’urbanisme et à la construction présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n
Proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française (n
Rapport de M. Claude Kern, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Résultat des travaux de la commission (n
De vingt et une heures à une heure :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée (n
Rapport de Mme Anne Emery-Dumas, fait au nom de la commission des affaires sociales (n
Texte de la commission (n
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (n
Rapport de Mme Chantal Jouanno, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n
Texte de la commission (n
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)
M. Antoine Lefèvre
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Or, il apparaît que les services de la caisse nationale ont déjà repris, au mois de janvier 2015, 30 % du montant des investissements votés par le conseil d’administration en 2014 sur ses crédits annuels et reportés pour exécution en 2015.
Ensuite, ces mêmes services ont effectué une réfaction sur le crédit de référence de 2015 après que celui-ci ait été notifié à l’organisme et ait servi de base au vote, par les administrateurs de la CAF de l’Aisne, du budget initial de 2015.
Enfin, le reversement de la totalité des excédents de 2014, inclus dans le dernier budget rectificatif voté en novembre 2015 par la CAF de l’Aisne, a été supprimé purement et simplement à la fin de novembre 2015.
Les administrateurs de la CAF de l’Aisne, parce qu’ils ne peuvent cautionner ces mesures autoritaires, contraires aux principes de gouvernance des caisses et pénalisantes pour le fonctionnement de l’organisme, réclament, à l’unanimité, le retour de la pluri-annualité budgétaire dans le respect des engagements de la convention d’objectifs et de gestion (COG).
Il souhaite donc savoir dans quelle mesure le Gouvernement pourrait rapidement répondre et mettre fin à ces dysfonctionnements.
M. Gilbert Bouchet
M. le secrétaire d’État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger
Or, cette profession est en train de perdre cet avantage, à cause d’obstacles de toutes sortes qui viennent entraver son développement. Les professionnels ne demandent aucune aide mais ils souhaitent pouvoir exercer leur métier sans contraintes administratives ou fiscales supplémentaires. Aussi lui demande-t-il comment ces remarques peuvent être prises en compte.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
|
DEBATS/SEN_20160211_015.xml | Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
L’article demeure supprimé.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture
M. Pierre Laurent
Mme Colette Mélot
Amendements identiques n
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendements identiques n
L’article demeure supprimé.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur
M. David Assouline
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Demande d’examen séparé d’amendements. – Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture ; Mme la présidente. – Adoption.
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendements identiques n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur
Amendements identiques n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendements identiques n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendements identiques n
Amendement n
Adoption de l’article.
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur
Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Amendement n
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
La séance est ouverte.
M. le président.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
M. le président
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mes chers collègues, par lettre en date du 10 février 2016, M. le Premier ministre a porté à la connaissance de M. le président du Sénat que M. le Président de la République envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel M. Laurent Fabius, en remplacement de M. Jean-Louis Debré.
M. le président.
Conformément à l’article 56 de la Constitution, la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution est applicable à cette nomination.
En conséquence, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.
La demande d’avis a été transmise à la commission des lois qui procédera à l’audition publique de M. Laurent Fabius.
Conformément aux mêmes dispositions, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de M. Michel Pinault, que M. le président du Sénat envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de M. Renaud Denoix de Saint-Marc.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n
M. le président.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre I
M. le président.
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« Chaque conférence territoriale de l’action publique comprend au moins une commission thématique dédiée à la culture. » ;
2° Après la première phrase du troisième alinéa du III de l’article L. 1111-9-1, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Au moins une fois par an, il inscrit à l’ordre du jour un débat sur la politique en faveur de la culture. »
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, prévoit que les conférences territoriales de l’action publique – les CTAP – s’organisent librement, ce qui n’est pas compatible avec l’obligation de création d’une commission de la culture en leur sein.
Mme Françoise Laborde.
La création de commissions dédiées auprès des CTAP – lesquelles sont présidées par le président du conseil régional – comporte un risque de mise sous tutelle de la région, alors même que la culture demeure une compétence partagée entre les différentes collectivités.
C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’obligation de création d’une commission de la culture au sein des conférences territoriales de l’action publique.
Toutefois, la politique en faveur de la culture reste inscrite, au moins une fois par an, à l’ordre du jour des CTAP.
Par ailleurs, les CTAP peuvent librement décider de leur organisation en créant, si elles le souhaitent, une commission dédiée à la culture.
L'amendement n
M. le président.
Remplacer la référence :
par la référence :
L. 1111-9-1
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit de la correction d’une erreur matérielle, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
L'amendement n
M. le président.
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette commission comprend des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des organisations culturelles et professionnelles et des usagers du service public de la création artistique.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Nous souhaitons, par cet amendement, renforcer encore davantage une disposition introduite lors de l’examen du projet de loi en commission du Sénat.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cette disposition, que nous avons saluée et soutenue, et dont nous avions nous-mêmes sollicité l’intégration dans le texte, vise à créer au moins une commission permanente dédiée à la culture dans les conseils régionaux, plus précisément, dans les conférences territoriales de l’action publique.
Il ne fait aucun doute que la région, chef de file des politiques en matière culturelle et artistique, ne peut piloter efficacement ces dernières par le biais d’un seul débat annuel. Dès lors que le projet de loi prévoit la création d’une commission thématique dédiée à la culture, il faut donner corps à cette instance.
Notre vision est celle d’une politique culturelle et artistique coconstruite par l’État, les collectivités territoriales, les structures culturelles et professionnelles et les usagers. De ce point de vue, et dans la perspective d’une mise en place rapide de ces commissions permanentes, nous proposons que la loi en fixe la composition.
N’en déplaise à certains, et contrairement à ce qu’a pu soutenir Mme Laborde, notre ambition n’est pas de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Nous ne souhaitons pas non plus donner un cadre strict, inadapté et rigide à l’application d’une mesure qui, de toute façon, ne saurait se décliner uniformément dans toutes les régions.
Ce que nous revendiquons, c’est la possibilité, pour le législateur, garant de la bonne application de la loi, de fixer un cadre global, sur lequel chaque conseil régional pourra s’appuyer en y apportant ses modifications. Telle est l’ambition réelle de notre amendement, qui vise à préciser que les commissions thématiques dédiées à la culture se composent à la fois de représentants de l’État – en l’occurrence, des directions régionales des affaires culturelles –, des collectivités territoriales, des organisations culturelles et professionnelles, et des usagers du service public de la création artistique.
Cette mesure doit permettre à chaque acteur concerné par la politique de la culture et des arts, laquelle est mise en œuvre au sein des régions, d’avoir voix au chapitre et de participer pleinement à la conception de ladite politique – gage, pensons-nous, de son efficacité.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n
M. le président.
Le sujet des conférences territoriales de l’action publique a été largement et à de nombreuses reprises évoqué, notamment lors de l’examen de la loi NOTRe. Dans chaque région va être installée une telle conférence territoriale.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Nous avons souhaité non seulement qu’un débat sur la politique culturelle soit inscrit à l’ordre du jour de la CTAP au moins une fois par an, mais aussi qu’une commission de la culture soit créée dans chaque conférence, afin d’obliger celle-ci à des débats réguliers, s’agissant d’une compétence dont nous avons voulu – je le rappelle – qu’elle soit partagée, tout comme le sport et le tourisme. À l’occasion de l’examen d’autres textes sera d’ailleurs probablement proposée la création de commissions dédiées au tourisme, voire au sport.
Quoi qu’il en soit, nous défendons le maintien, dans les conférences territoriales, d’une commission de la culture. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’amendement n
Quant à l’amendement n
Cette mesure relève du futur règlement intérieur des conférences territoriales. Il leur reviendra d’établir cette composition, de concert avec les personnalités représentantes du territoire et avec les élus locaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication.
La loi NOTRe prévoit en effet que les CTAP s’organisent librement. Par ailleurs, l’article 2
En revanche, je ne souscris pas à l’intention de créer une commission spécifique. Nous avons eu, sur cette question, de longs débats à l’Assemblée nationale. J’émets par conséquent, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n
Il en est de même sur l’amendement n
Je partage certes la volonté – je l’ai dit tout à l’heure – d’organiser régulièrement des débats nourris réunissant l’ensemble des partenaires concernés, publics et privés, afin de permettre une réelle coconstruction des politiques culturelles territoriales. Mais, je le répète, les CTAP s’organisent librement : ce principe a été posé par la loi NOTRe. Je pense donc qu’il faut laisser les CTAP organiser elles-mêmes le débat, en lien avec l’ensemble des acteurs cités dans cet amendement.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
M. le président.
Il est extrêmement important que les conférences territoriales de l’action publique comprennent une commission dédiée à la culture. Je rejoins en cela l’avis de M. le rapporteur – nous nous y sommes d’ailleurs ralliés lors de l’examen du texte en commission.
Mme Sylvie Robert.
Pourquoi ? Songez, mes chers collègues, que les conférences territoriales de l’action publique seront appelées à traiter de l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre sur un territoire donné – en l’occurrence, la région –, problème encore aggravé par l’augmentation de la taille des régions et par l’importance des transferts de compétences.
Ma région, la Bretagne, a déjà mis en place, à titre expérimental, une forme de « CTAP culture ». Je peux vous dire que celle-ci s’avère très précieuse pour l’organisation de l’action publique en matière culturelle.
N’avons-nous pas précisément, à l’occasion de la discussion de l’’article 2 du présent projet de loi, défendu le principe de la coopération entre les différents acteurs publics ?
Une telle structure permet à ces derniers de s’organiser, de discuter, de dresser des constats, afin, ensuite – c’est notre souhait à tous –, que les politiques publiques soient articulées sur le territoire de la région.
Le principe de libre administration des collectivités territoriales n’est pas remis en cause par la création d’une commission de la culture. Celle-ci devrait plutôt, me semble-t-il, contribuer à renforcer la coopération entre les différents acteurs de la culture.
L’objet de l’amendement n
Que puissent y être associés, dans un second temps, les professionnels concernés, dans le cadre de groupes de travail, c’est heureux ! Cela se fera naturellement : telle est précisément l’ambition des « CTAP culture ».
Nous n’avons pas souhaité, par ailleurs, supprimer la disposition qui prévoit l’inscription à l’ordre du jour de la conférence territoriale, au moins une fois par an, d’un débat sur les enjeux culturels.
Mon groupe rejoint donc, sur les amendements n
La parole est à Mme la présidente de la commission.
M. le président.
Je rappelle à Mme la ministre que, à deux reprises, en première et en deuxième lectures de la loi NOTRe, le Sénat avait voté en faveur de la création de cette commission dédiée à la culture au sein de la CTAP.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Cette disposition avait été supprimée à l’occasion des travaux de la commission mixte paritaire, mais tant la commission de la culture que la commission des lois du Sénat l’avaient adoptée, pour les raisons simples qu’ont énoncées successivement M. le rapporteur et Mme Robert.
À l’heure de l’installation des nouvelles grandes régions, mais également de l’arrivée des nouvelles équipes dans les départements, nous éprouvons, plus que jamais, le besoin de disposer d’un lieu de rencontre, de partage des analyses et de répartition des compétences – d’autant que si la loi NOTRe prévoit strictement, dans certains domaines, la répartition des compétences entre les différents acteurs publics, elle fait de la culture, du sport et du tourisme des compétences partagées entre les régions et les départements.
Tout le monde ne pourra peut-être pas continuer à tout faire, mais il faut au moins garantir la continuité des politiques culturelles ! Les élus d’un territoire donné doivent donc pouvoir se rencontrer, afin d’organiser la poursuite d’un certain nombre de missions tout à fait essentielles.
Je le redis avec force, madame la ministre : lors de l’examen de la loi NOTRe, le Sénat avait déjà souhaité la création de cette commission de la culture au sein de la CTAP.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
M. le président.
L’esprit de notre amendement s’inscrit en réalité dans la même veine que les idées qui viennent d’être défendues par Mme Morin-Desailly ou par Mme Robert.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Notre logique consiste non pas à rigidifier le texte, mais, tout simplement, à reconnaître que si l’État n’est pas le seul responsable de l’organisation de la politique publique du pays – il travaille en coopération, notamment, avec les collectivités territoriales –, il lui incombe malgré tout de fixer un cap, et de veiller au respect d’une certaine unicité de traitement.
C’était le sens de notre amendement ; notre débat a au moins eu le mérite de le clarifier.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Pour éviter les malentendus, je tiens à préciser que je partage sur le fond l’opinion émise par divers orateurs : je juge indispensable que tous les acteurs impliqués dans les politiques culturelles dans nos territoires puissent, à certaines occasions, se réunir, échanger leurs points de vue et définir ensemble les objectifs et les modalités de leur action.
Mme Fleur Pellerin,
Cependant, le Gouvernement a tranché quant aux modalités de telles réunions – ce débat a eu lieu lors de la discussion de la loi NOTRe ; c’est la raison pour laquelle, par cohérence avec la position alors adoptée par le Gouvernement, j’ai émis un avis favorable sur l’amendement n
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’article 2
M. le président.
(L’article 2
est adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en place un fonds de soutien de la musique financé par une taxe affectée sur l’ensemble de l’activité musicale du spectacle vivant et enregistré.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la future loi, la remise au Parlement d’un rapport sur l’opportunité de mettre en place un fonds de soutien de la musique financé par une taxe affectée sur l’ensemble de l’activité musicale du spectacle vivant et enregistré.
M. Pierre Laurent.
Beaucoup de bouleversements sont en cours dans le secteur de la musique. Des mesures sont prises, en matière de
Nous souhaiterions qu’un travail plus approfondi soit mené sur ces questions, afin de réfléchir non seulement aux dispositions qui devraient être prises, mais également au financement de celles-ci.
Un fonds de soutien à l’emploi est certes prévu par les accords Schwartz. Cela dit, ces mesures ne permettent pas à notre avis de traiter dans la durée l’ensemble des enjeux. Nous souhaitons donc que soit engagé ce travail, qui pourrait aboutir à la remise au Parlement d’un rapport portant sur la nécessité d’un fonds de soutien pour la musique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Mon cher collègue, votre amendement est loin de manquer d’intérêt. Effectivement, l’évolution technologique mérite qu’on aille plus loin et qu’on soutienne la création musicale.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
J’ai pourtant deux objections à formuler. Tout d’abord, une fois encore, il s’agit ici d’une demande de rapport. Or, comme vous le savez, nous entendons limiter ces demandes et nous les avons même toutes supprimées du présent texte.
Ma seconde objection repose sur l’existence, que vous avez rappelée, d’un fonds de soutien à l’emploi dans ce secteur. Quoique son montant soit encore modeste – 2 millions d’euros –, il permettra peut-être d’engager une dynamique.
En tout état de cause, puisque cet amendement a pour objet une demande de rapport, la commission émet à son sujet un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
La filière musicale a effectivement vu ses modèles économiques profondément bouleversés par la transition numérique : vous l’avez souligné, monsieur Laurent. Cette transition numérique, en révolutionnant les usages, entraîne la convergence de nombreux métiers, notamment, le développement des stratégies dites « 360 degrés ». C’est dans ce contexte particulier que j’ai souhaité engager la structuration d’un ensemble cohérent de mesures pour essayer de maintenir, voire d’accroître, les investissements des acteurs de cette filière, c’est-à-dire leur prise de risque artistique.
Mme Fleur Pellerin,
Cette année – cela vient d’être rappelé –, un fonds de soutien à la transition numérique a été créé au sein de mon administration. J’ai également défendu au Parlement, afin de soutenir les nouveaux talents qui sont indispensables au dynamisme du secteur, un crédit d’impôt portant sur le spectacle vivant musical et de variétés, et ce après avoir renforcé pour la même raison, en 2015, le crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres phonographiques. Les crédits consacrés au soutien à l’export de la musique ont par ailleurs été quasiment doublés.
C’est dans cette même logique d’accompagnement des mutations que le ministère de la culture et de la communication a engagé une concertation avec les professionnels pour rationaliser et mutualiser les organismes d’intérêt général qui sont au service de la filière musicale. J’ai inscrit cet objectif de nécessaire transversalité dans la lettre de mission du directeur du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz.
Par cet amendement, vous proposez que le Gouvernement consacre un rapport à la pertinence de la création d’un fonds de soutien à la filière musicale. Dans le contexte que je viens de rappeler, il me semblerait regrettable de restreindre la réflexion à un instrument particulier – en l’occurrence un fonds de soutien – et à un mode de financement spécifique : une taxe affectée prélevée sur l’ensemble des activités de la filière.
Vous connaissez mon engagement dans le combat visant à faire reconnaître le transfert de valeurs qu’a provoqué la transition numérique au profit des intermédiaires techniques. Ces derniers, que l’on nomme les « géants du Net », ne participent de fait pas du tout au financement de la filière ; en tout cas, ils ne sont pas pris en compte parmi les acteurs sur lesquels cette taxe affectée serait prélevée.
Mon combat, en France comme à l’échelon européen, vise, d’une part, à responsabiliser ces acteurs et, d’autre part, à trouver les moyens d’une juste taxation de ces nouvelles activités qui ne contribuent aujourd’hui en rien à nos politiques publiques.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
Monsieur Laurent, l’amendement n
M. le président.
Oui, monsieur le président. Je ne mésestime pas les efforts engagés ; il s’agit, dans notre esprit, non pas de les restreindre, mais plutôt de nous aider à avoir une vision collective cohérente de ce que pourrait être notre politique de soutien à long terme à la filière musicale. En effet, à l’heure actuelle, on traite tel ou tel sujet, on réfléchit dans tel ou tel domaine, mais on manque d’une vision cohérente. Nous entendons, par cet amendement, contribuer à porter une ambition à long terme.
M. Pierre Laurent.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(Mme Françoise Cartron remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les secteurs conjuguant la création, la production culturelle et la commercialisation de biens et de services au profit culturel protégés par le droit d’auteur et le droit voisin constituent les secteurs de la culture exclus de toute négociation commerciale européenne et internationale.
Les entreprises de ces secteurs sont reconnues comme des services d’intérêt général au sens communautaire.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vise à introduire dans cet important projet de loi un article additionnel qui disposerait de manière extrêmement claire que les secteurs conjuguant la création, la production culturelle et la commercialisation de biens et de services au profit culturel protégés par le droit d’auteur et le droit voisin constituent des secteurs exclus de toute négociation commerciale européenne et internationale.
M. Pierre Laurent.
Cela nous paraît essentiel ; la France mène ce combat grâce, certes, à la mobilisation de l’État, mais – il faut le reconnaître –, sous la pression continue des professionnels, qui ont pris l’initiative, depuis maintenant plus d’une décennie, de mobilisations très suivies, afin que notre pays soit à la pointe du combat pour la protection de l’exception culturelle.
Ce combat est évidemment d’une extrême actualité : les négociations sont engagées sur plusieurs traités de libre-échange, en particulier le traité transatlantique. Des annonces ont été faites sur la protection de l’exception culturelle, mais l’opacité de ces négociations nous empêche d’en connaître à coup sûr le résultat. Par ailleurs, au-delà de ces discours, les moyens de détourner les règles en la matière sont très nombreux dans le secteur audiovisuel comme dans beaucoup d’autres.
Il nous semble donc essentiel, au moment où nous discutons d’un important projet de loi sur la protection et la liberté de la création, de réaffirmer en toutes lettres, dans un article explicite, la volonté de la France d’exclure de ces négociations commerciales le secteur culturel.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à introduire dans le texte un article additionnel interdisant de négocier des conventions internationales de nature commerciale concernant le secteur de la création culturelle.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il n’a pas paru opportun à la commission de limiter le domaine des négociations internationales dans ce projet de loi ordinaire ; cela relève de la Constitution. Par ailleurs, les conventions internationales font l’objet d’une procédure de ratification à laquelle le Parlement est déjà associé.
Dès lors, même si je comprends bien votre intention, mon cher collègue, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Monsieur le sénateur, vous proposez d’exclure du champ des négociations commerciales européennes et internationales les secteurs de la création, de la production et de la commercialisation des biens et services culturels protégés par le droit d’auteur et le droit voisin.
Mme Fleur Pellerin,
Vous connaissez, je l’espère, mon attachement à la défense de l’exception culturelle et notre énergie commune à en défendre les principes, que ce soit à l’échelon européen ou au plan international.
Néanmoins, comme vous le savez, la loi nationale ne peut pas, à elle seule, restreindre le champ du droit international. Il me semblerait de surcroît dommageable, paradoxalement, d’exclure le sujet culturel de tout débat avec nos partenaires : un tel débat permettrait justement d’inscrire l’exception culturelle dans ces négociations.
Par ailleurs, vous proposez de faire reconnaître les entreprises du secteur culturel comme services d’intérêt général au sens du droit communautaire. Or si le droit de l’Union européenne renvoie au droit national le soin de définir ce type de services, les critères qui ont été fixés par le « paquet Almunia » et rappelés par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne limitent les marges d’appréciation des autorités nationales en la matière.
Ainsi, pour qu’une activité puisse être qualifiée de « service d’intérêt économique général », elle doit avoir un caractère économique, être confiée à une entreprise par un acte exprès de la puissance publique et pouvoir être qualifiée d’« intérêt général ». Certes, de nombreuses entreprises du secteur culturel peuvent répondre à ces critères communautaires ; on ne peut néanmoins en généraliser l’application à l’ensemble des acteurs du secteur.
Il me semble donc préférable, pour éviter toute contradiction avec le droit de l’Union européenne, que cet amendement ne soit pas adopté. Nous avons eu à l’Assemblée nationale un débat extrêmement intéressant sur ce point, notamment avec Mme Buffet, qui a bien voulu retirer l’amendement qu’elle avait défendu à ce propos. Je vous incite donc, monsieur le sénateur, à bien vouloir en faire de même ; à défaut, le Gouvernement sera défavorable à votre amendement.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Ce sujet, nous le savons, est extrêmement important. L’exception culturelle française est défendue, tant pour le spectacle vivant que pour le domaine du numérique, par de nombreuses politiques publiques.
Mme Sylvie Robert.
L’importance de ce sujet est telle qu’on ne peut, à mon sens, le réduire à la discussion de cet amendement qui, comme l’a expliqué Mme la ministre, nous met forcément en porte-à-faux vis-à-vis de l’Union européenne.
Pour autant, mes chers collègues, je suis persuadée que ce point pourrait faire l’objet d’une résolution. Les enjeux européens de la question culturelle et l’exception culturelle française mériteraient un tel texte politique. Nous serons peut-être amenés à en débattre ; quoi qu’il en soit, bien que nous suivions les avis défavorables de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur cet amendement, nous estimons que ce sujet mérite un débat beaucoup plus large et une prise de position politique plus forte.
Monsieur Laurent, l’amendement n
Mme la présidente.
Je vais le retirer, madame la présidente, mais je n’en pense pas moins que, comme Mme Robert vient de l’exprimer, ce débat est extrêmement important ; j’espère que nous aurons l’occasion de le poursuivre.
M. Pierre Laurent.
Je voudrais vous répondre sur un point, monsieur le rapporteur. Vous avez déclaré que le Parlement serait amené à ratifier les négociations en cours. Cela ne me rassure pas : en effet, la nature du traité transatlantique et, par conséquent, sa ratification même par les parlements nationaux font à l’heure actuelle l’objet d’un débat entre les parties. Aujourd’hui, les négociations sont extrêmement opaques et le mandat sur lequel négocie l’Union européenne l’est tout autant. Dans de nombreux domaines, la représentation parlementaire est mal associée à ces discussions et nous ne savons toujours pas avec certitude si l’ensemble des parlements nationaux seront amenés à ratifier le texte auquel auront abouti ces négociations.
Ce sujet continuera de nous mobiliser. Nous avons de bonnes raisons d’être inquiets : à notre connaissance, les intérêts à l’œuvre sont extrêmement puissants et organisés. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’exception culturelle que nous défendons est mise cause et attaquée. Notre vigilance est totale sur cette question.
Nous n’irons pas jusqu’à soumettre le présent amendement au vote, car je pense que nous pouvons aller ensemble plus loin qu’un simple rejet.
J’espère que nous aurons d’autres occasions de nous exprimer sur le sujet. En effet, compte tenu des débats et des menaces qui nous attendent, le problème est de savoir si la France saura s’exprimer en mobilisant l’ensemble des acteurs autour d’une position de fermeté, qui est nécessaire si nous voulons aboutir.
Une unique position défensive consistant à concilier la position française avec celle de l’Union européenne, dont nous ne sommes pas certains qu’elle permettra de défendre jusqu’au bout notre exigence d’exception culturelle, ne suffit pas.
Je retire donc l’amendement n
L’amendement n
Mme la présidente.
Le ministre chargé de la culture peut attribuer des labels aux structures, personnes morales de droit public ou de droit privé ou services en régie d’une collectivité territoriale, qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques. Cet intérêt s’apprécie au regard d’un cahier des missions et des charges, qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement artistique, de diversité et de démocratisation culturelles, de traitement équitable des territoires, d’éducation artistique et culturelle ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.
Le dirigeant d’une structure labellisée est choisi à l’issue d’un appel à candidatures associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l’État. Sa nomination fait l’objet d’un agrément du ministre chargé de la culture. Les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes.
Un décret en Conseil d’État fixe la liste des labels et définit les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions d’attribution du label et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée, qui doivent respecter les principes de transparence, d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux responsabilités, de renouvellement des générations et de mixité sociale.
L’amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
Le ministre chargé de la culture peut conventionner dans la durée avec des structures du spectacle vivant ou des arts plastiques, personnes morales de droit public ou de droit privé ou services en régie d'une collectivité territoriale, auxquelles il garantit la liberté de création artistique. Ce conventionnement concerne les structures qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle.
Cet intérêt s'apprécie au regard d'un cahier des missions et des charges, qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement artistique, de coopération entre établissements, d’engagement au service de la diversité artistique, professionnelle et culturelle, de démocratisation culturelle par des actions de médiation, dont celles concernant l’éducation artistique et culturelle, de traitement équitable des territoires ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.
Un label peut être attribué conjointement par le ministre chargé de la culture et les collectivités territoriales et leurs groupements.
Le dirigeant d'une structure labellisée est choisi à l'issue d'un appel à candidatures, lancé par le conseil d'administration, associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l'État. Les tutelles veillent à ce que les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. La nomination du dirigeant est validée par le conseil d'administration.
Un décret en Conseil d'État fixe et définit les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions d'attribution du label associé au conventionnement, et la procédure de sélection du projet artistique et culturel, qui doivent respecter les principes de transparence, d’égalité d’accès des femmes et des hommes. Il définit également les modalités d’instruction des demandes de conventions et les conditions de suspension et de retrait.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement, qui concerne les labels, est une sorte de dentelle conçue point par point pour ne froisser personne, mais qui a la solidité de certains tissus élaborés avec patience.
Mme Marie-Christine Blandin.
Nous avons besoin de l’État, du ministère, de ses représentations déconcentrées, les DRAC – les directions régionales des affaires culturelles – pour leur expertise, leur compétence, la connaissance globale du tissu des talents sur notre territoire, et aussi pour la grande vigilance qu’ils portent au respect de l’équité territoriale et aux lieux où se passent des choses infamantes pour la culture : suppression brutale de subventions, licenciement d’un directeur, etc.
Si je prends l’exemple du spectacle vivant, le financement par les collectivités et leurs connaissances acquises en la matière sont devenus tellement importants que le dialogue mérite d’être davantage décentralisé en matière de labels.
Cet amendement tend donc d’abord à poser le principe d’un conventionnement par le ministère chargé de la culture, qui décline un cahier des missions et des charges, dans le cadre de la garantie de la liberté de création et de l’intérêt général. Il ne s’agit pas d’un arbitrage arbitraire : nous parlons de démocratisation culturelle, d’actions de médiation, d’éducation artistique et culturelle, de professionnalisation des artistes, entre autres.
Une fois cela fait, on pourra définir un label, qui sera attribué, à la fois, par l’État et les collectivités.
Nous avons également toiletté la procédure de nomination du dirigeant d’une structure labellisée, en réintroduisant dans le paysage le conseil d’administration, lequel disparaît souvent aux dépens de la vie démocratique de l’association. Or le Premier ministre, le 29 septembre 2015, redéfinissant les relations entre les pouvoirs publics et les associations, précisait : « je souhaite que vous favorisiez dans la durée le soutien public aux associations concourant à l’intérêt général. Il faut leur permettre de conduire au mieux leur projet associatif, en privilégiant le recours aux conventions pluriannuelles et en développant une politique d’attribution de subventions dont les modalités respectent l’initiative associative et sont concertées avec les acteurs. »
Besoin d’État, respect des collectivités et du conseil d’administration : nous avons là une proposition démocratique qui correspond bien aux spécificités de la culture.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ce sujet a été largement débattu en commission. Au terme de ce débat, nous avions constaté que nous n’étions pas tout à fait au point. Nous avions donc reporté la décision ultime au débat en séance publique.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le problème était de savoir si on allait donner au Gouvernement la possibilité de nommer de façon quasi unilatérale les dirigeants de telles structures, possibilité qui pouvait même se transformer en droit de veto. Nous étions par conséquent quelque peu gênés, d’autant qu’un grand nombre de structures ne sont pas, et de loin, majoritairement financées par l’État. La nomination de leurs dirigeants représentait donc un dépassement de pouvoir.
Avec cet amendement, Mme Blandin nous présente une dentelle dans laquelle, au fond – cela peut paraître paradoxal ! –, je me retrouve tout à fait.
L’amendement tend en effet à une nouvelle rédaction de l’article 3 qui distingue bien le conventionnement de l’État de l’attribution du label, laquelle serait effectuée conjointement par l’État et la collectivité territoriale. Il vise également à ce que la nomination du dirigeant, qui intervient à l’issue d’un appel à candidatures, soit validée par le conseil d’administration de la structure.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Les institutions culturelles qui sont bénéficiaires d’un label – centres dramatiques nationaux, scènes nationales – sont des structures qui incarnent l’action de décentralisation culturelle menée par le ministère de la culture en partenariat avec les collectivités territoriales depuis plus de cinquante ans.
Mme Fleur Pellerin,
Cette politique nationale repose en grande majorité sur des structures de droit privé qui ont été à l’origine d’un projet de création et de diffusion artistiques reconnu avec le temps d’intérêt général.
C’est précisément parce que ces structures étaient des références nationales et portaient des projets d’intérêt national que l’État a soutenu ces initiatives. Ces labels sont donc une marque de la reconnaissance par l’État du travail exceptionnel qu’elles effectuent.
Le soutien financier de l’État ne s’est jamais démenti puisque, entre 2012 et 2015, les crédits consacrés aux structures labellisées en région ont toujours été sanctuarisés. Ils ont même été augmentés en 2015 pour les scènes nationales.
L’article 3 tel qu’il a été rédigé fixe donc le cadre juridique de cette politique publique de reconnaissance des institutions de référence nationale dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques, en créant une procédure de labellisation pour ces structures. C’est un élément d’équité nationale et d’égalité des territoires, grâce aux outils dont ceux-ci sont dotés. C’est aussi l’aboutissement d’une construction partenariale avec les collectivités territoriales concernées et avec la structure de gestion, qu’elle soit associative ou autre – il peut s’agir d’un établissement public de coopération culturelle, un EPCC –, que ce soit à l’occasion du choix de son dirigeant, du projet qu’il incarne, ou lors du partage des objectifs et des moyens qui font l’objet d’une convention pluriannuelle.
Cette reconnaissance, c’est aussi un gage de sécurisation pour le projet mené dans la durée.
C’est enfin l’assurance que ce processus respecte les principes fixés par le législateur. À ce titre, je regrette que l’amendement tende à supprimer la référence au renouvellement des générations et au principe de mixité sociale, à l’heure où nous devons promouvoir les talents dans leur jeunesse et leur diversité.
Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement, dont l’adoption remettrait en cause la construction de notre solide maillage d’institutions culturelles, lequel, en dépit des aléas budgétaires, poursuit ses missions au profit de tous les publics et sur tous les territoires de la République.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous étions interrogatifs sur cet amendement tendant à mettre en place une procédure de conventionnement qui pourrait, si j’ai bien suivi le raisonnement de notre collègue, être assortie, à terme, d’un label cogéré entre l’État et les collectivités.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Comment pourrions-nous faire en sorte que l’État contrôle les associations concernées ? Comment l’État pourrait-il garantir que les structures conventionnées respecteront les conditions prévues dans les cahiers des charges ?
Par ailleurs, la rédaction actuelle de l’amendement maintient les difficultés présentes dans l’article 3 : obligation de moyens, et non de résultat, en matière d’égalité entre les sexes, et non-intégration dans les missions de service public. Il nous semble que l’adoption de cet amendement irait à l’encontre de l’égalité sur le plan national et n’améliorerait donc pas la situation existante.
Pour ces raisons, nous voterons contre.
La parole est Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous voterons également contre cet amendement, car il vise, en fait, à remettre complètement en question l’article 3 que nous n’avons pas,
Mme Sylvie Robert.
Nous avons globalement accepté de ne pas modifier cet article et donc de conserver la disposition spécifique qui y est inscrite, à savoir l’agrément du ministère de la culture que nous ne retrouvons pas dans l’amendement de Mme Blandin.
Cet amendement, qui fait de la dentelle, pour reprendre le propre terme de notre collègue, est néanmoins très intéressant, car il montre comment est mis en œuvre le processus de choix du dirigeant d’une institution labellisée.
En tant qu’élue locale, comme nombre d’entre vous dans cet hémicycle, mes chers collègues, il m’est arrivé de présider de tels jurys. Y siègent des représentants de l’administration centrale, des DRAC, des collectivités territoriales – notamment celles qui sont les supports principaux, c’est-à-dire les villes –, mais aussi les présidents des conseils d’administration lorsque ceux-ci ont une base associative, ce qui est souvent le cas pour les centres chorégraphiques nationaux, les CCN, les centres dramatiques nationaux, les CDN, et les scènes nationales.
Je ne souhaite pas que l’on adopte cet amendement, dont la rédaction, comme l’a dit très justement Mme Gonthier-Maurin, ne nous permet pas d’être garants d’une certaine forme d’équité nationale en termes de renouvellement des générations ou d’égalité entre les femmes et les hommes. Elle ne favorise pas plus l’intelligence que nous souhaitons introduire à l’occasion de la nomination des directeurs des structures labellisées par l’État et les collectivités territoriales, intelligence qui,
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
Mme la présidente.
On peut comprendre la légitimité de cet amendement.
M. Marc Laménie.
On parle beaucoup de labels de qualité, que nous privilégions, de conventions d’objectifs. Nous sommes toutes et tous responsables de l’argent public, au niveau que ce soit de l’État, des collectivités territoriales ou des partenariats. Il est vrai que les associations fonctionnent souvent avec peu de salariés et de nombreux bénévoles. Il faut naturellement prendre en compte l’objectif financier. Mais des conventionnements sont tout de même mis en place.
Nous respectons les services de l’État et les DRAC, tout en observant que certains services comptent de moins en moins de personnels. La situation est par conséquent de plus en plus difficile, à tous les niveaux.
Quant à moi, je resterai prudent et suivrai l’avis de la commission.
En matière de conventionnements, nous sommes favorables à la qualité. Ainsi, dans mon département, les Ardennes, se déroule le Festival mondial de marionnettes de Charleville-Mézières. Ce secteur du spectacle, dans lequel les compagnies comptent très peu de salariés, repose donc sur les bénévoles, y compris pour la promotion du festival dans la ville qui l’accueille, dans le département et bien au-delà. L’engagement de tous pour promouvoir les spectacles et la culture est un combat très important !
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Nous avons débattu de ces sujets assez longuement en commission. Je tiens cependant à préciser, pour que l’on comprenne bien de quoi l’on parle, qu’il est ici question de structures labellisées, dont la plupart sont aujourd’hui cofinancées par un ensemble de collectivités territoriales. Je fais d’ailleurs remarquer que les collectivités territoriales deviennent peu à peu les principaux financeurs de ces projets, même si la présence de l’État – et il faut souhaiter que cela le demeure – reste importante.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
L’aspect positif de l’article 3 de ce projet de loi est qu’il permet de finaliser la manière dont doivent être recrutés les directeurs ou directrices de ces structures. En effet, il y a eu dans le passé des abus, ce qu’on appelle le « fait du prince », aussi bien de la part de l’État que de certaines collectivités à l’occasion de ces nominations. Il me semble donc essentiel de préciser le cadre du recrutement auquel participent l’ensemble des collectivités et l’État.
Aujourd’hui, que se passe-t-il ? La présélection est généralement faite avec les services de l’État, présent dans le jury par l’intermédiaire d’un représentant du ministère qui vient assister la DRAC. Finalement, on peut dire qu’il y a consensus autour d’un candidat. On attend ensuite que le ministère formalise sa nomination, ce qui revient à une forme d’agrément de fait.
Faut-il inscrire cela dans la loi ? C’est la véritable question. Un certain nombre de collègues de la commission ont estimé que, puisque les collectivités territoriales prennent aujourd'hui toute leur part dans l’organisation et le financement de ces structures, il était superfétatoire de prévoir une telle disposition : les collectivités territoriales doivent être associées à la même hauteur que l’État dans la finalisation du choix du candidat.
Voilà pourquoi M. le rapporteur a souscrit à l’amendement de Mme Blandin, qui précise bien les différentes étapes du mode de nomination de ces directeurs.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
À ce stade du débat, ce que je vais dire va peut-être « fissurer » l’ambiance de notre débat. Je voudrais rappeler que, même si je reconnais la qualité de son administration, l’État n’a pas le monopole de la culture…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Exactement !
M. Gérard Longuet.
… et ne détient pas la vérité culturelle.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Or l’État intervient toujours comme s’il détenait la vérité. Je ne nie pas, bien entendu, l’importance d’un ministère qui impulse des actions, mais il y a d’autres acteurs qui, eux aussi, sont allés à l’école, qui ont quelque chose dans leur tête et qui ont envie de promouvoir la diversité. Je rappelle que l’intitulé de ce projet de loi comporte le mot « liberté » !
Vous avez raison !
M. Gérard Longuet.
Si l’État finançait 60 % ou 70 % de ces structures…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Même pas !
M. Gérard Longuet.
Mais ce sont souvent les collectivités territoriales qui payent ! Nous sommes dans le domaine culturel. Je rejoins ceux qui disent : ce n’est pas parce qu’il y a de l’argent qu’il faut financer n’importe quoi.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il faut toutefois respecter ce financement collectif. La vérité appartient aussi aux collectivités et à certains opérateurs privés !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la ministre, vous avez appuyé là où cela fait mal en disant que je ne parle pas de mixité sociale et de renouvellement des générations. Vous avez été très bien informée, puisque c’est à la demande de la commission que j’ai retiré ces références figurant dans mon amendement initial. Mieux vaut la version qui vous est soumise que rien du tout !
Mme Marie-Christine Blandin.
Par ailleurs, je l’indique à ceux de mes collègues qui préfèrent que l’on garantisse la parité plutôt que d’y concourir, je suis tout à fait d’accord avec eux. Nous examinerons des amendements en ce sens dans la suite de la discussion.
Madame la ministre, vous avez évoqué le rôle de l’État, par exemple en matière de labels. J’estime, pour ma part, que l’État ne veille pas assez bien à ses labels avec la même exigence. Si je prends l’exemple des Zénith, certains d’entre eux sont tombés dans une dérive marchande et n’ont plus rien à envier à des sociétés comme Disney en matière de mise en concurrence.
Cela étant, le texte peut sans doute encore être amélioré sur certains points. Nous en sommes à sa première lecture au Sénat. Je souhaite qu’il soit voté pour qu’il continue sa route, car cette réflexion sur le rôle de l’État prenant en compte la décentralisation me semble fondamentale pour le monde de demain.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je voudrais préciser les choses, parce que j’ai l’impression que certains se trompent de débat. Il n’est pas question, avec l’article 3, d’adopter une mesure technique ou d’inscrire dans la loi le fait que l’État est le seul garant de la qualité culturelle ou qu’il en a le monopole. Ce n’est pas du tout le sujet ! Bien au contraire, cet article vise essentiellement à consolider la politique de labellisation qui est au cœur de nos politiques partenariales depuis plusieurs dizaines d’années à présent.
Mme Fleur Pellerin,
La procédure d’agrément vient couronner une décision commune, partenariale, de nomination, dont je fais l’expérience quasi quotidiennement depuis maintenant plus d’un an. Elle ne fait qu’incarner la reconnaissance par l’État du projet artistique et culturel de la structure labellisée.
Cet agrément est l’aboutissement logique du processus de désignation à la tête de ces lieux labellisés. Il ne signifie pas du tout que l’État choisisse seul le dirigeant sans concertation avec les collectivités territoriales. Au contraire, et vous en avez tous l’expérience, les collectivités territoriales et l’État s’accordent systématiquement sur une présélection puis sur le choix final d’un candidat qui est retenu par le dispositif de gouvernance, par exemple le conseil d’administration de la structure.
L’agrément sanctionne par ailleurs le bon déroulement de cette procédure, dans le respect du cahier des charges. J’ajoute qu’il constitue une protection pour la directrice ou le directeur nommé sur la base d’un projet. En cela, il est une déclinaison du principe de la liberté de programmation que vous avez souhaité consacrer. Je précise, par ailleurs, que les Zénith sont une délégation de service public, et non un label.
Objectivement, les dirigeants de ces structures sont aujourd’hui dans l’attente de l’adoption de l’article 3, qui consacre de manière législative leur existence dans le paysage des institutions culturelles françaises. L’agrément prévu par cet article est une mesure centrale, qui définit véritablement le processus de labellisation. Il ne faut pas le voir comme une marque d’opposition entre l’État et les collectivités territoriales. C'est au contraire la reconnaissance, la matérialisation du partenariat entre ces acteurs.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous avions un débat sur un point précis et nous voilà partis dans de grandes envolées pendant lesquelles on veut rejouer le match entre ceux qui seraient étatistes et ceux qui seraient libéraux à mauvais escient…
M. David Assouline.
(M. Gérard Longuet s’exclame.)
(Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Très concrètement, il s’agit d’un article qui porte sur la labellisation. Nous sommes là dans la poursuite d’une politique qui n’a jamais souffert de remise en cause malgré les alternances. Le consensus qui s’est créé depuis André Malraux donne à l’État une place particulière avec la création d’un ministère de la culture chargé d’impulser les politiques culturelles dans notre pays.
Sur ce point, il n’y a jamais eu de tangage, car c'est ce qui fait notre spécificité. C'est la raison pour laquelle l’exception culturelle a toujours été défendue, quelles qu’aient été les majorités politiques.
En l’espèce, de quoi s’agit-il ? D’un agrément du ministère de la culture, qui sera forcément double : lorsque l’on demande cet agrément, c’est bien parce qu’on le souhaite, y compris localement et la structure. C'est en effet une garantie de qualité, un label national qui dépasse telle ou telle collectivité, et c'est ce qui est recherché. Ce n’est pas l’État qui cherche à labelliser partout ; c'est voulu et demandé, car le fait que cela vienne de l’État est un gage de qualité. Il n’y a pas de lutte entre l’État et l’intérêt d’une collectivité.
Il est tout à fait normal de vouloir fixer un objectif au plan national, comme l’a dit Sylvie Robert. Par exemple, si on veut nommer davantage de femmes, si on veut renouveler les générations, cela ne peut pas se faire au cas par cas ! Cela doit être effectué au plan national.
