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CASS/JURITEXT000046727208.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1280 FS-B Pourvoi n° J 21-12.696 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 Mme [U] [N], en qualité d'inspectrice du travail de la section 03-09 de l'unité de contrôle 03 Lille-Est de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du Nord de la Dreets des Hauts de France, anciennement dénommée Direccte des Hauts de Fance section 03-09 Lille-Est de l'unité départementale Nord-Lille, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-12.696 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. L'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [N], ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, la plaidoirie de Me Pinatel, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2020), l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 Nord-Lille de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre Métropole (l'association) de mettre en oeuvre des mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l'être, au risque biologique lié au Covid-19. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable Enoncé du moyen 2. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer l'inspectrice du travail recevable en son action exercée sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail, alors : « 1°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques ; qu'en jugeant Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action fondée sur les dispositions spécifiques du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de service à la personne, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 du code du travail par fausse application ; 2°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que l'activité d'aide à domicile n'implique pas effectivement l'usage délibérée d'un agent biologique mais que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit par Mme [N] identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 ainsi que les articles R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail par fausse application ; 3°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon les articles R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction du risque d'infection qu'ils présentent et sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4 dont la liste est fixée par arrêté ; que l'arrêté du 27 décembre 2017 fixant la liste de ces agents biologiques pathogènes est intitulé "Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes" ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que cet arrêté, qui concerne uniquement les laboratoires, est applicable à l'activité d'aide à domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4421-1, R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2017 par fausse application ». Réponse de la Cour 3. Aux termes de l'article L. 4111-1, alinéa 1, du code du travail, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la quatrième partie du code du travail sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs. 4. Selon l'article L. 4732-1 du même code, l'inspecteur du travail, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions du livre IV de la quatrième partie du code du travail, peut saisir le juge des référés pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque. 5. Aux termes de l'article R. 4421-1 du même code, les dispositions relatives aux risques biologiques sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Toutefois, les dispositions des articles R. 4424-2, R. 4424-3, R. 4424-7 à R. 4424-10, R. 4425-6 et R. 4425-7 ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique. 6. Selon l'article R. 4421-4 du même code, sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4, dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la santé. 7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce une activité de service à la personne, en sa qualité d'employeur de droit privé, est soumise aux dispositions relatives à la prévention des risques biologiques. 8. La cour d'appel, après avoir constaté, d'une part, que l'activité d'aide à domicile pouvait conduire à exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont on ignore s'ils sont contaminés, à des agents biologiques et actuellement au Covid-19, d'autre part, que le document unique d'évaluation des risques professionnels établi par l'employeur identifiait un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une pandémie ou une épidémie en le classifiant de risque mortel et permettait d'écarter l'exception prévue à l'alinéa 2 de l'article R. 4421-1, enfin, que l'objet de l'arrêté du 27 décembre 2017 était, non seulement de fixer les règles de confinement applicables aux laboratoires, mais aussi d'actualiser la liste des agents pathogènes prévue par l'arrêté du 18 juillet 1994 pris en application de l'article R. 4421-4 du code du travail, a, à bon droit, décidé que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques étaient applicables au sein de l'association et déclaré recevable l'action engagée par l'inspectrice du travail. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident. Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [N], ès qualités, demanderesse au pourvoi principal Mme l'inspectrice du travail de la section 03-09 [Localité 3] Est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à statuer sur le surplus de ses demandes. 1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en refusant de statuer sur les prétentions de Mme l'inspectrice du travail en raison de leur caractère imprécis, quand, d'une part, celle-ci demandait à ce que soient ordonnées des mesures concrètes et, d'autre part, l'employeur convenait que les équipements de protection individuelle en débat étaient les masques FFP2 ou FFP3, ce dont il résultait que les prétentions étaient suffisamment détaillées pour permettre aux juges de statuer, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. 2° ALORS QUE le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ; qu'en déclarant que l'imprécision des prétentions de Mme l'inspectrice du travail constituait un obstacle à l'application de la loi, quand il était tenu de se prononcer sur les mesures de protection des salariés de l'association ADAR sollicitées, la cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil. 3° ALORS subsidiairement QU'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant que les mesures sollicitées de Madame l'inspectrice du travail étaient insuffisamment précises et que pour ce seul motif, il convenait de les rejeter, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, demanderesse au pourvoi incident Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action exercée sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail, 1°) ALORS QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques ; qu'en jugeant Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action fondée sur les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de sevice à la personne, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 du code du travail par fausse application. 2°) ALORS (subsidiairement) QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que l'activité d'aide à domicile n'implique pas effectivement l'usage délibérée d'un agent biologique mais que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit par Mme [N] identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 ainsi que les articles R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail par fausse application. 3°) ALORS QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon les article R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction du risque d'infection qu'ils présentent et sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4 dont la liste est fixée par arrêté ; que l'arrêté du 27 décembre 2017 fixant la liste de ces agents biologiques pathogènes est intitulé « Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes » ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que cet arrêté, qui concerne uniquement les laboratoires, est applicable à l'activité d'aide à domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4421-1, R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2017 par fausse application.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1313 F-B Pourvoi n° A 21-16.000 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-16.000 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [W] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor,Périer, avocat de la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de [H], et après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 10 mars 2021), Mme [T] a été engagée le 13 septembre 2010 par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP), en qualité d'assistante de direction. 2.Contestant son licenciement pour motif économique notifié le 27 mai 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, alors «qu'en cas d'inexécution du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable ; que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'il a dispensé le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [T], qui avait été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et du plan de mobilité professionnelle mis en place par la SEMAVIP, a indiqué, par lettre du 21 avril 2016, qu'elle avait retrouvé un nouvel emploi à la condition d'être disponible rapidement et a précisé, par lettre du 22 avril 2016, qu'elle devait être disponible au plus tard le vendredi 3 juin 2016, demandant en conséquence à « être dispensée du préavis (...) dans le cadre du licenciement économique dont nous avons parlé » ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur lui avait en conséquence indiqué « nous vous confirmons que nous acceptons votre demande d'être dispensée du préavis à compter du 3 juin 2016 » ; qu'en retenant cependant que l'employeur était redevable du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif tout aussi inopérant qu'erroné que la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable. 6. Selon l'article L. 1231-4 du même code, l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement. 7. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait renoncé le 21 avril 2016 à l'exécution du préavis, a exactement retenu que cette renonciation n'était pas valable comme intervenue avant la notification de son licenciement le 27 mai 2016, peu important la communication d'un plan de mobilité professionnelle avant cette date. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors : « 1°/ que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les obligations qui en résultent, peut tenir compte, dans ses recherches de reclassement, de la volonté du salarié d'être licencié rapidement pour pouvoir occuper un autre emploi ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP faisait valoir qu'elle avait informé Mme [T], le 15 avril 2016, que son poste serait supprimé et qu'aucun reclassement n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société publique locales d'aménagement (SPLA) et lui avait proposé un accompagnement à la recherche d'emploi ; que par lettres des 20, 21 et 22 avril 2016, Mme [T] avait répondu qu'elle n'était pas intéressée par le dispositif d'accompagnement à la recherche d'emploi et qu'ayant obtenu une proposition d'embauche, elle souhaitait être licenciée rapidement pour occuper cet autre emploi ; qu'en affirmant que cette demande de la salariée ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, pour en déduire que l'employeur, qui ne démontrait pas avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en proposant à la salariée les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ; 2°/ qu' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur établit qu'aucun poste compatible avec les compétences du salarié n'était disponible à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le reclassement de Mme [T] n'était pas impossible en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. » Réponse de la Cour 10. L'employeur est tenu avant tout licenciement économique, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure. 11. Il en résulte qu'il ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté du salarié, exprimée par avance, en dehors de toute proposition concrète. 12. Ayant relevé que si la salariée avait indiqué par avance qu'elle bénéficiait d'une embauche et avait demandé d'enclencher le licenciement, cette circonstance ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, et fait ressortir qu'il ne lui avait pas proposé les postes disponibles listés dans le plan de mobilité professionnelle, la cour d'appel a exactement décidé, procédant à la recherche prétendument omise, qu'il n'avait pas satisfait de façon sérieuse et loyale à son obligation de reclassement préalable au licenciement. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] les sommes de 29.541,60 euros à titre d'indemnité de préavis et 2.954,16 euros au titre de congés payés afférents ; ALORS QU' en cas d'inexécution du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable ; que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'il a dispensé le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [T], qui avait été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et du plan de mobilité professionnelle mis en place par la SEMAVIP, a indiqué, par lettre du 21 avril 2016, qu'elle avait retrouvé un nouvel emploi à la condition d'être disponible rapidement et a précisé, par lettre du 22 avril 2016, qu'elle devait être disponible au plus tard le vendredi 3 juin 2016, demandant en conséquence à « être dispensée du préavis (...) dans le cadre du licenciement économique dont nous avons parlé » ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur lui avait en conséquence indiqué « nous vous confirmons que nous acceptons votre demande d'être dispensée du préavis à compter du 3 juin 2016 » ; qu'en retenant cependant que l'employeur était redevable du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif tout aussi inopérant qu'erroné que la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] la somme de 30.560,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 1. ALORS QUE l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les obligations qui en résultent, peut tenir compte, dans ses recherches de reclassement, de la volonté du salarié d'être licencié rapidement pour pouvoir occuper un autre emploi ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP faisait valoir qu'elle avait informé Mme [T], le 15 avril 2016, que son poste serait supprimé et qu'aucun reclassement n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société SPLA et lui avait proposé un accompagnement à la recherche d'emploi ; que par lettres des 20, 21 et 22 avril 2016, Mme [T] avait répondu qu'elle n'était pas intéressée par le dispositif d'accompagnement à la recherche d'emploi et qu'ayant obtenu une proposition d'embauche, elle souhaitait être licenciée rapidement pour occuper cet autre emploi ; qu'en affirmant que cette demande de la salariée ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, pour en déduire que l'employeur, qui ne démontrait pas avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en proposant à la salariée les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ; 2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur établit qu'aucun poste compatible avec les compétences du salarié n'était disponible à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le reclassement de Mme [T] n'était pas impossible en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-présentation du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle ; ALORS QUE le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnisation au titre de l'absence de proposition de contrat de sécurisation professionnelle qu'à la condition d'établir le préjudice causé par cette carence de l'employeur ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait que le défaut de proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle n'a causé aucun préjudice à la salariée, puisqu'elle avait retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée avant son licenciement et qu'elle a commencé ce nouvel emploi immédiatement après avoir quitté l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le préjudice subi sera indemnisé à hauteur de 1.500 euros, que « le défaut de communication [du contrat de sécurisation professionnelle] crée un préjudice au salarié en ce qu'il ne peut bénéficier des conséquences de ce contrat telles que rappelées notamment à l'article L. 1233-67 du code du travail », sans rechercher si la conclusion d'un contrat de travail avec un nouvel employeur ne faisait pas obstacle à la conclusion d'un contrat de sécurisation professionnelle et au bénéfice des avantages qui en résultent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1407 FS-B Pourvoi n° P 21-15.805 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Carrefour Supply Chain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], et ayant un établissement secondaire [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-15.805 contre le jugement rendu le 10 mars 2021 par le conseil de prud'hommes du Mans (section commerce), dans le litige l'opposant à M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carrefour Supply Chain, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost et Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes du Mans, 10 mars 2021), rendu en dernier ressort, M. [T], salarié de la société Carrefour Supply Chain, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017 à 2019. 2. La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à verser une certaine somme au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017-2018-2019, alors « qu'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2 264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la convention collective nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à "heures supplémentaires exceptionnelles exclues" », le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. » Réponse de la Cour 4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte. 5. Selon l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019, le montant de la prime annuelle, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles prévues par le texte, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues). 6. Le conseil de prud'hommes a retenu à bon droit que ces dispositions se limitent à exclure de l'assiette de calcul de la prime annuelle les heures supplémentaires exceptionnelles. Il en a exactement déduit que la majoration pour travail effectué un jour férié devait être prise en compte pour le calcul de la prime. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Carrefour Supply Chain aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Carrefour Supply Chain et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour Supply Chain, La société Carrefour Supply Chain fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [I] [T] une somme de 2.264,10 € au titre des primes annuelles des années 2017-2018-2019 ; ALORS QU'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2.264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la convention collective nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à "heures supplémentaires exceptionnelles exclues" » (jugement, p. 4), le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1372 FS-B Pourvoi n° H 21-14.304 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° H 21-14.304 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société [Localité 3] Automotive Exteriors, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT des métaux de la Moselle, du comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette,conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2021), rendu en matière de référé, et les productions, des négociations en vue de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été ouvertes en mai 2019 au sein de la société [Localité 3] Automotive Exteriors (la société HAE), spécialisée dans les équipements automobiles, à la suite de l'annonce par le groupe Daimler de l'arrêt de la production des véhicules Smart à moteurs thermiques, entraînant une modification de son activité et un sureffectif de 71 postes sur 231. 2. Un mouvement de grève a débuté au sein de la société HAE le 5 juin 2019 et un accord de médiation, ainsi qu'un accord de méthode, ont été conclus les 28 juin et 18 juillet suivants. Un PSE modifié a été présenté le 17 novembre 2019 aux membres du comité social et économique de la société HAE (le comité). 3. Par lettre du 7 janvier 2020, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a indiqué à la société HAE que les conditions de mise en oeuvre du PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies et que le PSE ne constituait pas l'outil juridique adéquat pour accompagner les mobilités envisagées dans le cadre du projet de restructuration excluant tout licenciement. La société HAE a en conséquence mis un terme à l'élaboration du PSE. 4. La Confédération générale du travail de la société HAE (la CGT HAE), la Confédération française démocratique du travail des métaux de la Moselle (la CFDT des métaux de la Moselle) et le comité, ont saisi le président d'un tribunal judiciaire statuant en référé afin qu'il soit fait interdiction à la société HAE de soumettre à la signature des salariés quittant l'entreprise dans le cadre de sa réorganisation pour motif économique, la « convention de transfert d'un commun accord au sein de Smart France » et de suspendre la réorganisation objet du projet soumis au comité au mois de novembre dans l'attente de la présentation et de la négociation d'un PSE avec les syndicats représentatifs. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité font grief à l'arrêt de déclarer le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de leurs demandes au profit de l'ordre administratif, alors « qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 1233-57-6 du code du travail que l'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, le cas échéant aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. 8. La cour d'appel qui a constaté que, par lettre du 7 janvier 2020 notifiée au secrétaire du CSE et aux délégués syndicaux, la DIRECCTE avait indiqué que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dont elle était saisie, en vue de l'exercice d'un contrôle susceptible de conduire à une décision de validation ou d'homologation, ne constituait pas l'outil juridique adéquat, dès lors que les conditions de mise en oeuvre d'un PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies, en a exactement déduit que cette décision constituait un acte administratif faisant grief et susceptible comme tel d'un recours et qu'elle ne pouvait en conséquence se prononcer sur les demandes des syndicats et du comité social et économique. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors. Le syndicat CFDT des Métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société HAE font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de ses demandes au profit de l'ordre administratif. 1° ALORS QUE selon l'article L. 1233-61 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'employeur, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 de ce code ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l'objet d'un litige distinct ; que le juge judiciaire est pour sa part compétent pour statuer sur le litige relatif à une demande de suspension d'un projet de réorganisation ne donnant pas lieu à un projet de licenciement d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours dans une entreprise d'au moins cinquante salariés et à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en déclarant le juge judiciaire incompétent pour trancher le litige relatif à la mise en oeuvre du projet de réorganisation, quand il ressort de la décision attaquée que l'administration avait décliné sa compétence au motif que n'était pas envisagé le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours et que, pour ce motif, le projet de réorganisation n'était pas soumis à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-57-5, L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. 2° ALORS QU'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1408 FS-B Pourvoi n° A 21-19.841 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [N]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [I] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-19.841 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Vergers des Verries, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, MMes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Angers, 29 octobre 2020), M. [N] a été engagé par la société Vergers des Verries le 4 octobre 2017 suivant contrat à durée déterminée saisonnier aux fonctions d'exécutant occasionnel. 2. Par lettre du 5 octobre 2017, le salarié a "pris acte" de la rupture du contrat de travail estimant que le lien de confiance était rompu du fait de la transmission pour signature d'un contrat de travail comportant une signature de l'employeur photocopiée et non manuscrite. 3. Le 14 décembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de demandes se rapportant à la rupture du contrat. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors : « 1° / qu'une signature manuscrite scannée n'est ni une signature originale, ni une signature électronique et n'a aucune valeur juridique ; qu'en l'absence de signature régulière par l'une des parties, le contrat à durée déterminée n'est pas considéré comme ayant été établi par écrit et, par suite, est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, en repoussant la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée aux motifs que l'apposition sur le contrat de l'image numérisée de la signature n'équivalait pas à une absence de signature de l'employeur et n'aurait ni affecté la validité formelle du contrat, ni contrevenu aux règles qui précèdent, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil ; 2°/ qu'en retenant encore, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [N] avait signé le contrat de travail à durée déterminée dont il demandait la requalification, qu'il n'était pas contesté que la signature dont l'image était reproduite sur le contrat de travail était celle du gérant de la société Vergers des Verries, lequel était habilité à le signer, peu important le procédé technique utilisé, et permettait d'identifier clairement le représentant légal de la société, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 1242-12, alinéa 1, du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. 7. La cour d'appel, après avoir énoncé que l'apposition d'une signature sous forme d'une image numérisée ne pouvait être assimilée à une signature électronique au sens de l'article 1367 du code civil et constaté qu'il n'était pas contesté que la signature en cause était celle du gérant de la société et permettait parfaitement d'identifier son auteur, lequel était habilité à signer un contrat de travail, en a exactement déduit que l'apposition de la signature manuscrite numérisée du gérant de la société ne valait pas absence de signature, en sorte que la demande de requalification devait être rejetée. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, alors « que le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme en cas de faute grave de l'employeur ; que, pour débouter M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, la cour d'appel a retenu que "la signature numérisée est parfaitement valable en ce qu'elle [lui] permet (...) de savoir à quoi il s'engage et avec qui" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la signature manuscrite scannée n'ayant aucune valeur juridique, le non-respect du formalisme du contrat de travail à durée déterminée permettant à l'employeur de se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée en lieu et place du contrat de travail à durée déterminée convenu entre les parties et ainsi d'éluder les dispositions protectrices du salarié ayant signé un contrat de travail à durée déterminée constituait une faute grave imputable à l'EARL Vergers des Verries, la cour d'appel a violé l'article L. 1243-1 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014. » Réponse de la Cour 10. En raison du rejet du premier moyen, le moyen est inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [N], PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents au préavis ; 1. ALORS QU'une signature manuscrite scannée n'est ni une signature originale, ni une signature électronique et n'a aucune valeur juridique ; qu'en l'absence de signature régulière par l'une des parties, le contrat à durée déterminée n'est pas considéré comme ayant été établi par écrit et, par suite, est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, en repoussant la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée aux motifs que l'apposition sur le contrat de l'image numérisée de la signature n'équivalait pas à une absence de signature de l'employeur et n'aurait ni affecté la validité formelle du contrat, ni contrevenu aux règles qui précèdent, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil ; 2. ALORS QU'en retenant encore, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [N] avait signé le contrat de travail à durée déterminée dont il demandait la requalification, qu'il n'était pas contesté que la signature dont l'image était reproduite sur le contrat de travail était celle du gérant de la société Vergers des Verries, lequel était habilité à le signer, peu important le procédé technique utilisé, et permettait d'identifier clairement le représentant légal de la société, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au premier) M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ; ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme en cas de faute grave de l'employeur ; que, pour débouter M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, la cour d'appel a retenu que « la signature numérisée est parfaitement valable en ce qu'elle [lui] permet (...) de savoir à quoi il s'engage et avec qui » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la signature manuscrite scannée n'ayant aucune valeur juridique, le non-respect du formalisme du contrat de travail à durée déterminée permettant à l'employeur de se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée en lieu et place du contrat de travail à durée déterminée convenu entre les parties et ainsi d'éluder les dispositions protectrices du salarié ayant signé un contrat de travail à durée déterminée constituait une faute grave imputable à l'EARL Vergers des Verries, la cour d'appel a violé l'article L. 1243-1 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; 1. ALORS QUE le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l'embauche constitue le délit de travail dissimulé ; que M. [N] faisait valoir que l'employeur avait indiqué dans le contrat de travail à durée déterminée du 4 octobre 2017 avoir procédé à sa déclaration préalable d'embauche et qu'il ne pouvait ignorer la fausseté de cette déclaration puisqu'il n'y avait procédé que postérieurement, le 18 octobre suivant (conclusions d'appel, p. 9-10) ; qu'ayant constaté que l'employeur n'avait procédé à la déclaration préalable à l'embauche qu'avec un retard de 15 jours, la cour d'appel ne pouvait repousser la demande motif pris de ce que l'élément intentionnel du délai n'était pas établi, sans rechercher si cette intention ne résultait pas du caractère erroné de la mention du contrat de travail indiquant que la déclaration préalable d'embauche avait déjà été effectuée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble l'article L. 1221-10 du même code ; 2. ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'intention coupable de l'employeur ne résultait pas de la circonstance qu'il avait procédé à la déclaration préalable d'embauche de M. [N] postérieurement à la demande adressée par celui-ci à la MSA de confirmation de la déclaration de son emploi, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble l'article L. 1221-10 du même code ; 3. ALORS QU'en jugeant que le retard de l'employeur dans la déclaration de M. [N] aux organismes sociaux ne constituait pas le délit de travail dissimulé, cependant qu'elle constatait qu'il n'avait procédé à la déclaration préalable d'embauche que postérieurement à la rupture anticipée du contrat de travail, cette circonstance révélant nécessairement l'intention coupable de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble l'article L. 1221-10 du même code. Sur le recours à l'image numérisée d'une signature manuscrite, à rapprocher : 2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 19-11.744, Bull., (cassation partielle) ; 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.975, (cassation partielle) ; 2e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 19-24.117, (rejet) ; 2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-10.584, (cassation partielle). Sur le recours pour signature à un système de copie par un tiers, à rapprocher : Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.113, (rejet). Sur le recours à l'image numérisée d'une signature manuscrite, cf. :CE, 17 juillet 2013, Selafa Biopaj, n° 351931, mentionné aux tables du Recueil Lebon.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-83.019 F-B 4 JANVIER 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JANVIER 2023 M. [R] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 5 avril 2022, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, à l'annulation de son permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R] [F], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Un accident de la circulation a été provoqué par un véhicule de gendarmerie, conduit, dans le cadre de ses fonctions, par M. [R] [F]. 3. La conductrice du véhicule percuté est décédée des suites de ses blessures. Les deux passagers du véhicule de la gendarmerie ont subi des blessures ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois. 4. M. [F], poursuivi des chefs susmentionnés, a été déclaré coupable de ces délits et responsable des dommages causés aux victimes. 5. Statuant sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile et donné acte de son intervention à l'agent judiciaire de l'Etat. 6. Il a condamné M. [F] au versement d'une consignation en vue de l'expertise médicale ordonnée et au paiement de diverses sommes aux parties civiles. 7. M. [F], les parties civiles et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [M] et des consorts [T], a déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles, alloué à M. [M] la somme de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et condamné M. [F] aux dépens afférents à l'intervention des parties civiles, alors « que la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l'exercice de ses fonctions, par un véhicule ; qu'en l'espèce où il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'accident de circulation litigieux est survenu alors que M. [F], maréchal des logis chef, conduisait un véhicule de la gendarmerie avec, à son bord, une collègue et M. [M] afin de se rendre au domicile de ce dernier pour y effectuer une perquisition, la cour d'appel, en faisant supporter à M. [F] les conséquences civiles de l'accident, a méconnu les articles 1er de la loi du 31 décembre 1957, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 : 10. Aux termes de ce texte, la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions par un véhicule de l'Etat. Il s'en déduit que la partie civile n'est pas recevable à agir contre cet agent, pénalement responsable du délit. 11. L'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile, déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles et leur a alloué diverses sommes. 12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 5 avril 2022, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-80.696 F-B 4 JANVIER 2023 CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JANVIER 2023 M. [S] [J] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2022, qui, pour homicide involontaire, a condamné le premier à six mois d'emprisonnement avec sursis et la seconde à 80 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S] [J], les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [1], devenue la société [2], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après le décès d'[I] [T], salarié de la société [1], devenue la société [2] (la société), alors qu'il intervenait sur une ligne à haute tension, M. [S] [J] et la société ont été déclarés coupables du chef susvisé par le tribunal correctionnel. 3. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen présenté pour M. [J] et sur le moyen présenté pour la société [2] 4. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen présenté pour M. [J] et sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Enoncé des moyens 5. Le moyen présenté pour M. [J] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré, par arrêt confirmatif, M. [J] et la société [2] solidairement responsables du préjudice subi par Mme [W] et Mme [E] [T], alors « que selon l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur ou ses préposés ; qu'en retenant la responsabilité solidaire de M. [J], préposé de la société [2], pour le préjudice des ayants-droits de la victime, qu'elle condamnait pour homicide par imprudence, la cour d'appel a méconnu l'article L. 451-1 du code de procédure pénale. » 6. Le moyen relevé d'office et mis dans le débat est pris de la violation de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale et critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré M. [J] et la société solidairement responsables du préjudice subi par [O] [T]. Réponse de la Cour 7. Les moyens sont réunis. Vu l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : 8. Selon ce texte, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas qu'il prévoit, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur et ses préposés. 9. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société et M. [J] solidairement responsables du préjudice subi par les parties civiles, l'arrêt attaqué énonce que, par application des dispositions des articles L. 411-1 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale, l'action en réparation des ayants droit que sont Mme [M] [W], conjointe du défunt, et [E] et [O], ses enfants, ne peut pas être exercée sur le fondement du droit commun et relève du pôle social. 10. En l'état de ces énonciations, alors que la juridiction répressive, qui n'a pas compétence pour se prononcer sur la responsabilité civile de l'employeur de la victime et de son préposé, ne peut que déclarer recevable la constitution de partie civile des ayants droit de la victime, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par la société [2] : REJETTE le pourvoi ; Sur le pourvoi formé par M. [J] : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 26 janvier 2022, en ses seules dispositions ayant déclaré la société [2] et M. [J] solidairement responsables du préjudice subi par Mme [W] en son nom personnel et en sa qualité de responsable légale de son fils mineur et par Mme [E] [T], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que la société [2] devra payer à M. [J] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000046959983.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 22-80.393 FS-B 4 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JANVIER 2023 L'association [4], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 décembre 2021, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée, du chef d'infraction au code forestier, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'association [4], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, Me Lécuyer ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mmes Ingall-Montagnier, Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. L'association [4] a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de défrichement sans autorisation de bois ou de forêt de particulier portant sur des parcelles destinées à la réalisation d'une zone d'activité commerciale. 3. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu. 4. La partie civile a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt confirmatif attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de défrichement sans autorisation de bois ou forêt d'un particulier, alors : « 1°/ que l'infraction de défrichement non autorisé est consommée dès lors qu'est caractérisée une atteinte à la destination forestière de la parcelle concernée par une intervention volontaire ; qu'en se bornant à rechercher si les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] étaient ou non boisées lors de l'intervention de destruction en août 2014, sans rechercher si elles avaient ou non une destination forestière, notamment au regard de la circonstance que les souches des chênes, coupés lors d'une intervention en 2003, « étaient restées » (arrêt attaqué, p. 8, pénult. parag.), destination à laquelle l'intervention réalisée en 2014 avait porté atteinte, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1, L. 341-3 et L. 363-1 du code forestier ; 2°/ que la destruction volontaire d'un boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis à l'obligation d'une autorisation administrative pour qu'il soit procédé au défrichement ; que l'association [4] exposait que, concernant les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2], si une autorisation préfectorale de défrichement avait été accordée le 5 novembre 2003, celle-ci avait été annulée par une décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rendue le 26 janvier 2006, décision produite devant la chambre de l'instruction par un mémoire communiqué à la chambre de l'instruction le 9 novembre 2021 ; qu'elle en tirait la conséquence que le défrichement n'était pas légal et qu'ainsi le déboisement intervenu en 2003 ne pouvait justifier l'intervention réalisée en août 2014 ; qu'en se bornant à constater que les parcelles en cause n'étaient pas boisées en 2014 compte tenu du défrichement intervenu en 2003 (arrêt attaqué, p. 8, §7 et 8 et p. 9, §2), sans répondre à ce moyen et bien qu'un tel défrichement illégal imposât une nouvelle autorisation administrative pour toute destruction future de la végétation sur les parcelles concernées, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1, L. 341-3 et L. 363-1 du code forestier, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction doit prononcer sur chacun des faits dénoncés par la partie civile dans sa plainte ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge d'instruction qui s'était bornée à examiner la situation des parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2], sans rechercher, comme le soutenait l'association, si l'infraction poursuivie n'était pas caractérisée s'agissant de la parcelle AH [Cadastre 3] pourtant incluse dans le terrain incriminé, la chambre de l'instruction a violé les articles 176 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa troisième branche 6. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué prononce au regard des seules parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2], sans s'arrêter à la parcelle AH [Cadastre 3]. 7. En cet état, et dès lors qu'il ne résulte pas des pièces jointes à la plainte avec constitution de partie civile que le juge d'instruction aurait été saisi de faits relatifs à la parcelle AH [Cadastre 3], à propos de laquelle la demande d'acte déposée le 8 janvier 2021 n'a d'ailleurs fait aucune observation, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Vu les articles L. 363-1, L. 341-1 et L. 341-3 du code forestier : 8. Il résulte de ces textes qu'est punissable le défrichement, effectué sans autorisation, consistant en toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. 9. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les diverses constatations et auditions recueillies au cours de l'information, énonce qu'il en résulte que les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] n'étaient pas boisées en 2014 et que cet état pouvait parfaitement se concevoir compte tenu du défrichement ayant eu lieu en 2003 qui, de l'avis de l'ensemble des propriétaires riverains, avait « tout rasé ». 10. Les juges en concluent que les travaux réalisés en 2014 sur ces parcelles ne peuvent être considérés comme un défrichement au sens de l'article L. 341-1 du code forestier. 11. En se déterminant ainsi, tout en constatant par ailleurs que les six propriétaires de terrains jouxtant les parcelles litigieuses s'accordaient sur le fait qu'après les coupes de 2003, les souches de tous les arbres rasés étaient restées, de sorte qu'il n'avait été mis fin ni à l'état boisé ni à la destination forestière des parcelles, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-81.393 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 Mme [T] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 février 2022, qui, dans l'information suivie contre elle, notamment, des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [T] [J], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une première information judiciaire ouverte des chefs notamment d'infractions à la législation sur les armes, l'appartement occupé par M. [F] [X] et Mme [T] [J] situé au [Adresse 2], a fait l'objet d'une sonorisation, autorisée par ordonnance du 3 juin 2016, renouvelée jusqu'au 6 juin 2017. 3. Le 8 septembre 2017 et le 20 juin 2018, les enquêteurs ont indiqué avoir tenté de pénétrer dans l'appartement afin de retirer le dispositif alors désactivé, sans y parvenir, en raison de la pose d'une serrure inviolable. Ils ont précisé surseoir à ce retrait dans l'attente d'une opportunité d'accès à l'appartement. 4. Dans le cadre d'une deuxième information judiciaire portant sur des faits de tentative d'assassinat, le juge d'instruction a ordonné, le 16 novembre 2018, la sonorisation de l'appartement susvisé et a prolongé cette mesure à plusieurs reprises. 5. Pour mettre en oeuvre cette sonorisation, le service technique est « entré en communication » avec le dispositif resté en place dans l'appartement, qu'il a activé le 3 décembre 2018 à 20 heures. 6. Cette mesure aurait permis de percevoir des manipulations d'importantes sommes d'argent, dissimulées dans des caches au sein de l'appartement. 7. Sur la base de ces renseignements, une troisième information judiciaire a été ouverte le 12 avril 2019, des chefs de blanchiment de crime ou délit commis en bande organisée, non-justification de ressources et association de malfaiteurs. 8. Par ordonnance du même jour, le juge d'instruction a ordonné la sonorisation de l'appartement précité, qu'il a renouvelée jusqu'au 28 septembre 2020, date à laquelle une perquisition a été diligentée et a permis le retrait du dispositif posé dans le cadre de la première sonorisation. 9. Par ailleurs, le juge d'instruction a autorisé, par ordonnance du 7 octobre 2019, la sonorisation de l'appartement de Mme [J], situé au [Adresse 1], à [Localité 4]. 10. Cette mesure a été prolongée jusqu'au 6 octobre 2020, date à laquelle le juge d'instruction a dessaisi les services de police. 11. Par ordonnance du 14 octobre 2020, il a autorisé la poursuite de la sonorisation de cet appartement et a confié cette mesure au directeur général de la gendarmerie nationale par commission rogatoire datée du même jour. 12. Dans le cadre de la troisième information judiciaire susvisée, Mme [J] a été mise en examen le 16 janvier 2021 des chefs de blanchiment en bande organisée de crimes ou de délits et notamment d'extorsion en bande organisée, fraude fiscale, trafic de stupéfiants, ainsi que des chefs de non-justification de ressources et association de malfaiteurs. 13. Le 4 juin 2021, son avocat a déposé une requête en annulation notamment de la mesure de sonorisation de ses appartements. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa première branche, les quatrième et cinquième moyens 14. Les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses autres branches et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé des moyens 15. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en nullité, alors : « 2°/ que si un même domicile peut faire l'objet, à l'occasion de procédures distinctes, de mesures de sonorisation successives, la durée globale de ces mesures ne peut excéder la durée maximale de sonorisation prévue par la loi ; que, pour apprécier la durée globale desdites mesures, il convient de tenir compte de la période pendant laquelle le dispositif est resté installé dans le domicile y compris le temps où il n'était pas activé ; qu'en rejetant le moyen de nullité pris de ce que l'appartement sis [Adresse 2] avait fait l'objet, à l'occasion de trois procédures distinctes, de mesures de sonorisation successives dont la durée globale avait dépassé le délai maximal de deux ans prévu par la loi au motif inopérant qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même logement ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes sauf à ce que le recours à un stratagème ne soit établi, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-98 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, 706-95-16 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019 précitée, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que l'installation et le maintien d'un dispositif de sonorisation dans un domicile porte une atteinte grave au respect de la vie privée que ce soit, bien qu'avec une intensité différente, le temps où ce dispositif est activé comme celui où il est désactivé mais peut l'être, à tout moment, sur décision de l'autorité judiciaire ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter le moyen de nullité soulevé par la mise en examen, qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même logement ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes sauf à ce que le recours à un stratagème ne soit établi sans rechercher, comme elle y était invitée, si le recours, pendant plus quatre ans, à des mesures de sonorisation, dans le même appartement, à l'encontre des mêmes personnes, dans le cadre d'informations judiciaires ouvertes au cabinet du même juge d'instruction et dans lesquelles le même service de police était rogatoirement saisi, ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée (requête, p. 6 à 8), la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » 16. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté se requête en nullité, alors : « 2°/ que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme prohibe le maintien d'un dispositif de sonorisation en dehors de toute autorisation quand bien même ce dernier ne serait pas exploité ; qu'en ne répondant pas au moyen de madame [J] qui faisait valoir que le maintien sans droit puis la réactivation du dispositif avait porté gravement atteinte à son droit au respect de la vie privée dans la mesure où les enquêteurs pouvaient, pendant plus de dix-huit mois, activer ce dispositif à distance de façon arbitraire et en dehors de tout contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Les moyens sont réunis. Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche 18. C'est à bon droit que la chambre de l'instruction, après avoir examiné la régularité de chacune des mesures de sonorisation ordonnées dans l'appartement sis [Adresse 2], a énoncé qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même domicile ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisations à l'occasion de procédures distinctes, sauf à ce que le recours à un stratagème soit établi, pour les motifs qui suivent. 19. La technique spéciale d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale ne peut être mise en oeuvre que sur autorisation écrite et motivée d'un juge justifiant de la nécessité des opérations, par référence aux éléments de fait et de droit issus de chaque procédure dans le cadre de laquelle cette mesure est ordonnée. 20. Placée sous le contrôle effectif d'un magistrat du siège, la mesure de sonorisation ne peut donner lieu à transcription que des données utiles à la manifestation de la vérité interceptées dans le temps de l'autorisation du juge, conformément aux dispositions de l'article 706-95-16 dudit code. 21. De plus, elle ne peut être ordonnée que pour les seules nécessités de l'enquête ou de l'information judiciaire relatives à une infraction d'une particulière gravité et complexité, de sorte qu'elle est une mesure nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. 22. Enfin, les articles 706-98 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi du 23 mars 2019, et 706-95-16 du même code, dans sa version issue de cette loi, prévoient que la durée totale des opérations ordonnées dans une même procédure ne peut excéder deux ans. 23. Ainsi, dans la procédure concernée, aucune captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles ou images ne saurait avoir lieu après expiration de ce délai, indépendamment de la date du retrait du dispositif de sonorisation, qui n'en constitue qu'une modalité d'exécution. 24. Il en résulte que le grief, qui ne critique pas la régularité de chacune des sonorisation ordonnées, doit en conséquence être écarté. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche 25. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une atteinte effective à sa vie privée consécutive au seul maintien dans les lieux du dispositif technique prévu à l'article 706-96 du code de procédure pénale, dont l'accès était devenu impossible, dès lors que, ainsi que la chambre de l'instruction l'a constaté, il résulte des procès-verbaux dressés par les enquêteurs et de la note du 13 septembre 2021 du commissaire divisionnaire, chef de l'office central de lutte contre le crime organisé, que le dispositif de captation a été désactivé et le matériel de réception des conversations retiré dès la fin des opérations autorisées par le juge d'instruction, ce dispositif devenant dès lors inutilisable par les enquêteurs. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en nullité, alors : « 1°/ que le renouvellement d'une autorisation de mise en place d'un dispositif de sonorisation doit intervenir avant l'expiration de la mesure précédente même si le système mis en place est resté, pendant un certain temps, désactivé dans les lieux concernés ; qu'en rejetant le moyen de nullité dirigé contre l'ordonnance du 14 octobre 2020 par laquelle le juge d'instruction avait ordonné la prolongation de la sonorisation de l'appartement situé [Adresse 1] et qui était tiré de ce que cette ordonnance de prolongation avait été prise à une date postérieure à l'expiration de la précédente prolongation au motif inopérant qu'avant qu'il ne prenne cette ordonnance le juge d'instruction avait dessaisi le service de police en charge de l'enquête au profit d'un service de la gendarmerie nationale et qu'il résulte d'un procès-verbal du 6 octobre 2020 que ce service de police avait mis fin à « l'écoute de la sonorisation », la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 706-95-16 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; 2°/ qu'en écartant ce moyen de nullité au motif que le service de police initialement saisi avait mis fin à « l'écoute de la sonorisation » du domicile situé [Adresse 1] lorsqu'elle constatait que ledit service avait mis fin à l'écoute « au profit de la section de recherche d'[Localité 3] », ce dont il résultait que l'exploitation du dispositif n'avait pas cessé le 6 octobre 2020 et que, compte tenu de la pose effective de ce dispositif le 8 octobre 2019, le renouvellement ne pouvait intervenir après le 8 octobre 2020, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-95-16 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. » Réponse de la Cour 28. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de la prolongation de la sonorisation de l'appartement situé au [Adresse 1], l'arrêt attaqué énonce en substance que le renouvellement de la mesure de sonorisation, dont le dispositif a été effectivement posé le 8 octobre 2019, aurait dû intervenir avant le 8 octobre 2020. 29. Les juges relèvent que, le 5 octobre 2020, le juge d'instruction a dessaisi les services de police initialement chargés de l'exécution de la sonorisation. 30. Ils ajoutent que, par ordonnance du 14 octobre 2020, le juge d'instruction a, de nouveau, autorisé la sonorisation de l'appartement situé au [Adresse 1] pour une durée de quatre mois et a délivré, le même jour, une commission rogatoire au directeur général de la gendarmerie nationale. 31. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a exactement analysé la portée de l'ordonnance du 14 octobre 2020 comme constituant une nouvelle mesure de sonorisation et non la prolongation de la précédente, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 32. En effet, un même domicile peut faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion d'une même procédure, dès lors que la durée totale des opérations n'excède pas deux ans, conformément à l'article 706-95-16 du code de procédure pénale . 33. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 34. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 22-85.686 FS-B 6 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2022 M. [K] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 9e chambre, en date du 21 septembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K] [T], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Initialement mis en examen du chef de viol par conjoint ou concubin et placé en détention provisoire le 30 octobre 2020, M. [K] [T] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle par conjoint ou concubin. 3. Par jugement du 17 février 2022, les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, condamné à cinq ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire et ont ordonné son maintien en détention. 4. Par arrêt du 1er juin 2022, la cour d'appel a confirmé le jugement et maintenu M. [T] en détention. 5. Ce dernier a formé un pourvoi contre cet arrêt, en cours d'examen par la chambre criminelle de la Cour de cassation. 6. Le 16 juin 2022, M. [T] a saisi la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'une demande de mise en liberté. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de mise en liberté, alors « que la cour d'appel, saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne maintenue en détention depuis plus de huit mois, doit, si elle envisage de rejeter cette demande, motiver sa décision au regard des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte de la procédure et de sa fiche pénale que Monsieur [T] était, au jour où la Cour d'appel a statué sur sa demande de remise en liberté, maintenu en détention provisoire, dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 1er juin 2022, depuis plus de huit mois pour avoir été placé en détention provisoire le 30 octobre 2020 ; qu'en se bornant, pour rejeter cette demande de mise en liberté, à énoncer que la détention provisoire constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs fixés par l'article 144 du Code de procédure pénale, à l'exclusion du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sans motiver sa décision au regard des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du Code de procédure pénale, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions précitées, ensemble les articles 222-28 et 222-48-1 du Code pénal, 148-1, 137-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que M. [T] a commis une agression sexuelle en tentant d'étrangler sa victime, que d'autres femmes ont été victimes de ses violences, que les expertises psychiatriques font craindre un nouveau passage à l'acte, que, contestant les faits, il n'a entrepris ni réflexion ni démarche de soins et qu'il projette de retrouver la situation dans laquelle il se trouvait au moment des faits. 9. Les juges ajoutent que M. [T] ne bénéficie ni d'une insertion socio-professionnelle ni d'attaches familiales à proximité et que la victime réside non loin de son domicile. 10. Ils en déduisent que la détention provisoire est l'unique moyen de parvenir aux objectifs, fixés par l'article 144 du code de procédure pénale, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de garantir le maintien de M. [T] à la disposition de la justice et de prévenir le risque de pression sur la victime, et qu'une mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique ne pourrait, quelles qu'en soient les modalités, permettre d'atteindre ces objectifs, compte tenu de la liberté de mouvement et de communication que conserverait l'intéressé. 11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale, a justifié sa décision. 12. En effet, les dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, selon lesquelles, en matière correctionnelle, les décisions du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1 du même code, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés, ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement. 13. Dès lors, le moyen doit être écarté. 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-85.388 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [L] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 31 août 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, associations de malfaiteurs, contrebande de marchandises prohibées, en récidive, et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [T], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [L] [T] a fait l'objet, dans le cadre d'une enquête sur un trafic international de stupéfiants, d'un mandat d'arrêt délivré le 9 juin 2022 par le juge d'instruction. Il a été interpellé aux Emirats arabes unis et remis aux autorités françaises le 5 août 2022. 3. Le 8 août suivant, lors de son interrogatoire de première comparution, au cours duquel il était assisté de Mme Sophie Tesson, collaboratrice de M. Raphaël Chiche, M. [T] a désigné ce dernier comme avocat choisi et a été mis en examen des chefs susvisés. 4. Le juge d'instruction a délivré un permis de communiquer à M. Chiche le même jour. 5. M. [T] a sollicité un report du débat contradictoire, lequel a été fixé au 11 août 2022, à 14 heures. 6. Par courriel du 8 août à 20 heures 44, adressé au cabinet d'instruction n° 4, M. Chiche a demandé un permis de communiquer pour Mme Tesson et M. [R] [V], avocats collaborateurs. 7. Le 11 août, à 13 heures 31, M. Chiche a adressé une télécopie au juge des libertés et de la détention, indiquant que, le permis de communiquer sollicité pour Mme Tesson n'ayant pas été délivré alors qu'il avait été demandé, M. [T] n'avait pas été en mesure de préparer sa défense, et sollicitait en conséquence un renvoi. 8. En réponse aux questions du greffe du juge des libertés et de la détention puis du parquet général, la greffière du cabinet d'instruction a indiqué dans deux soit-transmis des 8 et 30 août 2022, d'une part, avoir remis en mains propres à la collaboratrice de M. Chiche un permis de communiquer au nom de celui-ci et, d'autre part, lui avoir précisé qu'elle devait envoyer ses demandes concernant ce dossier à l'adresse structurelle du service de l'instruction, durant l'absence du greffier du cabinet en charge du dossier, un message d'absence sur l'adresse structurelle dudit cabinet étant mis en place. 9. Par ordonnance du 11 août 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi aux motifs que M. [T] avait refusé d'être assisté par l'avocat de permanence et que les délais ne permettaient pas un nouveau renvoi. Il a placé l'intéressé en détention provisoire. 10. Celui-ci a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux JIRS rendue le 11 août 2022 ordonnant le placement en détention provisoire de M. [T], alors : « 1°/ que les droits de la défense, au premier rang desquels figure le droit de communiquer avec son avocat, qui inclut celui de recevoir ses visites et de s'entretenir avec lui, supposent qu'un permis de communiquer soit délivré non seulement à l'avocat désigné par la personne mise en examen, mais encore, lorsque celui-ci en fait la demande, à ses collaborateurs, avant la tenue du débat contradictoire différé relatif à la détention ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constations de la Chambre de l'instruction que Maître Raphaël Chiche, avocat désigné par Monsieur [T], a, dès la mise en examen de l'exposant, sollicité la délivrance d'un permis de communiquer au nom de ses collaborateurs par courriel adressé à la boîte structurelle du cabinet d'instruction en charge de l'affaire ; qu'il appartenait dès lors au juge d'instruction ou, en cas d'empêchement de celui-ci, à un juge désigné pour le substituer, de délivrer ce permis de communiquer en temps utile ; qu'en retenant, pour écarter l'atteinte aux droits de la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Monsieur [T] en détention, qu'il appartenait à l'avocat de Monsieur [T] de s'adresser à un autre juge d'instruction afin de solliciter ce permis de communiquer, le juge en charge du dossier étant en vacances, quand une telle circonstance résultait de la seule organisation du service de la justice et ne pouvait être opposée à l'avocat de Monsieur [T], qui avait sollicité le permis de communiquer de ses collaborateurs dans les formes légales, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du Code pénitentiaire, préliminaire, D. 32-1-2, D. 591, D. 592, R. 57-6-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que les droits de la défense, au premier rang desquels figure le droit de communiquer avec son avocat, qui inclut celui de recevoir ses visites et de s'entretenir avec lui, supposent qu'un permis de communiquer soit délivré non seulement à l'avocat désigné par la personne mise en examen, mais encore, lorsque celui-ci en fait la demande, à ses collaborateurs, avant la tenue du débat contradictoire différé relatif à la détention ; qu'en retenant, pour écarter l'atteinte aux droits de la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Monsieur [T] en détention, que ni l'avocat désigné par ce dernier ni ses collaborateurs n'avaient émis d'observation au moment de la délivrance d'un permis de communiquer au seul nom de Maître Raphaël Chiche, quand il résultait de ses propres constatations que dès le soir de cette délivrance, l'avocat de l'exposant avait sollicité, par courriel adressé à la boîte structurelle du cabinet d'instruction en charge de l'affaire, la délivrance d'un permis de communiquer au nom de ses collaborateurs, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du Code pénitentiaire, préliminaire, D. 32-1-2, D. 591, D. 592, R. 57-6-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 3°/ que dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise ; que s'il apparaît d'emblée que le versement de cette décision est impossible, la Chambre de l'instruction, qui ne peut procéder au contrôle du respect du principe de spécialité, est tenue d'ordonner la remise en liberté de la personne extradée ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de Monsieur [T] après avoir elle-même constaté que la décision de remise des autorités émiraties ne figurait pas en procédure et ne pouvait pas y figurer, les services du Bureau de l'Entraide Pénale Internationale ayant cherché en vain à obtenir cette décision pendant plusieurs mois, la Chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 696-6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 12 de la Convention d'extradition conclue le 2 mai 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis ; 4°/ que seule la lecture de la décision de remise des autorités judiciaires requises permet à la Chambre de l'instruction de s'assurer du respect du principe de spécialité ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de Monsieur [T] après avoir elle-même constaté que la décision de remise des autorités émiraties ne figurait pas en procédure et ne pouvait pas y figurer, les services du Bureau de l'Entraide Pénale Internationale ayant cherché en vain à obtenir cette décision pendant plusieurs mois, au seul motif que le placement en détention provisoire de Monsieur [T] « a été prononcé des mêmes chefs que ceux qui ont été visés au mandat d'arrêt sur lequel les autorités judiciaires des Emirats Arabes Unis se sont nécessairement fondées pour prononcer la remise de l'intéressé », la Chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant à justifier légalement sa décision au regard des articles 696-6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 12 de la Convention d'extradition conclue le 2 mai 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 12. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel le permis de communiquer pour les collaborateurs de l'avocat désigné n'aurait pas été délivré en temps utile, l'arrêt attaqué énonce notamment que ce permis a été demandé dans la soirée de l'interrogatoire de première comparution du 8 août 2022 et qu'il ressort d'un soit-transmis de la greffière que la collaboratrice qui a reçu, en mains propres, un permis au seul nom de l'avocat désigné, n'a présenté aucune observation. 13. Les juges ajoutent qu'il ressort de ce même soit-transmis que l'adresse électronique structurelle du service de l'instruction permettant une communication a également été remise à la collaboratrice concernée. 14. Ils relèvent que l'avocat ne s'est ému d'un éventuel défaut de délivrance du permis de communiquer à ses deux collaborateurs auprès du juge des libertés et de la détention que le 11 août 2022, à 13 heures 31, alors que le débat différé était fixé le même jour à 14 heures, et ce, pour réclamer un renvoi du débat que les délais de procédure ne permettaient pourtant pas. 15. Ils observent encore que l'avocat du demandeur n'a pas produit le message automatique d'absence qu'il a reçu en réponse et qui l'invitait à saisir le secrétariat commun de sa demande. 16. Ils en déduisent que la nullité n'est pas encourue. 17. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les droits de la défense. 18. En toute hypothèse, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la demande de permis de communiquer pour les deux collaborateurs de M. Chiche a été envoyée à une adresse électronique ne répondant pas au format « [Courriel 1] », seul éligible à la communication électronique pénale en application de la convention signée le 5 février 2021 avec le Conseil national des barreaux, qui a pour objet de garantir notamment la sécurité des échanges entre les avocats et les juridictions, l'intégrité des actes transmis et l'identification des acteurs de la communication électronique. Elle était dès lors irrecevable en application de l'article D. 591 du code de procédure pénale, dans sa version issue du décret n° 2022-546 du 13 avril 2022. 19. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 20. Pour écarter le moyen tiré du non-respect du principe de spécialité, l'arrêt attaqué énonce notamment que, si le bureau de l'entraide pénale internationale (BEPI) du ministère de la justice a adressé plusieurs demandes aux autorités émiriennes aux fins de transmission de la décision d'extradition, celles-ci ont transmis un message du 18 juillet 2022 émanant du ministère de l'intérieur fédéral des Emirats arabes unis indiquant en anglais : « Nous vous informons que la décision d'extradition urgente a été émise par notre autorité judiciaire. De plus, nous vous avisons que la personne concernée consent à l'extradition. » 21. Les juges relèvent que des demandes postérieures du BEPI des 3 et 4 août suivants n'ont pas abouti à la transmission d'éléments complémentaires et que l'attaché de sécurité intérieure en poste à Dubaï n'est pas davantage parvenu, dans le cadre de ses échanges avec les autorités émiriennes, à obtenir les documents sollicités. 22. Ils ajoutent que, même si aucun élément ne permet de déterminer que la personne mise en examen aurait renoncé au bénéfice du principe de spécialité, il doit être retenu que son placement en détention a été prononcé des mêmes chefs que ceux qui ont été visés au mandat d'arrêt sur lequel les autorités judiciaires des Emirats arabes unis se sont nécessairement fondées pour prononcer la remise de l'intéressé, la référence française visée par les autorités émiriennes dans la suite des messages échangés avec le BEPI étant celle de la présente procédure. 23. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 24. D'une part, les éléments transmis par les autorités émiriennes compétentes se référaient à une décision de justice autorisant la remise, ainsi qu'au fait que la personne remise consentait à son extradition, sans mentionner une quelconque réserve. 25. D'autre part, les autorités des Emirats arabes unis, qui ont été mises en mesure de fournir les éléments nécessaires à la vérification du respect du principe de spécialité, lequel protège également la souveraineté de l'Etat requis, n'ont, à aucun moment, indiqué que la remise avait été assortie de réserves. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. 27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-87.258 FS- B 5 JANVIER 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023 M. [D] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 24 novembre 2021 qui, pour contrebande de marchandises prohibées et fabrication frauduleuse de tabac, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière, des pénalités fiscales, au paiement des droits fraudés et a ordonné une mesure de confiscation douanière. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [D] [L], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Direction nationale du renseignement et des enquetes douanieres, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. d'Huy, M. Wyon, M. Pauthe, M. Turcey, M. de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Chafaï, M. Gillis, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [D] [L] a été cité devant le tribunal correctionnel, des chefs de détention et fabrication frauduleuses de tabac manufacturé. 3. Par jugement du 3 juin 2020, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des faits reprochés et l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis. Sur l'action fiscale, le tribunal l'a condamné au paiement d'une amende douanière de 48 620 euros, d'une amende fiscale de 2 000 euros et d'une pénalité proportionnelle de 30 300 euros. 4. M. [L], le procureur de la République et la direction nationale des enquêtes et du renseignement douanier ont formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L] au paiement d'une amende douanière de 120 212 euros, alors : « 1°/ qu'eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, les juges du fond peuvent réduire le montant des amendes fiscales jusqu'à un montant inférieur à leur montant minimal ; qu'en prononçant contre M. [L] une amende douanière de 120 212 euros, somme présentée par la cour d'appel comme le minimum légal correspondant à la valeur de l'objet de la fraude, lorsqu'il lui appartenait de prendre en compte l'ampleur, la gravité de l'infraction commise et la personnalité de son auteur afin de réduire cette amende en-dessous de son minimum légal, la cour d'appel a méconnu les articles 414 et 369 du code des douanes ; 2°/ que la condamnation à une amende douanière doit être proportionnée à la situation financière de la personne condamnée et ne saurait lui imposer une charge intolérable ; qu'en condamnant le prévenu au paiement d'une amende douanière de 120 212 euros, tout en prononçant une peine d'amende de 2 000 euros, montant adapté aux revenus et charges du prévenu, la cour d'appel, qui a imposé à l'exposant une charge intolérable et disproportionnée par rapport à sa situation financière personnelle, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu les articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale : 7. Aux termes du deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal. 8. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée. 9. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l'objet de fraude et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient. 10. En l'espèce, pour porter le montant de l'amende douanière prononcée à l'encontre de M. [L] de 48 620 euros à 120 212 euros, l'arrêt attaqué énonce que la peine d'amende douanière prononcée par les premiers juges pour le délit douanier doit être infirmée pour défaut de base légale, le minimum légal de celle-ci étant la valeur de l'objet de la fraude, soit en l'occurrence la valeur de 120 212 euros. 11. En prononçant ainsi, par des motifs dont il se déduit qu'elle s'est considérée comme tenue de prononcer l'amende minimale encourue et sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a méconnu les textes sus-visés et le principe ci-dessus rappelé. 12. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 13. La cassation sera limitée aux dispositions relatives à l'amende douanière prononcée à l'encontre de M. [L]. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 24 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'amende douanière d'un montant de 120 212 euros prononcée à l'encontre de M. [L], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 21-87.017 F-B 5 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023 M. [K] [W] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 26 octobre 2021, qui a autorisé l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [K] [W] et de la société [2], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement définitif du tribunal pénal fédéral suisse du 1er octobre 2014, M. [K] [W] a été déclaré coupable des infractions prévues par le droit suisse de corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent. 3. Il a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans dont dix-huit mois avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, et le tribunal a ordonné la confiscation de plusieurs biens constituant le produit des infractions poursuivies. 4. Parmi ces biens figure un appartement situé [Adresse 1], à [Localité 3], appartenant à la société civile immobilière [2] qui n'était pas partie à la procédure, le jugement mentionnant cependant qu'il devait être notifié à cette société, après son entrée en force de chose jugée. 5. Le 21 juin 2012, ce bien avait fait l'objet d'une ordonnance de saisie pénale immobilière rendue par le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris en exécution d'une demande d'entraide judiciaire internationale des autorités judiciaires suisses. 6. Le 29 novembre 2019, ces autorités ont adressé à l'autorité judiciaire française une demande d'entraide aux fins d'exécution de la confiscation de l'immeuble. 7. Par requête du 25 septembre 2020, le procureur national financier a saisi le tribunal correctionnel de Paris aux fins que soit ordonnée l'exécution de la confiscation du bien immobilier. 8. Le 28 septembre 2020, M. [W] a été avisé de l'audience du 4 novembre 2020. 9. Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal a ordonné l'exécution de la confiscation. 10. M. [W], puis le ministère public, ont interjeté appel de la décision. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [2] 11. Aux termes de l'article 713-37 du code de procédure pénale l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée : 1° si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; 2° si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; 3° si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; 4° s'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; 5° si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ; 6° si elle porte sur une infraction politique. 12. S'agissant du deuxième de ces motifs de non-exécution, selon l'article 131-21 du code pénal, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 13. Par ailleurs, selon l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. 14. Les motifs de non-exécution par l'autorité judiciaire française des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité, concernent soit la personne condamnée par les autorités judiciaires étrangères, soit le tiers propriétaire du bien confisqué. 15. Selon l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces personnes ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles. 16. Leur droit au respect des biens est par ailleurs protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention. 17. L'article 13 de la même Convention prévoit enfin que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. 18. Il s'en déduit que la décision du tribunal correctionnel d'ordonner l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, rendue en application des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, doit être notifiée à la personne condamnée ainsi qu'au propriétaire du bien confisqué dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité au cours de la procédure. 19. Ces derniers peuvent interjeter appel du jugement dans le délai de dix jours à compter de la notification par déclaration au greffe du tribunal correctionnel, ou se pourvoir en cassation contre l'arrêt ordonnant l'exécution de la décision de confiscation. 20. En conséquence, le pourvoi de la société [2] est recevable. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [W] et le troisième moyen proposé pour la société [2] 21. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen proposé pour la société [2] Enoncé du moyen 22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors : « 1°/ que l'exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère ne peut être autorisée qu'après que l'ensemble des personnes concernées par cette décision ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations ; qu'en confirmant le jugement ayant autorisé l'exécution en France de la décision du tribunal pénal fédéral suisse de confisquer le bien immobilier appartenant à la SCI [2] sans avoir préalablement invité cette société à présenter ses observations, quand celle-ci n'avait pas été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel et que, n'ayant pas reçu notification du jugement, elle avait été placée dans l'impossibilité d'exercer une voie de recours contre celui-ci, la cour d'appel a méconnu le droit de propriété, le droit à une procédure juste, équitable et contradictoire ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif, et a violé les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette convention et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ; 2°/ que conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui permet l'exécution, sur son territoire, d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non membre de l'Union européenne, sans que le tiers propriétaire du bien confisqué ne soit mis en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de faire valoir un motif de refus d'exécution, et sans que cette personne ne dispose d'une voie de recours effective contre la décision d'autoriser l'exécution de la confiscation de son bien ? ». » Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention : 23. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale organisent, en l'absence de convention internationale en disposant autrement, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction. 24. L'exécution de la confiscation peut être refusée pour l'un des motifs énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité au § 11. 25. Par ailleurs l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. 26. L'exécution de la confiscation est autorisée par le tribunal correctionnel statuant sur requête du procureur de la République. 27. L'article 713-39 du code de procédure pénale dispose que, s'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation. 28. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat. 29. Ces dispositions sont toutefois prévues à titre de simple faculté. 30. De même, les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale ne prévoient pas que la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la confiscation doive être notifiée à la personne condamnée et au propriétaire du bien confisqué, ni que cette décision puisse faire l'objet d'un recours de leur part. 31. Cependant, selon l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles. 32. Par ailleurs, selon l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, toute personne a droit au respect de ses biens. 33. Enfin, l'article 13 de la même Convention prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. 34. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, dès lors que les textes de droit de l'Union visés au moyen ne sont pas applicables au litige, le principe qui suit. 35. Le jugement du tribunal correctionnel autorisant l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère doit être notifié à la personne condamnée et au tiers propriétaire du bien confisqué si son titre est connu ou s'il a revendiqué cette qualité au cours de la procédure. 36. Ces personnes sont recevables à interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours par déclaration au greffe du tribunal correctionnel. 37. Elles ont droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'instance d'appel, ainsi qu'à la communication en temps utile des pièces de la procédure. 38. En l'espèce, en confirmant le jugement du tribunal correctionnel ayant autorisé l'exécution de la décision de confiscation, sans avoir constaté que ce jugement avait été notifié à la société [2] dont le titre de propriété était connu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 39. La cassation est par conséquent encourue. Et sur le quatrième moyen proposé pour la société [2] Enoncé du moyen 40. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors : « 1°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; que, selon la loi française, les biens qui constituent le produit direct ou indirect de l'infraction ne peuvent être confisqués que sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en confirmant le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] et d'une quote-part de 436/10105e des parties communes générales de cet immeuble rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, quand il ne ressort ni des constatations de cette décision étrangère ni de la demande d'entraide pénale que ce tiers propriétaire serait de mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles 18 de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 et 713-37 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 131-21 du code pénal ; 2°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée lorsqu'elle a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des droits de la défense ; que tel est le cas lorsqu'elle porte sur un bien appartenant à un tiers qui n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses droits devant la juridiction étrangère préalablement à la confiscation de son bien ; qu'en autorisant l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, lorsqu'il ne ressort ni des mentions de cette décision ni des informations contenues dans la demande d'entraide pénale internationale que ce tiers propriétaire ait été mis en mesure de faire valoir ses observations devant cette juridiction avant qu'elle ne prononce la confiscation de son bien, la cour d'appel a violé les articles 713-37 et 713-38 du code de procédure pénale, ensemble les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005 et les articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus en combinaison avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 6, § 1, de la Convention européenne et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention. » Réponse de la Cour Vu les articles 713-37, 2° et 3°, et 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, et 131-21, alinéa 3, du code pénal : 41. Selon le premier de ces textes, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée si les biens sur lesquels elles portent ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française, ou bien si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense. 42. Selon le troisième, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 43. Le deuxième dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. 44. En l'espèce, pour confirmer l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation, l'arrêt retient que M. [W] a été condamné pour corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent, que ces infractions sont prévues et réprimées par le droit pénal français, et qu'elles font encourir à leur auteur la peine complémentaire de confiscation définie par l'article 131-21 du code pénal. 45. Les juges retiennent par ailleurs que le jugement du tribunal pénal fédéral suisse a été prononcé dans des conditions offrant des garanties suffisantes au regard de l'exercice d'un droit de recours, garantie encore assurée par les dispositions de l'article 438 du code de procédure pénale suisse qui prévoit que la décision fixant l'entrée en force est sujette à recours, de sorte qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la personne poursuivie. 46. Ils constatent par ailleurs que le jugement suisse contient des dispositions relatives au respect des droits des tiers, à savoir la communication à la société [2] du jugement, étant relevé que seul M. [W] est concerné par la confiscation. 47. En se déterminant ainsi, sans rechercher, à partir des constatations de fait de la décision étrangère, et au besoin en demandant aux autorités judiciaires suisses, par commission rogatoire, la fourniture des informations complémentaires nécessaires, si la société [2] était de bonne foi, ni mieux établir, selon les mêmes modalités, que cette société avait été mise à même de faire valoir ses droits devant la juridiction suisse dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, alors qu'il ressort des énonciations du jugement du tribunal pénal fédéral que la société [2] n'était pas partie à cette décision qui lui a été notifiée après qu'elle fut passée en force de chose jugée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 48. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. Et sur le premier moyen proposé pour M. [W] et le deuxième moyen proposé pour la société [2] Enoncé des moyens 49. Le moyen proposé pour M. [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. » 50. Le moyen proposé pour la société [2] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. » Réponse de la Cour 51. Les moyens sont réunis. Vu les articles 400 et 512 du code de procédure pénale : 52. Il résulte de ces textes que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi. 53. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe. 54. L'arrêt attaqué énonce que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités. 55. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 56. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 22-81.981 F-B 5 JANVIER 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023 La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 7 mars 2022, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, a condamné solidairement M. [D] [I] et la société [1], à des amendes. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. L'administration des douanes et des droits indirects a fait citer devant le tribunal correctionnel la société [1], spécialisée dans l'achat, la vente, la fabrication et la réparation d'ouvrages en métaux précieux, et son gérant, M. [D] [I], pour avoir procédé à une mauvaise tenue du livre de police en l'absence des informations obligatoires relatives aux ouvrages en métaux précieux. 3. Par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus. 4. L'administration des douanes et des doits indirects a formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu à juste titre que cinquante-huit infractions avaient été commises, détaillées au tableau du livre de police, et a à juste titre prononcé cinquante-huit amendes en répression de ces infractions, il a en revanche omis de prononcer une pénalité proportionnelle, alors « que toute infraction en matière de métaux précieux est sanctionnée par les règles applicables en matière de contributions indirectes ; qu'en application des articles 1791 et 1794 du code général des impôts, toute infraction encourt, non seulement une amende, mais également une pénalité proportionnelle ; qu'en omettant de se prononcer sur la pénalité proportionnelle, les juges du fond ont violé les articles 1791 et 1794 du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu l'article 1800 du code général des impôts : 7. Il se déduit de ce texte qu'en matière de contributions indirectes, si le tribunal peut modérer le montant des amendes et pénalités encourues, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, il ne saurait en dispenser totalement ce dernier. 8. En ne prononçant que des amendes contre les prévenus, la cour d'appel, qui ne pouvait dispenser ceux-ci de toute pénalité proportionnelle, fût-elle d'un montant symbolique, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 22-81.155 F-B 5 JANVIER 2023 CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023 La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 3 février 2022, qui, dans la procédure suivie du chef de blanchiment, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 18 septembre 2019, le procureur de la République financier a diligenté une enquête préliminaire concernant les agissements de Mme [N] [F], ressortissante russe, se disant domiciliée à Monaco depuis 2016 et gérante associée de deux sociétés ayant leur siège à Monaco, dont la société [3], propriétaire d'une villa située à [Localité 6], lesdits agissements étant susceptibles de constituer le délit de blanchiment de fraude fiscale et de tout autre délit. 3. Le 11 mars 2021, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie des créances figurant sur quatre comptes bancaires ouverts au nom de la société [3] auprès de l'établissement bancaire [4] ([4]) à Monaco pour un montant total de 9 870 760 euros. Cette ordonnance, notifiée le jour même au procureur de la République, puis le 15 septembre 2021 à la société [3] ainsi qu'à l'établissement de crédit teneur du compte, faisait, en outre, injonction à la [4] de consigner les sommes saisies auprès de l'AGRASC. 4. La société [3] a interjeté appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé sur l'appel de l'ordonnance de saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire, alors « que la personne dont les biens ont été saisis ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; qu'en prononçant sur l'appel formé par la société [3] contre l'ordonnance ayant ordonné la saisie des sommes inscrites au crédit de comptes bancaires supposés lui appartenir, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle n'a pas eu, à l'audience du 13 janvier 2022, la parole après les réquisitions du ministère public, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire et 199 du code de procédure pénale, le principe de respect des droits de la défense et les principes généraux de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'ont été entendus en leurs observations l'avocat de la société [3], puis l'avocat de la [4], et enfin le ministère public en ses réquisitions. 8. Dès lors que la saisine des juges du second degré, délimitée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant sur sa contestation de la saisie pénale ordonnée par le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'une enquête préliminaire, n'impliquait pas une qualité autre que celle déclarée de tiers propriétaire, de nature à interférer sur l'ordre de parole des parties à l'audience, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 9. En conséquence, le moyen ne saurait être accueilli. Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la saisie des créances figurant sur le compte [XXXXXXXXXX05] détenu par la société [3] dans les livres de la banque [4] à Monaco et a dit que l'établissement de crédit teneur de compte devrait se libérer de ces sommes par virement au crédit du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations au nom de l'AGRASC, alors : « 1°/ que seule peut être ordonnée par une juridiction d'instruction française, sur le fondement de 706-154 du code de procédure pénale, la saisie de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi française à tenir des comptes de dépôts ; qu'en ordonnant, sur le fondement de ces dispositions, la saisie de sommes inscrites au crédit d'un compte ouvert dans les livres de la [4] à Monaco, quand cet établissement n'est pas habilité par la loi française, la chambre de l'instruction, excédant ses pouvoirs, a violé les articles 113-2 du code pénal, L. 511-9, L. 518-1 du code monétaire et financier et, par fausse application, l'article 706-154 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en refusant d'ordonner la mainlevée de la saisie des sommes inscrites sur le compte bancaire dont est titulaire la société [3], quand elle relevait elle-même que, au jour où la saisie avait été réalisée, le solde de ce compte bancaire était nul, ce dont il résultait pourtant que la saisie était privée d'objet, en sorte que son maintien était vexatoire, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire et 706 154 du code de procédure pénale ; 3°/ que la saisie pénale spéciale prévue à l'article 706-154 du code de procédure pénale n'applique qu'aux sommes inscrites au crédit du compte bancaire au moment de la saisie ; qu'en ordonnant « la saisie des créances figurant sur le compte » appartenant à la société [3], en rendant ainsi ce compte indisponible et en ordonnant par avance la saisie des sommes qui pourraient y être versées, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention, préliminaire et 706-154 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 11. Le moyen qui se fonde sur les dispositions de l'article 706-154 du code de procédure pénale est inopérant dès lors que la saisie a été ordonnée sur le fondement de l'article 706-153 du même code. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 12. La demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction a confirmé la décision de saisie, dès lors que, d'une part, les juges ont seulement relevé que la banque [4] avait indiqué que le solde du compte objet de la saisie était nul sans retenir l'exactitude de cette déclaration, et, d'autre part, seule se trouve saisie la somme susceptible de figurer sur le compte au jour de la notification de la saisie, aucune autre somme ne pouvant être saisie postérieurement à cette date. 13. Le moyen doit donc être écarté. Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu les articles 705 et 706-153 du code de procédure pénale : 14. Il se déduit de ces textes que si le juge des libertés et de la détention, requis par le procureur de la République financier dans le cadre d'une enquête préliminaire, est compétent pour ordonner une mesure de saisie de sommes figurant au crédit d'un compte bancaire dont l'exécution doit intervenir sur le territoire d'un Etat étranger, il ne peut, hors de toute procédure d'entraide pénale, exiger d'un établissement bancaire domicilié sur le territoire dudit Etat et auquel il a notifié l'ordonnance attaquée, qu'il se libère des sommes saisies par virement au crédit du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignation au nom de l'AGRASC, sans méconnaître les règles de compétence territoriale et de souveraineté des Etats. 15. Pour déclarer le juge des libertés et de la détention compétent pour ordonner une saisie pénale concernant un compte bancaire dont est titulaire la société [3] auprès de la [4], banque monégasque située sur le territoire de la principauté de Monaco et confirmer cette décision, l'arrêt énonce que le juge des libertés et de la détention est compétent pour ordonner en France, la saisie pénale notamment de comptes bancaires en application des articles 706-141 et suivants et notamment 706-153 du code de procédure pénale. 16. Les juges ajoutent qu'une demande d'entraide supposant un acte d'une autorité judiciaire nationale, le juge des libertés et de la détention était compétent pour rendre au siège de sa juridiction l'ordonnance de saisie pénale critiquée, qu'il n'est pas rapporté que cette ordonnance aurait fait l'objet d'une exécution directe sur le territoire de la principauté de Monaco et que si, comme le relève l'avocat de la banque [4], l'ordonnance rendue n'est pas directement exécutoire sur le sol de cet Etat, en revanche, elle peut être exécutée dans le cadre d'une demande d'entraide, notamment, sur le fondement des Conventions du Conseil de l'Europe liant Monaco à la France et organisant l'entraide pénale entre ces deux Etats. 17. En prononçant ainsi, alors que le juge des libertés et de la détention a d'ores et déjà, hors toute procédure d'entraide pénale, notifié à la banque [4], domiciliée sur le territoire de la principauté de Monaco et qualifiée de tiers saisi par l'arrêt attaqué, l'ordonnance de saisie pénale en lui enjoignant de se libérer des sommes saisies par virement sur le compte de l'AGRASC, l'arrêt a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 18. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef. Portée et conséquence de la cassation 19. La cassation aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 février 2022, en ses seules dispositions ayant confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 11 mars 2021 en ce qu'elle enjoint à la banque [4] de se libérer des sommes saisies par virement au crédit du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations au nom de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) sise [Adresse 2] (tel : [XXXXXXXX01]) ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-85.880 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [M] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 14 septembre 2022, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers un particulier. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M] [E], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O] [Y], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 25 novembre 2020, M. [O] [Y] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier à l'encontre de M. [M] [E] en raison d'un livre paru en octobre 2020, intitulé « Vérités d'un capitaine de gendarmerie : un officier rompt le devoir de réserve », mis en vente sur le site internet « La librairie du capitaine ». 3. M. [E] y relate notamment, sur plusieurs pages, une enquête préliminaire dont le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon lui avait confié la direction en avril 2016 pour des faits d'abus de faiblesse sur personne vulnérable, pour lesquels M. [Y] a été mis en garde à vue, une information judiciaire relative à ces faits étant toujours en cours. 4. Bien qu'il ne soit pas cité nommément, M. [Y] estimait que les détails relatifs aux dates, aux lieux et aux faits, ainsi qu'à la personne gardée à vue permettaient de l'identifier. 5. Le 28 février 2022, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu au motif que l'information judiciaire n'a pas permis de qualifier les termes employés comme relevant de la diffamation envers un particulier, la personne visée dans l'extrait ne pouvant être identifiée. 6. Le 1er mars 2022, M. [Y] a relevé appel de cette décision. 5. Par arrêt en date du 18 mai 2022, la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information aux fins « de procéder à l'interrogatoire de première comparution de M. [E] et d'envisager sa mise en examen du chef de diffamation publique ». 7. Le 10 juin 2022, M. [E] a été mis en examen du chef précité. 8. Un arrêt de dépôt a été rendu le 22 juin 2022. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi de M. [E] devant le tribunal correctionnel pour diffamation envers un particulier, alors : « 1°/ qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la juridiction d'instruction saisie de faits qualifiés de diffamation de se prononcer sur les éléments constitutifs de l'infraction, dont l'identification de la personne visée par les propos incriminés, indissociable de l'appréciation de leur caractère diffamatoire ; qu'en infirmant l'ordonnance de non-lieu entreprise, aux motifs que les propos dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile visaient effectivement la partie civile, quand ce constat relève de la compétence de la seule juridiction de jugement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ; 2°/ que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; que lorsqu'une personne est visée par des propos diffamatoires, s'il importe peu qu'elle n'ait pas été nommément ou expressément désignée, c'est à la condition que son identification soit rendue possible par les termes du discours ou de l'écrit, ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente ; que ces éléments extrinsèques doivent être antérieurs à la diffusion de l'écrit incriminé ; que pour estimer que la personne visée dans le passage incriminé était effectivement la partie civile, la chambre de l'instruction a estimé que si elle n'était pas désignée, elle était identifiable à partir des éléments d'information fournis dans le passage dénoncé, visant « un élu de la circonscription de [Localité 1] », un élu qui avait été placé en garde à vue, « l'homme de confiance de vieille dame spoliée », « comptable de cette vieille dame depuis 35 ans », « un homme à l'origine de la demande de carte bancaire d'une veuve nonagénaire sénile à faible mobilité (fauteuil roulant) se trouvant à l'EHPAD de [Localité 1] » ; qu'elle a ajouté qu'une lettre anonyme adressée à la partie civile après cette diffusion confirmait cette possible identification ; que dès lors que les éléments déduit du passage incriminé, sur lesquels la Cour de cassation peut porter son appréciation, ne permettent pas à eux seuls de procéder à l'identification certaine de la personne visée et que le seul élément extrinsèque sur lequel se fonde l'arrêt attaqué est postérieur à la diffusion de l'écrit, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 32 de la loi sur la presse, 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en estimant que cette identification était possible dès lors que la partie civile avait reçu une lettre anonyme mentionnant « Témoignage accablant pour le maire de [Localité 2] », sans avoir recherché, comme le sollicitait le mémoire déposé pour le gendarme mis en examen, si ce courrier postérieur à l'écrit n'avait pas été établi, par la partie civile, aux fins de se constituer une preuve de la possibilité de l'identifier, concernant des faits remontant à plusieurs années avant la rédaction de l'écrit, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 de la loi sur la presse,198 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. C'est à tort que la chambre de l'instruction, saisie, sur le seul appel de la partie civile, d'une ordonnance de non-lieu fondée sur l'absence d'identification de la personne visée par les propos diffamatoires, s'est prononcée sur cette question pour infirmer l'ordonnance de non-lieu, alors que les éléments relatifs à l'identification de la victime relèvent du débat contradictoire et que, soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond, ils échappent à la compétence de la juridiction d'instruction. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que le moyen, qui se borne à critiquer les énonciations de l'arrêt, relatives à l'identification de la personne visée par les propos diffamatoires, ne comportant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier, est irrecevable en application de l'article 574 du code de procédure pénale. 12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. FIXE à 2 500 euros la somme que M. [E] devra payer à M. [Y] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 22-85.810 FS-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 [O] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 15 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de [O] [Z], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 26 août 2022, [O] [Z], mineur, a été mis en examen des chefs susvisés. 3. Devant le juge d'instruction, [O] [Z] a été assisté de M. [L], avocat substituant M. [T], ce dernier ayant été désigné par le mineur comme avocat choisi. 4. Au cours du débat contradictoire qui s'est tenu le même jour devant le juge des libertés et de la détention, [O] [Z] a confirmé la désignation de M. [T], et il a été assisté de M. [L], substituant M. [T]. Il a été placé en détention provisoire. 5. Le 30 août 2022, M. [T], seul avocat désigné par le mineur, a sollicité un permis de communiquer à son nom ainsi qu'à celui de l'ensemble des avocats associés et collaborateurs de son cabinet. 6. Le 31 août 2022, un avis de libre communication au seul nom de M. [T] a été délivré par le juge d'instruction, qui, par ordonnance en date du 5 septembre 2022, a dit n'y avoir lieu à l'établissement d'un permis de communiquer pour l'ensemble des avocats du cabinet de M. [T]. 7. Le même jour, [O] [Z] a relevé appel de la décision de placement en détention provisoire, ne demandant pas à comparaître devant la chambre de l'instruction. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par la défense et a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors : « 1°/ que la délivrance d'un permis de communiquer est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de ce permis à l'avocat désigné par la personne mise en examen ou, si cet avocat en fait la demande, à ses associés et collaborateurs, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; qu'il s'ensuit que lorsque l'avocat désigné par la personne mise en examen ne peut être présent à l'audience, la seule absence de délivrance d'un permis de communiquer à ses associés et collaborateurs aux noms desquelles une demande de permis de communiquer avait été formulée, avant le débat contradictoire méconnaît les droits de la défense, peu importe que l'avocat désigné par la personne mise en examen se soit personnellement vu délivrer un tel permis ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la demande de permis de communiquer formée en temps utile par Maître [T], au nom des collaborateurs et associés de son cabinets, a fait l'objet d'un refus de la part du juge d'instruction, de sorte qu'aucun des collaborateurs ou associés de Maître [T] n'a été mis en mesure de s'entretenir avec Monsieur [Z] en vue de l'audience relative à l'appel de son ordonnance de placement en détention provisoire, alors même que Maître [T] se trouvait dans l'impossibilité d'assister à cette audience ; qu'il incombait dès lors à la Chambre de l'instruction de constater la méconnaissance des droits de la défense et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois, pour rejeter cette demande de remise en liberté, que Maître [T], qui s'était vu délivrer un permis de communiquer, avait eu librement accès au mineur détenu à compter du 31 août 2022, quand ce motif est impropre à écarter l'atteinte aux droits de la défense caractérisée par le défaut de délivrance du permis de communiquer sollicité au nom des associés et collaborateurs de Maître [T] en amont de l'audience relative à l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, de sorte que, celui-ci n'ayant pu être personnellement présent à l'audience, aucun autre avocat ayant pu s'entretenir avec Monsieur [Z] ne pouvait assurer sa défense, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 115, 145, D. 32-1-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que la délivrance d'un permis de communiquer est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de ce permis à l'avocat désigné par la personne mise en examen ou, si cet avocat en fait la demande, à ses associés et collaborateurs, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; qu'il s'ensuit que lorsque l'avocat désigné par la personne mise en examen ne peut être présent à l'audience, la seule absence de délivrance d'un permis de communiquer à ses associés et collaborateurs aux noms desquelles une demande de permis de communiquer avait été formulée, avant le débat contradictoire méconnaît les droits de la défense, sans qu'il ne puisse être reproché à la défense de ne pas avoir effectué d'autres démarches ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la demande de permis de communiquer formée en temps utile par Maître [T], au nom des collaborateurs et associés de son cabinets, avait fait l'objet d'un refus de la part du juge d'instruction, de sorte qu'aucun des collaborateurs ou associés de Maître [T] n'a été mis en mesure de s'entretenir avec Monsieur [Z] en vue de l'audience relative à l'appel de son ordonnance de placement en détention provisoire, alors même que Maître [T] se trouvait dans l'impossibilité d'assister à cette audience ; qu'il incombait dès lors à la Chambre de l'instruction de constater la méconnaissance des droits de la défense et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois, pour rejeter cette demande de remise en liberté et confirmer le placement en détention provisoire de l'exposant, qu'il incombait à la défense de Monsieur [Z] d'effectuer en temps utile les démarches nécessaires permettant à l'un des collaborateurs ou associés de Maître [T] d'obtenir un permis de communiquer, quand ces motifs sont impropres à écarter l'atteinte aux droits de la défense résultant justement du défaut de délivrance du permis de communiquer aux associés et collaborateurs de celui-ci, en dépit de la demande en ce sens formée dès le 30 août 2022 et alors que l'avocat de Monsieur [Z] n'avait aucune autre démarche à accomplir que cette demande à laquelle il aurait dû être spontanément fait droit, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 115, 145, D. 32-1-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. La Cour de cassation a jugé que si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés qui en a fait la demande, avant une audience en matière de détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen, sauf s'il résulte d'une circonstance insurmontable, aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d'un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n'ont pas été personnellement désignés par l'intéressé dans les formes prévues par l'article 115 du code de procédure pénale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-85.670, publié au Bulletin). 10. L'article D. 32-1-2 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022, prévoit que le juge d'instruction établit un permis de communiquer pour les associés et collaborateurs de l'avocat choisi, désignés nominativement par ce dernier, lorsqu'il le sollicite. 11. Le moyen pose la question de savoir si la méconnaissance de ces dispositions fait nécessairement grief à la personne détenue. 12. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, en ce qu'elles permettent au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer à un avocat qui n'a pas été nominativement désigné selon les modalités prévues par cet article par la personne détenue, ne méconnaissent pas les droits de la défense dès lors que, d'une part, elles tendent à garantir la liberté de la personne mise en examen de choisir son avocat, d'autre part, la personne mise en examen peut à tout moment de l'information désigner un ou plusieurs avocats, appartenant le cas échéant à un même cabinet, qu'ils soient salariés, collaborateurs ou associés, lesquels peuvent alors solliciter la délivrance d'un permis de communiquer que le juge d'instruction est tenu de leur délivrer (Cons. const., 20 mai 2022, n° 2022-994 QPC). 13. Il se déduit de cette décision, qui entend garantir le libre choix de son avocat par la personne mise en examen, que l'absence de délivrance du permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l'avocat choisi, en conformité avec les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ceux-ci étant pleinement préservés par la délivrance d'un permis de communiquer aux seuls avocats qu'a choisis la personne mise en examen. 14. Dès lors, le demandeur ne saurait se prévaloir d'une violation des droits de la défense prise de la seule absence de délivrance du permis de communiquer aux avocats collaborateurs et associés de l'avocat choisi. 15. En l'espèce, pour écarter l'argumentation tirée de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, rejeter la demande de mise en liberté d'office de [O] [Z] et confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce qu'un permis de communiquer a été délivré à M. [T], seul avocat nommément désigné par l'intéressé, le 31 août 2022, lendemain de sa demande, et que cet avocat avait dès lors, depuis cette date, librement accès au mineur détenu. 16. Les juges ajoutent que, depuis l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, le 5 septembre 2022, l'avocat désigné, qui se savait indisponible depuis le 7 avril 2022, n'a fait aucune diligence pour en faire état. 17. En prononçant par ces seuls motifs, la chambre de l'instruction, devant laquelle, au surplus, le mineur a été représenté par un avocat commis d'office, et qui a constaté l'absence de toute atteinte aux droits de la défense de la personne détenue, a justifié sa décision. 18. Le moyen ne peut qu'être écarté. 19. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-85.602 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [U] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 528 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, et association de malfaiteurs, a dit qu'elle n'était pas saisie. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [Y], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 23 janvier 2022, M. [U] [Y] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. Le 12 juillet 2022, il a formé une demande de mise en liberté, rejetée par ordonnance du 18 juillet suivant. 4. Ce même jour, le greffier du juge saisi a transmis, pour notification de cette décision et remise de copie à l'intéressé, au greffe de l'établissement pénitentiaire, un récépissé que M. [Y] a renseigné le lendemain, 19 juillet, en y apposant, de sa main, la date, sa signature et, au-dessous de celle-ci, les mots « je veux faire appel du rejet ». 5. Le 5 septembre 2022, l'avocat de M. [Y] a saisi le juge d'instruction d'une demande de mise en liberté au motif que l'intéressé était détenu sans titre, faute pour la chambre de l'instruction d'avoir statué dans le délai légal sur l'appel interjeté dans les conditions sus-décrites. 6. Le même jour, le greffe du juge d'instruction a enregistré un appel, en annexant à cet acte le récépissé précité. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen d'annulation, a constaté qu'il n'avait pas été interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulon du 18 juillet 2022, et a constaté que M. [Y] était valablement en détention provisoire, alors : « 1°/ que la déclaration d'intention du prévenu, claire et dénuée d'ambiguïté de faire appel, entraîne, sans autre conditions de forme, l'obligation pour les agents du greffe pénitentiaire ou du greffe de la juridiction d'enregistrer sa déclaration d'appel sans délai, la déclaration d'intention faisant, à défaut de cet enregistrement à bref délai, courir le délai pour statuer à compter de sa date ; que la mention manuscrite « je veut faire appel du rejet » apposée, le 19 juillet 2022 par M. [Y] au bas du récépissé de notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention portant rejet d'une demande de mise en liberté, retourné au greffe de la juridiction, constitue une déclaration d'intention claire et dépourvue d'ambiguïté qu'il appartenait au greffe pénitentiaire qui avait procédé à la notification ou à celui de la juridiction auquel la notification avait été retournée d'enregistrer sans délai ; qu'en affirmant néanmoins que faute de déclaration au greffe pénitentiaire ou de transcription au greffe de la juridiction il n'y avait pas d'appel recevable la chambre de l'instruction violé les articles 194, 502 et 503 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'arrêt constate que l'appel du détenu a donné lieu à l'établissement d'une déclaration d'appel par le greffier de la juridiction le 5 septembre ; que l'arrêt attaqué se borne à relever que « la cour ignore les conditions et pour quelles raisons exactes cet acte d'appel avait été établi », sans relever aucune circonstance imprévisible et insurmontable justifiant le retard mis à l'enregistrement de l'appel que l'intéressé, le 19 juillet, avait clairement et précisément indiqué vouloir faire, et le report du point de départ délai pour statuer ; que dès lors en se prononçant sur cet appel le 16 septembre sans ordonner la mise en liberté d'office, l'arrêt attaqué a violé les articles 194, 502 et 203 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour constater qu'il n'a pas été relevé appel de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'article 503 du code de procédure pénale n'ont pas été respectées, de sorte que la question soumise à la chambre de l'instruction est celle de l'existence même d'un appel et non de sa seule recevabilité. 9. Les juges relèvent qu'en l'absence de toute autre manifestation de l'intéressé, la réalité de cet appel repose sur la seule mention apposée par M. [Y] sur le récépissé de notification de l'ordonnance. 10. Ils observent qu'un tel document n'est pas destiné au greffe de l'établissement pénitentiaire mais à celui du magistrat et retiennent qu'aucun défaut de diligence ne peut être imputé à l'administration. 11. Ils en déduisent que la seule mention ci-dessus, apposée sur le formulaire de notification, dans les conditions sus-décrites, ne peut être considérée comme un appel. 12. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 13. D'une part, la mention « je veux faire appel du rejet », qui n'a été apposée, ni au pied de l'ordonnance contestée, ni en présence du greffier du juge saisi, mais sur un imprimé dédié à la notification de la décision, ne saurait valoir appel. 14. D'autre part, cet imprimé était destiné, non au greffe de l'établissement pénitentiaire, saisi pour seule exécution de la formalité, mais à celui du juge d'instruction, de sorte qu'il ne valait pas lettre d'intention. 15. Ainsi, le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et, dès lors, est inopérant en sa seconde, doit être écarté. 16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 21-87.333 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 Mme [O] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 8 décembre 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [O] [W], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Suite à une tentative d'assassinat survenue sur la personne de M. [T] [H] le 12 juillet 2014, M. [P] [B] et M. [J] [C] ont fait l'objet de perquisitions et ont été placés en garde à vue. 3. Lors de cette mesure, ils ont été assistés par Mme [O] [W], avocate. 4. Ni M. [C] ni M. [B] n'ont été déférés ou mis en examen à ce stade. 5. Le 24 juillet 2014, une information judiciaire a été ouverte. 6. Dans le cadre d'une commission rogatoire en date du 25 juillet 2014, la ligne téléphonique de M. [B] a fait l'objet d'une interception. 7. M. [C] a été, à nouveau, placé en garde à vue le 15 octobre 2014. Il a fait l'objet d'un premier mandat d'amener, a été laissé en liberté le 20 octobre 2014, puis a fait l'objet d'un nouveau mandat d'amener, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 22 octobre 2014. 8. Plusieurs conversations entre M. [B] et Mme [W] ont été interceptées le 17 octobre 2014 et retranscrites le 21 octobre 2014. 9. Un procès-verbal de synthèse du 22 janvier 2015 y fait référence. 10. Par arrêt du 7 mars 2016, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné l'annulation ou la cancellation des pièces en cause, considérant que les interceptions ne révélaient pas d'indices de la participation de l'avocat à l'infraction. 11. Le 7 juin 2016, Mme [W] a déposé une plainte simple pour violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel, qui a fait l'objet d'un classement sans suite le 7 juillet 2016. 12. Elle a déposé une plainte avec constitution de partie civile de ces mêmes chefs le 23 mars 2017. 13. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 14 juin 2021. 14. Mme [W] a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre rendue le 14 juin 2021 par le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Ajaccio, alors : « 1°/ que l'article 432-9 du code pénal incrimine le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances ; que l'élément intentionnel de ce délit est constitué par la seule volonté de l'auteur de porter atteinte au secret d'une correspondance, peu important les mobiles qui aient pu l'animer ; qu'après avoir retenu que l'élément légal de l'infraction d'atteinte au secret des correspondances était constitué par les procès-verbaux comportant les conversations tenues entre Me [W] et son client M. [P] [B] (arrêt attaqué, p. 7, 2ième §), la Chambre de l'instruction a retenu, pour dire que l'élément intentionnel n'était pas caractérisé, que la fonctionnaire de police ayant procédé aux interceptions avait déclaré ne pas avoir connaissance des éléments de l'enquête, agissant uniquement sur instructions des officiers de police judiciaire, et que le juge d'instruction qui avait ordonné les interceptions téléphoniques et versé les retranscriptions à la procédure avait considéré qu'il n'existait pas au moment de la conversation de relation client/avocat entre Me [W] et M. [B], faute de mise en examen de ce dernier, et que selon lui, la teneur des conversations interceptées était susceptible de constituer une violation par Me [W] du secret professionnel, celle-ci faisant état à un tiers du déroulement d'une garde à vue ; que la cour d'appel a également retenu que l'enquêteur ayant procédé à la retranscription des communications interceptées avait indiqué estimer que les conversations enregistrées ne lui avaient pas « paru avoir de rapport quelconque avec les droits de la défense de [P] [B] », et que le magistrat instructeur auquel il avait communiqué ces éléments lui avait indiqué que la retranscription des propos échangés pouvait s'effectuer dans un « cadre parfaitement légal », et qu'enfin, il n'apparaissait pas que les conservations interceptées auraient étaient relatives à la défense des intérêts de M. [B] ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à exclure l'élément moral de l'infraction objet de la plainte de Me [W], lequel découle de la seule conscience de l'auteur de porter atteinte au secret des correspondances, peu important le mobile l'y ayant conduit ni les circonstances, sauf cas expressément prévus par la loi, dans lesquelles l'interception des conversations litigieuses était intervenu, la Chambre de l'instruction a violé l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 591 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2°/ que les échanges entre un avocat et son client sont protégés quel qu'en soit l'objet, sous la seule réserve de l'existence de soupçons de participation de l'avocat à la commission d'une infraction ; qu'en écartant l'existence de charges suffisantes d'instruire du chef d'atteinte au secret des correspondances, quand il résultait de l'arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 mars 2016 ayant annulé les retranscriptions litigieuses pour violation de l'article 100-5 du code de procédure pénale, que l'interception et la transcription des échanges entre Me [W] et son client était illégale, et quand elle relevait en outre que les interceptions litigieuses avaient été effectuées afin de conforter la thèse des enquêteurs selon laquelle M. [B] aurait tenu un « rôle central de logisticien » dans une « équipe de malfaiteurs faisant l'objet d'investigations », non en raison de soupçons de participation de l'avocate à l'infraction, la Chambre de l'instruction a encore méconnu l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 3°/ que constitue le délit d'atteinte au secret des correspondances le fait d'intercepter en connaissance de cause une conversation entre un avocat et son client, peu important les mobiles de l'auteur de cette interception et sans que le fait d'avoir exécuté un ordre ne puisse constituer un fait justificatif ou une excuse ; qu'en se fondant sur les motifs inopérants que l'interception des communications entre Me [W] et M. [B] avait été réalisée dans le cadre d'une commission rogatoire et que le juge d'instruction avait indiqué aux deux enquêteurs ayant procédé à cette interception et à la retranscription des propos échangés sur procès-verbaux que cette retranscription pouvait s'effectuer dans un « cadre parfaitement légal », la Chambre de l'instruction a violé l'article 342-9 du code pénal, ensemble l'article 122-4 du même code les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 4°/ que le juge ne doit pas dénaturer les pièces du dossier ; qu'en énonçant qu'il résultait des échanges téléphoniques entre Me [W] et son client (pièces D 3638 à D 3641) que le déroulement de la mesure de garde à vue de M. [C] y était évoqué, quand Me [W] s'était bornée à évoquer les différentes éventualités procédurales qui pourraient survenir sans évoquer le déroulement de la garde à vue de M. [C], la Chambre de l'instruction a dénaturé les procès-verbaux de transcription litigieux et énoncé un fait contraire aux pièces de la procédure ; 5°/ qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué (p. 7 ; ordonnance de non-lieu, p. 2-3) que l'officier de policer judiciaire ayant procédé à la transcription des communications entre Me [W] et son client, ainsi que le fonctionnaire de police , s'étaient rapprochés du juge d'instruction, en prétendant que ce dernier lui avait indiqué la retranscription des communications interceptées entre Me [W] et M. [B] pouvait être effectuée dans un « cadre parfaitement légal » ; qu'en s'abstenant de rechercher si le fait que les enquêteurs se soient rapprochés du juge d'instruction pour l'informer des éléments recueillis dans le cadre de l'interception des conversations entre Me [W] et son client et solliciter son avis sur la légalité de l'intégration de ces éléments à la procédure pénale en cours ne caractérisait pas l'existence d'indices graves ou concordants de la commission du délit d'atteinte au secret des correspondances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 593 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. » Réponse de la Cour 16. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué relève notamment que la lecture des transcriptions litigieuses permet de constater qu'il n'est à aucun moment question de la défense des intérêts de M. [B] mais qu'il est au contraire fait référence à la situation d'autres personnes, certaines faisant manifestement l'objet d'actes d'information en cours au moment de l'interception, comme M. [C], dont le placement en garde à vue, à compter du 15 octobre 2014, est évoqué. 17. Les juges ajoutent que la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a d'ailleurs pas indiqué que ces conversations relevaient « de l'exercice des droits de la défense », et qu'il ne saurait, en outre, être déduit de sa motivation que les transcriptions contestées caractériseraient l'élément intentionnel de l'infraction définie par l'article 432-9 du code pénal. 18. Ils en déduisent qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir eu l'intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées. 19. En l'état de ces énonciations, d'où il se déduit l'absence d'intention du juge d'instruction et des enquêteurs de porter atteinte au contenu des correspondances protégées, ce qui ne pourrait résulter que d'un détournement de procédure, la chambre de l'instruction, qui n'a pas dénaturé le contenu des transcriptions litigieuses, a justifié sa décision. 20. Ainsi, le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 22-80.610 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [D] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 janvier 2022, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement russe, a émis un avis favorable. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [D] [N], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 25 novembre 2020, les autorités de la Fédération de Russie ont formé, sur le fondement d'un mandat d'arrêt délivré le 28 juin 2018 par le tribunal du district de Moscou Presnensky, une demande d'extradition de M. [D] [N], ressortissant russe, aux fins de poursuites pénales des chefs d'enlèvement, séquestration et extorsion, faits commis le 19 août 2014 dans la région de [Localité 1]. 3. L'intéressé a déclaré ne pas consentir à sa remise. 4. Par trois arrêts avant dire droit, la chambre de l'instruction a sursis à statuer, d'abord dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le recours de M. [N], puis aux fins de complément d'information sur les conditions de détention susceptibles d'être appliquées à la personne réclamée. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à l'extradition de M. [N] vers la Fédération de Russie, alors : « 1°/ que l'Etat français doit refuser l'extradition de toute personne à qui il ne peut être garanti que ses droits et libertés fondamentaux seront respectés ; que la Fédération de Russie cessant d'être une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme à compter du 16 septembre 2022 ; qu'en ce qu'il est fondé sur l'engagement solennel des autorités russes de respecter les droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt, qui se trouve privé de fondement juridique, ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, au regard des articles 1er de la Convention européenne des droits de l'homme et 696-15 du code de procédure pénale ; 2°/ que constitue une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale l'incarcération d'une personne à une distance qui ne lui permet pas de bénéficier des visites autorisées des membres de sa famille ; qu'en se bornant à relever que M. [N] ne justifie pas de la situation actuelle de sa famille sur le territoire de la Fédération de Russie, quand il lui appartenait, au besoin, d'interroger l'intéressé, présent à l'audience, ou de solliciter un complément d'information, la chambre de l'instruction n'a pas justifié son arrêt au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que constitue une atteinte disproportionnée à la liberté religieuse de la personne détenue le fait de subordonner le respect de l'alimentation spécifique à l'exercice de sa religion à l'achat ou à la livraison des produits nécessaires ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour donner un avis favorable à l'extradition du demandeur, l'arrêt attaqué commence par énoncer que, s'agissant des risques de violation des articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, les autorités russes se sont solennellement engagées, dans la lettre jointe à la demande d'extradition, au respect des droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme. 7. Les juges poursuivent en retenant que, s'agissant du risque d'atteinte à la vie privée et familiale causée par les conditions d'incarcération provisoire en Russie de M. [N], les autorités russes ont rappelé que les faits pour lesquels le mandat d'arrêt a été émis ont été commis dans la région de [Localité 1] et sont poursuivis dans cette ville, que l'intéressé sera provisoirement détenu à la maison d'arrêt SIZO-1 où les visites sont autorisées et qu'il argue, sans en justifier, de la distance entre cet établissement et le lieu de résidence de sa famille restée sur le territoire de la Fédération de Russie. 8. Ils considèrent encore que, s'agissant du risque d'atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion du fait que l'intéressé ne pourra pas bénéficier en détention d'une alimentation conforme aux préceptes de sa religion, celui-ci pourra acheter les produits nécessaires ou les recevoir par colis. 9. Depuis que la chambre de l'instruction a statué, la Fédération de Russie a été exclue du Conseil de l'Europe et, selon résolution en date du 22 mars 2022, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que, d'une part, cet Etat cesse d'être une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme à compter du 16 septembre 2022, d'autre part, elle demeure compétente pour traiter les requêtes dirigées contre lui concernant les actions et omissions susceptibles de constituer une violation de la Convention qui surviendraient jusqu'au 22 septembre 2022. 10. Il en résulte que les engagements pris par les autorités russes concernant M. [N], s'il était extradé, au regard des droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, sont caducs. 11. Nonobstant ces circonstances nouvelles, il n'y a pas lieu à un nouvel examen de la demande d'extradition, pour les motifs qui suivent. 12. La Convention européenne des droits de l'homme ne régit pas les actes d'un Etat tiers, ni ne prétend exiger des Parties contractantes à la Convention qu'elles imposent ses normes à pareil Etat. L'article 1 de la Convention ne saurait s'interpréter comme consacrant un principe général selon lequel un Etat contractant, nonobstant ses obligations en matière d'extradition, ne peut livrer une personne réclamée sans se convaincre que les conditions escomptées dans le pays de destination cadrent pleinement avec chacune des garanties de la Convention (CEDH, arrêt du 7 juillet 1989, [S] c. [Localité 2], n° 14038/88, § 86). 13. La décision d'un Etat partie à la Convention européenne des droits de l'homme d'extrader une personne peut engager la responsabilité de cet Etat au regard des articles 2 et 3 de la Convention lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne, si elle est livrée à l'Etat requérant, y courra un risque réel d'être soumise à la peine de mort (CEDH, arrêt du 2 mars 2010, [Z] et [J] c. [Localité 2], n° 61498/08, §§ 123 et 140-143), ou à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CEDH, arrêt du 7 juillet 1989, précité, § 91). 14. Il en va de même au regard de l'article 6 de la Convention lorsqu'il existe des motifs de croire que la personne sera exposée à un risque de déni de justice flagrant (CEDH, arrêt du 7 juillet 1989, précité, § 113). 15. Or, le demandeur ne fait état que d'un risque d'atteinte, sur le territoire de la Fédération de Russie, à son droit au respect de la vie privée et familiale et à sa liberté religieuse, lesquels ne sont respectivement garantis, par les articles 8 et 9 de ladite convention, hors l'hypothèse, non alléguée en l'espèce, d'une persécution religieuse susceptible de s'apparenter à un traitement contraire à l'article 3, qu'aux personnes relevant de la juridiction des Etats parties à la Convention. 16. Dès lors, le moyen, en ses trois branches, est inopérant. 17. Il s'ensuit que l'arrêt satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. 18. Par ailleurs, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi et la procédure est régulière. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 22-81.851 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [W] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 10 juin 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [H], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [W] [H] a été mis en examen du chef précité le 9 avril 2021, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 8 juillet 2018. 3. Par requête déposée le lundi 11 octobre 2021, il a soulevé la nullité de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de toutes les pièces se rattachant à la consultation du fichier LAPI concernant le véhicule Citroën C3, alors : « 1°/ que seuls les agents des services de police individuellement désignés et dûment habilités par leur chef de service peuvent accéder au fichier de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) ; qu'à défaut, la consultation de ce fichier peut résulter de réquisitions délivrées sur le fondement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que selon un procès-verbal du 30 mars 2021 des renseignements ont été donnés sur les mouvements du véhicule Citroën immatriculé [Immatriculation 1], à partir des enregistrements effectués au fichier des immatriculations ; que l'arrêt attaqué constate également qu'il ne figure au dossier aucun procès-verbal relatif à la consultation du fichier LAPI ; qu'en refusant d'annuler les pièces se rattachant à la consultation du Fichier LAPI concernant ce véhicule, malgré l'absence au dossier d'acte justifiant que la consultation a été régulièrement faite par un agent régulièrement habilité ou sur des réquisitions conformes à l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 233-1, 233-2 du code de la sécurité intérieure, 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôles des données signalétiques de véhicules, 81, 170 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que le dossier de la procédure doit contenir toutes les pièces nécessaires à justifier de la régularité des actes accomplis ; que l'exposant demandait à la chambre de l'instruction de « constater que la consultation faite par les enquêteurs du fichier LAPI est irrégulière en ce qu'aucune pièce de la procédure ne mentionne l'identité de l'agent qui a procédé à cette consultation et n'établit point l'existence de l'habilitation et désignation spéciale de cet agent à cet effet » (mémoire de l'exposant devant la chambre de l'instruction, p. 7) ; qu'en énonçant que la « Cour de cassation a jugé que le demandeur n'est pas fondé à critiquer, par une requête en annulation, l'absence au dossier des pièces de l'information judiciaire initiale, dès lors qu'il dispose du droit de présenter une demande auprès du juge d'instruction à cette fin et d'interjeter appel de l'ordonnance de refus qui pourrait lui être opposé » (arrêt attaqué, p. 16) et qu'il « appartenait donc à M. [H] de demander la pièce manquante » (ibidem), la chambre de l'instruction a violé l'article 81 du code de procédure pénale ensemble l'article 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 et les articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure. » Réponse de la Cour 5. C'est à tort que les juges ont rejeté la demande de nullité de la consultation du système de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) au motif que M. [H] n'avait pas présenté de demande d'acte tendant à voir verser aux débats les pièces justifiant de sa régularité. 6. En effet, il n'appartient pas à la personne mise en examen de demander la communication de pièces nécessaires à la régularité de la procédure, qui doivent y figurer et dont, le cas échéant, la chambre de l'instruction doit ordonner le versement. 7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que les actes d'investigation contestés ont été accomplis dans le cadre d'une commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, les enquêteurs à délivrer toutes réquisitions utiles à la manifestation de la vérité (D. 141/2), de sorte qu'en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, la consultation du traitement automatisé de données que constitue le système LAPI était régulière. 8. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des vérifications opérées au fichier ADOC et de la mise sous surveillance d'un véhicule au fichier FOVeS, alors : « 1°/ que l'article 99-4 du code de procédure pénale soumet aux réquisitions de l'officier de police judiciaire agissant pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire la communication d'éléments utiles à la manifestation de la vérité issus d'un système informatique ou de traitement de données ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué constate qu'il résulte d'un procès-verbal de recherches qu'un officier de police judiciaire a consulté le fichier « accès au dossier des contraventions » (ADOC) et le système d'immatriculation des véhicules (SIV) et que le véhicule utilisé par M. [H] avait été placé sous surveillance au fichier « FOVES » des véhicules volés ; qu'en écartant néanmoins toute nullité au motif qu'aucun texte n'impose de réquisition judiciaire, l'arrêt attaqué a violé l'article 99-4 et les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure proportionnée et nécessaire ; que l'article 4 de l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé n'autorise l'accès aux données à caractère personnel que pour les infractions relatives à la circulation routière ou les infractions faisant l'objet d'une amende forfaitaire ; que l'arrêté du 7 juillet 2017 relatif au fichier FOVES précise que ce fichier a pour finalité la découverte et la restitution des véhicules volés ou des objets perdus ou volés et la surveillance des véhicules signalés ; qu'en revanche ces arrêtés ne comportent aucune autorisation d'accéder aux données personnelles collectées pour la recherche d'autres infractions ou pour d'autres fins que celles qui sont précisées ; que l'article 6 de la loi n° 78-17 relative à l'informatique aux fichiers et aux libertés n'autorise la collecte de données personnelles que pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes » ; que dès lors en l'absence de loi autorisant la consultation et l'utilisation des fichiers ADOC, SIV, et FOVES par un officier de police judiciaire pour les besoins d'une enquête ayant un objet ou une finalité autre que ceux limitativement énumérés par les arrêtés précités, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler tous les actes résultant de la consultation ou de l'utilisation desdits fichiers ; qu'elle a ainsi violé outre les textes susvisés l'article 81 du code de procédure pénale, les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les actes d'investigation contestés violent l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'ils n'ont fait l'objet ni de réquisitions judiciaires ni d'une information préalable du juge mandant, l'arrêt attaqué énonce notamment que les consultations litigieuses ressortent d'un procès-verbal du 2 mars 2021, lequel précise que l'officier de police judiciaire a agi en exécution d'une commission rogatoire. 11. Les juges ajoutent qu'aucun texte n'impose des réquisitions judiciaires ou une information préalable du juge mandant pour consulter le fichier d'accès aux dossiers de contraventions (ADOC) et mettre sous surveillance un véhicule au fichier des objets et véhicules volés (fichier FOVeS). 12. Ils précisent que la consultation du fichier ADOC et la mise sous surveillance du véhicule au FOVeS constituent une ingérence dans le droit du requérant à la vie privée mais sont prévues par la loi, poursuivent les buts légitimes de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales et apparaissent également proportionnées au but poursuivi. 13. En se déterminant ainsi, et dès lors que, d'une part, les articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, fondement légal des investigations opérées dans le cadre de la commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, toutes réquisitions utiles (D. 141/2), sont de nature législative et que, d'autre part, aucun des actes contestés ne nécessitait d'autorisation spécifique et préalable du juge d'instruction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 14. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, alors « qu'est nul le réquisitoire introductif ou supplétif qui ne supporte ni le visa des faits, ni la mention des pièces jointes, ni le visa d'enregistrement des pièces justifiant l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; que pour rejeter la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, la chambre de l'instruction a énoncé que ces réquisitions s'appuyaient « implicitement sur les pièces figurant au dossier auquel le procureur de la République a un accès permanent » (arrêt attaqué, p. 20) ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80 du code de procédure pénale ensemble le principe de séparation des fonctions de poursuite et d'instruction. » Réponse de la Cour 16. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel le réquisitoire supplétif ne remplirait pas les conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt attaqué énonce notamment que, par ordonnance de soit-communiqué, en date du 8 avril 2021, le juge d'instruction a transmis le dossier au procureur de la République pour « réquisitions ou avis aux fins de réquisitions supplétives (extension de la période de prévention au 8 avril 2021) ». 17. Les juges ajoutent que, par mention manuscrite au bas de cette pièce, un substitut du procureur de la République a indiqué, en date du 8 avril 2021, qu'il requérait de bien vouloir instruire par toutes voies de droit contre personne non dénommée, jusqu'à cette date, pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. 18. Ils précisent que ces réquisitions supplétives interviennent après les interpellations de MM. [H], [R] [Y] et [J] [T], et qu'elles s'appuient implicitement sur les pièces figurant au dossier, auquel le procureur de la République a un accès permanent, même si elles ne les visent pas, de telle sorte que la saisine du juge d'instruction apparaît circonscrite aux faits identiques commis jusqu'au 8 avril 2021. 19. Ils en déduisent que le réquisitoire supplétif satisfait aux conditions essentielles de son existence légale. 20. En se déterminant ainsi, et dès lors que le réquisitoire supplétif daté et signé visait les qualifications retenues et la date de fin de prévention, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 21. Ainsi, le moyen doit être écarté. 22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 22-80.249 F-B 14 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [U] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 25 août 2021, qui, pour menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [U] [D], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J] [N], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal correctionnel a reconnu M. [U] [D] coupable de menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision. M. [D] a expressément demandé dans son acte d'appel que son affaire soit examinée par la formation collégiale de la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable de menaces de mort et d'appels téléphoniques malveillants, alors « que lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale, l'appelant peut demander expressément, dans un délai d'un mois à compter de la déclaration d'appel, que l'affaire soit examinée par une formation collégiale ; que la déclaration d'appel mentionne que « l'appelant demande expressément l'examen de l'affaire en formation collégiale devant la cour d'appel » ; que le prévenu ayant ainsi expressément demandé que l'affaire soit examinée par une formation collégiale, en statuant en formation à juge unique, la cour d'appel a méconnu les articles 510 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 510, alinéa 2, du code de procédure pénale : 5. Il résulte de ce texte que lorsque le jugement attaqué a été rendu par le tribunal correctionnel statuant à juge unique, la chambre des appels correctionnels est composée d'un seul conseiller, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés ou si l'appelant demande expressément que l'affaire soit examinée par une formation collégiale. 6. La cour d'appel, statuant à juge unique, a reconnu le prévenu coupable de menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, et a prononcé une peine. 7. En statuant dans cette composition, alors que le prévenu avait expressément demandé que son affaire soit examinée par une formation collégiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 8. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 25 août 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 753 FS-B+R Pourvoi n° B 20-17.768 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Eukor Car Carriers Inc, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (Corée du Sud), a formé le pourvoi n° B 20-17.768 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Axa Corporate solutions assurance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société XL Insurance Company SE, société anonyme de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 1] (Irlande), venant aux droits de la société Axa Corporate solutions assurance, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Eukor Car Carriers Inc, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés Axa Corporate solutions assurance et XL Insurance Company SE, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mme Boisselet, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2020), entre le 7 juillet 2015 et le 3 février 2016, la société Eukor Car Carriers Inc (la société Eukor), de droit coréen, a émis plusieurs connaissements maritimes pour le transport de véhicules au départ d'[Localité 4] en Belgique vers la République de Corée. Les véhicules ont été livrés à la société Hanbul Motors Corporation (la société Hanbul Motors), mentionnée en qualité de consignee sur certains de ces connaissements et de notify party sur les autres. 2. Des dommages ayant été constatés sur les véhicules à la livraison, la société Hanbul Motors a sollicité une expertise amiable, réalisée par la société Hyopsung Shipping Corp au contradictoire de la société Eukor. La société Axa Corporate solutions assurance (la société Axa), aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE, a indemnisé la société Hanbul Motors puis a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action dirigée contre la société Eukor. En cause d'appel, cette dernière, qui n'avait pas comparu en première instance, a décliné la compétence de la juridiction saisie en opposant une clause du connaissement attribuant compétence au tribunal de district civil de Séoul (République de Corée). Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société Eukor fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Axa certaines sommes au titre des frais de réparation des véhicules et d'expertise, rejetant ainsi l'exception d'incompétence soulevée par la société Eukor, alors : « 1°/ que les conditions d'acceptation d'une clause attributive de juridiction stipulée à un connaissement de transport international sont régies, non par la loi du juge saisi, mais par celle applicable au contrat de transport ; qu'à ce titre, il appartient au juge français saisi d'une demande dépendant de la mise en oeuvre d'une clause attributive de juridiction stipulée à un connaissement de rechercher la loi applicable au contrat de transport, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, afin d'en faire ensuite application ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes relevé que la société Eukor invoquait le droit coréen comme étant seul applicable au contrat de transport, conformément à l'article 25 de ses conditions générales ; qu'en appréciant néanmoins l'acceptation de cette clause au regard des règles applicables en droit français, quand il lui appartenait de vérifier si le droit coréen n'était pas applicable et d'en déduire le cas échéant la solution, selon le droit coréen, pour l'opposabilité de la clause attributive de juridiction à la société Axa, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ; 2°/ que l'acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter de la stipulation habituelle de cette clause dans le cadre des relations d'affaires établies entretenues entre les parties ; qu'en l'espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor faisait état de plusieurs centaines de connaissements établis sur plusieurs années entre les mêmes parties contenant tous la clause litigieuse ; qu'en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient "illisibles", sans rechercher si la clause attributive de compétence ne pouvait pas être rendue opposable en raison de la stipulation habituelle de celle-ci dans le cadre des relations d'affaires établies entretenues entre les parties, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ; 3°/ que l'acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter des usages en vigueur en matière de transport international de marchandises ; qu'en l'espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor se prévalait de l'existence d'un usage en matière de transport maritime international consistant à stipuler une telle clause au dos des connaissements émis par le transporteur ; qu'en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient "illisibles", sans effectuer aucune recherche sur le point de savoir si la stipulation ne pouvait pas être rendue opposable à raison de l'existence d'un usage en matière de transport international de marchandises, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ; 4°/ que l'acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter du renvoi à des conditions générales contenant cette clause et auxquelles le cocontractant a été mis en mesure de prendre connaissance ; qu'en l'espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor faisait valoir que l'attention du chargeur et du porteur avait été attirée par un paragraphe en haut du connaissement indiquant que l'acceptation du connaissement valait acceptation de toutes les stipulations figurant à son verso, et elle ajoutait que les mêmes conditions générales figuraient sur son site Internet ; qu'en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient "illisibles", sans s'expliquer sur la présence d'un paragraphe en haut du connaissement indiquant que la signature valait acceptation de toutes les stipulations figurant au verso, ou encore la disponibilité des mêmes conditions générales sur le site Internet de la société Eukor, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ; 5°/ que les termes du litige sont déterminés par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, la société Eukor expliquait que les originaux des connaissements étaient détenus par la société Axa, cette dernière indiquant elle-même qu'elle tenait les originaux à la disposition des juges ; qu'en reprochant néanmoins à la société Eukor de n'avoir pas produit un original dont il était constant qu'elle ne disposait pas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. La recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle contre un transporteur maritime s'apprécie indépendamment des mentions du connaissement émis pour constituer, notamment, la preuve du contrat de transport, ces mentions n'ayant pas pour objet d'attribuer de manière exclusive aux seules personnes qu'elles indiquent la qualité de partie à ce contrat, de sorte que l'action contractuelle peut être ouverte au destinataire qui invoque un préjudice du fait du transport. Pour autant, ce destinataire n'est lié par ce document qu'en ce qu'il définit et précise les conditions du transport lui-même, depuis la prise en charge jusqu'à la livraison. Il ne peut, dès lors, se voir opposer la clause de compétence que le connaissement contiendrait, à moins qu'il ne l'ait spécialement acceptée ou que la compétence internationale qu'elle institue ne s'impose en vertu d'un traité ou du droit de l'Union européenne. L'acceptation de cette clause attributive de juridiction ne peut être déduite de l'existence d'un usage en matière de transport international, ni des seules relations commerciales antérieures entre les parties, ni de la présence d'une mention au recto du connaissement renvoyant à des conditions générales figurant au verso de ce document. 5. En premier lieu, les griefs des deuxième, troisième et quatrième branches, qui postulent le contraire, manquent en droit. 6. En second lieu, après avoir constaté qu'au verso des connaissements figure une clause 25 qui stipule que les réclamations seront régies exclusivement par la loi coréenne et que toute action relative à la garde ou au transport en vertu du présent connaissement, fondée sur la responsabilité contractuelle, délictuelle ou autre, devra être intentée devant le tribunal de district civil de Séoul, l'arrêt énonce que, s'il est d'usage en droit international que les transporteurs incluent dans les connaissements une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux dans le ressort desquels se trouve leur siège social, une telle clause, valable en principe, doit cependant être lisible. Il retient que l'original des clauses figurant au verso du connaissement montre que celles-ci sont écrites en très petits caractères, dans une encre très pâle, sans que l'attention soit attirée sur cette clause 25, insérée dans une liste très dense de vingt-sept clauses dont la lecture exige l'utilisation d'une loupe. 7. Par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a statué au vu d'originaux et examiné, en application d'une règle de droit matériel, si la clause litigieuse, relative au règlement de litiges internationaux, remplissait les conditions d'opposabilité qui découlent des principes généraux concernant la rédaction, la présentation matérielle et l'acceptation de pareilles clauses, a souverainement retenu que celle-ci était illisible. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 9. La société Eukor fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Axa certaines sommes au titre des frais de réparation des véhicules et d'expertise, rejetant ainsi la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de la société Axa sur le fondement subrogatoire, alors « que la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme il lui était demandé si, à considérer qu'un paiement ait eu lieu, celui-ci était intervenu concomitamment à la subrogation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 ancien du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1250 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 10. Selon ce texte, la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur. 11. Pour reconnaître la qualité à agir de la société Axa, après avoir relevé que celle-ci produisait chaque acte de subrogation signé par la société Hanbul Motors, l'arrêt retient que la subrogation est par conséquent conventionnelle. Il ajoute que la société Hanbul Motors était le destinataire réel des marchandises endommagées, ce qui justifie son indemnisation et que la seule volonté expresse du bénéficiaire suffit pour subroger l'assureur. 12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le paiement allégué était intervenu concomitamment à la subrogation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. La société Eukor fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en matière commerciale, la preuve est libre ; qu'à cet égard, aucun texte ne soumet à une exigence de forme ou de fond particulière la traduction d'un document rédigé en langue étrangère pour pouvoir le produire en justice ; qu'en l'espèce, pour démontrer que les dommages invoqués n'étaient pas survenus au cours du transport, la société Eukor produisait des rapports d'expertise rédigés en anglais dont elle traduisait les passages pertinents dans ses écritures ; qu'en opposant qu'il n'était produit aucune traduction conforme aux règles de procédure, quand aucune règle de procédure n'interdisait de proposer une traduction libre de passages de documents rédigés en langue étrangère, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêt du 25 août 1539 et 9 du code de procédure civile : 14. Le premier de ces textes ne concernant que les actes de procédure, il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la valeur probante des pièces produites, fussent-elles rédigées en langue étrangère. 15. Aux termes du second, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 16. Pour rejeter la demande de la société Eukor qui faisait valoir une protection insuffisante des véhicules par le chargeur, l'arrêt retient que la société Eukor se fonde uniquement sur les rapports d'expertise de constat des dommages, qui sont tous établis en langue anglaise sans qu'elle en produise une traduction conforme aux règles de procédure. 17. En statuant ainsi, alors qu'aucun texte n'impose de règle particulière de traduction des documents rédigés en langue étrangère pour pouvoir être produits en justice, le caractère erroné de la traduction libre qu'en faisait la société Eukor dans ses conclusions n'ayant pas été soutenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. La société Eukor fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en l'espèce, en se fondant uniquement, pour évaluer le montant des dommages subis par les véhicules, sur les rapports d'expertise réalisés par la société Hyopsung Surveyors à la demande de la société Hanbul Motors dans les droits de laquelle la société Axa se présentait comme subrogée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 19. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties. 20. Pour condamner la société Eukor à payer à la société Axa certaines sommes au titre des frais de réparation des véhicules et d'expertise, l'arrêt retient que la société Eukor n'a fait aucune réserve à la réception des rapports d'expertise réalisés par la société Hyopsung Surveyors qui lui ont été notifiés. 