(C'est fini ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je termine en faisant remarquer que, quels que soient les ministres de la culture, personne n’a jamais remis en cause cette façon de voir.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais d’abord répondre très cordialement à mon excellent collègue David Assouline que je n’ai pas de phobie de l’État ! J’ai une particularité que je partage avec nombre de mes collègues dans cette enceinte : je l’ai servi sous l’uniforme comme sous-lieutenant, modestement, puis toujours sous l’uniforme comme sous-préfet. Je n’ai jamais été ni lieutenant ni préfet parce que j’ai fait le choix de la liberté, en confiant ma carrière aux électeurs, qui m’ont confirmé dans mon mandat.
M. Gérard Longuet.
Mais il se trouve que j’ai administré, sans revendiquer aucune compétence culturelle, la maison des jeunes et de la culture d’Amiens lorsque j’étais sous-préfet. Comme président de région, j’ai également présidé – cela va faire sourire ! – aux destinées du Ballet de Lorraine, pour lequel je n’avais pas de compétences particulières.
J’ai néanmoins vécu en complicité avec tous ceux qui sur le terrain, au titre des collectivités locales – communes, départements, régions –, et même si la loi ne leur en faisait pas obligation ou devoir, soutenaient des politiques de développement culturel local.
Cela étant, l’article 3 me pose un problème. Vous avez eu raison, mon cher collègue, de rappeler le formidable travail d’André Malraux, qui a créé les premières maisons de la culture dans notre pays pour chasser « le mot hideux de province » – je le cite, lui qui d’ailleurs était parisien et qui n’a jamais vécu en province. Mais quand l’État agissait, il le faisait en assurant le financement.
Ce qui me gêne dans cet article, et Jean-Pierre Leleux vient de le dire, c’est que l’État se propose de labelliser, c’est-à-dire qu’il revendique une autorité de compétence, une autorité morale, une autorité intellectuelle pour distinguer le bien du mal, sans prendre aucun engagement financier. Or si vous n’obtenez pas la labellisation, vous risquez d’être considéré par vos partenaires locaux ou par vos partenaires privés locaux comme étant une institution de deuxième zone, non reconnue, et donc non méritante.
Comme, par ailleurs, les institutions culturelles ont du mal à trouver des mécénats privés dans les circonstances économiques que nous connaissons, j’ai peur que le fait de ne pas obtenir de labellisation – une décision de l’État – ne conduise à ce que des initiatives locales soient en quelque sorte sanctionnées et privées de soutiens locaux auxquels elles auraient pu prétendre, mais qui leur seront inaccessibles faute de label.
Madame le ministre, je déclare solennellement que la labellisation est, comme l’enfer, pavée de bonnes intentions. Je ne vois pas comment elle fonctionnera, mais, en revanche, j’en vois certains dangers.
Comme je n’ai pas participé, mes chers collègues, aux travaux de la commission, je me contenterai de m’abstenir sur cet amendement, mais je tenais à attirer votre attention sur les dangers de cette labellisation sans contrepartie et sans engagement de l’État, si ce n’est un jugement moral sur l’action du terrain.
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n
Mme la présidente.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n
Alinéa 1, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le ministre chargé de la culture peut attribuer des labels aux structures du spectacle vivant ou des arts plastiques, personnes morales de droit public ou de droit privé ou services en régie d’une collectivité territoriale, qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un caractère d’intérêt général.
L'amendement n
Alinéa 1, seconde phrase
Après le mot :
insérer les mots :
du projet visant à mettre en œuvre la politique culturelle de l’État et des collectivités territoriales et
L'amendement n
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer les mots :
de diversité et de démocratisation culturelles
par les mots :
de coopération entre les établissements, d’engagement au service de la diversité artistique, professionnelle et culturelle, de démocratisation culturelle par des actions de médiation,
L'amendement n
Alinéa 1, seconde phrase
Après le mot :
culturelles
insérer les mots :
d’égal accès entre les femmes et les hommes aux domaines culturel et artistique,
L'amendement n
Alinéa 1, seconde phrase
Après les mots :
de traitement équitable des territoires,
insérer les mots :
d’égal accès des femmes et des hommes à la programmation artistique,
L'amendement n
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer les mots :
artistes et auteurs du spectacle vivant et des arts plastiques
par les mots :
artistes, auteurs et techniciens de la création artistique
L'amendement n
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La rédaction du projet artistique et culturel comporte un paragraphe spécifique démontrant son caractère non lucratif et d'intérêt général. Les tutelles sont garantes, si besoin en est, auprès de la Commission européenne, dans le cadre de l'exception culturelle, du caractère non concurrentiel des projets culturels et des activités de la structure.
L'amendement n
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La politique de soutien public en faveur de l'expression et de la création artistique privilégie une politique de subventions dont les modalités respectent l’initiative associative et sont concertées avec les acteurs.
L'amendement n
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer les mots :
concourent à
par le mot :
L'amendement n
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les activités des structures labellisées sont reconnues comme des services non économiques d’intérêt général. De fait, elles échappent aux règles de la concurrence et sont fondées sur une logique de solidarité et de redistribution.
L'amendement n
Remplacer le mot :
par les mots :
ainsi que celles de renouvellement des labels et de création de nouveaux labels, en élargissant leurs champs disciplinaires. Ils
L'amendement n
Après les mots :
des générations
insérer les mots :
, de diversité
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état de l’application du dispositif de décoration des constructions publiques et étudie l’opportunité de rendre ce dispositif contraignant et de permettre à l’État, la collectivité territoriale ou l’établissement public à l’origine de l’opération immobilière de répartir le montant dévolu à la décoration des constructions publiques entre plusieurs artistes, lorsque le coût de la construction dépasse deux millions d’euros.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Le projet de loi issu des travaux de l’Assemblée nationale comportait un article 3
Mme Christine Prunaud.
En commission, nous avons voté pour la suppression de cet article pour plusieurs raisons.
Premièrement, il ne nous a pas paru opportun d’élargir les bénéficiaires de ce dispositif communément appelé « 1 % artistique », car son ouverture à des prestations issues du spectacle vivant serait, selon nous, un profond recul. Tout d’abord, cela ouvrirait la porte – c’est même déjà le cas – au financement par le 1 % artistique de cérémonies d’inauguration de toute façon inscrites dans les usages des collectivités, ce qui conduirait mathématiquement à un recul de l’efficacité de ce dispositif. Ensuite, cette ouverture précariserait encore un peu plus les artistes plastiques, trop souvent laissés au bord de la route de la création artistique. Enfin, par définition, une prestation de spectacle vivant est éphémère, tandis que la commande d’une œuvre est pérenne. Il nous semble préférable que les collectivités commandent des œuvres qui pourront être vues par l’ensemble des citoyens.
Deuxièmement, nous sommes opposés à l’élargissement de l’assiette, c’est-à-dire à l’ouverture du 1 % artistique aux travaux publics – le fameux « 1 % goudron » – car, au nom du principe de réalité, nous ne pensons pas que les collectivités puissent dédier une somme suffisante à chaque fois qu’elles font de l’aménagement de fonctionnement sur leur territoire.
Toutefois, si nous avons voté pour la suppression de cet article, nous ne délaissons pas pour autant le dispositif du 1 % artistique, essentiel à la diffusion de l’art auprès d’un large public sur notre territoire. C’est pourquoi cet amendement vise à insérer, après l’article 3, un article disposant que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai de six mois un rapport sur l’application réelle du 1 % et sur l’opportunité de rendre ce dispositif contraignant. La baisse des dotations aux collectivités territoriales qui grève dangereusement leur budget a conduit bon nombre d’entre elles à délaisser leurs missions culturelles et artistiques.
Le dispositif de décoration des constructions publiques, si utile et essentiel qu’il soit, n’est aujourd’hui appliqué qu’à la marge. Il est de notre rôle d’assurer l’application pleine et entière d’un mécanisme visant à faire accéder les arts et la culture au plus grand nombre.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission émet un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Sur la forme, il s’agit encore une fois d’un rapport demandé au Gouvernement ; or, vous le savez, nous essayons d’éviter au maximum les rapports.
Sur le fond, cela mérite réflexion. Nous adhérons, bien sûr, à l’idée du 1 % artistique pour ce qui concerne la construction des bâtiments. Il s’agit d’un dispositif certes assez compliqué à mettre en œuvre, mais nous accompagnons les acteurs, et il laisse une trace dans les territoires, sur le plan tant de l’esthétique que de l’avenir, puisque c’est de l’investissement. Le 1 % artistique sur lequel vous demandez un rapport risque d’être un peu éphémère, même s’il est vrai qu’il apporterait effectivement quelque chose à l’espace public.
Toutefois, il a l’inconvénient d’alourdir la charge des collectivités territoriales. Aussi le 1 % artistique que nous prélèverions sur les travaux publics – les routes, les murs, les tranchées, les réseaux – représenterait une charge pour la collectivité territoriale.
La commission préfère donc émettre un avis défavorable, tant sur la forme que sur le fond.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Vous proposez, madame la sénatrice, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’état d’application du dispositif de décoration des constructions publiques, le 1 % artistique. Ce dispositif, créé en 1951 sur une idée de Jean Zay exprimée dès le Front populaire, fonctionne aujourd’hui très bien. Il a permis d’engager plus de 12 300 projets et de faire travailler plus de 4 000 artistes très divers ; il mobilise de 3 millions à 10 millions d’euros par an.
Mme Fleur Pellerin,
L’engagement des collectivités territoriales, maîtres d’ouvrage dans 70 % des cas, est exemplaire. On constate d’ailleurs qu’un tiers des œuvres réalisées grâce au 1 % artistique est volontaire, c’est-à-dire concerne des constructions non visées par le cadre réglementaire. Je souhaite que le ministère de la culture et de la communication continue de favoriser la rencontre du plus grand nombre avec l’art de notre temps et encourage l’intervention des artistes dans la cité.
C’est avec cette volonté que le ministère de la culture a lancé en 2014 la mission nationale pour l’art et la culture dans l’espace public, dont le rapport, que j’évoquais hier, me sera remis dans les jours prochains.
Je précise par ailleurs que cet engagement se rencontre de plus en plus chez les acteurs privés. J’en veux pour preuve le programme « Un immeuble, une œuvre » que j’ai lancé le 16 décembre dernier, par lequel plusieurs promoteurs, constructeurs et sociétés foncières s’engagent à soutenir la création et les artistes en plaçant des œuvres au cœur des lieux d’habitation et de travail. Ce n’est pas un vœu pieux, puisque la première réalisation a été lancée hier dans le 13
Le renforcement du dispositif réglementaire ne paraît pas indispensable – cela entraînerait un surcroît de contraintes sans modifier fondamentalement le résultat –, mais son évaluation avec tous les acteurs potentiellement concernés et son éventuelle évolution me semblent utiles.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Mon groupe est bien évidemment très attaché au 1 % artistique. J’espère que les maîtres d’ouvrage que nous pouvons être dans les collectivités l’appliquent dans leur budget d’investissement.
Mme Sylvie Robert.
(Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Nous parlons aujourd’hui de dotations, car il s’agit d’enveloppes d’investissement. Même si le montant ne correspond pas obligatoirement à 1 %, il est très important, chers collègues, que des artistes puissent bénéficier de cet investissement pour inscrire, en quelque sorte, leur acte de création dans un bâtiment ; il s’agit presque d’une commande publique !
C’est vrai, il s’agit d’un rapport, mais qui permet de remettre en valeur le 1 % artistique. Nous suivrons donc l’avis du Gouvernement. J’espère que ce mécanisme pourra toujours être appliqué dans un certain nombre des bâtiments qui maillent notre territoire.
La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Vous avez affirmé, madame la ministre, que le 1 % artistique fonctionne très bien. Non, ce n’est pas le cas ! Il ne faut pas être trop angélique à ce sujet.
M. Éric Doligé.
Quand on y regarde de près, on constate que c’est d’une complexité insupportable à l’échelon local. On ne fait pas confiance aux collectivités lorsqu’elles passent des marchés et qu’elles montent des projets. Pour avoir mis en œuvre, dans le cadre de certaines opérations, le dispositif du 1 %, j’ai pu en apprécier la complexité. Les services de l’État sont toujours là pour nous donner des conseils parce que nous ne comprenons pas ce qu’est la culture, notamment locale, ni ce que sont les artistes locaux, et ils nous imposent certaines choses.
Ensuite, quand on doit démolir, pour des raisons diverses, un bâtiment ancien dans lequel se trouvent des œuvres financées par le 1 %, c’est un véritable casse-tête. On est obligé de récupérer des œuvres en décrépitude parce que leurs matériaux sont largement défraîchis. Parfois, l’artiste est décédé entre-temps et il faut demander son avis à sa famille sur quelque chose qui ne correspond plus au style du bâtiment à reconstruire.
Bref, c’est un système trop compliqué. Si le présent texte devait servir à quelque chose, ce serait à redéfinir le fonctionnement du 1 % artistique pour y mettre un peu plus de simplicité.
Mme Colette Mélot.
La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je ne comprends pas très bien le sens de cet amendement.
M. Michel Canevet.
Premièrement, Mme la ministre vient d’indiquer que les choses se passent plutôt bien pour ce qui concerne les collectivités territoriales. Je ne vois donc pas pourquoi on les montrerait du doigt.
Deuxièmement, il faut laisser, me semble-t-il, un certain nombre d’initiatives aux collectivités territoriales sur le fondement du principe de libre administration, consistant à les laisser gérer elles-mêmes les budgets locaux.
Troisièmement, si le Gouvernement estime que ce rapport est indispensable, il peut très bien le rédiger sans que cela soit pour autant indiqué dans la loi. Il est temps que l’on comprenne qu’il faut faire figurer dans la loi uniquement ce qui est important et revenir à des choses extrêmement simples !
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je veux juste en rajouter une couche, s’il était nécessaire, car, quand on est de l’autre côté de la barrière, sur le terrain, on s’aperçoit de la complexité de l’affaire. Ce fut le cas pour ma part lorsque j’ai réalisé des archives départementales – une priorité pour nos concitoyens, compte tenu des difficultés qu’ils rencontrent –, qui ont été en partie subventionnées par l’État. Nous étions soumis aussi au 1 % et cela a posé problème, car quand on augmente la fiscalité pour assurer les compétences obligatoires transférées par l’État sans l’argent pour le faire, on est confronté à une difficulté morale. On reçoit l’injonction d’appliquer le 1 % alors qu’on n’arrive même pas à boucler son budget pour assurer les services minimaux obligatoires que réclament nos concitoyens.
M. René-Paul Savary.
Quand l’État se montrera généreux à l’égard des collectivités territoriales, en versant au moins l’argent qu’il exige que les collectivités dépensent, il sera alors possible d’imposer certaines choses à celles-ci. Mais nous n’en sommes pas là !
Quand la droite sera au pouvoir, elle sera généreuse !
M. David Assouline.
Nous connaissons une conjoncture particulièrement difficile et il peut devenir un peu compliqué d’appliquer des décisions prises à une époque éloignée. En outre, parallèlement, d’autres mesures ont été adoptées, concernant, par exemple, des obligations de mise aux normes, les économies d’énergie ou l’isolation.
M. René-Paul Savary.
Bref, on n’en peut plus des contraintes et des normes supplémentaires, à un moment où l’argent est rare !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Nous sommes tous attachés au développement culturel de nos territoires. Si nous en avons les moyens, nous en ferons plus ; à défaut, nous nous concentrons sur les priorités.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
On pare au plus pressé !
Mme Françoise Férat,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Le débat qui vient de se dérouler est la justification pleine et entière de la nécessité d’adopter notre amendement, puisque, manifestement, le dispositif en cause mérite plus de clarté et l’établissement d’un diagnostic élaboré sérieusement et discuté. Le rapport demandé doit ainsi porter sur l’état de ce dispositif et sur la nécessité de le protéger, car certains orateurs, après avoir commencé leur intervention en louant celui-ci, expliquent ensuite qu’il ne serait pas plus mal de s’en débarrasser au plus vite…
M. Pierre Laurent.
C’est justement le moment – et la loi peut lancer le mouvement – de procéder à un diagnostic, en collaboration avec les collectivités territoriales, confortant le dispositif et rendant, si nécessaire, son application plus pertinente. Je ne comprends donc pas pourquoi ceux qui affirment que le mécanisme pose tant de problèmes sont opposés à cet amendement.
Enfin, je vous entends, chers collègues siégeant sur les travées de la majorité sénatoriale, invoquer le manque de moyens des collectivités territoriales. J’espère que vous y penserez toujours quand vous établirez votre prochain programme électoral national…
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Ronan Dantec applaudit.)
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Il faut recadrer le débat. Il y a deux sujets.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le premier est le dispositif du 1 % artistique, qui existe depuis les années cinquante. Beaucoup de collectivités, même si c’est avec certaines difficultés de procédure, j’en conviens, l’utilisent avec plaisir.
Avec plaisir…
M. David Assouline.
Nous avons en effet tous intérêt à ce qu’émerge, en même temps qu’un équipement, une œuvre d’art. Je crois que dans leur ensemble les élus locaux sont assez favorables à ce dispositif d’investissement dans une œuvre culturelle, qui peut d’ailleurs être de plusieurs natures, puisqu’elle peut être visuelle, sculpturale ou même de lumière.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Mais nous parlons là du 1 % artistique nouveau, qui est en cours de gestation et qui porterait, non pas sur les investissements d’équipement en bâtiment, mais sur les travaux publics. Nous sommes donc sur deux sujets différents.
On ne parle pas encore du 1 % nouveau !
M. David Assouline.
Monsieur Assouline, l’amendement déposé notamment par M. Abate évoque un rapport sur un 1 % artistique lié aux travaux publics. Or le débat a dérapé sur le 1 % artistique lié aux bâtiments.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
On verra lors de l’examen de l’amendement suivant, mais, s’agissant de l’amendement n
M. Patrick Abate.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il faut en effet recadrer le débat et savoir ce sur quoi nous délibérons. Chacun des nombreux amendements qui ont été déposés ne doit pas être examiné en fonction de ceux qui viendront après.
M. David Assouline.
L’amendement dont nous discutons prévoit un rapport pour évaluer le dispositif existant. M. le rapporteur dit que c’est un dispositif dont on est fier et que les élus locaux aiment, même s’il y a quelques difficultés. Mais l’on a compris au cours du débat que, au nom d’un certain nombre de principes politiques qui se mélangent à la liberté des collectivités locales, un élu pourra aller jusqu’à décider qu’il ne fait rien parce qu’il a d’autres urgences. Ça devient donc un dispositif conjoncturel.
Plusieurs débats se mélangent.
Comme M. Leleux sur cette question précise, j’estime que, avant de demander un nouveau rapport, il faudrait déjà que les rapports prévus par diverses lois et votés par nous chaque fois qu’une question n’est pas réglée nous aient été remis. Quand on fait l’évaluation de ces rapports, ce qu’il m’est arrivé de faire comme président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, on se rend en effet compte que pas la moitié si ce n’est le tiers d’entre eux ont été effectivement produits. Pourquoi ? Parce que, sauf à embaucher un nombre invraisemblable d’experts et de rapporteurs, c’est impossible !
Au début, je me demandais : pourquoi prévoir un rapport ? Mais, après ce débat où je vois que le dispositif est contesté et que des élus d’importantes collectivités locales dénoncent un problème de fonctionnement, moi qui veux que l’on conforte cette politique qui existe depuis longtemps et qui n’avait jamais été remise en cause, j’estime qu’une clarification est nécessaire. Je suis donc favorable à un rapport, car il me paraît utile qu’il y ait une évaluation et que chacun puisse juger sur pièces.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je crois nécessaire de rappeler les propos que j’ai tenus au sujet du 1 % travaux publics.
Mme Christine Prunaud.
J’ai dit mot à mot que nous étions opposés à l’élargissement de l’assiette, c’est-à-dire à l’ouverture du 1 % artistique aux travaux publics – le fameux « 1 % goudron » –, car, au nom du principe de réalité, nous ne pensons pas que les collectivités puissent dédier une somme suffisante chaque fois qu’elles font de l’aménagement de fonctionnement sur leur territoire.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je veux préciser que la position que j’ai exprimée porte sur un amendement visant à établir un rapport pour analyser le fonctionnement du 1 % artistique.
Mme Fleur Pellerin,
Je rappelle que ce dispositif n’a pas été remis en cause, quelle qu’ait d’ailleurs été la majorité, depuis sa création. Il permet de mettre de l’art dans l’espace public, notamment dans les écoles. J’ai visité beaucoup d’établissements qui en avaient bénéficié : ni les élus qui avaient commandé les œuvres ni les élèves, par exemple des collèges, qui avaient parfois pu participer à la conception ou à la construction de l’œuvre, n’ont manifesté d’opposition à une politique qu’ils trouvent au contraire très bénéfique.
Ce dispositif permet de rendre l’art plus proche de nos concitoyens, de donner accès à l’art aux publics qui en sont les plus éloignés. C’est donc avec étonnement que je note que la plupart des intervenants qui se sont exprimés sur les travées de la majorité sénatoriale semblent le remettre aussi fondamentalement en cause alors qu’il fait beaucoup pour la démocratisation de l’art et pour l’accès à la culture. Je le regrette.
Il ne faut pas en rajouter !
M. Éric Doligé.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n’est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité de mettre en place un dispositif permettant à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de consacrer 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Avec cet amendement, qui vise l’autre 1 % – le 1 % goudron –, il s’agit de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et de prévoir que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’expérimenter un dispositif qui permettrait de consacrer 1 % du coût des travaux publics menés par l’État et les collectivités territoriales à tout ce qui est art public.
Mme Sylvie Robert.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous êtes apparemment très attachés au développement culturel de vos territoires. Aujourd'hui se déroulent sur l’espace public de très nombreuses manifestations organisées par la Fédération nationale des arts de la rue, arts de la rue qui donnent lieu en France à de grands festivals.
L’idée est que, justement parce que ces manifestations se déroulent sur l’espace public, leur financement à titre expérimental sur une part du coût des travaux d’aménagement de cet espace grâce à ce second volet du 1 % pourrait faire l’objet d’un rapport.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Avis défavorable, pour les raisons explicitées tout à l’heure.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cette proposition me semble utile pour mesurer les possibilités de mettre à profit l’expérience du 1 % sur les constructions publiques et d’identifier les moyens de proposer, non seulement des œuvres, mais également des performances artistiques et tous projets artistiques et culturels dans l’espace public. L’avis est favorable.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souhaite venir à l’appui des arguments de M. le rapporteur.
Mme Colette Mélot.
Le 1 % artistique a une cohérence. Lorsqu’un maître d’ouvrage public construit un bâtiment, il est intéressant de réserver 1 % du coût de la construction pour l’acquisition d’une œuvre d’art spécialement conçue pour ce bâtiment, nous en sommes tous convaincus, car ce dispositif concourt au développement des arts plastiques.
À l’inverse, le raisonnement qui sous-tendait l’article 3
Sur le fond, si le 1 % artistique a fait ses preuves pour le soutien de la création dans le domaine des arts plastiques, il me semble hasardeux de vouloir l’étendre à des formes de création éphémères.
De plus, il est difficile de prévoir les effets d’une concurrence entre le 1 % artistique et ce 1 % travaux publics, ce qui représente tout de même un problème important.
La question d’un nouveau 1 % se pose-t-elle d’ailleurs réellement, au regard de l’état actuel des finances locales ? Ce serait une charge financière supplémentaire pour nos collectivités.
Sur la forme, l’auteur de l’article 3
Nous nous trouvons donc devant un probable rapport fictif, qui ne verra certainement jamais le jour une fois ce débat clos, même si le Gouvernement semble soutenir cette démarche. C’est l’expérience qui parle !
Évitons par conséquent d’inscrire dans la loi la création d’un énième rapport, dont la commission rejette traditionnellement le principe.
(Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
S’agissant des rapports, un avis négatif devrait donc indifféremment tomber ! Or nous devrions avoir ensemble l’intelligence de faire en sorte qu’aucune règle ne s’applique, quelle que soit la situation au motif qu’il y aurait eu des abus, et, je le dis, il y a des abus. Je partage l’idée que les demandes de rapport ne doivent pas servir de moyen détourné pour discuter de dispositions qui tomberaient sous le couperet l’article 40 de la Constitution ou pour avoir un débat sur des questions qui ne relèvent pas de l’ordre législatif.
M. David Assouline.
Je suis aussi absolument contre la dévalorisation de la loi, dont le caractère souvent trop bavard est encore aggravé quand elle annonce des choses qui ne se font jamais ensuite. Ces rapports qui ne viennent pas la discréditent !
Mais nous venons d’aborder deux sujets où ce sont justement des rapports qui pourront éclairer notre travail législatif.
À l’instant, il s’est agi d’un sujet qui, sans que l’on s’en soit rendu compte – pour ma part, c’est en tout cas le débat qui m’a permis de le faire –, pose manifestement plus de questions qu’on ne le croit. Madame Mélot, vous venez de dire que le dispositif du 1 % était génial, mais plusieurs de vos collègues ont dit exactement l’inverse avant vous.
Mme Colette Mélot.
En tout cas, ils n’ont pas montré, comme vous et comme M. Leleux, une grande joie… Je ne critique pas ce fait-là : il peut y avoir des appréciations différentes,…
M. David Assouline.
Absolument !
Mme Christiane Hummel.
… mais, quand des acteurs locaux tout à fait responsables, et qui ont la même légitimité, voient les choses de façon aussi différente, un rapport pour éclairer et faire un état des lieux partagé est nécessaire !
M. David Assouline.
Maintenant, il s’agit d’un dispositif qui, de votre point de vue, n’est pas bon. Mais on l’expérimente à Paris et dans d’autres endroits. Certains vont peut-être être convaincus par l’expérience, d’autres considérer qu’elle est négative. C’est pourquoi, avant d’éventuellement légiférer, il convient justement de disposer d’un rapport qui évalue les résultats effectifs du dispositif là où il y a des expérimentations et l’impact qu’il aurait ailleurs.
Dans ces deux cas particuliers, parce que nous sommes intelligents, nous pouvons considérer que des rapports sont justifiés. Je le répète, quand des rapports sont injustifiés, faisons tomber le couperet, et refusons les demandes tous azimuts ! Mais, monsieur le rapporteur, jugeons la nécessité de chaque rapport au cas par cas et n’adoptons pas une doctrine contre tout rapport.
La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Pour ma part, monsieur Assouline, je m’étonne que l’on veuille un rapport sur ce sujet, et je vais vous dire pourquoi.
M. Alain Marc.
Je m’occupe, sous la présidence de Jean-Claude Luche, des travaux routiers dans le département de l’Aveyron. Nous investissons chaque année environ 40 millions d’euros sur les routes, ce qui signifierait, si nous adoptions l’idée du 1 % travaux publics, 400 000 euros consacrés à la culture.
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, nous offre des possibilités d’action en matière culturelle.
Mais, comme les dotations de l’État sont en nette baisse, les départements ruraux vont être obligés de consacrer 400 000 euros en moins à la culture !
Quel est le rapport ?
M. David Assouline.
Il faut cesser de faire preuve d’angélisme et de naïveté ! Dans les départements ruraux, nous faisons avec ce que nous avons. Nous ne voulons pas de contrainte supplémentaire.
M. Alain Marc.
Nous agissons déjà beaucoup en faveur de la culture. Nous ne voulons pas que cela nous soit imposé au travers du 1 % goudron. Une telle mesure serait totalement stupide et démagogique !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
C’est pas démago, ça ?
M. David Assouline.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Personnellement, je crois au bien-fondé du 1 % culturel. J’ai eu l’occasion de l’appliquer avantageusement quand j’étais adjointe à la culture dans ma commune.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Cependant, il me semble que nous parlons un peu dans le vide. En effet, madame la ministre, il n'est pas nécessaire d’attendre une disposition législative sur la possibilité ou l’obligation d’un rapport sur le 1 % culturel pour que vos services établissent un tel rapport ! Ils peuvent engager ce travail dès maintenant, si vous le jugez opportun, et vous suggérer d’éventuelles améliorations.
Ne nous trompons pas de débat. Il ne s’agit pas ici de discuter de l’opportunité du 1 % culturel obligatoire. D’après ce que j’ai compris, vous souhaitez plutôt dresser un état des lieux. Nul besoin de loi pour cela !
Par ailleurs, à l’instar de Mme Mélot, je suis un peu dubitative sur les rapports. Je le rappelle, une disposition insérée sur notre initiative dans le projet de loi relatif au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre prévoit la remise au Parlement d’un rapport « sur l’éligibilité à l’aide à l’équipement des foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public et ne recevant les services de télévision en clair que par la voie satellitaire sans abonnement ». Nous souhaitions apporter cette mesure d’équité à nos concitoyens. Or, à ma connaissance, nous n’avons toujours pas reçu ce rapport, qui aurait dû nous être remis au début du mois de janvier !
Plus généralement, nous devons souvent attendre des mois, voire des années avant que les rapports soient réalisés. Laissons donc le soin de les rédiger aux services concernés des ministères ou du Parlement, qui, lui aussi, est compétent. Inutile de passer par la loi !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voterai cet amendement, comme j’avais voté l’amendement précédent. Je lirai le rapport avec jubilation, parce qu’il est toujours heureux de pouvoir s’appuyer sur une réflexion préalable.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je veux simplement dire un mot du terme « décoration », qui figurait dans le texte de l’amendement précédent.
Je trouve ce terme un peu étrange. Il présuppose l’existence d’une œuvre – il peut s’agir d’une route, d’un pont, d’une école, d’un hôpital, d’un théâtre… – qui ne relève pas de la culture et à laquelle on vient ajouter quelque chose, afin qu’il y ait un « plus » culturel.
Cela me fait un peu penser à ces guirlandes qui servent à enjoliver le réel ou à ces gâteaux auxquels on ajoute quelques ronds de confiture ou quelques fleurs pour faire saliver.
(Sourires.)
À crédit sur nos enfants !
M. René-Paul Savary.
Mes chers collègues, je voudrais que l’on réfléchisse également – il pourrait justement y avoir quelques pages en ce sens dans le rapport – à la pertinence de la démarche consistant à distinguer la substance première de sa décoration par l’ajout d’un élément artistique.
M. Jean-Pierre Sueur.
Pour ma part, je considère que le pont est en lui-même une œuvre d’art. J’aimerais que les artistes sollicités ensuite pour le décorer fussent associés au projet dès l’origine.
Très bien !
M. Gérard Longuet.
Nous devons concevoir la culture comme un tout et considérer que l’art est présent du début à la fin. Cela permettrait qu’il y ait cette beauté dont le futur rapport nous entretiendra.
M. Jean-Pierre Sueur.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je partage la position pragmatique de David Assouline sur les rapports. Il ne faut évidemment pas aboutir à une inflation de rapports, mais, lorsqu’un rapport paraît utile, nous pouvons soutenir la démarche. Ne dessaisissons pas le Parlement de son pouvoir d’initiative en la matière !
M. Pierre Laurent.
Sur le fond, cette discussion me permet de lever une ambiguïté qui a persisté lors de l’examen de l’amendement précédent. Nous avions déposé l’amendement n
L’élargissement du 1 % artistique sur les travaux publics soulève de nombreux problèmes et fait naître de nombreuses incertitudes, compte tenu à la fois du volume qui serait concerné et du caractère éphémère des travaux, donc des projets artistiques qui pourraient les accompagner. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.
En tout état de cause, au vu de la confusion que ce débat est susceptible d’entretenir, j’estime que nous avons eu raison de déposer l’amendement précédent, afin de consolider le dispositif du 1 % artistique, qui, encore une fois, existe, fonctionne et doit plus que jamais être conforté.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Par définition, le Parlement est le lieu où l’on parle. D’aucuns se plaignent parfois que nous parlions trop. Fort heureusement, on n’a plus besoin de lois pour dire que la parole est libre au Sénat ! Que tout le monde s’exprime !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je fais amende honorable pour avoir confondu deux amendements tout à l'heure. Dont acte.
Je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement. Madame la ministre, j’ai un peu le sentiment d’être dans « Ubu au Sénat » !
(Sourires.)
(M. Jackie Pierre applaudit.)
Élémentaire, mon cher Watson !
M. Gérard Longuet.
C’est le bon sens !
M. René-Paul Savary.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
J’entends tout à fait les propos de M. le rapporteur. Je pourrais effectivement commander ces rapports à mon administration.
Mme Fleur Pellerin,
Simplement, lorsque j’ai eu à me prononcer sur les amendements, j’ai souhaité exprimer mon accord de principe sur la remise de tels rapports.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
En conséquence, l’article 3
Mme la présidente.
Après le premier alinéa de l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit. » –
Le chapitre II du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Les articles L. 212-10 et L. 212-11 deviennent, respectivement, les articles L. 212-3-5 et L. 212-3-6 ;
2° Est insérée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 212-1 à L. 212-3-6 ;
3° Est insérée une section 2 intitulée : « Contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de vidéogrammes » et comprenant les articles L. 212-4 à L. 212-9. –
Le même chapitre II est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Contrats conclus entre un artiste
interprète et un producteur de phonogrammes
Art. L. 212-10
(Non modifié)
Art. L. 212-11
« Toute clause qui tend à conférer le droit d’exploiter la prestation de l’artiste-interprète sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature est expresse et stipule, au bénéfice des artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes de l’exploitation, une participation corrélative auxdites recettes.
« La cession au producteur de phonogrammes de droits de l’artiste-interprète autres que ceux mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention expresse distincte dans le contrat.
Art. L. 212-12. – (Non modifié)
Art. L. 212-13
« Chaque mode d’exploitation du phonogramme incorporant la prestation de l’artiste-interprète prévu au contrat fait l’objet d’une rémunération distincte.
« Sont regardées comme des modes d’exploitation distincts la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et sa mise à disposition par voie électronique.
Art. L. 212-13-1 –
(Non modifié)
« II. – Les modalités de la garantie de rémunération minimale prévue au I et son niveau sont établis par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives des artistes-interprètes et les organisations représentatives des producteurs de phonogrammes.
« Cet accord peut être rendu obligatoire par arrêté du ministre chargé de la culture.
« III. – À défaut d’accord collectif dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n
Art. L. 212-14
« À la demande de l’artiste-interprète, le producteur de phonogrammes fournit à un expert-comptable mandaté par l’artiste-interprète toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes. »
La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
Mme la présidente.
L’article 5 ouvre une série de dispositions relatives au secteur de la musique.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Nous le savons, les tensions en la matière entre producteurs, artistes et plateformes numériques sont fréquentes, en raison d’un contexte économique déprimé et, surtout, des bouleversements technologiques, qui modifient en profondeur les équilibres de rémunération entre les différents éléments de la filière. Nous vivons effectivement une vraie révolution. Les modèles sont en train de changer.
Madame la ministre, la médiation que vous avez confiée à M. Marc Schwartz l’été dernier a permis de louables avancées en faveur d’un plus juste partage de la valeur et de relations contractuelles mieux encadrées. Le présent projet de loi s’en fait l’écho dans cet article.
Notre commission a soutenu la démarche de sécurisation des contrats et des rémunérations que vous avez engagée. Toutefois, elle a rétabli la distinction entre artistes-interprètes principaux et artistes dits « de complément ». Elle a supprimé l’extension de la licence légale aux webradios – nous y reviendrons – en l’absence d’informations chiffrées fiables et d’étude d’impact satisfaisante. Elle a également renforcé l’articulation entre le médiateur de la musique, l’Autorité de la concurrence et les instances de conciliation prévues par la convention collective.
Ainsi modifiées, les dispositions du présent texte relatives au secteur de la musique présentent un équilibre satisfaisant entre la nécessaire reconnaissance des artistes, par une amélioration de leur rémunération, les intérêts économiques des producteurs et les enjeux liés à l’émergence de nouveaux modes de diffusion.
Il conviendra de veiller à ne pas trop bouleverser les équilibres ainsi obtenus.
La parole est à M. Pierre Laurent, sur l'article.
Mme la présidente.
Comme vient de le souligner notre rapporteur, avec l’article 5, nous abordons un aspect essentiel du projet de loi, celui qui vise à mieux consacrer la liberté de création et la protection des artistes.
M. Pierre Laurent.
Nous le savons, en ces temps de bouleversement numérique des usages, les rapports de force entre artistes et producteurs-diffuseurs, qui sont déjà difficiles, pourraient se déstabiliser de manière problématique.
Or un très grand nombre de professionnels vivent déjà difficilement de leur art. Les chiffres montrent même que plus de la moitié des catégories professionnelles des arts et de la culture vivent sous le seuil de pauvreté. Ces professions connaissent donc une énorme précarité. Nous devons, me semble-t-il, faire preuve de vigilance sur la protection de la rémunération si nous voulons que les affirmations sur la liberté artistique correspondent à la réalité.
Nous nous réjouissons de l’existence de l’article 5, qui permet des avancées importantes. Nous ferons plusieurs propositions pour l’enrichir.
Parmi les avancées, nous notons l’assurance d’une rémunération minimale, dont le montant sera fixé par accord professionnel, la transparence du contrat, la distinction des modes d’exploitation… Toutes ces mesures vont dans le bon sens.
Malgré tout, nous relevons des manques, comme sur l’obligation d’instaurer une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation, notamment sur internet. Pourquoi ne pas aussi inclure de prime spécifique dans le cas d’une cession exclusive des droits ?
Nous regrettons également la modification apportée à l’alinéa 6 pour exclure les artistes-musiciens exécutants d’une œuvre de la possibilité de recourir à des rémunérations proportionnelles, au motif que c’est l’usage. Nous pensons que cela introduit une injustice. Nous avons déposé des amendements pour y remédier.
En tout état de cause, notre objectif est bien d’enrichir encore cet article, auquel nous tenons beaucoup.
La parole est à Mme Colette Mélot, sur l'article.
Mme la présidente.
La convention collective nationale de l’édition phonographique demeure l’une des plus avantageuses au monde en matière de rémunération des artistes. Longuement négociée avec toutes les parties, elle avait été adoptée par une très large majorité des partenaires sociaux en 2008.
Mme Colette Mélot.
En l’état, l’article 5 du projet de loi ne distingue pas convenablement, à tort, la situation des artistes-interprètes, dont la rémunération est proportionnelle aux ventes, de celle des musiciens, payés au forfait, c’est-à-dire au cachet.
Au moment même où les partenaires sociaux sont sur le point de rouvrir la convention collective nationale de l’édition phonographique pour faire suite à certains engagements du protocole d’accord Schwartz, il ne serait pas opportun que le législateur empiète sur leurs prérogatives. Cela n’irait pas dans le sens d’une application sereine des accords collectifs et serait en contradiction avec l’attachement du Gouvernement au dialogue social.
C’est dans cette optique que j’ai déposé les amendements n
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
, au bénéfice des artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes de l’exploitation, une participation corrélative auxdites recettes
par les mots :
une participation corrélative aux profits d’exploitation
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n
Dans la droite ligne de ce que notre collègue Pierre Laurent a indiqué en intervenant sur l’article, nous proposons de revenir sur la rédaction de l’alinéa 6, dont la commission de la culture du Sénat a limité la portée aux seuls artistes principaux, ce qui nous pose problème.
M. Éric Bocquet.
Partant du principe qu’il s’agit d’un usage, il a été décidé d’empêcher les musiciens qui participent à une œuvre d’accéder au système des rémunérations proportionnelles à ses recettes d’exploitation. Voilà qui marque un recul important et qui s’inscrit dans une globalisation inquiétante !
En effet, « usage » ne signifie pas « totalité ». Or, si la rédaction initiale de cet alinéa risquait de ne profiter qu’à peu de monde, la rédaction actuelle concerne l’ensemble des artistes musiciens participants.
Par ailleurs, une telle disposition consacre une pratique discutable sur le fond, au seul motif que tel serait l’usage ! Cette consécration législative empêche
Il ne s’agit évidemment pas pour nous de considérer que la contribution du musicien participant et celle de l’artiste-interprète ont la même importance au sein d’une œuvre.
Toutefois, de la même manière que les deux catégories de travailleurs ont deux cachets différents, rien n’empêcherait d’instaurer deux taux distincts de rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation.
Par ailleurs, si nous reconnaissons une différence de degré d’implication, fermer ainsi la porte, d’un point de vue législatif, aux musiciens participants revient à nier leur rôle capital dans la création artistique et culturelle. Or, bien souvent, la prestation d’un artiste participant est tout aussi importante, capitale, à l’œuvre finale que la prestation principale, la première enrichissant fortement la seconde.
Cet amendement vise à réintégrer la possibilité pour les artistes musiciens participants de recourir, dans leur contrat, à des rémunérations proportionnelles aux recettes d’exploitation.
Cette mesure ne concerne que peu de personnes, mais elle permet d’anticiper les mutations des usages en cours.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Comme cela a été souligné, le partage des rémunérations et le poids accordé aux producteurs, aux artistes-interprètes, aux musiciens et aux auteurs ont heureusement évolué depuis un siècle. Subsistent néanmoins des bizarreries, des traditions inégalitaires. Il est opportun de les lever.
Mme Corinne Bouchoux.
Nous faisons bien évidemment confiance au dialogue social pour surmonter un tel état de fait. Toutefois, nous aimerions revenir à la rédaction proposée par l’Assemblée nationale, afin que les musiciens accompagnants puissent être rémunérés pour des exploitations non prévisibles.
En effet, le texte tel qu’il est rédigé établit une hiérarchie qui n’a absolument plus de sens, au motif suivant : « Selon les usages en vigueur dans l’édition phonographique, les artistes musiciens ne bénéficient pas, à la différence des artistes principaux, de rémunérations proportionnelles aux recettes d’exploitation. »
Mes chers collègues, je n’ai rien contre le fait d’invoquer les usages. Mais il fut une époque où les enfants travaillaient et où tout le monde trouvait cela normal, car c’était l’usage ! Il fut une époque où les femmes ne pouvaient pas voter, et tout le monde trouvait cela très bien – surtout ici ! –, car c’était l’usage !
sur les travées du groupe CRC.)
En l’espèce, je comprends qu’il soit confortable d’invoquer les usages pour pérenniser une situation et ne rien changer. Néanmoins, compte tenu de la faiblesse du nombre de personnes concernées et du caractère extrêmement égalitaire d’une telle mesure, nous souhaitons en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.
De quel droit allons-nous dire depuis notre fenêtre qu’untel, par exemple le violoniste de l’orchestre, peut bénéficier du dispositif quand tel autre, par exemple le joueur de triangle, n’y aurait pas droit ? L’argument de l’usage ne nous semble pas pertinent. Il nous paraît légitime que les artistes-interprètes ne soient pas exclus du bénéfice de la rémunération des droits de propriété intellectuelle.
On nous a enfin opposé des difficultés pratiques de calcul. Or, à l’heure d’Excel, des ordinateurs et de la modernité, l’obstacle nous semble facile à lever.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je ne partage pas l’analyse des auteurs de ces deux amendements.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Premièrement, l’alinéa 6 est relatif aux formes non prévisibles et non prévues d’exploitation. C’est dans ce cas précis qu’il était prévu à l’article 5 de faire bénéficier tous les artistes d’une rémunération proportionnelle. Dans tous les autres cas, cette rémunération doit être prévue dans le contrat.