21. En statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur des rapports d'expertise établis non judiciairement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reconnaît les juridictions françaises compétentes, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Axa Corporate solutions assurance et la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate solutions assurance, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa Corporate solutions assurance et la société XL Insurance Company SE et les condamne à payer à la société Eukor Car Carriers Inc la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Eukor Car Carriers Inc. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Eukor Car Carriers à payer à la société Axa Corporate Solutions Assurance les sommes de 18.699,13 euros au titre des frais de réparation des véhicules et de 7.200 dollars américains au titre des frais d'expertise, rejetant ainsi l'exception d'incompétence soulevée par la société Eukor Car Carriers ; AUX MOTIFS QUE sur la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris ; que sur la validité de la clause attributive de compétence ou de juridiction, en tête de chaque connaissement litigieux figure la mention suivante : «En acceptant ce connaissement, le chargeur, propriétaire ou destinataire des marchandises, et le porteur de ce connaissement, acceptent expressément et sont d'accord sur toutes les stipulations, exceptions et conditions qu'elles soient écrites, tamponnées ou imprimées, comme si pleinement signées par ce chargeur, propriétaire, destinataire et/ou porteur. Aucun agent n'est autorisé à retirer une disposition quelconque des dites clauses.» ; que cette mention renvoie ainsi notamment à la clause 25 du connaissement ainsi rédigée : «Loi applicable et juridiction : Les réclamations découlant de, ou en relation avec, ou se rapportant à ce Connaissement seront exclusivement régies par la loi coréenne sauf indication contraire dans le présent connaissement. Toute action relative à la garde ou au transport en vertu du présent connaissement, fondée sur la responsabilité contractuelle, délictuelle ou autre, doit être intentée devant le Tribunal de district civil de Séoul en Corée» ; que ni le code des transports ni la Convention de Bruxelles de 1924, qui régit le transport international maritime de marchandises, n'interdisent l'adoption dans un contrat de transport maritime international de clauses particulières de compétence dérogeant au droit commun ; que bien plus, dans ce type de transport, il est d'usage, en droit international, que les transporteurs incluent dans les connaissements une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux dans le ressort desquels se trouve leur siège social ; qu'en particulier, l'existence d'un usage est établi lorsqu'un certain comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs ; qu'en tant que de besoin, la même approche est adoptée par le droit de l'Union Européenne, dont les règlements 1215/2012 (art. 25) et 44/2001 (art.23) admettent ce que suit soit des "prorogations de compétence" dès lors qu'elles sont conclues par écrit ou verbalement avec une confirmation écrite ou sous une forme qui sont conformes aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou encore, s'agissant du commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage ; que le principe de validité d'une telle clause de compétence ou de juridiction , qui n'est pas contesté par les parties, n'est donc pas en cause ; qu'il s'ensuit que seule se pose ici la question de l'opposabilité de cette clause ; que sur l'opposabilité de la clause à raison de son illisibilité, Axa avance que les juges écartent régulièrement et systématiquement les clauses attributives de juridiction après avoir relevé qu'elles ne sont pas correctement lisibles, que, par ailleurs, la loi française (article 48 du code de procédure civile) exige qu'une clause soit stipulée de manière très apparente, ainsi que la preuve du consentement de la partie à qui on l'oppose ; qu'il est constant qu'une clause attributive de compétence doit être lisible ; qu'en l'espèce, l'original des clauses figurant au verso du connaissement montre que celles-ci sont écrites en très petits caractères (environ deux millimètres) dans une encre très pale, sans possibilité d'avoir l'attention attirée par la clause 25, ainsi insérée dans une liste très dense de 27 clauses, dont la lecture exige l'utilisation d'une loupe pour pouvoir être déchiffrées ; que le fait que l'appelante allègue qu'elle produit (pièce n° 17) "une copie lisible d'un des versos des connaissements" n'entraîne pas la conviction de la Cour dès lors que la société Eukor se garde bien de produire l'original du connaissement et qu'en tout état de cause, ladite "copie" encourt les mêmes reproches quant à la faiblesse en taille de la police et au fait que rien n'attire l'attention sur la clause 25 qui est noyée parmi une liste de 27 clauses ; que la lisibilité de la clause originale restant inexistante, elle ne saurait être opposée par l'appelante à l'assureur ; qu'en outre, il n'appartient pas à l'assuré, pour rendre lisible une clause originale, qui ne l'est pas, d'effectuer des opérations de copie permettant de foncer à cette fin la couleur du document original qui doit être intrinsèquement lisible en original ; que sur la portée de la clause, la société Eukor fait valoir que l'ensemble des 18 connaissements émis contient une clause n° 25, qui est ainsi rédigée : «Loi applicable et juridiction – Les réclamations découlant de, ou en relation avec, ou se rapportant à ce Connaissement seront exclusivement régies par la loi coréenne sauf indication contraire dans le présent connaissement. Toute action relative à la garde ou au transport en vertu du présent connaissement, fondée sur la responsabilité contractuelle, délictuelle ou autre, doit être intentée devant le Tribunal de District Civil de Séoul en Corée.» ; qu'il en découle que le droit national applicable au contrat de transport est le droit coréen ; que l'assureur répond que le Tribunal de commerce de Paris est compétent notamment par application de l'article 14 du code civil, qui permet au demandeur, à la condition qu'il soit de nationalité française, de poursuivre l'étranger en France, indépendamment de la nationalité du titulaire originel des droits litigieux ; qu'il ajoute que la question des conflits de juridiction est indépendante de celle des conflits de loi et qu'aucun traité franco-coréen ne traite des conflits de juridiction ; qu'en outre, tous les contrats de transport sont établis à [Localité 5], via un commissionnaire de transport français et un agent maritime à [Localité 5] ; que par ailleurs, pour toutes ces réclamations le chargeur (Peugeot ou Citroën) a eu systématiquement recours à un commissionnaire de transport, Gefco ; que si l'article 14 du code civil n'ouvre au demandeur français qu'une simple faculté, ce texte trouve néanmoins à s'appliquer lorsqu'il est démontré que le demandeur n'a pas accepté la clause de compétence qui figure au connaissement ; qu'eu égard au caractère d'illisibilité de ladite clause relevée par la Cour, il ne saurait être dit que Hanbul Motors, à laquelle Axa allègue être subrogée, a donné son consentement à celle-ci ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'exception d'incompétence doit être rejetée ; 1) ALORS QUE les conditions d'acceptation d'une clause attributive de juridiction stipulée à un connaissement de transport international sont régies, non par la loi du juge saisi, mais par celle applicable au contrat de transport ; qu'à ce titre, il appartient au juge français saisi d'une demande dépendant de la mise en oeuvre d'une clause attributive de juridiction stipulée à un connaissement de rechercher la loi applicable au contrat de transport, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, afin d'en faire ensuite application ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes relevé que la société Eukor Car Carriers invoquait le droit coréen comme étant seul applicable au contrat de transport, conformément à l'article 25 de ses conditions générales ; qu'en appréciant néanmoins l'acceptation de cette clause au regard des règles applicables en droit français, quand il lui appartenait de vérifier si le droit coréen n'était pas applicable et d'en déduire le cas échéant la solution, selon le droit coréen, pour l'opposabilité de la clause attributive de juridiction à la société Axa, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ; 2) ALORS subsidiairement QUE l'acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter de la stipulation habituelle de cette clause dans le cadre des relations d'affaires établies entretenues entre les parties ; qu'en l'espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors Corporation, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor Car Carriers faisait état de plusieurs centaines de connaissements établis sur plusieurs années entre les mêmes parties contenant tous la clause litigieuse ; qu'en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient « illisibles », sans rechercher si la clause attributive de compétence ne pouvait pas être rendue opposable en raison de la stipulation habituelle de celle-ci dans le cadre des relations d'affaires établies entretenues entre les parties, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ; 3) ALORS QUE l'acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter des usages en vigueur en matière de transport international de marchandises ; qu'en l'espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors Corporation, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor Car Carriers se prévalait de l'existence d'un usage en matière de transport maritime international consistant à stipuler une telle clause au dos des connaissements émis par le transporteur ; qu'en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient « illisibles », sans effectuer aucune recherche sur le point de savoir si la stipulation ne pouvait pas être rendue opposable à raison de l'existence d'un usage en matière de transport international de marchandises, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ; 4) ALORS QUE l'acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter du renvoi à des conditions générales contenant cette clause et auxquelles le cocontractant a été mis en mesure de prendre connaissance ; qu'en l'espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors Corporation, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor Car Carriers faisait valoir que l'attention du chargeur et du porteur avait été attirée par un paragraphe en haut du connaissement indiquant que l'acceptation du connaissement valait acceptation de toutes les stipulations figurant à son verso, et elle ajoutait que les mêmes conditions générales figuraient sur son site Internet ; qu'en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient « illisibles », sans s'expliquer sur la présence d'un paragraphe en haut du connaissement indiquant que la signature valait acceptation de toutes les stipulations figurant au verso, ou encore la disponibilité des mêmes conditions générales sur le site Internet de la société Eukor Car Carriers, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ; 5) ALORS QUE les termes du litige sont déterminés par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, la société Eukor Car Carriers expliquait que les originaux des connaissements étaient détenus par la société Axa, cette dernière indiquant elle-même qu'elle tenait les originaux à la disposition des juges ; qu'en reprochant néanmoins à la société Eukor Car Carriers de n'avoir pas produit un original dont il était constant qu'elle ne disposait pas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Eukor Car Carriers à payer à la société Axa Corporate Solutions Assurance les sommes de 18.699,13 euros au titre des frais de réparation des véhicules et de 7.200 dollars américains au titre des frais d'expertise, rejetant ainsi la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de la société Axa Corporate Solutions Assurance sur le fondement subrogatoire ; AUX MOTIFS QU' en l'espèce, Axa produit chaque acte de subrogation signé par la société Hanbul Motors, que la subrogation étant ainsi conventionnelle, elle ne suppose pas de démontrer que le paiement a été fait conformément à la police, comme l'exigerait l'article L. 121-12 du code des assurances, s'agissant de la subrogation légale dont bénéficie l'assureur ; qu'il importe peu que Hanbul Motors figure seulement 6 fois sur 8 comme destinataire des marchandises dès lors qu'il n'est pas contesté que pour les 2 autres connaissements sur lesquels elle figure comme "notify", elle était bien le destinataire réel desdites marchandises, ce qui justifie son indemnisation ; que la seule volonté expresse du bénéficiaire suffit alors pour subroger l'assureur de sorte qu'Axa justifie de sa qualité à agir ; 1) ALORS QUE la subrogation conventionnelle suppose l'existence d'un paiement ; qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, si la société Axa Corporate Solutions Assurance, prétendument subrogée dans les droits de la société Hanbul Motors Corporation, avait effectivement effectué un paiement au profit de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 ancien du code civil ; 2) ALORS QUE la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme il lui était demandé si, à considérer qu'un paiement ait eu lieu, celui-ci était intervenu concomitamment à la subrogation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 ancien du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Eukor Car Carriers à payer à la société Axa Corporate Solutions Assurance les sommes de 18.699,13 euros au titre des frais de réparation des véhicules et de 7.200 dollars américains au titre des frais d'expertise ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la présomption et les clauses d'exonération, l'assureur estime que la loi applicable au fond est la Convention de Bruxelles de 1924, à savoir la loi choisie par les parties dans une clause expresse lors de l'établissement du contrat, qu'en l'espèce le BL Eukor (clause paramount) renvoie systématiquement à la convention de Bruxelles de 1924, amendée en 1968 et qu'en application de celle-ci, le transporteur est présumé responsable ; qu'il ajoute que les avaries étant survenues lors de la période de responsabilité du transporteur maritime, peu importe le lieu où sont survenus les dommages ; qu'enfin aucune preuve d'un cas d'exonération n'est rapportée ; considérant qu' EUKOR rappelle que, selon les clauses du connaissement, les dommages intervenus avant la prise en charge par le transporteur maritime ne sauraient lui être imputables ; qu'en outre, le transporteur maritime ne saurait être tenu responsable des dommages ou pertes concernant les accessoires des véhicules ; qu'en tout état de cause, et surtout, selon l'article 4.2 de la Convention de Bruxelles amendée du 25 août 1924 applicable aux transports concernés il est aménagé ce que suit : « Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant : i) D'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises, de son agent ou représentant ; n) D'une insuffisance d'emballage ; q) De toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur [...] » ; et qu'en l'espèce, les véhicules concernés n'ont pas été suffisamment protégés par le chargeur, comme il est d'usage pour le transport maritime de véhicules ; qu'Eukor ne conteste pas l'application de la Convention de Bruxelles modifiée, qui établit une présomption de responsabilité à l'égard du transporteur ; qu'elle invoque cependant les dispositions de l'article 4.2 de cette convention pour renverser cette présomption, en alléguant une faute antérieure au transport pour insuffisance d'emballage de la part du chargeur ou de son représentant ; mais que, pour rapporter la preuve de cette faute, elle se fonde uniquement sur les rapports d'expertise de constat des dommages, qui sont tous établis en langue anglaise sans qu'elle n'en produise une traduction conforme aux règles de procédure ; qu'aucun autre moyen de preuve n'étant soumis à la Cour, celle-ci ne peut que rejeter la prétention de la société EUKOR et confirmer sa responsabilité en tant que transporteur, étant, au surplus, précisé qu'elle n'a émis aucune réserve aux connaissements sur le grief reproché ; que sur les accessoires, Axa fait valoir que la perte d'accessoires est forcément à la charge du transporteur, ce à quoi Eukor s'oppose ; mais que la société Eukor ne démontre ni la réalité et le détail des vols et détériorations qu'elle invoque – la Cour rappellera que la seule preuve invoquée consiste dans les rapports ci-dessus mentionnés et non traduits- ni l'accord des parties pour ne pas indemniser ces sinistres, qu'en effet, la clause 24 A (3) du connaissement Eukor ne peut être invoquée à ce titre, la Cour ayant jugé du caractère illisible des clauses de celui-ci et en conséquence, ayant reconnu leur inopposabilité à Axa ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE l'article 1147 du code civil dispose « Le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. » ; que les transports maritimes sont également régis par la Convention de Bruxelles laquelle fait peser sur le transporteur une présomption de responsabilité ; qu'entre le 7 juillet 2015 et le 3 février 2016 la société Citroën a confié le transport de plusieurs véhicules neufs de marque Citroën ou Peugeot, pour un transport en Corée, à la société Eukor Carriers Inc. ; que la société Wallenius Wilhefmsen Logistic, agissant en qualité d'agent en France de la société Eukor Carriers, a émis 8 connaissements au titre de ces transports, sans mention d'aucune réserve ; que copie de ces connaissements est fournie au tribunal ; que, la société Hanbult Motors agissant en qualité de destinataire (notify) des véhicules a demandé une expertise des véhicules à leur arrivée ; que le transporteur a été convié aux opérations d'expertise ; qu'il résulte des expertises réalisées à l'arrivée des véhicules que ceux-ci avaient été endommagés pendant le transport, que ces dommages ont été constatés et chiffrés par l'expert ; que copies de ces expertises sont fournies au tribunal ; que la société Eukor Carriers, bien que destinataire de ces estimations ne les a pas contestées ; que les véhicules ont été réparés et les coûts des réparations et expertises pris en charge par la société Axa Corporate Solutions via son agent local la société Siaci ; que la société Eukor Carriers Inc. n'a pas donné suite aux demandes de remboursement qui lui ont été adressées par la société Axa Corporate Solutions ; que dès lors le tribunal condamnera la société Eukor Carriers Inc. à payer à ta société Axa Coporate Solutions la somme de : 18.699,13 euros au titre des frais de réparations, et 7.200 USD au titre des frais d'expertise, et dira que ces sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et que ces intérêts se capitaliseront selon tes modalités de l'article 1154 du code civil ; 1) ALORS QU'en matière commerciale, la preuve est libre ; qu'à cet égard, aucun texte ne soumet à une exigence de forme ou de fond particulière la traduction d'un document rédigé en langue étrangère pour pouvoir le produire en justice ; qu'en l'espèce, pour démontrer que les dommages invoqués n'étaient pas survenus au cours du transport, la société Eukor Car Carriers produisait des rapports d'expertise rédigés en anglais dont elle traduisait les passages pertinents dans ses écritures ; qu'en opposant qu'il n'était produit aucune traduction conforme aux règles de procédure, quand aucune règle de procédure n'interdisait de proposer une traduction libre de passages de documents rédigés en langue étrangère, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce ; 2) ALORS QUE les termes du litige sont déterminés par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, la société Eukor Car Carriers se prévalait de l'article 24 de ses conditions générales, aux termes duquel sa responsabilité ne s'étendait pas aux simples égratignures et autres défauts de carrosserie ; qu'en opposant que cette clause était aussi illisible que la clause attributive de juridiction, et qu'il convenait pour la même raison de la déclarer inopposable à l'assureur subrogé, quand ce dernier soutenait seulement que cette stipulation des conditions générales était nulle comme se heurtant à l'article 3 de la convention de Bruxelles de 1924, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE le transporteur délivre au chargeur un connaissement mentionnant notamment l'état des marchandises à transporter ; qu'en l'espèce, la société Eukor Car Carriers faisait valoir que les différents connaissements indiquaient que l'état des véhicules avait été constaté dans un rapport d'expertise établi avant chargement, compte tenu de l'impossibilité de détailler les dommages affectant chacun des véhicules dans l'espace destiné à cet effet sur les connaissements ; qu'en opposant que la société Eukor Car Carriers n'avait émis aucune réserve aux connaissements s'agissant des défauts de carrosserie des véhicules, sans rechercher si ces réserves n'étaient pas contenues dans les rapports d'expertise annexés aux connaissements et auxquels ceux-ci renvoyaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, ensemble l'article 1147 ancien du code civil. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Eukor Car Carriers à payer à la société Axa Corporate Solutions Assurance les sommes de 18.699,13 euros au titre des frais de réparation des véhicules et de 7.200 dollars américains au titre des frais d'expertise ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelante estime que les annexes des rapports d'expertise sont manifestement des documents insuffisants pour justifier des montants réclamés ; qu'elle fait valoir que seuls les rapports émis par l'expert Intertek pour le compte de la société Hanbul Motors doivent être considérés comme contradictoires et retenus pour évaluer les éventuels dommages, sous réserve que l'étendue et le montant de ces derniers soient justifiés ; que l'assureur répond que l'expertise avant transport Unicar n'est pas probante, les réserves de style portées aux connaissements étant nulles et non avenues ; que la société Eukor n'a fait aucune réserve à la réception des rapports d'expertises réalisées par la société Hyopsung Surveyors qui lui ont été notifiés ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE l'article 1147 du code civil dispose «Le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.» ; que les transports maritimes sont également régis par la Convention de Bruxelles laquelle fait peser sur le transporteur une présomption de responsabilité ; qu'entre le 7 juillet 2015 et le 3 février 2016 la société Citroën a confié le transport de plusieurs véhicules neufs de marque Citroën ou Peugeot, pour un transport en Corée, à la société Eukor Carriers Inc. ; que la société Wallenius Wilhefmsen Logistic, agissant en qualité d'agent en France de la société Eukor Carriers, a émis 8 connaissements au titre de ces transports, sans mention d'aucune réserve ; que copie de ces connaissements est fournie au tribunal ; que, la société Hanbult Motors agissant en qualité de destinataire (notify) des véhicules a demandé une expertise des véhicules à leur arrivée ; que le transporteur a été convié aux opérations d'expertise ; qu'il résulte des expertises réalisées à l'arrivée des véhicules que ceux-ci avaient été endommagés pendant le transport, que ces dommages ont été constatés et chiffrés par l'expert ; que copies de ces expertises sont fournies au tribunal ; que la société Eukor Carriers, bien que destinataire de ces estimations ne les a pas contestées ; que les véhicules ont été réparés et les coûts des réparations et expertises pris en charge par la société Axa Corporate Solutions via son agent local la société Siaci ; que la société Eukor Carriers Inc. n'a pas donné suite aux demandes de remboursement qui lui ont été adressées par la société Axa Corporate Solutions ; que dès lors le tribunal condamnera la société Eukor Carriers Inc. à payer à ta société Axa Coporate Solutions la somme de : 18.699,13 euros au titre des frais de réparations, et 7.200 USD au titre des frais d'expertise, et dira que ces sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et que ces intérêts se capitaliseront selon tes modalités de l'article 1154 du code civil ; 1) ALORS QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en l'espèce, en se fondant uniquement, pour évaluer le montant des dommages subis par les véhicules, sur les rapports d'expertise réalisés par la société Hyopsung Surveyors à la demande de la société Hanbul Motors Corporation, dans les droits de laquelle la société Axa Corporate Solutions Assurance se présentait comme subrogée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE les parties sont libres de prouver par tous moyens outre et contre les conclusions d'un rapport d'expertise, peu important qu'elles n'aient pas émis de réserves lors des opérations d'expertise ou à réception du rapport de l'expert ; qu'en opposant en l'espèce, pour retenir l'évaluation des expertises de la société Hyopsung Surveyors, que la société Eukor Car Carriers n'avait émis aucune réserve après avoir reçu notification de ces rapports, la cour d'appel a violé les articles 9 et 16 du code de procédure civile, ensemble le droit à la preuve garanti par l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 janvier 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 5 F-B Pourvois n° R 21-10.609 N 21-12.515 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JANVIER 2023 I - 1°/ [E] [N], ayant été domicilié [Adresse 4], décédé, 2°/ Mme [Y] [N], domiciliée [Adresse 4], 3°/ M. [V] [N], domicilié [Adresse 6], 4°/ Mme [G] [N], 5°/ Mme [U] [N], toutes deux domiciliées [Adresse 4], agissant tous quatre en qualité d'héritiers de [E] [N]. ont formé le pourvoi n° R 21-10.609 contre un arrêt rendu le 29 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [H] [J], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 2], 3°/ à M. [S] [L], domicilié [Adresse 8], 4°/ à la société Intégrale, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], 5°/ à la société Intégrale prépa, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 6°/ à Mme [W] [L], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. II - 1°/ M. [S] [L], 2°/ Mme [W] [L], 3°/ la société Intégrale, société par actions simplifiée, 4°/ la société Intégrale prépa, société par actions simplifiée, ont formé le pourvoi n° N 21-12.515, contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [H] [J], 2°/ à M. [Z] [C], 3°/ [E] [N], décédé, 4°/ à Mme [Y] [N], 5°/ à M. [V] [N], 6°/ à Mme [G] [N], 7°/ à Mme [U] [N], défendeurs à la cassation. Les demandeurs aux pourvois n° R 21-10.609 et N 21-12.515 invoquent, à l'appui de chacun de leurs recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mmes [Y], [G], [U] [N], et M. [V] [N], la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S] [L], de Mme [W] [L], des sociétés Integrale, et Integrale prépa, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [J], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à Mmes [Y], [G] et [U] [N] et à M. [V] [N] (les consorts [N]) de ce qu'ils reprennent l'instance en leur qualité d'héritiers de [E] [N], décédé le 21 mai 2022. 2. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 21-10.609 et N 21-12.515 sont joints. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 décembre 2020), la société par actions simplifiée Intégrale était détenue à 50 % par [A] [L], son président, à 25 % par [E] [N] et à 25 % par un troisième actionnaire. 4. Le 30 juin 2015, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société Intégrale a décidé de la réduction à zéro du capital social et de l'augmentation de ce capital par création d'actions nouvelles, avec maintien du droit préférentiel de souscription aux actionnaires. Elle a également pris acte de ce qu'à l'issue de cette opération, [A] [L] était devenu l'actionnaire unique de la société Intégrale. 5. Contestant la régularité de cette opération, [E] [N] a saisi, en référé, le président d'un tribunal de commerce, lequel a, par une ordonnance du 11 septembre 2015, suspendu la quatrième résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2015, constatant que [A] [L] avait souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital et était devenu l'actionnaire unique de la société Intégrale, ainsi que les cinquième et sixième résolutions, constatant le nouveau capital social de la société et modifiant en conséquence ses statuts. 6. La société Intégrale prépa a été constituée le 1er octobre 2015, son capital étant détenu à 60 % par la société Intégrale et à 40 % par M. [C], président de la société Intégrale. 7. Par une délibération du 16 novembre 2015 de son actionnaire unique, [A] [L], la société Intégrale a décidé un apport partiel d'actifs portant sur les branches d'enseignement « scientifique » et « économique », au profit de la société Intégrale prépa. Le 10 février 2016, l'assemblée générale de la société Intégrale prépa a approuvé cet apport partiel d'actifs, ainsi que la cession à M. [C] et Mme [J], par la société Intégrale, d'une partie des nouvelles actions qu'elle avait reçues dans la société Intégrale prépa en rémunération de cet apport. 8. [A] [L] est décédé le 4 juillet 2016, en laissant pour lui succéder ses enfants, [S] et [W] [L], lesquels sont devenus associés de la société Intégrale. 9. Par acte du 8 août 2016, [E] [N] a assigné les sociétés Intégrale et Intégrale prépa et M. [C] en annulation de l'apport partiel d'actifs. M. [S] [L] et Mme [W] [L], ainsi que Mme [J], sont intervenus volontairement à l'instance. M. [C] et Mme [J] ont opposé à [E] [N] une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir en raison de la perte de la qualité d'actionnaire de la société Intégrale. Examen des moyens Sur les moyens, pris en leur deuxième branche, des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 10. Les consorts [N], M. [S] [L], Mme [W] [L] et la société Intégrale font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale prépa, alors « qu'un coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à zéro ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les quatrième, cinquième et sixième résolutions, et non les première, deuxième et troisième résolutions constatant la réduction du capital à zéro et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des quatrième, cinquième et sixième résolutions, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à zéro, l'opération dans son ensemble, et de maintenir [E] [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la cour d'appel a violé les articles L. 224-2 et L. 225-134 du code de commerce, ensemble les 4, 484 et 488 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 210-2 et L. 224-2 du code de commerce : 11. Il résulte de ces textes que la réduction à zéro du capital d'une société par actions n'est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d'une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire. 12. Pour dire l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs irrecevable, l'arrêt retient que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 a suspendu les effets de la quatrième résolution de l'assemblée générale de la société Intégrale du 30 juin 2015, portant sur le constat que [A] [L] avait souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital, ainsi que ceux des cinquième et sixième résolutions, en ce qu'elles découlaient de la quatrième, mais a écarté la demande de suspension des effets des première, deuxième et troisième résolutions de cette assemblée générale, lesquelles portent respectivement sur la réduction du capital de la société à zéro, sur l'augmentation du capital social d'une somme de 204 280,32 euros représentant 536 actions à souscrire et à libérer immédiatement en numéraire, et sur le maintien des droits préférentiels de souscription des associés. L'arrêt ajoute qu'en écartant la suspension des effets des première, deuxième et troisième résolutions de l'assemblée générale du 30 juin 2015, le juge des référés n'a pas entendu revenir sur la réduction à zéro du capital social et l'augmentation de capital, ni remettre l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant cette assemblée. L'arrêt en déduit qu'au jour où l'instance a été introduite, le 8 août 2016, [E] [N] n'avait pas la qualité d'associé de la société Intégrale. 13. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que l'augmentation du capital de la société Intégrale par la souscription d'actions nouvelles, dont la réalisation avait été suspendue, n'était pas effective, ce dont elle aurait dû déduire que la résolution décidant de la réduction à zéro du capital de la société ne pouvait, sauf à priver cette société de tout capital, légalement produire effet, peu important que la suspension de cette résolution n'ait pas été ordonnée en référé, de sorte que [E] [N] avait conservé, à la date à laquelle il avait introduit son action, la qualité d'actionnaire de la société Intégrale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale prépa, l'arrêt rendu le 29 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne M. [C] et Mme [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et Mme [J] et les condamne à payer à Mmes [Y], [G] et [U] [N] et à M. [V] [N] la somme globale de 1 500 euros, et à M. [S] [L], Mme [W] [L], la société Intégrale et la société Intégrale prépa la somme globale de 1 500 euros ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi R 21-10.609 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mmes [Y], [G], [U] [N] et M. [V] [N], héritiers de [E] [N]. Monsieur [E] [N] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable son action en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale Prépa. 1°) ALORS QUE dans son ordonnance du 11 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, saisi d'un recours formé contre la délibération par laquelle les associés de la société Intégrale avaient décidé de procéder à un coup d'accordéon, ayant relevé que Monsieur [N] n'avait pas été mis en mesure de participer à l'augmentation du capital en exerçant son droit préférentiel de souscription et constaté le dommage imminent que pouvait lui causer la perte de sa qualité d'associé, avait en conséquence ordonné la suspension de la résolution n°4 par laquelle l'assemblée des associés avait constaté que Monsieur [L] avait acquis les actions nouvellement émises, de la résolution n°5 qui constatait la répartition du nouveau capital social, et de la résolution n°6 qui ordonnait la modification des statuts pour tenir compte de cette nouvelle répartition et de la qualité d'associé unique de Monsieur [L] ; qu'en jugeant, pour retenir que Monsieur [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action en nullité qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 et de rétablir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, quand cette ordonnance avait précisément suspendu les résolutions actant de la nouvelle répartition du capital social, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015, en violation des articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en outre QUE le coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à 0 ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social (Com. 17 mai 1994, Bull. Civ. IV, n° 183, « Usinor ») ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les résolutions n° 4, 5, 6 et non les résolutions n° 1, 2, et 3 constatant la réduction du capital à 0 et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à 0, l'opération dans son ensemble, et de maintenir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la Cour d'appel a violé les articles L.224-2 et L.225-134 du code de commerce, ensemble les 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 3°) ALORS de même QUE comme le rappelait Monsieur [N] dans ses conclusions d'appel (conclusions, p.14s. et 21s.), la résolution n°1 actant la réduction du capital à 0 avait été décidée sous la condition suspensive de la réalisation immédiate de l'augmentation de capital ; qu'en jugeant, pour retenir que Monsieur [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 ou de rétablir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6 empêchait la réalisation des conditions suspensives assortissant la réduction du capital social à 0 et avait par conséquent pour effet de maintenir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, la Cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en affirmant, pour juger que Monsieur [N] invoquait vainement le caractère indivisible du coup d'accordéon ou l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement ordonné la suspension des résolutions 4, 5 et 6, qu'il n'aurait ainsi pas « entendu » remettre en cause la réduction du capital social à 0 ou remettre l'actionnariat dans son état antérieur, et que sa décision serait sur ce point revêtue de l'autorité de la chose jugée, cependant qu'aucune mention de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'interdisait aux parties de tirer les conséquences nécessaires de la suspension des résolutions n° 4, 5, et 6, au regard du caractère indivisible du coup d'accordéon ou de l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées par l'assemblée générale des associés, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en violation les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE sous réserve de la faculté de régularisation offerte au demandeur par l'article 126 du code de procédure civile, la qualité pour agir s'apprécie au jour de l'introduction en justice et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 05-13.484 ; Com. 10 juillet 2018, n° 16-17.337) ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'action introduite le 8 août 2016 par Monsieur [N], sur des circonstances postérieures à l'introduction de l'action, tenant au fait que le tribunal de commerce de Paris avait constaté au fond que les droits et actions attachés aux actions nouvelles étaient suspendus depuis le 30 juin 2015 où à certaines mentions contenues dans le procès-verbal l'assemblée générale du 26 janvier 2018, la Cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 6°) ALORS en toute hypothèse QUE dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité doit être écartée lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par Monsieur [N] au motif qu'il ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, quand il résultait de ses propres constatations que Monsieur [N] avait finalement pu exercer son droit préférentiel de souscription et qu'il avait été confirmé dans sa qualité d'associé par une assemblée générale de la société Intégrale du 26 janvier 2018, de sorte que, justifiant de la qualité d'associé à la date à laquelle il s'était agi de statuer sur le fond, il était recevable à agir en nullité contre l'apport partiel d'actifs contesté, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 126 du code de procédure civile ; 7°) ALORS enfin et en tout état de cause QUE dans ses conclusions d'appel (conclusions, p.25-28), Monsieur [N] avait fait valoir qu'il résultait de l'ordonnance du 11 septembre 2015, du jugement du 29 septembre 2017, et plus généralement de l'application de l'article L.225-150 du code de commerce, que les droits de vote attachés aux actions acquises par Monsieur [L] par suite du coup d'accordéon avaient a minima été suspendus dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital social et de l'exercice du droit préférentiel de souscription dont il avait été irrégulièrement privé ; que Monsieur [N] avait également fait valoir, parmi les différentes causes de nullité soulevées à l'encontre de l'apport partiel d'actifs contesté, que Monsieur [L] avait décidé de cet apport alors même que ses droits de vote étaient suspendus dans l'attente de cette régularisation ; qu'il ajoutait qu'il se serait nécessairement opposé à cette décision s'il avait initialement exercé son droit préférentiel de souscription et que cette délibération irrégulière s'était révélée particulièrement préjudiciable à ses intérêts puisqu'à la date à laquelle il avait finalement pu exercer ce droit, il avait pu constater que la société avait perdu l'essentiel de ses actifs ; qu'en jugeant que Monsieur [N] était irrecevable à demander l'annulation de l'apport partiel d'actif contesté au seul motif qu'il n'avait prétendument pas la qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, sans rechercher si celui-ci ne justifiait pas d'un intérêt et d'une qualité pour demander l'annulation de cette décision pour cette seule raison qu'elle avait été prise par Monsieur [L] alors que les droits de vote attachés aux actions acquises étaient suspendues dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital et de l'exercice des droits préférentiels de souscription par les associés minoritaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ; 8°) ALORS subsidiairement QU' en jugeant cette action irrecevable cependant que Monsieur [N], qui justifiait avoir été confirmé en sa qualité d'associé avant que les juges du fond ne statuent, avait qualité pour demander l'annulation de l'apport partiel décidé par Monsieur [L] à son préjudice et en méconnaissance de la suspension des droits de vote attachés aux actions nouvellement émises, la Cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; Moyen produit au pourvoi n° N 21-12.515 par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils pour M. [S] [L], Mme [W] [L], la société Intégrale et la société Intégrale prépa. M. [S] [L], Mme [W] [L] et la société Intégrale font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale Prépa engagée par M. [N] ; 1° ALORS QUE dans son ordonnance du 11 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, saisi d'un recours formé contre la délibération par laquelle les associés de la société Intégrale avaient décidé de procéder à un coup d'accordéon, ayant relevé que M. [N] n'avait pas été mis en mesure de participer à l'augmentation du capital en exerçant son droit préférentiel de souscription et constaté le dommage imminent que pouvait lui causer la perte de sa qualité d'associé, avait en conséquence ordonné la suspension de la résolution n°4 par laquelle l'assemblée des associés avait constaté que M. [L] avait acquis les actions nouvellement émises, de la résolution n°5 qui constatait la répartition du nouveau capital social, et de la résolution n°6 qui ordonnait la modification des statuts pour tenir compte de cette nouvelle répartition et de la qualité d'associé unique de M. [L] ; qu'en jugeant, pour retenir que M. [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action en nullité qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 et de rétablir M. [N] dans sa condition d'associé, quand cette ordonnance avait précisément suspendu les résolutions actant de la nouvelle répartition du capital social, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015, en violation des articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 2° ALORS QUE le coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à 0 ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social (Com. 17 mai 1994, Bull. Civ. IV, n° 183, « Usinor ») ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les résolutions n° 4, 5, 6 et non les résolutions n° 1, 2, et 3 constatant la réduction du capital à 0 et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à 0, l'opération dans son ensemble, et de maintenir M. [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la cour d'appel a violé les articles L.224-2 et L.225-134 du code de commerce, ensemble les 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE comme le rappelait M. [N] dans ses conclusions d'appel (conclusions, p.14s. et 21s.), la résolution n°1 actant la réduction du capital à 0 avait été décidée sous la condition suspensive de la réalisation immédiate de l'augmentation de capital ; qu'en jugeant, pour retenir que M. [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 ou de rétablir M. [N] dans sa condition d'associé, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6 empêchait la réalisation des conditions suspensives assortissant la réduction du capital social à 0 et avait par conséquent pour effet de maintenir M. [N] dans sa condition d'associé, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 4° ALORS QU'en affirmant, pour juger que M. [N] invoquait vainement le caractère indivisible du coup d'accordéon ou l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement ordonné la suspension des résolutions 4, 5 et 6, qu'il n'aurait ainsi pas « entendu » remettre en cause la réduction du capital social à 0 ou remettre l'actionnariat dans son état antérieur, et que sa décision serait sur ce point revêtue de l'autorité de la chose jugée, cependant qu'aucune mention de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'interdisait aux parties de tirer les conséquences nécessaires de la suspension des résolutions n° 4, 5, et 6, au regard du caractère indivisible du coup d'accordéon ou de l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées par l'assemblée générale des associés, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en violation les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE sous réserve de la faculté de régularisation offerte au demandeur par l'article 126 du code de procédure civile, la qualité pour agir s'apprécie au jour de l'introduction en justice et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 05-13.484 ; Com. 10 juillet 2018, n° 16-17.337) ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'action introduite le 8 août 2016 par M. [N], sur des circonstances postérieures à l'introduction de l'action, tenant au fait que le tribunal de commerce de Paris avait constaté au fond que les droits et actions attachés aux actions nouvelles étaient suspendus depuis le 30 juin 2015 où à certaines mentions contenues dans le procès-verbal l'assemblée générale du 26 janvier 2018, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 6° ALORS QU'en toute hypothèse, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité doit être écartée lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par M. [N] au motif qu'il ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, quand il résultait de ses propres constatations que M. [N] avait finalement pu exercer son droit préférentiel de souscription et qu'il avait été confirmé dans sa qualité d'associé par une assemblée générale de la société Intégrale du 26 janvier 2018, de sorte que, justifiant de la qualité d'associé à la date à laquelle il s'était agi de statuer sur le fond, il était recevable à agir en nullité contre l'apport partiel d'actifs contesté, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 126 du code de procédure civile ; 7° ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel (conclusions, p. 25-28), M. [N] avait fait valoir qu'il résultait de l'ordonnance du 11 septembre 2015, du jugement du 29 septembre 2017, et plus généralement de l'application de l'article L. 225-150 du code de commerce, que les droits de vote attachés aux actions acquises par M. [L] par suite du coup d'accordéon avaient a minima été suspendus dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital social et de l'exercice du droit préférentiel de souscription dont il avait été irrégulièrement privé ; que M. [N] avait également fait valoir, parmi les différentes causes de nullité soulevées à l'encontre de l'apport partiel d'actifs contesté, que M. [L] avait décidé de cet apport alors même que ses droits de vote étaient suspendus dans l'attente de cette régularisation ; qu'il ajoutait qu'il se serait nécessairement opposé à cette décision s'il avait initialement exercé son droit préférentiel de souscription et que cette délibération irrégulière s'était révélée particulièrement préjudiciable à ses intérêts puisqu'à la date à laquelle il avait finalement pu exercer ce droit, il avait pu constater que la société avait perdu l'essentiel de ses actifs ; qu'en jugeant que M. [N] était irrecevable à demander l'annulation de l'apport partiel d'actif contesté au seul motif qu'il n'avait prétendument pas la qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, sans rechercher si celui-ci ne justifiait pas d'un intérêt et d'une qualité pour demander l'annulation de cette décision pour cette seule raison qu'elle avait été prise par M. [L] alors que les droits de vote attachés aux actions acquises étaient suspendues dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital et de l'exercice des droits préférentiels de souscription par les associés minoritaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ; 8° ALORS QU'en toute hypothèse, en jugeant cette action irrecevable cependant que M. [N], qui justifiait avoir été confirmé en sa qualité d'associé avant que les juges du fond ne statuent, avait qualité pour demander l'annulation de l'apport partiel décidé par M. [L] à son préjudice et en méconnaissance de la suspension des droits de vote attachés aux actions nouvellement émises, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 9° ALORS QU'en toute hypothèse, l'irrégularité pour défaut de qualité peut être couverte par l'intervention de la personne ayant qualité pour agir avant toute forclusion ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action en nullité de l'apport partiel d'actif engagée par M. [N], qu'il n'avait pas qualité à agir en ce sens, quand elle constatait que les consorts [L] et la société Intégrale, dont la qualité à agir en nullité de l'apport partiel d'actif n'était pas discutée, étaient régulièrement intervenus devant le tribunal de commerce en sollicitant, comme M. [N] auquel ils s'associaient, l'annulation de l'apport partiel d'actif, ce qui couvrait l'irrégularité tirée du défaut de qualité de M. [N] à agir en nullité de l'apport partiel d'actif, la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile, ensemble l'article 2220 du code civil ; 10° ALORS QU'en toute hypothèse, l'irrégularité pour défaut de qualité peut être couverte par l'intervention de la personne ayant qualité pour agir avant toute forclusion ; qu'en jugeant que l'intervention des consorts [L], dont la qualité à agir en nullité de l'apport partiel d'actif n'était pas discutée, n'avait pas couvert l'irrégularité de l'action introduite par M. [N], sans constater que l'action en nullité de l'apport partiel d'actif était prescrite lorsque les exposants étaient intervenus à l'instance engagée par M. [N], la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 762 F-B Pourvoi n° N 21-16.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Groupe Cahors, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-16.655 contre l'ordonnance rendue le 25 mars 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 op), dans le litige l'opposant à la société AJAssociés ([M] [F] & [P] [C]), société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [M] [F], administrateur judiciaire, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Groupe Cahors, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société AJAssociés, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 mars 2021), la société AJAssociés, désignée par le président d'un tribunal de commerce en qualité de conciliateur des sociétés composant le Groupe Cahors, a saisi ce président d'une demande de fixation de ses honoraires. La société Groupe Cahors a formé un recours contre l'ordonnance fixant la rémunération du conciliateur à une certaine somme. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance du 25 mars 2021 de rejeter sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 9 janvier 2020 et de fixer la rémunération de la société AJAssociés, alors « que dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Cahors demandait à la cour d'appel d'annuler l'ordonnance entreprise rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 9 janvier 2020 dès lors que le contradictoire s'imposait en première instance, à défaut de circonstances justifiant qu'il y soit dérogé, et n'avait pas été respecté à son égard, la décision ayant été rendue sur requête ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce que le président du tribunal de commerce, après avoir préalablement fixé les conditions de la rémunération du conciliateur, lesquelles sont subordonnées à l'accord du débiteur sur les critères de sa détermination et de son montant maximal, en arrête le montant par une ordonnance rendue sur requête. 5. La régularité de cette ordonnance, qui peut être frappée par le débiteur, le conciliateur et le ministère public, du recours institué à l'article R. 611-50 du code précité, n'étant pas subordonnée à l'organisation préalable d'un débat contradictoire, le premier président n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de l'absence d'un débat contradictoire devant le juge taxateur. 6. Le moyen ne peut donc être accueilli. Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance de fixer la rémunération de la société AJAssociés à la somme de 300 000 euros HT alors « que seul le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la société AJAssociés, que ce document avait été signé par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors, si M. [X] avait le pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Tout jugement doit être motivé à peine de nullité. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 9. Pour fixer la rémunération de la société AJAssociés à la somme de 300 000 euros HT, l'arrêt retient que, le 30 septembre 2019, M. [X], président de la société Groupe Cahors a validé l'ensemble des diligences retranscrites par la société AJAssociés. 10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Groupe Cahors qui faisait valoir que cette validation par M. [X] était inefficace dès lors que celui-ci n'était pas le représentant légal de la société Groupe Cahors, cette fonction étant exercée par M. [Y], directeur général, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 mars 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée. Condamne la société AJAssociés aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AJAssociés et la condamne à payer à la société Groupe Cahors la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Cahors. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 9 janvier 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille qui avait taxé la rémunération de la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Me [M] [F] et Me [P] [C], à la somme de 300 000 euros ht, soit 360 000 euros ttc, sous déduction des provisions perçues, la somme de 160 000 euros ttc restant due, et d'AVOIR débouté la société Groupe Cahors de ses demandes plus amples ou contraires, notamment de sa demande tendant à voir annuler cette ordonnance et, en conséquence, renvoyer la Selarl AJAssociés à mieux se pourvoir ; ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Cahors demandait à la cour d'appel d'annuler l'ordonnance entreprise rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 9 janvier 2020 dès lors que le contradictoire s'imposait en première instance, à défaut de circonstances justifiant qu'il y soit dérogé, et n'avait pas été respecté à son égard, la décision ayant été rendue sur requête ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 9 janvier 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille qui avait taxé la rémunération de la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Me [M] [F] et Me [P] [C], à la somme de 300 000 euros ht, soit 360 000 euros ttc, sous déduction des provisions perçues, la somme de 160 000 euros ttc restant due, et d'AVOIR débouté la société Groupe Cahors de ses demandes plus amples ou contraires ; 1° ALORS QUE le juge doit procéder à la vérification d'écriture dès que la partie à laquelle on oppose un acte sous signature privée désavoue son écriture ou sa signature ; qu'en se fondant, pour fixer les honoraires de la Selarl AJAssociés à la somme de 300 000 euros ht, sur le relevé de diligences daté du 30 septembre 2019 dont la signature par la société Groupe Cahors, représentée par M. [X], était contestée, sans en avoir ordonné la vérification, au seul motif que la société Groupe Cahors n'avait pas déposé plainte pour faux, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 1324, devenu 1373, du code civil, et 285, 287 et 288 du code de procédure civile ; 2° ALORS QU'en toute hypothèse, seul le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la Selarl AJAssociés, que ce document avait été signé par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors, si M. [X] avait le pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce ; 3° ALORS QU'en toute hypothèse, seul le mandataire en fonction et investi du pouvoir de représenter la société peut l'engager par sa signature ; qu'en se bornant à affirmer, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la Selarl AJAssociés, qu'il avait été validé le 30 septembre 2019 par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors qui contestait la date inscrite sur ce document, à quelle date il avait été établi et signé par M. [X] et si ce dernier était encore investi du pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors au jour où il avait apposé sa signature, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce ; 4° ALORS QU'en toute hypothèse, l'honoraire au temps passé est fonction des diligences effectivement réalisées par le conciliateur dont il doit justifier ; qu'en se bornant à retenir, pour chiffrer à 300 000 euros ht les honoraires de la Selarl AJAssociés, que le relevé des diligences daté du 30 septembre 2019 faisait état d'un nombre d'heures justifiant la rémunération sollicitée de 300 000 euros, sans rechercher, comme il y était invité, si les diligences mentionnées au relevé n'étaient pas invraisemblables, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ; 5° ALORS QU'en toute hypothèse, les honoraires initialement convenus d'un mandataire peuvent être réduits lorsqu'ils apparaissent exagérés au regard du service rendu ; qu'en se bornant à affirmer que la qualité du travail fournie par la Selarl AJAssociés n'était pas utilement contestée pour en déduire que les honoraires réclamés par ce mandataire pour la somme de 300 000 euros ht étaient dus, sans s'interroger, comme il y était invité, sur l'adéquation entre la rémunération sollicitée par la Selarl AJAssociés et le service qu'elle avait rendu à la société Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 91 FS-B Pourvoi n° K 22-17.439 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 Par mémoire spécial présenté le 10 octobre 2022 : 1°/ Mme [O] [Z], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], 2°/ Mme [F] [C], domiciliée [Adresse 5], 3°/ M. [W] [C], 4°/ M. [P] [C], tous deux domiciliés [Adresse 4], agissant tous quatre en qualité d'ayants droit de [B] [C], décédé, ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° K 22-17.439 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans une instance les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dont le siège est [Adresse 1], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [Z], de Mme [C], de M. [W] et [P] [C], ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Les 29 mai et 2 juin 2015, [B] [C] a assigné la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), en réparation des préjudices résultant de pathologies cardiaques qu'il estimait imputables à ce médicament et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, qui a sollicité le remboursement de ses débours. 2. [B] [C] étant décédé le 24 juin 2021, son épouse, Mme [O] [Z], sa fille, Mme [F] [C], et ses petits-fils, M. [P] [C] et M. [W] [C] (les consorts [C]), ont repris l'instance. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 3. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles, ayant admis une exonération de responsabilité du producteur sur le fondement de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil, et rejeté leurs demandes, les consorts [C] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 1386-12 du code civil, reprises à l'identique à l'article 1245-11 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en ce qu'elles limitent aux seuls dommages causés par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci l'impossibilité pour le producteur d'invoquer la cause d'exonération prévue à l'article 4° de l'article 1245-10, anciennement 1386-11, créant une discrimination entre les victimes de dommages corporels résultant d'un produit de santé selon que ce produit est ou non issu du corps humain, sont-elles contraires au principe d'égalité devant la loi tel que défini par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 4. La disposition contestée est applicable au litige, au sens et pour l'application des articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, dès lors qu'en écartant la possibilité pour le producteur d'invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11, devenu 1245-10, du code civil, lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci, elle détermine le champ d'application de ce texte sur le fondement duquel les demandes formées par les consorts [C] ont été rejetées. 5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 6. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que la disposition contestée, qui instaure une différence de traitement entre les victimes des dommages causés par un produit de santé défectueux, selon que le dommage l'a été ou non par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci, est susceptible de porter atteinte au principe d'égalité devant la loi si cette différence n'est pas justifiée par une différence de situation ou par des motifs d'intérêt général ou si elle n'est pas en rapport avec l'objet de la loi. 7. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 janvier 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 1 FS-B Pourvoi n° D 21-18.993 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JANVIER 2023 La commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 5], a formé le pourvoi n° D 21-18.993 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [T] [B], épouse [D], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à M. [P] [M], domicilié [Adresse 5], défendeurs à la cassation. Mme [B] et M. [M] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, assisté de Mme Konopka, auditrice, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la commune de [Localité 4], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [B] et de M. [M], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 juin 2021), par actes des 19 et 23 octobre 2015, la commune de [Localité 4] (la commune) a assigné Mme [B] et M. [M] (les consorts [B]-[M]) en revendication de la propriété d'une parcelle, cadastrée AL n° [Cadastre 1], sur le fondement de la prescription acquisitive. 2. Les consorts [B]-[M] ont reconventionnellement demandé la libération de la parcelle, la remise en état des lieux et l'indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la voie de fait. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La commune fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en revendication de la propriété de la parcelle, cadastrée AL n° [Cadastre 1], par prescription acquisitive, alors « que les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques qui définissent les modes spécifiques d'acquisition de la propriété immobilière par les personnes publiques, ne sont pas exhaustives ni exclusives des modes d'acquisition de droit commun de la propriété immobilière ; qu'elles ne sont pas exclusives notamment de l'acquisition par une commune de la propriété d'une parcelle par prescription acquisitive trentenaire ; qu'en décidant que la Commune de [Localité 4] ne serait pas recevable à invoquer l'acquisition de la propriété de la parcelle AL n° [Cadastre 1] par la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les articles L 1111-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble les articles 712 et 2258 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 712 et 2258 du code civil et le livre premier de la première partie du code général de la propriété des personnes publiques : 5. Selon les deux premiers textes, la propriété s'acquiert par la prescription qui est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession. Ces textes ne réservent pas aux seules personnes privées le bénéfice de ce mode d'acquisition qui répond à un motif d'intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (3e Civ., 17 juin 2011, pourvoi n° 11-40.014, Bull. 2011, III, n° 106). 6. Le livre susvisé énumère des modes d'acquisition de la propriété des personnes publiques, sans exclure la possibilité pour celles-ci de l'acquérir par prescription. 7. Pour déclarer irrecevable l'action en revendication de la commune, l'arrêt retient que, même si le code civil ne distingue pas entre les personnes, le code général de la propriété des personnes publiques énumère de manière exhaustive et exclusive les modes d'acquisition des biens immobiliers et mobiliers par les personnes publiques, de sorte que, depuis son entrée en vigueur, la prescription acquisitive, qui n'y est pas mentionnée, ne peut plus être invoquée par une personne publique. 8. En statuant ainsi, alors que les personnes publiques peuvent acquérir par prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la commune de [Localité 4] en revendication de la propriété, par prescription acquisitive, de la parcelle cadastrée AL n° [Cadastre 1], l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne Mme [B] et M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la commune de [Localité 4] (demanderesse au pourvoi principal) La Commune de [Localité 4] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déclarée irrecevable en son action tendant à la voir déclarer propriétaire, par prescription acquisitive, de la parcelle cadastrée section AL n° [Cadastre 1], et d'avoir dit que Mme [B] épouse [D] et M. [M] sont propriétaires de la parcelle cadastrée AL n° [Cadastre 1] anciennement E n° [Cadastre 3] située sur la Commune de [Localité 4] ainsi qu'il en ressort de l'acte notarié du 15 mars 2011 ; 1/ ALORS QUE les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques qui définissent les modes spécifiques d'acquisition de la propriété immobilière par les personnes publiques, ne sont pas exhaustives ni exclusives des modes d'acquisition de droit commun de la propriété immobilière ; qu'elles ne sont pas exclusives notamment de l'acquisition par une Commune de la propriété d'une parcelle par prescription acquisitive trentenaire ; qu'en décidant que la Commune de [Localité 4] ne serait pas recevable à invoquer l'acquisition de la propriété de la parcelle AL n° [Cadastre 1] par la prescription trentenaire, la Cour d'appel a violé les articles L 1111-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques, ensemble les articles 712 et 2258 du code civil ; 2/ ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a pas d'effet rétroactif ; qu'à supposer que les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques, qui définissent les modes spécifiques d'acquisition de la propriété immobilière par les personnes publiques, soient exclusives de l'acquisition du droit de propriété par prescription acquisitive trentenaire par une Commune, en faisant application de ces dispositions à l'action de la Commune de [Localité 4], qui ainsi que le constate le jugement, avait la possession de la parcelle litigieuse à titre de propriétaire depuis avril 1971, ce dont il résulte que les dispositions du code de la propriété des personnes publiques, entrées en vigueur le 1er juillet 2006, ne pouvaient lui interdire de se prévaloir d'une prescription acquisitive trentenaire acquise depuis 2001, la Cour d'appel a violé l'article 2 du code civil. Moyen produit par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour Mme [B] épouse [D] et M. [M] (demandeurs au pourvoi incident) Mme [D] et M. [M] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes reconventionnelles formées à l'encontre de la commune de [Localité 4] ; 1°) ALORS QUE nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et la seule emprise irrégulière ayant pour effet l'extinction du droit de propriété donne lieu à indemnisation devant le juge judiciaire ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de Mme [D] et M. [M] en réparation de leur trouble de jouissance pour l'appréhension illicite de leur parcelle par la commune de [Adresse 5], qu'ils ne justifiaient pas le quantum du préjudice qu'ils invoquaient, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si Mme [D] et M. [M] n'étaient pas victimes d'une emprise irrégulière ayant eu pour effet l'extinction de leur droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 545 et 1382, devenu 1240, du code civil. 2°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe ; qu'en se bornant à relever, pour débouter Mme [D] et M. [M] de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur trouble de jouissance qu'ils ne produisaient aucune pièce de nature à justifier le quantum de leur préjudice, cependant qu'il était constant que la commune occupait illicitement leur parcelle, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 1 FS-B Pourvoi n° Q 21-13.966 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 Mme [I] [S], épouse [V], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Q 21-13.966 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [S], domicilié [Localité 4], 2°/ à Mme [L] [S], domiciliée [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [I] [S], de Me Balat, avocat de M. [E] [S], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 2021), [F] [W] a consenti, le 19 octobre 1983, à Mmes [I], [L] et M. [E] [S], ses trois enfants, une donation portant sur la nue-propriété de ses droits sur deux immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec [E] [S], son époux prédécédé, et, le 5 juillet 2013, à son fils [E], une donation portant sur l'usufruit de ces immeubles dont elle était titulaire, pour moitié, pour se l'être réservé à la suite de la première donation, et à concurrence de l'autre moitié, en qualité de donataire de la totalité de l'usufruit des biens dépendant de la succession de son époux. 2. [F] [W] est décédée le 13 juillet 2014, en laissant pour lui succéder ses trois enfants. 3. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de partage des successions, Mmes [I] et [L] [S] ont assigné leur frère en partage de l'indivision successorale et en paiement d'une indemnité au titre de l'occupation des immeubles. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [I] [S] fait grief à l'arrêt de dire que M. [E] [S], en sa qualité d'usufruitier des deux immeubles successoraux, n'est débiteur d'aucune indemnité d'occupation envers les successions de [E] [S] et [F] [W], et de rejeter en conséquence sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation desdits immeubles, alors « que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier ; qu'en cas de donation par l'usufruitier de son droit, l'usufruit s'éteint à la mort du donateur et non du donataire ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que [F] [W] était usufruitière de deux immeubles dépendant de la communauté conjugale formée avec feu [E] [S], d'une part, pour avoir opté au décès de ce dernier pour l'usufruit de l'universalité des biens de sa succession, d'autre part, pour avoir donné, par acte du 19 octobre 1983, la nue-propriété de ses droits sur ces deux immeubles à ses trois enfants ; que par acte du 5 juillet 2013, [F] [W] a ensuite fait donation de l'usufruit sur ces deux immeubles à son fils M. [E] [S] ; qu'il devait s'en déduire que [F] [W], qui n'avait pas pu transmettre plus de droits qu'elle n'en avait, avait fait donation de l'usufruit qui était constitué sur sa tête et qui avait vocation à s'éteindre à son décès et non à celui de M. [E] [S] ; qu'en jugeant au contraire que le décès de [F] [W] n'avait pas mis fin à l'usufruit qu'elle avait donné de son vivant à M. [E] [S], la cour d'appel a violé les articles 595 et 617 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 595, alinéa 1er, et 617 du code civil : 5. Aux termes du premier de ces textes, l'usufruitier peut céder son droit à titre gratuit. 6. Selon le second, l'usufruit s'éteint notamment par la mort de l'usufruitier. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de donation d'un usufruit déjà constitué à titre viager, l'usufruit s'éteint à la mort du donateur et non du donataire. 8. Pour rejeter la demande d'indemnité d'occupation formée par Mmes [I] et [L] [S] à l'encontre de M. [E] [S], l'arrêt retient que l'usufruit donné le 5 juillet 2013 se serait éteint à la mort de [F] [W] si celle-ci n'en avait pas fait donation à son fils de son vivant et que, si les trois enfants étaient nus-propriétaires des immeubles, M. [E] [S] disposait de la totalité de l'usufruit. 9. En statuant ainsi, alors que l'usufruit viager donné, qui avait été constitué au bénéfice de [F] [W], s'était éteint à son décès, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [E] [S], en sa qualité d'usufruitier des deux immeubles successoraux sis à [Localité 4] (34) cadastrés CM [Cadastre 1] et CM [Cadastre 2], n'est débiteur envers les successions de [E] [S] et [F] [W] d'aucune indemnité d'occupation et, en conséquence, déboute Mmes [I] et [L] [S] de leur demande de fixation d'une indemnité au titre de l'occupation desdits immeubles, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Condamne M. [E] [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] [S] et le condamne à payer à Mme [I] [S] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme [I] [S]. Mme [I] [S] épouse [V] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [E] [S], en sa qualité d'usufruitier des deux immeubles successoraux n'est débiteur d'aucune indemnité d'occupation envers les successions de [E] [S] et [F] [W], et de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation desdits immeubles, Alors que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier ; qu'en cas de donation par l'usufruitier de son droit, l'usufruit s'éteint à la mort du donateur et non du donataire ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que [F] [W] était usufruitière de deux immeubles dépendant de la communauté conjugale formée avec feu [E] [S], d'une part, pour avoir opté au décès de ce dernier pour l'usufruit de l'universalité des biens de sa succession, d'autre part, pour avoir donné, par acte du 19 octobre 1983, la nue-propriété de ses droits sur ces deux immeubles à ses trois enfants (arrêt, pp. 3, 4 et 5) ; que par acte du 5 juillet 2013, [F] [W] a ensuite fait donation de l'usufruit sur ces deux immeubles à son fils M. [E] [S] (arrêt, p. 5) ; qu'il devait s'en déduire que [F] [W], qui n'avait pas pu transmettre plus de droits qu'elle n'en avait, avait fait donation de l'usufruit qui était constitué sur sa tête et qui avait vocation à s'éteindre à son décès et non à celui de M. [E] [S] ; qu'en jugeant au contraire que le décès de [F] [W] n'avait pas mis fin à l'usufruit qu'elle avait donné de son vivant à M. [E] [S], la cour d'appel a violé les articles 595 et 617 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 2 FS-B Pourvoi n° D 21-13.151 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 Mme [I] [Z], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-13.151 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [Z], domicilié [Adresse 2], 2°/ à M. [G] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. MM. [L] et [G] [Z] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [Z], de la SCP Alain Bénabent , avocat de MM. [L] et [G] [Z], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 janvier 2021), [E] [X] et [C] [Z], époux communs en biens, sont décédés respectivement les 6 octobre 2001 et 23 décembre 2013, en laissant pour leur succéder leurs enfants, [L], [G] et [I]. 2. Des difficultés sont survenues lors du règlement des successions. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 3. MM. [L] et [G] [Z] font grief à l'arrêt de fixer à 273 094,10 euros le montant total des liquidités ou sommes d'argent perçues du vivant des défunts que Mme [I] [Z] doit rapporter aux successions confondues de ses parents, alors « que le rapport d'une somme d'argent qui a servi à acquérir un bien est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil ; qu'en condamnant Mme [I] [Z] à rapporter aux successions confondues de ses parents la somme de 273 094,10 euros, celle-ci comprenant notamment la somme de 105 000 euros reçue en 2005/2006 pour « l'achat de son appartement [Adresse 3] », sans ordonner que le rapport soit calculé en fonction de la valeur du bien ainsi acquis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 860-1 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation. 5. Il est dès lors irrecevable. Mais sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. Mme [I] [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables son action en déclaration de simulation ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes et de rejeter sa demande d'expertise aux fins de chiffrer ces gratifications ou avantages, alors « que la donation d'un bien commun, si elle porte atteinte à la réserve, est réductible à la quotité disponible, pour la moitié de sa valeur, lors de l'ouverture de la succession de chacun des époux codonateurs ; que l'action par laquelle un héritier réservataire fait valoir la simulation en vue de la réduction d'une telle donation se prescrit par trente ans ou cinq ans (en fonction de la date du décès) à compter de l'ouverture de chacune des deux successions ; que Mme [I] [Z] faisait valoir que le délai de prescription de son action en déclaration de simulation en vue de la réduction des donations déguisées consenties par ses parents à ses frères avait respectivement commencé à courir, s'agissant de sa mère, à la date du décès de celle-ci en 2001 et, en ce qui concernait son père, à la date du décès de celui-ci en 2013 ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'action de Mme [Z], que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001, la cour d'appel a violé les articles 920, 921 et 1202 du code civil et l'article 2262 ancien du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles 920, 921, alinéa 2, 1438 et 1439 du code civil : 7. Selon le premier de ces textes, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession. 8. Il résulte des deux derniers que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu'à due proportion, à l'ouverture de chacune des successions des co-donateurs. 9. Pour déclarer irrecevable l'action « en déclaration de simulation » intentée par Mme [I] [Z], l'arrêt retient que, les donations qu'elle a pour but de révéler portant sur des biens communs, sa prescription court du jour du décès du premier donateur, soit le 6 octobre 2001, date du décès de [E] [X], et après avoir relevé que le délai de trente ans applicable antérieurement était toujours en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin de la même année, il en déduit, sur le fondement des dispositions transitoires de cette loi, que cette action, engagée par assignations des 25 avril et 2 mai 2016, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, est prescrite. 10. En statuant ainsi, alors que, à concurrence de la moitié de la donation, Mme [Z] disposait d'un délai de cinq ans à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables l'action en déclaration de simulation engagée par Mme [I] [Z] ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par M. [G] [Z] et M. [L] [Z], à l'occasion de la constitution de la SCI Berlioz et des opérations de toute nature (achats de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants?) concernant la SARL Salsis et les sociétés venant aux droits de celle-ci, et rejette sa demande d'expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société Salsis emballages et de la SCI Berlioz données à MM. [G] et [L] [Z], dans leur état au jour de la donation et leur valeur au jour du partage, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne MM. [G] et [L] [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [G] et [L] [Z] et les condamne à payer à Mme [I] [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [I] [Z], demanderesse au pourvoi principal. IL EST REPROCHÉ à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en déclaration de simulation engagée par Mme [I] [Z], ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages obtenus de leurs parents par M. [G] [Z] et M. [L] [Z], à l'occasion de la constitution de la société civile immobilière Berlioz et les opérations de toute nature (achats de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garantie hypothécaires, fonctionnement de comptes courants?) concernant la SARL Salsis et les sociétés venant aux droits de ladite société et d'avoir rejeté sa demande d'expertise aux fins de chiffer ces gratifications ou avantages ; ALORS QUE la donation d'un bien commun, si elle porte atteinte à la réserve, est réductible à la quotité disponible, pour la moitié de sa valeur, lors de l'ouverture de la succession de chacun des époux codonateurs ; que l'action par laquelle un héritier réservataire fait valoir la simulation en vue de la réduction d'une telle donation se prescrit par trente ans ou cinq ans (en fonction de la date du décès) à compter de l'ouverture de chacune des deux successions ; que Mme [I] [Z] faisait valoir que le délai de prescription de son action en déclaration de simulation en vue de la réduction des donations déguisées consenties par ses parents à ses frères avait respectivement commencé à courir, s'agissant de sa mère, à la date du décès de celle-ci en 2001 et, en ce qui concernait son père, à la date du décès de celui-ci en 2013 (conclusions, p. 8) ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'action de Mme [Z], que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001, la cour d'appel a violé les articles 920, 921 et 1202 du code civil et l'article 2262 ancien du même code. Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour MM. [G] et [L] [Z], demandeurs au pourvoi incident. MM. [Z] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 273 094,10 euros le montant total des liquidités ou sommes d'argent perçues du vivant des défunts que Mme [I] [Z] doit rapporter aux successions confondues de ses parents ; ALORS QUE le rapport d'une somme d'argent qui a servi à acquérir un bien est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil ; qu'en condamnant Mme [I] [Z] à rapporter aux successions confondues de ses parents la somme de 273 094,10 euros, celle-ci comprenant notamment la somme de 105 000 euros reçue en 2005/2006 pour « l'achat de son appartement [Adresse 3] », sans ordonner que le rapport soit calculé en fonction de la valeur du bien ainsi acquis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 860-1 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 3 FS-B Pourvoi n° V 21-15.650 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 La société Artcurial, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-15.650 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ à la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Artcurial, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), par ordonnance du 6 juin 2016, un juge des tutelles a autorisé M. [P], en sa qualité de tuteur de Mme [C] [S], à confier la vente de la collection d'oeuvres d'[U] et [B] [V], appartenant en indivision à la majeure protégée et à son fils, M. [I] [S], à la société Artcurial, opérateur de ventes volontaires, selon le mandat de vente annexé et par vente aux enchères volontaire, au prix minimum fixé par oeuvre dans ce mandat. 2. Prétendant que la société Artcurial avait commis une faute en procédant à la vente volontaire de ces oeuvres et violé le monopole des commissaires-priseurs judiciaires, la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris et la chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires l'ont assignée en paiement de dommages et intérêts. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Artcurial fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, alors « que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires dès lors que le juge des tutelles ne l'impose pas et se borne à entériner la décision de vendre prise librement par un propriétaire en autorisant le requérant à effectuer un acte de disposition ; qu'en jugeant en l'espèce, pour condamner la société Artcurial à indemniser la chambre de discipline de la compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la vente aux enchères publiques des 13 oeuvres d'art de [B] et [U] [V] appartenant en indivision à M. [S] et à sa mère, Mme [S], majeure protégée sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie en date du 6 juin 2016, était une vente judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000, ensemble, l'article 505 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 et 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022 : 4. Il résulte de ces textes qu'une vente de meubles appartenant à un majeur en tutelle, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, agissant au nom de la personne protégée, et devant avoir lieu aux enchères publiques, constitue, non pas une vente judiciaire prescrite par décision de justice, mais une vente volontaire qui peut être organisée par un opérateur de ventes volontaires. 5. Pour condamner la société Artcurial au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la vente initiée par le tuteur et autorisée par le juge des tutelles, qui prescrit d'y procéder sous la forme d'une vente aux enchères, est une vente judiciaire et que la société Artcurial a commis une faute en choisissant de procéder à une vente volontaire. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 9. La vente aux enchères publiques des oeuvres d'art, propriété indivise de la personne protégée et de son fils, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, constituant une vente volontaire, la société Artcurial n'a pas commis de faute en y procédant. 10. Le jugement doit donc être confirmé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Confirme le jugement du 5 septembre 2018. Condamne la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris et la condamne à payer à la société Artcurial la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés devant la cour d'appel et la même somme pour ceux exposés devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Artcurial. La société Artcurial reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris de toutes ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris la somme de 15 061,20 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel ; 1°) Alors que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires dès lors que le juge des tutelles ne l'impose pas et se borne à entériner la décision de vendre prise librement par un propriétaire en autorisant le requérant à effectuer un acte de disposition ; qu'en jugeant en l'espèce, pour condamner la société Artcurial à indemniser la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la vente aux enchères publiques des 13 oeuvres d'art de [B] et [U] [V] appartenant en indivision à M. [S] et à sa mère, Mme [S], majeure protégée sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie en date du 6 juin 2016, était une vente judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi n°2000-642 du 10 juillet 2000, ensemble, l'article 505 du code civil ; 2°) Alors que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires ; qu'en relevant, pour considérer que la vente intervenue était judiciaire et condamner la société Artcurial à indemniser la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, qu'un juge des tutelles peut décider que les modalités de la vente seront celles d'une vente aux enchères publiques avec le cas échéant une mise à prix et également un prix de réserve, quand ce dernier ne délivre cette autorisation qu'à défaut d'un conseil de famille et que la décision de vendre ne lui appartient pas, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation inopérante à qualifier la vente en litige de judiciaire, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000, ensemble, l'article 505 du code civil ; 3°) Alors que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires ; qu'en relevant, pour condamner la société Artcurial à indemniser la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la protection de l'intérêt du majeur protégé qui repose sur le seul contrôle du juge des tutelles est mieux assurée dans le cadre de la vente confiée à un commissaire-priseur judiciaire ou un autre officier ministériel dont l'activité est contrôlée par une inspection annuelle de ses pairs ainsi que le Procureur de la république, et encore que, la société Artcurial a imposé à l'acquéreur des frais d'adjudication de 21,5 % et ainsi perçu des frais de 22,5 % au total contre 17 % dans le cadre d'une vente judiciaire, « la chambre de discipline fai[san]t valoir à juste titre que l'acquéreur inclut nécessairement le montant de ces frais dans ce qu'il est prêt à payer et enchérit moins haut, ce qui, en définitive, nuit aux intérêts du vendeur », la cour d'appel, qui s'est livrée à une appréciation de pure opportunité, a statué par une motivation impropre à caractériser une vente judiciaire aux enchères publiques et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 de la loi n°2000-642 du 10 juillet 2000 ; 4°) Alors que, ce faisant, en statuant par ces derniers motifs, la cour d'appel, qui a méconnu que seul le juge des tutelles veille à l'intérêt du majeur protégé et qu'en l'espèce, le juge des tutelles près le tribunal d'instance de Courbevoie a autorisé la vente sous enchère publique après avoir souligné que cette opération était conforme à l'intérêt de Mme [C] [S], majeure protégée, a violé l'article 505 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1191 FS-B+R Pourvoi n° G 21-19.342 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.342 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Alpilles events, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Alpilles events, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Alpilles events, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 19 décembre 2019 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Alpilles events a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Alpilles events a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre eux, il doit garantir la société Alpilles events des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner à payer diverses provisions à l'assuré, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ». Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes "épidémie", "maladie contagieuse" et "intoxication" ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une "cause identique", de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme "épidémie" ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une "cause identique", soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme "épidémie" et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que "la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [...] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie", pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme "épidémie", qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que "la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur", pour en déduire que l'imprécision de la notion d'"épidémie" rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une "cause identique" - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans "le même territoire départemental", ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, "quelle que soit sa nature et son activité", ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion litigieuse vide de sa substance la garantie souscrite et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt constatant que les critères d'indemnisation de la société Alpilles events concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies sont réunis, déclarant non écrite la clause d'exclusion de garantie, et condamnant l'assureur à un paiement provisionnel entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Alpilles events aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les critères d'indemnisation de la société Alpilles Events concernant les pertes d'exploitation subies par celle-ci, garanties par un contrat d'assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de cette compagnie, étaient réunis, d'avoir déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévalait ladite compagnie, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre elles, la société AXA devait garantir la société Alpilles Events des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée une somme provisionnelle de 85.000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, ainsi qu'une provision complémentaire de 60.000 euros à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020 ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [...] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 6 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 7 § 1), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 32.a, 32.b et 32.b.bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 7 § 2), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques - que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 dernier §) - qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 3) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 12 § 6), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 5), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119341, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119343, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2115392, Bull. (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1190 FS-B+R Pourvoi n° H 21-19.341 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-19.341 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Beraha, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Beraha, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Beraha, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 7 février 2014 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Beraha a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Beraha a effectué deux autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives, ordonnées du 28 septembre au 4 octobre 2020, par arrêté préfectoral du 27 septembre 2020, et à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assurée et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes "épidémie", "maladie contagieuse" et "intoxication" ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une "cause identique", de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme "épidémie" ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une "cause identique", soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme "épidémie" et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que "la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit", pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme "épidémie", qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que "la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur", pour en déduire que l'imprécision de la notion d'"épidémie" rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une "cause identique" - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans "le même territoire départemental", ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, "quelle que soit sa nature et son activité", ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis par ailleurs en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Beraha, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Beraha aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société AXA France IARD La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 7 février 2014, elle devait garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée les sommes de 92.818 euros à titre de provision au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, et de 79.430 à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, et de l'avoir condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 7 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 6 § 8), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 7 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment précise (arrêt p. 7 dernier §), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 23 et 23 bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA AXA France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques - que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 7 § 12) - qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 8 § 2) est impropre à caractériser l'absence de cause de l'obligation essentielle, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil (arrêt p. 8 § 5), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 8 § 4), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119342, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119343, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2115392, Bull. (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1192 FS-B+R Pourvoi n° J 21-19.343 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-19.343 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société A La Bonne franquette, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société A La Bonne franquette, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société A La Bonne franquette, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 21 juillet 2017 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société A La Bonne franquette a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société A La Bonne franquette a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à payer à l'assuré diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes "épidémie", "maladie contagieuse" et "intoxication" ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une "cause identique", de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme "épidémie" ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une "cause identique", soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme "épidémie" et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que "la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit", pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme "épidémie", qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que "la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur", pour en déduire que l'imprécision de la notion d'"épidémie" rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour dire que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une "cause identique" - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans "le même territoire départemental", ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, "quelle que soit sa nature et son activité", ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et condamnant l'assureur à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société A La Bonne franquette aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société AXA France IARD La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 21 juillet 2017, elle devait garantir la société A La Bonne Franquette des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 2-10), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 5 § 6), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 6 § 11), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 37), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et- Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (sa pièce n° 17 en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA AXA France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p.6 dernier §), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques - que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 § 10) - qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 1) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 § 4), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119341, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119342, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2115392, Bull. (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1193 FS-B+R Pourvoi n° Q 21-15.392 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-15.392 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Le Phoenix, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Le Phoenix,et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), la société Le Phoenix, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 23 août 2017 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Le Phoenix a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Le Phoenix a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'il doit garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assuré et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat alors « que l'absence de définition contractuelle du terme "épidémie" ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une "cause identique", de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme "épidémie" ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une "cause identique", soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme "épidémie", elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 6. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 8. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être interprété, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise ne peut être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances. 9. Il ajoute que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins. 10. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 11. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une "cause identique" - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - que celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans "le même territoire départemental", ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, "quelle que soit sa nature et son activité", ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 12. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 14. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur est celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie. 15. Il énonce, ensuite, que l'exclusion n'est pas limitée dès lors qu'elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie. 16. Ajoutant que l'assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, l'arrêt en déduit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances. 17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Le Phoenix, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Le Phoenix aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société AXA France IARD La société AXA fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'AVOIR dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 23 août 2017, elle devait garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation et de l'AVOIR condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS, d'abord, QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que l'assureur ne produisait, selon elle, aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 §§ 9-10), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 2) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « l'exclusion ainsi définie n'est nullement limitée puisqu'elle vise tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville » (arrêt p. 8 § 8), la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 3) ALORS, subsidiairement, QUE la cour d'appel a elle-même constaté qu'il résultait des différentes pièces produites par les parties qu'il était possible qu'une épidémie ne concerne que la population d'un lieu limité (arrêt p. 8 § 3), ce dont il se déduisait a fortiori que la garantie subsistant après application de la clause d'exclusion, consistant en la garantie des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait d'une mesure de fermeture administrative touchant son seul établissement dans son département, était susceptible de jouer, de sorte que la garantie n'était pas vidée de toute substance du fait de cette clause ; qu'en affirmant que la clause d'exclusion vidait la garantie de sa substance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 4) ALORS, également subsidiairement, QU' en se bornant à affirmer que l'assureur ne produisait aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 § 10), sans rechercher si l'exemple d'indemnisation d'une ferme auberge faisant l'objet d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie de grippe aviaire qui était produit par l'assureur en pièce n° 16 et expressément invoqué par celui-ci dans ses conclusions (p. 37) était de nature à établir que sa garantie avait déjà joué en cas d'épidémie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 5) ALORS, ensuite, QUE la cour d'appel, qui a affirmé que la clause d'exclusion de garantie n'était pas limitée en se bornant à rappeler les termes de cette clause (arrêt p. 8 § 8) sans aucunement donner les raisons qui la conduisaient à porter une telle appréciation, en particulier sans expliquer en quoi il résulterait des termes de cette clause qu'elle viderait la garantie de sa substance, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 6) ALORS, subsidiairement, QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - que celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 7) ALORS, aussi, QUE l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 8) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre au motif qu'à la suite de l'épidémie de coronavirus, AXA a proposé à son assurée un avenant contenant cette fois une définition contractuelle des termes épidémie et pandémie et précisant le sort de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une épidémie et à une pandémie (arrêt p. 9 § 1), quand, d'une part, cette proposition d'avenant ne la dispensait pas d'analyser la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie, puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119341, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119342, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 2119343, Bull. (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1252 FS-B Pourvoi n° N 21-10.744 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 1°/ la société Leader Menton, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ la société Suand, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° N 21-10.744 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Heir invest, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Sarjel immo, 2°/ au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic le Cabinet Clarus, [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des sociétés Leader Menton et Suand, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020) le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias (le syndicat des copropriétaires) a assigné devant un juge de l'exécution les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo, désormais dénommée Heir invest, qui avaient été condamnées sous astreinte à effectuer des travaux de remise en état, en liquidation de l'astreinte. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les sociétés Leader Menton et Suand (les sociétés) font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence de les condamner in solidum à payer la somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et de fixer une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour elles d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial, alors « que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture sont réputées signifiées avant celle-ci ; qu'elles sont donc recevables, les juges du fond devant simplement s'assurer que leur dépôt ne porte pas atteinte à l'exercice des droits de la défense ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que "les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49", quand aucune violation du contradictoire n'était alléguée par les autres parties, et que les conclusions et pièces devaient être réputées signifiées avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 16, 135 et 783 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 783, devenu 802, du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Aux termes de l'article 748-1 du même code, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication. Selon l'article 748-3 du même code, les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci. Selon l'article 930-1 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. 5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'il est recouru, dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA). 6. Ayant relevé que les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 avaient été remises par les sociétés le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA à 8h49, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a fait ressortir que ces conclusions avaient été déposées après l'ordonnance de clôture, a statué comme elle l'a fait. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. Les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence de les condamner in solidum à payer la somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et de fixer une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour elles d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial, alors « qu'à supposer même que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture puissent ne pas être réputées antérieures à celle-ci, l'irrecevabilité des dernières pièces et écritures déposées est subordonnée à la condition que les parties aient été averties, avec un délai de prévenance suffisant, de la date de l'ordonnance de clôture à intervenir ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que "les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49" sans constater que les parties auraient été avisées de la date de l'ordonnance de clôture avec un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 783 du code de procédure civile, et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article 783, devenu 802, du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. 10. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que des conclusions déposées après l'ordonnance de clôture ne peuvent être déclarées irrecevables lorsque leur auteur n'a pas été préalablement informé de la date à laquelle celle-ci devait être rendue. 11. Toutefois, le juge n'est pas tenu de vérifier d'office que les parties ont été avisées de la date de l'ordonnance de clôture. Il appartient à la partie qui, ayant remis ses conclusions après l'ordonnance de clôture, soutient ne pas avoir été préalablement avisée de la date de son prononcé, d'en solliciter la révocation. 12. Ayant relevé que les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 avaient été remises par les sociétés le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'avait pas été sollicitée, avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA à 8h49, la cour d'appel en a exactement déduit que ces conclusions et pièces étaient irrecevables. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne les sociétés Leader Menton et Suand aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Leader Menton et Suand et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, représenté par son syndic, le Cabinet Clarus, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Leader Menton et Suand PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Leader Menton et la SCI Suand font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence d'avoir condamné in solidum les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo à payer une somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et d'avoir fixé une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial ; 1/ ALORS QUE les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture sont réputées signifiées avant celle-ci ; qu'elles sont donc recevables, les juges du fond devant simplement s'assurer que leur dépôt ne porte pas atteinte à l'exercice des droits de la défense ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » (arrêt, p. 6, alinéa 3), quand aucune violation du contradictoire n'était alléguée par les autres parties, et que les conclusions et pièces devaient être réputées signifiées avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 16, 135 et 783 du code de procédure civile ; 2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture puissent ne pas être réputées antérieures à celle-ci, l'irrecevabilité des dernières pièces et écritures déposées est subordonnée à la condition que les parties aient été averties, avec un délai de prévenance suffisant, de la date de l'ordonnance de clôture à intervenir ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » (arrêt, p. 6, alinéa 3) sans constater que les parties auraient été avisées de la date de l'ordonnance de clôture avec un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 783 du code de procédure civile, et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Leader Menton et la SCI Suand font grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo à payer une somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017 ; 1/ ALORS QUE saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, le juge de l'exécution a la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation sans pouvoir modifier celle-ci ; qu'en conséquence, lorsque la décision irrévocable prononçant l'astreinte ne précise ni dans son dispositif, ni même dans ses motifs, l'obligation assortie de l'astreinte, le juge de l'exécution ne peut que rejeter la demande de liquidation, faute d'obligation inexécutée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 4 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se bornait à indiquer dans son dispositif : « fixe une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision » ; que ses motifs ne permettaient pas d'identifier l'obligation dont aurait été assortie l'astreinte puisqu'ils énonçaient simplement : « il y a lieu de fixer une nouvelle astreinte provisoire d'un même montant de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision et sans limitation de durée » ; qu'il en résultait que l'astreinte ne garantissait l'exécution d'aucune obligation, en sorte que faute d'obligation inexécutée, elle ne pouvait être liquidée ; qu'en retenant pourtant, en se référant aux décisions rendues les 8 janvier 2009 et 9 décembre 2009, que les sociétés Leader Menton et Suand ne seraient pas fondées à se prévaloir du caractère indéterminé de l'obligation assortie d'astreinte, quand ces décisions n'étaient pas celles qui avaient fixé l'astreinte dont la liquidation était demandée, l'arrêt du 4 septembre 2015 ne fixant en revanche pas l'obligation à exécuter, la cour d'appel a violé les articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2/ ALORS QUE saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, le juge de l'exécution a la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation sans pouvoir modifier celle-ci ; qu'en conséquence, lorsque la décision irrévocable prononçant l'astreinte ne précise ni dans son dispositif, ni même dans ses motifs, l'obligation assortie de l'astreinte, le juge de l'exécution ne peut que rejeter la demande de liquidation, faute d'obligation inexécutée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 4 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se bornait à indiquer dans son dispositif : « fixe une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision » ; que ses motifs ne permettaient pas d'identifier l'obligation dont aurait été assortie l'astreinte puisqu'ils énonçaient simplement : « il y a lieu de fixer une nouvelle astreinte provisoire d'un même montant de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision et sans limitation de durée » ; qu'il en résultait que l'astreinte ne garantissait l'exécution d'aucune obligation, en sorte que faute d'obligation inexécutée, elle ne pouvait être liquidée ; que le juge de l'exécution a pourtant retenu que les exposantes « ne peuvent faire valoir l'existence d'une obligation indéterminée, compte tenu de l'absence de complexité de l'obligation qui leur est imposée, aucune des parties n'ayant d'ailleurs entendu déposer une quelconque requête en interprétation » (jugement, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand il n'y avait pas lieu à interpréter la décision du 4 septembre 2015 laquelle ne précisait pas l'obligation assortie de l'astreinte, la cour d'appel, à supposer ce motif adopté, a violé les articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1265 F-B Pourvoi n° A 21-15.425 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 1°/ Mme [N] [I], épouse [F], 2°/ M. [H] [F], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° A 21-15.425 contre l'arrêt n° RG : 19/04259 rendu le 18 février 2021, rectifié par l'arrêt n° RG : 21/03663 rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [R] [X], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société Carpentier [X] Claudot, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I], épouse [F] et M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X] et la société Carpentier [X] Claudot, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 18 février 2021 et 25 mars 2021), par acte notarié reçu le 24 juin 2008 par la société [X] Carpentier Mancy, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à la société Brise marine un prêt pour l'acquisition d'un bien immobilier, garanti par la caution de M. [F] et de Mme [I]. 2. A la suite de la cessation du remboursement du prêt par la société Brise marine, la banque a prononcé l'exigibilité anticipée du solde du prêt et inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur les droits et portions d'un bien immobilier appartenant à M. [F] et à Mme [I]. 3. Le 19 novembre 2015, M. [F] et Mme [I] ont assigné la banque devant un juge de l'exécution en mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire et en condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts. 4. Par jugement du 11 octobre 2016, un juge de l'exécution a constaté la nullité de l'engagement de caution contenu dans l'acte notarié du 24 juin 2008 en raison du vice du consentement de cet engagement, ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et condamné la banque au paiement de dommages-intérêts. 5. La banque a interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 24 mai 2018, une cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'engagement de caution et condamné la banque à payer des dommages-intérêts, et, statuant de nouveau, a jugé que M. [F] et Mme [I], cautions du prêt consenti à la société Brise marine par acte notarié du 24 juin 2008, étaient déchargés de leur obligation de garantie. 6. Le 28 février 2019, M. [X], notaire associé, et la société Carpentier [X] Claudot, notaires associés (l'office notarial), ont formé tierce opposition à l'encontre de l'arrêt du 24 mai 2018. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. [F] et Mme [I] font grief à l'arrêt du 18 février 2021, rectifié par l'arrêt du 25 mars 2021, de déclarer recevable la tierce opposition formée par M. [X] et l'office notarial à l'encontre de l'arrêt du 24 mai 2018, de rétracter cet arrêt et statuant à nouveau de dire que, cautions du prêt consenti à la société Brise Marine, ils restaient tenus par leur obligation de garantie, alors « que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions de justice, faisant directement grief à son auteur, et non contre les motifs ; que, pour déclarer recevable la tierce opposition du notaire et de la SCP notariale, la cour d'appel, après avoir relevé leur assignation en responsabilité par la banque, a énoncé que, dans l'arrêt attaqué du 24 mai 2018, elle avait "dit et jugé que les époux [F] sont déchargés de leur obligation de garantie au motif que l'acte authentique de prêt du 24 juin 2008 n'a pas pu donner naissance au privilège de prêteur de dernier dans la mesure où il n'a pas été publié" ; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur les motifs de l'arrêt attaqué, cependant que son dispositif ne comportait, suivant ses propres constatations, aucun chef faisant directement grief au notaire et la SCP notariale, qui n'y étaient pas même visés, la cour d'appel a violé l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 8. M. [X] et la SCP notariale contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, et par conséquent irrecevable. 9. Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait pas été constaté par les juges du fond, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. 10. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile : 11. Aux termes de cet article, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. 12. L'autorité de la chose jugée étant limitée au dispositif des décisions, la tierce opposition n'est, dès lors, pas ouverte contre les motifs des décisions. 13. Pour déclarer recevable la tierce opposition de M. [X], notaire, et de l'office notarial, l'arrêt retient que l'arrêt du 24 mai 2018 a dit et jugé que M. [F] et Mme [I] sont déchargés de leur obligation de garantie au motif que l'acte authentique de prêt du 24 juin 2008 n'a pas pu donner naissance au privilège de prêteur de denier dans la mesure où il n'a pas été publié et que le 25 septembre 2015, la banque a mis en cause la responsabilité de M. [X] et de l'office notarial devant un tribunal de grande instance au motif que M. [X] a omis de préserver sa créance par la prise de garanties hypothécaires conformément aux instructions reçues et n'a jamais porté à sa connaissance l'impossibilité à laquelle il aurait pu être confronté. 14. L'arrêt en déduit que M. [X] et l'office notarial, qui n'ont pas été attraits dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 24 mai 2018, ont un intérêt légitime, actuel, direct et personnel à agir en contestation de cette disposition de l'arrêt qui leur fait grief. 15. En statuant ainsi, en se fondant, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur des motifs de l'arrêt du 24 mai 2018 caractérisant un intérêt direct et personnel des demandeurs à celle-ci, quand le dispositif de l'arrêt du 24 mai 2018 se bornait à décharger les cautions de leur obligation de garantie et ne comportait aucun chef de dispositif faisant grief au notaire et à l'office notarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2021, rectifié par arrêt du 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [X], la société Carpentier [X] Claudot et la société BNP Paribas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [X] et la société Carpentier [X] Claudot et celle formée par la société BNP Paribas et condamne M. [X] et la société Carpentier [X] Claudot à payer à M. [F] et à Mme [I] la somme globale de 1 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassé et rectifié ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [N] [I], épouse [F] et M. [H] [F] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par Me [R] [X] et la SCP Carpentier [X] Claudot à l'encontre de l'arrêt du 24 mai 2018, d'avoir retracté cet arrêt et statuant à nouveau d'avoir dit que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine, ils restaient tenus par leur obligation de garantie ; 1°) Alors que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions de justice, faisant directement grief à son auteur, et non contre les motifs ; que, pour déclarer recevable la tierce opposition du notaire et de la SCP notariale, la cour d'appel, après avoir relevé leur assignation en responsabilité par la banque, a énoncé que, dans l'arrêt attaqué du 24 mai 2018, elle avait « dit et jugé que les époux [F] sont déchargés de leur obligation de garantie au motif que l'acte authentique de prêt du 24 juin 2008 n'a pas pu donner naissance au privilège de prêteur de dernier dans la mesure où il n'a pas été publié » ; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur les motifs de l'arrêt attaqué, cependant que son dispositif ne comportait, suivant ses propres constatations, aucun chef faisant directement grief au notaire et la SCP notariale, qui n'y étaient pas même visés, la cour d'appel a violé l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile ; 2°) Alors que l'auteur de la tierce opposition doit justifier d'un intérêt à agir qui lui soit propre ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêt attaqué par le notaire et la SCP notariale avait seulement dit et jugé que les époux [F], cautions du prêt consenti à la société Brise Marine par acte notarié en date du 24 juin 2008, sont déchargés de leur obligation de garantie ; qu'en décidant cependant que ces derniers avaient « un intérêt légitime, actuel, direct et personnel à agir en contestation de cette disposition dudit arrêt qui leur fait en effet grief », cependant que, au regard de la décharge des cautions prononcée par l'arrêt attaqué du 24 mai 2018, l'intérêt à agir du notaire et de la SCP notariale se confondait avec celui de la banque, privée de sa garantie, ce dont il résultait leur absence d'intérêt propre à agir, la cour d'appel a encore violé l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile ; 3°) Alors que nul ne plaide par procureur ; que le notaire ne pouvait demander au lieu et place de la BNP PARIBAS qui ne formulait aucune demande en ce sens, de dire et juger que les époux [F] ne sont pas déchargés de leur obligation de caution ; qu'en faisant droit à cette demande du notaire l'arrêt attaqué a violé la règle nul ne plaide par procureur. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'arrêt du 24 mai 2018 en ce qu'il a dit et jugé que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine par acte notarié en date du 24 juin 2008, ils sont déchargés de leur obligation de garantie, et, en conséquence, d'avoir dit qu'ils restent tenus par leur obligation de garantie ; 1°) Alors que dans leurs écritures, pour s'opposer à la remise en question du chef les ayant déchargés de leur obligation de garantie, les époux [F] ont invoqué la disproportion de leur engagement de caution, sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation (concl., p. 16-17), la nullité de la clause d'intérêts, l'absence de déchéance du terme et l'absence de créance exigible au profit de la BNP (concl., p. 17 s.) ; que l'arrêt attaqué ne se prononce sur aucun de ces moyens en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) Alors que la tierce opposition remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que le défendeur est recevable à présenter toutes prétentions tendant à faire écarter celles du tiers opposant ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré n'avoir pas à répondre aux moyens des conclusions des époux [F], défendeurs à la tierce opposition, de nature, à faire écarter au fond les prétentions du tiers opposant, elle a méconnu l'effet dévolutif de la tierce opposition et a violé l'article 582 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'arrêt du 24 mai 2018 en ce qu'il a dit et jugé que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine par acte notarié en date du 24 juin 2008, ils sont déchargés de leur obligation de garantie, et, en conséquence, d'avoir dit qu'ils restent tenus par leur obligation de garantie ; 1°) Alors que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; que, pour décider que le notaire disposait d'un pouvoir de représentation « donné dès l'origine » par la société Quo Vadis, vendeur, pour établir le 9 octobre 2015 un acte rectificatif de l'acte de vente du 24 juin 2008, la cour d'appel s'est fondée sur une clause stipulée à l'acte de prêt du 24 juin 2008 passé entre la banque et l'acquéreur, suivant laquelle, « pour l'accomplissement des formalités de publicité foncière, les parties (...) donnent tous pouvoirs nécessaires à tout clerc habilité (...) à l'effet de faire dresser et signer tous actes complémentaires ou rectificatifs (...) », étant relevé que « l'acte rectificatif du 9 octobre 2015 renvoie bien à l'acte de prêt du 24 juin 2008 » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société Quo Vadis, venderesse, suivant ses propres constatations (arrêt, p. 3), n'était pas partie à l'acte de prêt du 24 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil ; 2°) Alors que dans leurs écritures, les époux [F] ont invoqué l'autorité de chose jugée attachée à un jugement du 28 mai 2018 rendu par le tribunal de commerce de Toulon (concl., p. 23), publié au service de la publicité foncière, ayant dit que le défaut de consentement de la part des sociétés SARL Brise Marine et SA Quo Vadis dans la signature de l'acte rectificatif du 9 octobre 2015 a pour conséquence la nullité dudit acte, déclaré ledit acte nul pour défaut de consentement de la part de la SARL Brise Marine et de la SA Quo Vadis et prononcé sa nullité dudit acte ; qu'en donnant effet à l'acte rectificatif du 9 octobre 2015, sans se prononcer sur l'autorité de chose jugée du jugement du 28 mai 2018, qui en avait constaté la nullité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que sa décision de rétractation de l'arrêt du 24 mai 2018, par laquelle la cour d'appel a dit que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine par acte notarié du 24 juin 2008, ils restent tenus par leur obligation de garantie, a autorité de chose jugée à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en application de l'article 584 du code de procédure civile ; Alors qu'il résulte de la combinaison des articles 584 et 591 du code de procédure civile qu'en cas de tierce opposition le jugement primitif conserve ses effets entre parties même sur les chefs annulés ; qu'il n'en est autrement qu'en cas d'indivisibilité absolue lorsqu'il est impossible d'exécuter en même temps les deux décisions ; que, pour décider que sa décision de rétractation de l'arrêt du 24 mai 2018, par laquelle elle a dit que les époux [F], cautions du prêt consenti à la société Brise Marine par acte notarié du 24 juin 2008, restaient tenus par leur obligation de garantie, a chose jugée à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance, la cour d'appel a énoncé que conformément à l'article 591 du code de procédure civile sa décision a autorité de chose jugée à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en application de l'article 584 du même code ; que toutefois l'inexécution des engagements de caution envers la banque n'emporte aucune impossibilité d'exécution d'une éventuelle condamnation ou exonération du notaire au titre de sa responsabilité professionnelle à l'égard de la banque ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les textes susvisés. 2e Civ., 5 juin 1996, pourvoi n° 93-19.805, Bull. 1996, II, n° 142.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 887 F-B Pourvoi n° X 21-17.492 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [T] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.492 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [O], domiciliée [Adresse 1] (Luxembourg), prise en qualité de liquidateur de la société Landsbanki, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 4] Luxembourg, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2021), M. [K] (l'emprunteur) a formé un recours contre la décision d'un directeur des services de greffe judiciaires constatant la force exécutoire en France d'un arrêt de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg qui a rejeté sa demande d'admission au passif de la société luxembourgeoise Landsbanski Luxembourg, représentée par Mme [O], liquidatrice (la banque), et l'a condamné à payer à celle-ci diverses sommes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 2. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de constater la force exécutoire, en France, de l'arrêt de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg, alors : « 1°/ que l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié ledit consommateur, sauf à ce que cette demande soit formée à titre reconventionnel devant le tribunal saisi par le consommateur d'une demande originaire ; qu'en l'espèce, en retenant, pour en déduire que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes, que la banque avait formé une demande reconventionnelle contre l'emprunteur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la demande en remboursement du prêt formée par la banque était connexe à la demande originaire d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 15, 16, 35 et 45 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I) ; 2°/ que si le juge d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent, c'est à la condition que le défendeur ait été informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que l'emprunteur n'a pas contesté la compétence de la juridiction de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la banque, sans rechercher si celui-ci avait été informé de son droit de contester la compétence de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 24 du règlement n° 44/2001, ensemble l'article 26 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis) et l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. » 3. En premier lieu, il résulte de l'article 66 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I bis) que le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I) continue à s'appliquer aux décisions rendues dans les actions judiciaires intentées avant le 10 janvier 2015. 4. Ayant relevé que l'action devant les juridictions luxembourgeoises avait été engagée le 31 mars 2010, la cour d'appel en a exactement déduit que la reconnaissance de la décision rendue par elles était régie par le règlement Bruxelles I, lequel ne prévoyait pas qu'avant de se déclarer compétente, la juridiction devait s'assurer que le consommateur défendeur était informé de son droit de contester cette compétence et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution. 5. En second lieu, il résulte de l'arrêt de la CJCE, arrêt du 20 mai 2010, Česká podnikatelská pojišťovna as, Vienna Insurance Group/Michal Bilas, C-111/09 que l'article 24 du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens que le juge saisi, sans que les règles relatives au contrat de consommation aient été respectées, doit se déclarer compétent lorsque le défendeur comparaît et ne soulève pas d'exception d'incompétence, une telle comparution constituant une prorogation tacite de compétence. 6. Ayant constaté que l'emprunteur n'avait pas contesté la compétence de la cour d'appel de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la banque, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, est potestative la clause autorisant la banque à exiger le remboursement du prêt dans l'hypothèse, selon une procédure de calcul laissée par le contrat à l' « entière discrétion » de la banque, le ratio de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen relatif à l'existence d'une éventuelle clause potestative relève de l'appréciation du juge du fond et qu'une clause potestative n'est en tout état de cause pas contraire à l'ordre public français, lorsque la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public, de sorte qu'une décision de condamnation fondée sur une telle clause ne peut être reconnue, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I), ensemble l'article 1304-2 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Selon les articles 34 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I), la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 9. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE, arrêt du 6 juillet 2015, Diageo Brands BV/Simiramida-04 EOOD, C-681/13). 10. En retenant que ne satisfaisait pas à ces conditions la violation alléguée de l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prohibait les clauses potestatives, la cour d'appel a justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. 12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 16, 3° de la section 4 du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la société Landsbanski Luxembourg, représentée par Mme [O], liquidateur la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [K] Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions et, partant, d'avoir constaté la force exécutoire, en France, de l'arrêt en date du 27 avril 2016 de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg dans l'instance opposant la société anonyme Landsbanki Luxembourg à Monsieur [T] [K] ; 1°) Alors que, d'une part, l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié ledit consommateur, sauf à ce que cette demande soit formée à titre reconventionnel devant le tribunal saisi par le consommateur d'une demande originaire ; qu'en l'espèce, en retenant, pour en déduire que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes, que la société Landsbanki avait formé une demande reconventionnelle contre Monsieur [K], sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, p. 10), si la demande en remboursement du prêt formée par la banque était connexe à la demande originaire d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 15, 16, 35 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 2°) Alors que, d'autre part, si le juge d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent, c'est à la condition que le défendeur ait été informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que Monsieur [K] n'a pas contesté la compétence de la cour d'appel de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la société Landsbanki, sans rechercher si celui-ci avait été informé de son droit de contester la compétence de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 24 du Règlement n° 44/2001, ensemble l'article 26 du Règlement (UE) n° 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3°) Alors que, de troisième part, une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, est potestative la clause autorisant la banque à exiger le remboursement du prêt dans l'hypothèse, selon une procédure de calcul laissée par le contrat à l' « entière discrétion » de la banque, le ratio de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen relatif à l'existence d'une éventuelle clause potestative relève de l'appréciation du juge du fond et qu'une clause potestative n'est en tout état de cause pas contraire à l'ordre public français, lorsque la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public, de sorte qu'une décision de condamnation fondée sur une telle clause ne peut être reconnue, la cour d'appel a violé l'article 34 du Règlement 44/2001, ensemble l'article 1304-2 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 877 FP-B+R Pourvoi n° N 21-15.390 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine », également connue sous la dénomination JSC Oschadbank, anciennement dénommée Public Joint Stock Company (State Savings Bank of Ukraine), société par actions, dont le siège est [Adresse 1] (Ukraine), a formé le pourvoi n° N 21-15.390 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16, chambre commerciale internationale), dans le litige l'opposant à la Fédération de Russie, dont le siège est [Adresse 2] (Fédération de Russie), agissant par le Bureau du procureur général de la Fédération de Russie, lui-même représenté par le procureur général de la Fédération de Russie en exercice, ayant tous pouvoirs pour agir au nom de la Fédération de Russie, domicilié [Adresse 4] (Fédération de Russie), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller doyen, les observations et plaidoiries de Me Ortscheidt, avocat de la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine », de Me Bénabent, avocat de la Fédération de Russie, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller doyen rapporteur, Mmes Duval-Arnould, Auroy, conseillers doyens, Mme Antoine, M. Mornet, Mme Poinseaux, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, M. Fulchiron, Mmes Dard, Bacache-Gibeili, Beauvois, M. Bruyère, Mme Agostini, conseillers, Mmes Le Gall, Kloda, M. Duval, Mmes Azar, de Cabarrus, Dumas, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2021), le 27 novembre 1998, la Fédération de Russie et la République d'Ukraine ont conclu un traité bilatéral de protection des investissements (le TBI), qui est entré en vigueur le 27 janvier 2000. 2. Après avoir défini le terme « investissements » en son article 1.1, le TBI prévoit, en son article 9, que « Tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » peut être soumis à l'arbitrage après une tentative de règlement amiable. 3. L'article 12 stipule que « Le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992. » 4. Le 20 janvier 2016, la société ukrainienne Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (la banque) a engagé, sur le fondement de ce traité, une action indemnitaire devant un tribunal arbitral, en invoquant l'expropriation par la Fédération de Russie, en 2014, de ses actifs situés en Crimée. 5. La Fédération de Russie a formé un recours en annulation de la sentence qui, après avoir constaté la violation du TBI, l'a condamnée à payer à la banque la somme de 1 111 300 729 dollars US. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence arbitrale et de la condamner à verser 150 000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que, sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que selon l'article 9 du Traité bilatéral d'investissement conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, "tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou les procédures de paiement des indemnités, prévu à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord" peut être soumis à l'arbitrage ; que l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement, en ce qu'il prévoit que "le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992", ne limite pas la protection procédurale offerte par la convention d'arbitrage figurant à l'article 9 de ce traité aux investissements réalisés après cette date, mais affecte uniquement l'entrée en vigueur de la protection substantielle des investissements par le traité ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que "l'offre d'arbitrage qui résulte de l'article 9 n'est pas une offre générale et inconditionnelle pour tout litige d'investissement entre la Fédération de Russie et l'Ukraine, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité bilatéral d'investissement de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et dont la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par l'investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992" et que "les termes de l'article 12 précité sont suffisamment clairs pour considérer qu'il détermine le champ d'application temporel du traité et qu'il n'ouvre droit à une protection tant substantielle que procédurale qu'aux seuls investissements qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 1992 de sorte qu'en sont nécessairement exclu ceux qui l'ont été antérieurement", pour en déduire que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée ayant débuté avant le 2 janvier 1992, cela impliquait "nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également" et que "la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige", la cour d'appel a violé l'article 1520,1°, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. La Fédération de Russie invoque l'irrecevabilité du moyen en ce que la banque se serait contredite à son détriment lors du recours en révision de la sentence. 8. Cependant, les moyens invoqués dans une autre instance ne sauraient caractériser une contradiction au détriment d'autrui. 9. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1520, 1°, du code de procédure civile : 10. Il résulte de ce texte que, si le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence. 11. En matière de protection des investissements transnationaux, le consentement de l'Etat à l'arbitrage procède de l'offre permanente d'arbitrage formulée dans un traité, adressée à une catégorie d'investisseurs que ce traité délimite pour le règlement des différends touchant aux investissements qu'il définit. 12. Pour annuler la sentence, l'arrêt retient que l'article 9 du TBI n'institue pas une offre générale et inconditionnelle pour tous litiges d'investissements entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité, de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et donc la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par un investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992. 13. En statuant ainsi, alors que ni l'offre d'arbitrage stipulée à l'article 9 ni la définition des investissements prévue à l'article 1 ne comportaient de restriction ratione temporis et que l'article 12 n'énonçait pas une condition de consentement à l'arbitrage dont dépendait la compétence du tribunal arbitral, mais une règle de fond, la cour d'appel, qui devait seulement vérifier, au titre de la compétence ratione temporis, que le litige était né après l'entrée en vigueur du traité, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société par actions Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » sur le moyen tiré de l'incompétence temporelle du tribunal arbitral, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la Fédération de Russie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Fédération de Russie et la condamne à payer à la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » PREMIER MOYEN DE CASSATION Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (JSC Oschadbank) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence arbitrale rendue à Paris le 26 novembre 2018 (PCA Case n° 2016-14) et de l'avoir condamnée à verser 150.000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; qu'en affirmant que « seule la volonté commune des parties a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel, lequel se confond en matière d'arbitrage avec sa compétence » et que « lorsque la clause d'arbitrage résulte d'un traité bilatéral d'investissement, il convient dès lors d'apprécier cette volonté commune au regard de l'ensemble des dispositions du traité de sorte que le tribunal arbitral n'est compétent pour connaître d'un litige que s'il entre dans le champ d'application du traité et que s'il est satisfait à l'ensemble de ses conditions d'application » (arrêt attaqué, §§ 70 et 71), quand la compétence du tribunal arbitral s'apprécie au regard, non pas de l'ensemble des conditions d'application du traité bilatéral d'investissement, notamment celles relatives à la protection substantielle offerte par ce traité, mais uniquement de celles affectant la convention d'arbitrage, la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que selon l'article 9 du Traité bilatéral d'investissement conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou les procédures de paiement des indemnités, prévu à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » peut être soumis à l'arbitrage ; que l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement, en ce qu'il prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 », ne limite pas la protection procédurale offerte par la convention d'arbitrage figurant à l'article 9 de ce traité aux investissements réalisés après cette date, mais affecte uniquement l'entrée en vigueur de la protection substantielle des investissements par le traité ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « l'offre d'arbitrage qui résulte de l'article 9 n'est pas une offre générale et inconditionnelle pour tout litige d'investissement entre la Fédération de Russie et l'Ukraine, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité bilatéral d'investissement de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et dont la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par l'investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992 » (arrêt attaqué, § 75) et que « les termes de l'article 12 précité sont suffisamment clairs pour considérer qu'il détermine le champ d'application temporel du traité et qu'il n'ouvre droit à une protection tant substantielle que procédurale qu'aux seuls investissements qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 1992 de sorte qu'en sont nécessairement exclu ceux qui l'ont été antérieurement » (arrêt attaqué, § 83), pour en déduire que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée ayant débuté avant le 2 janvier 1992, cela impliquait « nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également » et que « la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige » (arrêt attaqué, §§ 100-101), la cour d'appel a violé l'article 1520,1°, du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (JSC Oschadbank) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence arbitrale rendue à Paris le 26 novembre 2018 (PCA Case n° 2016-14) et de l'avoir condamnée à verser 150.000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE selon l'article 9 du Traité bilatéral conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, peut être soumis à l'examen d'un tribunal ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » ; que selon l'article 1.1 de ce traité, le terme investissement s'entend notamment de toutes sortes de biens qui sont investis par un investisseur d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante et énumère ensuite, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements ; que son article 12 prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 » ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté avant le 2 janvier 1992, « impliquant nécessairement que la réalisation de l'investissements le fût également », pour en déduire « que la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaitre du litige » (arrêt attaqué, §§ 100 et 101), après avoir pourtant constaté que « le 18 mars 2014, la République de Crimée a été rattachée à la Fédération de Russie au terme du traité conclu le même jour » (arrêt attaqué, § 2), ce dont il résultait que les biens de la société JSC Oschadbank situés dans la Péninsule de Crimée n'étaient devenus des investissements protégés, réalisés par une société ukrainienne sur le territoire de la Fédération de Russie, au sens du traité bilatéral d'investissement, que postérieurement à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 9 du Traité bilatéral conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, peut être soumis à l'examen d'un tribunal ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » ; que selon l'article 1.1 de ce traité, le terme investissement s'entend notamment de toutes sortes de biens qui sont investis par un investisseur d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante et énumère ensuite, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements ; que son article 12 prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 » ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « pour apprécier la date à laquelle cet investissement, qui devait être pris dans sa globalité comme l'ensemble des services bancaires et financiers exercés par la société JSC Oschadbank à travers ses succursales bancaires en Crimée a été réalisé, il convient donc de s'interroger sur la date à laquelle cette activité bancaire et financière a été créée » (arrêt attaqué, § 96), que « l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté antérieurement » au 2 janvier 1992, « impliquant nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également » (arrêt attaqué, § 100), pour en déduire que « la condition temporelle posée par l'article 12 du traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaitre du litige » (arrêt attaqué, § 101), la cour d'appel, qui a ajouté une condition que le traité ne prévoit pas, a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en déduisant que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté avant le 2 janvier 1992, ce qui impliquait nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également (arrêt attaqué, § 100) de ce que cette banque est née du démantèlement du système bancaire unifié de l'Union Soviétique, en 1991, que l'activité de la branche ukrainienne de la Sberbank de l'Union Soviétique a été transférée à l'Etat ukrainien par une ordonnance du 20 mars 1991 et à une société de droit public dénommée, à compter du 3 septembre 1991, « Banque d'Epargne Public Commerciale spécialisée d'Ukraine (Oschadbank d'Ukraine) », enregistrée auprès de la banque nationale d'Ukraine le 31 décembre 1991 (arrêt attaqué, § 97), qu'aux termes des statuts de cette banque du 3 septembre 1991, il est indiqué qu'elle a été créée en vertu d'une loi du 20 mars 1991, qu'il s'agit d'une personne morale et avec toutes ses succursales, constitue un système unifié de la banque, que les succursales ou les départements situés en République Socialiste Soviétique autonome de Crimée, dans les régions, à [Localité 3] ainsi qu'au niveau local, sont dirigés par les directeurs de succursales ou les gestionnaires des départements qui sont nommés hiérarchiquement par les organes administratifs de la banque parmi les personnes ayant une expérience pratique d'au moins trois ans au sein de la banque et que ces succursales sont soumises au régime juridique des personnes morales, agissent au nom de la banque, disposent de leur propre bilan financier, qui font partie du bilan de la banque et exercent leur activité en vertu du Règlement sur les succursales et départements de la Banque approuvé par le Conseil de la banque (arrêt attaqué, § 98), et qu'il ressort d'un compte-rendu de la réunion du Conseil de la banque du 3 septembre 1991 « que le directeur de la succursale de la Banque en Crimée est un membre du Conseil de la banque précitée de sorte qu'à cette date les activités bancaires et financières de la société JSC Oschadbank étaient d'ores et déjà en cours » (arrêt attaqué, § 99), la société Oschadbank soutenant au contraire que l'investissement n'était pas antérieur au 1er janvier 1992, puisque sa succursale de Crimée n'avait été enregistrée que le 2 janvier 1992 (concl., § 163, p. 53), la cour d'appel, qui a statué par voie de simples affirmations, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant, tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que dans sa sentence arbitrale du 26 novembre 2018, le tribunal arbitral a indemnisé la société JSC Oschadbank à hauteur de 597.771.793 dollars US pour la perte de ses biens, de 484.616.757 dollars US pour sa perte de profits futurs et de 28.912.179 dollars US pour la perte de biens de tiers, correspondant à de l'or, des bijoux et des espèces dérobés, ainsi qu'à des commissions (sentence, §§ 332, à 341 et §§ 374 à 375) ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé que « dans le cadre de la procédure arbitrale, la société JSC Oschadbank visait ainsi la protection de ses actifs corporels (biens mobiliers et immobiliers), et droits immobiliers (y compris ceux découlant de baux) des créances, des droits et des intérêts économiques découlant des relations entre la succursale de Crimée et ses clients (...) » (arrêt attaqué, § 95), sans constater que le tribunal arbitral, en indemnisant la société JSC Oschadbank, a statué sur des investissements réalisés par elle en Crimée avant 1er janvier 1992, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520,1° du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 846 FS-B Pourvoi n° W 21-23.103 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Valbanet, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-23.103 contre l'arrêt rendu le 29 juillet 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société l'Immobilière européenne des Mousquetaires, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Altis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Hypermarchés des deux mers, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Valbanet, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société l'Immobilière européenne des Mousquetaires, de la société Altis, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 juillet 2021) et les productions, le 16 juillet 2009, la société Hypermarché des deux mers, aux droits de laquelle est venue la société l'Immobilière européenne des mousquetaires (la bailleresse), a, pour une durée de sept années, donné en location à la société Valbanet (la locataire) un terrain nu supportant une station de lavage décrite comme entièrement démontable. 2. Le 24 novembre 2015, la bailleresse a donné congé à la locataire pour le 30 juin 2016 puis, le 27 juin 2017, l'a assignée en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. 3. A titre reconventionnel, la locataire, se prévalant du caractère non-écrit de la durée du contrat, a, le 12 décembre 2018, sollicité l'annulation du congé. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses demandes, alors « que l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours, quelle que soit la date de leur conclusion, l'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n'étant pas soumise à prescription ; qu'en l'espèce, en réponse au congé délivré par le bailleur le 24 novembre 2015, l'exposante se prévalait de l'inopposabilité de la clause fixant à sept ans la durée du bail et empêchant tout droit au renouvellement, invoquant l'application du nouvel article L. 145-15 du code de commerce, disposition qui se trouvait applicable au bail considéré qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, intervenue le 20 juin 2014, pour avoir été conclu le 16 juillet 2009 ; qu'en retenant toutefois que l'article L. 145-15 nouveau ne pouvait s'appliquer au bail conclu le 16 juillet 2009, dès lors qu'il aurait pour effet de faire revivre un droit éteint par la prescription depuis le 16 juillet 2011, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que l'article L. 145-15 du code de commerce réputant non écrites certaines clauses d'un bail, n'est pas applicable à une demande en requalification d'un contrat en bail commercial. 7. Elle a exactement retenu que la demande de la locataire, qui tendait à la requalification en bail statutaire de la convention de location de terrain nu signée le 16 juillet 2009, était soumise à la prescription de deux ans commençant à courir à compter de la conclusion de la convention. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Valbanet aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valbanet et la condamne à payer à la société l'Immobilière européenne des Mousquetaires la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Valbanet La société Valbanet fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré prescrites toutes les demandes de la Sarl Valbanet, D'AVOIR, dit et jugé que la Sarl Valbanet est occupante sans droit ni titre de la parcelle de terrain d'une superficie d'environ 500 m2 dépendants du lot numéro 15 d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 2], D'AVOIR, en conséquence, dit que la Sarl Valbanet, ainsi que tous occupants de son chef, devra délaisser et rendre libres les lieux occupés dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt, D'AVOIR dit qu'à défaut de ce faire, à l'issue du délai accordé, la Sarl Valbanet et tous occupants de son chef pourra y être contrainte par toutes voies de droit, au besoin avec le concours de la force publique, D'AVOIR fixé le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du ler juillet 2016 au montant du dernier loyer annuel, D'AVOIR condamné la Sarl Valbanet à payer à la SA L'Immobilière Européenne Des Mousquetaires le montant de l'indemnité d'occupation ainsi fixée à compter du 1er janvier 2020 jusqu'à la libération effective des lieux, 1°/ ALORS QUE l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours, quelle que soit la date de leur conclusion, l'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n'étant pas soumise à prescription ; qu'en l'espèce, en réponse au congé délivré par le bailleur le 24 novembre 2015, l'exposante se prévalait de l'inopposabilité de la clause fixant à 7 ans la durée du bail et empêchant tout droit au renouvellement, invoquant l'application du nouvel article L. 145-15 du code de commerce, disposition qui se trouvait applicable au bail considéré qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, intervenue le 20 juin 2014, pour avoir été conclu le 16 juillet 2009 ; qu'en retenant toutefois que l'article L. 145-15 nouveau ne pouvait s'appliquer au bail conclu le 16 juillet 2009, dès lors qu'il aurait pour effet de faire revivre un droit éteint par la prescription depuis le 16 juillet 2011, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014. 2°/ ALORS QUE, à tout le moins, si l'action en requalification d'un contrat en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion de l'acte, il en va différemment de l'action en nullité d'un congé, laquelle ne tend pas à la requalification du bail et ne saurait être prescrite avant même la notification du congé litigieux ; qu'en l'espèce, pour faire échec à l'action en résiliation et en expulsion diligentée par le bailleur, le locataire avait invoqué la nullité de clause faisant échec au droit au renouvellement et se prévalait encore de la nullité du congé délivré le 24 novembre 2015, nullité qui ne pouvait être prescrite avant même la notification de ce congé ; qu'en jugeant toutefois que l'action exercée par l'exposante constituait une action en requalification en bail commercial soumise à la prescription commerciale et avait nécessairement pour point de départ le 16 juillet 2009, date de conclusion du contrat litigieux, quand le congé n'avait pas même été adressé au locataire à cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce, pris ensemble les articles 2224 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante n'avait formé aucune action en requalification du contrat en bail commercial et se bornait à opposer à l'action en résiliation et en expulsion diligentée par le bailleur l'inopposabilité de la clause fixant à sept ans la durée du bail ainsi que la nullité du congé délivré par le bailleur le 24 novembre 2015 en application de cette clause (concl. d'appel, p. 24) ; qu'en jugeant que le moyen de défense soulevé par le locataire constituait une « action en requalification en bail commercial », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Valbanet en violation de l'article 4 du code de procédure civile. 4°/ ALORS QUE l'article 1185 du code civil, tel qu'il est issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'est pas applicable à un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat litigieux avait été conclu le 16 juillet 2009, en sorte qu'il devait être soumis au droit antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 ; qu'en jugeant néanmoins qu'en application de l'article 1185 du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016, l'exception de nullité invoquée par l'exposante se trouvait prescrite, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. 5°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions exercées au titre d'un bail commercial ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que le bail rédigé par le bailleur entretenait, à dessein, l'apparence d'une situation de droit erronée, puisqu'il excluait expressément l'application du statut des baux commerciaux alors que le bailleur savait parfaitement qu'il y avait sur les terrains des aménagements constituant des constructions, lesquels avaient donné lieu à permis de construire et que le bailleur avait lui-même autorisés (concl. d'appel, p. 15-18), en sorte que les clauses du bail avaient pour seul objet de contourner les règles impératives du statut des baux commerciaux, ce qui constituait une fraude interdisant au bailleur de se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en jugeant que la fraude devait être caractérisée par des « moyens déloyaux destinés à surprendre le consentement du locataire », lesquels n'étaient pas établis, quand les conditions de la fraude sont pas celles du dol et ne supposent pas d'établir un vice du consentement du locataire, la cour d'appel a violé les articles 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 145-60 du commerce, par fausse application, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. Le greffier de chambre 3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.
CASS/JURITEXT000046727186.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 847 FS-P+B Pourvoi n° K 21-20.264 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Local Invest 1, société civile immobilière, dont le siège est l'Amarante, [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 21-20.264 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires [Adresse 4] du [Adresse 4], dont le siège est c/o le Cabinet CDS Gestion, dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic le Cabinet ABT Référence, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Ezavin-[N], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Local Invest 1, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 4], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 2021), par ordonnance du 21 décembre 2015, Mme [N] a été désignée pour une durée de dix-huit mois en qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] (le syndicat des copropriétaires), sur le fondement de l'article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. 2. La mission de l'administrateur, qui a été transférée à la société Ezavin-[N], a été prolongée à plusieurs reprises et notamment par ordonnance du 15 janvier 2019, dont la société civile immobilière Local Invest 1 (la SCI), copropriétaire, a demandé la rétractation. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en retenant, par adoption des motifs de l'ordonnance de référé confirmée, que l'absence, concomitamment à la notification de l'ordonnance sur requête, de notification de la dite requête, à la SCI à laquelle était opposée cette ordonnance, n'avait aucune incidence sur la validité de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile, 2°/ qu'en tout état de cause, si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en subordonnant, par motifs propres, la rétractation de l'ordonnance à l'absence de connaissance, par la SCI Local Invest 1, de la motivation, de l'objet et de la finalité de cette ordonnance ou, en d'autres termes, à l'existence d'un grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête, la cour d'appel qui a ainsi écarté une nullité pour vice de forme alors qu'était en cause le respect du principe de la contradiction, a violé l'article 16 du même code, ensemble l'article 495 précité. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 62-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, l'ordonnance rendue sur requête qui désigne l'administrateur provisoire sur le fondement de l'article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est portée à la connaissance des copropriétaires dans le mois de son prononcé, à l'initiative de l'administrateur provisoire. 6. Ayant relevé que ce texte ne prévoit pas la notification de la requête, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la rétractation de l'ordonnance du 15 janvier 2019 ne pouvait être fondée sur l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 8. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'ordonnance sur requête doit être motivée ; que l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, dépourvue de tout motif propre, se borne à viser, sans en préciser ni la date ni le contenu, la requête présentée par la société Ezavin-[N], ès qualités ; que celle-ci - qui, en violation des dispositions de l'article 495, alinéa 2, du code de procédure civile, n'a jamais été notifiée à la SCI Local Invest 1 et qui, de surcroît, ne lui a jamais été communiquée ni devant le juge des référés ni devant la cour d'appel, alors même qu'elle était au coeur des débats - n'est pas annexée à l'ordonnance ; qu'en retenant néanmoins, par motifs propres, que l'ordonnance qui vise la requête en en adoptant les motifs satisfait à l'exigence de motivation, que tel est le cas de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, et par motif, réputé adopté du premier juge, que cette ordonnance est motivée puisqu'elle vise la requête présentée par l'administrateur provisoire, la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'ordonnance de prorogation de la mission de l'administrateur provisoire, qui visait l'ordonnance initiale du 21 décembre 2015, ainsi que la requête, pour en adopter les motifs, satisfaisait à l'exigence de motivation. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur les quatrième et cinquième moyens, pris en leurs deuxièmes branches, rédigés en termes similaires, réunis Enoncé des moyens 11. Par son quatrième moyen, la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, alors « que la cour d'appel, après avoir expressément relevé que la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], était non assignée et non représentée, ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI Local Invest 1 à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, a néanmoins condamné celle-ci à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive non seulement au syndicat des copropriétaires [Adresse 4], mais encore à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. » 12. Par son cinquième moyen, la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la cour d'appel, après avoir expressément relevé que la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], était non assignée et non représentée, ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI Local Invest 1 à lui verser une indemnité de procédure, a néanmoins condamné la SCI Local Invest 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, non seulement au syndicat des copropriétaires [Adresse 4], mais encore à la société Ezavin-[N], ès qualités ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 700 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 13. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 14. L'arrêt condamne la SCI à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le syndicat des copropriétaires était représenté par le cabinet CDS Gestion et que la société Ezavin-[N] n'était pas représentée à hauteur d'appel, ce dont il résultait que la condamnation prononcée au bénéfice de la seconde, ès qualités, n'avait pas été demandée, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 16. Tel que suggéré en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 17. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit statué à nouveau sur le fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement , mais seulement en ce que la condamnation de la société civile immobilière Local Invest 1 à payer les sommes de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile est prononcée au bénéfice de la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] aux dépens. En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Local invest 1 PREMIER MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 ; 1°) Alors que si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en retenant, par adoption des motifs de l'ordonnance de référé confirmée, que l'absence, concomitamment à la notification de l'ordonnance sur requête, de notification de la dite requête, à la SCI à laquelle était opposée cette ordonnance, n'avait aucune incidence sur la validité de celle-ci, la Cour d'appel a violé l'article 495 du Code de procédure civile ; 2°) Alors que, en tout état de cause, si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en subordonnant, par motifs propres, la rétractation de l'ordonnance à l'absence de connaissance, par la SCI LOCAL INVEST 1, de la motivation, de l'objet et de la finalité de cette ordonnance ou, en d'autres termes, à l'existence d'un grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête, la Cour d'appel qui a ainsi écarté une nullité pour vice de forme alors qu'était en cause le respect du principe de la contradiction, a violé l'article 16 du même Code, ensemble l'article 495 précité ; 3°) Alors que, en tout état de cause aussi, pour nier le grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête et affirmer qu'elle connaissait la motivation, l'objet et la finalité de l'ordonnance du 15 janvier 2019, la Cour d'appel a retenu « que la mission de l'administrateur provisoire a été prorogée aux mêmes fins par ordonnances en date des 21 juin 2017, 21 juin 2018, 9 juillet 2018, 21 janvier 2019 et 24 juin 2019 ; qu'il n'est pas allégué, ni même soutenu, que ces ordonnances n'ont pas été notifiées à la SCI LOCAL INVEST 1 » ; qu'en statuant ainsi alors que l'existence de prétendues ordonnances de prolongation en date des 21 juin 2018 et 21 janvier 2019 n'était pas alléguée par les parties et ne résultait d'aucune des pièces du dossier, la Cour d'appel a violé l'article 7 du Code de procédure civile ; 4°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, comme la SCI LOCAL INVEST le faisait expressément valoir, l'ordonnance du 9 juillet 2018 ayant précédé celle du 15 janvier 2019 n'était pas motivée par la seule recherche d'une transaction avec les SCI LOCAL INVEST 1 et APPART INVEST, ce qui ne permettait pas à la SCI LOCAL INVEST 1 d'en déduire que l'ordonnance du 15 janvier 2019 aurait été motivée par « la défaillance de l'appelante dans le paiement de ses charges », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 495 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 ; Alors que l'ordonnance sur requête doit être motivée ; que l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, dépourvue de tout motif propre, se borne à viser, sans en préciser ni la date ni le contenu, « la requête présentée par la SCP EZAVIN [N], ès qualités » ; que celle-ci - qui, en violation des dispositions de l'article 495, alinéa 2, du Code de procédure civile, n'a jamais été notifiée à la SCI LOCAL INVEST 1 et qui, de surcroît, ne lui a jamais été communiquée ni devant le juge des référés ni devant la Cour d'appel, alors même qu'elle était au coeur des débats - n'est pas annexée à l'ordonnance ; qu'en retenant néanmoins, par motifs propres, que « l'ordonnance qui vise la requête en en adoptant les motifs satisfait à l'exigence de motivation (...) ; que tel est le cas de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 », et par motif, réputé adopté du premier juge, que cette ordonnance « est motivée (...) puisqu'el1e vise la requête présentée par l'administrateur provisoire », la Cour d'appel a violé l'article 495 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 ; 1°) Alors que la SCI LOCAL INVEST 1 faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 3, in limine ; p. 5, in fine ; et p. 17) dépourvues de toute ambiguïté, qu'il n'est pas possible de proroger une mission interrompue ; qu'en l'espèce, l'ordonnance sur requête du 21 décembre 2015 avait désigné Me [N] en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété pour une durée de 18 mois à compter du 21 décembre 2015 soit jusqu'au 21 juin 2017 et que, par ailleurs, une ordonnance du 9 juillet 2018 avait prolongé la mission de l'administrateur provisoire pour une durée de six mois à compter du 21 juin 2018 ; qu'en revanche, alors que l'ordonnance du 15 janvier 2019 ne mentionne pas de prolongation de mission de l'administrateur provisoire à compter du 21 juin 2017, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES et la SCP EZAVIN [N] n'avaient jamais justifié, en dépit de la contestation de la SCI LOCAL INVEST 1 à cet égard, « d'une prolongation de mission entre le 21/06/2017 et le 21/06/2018 » ; que le juge des référés lui-même n'avait pas apporté de réponse sur ce point ; et qu'ainsi, la mission de l'administrateur ayant été interrompue compter du 21 juin 2017, elle n'avait pu être valablement prorogée par la suite ; qu'en soutenant ainsi qu'aucune ordonnance n'avait prorogé la mission de l'administrateur provisoire pour la période ayant couru entre le 21 juin 2017 et le 21 juin 2018, la SCI LOCAL INVEST 1 contestait nécessairement l'existence d'une prétendue ordonnance du 21 juin 2017 ayant pour objet de proroger la mission de l'administrateur entre le 21 juin 2017 et le 21 juin 2018 et contestait, a fortiori, que cette ordonnance lui eût été notifiée ; qu'en retenant néanmoins « qu'il n'est pas allégué, ni même soutenu, que (cette ordonnance n'a pas été notifiée) à la SCI LOCAL INVEST 1 », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de cette société, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2°) Alors que, en tout état de cause, le juge statuant sur requête ne peut désigner un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires que « Si l'équilibre financier (de celui-ci) est gravement compromis ou (s'il) est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble » et seulement pour une durée déterminée ; et qu'il ne peut proroger la mission de l'administrateur provisoire que si, à la date de sa décision, l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires demeure gravement compromis ou si ledit syndicat demeure dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble ; que la Cour d'appel, en subordonnant la cessation de la mission de l'administrateur provisoire à l'apurement complet de la dette d'un copropriétaire et à la convocation d'une assemblée générale aux fins de nomination d'un nouveau syndic, a violé l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ; 3°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, le juge statuant sur requête ne peut désigner un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires que « Si l'équilibre financier (de celui-ci) est gravement compromis ou (s'il) est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble » et seulement pour une durée déterminée ; et qu'il ne peut proroger la mission de l'administrateur provisoire que si, à la date de sa décision, l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires demeure gravement compromis ou si ledit syndicat demeure dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble ; que la Cour qui, en subordonnant la cessation de la mission de l'administrateur provisoire à l'apurement complet de la dette d'un copropriétaire et à la convocation d'une assemblée générale aux fins de nomination d'un nouveau syndic, a statué par un motif inopérant, s'est abstenue de rechercher, comme le lui demandait la SCI LOCAL INVEST 1, s'il ne résultait pas de la requête du 13 juin 2018 qu'à cette date déjà et donc a fortiori la date de l'ordonnance du 15 janvier 2019, l'équilibre financier du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES avait été rétabli, permettant audit SYNDICAT de pourvoir à la conservation de l'immeuble ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 1°) Alors que les motifs par lesquels l'arrêt d'appel attaqué a débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du l5 janvier 2019, constituent le soutien nécessaire de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que, dès lors, la censure à intervenir sur l'un quelconque des premiers moyens de cassation, reprochant à l'arrêt d'appel attaqué d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, entraînera nécessairement, sur le fondement de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 2°) Alors que, en tout état de cause, la Cour d'appel, après avoir expressément relevé que la SCP EZAVIN-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], était « non assignée et non représentée », ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI LOCAL INVEST 1 à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, a néanmoins condamné celle-ci à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], mais encore à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4] ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, en retenant, pour condamner la SCI LOCAL INVEST 1 à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], mais encore à la SCP EZAVIN [N], ès-qualités, que, « Par dernières conclusions transmises le 17 mars 2020 (...), le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] demande à la cour de : (...) condamner la SCI LOCAL INVEST 1 au paiement (...) de dommages-intérêts pour procédure abusive (...) », la Cour d'appel a violé le principe selon lequel Nul ne plaide par procureur, ensemble les articles 31 et 32 du Code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; 1°) Alors que la censure à intervenir sur l'un quelconque des premiers moyens de cassation, reprochant à l'arrêt d'appel attaqué d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, entraînera nécessairement, sur le fondement de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; 2°) Alors que, en tout état de cause, la Cour d'appel, après avoir expressément relevé que la SCP EZAVIN-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], était « non assignée et non représentée », ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI LOCAL INVEST 1 à lui verser une indemnité de procédure, a néanmoins condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], mais encore à la SCP EZAVIN [N], ès-qualités ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble l'article 700 du Code de procédure civile ; 3°) Alors de, de plus et en tout état de cause, en retenant, pour condamner la SCI LOCAL INVEST 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], mais encore à la SCP EZAVIN [N], ès-qualités, que, « Par dernières conclusions transmises le 17 mars 2020 (...), le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] demande à la cour de : (...) condamner la SCI LOCAL INVEST 1 au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (...) », la Cour d'appel a violé le principe selon lequel Nul ne plaide par procureur, ensemble les articles 31 et 32 du Code de procédure civile ; 4°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, la Cour d'appel, après avoir retenu « qu'il serait (...) inéquitable de laisser à la charge du Syndicat des copropriétaires [Adresse 4] les frais non compris dans les dépens, qu'il a exposés pour sa défense ; qu'il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros en cause d'appel », a condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4], mais aussi à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 4], sans en donner le moindre motif ; qu'elle a donc méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
CASS/JURITEXT000046727188.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 848 FS-B Pourvoi n° D 21-23.915 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [Z] [X], domicilié [Adresse 2], et actuellement [Adresse 5], a formé le pourvoi n° D 21-23.915 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Egide, venant aux droits de la société Segine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au syndicat des copropriétaires La Bruyère-II 176 Uyere II, dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic la société ABP, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [X], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Egide et du syndicat des copropriétaires La Bruyère-II, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019), M. [X], copropriétaire, a assigné le syndicat des copropriétaires La Bruyère II et la société Segine, son syndic, en annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 et de certaines de ses résolutions. 2. La société Egide est venue aux droits de la société Segine. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'assemblée générale, alors « que tout copropriétaire est recevable à contester la validité des pouvoirs émis par les copropriétaires en vue de l'assemblée générale ; que pour débouter M. [X] de sa demande en annulation de l'assemblée générale, la cour d'appel a retenu que "seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester le pouvoir établi lors de l'assemblée" ; qu'en statuant de la sorte lorsque M. [X], en qualité de copropriétaire, était recevable à contester la régularité des pouvoirs établis en vue de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 22, alinéa 3, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : 4. Selon ce texte, tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote. 5. Pour rejeter la demande d'annulation de l'assemblée générale, l'arrêt retient que seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester celui établi en vue de l'assemblée. 6. En statuant ainsi, alors que tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d'une assemblée générale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence La Bruyère II et la société Egide aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence La Bruyère II et la société Egide et les condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; 1°) ALORS QUE l'assemblée générale ne peut pas être convoquée par un syndic dépourvu de mandat ou dont le mandat est expiré ; Que M. [X] faisait valoir que « l'assemblée générale des copropriétaires du 03 septembre 2013 a été convoquée par un syndic élu lors de la 7ème résolution de l'assemblée générale des copropriétaires du 06 Septembre 2012 » et que « cette assemblée générale du 6 septembre 2012 a été contestée » (arrêt, p. 7, § 3) ; Qu'en décidant tout de même que l'assemblée générale aurait été régulièrement convoquée par un syndic dont le mandat était pourtant litigieux (arrêt, p. 6, in fine), la cour d'appel a violé l'article 7 alinéa 2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ensemble l'article 42 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; 2°) ALORS QUE tout copropriétaire est recevable à contester la validité des pouvoirs émis par les copropriétaires en vue de l'assemblée générale ; Que pour débouter M. [X] de sa demande en annulation de l'assemblée générale, la cour d'appel a retenu que « seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester le pouvoir établi lors de l'assemblée » (arrêt, p. 7, § 3) ; Qu'en statuant de la sorte lorsque M. [X], en qualité de copropriétaire, était recevable à contester la régularité des pouvoirs établis en vue de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation des résolutions n° 3, 4 et 5 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; 1°) ALORS QUE pendant le délai s'écoulant entre la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci, les pièces justificatives des charges de copropriété, notamment les factures, les contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants ainsi que la quantité consommée et le prix unitaire ou forfaitaire de chacune des catégories de charges, sont tenues à la disposition de tous les copropriétaires par le syndic au moins un jour ouvré, selon des modalités définies par l'assemblée générale ; Que la cour d'appel a elle-même relevé que les pièces justificatives de charges n'avaient été mises à la disposition des copropriétaires par le syndic que le dimanche 1er septembre 2013, soit un jour non ouvré ni ouvrable (arrêt, p. 8, § 2) ; Qu'en écartant cependant l'irrégularité, aux motifs inopérants « qu'il s'agit d'une erreur matérielle » ou que « M. [X] ne justifie pas [...] avoir sollicité un tel rendez-vous sur un autre jour correspondant à un jour ouvré et que ceci lui ait été refusé » (ibidem), la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 ; 2°) ALORS QUE les pièces justificatives des charges de copropriété, sont tenues à la disposition de tous les copropriétaires par le syndic au moins un jour ouvré, selon des modalités définies par l'assemblée générale ; Que M. [X] reprochait au syndic de ne pas avoir rappelé, dans la convocation à l'assemblée générale les modalités de mise à disposition des pièces justificatives de charges adoptées lors de la précédente assemblée générale du 6 septembre 2012 (conclusions d'appel de M. [X], p. 9, § 1) ; Qu'en déboutant M. [X], sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994, ensemble l'article 9 alinéa 1, du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-285 du 1er mars 2007. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; ALORS QUE les copropriétaires ne peuvent être parties au contrat de mandat du syndic conclu avec le seul syndicat des copropriétaires ; Que M. [X] reprochait à la résolution n° 6 de prévoir que, du fait du vote du contrat de syndic en assemblée générale, « Les copropriétaires adhèrent également individuellement à ce contrat », ce qui avait pour effet de rendre les copropriétaires parties au contrat de mandat du syndic (conclusions de M. [X], p. 13) ; Qu'en disant cependant la résolution régulière, sans s'expliquer sur l'adhésion individuelle de chacun des copropriétaires au contrat de mandat du syndic, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation des résolutions n° 7 à 7-6 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; ALORS QU'aux termes de l'article 59 du règlement de copropriété, « les membres du conseil syndical seront nommés pour trois ans », ce qui implique que la durée de leur mandat ne peut être différente (cf. conclusions de M. [X], p. 14) ; Qu'en décidant que « cette disposition n'empêche pas l'assemblée générale de les nommer pour une durée inférieure » (arrêt, p. 9, § 7), la cour d'appel a méconnu la force obligatoire du règlement de copropriété et a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil, ensemble l'article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation des résolutions n° 18 à 20, 42 à 44, 56 à 56 et 78 à 80 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; ALORS QUE M. [X] faisait valoir que par application du règlement de copropriété, les charges d'ascenseur devaient être réparties et votées entre les copropriétaires desservis par les appareils, ce qui n'était pas le cas puisque seule la moitié des copropriétaires utilisateurs des ascenseurs procédait au vote (cf. conclusions de M. [X], p. 16 et 17) ; Qu'en disant les résolutions régulières (arrêt, p. 11), sans s'expliquer sur l'irrégularité des modalités de vote, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24 III de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. 3e Civ., 22 février 1989, pourvoi n° 87-17.497, Bull. 1989, III, n° 47 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 M. PIREYRE, président Arrêt n° 28 FS-B Pourvoi n° T 21-14.107 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 M. [O] [C], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 21-14.107 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Caisse nationale des barreaux français, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la Caisse nationale d'assurance vieillesse d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale des barreaux français, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-13.777), par lettre du 16 mars 2011, M. [C] (l'assuré), avocat, a demandé à bénéficier au titre de l'éducation de son fils, né le 5 janvier 2007, de quatre trimestres de majoration d'assurance vieillesse. 2. La Caisse nationale des barreaux français (la CNBF) lui ayant opposé un refus, il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 65-VIII de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, les dispositions de cette loi modifiant les articles L. 351-4 et L. 723-10-1-1, devenu L. 653-3 du code de la sécurité sociale sont applicables aux pensions de retraite prenant effet à compter du 1er avril 2010 ; que selon le §.IX du même article, « Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai mentionné au précédent alinéa est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant » ; que ces dispositions légales subordonnant le droit aux majorations de durée d'assurance du père d'un enfant né ou adopté après le 1er juillet 2006 et avant le 1er janvier 2010 à la démonstration dans un délai contraint de ce qu'il a pourvu seul à l'éducation de l'enfant sont d'application immédiate ; qu'il s'ensuit que, tenu de satisfaire dans le délai ainsi fixé aux exigences légales, le père assuré est recevable à en contester la compatibilité avec le droit de l'Union sans attendre la liquidation de sa pension de vieillesse ; que tel est le cas de l'assuré, né le 4 septembre 1967 et père d'un enfant né le 5 janvier 2007 ; qu'en retenant pour le débouter de sa demande qu'« ... il résulte de ce texte même que la disposition en cause est une disposition transitoire et que, à la date à laquelle l'assuré a posé la question, il était impossible de prévoir quelles seraient les dispositions applicables à la date à laquelle l'intéressé serait susceptible de faire valoir ses droits à la retraite », et encore que « ... l'assuré fonde son argumentation sur l'article 65 IX de la loi de 2009 alors que, au moment de la demande qu'il a formée (16 mars 2011), c'est la version précitée de l'article L. 354-1 du code de la sécurité sociale qui était applicable » pour conclure que « L'assuré n'est pas fondé à demander d'écarter l'application d'un texte qui ne s'applique pas comme il le prétend » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions transitoires susvisées, ensemble l'article 2 du code civil ; 2°/ que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que l'article 65-IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 prévoit que pour les enfants nés et adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations attribuées pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption sont attribuées à la mère sauf si le père de l'enfant apporte la preuve qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption ; qu'en retenant, pour conclure à la conformité de cette mesure au droit de l'Union, « ... que, parmi les avocats, les rémunérations des femmes, en ce compris les pensions, sont nettement inférieures à celles des hommes et dans des proportions telles qu'il ne saurait être reproché à une réglementation de sécurité sociale d'envisager des mesures pour y remédier, notamment en faveur des femmes ayant eu puis élevé des enfants, plus particulièrement susceptibles de se trouver en situation de désavantage » et que l'article 65-IX « ... répond à cette double préoccupation ... dans le souci de mieux concilier l'emploi / l'occupation professionnelle des femmes et leur rôle principal, en moyenne, dans l'éducation des enfants » la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni en quoi les mesures adoptées, consistant en l'allocation aux mères de famille d'une bonification au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite, faciliterait l'exercice de leur activité professionnelle par les avocates, ni en quoi elle préviendrait ou compenserait l'inégalité de rémunération qu'elle a constatée, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ; 3°/ que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que tel n'est pas le cas, peu important leur caractère transitoire, des dispositions de l'article 65-IX de la loi du 24 décembre 2009, qui se bornent à accorder aux femmes ayant la qualité de mère une bonification d'ancienneté au moment de leur départ à la retraite, qui ne sont pas de nature à faciliter l'exercice de leur activité professionnelle, ni à compenser avec la cohérence requise les désavantages de carrière résultant éventuellement pour elles du temps consacré à l'éducation des enfants ; qu'en opposant à l'assuré, pour rejeter sa demande tendant à bénéficier des majorations de durée d'assurance prévues par la loi, ces dispositions discriminatoires, la cour d'appel a violé les articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ; 4°/ qu'en se fondant sur le caractère transitoire de ces dispositions quand, concernant les prestations de vieillesse servies en conséquence de périodes travaillées et cotisées, toute modification législative devait respecter le principe d'égalité de traitement sans en différer les effets par des mesures transitoires, la cour d'appel a violé derechef les dispositions susvisées. » Réponse de la Cour 4. L'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) impose aux États membres d'assurer l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail, la rémunération devant s'entendre comme intégrant les avantages directs et indirects se rattachant à l'activité. 5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, relèvent de la notion de « rémunération », au sens de l'article 157, paragraphe 2, TFUE, les pensions qui sont fonction de la relation d'emploi unissant le travailleur à l'employeur, à l'exclusion de celles découlant d'un système légal au financement duquel les travailleurs, les employeurs et, éventuellement, les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est moins fonction d'une telle relation d'emploi que de considérations de politique sociale. Ainsi, ne sauraient être inclus dans la notion de « rémunération » les régimes ou les prestations de sécurité sociale, comme les pensions de retraite, réglés directement par la loi, à l'exclusion de tout élément de concertation au sein de l'entreprise ou de la branche professionnelle intéressée et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs (CJUE, 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C-385/11 ; 19 décembre 2019, WA c/ INSS, C-450/18). 6. La directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (directive 2006/54) définit le terme « rémunération » de la même manière que l'article 157 TFUE et précise que le principe de l'égalité de traitement s'applique aux régimes professionnels de sécurité sociale, définis comme étant les régimes non régis par la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises, d'une branche économique ou d'un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale ou à s'y substituer, que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative. 7. Pour l'application de l'article 157 TFUE et de la directive 2006/54, sont déterminants les critères tirés de ce que la prestation litigieuse trouve son origine dans l'affiliation à un régime visant une catégorie particulière de travailleurs, salariés ou indépendants, que la pension versée est directement fonction du temps de service accompli et que son montant est calculé sur la base du dernier traitement (CJCE, 28 septembre 1994, Beune, C-7/93 ; CJUE, grande chambre, 5 novembre 2019, Commission européenne c/ Pologne, C-192/18). 8. L'article 65 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 a modifié le régime de la majoration de durée d'assurance pour enfants, pour les pensions prenant effet à compter du 1er avril 2010, en distinguant la majoration attribuée aux mères au titre de l'incidence de la maternité sur leur vie professionnelle (article L. 351-4, I, du code de la sécurité sociale) et les majorations auxquelles le père et/ou la mère, assurés sociaux, peuvent prétendre sous certaines conditions, pour chaque enfant mineur, au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption (article L. 351-4, II) ainsi que pour chaque enfant adopté durant sa minorité, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de l'accueil de l'enfant (article L. 351-4, III). 9. Le IX de l'article 65 précité dispose que pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er décembre 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère, sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi du 24 décembre 2009, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai précité est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant. 10. Ce texte s'insère dans le livre troisième du code de la sécurité sociale qui traite des dispositions relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au régime général. 11. Ainsi, l'avantage prévu par ce texte relève d'un régime légal de sécurité sociale qui n'intéresse pas qu'une catégorie particulière de travailleurs. Par ailleurs, même s'il a pour effet de majorer la durée d'assurance, en tant qu'avantage non contributif, il ne dépend pas du temps de service accompli mais du fait pour un assuré social d'avoir éduqué un enfant pendant le temps et aux conditions qu'il prévoit, de sorte qu'il obéit essentiellement à des considérations de politique sociale. 12. Cet avantage est applicable depuis la loi du 24 décembre 2009 précitée au régime des avocats en vertu de l'article L. 723-10-1-1, devenu L. 653-3, du code de la sécurité sociale, qui prévoit que les assurés de ce régime, qu'ils exercent à titre libéral ou en qualité de salarié, bénéficient des dispositions prévues à l'article L. 351-4, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime. 13. Le régime d'assurance vieillesse de base des avocats auquel l'avantage s'applique revêt le caractère d'un régime obligatoire directement réglé par la loi. En effet, aux termes de l'article L. 723-1, devenu L. 651-1, du code de la sécurité sociale, sont affiliés de plein droit à la CNBF, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et tous les avocats et avocats stagiaires en activité dans les barreaux de la métropole et des collectivités mentionnées à l'article L. 751-1. 14. Par ailleurs, selon les articles L. 652-6 et suivants du code de la sécurité sociale, le régime d'assurance vieillesse de base des avocats n'est pas financé exclusivement par les cotisations de ses affiliés, mais également, pour un tiers, à des fins de solidarité, par les droits alloués aux avocats pour la plaidoirie et perçus par eux, au titre de leur activité propre comme de celle des salariés qu'ils emploient, et par une contribution équivalente aux droits de plaidoirie due par les avocats dont l'activité principale n'est pas la plaidoirie et dont les montants sont déterminés par les articles R. 652-26 et suivants du même code. Ainsi, ce mode de financement répond notamment à des considérations de politique sociale. 15. Enfin, selon les articles R. 653-1 et R. 653-7 du code de la sécurité sociale, pour les avocats pouvant justifier, dans le régime des avocats et dans un ou plusieurs autres régimes d'assurance vieillesse de base, de la durée d'assurance fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, le montant de la pension de retraite est déterminé selon le nombre de trimestres d'assurance validés par la CNBF et, si ce nombre est au moins égal à la durée d'assurance telle qu'elle résulte de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, le montant de la pension de retraite est égal à un montant forfaitaire, déterminé annuellement par l'assemblée générale de la CNBF. Le montant de la pension de base ne se rattache donc pas à la rémunération perçue par l'assuré au cours de sa période d'activité. 16. Il en résulte que le régime des avocats ne répond pas aux critères fixés par la jurisprudence de la CJUE pour être qualifié de régime professionnel au sens de l'article 157 TFUE et de la directive 2006/54. 17. Par ailleurs, la majoration de durée d'assurance pour enfants n'est pas nécessairement attribuée aux avocats bénéficiaires par le régime qui leur est propre. En effet, selon les articles R. 653-4 et R. 653-5 du code de la sécurité sociale, pour les avocats exerçant à titre libéral et pour les avocats salariés, sont comptées comme périodes d'assurance dans le régime des avocats les périodes attribuées au titre des majorations de durée d'assurance pour enfants mentionnées à l'article L. 351-4, lorsque l'assuré n'a relevé d'aucun autre régime que celui de la CNBF, ou lorsque celle-ci a compétence pour attribuer ces majorations en application de l'article R. 173-15. Selon ce dernier texte, les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses. L'avantage litigieux ne trouve donc pas son origine dans l'affiliation au régime des avocats. 18. Dès lors, l'avantage prévu par l'article 65, IX, de la loi du 24 décembre 2009, tel qu'applicable au régime des avocats, ne relève pas de la notion de « rémunération » au sens de l'article 157, paragraphes 1 et 2, TFUE, ni de la directive 2006/54 précitée, mais constitue un avantage familial qui entre dans le champ d'application de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, applicable aux régimes légaux de sécurité sociale qui assurent une protection notamment contre le risque vieillesse (la directive 79/7). 19. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment à l'état matrimonial ou familial, en ce qui concerne le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour enfant à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations. 20. Cette directive prévoit, toutefois, en son article 7, 1, b/, qu'elle ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application les avantages accordés en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants et l'acquisition de droits à prestations à la suite de périodes d'interruption d'emploi dues à l'éducation des enfants. 21. Selon la jurisprudence de la CJUE, les exceptions prévues à cet article 7, 1, poursuivant l'objectif d'une élimination progressive des disparités de traitement, sont d'interprétation stricte et ne peuvent s'appliquer qu'aux modifications de mesures préexistantes relevant de cette dérogation ( CJCE, 7 juillet 1994, Bramhill, C-420/92 ; 23 mai 2000, Hepple e.a, C-196/98). 22. L'arrêt rappelle qu'à titre transitoire, pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale est attribuée à la mère et que le père peut y prétendre à la condition de rapporter la preuve qu'il a élevé seul son ou ses enfants pendant une certaine durée. 23. S'appliquant à un avantage accordé en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants, la disposition en cause relève de la dérogation prévue à l'article 7, 1, b/ de la directive 79/7 précitée, en ce qu'elle organise, pour une période transitoire, selon la date de naissance de l'enfant, les conditions d'application de la majoration de durée d'assurance en raison de l'incidence sur la carrière professionnelle de l'éducation de l'enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption et contribue à réduire l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes résultant de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, qui avait maintenu exclusivement aux femmes assurées sociales le bénéfice de cet avantage, créé par la loi n° 71-1132 du 31 décembre 1971, en permettant aux hommes ayant élevé seul leur enfant d'en bénéficier. 24. L'arrêt constate que l'assuré n'a pas prétendu avoir élevé seul l'enfant du couple durant tout ou partie des quatre années qui ont suivi sa naissance. Il en résulte qu'il ne pouvait prétendre à la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale. 25. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée. 26. L'assuré demande que soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « Dire si l'article 157 TFUE et le cas échéant les directives 2006/54 et 79/7 s'opposent à une disposition telle que l'article 65 IX de la loi du 24 décembre 2009 modifiant l'article L. 351-4 du Code de la sécurité sociale qui, pour les naissances antérieures au 1er janvier 2010, attribue outre les quatre trimestres de naissance, quatre trimestres de majoration d'éducation à la mère sauf si le père prouve qu'il a élevé seul son enfant dans les quatre années suivant sa naissance s'il en a fait la demande dans l'année suivant la publication de la loi au motif de rétablir à titre transitoire l'équilibre en faveur des avocates résultant de ce qu'elles ont déclaré 51 % de moins de revenus que les hommes, alors que l'adéquation de cet avantage portant sur la date ou l'âge de départ à la retraite avec l'objectif de compensation du montant des pensions de retraite n'est pas établi, et qu'il est octroyé au moment du départ à la retraite sans porter remède aux inconvénients invoqués résultant de l'éducation des enfants pendant la carrière au sens de la jurisprudence fondée sur le § 4 de l'article 157 précité ? » 27. Il résulte de l'article 267, 3e alinéa, TFUE, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente, qu'elle est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue, que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de cette Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige, ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21 ; CJUE, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C-160/14, points 38 et 39 ; CJUE, arrêt du 28 juillet 2016, association France nature environnement, C-379/15, point 50 ; CJUE, arrêt du 4 octobre 2018, Commission c/ France, C-416/17, point 110). 28. Il résulte des motifs exposés aux paragraphes 4 à 24, ci-dessus, que la question soulevée n'est pas pertinente. 29. Il n'y a pas lieu, dès lors, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ; REJETTE le pourvoi. Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à la Caisse nationale des barreaux français la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [C] M. [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté ses demandes tendant à bénéficier, au titre de l'éducation de son fils [S] né le 5 janvier 2007, de quatre trimestres de majoration d'assurance vieillesse ; 1°) ALORS QU'aux termes de l'article 65-VIII de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, les dispositions de cette loi modifiant les articles L.351-4 et L.723-10-1-1, devenu L.653-3 du code de la sécurité sociale sont applicables aux pensions de retraite prenant effet à compter du 1er avril 2010 ; que selon le §.IX du même article, « Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai mentionné au précédent alinéa est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant » ; que ces dispositions légales subordonnant le droit aux majorations de durée d'assurance du père d'un enfant né ou adopté après le 1er juillet 2006 et avant le 1er janvier 2010 à la démonstration dans un délai contraint de ce qu'il a pourvu seul à l'éducation de l'enfant sont d'application immédiate ; qu'il s'ensuit que, tenu de satisfaire dans le délai ainsi fixé aux exigences légales, le père assuré est recevable à en contester la compatibilité avec le droit de l'Union sans attendre la liquidation de sa pension de vieillesse ; que tel est le cas de M. [C], né le 4 septembre 1967 et père d'un enfant né le 5 janvier 2007 ; qu'en retenant pour le débouter de sa demande qu' « ... il résulte de ce texte même que la disposition en cause est une disposition transitoire et que, à la date à laquelle M. [C] a posé la question, il était impossible de prévoir quelles seraient les dispositions applicables à la date à laquelle l'intéressé serait susceptible de faire valoir ses droits à la retraite », et encore que « ... M. [C] fonde son argumentation sur l'article 65 IX de la loi de 2009 alors que, au moment de la demande qu'il a formée (16 mars 2011), c'est la version précitée de l'article L. 354-1 du code de la sécurité sociale qui était applicable » pour conclure que « M. [C] n'est pas fondé à demander d'écarter l'application d'un texte qui ne s'applique pas comme il le prétend » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions transitoires susvisées, ensemble l'article 2 du code civil ; 2°) ALORS QUE le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que l'article 65-IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 prévoit que pour les enfants nés et adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations attribuées pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption sont attribuées à la mère sauf si le père de l'enfant apporte la preuve qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption ; qu'en retenant, pour conclure à la conformité de cette mesure au droit de l'Union, « ... que, parmi les avocats, les rémunérations des femmes, en ce compris les pensions, sont nettement inférieures à celles des hommes et dans des proportions telles qu'il ne saurait être reproché à une réglementation de sécurité sociale d'envisager des mesures pour y remédier, notamment en faveur des femmes ayant eu puis élevé des enfants, plus particulièrement susceptibles de se trouver en situation de désavantage » et que l'article 65-IX « ... répond à cette double préoccupation ... dans le souci de mieux concilier l'emploi / l'occupation professionnelle des femmes et leur rôle principal, en moyenne, dans l'éducation des enfants » la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni en quoi les mesures adoptées, consistant en l'allocation aux mères de famille d'une bonification au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite, faciliterait l'exercice de leur activité professionnelle par les avocates, ni en quoi elle préviendrait ou compenserait l'inégalité de rémunération qu'elle a constatée, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ; 3°) ALORS QUE le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que tel n'est pas le cas, peu important leur caractère transitoire, des dispositions de l'article 65-IX de la loi du 24 décembre 2009, qui se bornent à accorder aux femmes ayant la qualité de mère une bonification d'ancienneté au moment de leur départ à la retraite, qui ne sont pas de nature à faciliter l'exercice de leur activité professionnelle, ni à compenser avec la cohérence requise les désavantages de carrière résultant éventuellement pour elles du temps consacré à l'éducation des enfants ; qu'en opposant à M. [C], pour rejeter sa demande tendant à bénéficier des majorations de durée d'assurance prévues par la loi, ces dispositions discriminatoires, la cour d'appel a violé les articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ; 4°) ALORS encore QU'en se fondant sur le caractère transitoire de ces dispositions quand, concernant les prestations de vieillesse servies en conséquence de périodes travaillées et cotisées, toute modification législative devait respecter le principe d'égalité de traitement sans en différer les effets par des mesures transitoires, la cour d'appel a violé derechef les dispositions susvisées.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 NON-LIEU A RENVOI M. CHAUVIN, président Arrêt n° 92 FS-B Affaire n° B 22-40.017 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 Le tribunal judiciaire de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 4 octobre 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 7 octobre 2022, dans l'instance mettant en cause : D'une part, la société MG Freesites Ltd, dont le siège est [Adresse 13] (Chypre), D'autre part, 1°/ M. [S] [N], domicilié [Adresse 10], pris en qualité de président de l'ARCOM, 2°/ la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ la société Orange Caraïbe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ la société Free, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12], 5°/ la société Bouygues Telecom, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9], 6°/ la société Free mobile, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 7°/ la société Colt Technology services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], 8°/ la société Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], 9°/ la société SFR fibres, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 10°/ la société Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 6], 11°/ la société Outremer Telecom (OMT), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 17], Intervenantes volontaires : 1°/ la société Webgroup Czech Republic A.S, 2°/ la société NKL Associates SRO, ayant toutes deux leur siège [Adresse 14] (République Tchèque), 3°/ la société Fedrax LDA Edificio, dont le siège est [Adresse 16] (Portugal), 4°/ l'association Osez le féminisme ! dont le siège est [Adresse 7], 5°/ l'association Le Mouvement du Nid, dont le siège est [Adresse 11], 6°/ le parquet du tribunal judiciaire de Paris, dont le siège est [Adresse 15], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, la SCP Célice, Texidor, Périer, en ses observations et Me Périer, en ses plaidoiries pour la société MG Freesites Ltd, la SCP Sevaux et Mathonnet, en ses observations et Me Mathonnet, en sa plaidoirie pour l'association Osez le féminisme !, l'association Le Mouvement du Nid, l'association Les Effronté-E.S, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Intervention volontaire 1. Il est donné acte aux associations Les Effronté-E.S, Osez le féminisme ! et Le Mouvement du Nid de leur intervention volontaire. Faits et procédure 2. Les 13 et 15 juillet 2022, exposant que les sites internet pornographiques Pornhub, Tukif, Xhamster, Xnxx et Xvideos sont accessibles aux mineurs sur simple déclaration de leur part indiquant qu'ils sont âgés d'au moins dix-huit ans, en violation de l'article 227-24 du code pénal, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a assigné les sociétés Orange, Orange Caraïbe, Free, Free mobile, Bouygues Telecom, Colt Technologies services, Française du radio téléphone, SFR fibre, Réunionnaise du téléphone et Outremer Telecom devant le président du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 aux fins de voir ordonner qu'elles mettent fin à l'accès à ces sites. 3. Les sociétés MG Freesites Ltd, Fedrax LDA Edificio, Webgroup Czech Republic AS et NKL Associates SRO, éditrices de quatre des sites internet litigieux, sont intervenues à l'instance. 4. Au cours de celle-ci, la société MG Freesites Ltd, intervenante volontaire à titre principal, a posé une question prioritaire de constitutionnalité. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 5. Par jugement du 4 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 et de l'article 227-24 du code pénal tel que modifié par l'article 22 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 (auquel l'article 23 renvoie) sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit que sont le principe de légalité des délits et des peines et la liberté d'expression et de communication, respectivement en ce que ces dispositions ne définissent pas en des termes suffisamment clairs et précis une infraction pénale et le comportement pouvant donner lieu à une sanction ayant le caractère d'une punition et portent une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur de prévention de l'accès des mineurs aux contenus pornographiques sur Internet ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 6. Les dispositions contestées sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. 7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. 10. En premier lieu, sont suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d'arbitraire : - les termes de l'article 227-24 du code pénal qui sanctionne le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur et précise que les infractions sont constituées, y compris si l'accès d'un mineur aux messages résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans. - les termes de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 donnant la possibilité au président de l'ARCOM, qui constate qu'une personne, dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne, permet à des mineurs d'avoir accès à un contenu pornographique en violation de l'article 227-24 précité, de saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour qu'il soit mis fin à l'accès à ce service, dès lors que l'éditeur n'a pas déféré sous quinze jours à la mise en demeure qui lui a été adressée. 11. En second lieu, l'atteinte portée à la liberté d'expression, en imposant de recourir à un dispositif de vérification de l'âge de la personne accédant à un contenu pornographique, autre qu'une simple déclaration de majorité, est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de protection des mineurs. 12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 M. PIREYRE, président Arrêt n° 3 F- B Pourvoi n° Q 21-15.024 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 M. [S] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-15.024 contre l'arrêt rendu le 12 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, dont le siège est département contentieux, [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2021), M. [U] (l'assuré) a sollicité auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la CARSAT) l'attribution d'une pension de retraite personnelle à effet du 1er octobre 2015. 2. Contestant l'absence de prise en compte dans le calcul du salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension des trois premiers trimestres cotisés de l'année 2015, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors « que le salaire servant de base au calcul de la pension de retraite est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré ; que le salaire annuel moyen retenu pour le calcul de la pension de retraite doit être déterminé, pour les périodes d'activité inférieures à une année civile, au prorata de leur durée ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, pour la détermination du salaire annuel moyen servant de base de calcul de la pension de retraite de l'assuré, du salaire qu'il avait perçu au titre des trois premiers trimestres de l'année 2015 dans la mesure où l'intéressé, qui était entré en jouissance de sa pension à compter du 1er octobre 2015, de sorte que l'année civile 2015 n'avait pas été entièrement accomplie, la cour d'appel a violé les articles R. 351-1 et R. 351-29 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article R. 351-29 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de la pension de retraite est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance selon les règles définies par l'article R. 351-9 et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré. 5. Pour l'application de ce texte, l'année d'entrée en jouissance de la pension, qui n'est pas une année civile accomplie, n'est pas prise en considération. 6. Ayant constaté que l'assuré est entré en jouissance de sa pension à compter du 1er octobre 2015, la cour d'appel en a exactement déduit que le salaire perçu au cours des trois trimestres validés au titre de l'année 2015 ne pouvait être pris en compte pour déterminer le salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension de retraite. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] et le condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [U]. M. [U] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable de la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail du Sud-Est du 7 décembre 2016 et D'AVOIR rejeté l'ensemble de ses prétentions ; ALORS QUE le salaire servant de base au calcul de la pension de retraite est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré ; que le salaire annuel moyen retenu pour le calcul de la pension de retraite doit être déterminé, pour les périodes d'activité inférieures à une année civile, au prorata de leur durée ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, pour la détermination du salaire annuel moyen servant de base de calcul de la pension de retraite de M. [U], du salaire qu'il avait perçu au titre des trois premiers trimestres de l'année 2015 dans la mesure où l'intéressé, qui était entré en jouissance de sa pension à compter du 1er octobre 2015, de sorte que l'année civile 2015 n'avait pas été entièrement accomplie, la cour d'appel a violé les articles R. 351-1 et R. 351-29 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 10 F-B Pourvoi n° J 21-12.259 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 M. [K] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-12.259 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2020 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Garonne, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 octobre 2020), M. [S] (l'assuré), salarié sous deux contrats à durée déterminée successifs du 14 juin 2016 au 10 décembre 2016, puis du 11 décembre 2016 au 11 janvier 2017, a été victime le 7 janvier 2017 d'un accident du travail. 2. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse) lui ayant notifié, le 27 mars 2018, un indu d'indemnités journalières pour la période du 12 janvier au 22 mai 2017, il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le condamner en paiement d'un indu d'indemnités journalières, alors « qu'aux termes de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période de référence ; que selon l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ; que cette indemnité ne s'acquiert pas durant l'ensemble du contrat de travail mais uniquement au jour de son expiration, sous condition de non poursuite de la relation de travail par un contrat à durée indéterminée ; qu'elle doit donc être prise en considération pour le calcul de l'indemnité journalière au titre du mois de son versement et non proratisée sur l'ensemble de la période d'exécution du contrat ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1243-8 du code du travail et R. 436-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-953 du 20 août 2014, applicable au litige, que le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière par application de l'article L. 433-2, s'entend des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus à l'article R. 433-4. 5. Selon l'article L. 1243-8 du code du travail, l'indemnité de fin de contrat versée au salarié sous contrat à durée déterminée, à titre de complément de salaire et destinée à compenser la précarité de sa situation, est égale à 10 % de sa rémunération totale brute. 6. Il en résulte que cette indemnité, versée à l'occasion du travail et qui se rapporte à l'ensemble de la période couverte par le contrat à durée déterminée, doit être prise en compte dans le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière à concurrence de la fraction correspondant à la période de référence. 7. La cour d'appel a, dès lors, retenu à bon droit que l'indemnité de fin de son premier contrat à durée déterminée versée à l'assuré en décembre 2016 devait être proratisée en retenant pour ratio le nombre de jours de ce contrat. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. L'assuré fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article R. 436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus de l'article R. 433-4 ; que selon l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, l'indemnité compensatrice de congés payés, qui correspond au nombre de jours de congés payés acquis par le travailleur en vertu des services antérieurement accomplis constitue un élément de salaire à paiement différé ; qu'enfin, selon l'article R. 433-6-4°, dans le cas où la victime a occupé plusieurs emplois durant la période de référence, l'indemnité journalière doit être calculée sur le montant global des rémunérations perçues au cours de la période à considérer, lorsque ce calcul lui est plus favorable que la prise en compte du seul salaire afférent à l'emploi occupé au moment de l'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que l'assuré, victime d'un accident du travail le 7 janvier 2017, a été employé, pendant la période de référence de décembre 2016, aux termes de deux contrats à durée déterminée successifs, le premier du 14 juin au 10 décembre 2016, le second du 11 décembre 2016 au 11 janvier 2017 et a perçu pendant cette période de référence des rémunérations et accessoires de salaires afférents à ces deux contrats ; qu'en refusant de prendre en considération, pour le calcul de l'indemnité journalière, l'indemnité compensatrice de congés payés versée, pendant la période de référence, au titre du premier contrat au motif que « M. [S] ayant, au cours du mois civil qui a précédé son accident du travail, été employé, successivement et sans discontinuité, dans le cadre de deux contrats à durée déterminée, il s'ensuit que les indemnités compensatrices de congés payés liées à l'exécution du premier contrat à durée déterminée, qui se sont, de fait, au moment de la paye de décembre 2016, cumulées avec la rémunération perçue au titre du second contrat à durée déterminée, ne peuvent être prises en considération pour le calcul du salaire de référence », la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, R. 433-6-4°, R. 436-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 3141-28 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1242-16 du code du travail, L. 433-2, R. 433-4 et R. 436-1 du code de la sécurité sociale, les deux derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2014-953 du 20 août 2014, applicable au litige : 10. Il résulte du dernier de ces textes que le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière par application du deuxième, s'entend des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus au troisième. 11. Selon le premier, l'indemnité compensatrice de congés payés versée en fin de contrat au salarié sous contrat à durée déterminée, dès lors que le régime applicable dans l'entreprise ne lui permet pas de les prendre effectivement, est calculée en fonction de la durée du contrat. 12. Il en résulte que cette indemnité, versée à l'occasion du travail et qui se rapporte à l'ensemble de la période couverte par le contrat à durée déterminée, doit être prise en compte dans le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière à concurrence de la fraction correspondant à la période de référence. 13. Pour condamner l'assuré au paiement de l'indu, l'arrêt retient que l'indemnité compensatrice de congés payés liée à l'exécution de son premier contrat à durée déterminée, alors qu'il a été employé, au cours du mois civil qui a précédé son accident du travail, successivement et sans discontinuité dans le cadre de deux contrats à durée déterminée, s'est, de fait, au moment de la paie de décembre 2016, cumulée avec la rémunération perçue au titre du second contrat et ne peut être prise en considération pour le calcul du salaire de référence. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [S] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 3 664,26 euros au titre de l'indu, l'arrêt rendu le 30 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée. Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton e Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne la somme de 3 664,26 € en restitution d'un indu d'indemnités journalières ; 1°) ALORS QU' aux termes de l'article R.436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus de l'article R. 433-4 ; que selon l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, l'indemnité compensatrice de congés payés, qui correspond au nombre de jours de congés payés acquis par le travailleur en vertu des services antérieurement accomplis constitue un élément de salaire à paiement différé ; qu'enfin, selon l'article R.433-6-4°, dans le cas où la victime a occupé plusieurs emplois durant la période de référence, l'indemnité journalière doit être calculée sur le montant global des rémunérations perçues au cours de la période à considérer, lorsque ce calcul lui est plus favorable que la prise en compte du seul salaire afférent à l'emploi occupé au moment de l'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que M. [S], victime d'un accident du travail le 7 janvier 2017, a été employé, pendant la période de référence de décembre 2016, aux termes de deux contrats à durée déterminée successifs, le premier du 14 juin au 10 décembre 2016, le second du 11 décembre 2016 au 11 janvier 2017 et a perçu pendant cette période de référence des rémunérations et accessoires de salaires afférents à ces deux contrats ; qu'en refusant de prendre en considération, pour le calcul de l'indemnité journalière, l'indemnité compensatrice de congés payés versée, pendant la période de référence, au titre du premier contrat au motif que « M. [S] ayant, au cours du mois civil qui a précédé son accident du travail, été employé, successivement et sans discontinuité, dans le cadre de deux contrats à durée déterminée, il s'ensuit que les indemnités compensatrices de congés payés liées à l'exécution du premier contrat à durée déterminée, qui se sont, de fait, au moment de la paye de décembre 2016, cumulées avec la rémunération perçue au titre du second contrat à durée déterminée, ne peuvent être prises en considération pour le calcul du salaire de référence », la cour d'appel a violé les articles L.242-1, R.433-6-4°, R.436-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L.3141-28 du code du travail ; 2°) ET ALORS QU'aux termes de l'article R.433-4 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, l'indemnité journalière servie au salarié victime d'un accident du travail ne peut dépasser le montant du gain journalier net perçu par la victime ; qu'en retenant par motifs adoptés, pour exclure de l'assiette des indemnités journalières dues à M. [S], employé aux termes de contrats à durée déterminée successifs pendant la période de référence, l'indemnité compensatrice de congés payés versée au titre du contrat à durée déterminée arrivé à terme pendant cette période, que sa prise en considération « aboutirait à élever l'indemnité journalière à un montant supérieur au salaire que l'assuré aurait perçu s'il avait travaillé durant l'arrêt de travail et qu'elle a vocation à remplacer » sans préciser le montant du gain journalier net qu'il aurait ainsi perçu, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.433-4 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne la somme de 3 664,26 € en restitution d'un indu d'indemnités journalières ; ALORS QU' aux termes de l'article R.436-1 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière et des rentes par application des articles L. 433-2 et L. 434-15 s'entend des rémunérations, au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, et afférentes à la période de référence ; que selon l'article L.1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ; que cette indemnité ne s'acquiert pas durant l'ensemble du contrat de travail mais uniquement au jour de son expiration, sous condition de non poursuite de la relation de travail par un contrat à durée indéterminée ; qu'elle doit donc être prise en considération pour le calcul de l'indemnité journalière au titre du mois de son versement et non proratisée sur l'ensemble de la période d'exécution du contrat ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1243-8 du code du travail et R.436-1 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 M. PIREYRE, président Arrêt n° 26 F-B Pourvoi n° D 21-14.945 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 La société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-14.945 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'URSSAF du Rhône, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 février 2021), à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations, puis une mise en demeure, portant notamment sur la contribution des entreprises fabriquant, important ou distribuant des dispositifs médicaux, des cellules et tissus de corps humains, des produits de santé et des prestations de services et d'adaptation associées, prévue par les articles L. 245-5-1 et suivants du code de la sécurité sociale. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ les entreprises soumises à la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale sont celles assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel ; que la société faisait valoir que le distributeur de dispositifs médicaux était la personne physique ou morale se livrant au stockage de ces produits et à leur distribution ou à leur exportation, à l'exclusion de la vente au public, tandis que son activité n'impliquait ni stockage, ni distribution de dispositifs médicaux et que, dans le cadre de ses missions de prestataire, elle mettait uniquement des produits à disposition du public, sans que la détention d'une ordonnance ne soit un préalable obligatoire ; qu'en affirmant au contraire que les activités de la société n'auraient pas relevé de la vente au public visée par l'article R. 5211-4 du code de la santé publique en ce qu'elles n'auraient été accessibles que sur prescription médicale, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-4 du code de la santé publique et L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu'un dispositif médical se définit comme tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels ; qu'en décidant que la société n'était pas fondée à contester que les accessoires et consommables relevaient des dispositifs médicaux de l'article R. 5211-4 du code de la santé publique, bien que ces accessoires soient exclus de la définition du dispositif médical, la cour d'appel a violé l'article L. 5211-1 du code de la santé publique ; 3°/ que la société précisait que, d'un point de vue réglementaire, son activité ne répondait pas à la définition de distributeur de dispositifs médicaux mais à celle d'exploitant de ces dispositifs ; qu'en présupposant qu'elle devait être regardée non comme un simple prestataire de services de soins mais comme un fournisseur dès lors qu'elle installait et entretenait du matériel au domicile de patients sur prescription médicale, tout en délaissant ses conclusions soutenant que son activité répondait à la définition d'exploitant d'un dispositif médical au sens de l'article R. 5211-5 du code de la santé publique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une contribution des entreprises assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel, de tissus et cellules issus du corps humain quel qu'en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 ou de prestations de services et d'adaptation associées inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1. 6. Sont soumis à cette contribution, notamment, les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres Ier et III de la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. 7. L'arrêt relève que la société installe et entretient du matériel au domicile de patients sur prescription médicale et qu'elle réalise des prestations associées à des dispositifs médicaux (oxygénothérapie, insulinothérapie) inscrites au titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Il retient que la société dispose de la qualité de fournisseur au sens du titre Ier de cette liste, ce terme étant employé comme synonyme de celui de distributeur. Il ajoute que les matériels, produits et services de la société ne sont accessibles que sur prescription médicale, de sorte que les activités de la société ne relèvent pas de la vente au public visée par l'article R. 5211-4 du code de la santé publique. Il constate que la société procède au stockage d'accessoires et consommables nécessaires pour le fonctionnement des appareils et équipements qu'elle délivre, et que ces produits constituent des dispositifs médicaux. Il estime que la société réalise une démarche de promotion auprès des prescripteurs de santé, lesquels font appel à un prestataire de santé à domicile pour la prise en charge de leurs patients. 8. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société était soumise à la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 précité. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 10. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « que la surveillance des incidents ou des risques d'incidents résultant de l'utilisation des dispositifs médicaux, dite matériovigilance, est étrangère aux activités commerciales de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III sur la liste prévue à l'article L. 165-1 ; que la société observait qu'un abattement de 4 % sur les rémunérations, similaire au taux d'abattement de 3 % prévu au titre de la pharmacovigilance, devait être appliqué à l'activité de matériovigilance ; qu'en écartant cette demande d'abattement au prétexte qu'il n'existait aucune exclusion forfaitaire sur ce point, quand la société justifiait le taux d'abattement proposé au regard de celui de l'activité de la pharmacovigilance, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 11. Il résulte des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier de ces textes que les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1. La surveillance des incidents ou des risques d'incidents résultant de l'utilisation des dispositifs médicaux, dite matériovigilance, est étrangère à ces activités commerciales. 12. En application de l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil, il incombe à la société qui prétend s'exonérer de justifier du montant des charges invoquées au titre de la matériovigilance. 13. L'arrêt retient que la société ne justifie pas du temps consacré par les salariés concernés à l'activité de matériovigilance et qu'il n'existe aucune exclusion forfaitaire sur ce point. 14. En l'état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, dont elle a fait ressortir que la société ne rapportait pas la preuve des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations correspondant à la fraction des rémunérations versées à ses salariés en contrepartie de leur activité de matériovigilance, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. 15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes, venant aux droits de l'URSSAF du Rhône, la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société [3] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté un prestataire de soins à domicile (la société [3], l'exposante) de ses demandes, d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable et de l'AVOIR condamné à payer la somme de 897 679 € à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations (l'Urssaf Rhône-Alpes) ; ALORS QUE, d'une part, l'organisme de recouvrement doit adresser un avis exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle ; que l'exposante soutenait (v. ses concl. du 28 octobre 2020, p. 5, dern. alinéa, et p. 7, dern. alinéa) qu'elle avait son établissement principal et siège social [Adresse 1] à [Localité 5] et produisait en ce sens un extrait Kbis, un avis de situation au répertoire Siren et la notification de la décision CRA du 27 mai 2016, tout en soulignant qu'elle ne disposait d'aucun autre établissement « employeur » ; qu'en retenant néanmoins que l'exposante ne démontrait pas que l'établissement de [Localité 5] représentait la personne juridiquement tenue aux obligations afférentes au paiement des cotisations sociales et contributions de sécurité sociale pour l'ensemble des salariés de la société contrôlée, quand elle prouvait par les pièces versées aux débats que l'établissement sis à [Localité 5] était son siège social et avait seul la qualité d'employeur « cotisant », tel qu'elle l'avait déclaré, la cour d'appel a violé l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE, d'autre part, en présumant que l'exposante ne pouvait sérieusement affirmer qu'en mentionnant « [4] » l'avis de contrôle et la lettre d'observations avaient été adressés à une autre entreprise, quand elle-même était dénommée [3] et que l'Urssaf avait précisé l'activité exercée par elle, tout en constatant que les documents en cause ne visaient pas « la société [3] » sise [Adresse 1] à [Localité 5], dans le département du Haut Rhin, seule personne tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions objet du contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE, enfin, l'inobservation de la formalité de l'avis préalable prévue par l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; qu'en considérant que l'Urssaf n'avait causé aucun grief à l'exposante en visant « [4] » puisque les courriers lui étaient effectivement parvenus, quand la nullité d'une notification irrégulière est encourue nonobstant l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a violé l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté un prestataire de soins à domicile (la société [3], l'exposante) de ses demandes, d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable et de l'AVOIR condamné à payer la somme de 897 679 € à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations (l'Urssaf Rhône-Alpes) ; ALORS QUE, d'une part, les entreprises soumises à la contribution instituée par l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale sont celles assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel ; que l'exposante faisait valoir (v. ses concl., pp. 15-19) que le distributeur de dispositifs médicaux était la personne physique ou morale se livrant au stockage de ces produits et à leur distribution ou à leur exportation, à l'exclusion de la vente au public, tandis que son activité n'impliquait ni stockage, ni distribution de dispositifs médicaux et que, dans le cadre de ses missions de prestataire, elle mettait uniquement des produits à disposition du public, sans que le détention d'une ordonnance ne soit un préalable obligatoire ; qu'en affirmant au contraire que les activités de l'exposante n'auraient pas relevé de la vente au public visée par l'article R 5211-4 du code de la santé publique en ce qu'elles n'auraient été accessibles que sur prescription médicale, la cour d'appel a violé les articles R 5211-4 du code de la santé publique et L 245-5-1 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE, d'autre part, un dispositif médical se définit comme tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels ; qu'en décidant que l'exposante n'était pas fondée à contester que les accessoires et consommables relevaient des dispositifs médicaux de l'article R 5211-4 du code de la santé publique, bien que ces accessoires soient exclus de la définition du dispositif médical, la cour d'appel a violé l'article L 5211-1 du code de la santé publique ; ALORS QUE, en outre, l'exposante précisait (v. ses concl., p. 19, § 2.1.4) que, d'un point de vue réglementaire, son activité ne répondait pas à la définition de distributeur de dispositifs médicaux mais à celle d'exploitant de ces dispositifs ; qu'en présupposant (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 6) qu'elle devait être regardée non comme un simple prestataire de services de soins mais comme un fournisseur dès lors qu'elle installait et entretenait du matériel au domicile de patients sur prescription médicale, tout en délaissant ses conclusions soutenant que son activité répondait à la définition d'exploitant d'un dispositif médical au sens de l'article R 5211-5 du code de la santé publique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS QUE, subsidiairement, seules les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III sur la liste prévue à l'article L 165-1 entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale ; que l'exposante démontrait (v. ses concl. déposées le 28 octobre 2020, p. 29, alinéas 2 et 3) que, parmi les missions du « responsable développement de zone », une seule consistait à accompagner les délégués régionaux dans 50 % de leurs rendez-vous auprès des professionnels de santé prescripteurs, en produisant en pièce n° 22 sa fiche de poste, et avançait que 2,4 % de sa rémunération devaient être intégrés dans l'assiette de la contribution ; qu'en énonçant (arrêt attaqué, p. 9, alinéa 3) que l'exposante indiquait que les responsables développement de zone ne se livraient à aucune activité entrant dans le champ d'application de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a dénaturé les écritures dont elle était saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; ALORS QU'en affirmant ensuite (arrêt attaqué, p. 9, alinéa 6) que l'exposante indiquait que « les responsables développement de zone » étaient chargés d'accompagner les délégués régionaux auprès des professionnels de santé prescripteurs sans justifier de leurs missions exactes ni de la part de leur rémunération consacrée à ces activités, quand elle soutenait que 2,4 % des rémunérations du responsable développement de zone devaient être intégrés dans l'assiette de la contribution, la cour d'appel a derechef dénaturé les conclusions dont elle se trouvait saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; ALORS QUE, enfin, la surveillance des incidents ou des risques d'incidents résultant de l'utilisation des dispositifs médicaux, dite matériovigilance, est étrangère aux activités commerciales de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III sur la liste prévue à l'article L. 165-1 ; que l'exposante observait (v. ses concl. déposées le 28 octobre 2020, p. 33, alinéas 2 et 3) qu'un abattement de 4 % sur les rémunérations, similaire au taux d'abattement de 3 % prévu au titre de la pharmacovigilance, devait être appliqué à l'activité de matériovigilance ; qu'en écartant cette demande d'abattement au prétexte qu'il n'existait aucune exclusion forfaitaire sur ce point, quand l'exposante justifiait le taux d'abattement proposé au regard de celui de l'activité de la pharmacovigilance, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 M. PIREYRE, président Arrêt n° 4 F-B Pourvoi n° B 21-15.702 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 1°/ Mme [F] [N], assistée de ses co-curateurs M. [Z] [K] et Mme [H] [K], 2°/ M. [Z] [K], 3°/ Mme [H] [K], tous deux agissant en qualité de co-curateurs de Mme [F] [N], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° B 21-15.702 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige les opposant au président du conseil départemental de l'Hérault, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [N], de M. et Mme [K], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du président du conseil départemental de l'Hérault, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 février 2021), Mme [N] (l'intéressée) bénéficie depuis 2011 de la prestation de compensation du handicap, au titre de ses besoins en aides humaines, sa mère et son beau-père, M. et Mme [K], étant ses aidants familiaux et également, ses curateurs. 