Deuxièmement, chère Corinne Bouchoux, vous parlez de « l’usage ». Mais le contexte est complètement différent.
Personnellement, j’aime les variétés et la musique ; ne m’accusez pas de ne pas être un accompagnateur des artistes, qu’il s’agisse de
music-hall
Tout à fait !
M. Gérard Longuet.
Mais ce n’est pas le même métier. L’un incarne une image, celle qu’il a créée au cours de sa carrière ; l’autre se met au service des artistes-interprètes. Il est donc normal qu’il soit payé au cachet. Il arrive parfois que des musiciens, par exemple des guitaristes ou des batteurs, émergent et deviennent des têtes d’affiche alors qu’ils n’étaient au début que des accompagnateurs. Mais, encore une fois, nous parlons de deux métiers différents.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu que le statut soit différent. L’accompagnant bénéficie du cachet de base, ce qui est le cas de tout le monde, pour la prestation et la fixation de l’œuvre et, éventuellement, le complément. Seul l’artiste-interprète bénéficie d’une rémunération proportionnelle,
a fortiori
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques, qui visent à donner certaines garanties à tous les artistes-interprètes, qu’ils soient principaux ou secondaires, sur les nouvelles formes d’exploitation des œuvres qui pourraient apparaître après la conclusion des contrats.
Mme Fleur Pellerin,
Cette rémunération est la contrepartie de la possibilité donnée au producteur de s’assurer qu’il disposera de l’ensemble des droits nécessaires à l’exploitation du phonogramme à l’avenir, malgré l’imprécision du contrat au moment de sa conclusion sur les modes d’exploitation couverts par la cession des droits.
Il ne s’agit donc pas seulement de rétablir une forme d’égalité entre les différents types d’artistes ; il faut également sécuriser les producteurs.
Cette rémunération doit pouvoir être calculée et assurée pour l’ensemble des artistes-interprètes sans opérer de distinction entre artistes-interprètes, qu’ils soient principaux ou secondaires.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Art. L. 212-13.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n
Cet amendement vise à prévoir des rémunérations distinctes selon que l’artiste-interprète est lié ou non par un contrat de travail.
Mme Colette Mélot.
Je propose de remplacer les alinéas 9 et 10 de l’article par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes est un contrat de travail, il fixe une rémunération en contrepartie de la prestation et de l’autorisation de fixation de la prestation de l’artiste-interprète, versée sous forme de salaire. Lorsque ce contrat ne prévoit pas le paiement direct par le producteur d’une rémunération fonction des recettes de l’exploitation et qu’une convention collective est applicable, le contrat précise les rémunérations dues à l’artiste-interprète pour chacun des modes d’exploitation déterminés par la convention collective. »
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Je partage la position de Mme Mélot. Je vais simplement essayer d’anticiper la possible réponse de M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère.
En commission, il avait fait référence aux accords Schwartz. N’érigeons pas ces derniers en totem ! Nous le savons, ils sont moins consensuels que ce que d’aucuns prétendent.
Par ailleurs, nos deux amendements identiques ont pu être accusés de porter atteinte à l’esprit de la disposition visant à permettre une rémunération pour chacun des modes d’exploitation.
Un tel argument m’avait surpris. En effet, il est expressément indiqué dans le texte de nos amendements identiques que le contrat « précise les rémunérations dues à l’artiste-interprète pour chacun des modes d’exploitation » – c’est bien là le débat ! – « déterminés par la convention collective. »
La seule exception, je vous l’accorde, c’est quand le contrat de travail prévoit une rémunération en fonction des recettes d’exploitation. Une telle exception ne me paraît pas scandaleuse dans la mesure où elle prend en compte les différents modes d’exploitation à travers les recettes d’exploitation. C’est une longue tradition dans le métier. En outre, comme les artistes passent des conventions sur le plan international, il me paraîtrait difficile de ne pas permettre que leurs relations soient définies sur des bases également connues dans les autres pays.
Je permets donc de souhaiter que la position sur le sujet de M. le rapporteur puisse évoluer.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ces amendements tendent à supprimer la mention dans les contrats des différents types d’exploitation.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La rédaction que nous avons retenue est dans la lignée des accords Schwartz. L’adoption de ces amendements constituerait un recul en matière de transparence. Or cette notion est au cœur de l’article.
Vous le savez, dans cette profession, les interactions économiques entre les divers éléments de la filière sont complexes, notamment lorsque les différences de moyens de diffusion et d’exploitation explosent.
Il nous a paru légitime de satisfaire la demande des artistes, dans la lignée des accords Schwartz. Il faut que chacun des modes d’exploitation, même ceux qui sont encore imprévisibles à l’heure actuelle et qui le seront forcément à l’avenir, soit mentionné dans les contrats, par souci de clarté.
Je souhaite donc le maintien de la rédaction actuelle de l’article 5, et sollicite le retrait de ces deux amendements identiques, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements identiques, pour les raisons qui viennent d’être exposées par M. le rapporteur.
Mme Fleur Pellerin,
En effet, l’article 5 du projet de loi a pour objet d’établir les conditions d’une réelle transparence dans les pratiques contractuelles entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. Le texte vise à permettre aux artistes et aux producteurs de distinguer les modes de rémunération liés aux différents modes d’exploitation.
L’exploitation en ligne des phonogrammes constitue incontestablement un support distinct de l’exploitation physique. Il est donc légitime que les artistes puissent se voir reconnaître des rémunérations distinctes, selon le support en question. Les partenaires sociaux devront désormais prendre en compte cette distinction dans le cadre de la convention collective.
L’adoption de ces amendements affaiblirait très considérablement la portée de l’article 5, donc la protection des artistes, ce qui ne me semble pas être l’intention de leurs auteurs.
Madame Mélot, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, madame la présidente ; je le retire, en espérant que Mme la ministre aura entendu l’appel que j’ai lancé en présentant cet amendement.
Mme Colette Mélot.
(Mme la ministre le confirme.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Qu’en est-il de l'amendement n
Devant une telle convergence, je ne puis que le retirer, madame la présidente !
M. Philippe Bonnecarrère.
(Sourires.)
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Colette Mélot.
La distinction artificielle entre exploitation physique et exploitation numérique des titres musicaux a pour effet, au lieu d’améliorer la rémunération de l’artiste, de priver les musiciens d’une part de la rémunération qu’ils perçoivent actuellement dans le cadre de la convention collective lorsqu’il n’y a pas d’exploitation sous forme physique. De plus en plus de phonogrammes ne sortent déjà plus qu’en version numérique.
Mme Colette Mélot.
Par ailleurs, la rédaction actuelle de l’alinéa 11 est contraire à l’analyse des partenaires sociaux. Ces derniers n’ont en effet pas souhaité établir de différence entre l’exploitation physique et exploitation numérique d’un album. Ils ont au contraire prévu des rémunérations assimilant le
Il convient d’améliorer la rémunération des artistes en prenant en compte les nouveaux modes d’édition.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Dans le prolongement de ce que j’ai indiqué précédemment, il me semble désormais légitime d’établir une distinction entre exploitations physiques et exploitations numériques ; nous ne sommes plus à l’époque du microsillon !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Certes, la convention collective, qui date, me semble-t-il, de 2008, ne le prévoit pas pour l’instant. Mais le sujet devrait certainement être remis au goût du jour, car la convention doit être bientôt renouvelée.
Pour autant, cela ne change absolument rien à la rémunération de l’artiste. Il s’agit simplement d’apporter plus de clarté dans le contrat.
Par conséquent, je souhaiterais le retrait de cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. M. le rapporteur a très bien expliqué pourquoi la distinction entre les différents types d’exploitation des œuvres était aujourd’hui nécessaire pour assurer la protection des artistes.
Mme Fleur Pellerin,
La rémunération liée à l’exploitation physique d’une œuvre et celle qui est liée à son exploitation numérique doivent rester distinctes. Il ne faut pas que la première absorbe la seconde, compte tenu des pouvoirs de négociation respectifs dont disposent producteurs et artistes.
Madame Mélot, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Colette Mélot.
J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre, que je remercie d’avoir répondu à mes interrogations.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
I. – Alinéas 13 et 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – La garantie de rémunération minimale versée par le producteur aux artistes-interprètes prévue au I est fixée de manière à associer justement les artistes-interprètes à l'exploitation des phonogrammes, par une commission présidée par un représentant de l'État et composée en outre, pour moitié de personnes désignées par les organisations représentant les artistes-interprètes et pour moitié de personnes désignées par les représentants de producteurs de phonogrammes.
II. – Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Cet amendement vise à créer une commission chargée de fixer la garantie de rémunération minimale versée par le producteur aux artistes-interprètes lors de l’exploitation de leurs enregistrements en
Mme Françoise Laborde.
Les artistes-interprètes pourraient ainsi bénéficier d’un dispositif de rémunération équitable lors de l’exploitation de leurs enregistrements auprès des plateformes de
Ces dernières années, plusieurs rapports successifs contenaient des propositions relatives à la mise en œuvre d’une gestion collective obligatoire des droits de la musique en ligne, afin de garantir une juste rémunération des artistes-interprètes.
Nous souhaitons donc fixer les conditions d’une négociation juste et équitable.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement a pour objet la création d’une commission
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cette garantie de rémunération équitable représente l’une des avancées majeures du protocole d’accord de Marc Schwartz. Comme cela est prévu, le montant sera fixé par les parties au terme d’une négociation actée par tous les signataires de l’accord ; elle sera lancée à l’issue du délai prévu dans le texte.
À mon sens, il n’est donc pas nécessaire à ce jour de prévoir la création d’une commission supplémentaire pour traiter de cette question, alors que les organisations professionnelles ont déjà pris un tel engagement. De surcroît, vous souhaitez confier la présidence de cette commission à un représentant de l’État ; cela risque de déranger les partenaires sociaux, qui seront en train de négocier.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Mme Fleur Pellerin,
Certes, nous partageons évidemment la préoccupation qui vient d’être exprimée : permettre aux artistes-interprètes de bénéficier d’une juste rémunération au titre des exploitations numériques des enregistrements auxquels ils ont contribué.
C’est d’ailleurs à ce titre que j’ai confié une mission à Marc Schwartz. Elle a débouché sur la consécration, à l’article 5, d’une négociation, dans le cadre d’un accord collectif, sur la garantie de rémunération minimale. La négociation est toutefois enserrée dans un délai très bref. En cas d’échec, une commission administrative paritaire serait appelée à déterminer la rémunération minimale des artistes.
L’adoption de cet amendement conduirait à supprimer la phase de négociation. J'estime que la rédaction actuelle de l’article 5 apporte des garanties réelles aux artistes, en leur permettant d’être associés à l’exploitation des phonogrammes.
Par conséquent, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Madame Laborde, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Françoise Laborde.
Je note simplement qu’il y a eu plusieurs rapports sur le sujet. Nous avons beaucoup glosé sur les rapports. Je constate avec intérêt que certains ont une utilité !
L'amendement n
Mme la présidente.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L'article L. 122-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute cession de droit d'auteur à titre gratuit doit faire l'objet d'une mention distincte justifiant l'intention libérale. La promotion de l'auteur ou de ses œuvres ne saurait constituer une intention libérale au sens du présent article. » ;
2° L’article L. 132-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’abus notoire dans le non-usage par un éditeur des droits d’exploitation qui lui ont été cédés, la juridiction civile compétente peut ordonner toute mesure appropriée. » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 132-13, les mots : « une fois l’an » sont remplacés par le mot : « semestriellement » ;
4° Le septième alinéa de l’article L. 132-17-3 est ainsi rédigé :
« La reddition des comptes est effectuée au moins semestriellement, à la date prévue au contrat ou, en l'absence de date, au plus tard deux mois après chaque semestre de l’année civile. » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 132-28, les mots : « une fois par an » sont remplacés par le mot : « semestriellement ».
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Cet amendement vise à aligner les droits des auteurs sur celui des artistes-interprètes en matière à la fois de protection contre les non-usages abusifs de droits, de protection contre les cessions à titre gratuit imposées et de reddition des comptes.
Mme Christine Prunaud.
C’est en ce sens que nous proposons la modification des articles L. 122-7, L. 132-12, L. 132-13, L. 132-17-3 et L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle. Ces diverses adaptations doivent contribuer à l’alignement des droits des auteurs sur ceux des artistes-interprètes.
L’amendement vise tout d’abord à insérer « une mention distincte justifiant l’intention libérale » dans les contrats de cession de droits. Aujourd’hui, les auteurs se trouvent trop souvent contraints de céder l’ensemble de leurs droits – et ce, à titre gratuit ! – au motif qu’un mandataire pourrait organiser la promotion de l’œuvre. Cette pratique particulièrement dangereuse ne peut conduire qu’à une précarisation des auteurs.
En effet, même si la cession de droit à titre gratuit est en principe une faculté, et non une obligation, le rapport de force inégal entre diffuseurs et auteurs peut conduire à des cessions gratuites contraintes. Il convient donc de se prémunir contre de telles situations en imposant une justification par écrit.
Ensuite, l’amendement tend à exclure la promotion des raisons justifiant la cession des droits à titre gratuit. À défaut, il faudrait considérer que la mise à disposition du public d’une œuvre constitue une rémunération suffisante, ce qui entrerait incontestablement en contradiction avec le principe même de droit d’auteur.
En outre, l’amendement a pour objet de transposer aux auteurs les dispositions prévues pour les artistes-interprètes à l’article 5 du projet de loi en matière « d’abus notoire dans le non-usage […] des droits d’exploitation ».
Enfin, l’amendement vise à revoir la périodicité de la remise des comptes aux auteurs ; elle avait un sens en 1957, mais elle n’en a plus aujourd’hui. En effet, aucun fournisseur n’étant payé à l’issue d’un délai aussi long, il apparaît inutile de maintenir une périodicité annuelle. Une périodicité semestrielle constituerait une sécurité plus importante.
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…- L’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’abus notoire dans le non-usage par un éditeur des droits d’exploitation qui lui ont été cédés, la juridiction civile compétente peut ordonner toute mesure appropriée. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement a pour objet de transposer le dispositif prévu à l’article 5 aux auteurs d’œuvres écrites – ceux-ci peuvent subir les mêmes abus de la part des éditeurs –, en prévoyant l’intervention du juge « en cas d’abus notoire dans le non-usage » des droits d’exploitation par un éditeur.
Mme Sylvie Robert.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
J’ignore pourquoi nous examinons des amendements portants sur l’édition alors que nous débattons des artistes-interprètes et de la musique ! J’imagine que les spécialistes de l’ordonnancement législatif, eux, doivent le savoir !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
Sur le fond, les contrats prévoient déjà les différents cas de cession des droits, y compris à titre gratuit. La précision que proposent les auteurs des amendements n
En outre, aux termes de l’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle, l’éditeur est tenu d’assurer à l’auteur une exploitation permanente et suivie, ainsi qu’une diffusion commerciale de son œuvre. Le non-respect de cette obligation est donc déjà passible d’une sanction par le juge, sous la forme de la résiliation du contrat d’édition aux torts de l’éditeur, assortie du paiement de dommages-intérêts.
Enfin, pour des raisons économiques et pratiques évidentes, et pour des raisons de fonctionnement, il semble peu opportun de contraindre les éditeurs, qui, pour beaucoup d’entre eux, disposent de moyens matériels et humains limités – il n’y a pas que de grands éditeurs ! –, à rendre compte tous les six mois à chacun de leurs auteurs et pour chaque ouvrage du nombre d’exemplaires fabriqués et vendus, ainsi que du calcul de la rémunération associée.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Il est proposé à l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
Cet amendement vise également à donner la possibilité aux auteurs de saisir le juge, lorsque leurs droits ne sont pas exploités. Or, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, cette faculté de saisir les tribunaux existe déjà en droit français. Le code de la propriété intellectuelle prévoit en effet pour les éditeurs l’obligation d’exploiter à leur charge les droits des auteurs. Ces derniers sont donc protégés, puisqu’ils peuvent saisir les juges en cas de non-respect de cette obligation.
Enfin, l’amendement vise à obliger les éditeurs à rendre compte « semestriellement » de l’exploitation des œuvres. Certes, la loi n’impose actuellement qu’une base annuelle. Mais rien n’empêche les parties de prévoir contractuellement une communication plus régulière des comptes. De plus, il ne me paraît pas souhaitable de limiter la liberté des parties sur ce point ou la possibilité pour celles-ci de prendre en compte les particularités de chaque situation.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n
L’avis est également défavorable sur l’amendement n
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 5.
Mme la présidente.
(L'article 5 est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« En ce qui concerne le droit de mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement, les artistes-interprètes bénéficient, même après le transfert de leur droit exclusif, d’un droit à rémunération équitable payée par les personnes mettant à disposition des phonogrammes.
« Ce droit à rémunération équitable, auquel il ne peut être renoncé, ne peut être exercé que par une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes, agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.
« L’agrément est délivré en considération de la qualification professionnelle des dirigeants des sociétés ; des moyens humains et matériels que ces sociétés proposent de mettre en œuvre pour assurer la perception et la répartition de cette rémunération, tant auprès de leurs membres qu’auprès des artistes-interprètes qui ne sont pas leurs membres ; de la représentation des artistes-interprètes bénéficiaires de cette rémunération ; de leur respect des obligations prévues au titre II du livre III. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de délivrance et de retrait de cet agrément.
« Les barèmes et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords entre la société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes agréée et les personnes mettant à disposition des phonogrammes dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article.
« À défaut d’accord dans les six mois à compter de la promulgation de la loi n
La parole est à M. Claude Raynal.
Aujourd’hui, il n’est plus possible de promouvoir les services « légaux » sur internet et d’appeler à la répression des utilisations « illicites » ou « pirates », alors que ces mêmes services légaux laissent la quasi-totalité des artistes-interprètes sans rémunération.
M. Claude Raynal.
En effet, à l’exception des artistes principaux, qui peuvent, lorsqu’ils disposent d’une certaine notoriété, percevoir des
Les artistes qui ne sont pas des vedettes ou des artistes dits « principaux » ne bénéficient pas de
L’urgence est donc de garantir aux artistes-interprètes une rémunération pour ces utilisations sur internet de leurs enregistrements sur le modèle de la rémunération équitable mise en place pour la diffusion de musique par les radios ou les télévisions. En effet, une rémunération équitable et indépendante de l’exercice du droit exclusif qui est cédé aux producteurs doit être garantie aux artistes. Cette rémunération doit être négociée et perçue par une société de gestion collective d’artistes-interprètes, avec laquelle j’ai d’ailleurs préparé cet amendement, auprès des services de téléchargement et de
Dans cette perspective, les modalités de fixation de la rémunération laissent la priorité à la négociation, mais évitent tout blocage en prévoyant un mécanisme subsidiaire reposant sur une commission administrative composée de représentants des ayants droit et des utilisateurs et présidée par un représentant de l’État.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à accompagner des accords qui sont consécutifs – notre collègue Laborde l’a indiqué tout à l’heure – à une série d’analyses et de rapports. Tout est parti des treize engagements de l’ensemble de la profession : le rapport Phéline, l’intervention Toubon, puis la tentative de Marc Schwartz, qui a débouché sur l’accord ; mais rappelons que cela fut difficile…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
L’accord me paraît justifié, car il est parvenu à trouver une voie médiane entre les intérêts des uns et des autres, avec une réelle avancée en matière de transparence.
Je le sais, le dispositif que vous proposez est demandé par plusieurs représentants des artistes-interprètes qui, assez arc-boutés sur la défense d’un certain nombre de leurs intérêts, n’ont pas cosigné l’accord Schwartz.
Pour autant, la situation évolue vers une plus grande transparence, et l’accord a été signé par la grande majorité des partenaires. Je préférerais donc lui donner la priorité dans le cadre de ce texte, qui est le résultat de plusieurs années de débats extrêmement difficiles dans la filière.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’avis est également défavorable, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure en expliquant la genèse de la mission Schwartz.
Mme Fleur Pellerin,
Encore une fois, le Gouvernement partage l’objectif constant d’assurer une rémunération équitable des revenus issus des exploitations numériques de la musique enregistrée. En tant que ministre de la culture, je suis évidemment tout particulièrement soucieuse d’assurer une juste rémunération des artistes-interprètes au titre de ces exploitations.
C’est tout l’objet de la mission confiée à Marc Schwartz, qui a débouché sur la consécration, à l’article 5 du projet de loi, de la garantie de rémunération minimale négociée dans le cadre d’un accord collectif.
Je le souligne, cette solution résulte d’une très large concertation et respecte le cadre contractuel des relations entre les artistes-interprètes et les producteurs, tout en satisfaisant à l’objectif d’une meilleure rémunération des artistes.
Pour s’assurer que cette garantie de rémunération minimale sera bien mise en place, l’article 5 du projet de loi prévoit un délai de douze mois au cours duquel l’accord collectif devra intervenir. Je le rappelle, faute d’accord, il appartiendrait à une commission administrative de statuer.
À ce stade, la garantie de rémunération minimale inscrite dans le projet de loi apparaît comme une solution plus adaptée, plus souple et plus consensuelle que l’instauration d’un droit à rémunération équitable, comme le proposent les auteurs de cet amendement.
Le gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je soutiens cet amendement, qui est important.
M. Michel Canevet.
Contrairement à ce que je viens d’entendre, il est indispensable que les artistes-interprètes puissent obtenir une juste rémunération de leur travail. Il n’est pas logique qu’un grand nombre d’artistes-interprètes – il y en a pratiquement autant que de communes en France ! – ne trouvent pas les dispositions de répartition des recettes satisfaisantes, alors même que l’on essaie de promouvoir à travers ce projet de loi la création artistique et l’interprétation.
Il faut écouter ce que nous disent les artistes-interprètes. Ils sont nombreux, et je les soutiens.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Le chapitre III du titre unique du livre II de la première partie du même code est complété par un article L. 213-2 ainsi rédigé :
Art. L. 213-2
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Colette Mélot.
L’article 6 tend à compléter le code de la protection intellectuelle par un article qui fait référence aux contrats entre producteurs de phonogrammes et éditeurs de services de communication par voie électronique.
Mme Colette Mélot.
Il s’agit d’un l’encadrement excessif. Cela va au-delà des règles qu’imposent de manière classique le droit commercial, le droit des obligations et le droit de la concurrence. Ce n'est pas justifié.
Ainsi, établir des obligations spécifiques entre producteurs et plateformes alourdirait le formalisme et introduirait de l'incertitude dans les contrats existants. Or la priorité est d'encourager le dynamisme retrouvé grâce au nouveau mode d'exploitation offert par le
Je propose donc de supprimer cet article, qui ne me paraît pas adapté.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
C’est un début. Il se peut que nous assistions à l’émergence d’autres systèmes. Dans ce contexte extrêmement mutant, où les modèles économiques sont en train de changer, la commission a considéré que certains partenaires pourraient profiter de ces métamorphoses tandis que d’autres en seraient peut-être les victimes.
La solution retenue dans l’accord Schwartz, dont nous partageons l’esprit, consiste à privilégier la transparence. Au moins, les principes seront clairs. Dans une telle situation de mutation, cela nous paraît sain.
Or, ma chère collègue, vous proposez de supprimer cette forme de précision dans la contractualisation entre un partenaire un peu ancien, le producteur, et un nouveau, la plateforme. La transparence nous paraît utile, au moins pour un temps à venir. Elle clarifie la situation, et permet que la régulation des rémunérations entre chacun des partenaires de la filière, très interactifs sur le plan économique, se passe le mieux possible. Vous le savez, quand on y voit clair, la régulation se passe mieux !
Je suis donc opposé à la restriction que vous souhaitez introduire dans le texte.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le Gouvernement est également opposé à une telle restriction.
Mme Fleur Pellerin,
L’article 6 du projet de loi a pour objet de faciliter l’accès des petites plateformes aux catalogues des différents producteurs, en particulier des gros
Il ne s’agit pas d’alourdir démesurément le formalisme des relations contractuelles entre producteurs et plateformes de musique en ligne. Il ne s’agit pas plus d’introduire de l’incertitude dans les contrats existants. Au contraire ! Il s’agit d’assurer un développement équitable de la musique en ligne, au bénéfice de tous.
Ce sont les offres variées et segmentées proposées par les plateformes qui, nous le savons bien, peuvent être le relais de la diffusion d’une création diverse et d’une amélioration de l’offre légale, celle-ci étant propice à l’élargissement du public.
La tendance à la concentration des usages et des écoutes sur les plateformes de
Dans ce contexte, il est absolument nécessaire d’assurer une meilleure transparence et de garantir des conditions équilibrées d’accès au marché. Pour cela, il est nécessaire de leur assurer un cadre contractuel et commercial lui aussi équilibré.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Madame Mélot, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, madame la présidente. Je le retire, car je suis satisfaite que l’on tienne compte des évolutions ; je pense qu’il y aura de nouvelles formes de contrats dans peu de temps.
Mme Colette Mélot.
L'amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
(M. Claude Bérit-Débat remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 212-3-4 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 212-3-… ainsi rédigé :
Art. L. 212-3-…
La parole est à M. David Assouline.
Nous souhaitons apporter une réponse sur un sujet qui n’a pas été traité par les accords Schwartz.
M. David Assouline.
Cet amendement vise à mettre un terme à la pratique, actuellement contractuelle entre artistes-interprètes et producteurs en contrepartie du système d’avances des producteurs, des cessions de créances notifiées aux sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes. Cette pratique fait actuellement l’objet de clauses contractuelles entre artistes-interprètes et producteurs en contrepartie du système d’avances des producteurs, qui avait son côté vertueux.
Jusqu’à une date récente, les avances consenties par les producteurs aux artistes-interprètes étaient ensuite récupérées sur les ventes d’albums. Désormais, avec la crise du disque, les producteurs demandent à récupérer ces avances non seulement sur les albums, mais également sur les droits des artistes-interprètes eux-mêmes.
Quand les avances étaient remboursées sur les ventes d’albums, cela incitait les producteurs à faire leur métier : essayer de vendre le plus possible d’albums ! Mais les producteurs, à commencer par les
Un producteur qui ne ferait rien pour vendre l’album d’un artiste peut se payer sur les droits produits par le succès des albums antérieurs de l’artiste. Il s’agit d’une hypothèque sur le patrimoine des artistes et sur son exploitation.
Nous proposons donc de créer un droit à rémunération spécifique au profit de l’artiste qui ne pourrait être cédé à un tiers.
Le dispositif s’inspire du mécanisme qui existe actuellement au profit des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques. Ceux-ci bénéficient d’un « droit de suite » inaliénable de percevoir un pourcentage sur le produit de toute vente d’une œuvre après la cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, comme le prévoit l’article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle.
Nous vivons des mutations. Essayons de faire en sorte que, les artistes, ceux qui sont les plus oubliés, mais les plus nécessaires, ne soient pas perdus à cause des nouvelles contraintes. Ils doivent pouvoir retrouver les régulations qui existaient avec d’autres modes d’exploitation.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Le sujet est complexe et technique.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Une telle proposition ne prend pas en compte la nature des sommes perçues par les sociétés de perception et de répartition des droits, ou SPRD ; je pense par exemple à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, ou à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD. Il s’agit soit des rémunérations, lorsque mandat leur a été donné de gérer certains des droits des artistes pour le compte de ceux-ci, soit d’une indemnisation, lorsque cette rémunération a pour objet de compenser un préjudice, par exemple la rémunération équitable ou de la copie privée.
Or les artistes étrangers ne sont généralement pas directement membres des sociétés de gestion collective françaises. Ils sont généralement membres d’organismes de gestion collective ou représentés par des entités de gestion indépendante, conformément aux dispositions de la directive européenne 2014/26/UE. Ces organismes dont, selon la directive, « le but principal consiste à gérer […] les droits voisins » ne sont pas des ayants droit, mais ils agissent sur le fondement de mandats ou de cessions de créances. Une disposition qui interdit aux SPRD de verser à ces organismes les rémunérations perçues pour le compte d’artistes-interprètes ayant fait le choix de ne pas être membres d’une SPRD française est donc directement contraire à la directive.
Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, les modes de production sont en cours d’évolution. De nombreux artistes financent directement la production de leurs phonogrammes, mode qui se redéveloppe. Ils peuvent être amenés à consentir une cession de créances pour garantir le financement qui leur est accordé. Les SPRD d’artistes, à la différence des SPRD d’auteurs, ne consentent pas d’avances à leurs membres, malgré leur importante trésorerie. C’est notamment l’une des raisons du développement des entités de gestion indépendante, qui assurent pour les artistes et les producteurs la collecte des rémunérations obtenues dans chaque pays, en consentant des avances.
Enfin, l’adoption de cette disposition aurait pour effet d’interdire aux créanciers, publics ou privés, de saisir les rémunérations des artistes gérées collectivement. Cela constituerait donc un encouragement à la délocalisation et à l’insolvabilité.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement vise à rendre inopérante la pratique des producteurs consistant à recouper auprès des sociétés de gestion collective d’artistes les avances qu’ils leur ont consenties. Il est proposé d’interdire aux sociétés de perception et de répartition des droits de reverser les droits voisins des artistes-interprètes à d’autres personnes qu’à ces derniers ou à leurs ayants droit, même en cas de cession de créances.
Mme Fleur Pellerin,
Je comprends l’objectif de cet amendement au regard de la protection des intérêts des artistes. Mais, à ce stade des débats, je ne crois pas que la réponse la plus appropriée passe par une intervention aussi radicale. Les cessions de créances sont une pratique contractuelle assez courante en contrepartie du système d’avances des producteurs aux artistes. Une telle modification pourrait finalement porter préjudice à certains artistes, contrairement à l’intention affichée par les auteurs de l’amendement.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Je comprends que l’on puisse être en désaccord, que l’on n’ait pas encore apprécié à sa juste mesure le danger des évolutions actuelles ; on peut le considérer comme mineur et penser qu’il n’est pas encore temps de réagir.
M. David Assouline.
Pourtant, le système qui reposait sur la vente des albums physiques ne permet clairement plus aujourd'hui aux artistes-interprètes de vivre.
Je suis un peu étonné de l’argumentation qui m’est opposée. Elle est probablement étayée, mais j’ai du mal à l’entendre. Les artistes-interprètes seraient les victimes de la mesure que je propose, alors même que ce sont eux qui l’ont demandée ? Selon Mme la ministre, cette disposition, qui se voudrait vertueuse, aurait un effet pervers. Je n’ai pas les moyens d’analyser cela.
Je maintiens cet amendement. La navette parlementaire nous laissera le temps de retravailler sur le sujet.
J’appelle l’attention sur le fait que nous n’avons pas souvent l’occasion de légiférer sur les affaires culturelles et audiovisuelles. Les technologies vont très vite et détruisent les régulations que nous avions mises en place. Si nous ne saisissons pas les occasions de légiférer pour remettre quelques digues ici ou là, certains secteurs se retrouveront le bec dans l’eau. Or ce sont très souvent ceux qui ont peu de moyens de se défendre autrement que par la législation et le droit !
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. le président.
L'amendement n
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 30 de la loi n
« Il est chargé d’observer l’économie du secteur musical, y compris celle de la musique enregistrée. »
La parole est à M. David Assouline.
Dans le secteur de la musique, la question de l’observation se pose de manière spécifique, en raison du phénomène de convergence des métiers, allant du spectacle vivant à la musique enregistrée, qui conduit à prendre en compte l’ensemble de la filière.
M. David Assouline.
Dans cet esprit, la récente mission de Marc Schwartz sur le partage de la valeur dans la musique en ligne a souligné l’importance de créer une instance commune permettant le dialogue entre les professionnels. Parmi les projets définis figure en priorité la création d’un observatoire de l’économie de la musique.
Cet amendement a donc pour objet de permettre la constitution, au sein du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV, d’un observatoire de l’économie de la musique compétent sur l’ensemble du champ de la filière musicale.
Il conviendrait de modifier le périmètre d’action du CNV pour y intégrer, dans le cadre de cette fonction d’observation, une action sur le terrain de la musique enregistrée, la législation actuelle limitant son action au seul périmètre du spectacle vivant ; notre rapporteur l’a indiqué en commission.
Rien n’empêchera le Gouvernement de modifier le décret statutaire du CNV pour prévoir les modalités de fonctionnement de l’observatoire de l’économie de la musique, la présence de professionnels de la musique enregistrée et des changements dans la composition de cette structure.
Je me demande également si l’observatoire de la musique, qui est aujourd’hui installé au sein de la Cité de musique-Philharmonie de Paris et qui suit notamment la production phonographique et sa diffusion audiovisuelle, ne pourrait pas être transféré au CNV, afin de contribuer à constituer ce nouvel observatoire de l’économie de la musique.
Lors de nos débats en commission, le rapporteur a objecté qu’il était impossible de créer un observatoire dont le périmètre serait étendu à la musique enregistrée au sein du CNV, cette structure ne comptant pas la musique enregistrée au rang de ses missions. Mais inscrivons cela dans la loi, et le Gouvernement pourra modifier par décret le champ du CNV. Ce serait une incitation bénéfique : aujourd’hui, la conception du spectacle vivant n’est plus indépendante de toute exploitation de la musique, y compris la musique enregistrée.
Voilà l’argument supplémentaire que je porte à votre connaissance pour faire prévaloir notre proposition, monsieur le rapporteur.
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article 30 de la loi n
« L’observatoire de l’économie de la musique, placé auprès du directeur de l’établissement public, est chargé de l’observation de l’économie de la musique enregistrée et des spectacles de variétés. »
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à créer un observatoire de l’économie de la musique auprès du CNV.
Mme Fleur Pellerin,
Comme l’a souligné David Assouline, le secteur musical souffre d’un déficit de données économiques, préjudiciable tant aux pouvoirs publics qu’aux professionnels du secteur. L’ensemble des parties prenantes, dans la musique enregistrée comme dans le spectacle vivant, réclame cet observatoire. La création en est d’ailleurs prévue par le protocole d’accord du 2 octobre 2015 pour un développement équitable de la musique en ligne, signé tant par les acteurs de la musique enregistrée que par les acteurs du spectacle vivant.
Le rattachement de cet observatoire au CNV, qui est un établissement public, permettra d’en garantir la parfaite neutralité. J’ai entendu les réserves d’un certain nombre d’entre vous, ainsi que les attentes des professionnels ; ils souhaitent un observatoire qui soit doté de sa propre gouvernance et de son propre financement. Je suis extrêmement sensible à la préservation des équilibres de la filière, tels qu’ils s’expriment notamment au sein du CNV.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, qui vise à placer l’observatoire auprès du directeur du CNV. Cela permettra de définir, en lien avec l’ensemble des professionnels, des modalités de gouvernance et de financement adaptées aux rôles et aux missions de cet observatoire.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Le sujet revient régulièrement. L’observatoire de l’économie de la musique est une structure demandée et souhaitée par l’ensemble de la filière depuis de nombreuses années. On se rappelle les débats sur le centre national de la musique, qui a finalement été abandonné : il avait aussi une mission d’observation, en plus d’un système de financement intégré.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission est bien évidemment favorable au principe d’un observatoire ; un tel outil manque cruellement. Certes, les formes de cet observatoire méritent d’être précisées.
Au fond, les deux amendements ont le même objectif : créer cet observatoire. L’amendement de M. Assouline vise à modifier la structure du CNV, qui fonctionne bien, tandis que celui du Gouvernement vise à rattacher cet observatoire à la direction du CNV.
La commission privilégie plutôt la méthode progressive du Gouvernement, même s’il faudra ensuite trouver une gouvernance appropriée à la musique et aux industries musicales. C’est pourquoi elle demande le retrait de l’amendement n
Monsieur Assouline, l'amendement n
M. le président.
Non, je vais le retirer, monsieur le président.
M. David Assouline.
Mon amendement et celui du Gouvernement ont bien le même objet, même si leur rédaction diffère. Pour une fois que le rapporteur se déclarait favorable à un amendement du groupe socialiste…
(Sourires.)
Je vous ai fait plus de cadeaux que vous, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Nouveaux sourires.)
C’est le premier de la journée, en tout cas.
M. David Assouline.
(Mêmes mouvements.)
Mais je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement, qui a dû examiner les conséquences pratiques de l’exécution de la mesure pour proposer cette rédaction.
M. Dominique Bailly.
Quelle élégance !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L'amendement n
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
M. le président.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre IV du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 214-1 est ainsi modifié :
a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° À sa communication au public par un service de radio, au sens de l’article 2 de la loi n
b) Au sixième alinéa, la référence : « et 2° » est remplacée par les références : « , 2° et 3° » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 214-3 et L. 214-4, la référence : « et 2° » est remplacée par les références : « , 2° et 3° ».
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n
Cet amendement important vise à réintroduire l’article 6
M. David Assouline.
À l’heure actuelle, les artistes-interprètes et les producteurs bénéficient d’une rémunération équitable pour l’exploitation de leurs œuvres et phonogrammes par les radios, y compris les radios numériques.
L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.
webcasting
Il me semble donc opportun de régler le problème sans délai. L’apport de l’Assemblée nationale doit être maintenu. Même si la solution trouvée n’est pas parfaite aux dires de certains, elle a au moins le mérite d’apporter des réponses face à un nouvel usage.
Le législateur doit être au rendez-vous et rendre applicable à l’ensemble des nouveaux usages résultant des innovations technologiques l’édifice législatif qu’il a construit patiemment si l’on ne veut pas assister à un dérèglement général, dans ce secteur comme dans d’autres.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l'amendement n
M. le président.
Cet amendement vise à rétablir l’article 6
M. Jean-Pierre Bosino.
D’abord, grâce à l’extension de la licence légale pour les webradios, les artistes-interprètes pourront obtenir une rémunération pour l’exploitation de leur œuvre ; la rémunération du travail est, me semble-t-il, un principe de base.
Ensuite, si les radios en ligne ne représentent aujourd’hui que quelques centaines de milliers d’euros par an de chiffre d’affaires, loin derrière les radios hertziennes, à leur intégration dans le champ de la licence légale doit leur permettra d’accéder de manière plus aisée aux catalogues des producteurs, et ce en toute sécurité juridique. Une véritable chance de développement leur est donc offerte, grâce à la révolution numérique et au soutien du secteur musical.
En outre, le mécanisme de la licence, certes plus contraignant, pourrait se révéler bien plus pérenne que la voie contractuelle, habituellement utilisée.
Par ailleurs, et toujours pour les radios en ligne, cette ouverture ne serait qu’une reconnaissance de leur activité. Elle serait placée sous le coup de la neutralité technologique entre les radios hertziennes et elles.
Enfin, la mesure ne concerne que les radios en ligne, c’est-à-dire celles qui diffusent de la musique sans que l’utilisateur choisisse ce qui est diffusé. Ce critère est essentiel pour distinguer les webradios des services de musique à la demande.
Justice, reconnaissance, aide au développement : l’extension du mécanisme de licence légale aux webradios est aujourd’hui une mesure à la hauteur des enjeux en matière de diffusion de la création.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n
M. le président.
Cet amendement est identique à ceux qui viennent d’être présentés. Il vise à rétablir l’extension, votée par l’Assemblée nationale, de la licence légale aux services de radio diffusant leurs programmes uniquement sur internet.
Mme Fleur Pellerin,
Il paraît effectivement justifié, au titre de la neutralité technologique, de garantir qu’un même régime juridique s’applique à l’ensemble des services de radio, quel que soit leur mode de diffusion.
Le périmètre de la licence légale n’est étendu qu’aux radios diffusées sur internet en flux continu. Elle n’a donc pas vocation à s’appliquer aux webradios qui offrent aux internautes la possibilité d’accéder au moment de leur choix à un phonogramme donné. De même, les services radio qui sont diffusés par internet et qui sont excessivement thématisés – cela pourrait constituer une forme de contournement de l’exercice du droit exclusif ; je pense par exemple à une webradio qui serait consacrée à un seul artiste ou album – seraient également exclus de l’extension.
Cela étant dit, cet amendement étant identique à celui que vient de présenter M. Assouline, je le retire au profit du sien, lui-même ayant précédemment retiré l’un de ses amendements au profit d’un amendement du Gouvernement.
J’espère que M. le rapporteur sera sensible à cet argument de justice pour les artistes concernés et à celui de la neutralité technologique. Ce principe doit aujourd'hui s’appliquer à l’ensemble des secteurs concernés par la révolution numérique.
L'amendement n
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n
Cet amendement vise à instaurer la neutralité technologique et à prendre en compte l’essor, même si le phénomène est pour l’instant éparpillé, des radios numériques. Cette forme de radios étant appelée à devenir plus dominante qu’aujourd’hui par rapport au hertzien, le Parlement se doit d’anticiper une telle mutation en posant tout de suite des règles, afin que les créateurs, les artistes et les interprètes soient justement rémunérés.
Mme Marie-Christine Blandin.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Madame la ministre, je suis très sensible non pas à vos arguments, mais au sujet.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Permettez-moi de commencer par un rappel juridique : la licence légale est une exception au droit exclusif. D’une manière générale, un producteur précise dans le contrat qu’il signe avec un artiste les pourcentages et les moyens. La licence légale interdit à l’artiste-interprète de s’opposer à la diffusion de son œuvre, moyennant une rétribution équilibrée, équitablement partagée entre le producteur et l’artiste-interprète. C’est très bien. C’est ainsi que cela se passe pour les radios hertziennes.
Je souhaite maintenant que l’on s’attarde sur l’argument, cher à la commission de la culture, de la neutralité technologique, car il est régulièrement invoqué.
Il y a une véritable différence entre une radio hertzienne et une webradio. Une radio hertzienne est limitée en capacités. Elle dispose d’un espace public, l’espace hertzien, qu’elle a obtenu, ce qui lui confère d’ailleurs des devoirs. Une webradio est beaucoup moins chère : en termes de matériel et de technique, cela coûte moins d’émettre sur le
Dans une voiture, en province, on capte à peu près correctement une dizaine de radios au maximum. Par rapport au monde économique du
L’argument de la neutralité technologique est légitime quand il y a égalité. C’est d’ailleurs le cas lorsqu’une webradio diffuse en simultané exactement le même programme que sa radio hertzienne. Dans ce cas, on peut effectivement parler de neutralité technologique. Mais ce n’est pas le cas de toutes les webradios.
Le problème, c’est que nous ne connaissons pas les conséquences d’un tel dispositif, en particulier sur la rémunération des artistes et des producteurs. Il n’y a eu aucune étude d’impact, puisque l’article 6
Les chiffres dont nous disposons à cet égard ne sont favorables ni aux artistes ni aux producteurs, car il y a une mutation. Comme vous le savez, la licence légale va « aplatir » les choses. Selon nos indications, la rémunération des artistes serait moindre.
Madame la ministre, apportez-nous une étude chiffrée et sérieuse sur cette question, et nous verrons si nous pouvons évoluer. Pour l’heure, même si je suis sensible à ce sujet, je ne dispose pas des informations me permettant de me prononcer en faveur du rétablissement de l’article 6
La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
M. le président.
Je souhaite formuler quelques remarques sur ces amendements identiques visant à rétablir l’article 6
Mme Colette Mélot.
Cet article, introduit à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, prévoyait l’extension aux webradios du régime de la licence légale, comme c’est le cas aujourd’hui pour les radios hertziennes.
Il s’agit, selon le Gouvernement et les auteurs des autres amendements, de permettre aux webradios de se développer plus rapidement, en appliquant le principe de neutralité technologique.