2. Le président du conseil départemental de l'Hérault ayant rejeté la demande de dédommagement de Mme [L], mère de M. [K], comme troisième aidant familial, l'intéressée et ses curateurs ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de l'aide sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'intéressée et ses curateurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à reconnaître Mme [L] comme aidant familial, alors « que l'aidant familial est, au sens de la loi n° 2015-1776 relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 et de la charte européenne de l'aidant familial, la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne ; que cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs formes, notamment : nursing, soins, accompagnement à l'éducation et à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques ; qu'en refusant de reconnaître à Mme [L] la qualité d'aidant familial au motif qu'elle n'était ni la conjointe, ni la concubine, ni la personne avec laquelle l'intéressée avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendante, ni descendante ou collatérale jusqu'au quatrième degré de cette dernière, ni ascendante, descendante collatérale jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple cependant que la qualité d'aidant familial ne se limite pas au seul lien de parenté mais est entendue largement et peut concerner la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, la cour d'appel a violé l'article R. 245-7 du code de l'action sociale et des familles. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles que les personnes handicapées remplissant certaines conditions tenant à leur âge et à leur handicap ont droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces. 6. Aux termes de l'article L. 245-3, 1°, du même code, la prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret à des charges liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux. 7. Selon l'article L. 245-12 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, l'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-3 peut être employé, selon le choix de la personne handicapée, à rémunérer directement un ou plusieurs salariés, notamment un membre de la famille dans les conditions prévues au deuxième alinéa de ce texte ou à rémunérer un service prestataire d'aide à domicile ainsi qu'à dédommager un aidant familial qui n'a pas de lien de subordination avec la personne handicapée au sens du chapitre 1er du titre II du livre 1er du code du travail. Le dédommagement de l'aidant familial est pris en compte pour la détermination de l'assiette de la contribution définie à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale au titre des revenus. 8. Selon l'article R. 245-7, alinéa 1er, du code de l'action sociale et des familles, est considéré comme un aidant familial, pour l'application de l'article L. 245-12 du même code, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle la personne handicapée a conclu un pacte civil de solidarité, l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de la personne handicapée, ou l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple qui apporte l'aide humaine définie en application des dispositions de l'article L. 245-3 du même code et qui n'est pas salarié pour cette aide. 9. Ayant relevé que Mme [L], mère de M. [K], nouvel époux de la mère de l'intéressée, n'était ni conjoint, ni concubin, ni personne avec laquelle l'intéressée avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendant, ni descendant ou collatéral jusqu'au quatrième degré de l'intéressée, ni ascendant, ni descendant ou collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple, la cour d'appel en a exactement déduit que Mme [L] ne pouvait être reconnue comme aidant familial au sens de l'article R. 245-7 du code de l'action sociale et des familles. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [N] et M. et Mme [K], en leur qualité de co-curateurs de Mme [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [N], M. et Mme [K]. Madame [H] [K], agissant en sa qualité de co-curatrice de Madame [F] [N], Monsieur [Z] [K], agissant en qualité de co-curateur de Madame [F] [N] et Madame [F] [N] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du 15 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Hérault (CDAS de l'Hérault) ayant rejeté la requête des consorts [K]/[N] tendant à reconnaître à Madame [M] [L] la qualité d'aidant familial ; 1° ALORS QUE l'aidant familial est, au sens de la loi n° 2015-1776 relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 et de la charte européenne de l'aidant familial, la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne ; que cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs formes, notamment : nursing, soins, accompagnement à l'éducation et à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques ; qu'en refusant de reconnaître à Madame [M] [L] la qualité d'aidant familial au motif qu'elle n'était ni la conjointe, ni la concubine, ni la personne avec laquelle Madame [F] [N] avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendante, ni descendante ou collatérale jusqu'au quatrième degré de cette dernière, ni ascendante, descendante collatérale jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple cependant que la qualité d'aidant familial ne se limite pas au seul lien de parenté mais est entendue largement et peut concerner la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, la cour d'appel a violé l'article R. 245-7 du code de l'action sociale et des familles ; 2° ALORS QUE lorsque la prestation est accordée au titre du 1° du III de l'article L. 245-1, est également considéré comme aidant familial, dès lors qu'il remplit les conditions mentionnées à l'alinéa précédent, le conjoint, le concubin ou la personne avec laquelle un parent de l'enfant handicapé a conclu un pacte civil de solidarité ainsi que toute personne qui réside avec la personne handicapée et qui entretient des liens étroits et stables avec elle ; qu'en refusant de reconnaître à Madame [M] [L] la qualité d'aidant familial au motif qu'elle n'était ni la conjointe, ni la concubine, ni la personne avec laquelle Madame [F] [N] avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendante, ni descendante ou collatérale jusqu'au quatrième degré de cette dernière, ni ascendante, descendante collatérale jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple cependant que Madame [L] résidait avec la personne handicapée et entretenait des liens étroits et stables avec elle, la cour d'appel a violé les articles L.245-1 et R. 245-7, alinéa 2 du code de l'action sociale et des familles.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 M. PIREYRE, président Arrêt n° 25 F-B Pourvoi n° U 21-14.706 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-14.706 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Aquitaine, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 février 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 et 2012, l'URSSAF Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [2] (la société) un redressement comportant plusieurs chefs relatifs, notamment, aux frais professionnels de ses salariés. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement relatifs aux frais professionnels des salariés, alors « que respecte le caractère contradictoire de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation l'URSSAF qui informe l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagés et invite l'employeur à faire part de ses remarques ; que cette information peut valablement être donnée après l'envoi d'une première lettre d'observations dès lors que l'URSSAF a annulé cette lettre d'observations et l'a remplacée par une seconde lettre d'observations adressée à l'employeur après qu'il a pu faire valoir ses remarques sur les résultats précédemment communiqués ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après l'envoi d'une première lettre d'observations du 18 octobre 2013, l'URSSAF avait communiqué à la société, par lettre du 23 décembre 2013, les résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant les échantillons et les régularisations envisagés et l'avait invité à faire part de ses observations sur ces résultats jusqu'au 13 janvier 2014, que la société y avait répondu le 10 janvier 2014, puis que l'URSSAF lui avait notifié une seconde lettre d'observations du 7 février 2014 annulant et remplaçant valablement celle du 18 octobre 2013 ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas été associé à la troisième phase du contrôle par échantillonnage et extrapolation et en annulant les chefs de redressements consécutifs lorsqu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait été informé des résultats des vérifications et des régularisations envisagée, qu'il avait été invité à faire ses remarques et qu'il avait formulé ses observations avant l'issue de la procédure de contrôle matérialisée par l'envoi de la seconde lettre d'observations annulant et remplaçant la première, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles R. 243-59 et R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige et l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation pris en application de l'article R. 243-59-2 du même code. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, et de l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, pris en application de cet article, que la mise en oeuvre, aux fins de régulation du point de législation, des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation suit un protocole composé de quatre phases : la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon. Dans le cadre de la procédure contradictoire, l'employeur est associé à chacune de ces phases et doit notamment être informé à l'issue de l'examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillonnage et des régularisations envisagées et être invité à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées. 6. La lettre par laquelle l'inspecteur du recouvrement répond, en application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d'observations, ne constitue pas une nouvelle lettre d'observations. 7. L'arrêt relève que la lettre d'observations du 18 octobre 2013 ne comporte aucune mention de la remise à l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur l'échantillon préalablement à la délivrance de cette lettre d'observations. Il retient que l'employeur n'a pas été associé à la troisième phase du contrôle. Il énonce que l'URSSAF, qui n'a pas respecté le principe de la contradiction lors des troisième et quatrième phases de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation, n'a pas pu valablement régulariser la procédure en communiquant le 23 décembre 2013, après l'envoi de la lettre d'observations du 18 octobre 2013 et en réponse aux observations formulées par la société, les résultats de l'analyse des pièces justificatives de chacun des échantillons. 8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation appliquée par l'URSSAF était irrégulière, de sorte que les chefs de redressements relatifs aux frais professionnels devaient être annulés. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne l'URSSAF Aquitaine aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF Aquitaine et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) Aquitaine PREMIER MOYEN DE CASSATION L'Urssaf Aquitaine fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé partiellement le jugement du 23 février 2018 en ce qu'il a validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour son montant de 468.555 euros et a déclaré cette somme acquise à l'Urssaf, d'AVOIR en conséquence validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour un montant ramené à la somme de 75.955 euros au titre des cotisations et contributions outre les majorations de retard y afférentes qui devront être re-calculées en fonction du nouveau montant du redressement, d'AVOIR déclaré acquise à l'Urssaf Aquitaine uniquement la somme de 75.955 euros au titre des cotisations outre les majorations de retard afférentes réglées par la société [2] et d'AVOIR condamné l'Urssaf Aquitaine à restituer à la société [2] la somme de 326.335 euros au titre des cotisations indûment perçues, outre les majorations afférentes, ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter du 6 mars 2015. 1° - ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'Urssaf Aquitaine soutenait que les résultats des vérifications par échantillonnage avaient été communiqués à l'employeur lors de l'entretien de clôture du contrôle le 17 octobre 2013 ; qu'elle avait versé aux débats, sous la production n°3, la lettre du 20 novembre 2013 de la société [2] dans laquelle cette dernière reconnaissait que lesdits résultats lui avaient été remis le dernier jour du contrôle; qu'en écartant son moyen au prétexte que ni la lettre d'observations du 18 octobre 2013, ni la lettre de l'Urssaf du 23 décembre 2013 ne mentionnaient une telle remise, la cour d'appel qui n'a manifestement pas examiné la lettre du 20 novembre 2013, a violé l'article 455 du code de procédure civile. 2° - ALORS en tout état de cause QUE respecte le caractère contradictoire de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation l'Urssaf qui informe l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagés et invite l'employeur à faire part de ses remarques ; que cette information peut valablement être donnée après l'envoi d'une première lettre d'observations dès lors que l'Urssaf a annulé cette lettre d'observations et l'a remplacée par une seconde lettre d'observations adressée à l'employeur après qu'il a pu faire valoir ses remarques sur les résultats précédemment communiqués ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après l'envoi d'une première lettre d'observations du 18 octobre 2013, l'Urssaf Aquitaine avait communiqué à la société [2], par lettre du 23 décembre 2013, les résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant les échantillons et les régularisations envisagés et l'avait invité à faire part de ses observations sur ces résultats jusqu'au 13 janvier 2014, que la société [2] y avait répondu le 10 janvier 2014, puis que l'Urssaf lui avait notifié une seconde lettre d'observations du 7 février 2014 annulant et remplaçant valablement celle du 18 octobre 2013 ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas été associé à la troisième phase du contrôle par échantillonnage et extrapolation et en annulant les chefs de redressements consécutifs lorsqu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait été informé des résultats des vérifications et des régularisations envisagée, qu'il avait été invité à faire ses remarques et qu'il avait formulé ses observations avant l'issue de la procédure de contrôle matérialisée par l'envoi de la seconde lettre d'observations annulant et remplaçant la première, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles R. 243-59 et R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige et l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation pris en en application de l'article R. 243-59-2 du même code. 3° - ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant que l'Urssaf Aquitaine n'avait pu valablement régulariser la procédure en communiquant sa lettre du 23 décembre 2013 après l'envoi de la lettre d'observations du 18 octobre 2013 tout en constatant qu'elle avait valablement notifié ensuite une lettre d'observations du 7 février 2014 annulant et remplaçant celle du 18 octobre 2013 et visant à régulariser la procédure de contrôle, la cour d'appel qui a statué par des motifs incompatibles entre eux a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION L'Urssaf Aquitaine fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé partiellement le jugement du 23 février 2018 en ce qu'il a validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour son montant de 468.555 euros et a déclaré cette somme acquise à l'Urssaf, d'AVOIR en conséquence validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour un montant ramené à la somme de 75.955 euros au titre des cotisations et contributions outre les majorations de retard y afférentes qui devront être re-calculées en fonction du nouveau montant du redressement, d'AVOIR déclaré acquise à l'Urssaf Aquitaine uniquement la somme de 75.955 euros au titre des cotisations outre les majorations de retard afférentes réglées par la société [2] et d'AVOIR condamné l'Urssaf Aquitaine à restituer à la société [2] la somme de 326.335 euros au titre des cotisations indûment perçues outre les majorations afférentes, ces sommes produisant intérêt au taux légale à compter du 6 mars 2015. 1° - ALORS QUE constituent des frais d'entreprise, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur qui ne découlant pas de son activité normale, qu'il a exposées à titre exceptionnel et dans l'intérêt de son employeur ; qu'en qualifiant de « frais d'entreprise » les frais de réservation d'une salle de réunion avec cocktail dînatoire et réservation de six pistes de bowling pour un coût de 1776 euros, sans à aucun moment constater que ces frais avaient été exposés dans l'intérêt de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations. 2° - ALORS QUE pour prouver que des dépenses constituent des frais d'entreprise, l'employeur doit fournir la liste nominative des salariés ayant bénéficié de ces dépenses afin de permettre au juge de vérifier qu'elles ont été effectuées dans l'intérêt de l'entreprise et en dehors de l'exercice normal de leur activité; qu'en affirmant que les frais de cocktail dînatoire et de soirée bowling constituaient des frais d'entreprise car ils procuraient au salarié un avantage en raison de sa participation à une manifestation organisée dans le cadre de la politique commerciale de l'entreprise alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas, sans constater que l'employeur avait produit la liste nominative des salariés ayant participé à cette soirée qui seule permettait de vérifier que les dépenses avaient été effectuées dans l'intérêt de l'entreprise et en dehors de l'exercice normal de leur activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations. 3° - ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; que pour conclure au bien-fondé du redressement, l'Urssaf Aquitaine faisait valoir dans ses écritures d'appel que la société [2] se bornait à produire une facture correspondant aux cocktails dînatoire et à la réservation des pistes de bowlings sans produire aucune liste nominative des salariés ayant participé à cette soirée (cf. conclusions d'appel, p.29, §14) ; qu'en affirmant que ces frais constituaient des frais d'entreprise sans répondre à son moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 janvier 2023 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 24 F-B Pourvoi n° U 21-13.487 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023 La société [5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-13.487 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de l'URSSAF du Centre, 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire, venant aux droits de l'URSSAF du Centre, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 janvier 2021), la société [5] (la société) a fait l'objet d'un redressement portant sur les années 2011 à 2013 par l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF), à la suite d'un constat de travail dissimulé dressé par procès-verbal du 19 janvier 2015 transmis par la gendarmerie nationale. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ qu'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entraîner l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal », sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 2°/ à titre subsidiaire, que l'article 13 § 1 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'oeuvre en faveur de la société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays », sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 3°/ que selon l'article 11 §3 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004, « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] », quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles 11, paragraphe 3, 13, paragraphe 1, et 87, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et l'article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 : 4. Selon le premier de ces textes, sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre. 5. Selon le deuxième, dans sa rédaction initiale entrée en vigueur le 1er mai 2010, comme dans sa rédaction issue du règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, entré en vigueur le 28 juin 2012, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre, ou à la législation de l'État membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile, si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'État membre de résidence. 6. Selon le quatrième, aux fins de l'application de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004, une « partie substantielle d'une activité salariée ou non salariée » exercée dans un État membre signifie qu'une part quantitativement importante de l'ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu'il s'agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités. Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État membre, il est tenu compte, dans le cas d'une activité salariée, du temps de travail et/ou de la rémunération. Dans le cadre d'une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % de ces critères indique qu'une partie substantielle des activités n'est pas exercée dans l'État membre concerné. 7. Il résulte du troisième, qui fixe les dispositions transitoires pour l'application du règlement (CE) n° 883/2004, que lorsque l'application de ce règlement conduit à déterminer une législation de sécurité sociale ne correspondant pas à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, le travailleur concerné continue d'être soumis à la législation à laquelle il était soumis en vertu de ce dernier règlement, sauf s'il demande que la législation résultant du règlement (CE) n° 883/2004 lui soit appliquée (CJUE, arrêt du 19 mai 2022, INAIL et INPS c/ [6], C-33/21, point 67). 8. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante embauchés pour la plupart entre 2008 et 2010 et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants. Il relève que les transferts de fonds entre les deux sociétés permettaient le financement de manière quasi exclusive du fonctionnement de la société sous-traitante, notamment le paiement des salaires. 9. L'arrêt retient également qu'il n'y a pas lieu de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société sous-traitante basé au Portugal, dans la mesure où ces salariés sont nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs États membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'État membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'elle déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors : « 5°/ qu'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du code de procédure civile ; 6°/ qu'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu l'article 14 du code de procédure civile : 12. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé. 13. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants. 14. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les salariés intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 0090/2017 et 0209/2017, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles. Condamne l'URSSAF du Centre-Val de Loire aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Centre-Val de Loire et la condamne à payer à la société [5] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [5] PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société [5] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble de ses demandes, d'AVOIR confirmé la décision rendue par la Commission de recours amiable, d'AVOIR confirmé l'intégralité des redressements, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF les sommes réclamées, soit la somme totale de 1.101.481 € et d'AVOIR rejeté tous ses autres chefs de demande ; 1. ALORS QU'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la Société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entrainer l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » (arrêt p. 6 et 7) et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » (jugement p. 4) ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal » (arrêt p. 6 § 6), sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 2. ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE l'article 13 § 1 a) du règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'oeuvre en faveur de la Société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays » (jugement p. 4), sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait (conclusions p. 6 et 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 3. ALORS ET DE PLUS FORT QUE selon l'article 11 §3 a du règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] » (arrêt p. 9 § 1), quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ; que le contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, consécutif au redressement par l'URSSAF de la Société [5], est un contentieux de droit de la sécurité sociale portant sur l'affiliation au régime général de sécurité sociale des travailleurs de nationalité portugaise intervenant pour la société et sur l'obligation subséquente de cette dernière de payer un rappel de cotisations de sécurité sociale ; que par une décision du tribunal correctionnel d'Orléans du 30 mai 2017, les dirigeants de la Société [5] ont été condamnés pour travail dissimulé et prêt de main-d'oeuvre illicite ; qu'en revanche le juge pénal n'a pas statué sur la question distincte et autonome de l'affiliation des travailleurs portugais en cause à un régime de sécurité sociale français ; que dès lors cette décision du juge pénal, qui n'avait pas le même objet, n'avait pas autorité de la chose jugée s'agissant de la question de l'affiliation des travailleurs portugais au régime général de sécurité sociale français et ne faisait pas obstacle à ce que le juge de la sécurité sociale - dans le cadre du présent contentieux portant sur la condamnation de la Société [5] au paiement de rappels de cotisations de sécurité sociale subséquents - vérifie le régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs concernés ; qu'en retenant néanmoins que « il n'est plus possible aujourd'hui de remettre en cause les faits jugés et leur qualification légale » et que « la cour est donc en mesure d'examiner le litige à la lumière de ce qu'ont décidé les juges pénaux pour déterminer si les faits établissant l'élément matériel du délit de travail dissimulé, reproché aux gérants des deux sociétés, constituent ou non le fait générateur permettant à l'URSSAF de réclamer les cotisations et contributions dues au titre du redressement contesté » (arrêt p. 6 § 4 et 5), la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil (anciennement 1351) et les articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ; 5. ALORS QU'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du Code de procédure civile ; 6. ALORS QU'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION La Société [5] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble de ses demandes, d'AVOIR confirmé la décision rendue par la Commission de recours amiable et confirmé l'intégralité des redressements, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF les sommes réclamées, soit la somme totale de 1.101.481 € et d'AVOIR rejeté tous ses autres chefs de demande ; 1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de dispositif ayant confirmé le redressement opéré à l'encontre de la société [5] sur le fondement de l'annulation des exonérations de cotisations suite au constat de travail dissimulé ; 2. ALORS QUE le principe de l'égalité des armes, découlant du droit à un procès équitable, implique que chaque partie puisse présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en vertu de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, lorsque l'infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail est constatée par procès-verbal, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions ; qu'à l'appui de sa demande d'annulation du chef de redressement 2 la société [5] faisait valoir qu'« en vertu des dispositions de la circulaire interministérielle DSS 2009-124 du 15 mai 2009, l'annulation des réductions de charges dans le cadre du constat d'une situation de travail dissimulé suppose que soit transmis à la société, un document mentionnant notamment les références du procès-verbal sur la foi duquel le redressement intervient, mais aussi l'identité des salariés pour lesquels l'infraction été relevée, le nombre d'heures de travail dissimulé » et que « la lettre d'observations de l'URSSAF du 7 mars 2016, ne mentionne nullement l'identité des salariés concernés par l'infraction, ni le nombre d'heures de travail dissimulé » (conclusions p. 26 et 27) ; que pour valider néanmoins la procédure la cour s'est bornée à retenir que « les préconisations de la circulaire DSS n°2009/124 du 15 mai 2009 citées par la société [5] ne sont pas requises à peine de nullité du redressement, aucun texte normatif ne le prévoyant » (arrêt p. 9) ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à valider la suppression des exonérations de cotisations pour travail dissimulé en l'absence de transmission à la société [5] d'un document mentionnant notamment les références du procès-verbal de travail dissimulé, la cour d'appel a violé les articles R. 133-8 du code de la sécurité sociale, L. 8222-1 et L. 8222-2, alinéa 2, du code du travail ; 3. ALORS A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE QUE selon l'article L. 133-4-2 III du code de la sécurité sociale, modifié par la loi nº 2019-1446 du 24 décembre 2019, « Par dérogation aux I et II du présent article et sauf lorsque les faits concernent un mineur soumis à l'obligation scolaire ou une personne vulnérable ou dépendante mentionnés respectivement aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 8224-2 du code du travail, lorsque la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail ou qu'elle représente une proportion limitée de l'activité ou des salariés régulièrement déclarés, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est partielle. Dans ce cas, la proportion des réductions et exonérations annulées est égale au rapport entre le double des rémunérations éludées et le montant des rémunérations, soumises à cotisations de sécurité sociale, versées à l'ensemble du personnel par l'employeur, sur la période concernée, dans la limite de 100 % » ; qu'en vertu du § III de l'article 21 de ladite loi ces nouvelles dispositions ont un effet rétroactif et s'appliquent à toute annulation de réductions ou d'exonérations de cotisations ou de contributions sociales n'ayant pas donné lieu à une décision de justice ayant un caractère irrévocable, et ce sur demande expresse du cotisant et sur présentation de justificatifs probants ; que la société [5] a invoqué l'application de ce dispositif soulignant que la dissimulation d'activité qui lui était reprochée résultait uniquement de l'application de l'article L. 8221-6 II du code du travail dès lors que le redressement est intervenu aux motifs que les salariés du sous-traitant [3] avaient réalisé leur prestation « dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci » comme le prévoit ce texte ; que pour refuser de faire application de ce mécanisme, la cour d'appel a retenu que « la société [5] ne s'est pas uniquement soustraite à la déclaration préalable à l'embauche et à la délivrance d'un bulletin de paie, visées par l'article L. 8121-5 du code du travail 1° et 2°, mais s'est également soustraite intentionnellement à ses obligations déclaratives en matière de salaire et aux cotisations sociales, visées par l'article L. 8121-5 3°du Code du travail, ce qui l'empêche de bénéficier d'une annulation seulement partielle de la réduction Fillon » (arrêt p. 9 dernier §) ; qu'en se fondant sur de tels motifs insusceptibles de faire échec aux dispositions légales prévoyant une annulation seulement partielle des droits à réduction de cotisations Fillon lorsque « la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail », la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale modifié par la loi nº 2019-1446 du 24 décembre 2019 et applicable de manière rétroactive au litige et l'article L. 8221-6 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 886 FS-B Pourvoi n° Z 21-23.129 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Akwel, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-23.129 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B - expropriations), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société TSA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur régional des finances publiques du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Akwel, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société TSA, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juillet 2021), par arrêté du 22 septembre 2015, le préfet de [Localité 6] a institué des servitudes d'utilité publique (SUP) sur un site anciennement exploité comme fonderie par la société Thomson-Brandt en raison d'une pollution aux hydrocarbures, métaux et solvants chlorés constatée dans les sols et au droit de ces sites. 2. Cette servitude s'applique aux parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], propriété de la société Akwel, qui y exploite une activité de transformation de matières plastiques relevant de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. 3. L'article 2 de l'arrêté édicte des restrictions d'usage des sols au droit du site et notamment l'interdiction des usages et aménagements de type « résidentiel » ou assimilés. 4. L'article 3 institue des servitudes relatives à l'usage de la nappe phréatique, aux conduites d'alimentation en eau potable, à l'encadrement des travaux d'excavation et d'affouillement et à l'intégrité des revêtements. 5. A la suite du refus de sa demande d'indemnisation, la société Akwel a saisi le juge de l'expropriation, sur le fondement de l'article L. 515-11 du code de l'environnement, pour obtenir la condamnation de la société TSA, dernier exploitant de la fonderie, à l'indemniser du préjudice résultant de l'institution des SUP, au titre de la perte de valeur vénale et du coût de la franchise locative. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, réunis Enoncé des moyens 6. Par son premier moyen, la société Akwel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité, alors : « 1°/ que lorsque l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour le propriétaire d'une installation classée pour la protection de l'environnement, elle ouvre droit à son indemnisation par l'exploitant à l'origine de ces risques ; qu'il suffit à cet égard, pour constater l'existence d'un préjudice lié à la dépréciation du terrain supportant l'installation, de constater que celui-ci a perdu, du fait de ces servitudes, l'un des usages qu'il était possible de lui affecter, sans qu'il importe de savoir si le propriétaire avait effectivement envisagé d'entreprendre des démarches afin de convertir son fonds à cet usage ; qu'en l'espèce, la société Akwel faisait valoir que l'instauration de servitudes d'utilité publique sur son terrain avait entraîné une perte de constructibilité, notamment dans la perspective d'une éventuelle conversion en usage d'habitation, et que cette perte d'usage possible était à l'origine d'une dépréciation de sa propriété ; qu'en opposant qu'il n'était pas démontré que la société Akwel avait envisagé de reconvertir ses terrains à un usage d'habitation, quand la perte de valeur de son terrain ne dépendait pas de la volonté de son propriétaire d'en modifier l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ; 2°/ que la société Akwel faisait en outre valoir que l'arrêté du 22 septembre 2015 instituant des servitudes destinées à prévenir les risques de pollution sur son terrain avait révélé l'existence de ces risques aux yeux d'éventuels acquéreurs ou locataires, et que cette circonstance était également de nature à minorer la valeur de son terrain ; qu'en opposant que la société Akwel ne pouvait sérieusement soutenir que la servitude nouvelle serait à l'origine de la mauvaise perception de son bien en termes de risque pour la santé et de la sécurité des personnes, pour cette raison qu'elle exploitait elle-même des installations classées pour la protection de l'environnement depuis 1997, sans rechercher si l'institution de ces servitudes nouvelles n'avait pas à tout le moins aggravé cette perception par rapport à un terrain qui n'était auparavant assujetti à aucune de ces servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. » 7. Par son second moyen, la société Akwel fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que les juges saisis d'une demande d'indemnité en raison de l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution doivent se placer, pour déterminer l'usage possible du bien, à la date de référence fixée à un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou, à défaut, à un an avant la consultation des propriétaires ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le respect de cette règle impliquait d'examiner l'usage possible du bien à la date du 14 janvier 2014, soit un an avant la date de consultation des propriétaires ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'existence d'un préjudice, que l'expert relevait dans son rapport du 18 septembre 2018 que, dans son état existant à cette date, le site ne recélait pratiquement plus aucune réserve de constructibilité, et en se référant encore à une réponse de la commune du 26 juin 2018 qui informait sur le statut du terrain au regard des documents d'urbanisme existant à cette date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement ; 2°/ que, en se déterminant sur la base d'éléments relatifs à la situation existante du bien au cours de l'année 2018, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de se placer à la date du 14 janvier 2014 pour déterminer l'usage de ce bien, la cour d'appel a privé a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'application combinée des articles L. 515-12 et L. 515-11 du code de l'environnement que, pour protéger les intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 515-8 de ce code peuvent être instaurées sur des terrains pollués par l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement. 9. Lorsque l'institution des servitudes prévues entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. 10. Pour l'estimation du préjudice, seul est pris en considération l'usage possible des immeubles et droits immobiliers un an avant la date d'ouverture de l'enquête publique, ou, lorsqu'il n'est pas procédé à une telle enquête, avant la date de consultation des propriétaires. 11. En premier lieu, le moyen qui reproche à la cour d'appel de s'être déterminée sur la base d'éléments relatifs à la situation du bien au cours de l'année 2018 est incompatible avec la position soutenue par la société Akwel devant les juges du fond, celle-ci ayant repris les caractéristiques du site décrites dans le rapport d'expertise du 18 septembre 2018, en précisant que depuis son acquisition en 1997 aucune modification des bâtiments ni travaux n'avaient eu lieu. 12. En deuxième lieu, la cour d'appel a relevé qu'une partie du tènement était en zone naturelle non constructible et, au vu d'une réponse de la commune en date du 26 juin 2018 sur l'application du plan local d'urbanisme révisé le 23 septembre 2011, que pour le reste, situé en zone périphérique pavillonnaire du plan d'urbanisme, toute réaffectation du site à usage d'habitation ou résidentiel était subordonnée au préalable à la démolition des installations et à la dépollution du site industriel. 13. Ayant exactement retenu que la date de référence à prendre en compte pour l'application des dispositions combinées des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement était celle du 14 janvier 2014, la cour d'appel a relevé que la société Akwel ne justifiait pas, en l'état de la situation du bien et de ses caractéristiques à cette date, d'un usage possible d'habitation ou résidentiel. 14. En troisième lieu, la cour d'appel a relevé que l'arrêté du 22 septembre 2015 prévoyait que les activités de type industriel, commercial ou tertiaire étaient autorisées, que la réalisation de fondations n'était pas proscrite et retenu que, dans son état existant, le site ne recélait plus aucune réserve de constructibilité, compte tenu du bâti existant, de la nécessité de maintenir des voies de circulation et aires de livraison, le tout indispensable à l'activité exercée et plus généralement à toute activité avec manutention de marchandises. 15. Dès lors qu'il résultait de ses constatations que l'activité industrielle pouvait être poursuivie sur le site et que sa réaffectation à un usage d'habitation n'était pas possible à la date de référence, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise sur l'incidence des SUP sur la perception du bien, a pu retenir qu'aucune indemnité n'était due à la société Akwel pour perte de valeur vénale du bien du fait des restrictions d'usage des sols au droit du site définies à l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015. 16. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 17. La société Akwel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité, alors « que la société Akwel ajoutait que, en toute hypothèse, les contraintes résultant de l'instauration de servitudes d'utilité publique en raison de l'exploitation sur son terrain d'une installation classée pour la protection de l'environnement avait entraîné une perte de jouissance liée notamment à l'obligation de garantir un droit d'accès pour l'inspection des piézomètres, à l'interdiction d'utiliser l'eau de la nappe phréatique, ou encore à l'obligation d'isoler les terrains contaminés de futures conduites d'eau potable : qu'en opposant sur ce point que la société Akwel ne rapportait pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre ou de louer son terrain, quand la perte de jouissance du propriétaire et la perte de valeur qui en résulte pour son terrain ne dépendent pas de la volonté de le vendre ou de le louer, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 515-11, alinéa 1, du code de l'environnement : 18. Selon ce texte, lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L. 515-8 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. 19. Pour rejeter la demande d'indemnisation d'une perte de valeur vénale ou d'une franchise locative à consentir du fait des contraintes d'exploitation du site liées aux servitudes instituées à l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015, l'arrêt retient que la société Akwel ne rapporte pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre son tènement à usage industriel ou de le louer. 20. En statuant ainsi, par un motif inopérant pour exclure tout préjudice du propriétaire à ce titre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité de la société Akwel au titre des contraintes liées aux servitudes instituées à l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015, l'arrêt rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée. Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Akwel PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué par la société AKWEL encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté la société AKWEL de sa demande d'indemnité ; ALORS QUE, premièrement, lorsque l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour le propriétaire d'une installation classée pour la protection de l'environnement, elle ouvre droit à son indemnisation par l'exploitant à l'origine de ces risques ; qu'il suffit à cet égard, pour constater l'existence d'un préjudice lié à la dépréciation du terrain supportant l'installation, de constater que celui-ci a perdu, du fait de ces servitudes, l'un des usages qu'il était possible de lui affecter, sans qu'il importe de savoir si le propriétaire avait effectivement envisagé d'entreprendre des démarches afin de convertir son fonds à cet usage ; qu'en l'espèce, la société AKWEL faisait valoir que l'instauration de servitudes d'utilité publique sur son terrain avait entraîné une perte de constructibilité, notamment dans la perspective d'une éventuelle conversion en usage d'habitation, et que cette perte d'usage possible était à l'origine d'une dépréciation de sa propriété ; qu'en opposant qu'il n'était pas démontré que la société AKWEL avait envisagé de reconvertir ses terrains à un usage d'habitation, quand la perte de valeur de son terrain ne dépendait pas de la volonté de son propriétaire d'en modifier l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ; ALORS QUE, deuxièmement, la société AKWEL faisait en outre valoir que l'arrêté du 22 septembre 2015 instituant des servitudes destinées à prévenir les risques de pollution sur son terrain avait révélé l'existence de ces risques aux yeux d'éventuels acquéreurs ou locataires, et que cette circonstance était également de nature à minorer la valeur de son terrain ; qu'en opposant que la société AKWEL ne pouvait sérieusement soutenir que la servitude nouvelle serait à l'origine de la mauvaise perception de son bien en termes de risque pour la santé et de la sécurité des personnes, pour cette raison qu'elle exploitait elle-même des installations classées pour la protection de l'environnement depuis 1997, sans rechercher si l'institution de ces servitudes nouvelles n'avait pas à tout le moins aggravé cette perception par rapport à un terrain qui n'était auparavant assujetti à aucune de ces servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ; ET ALORS QUE, troisièmement, la société AKWEL ajoutait que, en toute hypothèse, les contraintes résultant de l'instauration de servitudes d'utilité publique en raison de l'exploitation sur son terrain d'une installation classée pour la protection de l'environnement avait entraîné une perte de jouissance, liée notamment à l'obligation de garantir un droit d'accès pour l'inspection des piézomètres, à l'interdiction d'utiliser l'eau de la nappe phréatique, ou encore à l'obligation d'isoler des terrains contaminés de futures conduites d'eau potable ; qu'en opposant sur ce point que la société AKWEL ne rapportait pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre ou de louer son terrain, quand la perte de jouissance du propriétaire, et la perte de valeur qui en résulte pour son terrain, ne dépendent pas de la volonté de le vendre ou de le louer, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué par la société AKWEL encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté la société AKWEL de sa demande d'indemnité ; ALORS QUE, premièrement, les juges saisis d'une demande d'indemnité en raison de l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution doivent se placer, pour déterminer l'usage possible du bien, à la date de référence fixée à un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou, à défaut, à un an avant la consultation des propriétaires ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le respect de cette règle impliquait d'examiner l'usage possible du bien à la date du 14 janvier 2014, soit un an avant la date de consultation des propriétaires ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'existence d'un préjudice, que l'expert relevait dans son rapport du 18 septembre 2018 que, dans son état existant à cette date, le site ne recélait pratiquement plus aucune réserve de constructibilité, et en se référant encore à une réponse de la commune du 26 juin 2018 qui informait sur le statut du terrain au regard des documents d'urbanisme existant à cette date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement ; ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en se déterminant sur la base d'éléments relatifs à la situation existante du bien au cours de l'année 2018, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de se placer à la date du 14 janvier 2014 pour déterminer l'usage de ce bien, la cour d'appel a privé a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement. 3e Civ., 3 décembre 2008, pourvoi n° 07-17.879, Bull. 2008, III, n° 196 (rejet) ; 3e Civ., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-15.171, Bull. 2010, III, n° 222 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1305 F-B Pourvoi n° P 20-22.356 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 La société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-22.356 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société AXA France IARD, de Me Haas, avocat de la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 30 septembre 2020) et les productions, par jugement du 5 juin 2014, confirmé par un arrêt du 7 décembre 2015 d'une cour administrative d'appel, un tribunal administratif a condamné la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud (la chambre de commerce et d'industrie) à payer diverses sommes à la société Alabama média en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché conclu pour la rénovation du palais des congrès d'Ajaccio, dont cette société était titulaire du lot n° 5 « audiovisuel », et condamné la société Scaenicom, attributaire du marché, à garantir la chambre de commerce et d'industrie pour moitié de ces condamnations. 2. Le 5 août 2014, la chambre de commerce et d'industrie a assigné la société AXA France IARD, assureur de la société Scaenicom (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, aux fins de garantie des condamnations prononcées contre elle par la juridiction administrative. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 3. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie et, par conséquent, de le condamner à payer à celle-ci la somme de 140 506,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, alors : « 1°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il "réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur AXA sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur)" ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que "seule la déclaration suivante "l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité" était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse "sous peine de non garantie"" ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences - précises et générales - imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 4. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 5. Pour dire que la garantie de l'assureur était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom, l'arrêt retient que les déclarations de cette société visées en page 2 des conditions particulières du contrat, selon lesquelles l'assuré « - Réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur AXA sur sa simple demande » et « - Fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) », ne constituaient pas des conditions de la garantie, dès lors qu'une autre déclaration était assortie de la mention expresse « sous peine de non garantie », et qu'il ne ressortait d'aucune des stipulations contractuelles produites que les déclarations en cause devaient s'analyser comme des conditions de la garantie. 6. En statuant ainsi, alors que les clauses litigieuses formulaient des exigences générales et précises à la charge de l'assurée, auxquelles la garantie de l'assureur était subordonnée, de sorte qu'elles constituaient des conditions de la garantie, peu important que, à la différence d'une autre clause, la sanction de leur non-respect ne fasse pas l'objet d'une mention expresse, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société AXA France IARD recevable en son appel, l'arrêt rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Condamne la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud et la condamne à payer à la société AXA France IARD la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société AXA France IARD La société AXA France IARD FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la CCITACS et en ce qu'elle avait été par conséquent condamnée à payer à la CCITACS la somme de 140 506,66 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; 1°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il « réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur AXA sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) » ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ‘‘l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité" était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ‘‘sous peine de non garantie" » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences – précises et générales – imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ; 3°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci ne sont pas subordonnées à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ‘‘l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité" était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ‘‘sous peine de non garantie" » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences – précises et générales – imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant pour écarter la qualification de la clause litigieuse en condition, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge, qui n'est pas tenu par la qualification de la clause retenue par les parties, doit lui redonner son exacte qualification ; qu'en affirmant que la garantie était acquise au profit de la CCITACS au motif qu'il ne s'agissait pas d'une condition de la garantie mais sans qualifier celle-ci pour déterminer le régime qui lui était applicable, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en affirmant que la garantie était acquise au profit de la CCITACS au motif qu'il ne s'agissait pas d'une condition de la garantie mais sans qualifier celle-ci pour déterminer le régime qui lui était applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1284 FS-B Pourvoi n° A 21-11.423 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 La société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-11.423 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [R], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [R], de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 décembre 2020) et les productions, M. [K], alors qu'il circulait à scooter, a heurté un véhicule assuré par la société MMA IARD (la société MMA), puis, éjecté, a atterri sur le capot d'un deuxième véhicule, assuré par la société Suravenir. 2. Le scooter de M. [K], ayant poursuivi sa course, a percuté un troisième véhicule en stationnement, appartenant à M. [R], assuré par la société Axa France IARD (la société Axa). 3. La société MMA, après avoir payé diverses sommes à M. [K] en indemnisation de son préjudice corporel, a formé un recours en contribution à l'encontre des conducteurs ou gardiens des autres véhicules, ainsi que de leurs assureurs. 4. Elle a assigné en paiement la société Axa qui, objectant que le véhicule qu'elle assurait n'était pas impliqué dans l'accident, a refusé de contribuer à l'indemnisation du dommage. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société MMA fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre la société Axa et M. [R], alors « qu'est nécessairement impliqué dans l'accident, au sens de l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu'il soit à l'arrêt ou en mouvement ; qu'en jugeant que le véhicule de M. [R], assuré par la société AXA, n'était pas impliqué dans l'accident dont M. [K] a été victime, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce véhicule avait été heurté par le scooter de la victime, ce dont il résultait son implication dans l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. » Réponse de la Cour Vu l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 : 6. Au sens de ce texte, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation. 7. Dans un accident complexe, la victime est en droit de demander l'indemnisation de son préjudice à l'assureur de l'un quelconque des véhicules impliqués, même si elle n'a pas été en contact avec celui-ci. 8. Pour débouter la société MMA de ses demandes, après avoir relevé que le véhicule de M. [R] était régulièrement stationné à une vingtaine de mètres des points de choc ayant occasionné des blessures à M. [K], qu'il n'était pas entré en contact avec la victime et n'avait causé aucun dégât matériel, l'arrêt en déduit que ce véhicule n'est pas intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de l'accident et qu'il n'a joué aucun rôle dans sa réalisation. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le scooter de M. [K] avait achevé sa course contre le véhicule de M. [R] et qu'il résultait de ses constatations que les collisions successives étaient intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, de sorte qu'elles constituaient un accident complexe, dans lequel ce véhicule était impliqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée. Condamne la société AXA France IARD et M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne, ainsi que M. [R], à payer à la société MMA IARD la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société MMA IARD La société MMA IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement qui l'avait déboutée de ses demandes dirigées contre la société Axa France IARD et M. [R] ; ALORS QU'est nécessairement impliqué dans l'accident, au sens de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu'il soit à l'arrêt ou en mouvement ; qu'en jugeant que le véhicule de M. [R], assuré par la société Axa France IARD, n'était pas impliqué dans l'accident dont M. [K] a été victime, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce véhicule avait été heurté par le scooter de la victime, ce dont résultait son implication dans l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1295 F-B Pourvoi n° E 21-10.783 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 M. [I] [F], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° E 21-10.783 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société QBE, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ à M. [D] [V], domicilié [Adresse 3], 3°/ à la société Brousse service express, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), dont le siège est [Adresse 4], 5°/ à la Direction provinciale de l'action sanitaire et sociale Sud, dont le siège est [Adresse 1], 6°/ à Mme [W] [P], domiciliée [Adresse 6], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [F], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société QBE, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 23 novembre 2020), le 12 mars 2016, à La Tamca, M. [F] a été victime, alors qu'il était passager transporté, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur conduit par M. [V] et assuré auprès de la société QBE (l'assureur). 2. M. [F] a assigné l'assureur pour obtenir, notamment, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, des frais d'appareillages futurs, de logement adapté et de véhicule adapté. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. [V], sous la garantie de la société QBE, à lui régler la somme de 8 000 000 francs CFP à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle, alors « que, s'agissant d'une victime tétraplégique ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en rejetant la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle au motif inopérant que la victime perçoit une pension d'invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 5. Il résulte de ces deux textes que le juge, après avoir fixé l'étendue du préjudice résultant des atteintes à la personne et évalué celui-ci indépendamment des prestations indemnitaires qui sont versées à la victime, ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur, doit procéder à l'imputation de ces prestations, poste par poste. 6. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, après avoir énoncé qu'il est constant que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt constate que M. [F] perçoit une pension invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT) et en déduit qu'aucune somme ne lui est due à ce titre. 7. En statuant ainsi, sans fixer le préjudice indemnisable de M. [F] au titre de l'incidence professionnelle avant d'imputer sur ce poste, s'il y a lieu, le montant de la rente invalidité perçue de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 8. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réserve sur les frais de santé futurs, alors «que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que M. [F] ayant demandé à la cour d'appel de réserver au titre du poste de préjudice "frais de santé futurs", les frais d'appareillages futurs, ainsi que d'aménagement de la voiture et du logement de la victime, en disant que ce poste "n'est pas contesté", la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile : 9. Il résulte de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé. 10. Pour confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait fixé à 5 365 121 francs CFP les dépenses de santé futures et à zéro l'indemnité complémentaire due à ce titre à M. [F], après avoir, par motifs adoptés, retenu que ce poste est totalement pris en charge par la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT) et des dépendances et que, en l'absence de toute évaluation financière produite par M. [F], il ne lui revient aucune indemnité complémentaire, l'arrêt constate que ce poste de préjudice n'est pas contesté. 11. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [F] avait sollicité que soient réservés le poste de préjudice des frais de santé futurs incluant les frais d'appareillage ainsi que les postes d'aménagement du domicile et du véhicule, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions d'appel, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute M. [F] de sa demande présentée au titre de l'incidence professionnelle, d'autre part, il condamne in solidum M. [V] et la société QBE à payer à M. [F] la somme de 68 787 759 francs CFP en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée. Condamne la société QBE aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société QBE et la demande formée par M. [F] contre M. [V], la société Brousse service express, la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie et la Direction provinciale de l'action sanitaire et sociale Sud et condamne la société QBE à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [F] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué de lui avoir alloué une somme limitée à 9 417 808 francs CFP à titre de réparation des pertes de gains professionnels futurs quand il demandait 85 806 821 francs CFP ; ALORS QUE, s'agissant d'une victime, ouvrier du bâtiment employé à durée déterminée au jour de l'accident ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en limitant la demande d'indemnisation des gains professionnels « pour tenir compte du caractère aléatoire de son activité, car il ne justifie pas qu'il aurait travaillé en permanence à temps plein jusqu'à sa retraite » (arrêt, p. 8, § 1), cependant que ce type de contrat est habituel dans ce secteur professionnel et ne préjuge pas d'une carrière incomplète, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de condamnation de M. [V], sous la garantie de la compagnie d'assurance QBE, à lui régler la somme de 8 000 000 francs CFP à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle ; ALORS QUE, s'agissant d'une victime tétraplégique ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en rejetant la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle au motif inopérant que la victime perçoit une pension d'invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de réserve sur les frais de santé futurs ; ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que M. [F] ayant demandé à la cour d'appel de réserver au titre du poste de préjudice « frais de santé futurs », les frais d'appareillages futurs, ainsi que d'aménagement de la voiture et du logement de la victime, en disant que ce poste « n'est pas contesté » (arrêt, p. 7 – Dépenses de santé futures, § 2), la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile. 2e Civ., 14 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.456, Bull. (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1314 F-B Pourvoi n° K 20-22.836 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 Mme [T] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-22.836 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise également en son établissement sis [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2020), l'appartement de Mme [Z], assurée auprès de la société AXA France IARD (l'assureur), a été endommagé par un incendie. Mme [Z] a été indemnisée par l'assureur de la copropriété des dommages causés à la structure de son appartement. 2. Elle a assigné son assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de ses objets personnels, mais celui-ci s'est prévalu d'une déchéance de garantie en raison de fausses déclarations intentionnelles de l'assurée sur les conséquences du sinistre. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la condamnation de l'assureur à l'indemniser de la destruction de ses biens mobiliers à hauteur de 47 796,43 euros, de la perte temporaire d'usage de son appartement à hauteur de 5 814,12 euros, et à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 15 000 euros, alors « que toute sanction doit être proportionnée ; qu'en relevant, pour infirmer le jugement entrepris qui avait écarté la déchéance encourue par Mme [Z] en la jugeant disproportionnée et dire qu'elle devait être déchue de son droit à garantie en raison de l'exagération intentionnelle des conséquences du sinistre, qu'une telle sanction n'était pas soumise à l'exigence de proportionnalité, la cour d'appel a violé l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe général de proportionnalité des sanctions. » Réponse de la Cour 4. La déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre, que les parties peuvent librement stipuler en caractères très apparents dans un contrat d'assurance et qui n'est encourue par l'assuré que pour autant que l'assureur établit sa mauvaise foi, ne saurait constituer une sanction disproportionnée. 5. C'est, en conséquence, à bon droit que la cour d'appel n'a pas procédé à l'examen du caractère proportionné de la déchéance de garantie encourue par l'assurée, et qu'ayant constaté que celle-ci avait effectué, de mauvaise foi, de fausses déclarations sur les conséquences du sinistre, a retenu que l'assureur était fondé à se prévaloir de la déchéance de garantie stipulée au contrat et a rejeté ses demandes. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société AXA France IARD la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] Mme [Z] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à la condamnation de la société AXA à l'indemniser de la destruction de ses biens mobiliers, à hauteur de 47 796,43 euros, de la perte temporaire d'usage de son appartement, à hauteur de 5 814,12 euros, et à lui verser des dommages et intérêts, à hauteur de 15 000 euros ; ALORS QUE toute sanction doit être proportionnée ; qu'en relevant, pour infirmer le jugement entrepris qui avait écarté la déchéance encourue par Mme [Z] en la jugeant disproportionnée (jugement, p. 8) et dire qu'elle devait être déchue de son droit à garantie en raison de l'exagération intentionnelle des conséquences du sinistre, qu'une telle sanction n'était pas soumise à l'exigence de proportionnalité (arrêt, p. 6, al. 4 à 7), la cour d'appel a violé l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe général de proportionnalité des sanctions.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1285 FS-B Pourvoi n° K 19-25.339 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 La société AXA France vie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 19-25.339 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [L] [F], épouse [M], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à la société Banque Populaire du Sud, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France vie, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Banque Populaire du Sud, de Me Haas, avocat de Mme [F], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 octobre 2019) et les productions, Mme [F], épouse [M], agent titulaire de la fonction publique territoriale, a adhéré à deux contrats d'assurance de groupe auprès de la société AXA France vie (l'assureur), afin de garantir les prêts consentis par la société Banque populaire du Sud (la banque) à elle-même et à son mari, ainsi qu'à la société Flaman. 2. Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 1er mars 2004, avant d'être reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions, par arrêté du 30 avril 2009, et mise, de ce fait, à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2009, alors qu'elle était âgée de 50 ans. Les mensualités des deux prêts ont été prises en charge par l'assureur au titre de la garantie « incapacité de travail ». 3. L'assureur lui a notifié le 26 mars 2013 la cessation de l'indemnisation à compter du 1er mars 2009, date de sa mise en retraite pour inaptitude. 4. Mme [F] a assigné l'assureur et la banque devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir, à titre principal, le maintien de sa garantie et la prise en charge des échéances des prêts à compter du 1er mars 2009. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la banque à M. et Mme [M] et à la société Flaman alors « que la cour d'appel a constaté que la notice d'information relative au contrat souscrit par la banque auprès de l'assureur, auquel Mme [F] avait adhéré, stipulait que la mobilisation de la garantie « incapacité de travail » était subordonnée à la fourniture, « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé, [de] la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » et que cette garantie prendrait fin « à la date de la préretraite ou de la retraite de l'assuré, quelle qu'en soit la cause, y compris pour inaptitude au travail » ; qu'il résulte de la combinaison de ces clauses, sans aucune contradiction, que l'adhérent est couvert lorsqu'il est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse lorsque, sur décision de son employeur, il est mis à la retraite, à l'âge normal ou de façon anticipée, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence de son invalidité ; qu'en affirmant, pour juger que nonobstant l'admission anticipée de Mme [F] à la retraite, l'assureur devait prendre en charge les prêts souscrits par cette dernière jusqu'à son âge normal de départ à la retraite, que les clauses précitées étaient contradictoires dans la mesure où la situation d'incapacité serait à la fois la cause de la garantie et la cause de la cessation de la garantie, de sorte que l'incapacité demeurerait couverte en dépit de l'admission de l'adhérent à la retraite lorsque cette admission résulte de l'invalidité de l'adhérent, quand il ne résultait d'aucune mention de la notice que l'assureur garantissait le risque invalidité jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent quand bien même celui-ci aurait été admis par anticipation à faire valoir ses droits à la retraite, fût-ce à raison de son invalidité, la cour d'appel a dénaturé la notice précitée en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 6. Pour dire que la garantie « incapacité de travail » était acquise définitivement jusqu'à la date des 60 ans de Mme [F] et condamner, en conséquence, l'assureur à lui payer les sommes correspondant aux échéances des prêts consentis, l'arrêt retient que si la clause de cessation de cette garantie prévoit qu'elle intervient à « la date de votre préretraite ou de votre retraite quelle qu'en soit la cause y compris pour inaptitude au travail », la clause relative aux modalités de mise en oeuvre de cette garantie, en ce qu'elle prévoit qu'il convient de fournir « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé... la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé », établit que l'assureur garantit le risque d'invalidité au titre de l'incapacité de travail, y compris pour les fonctionnaires. 7. La décision énonce encore qu'en l'espèce, la reconnaissance d'invalidité par l'administration à compter du 1er mars 2009 est, à raison du statut de Mme [F], la cause de sa mise à la retraite anticipée, qu'en présence d'une telle contradiction entre elles, les deux clauses, prises ensemble, doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à l'assurée et en déduit que, dès lors que l'invalidité est couverte, la clause dont se prévaut l'assureur ne peut être regardée comme exclusive de la garantie de ce risque lorsque c'est la survenance de celui-ci qui est la cause de la décision de placer l'assurée en retraite anticipée. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les clauses litigieuses qui, prises ensemble comme séparément, sont claires et dénuées d'ambiguïté en ce qu'elles prévoient que la garantie « incapacité de travail » est acquise lorsque l'adhérent est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse à la date de sa retraite, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence statutaire de son invalidité, et a violé le principe susvisé. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « qu'en affirmant que la garantie de la société AXA était définitivement acquise à Mme [F] jusqu'à l'âge normal de son départ à la retraite dès lors que l'assureur avait continué à prendre en charge les échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance de l'état de santé de celui-ci, quand il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ». Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige : 10. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 11. Pour dire que la garantie « incapacité de travail » était acquise définitivement jusqu'à la date des 60 ans de Mme [F] et condamner, en conséquence, l'assureur à lui payer les sommes correspondant aux échéances des prêts consentis, l'arrêt retient encore que ce dernier a versé des indemnités pendant cinq ans à compter du premier arrêt de travail initial du 1er mars 2004, jusqu'à la mise à la retraite de l'assurée pour invalidité à compter du 1er mars 2009, alors que le contrat prévoit qu'à la date de consolidation et au plus tard trois ans après l'arrêt de travail, le médecin-conseil de l'assureur fixe le taux contractuel d'incapacité, de sorte que l'assureur a versé les indemnités à l'assurée encore pendant deux ans après la date limite contractuelle pour fixer le taux contractuel d'incapacité. 12. L'arrêt en déduit qu'à compter du 1er mars 2007, l'assureur a versé les indemnités en toute connaissance de cause de l'état de l'assurée et qu'il ne peut donc prétendre cesser sa garantie qui, passé ce délai de trois ans, était définitivement acquise à l'assurée jusqu'à l'âge théorique de sa retraite. 13. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Mise hors de cause 14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la banque, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi, le pourvoi n'étant accueilli qu'en ce que l'arrêt condamne la société AXA à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros, au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la banque à M. et Mme [M] et à la société Flaman. PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société AXA France vie à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la société Banque populaire du Sud à M. et Mme [M] et à la société Flaman, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Met hors de cause la société Banque populaire du Sud ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Condamne Mme [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société AXA France vie Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société AXA France Vie à payer à son assurée, Madame [L] [F] épouse [M], la somme de 181.942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la Banque Populaire du Sud aux consorts [M] et à la SCI Flaman ; AUX MOTIFS QUE : « Madame [F] fait grief au jugement de l'avoir déboutée de sa demande à l'encontre de la société AXA en retenant que : - la clause de cessation de garantie incapacité travail était rédigée en termes clairs, compréhensibles et non équivoques - elle ne pouvait soutenir que la pension civile d'invalidité qu'elle percevait n'était pas une pension de vieillesse, ce qui n'était pas dans le débat Elle fait valoir que sa demande d'interprétation ne portait pas sur la seule clause de cessation de garantie, mais bien sur la contradiction existant entre deux clauses du contrat, l'une par rapport à l'autre, dans leur mise en oeuvre. Si le premier juge a examiné la clause de cessation de garantie, il n'a pas examiné la clause relative aux formalités à remplir pour en bénéficier. II convient donc d'examiner les clauses du contrat ensemble par application de l'article 1161 ancien du Code civil. Cette seconde clause figure dans la notice d'information des deux contrats n° 4114 qui prévoit notamment, s'agissant des modalités de mise en oeuvre de la garantie incapacité de travail qu'il convient de fournir « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé...la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » Cette seconde clause établit donc que la compagnie AXA garantit le risque d'invalidité dans le cadre de l'incapacité de travail, y compris pour les fonctionnaires. Par ailleurs, la première clause, analysée par le premier juge, prévoit que la cessation de garantie intervient, entres autres causes, « à la date de votre préretraite ou de votre retraite quelle qu'en soit la cause y compris pour inaptitude au travail ». Ainsi que le fait observer Madame [F], le litige pose donc la question suivante : Dans la mesure où l'assureur garantit « l'invalidité » dans cadre de la garantie « incapacité de travail », une mise à la retraite d'un fonctionnaire doit-elle être analysée comme une cause de cessation de garantie lorsqu'il est précisé dans l'arrêté de mise à la retraite anticipée « pour invalidité » ou « pour inaptitude au travail », en présence d'une clause spécifiant comme fin de garantie « la retraite, la préretraite pour quelque cause que ce soit y compris pour inaptitude » ? Il est constant que dès lors que l'invalidité est couverte, la clause dont se prévaut l'assurance ne peut être regardée comme exclusive de la garantie de ce risque lorsque c'était la survenance de celui-ci qui était la cause de la décision de placer l'assuré en retraite anticipée. Par ailleurs, en application de l'article L. 133-2 du code de la consommation - qui trouve à s'appliquer aux contrats d'assurance groupe accessoires aux contrats de prêts immobiliers - les clauses des contrats proposés par les professionnels au consommateur ou à un non professionnel doivent être présentées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel. En l'espèce, l'assurée, fonctionnaire, est couverte pour la garantie du risque d'invalidité, qui existe bien dans son contrat, y compris pour les fonctionnaires, dans le cadre de la garantie incapacité travail. La compagnie AXA France Vie a versé des indemnités pendant 5 ans à compter du premier et travail initial du 1er mars 2004, jusqu'à la mise en retraite de l'assurée pour invalidité à compter du 1er mars 2009. (...) Or, le contrat prévoit qu'à la date de consolidation et au plus tard 3 ans après votre arrêt de travail, le médecinconseil de l'assureur fixe votre taux d'incapacité contractuel. L'assureur a donc versé les indemnités à l'assurée encore pendant deux ans après la date limite contractuelle pour fixer le taux d'incapacité contractuel. Il se présume qu'il a été donc été en possession du rapport de son médecin-conseil fixant un taux d'invalidité contractuel lui permettant de continuer à faire bénéficier l'assurée des garanties, puisque dans le cas contraire, il aurait nécessairement cessé le paiement des indemnités. À compter du 1er mars 2007, l'assureur a donc versé les indemnités en toute connaissance de cause de l'état de l'assurée. L'assureur ne peut donc prétendre cesser sa garantie qui, passé ce délai de 3 ans, était définitivement acquise à l'assurée jusqu'à l'âge théorique de sa retraite, au seul motif que la reconnaissance d'invalidité par l'administration dans un arrêté a eu comme conséquence statutaire, une mise à la retraite. En effet, il ne s'agit là pour l'administration que de considérer à un moment donné que ce fonctionnaire ne pourra plus jamais reprendre son travail et ainsi de l'exclure du nombre des agents publics susceptibles de réintégrer un jour un poste de fonctionnaire vacant, et, par suite, de lui régler l'équivalent de sa pension d'invalidité via l'organisme public de retraite dont elle dépend. En l'espèce, la reconnaissance d'invalidité par l'administration à compter du 1er mars 2009 est donc, à raison de son statut, la cause de la mise à la retraite anticipée. Le même arrêté d'invalidité ne peut donc servir à la fois de cause d'une garantie et de cause de cessation de cette garantie. En présence d'une telle contradiction entre elles, les deux clauses contractuelles, prises ensemble, doivent donc, pour faire sens, être interprétées dans le sens le plus favorable à l'assurée. C'est donc à bon droit que Madame [F] invoque la jurisprudence constante selon laquelle, en étant couverte par le contrat d'assurance pour le risque invalidité, la clause dont se prévaut l'assureur vient en contradiction avec une autre clause, et ne peut de ce fait être valablement regardée comme exclusive de la garantie de ce risque, puisque c'est bien la survenance du risque invalidité qui s'est trouvée être la cause de la décision de placer l'assurée en retraite anticipée. L'assureur doit donc sa garantie ». ET QUE : « Madame [F] était âgée de 50 ans au moment de sa mise en retraite anticipée à compter du 1er mars 2009 et la garantie contractuelle a nécessairement cessé à la date de ses 60 ans, soit le 20 février 2019. Il n'est pas contesté que Madame [F] a continué de régler les échéances des deux prêts à la banque, laquelle ne prétend aucunement lui avoir réglé les causes du jugement. En condamnant la compagnie d'assurance à prendre en charge les échéances des prêts jusqu'aux 60 ans de l'assurée, la cour la condamnera par conséquent à rembourser l'assurée les sommes que cette dernière a réglées à la banque pour la période du 1er mars 2009 au 20 février 2019. Au regard des tableaux d'amortissements produits par la banque et arrivant à terme respectivement en 2022 et 2023, les échéances fixes des deux prêts sont de 849,34 € et 666,85 €, de sorte que Madame [F] peut justement prétendre aux sommes suivantes : 15 161 € pour l'année 2009, soit (849,34 € + 666,85 €) x 10 mois, conformément au calcul du premier juge ; puis 18 194,28 € par an, soit (849,34 € + 666,85 €) x 12 7 mois, et donc une somme de 163 748,52 € pour les 9 ans couvrant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2018, conformément au calcul du premier juge ; puis 3 032,38 €, soit (849,34 € + 666,85 €) x 2 pour la période du 1er janvier 2019 au 20 février 2019, date des 60 ans de l'assurée, les échéances étant été prélevées le 15 de chaque mois. Le jugement sera infirmé l'erreur manifeste du premier juge qui a inexplicablement retenu la somme de 996,94 € sur cette période. En définitive, c'est donc la somme de 181 942,50 € à laquelle Madame [F] peut prétendre et non celle de 179 907,36 € retenue par le premier juge. Le jugement sera donc infirmé sur le montant retenu. (...) La société AXA France Vie sera donc condamnée à régler à Madame [F] la somme de 181 942,50 € ». 1°) ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que la notice d'information relative au contrat souscrit par la Banque Populaire du Sud auprès de la compagnie AXA France Vie, auquel Madame [M] avait adhéré, stipulait que la mobilisation de la garantie « incapacité de travail » était subordonnée à la fourniture, « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé, [de] la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » et que cette garantie prendrait fin « à la date de la préretraite ou de la retraite de l'assuré, quelle qu'en soit la cause, y compris pour inaptitude au travail » ; qu'il résulte de la combinaison de ces clauses, sans aucune contradiction, que l'adhérent est couvert lorsqu'il est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse lorsque, sur décision de son employeur, il est mis à la retraite, à l'âge normal ou de façon anticipée, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence de son invalidité ; qu'en affirmant, pour juger que nonobstant l'admission anticipée de Madame [M] à la retraite, la compagnie AXA France Vie devait prendre en charge les prêts souscrits par cette dernière jusqu'à son âge normal de départ à la retraite, que les clauses précitées étaient contradictoires dans la mesure où la situation d'incapacité serait à la fois la cause de la garantie et la cause de la cessation de la garantie, de sorte que l'incapacité demeurerait couverte en dépit de l'admission de l'adhérent à la retraite lorsque cette admission résulte de l'invalidité de l'adhérent, quand il ne résultait d'aucune mention de la notice que la société AXA France Vie garantissait le risque invalidité jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent quand bien même celui-ci aurait été admis par anticipation à faire valoir ses droits à la retraite, fût-ce à raison de son invalidité, la Cour d'appel a dénaturé la notice précitée en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°) ALORS QU'en refusant, sous couvert de corriger une contradiction qui n'existait pas, de faire application des stipulations pourtant claires et précises de la notice d'information litigieuse desquelles il résultait que l'admission de Madame [M] à la retraite pour invalidité entrainait nécessairement la cessation de la garantie « incapacité de travail », la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ; 3°) ALORS QU'en affirmant que la garantie de la société AXA France Vie était définitivement acquise à Madame [M] jusqu'à l'âge normal de son départ à la retraite dès lors que l'assureur avait continué à prendre en charge les échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance de l'état de santé de celui-ci, quand il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ; 4°) ALORS enfin QUE l'admission du fonctionnaire civil à la retraite pour invalidité prévue par l'article L.29 du code des pensions civiles et militaires de retraite constitue un cas à part entière d'admission du fonctionnaire civil à la retraite ; que l'admission du fonctionnaire à la retraite pour invalidité donne droit au versement d'une pension de retraite calculée dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite et non au versement d'une pension d'invalidité (Civ.1re, 25 novembre 2012, n°11-24.029, bull. civ n° 116) ; qu'en énonçant, pour retenir l'existence d'une contradiction entachant la police d'assurance proposée par la société AXA France Vie et juger qu'elle devait sa garantie à son assurée, que l'admission à la retraite du fonctionnaire civil pour invalidité permettait simplement à l'administration de « considérer à un moment donné que ce fonctionnaire ne pourra plus jamais reprendre son travail (...) et, par suite, de lui régler l'équivalent de sa pension d'invalidité via l'organisme public de retraite dont elle dépend », la Cour d'appel a violé les articles L.1, L.13, L.24 et L.29 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 885 FS-B+R Pourvoi n° S 21-21.305 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ la société Architecture technique environnement (ATE), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° S 21-21.305 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Archibald, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Arcade Ingénierie, 2°/ à la société Arcade ingénierie, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ à la société l'Auxiliaire, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Architecture technique environnement et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société l'Auxiliaire, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Déchéance du pourvoi examinée d'office 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code. Vu l'article 978 du code de procédure civile : 2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi. 3. La société Architecture technique environnement (la société ATE) et la Mutuelle des architectes français (la MAF) n'ont pas signifié le mémoire ampliatif à la société Arcade ingénierie ni à la société Archibald, prise en sa qualité de liquidateur de la société Arcade ingénierie. 4. Il s'ensuit que la déchéance du pourvoi principal doit être constatée à l'égard de ces sociétés. Faits et procédure 5. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2021), l'office public de l'habitat d'Aubervilliers (l'OPH) a confié au groupement constitué notamment de la société ATE, assurée auprès de la MAF, la maîtrise d'oeuvre de travaux de restructuration et de réhabilitation d'un immeuble. 6. La société Arcade développement, devenue Arcade ingénierie, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, est intervenue en qualité de sous-traitant de la société ATE. 7. La réception a eu lieu le 2 novembre 2008. 8. Se plaignant de désordres, l'OPH a, sur requête adressée le 13 septembre 2011 au tribunal administratif, obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 1er décembre 2011. 9. Par jugement du 19 janvier 2016, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel du 15 mars 2018, la société ATE a été condamnée, avec d'autres constructeurs, à payer à l'OPH une certaine somme pour remédier aux désordres. 10. Par acte du 6 mars 2018, la société ATE et la MAF ont assigné la société Archibald, ès qualités, et la société L'Auxiliaire pour que celle-ci soit condamnée à leur rembourser les sommes qu'elles avaient payées à l'OPH. Examen du moyen Enoncé du moyen 11. La société ATE et la MAF font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées contre la société L'Auxiliaire, alors « que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a fait l'objet de la demande indemnitaire qui motive ce recours ; que ce délai ne peut courir à compter d'une requête en référé expertise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société ATE et la MAF contre la compagnie l'Auxiliaire au mois de mars 2018, que la prescription avait commencé à courir à compter de la requête en référé-expertise adressée par l'OPH d'Aubervilliers au tribunal administratif de Montreuil, soit le 13 septembre 2011 ; qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai était la date à laquelle l'OPH d'Aubervilliers avait formé contre la société ATE une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Montreuil, soit le 28 novembre 2014, de sorte que l'action formée au mois de mars 2018 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I, du code de commerce : 12. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. 13. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 14. Par un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié au bulletin), la troisième chambre civile a jugé, d'une part, que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relevait des dispositions de l'article 2224 de code civil et se prescrivait par cinq ans à compter du jour où le premier avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, d'autre part, que tel était le cas d'une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal, laquelle mettait en cause la responsabilité de ce dernier. 15. Cette dernière règle oblige cependant les constructeurs, dans certains cas, à introduire un recours en garantie contre d'autres intervenants avant même d'avoir été assignés en paiement par le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, dans le seul but d'interrompre la prescription. En effet, même lorsqu'ils ont interrompu la prescription en formant eux-mêmes une demande d'expertise contre les autres intervenants à l'opération de construction, le délai de cinq ans qui, après la suspension prévue par l'article 2239 du code civil, recommence à courir à compter du jour où la mesure d'expertise a été exécutée, peut expirer avant le délai de dix ans courant à compter de la désignation de l'expert, pendant lequel le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage peuvent agir en réparation de leurs préjudices. 16. La multiplication de ces recours préventifs, qui nuit à une bonne administration de la justice, conduit la Cour à modifier sa jurisprudence. 17. Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales. 18. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures. 19. La jurisprudence nouvelle s'applique à l'instance en cours, dès lors qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique de la société L'Auxiliaire tout en préservant le droit d'accès au juge de la société ATE et de la MAF. 20. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société ATE et de la MAF, l'arrêt relève que ces sociétés ont assigné la société L'Auxiliaire en mars 2018, plus de cinq années après le 13 septembre 2011, date à laquelle la requête aux fins d'expertise les concernant avait été adressée au tribunal administratif par le maître de l'ouvrage, sans qu'il soit fait état d'aucun acte interruptif entre ces deux dates. 21. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'assignation avait été délivrée à la société L'Auxiliaire par la société ATE et la MAF moins de cinq ans après la requête de l'OPH adressée à la juridiction administrative aux fins d'indemnisation de ses préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la société Arcade ingénierie et la société Archibald, prise en sa qualité de liquidateur de la société Arcade ingénierie ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la Mutuelle des architectes français et la société Architecture technique environnement pour prescription, l'arrêt rendu le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société l'Auxiliaire aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Architecture technique environnement et la société Mutuelle des architectes français La société Ate et la Maf font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées contre la société l'Auxiliaire ; Alors que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a fait l'objet de la demande indemnitaire qui motive ce recours ; que ce délai ne peut courir à compter d'une requête en référé expertise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société Ate et la Maf contre la compagnie l'Auxiliaire au mois de mars 2018, que la prescription avait commencé à courir à compter de la requête en référé-expertise adressée par l'OPH d'Aubervilliers au tribunal administratif de Montreuil, soit le 13 septembre 2011 ; qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai était la date à laquelle l'OPH d'Aubervilliers avait formé contre la société ATE une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Montreuil, soit le 28 novembre 2014, de sorte que l'action formée au mois de mars 2018 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. En sens contraire : 3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 888 FS-B Pourvoi n° H 21-24.539 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [T] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-24.539 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [H], 2°/ à Mme [L] [B], tous deux domiciliés [Adresse 3], 3°/ à la société Privilège Courtage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 4°/ à la société [O] [O]-[C] Chevallier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [M], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], de Mme [B] et de la société [O] [O]-[C] Chevallier, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Privilège Courtage, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2021), par acte du 22 mai 2018 reçu par M. [O], notaire, M. [M] (le vendeur) a conclu avec M. [H] et Mme [B] (les acquéreurs), par l'intermédiaire de la société Terraza immobilier, agence immobilière, une promesse de vente d'un appartement. 2. La promesse contenait une condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant de 414 000 euros maximum remboursable sur vingt-cinq ans au taux de 2 % l'an hors assurance. 3. Le 20 juillet 2018 les acquéreurs ont notifié au vendeur leur renonciation à cette acquisition. 4. Assignés en paiement de sa commission par l'agence immobilière, ils ont appelé en intervention forcée le vendeur, la société Privilège courtage, qu'ils avaient mandatée pour l'obtention d'un prêt, ainsi que la société civile professionnelle [O] et [O]-[C] afin d'obtenir, principalement, la restitution par le vendeur de la somme de 10 000 euros versée au titre de l'indemnité d'immobilisation et séquestrée entre les mains du notaire, outre des dommages et intérêts. 5. Reconventionnellement, M. [M] a demandé la condamnation des acquéreurs à lui verser la somme de 38 600 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le vendeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du 22 mai 2018 prévoyait « le financement de l'acquisition par M. [H] et Mme [B] au moyen d'un prêt d'un montant maximum de 414 000 euros au taux de 2 % l'an, remboursable sur une durée de 300 mois ; qu'il s'en déduisait que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter toute offre de prêt d'un montant de 414 000 euros ou inférieur ; qu'en jugeant, pour déclarer la promesse de vente caduque et rejeter la demande de M. [M] tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation, que « M. [H] et Mme [B] ayant déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur, la condition n'a pu être réalisée sans que cette défaillance puisse être imputée à M. [H] et Mme [B] qui n'étaient pas tenus d'accepter un financement d'un montant inférieur à celui qu'ils avaient estimé nécessaire à l'acquisition du bien » et que « l'indication dans la promesse que le montant du prêt que M. [H] et Mme [B] se sont engagés à sollicier était d'un montant maximum de 414 000 n'était en effet pas de nature à les contraindre à accepter toute offre de prêt d'un montant inférieur », tandis que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter l'offre de prêt d'un montant de 407 000 euros faite à leur courtier puisque celle-ci était conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, dont elle ne dépassait pas le montant maximum, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel a relevé que les acquéreurs avaient fait une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, pour le montant maximal de 414 000 euros, qui leur avait été refusé par la banque qui n'avait consenti à leur accorder qu'un prêt de 407 000 euros. 9. Elle a retenu à bon droit que l'indication, dans la promesse, d'un montant maximal du prêt n'était pas de nature à contraindre les acquéreurs à accepter toute offre d'un montant inférieur. 10. Elle en a exactement déduit que, la défaillance de la condition n'étant pas imputable aux acquéreurs, la promesse était devenue caduque. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [M] M. [M] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 38.600 € dirigée contre M. [H] et Mme [B] ; 1°) Alors que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du 22 mai 2018 prévoyait « le financement de l'acquisition par M. [H] et Mme [B] au moyen d'un prêt d'un montant maximum de 414.000 € au taux de 2% l'an, remboursable sur une durée de 300 mois » (arrêt, p. 4, § 3) ; qu'il s'en déduisait que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter toute offre de prêt d'un montant de 414.000 € ou inférieur ; qu'en jugeant, pour déclarer la promesse de vente caduque et rejeter la demande de M. [M] tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation, que « M. [H] et Mme [B] ayant déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur, la condition n'a pu être réalisée sans que cette défaillance puisse être imputée à M. [H] et Mme [B] qui n'étaient pas tenus d'accepter un financement d'un montant inférieur à celui qu'ils avaient estimé nécessaire à l'acquisition du bien » et que « l'indication dans la promesse que le montant du prêt que M. [H] et Mme [B] se sont engagés à solliciter était d'un montant maximum de 414.000 € n'était en effet pas de nature à les contraindre à accepter toute offre de prêt d'un montant inférieur » (arrêt, p. 4, § 3), tandis que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter l'offre de prêt d'un montant de 407.000 € faite à leur courtier puisque celle-ci était conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, dont elle ne dépassait pas le montant maximum, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil ; 2°) Alors que, subsidiairement, M. [H] et Mme [B] avaient soutenu qu'« aucune demande de prêt à hauteur de 414.000 € ne fut jamais faite » et que le courtier, la société Privilège Courtage, avait formulé « une demande de prêt à hauteur de 407.000 € auprès de la Banque Populaire Val de France, pour laquelle il recevait un accord de financement » (concl., p. 5, §§ 3 et 4) ; que la société Privilège Courtage soutenait qu'« après transmission des éléments non conformes aux déclarations faites, les consorts [H]-[B] ne pouvaient bénéficier de l'assistance bancaire sollicitée » et qu'elle avait « alors proposé une offre conforme à leur capacité d'endettement » (concl., p. 6, §§ 8 et 9) ; que la société Privilège Courtage ne soutenait donc pas avoir déposé auprès des banques des demandes de prêt à hauteur de 414.000 €, mais faisait valoir qu'elle avait estimé que de telles demandes étaient vouées à l'échec au regard des revenus et charges des emprunteurs et avait donc formé des demandes à hauteur de 407.000 € ; qu'en jugeant que M. [H] et Mme [B] avaient « déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur » (arrêt, p. 4, § 3), tandis qu'aucune des parties ne soutenait que la société Privilège Courtage, mandataire des consorts [H] et [B], avait déposé auprès des banques des demandes de prêt à hauteur de 414.000 € qui avaient été refusées, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile. 3e Civ., 14 janvier 2021, pourvoi n° 20-11.224, Bull., (cassation partielle)
CASS/JURITEXT000046760825.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1317 F-B Pourvoi n° M 19-20.763 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 M. [P] [S] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 19-20.763 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 juin 2019), M. [T] a saisi le 19 janvier 2018 le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) à fin de réparation de ses préjudices liés à la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante, qui lui a opposé un refus en raison de la prescription de sa demande. Il a saisi une cour d'appel aux mêmes fins. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs dont les quatre premiers sont irrecevables et dont le dernier n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. M. [T] fait grief à l'arrêt de dire son recours prescrit, alors : « 1°/ que les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que l'examen tomodensitométrique ne constitue pas le certificat médical faisant courir la prescription ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève "qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 2°/ que les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; qu'en cas de succession de certificats médicaux, la prescription ne court qu'à compter du premier certificat qui énonce le lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle de la victime - les certificats antérieurs, même s'ils diagnostiquent la même maladie, ne font pas courir la prescription, car la première constatation médicale de la maladie ne s'assimile pas avec la date de la connaissance du lien entre la maladie et la profession ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève "qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007" ; qu'ayant ainsi mis en évidence que le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante avait été établi pour la première fois par le certificat médical de 2013, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Le FIVA conteste la recevabilité du moyen pour être mélangé de fait et de droit en ce qu'il invoque les règles du livre IV du code de la sécurité sociale, notamment les dispositions de l'article L. 461-1 de ce code alors que M. [T] n'invoquait dans ses conclusions d'appel que l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et l'arrêté du 5 mai 2002 fixant la liste des maladies dont le constat vaut exposition à l'amiante. 5. Cependant, l'arrêt rappelle que M. [T] sollicitait l'indemnisation du FIVA à la suite de la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie au visa du tableau n° 30 des maladies professionnelles, de sorte que les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale visées par le moyen étaient dans le débat. 6. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 53, III bis, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 : 7. Selon ce texte, la demande d'indemnisation de la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante adressée au FIVA se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante. 8. Pour dire le recours de M. [T] prescrit, l'arrêt retient qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007 mentionnant des calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013 que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007. 9. En statuant ainsi, alors d'une part que le scanner thoracique du 12 décembre 2007, dont les conclusions ne mentionnaient ni l'exposition à l'amiante ni le caractère professionnel de la pathologie, ne pouvait constituer le certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, d'autre part, qu'elle constatait que le certificat médical établissant ce lien était daté du 28 janvier 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée. Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [T] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le recours de M. [T] est prescrit ; AUX MOTIFS QUE : « selon l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, la demande d'indemnisation d'une victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante adressée au FIVA se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, l'aggravation ou le décès. En l'espèce, le 19 janvier 2018, M. [T] a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation au titre de ses préjudices subis du fait de sa pathologie. Le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Dordogne, rendu le 18 février 2016, met en évidence que « le premier diagnostic de plaques pleurales a été posé à la suite d'un scanner thoracique du 12 décembre 2007, de sorte que Monsieur [T] se savait atteint par les dangers de l'amiante et a vécu dans la crainte permanente d'une aggravation de son état se répercutant inévitablement sur son moral". Il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des « calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche », et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007. La demande d'indemnisation de M. [T] en réparation de ses préjudices est, en conséquence, prescrite » ; 1) ALORS QUE les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que l'examen tomodensitométrique ne constitue pas le certificat médical faisant courir la prescription ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 2) ALORS QUE les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; qu'en cas de succession de certificats médicaux, la prescription ne court qu'à compter du premier certificat qui énonce le lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle de la victime - les certificats antérieurs, même s'ils diagnostiquent la même maladie, ne font pas courir la prescription, car la première constatation médicale de la maladie ne s'assimile pas avec la date de la connaissance du lien entre la maladie et la profession ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'ayant ainsi mis en évidence que le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante avait été établi pour la première fois par le certificat médical de 2013, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 3) ALORS QUE le scanner du 12 décembre 2007 stipule « Résultats : Le parenchyme pulmonaire est homogène. Absence d'infiltration interstitielle. Pas d'image nodulaire parenchymateuse pulmonaire visible. A noter par ailleurs des calcifications sous pleurales punctiformes pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche. Pas de processus expansif intra-thoracique. Conclusion : Calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche. Le reste de l'investigation est normal. A comparer aux examens antérieurs » (production) ; qu'en affirmant que « M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » - quand le scanner ne fait aucune référence à l'amiante ou à l'activité professionnelle de la victime - la cour d'appel a violé l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du Code de Procédure Civile ; 4) ALORS QUE, pour que des lésions pleurales bénignes puissent être reconnues comme des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, il faut qu'il s'agisse de « plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique » ; que, par définition, les plaques calcifiées doivent faire l'objet d'un certificat médical qui doit être « confirmé » par un scanner, le scanner ne faisant pas lieu de certificat médical ; que la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher le certificat médical datant de 2007 que le scanner venait « confirmer », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante et l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 5) ALORS QUE, que les affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante sont « A. - Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu'il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires. Complications : insuffisance respiratoire aiguë, insuffisance ventriculaire droite. B. - Lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires : - plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ; - pleurésie exsudative ; - épaississement de la plèvre viscérale, soit diffus soit localisé lorsqu'il est associé à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement. Ces anomalies constatées devront être confirmées par un examen tomodensitométrique. C. - Dégénérescence maligne bronchopulmonaire compliquant les lésions parenchymateuses et pleurales bénignes ci-dessus mentionnées. D. - Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde. E. - Autres tumeurs pleurales primitives » ; que la cour d'appel constate que « le scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche" » ; qu'en estimant néanmoins que « M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » - quand les énonciations du scanner ne correspondent à aucune des maladies énoncées dans le tableau n° 30 - la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante et l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 6) ALORS QUE lorsqu'un différend fait apparaître, en cours d'instance, une difficulté d'ordre médical relative à l'état de la victime, la juridiction de sécurité sociale ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique ; que la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi - alors que la solution du litige dépendait de l'appréciation de l'état de la victime au regard des conditions de désignation des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante du tableau n° 30, de sorte qu'il existait une difficulté d'ordre médical qui ne pouvait être tranchée qu'après mise en oeuvre d'une expertise médicale technique - la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante ; 7) ALORS QUE, pour les salariés qui ont été exposés à l'amiante dans leur activité professionnelle, l'indemnisation du préjudice d'anxiété répare l'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et l'angoisse qui est réactivée lorsqu'ils sont amenés à subir des contrôles et examens réguliers ; que, pour estimer que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007, la cour d'appel relève que « le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Dordogne, rendu le 18 février 2016, met en évidence que « le premier diagnostic de plaques pleurales a été posé à la suite d'un scanner thoracique du 12 décembre 2007, de sorte que Monsieur [T] se savait atteint par les dangers de l'amiante et a vécu dans la crainte permanente d'une aggravation de son état se répercutant inévitablement sur son moral » ; qu'en statuant ainsi - alors que l'anxiété face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante est nécessairement antérieur à cette maladie - la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante et l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 8) ALORS en tout état de cause QUE l'interdiction faite aux juges du fond de motiver leur décision par référence leur impose de ne pas trancher un litige au fond en se fondant sur la motivation retenue dans une autre décision de justice ; que, pour estimer que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007, la cour d'appel relève que « le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Dordogne, rendu le 18 février 2016, met en évidence que "le premier diagnostic de plaques pleurales a été posé à la suite d'un scanner thoracique du 12 décembre 2007, de sorte que Monsieur [T] se savait atteint par les dangers de l'amiante et a vécu dans la crainte permanente d'une aggravation de son état se répercutant inévitablement sur son moral" » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. 2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-170.92, Bull. 2011, II, n° 134.
CASS/JURITEXT000046760685.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 905 F-B Pourvoi n° R 21-17.141 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-17.141 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13, audience solennelle), dans le litige l'opposant à Mme [V] [E], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-26.831), par décision du 27 octobre 2015, sur des poursuites engagées par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le bâtonnier), le conseil de discipline des avocats de cet ordre a prononcé à l'encontre de Mme [E], avocate, au titre de plusieurs manquements à des principes essentiels de la profession, dont la violation des dispositions de l'article P. 31, alinéa 1, du règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP) relatif au domicile professionnel, la sanction de l'interdiction d'exercice de la profession pour une durée de deux ans, outre, à titre accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels, et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de dix ans. 2. Mme [E] a formé un recours devant la cour d'appel de Paris. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt de dire que la violation des dispositions de l'article P. 31, alinéa 1, du RIBP n'est pas établie et de prononcer contre Mme [E] la sanction d'interdiction temporaire d'exercice de la profession pour une durée d'un an dont six mois assortis d'un sursis et la sanction complémentaire de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels, et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de cinq ans, alors : « 1°/ que le domicile professionnel de l'avocat dans le ressort de son barreau doit correspondre à un exercice effectif ; qu'ayant constaté que Mme [E]-[F] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle en y louant ponctuellement un bureau et qu'elle avait recours aux services d'un centre de domiciliation pour le transfert de son courrier, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le domicile professionnel déclaré par Mme [E]-[F] dans le ressort du barreau de Paris ne correspondait pas à un exercice effectif, violant les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 2°/ que le conseil de l'ordre peut autoriser à titre temporaire, et pour la durée qu'il fixe, l'avocat à se domicilier soit au sein de locaux affectés par l'ordre, soit dans les locaux du cabinet d'un autre avocat dans le ressort du même barreau ; qu'en énonçant, pour affirmer que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, que sa domiciliation au sein du centre d'affaires Espace entreprise buroclub ne différait pas d'une domiciliation au sein du centre d'affaires des avocats du barreau de Paris ayant pris la suite en 2015 de la « Pépinière », bien que Mme [E]-[F] ne fût domiciliée ni dans des locaux affectés par l'ordre, ni au sein des locaux d'un autre avocat et que cette domiciliation ne fût ni temporaire, ni autorisée par le conseil de l'ordre, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 3°/ qu'en toute hypothèse, l'avocat doit exercer son activité professionnelle dans des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession ; que la location ponctuelle d'un bureau dans un centre d'affaires pluridisciplinaire ne permet pas à l'avocat d'exercer son activité dans le respect des principes de dignité et d'indépendance et de garantir le respect du secret professionnel ; qu'en décidant, au contraire, qu'il n'était pas démontré que le local loué par Mme [E]-[F] au sein du centre d'affaires Espace entreprise buroclub ne garantissait pas l'exercice de la profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité, d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 1 et 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et 1 et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris. » Réponse de la Cour 4. Ayant retenu que, si Mme [E] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle, elle justifiait d'une location effective, depuis le 10 mai 2010, d'un bureau dans un centre d'affaires sis à [Localité 4] où l'ensemble des courriers relatifs à la procédure de contrôle de sa comptabilité et à la procédure disciplinaire lui avaient été adressés et où le contrôle de comptabilité avait été effectué, que cet espace lui permettait de faire accueillir ses clients par un service dédié et de recevoir au moins deux personnes dans un lieu assurant la confidentialité et qu'elle disposait d'une ligne téléphonique et d'un service de transfert de courrier, la cour d'appel a pu en déduire que Mme [E], qui justifiait ainsi d'un domicile professionnel effectif garantissant l'exercice de sa profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité et d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, n'avait pas méconnu son obligation relative au domicile professionnel. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris. Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris reproche à l'arrêt attaqué, infirmant l'arrêté du conseil de discipline du 27 octobre 2015 sur ces points, d'avoir dit que la violation des dispositions de l'article P. 31 alinéa 1 du règlement intérieur du barreau de Paris relatif au domicile professionnel n'était pas établie et d'avoir prononcé à l'encontre de Mme [E]-[F] la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice de la profession pour une durée d'un an, dont 6 mois assortis d'un sursis, et, à titre de sanction accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de 5 ans, 1) ALORS QUE le domicile professionnel de l'avocat dans le ressort de son barreau doit correspondre à un exercice effectif ; qu'ayant constaté que Mme [E]-[F] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle en y louant ponctuellement un bureau et qu'elle avait recours aux services d'un centre de domiciliation pour le transfert de son courrier, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le domicile professionnel déclaré par Mme [E]-[F] dans le ressort du barreau de Paris ne correspondait pas à un exercice effectif, violant les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 2) ALORS QUE le conseil de l'ordre peut autoriser à titre temporaire, et pour la durée qu'il fixe, l'avocat à se domicilier soit au sein de locaux affectés par l'ordre, soit dans les locaux du cabinet d'un autre avocat dans le ressort du même barreau ; qu'en énonçant, pour affirmer que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, que sa domiciliation au sein du centre d'affaires Espace Entreprise Buroclub ne différait pas d'une domiciliation au sein du centre d'affaires des avocats du barreau de Paris ayant pris la suite en 2015 de la « Pépinière », bien que Mme [E]-[F] ne fût domiciliée ni dans des locaux affectés par l'ordre, ni au sein des locaux d'un autre avocat et que cette domiciliation ne fût ni temporaire, ni autorisée par le conseil de l'ordre, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 3) ALORS QU' en toute hypothèse, l'avocat doit exercer son activité professionnelle dans des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession ; que la location ponctuelle d'un bureau dans un centre d'affaires pluridisciplinaire ne permet pas à l'avocat d'exercer son activité dans le respect des principes de dignité et d'indépendance et de garantir le respect du secret professionnel ; qu'en décidant, au contraire, qu'il n'était pas démontré que le local loué par Mme [E]-[F] au sein du centre d'affaires Espace Entreprise Buroclub ne garantissait pas l'exercice de la profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité, d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 1 et 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et 1 et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 898 F-B Pourvoi n° U 21-23.032 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Mme [B] [N], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-23.032 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 juin 2021), après avoir subi une intervention bariatrique le 26 avril 2010, Mme [N] a présenté des fistules ayant nécessité des colostomies et saisi d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation qui a émis l'avis que les conditions de gravité et d'anormalité du dommage étaient remplies et que la réparation de ses préjudices incombait à hauteur de 50 % à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). 2. Le 20 novembre 2018, après un échec de la procédure de règlement amiable, en l'absence d'offre d'indemnisation de l'ONIAM, Mme [N] a assigné celui-ci en indemnisation, à hauteur de 50 %, des dommages subis. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation, alors « qu'il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'il ne résulte pas de cette règle d'appréciation que le critère de l'anormalité tendant à la fréquence de survenance du risque soit subordonné à la preuve d'une invalidité grave ou d'un décès ; que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel a retenu que Mme [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en exigeant ainsi la preuve de l'invalidité grave de la patiente, bien que cette preuve ne soit pas requise pour établir l'anormalité du dommage, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1142-1, II, et D. 1142-1 du code de la santé publique : 5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. 6. Il s'en déduit qu'une indemnisation au titre de la solidarité nationale est soumise à des conditions distinctes tenant à l'absence de responsabilité, à l'imputabilité du dommage à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, à son anormalité et à sa gravité. 7. S'agissant de la gravité du dommage, le second de ces textes a fixé le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique à 24 %, tout en admettant aussi un caractère de gravité dans le cas d'un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ou encore, à titre exceptionnel, dans le cas une inaptitude définitive à l'exercice de l'activité professionnelle antérieure ou de troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. 8. S'agissant de l'anormalité du dommage, cette condition doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. 9. Si, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il a été jugé qu'il y avait lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui avait causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès (CE, 15 octobre 2018, n° 409585, mentionné aux tables du Recueil Lebon ; CE, 30 novembre 2021, n° 443922, mentionné aux tables du Recueil Lebon ; 1re Civ., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-20.883, Bull., (rejet)), cette précision vise uniquement à la prise en compte de la probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient et n'affecte pas la condition de gravité du dommage ouvrant droit à réparation qui est déterminée par les textes susvisés. 10. Pour écarter l'anormalité du dommage et rejeter les demandes d'indemnisation de Mme [N], l'arrêt retient que, pour apprécier la probabilité de survenance du dommage, il y a lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une fistule entraînant une invalidité grave ou un décès pour la patiente, qu'après sa consolidation, Mme [N] ne présente aucun déficit fonctionnel permanent et n'a été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale et qu'à défaut d'établir l'anormalité du dommage subi, celle-ci ne remplit pas les conditions nécessaires à son indemnisation au titre de la solidarité nationale. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a soumis l'indemnisation du dommage à l'exigence d'une invalidité grave, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée. Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [N]. Madame [N] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le préjudice qu'elle avait subi ne relevait pas de la solidarité nationale et d'avoir, en conséquence, rejeté ses demandes d'indemnisation formées à ce titre ; Alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'il ne résulte pas de cette règle d'appréciation que le critère de l'anormalité tendant à la fréquence de survenance du risque soit subordonné à la preuve d'une invalidité grave ou d'un décès ; que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel a retenu que Madame [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en exigeant ainsi la preuve de l'invalidité grave de la patiente, bien que cette preuve ne soit pas requise pour établir l'anormalité du dommage, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ; Alors, d'autre part et en tout état de cause, que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel s'est bornée à relever que Madame [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans se prononcer sur la probabilité qu'à l'occasion d'une intervention bariatrique par « by pass », la survenance d'une double fistule, une fistule colique suivie d'une fistule anastomotique, ait conduit à une incapacité fonctionnelle de près de huit mois et à un arrêt de toute activité professionnelle pendant la même durée, la cour d'appel, qui ne s'est ainsi pas prononcée sur la fréquence de survenance du risque nécessaire à l'appréciation de l'anormalité du dommage, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ; Alors, enfin et en tout état de cause, que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel s'est bornée à relever que Madame [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Madame [N] dont il était constant qu'elle avait été atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire d'un taux minimal de 75 % pendant près de huit mois et d'un préjudice esthétique permanent, n'était pas, de ce seul fait, atteinte d'une invalidité grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. Sur la prise en compte de la probabilité statistique de la réalisation du risque pour apprécier l'anormalité du dommage au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : 1re Civ., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-20.883, Bull., (rejet) ; cf. : CE, 15 octobre 2018, n° 409585, publié au Recueil Lebon ; CE, 30 novembre 2021, n° 443922, publié au Recueil Lebon.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 899 F-B Pourvoi n° N 21-22.037 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [O] [C], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° N 21-22.037 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société Ceram Tec GmbH, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne), société de droit allemand, venant aux droits de la société CeramTec AGInnovative, CeramTec Engineering, 3°/ à la société Johnson et Johnson Medical, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Depuy France, 4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, dont le siège est [Adresse 3], représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7], et actuellement [Adresse 3], 5°/ à la société Msanté Mutuelle Familiale Landaise, dont le siège est [Adresse 4], et actuellement [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Ceram Tec GmbH et Johnson et Johnson Medical, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er juin 2021), à la suite de la pose d'une prothèse de hanche, pratiquée le 10 février 2003 par M. [C] (le chirurgien) dans l'exercice d'une activité libérale au sein d'un établissement de santé public, M. [Y] a présenté plusieurs luxations ayant nécessité des réinterventions comportant la pose d'un dispositif anti-luxation et un changement de prothèse. 2. Les 27 février 2012 et 10 juillet 2013, il a assigné en responsabilité et indemnisation, d'une part, la société Depuy France, fabricant de la prothèse, aux droits de laquelle est venue la société Johnson et Johnson Médical, qui a mis en cause la société Ceramtec, fabricant de la tête fémorale, d'autre part, le chirurgien. Il a appelé à l'instance la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse), qui a sollicité le remboursement de ses débours. 3. La responsabilité des sociétés Depuy France et Ceramtec a été écartée. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le chirurgien fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable d'une faute commise lors de l'intervention du 10 février 2003 et de le condamner à payer différentes sommes à M. [Y] et à la caisse, alors « que même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute ; qu'il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ; qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire de M. [Z], confortée par celle préalable de l'expert M. [H], qu'« il n'y a pas eu de fautes, erreurs, maladresses, ou négligence dans la pose de prothèse totale de hanche droite par le chirurgien, le 10 février 2003 » et que « la prothèse de hanche droite posée le 10 février 2003 par le chirurgien était tout à fait adaptée à la morphologie et à l'âge de M. [Y] »; qu'en jugeant que « le chirurgien a néanmoins commis une faute en ne tirant pas les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient [...] qui commandaient d'implanter un dispositif anti-luxation », sans préciser quels éléments probants et médicaux lui permettaient de retenir une telle faute médicale pourtant écartée par les deux seuls experts judiciaires consultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ». Réponse de la Cour Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : 5. Selon ce texte, la responsabilité des professionnels de santé au titre d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins n'est engagée qu'en cas de faute. 6. Pour condamner le chirurgien à payer différentes sommes à M. [Y] et à la caisse, après avoir constaté que les deux expertises judiciaire et administrative réalisées n'avaient retenu aucune faute, erreur, maladresse ou négligence du chirurgien, l'arrêt retient, au vu des luxations intervenues après l'intervention initiale, que celui-ci aurait dû tirer les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient en implantant, dès la première intervention, un dispositif anti-luxation, que la survenance des luxations était la preuve de cette mauvaise appréciation initiale, que ce dispositif s'était avéré efficace puisque les luxations ne s'étaient pas reproduites et que cette faute était à l'origine de l'entier dommage subi par M. [Y]. 7. En se déterminant ainsi, sans préciser sur quels éléments médicaux elle se fondait pour parvenir à cette conclusion contraire à celles des expertises judiciaire et administrative réalisées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause 8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Depuy France, aux droits de laquelle vient la société Johnson et Johnson Medical et Ceramtec GmbH, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a exonéré de toute responsabilité les sociétés Depuy France et Ceramtec GmbH, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Met hors de cause les sociétés Depuy France aux droits de laquelle vient la société Johnson et Johnson Medical et Ceramtec GmbH ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [C]. M. [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, De l'AVOIR déclaré responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil du préjudice actuel de M. [Y] du fait de la faute commise lors de l'opération chirurgicale pratiquée le 10 février 2003 sous le statut de praticien libéral et de lui AVOIR en conséquence enjoint de réparer le préjudice corporel de M. [Y] évalué à 124 637, 88 euros et de payer la somme de 59 531,04 euros à M. [Y] outre intérêts et la somme de 65 106, 84 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes outre intérêts et la somme de 1 091,00 euros au titre de la rémunération forfaitaire réglementée ; ALORS QUE même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute ; qu'il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ; qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire de M. [Z], confortée par celle préalable de l'expert [H], qu' « il n'y a pas eu de fautes, erreurs, maladresses, ou négligence dans la pose de prothèse totale de hanche droite par le Docteur [C], le 10 février 2003 » et que « la prothèse de hanche droite posée le 10 février 2003 par le Docteur [C] était tout à fait adaptée à la morphologie et à l'âge de Monsieur [Y] » (rapport d'expertise de M. [Z], p. 14) ; qu'en jugeant que « le chirurgien a néanmoins commis une faute en ne tirant pas les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient [...] qui commandaient d'implanter un dispositif anti-luxation » (arrêt, p. 5 dernier §), sans préciser quels éléments probants et médicaux lui permettaient de retenir une telle faute médicale pourtant écartée par les deux seuls experts judiciaires consultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
CASS/JURITEXT000046760677.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 894 FS-B Pourvoi n° K 21-20.885 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1er juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [C] [S], domicilié chez Mme [V] [M], avocate, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-20.885 contre l'ordonnance rendue le 5 janvier 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant au préfet de la Seine-Saint-Denis, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [S], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 5 janvier 2021), et les pièces de la procédure, le 2 novembre 2020, M. [S], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Par ordonnances des 4 novembre et 3 décembre 2020, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour une durée de vingt-huit, puis de trente jours. 2. Le 1er janvier 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet, sur le fondement de l' article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en troisième prolongation de la mesure de rétention. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [S] fait grief à l'ordonnance d'accueillir la demande, alors « que le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que pour ordonner une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], le premier président a retenu que ce dernier ne présentait aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne fournissait pas d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, "ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement" ; qu'en se fondant, pour se déterminer, sur la notion "d'obstruction continue", sans caractériser l'existence d'un acte positif volontaire imputable à M. [S] commis "dans les quinze derniers jours" et tendant à faire obstruction à la mesure d'éloignement, le premier président a violé l'article L.552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 : 4. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement. 5. La présentation d'un document d'identité ou de voyage qui n'est plus en cours de validité ne caractérise pas une obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement. 6. Pour prolonger la rétention de M. [S], l'ordonnance retient, par motifs adoptés, qu'il n'a présenté aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et n'a pas fourni d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement. 7. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que M. [S] avait présenté un document d'identité qui n'était plus en cours de validité, d'autre part, que son identité et sa nationalité, mentionnées sur les ordonnances, n'étaient pas contestées, le premier président, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un acte d'obstruction à la mesure d'éloignement commis dans les quinze derniers jours, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 janvier 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. [S] M. [C] [S] fait grief à la décision attaquée d'avoir ordonné une troisième prolongation de la mesure de rétention le concernant pour une durée de quinze jours à compter du 1er janvier 2021, ALORS, d'une part, QUE le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que pour ordonner une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], le premier président a retenu que ce dernier ne présentait aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne fournissait pas d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, « ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement » (motifs adoptés de l'ordonnance du JLD de Meaux, p. 2 al. 5) ; qu'en se fondant, pour se déterminer, sur la notion « d'obstruction continue », sans caractériser l'existence d'un acte positif volontaire imputable à M. [S] commis « dans les quinze derniers jours » et tendant à faire obstruction à la mesure d'éloignement, le premier président a violé l'article L.552-7, alinéa 5, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ALORS, d'autre part, QUE le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai ; qu'en ordonnant une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], sans caractériser le fait que la délivrance des documents de voyage interviendrait à bref délai, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.552-7, alinéa 5, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
CASS/JURITEXT000046583060.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Cassation partielle Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1204 F-B Pourvoi n° Q 21-17.255 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022 Le Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-17.255 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [R], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 avril 2021), M. [R], engagé le 3 mars 2008 en qualité de référent formation par le Syndicat mixte de Baie de Somme Grand Littoral Picard, a été placé en arrêt de travail pour maladie du 17 janvier au 11 juin 2017, puis à compter du 9 octobre 2017. 2. Le 4 décembre 2017, le médecin du travail a émis l'avis suivant : «inapte - étude de poste et étude des conditions de travail réalisées le 15/11/2017 échange avec l'employeur - l'état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi». 3. Le 26 décembre 2017, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois, alors « qu'il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi, que l'employeur n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel lorsque le médecin du travail l'a dispensé de toute recherche de reclassement en mentionnant expressément, dans l'avis d'inaptitude, que "tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé", ou que "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avis d'inaptitude du salarié en date du 4 décembre 2017 mentionnait expressément que "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi" ; qu'en retenant, pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle ni sérieuse, qu'il résultait de la combinaison des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction précitée, que "la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l'employeur de toute recherche de reclassement", la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 5. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. 6. Selon le second, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 7. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel. 8. Pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l'employeur de toute recherche de reclassement. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 14 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. Condamne M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par le président, en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Dumont, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard PREMIER MOYEN DE CASSATION Le SYNDICAT MIXTE BAIE DE SOMME GRAND LITTORAL PICARD fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'exposant à lui payer la somme de 21.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'AVOIR condamné au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois ; ALORS QU'il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi, que l'employeur n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel lorsque le médecin du travail l'a dispensé de toute recherche de reclassement en mentionnant expressément, dans l'avis d'inaptitude, que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », ou que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avis d'inaptitude de Monsieur [R] en date du 4 décembre 2017 mentionnait expressément que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ; qu'en retenant, pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle ni sérieuse, qu'il résultait de la combinaison des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction précitée, que « la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l'employeur de toute recherche de reclassement », la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi. SECOND MOYEN DE CASSATION Le SYNDICAT MIXTE BAIE DE SOMME GRAND LITTORAL PICARD fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, de l'AVOIR condamné à payer à Monsieur [R] les sommes de 10.380 € à titre d'indemnité de préavis et de 1.038 € à titre de congés payés afférents ; 1. ALORS QUE la cour d'appel s'étant fondée, pour condamner l'exposant au paiement d'une indemnité de préavis et congés payés afférents, sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la cassation à intervenir sur le fondement du précédent moyen entraînera celle du chef de dispositif attaqué, par application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2. ET ALORS en tout état de cause QUE le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice d'un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, à moins que le licenciement ne soit sans cause réelle ni sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ; qu'en conséquence, il ne peut prétendre à une telle indemnité lorsque le médecin du travail a, en application de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, dispensé l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en retenant, pour condamner l'exposant au paiement d'une indemnité de préavis et congés payés afférents, que « si le salarié en peut en principe prétendre au paiement d'un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur au respect des règles sur la consultation des représentants du personnel dans le cadre de son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude, peu important la dispense accordée par le médecin du travail », la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi, L. 1226-4 et L. 1234-5 du même code. Sur la consultation des délégués du personnel en cas d'avis du médecin du travail excluant tout reclassement dans un emploi lors d'une inaptitude d'origine professionnelle, dans le même sens que : Soc., 8 juin 2022, pourvoi n° 20-22.500, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1281 FS-B Pourvoi n° E 21-19.454 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 Mme [B] [O], en qualité d'inspectrice du travail de la section 03-09 de l'unité de contrôle 03 [Localité 3]-Est, de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du Nord de la Dreets des Hauts de France, anciennement dénommée Direccte des Hauts de Fance section 03-09 [Localité 3]-Est de l'unité départementale Nord-[Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.454 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (14e chambre), dans le litige l'opposant à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [O], ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, la plaidoirie de Me Pinatel avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 juin 2021) et les productions, l'association Aide à domicile aux retraités Flandre Métropole (l'association) propose des services à domicile, notamment une aide à la personne et un service de soins infirmiers. 2. Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, l'association a mis à jour, le 5 février 2021, le « tableau des consignes » destiné au personnel, lequel prévoit désormais que lors des interventions à domicile les salariés devront porter un masque chirurgical lorsque le bénéficiaire est négatif au Covid-19 ou asymptomatique et un masque FFP2 si le bénéficiaire est positif au Covid-19 ou symptomatique. 3. Le 14 janvier 2021, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 [Localité 3]-Est de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner à l'association, sous astreinte, de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l'être, au risque biologique lié au Covid-19 et en particulier de procurer à chaque salarié des masques de type FFP2 ou FFP3 ou équivalents pour toute intervention à domicile compte tenu des risques de contamination par aérosols et du défaut de maîtrise des règles d'aération au sein du domicile des bénéficiaires et d'adresser à tous les salariés une communication afin de les informer qu'ils ne doivent en aucun cas intervenir au domicile d'un client s'ils ne disposent pas des équipements de protection individuelle requis. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'inspectrice du travail fait grief à l'arrêt d'ordonner à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid-19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, de la débouter de sa demande d'astreinte et de dire que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire, alors : « 1°/ qu'en application de l'article L. 4732-1 du code du travail, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur ; que constitue un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés d'une association intervenant dans le domaine de l'aide à domicile l'exposition au virus Sars-Cov-2, que les bénéficiaires soient symptomatiques ou positifs à la Covid-19 ou encore asymptomatiques ou présymptomatiques, en raison des modalités de transmission de ce virus, par gouttelettes ou aérosols et par des personnes non nécessairement positives à la Covid-19, de sorte que l'employeur doit mettre à leur disposition des masques de type FFP pour toutes leurs interventions au domicile des bénéficiaires ; que la cour d'appel, qui a ordonné à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif à la Covid-19 ou symptomatique au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, reconnaissant ainsi que le masque de type FFP2 constitue une mesure propre à faire cesser le risque d'exposition au virus, n'a toutefois pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant d'étendre cette mesure à toutes les interventions des salariés au domicile des bénéficiaires, même non positifs à la Covid-19 ou asymptomatique, en violation du texte précité ; 2°/ qu'en application de l'article R. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle appropriés ; qu'il résulte des articles R. 4311-8, R. 4311-12, R. 4312-6 et de son annexe II, R. 4424-3 et R. 4424-5 du code du travail que, pour les salariés exposés à un agent biologique pathogène, l'employeur doit mettre à leur disposition un équipement de protection des voies respiratoires conformes aux normes reprises dans la collection des normes nationales dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne ; que les masques chirurgicaux, qui ne sont pas conçus pour protéger leur porteur d'un risque de contamination par un agent biologique pathogène, ne constitue pas un équipement de protection des voies respiratoires, à l'inverse des masques de type FFP ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucune des dispositions du code du travail ne désigne expressément les masques de type FFP2 ou FFP3 comme éléments de protection individuelle et n'exclue de façon générale les masques chirurgicaux et qu'il n'est pas justifié que la fourniture d'un masque FFP2 ou FFP3 ou équivalent est désormais obligatoire ou même recommandée, dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs à la Covid-19 ou asymptomatiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3°/ qu'en se déterminant de la sorte, quand l'exposante soutenait que seuls les masques de type FFP constituent un équipement de protection individuelle et, précisément, un équipement de protection des voies respiratoires, au sens des dispositions du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, n'a pas donné de base légale à sa décision ; 4°/ qu'en ayant retenu que ''l'évolution récente de la situation sanitaire en France, à savoir la baisse continue des contaminations, en corrélation avec le développement et la généralisation de la vaccination, prioritaire tant pour les aides à domicile que pour les personnes âgées, ainsi que la facilité accrue de procéder à des tests, justifient de plus fort que l'utilisation des masques FFP2 ou FFP3 ne soit pas étendue au-delà de l'intervention au domicile de bénéficiaires positifs au Covid-19 ou symptomatiques et ce, nonobstant l'existence de nouveaux variants'', quand, peu important la baisse des contaminations et le développement de la vaccination, les salariés de l'association restent exposés à un risque sérieux de contamination par le virus Sars-Cov-2, dès lors qu'ils interviennent au domicile de personnes potentiellement contaminées ou dans le domicile desquelles le virus peut être présent, de sorte que l'employeur doit mettre en oeuvre les mesures de protection appropriées pour faire cesser ce risque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a de nouveau violé l'article L. 4732-1 du code du travail ». Réponse de la Cour 5. Selon l'article R. 4424-3 du code du travail, lorsque l'exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle doit être réduite par la mise en oeuvre de diverses mesures, notamment des mesures de protection collective ou, lorsque l'exposition ne peut être évitée par d'autres moyens, par des mesures de protection individuelle. 6. Selon l'article R. 4321-4 du même code, l'employeur met à disposition de ses salariés, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés. 7. La cour d'appel qui a relevé que la fourniture de masques FFP2 et FFP3 n'était pas obligatoire ou même recommandée dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs au Covid-19 ou ne présentant pas de symptômes, a pu décider que la mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique était de nature à réduire l'exposition au Covid-19. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [O], en qualité d'inspectrice du travail, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [O], ès qualités Mme l'inspectrice du travail fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Lille du 23 février 2021 en ce qu'elle a ordonné à l'Adar Flandre Métropole de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid 19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, de l'avoir infirmée en ce qu'elle a assorti cette mesure d'une astreinte et d'avoir dit que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire ; 1/ Alors qu'en application de l'article L. 4732-1 du code du travail, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur ; que constitue un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés d'une association intervenant dans le domaine de l'aide à domicile l'exposition au virus Sars-Cov-2, que les bénéficiaires soient symptomatiques ou positifs à la Covid 19 ou encore asymptomatiques ou présymptomatiques, en raison des modalités de transmission de ce virus, par gouttelettes ou aérosols et par des personnes non nécessairement positives à la Covid 19, de sorte que l'employeur doit mettre à leur disposition des masques de type FFP pour toutes leurs interventions au domicile des bénéficiaires ; que la cour d'appel, qui a ordonné à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif à la Covid 19 ou symptomatique au moins un masque de type FFP par intervention à domicile, reconnaissant ainsi que le masque de type FFP 2 constitue une mesure propre à faire cesser le risque d'exposition au virus, n'a toutefois pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant d'étendre cette mesure à toutes les interventions des salariés au domicile des bénéficiaires, même non positifs à la Covid 19 ou asymptomatique, en violation du texte précité ; 2/ Alors, en outre, qu'en application de l'article R. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle appropriés ; qu'il résulte des articles R. 4311-8, R. 4311-12, R. 4312-6 et de son annexe II, R. 4424-3 et R. 4424-5 du code du travail que, pour les salariés exposés à un agent biologique pathogène, l'employeur doit mettre à leur disposition un équipement de protection des voies respiratoires conformes aux normes reprises dans la collection des normes nationales dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne ; que les masques chirurgicaux, qui ne sont pas conçus pour protéger leur porteur d'un risque de contamination par un agent biologique pathogène, ne constitue pas un équipement de protection des voies respiratoires, à l'inverse des masques de type FFP ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucune des dispositions du code du travail ne désigne expressément les masques de type FFP 2 ou FFP 3 comme éléments de protection individuelle et n'excluent de façon générale les masques chirurgicaux et qu'il n'est pas justifié que la fourniture d'un masque FFP 2 ou FFP 3 ou équivalent est désormais obligatoire ou même recommandée, dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs à la Covid 19 ou asymptomatiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3/ Alors, à tout le moins, qu'en se déterminant de la sorte, quand l'exposante soutenait que seuls les masques de type FFP constituent un équipement de protection individuelle et, précisément, un équipement de protection des voies respiratoires, au sens des dispositions du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ; 4/ Alors, enfin, qu'en ayant retenu que « l'évolution récente de la situation sanitaire en France, à savoir la baisse continue des contaminations, en corrélation avec le développement et la généralisation de la vaccination, prioritaire tant pour les aides à domicile que pour les personnes âgées, ainsi que la facilité accrue de procéder à des tests, justifient de plus fort que l'utilisation des masques FFP2 ou FFP3 ne soit pas étendue au-delà de l'intervention au domicile de bénéficiaires positifs au Covid 19 ou symptomatiques et ce, nonobstant l'existence de nouveaux variants », quand, peu important la baisse des contaminations et le développement de la vaccination, les salariés de l'association restent exposés à un risque sérieux de contamination par le virus Sars-Cov-2, dès lors qu'ils interviennent au domicile de personnes potentiellement contaminées ou dans le domicile desquelles le virus peut être présent, de sorte que l'employeur doit mettre en oeuvre les mesures de protection appropriées pour faire cesser ce risque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a de nouveau violé l'article L. 4732-1 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1271 FS-B Pourvoi n° N 21-19.944 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Gefco, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° N 21-19.944 contre le jugement rendu le 29 juin 2021 par le tribunal de proximité de Puteaux, tribunal judiciaire de Nanterre, (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière - UNCP, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ à Mme [Z] [W], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à M. [V] [N], domicilié [Adresse 4], 4°/ à Mme [C] [R], domiciliée [Adresse 1], 5°/ à M. [S] [A], domicilié [Adresse 8], 6°/ à M. [X] [T], domicilié [Adresse 6], 7°/ à M. [F] [G], domicilié [Adresse 3], 8°/ à M. [O] [D], 9°/ à Mme [M] [H] épouse [U], Domiciliés tous deux chez la société GEFCO [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gefco, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière - UNCP, de Mmes [W], [R], MM. [N], [A], [T] et [G], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier et Berard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet et Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nanterre, tribunal de proximité de Puteaux, 29 juin 2021), par lettre du 26 novembre 2020, la direction des ressources humaines de la société Gefco (la société) a informé les salariés et les organisations syndicales de la désignation de M. [D] et de Mme [H] en qualité de membres du conseil de surveillance représentant les salariés à la suite de la réunion du comité social et économique de la société en date du même jour. 2. Par requête du 11 décembre 2020, la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière - UNCP (la fédération) et MM. [T] et [G] ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de ces désignations. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief au jugement de déclarer recevable la requête de la Fédération nationale des transports et de la logistique - Force ouvrière UNCP et MM. [T] et [G] et d'annuler la désignation de M. [D] et Mme [H] en qualité de représentants des salariés au conseil de surveillance de la société à la suite de la réunion du comité social et économique de la société en date du 26 novembre 2020, alors « que selon l'article L. 225-79-2 III du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire qui procède à la modification des statuts pour déterminer les conditions dans lesquelles les membres du conseil de surveillance représentant les salariés sont désignés peut opter entre différentes modalités de désignation et peut notamment choisir une désignation de ces représentants par, "selon le cas", le comité de groupe, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société dont le comité de surveillance comprend ces représentants ; qu'à défaut de disposition expresse contraire, ce texte n'impose pas de confier au comité de groupe, lorsqu'il existe, la désignation des représentants des salariés au conseil de surveillance, ni n'interdit de confier au comité social et économique la désignation de représentants des salariés au comité de surveillance en présence d'un comité de groupe ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal judiciaire a violé le texte précité. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 225-79-2, I et III, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 : I. Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger, il est stipulé dans les statuts que le conseil de surveillance comprend, outre les membres dont le nombre et le mode de désignation sont prévus aux articles L. 225-69 et L. 225-75 du présent code, des membres représentant les salariés. Une société dont l'activité principale est d'acquérir et de gérer des filiales et des participations peut ne pas mettre en oeuvre l'obligation prévue au premier alinéa du présent I si elle remplit chacune des conditions suivantes : 1° Elle n'est pas soumise à l'obligation de mettre en place un comité social et économique en application de l'article L. 2311-2 du code du travail ; 2° Elle détient une ou plusieurs filiales, directes ou indirectes, soumises à l'obligation prévue au premier alinéa du présent I ; 3° Ses actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ou au moins quatre cinquièmes de ses actions sont détenues, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale agissant seule ou de concert. Une société n'est pas soumise à l'obligation prévue aux deux premiers alinéas du présent I dès lors qu'elle est la filiale, directe ou indirecte, d'une société elle-même soumise à cette obligation. III. Dans les six mois suivant la clôture du second des deux exercices mentionnés au I, après avis, selon le cas, du comité de groupe, du comité central d'entreprise ou du comité d'entreprise, l'assemblée générale extraordinaire procède à la modification des statuts pour déterminer les conditions dans lesquelles sont désignés les membres du conseil de surveillance représentant les salariés, selon l'une des modalités suivantes : 1° L'organisation d'une élection auprès des salariés de la société et de ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français dans les conditions fixées à l'article L. 225-28 ; 2° La désignation, selon le cas, par le comité de groupe prévu à l'article L. 2331-1 du code du travail, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société mentionnée au I du présent article ; 3° La désignation par l'organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections mentionnées aux articles L. 2122-1 et L. 2122-4 du code du travail dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français lorsqu'un seul membre est à désigner, ou par chacune des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour de ces élections lorsque deux membres sont à désigner ; 4° Lorsqu'au moins deux membres sont à désigner, la désignation de l'un des membres selon l'une des modalités fixées aux 1° à 3° et de l'autre par le comité d'entreprise européen, s'il existe, ou, pour les sociétés européennes au sens de l'article L. 2351-1 du code du travail, par l'organe de représentation des salariés mentionné à l'article L. 2352-16 du même code ou, à défaut, par le comité de la société européenne mentionné à l'article L. 2353-1 dudit code. L'élection ou la désignation des membres du conseil de surveillance représentant les salariés intervient dans les six mois suivant la modification des statuts prévue au premier alinéa du présent III. 6. Il résulte de ces dispositions, d'une part que les statuts peuvent opter pour l'un des quatre modes de désignation prévus aux 1° à 4° de l'article L. 225-79-2, III, du code de commerce, d'autre part que l'institution représentative du personnel visée au 2° du paragraphe III de ce texte est celle dont le périmètre correspond, en vertu du principe de concordance, à l'effectif des salariés déterminant, en application des dispositions du paragraphe I du même article, la société soumise à l'obligation de désigner des membres du conseil de surveillance représentant les salariés de sorte que, s'il existe, le comité de groupe doit être retenu dans les statuts comme organe de désignation desdits représentants. 7. Le tribunal, qui a constaté que l'article 10.2.2, a), des statuts de la société prévoyait la désignation des membres du conseil de surveillance représentant les salariés par le comité social et économique de la société en a, à bon droit, déduit que ces désignations, par le comité social et économique de la société, des deux salariés en qualité de membres du conseil de surveillance représentant les salariés n'étaient pas conformes au 2° de l'article L. 225-79-2, III, du code de commerce et devaient être annulées. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Gefco PREMIER MOYEN DE CASSATION La société GEFCO SA fait grief au jugement attaqué, tel que notifié aux parties, d'AVOIR déclaré recevable la requête de la Fédération nationale des transports et de la logistique – Force Ouvrière UNCP, Monsieur [X] [T] et M. [F] [G], d'AVOIR annulé la désignation de M. [O] [D] et Madame [M] [H] en qualité de représentants des salariés au conseil de surveillance de la société GEFCO SA à la suite de la réunion du comité social et économique de la société GEFCO SA en date du 26 novembre 2020 ; 1. ALORS QUE le juge doit respecter l'objet du litige déterminé par les prétentions respectives des parties, telles que fixées dans l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, il résulte de la page de garde du jugement attaqué, tel que notifié aux parties, que l'instance a été formée par la société GEFCO SA, demandeur, et inscrite sous le numéro de RG 11-21-000155 ; qu'il résulte de la convocation à comparaître adressée par le greffe, que cette instance, inscrite sous le numéro de RG 11-21-000155, avait été introduite par une requête de la société GEFCO SA, enregistrée le 24 décembre 2020, visant à l'annulation de la désignation de quatre salariés en qualité de membres du comité de groupe ; qu'en se prononçant dans les pages suivantes de ce jugement sur un autre litige, portant sur la désignation des représentants des salariés au conseil de surveillance, le tribunal judiciaire a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2. ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de la page de garde du jugement, tel que notifié aux parties, que l'instance tranchée par le tribunal, inscrite sous le numéro de RG 11-21-000155 opposait la société GEFCO SA, demandeur à l'instance, à la Fédération Nationale des Transports, Mme [Z] [W], M. [V] [N], Mme [C] [R] et M. [S] [A], défendeurs à l'instance ; que M. [D] et Mme [H] n'étaient pas parties à cette instance ; qu'en décidant néanmoins d'annuler la désignation M. [D] et Mme [H] en qualité de membres du comité de surveillance représentants des salariés de la société GEFCO SA, sans avoir entendu ou appelé ces deux personnes à l'instance, le tribunal judiciaire a violé l'article 14 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société GEFCO SA fait grief au jugement attaqué, tel que notifié aux parties, d'AVOIR déclaré recevable la requête de la Fédération nationale des transports et de la logistique – Force Ouvrière UNCP, Monsieur [X] [T] et M. [F] [G] et d'AVOIR annulé la désignation de M. [O] [D] et Madame [M] [H] en qualité de représentants des salariés au conseil de surveillance de la société GEFCO SA à la suite de la réunion du comité social et économique de la société GEFCO SA en date du 26 novembre 2020 ; ALORS QUE selon l'article L. 225-79-2 III du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire qui procède à la modification des statuts pour déterminer les conditions dans lesquelles les membres du conseil de surveillance représentant les salariés sont désignés peut opter entre différentes modalités de désignation et peut notamment choisir une désignation de ces représentants par, « selon le cas », le comité de groupe, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société dont le comité de surveillance comprend ces représentants ; qu'à défaut de disposition expresse contraire, ce texte n'impose pas de confier au comité de groupe, lorsqu'il existe, la désignation des représentants des salariés au conseil de surveillance, ni n'interdit de confier au comité social et économique la désignation de représentants des salariés au comité de surveillance en présence d'un comité de groupe ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal judiciaire a violé le texte précité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1329 FP-B+R Pourvoi n° S 21-14.060 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 janvier 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-14.060 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Intervenant volontaire : L'association SOS Racisme - touche pas à mon pote, dont le siège est [Adresse 3]. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou et Mme Sommé, conseillers, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Air France, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l'association SOS Racisme-touche pas à mon pote, les plaidoiries de Me Grévy pour M. [T] et celles de Me Le Prado pour la société Air France, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller corapporteur, Mme Sommé, conseiller corapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Valéry, Prieur, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Intervention 1. Il est donné acte à l'association SOS Racisme - touche pas à mon pote de son intervention. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019) et les productions, M. [T] a été engagé le 7 mai 1998 par la société Air France, en qualité de steward. 3. A compter de 2005, le salarié s'est présenté coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l'embarquement, lequel lui a été refusé par l'employeur au motif qu'une telle coiffure n'était pas autorisée par le manuel des règles de port de l'uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Par la suite et jusqu'en 2007, le salarié a porté une perruque pour exercer ses fonctions. 4. Soutenant être victime de discrimination, il a saisi, le 20 janvier 2012, la juridiction prud'homale de diverses demandes. 5. Le 13 avril 2012, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied sans solde de cinq jours pour présentation non conforme aux règles de port de l'uniforme. 6. Le 17 février 2016, le salarié a été déclaré définitivement inapte à exercer la fonction de personnel navigant commercial, en raison d'un syndrome dépressif reconnu comme maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie. 7. Après avoir bénéficié d'un congé de reconversion professionnelle et confirmé qu'il ne souhaitait pas de reclassement au sol, il a été licencié le 5 février 2018 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement. 