J’estime pour ma part que ce développement ne doit pas se faire au détriment des artistes-interprètes et de leurs producteurs ! Ceux-ci nous ont alertés ; pour eux, la mesure n’est pas neutre.
Le régime de droit exclusif en vigueur leur permet, contrairement à ce que les auteurs de ces amendements prévoient, de négocier des rémunérations largement supérieures à celles qui s’appliquent à la licence légale. Remettre en cause le système existant aboutirait à un nivellement par le bas des rémunérations de l’ensemble des ayants droit.
(M. David Assouline s’exclame.)
Nous souhaiterions que vos dénégations s’appuient sur des chiffres, comme vient de le dire M. le rapporteur. Or tel n’est pas le cas. En l’espèce, votre empressement à inclure une telle mesure, sans avoir réalisé d’étude d’impact au préalable, alors qu’elle aurait pu figurer dans le projet de loi initial, vous dessert.
À mon sens, il nous appartient – je ne parle pas seulement en tant que membre de la commission de la culture – d’assurer le maintien du dispositif actuel de rémunération des artistes, qui, jusqu’à preuve du contraire, reste le plus protecteur ! L’étude d’impact nous dira s’il faut le modifier.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, vos craintes sur la neutralité technologique peuvent concerner tous les secteurs.
M. David Assouline.
Lorsque nous avons voté ici la neutralité technologique pour la presse, y compris d’un point de vue fiscal, certains ont argué que la presse papier était plus chère à fabriquer que la presse numérique ; ils nous ont demandé pourquoi nous voulions appliquer le principe de neutralité technologique à ce secteur. Or ce principe s’applique aux titres de presse, qu’il s’agisse de la presse papier ou de la presse numérique. En adoptant cette loi, nous nous sommes dit qu’il y avait deux options : soit nous mettions des freins à la révolution technologique pour conserver les protections anciennes, auquel cas le pays mourrait, car il n’était plus tourné vers l’avenir ; soit nous conservions ces protections en regardant vers l’avant, en ne laissant personne au bord du chemin, pour faire accepter les révolutions technologiques !
L’argument que vous avez avancé – on peut créer mille webradios, mais pas autant de radios hertziennes – s’applique également à la presse papier ou à la musique : écouter un disque et télécharger de la musique, ce n’est pas la même chose ! Des intermédiaires disparaissent, et de nouveaux métiers se créent. Mais ne perdons pas de vue qu’il n’y a pas de musique sans artistes !
Je reconnais qu’une étude d’impact aurait été nécessaire. Mais, comme l’article a été introduit par amendement à l'Assemblée nationale, il n’y en a pas eu. Cela étant, rien ne nous empêche d’en demander une maintenant, voire de la réaliser nous-mêmes et d’en analyser ses résultats.
Mais, en tout état de cause, ayons à l’esprit que les « petits » artistes-interprètes sont sûrs de gagner plus avec la licence. Les artistes déjà puissants pensent que l’institution de ce régime aura pour eux l’effet inverse, en influant sur ce qu’ils peuvent négocier au cas par cas.
Je fais mon choix. Je ne pense pas que les plus puissants soient aujourd’hui ceux qui ont le plus de difficultés à percevoir des rémunérations et à vivre correctement de leur métier. En revanche, ceux qui sont aujourd’hui en extrême difficulté et qu’il faut protéger, ce sont les « petits » artistes-interprètes. S’ils nous demandent cette licence, ce n’est pas pour se faire du mal à eux-mêmes ; c’est parce qu’ils ont déjà évalué qu’elle leur permettrait de gagner plus !
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
J’invoquerai le même argument, la neutralité technologique.
Mme Fleur Pellerin,
Le gouvernement français a d'ailleurs invoqué ce principe de la neutralité technologique auprès de la Commission européenne en matière fiscale s’agissant du livre et de la presse en ligne, deux sujets sur lesquels le principe s’applique. Il est évident, pour la presse comme pour le livre, que la réalité n’est pas totalement identique dans l’univers numérique et dans l’univers physique. Les coûts de production et de diffusion ne sont pas les mêmes. Néanmoins, même si ces univers ne sont pas totalement comparables, il a été décidé que le principe de neutralité technologique devait s’appliquer s’agissant de la réglementation, de la fiscalité ou de la taxation. On ne peut pas considérer que les univers doivent être totalement homothétiques ou comparables.
L’article 6
Je suggère par conséquent à la Haute Assemblée d’adopter ces amendements identiques – la commission de la rémunération équitable peut très bien produire les chiffres très rapidement – pour rassurer les artistes. Les craintes ne sont pas fondées, puisque la commission détermine le taux de rémunération. Nous aurions aussi un ordre de grandeur de ce que cela pourrait représenter en termes de revenus supplémentaires pour les artistes.
Je mets aux voix les amendements identiques n
M. le président.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
En conséquence, l’article 6
M. le président.
L'amendement n
M. le président.
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier et second alinéas de l’article L. 311-1, aux articles L. 311-2 et L. 311-3, aux premier et deuxième alinéas, aux deux occurrences du quatrième alinéa, aux première et seconde phrases du dernier alinéa de l’article L. 311-4, aux première, deuxième et dernière phrases du premier alinéa de l'article L. 311-4-1, aux deux occurrences du premier alinéa de l’article L. 311-5, aux premier, deuxième et dernier alinéas de l’article L. 311-7, au premier alinéa du I, au II, au second alinéa du III de l’article L. 311-8 et au 1° de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, le mot : « rémunération » est remplacé par les mots : « compensation équitable ».
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.
Dans ses articles concernant la copie privée, le code de la propriété intellectuelle emploie une expression inappropriée, que cet amendement vise à corriger, en remplaçant le mot : « rémunération » par les mots : « compensation équitable ». Cela mettrait également en adéquation le droit français avec la jurisprudence européenne.
Mme Marie-Annick Duchêne.
En outre, dans son rapport sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée, la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale souligne que le complément obligatoire pour copie privée « n’a pas pour vocation de contribuer à un partage de la valeur entre ayants droit, fabricants et importateurs de supports et consommateurs, mais de compenser un préjudice subi par les ayants droit du fait de la reconnaissance de l’exception pour copie privée ». C’est donc un problème de sémantique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Le problème n’est pas que sémantique ; sa portée va au-delà.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Certes, je partage complètement l’idée que la copie privée est non pas une rémunération, mais une compensation. Il est donc vrai qu’il y a là une dimension sémantique.
Toutefois, je vais solliciter le retrait de cet amendement, à ce stade en tout cas, quitte à travailler davantage sur le sujet. En effet, le quart de la redevance pour copie privée est consacré au soutien à des actions culturelles. Ce n’est plus une compensation de risques.
Par conséquent, comme cet aspect n’est pas parfaitement approfondi, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, je serais au regret d’émettre un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
La rémunération pour copie privée doit effectivement correspondre à la rémunération qu’auraient dû percevoir les titulaires de droits dans le cadre de l’exercice de leurs droits exclusifs.
Mme Fleur Pellerin,
Comme l’a précisé le Conseil d’État dans ses arrêts des 11 juillet 2008 et 17 juin 2011, elle est « une modalité particulière d’exploitation des droits d’auteur fondée sur une rémunération directe et forfaitaire qui doit être fixée à un niveau permettant de produire un revenu globalement analogue à celui que procurerait la somme des paiements d’un droit par chaque auteur d’une copie privée s’il était possible de l’établir et de la percevoir ». Il s’agit donc d’une rémunération et non, comme le soutiennent les auteurs de cet amendement, d’une compensation versée au titre d’un préjudice civil.
Je relève enfin que la notion de rémunération pour copie privée est également présente en droit communautaire, au considérant 28 de la directive 2001-29 du 22 mai 2001.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Madame Duchêne, l'amendement n
M. le président.
Non, monsieur le président ; compte tenu de ce rassemblement d’oppositions, je le retire !
Mme Marie-Annick Duchêne.
(Sourires.)
L'amendement n
M. le président.
Le même chapitre IV est complété par un article L. 214-6 ainsi rédigé :
Art. L. 214-6.
I. – Sans préjudice du droit des parties de saisir le juge, le médiateur de la musique est chargé d’une mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou à l’exécution :
« 1° De tout accord entre les artistes-interprètes dont l’interprétation est fixée dans un phonogramme, les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication au public par voie électronique mettant à disposition des œuvres musicales ;
« 2° D’un engagement contractuel entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes ;
« 3° D’un engagement contractuel entre un producteur de phonogrammes et un éditeur de services de communication au public par voie électronique mettant à disposition des œuvres musicales ;
« 4° D’un engagement contractuel entre un producteur de phonogrammes et un producteur de spectacles.
« Dans le cadre de sa mission, le médiateur peut être saisi par tout artiste-interprète, par tout producteur de phonogrammes, par tout producteur de spectacles ou par tout éditeur de services de communication au public par voie électronique mettant à disposition des œuvres musicales. Il peut également être saisi par leurs mandataires ou par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée, ainsi que par le ministre chargé de la culture.
« Pour l’exercice de sa mission, il invite les parties à lui fournir toutes les informations qu’il estime nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires, et peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« Le médiateur de la musique exerce sa mission dans le respect des compétences de l’Autorité de la concurrence. Lorsque les faits relevés par le médiateur apparaissent constitutifs de pratiques anticoncurrentielles mentionnées aux articles L. 420-1 et suivants du code de commerce, le médiateur saisit l’Autorité de la concurrence. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d’une procédure d’urgence, conformément à l’article L. 464-1 du même code. Le médiateur peut également saisir, pour avis, l’Autorité de la concurrence de toute question de concurrence dans le cadre de l’article L. 462-1 dudit code de commerce. L’Autorité de la concurrence peut consulter le médiateur sur toute question relevant de sa compétence et lui communiquer, à cette fin, toute saisine entrant dans le champ de cette compétence.
« Lorsque le litige dont il est saisi relève du champ de compétence d’une autre instance de conciliation créée par convention ou accord collectif de travail, le médiateur peut saisir cette instance pour avis. Il se déclare incompétent si cette instance lui en fait la demande.
« Le médiateur de la musique favorise ou suscite toute solution de conciliation aux litiges qui lui sont soumis. Lorsqu’il constate un accord entre les parties, il rédige un procès-verbal de conciliation précisant les mesures à prendre pour le mettre en œuvre. À défaut d’accord entre les parties, le médiateur peut émettre une recommandation proposant des mesures tendant à mettre fin au litige. Il peut rendre publique la décision de conciliation ou la recommandation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.
« II. – Le médiateur de la musique peut faire au ministre chargé de la culture toute proposition que lui paraît appeler l’accomplissement de ses missions. Il met en œuvre toute mesure de nature à favoriser l’adoption de codes des usages entre les organismes professionnels et les sociétés de perception et de répartition des droits représentant les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes, entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacles ou entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication au public par voie électronique mettant à disposition des œuvres musicales.
« Le médiateur de la musique adresse chaque année un rapport sur son activité au ministre chargé de la culture. Ce rapport est public. Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées de la culture.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les conditions de désignation du médiateur de la musique. »
L'amendement n
M. le président.
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter ces deux amendements.
Ces amendements visent à mettre en cohérence le médiateur de la musique avec ses deux homologues, le médiateur du livre et le médiateur du cinéma. Mais il se trouve que le médiateur de la musique dispose d’un pouvoir beaucoup plus contraignant que les deux autres médiateurs. Par ailleurs, le pouvoir de saisine prévu pour ce médiateur est plus large.
Mme Colette Mélot.
C’est pourquoi, afin d’éviter des recours abusifs de nature à déstabiliser le secteur, il est proposé de confier le pouvoir de saisine aux parties concernées et de prendre pour modèles les médiateurs du cinéma et du livre, qui ont fait leurs preuves.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Ces amendements concernent le médiateur de la musique, sujet qui a suscité un large débat. Certains souhaitaient sa suppression complète, au motif que cette création était inutile ; d’autres étaient partisans de le mettre en œuvre. La comparaison avec les médiateurs du livre et du cinéma a souvent été faite pour essayer de rapprocher leur type de prérogatives, en dépit du fait que les secteurs, les relations interprofessionnelles et les règles qui les régissent ne sont pas les mêmes.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Nous avons essayé de trouver un équilibre. Nous avons d’abord dit que, dans ce type de secteur, où les interactions économiques et les possibilités de litiges sont extrêmement importantes alors que s’opère une transformation numérique, un médiateur n’est pas inutile. Un médiateur, qui pourrait permettre des conciliations, trouver des accords, bien entendu sans préjudice d’une action devant les tribunaux, qui reste évidemment possible, nous est apparu utile, comme c’est le cas dans le secteur du livre et du cinéma.
Nous avons ensuite réfléchi au champ de ses missions et à la manière d’encadrer ses possibilités de saisine. Nous avons proposé un équilibre à la commission :’il y a des sujets sur lesquels le médiateur ne doit pas intervenir ou, en tout cas, il doit avoir sa place au milieu des autres structures qui existent d’ores et déjà et qui sont prioritaires dans la médiation, voire dans le jugement. Il s’agit évidemment des organes émanant de la convention collective, la commission paritaire, pour lesquelles les conflits sont probablement du ressort non pas du médiateur, mais de la convention collective. Il a donc été prévu que la convention collective soit prioritaire.
Une autre structure qui pourrait être prioritaire est l’Autorité de la concurrence. Si un conflit est né d’un problème de concurrence, le sujet est renvoyé vers l’Autorité de la concurrence, et non pas vers le médiateur, à charge pour l’un de prévenir l’autre.
C’est l’équilibre que nous avons trouvé. Dans la mesure où la commission a prévu que le médiateur ne peut pas empiéter, sans son accord, sur le champ de l’action d’une autre instance de conciliation existante, il n’est plus utile d’en limiter les compétences.
Je demande donc le retrait de ces amendements, qui sont en contradiction avec l’article 7. À défaut, l’avis serait défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Mme Fleur Pellerin,
C’est la volonté d’accompagner et de pacifier les relations entre les acteurs de la musique qui a présidé à la décision de créer un médiateur de la musique, objet de l’article 7 du présent projet de loi.
Je le rappelle, dans les industries créatives, chaque secteur a un médiateur, mais il n’a pas forcément les mêmes missions et les mêmes manières de fonctionner que ses homologues ; les relations entre les acteurs ne sont pas sous-tendues par les mêmes enjeux.
Le régime des contrats qui lie les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes repose sur une imbrication complexe du droit du travail et de la propriété littéraire et artistique. C’est là une des particularités du marché de la musique. De ce point de vue, le parallèle avec les médiateurs du cinéma et du livre atteint, en quelque sorte, ses limites, puisque ce sont les spécificités de chaque marché qui appellent une définition distincte du champ des missions des différents médiateurs.
À mon sens, priver le médiateur de la musique de sa mission de conciliation relative à tout accord entre les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et les plateformes de musique en ligne, ce que prévoit l’alinéa 3, constituerait une limitation excessive. Cela risquerait en réalité d’obérer sa capacité à accompagner la résolution des litiges dans une filière où le recours contentieux est envisagé avec une très grande prudence par les professionnels.
Je suis également défavorable à l’amendement n
C'est la raison pour laquelle j’ai pensé utile d’ouvrir la faculté de saisir le médiateur de la musique à leurs mandataires, notamment aux managers et aux organisations professionnelles ou syndicales qui les défendent.
Compte tenu des actuels rapports de force au sein de la filière, il me semble particulièrement inopportun de restreindre le champ des structures et des institutions qui peuvent saisir le médiateur de la musique. Une telle restriction traduirait aussi une certaine forme de défiance à l’encontre des mandataires et des organisations professionnelles. Selon moi, cela ne se justifie pas.
De même, il me paraît souhaitable que le ministre de la culture puisse lui aussi saisir le médiateur, notamment en cas de litige de nature collective ayant trait à l’application de la loi et de la réglementation.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer ces amendements, madame la sénatrice. À défaut, j’y serais défavorable.
Madame Mélot, les amendements n
M. le président.
Non, je les retire, monsieur le président.
Mme Colette Mélot.
Les usages démontreront le bien-fondé des décisions prises par le législateur. J’espère que ce nouveau médiateur pourra faire preuve de la même efficacité que certains de ses homologues.
Les amendements n
M. le président.
L’amendement n
Alinéa 9, deuxième phrase
Remplacer les mots :
et suivants
par la référence :
à L. 420-7
La parole est à M. le rapporteur.
Amendement rédactionnel.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
peut saisir
par le mot :
La parole est à Mme Colette Mélot.
Il est nécessaire de mettre les instances de conciliation existantes en mesure de connaître des litiges dont est saisi le médiateur et, le cas échéant, de demander à ce dernier de se dessaisir à leur profit. La saisine pour avis des instances de conciliation existantes doit donc être obligatoire, et non facultative.
Mme Colette Mélot.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Avis favorable. Mme Mélot souhaite apporter une modification à la proposition faite en commission par notre collègue David Assouline.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Cet amendement vise à faire en sorte que les autres instances de conciliation puissent être saisies pour avis par le médiateur lorsqu’un litige entre dans leur champ de compétences. Il s’agit ici de rendre leur saisine préalable obligatoire, ce qui me semble en effet plus efficace.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
La création du médiateur de la musique n’a pas pour objectif de le substituer aux partenaires sociaux ou aux instances chargées de l’interprétation des accords collectifs applicables à la filière. Nous voulons réguler de manière souple les relations entre les différentes parties prenantes du secteur et les aider à surmonter les difficultés liées aux spécificités de la filière.
Ainsi que je le rappelais tout à l’heure, le marché de la musique est complexe. Il est fait d’une imbrication entre le droit du travail, la propriété intellectuelle et les contrats.
Or l’amendement adopté par la commission de la culture du Sénat avait permis de clarifier l’articulation entre le médiateur de la musique et la commission paritaire d’interprétation, de conciliation et de validation créée par le titre II de la convention collective nationale de l’édition phonographique, en donnant au médiateur la possibilité de saisir la commission paritaire et à celle-ci la possibilité de lui demander de se dessaisir si elle s’estime compétente. Vous avez répondu à la crainte de voir le médiateur de la musique empiéter sur les prérogatives de la commission paritaire.
En revanche, il serait d’une lourdeur inutile d’obliger le médiateur à saisir systématiquement la commission paritaire. De surcroît, ce serait inadapté à la complexité des relations contractuelles au sein de cette filière, que j’ai déjà soulignée tout à l’heure.
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
L’amendement n
M. le président.
Alinéa 11, dernière phrase
Remplacer les mots :
la décision
par les mots :
le procès-verbal
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Pour notre groupe, l’instauration du médiateur de la musique est très importante.
Mme Christine Prunaud.
Cette proposition de médiation, pour intéressante qu’elle soit, mérite d’être perfectionnée.
Certains éléments ont été oubliés. D’autres ont été modifiés, mais dans un sens qui nous paraît plutôt contraire au bon sens et à la justice.
C’est le cas notamment de la limitation de la publicisation de la conciliation exercée par le médiateur. Alors que le procès-verbal devait être rendu public dans son intégralité, la commission a décidé de réduire cette publicité à la décision, et à elle seule. Cette mesure, prise au nom du secret des affaires, nous semble particulièrement malvenue, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, elle méconnaît le fait que le principe du respect du secret des affaires est déjà reconnu à l’article 7 du projet de loi.
Ensuite, la question même du secret des affaires pose un problème certain. Si le médiateur de la musique intervient, c’est que le besoin s’en est fait sentir. Ainsi, renvoyer la nécessaire conciliation et la gestion des conflits au secret des affaires revient à laisser une pleine impunité aux donneurs d’ordre, qui pourront bénéficier de l’opacité totale entourant la conciliation.
Enfin, la publicisation du procès-verbal pourrait permettre l’enrichissement de la jurisprudence, donc, à terme, une meilleure protection des artistes-interprètes, mais aussi des producteurs.
Pour ces raisons, nous proposons d’amender l’alinéa 11 de l’article, afin de revenir à une publicité totale de la procédure de conciliation des litiges.
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Avis défavorable. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a limité la publication d’actes par le médiateur de la musique aux seules décisions, et non pas à l’entier procès-verbal, celui-ci pouvant revêtir des aspects confidentiels, notamment sur le secret des affaires.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale du texte, qui donnait au médiateur de la musique la possibilité de rendre publics les procès-verbaux de conciliation.
Mme Fleur Pellerin,
Je le rappelle, le médiateur de la musique n’aura pas de pouvoir d’injonction, contrairement à ce qui est le cas en matière de cinéma, et son pouvoir d’influence résidera donc avant tout dans la possibilité qui lui sera offerte de rendre publiques ses décisions et ses recommandations. C’est bien là l’essentiel.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement avait exprimé un avis de sagesse sur l’amendement, adopté en commission, qui a restreint la faculté de publication aux décisions de conciliation et aux recommandations du médiateur, et non plus à ces procès-verbaux.
Cet amendement, qui vise de revenir à l’ambition initiale du texte, s’inscrit toutefois bien dans mon objectif de renforcer la portée des avis du médiateur et leurs vertus pédagogiques pour l’ensemble de la filière.
Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement n
M. le président.
L’amendement n
Après les mots :
du présent article
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer une précision inutile.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Avis de sagesse.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 7, modifié.
M. le président.
(L'article 7 est adopté.)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
1° Le 2° de l’article L. 122-5 est ainsi rédigé :
« 2° Les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite, strictement réservées à l’usage privé d’une personne physique et non destinées à une utilisation collective :
« Le présent 2° ne s’applique pas aux copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée, ni aux copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1, ni aux copies ou reproductions d’une base de données électronique ; »
2° Le 2° de l’article L. 211-3 est ainsi rédigé :
« 2° Les reproductions réalisées à partir d’une source licite, strictement réservées à l’usage privé d’une personne physique et non destinées à une utilisation collective :
3° L’article L. 311-4 est ainsi modifié :
La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
M. le président.
Nous abordons un sujet à la fois complexe, sensible et passionnant.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Les articles 7
Les enjeux sont multiples : ouvrir, prudemment, le champ de la rémunération de la copie privée aux nouvelles pratiques de copie, notamment dans « le nuage », ou
Les dispositions introduites par l’Assemblée nationale et les apports de notre commission devraient garantir la pérennité du mécanisme de rémunération pour copie privée, compensation indispensable du préjudice subi par les auteurs, dans un contexte où l’évolution technologique incessante conduit à de profondes mutations des modes de consommation des œuvres et, partant, à de réelles pertes de revenus pour les créateurs. L’appréhension des nouveaux usages, pour logique qu’elle soit, ne doit cependant pas conduire à bouleverser les équilibres économiques et industriels ou à pénaliser par trop nos entreprises au regard de la concurrence étrangère.
Il nous faut donc veiller à maintenir une délicate justice entre artistes, consommateurs et industriels, tout en modernisation le dispositif actuel.
Tel est l’enjeu majeur de ces articles, qui ne manqueront pas de susciter des débats.
La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. le président.
Il s’agit d'un sujet particulier qui ne provoquait pas de remous… jusqu’à l’adoption en commission de l’un de mes amendements.
M. David Assouline.
Cela rejoint ce que nous avons pu dire tout à l’heure sur la musique. Auparavant, les diffuseurs ou les distributeurs proposaient des offres avec une
Mais une innovation technologique est apparue : le « nuage », ou
Notre proposition est partie d’une préoccupation de bon sens. Nous ne voulons pas freiner les innovations technologiques. Nous souhaitons au contraire les accompagner en les encadrant par les règles justes que nous avons édictées. Nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le rapporteur.
Et voilà que des rumeurs ont subitement commencé à se propager ; nous savons tous qu’elles vont vite de nos jours. Il a été écrit dans un grand journal du soir que nous voulions taxer les e-mails personnels ! Cette information, inexacte, a ensuite été relayée…
Les industriels n’offrant pas un tel service se sont dit que les autres allaient prendre l’avantage. Ils nous ont donc écrit, pour nous demander de ne pas bouger. Sauf que, pour l’instant, ils ne proposent pas ce service. S’ils le proposent demain, nous aviserons.
Notre proposition ne leur cause pas de difficultés économiques. En revanche, en faisant machine arrière, nous nuirions à ceux qui réclament l’application des règles adoptées avant l’apparition de cette innovation technologique.
Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.
M. le président.
J’y reviendrai ultérieurement !
M. David Assouline.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président.
Je n’ignore pas que la question de l’assujettissement des pratiques de copie dans le nuage à la rémunération pour copie privée a soulevé, soulève et soulèvera probablement encore, à l’avenir, d’importants débats parmi les acteurs concernés. Il convient donc de légiférer avec prudence.
Mme Fleur Pellerin,
La rémunération pour copie privée, qui est un dispositif vertueux, a toujours permis d’assurer un équilibre entre l’aspiration de tous à accéder aux œuvres culturelles et artistiques et la juste et nécessaire préservation de la rémunération des ayants droit.
Ce dispositif ne pouvait pas ignorer les évolutions technologiques. Il a su s’adapter aux nouveaux modes de copie : disque dur interne ou externe, mémoire
smartphones
Il en est de même aujourd’hui avec le développement de l’informatique en nuage. Le dispositif de copie privée doit s’adapter à cette évolution technologique, tout en conservant, bien évidemment, son caractère d’exception.
En l’espèce, l’article 7
Ces précisions étant apportées, il me semble que la discussion pourra s’engager sur des bases clarifiées.
L’amendement n
M. le président.
L’amendement n
Alinéas 4 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Colette Mélot.
L’adoption en commission de la culture de l’amendement visant à étendre les principes de la copie privée aux possibilités qu’offrent les magnétoscopes numériques a conduit à récrire les articles définissant la copie privée elle-même.
Mme Colette Mélot.
Or, l’amendement adopté en commission et son exposé des motifs vont plus loin et il convient de corriger une rédaction un peu trop large. En effet, elle prévoit clairement que la copie privée recouvre les copies effectuées par une « personne physique au moyen d’un matériel de reproduction dont elle a la garde ».
Si le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, a examiné en 2012 le statut juridique des actes de reproduction permis par ces services d’informatique « nuagique », il a considéré que certaines pratiques effectuées dans le nuage, et certaines d’entre elles seulement, correspondaient à une forme de copie privée et devraient donc être assujetties à la rémunération correspondante.
Le CSPLA rappelle aussi le principe selon lequel la rémunération à laquelle chacun des ayants droit peut prétendre lorsqu’une œuvre est divulguée doit avant tout être établie sur la base du droit exclusif.
Ainsi, la qualification juridique des actes ne doit être envisagée sous l’angle de la copie privée que dans l’unique mesure où ils n’auraient pas été autorisés ou interdits, et donc du test en trois étapes transposé en droit français dans le code de la propriété intellectuelle. Ce test subordonne l’instauration d’une exception à une triple condition : tout d’abord, cette exception ne doit être applicable que dans certains cas spéciaux ; ensuite, elle ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ; enfin, elle ne doit pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur.
Or, justement, l’application du régime de la copie privée suppose une identité de personnes entre celui qui réalise la copie et le bénéficiaire de cette copie. En introduisant le concept de « garde », on étend le périmètre de l’exception de copie privée bien au-delà des seuls services d’enregistrement, tel que souhaité initialement. Cela pourrait porter préjudice à l’exploitation normale de l’œuvre et causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur, en privilégiant son droit à compensation par rapport à son droit d’exploitation exclusif.
Enfin, l’ajout de ce concept de « garde », qui permettrait l’extension de la copie privée et de sa redevance à tous types de services du
Quel est l’avis de la commission ?
M. le président.
Historiquement, dans notre droit, celui qui fait la copie en est également le bénéficiaire. Or, dans le nuage, un tiers intervient.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le CSPLA a rappelé le principe selon lequel la rémunération à laquelle chacun des ayants droit peut prétendre, lorsqu’une œuvre est divulguée, doit avant tout être établie sur la base du droit exclusif. Ainsi, la qualification juridique des actes ne doit être envisagée sous l’angle de la copie privée que dans l’unique mesure où ils n’auraient pas été autorisés ou interdits, et donc du test en trois étapes transposé en droit français dans le code de la propriété intellectuelle. Ce test subordonne l’instauration d’une exception à la triple condition évoquée par l’auteur de l’amendement.
L’application du régime de la copie privée suppose une identité de personnes entre celui qui réalise la copie et le bénéficiaire de celle-ci. En introduisant le concept de « garde », on étend le périmètre de l’exception de copie privée bien au-delà des seuls services d’enregistrement, tel que souhaité initialement. Cela pourrait porter préjudice à l’exploitation normale de l’œuvre et causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur, en privilégiant son droit à compensation par rapport à son droit d’exploitation exclusif.
Enfin, l’ajout de ce concept de « garde », qui permettrait l’extension de la copie privée et de sa redevance à tous types de services du
En conséquence, je donne un avis favorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
L’avis est défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
En effet, en prévoyant que le bénéficiaire de la copie privée ait également la garde des outils de reproduction, l’article 7
Cette consécration interdit, en principe, d’assujettir les services de copie dans le nuage, pour lesquels les moyens techniques de reproduction sont sous la garde d’un prestataire, et non directement du consommateur. De la sorte, les seules dérogations envisageables ne peuvent être qu’expresses, et par conséquent réservées à certains services précisément désignés, comme c’est le cas des services de magnétoscope numérique fournis
Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Mme Mélot, le dispositif de l’article 7
Je mets aux voix l’amendement n
M. le président.
(L'amendement est adopté.)
(Mme Françoise Cartron remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)
L’amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« b) Lorsque ces copies ou reproductions sont réalisées par cette personne physique, lors de la diffusion d'un programme d'un service de radio ou de télévision, au moyen d’équipements fournis par l’éditeur de ce service de radio ou de télévision, et sont stockées sur un serveur distant contrôlé par l’éditeur concerné, sous réserve que ces copies ou reproductions soient déclenchées par cette personne physique avant la diffusion de ce programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante ;
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Lorsque ces copies ou reproductions sont réalisées par cette personne physique, lors de la diffusion d'un programme d'un service de radio ou de télévision, au moyen d’équipements fournis par un distributeur autorisé par l’éditeur dudit service de radio ou de télévision, et sont stockées sur un serveur distant contrôlé par le distributeur concerné, sous réserve que ces copies ou reproductions soient déclenchées par cette personne physique avant la diffusion de ce programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante.
III. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« b) Lorsque ces copies ou reproductions sont réalisées par cette personne physique, lors de la diffusion d'un programme d'un service de radio ou de télévision, au moyen d’équipements fournis par l’éditeur de ce service de radio ou de télévision, et sont stockées sur un serveur distant contrôlé par l’éditeur concerné, sous réserve que ces copies ou reproductions soient déclenchées par cette personne physique avant la diffusion de ce programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante ; »
IV. – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé
« …) Lorsque ces copies ou reproductions sont réalisées par cette personne physique, lors de la diffusion d'un programme d'un service de radio ou de télévision, au moyen d’équipements fournis par un distributeur autorisé par l’éditeur dudit service de radio ou de télévision, et sont stockées sur un serveur distant contrôlé par le distributeur concerné, sous réserve que ces copies ou reproductions soient déclenchées par cette personne physique avant la diffusion de ce programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante ; »
La parole est à M. le rapporteur.
Pour dire simplement les choses, le
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il ne serait évidemment pas normal de devoir payer une redevance au titre de documents de travail. En revanche, dès lors que l’on enregistre des œuvres dans le nuage – c’est ce que l’on appelle, pour l’instant, les services de
Network Personal Video Recorder
Pour autant, il faut éviter de possibles effets négatifs. Il ne faudrait pas que les œuvres des chaînes, qui sont financées par les diffuseurs sans bénéficier d’autres recettes que celles de publicité, puissent être enregistrées sur le nuage en franchise de droits.
La question est sensible, et elle n’est pas encore totalement réglée. C’est pourquoi je présente cet amendement au dispositif prudent, qui ouvre la porte à la rémunération pour copie privée sur le NPVR. Il doit permettre d’adapter les dispositions légales relatives à l’exception de copie privée aux évolutions technologiques, qui rendent en particulier possible la dématérialisation des magnétoscopes dans le
C’est pourquoi cet amendement prévoit que les services de NPVR proposés par les éditeurs de chaînes de télévision et de radio ou par les distributeurs – avec l’accord des diffuseurs concernés – soient couverts par l’exception de copie privée, garantissant ainsi au public le bénéfice d’un mode de copie numérique dans le
Le sous-amendement n
Mme la présidente.
Amendement n
I. – Alinéa 3
1° Après les mots :
fournis par l’éditeur
insérer les mots :
ou le distributeur
2° Remplacer les mots :
par l’éditeur concerné
par les mots :
par l’éditeur ou le distributeur concerné ou sur les terminaux personnels de la personne physique
II. – Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 9
1° Après les mots :
fournis par l’éditeur
insérer les mots :
ou le distributeur
2° Remplacer les mots :
par l’éditeur concerné
par les mots :
par l’éditeur ou le distributeur concerné ou sur les terminaux personnels de la personne physique
IV. – Alinéas 10 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. David Assouline.
Je suis d’accord sur le fond avec M. Leleux, puisque nous avions voté le même texte en commission. Ensuite, certains acteurs – ceux qui n’offrent pas ces services de NPVR – se sont inquiétés, mais la crainte que le diffuseur soit privé de ses droits est sans fondement puisque l’article 7
M. David Assouline.
Je comprends cependant ce que nous dit M. le rapporteur : il faut faire baisser la tension. Même si les craintes exprimées me paraissent injustifiées – toutes les innovations suscitent des craintes qui se révèlent par la suite infondées –, je suis d’accord pour aller dans le sens de l’amendement n
Le sous-amendement n
En outre, l’amendement n
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n
Mme la présidente.
Nous sommes au début d’une évolution technologique, et je crois donc nécessaire de prendre des précautions.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Jusqu’à présent, les diffuseurs n’ont pas été associés aux négociations qui ont eu lieu entre les partenaires. Je pense qu’il serait normal qu’ils le soient. Dans cette perspective, je propose donc, sous réserve de l’accord de Mme la présidente de la commission, que nous mettions à profit la navette pour organiser des auditions et des tables rondes sur ce sujet, afin d’approfondir la réflexion et de clarifier les choses d’ici à la deuxième lecture.
(Mme la président de la commission approuve.)
Des interrogations ont émergé, et je les entends. Elles sont peut-être injustifiées, mais il me paraît utile de prendre des précautions pour se prémunir contre des risques potentiels liés aux détenteurs de droits sur les programmes.
Dans cet esprit, l’amendement n
Je propose donc au Sénat d’adopter cet amendement en attendant la deuxième lecture. Entre-temps, nous aurons pu mieux mesurer le risque que les droits des diffuseurs soient affaiblis ou menacés.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement n
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n
Mme la présidente.
L’avis sur l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
Cet amendement clarifie la rédaction de l’article 7
En effet, la rédaction de votre amendement, monsieur le rapporteur, semble créer une nouvelle catégorie de distributeurs et brouille le cadre de la loi de 1986, dont l’article 2-1 définit et distingue très précisément les éditeurs et les distributeurs de services de télévision et de radio.
En l’état, je ne suis donc pas favorable à l’adoption de l’amendement n
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Le sujet est extrêmement complexe. La mutation numérique nous oblige à faire évoluer la législation. Pour ma part, je souscris à la proposition du rapporteur d’adopter en l’état l’amendement n
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je suis d’accord pour que nous approfondissions la réflexion, mais la commission, sur ma proposition, avait adopté collectivement le texte dont nous discutons. Par la suite, des pressions se sont exercées, qui ont amené M. le rapporteur à déposer dans la précipitation un amendement dont la commission, appelée à examiner quelque 500 amendements hier en quelques heures, n’a pas eu le temps de discuter. En revanche, lors de l’élaboration du texte de la commission, nous avions pu débattre.
M. David Assouline.
C’est donc vous, monsieur le rapporteur, qui proposez d’introduire des dispositions dont la précision juridique nous paraît douteuse. On est venu troubler nos délibérations avec des arguments fous, dont vous avez pourtant retenu certains pour élaborer un amendement. J’ai alors déposé un sous-amendement visant à préciser la rédaction de celui-ci, afin qu’elle ne remette pas en cause l’équilibre de la loi de 1986.
Si vous voulez renvoyer ce débat à la deuxième lecture, monsieur le rapporteur, retirez votre amendement, afin que nous en restions pour l’heure au texte qui faisait consensus au sein de la commission. Nous aurons ainsi le temps de débattre de ce sujet dans la sérénité, sans précipitation : c’est ainsi qu’il convient de légiférer. Moi aussi, j’ai reçu des courriers et des
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Monsieur Assouline, je n’ai pas encore votre expérience du débat parlementaire, mais je voudrais rétablir un certain nombre de faits.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Lorsque nous avons terminé nos auditions, à la fin du mois de décembre, le texte ne comportait aucune disposition concernant ce sujet. Certaines personnes auditionnées m’avaient dit, à l’époque, que quelque chose se tramait au ministère de la culture
(Exclamations amusées.)
Vous me reprochez de travailler dans la précipitation, mais cet amendement nous a été communiqué en janvier
sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce n’était pas la veille du débat !
M. David Assouline.
… après la tenue des auditions et des tables rondes.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
J’ai ensuite proposé à la commission d’adopter votre amendement, car, en l’état des informations dont je disposais, son dispositif me semblait pertinent. Comme vous l’avez dit, ce texte a suscité des rumeurs et des objections. J’ai considéré que certaines craintes, relatives par exemple à une taxation des
Je reconnais que nous travaillons dans une certaine précipitation, c’est pourquoi je propose d’adopter l’amendement n
Je mets aux voix le sous-amendement n
Mme la présidente.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 7
Mme la présidente.
(L’article 7
AA est adopté.)
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Madame la présidente, la commission demande l’examen séparé de l’amendement n
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Je suis saisie par la commission d’une demande d’examen séparé de l’amendement n
Mme la présidente.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
J’informe le Sénat que sont parvenues à l’élaboration d’un texte commun :
Mme la présidente.
- d’une part, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs ;
- d’autre part, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 10 février 2016 :
Mme la présidente.
- qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 266
taxe générale sur les activités polluantes
- qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 1
plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd'hui :
Mme la présidente.
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
- Dépôt du
rapport annuel
Cour des comptes
• Temps attribué à la commission des finances : 10 minutes
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes
- Projet de loi autorisant la ratification du
coopération
République française
République
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes
3 conventions internationales
procédure d’examen simplifié
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
coopération
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’
Gouvernement
République
coopération
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le
Gouvernement
République française
Gouvernement
République
coopération
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la
architecture
patrimoine
À 15 heures
Questions d’actualité au Gouvernement
(Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 11 février, à 11 heures
À 16 h 15, le soir
et la nuit
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la
architecture
patrimoine
VENDREDI 12 FÉVRIER 2016
À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la
architecture
patrimoine
MARDI 16 FÉVRIER 2016
Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la
architecture
patrimoine
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 15 février, à 17 heures
De 16 heures
Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la
architecture
patrimoine
(texte de la commission, n
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la
architecture
patrimoine
Questions d’actualité au Gouvernement
(Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 16 février, à 12 h 30
et le soir
- Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 février, à 17 heures
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
- Suite de l’ordre du jour de la veille
- Proposition de loi organique (texte de la commission, n
modernisation
applicables
élection présidentielle
Ces textes ont été envoyés à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures
Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 16 février, à 17 heures
- Débat préalable à la
réunion du
Conseil européen
Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes
8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 16 février, à 17 heures
8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des affaires européennes
Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes
et la nuit
- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi
JEUDI 18 FÉVRIER 2016
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le
Gouvernement
République française
Gouvernement
République
doubles impositions
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février, à 17 heures
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le
Gouvernement
République française
Conseil fédéral suisse
additionnel
convention
impositions
évasion fiscales
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février, à 17 heures
et le soir
- Suite éventuelle de la proposition de loi organique (texte de la commission, n
modernisation
applicables
élection présidentielle
- Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la
protection
379, 20152016)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures
Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février, à 17 heures
JEUDI 18 FÉVRIER 2016 (SUITE)
et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi d’
expérimentation territoriale
(texte de la commission, n
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février, à 17 heures
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 22 au dimanche 28 février 2016
le dispositif exceptionnel d’accueil des réfugiés
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 février, à 17 heures
Questions d’actualité au Gouvernement
(Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 1
- Question orale avec débat n
la situation des salariés rémunérés par le chèque emploi service universel (CESU), en cas d’arrêt pour maladie
• Temps attribué à l’auteur de la question : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 février, à 17 heures
• Possibilité pour l’auteur de la question et chaque orateur d’utiliser une partie de son temps pour répondre au Gouvernement
MERCREDI 2 MARS 2016
et, éventuellement,
la situation financière des départements
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 1
- Débat sur «
le trentième anniversaire du baccalauréat professionnel
• Temps attribué au groupe communiste républicain et citoyen : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 1
MERCREDI 2 MARS 2016 (SUITE)
et, éventuellement,
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la
prévention
lutte contre
incivilités
actes terroristes
transports collectifs
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 1
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 1
MARDI 8 MARS 2016
- Proposition de loi tendant à
communes associées
commune nouvelle
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 février, à 12 heures
Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 mars, à 17 heures
- Proposition de loi visant à
candidats remplaçants
conseil municipal
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 février, à 12 heures
Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 mars, à 17 heures
MARDI 8 MARS 2016 (SUITE)
Questions d’actualité au Gouvernement
(Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 8 mars, à 12 heures 30
et, éventuellement,
- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi
MERCREDI 9 MARS 2016
De 14 h 30
(ordre du jour réservé au groupe écologiste)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à
territorial
alimentation
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 février, à 12 heures
Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 mars, à 12 heures
Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 8 mars, à 17 heures
- Proposition de résolution pour l’
instauration
présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean DESESSARD et plusieurs de ses collègues (n
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 8 mars, à 17 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote
JEUDI 10 MARS 2016
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à
lutte contre
système prostitutionnel
accompagner
personnes prostituées
Ce texte a été envoyé à une commission spéciale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 16 février après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 mars, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 mars après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 mars, à 17 heures
De 14 h 30
(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 19 février, à 17 heures
Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 2 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 7 mars, à 12 heures
Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 9 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 mars, à 17 heures
À 18 h 30 et, éventuellement,
- Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin
MARDI 15 MARS 2016
- 26 questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement
DES ESGAULX
(Recouvrement de la taxe d’aménagement)
(Simplification des normes pour les agriculteurs)
(Logement des forces de police de la base CRS 8 à Bièvres)
(Fonds de soutien au développement des activités périscolaires)
(Devenir de la clinique de Cluses)
(Gens du voyage et aires d’accueil)
(Aide personnalisée au logement pour les apprentis)
(Dotation de solidarité rurale et fraction bourg-centre)
(Couverture en téléphonie mobile)
(Modification de la gouvernance des caisses de retraite des professions libérales)
(Projet de fermeture du centre de formation de l’office national des forêts de Velaine-en-Haye)
VAUGRENARD
(Contrats de volontariat en petites et moyennes entreprises)
ESTROSI SASSONE
(Rénovation des logements sociaux étudiants à Nice)
(Professionnels de santé et lutte contre les violences conjugales)
MARDI 15 MARS 2016 (SUITE)
(Compétence eau et assainissement des collectivités territoriales)
(Fonds pour la société numérique et schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique)
(Montée de l’insécurité en Guyane)
BÉRIT-DÉBAT
(Versement de la prime à la naissance)
(Conséquences pour la France de la convention fiscale franco-qatarie)
(Responsabilité des entreprises dans l’exposition de leurs salariés à l’amiante)
ARCHIMBAUD
(Projet d’enfouissement d’une portion de l’autoroute A1 à Saint-Denis)
LE SCOUARNEC
(Avenir du collège Montaigne de Vannes)
(Isolement géographique du centre hospitalier d’Aurillac)
(Régimes complémentaires de retraite des élus locaux et reprise d’activité)
(Qualité d’ayant-droit d’un retraité français résidant hors de France)
(Pratiques commerciales du secteur des énergies renouvelables)
MARDI 15 MARS 2016 (SUITE)
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le
rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Temps attribué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : 10 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 14 mars, à 17 heures
4 conventions internationales
procédure d’examen simplifié
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’
site technique
Agence européenne
gestion opérationnelle
information
grande échelle
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la
future coopération multilatérale
Atlantique
Nord-Ouest
octobre 1978
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’
Gouvernement
République française
Gouvernement
compétence
régulation économique ferroviaire
Commission intergouvernementale
organismes
coopération
établissement
tarification
fixe transmanche
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la
convention
entraide judiciaire
République française
République
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : vendredi 11 mars, à 17 heures
MARDI 15 MARS 2016 (SUITE)
- Projet de loi autorisant l’
quartiers généraux militaires
internationaux
Atlantique Nord
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 30 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 14 mars, à 17 heures
- Débat préalable à la
réunion du
Conseil européen
Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes
8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 14 mars, à 17 heures
8 minutes attribuées respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes
MERCREDI 16 MARS 2016
et le soir
- Projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de
protection
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 9 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 14 mars à 12 heures
Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 16 mars matin
• Temps attribué à la commission des lois dans la discussion générale : 20 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 15 mars à 17 heures
JEUDI 17 MARS 2016
À 11 heures
- Suite de l’ordre du jour de la veille
À 15 heures
Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 17 mars, à 11 heures
et le soir
- Suite de l’ordre du jour du matin
MARDI 22 MARS 2016
Explications de vote des groupes sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de
protection
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 21 mars, à 17 heures
De 16 heures
Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de
protection
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de
protection
Questions d’actualité au Gouvernement
(Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 22 mars, à 12 heures 30
- Débat sur
la santé au travail
• Temps attribué au groupe communiste républicain et citoyen : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 21 mars, à 17 heures
MERCREDI 23 MARS 2016
et le soir
- Débat sur les conclusions du rapport d’information de la commission des finances sur
les moyens consacrés au renseignement intérieur
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 mars, à 17 heures
MERCREDI 23 MARS 2016 (SUITE)
et le soir (suite)
- Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l’Assemblée nationale, en faveur de la
compétitivité
agriculture
filière agroalimentaire
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 14 mars, à 12 heures
Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 16 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 21 mars, à 12 heures
Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 23 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 22 mars, à 17 heures
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’
JEUDI 24 MARS 2016
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite de l’ordre du jour de la veille
MARDI 29 MARS 2016
et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi renforçant la
lutte contre
terrorisme
financement
procédure pénale
Ce texte sera envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 21 mars, à 12 heures
Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 23 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 25 mars, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 29 mars matin et
mercredi 30 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 25 mars, à 17 heures
MERCREDI 30 MARS 2016
et le soir
- Suite du projet de loi renforçant la
lutte contre
terrorisme
financement
procédure pénale
JEUDI 31 MARS 2016
- Suite du projet de loi renforçant la
lutte contre
terrorisme
financement
procédure pénale
À 15 heures
Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 31 mars, à 11 heures
et, éventuellement, le soir
- Suite de l’ordre du jour du matin
MARDI 5 AVRIL 2016
Sous réserve de sa transmission, explications de vote des groupes sur le projet de loi renforçant la
lutte contre
terrorisme
financement
, et améliorant l’efficacité et les
procédure pénale
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 avril, à 17 heures
De 16 heures
Sous réserve de sa transmission, scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi renforçant la
lutte contre
terrorisme
financement
, et améliorant l’efficacité et les
procédure pénale
- Sous réserve de sa transmission, proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi renforçant la
lutte contre
terrorisme
financement
procédure pénale
Questions d’actualité au Gouvernement
(Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 5 avril, à 12 heures 30
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mercredi 9 mars 2016, à 19 heures
Je consulte le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.
Y a-t-il des observations ?…
Ces propositions sont adoptées.
Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Mme la présidente.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre I
L’avant-dernier alinéa du II de l’article 144 de la loi n
« Ce rapport est public. Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées de la culture. » –
L’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État, un magistrat de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation. Ils participent aux travaux de la commission avec voix consultative. Le président et les membres de la commission transmettent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de deux mois suivant leur désignation, une déclaration d’intérêt telle que prévue au III de l’article 4 de la loi n
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le règlement intérieur de la commission et ses modifications font l’objet d’une publication au
Journal officiel
L'amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Trois représentants des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation participent aux travaux de la commission avec voix consultative. »
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à rétablir la disposition du projet de loi votée par l’Assemblée nationale qui créait un pôle public au sein de la commission pour la rémunération de la copie privée, composé de représentants des ministères principalement concernés.
Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication.
Je considère en effet que le renforcement de la représentation des pouvoirs publics au sein de la commission se justifie avant tout au regard des ministères qui ont la responsabilité de nommer ces membres et de garantir son bon fonctionnement.
À cet égard, la désignation de magistrats issus des grands corps paraît moins justifiée et moins adaptée, dès lors que les membres de ce pôle public n’auront qu’un rôle d’observateurs au sein de la commission.
Tel est l’objet de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
L’objet de cet amendement est la composition de la commission pour la rémunération de la copie privée, qui a causé toutes les difficultés que vous connaissez.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Le Gouvernement demande le rétablissement de la disposition tendant à prévoir la nomination au sein de cette commission d’un représentant, en observateur avec voix consultative, de chacun des trois ministères suivants : culture, industrie et consommation. Pour notre part, dans un souci d’indépendance, nous avons proposé de nommer trois magistrats à la place.
Les auditions que nous avons menées nous ont aiguillés vers ce choix. En effet, les collèges dépendant, pour le premier, des industriels, pour le deuxième, des ayants droit, et pour le troisième, des consommateurs, l’ajout de représentants des ministères de tutelle de chacune de ces composantes ne contribuerait pas à beaucoup changer les équilibres. Notre choix s’est donc porté sur la nomination de trois magistrats indépendants, avec voix consultative également.
Par ailleurs, je précise tout de suite, pour ne pas avoir à y revenir, que nous avons souhaité que les membres de la commission soient aussi soumis à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts, comme c’est le cas pour nous tous – ce point a également été évoqué lors de nos auditions –, les sommes en jeu, à savoir plus de 200 millions d’euros, étant importantes. Il nous semble que cette disposition est bien dans l’esprit de clarification et de transparence qu’incarne ce texte.
Enfin, le dernier point concerne les études, mais nous y reviendrons par la suite.
L’avis de la commission est donc défavorable.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Cette proposition de modification de la composition nous a aussi interpellés. Comme il y a beaucoup de recours, il n’est pas idiot de prévoir des magistrats.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Par ailleurs, madame la ministre, votre amendement n’a pas seulement pour objet de revenir sur la modification de la commission : il tend aussi à supprimer l’obligation de transmission d’une déclaration d’intérêts par ses membres. Pour notre part, nous jugions cette disposition utile.
Pour ces raisons, nous voterons contre cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 7
Mme la présidente.
(L'article 7
est adopté.)
L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
Art. L. 311-6. –
« L’agrément est délivré pour cinq années en considération :
« 1° De la représentation paritaire des membres de la commission mentionnée à l’article L. 311-5 au sein des organes dirigeants de l’organisme ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants de l’organisme ;
« 3° Des moyens que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la perception des droits.
L'amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une part ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée est affectée par ces organismes au financement des enquêtes d’usage réalisées, en application du troisième alinéa de l’article L. 311-4, par la commission mentionnée à l’article L. 311-5. »
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet de supprimer l’agrément des sociétés chargées de percevoir et de répartir la rémunération pour copie privée et la responsabilité confiée à l’HADOPI de conduire les études d’usage.
Mme Fleur Pellerin,
Ces organismes étant des sociétés civiles, un tel régime d’agrément n’est prévu par le code de la propriété intellectuelle que dans des hypothèses limitées où un motif d’intérêt général le commande. Par ailleurs, les sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD, sont d’ores et déjà soumises à différents contrôles, dont celui de la commission permanente de contrôle des SPRD.
S’agissant des études d’usage nécessaires à la fixation des barèmes de rémunération pour copie privée, il ne me paraît pas du tout opportun de confier leur réalisation à la HADOPI, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.
L’affectation d’une petite partie du montant global de la rémunération pour copie privée au financement des études d’usage contribuera au contraire à garantir leur totale indépendance.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Madame la ministre, l’article 7
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Les études qui doivent être menées doivent l’être, en effet, par des personnes compétentes. Votre proposition, madame la ministre, consiste à faire réaliser ces études par des cabinets, après appel d’offres. Nous pensons, quant à nous, d’une part, que le cahier des charges doit être élaboré par la commission, c’est-à-dire par les membres des trois collèges qui la composent, et, d’autre part, qu’il entre tout à fait dans les missions de la HADOPI, qui est indépendante, d’effectuer ces études d’usage.
Je crois que notre proposition va davantage dans le sens de la transparence que la vôtre, madame la ministre. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 2 et 7
Remplacer le mot :
rémunération
par les mots :
compensation équitable
La parole est à M. Patrick Chaize.
Cet amendement est défendu, madame la présidente.
M. Patrick Chaize.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
L’amendement n
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La substitution de la notion de « rémunération » par celle de « compensation » relève d’un peu plus que d’un simple problème sémantique ; elle mériterait un travail approfondi. En attendant, j’émets de nouveau un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je retire mon amendement, madame la présidente !
M. Patrick Chaize.
L'amendement n
Mme la présidente.
L'amendement n
Remplacer les mots :
les ministres chargés de la culture, de l'industrie et de la consommation
par les mots :
les ministres chargés de la culture et de l'industrie
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Cet amendement traite des modalités de l’agrément créé par l’article 7
M. Philippe Bonnecarrère.
Que les ministères chargés de la culture et de l’industrie soient parties prenantes dudit agrément, cela se justifie assez bien au regard des enjeux culturels et économiques d’un tel dispositif, qui a d’ailleurs toute sa place dans le présent projet de loi. Je suis moins convaincu de l’opportunité d’un agrément délivré par le ministère chargé de la consommation.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Notre collègue M. Bonnecarrère propose de confier aux seuls ministres chargés de la culture et de l’industrie l’agrément de l’organisme chargé de la collecte de la rémunération pour copie privée, qu’il s’agisse de Copie France ou d’une autre structure. Le texte gagnerait ainsi en clarté et en simplicité.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission émet donc un avis favorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame la présidente, je sollicite une brève suspension de séance.
Mme Fleur Pellerin,
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
Mme la présidente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.)
La séance est reprise.
Mme la présidente.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur l’amendement n
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord souligner un point, qui tient à la méthode de nos travaux : alors que le Gouvernement a déposé la quasi-totalité de ses amendements jeudi dernier, nous découvrons aujourd’hui, au dernier moment, un certain nombre d’amendements rectifiés, et parfois de manière très substantielle.
Mme Fleur Pellerin,
Si nous voulons travailler sereinement, ce n’est pas exactement la bonne méthode ! Je suis tout à fait disposée à avoir avec vous un débat constructif, mais encore faudrait-il que nous disposions plus tôt du texte des amendements rectifiés.
L’amendement n
Lors de la transposition de la directive « Services », le champ d’application limité des procédures d’agrément a d’ailleurs été un élément clef pour que la compatibilité de la législation française avec ladite directive soit reconnue par la Commission européenne.
Par ailleurs, les sociétés de perception et de répartition des droits sont d’ores et déjà soumises à différents contrôles, dont celui de la commission de contrôle des SPRD – là encore, je l’ai déjà dit tout à l’heure. C’est pourquoi j’avais présenté, au nom du Gouvernement, l’amendement n
Je ne puis donc qu’être défavorable à cet amendement n
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 7
Mme la présidente.
(L'article 7
est adopté.)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 311-4 est ainsi modifié :
La seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 311-4 est complétée par les mots : « réalisées dans les conditions fixées par le III de l’article L. 311-6. » ;
2° L’article L. 331-31 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle fournit à la commission mentionnée à l’article L. 311-5 les enquêtes sur les usages de l’exception de copie privée réalisées en application de l’article L. 311-6. »
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
L’article 7
Mme Fleur Pellerin,
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il convient prioritairement de donner à la commission pour la rémunération de la copie privée les moyens qui sont nécessaires pour lui permettre de conserver la pleine maîtrise des études d’usage préalables à la fixation des barèmes de rémunération.
Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à revenir sur la rédaction proposée par la commission, laquelle a au contraire pour conséquence de dessaisir la commission en lui imposant de confier les études d’usage à la HADOPI.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Madame la ministre, cet amendement vise à supprimer l’article 7
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Pour des raisons de cohérence, l’avis de la commission est donc défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 7
Mme la présidente.
(L'article 7
AA est adopté.)
L’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après le même II, il est inséré un II
2° À la première phrase du premier alinéa du III, les références : « I ou II » sont remplacées par les références : « I, II ou II
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n
J’ai eu l’occasion de le répéter tout à l’heure : le sujet de la copie privée est extrêmement sensible, tant d’un point de vue politique qu’en termes de ressources, pour l’ensemble du milieu de la création artistique. Nous devons donc nous montrer très vigilants s’agissant des propositions qui sont faites dans le cadre du présent projet de loi.
Mme Fleur Pellerin,
Il n’est pas possible, au regard du droit communautaire, d’exonérer de la rémunération pour copie privée tous les supports de reproduction acquis à des fins professionnelles. La jurisprudence communautaire tient compte du critère de l’usage effectif des supports. En conséquence, il est exigé, pour permettre une exonération, que le support soit manifestement réservé à un usage autre que la réalisation de copies privées.
Dans ces conditions, il n’apparaît pas envisageable de prévoir une exonération au seul motif que l’acquéreur pourrait revendiquer un usage professionnel, sans s’assurer de l’usage effectif.
L’amendement présenté par le Gouvernement vise donc, précisément, à rétablir ce critère de l’usage effectif, qui avait été supprimé par la commission.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement étant identique à celui du Gouvernement, que Mme la ministre vient de défendre, je ne m’étendrai pas. Son objet est de supprimer une disposition qui exonère du paiement de la rémunération pour copie privée tous les supports d’enregistrement acquis à des fins professionnelles.
Mme Françoise Laborde.
Le droit existant exonère déjà du paiement de la rémunération pour copie privée « les supports d'enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ».
Or les dispositions introduites par la commission écartent le critère de l’usage effectif qui est fait du support. Exonérer tous les supports acquis à des fins professionnelles n’est pas justifié : le code de la propriété intellectuelle le permet déjà lorsque les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée.
Il faut donc revenir au droit existant et mettre le critère de l’usage effectif au premier plan pour l’exonération de la rémunération pour copie privée.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cette redevance pour copie privée et son mode de fonctionnement constituent des sujets très importants, sur lesquels il faut travailler avec une main prudente.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le principe des exonérations est simple en ce qui concerne les professionnels et les exportateurs. Néanmoins, il est légitime que les professionnels, quand ils font de ces outils un usage professionnel, soient exonérés.
Quant à savoir si un professionnel qui achète ce matériel s’en servira à des fins professionnelles ou non, cela n’est plus trop de notre ressort. Ce sujet est quelque peu délicat. Il faut selon nous préciser les choses ; on me dit en effet que certains professionnels qui achètent ces outils ne s’en servent pas, mais le distribuent à leur personnel pour des raisons personnelles. J’aimerais pour ma part ne pas avoir à trop entrer dans ces détails.
Il faut savoir que, pour appliquer la règle, à l’heure actuelle, deux mécanismes existent.
D’une part, pour les gros matériels, destinés par exemple aux ministères ou aux collectivités, les clients peuvent signer une convention définitive : dans ce cas, aucune rémunération n’est payée d’entrée.
D’autre part, il existe une procédure de remboursement, qui se révèle au dire des industriels extrêmement compliquée : en réalité, ils y renoncent, quand bien même la somme ainsi perdue représente plusieurs dizaines de millions d’euros ! De l’argent entre donc dans les caisses, mais c’est de l’argent qui n’est pas dû. Il faudrait donc analyser plus avant cette partie du problème, car nous ne disposons pas d’informations suffisantes.
En l’état, afin d’avancer vers un consensus et au vu de l’importance du sujet, j’émettrai un avis de sagesse sur ces amendements. Toutefois, je demande que l’on revienne sur ce point et que l’on précise davantage les modalités de remboursement. Celles-ci sont extrêmement difficiles, non pas pour les gros clients, mais, par exemple, pour les cabinets d’avocats, qui achètent du matériel une ou deux fois par an et renoncent à se faire rembourser tant les procédures sont compliquées et tant on leur demande de justificatifs.
La commission s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Monsieur le rapporteur, vous avez touché à ce dispositif d’une main tremblante, c’est vrai, mais comme vous y avez tout de même touché, vous déséquilibrez quelque peu le droit, malgré tout !
M. David Assouline.
On visait l’effectif, et désormais vous voulez passer au déclaratif. Je ne vois pas pourquoi ceux qui voudraient contourner la règle ne déclareraient pas ce qu’ils veulent, parce que vous pensez bien qu’on ne va pas encore compliquer les choses en embauchant des contrôleurs et des administrations pour voir si le déclaratif est effectif, notamment.
Vous touchez donc le dispositif, et cela concerne des sommes importantes. Si votre objectif ici est de dire que, la procédure étant longue, il vaut mieux que les gens concernés déclarent et que cela suffise, vous transférez déjà une charge sur le contrôle. Soit, mais on peut faire cela autrement que par la loi ! On peut tout simplement demander au ministère de prendre le problème à bras-le-corps, en soulignant que les procédures doivent se simplifier et s’accélérer.
S'agissant des gros industriels, je ne pense pas qu’ils renoncent, parce qu’ils peuvent attendre et qu’ils ont les moyens de rentabiliser les matériels. S’il y a des industriels à protéger parce que les procédures sont trop lourdes, agissons plutôt par l’incitation et par la simplification, et ne touchons pas à une règle majeure qui figure dans les règlements et la loi sur la copie privée, où c’est l’effectivité qui est en jeu.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je remercie M. le rapporteur de ne toucher ce dispositif que d’une main tremblante. Que ce soit bien clair : nous sommes attachés au dispositif qui permet de rémunérer les auteurs. Je pense d’ailleurs que tel est aussi l’esprit de la commission et du rapporteur. Nous sommes attachés au droit de la propriété, notamment à la propriété intellectuelle.
M. Bruno Retailleau.
Par ailleurs, le mécanisme existant est quelque peu compliqué, mais relativement simple dans sa conception : il consiste à taxer non pas le matériel, mais sa finalité et son usage. Voilà ce qui, en réalité, déclenche la redevance pour copie privée. Pourquoi la commission a-t-elle réfléchi et pourquoi le rapporteur a-t-il fait cette proposition ? Tout simplement parce que les entreprises françaises et les professionnels croulent sous la paperasse !
Au moins, les choses sont claires : M. le rapporteur a émis un avis de sagesse et ce texte n’est pas examiné en procédure accélérée. Dès lors, si Mme la ministre prend l’engagement d’avoir mis sur la table, d’ici au retour de ce texte au Sénat, un système concret pour simplifier le mécanisme en vigueur, lequel relève du domaine réglementaire, et non législatif, j’estime que nous pouvons voter l’amendement du Gouvernement.
J’attends donc une explication de Mme la ministre à ce sujet.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
J’ai exprimé la position du Gouvernement : nous considérons qu’il faut rétablir le critère de l’usage effectif. Selon quelles modalités faut-il le faire ? Ce gouvernement, comme vous le savez, est attaché à simplifier la vie de nos concitoyens comme celle des entreprises. Tel est en tout cas l’objectif que nous visons. Nous pouvons donc examiner selon quelles modalités cet usage effectif peut être vérifié.
Mme Fleur Pellerin,
Là encore, nous touchons à un élément important du financement de la création et de la rémunération des artistes et des auteurs. Je crois donc qu’il faut être très vigilant à ce que nous modifions : je suis d’accord pour avancer et essayer de simplifier les dispositifs, mais il nous faut à mon sens rester très fermes sur le critère de l’usage effectif.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, il faut approfondir le travail sur ce point : la navette parlementaire est faite aussi pour cela. Et, Dieu merci, ce texte bénéficiera de deux lectures, madame la ministre !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
À titre personnel, je voterai l’amendement du Gouvernement, car je sais que les ayants droit sont inquiets. Nous sommes attachés au système de rémunération pour copie privée. En l’absence d’études approfondies, restons-en donc à ce texte. Bien entendu, madame la ministre, j’espère que vous nous fournirez les éléments demandés par M. Retailleau : nous avons besoin de progresser sur ce sujet pour simplifier la vie de nos entreprises.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements sont adoptés.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par les mots :
et après les mots : « premier alinéa » est insérée la référence : « du I »
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Le III de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle doit être complété d’une nouvelle référence pour garantir que les procédures de remboursement et d’exonération de la rémunération pour copie privée seront bien applicables aux exportateurs de supports d’enregistrement, ce qui est extrêmement important.
Mme Fleur Pellerin,
Or en tendant à intégrer cette nouvelle référence au 2° de l’article 7
Je suis donc défavorable à cet amendement de coordination.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Puisque Mme la ministre pense que la forme de cet amendement est fautive, je le retire, madame la présidente.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l’article 7
(L'article 7
A est adopté.)
L’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « vivant », sont insérés les mots : « , au développement de l’éducation artistique et culturelle » ;
2° Les deux premières phrases du dernier alinéa sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées :
« Les sociétés de perception et de répartition des droits établissent et gèrent une base de données électronique unique recensant le montant et l’utilisation de ces sommes. Cette base est régulièrement mise à jour et mise à disposition gratuitement, sur un service de communication au public en ligne, dans un format ouvert et librement réutilisable. Le commissaire aux comptes vérifie la sincérité et la concordance avec les documents comptables de la société des informations contenues dans cette base de données. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide au développement de l’éducation artistique et culturelle s’entend des concours apportés par des auteurs ou des artistes-interprètes aux actions mentionnées au 4°
L’amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
insérer les mots :
, avec le nom de leurs bénéficiaires,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Dans un souci de transparence, cet amendement vise à rendre publics les noms des bénéficiaires des aides à la création et à la diffusion du spectacle vivant, ainsi que ceux des bénéficiaires des actions de formation des artistes accordées par les sociétés de perception et de répartition des droits.
Mme Françoise Laborde.
Plusieurs dispositions ont déjà été prises pour rendre ces aides plus transparentes, notamment par la création d’une base de données qui les recense. Cet amendement tend à compléter le travail déjà effectué.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission est favorable à cet amendement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Madame la sénatrice, je partage votre souci de faire en sorte que les données contenues dans la base concernée soient non seulement accessibles, mais également exploitables et interprétables.
Mme Fleur Pellerin,
Pour autant, il ne me paraît pas opportun de figer dans la loi les rubriques qui composeront cette future base de données. Ces dernières ont vocation à être précisées ultérieurement par la voie réglementaire : ainsi, l’article R. 321–8 du code de la propriété intellectuelle précise d’ores et déjà que les comptes annuels des sociétés de perception et de répartition des droits, ou SPRD, doivent indiquer la ventilation des montants versés par catégorie d’action artistique et culturelle, ainsi que les organismes ayant bénéficié de concours pendant trois années consécutives.
Les bénéficiaires des aides auront donc bien vocation à être identifiés dans la base de données électronique créée par la présente loi.
Dans ces conditions, je suis défavorable à cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, en particulier les sommes utilisées à des actions d’aide à la jeune création
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à restaurer la mention des actions en faveur de la jeune création dans la base de données électronique qui recense les actions culturelles des SPRD.
Mme Fleur Pellerin,
La légitimité de la rémunération pour copie privée s’apprécie en particulier au regard de son impact sur la création et son renouvellement, la vitalité du tissu artistique français et l’accompagnement des générations nouvelles d’artistes. Il me semble donc justifié que la nouvelle base de données commune qui recensera les sommes utilisées par les SPRD au titre de leur action culturelle fasse bien mention des sommes spécifiquement dédiées à la formation et à l’insertion des jeunes artistes, à l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail et au soutien des nouveaux créateurs, dans la diversité des pratiques et des esthétiques.
L’amendement du Gouvernement vise à rétablir cette marque de soutien à la jeune création.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Nous avions supprimé en commission cette mention de l’aide à la jeune création. En effet, elle nous paraît constituer un ajout inutile, qui ferait de ce texte une nouvelle loi trop bavarde.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission émet donc un avis défavorable.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’ai peine à comprendre l’articulation entre l’avis défavorable formulé par Mme la ministre sur l’amendement n
Mme Corinne Bouchoux.
Mme Laborde défendait une forme d’
Nous soutenons cette volonté de rendre transparentes les actions d’aide à la jeune création. Pour autant, je ne puis comprendre pourquoi ce qui vaudrait pour la partie ne vaudrait pas pour le tout. Si je suis prête à voter l’amendement du Gouvernement, je vois là un défaut de logique. Mais peut-être est-ce moi qui manque d’éléments de compréhension, auquel cas je vous serai reconnaissante, madame la ministre, de bien vouloir m’éclairer sur ce point avant le vote.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice : ces deux amendements visent en réalité le même objectif, auquel je suis favorable.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Je veux expliquer à Mme Bouchoux la différence entre les deux amendements.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
L’amendement n
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Remplacer la référence :
par la référence :
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 7
Mme la présidente.
(L'article 7
est adopté.)
Après le chapitre III du titre I
« CHAPITRE III
« Transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée
« Section 1
« Transparence des comptes de production
« Obligations des producteurs délégués
Art. L. 213-24
« Le compte de production est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le compte de production comprend l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la post-production de l’œuvre, en arrête le coût définitif et indique les moyens de son financement.
Art. L. 213-25
« À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n
Art. L. 213-26
« Audit des comptes de production
Art. L. 213-27
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué, aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles le producteur délégué a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée, avec lesquels il a conclu un contrat leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet également le rapport d’audit définitif à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Lorsque le rapport d’audit révèle l’existence d’une fausse déclaration pour le bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée, celui-ci peut procéder au retrait de l’aide attribuée après que le bénéficiaire a été mis à même de faire valoir ses observations. En outre, lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues au livre IV.
« Section 2
« Transparence des comptes d’exploitation
« Obligations des distributeurs
Art. L. 213-28
Art. L. 213-29
« À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n
Art. L. 213-30
Non modifié
Art. L. 213-31. –
« Obligations des producteurs délégués
Art. L. 213-32
« Le compte d’exploitation est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre.
Art. L. 213-33
« Dans les délais prévus à l’article L. 213-28, le producteur délégué transmet le compte d’exploitation aux autres coproducteurs, aux entreprises auxquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée. Pour les auteurs, cette transmission tient lieu de la fourniture de l’état des recettes prévue à l’article L. 132-28 du même code.
« Le compte d’exploitation est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre.
Art. L. 213-34
Non modifié
« Audit des comptes d’exploitation
Art. L. 213-35
« Le distributeur ou, le cas échéant, le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au distributeur ou au producteur délégué dans le cas prévu à l’article L. 213-33, qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au distributeur, au producteur délégué et aux autres coproducteurs.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée porte également à la connaissance de toute personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat conférant à cette personne un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre les informations relatives à cet intéressement.
« Lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues par les dispositions du livre IV.
Art. L. 213-36
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué, ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle.
Art. L. 213-37
Non modifié
L’amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéa 8
Après les mots :
code de la propriété intellectuelle
insérer les mots :
, aux artistes-interprètes liés contractuellement à l’œuvre
II. – Alinéa 18, seconde phrase
Après les mots :
code de la propriété intellectuelle
insérer les mots :
, aux artistes-interprètes liés contractuellement à l’œuvre
III. – Alinéa 26, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et les organisations professionnelles d’artistes-interprètes
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Cet amendement vise à ce que les artistes-interprètes soient destinataires du compte de production de l’œuvre cinématographique de longue durée, du rapport d’audit et du compte de production, et à ce qu’ils prennent part à l’accord professionnel sur la forme du compte d’exploitation.
Mme Françoise Laborde.
En effet, les droits des artistes-interprètes qui proviennent de l’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée sont calculés sur les recettes nettes d’exploitation. Il semble donc logique, dans un souci de transparence, qu’ils soient destinataires des documents les concernant.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à élargir aux artistes-interprètes liés contractuellement à une œuvre cinématographique la possibilité d’avoir accès aux comptes de production et d’exploitation relatifs à ladite œuvre.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Son objectif est intéressant et légitime, mais sa rédaction insuffisamment précise. Il lui sera préféré dans quelques instants l’amendement n
L’avis de la commission est donc défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je retire mon amendement, au profit de l'amendement n
Mme Françoise Laborde.
L’amendement n
Mme la présidente.
L’amendement n
I. – Alinéa 9
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsqu’il existe une convention collective ou un accord spécifique rendu obligatoire sur le fondement de l’article L. 212-8 du code de la propriété intellectuelle prévoyant au profit des artistes-interprètes une rémunération conditionnée à l’amortissement du coût de production de l’œuvre, le producteur délégué transmet le compte de production à ces derniers ou à une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes mentionnée au titre II du livre III de la première partie du même code désignée à cet effet. Lorsqu’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre est déterminé en fonction de l’amortissement de certains éléments du coût de production, le producteur délégué transmet ces éléments, ainsi que le coût de production, au bénéficiaire de l’intéressement.
II. – Alinéa 19
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsqu’il existe une convention collective ou un accord spécifique rendu obligatoire sur le fondement de l’article L. 212-8 du code de la propriété intellectuelle prévoyant au profit des artistes-interprètes une rémunération conditionnée à l’amortissement du coût de production de l’œuvre, le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le rapport d’audit définitif à ces derniers ou à une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes mentionnée au titre II du livre III de la première partie du même code désignée à cet effet. Lorsqu’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre est déterminé en fonction de l’amortissement de certains éléments du coût de production, le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet les informations relatives à ces éléments et au coût de production au bénéficiaire de l’intéressement.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement vise à poursuivre l’amélioration de l’article 8, comme l’ont proposé nos collègues socialistes en commission. Ceux-ci ont souhaité élargir les destinataires du compte de production et du rapport d’audit du CNC, ce dont on peut se féliciter.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cependant, la rédaction générique des alinéas 9 et 19 méconnaît certains cas spécifiques. À titre d’exemple, je pourrais citer le cas de certains techniciens du cinéma qui voient leur rémunération débloquée à 12 % de l’amortissement du coût de production. La rédaction actuelle de ces alinéas aurait pour effet de créer un décalage entre le déblocage des salaires et la remise des rapports de transparence.
Notre amendement vise à remédier à ce problème.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Comme je le disais précédemment, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Il est tout à fait légitime de prendre en compte la situation spécifique des artistes-interprètes et des techniciens au regard des accords collectifs et des conventions collectives du secteur.
Mme Fleur Pellerin,
Tout d’abord, pour ce qui est des artistes-interprètes, l’ADAMI, qui est chargée de percevoir pour leur compte une rémunération après amortissement du coût de production, pourra être directement destinataire des comptes de production et, le cas échéant, du rapport d’audit.
Ensuite, s’agissant des techniciens, l’amendement tend à assurer une meilleure cohérence avec les stipulations de l’annexe III de la Convention collective nationale de la production cinématographique du 19 janvier 2012.
Je suis donc favorable à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
L’amendement n
Mme la présidente.
Alinéa 20, seconde phrase
Après la référence :
insérer les mots :
du présent code
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Favorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
Mme la présidente.
(L'article 8 est adopté.)
Après le 6°
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Je souhaite faire un point sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 9 déposés par David Assouline.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Ces amendements importants, qui méritent que l’on s’y arrête un instant avant de les examiner, visent à confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, une nouvelle mission de contrôle de l’information dans les médias audiovisuels. Or ces dispositions reprennent pour partie celles d’une proposition de loi déposée par M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dont sont donc saisis nos collègues députés.
Concernant un sujet aussi important que la liberté de l’information, qui est sans rapport avec la création, même dans le domaine audiovisuel, il est essentiel que notre commission de la culture puisse mener un travail de fond à l’occasion de l’examen de la proposition de loi précitée.
À ce stade, il convient de mentionner la réaction du Syndicat national des journalistes, le SNJ, relative à ces dispositions : « Le SNJ rappelle que le CSA est une instance administrative composée de personnalités nommées par le pouvoir politique. Elle a, de par la loi, des responsabilités de régulation des entreprises audiovisuelles. Le CSA n’a aucune responsabilité ni aucune légitimité en matière de contrôle de l’information et des journalistes. Il ne doit pas en avoir ! ».
Vous le voyez, mes chers collègues, ces dispositions sont loin pour l’instant de faire l’unanimité et mériteront de notre part une étude approfondie en temps voulu ; c’est pour éclairer ce qui va suivre que je fais ce préambule.
Je propose donc à notre collègue de bien vouloir retirer l’amendement n
Je formule donc globalement et par avance, sur l’ensemble de ces amendements, un avis défavorable.
L’amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 3-1 de la loi n
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à l’indépendance de l’information, des programmes et des rédactions. Il veille à ce que les intérêts économiques des éditeurs de services de communication audiovisuelle, de leurs actionnaires et de leurs annonceurs ne portent pas atteinte au respect de cette indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes. Il peut adresser des recommandations et des mises en demeure aux éditeurs de service qui ne respectent pas ces principes. »
La parole est à M. David Assouline.
M. Leleux propose que je retire tous mes amendements…
M. David Assouline.
Pour économiser du temps !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il ne s’agit pas d’économiser du temps, car cela fait de longues années que l’on travaille sur ces questions ; elles ne viennent pas d’arriver !
M. David Assouline.
Nous avons souvent débattu de l’indépendance des médias, sur lequel nous avons fait des rapports et des propositions. Nous attendions une loi sur l’audiovisuel au cours de ce quinquennat. Il existe en effet une loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, mais nous savions qu’il fallait évoquer plus globalement le secteur de l’audiovisuel.
Est arrivé ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Je me doutais, et je l’ai dit à tous, que si ce texte était déposé sans qu’on examine avant une loi sur l’audiovisuel, alors même qu’une gigantesque révolution a bouleversé l’ensemble du paysage audiovisuel français depuis que nous avons légiféré pour la dernière fois sur ce sujet, nous nous retrouverions à essayer d’introduire ce sujet dans les textes touchant de près ou de loin à l’audiovisuel, à l’instar du présent projet de loi.
Pour moi, si une proposition de loi relative à l’audiovisuel doit arriver, il n’y a pas de problème sur le fond. J’y souscris totalement, puisque je contribue à ce travail. J’ai d’ailleurs proposé à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, de le mener.
Vous me dites, monsieur le rapporteur, qu’il ne faut pas traiter ce problème à l’occasion de l’examen du présent texte. Pourtant, ce projet de loi comprend des dispositions relatives aux radios, au cinéma, au CNC. Vous y avez même ajouté, monsieur Leleux, l’ensemble des rapports entre producteurs et diffuseurs de télévision, ce qui n’est pas un mince sujet ! Vous avez même proposé de consacrer un chapitre du projet de loi à l’audiovisuel.
Ce n’est pas M. Leleux, c’est toute la commission !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
Voyant cela, j’ai fait des propositions concernant cette question qui est, selon moi, importante.
M. David Assouline.
Chers collègues, n’avez-vous pas vu que l’indépendance, avec tout ce qui va avec – affaires, rumeurs, faux et vrais procès – est un sujet majeur, qui touche à l’information, mais aussi à la création, et qui tient au paysage audiovisuel français, lequel est tout à fait particulier ?
Veuillez conclure, mon cher collègue.
Mme la présidente.
Dans ce cas, je poursuivrai mon intervention plus tard.
M. David Assouline.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Défavorable.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je m’exprimerai globalement, moi aussi, sur l'amendement n
Mme Fleur Pellerin,
Tout d’abord, je voudrais remercier M. David Assouline et l’ensemble du groupe socialiste et républicain de cette initiative.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous soulevez là, monsieur le sénateur, un sujet d’une réelle importance, et chacun connaît votre expertise et votre implication sur ces questions.
J’ai eu l’occasion, il y a quelques semaines, de rappeler la vigilance que je porte au respect du pluralisme et à l’indépendance des rédactions, et je sais que l’ensemble des formations politiques ici présentes partage le même souci.
Toutefois, et je me suis déjà exprimée en ce sens à l’Assemblée nationale, je ne suis pas favorable à l’introduction, dans le présent texte, de modifications de la loi de 1986 sur l’audiovisuel. Une exception a certes été faite pour les quotas applicables aux radios, mais il s’agissait d’une disposition de ladite loi qui avait moins pour objet la régulation du secteur que la promotion de la diversité et de la création artistique, qui est au cœur de ce projet de loi.
Je propose en outre, comme vous l’avez suggéré, monsieur le sénateur, que nous débattions de nouveau de cette question très rapidement. Le groupe socialiste a en effet déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, qui reprend en grande partie les dispositions des amendements n
Cette proposition de loi formule des avancées majeures, et je me réjouis de la cohérence des propositions qu’elle contient avec les vôtres, monsieur Assouline.
Il s’agit, tout à la fois, de renforcer la mission générale du CSA, de veiller à l’indépendance de l’information, des programmes et des rédactions, de donner au CSA les moyens de cette mission, par exemple au sein des conventions qu’il conclut avec les éditeurs de services, de tenir compte du respect de ces principes au niveau de la délivrance des autorisations ou de leur reconduction, de généraliser la mise en place de comités de déontologie au sein des chaînes. Nous aurons, sur l’ensemble de ces sujets, un débat complet dans quelques semaines.
L’importance de cette question mérite, je le crois, qu’une proposition de loi lui soit entièrement consacrée. Je serai donc heureuse que, au bénéfice de ces discussions à venir, vous acceptiez de retirer ces amendements, dans l’attente d’un débat qui sera nécessairement ample.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Si l’amendement n
M. Pierre Laurent.
Par ailleurs, au-delà de ce phénomène de concentration qui existe depuis plusieurs années, on sait que, dans le secteur audiovisuel et de la presse, de nombreux médias ont changé de mains ces derniers temps. On assiste à une accélération de la mainmise des intérêts financiers sur des secteurs entiers des médias, et singulièrement de l’audiovisuel.
Les amendements qui sont présentés nous paraissent tout à fait intéressants. On nous promet une discussion à venir ; nous ne la bouderons évidemment pas. Toutefois, pour le moment, puisque des amendements nous sont enfin proposés sur ce sujet et qu’ils vont dans le bon sens, je le répète, nous les voterons s’ils sont maintenus. Nous souhaitons nous aussi une loi d’ensemble sur ces questions, et le plus rapidement possible.
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je souscris totalement aux préoccupations exprimées par notre collègue David Assouline en ce qui concerne l’évolution de l’information dans notre pays.
Mme Catherine Tasca.
Néanmoins, ce projet de loi est déjà un
Par ailleurs, je note, et c’est une excellente nouvelle, que nous aurons prochainement à débattre plus globalement du problème du CSA, de ses compétences et de l’évolution de l’information. Je le répète, ce serait selon moi une erreur d’inclure ces questions dans le texte dont nous discutons actuellement. J’espère donc que notre collègue acceptera de retirer ces amendements.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Je voudrais apporter une précision qui me paraît importante pour éviter les procès d’intention. Cher David Assouline, je n’ai absolument pas dit, et je tiens à faire la nuance, que vos amendements n’étaient pas intéressants. Ce n'est d’ailleurs pas pour cette raison que j’ai émis un avis défavorable, que ce soit bien clair ! C'est parce que j’estime que le contenu de ces amendements ne doit pas figurer dans ce texte.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je partage l’avis de Mme la ministre, qui souhaite que ce débat ait lieu quand la proposition de loi de Patrick Bloche sera examinée par notre assemblée.
Monsieur Assouline, l'amendement n
Mme la présidente.
Si l’on me demande de retirer mes amendements parce que tout le monde est pressé…
M. David Assouline.
(Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
(Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Je tiens tout d’abord à expliquer leur contenu. Mon objectif était de provoquer un débat ici pour que je voie, sur le fond, qui est pour et qui est contre. Nous voterons sur toute cette série d’amendements sans que j’intervienne à chaque fois pour les présenter un par un
(Marques de soulagement sur les travées de l'UDI-UC.)
Je ne retirerai pas mes amendements, parce que je pense que ce sujet, qui a souvent été débattu au Sénat, mérite d’être abordé au cours de nos longues discussions sur ce texte. En effet, il concerne – peut-être indirectement, mais parfois directement – la création. En effet, quand on fait de l’information, on crée aussi. Si l’on prépare un documentaire, par exemple, on touche à des domaines qui peuvent être liés au problème que je pose ici.
Ce problème, je le définirai ainsi : nous avons un paysage audiovisuel particulier. Nous allons faire avec ! Les plus grands médias français sont, pour l’essentiel, détenus par de grands groupes dont le métier n’est ni l’audiovisuel ni la création. Bouygues, c'est le BTP ; Vivendi, c’est autre chose. Cela peut être les câbles ou les télécoms. En Allemagne et en Angleterre, la situation n’est pas la même : il y a de grands groupes de médias.
Se posent donc deux problèmes : tout d’abord, la concentration ; ensuite, le fait que ces groupes peuvent vivre de la commande publique.
Un groupe qui fait de l’information, de la recherche et du documentaire peut, à un moment donné, considérer que les activités de ses actionnaires sont remises en cause par l’information. On ne peut pas changer cela, ce n’est plus possible ! Ces groupes sont là, mais il faut créer des règles qui permettent une indépendance de l’information et, j’irai même plus loin, de la création, car celle-ci peut être menacée par cette situation.
J’ai proposé une série d’amendements dont les dispositions vont toutes dans ce sens. Au travers du premier, je ne dis pas que le CSA n’est pas l’instance qui va juger le travail des journalistes. Ce n’est pas le sujet ! Au contraire, il s’agit de garantir qu’il n’y ait pas d’intervention intempestive dans le travail des journalistes. C’est autre chose. On peut avoir des discussions avec le SNJ, qui voit peut-être les choses autrement, mais le Sénat discutera de façon plus approfondie de ce sujet majeur si une proposition de loi arrive.
Or on ne me dit pas quand ce texte, que nous attendons depuis longtemps, doit venir en discussion. Il aurait pu venir du Gouvernement, mais il vient de l’Assemblée nationale. Dans quelle niche ? Je ne sais pas.
Ce que je sais, en revanche, c'est que ce sujet devra être abordé avant l’été prochain, parce que des problèmes vont se poser régulièrement et qu’il vaut mieux que la loi tranche au lieu d’en arriver à des scandales, des rumeurs ou des procès, vrais ou faux.
Je maintiens donc mon amendement n
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 18 de la loi n
« Ce rapport fait état du respect, par les éditeurs de services de communication audiovisuelle, des principes prévus à l’article 3-1 et, le cas échéant, des mesures prises par le conseil pour faire cesser les manquements constatés. »
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 28 de la loi n
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° de l’article 28 de la loi n
« …° Les engagements permettant de garantir la diversité dans l’exercice du métier de journaliste et l’indépendance éditoriale du service, conformément à l’article 3-1 ; ».
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article 28 de la loi n
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° du I de l’article 28-1 de la loi n
« …°Si la reconduction de l’autorisation hors appel aux candidatures est de nature à porter atteinte à l’indépendance éditoriale et au pluralisme des opinions au sein des rédactions, prévus à l’article 3-1 ; ».
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l’article 29 de la loi n
« …° Pour le renouvellement d’autorisation d’un service préalablement autorisé, du respect des principes d’indépendance éditoriale et de respect du pluralisme des opinions au sein des rédactions, prévus à l’article 3-1. »
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° de l’article 33 de la loi n
« …° Les engagements permettant de garantir la diversité dans l’exercice du métier de journaliste et l’indépendance éditoriale du service, conformément à l’article 3-1 ; ».
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 41-4 de la loi n
« Le comité de déontologie est composé de représentants des organisations représentatives et de personnalités qualifiées ne détenant aucun intérêt dans la société éditrice de services ou dans l’une des sociétés dans lesquelles la société éditrice détient des parts de capital ou des droits de vote.
« Le comité de déontologie adresse un rapport annuel au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce rapport est transmis pour avis aux présidents des commissions en charge de la culture et de l’audiovisuel du Sénat et de l’Assemblée nationale. »
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Le chapitre IV de la loi n
Art. 43-2. -
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer la référence :
par la référence :
La parole est à M. David Assouline.
Cet amendement rédactionnel tend simplement à corriger la référence à la loi relative à la liberté de communication.
M. David Assouline.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Favorable.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 9
Mme la présidente.
(L'article 9
A est adopté.)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 132-25 est supprimé ;
2° Après l’article L. 132-25, il est inséré un article L. 132-25-1 ainsi rédigé :
Art. L. 132-25-1
L'amendement n
Mme la présidente.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en place un fonds de soutien des arts visuels financé par un pourcentage du produit des droits d’entrée et de visites-conférences dans les monuments, sites ou collection des musées de France tels que définis par l’article L. 442-1 du code du patrimoine, et des recettes perçues à l’occasion d’exposition permanentes ou temporaires et de manifestations artistiques ou culturelles.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Par parallélisme avec notre amendement précédent visant la création d’un fonds de soutien au cinéma, celui-ci tend à demander un rapport sur l’opportunité de créer un fonds de soutien des arts visuels.
Mme Christine Prunaud.
Le fonds de soutien des arts visuels pourrait être abondé par un pourcentage du produit des droits d’entrée et de visites-conférences dans les monuments, sites ou collection des musées de France, tels qu’ils sont définis par l’article L. 442-1 du code du patrimoine, et des recettes perçues à l’occasion d’expositions, de manifestations artistiques ou culturelles. Cette solution permettrait d’intégrer une dimension intergénérationnelle dans le fonds de soutien, les artistes reconnus, exposés et renommés finançant un fonds pour des artistes en devenir.
La création de ce fonds serait un message particulièrement positif envoyé aux artistes. En effet, si le secteur des arts visuels arrive en tête de la création en termes d’emplois et de chiffre d’affaires, plus de la moitié des artistes visuels vivent sous le seuil de pauvreté. Des études de 2013 et 2015 montrent notamment la profonde inégalité entre les artistes, les 10 % les plus riches se partageant près de 50 % de l’ensemble des revenus distribués aux artistes visuels.
C’est dans ce cadre qu’il nous paraît nécessaire, à la fois, d’assurer un niveau de vie décent à tous les artistes et de réduire les inégalités entre ces derniers. L’instauration d’un fonds de soutien pourrait grandement y contribuer.
Je le répète, nous débattons tout de même d’un texte consacrant la liberté de création. Or, mes chers collègues, la première des exigences à atteindre en matière de création artistique n’est-elle pas de permettre aux artistes de pratiquer leur activité dans de bonnes conditions ?
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission est bien entendu attachée de longue date au soutien aux arts visuels. Ce dernier se traduit notamment par l’existence du groupe d’études sur la photographie et autres arts visuels, rattaché à notre commission et présidé par notre collègue Corinne Bouchoux.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
L’idée qui sous-tend l’amendement est une véritable préoccupation pour nombre d’entre nous. Le sujet mérite donc d’être traité. Pour autant, même s’il ne faut pas en faire une doctrine ou une lubie, comme l’a fait remarquer un orateur hier, nous ne sommes pas favorables aux demandes de rapport. Car il s’agit bien d’une énième demande. J’ai arrêté de les compter, mais il doit y avoir dans ce texte treize ou quatorze demandes de ce type…
Sans en faire un dogme, je maintiens donc pour l’instant notre doctrine et j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais aller dans le sens de nos collègues communistes en ce qui concerne la situation des arts visuels. Les dispositions de cet amendement présentent au moins l’intérêt de nous rappeler que la précarité chez les acteurs des arts visuels est de plus en plus importante et qu’il faut en tenir compte. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que nous avons eu une discussion sur les rapports, qui peuvent parfois être inopportuns ou insuffisamment pertinents.
Mme Sylvie Robert.
Pour ma part, j’estime que nous pourrions soutenir cette proposition, d’autant que notre groupe avait déposé un amendement visant à la mise en place d’un Conseil national des arts visuels, lequel amendement avait été considéré comme irrecevable au titre de l’article 41. Ce conseil est une attente très forte du secteur. À l’image du Conseil national des professions du spectacle, il aurait pu être un cadre de négociations important pour réfléchir à leurs droits et à leur statut.
Madame la ministre, je profite de cette discussion pour vous demander de mettre en place par voie réglementaire, puisqu’un décret suffirait, ce Conseil national des arts visuels, qui, je le répète, est très demandé par le secteur.
Nous voterons donc en faveur de cet amendement.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Pour aller dans le sens de ce qui a été dit, nous souscrivons pleinement à cet amendement, dont les dispositions soulèvent une véritable question.
Mme Corinne Bouchoux.
Madame la ministre, vous voyez que, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous réclamons tous…
Ou presque tous !
M. André Reichardt.
… un geste fort en faveur des arts visuels et des photographes, qui ne sont peut-être pas les plus remuants, mais qui apportent énormément à notre culture.
Mme Corinne Bouchoux.
Nous comptons vraiment sur vous. Même si nous ne sommes pas non plus, par principe, fanatiques des rapports, celui-là constituerait un geste important vis-à-vis de tous ces artistes.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute cession du bénéfice d’un contrat de production audiovisuelle à un tiers ne peut intervenir qu’après une information préalable des coauteurs par le cédant dans un délai minimal d’un mois avant la date effective de la cession. Tout contrat de production audiovisuelle fait mention de l’obligation prévue au présent alinéa. » –
Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Le livre II est complété par un titre V ainsi rédigé :
« EXERCICE DES PROFESSIONS ET ACTIVITÉS DE LA PRODUCTION ET DE LA DISTRIBUTION AUDIOVISUELLE
« CHAPITRE UNIQUE
« Transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres audiovisuelles
« Section 1
« Transparence des comptes de production
« Sous-section 1
« Obligations des producteurs délégués
Art. L. 251-1.
« Le compte de production est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le compte de production comprend l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la post-production de l’œuvre, en arrête le coût définitif et indique les moyens de son financement.
Art. L. 251-2.
« À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi n
Art. L. 251-3.
« Sous-section 2
« Audit des comptes de production
Art. L. 251-4. –
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué, aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles le producteur délégué a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux éditeurs de services de télévision qui ont contribué au financement de la production de l’œuvre, ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée, avec lesquels il a conclu un contrat leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet également le rapport d’audit définitif à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Lorsque le rapport d’audit révèle l’existence d’une fausse déclaration pour le bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée, celui-ci peut procéder au retrait de l’aide attribuée après que le bénéficiaire a été mis à même de faire valoir ses observations. En outre, lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1 du présent code, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues au livre IV.
« Section 2
« Transparence des comptes d’exploitation
« Sous-section 1
« Obligations des distributeurs
Art. L. 251-5.
Art. L. 251-6
« À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi n
Art. L. 251-7.
Art. L. 251-8.
« Sous-section 2
« Obligations des producteurs délégués
Art. L. 251-9
« Le compte d’exploitation est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre.
Art. L. 251-10.
« Dans les délais prévus à l’article L. 251-5, le producteur délégué transmet le compte d’exploitation aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée. Pour les auteurs, cette transmission tient lieu de la fourniture de l’état des recettes prévue à l’article L. 132-28 du même code.
« Le compte d’exploitation est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre.
« Sous-section 3
« Audit des comptes d’exploitation
Art. L. 251-11.
« Le distributeur ou, dans le cas prévu à l’article L. 251-10, le producteur délégué, transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au distributeur ou, dans le cas prévu à l’article L. 251-10, au producteur délégué, qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au distributeur, au producteur délégué, aux autres coproducteurs, ainsi qu’aux éditeurs de services de télévision qui ont contribué au financement de la production de l’œuvre.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée porte également à la connaissance de toute personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat conférant à cette personne un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre les informations relatives à cet intéressement.
« Lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues par le livre IV.
Art. L. 251-12.
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué, ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du même code.
Art. L. 251-13.
2° Après le 10° de l’article L. 421-1, sont insérés des 10°
L’amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet alinéa par les mots :
et aux auteurs qui bénéficient d’un intéressement aux recettes d’exploitation
La parole est à M. David Assouline.
L’article L. 251-11 du code du cinéma et de l’image animée, créé par l’article 9
M. David Assouline.
Le rapport d’audit ne serait transmis aux auteurs que dans la limite des informations relatives à leur intéressement. En effet, nous ne comprenons pas ce qui pourrait justifier la limitation de l’information des auteurs qui bénéficient d’un intéressement. S’il nous semble opportun que le dispositif prévoie une transmission intégrale à tous, il est logique d’en prévoir la transmission aux auteurs bénéficiant d’un intéressement.
Pour rappel, l’article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « le producteur fournit, au moins une fois par an, à l’auteur et aux coauteurs un état des recettes provenant de l’exploitation de l’œuvre selon chaque mode d’exploitation. À leur demande, il leur fournit toute justification propre à établir l’exactitude des comptes, notamment la copie des contrats par lesquels il cède à des tiers tout ou partie des droits dont il dispose. »
Cette transmission partielle des comptes d’audit s’inscrit ainsi dans l’esprit du droit existant ; elle facilitera la tâche de tous ceux qui n’ont pas les moyens de mener un ensemble de démarches – avocats, conseillers, ou autres. La transmission transparente va dans le bon sens.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La transmission du rapport d’audit aux auteurs s’inscrit dans le prolongement de l’esprit et des dispositions de l’article 9
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
J’ajoute que c’est le douzième amendement de M. Assouline que la commission soutient et j’observe que la réciproque n’est pas vraie…
(Sourires.)
Comment ? Vous plaisantez, j’espère ?
M. David Assouline.
La commission émet donc un avis favorable.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à prévoir la transmission aux auteurs de la partie du rapport d’audit des comptes d’exploitation d’une œuvre audiovisuelle relative à leur intéressement. Je souscris évidemment pleinement, moi aussi, à cet objectif, puisque les auteurs bénéficient d’une participation proportionnelle aux recettes de l’œuvre, conformément au code de la propriété intellectuelle.
Mme Fleur Pellerin,
Néanmoins, cet objectif est satisfait par les dispositions de l’alinéa 45 de l’article 9
Cette disposition inclut donc bien sûr les auteurs, qui devraient d’ailleurs se voir transmettre le rapport d’audit dans sa globalité, puisque le code de la propriété intellectuelle prévoit leur participation proportionnelle à toutes les recettes d’exploitation, quels que soient les modes d’exploitation.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat, s’agissant d’un amendement qui est en réalité satisfait, me semble-t-il.
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 9
Mme la présidente.
(L’article 9
est adopté.)
I. – A. – L’article L. 212-32 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Au 1°, le mot : « billet » est remplacé par le mot : « droit » ;
2° Le 3° est ainsi modifié :
(Supprimé)
« Ils communiquent également cette déclaration de recettes aux distributeurs et à une société de perception et de répartition des droits relevant du titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle chargée des droits musicaux lorsqu’il existe un accord entre une telle société et les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ou leurs représentants. Toutefois, le Centre national du cinéma et de l’image animée peut se charger, en lieu et place des exploitants, de la transmission de la déclaration de recettes, sous quelque forme que ce soit, aux distributeurs et, le cas échéant, à la société de perception et de répartition des droits précitée ; »
3° Sont ajoutés des 4° à 6° ainsi rédigés :
B. – La section 7 du chapitre II du titre I
Art. L. 212-33
« Sauf dérogation, il ne peut être délivré de droits d’entrée non liés à un système informatisé de billetterie en dehors des établissements de spectacles cinématographiques.
« Le droit d’entrée est conservé par le spectateur jusqu’à la fin de la séance de spectacles cinématographiques.
Art. L. 212-33-1
« 1° Soit associée, avec ou sans supplément de prix, à la remise d’un bien ou à la fourniture d’un service ;
« 2° Soit dans le cadre d’un service de vente ou de réservation en ligne,
« ne peut avoir pour effet d’entraîner une modification de la valeur de ce droit d’entrée par rapport au prix de vente du droit d’entrée qui aurait été remis au spectateur, dans les mêmes conditions et pour la même séance, s’il n’avait pas choisi cette offre ou n’en avait pas bénéficié, ce prix constituant dans tous les cas l’assiette de la taxe prévue à l’article L. 115-1 et l’assiette de la répartition des recettes prévue à l’article L. 213-10.
Art. L. 212-34
(Non modifié)
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le Centre national du cinéma et de l’image animée peut se charger, en lieu et place des exploitants, de la transmission aux distributeurs intéressés. » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ou les installateurs de leurs équipements de projection numérique transmettent au Centre national du cinéma et de l’image animée les certificats de ces équipements.
« Les distributeurs et les régisseurs de messages publicitaires qui mettent à la disposition des exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, sous forme de fichiers numériques, des œuvres ou des documents cinématographiques ou audiovisuels, ou les laboratoires qui réalisent pour ces distributeurs et ces régisseurs les fichiers numériques transmettent au Centre national du cinéma et de l’image animée les identifiants universels uniques de ces fichiers numériques ainsi que les numéros internationaux normalisés des œuvres et documents concernés ou tout numéro permettant de les identifier. » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les modalités et la périodicité de la transmission des données, certificats, identifiants et numéros mentionnés au présent article ainsi que les modalités et la durée de la conservation de ces informations sont fixées par décision du président du Centre national du cinéma et de l’image animée. » –
L’article L. 234-1 du code du cinéma et de l’image animée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’arrêté rend obligatoire ces accords pour une durée maximale de trois ans. » –
Après la référence : « L. 212-32 », la fin du 5° de l’article L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi rédigée : « , des deux premiers alinéas de l’article L. 212-33 et de l’article L. 212-33-1 relatives au contrôle des recettes des œuvres cinématographiques dans les établissements de spectacles cinématographiques ainsi que des textes et décisions pris pour leur application ; ». –
I. – Le titre III du livre I
« CHAPITRE VI
« Dispositions applicables à la recherche et au référencement des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques
Art. L. 136-1. –
« II. – Les sociétés agréées sont seules habilitées à conclure toute convention avec les éditeurs des services de moteur de recherche et de référencement aux fins d’autoriser leur reproduction et leur représentation par ces services et de percevoir les rémunérations correspondantes fixées selon les modalités prévues à l’article L. 136-3. Les conventions conclues avec ces éditeurs prévoient les modalités selon lesquelles ils s’acquittent de leurs obligations de fournir aux sociétés agréées le relevé des exploitations des œuvres et toutes informations nécessaires à la répartition des sommes perçues aux auteurs ou leurs ayants droit.
Art. L. 136-2. –
« 1° De la diversité des associés ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants ;
« 3° Des moyens humains et matériels qu’ils proposent de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques par des services de moteur de recherche et de référencement.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.
Art. L. 136-3 –
« Le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont fixés par voie de convention entre les sociétés agréées pour la gestion des droits des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques par des services de moteur de recherche et de référencement et les organisations représentant les éditeurs de ces services.
« La durée de ces conventions est limitée à cinq ans.
« II. – À défaut d’accord conclu dans les six mois suivant la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 136-2, ou si aucun accord n’est intervenu à la date d’expiration d’un précédent accord, le barème de la rémunération et ses modalités de versement sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en nombre égal, d’une part, de représentants des sociétés agréées conformément au même article L. 136-2 et, d’autre part, des représentants des éditeurs de services de moteur de recherche et de référencement.
« Les organisations amenées à désigner les représentants membres de la commission, ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner, sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
« La commission se détermine à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.
« Les décisions de la commission sont publiées au Journal officiel. »
II. – Le I s’applique à compter de la publication du décret pris pour l’application du chapitre VI du titre III du livre I
L’amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
J’adhère pleinement à la volonté exprimée au travers de cet article d’assurer une rémunération équilibrée de la valeur pour les auteurs et les artistes dans l’environnement numérique.
Mme Fleur Pellerin,
Néanmoins, le dispositif envisagé d’un droit à rémunération au titre du référencement des œuvres par les moteurs de recherche soulève d’importantes questions au regard de l’état actuel du droit européen, qui fixe un cadre restrictif en la matière. En particulier, la Cour de justice de l’Union européenne considère, depuis un arrêt du 13 février 2014, que les ayants droit ne peuvent s’opposer à la création d’un lien hypertextuel dès lors que celui-ci pointe vers une ressource librement accessible sur internet.
C’est donc au niveau européen que le problème doit être posé, ce que je fais d’ailleurs avec détermination, et j’ai suivi attentivement les projets en matière de droit des éditeurs de presse, qui soulevaient d’importants enjeux. Surtout, j’ai réussi à mettre le sujet du partage de la valeur et du rôle des intermédiaires techniques à l’ordre du jour du débat européen, notamment grâce au rapport que m’a remis Pierre Sirinelli.
Dans sa communication du 9 décembre dernier, la Commission européenne a exprimé sa volonté de déterminer si l’utilisation en ligne des œuvres protégées par le droit d’auteur est dûment autorisée et rémunérée au moyen de licences. Dans ce contexte, la Commission se penchera en particulier sur le rôle des services d’agrégation d’actualité.
La France est ainsi très mobilisée actuellement pour faire évoluer le droit européen qui fixe le cadre législatif. Vous pouvez aussi compter, vous le savez, sur mon engagement total dans ce chantier. D’où cet amendement, qui vise à supprimer le régime de rémunération pour le référencement des arts visuels.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Selon moi, il ne faut pas supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
C’est un sujet important, vous l’avez dit, madame la ministre, qui rejoint une grande préoccupation des photographes, lesquels assistent à la captation de leurs œuvres. Il faut maintenir cet article, que la commission a jugé important de faire figurer au sein de ce projet de loi. La situation des photographes et des autres auteurs d’art graphiques et plastiques est marquée par une précarité croissante ; il était indispensable de l’évoquer, et la commission a adopté cette mesure.
Vous mettez en avant, madame la ministre, un risque de contradiction entre ce dispositif et le droit européen, en particulier la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne de 2014.
Nous avons lu tous les arrêts en question, et la solution retenue par la Cour soulève tout de même quelques questions. En effet, l’arrêt cité évoque seulement la question des liens hypertextuels et il concernait un lien vers un article de presse. Peut-on transposer cette jurisprudence à la pratique des vignettes stockées sur les serveurs du moteur de recherche ou au stockage des photographies en format non réduit mises à la disposition du public hors de tout contexte ?
À ce stade, il paraît important d’approfondir davantage la question, mais nous ne pouvons pas abandonner ainsi tout un pan de la création. J’admets la possibilité que notre mesure soit fragile, mais, au fond, les arrêts de la Cour de justice européenne sont assez spécifiques et on pourrait peut-être élargir le champ.
Aujourd’hui, les auteurs, notamment les photographes, ont besoin d’un engagement politique fort de notre part. C’est pourquoi la commission souhaite conserver l’article 10
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Pour qu’il n’y ait aucune méprise, je souhaite préciser que je suis extrêmement attachée à tous les travaux de réflexion que nous menons actuellement autour de la rémunération des artistes des arts visuels, qui pose effectivement des problèmes de répartition de la valeur, comme dans bien des industries touchées par la révolution numérique. Que l’on ne s’y trompe pas, l’objet de cet amendement était de discuter des modalités de la rémunération de ces artistes, non du principe de leur rémunération décente.
Mme Fleur Pellerin,
Je profite de cette prise de parole pour répondre à l’intervention de Mme Sylvie Robert à propos du Conseil national des arts visuels. Effectivement, vous le savez, j’ai annoncé en Arles la création d’un Conseil national de la photographie, qui doit être mis en place très prochainement. Toutefois, vous avez raison, la mise en place d’un Conseil national des arts visuels, plus général qu’un conseil ne concernant que la photographie, serait une avancée majeure pour ce secteur.
Cela permettrait de donner un cadre aux relations entre l’État et les organisations professionnelles du secteur et à celles des organisations professionnelles d’artistes auteurs avec les diffuseurs. En outre, elle favoriserait la structuration du secteur, dont la nécessité est de plus en plus évidente au regard de la paupérisation d’une grande partie des artistes auteurs et des difficultés à avancer sur des sujets majeurs, comme la réforme de la formation professionnelle ou les problèmes rencontrés par les différents acteurs du conseil de gestion de l’Assurance formation des activités du spectacle, l’AFDAS.
Le secteur des arts graphiques et plastiques est plus faiblement structuré que celui du spectacle vivant, nous le savons ; il lui manque une instance permanente de concertation avec l’État et avec les collectivités sur l’ensemble de ces sujets, qui sont articulés entre eux. C’est pourquoi je propose d’y travailler avec vous, madame la sénatrice, pour avancer sur ce chantier.
La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
Mme la présidente.
L’article 10
M. Claude Kern.
Il garantit également la rémunération des auteurs et le renouvellement d’une création libre et diversifiée. Aussi, attaché à ces valeurs et à la diversité culturelle, je ne voterai pas pour l’amendement de suppression du Gouvernement. En effet, il faut envoyer un signal fort de soutien à la démarche de Mme la ministre à l’échelon européen. En revanche, je voterai en faveur de l’amendement rédactionnel de M. le rapporteur.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’ai également une divergence de vues avec le Gouvernement. Je ne suis pas d’accord avec la suppression de cet article, madame la ministre, parce que, ayant auditionné pendant deux ans des personnes du secteur des arts plastiques pour mon rapport sur la création, j’ai pu mesurer à quel point on méconnaît, même quand on est un parlementaire suivant les affaires culturelles, la situation sociale catastrophique de ce secteur.
M. David Assouline.
Une majorité de ces personnes vit sous le seuil de pauvreté. Quand on va voir les œuvres d’un grand peintre, on s’imagine que celui-ci vit bien, mais, sur tous nos territoires, dans de petites villes, il existe des artistes dans une situation catastrophique, certes parce qu’ils n’ont pas d’organisations structurées et puissantes pour défendre leurs droits, mais aussi parce que la protection sociale dans ce domaine est en retard.
Dès lors, si nous pouvons aider… Par exemple, un focus politique inséré dans cette loi représenterait une partie de l’aide que nous pouvons apporter. La création d’aujourd’hui repose, en grande partie, sur ces artistes. Il y a sans doute les photographes – on en parle plus parce que c’est moderne –, mais il faut prendre en compte l’ensemble des arts plastiques.
En outre, l’une de nos propositions a été évincée de notre discussion en séance par le recours à l’article 41 de la Constitution, parce que la création d’un Conseil national des arts visuels relève du domaine réglementaire ; je veux appeler l’attention de tous sur ce point. Le pouvoir de décider qu’une telle mesure relève du domaine réglementaire, sans qu’on puisse même en discuter en séance, me semble exorbitant. Je me permets d’aborder cette question, parce qu’elle est connexe. Il ne faudrait pas abuser de l’article 41 au point d’éliminer certains débats !
Puisque notre amendement a été invalidé, il ne restera plus grand-chose si cet article aussi est supprimé. Nous voulons nous montrer attentifs à ce secteur dans cette loi et je sais que la ministre, qui a fait des annonces à Arles, y est aussi attentive. Nous l’aidons à l’être encore plus en lui disant que cette suppression ne serait pas opportune.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous ne sommes pas favorables à la suppression de cet article, raison pour laquelle nous ne voterons en faveur de l’amendement du Gouvernement.
M. Pierre Laurent.
J’en profite pour formuler une remarque concernant l’argument selon lequel cet article risquerait d’être contradictoire avec les règles européennes, argument souvent invoqué à l’occasion d’initiatives que nous prenons. Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir à ce problème, qui se pose de manière récurrente.
Jusqu’à preuve du contraire, les directives européennes ne tombent pas du ciel : elles sont le fruit de décisions politiques ! Nous ne pouvons pas – vous ne pouvez pas, devrais-je dire, car je m’adresse ici à ceux dont les partis les votent au Parlement européen –, d’un côté, produire régulièrement des directives, et, de l’autre, buter sur ces règles quand nous réfléchissions, ici, à la manière de faire progresser les droits !
Il faudrait tout de même que nous cherchions un jour à inverser l’ordre des choses. La Commission européenne va-t-elle durablement empêcher l’ensemble des États européens de se pencher avec audace sur le problème que pose Google dans toute l’Europe, alors que l’envie d’avancer sur ce point est manifeste dans tous les pays ?
Le législateur, en France comme dans les autres pays européens, ne doit pas se laisser arrêter par l’argument des considérations. Cela permettra d’inverser progressivement la logique qui nous a conduits à nous dessaisir d’une partie de nos prérogatives, sur des bases particulièrement problématiques, puisque c’est la même Commission européenne qui nous explique que nous devons valider un accord dérogatoire au droit social obtenu avec la Grande-Bretagne au terme de négociations avec David Cameron et qui, si on la laisse faire, nous empêchera d’avancer dans des domaines comme ceux dont nous discutons aujourd'hui !
Je voulais formuler cette remarque à la faveur de cet amendement, parce que c’est un problème que nous rencontrons tous ici de plus en plus souvent, et pas seulement en matière culturelle.
La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Madame la ministre, vous nous dites que le Gouvernement n’est pas satisfait de la situation créée par la directive de 2000 et qu’il souhaite faire avancer les choses. C’est aussi ce que veut le Parlement !
M. Jacques Legendre.
À cet égard, je trouve que le signal par lequel vous nous demandez de retirer ce qui est l’affirmation de notre volonté de voir la situation évoluer est un peu particulier. Ce que nous voulons, c’est appuyer l’action que vous pourrez mener au niveau européen pour faire bouger les choses ! Ce n’est donc pas le moment de mettre sous le boisseau notre propre volonté sur ces sujets.
Dès lors, je ne peux pas moi non plus voter en faveur de l’amendement du Gouvernement.
Très bien !
M. André Reichardt.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Bien évidemment, j’irai dans le même sens que mes collègues.
Mme Sylvie Robert.
Au-delà du signal qu’il donne aux arts visuels, je trouve que cet article est très équilibré. Au reste, je trouve assez étonnant que l’on veuille supprimer cette disposition au nom de l’arrêt
En effet, rien aujourd'hui ne permet d’assimiler des photos ou des dessins à un lien hypertexte ! Sinon, n’importe quelle œuvre en ligne pourrait, de la même manière, devenir un lien hypertexte cliquable. C’est presque toute la législation sur l’application du droit d’auteur en ligne qui pourrait être remis en cause !
Pour toutes ces raisons, nous ne sommes bien sûr pas favorables à la suppression de l’article 10
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Comme M. le rapporteur l’a fort aimablement rappelé, il s’agit d’un sujet qui nous tient particulièrement à cœur.
Mme Corinne Bouchoux.
En tout état de cause, l’argumentaire qui nous a été fourni par le Gouvernement nous semble procéder d’une interprétation extrêmement abusive de l’arrêt
En effet, ce que cache votre amendement, c’est tout simplement le consentement à une spoliation des photographes et des artistes. Les membres de la Haute Assemblée ne sauraient consentir à une telle mesure !
Par ailleurs, pour rebondir sur une remarque formelle qui a été formulée tout à l'heure, j’estime que nous devrions réfléchir sereinement à la façon extrêmement énergique dont l’article 41 de la Constitution semble appliqué.
Je veux rappeler que cette disposition n’est pas le pendant de l’article 40, qui permet d’opposer l’augmentation de la dépense publique dès le premier euro engagé. L’article 41 prévoit simplement que le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité lorsque la disposition relève du domaine réglementaire. Il s’agit bien d’une possibilité, qui n’a aucun caractère automatique !
J’aimerais donc que, pour la suite de nos travaux, l’article 41 ne soit pas dégainé de façon systématique. Il pourrait être utilisé avec un peu plus de modération, surtout lorsque le dispositif en cause permet de poser des questions extrêmement importantes en séance.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux de nouveau préciser les choses.
Mme Fleur Pellerin,
Évidemment, je partage l’objectif d’assurer une meilleure rémunération de l’exploitation numérique des œuvres des arts visuels. Vous le savez, puisque j’ai eu l’occasion de m’exprimer à de nombreuses reprises sur ce sujet. En particulier, voilà trois ans que je me bats pour que les intermédiaires, qui référencent les moteurs de recherche, puissent être associés au financement de la création, ainsi qu’à la participation aux charges publiques des pays dans lesquels ils réalisent des bénéfices.
Cependant, en l’état, cet article ne me paraît pas compatible avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne : une telle disposition serait écartée par la Commission européenne si nous devions la lui notifier.
Néanmoins, je trouve que le débat qu’a ouvert la discussion de cet amendement est très intéressant. Il me semble que nous partageons tous l’objectif d’assurer une meilleure rémunération des auteurs pour leurs œuvres.
J’estime que nous devons aussi être attentifs à ce qui s’est produit dans les pays voisins, notamment en Allemagne, qui a souhaité introduire un droit similaire ou un droit voisin sur l’utilisation de liens hypertextes renvoyant à des articles de presse. Ce n’est pas exactement le sujet qui nous occupe ce soir, mais la démarche était assez proche, puisqu’il s’agissait aussi d’une question de répartition de la valeur à partir de contenus ou d’objets mis en ligne par des tiers.
On voit bien les difficultés que rencontre aujourd'hui l’Allemagne ou l’Espagne, qui a elle aussi essayé d’introduire des dispositions du même type, pour tirer des ressources des droits voisins que leur législation a mis en place.
(M. Pierre Laurent s’exclame.)
Je suis tout à fait d’accord pour réfléchir à ces questions, qui me semblent absolument indispensables pour garantir un meilleur partage de la valeur à l’avenir. Cet amendement visait justement à réfléchir aux modalités de partage les plus efficaces possible. Il ne faudrait pas, en effet, que nous mettions en place un dispositif qui ne soit pas compatible avec le droit européen : il ne pourrait malheureusement pas être mis en œuvre, et nous n’en tirerions aucune ressource pour nos artistes.
Avançons donc de conserve pour trouver le dispositif le meilleur et le plus efficace possible !
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il semble que nous partagions tous le même objectif. J’en fais crédit à chacun de mes collègues !
Mme Marie-Christine Blandin.
Quand j’ai commencé à défendre les photographes, le ministre en charge s’appelait Jean-Jacques Aillagon. Depuis lors, on a vu défiler du monde…
Quand j’ai déposé ma proposition de loi pour défendre les photographes, le ministre s’appelait Frédéric Mitterrand.
C’était hier !
Mme Françoise Férat,
rapporteur.
(Sourires.)
Depuis lors, on a encore vu défiler du monde !
Mme Marie-Christine Blandin.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous nous dites que, depuis trois ans, vous travaillez avec acharnement et que vous vous êtes largement exprimée sur le sujet. Certes, vous vous êtes beaucoup exprimée, mais les aides à la presse n’ont pas changé ! Elles ont abondé des titres éditeurs, tandis que les photographes n’ont rien vu passer.
Le nombre de photographes disposant d’une carte de presse a été laminé. Dans les zones de combat, les photographes ne peuvent même pas présenter une carte de presse pour franchir les checkpoints, parce qu’ils ne sont plus salariés !
Les appareils numériques coûtent dix fois plus cher que ne coûtaient, autrefois, les appareils argentiques, sans parler de la rénovation de la conservation des stocks. Les photographes ne s’en sortent plus. On ne les aide qu’avec des paroles ! Alors, aujourd'hui, madame la ministre, non, nous ne vous suivrons pas sur la suppression de cet article, même si celui-ci chiffonne l’Europe. Il va falloir passer aux actes !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer les mots :
décret pris pour l'application du chapitre VI du titre III du livre I
par les mots :
décret en Conseil d'État mentionné au dernier alinéa de l'article L. 136-2, tel qu'il résulte du I du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d’une précision rédactionnelle.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 10
Mme la présidente.
(L'article 10
est adopté.)
L’article 27 de la loi n
1° Le 3° est ainsi modifié :
« Cette contribution est à hauteur de 60 % indépendante à l’égard de l’éditeur de services. » ;
2° La première phrase du 4° est supprimée.
La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
Mme la présidente.
Nous abordons un sujet qui, ces dernières semaines, a suscité beaucoup de commentaires, notamment dans le monde de l’audiovisuel. Il me semble important que nous ayons un débat approfondi à son propos.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
En adoptant ses amendements sur la production audiovisuelle, notre commission a d’abord voulu rappeler l’antériorité de sa réflexion sur ce sujet. Dès 2013, un rapport d’un groupe de travail, conduit par notre ancien collègue Jean-Pierre Plancade,…
Mme Françoise Laborde.
… appelait à une restructuration du marché de la production audiovisuelle et proposait même de porter à 50 % le niveau de la part de production dépendante.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La première avancée consécutive à ce rapport a pris la forme d’une modification de l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, adoptée dans le cadre de la loi du 15 novembre 2013 et relative aux parts de coproduction et aux mandats de commercialisation. Dix-huit mois – j’y insiste – après la publication de la loi, un décret d’application a été publié le 27 avril 2015, mais celui-ci ne respectait pas complètement l’esprit de l’amendement déposé, à l’époque, par Jean-Pierre Plancade.
Depuis lors, madame la ministre, vous avez annoncé, en janvier 2015, un « acte II » de l’évolution des rapports entre diffuseurs et producteurs. Cette annonce n’a malheureusement pas eu de suite.
À la demande de Mme la présidente de la commission de la culture et dans le cadre de mon rapport, j’ai organisé, le 17 décembre dernier, au Sénat, deux tables rondes, l’une avec les producteurs indépendants et l’autre avec les diffuseurs – je précise que tous les membres de la commission y étaient conviés. Ces échanges ont montré que toutes les parties avaient bien conscience de la nécessité d’adapter les règles régissant leurs rapports. Toutefois, il fallait une initiative pour obliger les uns et les autres à se parler.
Plusieurs de mes interlocuteurs m’ont expliqué, depuis lors, que l’intention de notre commission de proposer des évolutions sur la réglementation de la production n’avait pas été sans effet sur la conclusion des accords entre France Télévisions et les producteurs indépendants ou sur son accélération.
Cette initiative du Sénat est donc utile et légitime.
M. Bruno Retailleau.
Les dirigeants des trois groupes privés de télévision – TF1, M6 et Canal+ – que vous avez reçus lundi, madame la ministre, soutiennent cette démarche. Les producteurs indépendants, que je rencontre depuis dix jours, la comprennent de mieux en mieux quand je leur rappelle notre attachement à la production indépendante.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Comme je le répète chaque fois que l’on me demande mon avis, un accord interprofessionnel serait préférable à des dispositions législatives, mais l’intervention du législateur doit demeurer une solution en cas d’échec de la négociation.
En déposant des amendements tendant à des rédactions différentes, nos collègues David Assouline et Philippe Bonnecarrère ont à la fois légitimé l’initiative prise par le Parlement dans ce domaine et proposé des pistes de modification, qui pourront nous être utiles en deuxième lecture.
Comme je l’ai annoncé hier aux représentants du SPECT, le syndicat de producteurs et créateurs d’émissions de télévision, que j’ai reçus de nouveau, je proposerai aux représentants des diffuseurs et des producteurs de participer à une nouvelle table ronde au printemps prochain, afin d’ajuster nos dispositifs, le cas échéant.
Je ne doute pas qu’un compromis, absolument nécessaire si nous souhaitons conserver des groupes capables d’affronter le monde de l’audiovisuel dans les années à venir, notamment dans le cadre européen, recueillera un large assentiment du Sénat si aucun accord interprofessionnel n’est intervenu d’ici là.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n
Avec votre permission, madame la présidente, en sus de cet amendement n
Mme Fleur Pellerin,
À chaque fois, notre volonté de suppression repose sur le même raisonnement : premièrement, ces dispositions modifiant la loi de 1986 sur l’audiovisuel n’ont pas leur place dans ce projet de loi, comme j’ai eu l’occasion de le dire voilà quelques instants ; deuxièmement, elles empiètent sur les compétences du pouvoir réglementaire ; troisièmement, leur mise en œuvre déséquilibrerait les relations entre producteurs et diffuseurs.
Nous avons la chance de disposer, en France, d’un paysage extrêmement diversifié, avec de grandes entreprises de production et de plus petites sociétés, des producteurs indépendants ou non, ce qui conduit à une production audiovisuelle extrêmement dynamique qui nous est enviée dans beaucoup d’autres pays. Pour l’essentiel, nous devons cette diversité au décret pris par Mme Tasca, à l’époque où celle-ci était en charge du secteur audiovisuel.
Comme je l’ai dit, cet article n’a pas de lien, même indirect, avec l’objet du projet de loi. Il s’insère dans le chapitre II, relatif au partage et à la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique. Je me suis déjà exprimée en ce sens à propos d’un amendement du groupe socialiste et républicain. Je le redis : le Gouvernement n’est pas favorable à l’introduction, dans ce texte, de modifications de la loi de 1986 sur l’audiovisuel.
Ensuite, sur le plan juridique, cette question ne relève pas du domaine de la loi. Cette dernière fixe les grands principes, tels que celui d’une contribution des éditeurs de services à la production d’œuvres audiovisuelles. En revanche, le décret vient en préciser l’ampleur en fixant les différents taux.
Enfin et surtout, une divergence de fond nous oppose au texte issu des travaux votre commission à la suite de l’adoption d’un amendement de votre rapporteur. Cette divergence porte tant sur les modalités des évolutions nécessaires que sur leur ampleur.
Sur les modalités, je souhaite rappeler la méthode qui est la mienne et que j’ai appliquée avec succès tant dans le domaine de la musique que dans celui du cinéma ou du livre.
Mon rôle est de définir les objectifs de réforme et d’inciter ensuite les professionnels à s’en saisir et à négocier. C’est mon rôle d’accompagner la négociation et de la traduire ensuite dans les dispositions réglementaires et, le cas échéant, législatives nécessaires. Dans le domaine des relations entre producteurs et diffuseurs, j’ai clairement indiqué que la situation actuelle devait évoluer.
Le paysage de la production se structure fortement, notamment sur l’initiative d’acteurs internationaux. Dans le même temps, les diffuseurs français sont soumis à une concurrence exacerbée de la part, entre autres, d’acteurs internationaux non régulés, dans un contexte d’atonie du marché publicitaire français.
Je souhaite des évolutions pour donner plus de flexibilité aux diffuseurs dans le respect de la production indépendante. Je l’ai dit à plusieurs reprises aux uns comme aux autres et j’ai engagé les travaux qui étaient nécessaires pour mettre tout le monde autour de la table. Ces évolutions sont en cours, afin de mieux partager le risque. Je tiens d’ailleurs à souligner le succès des négociations sur la transparence, qui ont abouti à un accord que nous signerons la semaine prochaine.
Les négociations se sont engagées voilà plusieurs mois. Elles ont connu une avancée décisive avec l’accord conclu entre France Télévisions et les producteurs, en décembre dernier, qui renforce les possibilités d’investissement du groupe audiovisuel public au travers de sa propre filiale de production, lui donne plus de marges de manœuvre pour exploiter ses œuvres, notamment de manière non linéaire, et, dans le même temps, préserve le cœur de l’investissement dans la production indépendante.
Voilà un exemple typique d’accord gagnant-gagnant dont les principales stipulations seront reprises dans le cahier des charges de France Télévisions.
Sur ce modèle, des discussions se sont engagées entre les chaînes privées et les producteurs. Elles doivent aboutir, dans le courant du premier trimestre, à des assouplissements que le Gouvernement pourra traduire dans la réglementation. Je le redis, à défaut d’accord, le Gouvernement prendra ses responsabilités.
Je comprends votre impatience, monsieur le rapporteur, mais je souhaite que vous mesuriez que nous risquons, aujourd’hui, d’interrompre ce processus de discussion engagé sur tous les sujets de l’équilibre producteurs-diffuseurs.
Il n’est donc pas opportun de légiférer en la matière et de mettre fin, de manière aussi abrupte, à l’ensemble des négociations professionnelles en cours ou à venir.
En effet, si elle était adoptée par la représentation nationale, la rédaction de ces articles figerait les relations entre producteurs et diffuseurs et entraînerait un déséquilibre en fixant un taux unique là où la réglementation module la part indépendante, notamment en fonction du niveau d’investissement – très variable – des chaînes.
Cette solution ne permettait plus d’aller au-delà du taux de 60 %, qui serait gravé dans le marbre de la loi, ce qui bouleverserait l’économie des relations entre diffuseurs et producteurs audiovisuels. France Télévisions, par exemple, consacre aujourd’hui quelque 95 % de sa contribution à la production audiovisuelle indépendante. Ce sera bientôt 75 %, en vertu de l’accord qui a été signé, et non 60 % comme vous le prévoyez.
Cet amendement me semble d’autant plus irrecevable qu’il doit être analysé au regard des dispositions de l’article 10
Le mécanisme de fixation de la durée des droits par le CSA a été introduit en 2009 pour permettre la mise en œuvre des accords professionnels conclus en 2008 entre éditeurs et producteurs. Il s’agissait de permettre aux différentes chaînes de négocier avec les producteurs des droits adaptés à leurs besoins.
La fixation de ces droits par décret dans la part indépendante de la contribution a été supprimée et renvoyée aux conventions conclues par le CSA, qui tiennent compte des accords professionnels négociés en la matière.
Ce dispositif très équilibré a un double mérite : il est souple pour les diffuseurs et il protège les producteurs, ce qui permet de laisser toute sa place à la négociation interprofessionnelle. Cette négociation est aussi équilibrée en ce qu’elle associe diffuseurs, d'une part, et organisations professionnelles de producteurs, d'autre part.
Supprimer tout encadrement de la durée des droits pour le renvoyer à une négociation de gré à gré fragiliserait considérablement la situation des producteurs. Je vous proposerai de revenir sur ces dispositions au travers de l’amendement n
L’article 10
Il en va de même de l’amendement n
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir adopter l’amendement n
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n
Mme la présidente.
Il est défendu, madame la présidente !
Mme Françoise Laborde.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Ce sujet mérite que l’on s’y attarde quelque peu.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le relèvement du plafond de la production dépendante à 50 % constituait une proposition quasi unanime du rapport publié par le groupe de travail sénatorial sur la production audiovisuelle,…
Ce n’est pas vrai !
M. David Assouline.
… dont notre collègue Jean-Pierre Plancade était le rapporteur en 2013. Depuis trois ans, de nombreuses discussions ont eu lieu, mais aucune n’a permis d’aboutir. Les choses bougent très vite à l’extérieur, mais les règles demeurent figées chez nous…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le 17 décembre dernier, lors des tables rondes organisées au Sénat avec les producteurs et les diffuseurs, de fortes réticences subsistaient de la part de certains producteurs quant à l’idée de permettre aux diffuseurs privés d’investir davantage dans la production dépendante.
Cet article propose donc une voie moyenne, celle d’une part de production dépendante de 40 %, soit dix points de moins que la proposition du rapport Plancade et que les demandes des chaînes.
Si France Télévisions a signé un accord avec les producteurs indépendants, on ne peut dire que cette négociation se soit déroulée uniquement sur l’initiative des acteurs. Il a parfois été dit que les négociations se faisaient sous la menace, un pistolet sur la tempe… Dès lors, le fait que le Parlement s’intéresse à la question n’est pas illégitime.
Tout à fait !
M. David Assouline.
Certaines négociations paraissent soit être bloquées, soit faire l’objet d’atermoiements. Bien évidemment, la priorité doit aller à la négociation interprofessionnelle. Nous serions heureux qu’un accord intelligent soit signé entre les producteurs et les diffuseurs.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Toutefois, le législateur et le Gouvernement ne doivent pas éluder leurs responsabilités : si la négociation n’aboutit pas, il sera indispensable de prévoir des dispositions législatives. La poursuite de la navette permettra de mesurer les progrès accomplis avant d’adopter définitivement ces mêmes dispositions.
Notre commission poursuivra également son travail, parallèlement à la négociation, dont j’ai appris avec plaisir qu’elle avait repris vigueur. Je sais que les accords sur la transparence ont quasiment abouti, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin pour trouver le meilleur compromis possible, afin de préserver le puissant secteur de la production indépendante, sans nuire au développement de nos groupes audiovisuels.
Les amendements déposés par notre collègue David Assouline sont autant de propositions utiles pouvant permettre, en deuxième lecture, un rapprochement des points de vue ; le débat doit se poursuivre.
La commission est défavorable à ces deux amendements identiques, dont les dispositions constituent un point de départ, mais pas nécessairement un point d’arrivée.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
À l’instar de la commission, je pense que le législateur peut être actif dans ce processus de négociation, pourtant éminemment contractuel. Il est vrai que, depuis les décrets Tasca, le politique incite les acteurs à faire bouger les choses à travers la négociation.
M. David Assouline.
Avant de réformer un système, il faut tout de même d’abord lui rendre hommage ! En effet, ne pas le faire, c’est laisser penser que l’on ne croit pas à son caractère vertueux. Or moi je ne veux pas que l’on tienne ici de faux débats.
Certains pensent que la production indépendante n’a pas de place dans notre pays, que les chaînes devraient pouvoir produire de manière intégrée, verticale, comme au temps de l’ORTF et de la SFP. Ce système, plus productif, doit permettre d’aller chercher les ressources dont les chaînes n’avaient pas autant besoin quand la manne publicitaire suffisait à financer les programmes, avant qu’elle ne s’éparpille sur internet ou ailleurs.
Selon moi, la qualité de la production audiovisuelle française est due à ce système. Le foisonnement de la production indépendante a permis de voir apparaître une diversité de l’offre. Certaines sociétés ont ainsi pu aller vers tous les médias, vendre des œuvres aussi bien à TF1 qu’au service public. L’ensemble de la chaîne a bénéficié de cette diversité.
Dans un système intégré, on a une seule entreprise de production, avec ses habitudes et son fonctionnement, c’est-à-dire avec une certaine lourdeur qui mine la créativité.
Pour commencer, je tenais donc à rendre hommage au système qui était en place.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison : il faut que les choses bougent, ce que, du reste, nous avons proposé ensemble. En effet, à la fin, le système se bloquait et la situation était devenue anormale : France Télévisions avait besoin de trouver des ressources propres mais n’avait plus de ressources liées à la publicité. Elle n’avait donc pas la possibilité d’obtenir des parts de production plus importantes.
Néanmoins, vous avez oublié de mentionner une chose. Lorsque vous avez rendu hommage à M. Plancade, vous avez oublié de dire que le relèvement à 25 % du quota de production dépendante dans la loi, qui représentait déjà une hausse importante, résultait d’un amendement que j’ai moi-même proposé lors de l’examen de la dernière loi sur l’audiovisuel. Alors, continuons à progresser mais, attention, fixer ce quota à 40 % n’est pas une mince affaire ! Monsieur le rapporteur, en proposant cela, vous bougez brutalement le curseur. J’ai bien compris que vous le faisiez dans le but de négocier, car vous voulez une deuxième lecture. Toutefois, je vous ferai remarquer que nous ne nous trouvons pas dans le cadre d’une négociation mais dans celui de l’élaboration de la loi : ce qui est valable aujourd’hui le sera donc demain ! Or on met la pression en première lecture…
Il faut conclure, mon cher collègue !
Mme la présidente.
… comme si on était dans une négociation !
M. David Assouline.
Il faut respecter le temps de parole !
M. Éric Doligé.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Il s’agit d’un sujet très important à nos yeux. Nous allons soutenir l’amendement du Gouvernement. C’est pourquoi je formulerai plusieurs remarques à ce propos.
M. Pierre Laurent.
Monsieur le rapporteur, vous citez abusivement le rapport Plancade, car l’objectif visé par le rapport était très différent de ce que vous nous proposez aujourd’hui avec l’article 10
Tout à fait !
M. David Assouline.
Le rapport Plancade a tout d’abord soulevé le problème du relèvement des droits, parce que le système avait créé une situation de déséquilibre au détriment du service public à laquelle il fallait remédier. À cet égard, je suis un peu moins optimiste que notre collègue David Assouline sur les vertus du précédent système, du moins telles qu’il vient de les vanter.
M. Pierre Laurent.
Le rapport a également posé la question de la hausse de la part de la production interne du groupe.
Or, ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, est de nature tout à fait différente. En effet, quand on examine à la fois l’article 10
Aussi, je formulerai plusieurs remarques.
Première remarque : la production indépendante ne constitue pas un monde uniforme : Endemol et Troisième Œil Productions, ce n’est pas tout à fait la même chose ! Il faudrait entrer davantage dans le détail quand on parle de production indépendante.
Deuxième remarque : nous nous soucions justement du redressement de l’audiovisuel public et de la place que celui-ci prendra dans l’ensemble. Un processus a été engagé par France Télévisions. En créant un système extrêmement brutal qui vient percuter de plein fouet le travail que ce groupe essaie d’engager, vous favoriserez les seuls grands groupes de l’audiovisuel privé, alors même que chacun sait qu’il faut faire en sorte de sortir France Télévisions de la situation de déséquilibre dans laquelle elle a été entraînée pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. En vérité, c’est bien ce que vous proposez avec la combinaison de ces deux articles car, je le répète, ces deux articles fonctionnent de pair.
Pour notre part, nous sommes favorables à la hausse de la part de la production interne dans les groupes audiovisuels, y compris pour les groupes privés, non pas selon la dynamique de concentration forcenée et accélérée que vous souhaitez, mais au travers d’un processus de négociation qui doit aussi contribuer à respecter les qualités de la production indépendante telle qu’elle est aujourd’hui.
Et le règlement ?
M. Éric Doligé.
Nous allons donc voter l’amendement du Gouvernement, tout en continuant à travailler dans l’esprit que je viens d’évoquer !
M. Pierre Laurent.
. Mes chers collègues, je voudrais rappeler que le règlement a été récemment réformé pour réorganiser les temps de parole : désormais, chaque intervenant dispose de deux minutes et trente secondes.
Mme la présidente
M. Éric Doligé.
Attendez, je viens de retirer neuf de mes amendements ! Grâce à moi, on a gagné au moins une heure de discussion sur le texte !
M. David Assouline.
Si vous ne respectez pas les temps de parole, nous risquons de ne pas parvenir à achever l’examen des articles du projet de loi d’ici à vendredi !
Mme la présidente.
Il y a de la marge !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Tout le monde portera la responsabilité de cette situation si vous n’êtes pas davantage attentifs, les uns et les autres, au temps de parole qui vous est imparti !
Mme la présidente.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
Madame la présidente, je vous remercie de ce rappel à un règlement que nous avons tous voulu et avons tous voté !
M. Bruno Retailleau.
(M. David Assouline sourit.)
Non, nous étions contre !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Madame la ministre, je voudrais vous expliquer pourquoi nous soutiendrons avec force et enthousiasme la position équilibrée que M. le rapporteur vient d’exprimer il y a quelques instants.
M. Bruno Retailleau.
Pour commencer, vous nous dites qu’il y a d’un côté le domaine réglementaire et de l’autre le domaine de la loi. Soit, mais comme M. le rapporteur l’a déjà indiqué, c’est précisément parce que les dispositions réglementaires figurant dans le décret du 25 avril 2015 n’ont pas respecté la prescription législative que le législateur entend désormais mieux encadrer les choses.
Ensuite, vous nous dites que la disposition que nous soutenons ne trouve pas sa place dans le projet de loi. Pourtant, il s’agit d’un texte fourre-tout, madame la ministre ! Je ne vais pas lister la cinquantaine d’articles du projet de loi et les différents thèmes qu’il aborde pour tenter de vous convaincre que cette disposition pourrait évidemment figurer dans le texte final.
Sur le fond, maintenant, le Sénat n’en est pas à sa première tentative. Nous avons pratiquement tous approuvé les conclusions du rapport Plancade. Oui ou non, ce rapport proposait-il de porter la part de la production indépendante à 50 % ?
Non, moi j’étais dans le groupe de travail à l’époque !
M. David Assouline.
Si, il le proposait !
M. Bruno Retailleau.
Arrêtez de ne prendre que ce qui vous intéresse et mettez donc toutes les recommandations du rapport Plancade dans le texte !
M. Pierre Laurent.
La démarche de M. le rapporteur tient compte d’une réalité, à savoir que le monde a changé !
M. Bruno Retailleau.
Je tiens sincèrement à saluer Catherine Tasca. En effet, je pense que les décrets éponymes ont eu d’heureuses conséquences. Seulement, ils ont été conçus dans un autre monde !
(Mme Catherine Tasca opine.)
Mes chers collègues, je l’affirme devant vous : si nous n’adaptons pas la réglementation à ces évolutions, nous tarirons la source même du financement des producteurs privés. Or nous ne le voulons pas !
D’ailleurs, Mme Tasca – je pense qu’elle nous le dira elle-même dans quelques instants – considérait à l’époque que « c’[était] le maintien du
Le règlement !
M. David Assouline.
Attendez, monsieur Assouline, je parle beaucoup moins que vous, vraiment beaucoup moins, croyez-moi !
M. Bruno Retailleau.
(Protestations sur les travées du groupe CRC.)
J’en termine : entre les propositions des uns et des autres, nous finirons par trouver la voie d’une négociation et de l’équilibre !
(Applaudissements
sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Mes chers collègues, vous comprendrez que j’aie une certaine envie sinon une légitimité pour intervenir dans ce débat. J’ai toujours considéré que l’équilibre ou, mieux, la dynamique que nous avions créée avec les décrets dits « Tasca » avait été extrêmement fructueuse.
Mme Catherine Tasca.
Je continue du reste à considérer que ce fut une bonne chose. En effet, alors qu’il existait beaucoup de problèmes liés au manque de diversité des productions à l’époque où celles-ci étaient intégrées, ces décrets ont favorisé la naissance d’un vivier considérable de productions.
Nous avons donc franchi une étape avec ces décrets. Néanmoins, cela fait des années – je dis bien des années et non quelques mois – que je considère qu’il faut bouger, puisque le contexte n’a plus grand-chose à voir, comme vous venez de le rappeler très justement, avec ce qu’il était au moment où nous avons établi ces règles.
Je le répète : je suis très attachée à l’existence d’une production indépendante qui représente une part importante de la production globale des diffuseurs ! Toutefois, la situation actuelle bloque le développement d’ensemble du secteur audiovisuel et de la production audiovisuelle. Il faut donc bouger !
Pour en revenir à votre principale objection, madame la ministre, à savoir que cet article n’a pas sa place dans le texte, parce que ses dispositions relèvent d’un décret, je reconnais que vous avez raison. D’ailleurs, nous avions agi par décret à l’époque.
Néanmoins, j’attire votre attention sur le fait qu’il y a vraiment urgence. Depuis des années, les concertations ne débouchent sur aucun résultat. Il faut absolument faire entendre aux différents partenaires que les négociations doivent aboutir. Le Parlement joue en cela son rôle de lanceur d’alerte, oserai-je dire !
Nous verrons si cette part sera finalement fixée à 30 %, 40 % ou 60 %. Quoi qu’il en soit, il fallait qu’ici, au Sénat, nous posions le problème, ce qu’ont fait nos collègues en défendant leurs amendements. À défaut d’une telle démarche, madame la ministre, vous risquez dans un an d’être toujours confrontée à ce face-à-face absolument infructueux.
C’est la raison pour laquelle nous tenons à ce que la question soit évoquée dans le cadre de l’examen de ce texte, tout en sachant que ces dispositions doivent naturellement aboutir à l’élaboration de décrets par le Gouvernement, après qu’il aura recueilli l’accord de la profession, voire sans un tel accord si celui-ci se révèle impossible à obtenir.
(Applaudissements
sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux et M. Claude Kern applaudissent également.)
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme la présidente.
Madame Tasca, vous l’avez dit vous-même : la concertation ne débouche sur rien ! D’une certaine façon, le système s’est enkysté. C’est donc bien entendu à nous qu’il revient de faire en sorte que les choses se débloquent.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Nous n’en sommes pas à notre première tentative.
C’est vrai !
M. Bruno Retailleau.
J’évoquais déjà la question du déséquilibre du système et des nécessaires réponses qu’il fallait y apporter dans un rapport que j’ai commis en 2011 sur le financement de l’audiovisuel public. C’était il y a cinq ans déjà !
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Je crois que le Sénat, qui est le fer de lance de la réflexion notamment dans le domaine de l’audiovisuel, se doit également d’être aujourd’hui au rendez-vous sur le sujet. Mes chers collègues, souvenez-vous qu’en 2009 c’est grâce au Sénat que nous avons réindexé et réévalué la contribution à l’audiovisuel public,…
M. Jacques Legendre.
… c’est-à-dire l’ex-redevance. C’est aussi au Sénat que nous avons traité de la question de la chaîne Numéro 23 ou de la spéculation sur les fréquences octroyées gratuitement aux opérateurs, afin d’éviter que ne se produisent des reventes pas très morales. C’est au Sénat que ce travail est mené. Par conséquent, il me semble que c’est au Sénat que nous devons lancer le débat sur la question de la production audiovisuelle.
Mme Catherine Morin-Desailly,
présidente de la commission de la culture.
Je rejoins les propos des uns et les autres : le monde a profondément changé. L’accélération des évolutions, à laquelle il faudra apporter des réponses, se fait à un rythme phénoménal. Or c’est précisément parce que nous sommes attachés à la diversité et la qualité de la production française indépendante que nous voulons trouver les moyens pour que celle-ci continue à vivre et à se développer. Nous souhaitons qu’elle y parvienne notamment grâce aux diffuseurs, puisque nous savons que les diffuseurs doivent investir dans la création et avoir recours à la production indépendante.
Comme l’a dit M. le rapporteur, il s’agit d’un point de départ et non d’un point d’arrivée. Mes chers collègues, donnons-nous les moyens d’aboutir à un texte qui sera très équilibré dans le cadre de la navette. Il me semble en effet important d’engager le débat avec nos collègues députés sur cette question. En tout état de cause, je pense que c’est à l’honneur du Sénat de contribuer à faire avancer les choses !
Très bien !
M. Jacques Legendre.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente.
Je fais crédit aux uns et aux autres de souhaiter réellement, tout comme moi, que le secteur puisse continuer à se développer dans un environnement qui a radicalement changé depuis que les décrets qui régulaient le secteur ont été pris.
Mme Fleur Pellerin,
Cela étant, comme je l’ai dit tout à l’heure, je privilégie une méthode. Depuis que je suis à la tête de ce ministère, depuis dix-huit mois donc, j’ai su obtenir des résultats par la concertation. C’est le cas dans le secteur du livre où nous sommes parvenus à un accord sur l’édition numérique qui était pourtant l’objet de négociations depuis de très nombreuses années. C’est également le cas avec l’accord historique conclu dans la musique sur le partage de la valeur dans l’univers numérique, accord qui est scruté par les observateurs étrangers, parce qu’il n’a pas d’équivalent dans le monde pour le moment. Enfin, j’ai obtenu des résultats sur la transparence en matière audiovisuelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi donc d’avoir l’immodestie de penser que parvenir à de tels résultats en quelques mois n’est finalement pas si mal. Il me semble que cela prouve bien qu’on obtient des résultats lorsque l’on met les gens autour de la même table avec une saine pression ou en tout cas sous le regard insistant du Gouvernement.
Pierre Laurent a très bien résumé la situation : l’enfer peut être pavé de bonnes intentions ! Le problème de votre démarche – que je comprends bien –, c’est que vous souhaitez faire évoluer la réglementation, alors que votre texte risque en réalité de fragiliser considérablement la négociation.
J’en veux pour preuve que l’accord passé entre France Télévisions et les producteurs indépendants – que vous citez tous comme un accord de référence qui a permis de faire progresser les choses en accroissant la part de production indépendante au sein des engagements de France Télévisions – serait complètement remis en cause par la disposition que vous proposez. En effet, l’accord augmente cette part à 25 % – on serait bien en deçà de ce que vous suggérez.
De 5 % à 25 % !
M. Bruno Retailleau.
Effectivement. Vous voyez donc bien l’écart pour aller jusqu’à 40 % ! Si la disposition que vous proposez devait se matérialiser, elle poserait un vrai problème à France Télévisions. En effet, elle verrait anéantie, foulée aux pieds, toute sa négociation avec les producteurs indépendants, qui recueille aujourd'hui une satisfaction générale !
Mme Fleur Pellerin,
Je comprends bien votre insistance et votre empressement, mais je crois honnêtement qu’une telle disposition mettrait considérablement en danger le climat dans lequel la négociation doit avoir lieu.
Votre proposition risque d’être totalement contre-productive. Je vous engage donc vivement à laisser se dérouler ces négociations sous la saine pression que le Gouvernement y mettra – j’en prends l’engagement devant vous.
Je considère qu’il est certes normal que la Haute Assemblée se saisisse de cette question tout à fait importante, mais la méthode me semble inutilement brutale et monolithique, alors que les situations des chaînes privées entre elles et des chaînes privées et de la chaîne publique sont radicalement différentes.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n
Alinéas 3 et 5
Remplacer le pourcentage :
par le pourcentage :
La parole est à M. David Assouline.
Nous poursuivons le débat. Nous nous accordons pour trouver légitime d’aider à faire bouger des lignes qui sont restées trop statiques même s’il faut reconnaître que l’accord passé par France Télévisions pour faire passer les parts de la production indépendante à 25 % est déjà un pas significatif, c’est même un bond !
M. David Assouline.
J’ai cru comprendre, monsieur le rapporteur, que vous considérez comme un bon point de départ mon amendement. Je suis dans le même état d’esprit que la commission, je n’attends pas que les négociations fassent tout parce qu’elles sont trop lentes, mais je ne vais pas aussi loin que la commission.
J’ai proposé de monter à 34 %, un taux qui se situe entre les 25 % actuellement inscrits dans de la loi et les 40 % que vous proposez, pour éviter d’assister à ce que M. Pierre Laurent a très bien décrit. Je ne veux pas une montée brutale au terme de laquelle l’ensemble du secteur serait déstabilisé au détriment de France Télévisions. Elle a passé un accord à 25 %, elle n’est, de toute façon, pas du tout en capacité de monter à 40 %, mais les grands groupes privés peuvent le faire et il y aurait un véritable déséquilibre. C’est cela qu’il faut aujourd'hui modérer en encourageant à bouger.
Je le dis, les producteurs ont leur part de responsabilité dans ce qui est en train de se passer parce qu’ils sont restés trop immobiles.
Les éditeurs n’ont pas toutes les vertus. En effet, eux, quand ils viennent vous voir, monsieur Retailleau ou monsieur Leleux…
Parce que vous, vous ne les voyez jamais ?
M. Bruno Retailleau.
Bien sûr ! Sauf que quand nous, nous recevons des producteurs et éditeurs dont les intérêts peuvent être contradictoires notamment par rapport aux parts, nous essayons de les écouter, de voir quels sont leurs impératifs, de rapprocher les points de vue, tout en restant dans l’intérêt général.
M. David Assouline.
Comme nous !
M. Bruno Retailleau.
Je propose, dans le sens de M. Leleux, de relever le taux, mais pas trop brutalement, pas à 40 %, pour que les choses soient amortissables et que la négociation permette d’avancer.
M. David Assouline.
Très bien !
Mme Catherine Tasca.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Je trouve ce débat extrêmement intéressant et pense qu’il sera véritablement utile.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je salue la démarche de M. Assouline, qui se situe dans le prolongement des interventions et discussions que nous avons eues. Je me suis entretenu à deux ou trois reprises avec Mme Tasca – sans doute un peu rapidement – pour lui « tâter le pouls ». Il faut lui rendre hommage pour avoir pris ces décrets voilà quelques années dans un contexte complètement différent – comme l’a dit M. Retailleau. Le monde a changé.
Je vois que sur ces travées, nous sommes au fond tous d’accord pour faire évoluer les choses. Je prends acte de ce qu’a dit Mme la ministre, qui préfère la négociation et les accords. Nous aussi ! Encore faut-il qu’ils avancent.
Je prends acte des propositions faites. Je vous suggère d’en rester en l’état. Je l’ai dit, le taux est sans doute un peu fort, et celui qui sera proposé dans l’amendement suivant le sera peut-être aussi. Mais il faut partir d’un point et arriver à un autre.
Je maintiens ma position. J’aimerais bien entendre ce que diront les députés lors du débat à l’Assemblée nationale. Entre-temps, nous allons continuer à discuter avec le monde de la production et le monde de la diffusion pour essayer de trouver le point d’équilibre et sceller, si possible, le bon accord qui nous évitera d’intervenir sur le plan législatif.
Je maintiens mon avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’avis est défavorable, pour les raisons évoquées tout à l’heure : même à 66 %, on se retrouverait bien au-delà de ce qui est envisageable pour France Télévisions ! On ne peut pas tout à la fois dire qu’on privilégie les accords interprofessionnels et s’asseoir dessus une fois qu’ils ont été signés au motif qu’ils ne devraient pas être ainsi !
Mme Fleur Pellerin,
Même si je trouve très intéressant d’avoir ensemble ce débat de fond, même si je souhaite moi aussi qu’il se prolonge devant les députés, je vous annonce que je demanderai le rejet de cet amendement à l’Assemblée nationale. En effet, je crois que ce n’est pas la bonne façon de procéder, que ce n’est pas la bonne manière de parvenir à un résultat. Or nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut aboutir à un résultat. Je m’y engage personnellement, comme je l’ai fait dans d’autres secteurs.
Je reste, pour ma part, attachée à des accords interprofessionnels. Je ne me contente pas de le dire sans le faire. Je le dis et je suis dans l’action, en accord avec ce que je dis et avec mes convictions.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 10
(L'article 10
est adopté.)
Au 2° de l’article 28 de la même loi, les mots : « , s’agissant notamment de la durée des droits » sont supprimés.
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Le présent amendement a pour objet de supprimer l’article 10
Mme Fleur Pellerin,
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, ces dispositions déséquilibreraient et fragiliseraient les relations entre producteurs et diffuseurs, qui sont fondées sur la conclusion d’accords professionnels, en supprimant le mécanisme de fixation de la durée des droits par le CSA.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
L’adoption de cet amendement de suppression remettrait en cause l’objet de l’article 10
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La commission anticipe donc et, par coordination, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 10
Mme la présidente.
(L'article 10
est adopté.)
L’article 33 de la même loi est ainsi modifié :
1° La première phrase du 6° est ainsi modifiée :
2° La première phrase du 7° est supprimée.
L'amendement n
Mme la présidente.
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Les mêmes raisons que celles que j’ai développées à l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Pour les mêmes raisons également, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Remplacer le pourcentage :
par le pourcentage :
La parole est à M. David Assouline.
Cet amendement tend à appliquer aux éditeurs de chaînes qui n’utilisent pas le réseau hertzien la même obligation de contributeurs, laquelle s’élève à hauteur de 66 % dans la production indépendante. Les arguments que j’ai développés tout à l’heure concernant les éditeurs de chaînes hertziennes sont valables pour le câble et tous les réseaux de communications électroniques.
M. David Assouline.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Par coordination avec l’avis rendu à l’amendement n
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
Monsieur Assouline, l'amendement n
Mme la présidente.
Oui, je le maintiens, madame la présidente.
M. David Assouline.
Je mets aux voix l'amendement n
M. le président.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 10
Mme la présidente.
(L'article 10
est adopté.)
Le premier alinéa de l’article 71–1 de la même loi, est ainsi modifié :
1° Les mots : « de la part détenue, directement ou indirectement, » sont remplacés par les mots : « , du contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, direct ou indirect, » ;
2° Le mots : « au capital » sont supprimés.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
Mme la présidente.
L'amendement n
L'amendement n
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n
Je l’ai déjà évoqué tout à l’heure, cet article tend à la concentration accélérée, dans des conditions qui mettent en danger la production indépendante. Il s’agit d’ailleurs d’articles convergents alimentant le même dispositif de concentration. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
M. Pierre Laurent.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
Cet amendement vise à supprimer l’article 10
Mme Fleur Pellerin,
Outre que cet article n’a pas sa place dans le projet de loi, passer de 15 %, comme c’est le cas aujourd’hui, à une notion de contrôle au sens du code de commerce provoquerait un bouleversement structurel majeur qui n’a pas été analysé et qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. En toute hypothèse, ce débat me semble devoir avoir lieu dans le cadre des négociations au sein de la filière avant d’être repris par le pouvoir réglementaire.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression, car, au regard de la situation, elle souhaite maintenir le niveau qu’elle a fixé.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La question de la redéfinition de l’indépendance se pose. Elle doit être traitée de façon urgente pour préserver cette capacité, cette exception culturelle et un ancrage français de producteurs en nombre suffisant et assez puissants.
Le législateur est parfaitement légitime pour se saisir de cette problématique, même si la priorité doit être donnée à la négociation. Celle-ci a besoin d’être vivifiée, comme cela a été le cas pour l’accord entre France Télévisions et les producteurs. La navette parlementaire devrait permettre de prolonger les échanges avec les producteurs et diffuseurs afin d’ajuster au besoin la rédaction de cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques n
Mme la présidente.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
L'amendement n
Rédiger ainsi cet article :
Après les mots : « services à la production indépendante », la fin du premier alinéa de l’article 71–1 de la même loi est ainsi rédigée : « indépendante. L’éditeur de services ou le ou les actionnaires le contrôlant au sens du 2° de l'article 41–3 ne peuvent détenir directement ou indirectement plus de la minorité de blocage au capital de l’entreprise qui produit l’œuvre, au sens du code de commerce. »
La parole est à M. David Assouline.
Je ne pensais pas que l’on mettrait sur le même plan ce débat avec celui que nous venons d’avoir. Même si, pour le rapporteur, ce qu’il propose répond à une logique, on parvient à un excès qu’on ne trouvait pas même dans le rapport Plancade. D’aucuns ont proposé un seuil de 40 % de parts de coproduction. Pour ma part, j’ai proposé celui de 33 %, parce que je trouvais cette augmentation trop brutale, puisque le seuil est aujourd'hui fixé à 25 % et que certains professionnels n’y sont pas encore.
M. David Assouline.
Avec cet article, la commission définit de façon complètement différente ce qu’est une production indépendante. Et, du décret du 2 juillet 2010 où l’on considère que l’éditeur de services ou la ou les personnes le contrôlant ne détiennent pas directement ou indirectement plus de 15 % du capital social, on passe à la majorité au sens du code de commerce.
Je n’ai pas besoin d’étude d’impact pour vous dire que, dans la mesure où toute la production indépendante est organisée sur la base des 15 %, si cet article reste en l’état, il n’y a plus de producteurs indépendants ! C’est la mort de la production indépendante dans notre pays.
Certes, on comprend bien que vous vouliez envoyer des signes pour que cela évolue, mais ce qui est excessif devient parfois inopérant pour faire bouger une ligne. Dans le secteur de l’audiovisuel en effet, votre proposition est telle qu’elle ne pourra pas ne pas tuer toute la production indépendante, au point que personne ne l’examinera sérieusement et on reviendra sans doute en arrière, alors que nous voulons faire avancer les choses.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas parler plutôt de minorité de blocage ? C’est cela qui est constitutif de l’indépendance. Au sens du code de commerce, cela signifie détenir entre 30 % et 32 % d’une société. Avec ce niveau, il reste une production indépendante. Certes, il y aura des modifications, mais ce sera opérant.
Je sais que, sur le fond, nous sommes plutôt d’accord, monsieur le rapporteur. Vous avez choisi la stratégie qui consiste à demander le maximum. Quand le texte sera de nouveau examiné au Sénat, on se rabattra peut-être sur une position de compromis, mais, cette mesure étant tellement excessive, j’ai peur que les producteurs ne se braquent, que l’Assemblée nationale, sans même l’examiner
(M. Claude Kern s’exclame.)
(M. Claude Kern s’exclame de nouveau.)
L'amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article 71-1 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette part ne peut être inférieure à 33 % dudit capital. »
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Monsieur le rapporteur, lors de la discussion générale, j’ai indiqué avoir compris votre souci de prendre en compte ce que vous considériez comme la fragilité économique de la filière et les risques sous-jacents pour les grands acteurs économiques du monde des médias – c’est ainsi que j’ai compris vos dernières interventions – par rapport à de puissants concurrents internationaux. Je respecte votre approche consistant à augmenter la capacité de la profession à s’organiser par filière et je ne vois pas forcément le mal dans ce cadre, même si nous comprenons bien que cela représente des changements importants.
M. Philippe Bonnecarrère.
Je ne suis pas du tout intervenu dans le débat sur le niveau de production indépendante. En revanche, à partir du moment où chacun admet qu’il est nécessaire de garder une production indépendante dans ce pays, le juriste que je suis se pose la question de ce qu’est l’indépendance. Le code de commerce n’en donne pas de définition.
Il m’a été permis de constater en commission que les choses allaient un peu trop loin, car le I de l’article L. 233–3 du code de commerce définit ce qu’est une filiale. Si je détiens plus de 49,9 % d’une société, étant majoritaire, celle-ci m’appartient. La question de l’indépendance ne se pose pas.
A contrario
Par ailleurs, chacun le sait, il faut prendre en compte un aspect fiscal. La consolidation fiscale est possible à partir de 34 %.
Il me semble donc que la définition retenue va un peu trop loin. C'est la raison pour laquelle je vous fais cette proposition.
J’indique dès à présent à M. le rapporteur que, s’il me demandait de retirer cet amendement, au profit d’une négociation au cours de la navette, je ne ferais bien entendu aucune difficulté, mais j’aurai marqué mon désaccord sur la définition de l’indépendance.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Il va de soi, pour répondre aussi bien à M. Assouline qu’à M. Bonnecarrère, que je me pose la question du bon niveau garantissant l’indépendance. Un équilibre devra être trouvé et il faudra probablement accepter un taux inférieur – un taux supérieur ne sera pas possible !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
(Sourires.)
On revient à une notion bien compréhensible, propre aux juridictions commerciales, mais, je le sais, le domaine n’est pas totalement le même.
Il sera quand même intéressant de voir ce que fera l’Assemblée nationale et comment le texte va nous revenir.
Tout cela sera nettoyé !
M. David Assouline.
Probablement, mais je pense aussi que les députés seront sensibles à la nécessité de faire évoluer les choses, en tout cas je le souhaite. Je pense que le débat à l’Assemblée nationale sera aussi riche que le nôtre ici, même s’il est en effet possible que cet article soit rejeté à la demande du Gouvernement. En attendant que le texte nous revienne, nous allons continuer de travailler et d’écouter.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Vous savez, si nous n’avions pas déposé cet amendement, nous ne parlerions même pas de ce sujet. Il y aurait des négociations, dont on nous dirait dans deux ans qu’elles sont en cours, et rien ne se serait passé.
Aujourd'hui, je préfère en rester là et attendre de voir comment le débat va évoluer, tout en continuant la concertation.
Je prie donc nos collègues de bien vouloir retirer leurs amendements, s’ils veulent bien adopter cet axe de travail et attendre le débat sur ce sujet de nos collègues députés ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
L’inverse est aussi possible, monsieur le rapporteur : vous pourriez retirer cet article au profit d’une proposition plus modérée.
M. David Assouline.
Jusqu’à présent, notre force, pour essayer de débloquer la situation, était de parler aux producteurs et aux chaînes. C’est en tout cas ce que j’ai fait dans toutes les enceintes où ils étaient réunis, tant pis si nous nous faisions siffler par une partie de la salle. Nous leur disions qu’il fallait qu’ils cèdent des parts de coproduction aux éditeurs, qui en ont besoin aujourd'hui. Nous ne sommes plus dans le même contexte qu’à l’époque où les accords ont été signés. En contrepartie, nous demandions aux éditeurs de s’engager à faire circuler les œuvres, à ne pas les bloquer, car ce que veut d’abord un auteur, c’est être vu. Dans ce pacte donnant-donnant, gagnant-gagnant, nous ne prenions pas parti. Nous faisions en sorte que l’ensemble progresse.
Monsieur le rapporteur, je constate que, sur ce sujet, comme sur d’autres, notamment le
Pour ma part, je discute avec tous les patrons des grands groupes, et je suis attentif à leur problématique. J’écoute également ceux qui travaillent avec eux, toute la chaîne. À la fin, j’essaie de voir où se situe l’intérêt général. Et on y parvient souvent.
Ce n’est pas bien de faire comme si les propositions des patrons n’avaient que des vertus, comme si les patrons ne pensaient pas d’abord à leurs propres intérêts, au détriment de ceux de tous les autres. Le résultat est qu’une partie des négociateurs ne nous écoutent plus, car ils pensent que nous écoutons davantage un camp. Nous ne sommes alors plus crédibles lorsque nous disons que nous défendons l’intérêt général. Je le dis parce qu’il y a des excès.
Nous avons tenté de rapprocher les points de vue. Quant à vous, vous avez fait des propositions qui pourraient conduire à la fin de la production indépendante. C’est vécu comme quelque chose de trop partisan.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Monsieur Bonnecarrère, l'amendement n
Mme la présidente.
Non, je le retire, madame la présidente.
M. Philippe Bonnecarrère.
L'amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 10
(L'article 10
est adopté.)
L’article L. 123–7 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article et par exception au principe d’inaliénabilité prévu à l’article L. 122-8, l’auteur mentionné au même article L. 122-8 peut transmettre par legs, en l’absence d’héritiers réservataires, son droit de suite aux musées de France ou aux fondations et associations reconnues d’utilité publique ayant un caractère culturel ou concourant à la mise en œuvre du patrimoine artistique. La durée mentionnée au premier alinéa du présent article s’applique dans les mêmes conditions. »
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Mme la présidente.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n
L'amendement n
L'amendement n
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Ces dispositions sont immédiatement applicables aux ventes à venir, y compris celles portant sur des œuvres dont les droits d’auteur auraient été légués, au décès de l’auteur et avant l’entrée en vigueur de la présente loi, à des fondations et associations reconnues d’utilité publique.
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n
La disposition prévue à l’article 10
M. Claude Kern.
La portée de cette avancée est néanmoins limitée, car la rédaction adoptée en commission ne permet pas de s’assurer que les fondations et musées existants pourront effectivement bénéficier de la disposition ouvrant la possibilité pour les auteurs de leur léguer leur droit de suite.
Le présent amendement tend donc à prévoir l’applicabilité immédiate à toutes les ventes à venir, y compris celles qui portent sur des œuvres dont les droits d’auteur auraient été légués, au décès de l’auteur et avant l’entrée en vigueur de la présente loi, à des fondations et associations reconnues d’utilité publique. Ce complément me semble essentiel afin qu’il n’y ait pas de différenciation arbitraire entre les fondations en fonction de la date de leur création.
Néanmoins, j’entends les arguments qui m’ont été avancés sur le respect du principe essentiel de non-rétroactivité de la loi.
Aussi, je tiens à saluer la nouvelle proposition de notre rapporteur, qui fait l’objet de l’amendement n
Pour gagner du temps, madame la présidente, je retire donc mon amendement au profit de celui de M. le rapporteur.
L’amendement n
Mme la présidente.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l’amendement n
Vous avez dit tout à l’heure, madame la ministre, qu’il fallait regarder ce que font les autres États européens. En l’occurrence, la plupart des États ont laissé la possibilité, pour l’auteur, de léguer son droit de suite à la personne de son choix. Les lois européennes et américaines s’assurent ainsi que l’auteur ne puisse, de son vivant, céder ce droit ou y renoncer, mais ne lui imposent pas de restriction dans la disposition pour cause de décès.
Mme Maryvonne Blondin.
Seul le droit français en restreint le bénéfice à ses seuls héritiers légaux, à l’exclusion des légataires. Cette disposition a été introduite dans le droit français en 1957. Le droit de suite peut donc échoir à des personnes qui n’ont que des liens très indirects avec l’auteur défunt, qui peuvent même ne pas le connaître personnellement.
Le dispositif adopté par la commission de la culture procédait d’une bonne intention – résoudre le problème dont je viens de parler –, mais il présentait l’inconvénient de ne pouvoir permettre aux fondations qui promeuvent la mémoire d’artistes aujourd’hui décédés de bénéficier de ce droit de suite puisqu’il fallait que ce droit soit expressément cédé aux fondations par l’artiste. Or l’artiste est décédé.
Nous allons vous entendre présenter votre amendement, monsieur le rapporteur. Nous prendrons ensuite la décision de retirer, ou non, le nôtre.
La parole est à Mme Vivette Lopez, pour présenter l’amendement n
Mme la présidente.
L’article 10
Mme Vivette Lopez.
S’il s'agit d'une réelle avancée pour la reconnaissance de la volonté de l'auteur et de son droit à transmettre son œuvre à des fondations ou à des musées qui en assureront la préservation, la rédaction proposée n'assure pas l'effectivité du dispositif pour des œuvres qui auraient déjà été léguées. Certes, l'auteur d'une œuvre ne pouvait indiquer jusqu'à présent sa volonté de léguer également son droit de suite puisque la législation ne le permettait pas, mais son geste traduit suffisamment son intention de léguer tous ses droits.
Sur le plan juridique, il faut souligner que la directive 2001/84/CE, transposée par la loi de 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI, s'est appliquée à « toutes les œuvres originales […] qui, au 1
Par ailleurs, la précision que tend à introduire le présent amendement ne conduirait nullement à remettre en cause des successions déjà réglées puisque le droit de suite ne pourrait s'appliquer qu'à des ventes à venir. L'amendement vise simplement à supprimer une dérogation ajoutée au droit de suite en 1957, qui n'est plus en phase avec les pratiques européennes et internationales actuelles, pour revenir au droit commun de la propriété.
Maintenir le dispositif adopté en l'état reviendrait à priver les fondations déjà existantes de fonds dont elles ont besoin pour exercer la défense de l'œuvre, dont la charge est extrêmement onéreuse.
L'amendement n
Mme la présidente.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I est également applicable aux musées de France, fondations et associations mentionnés au second alinéa de l’article L. 123–7 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il résulte du présent article, légataires à titre universel ou, en l’absence de tout héritier réservataire, légataires des droits d’auteur, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, pour les ventes mentionnées à l’article L. 122–8 du même code intervenant à compter de cette même date.
La parole est à M. le rapporteur.
Nous abordons un sujet à la fois très compliqué sur le plan du droit et très sensible.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Les modifications apportées à l’article L. 123–7 du code de la propriété intellectuelle pour permettre la transmission du droit de suite par legs à un musée ou à une fondation ou association reconnue d’utilité publique sont immédiatement applicables aux successions à venir.
En revanche, une question se pose concernant la possibilité pour les musées de France, fondations et associations légataires des autres droits d’auteur de percevoir le droit de suite en application de cette nouvelle disposition.
Le présent amendement vise à permettre aux musées de France, fondations et associations qui seraient légataires des droits d’auteur sur les œuvres d’artistes décédés depuis moins de soixante-dix ans de pouvoir également percevoir le droit de suite sur les ventes qui pourraient intervenir après l’entrée en vigueur de la présente loi. Telle est la préoccupation des auteurs des amendements identiques qui viennent d’être présentés.
Ne seraient concernés par cette disposition que les musées, fondations et associations pour lesquels la volonté de l’artiste de leur léguer l’ensemble de ses droits d’auteur ne fait aucun doute, soit parce qu’ils sont légataires universels, soit, en l’absence de tout héritier réservataire, parce que l’auteur leur a légué ses autres droits d’auteur – droits moraux et droits patrimoniaux – au titre de la succession.
J’aimerais connaître la position du Gouvernement sur cette demande légitime de l’ensemble des fondations.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, il s’agit là d’un sujet extrêmement délicat sur le plan juridique. Je vous invite donc à la plus grande prudence. Je l’ai déjà fait tout à l’heure concernant la copie privée. Peut-être auriez-vous dû m’écouter davantage…
Mme Fleur Pellerin,
Nous abordons des sujets qui touchent à des droits garantis par la Constitution. Les différents amendements posant tous le même problème, je vous inviterai, mesdames, messieurs les sénateurs, à les retirer.
L’article 10
Les amendements proposés vont beaucoup trop loin parce qu’ils ont tous pour effet de modifier, pour les auteurs dont la succession a déjà été réglée, les actuels bénéficiaires du droit de suite.
Or le droit de suite détenu aujourd'hui par les actuels héritiers légitimes est entré dans leur patrimoine à la date de la liquidation de la succession.
Donc, en portant atteinte au droit des héritiers pour des successions déjà réglées, ces amendements constituent une forme d’expropriation à portée rétroactive.
Faute de justifications suffisantes et d’indemnisations, ces dispositions doivent être regardées comme contraires à la Constitution.
Pour toutes ces raisons, il me paraît extrêmement dangereux de légiférer dans ces conditions et je ne peux qu’être défavorable à ces amendements.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Madame la ministre, l’adoption de ces amendements conduirait, dites-vous, à une forme d’expropriation à l’égard des héritiers actuels qui ont déjà bénéficié de la succession, ce qui est effectivement assez grave. Cela signifie que la rédaction que nous proposons n’est pas encore suffisamment aboutie. On ne peut pas, aujourd'hui, cette mesure ayant nécessairement un effet rétroactif, récupérer ce que les héritiers, même non réservataires, ont pu acquérir dans le passé. Il y a là un vrai risque, j’en conviens.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Toutefois, j’aimerais qu’un texte puisse être mis au point. Si, comme je m’apprête à le faire, les auteurs des autres amendements acceptaient de les retirer, nous pourrions ensuite, au cours de la navette, soit à l’Assemblée nationale soit ici au Sénat, revenir sur cette question et élaborer un texte plus adapté. Avec votre aide et celle de vos services, madame la ministre, nous pourrions trouver une solution pour les fondations, qui, en France en tout cas, constituent une exception légitime.
(Mme la ministre opine.)
Je retire donc mon amendement, en demandant aux auteurs des autres amendements en discussion commune de faire de même.
L’amendement n
Mme la présidente.
Madame Blondin, l'amendement n
J’ai bien entendu votre volonté de poursuivre ce travail, monsieur le rapporteur. J’ose espérer qu’en deuxième lecture nous pourrons disposer d’un texte législativement correct, répondant à notre volonté qu’aucun légataire propre ni aucun ayant droit propre ne soient spoliés, tout en aidant les fondations à assurer le nécessaire devoir de protection des œuvres.
Mme Maryvonne Blondin.
Donc, au regard de la proposition du rapporteur et de ce travail à venir, je retire mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n
Mme la présidente.
Madame Lopez, l'amendement n
Non, je le retire, madame la présidente. Je vais suivre la proposition du rapporteur, mais je serai très attentive à la discussion à venir.
Mme Vivette Lopez.
L'amendement n
Mme la présidente.
Je mets aux voix l'article 10
(L'article 10
est adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
I. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Néanmoins, ce droit est réputé éteint lorsque l’auteur, ou ses ayants droit, déclare, par une manifestation expresse de volonté à portée générale, renoncer à ce droit pour que son œuvre entre par anticipation dans le domaine public. Cette déclaration est alors irrévocable. Une telle manifestation de volonté ne peut être valablement insérée dans un contrat d’édition tel que défini à l’article L. 132-1 du présent code. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Domaine public
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Cet amendement est issu d’une préconisation du rapport Lescure. Il permet à un créateur, à un auteur, de renoncer, s’il le souhaite, à son droit d’auteur et de placer de son vivant les œuvres qu’il a créées dans le domaine public.
Mme Corinne Bouchoux.
J’insiste bien sur le fait qu’il s’agit d’une possibilité et que ce n’est en aucun cas une obligation. Ainsi, les auteurs qui le souhaitent pourront donner, de leur vivant, leurs œuvres à tous ceux qui ont envie de s’en servir pour en écrire une suite, en faire une parodie ou un film, en tirer une pièce de théâtre, ou toute autre adaptation.
Plusieurs écrivains contemporains souhaitent offrir leurs œuvres à la société, faute d’héritier. Or ils ne le peuvent pas, car notre législation, contrairement au droit anglo-saxon, ne prévoit pas cette possibilité.
Notre amendement vise ainsi à combler cette lacune, dans un nombre restreint de cas.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement, qui tend à revenir sur l’inaliénabilité du droit moral de l’auteur, pose à ce titre plusieurs difficultés.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
D’abord, les textes internationaux et européens qui nous lient imposent une durée minimale de protection, ainsi qu’un droit moral inaliénable.
Ensuite, le déséquilibre du rapport de force dans l’économie de la culture, notamment entre créateurs et diffuseurs de contenus, pourrait conduire à ce qu’une telle possibilité offerte aux auteurs se révèle
Enfin, le code de la propriété intellectuelle permet déjà, dans des conditions, bien sûr, strictement encadrées, comme vous l’avez d'ailleurs dit, madame Bouchoux, à un auteur de mettre gratuitement une œuvre à la disposition du public en renonçant à ses droits voisins.
C'est pourquoi, compte tenu de ces trois éléments, je donne un avis défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Même avis.
Mme Fleur Pellerin,
Madame Bouchoux, l’amendement n
Mme la présidente.
Je remercie le rapporteur de l’éclairage qu’il a apporté. J’ai bien entendu ses arguments qui, pour partie, sont intéressants. Après l’inaliénabilité, il faut que soit prévue une disposition s’appliquant systématiquement. Nous maintenons donc cet amendement et nous défendrons les suivants.
Mme Corinne Bouchoux.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n
I. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le a du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« a) Les analyses et citations concernant une œuvre protégée au sens des articles L. 112-1 et L. 112-2 du présent code, justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées et effectuées dans la mesure justifiée par le but poursuivi ; ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Domaine public
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Cet amendement a pour objet d’adapter dans le domaine de l’audiovisuel l’exception de courte citation, actuellement réservée au domaine de l’écrit.
Mme Corinne Bouchoux.
La restriction actuelle du champ de cette exception représente une contrainte importante puisqu’elle interdit les citations musicales, graphiques et audiovisuelles.
Bien évidemment, cette possibilité de citation sera toujours subordonnée à certaines conditions cumulatives : l’autorisation préalable en cas de document inédit ; l’utilisation doit être justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elle est incorporée ; la citation doit comporter la mention claire de la source de l’emprunt ; la citation doit être courte au sens habituel de la jurisprudence ; la citation ne doit pas porter atteinte au droit moral de l’auteur de l’œuvre originale.
J’ajoute que cet amendement traduit les propositions de Valérie-Laure Benabou qui figurent dans le rapport qu’elle a remis au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, en décembre 2014. Ce rapport a notamment fait suite à la jurisprudence
Eva-Maria Painer
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement vise à assouplir les conditions d’application de l’exception de citation en remplaçant la condition « courte citation » par celle de « citation proportionnée au but poursuivi ». Cette définition nous apparaît trop imprécise et donc potentiellement très large, alors que toute exception aux droits d’auteur se doit d’être parfaitement encadrée.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Pour cette raison, nous y sommes défavorables.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Cet amendement soulève une question extrêmement intéressante, qui est celle de la portée à donner à l’exception de citation à la lumière des nouveaux usages qui sont rendus possibles par le numérique.
Mme Fleur Pellerin,
Vous nous proposez, madame la sénatrice, de supprimer le critère de la brièveté de la citation pour le remplacer par un critère relatif de proportionnalité.
Or votre amendement n’apporte pas nécessairement la bonne réponse à la question posée, car il ne vise qu’à étendre le champ de l’exception sans bien en maîtriser la portée. Faire disparaître l’exigence que la citation soit courte ou bien prétendre revenir sur les jurisprudences dans le domaine de l’audiovisuel ou de la musique est une entreprise assez périlleuse qui ne peut pas se traiter ainsi et qui ferait naître probablement une nouvelle incertitude juridique.
Cela reviendrait aussi à fragiliser des lignes de partage aujourd'hui très subtilement dessinées, mais qui demeurent très importantes et même cruciales pour l’économie de tous les secteurs culturels comme pour les prérogatives des créateurs.
De plus, au moment où les exceptions aux droits d’auteur sont un sujet très sensible dans le débat européen, je suis assez convaincue qu’il faut éviter de déstabiliser des acteurs et de brouiller notre message.
Je suis défavorable à cet amendement, même si je considère que le débat qu’il ouvre est extrêmement intéressant et stimulant intellectuellement.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement n
Mme la présidente.
I. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 123-8 et L. 123-9 du code de la propriété intellectuelle sont abrogés.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Domaine public
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Le code de la propriété intellectuelle français prévoit un certain nombre de dérogations qui avaient leur sens au moment où elles ont été imaginées. Il existe notamment des prorogations pour les droits des auteurs morts pour la France ou pour temps de guerre.
Mme Corinne Bouchoux.
Nous considérons que le maintien de ce système complique énormément le calcul des droits d’auteur.
S’il est totalement compréhensible que ces prorogations aient été introduites à l’époque en particulier pour rendre hommage à des auteurs tombés au champ d’honneur, aujourd’hui, ce mécanisme contribue à restreindre la diffusion de leurs œuvres et nuit à leur rayonnement.
Ainsi, depuis le début de l’année, les œuvres de Saint-Exupéry peuvent être librement adaptées au cinéma ou en bande dessinée dans tous les pays du monde, sauf dans celui de Saint-Exupéry ! Au mois de février, la Belgique a pu organiser toute une journée autour de Saint-Exupéry et du
Petit Prince
Nous souhaiterions donc, afin que ces auteurs, dont certains sont des héros, et dont beaucoup ont été honorés, puissent bénéficier de la plus large audience possible, revenir sur cette exception, qui devient contre-productive à l’heure de la francophonie, qui désavantage les initiatives prises en France et favorise celles qui naissent ailleurs, une situation qui nous semble totalement ubuesque.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Cet amendement consiste en réalité à supprimer la règle de la prorogation de la durée des droits
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
post mortem
La question des prorogations de guerre est effectivement source de contentieux et d’injustice, puisque le dispositif varie selon la situation de l’œuvre à la date prévue pour la transposition de la directive du 29 octobre 1993, soit le 1
Néanmoins, on ne saurait modifier un droit aussi complexe que le droit d’auteur sans étudier plus finement les conséquences économiques d’une telle réforme.
J’aimerais recueillir l’avis du Gouvernement sur cet amendement et, éventuellement, j’émettrai un avis de sagesse, tout en vous invitant, mes chers collègues, à être très précautionneux.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
L’avis est défavorable. Comme M. le rapporteur vient de le rappeler à l’instant, les prorogations de guerre visent à compenser les lourds préjudices subis par les auteurs pendant les hostilités liées à la Première et à la Seconde Guerre mondiale. Le motif d’intérêt général qui fonde ce dispositif me semble suffisamment important pour ne pas le remettre en question aujourd’hui.
Mme Fleur Pellerin,
Surtout, je tiens à rappeler, pour bien mesurer l’impact de ce dispositif, que le bénéfice de cette protection est aujourd’hui très limité. En effet, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2007, elle ne concerne que les auteurs et compositeurs de musique.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme la présidente.
J’entends bien les différents arguments, y compris les messages d’alerte. Je remercie également M. le rapporteur pour l’avis de sagesse qu’il a émis.
Mme Corinne Bouchoux.
Toutefois, ne s’agirait-il que des auteurs de musique, je ne pense pas qu’on leur rende hommage et qu’on les honore seulement à travers une logique économique. Nous persistons à penser qu’il y a là une symbolique historique qui, si elle avait toute sa portée auparavant, ne se justifie plus aujourd’hui, car elle a pour conséquence de rendre plus tardivement accessibles certaines œuvres.
Nous restons donc favorables à la modification de ce point.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n
Mme la présidente.
A. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 1464 L du code général des impôts, il est inséré un article 1464 … ainsi rédigé :
« Art. 1464
« Sont considérés comme des actions de mécénat au titre du présent article les versements effectués au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine ou à la diffusion de la culture et de la langue françaises, notamment quand ces versements sont faits au bénéfice de fondations ou associations reconnues d’utilité publique.
« La réduction d’impôt est égale à 60 % du montant des versements dans la limite de 2 500 €.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence faire précéder cet article additionnel d’une division et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Soutien au mécénat
La parole est à M. le rapporteur.
Nous sortons quelque peu du champ dont nous avons débattu jusqu’à présent, même si cet amendement conserve un lien avec le soutien à la création. Il vise à mettre en place un dispositif que nous avons appelé « le mécénat territorial ».
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il s’agit de mettre en place un dispositif de mécénat culturel sur le territoire, qui permettrait aux entreprises et aux commerçants d’une communauté, d’une métropole ou d’une commune de soutenir l’action d’un organisme associatif reconnu d’intérêt général dans le domaine de la culture, afin de l’aider financièrement. En contrepartie, ils pourraient déduire de leur taxe locale au profit du territoire une partie de ce don de mécénat.
Ce système est comparable au dispositif de mécénat actuel de la loi Aillagon, qui offre aux ménages une possibilité de déductibilité fiscale, et qui fonctionne d’ailleurs très bien.
Ce dispositif, qui serait une source supplémentaire d’alimentation du vivier culturel du territoire, favoriserait une plus grande proximité de connaissance entre les acteurs économiques locaux et les acteurs de la culture locale. La déduction fiscale sur la cotisation foncière des entreprises, impôt local payé soit à la commune, soit à l’EPCI, serait limitée à 60 %, comme dans les dispositifs nationaux, et plafonnée prudemment à 2 500 euros par don.
Ce dispositif original pourrait, dans le cadre d’une réduction des ressources publiques globales, territoriales ou nationales, générer par capillarité davantage de création et de diffusion artistique dans les territoires.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président.
Vous proposez à travers cet amendement un dispositif extrêmement intéressant, monsieur le rapporteur.
Mme Fleur Pellerin,
Je comprends votre souhait de développer le mécénat en ouvrant une nouvelle possibilité de déduction pour les entreprises qui ne peuvent bénéficier du dispositif actuel, compte tenu de leur situation fiscale. J’y suis évidemment très sensible, et c’est pourquoi votre dispositif mérite d’être étudié de manière très approfondie, en concertation avec les collectivités territoriales.
S’agissant de la création d’une dépense fiscale pesant sur le budget des collectivités locales, il faut toujours être prudent, pour des raisons tenant à la nécessaire compensation lorsque c’est l’État qui prend une telle décision.
Évidemment, le Gouvernement ne pourrait envisager la création d’une nouvelle réduction d’impôt sans une évaluation aussi précise que possible de la dépense induite, en raison de la nécessaire compensation de la perte de recettes pour les collectivités territoriales.
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, mais je suis évidemment favorable à ce que l’on puisse réfléchir aux moyens d’apporter de nouvelles ressources à la culture dans les territoires.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Nous avons débattu de cet amendement en commission, et l’intention de M. Leleux est bien sûr tout à fait louable. Nous partageons son objectif d’essayer de trouver de nouvelles ressources pour le mécénat,
Mme Sylvie Robert.
a fortiori
Toutefois, ainsi que je l’ai indiqué, on peut également utiliser d’autres dispositifs, comme les fonds de dotation, qui permettent aux collectivités d’alimenter des fonds avec d’autres partenaires privés.
Ce dispositif ne me semble pas suffisamment abouti, et cela me dérange quelque peu, notamment parce qu’il touche aux finances des collectivités territoriales.
Tout à l’heure, la majorité sénatoriale a poussé des hauts cris sur le « 1 % artistique », prétendant qu’il serait difficile, dans le contexte budgétaire contraint actuel, qui se caractérise par une baisse des dotations des collectivités, de donner de l’argent pour les artistes.
Et là, à travers des dispositions de réduction fiscale pour les entreprises, on toucherait les collectivités territoriales pour faire du mécénat. J’y vois un petit paradoxe, mais, en même temps, je trouve l’intention louable et je demanderai surtout à M. le rapporteur d’améliorer son dispositif.
Nous ne sommes pas favorables, en l’état, à cette proposition, mais nous sommes prêts à poursuivre la réflexion avec lui.
La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Je voudrais également souligner l’originalité de ce dispositif. À travers le mécénat, on favorise la participation des collectivités à la diffusion de la culture.
M. Claude Kern.
À l’heure où les collectivités rencontrent des problèmes financiers pour mettre en œuvre cette participation à la diffusion de la culture, c’est l’un des leviers que l’on devrait soutenir. Une déduction fiscale plafonnée à 2 500 euros, ce n’est pas grand-chose, mais cela permet de soutenir le mécénat et de faire participer plus largement les collectivités à la diffusion de la culture.
C’est pourquoi je soutiens cet amendement.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente.
Je voudrais éclairer le paradoxe que vous avez souligné, madame Robert.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Il y a une différence entre le « 1 % artistique » et le dispositif que je propose. À terme, si le rapport était concluant et si la loi l’entérinait, le « 1 % » deviendrait obligatoire. À l’inverse, le dispositif de mécénat serait établi avec l’accord délibéré de la collectivité.
(M. Claude Kern opine.)
Il s’agirait, au fond, de substituer au mode subventionnel une irrigation des territoires par capillarité, en déléguant aux acteurs du territoire une partie de la capacité des collectivités à soutenir la culture.
Par ailleurs, on m’a soutenu que, juridiquement, le gage était nécessaire pour respecter l’article 40 de la Constitution. L’idéal serait toutefois de le lever, car, évidemment, il serait inconcevable que cette « perte fiscale » pour la collectivité soit compensée par une augmentation de la DGF. Je comprendrais que le Gouvernement n’accepte pas cette demande. Notre objectif est de laisser la responsabilité aux collectivités, et l’on pourrait imaginer qu’elles délibèrent une fois par an sur ce sujet.
Le dispositif doit sans doute être peaufiné, j’en conviens, mais le concept me semble extrêmement intéressant. L’expérience mérite d’être tentée, et je pense que l’on en percevrait les effets bénéfiques dans les territoires au bout de deux ou trois ans.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Mme la présidente.
Si nous ne sommes pas d’accord, c’est parce que le dispositif ne nous semble pas complètement abouti.
M. David Assouline.
Au-delà des problèmes que peut poser le gage, puisque vous souhaitez qu’il ne se traduise pas par une augmentation de la DGF pour l’État, il faudrait au moins un débat, au mieux une étude d’impact sur ce dispositif.
Je crains qu’il n’ait certains effets pervers. Sur un territoire donné, j’imagine que la recherche de mécénat pour des activités culturelles va donner lieu à une concurrence entre communes. Et les acteurs privés pourront choisir les destinataires de leurs dons. Tout cela peut devenir assez malsain. Je n’en suis pas certain, évidemment, mais c’est un risque qu’il faut prendre en compte, car tout le monde n’est pas toujours très vertueux.
Nous souhaitons toutefois continuer à travailler sur l’idée, et nous nous abstiendrons lors du vote sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n
Mme la présidente.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10
Mme la présidente.
Après l’article L. 7121-4 du code du travail, il est inséré un article L. 7121-4-1 ainsi rédigé :
Art. L. 7121–4–1. –
« L’amateur peut obtenir le remboursement des frais occasionnés par son activité sur présentation de justificatifs.
« II. – Par dérogation à l’article L. 8221-4, la représentation en public d’une œuvre de l’esprit par un amateur ou par un groupement d’amateurs relève d’un cadre non lucratif, y compris lorsque sa réalisation a lieu avec recours à la publicité et à l’utilisation de matériel professionnel.
« La représentation en public d’une œuvre de l’esprit effectuée par un amateur ou par un groupement d’amateurs et organisée dans un cadre non lucratif ne relève pas des articles L. 7121-3 et L. 7121-4.
« Le cadre non lucratif défini au premier alinéa du présent II n’interdit pas la mise en place d’une billetterie payante. La part de la recette attribuée à l’amateur ou au groupement d’amateurs sert à financer leurs activités et, le cas échéant, les frais engagés pour les représentations concernées.
« III. – Sans préjudice de la présomption de salariat prévue aux articles L. 7121-3 et L. 7121-4, les structures de création, de production, de diffusion, d’exploitation de lieux de spectacles mentionnées aux articles L. 7122-1 et L. 7122-2 dont les missions, établies par une convention signée avec une ou plusieurs personnes publiques, prévoient l’accompagnement de la pratique amateur et la valorisation des groupements d’amateurs peuvent faire participer des amateurs et des groupements d’amateurs à des représentations en public d’une œuvre de l’esprit sans être tenues de les rémunérer, dans la limite d’un nombre annuel de représentations défini par voie réglementaire, et dans le cadre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’actions pédagogiques et culturelles.
« La part de la recette des spectacles diffusés dans les conditions prévues au premier alinéa du présent III attribuée à l’amateur ou au groupement d’amateurs sert à financer leurs frais liés aux activités pédagogiques et culturelles et, le cas échéant, leurs frais engagés pour les représentations concernées. »
La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
Mme la présidente.
Nous en arrivons à l’article 11 A, qui est relatif à la reconnaissance des pratiques artistiques amateurs.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Le Gouvernement a introduit ce nouveau dispositif en première lecture à l’Assemblée nationale. La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est montrée tout à fait favorable à la reconnaissance de ces pratiques, qui concernent plus de 12 millions de nos concitoyens.
Notre commission s’est montrée également soucieuse de préserver l’emploi des professionnels de la création artistique, en particulier celui des artistes dits de complément, et d’éviter tout effet d’éviction, voire d’uberisation, des professionnels par les amateurs.
Dans l’examen des dispositifs et des amendements qui nous ont été soumis, notre souci a donc été double : d’une part, permettre l’expression et le développement des pratiques amateurs, qui sont une véritable richesse pour notre pays ; d’autre part, préserver les emplois artistiques.
Nous examinerons les amendements sous cet angle et, je le répète, cet article constitue une véritable avancée pour protéger les artistes amateurs des présomptions de salariat.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme la présidente.
L’existence même de cet article, introduit en commission à l’Assemblée nationale, doit être saluée. Il constitue la consécration législative du fait que les artistes amateurs ont toute leur place dans la pratique artistique et culturelle, et plus, qu’ils y tiennent un rôle central.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet article, tel qu’il est rédigé, comporte des points positifs. Nous saluerons, par exemple, l’ouverture de certains droits aux artistes amateurs, notamment en matière de remboursement de frais occasionnés dans le cadre de l’activité.
Toutefois, notre groupe ne votera pas, en l’état, cet article. La raison en est fort simple : son paragraphe III introduit des dispositions particulièrement dangereuses, et ce sur plusieurs points.
Tout d’abord, il crée une concurrence déloyale entre artistes professionnels et amateurs, conduisant soit à une réduction drastique de l’activité des premiers, soit à des pratiques de
Ensuite, il constitue un potentiel effet d’aubaine pour certaines structures et pour des phénomènes de travail dissimulé : les artistes amateurs occupent en effet une activité qui, intrinsèquement, pourrait être occupée par des professionnels.
Nous ne pensons pas que la valorisation des artistes amateurs doive être une excuse pour encourager des pratiques douteuses. Nous pouvons entendre que les structures concernées soient en manque de financements et qu’ainsi le recours gratuit à des artistes amateurs soit la solution qui semble la plus pratique.
Toutefois, cette logique ne sert ni les artistes amateurs, ni les artistes professionnels, ni les structures elles-mêmes. Cette solution ne peut pas être pérenne pour ces dernières.
Pour finir, nous ne pouvons ni nous satisfaire que le nombre de représentations autorisées sous ce régime soit fixé par voie réglementaire, ni accepter les premières propositions que nous avons entendues, à savoir quinze ou trente représentations. Ces dernières, déjà trop nombreuses, semblent trouver leur justification dans la satisfaction de quelques structures privées – il faut le dire –, amassant pourtant d’importants bénéfices.
L'amendement n
Mme la présidente.
Rédiger ainsi cet article :
I. – Est artiste amateur dans le domaine de la création artistique toute personne qui pratique seule ou en groupe une activité artistique à titre non professionnel et qui n’en tire aucune rémunération.
L’artiste amateur peut obtenir le remboursement des frais occasionnés par son activité sur présentation de justificatifs.
II. – La représentation en public d’une œuvre de l’esprit effectuée par un artiste amateur ou par un groupement d’artistes amateurs et organisée dans un cadre non lucratif ne relève pas des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail.
Par dérogation à l’article L. 8221-4 du même code, la représentation en public d’une œuvre de l’esprit par un artiste amateur ou par un groupement d’artistes amateurs relève d’un cadre non lucratif, y compris lorsque sa réalisation a lieu avec recours à la publicité et à l’utilisation de matériel professionnel.
Le cadre non lucratif défini au deuxième alinéa du présent II n’interdit pas la mise en place d’une billetterie payante. La part de la recette attribuée à l’artiste amateur ou au groupement d’artistes amateurs sert à financer leurs activités et, le cas échéant, les frais engagés pour les représentations concernées.
III. – Sans préjudice de la présomption de salariat prévue aux articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail, les structures de création, de production, de diffusion, d’exploitation de lieux de spectacles mentionnées aux articles L. 7122-1 et L. 7122-2 du même code dont les missions prévoient l’accompagnement de la pratique amateur et la valorisation des groupements d’artistes amateurs peuvent faire participer des artistes amateurs et des groupements d’artistes amateurs à des représentations en public d’une œuvre de l’esprit sans être tenues de les rémunérer, dans la limite d’un nombre annuel de représentations défini par voie réglementaire, et dans le cadre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’actions pédagogiques et culturelles.
La part de la recette des spectacles diffusés dans les conditions prévues au premier alinéa du présent III attribuée à l’artiste amateur ou au groupement d’artistes amateurs sert à financer leurs frais liés aux activités pédagogiques et culturelles et, le cas échéant, leurs frais engagés pour les représentations concernées.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Nous abordons effectivement un sujet sensible, sur lequel notre commission a déjà eu l’occasion, dans le passé, de se pencher. J’ai souvenir d’avoir défendu, en 2008 déjà, les pratiques amateurs, à la suite des propositions qui avaient été faites par la ministre Mme Christine Albanel et qui avaient suscité beaucoup d’inquiétudes sur nos territoires. En effet, chacun d’entre nous a connu des expériences de pratiques amateurs et y est pleinement attaché. Elles représentent les expressions culturelles de nos territoires, si riches et si spécifiques.
Mme Maryvonne Blondin.
Après les nombreux échanges qui ont eu lieu en 2008, un équilibre a été recherché, ce qui n’est pas un exercice facile. Ce que vous avez évoqué à l’instant, madame Gonthier-Maurin, a été débattu en 2008 et a finalement été abandonné, parce que, loin de se concurrencer, ces deux pratiques – amateurs et professionnels – se complètent et participent toutes deux à l’essor de notre culture et à la promotion culturelle. Cela correspond d’ailleurs bien à l’intitulé du chapitre III du présent projet de loi : promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle.
Il est vrai que les deux pratiques, qui se situent dans des cercles frontaliers, se fondent parfois, mais cet article, pour lequel je vous propose de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, ancre les pratiques amateurs dans un texte juridique et leur garantit solidité et sécurité.
Pour autant, commencer à toucher aux droits et devoirs des différentes parties serait compliqué. Nous devons rappeler notre attachement à la présomption de salariat.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
Nous avons en effet beaucoup parlé de cette question. Le débat pourrait d’ailleurs durer sans fin, tant la sémantique et l’histoire des mots sont riches et fortes. Il serait impressionnant de rappeler tout ce qui peut être dit et écrit sur le mot « artiste » : l’ensemble de ses dimensions, qu’elles soient esthétiques, de rayonnement ou d’émotion, son évolution dans le temps ou encore ses composantes techniques, puisque – rappelons-le – les artistes étaient d’abord des techniciens manuels. Le mot « artiste » recouvre donc un champ important, que ce soit dans sa dimension substantive ou adjective.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Qualificative !
Mme Maryvonne Blondin.
Oui, qualificative, en effet !
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
On peut être « un » artiste, comme on peut être artiste ! On ne trouvera jamais la clé.
Effectivement !
Mme Maryvonne Blondin.
Il en est de même pour l’amateur, dont on pourrait aussi beaucoup parler.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Au-delà de ces questions d’histoire du mot, qui sont passionnantes dans notre belle et riche langue, nous savons ce que représentent les amateurs et les professionnels. C’est pourquoi nous avons voulu faire en sorte que l’un ne mange pas l’autre, alors qu’ils peuvent mutuellement se nourrir. Une bonne compréhension de leur travail en commun serait extrêmement riche pour la qualité culturelle.
(Mme Maryvonne Blondin opine.)
Nous avons donc trouvé, en commission, une formule, sur laquelle revient cet amendement. Notre proposition a sa raison d’être, comme celle de l’amendement. Il nous semble toutefois que notre rédaction précise mieux la différence entre l’amateur et l’artiste professionnel.
C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement, qui revient sur la position adoptée par la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Je suis favorable à l’amendement, qui a été présenté et qui vise à rétablir l’article 11 A dans sa rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Mme Fleur Pellerin,
Nous partageons tous la volonté de reconnaissance des artistes amateurs, tout en étant extrêmement attachés à la place des professionnels et à la présomption de salariat.
Pour autant, nous devons veiller à ne pas empêcher la production de certains spectacles et leur rencontre avec le public.
Des choses extraordinaires se font et il ne faudrait pas qu’une vision trop restrictive de la reconnaissance de la pratique amateur nous conduise à exclure des spectacles formidables.
Certains d’entre vous ont peut-être eu l’occasion de voir la troupe éphémère du théâtre Gérard-Philipe à Saint-Denis. Elle a rassemblé beaucoup de jeunes, scolarisés ou non, qui découvraient l’amour du texte et du théâtre ; ils ont travaillé durant un an, puis rencontré le public, encadrés par un metteur en scène et des moyens professionnels.
Je pourrais également citer « Le monstre du labyrinthe », spectacle créé lors du dernier festival d’Aix-en-Provence : il réunissait près de 300 enfants et adultes amateurs, qui participaient à un chœur au côté de grands professionnels de la musique.
Ce sont des expériences magiques, à la fois pour le public et pour les amateurs, qui correspondent bien à la façon dont je souhaite promouvoir la participation de tous à la culture.
Le texte adopté par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication prévoit notamment d’insérer les dispositions de l’article 11 A dans le code du travail.
Cela ne me semble pas de nature à rassurer les professionnels du secteur, car le code du travail régit exclusivement les relations entre employeurs et salariés. Or, au contraire, l’article 11 A définit l’artiste amateur comme exerçant son activité à titre non professionnel et sans en tirer une quelconque rémunération. Ces artistes ne sont donc pas des salariés et il ne serait pas cohérent, d’un point de vue tant symbolique que juridique, d’insérer les dispositions les concernant dans le code du travail.
Pour ces raisons, je le répète, je suis favorable à cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n
Supprimer le mot :
La parole est à M. le rapporteur.
Le texte de la commission n’a pas été totalement ni parfaitement reproduit. Il s’agit de corriger une erreur matérielle en supprimant le mot « artiste ». Une abstention bien comprise serait bienvenue…
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Avis défavorable.
Mme Fleur Pellerin,
Je mets aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
(L’amendement est adopté.)
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente.
L’amendement n
I. – Alinéas 3 et 8
Avant le mot :
insérer le mot :
II. – Alinéas 7 (trois fois) et 8
Avant le mot :
insérer le mot :
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Avec cet amendement, nous voulons contredire les choix de M. le rapporteur. Nous souhaitons en effet revenir sur une modification introduite par la commission de la culture du Sénat. Il s’agit de rétablir la mention « artiste amateur ».
Mme Christine Prunaud.
Comme souvent, ce qui est présenté comme une simple correction rédactionnelle revêt pour nous un intérêt particulier. Si l’intégration des artistes amateurs dans le code du travail est un sujet sur lequel nous pouvons discuter, leur retirer l’appellation d’artistes au motif qu’elle définirait un métier nous semble à la fois incohérent avec cette intégration dans le code du travail et dévalorisant.
L’amendement n
Mme la présidente.
Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement est un peu radical, puisqu’il vise à supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 11 A.
M. Pierre Laurent.
Évidemment, nous sommes tout à fait favorables à la valorisation des pratiques amateurs qui fait l’objet de cet article et extrêmement vigilants à l’égard de la présomption de salariat. Cependant, nous pensons que, en l’état, les alinéas 7 et 8 comportent beaucoup trop d’ambiguïtés et n’offrent pas une définition suffisamment claire. Comme l’a dit ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin tout à l’heure, ces alinéas pourraient ouvrir la porte à un nombre excessif de représentations, voire à l’utilisation de travail dissimulé.
Ces deux alinéas qui nous sont présentés comme une protection face à la présomption de salariat nous paraissent donc totalement insuffisants. Nous aurions préféré les réécrire, mais nous vous proposons, en l’état, de les supprimer.
L’amendement n
Mme la présidente.
I. – Alinéa 7
1° Avant le mot :
insérer (trois fois) le mot :
2° Supprimer les mots :
sans être tenues de les rémunérer
3° Après le mot :
réglementaire
insérer les mots :
et ne pouvant dépasser le nombre de douze
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque ce spectacle est organisé dans un cadre lucratif, il est réputé acte de commerce. La prestation des artistes amateurs et des groupements d’artistes amateurs relève alors des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail. Ils reçoivent une rémunération au moins égale au minimum conventionnel du champ concerné. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Cet amendement de repli vise, d’une part, à limiter à douze le nombre de représentations annuelles pouvant faire intervenir gratuitement des artistes amateurs – le sujet a été évoqué en commission – et, d’autre part, à attribuer la qualité d’acte de commerce au spectacle, lorsqu’il est organisé dans un cadre lucratif. Dans un tel cadre, les artistes amateurs relèvent alors des articles L. 7121–3 et L. 7121–4 du code du travail et perçoivent une rémunération au moins égale au minimum conventionnel du champ concerné.
Mme Christine Prunaud.
Cette solution de repli est à la fois suffisamment dissuasive pour éviter une mise en concurrence déloyale des professionnels et des amateurs, tout en protégeant ces derniers du travail dissimulé, mais n’hypothèque pas totalement leur possibilité de participer à des spectacles ayant recours à une billetterie payante.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente.
La commission a tranché il y a déjà deux semaines en préférant l’expression « amateur dans le domaine de la création artistique » plutôt que celle d’« artiste amateur » qui va nécessairement induire une confusion avec les « artistes professionnels ». Je rappelle que le code du travail, comme le code de l’éducation, considère – à mon avis, à tort – qu’être artiste est un métier. Il y va donc de la sécurité juridique des amateurs, mais aussi de la sécurité professionnelle des artistes de métier qui ne doivent pas être concurrencés abusivement par l’emploi d’amateurs en leurs lieux et places.
M. Jean-Pierre Leleux,
rapporteur.
La position de la commission était une mesure d’équilibre et je souhaite que cet équilibre soit maintenu.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente.
Sur l’amendement n
Mme Fleur Pellerin,
En outre, ne pas ajouter le mot « artiste » induirait que celui-ci est réservé aux professionnels, ce qui ne correspond pas au message que nous voulons adresser aux artistes amateurs.
L’amendement n
L’ouverture que nous proposons est strictement encadrée. Ainsi, le projet de loi limite le recours à des amateurs dans le cadre de spectacles professionnels aux entreprises qui exercent des missions d’accompagnement de la pratique amateur ou aux manifestations s’inscrivant dans le cadre de projets d’éducation artistique et culturelle. Par ailleurs, ces spectacles ne seront possibles que pour un nombre annuel de représentations limité et défini par décret. Je m’engage devant vous à ce que ce décret soit prêt au terme de l’examen parlementaire de ce projet de loi, en toute transparence et en concertation avec les parlementaires.
Les dispositions du projet de loi prévoient enfin un encadrement des recettes de billetterie, pour empêcher toute pratique de concurrence déloyale.
Pour l’ensemble de ces raisons, je crois que nous allons parvenir à mettre en place un dispositif sécurisant pour les pratiques amateurs, mais aussi pleinement respectueux des artistes professionnels. Ce sera une étape historique pour notre pays et un pas important pour nos politiques culturelles.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n
En ce qui concerne l’amendement n
J’émets donc également un avis défavorable sur l’amendement n
La parole est à M. Pierre Laurent.
Mme la présidente.
Madame la présidente, nous maintenons les amendements n
M. Pierre Laurent.
L’amendement n
Mme la présidente.
Je vais mettre aux voix l’amendement n
Je demande la parole.
M. Pierre Laurent.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Mme la présidente.
Madame la présidente, permettez-moi de remarquer que nous enchaînons les scrutins publics parce que nos collègues de la majorité sénatoriale ne sont plus assez nombreux en séance.
M. Pierre Laurent.
Soit on lève la séance à minuit et demi, soit on travaille jusqu’à une heure et demie, mais on ne peut pas multiplier les scrutins publics, cela n’a aucun sens !
Je mets donc aux voix l’amendement n
Mme la présidente.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement…
Le scrutin est ouvert.
Mme la présidente.
(Le scrutin a lieu.)
Personne ne demande plus à voter ?…
Mme la présidente.
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n
Mme la présidente.
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’article 11 A, modifié.
Mme la présidente.
(L’article 11 A est adopté.)
Mes chers collègues, nous avons examiné 100 amendements au cours de la journée ; il en reste 319.
Mme la présidente.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 11 février 2016 :
Mme la présidente.
À dix heures trente :
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.
Projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (n
Rapport de M. Claude Nougein, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n
Texte de la commission (n
Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifiée :
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (n
Rapport de M. Michel Billout, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n
Texte de la commission (n
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (n
Rapport de M. Jean-Marie Bockel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n
Texte de la commission (n
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n
Rapport de M. Jean-Marie Bockel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n
Texte de la commission (n
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n
Texte de la commission (n
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze, le soir et la nuit : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 11 février 2016, à une heure trente.)
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont
M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
Avec trois millions d'hectares de surfaces boisées, la région AquitaineLimousinPoitouCharentes abrite la plus grande forêt de France.
Cette forêt, privée à plus de 90 %, riche de sa diversité, constituée de feuillus et de pins d'essences diverses, est un atout environnemental considérable mais elle joue aussi un rôle économique capital : avec plus de 65 000 salariés, elle représente 20 % des emplois français de la filière.
Plusieurs plans de développement de cette filière se sont succédé des années durant, multipliant entre autres les structures et les échelles d'intervention.
Il est évident que sur une production de long terme comme celle-ci, les propriétaires forestiers et l'ensemble de la filière ont besoin de visibilité et de responsabilités claires, afin d'encourager les investissements porteurs d'avenir.
Les préoccupations sont multiples, que ce soit en termes de renouvellement des filières et d'adaptation de la production forestière au besoin des marchés, de stratégie industrielle, de gestion des dégâts du gibier, de formation des professionnels de l'exploitation, etc.
Aussi souhaiterait-elle savoir comment il peut prendre en compte ces attentes.
Mme Dominique Estrosi Sassone
M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
Ainsi, en 2010, entre Aix-en-Provence et Menton le coût du trajet sur l’autoroute A8 était de 19,20 euros pour les 202 kilomètres d’autoroutes du réseau ouest-est. Il est dorénavant de 21,30 euros depuis le 1
Trois gares de péage vont augmenter les prix dans les Alpes-Maritimes : à Cagnes-sur-Mer, à la Turbie et à Menton. Entre Nice-nord et Monaco, soit 12 kilomètres d’autoroute, le prix du kilomètre est de 20 centimes, 14 centimes en moyenne sur le reste du réseau, soit une augmentation de 16,6 %. L’A8 est une des autoroutes les plus fréquentées de France mais également une des plus chères pour les usagers alors que ceux-ci ne constatent pas de chantiers significatifs justifiant les prix.
Le 24 juillet 2013, la Cour des comptes a rendu un rapport soulignant que la progression des tarifs a déjà été « particulièrement importante » sur le réseau ESCOTA entre 2009 et 2012 mais également que le protocole d’accord au contrat de plan 2012-2016 signé le 16 décembre 2011 prévoyait des investissements qui « se composent d’opérations de faible envergure, dont l’intérêt pour l’usager est plus difficile à établir ». À cela s’ajoute un des taux de satisfaction les plus faibles pour ce réseau depuis 2006.
Enfin, depuis quarante ans, le contournement de Nice par le péage de SaintIsidore est payant alors que de nombreuses autoroutes circulaires d’autres grandes villes, dont le périphérique parisien, sont gratuites. Relayant les appels répétés des élus et des usagers, l’État, dans un souci d’aménagement du territoire, pourrait jouer pleinement son rôle et demander au concessionnaire de ne plus s’inscrire dans une logiquement purement comptable.
Alors que rien n’indique que cette hausse des tarifs servira à une extension du réseau pourtant saturé, elle lui demande ce qu’il entend mettre en œuvre pour que cette augmentation ne traduise pas un phénomène de « rentabilité exceptionnelle » pour le concessionnaire, comme le craint l’Autorité de la concurrence dans son rapport de septembre 2014. Elle lui demande également s’il compte contrôler les justifications avancées pour cette hausse, en vérifiant par exemple que les aménagements visant à la sécurité et à la fluidification du trafic justifient l’augmentation annuelle des tarifs prévue jusqu’en 2023 à la suite des dernières négociations ente l’État et les sociétés autoroutières.
M. Dominique Bailly
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Depuis plusieurs mois, la France - et plus particulièrement l'Île-de-France - connaît des difficultés de production et d'approvisionnement des vaccins contre la tuberculose et des vaccins combinés contenant la valence coqueluche (vaccins pentavalents et tétravalents).
En conséquence, une décision nationale de suspension de la distribution du vaccin BCG en pharmacie de ville a été prise. Dès lors, les parents de nourrissons sont orientés vers les services de protection maternelle et infantile (PMI), qui sont livrés en priorité. Toutefois, ces services rencontrent eux aussi des tensions d'approvisionnement et sont contraints de créer des listes d'attente.
Dans le cadre de la pénurie de vaccins pentavalents et tétravalents, la direction générale de la santé recommande que ces vaccins soient prioritairement destinés aux enfants de mères porteuses de l'antigène HbS (sérologie spécifique de l'hépatite B) sur prescription médicale. Pour tous les autres enfants, il est rappelé que la vaccination des nourrissons par le vaccin hexavalent est recommandée.
Les difficultés d'approvisionnement pour ces différents types de vaccins dureront vraisemblablement jusqu'au premier trimestre 2016.
La tuberculose est une maladie préoccupante en Île-de-France et les recommandations du calendrier vaccinal 2015 préconisent de vacciner tout enfant résidant en Île-de-France dès la naissance. Il est par ailleurs recommandé de vacciner contre la coqueluche dès l'âge de deux mois.
Aussi, il lui demande de bien vouloir l'éclairer sur les raisons de la pénurie et sur les dispositions qui pourraient être prises pour éviter à l'avenir une telle situation.
André Reichardt
M. le ministre de l’intérieur
La loi autorise en effet les maires à faire appel à des sociétés de surveillance privée, après accord donné par le préfet. Leur domaine d’intervention est particulièrement réglementé (article L. 6131 du code de la sécurité intérieure), puisque celles-ci n’ont le droit d’exercer leur mission qu’à l’intérieur de lieux fermés, d’espaces minutieusement balisés, ou aux abords de ceux-ci, mais en aucun cas sur la voie publique. Les agents de surveillance privée qui assisteraient à des méfaits n’ont pas le droit d’intervenir en direct, mais doivent en référer aux autorités compétentes, en l’occurrence à la gendarmerie lorsqu’il s’agit de communes rurales ne bénéficiant pas de police municipale. Or, pour les communes éloignées d’une caserne de gendarmerie, celle-ci met parfois du temps à se rendre sur les lieux…
Depuis les attentats de novembre 2015, il est demandé aux maires d’être particulièrement vigilants aux questions de sécurité sans qu’il leur ait été donné véritablement les moyens de pouvoir y faire face.
Une circulaire du ministère de l’intérieur datée du 5 janvier 2016 demande aux préfets d’élaborer des « conventions locales de coopération de sécurité » (CLCS) dans les zones exposées à la délinquance associant les maires et les services de sécurité privée autour des forces de l’ordre. Il s’agit d’une convention visant essentiellement à permettre des échanges d’informations, qui par ailleurs reconnaît, en les incluant dans le dispositif, le rôle joué par les sociétés privées de sécurité, sans toutefois solutionner les soucis de sécurisation des élus.
Aussi lui demande-t-il de lui indiquer comment les maires peuvent résoudre la quadrature du cercle entre leur obligation d’assurer la sécurité sur le territoire de leurs communes, l’absence de police municipale - pour les petites communes - et le recours limité et encadré à des sociétés de surveillance privée.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Mais après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
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