8. En cause d'appel, le salarié a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté, d'un rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2014 et les congés payés afférents, la nullité de son licenciement et en conséquence la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, d'un solde de préavis avec les congés payés afférents et d'une indemnité de licenciement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses huitième et neuvième branches Enoncé du moyen 9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de sa demande de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de sommes subséquentes à titre de dommages-intérêts, de solde sur préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, alors : « 8°/ que s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'en écartant la discrimination sans préciser en quoi les tresses africaines nuiraient à l'image de la compagnie Air France, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ; 9°/ que s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié n'avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines pourtant autorisée pour les femmes, et que "les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination" ; que pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d'appel s'est bornée à faire état d'une "différence d'apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en terme d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage" et à affirmer que "ce type de différence qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination" ; qu'en justifiant ainsi la différence de traitement constatée par une discrimination communément admise, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail : 10. Il résulte de ces textes que les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché. 11. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 14 mars 2017, Bougnaoui et Association de défense des droits de l’homme (ADDH)/Micropole, C-188/15), que par analogie avec la notion d'"exigence professionnelle essentielle et déterminante" prévue à l'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, la notion d'"exigence professionnelle véritable et déterminante", au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Il résulte en effet de la version en langue anglaise des deux directives précitées que les dispositions en cause sont rédigées de façon identique : "such a characteristic constitutes a genuine and determining occupational requirement". 12. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de ses demandes de rappels de salaire et tendant à la nullité du licenciement et au paiement de sommes subséquentes, l'arrêt, après avoir constaté que le manuel de port de l'uniforme des personnels navigants commerciaux masculins mentionne que "les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise. Décoloration et ou coloration apparente non autorisée. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de l'oreille. Accessoires divers : non autorisés", retient que ce manuel n'instaure aucune différence entre cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l'origine des salariés et qu'il est reproché au salarié sa coiffure, ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux. 13. Il ajoute que si le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel navigant féminin, l'existence de cette différence d'apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination. 14. L'arrêt énonce encore que la présentation du personnel navigant commercial fait partie intégrante de l'image de marque de la compagnie, que le salarié est en contact avec la clientèle d'une grande compagnie de transport aérien qui comme toutes les autres compagnies aériennes impose le port de l'uniforme et une certaine image de marque immédiatement reconnaissable, qu'en sa qualité de steward, il joue un rôle commercial dans son contact avec la clientèle et représente la compagnie et que la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés. 15. L'arrêt en déduit que les agissements de la société Air France ne sont pas motivés par une discrimination directe ou indirecte et sont justifiés par des raisons totalement étrangères à tout harcèlement. 16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Air France avait interdit au salarié de se présenter à l'embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon et que, pour pouvoir exercer ses fonctions, l'intéressé avait dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n'était pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin, ce dont il résultait que l'interdiction faite à l'intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe, la cour d'appel, qui, d'une part, s'est prononcée par des motifs, relatifs au port de l'uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l'identification du personnel de la société Air France et préserver l'image de celle-ci, et qui, d'autre part, s'est fondée sur la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes, au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de sa demande tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de dommages-intérêts à ce titre, de solde sur préavis et congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, et en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la société Air France la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Air France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T] M. [T] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de sa demande de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de sa demande tendant à voir dire son licenciement nul et au paiement des sommes subséquentes à titre de dommages-intérêts, de solde sur préavis et congés payés y afférentes et d'indemnité de licenciement. 1° ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que porte une atteinte injustifiée et disproportionnée aux libertés individuelles l'employeur qui interdit au salarié en contact avec la clientèle de coiffer ses cheveux en tresses africaines nouées en chignon ; qu'en jugeant la société Air France fondée à interdire au salarié cette coiffure dont il n'était au demeurant pas même allégué qu'elle n'aurait pas été propre et soignée, la cour d'appel a violé l'article L.1121-1 du code du travail. 2° ALORS en tout cas QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'en jugeant l'employeur fondé à interdire au salarié de porter des tresses relevées en chignon sans préciser ce en quoi cette restriction aux libertés individuelles du salarié serait justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni ce en quoi l'interdiction de cette coiffure serait proportionnée au but recherché par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1121-1 du code du travail. 3° ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'en se bornant à affirmer que « la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés et que le référentiel qui présente des règles strictes d'apparence n'est pas disproportionnée au but recherché », la cour d'appel qui n'a pas précisé ce en quoi le port de tresses dites africaines nouées en chignon porterait atteinte à l'image de la société Air France, n'a pas légalement justifié sa décision de base légale au regard de l'article L.1121-1 du code du travail. 4° ALORS QUE ni le règlement intérieur ni les notes internes de la société Air France n'interdisent le port de tresses relevées en chignon ; qu'en retenant que le « référentiel qui présente des règles strictes d'apparence n'est pas disproportionné au but recherché », pour dire l'employeur fondé à interdire au salarié le port de tresses relevées en chignon, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble l'article L.1121-1 du code du travail. 5° ALORS en tout cas QU'en retenant que le « référentiel qui présente des règles strictes d'apparence n'est pas disproportionné au but recherché » sans préciser ce en quoi le port de tresses nouées en chignon ne serait pas conforme aux prescriptions de ce référentiel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1103 du code civil et L.1121-1 du code du travail. 6° ALORS de plus QUE les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 constituent une adjonction au règlement intérieur et ne sont opposables au salarié que lorsqu'ils ont été soumis à l'avis des institutions représentatives du personnel, transmis à l'inspecteur du travail et ont fait l'objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur ; qu'en retenant que le référentiel critiqué s'intègre au contrat de travail et au règlement intérieur et est opposable au salarié du seul fait que celui-ci se serait engagé au respect des prescriptions des manuels et à appliquer les consignes et instructions particulières de travail, la cour d'appel a violé les articles L.1321-1 et suivants du code du travail. 7° ALORS de surcroît QUE s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié n'avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines, et que « les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination » ; que pour néanmoins écarter toute discrimination, la cour d'appel s'est bornée à faire état de la volonté de la compagnie de sauvegarder son image ; qu'en statuant ainsi, quand la volonté d'une société de préserver son image ne peut objectivement justifier l'interdiction d'une coiffure propre et soignée ne contrevenant nullement aux nombreuses exigences de cette société en matière d'apparence et plus particulièrement de coiffure, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. 8° ALORS à tout le moins QUE s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'en écartant la discrimination sans préciser en quoi les tresses africaines nuiraient à l'image de la compagnie Air France, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1132-1 du code du travail. 9° ALORS de plus QUE s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié n'avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines pourtant autorisée pour les femmes, et que « les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination » ; que pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d'appel s'est bornée à faire état d'une « différence d'apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en terme d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage » et à affirmer que « ce type de différence qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination » ; qu'en justifiant ainsi la différence de traitement constatée par une discrimination communément admise, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. 10° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au titre du harcèlement moral qu'il dénonçait, le salarié faisait notamment état de ce qu'il avait été contraint au port d'une perruque de cheveux raides destinée selon les propres termes de l'employeur à « rendre sa coiffure d'apparence lisse », perruque non conforme au référentiel et qualifiée de grotesque par les collègues de M. [T] ; que pour écarter le harcèlement moral après avoir constaté que le salarié avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer et que cela laissait présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel s'est bornée à faire état de la volonté de l'employeur de préserver son image ; qu'en statuant ainsi, cependant que la préservation de l'image de l'employeur ne peut justifier l'atteinte à celle du salarié et sa soumission à des traitements humiliants et dégradants, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail. Sur la notion d'exigence professionnelle véritable et déterminante, à rapprocher : Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-24.079, Bull., (rejet), et les arrêts cités. Sur la notion d'exigence professionnelle véritable et déterminante, cf. : CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Bougnaoui et Association de défense des droits de l'homme (ADDH) /Micropole, C-188/15.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1295 FS-B Pourvoi n° B 21-13.310 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-13.310 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale-section B), dans le litige l'opposant à M. [R] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [H], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 janvier 2021), M. [H] a été engagé le 15 décembre 2014 par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de Grenoble (CEA), suivant contrat de travail à durée déterminée de formation post-doctorale en qualité d'ingénieur-chercheur, pour la période du 12 janvier 2015 au 11 janvier 2016. Un autre contrat à durée déterminée a été signé pour le même motif pour la période du 12 janvier 2016 au 11 janvier 2017. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 6 mai 2017, afin de solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre d'indemnités de requalification, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, des congés payés afférents, d'indemnités compensatrice de préavis et conventionnelle de licenciement, alors « que constitue un complément de formation professionnelle au sens des articles L. 1242-3, 2, et D. 1242-3, 2, toutes formations qui excédent la simple obligation d'adaptation de l'employeur et qui permet aux travailleurs d'acquérir de nouvelles compétences qui s'ajoutent à celles acquises au titre de sa formation initiale ; qu'au cas présent, le CEA faisait valoir que la recherche post-doctorale accomplie par M. [H] lui avait permis d'acquérir des nouvelles compétences dans le domaine de la physique s'ajoutant à – et complétant – celles que son doctorat lui avait offertes en chimie, ce que la cour d'appel a expressément relevé ; qu'en jugeant cependant que M. [H] n'avait pas bénéficié d'un complément de formation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation des articles D. 1242-3, 2, et L. 1242-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1242-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020, et l'article D. 1242-3, 2, du même code : 4. Selon le premier de ces textes, outre les cas prévus à l'article L. 1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié. 5. Aux termes du second, en application du 2° de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux élèves ou anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application. 6. Il en résulte que l'obligation pour l'employeur d'assurer un complément de formation professionnelle constitue une des conditions d'existence d'un tel contrat à durée déterminée à défaut de laquelle le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée. 7. Pour requalifier les contrats de travail en contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt retient que l'employeur verse aux débats l'historique des formations réalisées par le salarié, les fiches descriptives et fiches de présence, dont il ressort que ce dernier a pu suivre cinq formations, soit 55 heures de formation sur une période de deux ans. Il énonce, que toutefois, eu égard à leurs contenus, il apparaît que trois de ces formations ont été proposées au salarié pour répondre aux besoins de l'exercice de son activité au sein du laboratoire, aucune d'elles n'ayant été ni qualifiante, ni suffisante pour répondre aux exigences des textes. Il retient qu'ainsi l'employeur ne justifie pas qu'il aurait mis en oeuvre au profit du salarié, au cours de la relation de travail, des actions de complément de formation professionnelle, donnant accès au salarié à une spécialisation, qui lui aurait permis de faire valoir ses acquis auprès d'autres employeurs. 8. Il ajoute qu'il résulte des modalités d'exécution du contrat de travail que l'employeur a effectivement permis au salarié d'acquérir dans le domaine de la recherche, de nouvelles compétences, complémentaires à ses qualifications universitaires, sans que son activité puisse être assimilée à une activité professionnelle à part entière accomplie en toute autonomie, mais également sans qu'elle puisse être assimilée, à un complément de formation professionnelle. 9. Il en déduit qu'à l'occasion des deux contrats de formation post-doctorale, successivement conclus, l'employeur a manqué à son obligation d'assurer le complément de formation professionnelle au salarié. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait suivi cinq actions de formation et avait acquis, dans le domaine de la recherche, des compétences complémentaires à ses qualifications universitaires, de sorte que l'employeur lui avait assuré un complément de formation professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail entre M. [H] et le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives de Grenoble en contrat de travail à durée indéterminée, et d'AVOIR condamné le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives de Grenoble à verser à M. [H] les sommes suivantes 3.018 € nets au titre de l'indemnité de requalification, 18.108 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9.054 € bruts outre 10 % de congés payés afférents à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 9.054 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 1. ALORS QU' aux termes des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2° du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux élèves ou anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application ; que pour les élèves et anciens élèves, le complément de formation est directement assuré par le stage d'application dans l'entreprise qui permet au salarié recruté de compléter sa formation initiale en y ajoutant des compétences opérationnelles acquises dans le monde de l'entreprise ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que M. [H] avait bénéficié d'un stage d'application ; que la cour a relevé que M. [H] avait en effet été engagé par contrat à durée déterminée pour travailler sur un sujet de recherche post-doctorale pendant deux ans ; qu'elle a par ailleurs constaté que le contrat de travail de M. [H] avait été aménagé pour lui permettre d'acquérir « dans le domaine de la recherche, de nouvelles compétences, complémentaires à ses qualifications universitaires » (arrêt p. 4) et qu'il avait bénéficié pour ce faire de l'encadrement et des conseils de deux ingénieurs chercheurs permanents du (LICL) qui l'ont quotidiennement encadré dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en procédant néanmoins à la requalification du contrat de travail aux motifs que M. [H] n'avait pas bénéficié d'un complément de formation professionnelle après avoir relevé que le salarié avait accompli un stage d'application, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2° ; 2. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue un complément de formation professionnelle au sens des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2°, toutes formations qui excédent la simple obligation d'adaptation de l'employeur et qui permet aux travailleurs d'acquérir de nouvelles compétences qui s'ajoutent à celles acquises au titre de sa formation initiale ; qu'au cas présent, le CEA faisait valoir que la recherche post-doctorale accomplie par M. [H] lui avait permis d'acquérir des nouvelles compétences dans le domaine de la physique s'ajoutant à – et complétant – celles que son doctorat lui avait offertes en chimie, ce que la cour d'appel a expressément relevé ; qu'en jugeant cependant que M. [H] n'avait pas bénéficié d'un complément de formation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation des articles D. 1242-3 2° du Code du travail et L. 1242-3 du Code du travail ; 3. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue un complément de formation professionnelle au sens des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2°, la formation qui offre une spécialisation, une qualification ou une formation validante ; que le CEA faisait expressément valoir dans ses écritures d'appel que le complément de formation professionnelle dont M. [H] avait bénéficié lui avait offert une spécialisation en micro-électronique qui différait des compétences en chimie acquises par le biais de son parcours doctoral ; que le conseil des prud'hommes avait lui-même retenu que « Monsieur [H] a, de facto, acquis un complément de formation professionnelle post-doctorale, de par son intégration au sein d'une équipe de recherche, sur un sujet éloigné des compétences qu'il avait pu acquérir jusqu'à présent » (jugement p.3) ; qu'en faisant droit à la demande de requalification sans vérifier si le sujet de recherche attribué au salarié ne lui avait pas permis d'obtenir une spécialisation dans la micro-électronique qui se distinguait de sa formation initiale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1242-3 du code du travail. Sur les particularités des contrats à durée déterminée conclus en application de l'article L. 1242-3, 2, du code du travail , à rapprocher : Soc., 17 décembre 1996, pourvoi n° 93-46.695, Bull. 1996, V, n° 443 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1292 FS-B Pourvoi n° P 21-17.300 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [O] [K], domiciliée [Adresse 3], 2°/ le syndicat CFTC, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 21-17.300 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie du Nord-Est, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à M. le ministre chargé de la Sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [K] et du syndicat CFTC, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie du Nord-Est, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er avril 2021), Mme [K], salariée de l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie du Nord-Est, a bénéficié d'un congé sans solde de fin de carrière pour la période du 31 mai 2018 au 30 mars 2019. 2. Soutenant que les congés issus du compte épargne-temps ne pouvaient pas être imputés sur les jours fériés, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnité de congé non pris en raison de l'imputation des congés sur les jours fériés. 3. Le syndicat CFTC (le syndicat) est intervenu à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La salariée et le syndicat font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à faire juger que l'employeur a violé les dispositions de l'article L. 3133-3 du code du travail et à la condamnation de ce dernier au paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de dommages -intérêts, alors « que le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées, et d'autre part que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de paiement d'un complément d'indemnité de congé de fin de carrière par utilisation de son compte d'épargne-temps incluant le paiement des jours fériés de la période, aux motifs inopérants que l'accord collectif applicable dispose que le contrat de travail est suspendu pendant la période de congés et que son indemnisation est exclusive d'une rémunération au titre de la prestation de travail, la cour d'appel a violé les articles L 3151-1 et L 3133-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2.2. et 5 du Protocole d'accord relatif au compte épargne temps dans les organismes de sécurité sociale du 8 mars 2016. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 3151-2 du code du travail, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu'il y a affectées. 6. Les sommes issues de l'utilisation, par le salarié, des droits affectés sur son compte épargne-temps ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération, puisque, d'une part, le salarié et l'employeur décident librement de l'alimentation de ce compte et, d'autre part, la liquidation du compte épargne-temps ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables. 7. Selon les articles 4 et 5 du protocole d'accord relatif au compte épargne-temps dans les organismes de sécurité sociale, le compte épargne-temps permet l'indemnisation de tout ou partie d'un congé sans solde d'origine légale ou conventionnelle. Le contrat de travail est suspendu et l'intéressé perçoit une indemnité calculée sur la base de son salaire au moment du départ et correspondant à la valeur en euros, au jour du départ, du nombre de jours épargnés. Il en résulte que, le congé sans solde entraînant la suspension du contrat de travail, le salarié ne peut prétendre à aucune rémunération au titre des jours fériés afférents à cette période. 8. La cour d'appel, qui a retenu à bon droit que la salariée ne pouvait prétendre durant la période de congé sans solde qu'à une indemnisation au titre du compte épargne-temps, a exactement décidé que l'employeur n'était pas dans l'obligation de payer les rémunérations relatives aux jours fériés inclus dans ce congé. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [K] et le syndicat CFTC aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [K] et le syndicat CFTC Mme [K] et le syndicat CFTC font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes tendant 1) à voir juger que l'Ugecam a violé les dispositions de l'article L 3133-3 du code du travail ; 2) à la condamnation de l'Ugecam au paiement à Mme [K] de la somme de 930,78 € brut à titre de rappel de salaire et de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ; et 3) à la condamnation de l'Ugecam au paiement au syndicat CFTC de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ; alors que, d'une part, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées, et d'autre part que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de paiement d'un complément d'indemnité de congé de fin de carrière par utilisation de son compte d'épargne-temps incluant le paiement des jours fériés de la période, aux motifs inopérants que l'accord collectif applicable dispose que le contrat de travail est suspendu pendant la période de congés et que son indemnisation est exclusive d'une rémunération au titre de la prestation de travail, la cour d'appel a violé les articles L 3151-1 et L 3133-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2.2. et 5 du Protocole d'accord relatif au compte épargne temps dans les organismes de sécurité sociale du 8 mars 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1328 FP-B+R Pourvoi n° U 20-21.924 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Etablissements Decayeux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-21.924 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [N] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, et de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Etablissements Decayeux, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire corapporteur, M. Flores, conseiller corapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mme Sommé, M. Sornay, Mme Le Lay, conseillers, M. Le Corre, Mmes Chamley-Coulet, Valéry, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 septembre 2020) et les productions, M. [O] a été engagé le 4 mai 2009 par la société Etablissements Decayeux (la société), en qualité d'attaché commercial. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 15 janvier 2015 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. 3. Il a été licencié le 19 octobre suivant. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui, pour les deux derniers, sont irrecevables, pour les deux autres, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à régler au salarié diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, de prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs et de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice légale de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif et n'ouvre droit qu'à une contrepartie financière ou en repos s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents au titre des temps de déplacement effectués par le salarié pour se rendre sur les lieux d'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. 7. Aux termes de l'article L. 3121-4 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire. 8. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du "temps de travail", au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur (CJUE, arrêt du 10 septembre 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras, C-266/14). 9. Certes, ainsi que l'a énoncé l'arrêt précité (points 48 et 49), il résulte de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de l'hypothèse particulière visée à l'article 7, § 1, de la directive 2003/88/CE en matière de congé annuel payé, celle-ci se borne à réglementer certains aspects de l'aménagement du temps de travail, de telle sorte que, en principe, elle ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. 10. La Cour de justice considère en outre que la directive ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation d'un État membre, d'une convention collective de travail ou d'une décision d'un employeur qui, aux fins de la rémunération d'un service, prend en compte de manière différente les périodes au cours desquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et celles durant lesquelles aucun travail effectif n'est accompli, même lorsque ces périodes doivent être considérées, dans leur intégralité, comme du "temps de travail" aux fins de l'application de ladite directive, CJUE, arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d'astreinte dans un lieu reculé), C-344/19, point 58 (CJUE, arrêt du 9 mars 2021, Stadt Offenbach am Main, C-580/19). 11. La Cour de cassation a jugé que le mode de rémunération des travailleurs dans une situation dans laquelle les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur relève, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national et qu'en application de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n'est pas du temps de travail effectif, doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière (Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-20.634, Bull. 2018, V, n° 97 (rejet)). 12. Cependant, dans l'arrêt du 9 mars 2021 (Radiotelevizija Slovenija, C-344/19), la Cour de justice de l'Union européenne retient que les notions de "temps de travail" et de "période de repos" constituent des notions de droit de l'Union qu'il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88/CE. En effet, seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ainsi qu'une application uniforme de ces notions dans l'ensemble des États membres (point 30). La Cour de justice de l'Union européenne précise que malgré la référence faite aux "législations et/ou pratiques nationales" à l'article 2 de la directive 2003/88/CE, les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée des notions de "temps de travail" et de "période de repos", en subordonnant à quelque condition ou restriction que ce soit le droit, reconnu directement aux travailleurs par cette directive, à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte. Toute autre interprétation tiendrait en échec l'effet utile de la directive 2003/88/CE et méconnaîtrait sa finalité (point 31). 13. Eu égard à l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE, il y a donc lieu de juger désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. 14. La cour d'appel a constaté que le salarié, qui soutenait, sans être contredit sur ce point par l'employeur, qu'il devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d'appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens, exerçait des fonctions de "technico-commercial" itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l'entreprise pour l'exercice de sa prestation de travail et disposait d'un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l'entreprise répartis sur sept départements du Grand Ouest éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d'une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d'hôtel afin de pourvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées. 15. Elle a ainsi fait ressortir que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. 16. Elle a décidé à bon droit que ces temps devaient être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Etablissements Decayeux aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissements Decayeux et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Decayeux PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à régler à M. [O] les sommes de 26.103,38 € de rappel de commissions et 2 610,33 € d'incidence congés payés et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Decayeux et condamné cette dernière à verser à M. [O] les autres sommes de 8. 725,18 € d'indemnité compensatrice légale de préavis, 872,51 d'incidence congés payés, 4.965,10 € d'indemnité légale de licenciement et 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE les parties au contrat de travail peuvent décider de subordonner le versement d'un élément de rémunération variable à la signature d'un avenant ultérieur le prévoyant ; que le contrat de travail conclu entre la société Decayeux et M. [O] prévoyait expressément qu'en l'absence d'accord des parties fixant, par voie d'avenant, des objectifs chiffrés de facturation de commandes aux clients, le salarié percevrait une rémunération fixe mensuelle sans aucune rémunération variable ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une rémunération variable sur les exercices 2013/2014 après avoir constaté l'absence d'avenant conclu pour ces périodes, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Decayeux de sa demande de condamnation de M. [O] à lui rembourser la somme de 15.989,62 euros au titre de commissions indues ; 1/ ALORS QUE les parties au contrat de travail peuvent décider de subordonner le versement d'un élément de rémunération variable à la signature d'un avenant ultérieur le prévoyant ; que le contrat de travail conclu entre la société Decayeux et M. [O] prévoyait expressément qu'en l'absence d'accord des parties fixant, par voie d'avenant, des objectifs chiffrés de facturation de commandes aux clients, le salarié percevrait une rémunération fixe mensuelle sans aucune rémunération variable ; qu'en déboutant la société Decayeux de sa demande de remboursement des commissions versées au salarié au titre des exercices 2013/2014 après avoir constaté l'absence d'avenant conclu pour ces périodes, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du code civil ; 2/ ALORS QUE le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l'exercice par son auteur de l'action en répétition de l'indu dès lors que la preuve est rapportée que ce qui avait été payé n'était pas dû ; qu'en retenant, pour débouter la société de sa demande de remboursement des commissions indument perçues, que celle-ci s'était acquittée des sommes considérées en pleine connaissance de cause, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus 1302 et 1302-1. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à régler à M. [O] les sommes de 22.000 euros de rappel d'heures supplémentaires et 2.200 euros au titre des congés payés y afférents, d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Decayeux à régler à M. [O] la somme de 24.825,54 euros à titre d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Decayeux et condamné cette dernière à verser à M. [O] les autres sommes de 8.725,18 € d'indemnité compensatrice légale de préavis, 872,51 d'incidence congés payés, 4.965,10 € d'indemnité légale de licenciement et 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif et n'ouvre droit qu'à une contrepartie financière ou en repos s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents au titre des temps de déplacement effectués par le salarié pour se rendre sur les lieux d'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à régler à M. [O] la somme de 24.825,54 euros à titre d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ; ALORS QUE l'élément intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire d'un décompte des heures de travail effectué conformément aux dispositions légales et à la jurisprudence en vigueur à la date de leur réalisation ; qu'en condamnant l'employeur à payer une indemnité pour travail dissimulé au regard de l'absence de comptabilisation des heures correspondant aux temps de trajets dont la prise en compte dans le temps de travail effectif était exclue par les dispositions légales et la jurisprudence en vigueur à la date de leur réalisation, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à payer à M. [O] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée ; ALORS QUE si le juge qui annule une sanction disciplinaire peut condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, c'est à la condition de caractériser un préjudice distinct non réparé par l'annulation de la sanction ; qu'en condamnant la société Decayeux à payer à M. [O] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée, sans caractériser de préjudice distinct subi par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du code du travail et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1231-1 du code civil. Sur la prise en compte du temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail comme temps de travail dépassant le temps normal de trajet devant faire l'objet d'une contrepartie, à rapprocher : Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-20.634, Bull. 2018, V, n° 97 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1294 FS-B Pourvoi n° V 19-16.608 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [Y]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-16.608 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Parker Hannifin Manufacturing France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Parker Hannifin Manufacturing France, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 mars 2019), M. [Y] a été engagé par la société Manpower et mis à disposition de la société Denison Hydraulics, afin d'exécuter plusieurs missions au cours de la période du 13 juillet 2000 au 14 décembre 2004, en qualité d'ouvrier professionnel. En 2005, le salarié a été mis à la disposition de la société Parker Hannifin, laquelle a repris l'activité de la société Denison Hydraulics. A la suite d'un apport partiel d'actifs à effet au 1er juillet 2011, la société Parker Hannifin Manufacturing France a repris l'activité de la société Parker Hannifin et le salarié a été mis à disposition de cette entreprise utilisatrice à compter de cette date. Le terme de son dernier contrat de mission était le 15 mars 2013. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter, notamment, la requalification de l'ensemble de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de la dernière entreprise utilisatrice. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011, de limiter le montant des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la procédure de licenciement et de rejeter sa demande de rappels de salaires pour la période de janvier à octobre 2009, alors : « 1°/ que lorsqu'une société utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions légales applicables en la matière, le salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011, que les sociétés utilisatrices n'avaient pas la qualité d'employeur de M. [Y], sans rechercher si ces sociétés avaient respecté les dispositions applicables en matière de recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au visa de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; 2°/ que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011 au motif qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause la société Parker Hannifin Manufacturing pour la période antérieure au 1er juillet 2011 et que les deux autres sociétés n'étaient pas dans la cause, tandis qu'elle constatait que cette dernière venait aux droits de la société Parker Hannifin qui elle-même venait aux droits de la société Denison Hydraulics, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1251-40 du code du travail dans leur version applicable aux faits de l'espèce ; 3°/ que la cassation à intervenir du chef de la première branche ou de la deuxième branche moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif ayant limité les montants des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement, et de celui ayant rejeté la demande de rappels de salaires de M. [Y] pour la période de janvier à octobre 2009, en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1251-40, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail : 4. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. 5. Aux termes du deuxième, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. 6. Aux termes du troisième, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; 2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci. Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. 7. Pour limiter la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011 ainsi que le montant des sommes allouées en conséquence, l'arrêt retient que les sociétés Denison Hydraulics, Parker Hannifin France et Parker Hannifin Manufacturing France n'ont jamais eu la qualité d'employeur de M. [Y], mais la qualité d'entreprises utilisatrices en vertu des contrats de mise à disposition signés avec l'entreprise de travail temporaire Manpower. Il ajoute que s'il est vrai que l'apport partiel d'actif de l'établissement de [Localité 3], intervenu entre les deux sociétés du groupe Parker, a prévu la transmission des droits et obligations résultant des contrats de travail des salariés de l'entreprise apporteuse à l'entreprise bénéficiaire, ainsi que des contrats de mission en cours au 1er juillet 2011, conformément à l'article L.1224-1 du code du travail, il n'a pour autant pas modifié la situation juridique de M. [Y], celui-ci demeurant intérimaire et salarié de la seule entreprise de travail temporaire ci-dessus dénommée. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, d'une part, si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de la société Denison Hydraulics France avait été reprise et poursuivie par la société Parker Hannifin France et, d'autre part, si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de la société Parker Hannifin France avait été reprise et poursuivie au sein de la société Parker Hannifin Manufacturing France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la requalification des missions de M. [Y] en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Parker Hannifin Manufacturing France à la période postérieure au 1er juillet 2011, ainsi que la condamnation de la société à lui verser les sommes de 1 822,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 182,30 euros au titre des congés payés afférents, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2009, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne la société Parker Hannifin Manufacturing France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Parker Hannifin Manufacturing France et la condamne à payer à la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [Y] M. [X] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011, d'AVOIR limité le montant des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement et d'AVOIR rejeté sa demande de rappels de salaires pour la période de janvier à octobre 2009 ; 1°) ALORS QUE lorsqu'une société utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions légales applicables en la matière, le salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011, que les sociétés utilisatrices n'avaient pas la qualité d'employeur de M. [Y], sans rechercher si ces sociétés avaient respecté les dispositions applicables en matière de recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au visa de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; 2°) ALORS QUE le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011 au motif qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause la société Parker Hannifin Manufacturing pour la période antérieure au 1er juillet 2011 et que les deux autres sociétés n'étaient pas dans la cause, tandis qu'elle constatait que cette dernière venait aux droits de la société Parker Hannifin qui elle-même venait aux droits de la société Denison Hydraulics, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1251-40 du code du travail dans leur version applicable aux faits de l'espèce ; 3°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de la première branche ou de la deuxième branche moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif ayant limité les montants des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement, et de celui ayant rejeté la demande de rappels de salaires de M. [Y] pour la période de janvier à octobre 2009, en application de l'article 624 du code de procédure civile. Sur la condamnation de l'entreprise cédante, en cas de transfert d'entreprise, à l'indemnisation d'un manquement de l'employeur cédant aux obligations du contrat de travail, à rapprocher : Soc., 14 mai 2008, pourvoi n° 07-42.341, Bull. 2008, V, n° 103 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1247 FS-B Pourvoi n° B 21-12.873 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-12.873 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [I] [P], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 janvier 2021), M. [P] a été engagé, le 6 mars 2006, par l'agence régionale de développement de Franche-Comté en qualité de chargé de mission puis, par avenant du 26 juin 2009, nommé en qualité de directeur général. 2. En février 2017, la fusion des deux agences régionales de développement de Bourgogne et de Franche-Comté a conduit à la création de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté. 3. Le 16 octobre 2017, dans le cadre de cette réorganisation, l'employeur a proposé au salarié de devenir directeur du service à l'appui des territoires. 4. Le salarié, ayant refusé cette modification de son contrat de travail, a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé. Le 5 décembre 2017, le salarié a accepté cette proposition et son contrat de travail s'est trouvé rompu le 20 décembre 2017. 5. Contestant le motif économique de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités au directeur général du 23 août 2017, "Mme A. (directrice générale) est directement responsable du recrutement du personnel de la SPL ARD FC, dénommée AER BFC au 28/09/2017. Elle assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire. Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l'entière responsabilité. Toutefois le conseil d'administration se réserve les pouvoirs suivants : nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications : la direction générale adressera à un comité de recrutement composé de membres du conseil d'administration le dossier des candidat(e)s. Le conseil d'administration décidera du et/ou de la candidat(e) retenu(e) et de sa rémunération" ; que la cour d'appel a déduit de ces dispositions que faute de limiter le pouvoir de licencier le pouvoir du conseil d'administration de nommer et de révoquer les "directeurs" aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, tout en renvoyant aux notions de "traitements" et de "salaires", cette délégation devait s'analyser comme englobant tout à la fois, dans le terme les "directeurs", aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de mandataires sociaux que ceux les assumant en qualité de salariés tel que l'intéressé ; qu'en statut ainsi, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de la délégation litigieuse que tous les "licenciements" relevaient de la compétence de la directrice générale, la cour d'appel a dénaturé celle-ci et violé, ce faisant, les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé ». Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient que le conseil d'administration, aux termes d'une délégation de pouvoir consentie à la directrice générale le 23 août 2017, s'était réservé le pouvoir de licencier les directeurs de la société. 9. En statuant ainsi, alors que l'acte litigieux indiquait que les licenciements étaient de la compétence de la directrice générale et que le conseil d'administration se réservait le pouvoir de révoquer les directeurs de la société, ce dont il résultait que cette réserve était limitée, conformément aux dispositions de l'article L. 225-55 du code de commerce, aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 45 982 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents, soit la somme de 4 598,20 euros, alors « que le salarié ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que sous déduction des sommes qu'il a déjà perçue à ce titre ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir et offrait de prouver que si, du fait de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur avait versé à Pôle emploi une somme représentant l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, le surplus de cette indemnité, soit trois mois, avait été effectivement payé au salarié à hauteur d'une somme de 22 991 euros bruts ; qu'en allouant au salarié une somme de 45 982 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de préavis, sans déduire de celle-ci les sommes déjà versées à ce titre au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code, ensemble l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1233-67 et L. 1233-69 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, l'article L. 1234-9 du même code, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique : 11. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées. 12. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 45 982 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'arrêt retient qu'en application de la convention collective relative au statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, l'intéressé bénéficie d'une indemnité compensatrice de six mois en sa qualité de directeur. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'employeur, si celui-ci n'avait pas déjà versé au salarié, dans le cadre de l'exécution du contrat de sécurisation professionnelle, une somme équivalente à trois mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à la fraction excédant le montant de la contribution due à Pôle emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Sur le moyen relevé d'office 14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 1234-9 du code du travail, 12 du statut des personnels des organismes de développement économique et L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 15. Il résulte des deux premiers textes que l'indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l'employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail. 16. Il résulte du dernier de ces textes que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi. 17. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 122 618,56 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en application de l'article 12 du statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, révisé le 12 décembre 2007, l'intéressé bénéfice d'une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doublée, étant ajouté qu'il avait, lors de la rupture de son contrat de travail, une ancienneté de 11 ans 9 mois et 14 jours pour avoir été embauché à compter du 6 mars 2006. 18. En statuant ainsi, alors que l'article 12 des statuts n'est pas relatif aux dommages-intérêts dus en cas de licenciement injustifié mais prévoit, en ce cas, le doublement de l'indemnité forfaitaire de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 19. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, alors « qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 5 décembre 2017 ; qu'en ordonnant néanmoins à l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1233-69 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et l'article L. 1235-4 du même code, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 20. En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail. 21. Après avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois. 22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de sa demande formée au titre de la violation du secret des correspondances et M. [P] de sa prétention émise au titre d'un préjudice moral, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon. Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux conseils, pour l'agence economique régionale de Bourgogne-Franche-Comté PREMIER MOYEN DE CASSATION L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer au salarié les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros et de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, ALORS QUE sauf dispositions particulières, les juges statuent, à peine de nullité, en nombre impair ; que le magistrat nommé au sein d'une nouvelle juridiction par décret du Président de la République perd sa qualité de membre de la juridiction d'origine le lendemain de la date à laquelle ce décret est publié au Journal officiel, à défaut pour celui-ci de fixer une autre date ; que l'arrêt attaqué du 5 janvier 2021 mentionne que la cour était composée, lors du délibéré, par deux conseillers et un président de chambre, Mme K-Dorsch, laquelle avait pourtant été nommée président de chambre de la cour d'appel de Colmar par décret du Président de la République du 15 décembre 2020, ne fixant aucune date d'entrée en vigueur et publié au Journal officiel du 17 décembre 2020 ; que les juges n'ont donc pas statué en nombre impair de sorte que la cour d'appel a violé les articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile, et L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer au salarié les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros et de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, 1°) ALORS QUE l'article L. 1531-1 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, celles-ci revêtant la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I., issus dudit livre, que « la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général » ; que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.» ; qu'en l'espèce, il était constant que l'agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté était une société publique locale ayant la forme juridique d'une société anonyme ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en se déterminant au regard du seul contenu de la délégation de pouvoir litigieuse, sans rechercher si la directrice générale ne tenait pas de la loi le pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ; 2°) ALORS QUE l'article L. 1531-1 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, celles-ci revêtant la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I., issus dudit livre, que « la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général » ; que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les dispositions des statuts ou les décisions du conseil d'administration limitant les pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers. » ; qu'en l'espèce, il était constant que l'agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté était une société publique locale ayant la forme juridique d'une société anonyme ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en application de la loi, cette éventuelle limitation des pouvoirs du directeur général n'était pas, en tout état de cause, sans effet à l'égard du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ; 3°) ALORS QU'il ressort de l'article 24 des statuts de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » ; que l'article 25 y ajoute que « les actes concernant la société sont signés, soit par l'une des personnes investies de la direction générale, soit encore par tous fondés de pouvoirs habilités à cet effet » ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en se déterminant au regard du seul contenu de la délégation de pouvoir litigieuse, sans rechercher si la directrice générale ne tenait pas des statuts de la société le pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS QU'il ressort de l'article 24 des statuts de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société (...). Il représente la société dans ses rapports avec les tiers auxquels toutes décisions limitant ses pouvoirs sont inopposables. (...) Toute limitation des pouvoirs du directeur général délégué (et donc a fortiori du directeur général) est inopposable aux tiers » ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les dispositions statutaires précitées n'avaient pas pour effet de rendre cette éventuelle limitation des pouvoirs du directeur général sans effet à l'égard du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016; 5°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités au directeur général du 23 août 2017, « Mme [S] [H] (directrice générale) est directement responsable du recrutement du personnel de la SPL ARD FC, dénommée AER BFC au 28/09/2017. Elle assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire.Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l'entière responsabilité. Toutefois le conseil d'administration se réserve les pouvoirs suivants : nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications : la direction générale adressera à un comité de recrutement composé de membres du conseil d'administration le dossier des candidat(e)s. Le Conseil d'administration décidera du et/ou de la candidat(e) retenu(e) et de sa rémunération » (cf. production n° 5) ; que la cour d'appel a déduit de ces dispositions que faute de limiter le pouvoir de licencier le pouvoir du conseil d'administration de nommer et de révoquer « les directeurs » aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, tout en renvoyant aux notions de « traitements » et de « salaires », cette délégation devait s'analyser comme englobant tout à la fois, dans le terme « les directeurs », aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de mandataires sociaux que ceux les assumant en qualité de salariés tel que l'intéressé ; qu'en statut ainsi, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de la délégation litigieuse que tous les « licenciements »relevaient de la compétence de la directrice générale, la cour d'appel a dénaturé celle-ci et violé, ce faisant, les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé ; 6°) ALORS QUE, à tout le moins, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'après la délégation de pouvoir générale du 23 août 2017, une délégation de pouvoir spéciale avait été donnée à la directrice générale le 29 septembre 2017, afin de procéder au licenciement de M. [P], pièce qui était produite aux débats ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il ne rentrait pas dans le cadre de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière le 23 août 2017 ; qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen tiré de l'existence d'une délégation de pouvoir spéciale ultérieure, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE, en tout état de cause, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement était signée par la directrice générale de la société employant le salarié laquelle était chargée de la gestion du personnel, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I, du code de commerce, les articles L. 1232-6 et L. 1531-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil ; 8°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres énonciations que l'employeur, en la personne de son représentant légal, soutenait dans ses conclusions la validité et le bien-fondé du licenciement dont le salarié avait fait l'objet et réclamait, par confirmation du jugement, le rejet de toutes les prétentions de ce dernier, ce dont il résultait la volonté claire et non équivoque de ratifier la mesure prise par la directrice générale, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I, du code de commerce, les articles L. 1232-6 et L. 1531-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à M. [P] les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4 598,20 euros, 1°) ALORS QU'en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur n'est tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents qu'en l'absence de motif économique de licenciement ; qu'en condamnant l'employeur à payer au salarié l'intégralité de l'indemnité compensatrice de préavis au seul prétexte que la lettre avait été signée par une personne jugée dépourvue du pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code ; 2°) ALORS subsidiairement QUE le salarié ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que sous déduction des sommes qu'il a déjà perçue à ce titre ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir et offrait de prouver que si, du fait de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur avait versé à Pôle emploi une somme représentant l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, le surplus de cette indemnité, soit trois mois, avait été effectivement payé au salarié à hauteur d'une somme de 22 991 euros bruts ; qu'en allouant au salarié une somme de 45 982 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de préavis, sans déduire de celleci les sommes déjà versées à ce titre au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code, ensemble l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à M. [P] la somme de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1°) ALORS QUE pour les licenciements prononcés après le 24 septembre 2017, l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle ne peut excéder les montants maximaux fixés par l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 ; que cet article institue des barèmes impératifs auxquels il ne peut être dérogé, fût-ce dans un sens plus favorable ; qu'en l'espèce, ayant moins de 12 ans d'ancienneté au jour de la rupture du contrat intervenue le 20 décembre 2017, le salarié ne pouvait prétendre, en application dudit article, qu'à une indemnisation comprise entre 3 mois et 10,5 mois soit, au regard d'un salaire de référence de 7 716,70 euros, une somme comprise entre 23 150,10 et 81 925,35 euros ; qu'en écartant les dispositions précitées au profit de celles de la convention collective des personnels des organismes de développement économique, pour accorder au salarié la somme de 122 618,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article susvisé ; 2º) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge doit justifier le montant des indemnités qu'il octroie en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'à ce titre, il doit prendre en compte tous les éléments qui déterminent le préjudice subi par le salarié dont l'indemnité de licenciement versée à l'occasion de la rupture dès lors qu'elle est plus favorable que l'indemnité légale de licenciement ; qu'en l'espèce, dénonçant le caractère exorbitant des prétentions du salarié, la société soulignait, preuves à l'appui, que l'intéressé avait perçu une indemnité conventionnelle de licenciement s'élevant à 101 561,43 euros, ce qui équivalait à 13,2 mois de salaires bruts, soit un montant près de 5 fois supérieur à celui correspondant à l'indemnité légale de licenciement qui se chiffrait à 22 827 euros ; qu'elle ajoutait qu'outre cette indemnisation extra légale de 78 734 euros, le salarié avait perçu, lors de la rupture, diverses sommes portant le montant total des sommes versées à titre d'indemnités de rupture à 163 931 euros ; qu'en se bornant à retenir, après avoir rappelé le principe d'un doublement de l'indemnité de licenciement en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par la convention collective applicable ainsi que l'ancienneté du salarié, qu' « il lui sera alloué à ce titre la somme de 122 618,56 euros » sans plus amplement motiver sa décision sur ce point au regard notamment des sommes très importantes perçues par le salarié lors de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, ALORS QU'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 5 décembre 2017 ; qu'en ordonnant néanmoins à l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018. Sur la distinction d'objet entre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité de licenciement conventionnelle, à rapprocher : Soc., 5 juin 1986, pourvoi n° 84-40.951, Bull. 1986, V, n° 288 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Soc., 3 juillet 2008, pourvoi n° 06-45.756, (cassation partielle) ; Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-23.535, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1182 F-B Pourvoi n° A 21-60.183 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ le syndicat Solidaires informatique, dont le siège est [Adresse 11], 2°/ M. [CO] [M], domicilié [Adresse 7], 3°/ M. [W] [J], domicilié [Adresse 10], ont formé le pourvoi n° A 21-60.183 contre le jugement rendu le 19 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon (pôle social, P2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Solutec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 18], 2°/ à la Fédération nationale du personnel de l'encadrement des sociétés de service informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie, CFE-CGE, dont le siège est [Adresse 12], 3°/ à M. [CY] [U], domicilié [Adresse 20], 4°/ à Mme [K] [I], domiciliée [Adresse 1], 5°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 2], 6°/ à Mme [H] [A], domiciliée [Adresse 15], 7°/ à M. [N] [C], domicilié [Adresse 22], 8°/ à M. [B] [P], domicilié [Adresse 19], 9°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 21], 10°/ à Mme [SD] [OP], domiciliée [Adresse 4], 11°/ à M. [AB] [RU], domicilié [Adresse 17], 12°/ à M. [PS] [PI], domicilié [Adresse 9], 13°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 8], 14°/ à Mme [RK] [E], domiciliée [Adresse 3], 15°/ à M. [AT] [Y], domicilié [Adresse 13], 16°/ à Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 16], 17°/ à M. [G] [X], domicilié [Adresse 5], 18°/ à M. [S] [RB], domicilié [Adresse 14], 19°/ à Mme [DR] [CO], domiciliée [Adresse 6], défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Solutec, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lyon , 19 juillet 2021), un protocole d'accord préélectoral a été signé le 14 mai 2019 entre la société Solutec (la société) et trois organisations syndicales en vue de la mise en place du comité social et économique au sein de la société, prévoyant un collège unique, les proportions de femmes et d'hommes dans ce collège étant respectivement de 28,1 % et de 71,9 %, douze postes étant à pourvoir. Les élections se sont tenues du 21 au 28 juin 2019 (premier tour) et du 5 au 12 juillet 2019 (second tour). 2. Le nombre de membres titulaires ayant été réduit de moitié, la société a organisé en 2021 des élections partielles afin de pourvoir six postes de titulaires et douze de suppléants. 3.Le syndicat Solidaires informatique (le syndicat) a déposé une liste de quatre candidats tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d'hommes. A l'issue du second tour, ont été élus sur ces listes M. [J] en qualité de titulaire et MM. [RU], [PI], [M], en qualité de suppléants. 4. La société a saisi le tribunal judiciaire le 23 avril 2021 en annulation de l'élection de MM. [J] et [M] au motif que les listes sur lesquelles ils ont été élus ne respectent pas les règles de la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le syndicat, MM. [M] et [J] font grief au jugement d'annuler l'élection de M. [J] en tant qu'élu titulaire au comité social et économique de la société et celle de M. [M] en tant qu'élu suppléant au sein du même comité social et économique, alors « que le tribunal, en retenant que l'appréciation de la question du respect de la parité pour la liste du syndicat devait s'apprécier à chaque dépôt de la liste (élection initiale et élection partielle) n'a pas donné de base légale à sa décision et a fait une application inexacte de la loi. » Réponse de la Cour 7. En application de l'article L. 2314-10 du code du travail les élections partielles se déroulent dans les conditions fixées à l'article L. 2314-29 pour pourvoir tous les sièges vacants dans les collèges intéressés, sur la base des dispositions en vigueur lors de l'élection précédente. 8. Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe il résulte de l'article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger. 9. Aux termes de l'article L. 2314-32 du code du travail, en cas de non-respect par une liste de candidats des règles de représentation proportionnée entre les femmes et les hommes prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail, le juge annule l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats. 10. Le tribunal judiciaire, qui a relevé que le syndicat avait présenté, en vue des élections partielles des membres du comité social et économique de la société, des listes incomplètes composées de quatre hommes et constaté que ces listes comportaient un homme en surnombre au regard de la proportion de femmes et d'hommes figurant dans le protocole d'accord préélectoral établi pour les élections initiales en a déduit à bon droit qu'il convenait d'annuler l'élection du dernier élu du sexe surreprésenté, soit M. [J] sur la liste des titulaires et M. [M] sur la liste des suppléants. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. Sur l'application de la règle imposant d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-23.513, Bull., (rejet), et les arrêtés cités ; Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-60.222, Bull., (rejet) ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-60.246, Bull., (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1184 F-B Pourvoi n° U 21-20.525 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Le groupement d'intérêt économique Klesia, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], 2°/ Le groupement d'intérêt économique Klesia ADP, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], 3°/ L'institut de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], ont formé le pourvoi n° U 21-20.525 contre le jugement rendu le 16 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes (pôle social), dans le litige les opposant : 1°/ au syndicat Solidaires CRCPM, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4], 2°/ à M. [P] [T], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du groupement d'intérêt économique Klesia, du groupement d'intérêt économique Klesia ADP et de l'institut de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat Solidaires CRCPM, de M. [T], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 16 juillet 2021), l'association de moyens Klesia (l'AMK) a conclu, le 5 juillet 2019, un accord collectif d'entreprise avec les syndicats CFDT, FO et CFE-CGC, prévoyant, en son article 1er, la mise en place d'un comité social et économique unique au niveau de l'AMK constituant un établissement unique pour l'ensemble des implantations géographiques. Ce même article prévoyait le nombre de délégués syndicaux pouvant légalement être désignés dans ce périmètre et la possibilité de désigner en sus des délégués syndicaux de proximité dans les différents sites de l'AMK. L'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique s'est déroulée en novembre 2019. 2. Un nouvel accord a été signé le 22 décembre 2020, reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale (l'UES Klesia) entre trois entités et fixant le périmètre de mise en place du comité social et économique unique au niveau de l'UES Klesia, ainsi que le nombre de délégués syndicaux pouvant être désignés dans ce périmètre, avec possibilité pour chaque organisation syndicale représentative de désigner un total de quatre délégués syndicaux d'entité, toutes entités confondues, et six délégués syndicaux territoriaux. Cet accord prévoit que les mandats syndicaux sont maintenus jusqu'aux élections du nouveau comité social et économique devant intervenir le 31 juillet 2021 au plus tard. 3. Entre temps, le syndicat CGT des salariés Klesia et le syndicat Solidaires CRCPM avaient contesté la validité de l'accord du 5 juillet 2019 devant le tribunal judiciaire de Paris qui, par jugement du 2 février 2021, a notamment retenu que les dispositions de l'article 1er de l'accord contrevenaient aux règles d'ordre public prévues par les articles L. 2143-3 et L. 2143-13 du code du travail, en ce qu'elles interdisaient la désignation d'un délégué syndical d'établissement, tout en le réintroduisant sous l'appellation « délégué syndical de proximité » et en restreignant le crédit d'heures du délégué syndical pourtant légalement encadré, en sorte que ces dispositions devaient être annulées. 4. Par lettre du 29 mars 2021, le syndicat Solidaires CRCPM a informé le directeur des affaires sociales de l'association de moyens Klesia de la désignation de M. [T] en qualité de délégué syndical au sein de Klesia sur le site de [Localité 2]. 5. Par requête reçue au greffe le 9 avril 2021, le GIE Klesia ADP, l'Institution de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arcco et le GIE Klesia, entités composant l'UES Klesia, ont saisi le tribunal judiciaire de Rennes afin d'obtenir l'annulation de cette désignation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 6. Le GIE Klesia ADP, le GIE Klesia et l'Institution de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation de la désignation de M. [T] en qualité de délégué syndical de Klesia sur le site de [Localité 2] et de leurs demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que le syndicat doit indiquer, à peine de nullité de la désignation, le cadre dans lequel il désigne un délégué syndical et la nature du mandat confié ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que l'association de moyens Klesia avait disparu le 1er janvier 2021, ses activités et son personnel ayant été repris et répartis, à cette date, entre trois entités juridiquement distinctes ; qu'un accord collectif majoritaire du 22 décembre 2020 avait reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre ces trois entités et prévu, dans l'attente des élections devant être organisées au plus tard le 31 juillet 2021, le maintien des mandats en cours des instances représentatives du personnel et des représentants syndicaux ; que ni l'accord collectif du 22 décembre 2020, ni celui du 5 juillet 2019 ne prévoient la désignation de délégués syndicaux « de site » au sein de l'UES ou de l'entreprise, ni la désignation de délégués syndicaux d'établissement ; qu'en affirmant cependant que la désignation litigieuse, notifiée au directeur des ressources humaines de « l'association de moyens Klesia » et visant un mandat de « délégué syndical au sein de Klesia sur le site de [Localité 2] » n'était pas imprécise, au motif inopérant que le même salarié avait été désigné en 2017 en qualité de délégué syndical sur le « site de [Localité 2] », ce qui n'était pas de nature à renseigner sur le périmètre de cette nouvelle désignation et la nature du mandat ainsi confié, compte tenu des accords collectifs existants et de l'évolution dans l'organisation juridique de l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 2°/ que les exposants soutenaient que le cadre de désignation mentionné dans la lettre de désignation du 29 mars 2021 était imprécis, dans la mesure où l'association de moyens Klesia avait disparu, trois entités distinctes lui ayant succédé, et que seules deux de ces entités déployaient une activité sur le site de [Localité 2] ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de l'imprécision de la lettre de désignation, que le salarié avait été désigné délégué syndical de l'association de moyens Klesia sur le site de [Localité 2] à la suite des élections des membres du comité d'entreprise de 2017, sans s'expliquer sur l'incidence de la réorganisation ayant entraîné la disparition de l'association de moyens Klesia et la répartition de ses activités entre trois entités distinctes, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. 8. Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux. 9. Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail. 10. Ayant constaté que M. [T] était délégué syndical sur le site de [Localité 2] depuis 2017 et que jusqu'à l'organisation de nouvelles élections en juillet 2021, la reconnaissance d'une UES à compter du 1er janvier 2021 n'avait aucun autre effet que d'imposer aux syndicats ayant préalablement désigné des délégués syndicaux de préciser, le cas échéant, le nouveau périmètre de ces désignations en tenant compte des désignations intervenues, le tribunal en a déduit que la désignation du même salarié en qualité de délégué syndical sur le même site était précise. Le tribunal, qui a ainsi effectué la recherche visée par la deuxième branche, n'encourt pas les griefs du moyen. Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 11. Le GIE Klesia ADP, le GIE Klesia et l'Institution de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco font le même grief au jugement, alors : « 3°/ que la preuve du caractère distinct d'un établissement pèse sur celui qui l'invoque ; que la désignation non-contestée d'un délégué syndical au sein d'une division de l'entreprise n'interdit pas à l'employeur de contester, au cours d'un nouveau cycle électoral, le caractère d'établissement distinct de cette même division ; qu'elle ne lui impose pas davantage de se prévaloir d'éléments nouveaux, tels qu'une réorganisation de l'entreprise, pour remettre en cause l'existence d'un établissement distinct et contester une autre désignation intervenue au cours d'un nouveau cycle électoral ; qu'en affirmant néanmoins que, du fait de la désignation non contestée d'un délégué syndical sur le site de [Localité 2] en 2017, l'employeur était « privé de la possibilité de remettre en cause la qualité du ''site de [Localité 2]'' comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf à prouver que la réorganisation de l'entreprise ait eu pour effet de modifier la communauté de travail de ce site », le tribunal a donné à cette précédente désignation une portée qu'elle n'avait pas et inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 4°/ que constitue un établissement distinct au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail l'établissement regroupant au moins 50 salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que la possibilité, prévue par un accord collectif, de désigner des représentants de proximité au sein d'une implantation de l'entreprise ne suffit pas à démontrer la présence, dans cette implantation, d'une communauté de travail ayant des intérêts propres ; qu'en relevant encore que le site de [Localité 2] a été retenu par l'accord collectif du 22 décembre 2020 comme l'un des dix périmètres de désignation de représentants de proximité, le tribunal s'est fondé sur un motif impropre à caractériser un établissement distinct, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2313-7 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail : 12. Aux termes de ce texte, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. 13. Pour retenir que la désignation contestée était valable en ce qu'elle était faite au niveau d'un établissement distinct du périmètre de mise en place du comité social et économique, nonobstant les stipulations des accords du 5 juillet 2019 et du 22 décembre 2020, le jugement retient que la désignation de M. [T] sur le site de [Localité 2] en 2017 n'a jamais été contestée par l'employeur, que cette antériorité prive donc l'employeur de la possibilité de remettre en cause la qualité du site de [Localité 2] comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf à prouver que la réorganisation de l'entreprise ait eu pour effet de modifier la communauté de travail de ce site, que cependant aucune des pièces versées au débat par l'employeur ne permet de caractériser de modifications ayant remis en question l'existence de la communauté de travail des salariés de Klesia localisés sur le site de [Localité 2], ce site ayant, en outre, été retenu par l'accord du 22 décembre comme l'un des dix périmètres de désignation des « représentants de proximité ». 14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tenant au périmètre de désignation des représentants de proximité, alors qu'il appartenait au syndicat se prévalant de la persistance du caractère distinct de l'établissement de [Localité 2] d'en apporter la preuve, le tribunal, qui n'a pas caractérisé l'existence, à la date de la désignation syndicale, d'une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 juillet 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Nantes ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le GIE Klesia, le GIE Klesia ADP, l'IRC Klesia Agirc-Arrco III. Le GIE Klesia ADP, le GIE Klesia et l'IRC Klesia Agirc-Arrco font grief au jugement attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande d'annulation de la désignation de M. [P] [T] en qualité de délégué syndical de Klesia sur le site de [Localité 2] et de leurs demandes indemnitaires ; 1. ALORS QUE le syndicat doit indiquer, à peine de nullité de la désignation, le cadre dans lequel il désigne un délégué syndical et la nature du mandat confié ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que l'association de moyens Klesia avait disparu le 1er janvier 2021, ses activités et son personnel ayant été repris et répartis, à cette date, entre trois entités juridiquement distinctes ; qu'un accord collectif majoritaire du 22 décembre 2020 avait reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre ces trois entités et prévu, dans l'attente des élections devant être organisées au plus tard le 31 juillet 2021, le maintien des mandats en cours des instances représentatives du personnel et des représentants syndicaux ; que ni l'accord collectif du 22 décembre 2020, ni celui du 5 juillet 2019 ne prévoient la désignation de délégués syndicaux « de site » au sein de l'UES ou de l'entreprise, ni la désignation de délégués syndicaux d'établissement ; qu'en affirmant cependant que la désignation litigieuse, notifiée au directeur des ressources humaines de « l'association de moyens Klesia » et visant un mandat de « délégué syndical au sein de Klesia sur le site de [Localité 2] » n'était pas imprécise, au motif inopérant que le même salarié avait été désigné en 2017 en qualité de délégué syndical sur le « site de [Localité 2] », ce qui n'était pas de nature à renseigner sur le périmètre de cette nouvelle désignation et la nature du mandat ainsi confié, compte tenu des accords collectifs existants et de l'évolution dans l'organisation juridique de l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les exposants soutenaient que le cadre de désignation mentionné dans la lettre de désignation du 29 mars 2021 était imprécis, dans la mesure où l'association de moyens Klesia avait disparu, trois entités distinctes lui ayant succédé, et que seules deux de ces entités déployaient une activité sur le site de [Localité 2] ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de l'imprécision de la lettre de désignation, que le salarié avait été désigné délégué syndical de l'association de moyens Klesia sur le site de [Localité 2] à la suite des élections des membres du comité d'entreprise de 2017, sans s'expliquer sur l'incidence de la réorganisation ayant entraîné la disparition de l'association de moyens Klesia et la répartition de ses activités entre trois entités distinctes, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ; 3. ALORS QUE la preuve du caractère distinct d'un établissement pèse sur celui qui l'invoque ; que la désignation non-contestée d'un délégué syndical au sein d'une division de l'entreprise n'interdit pas à l'employeur de contester, au cours d'un nouveau cycle électoral, le caractère d'établissement distinct de cette même division ; qu'elle ne lui impose pas davantage de se prévaloir d'éléments nouveaux, tels qu'une réorganisation de l'entreprise, pour remettre en cause l'existence d'un établissement distinct et contester une autre désignation intervenue au cours d'un nouveau cycle électoral ; qu'en affirmant néanmoins que, du fait de la désignation non contestée d'un délégué syndical sur le site de [Localité 2] en 2017, l'employeur était « privé de la possibilité de remettre en cause la qualité du « site de [Localité 2] » comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf à prouver que la réorganisation de l'entreprise ait eu pour effet de modifier la communauté de travail de ce site », le tribunal a donné à cette précédente désignation une portée qu'elle n'avait pas et inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 4. ALORS QUE constitue un établissement distinct au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail l'établissement regroupant au moins 50 salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que la possibilité, prévue par un accord collectif, de désigner des représentants de proximité au sein d'une implantation de l'entreprise ne suffit pas à démontrer la présence, dans cette implantation, d'une communauté de travail ayant des intérêts propres ; qu'en relevant encore que le site de [Localité 2] a été retenu par l'accord collectif du 22 décembre 2020 comme l'un des dix périmètres de désignation de représentants de proximité, le tribunal s'est fondé sur un motif impropre à caractériser un établissement distinct, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2313-7 du code du travail. Sur les critères d'appréciation de l'établissement distinct, en tant que cadre de la désignation syndicale, à rapprocher : Soc., 24 mai 2016, pourvoi n° 15-20.168, Bull. 2016, V, n° 113 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur l'effet d'un accord collectif ou d'un accord d'entreprise sur la détermination du périmètre de désignation syndicale, à rapprocher : Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-18.442, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.
CASS/JURITEXT000046760746.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1384 FS-B+R Pourvoi n° K 21-19.551 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ La société 2SMA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 30], 2°/ L'association Médico-dentaire [Localité 39], dont le siège est [Adresse 29], 3°/ L'association Apats, dont le siège est [Adresse 3], 4°/ L'association Apats PLM, dont le siège est [Adresse 25], 5°/ L'association Pôle dentaire [36], dont le siège est [Adresse 30], 6°/ La Clinique du docteur [X] [E], société anonyme, dont le siège est [Adresse 19], 7°/ La Polyclinique de la Manche, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 24], 8°/ La Clinique de [Localité 42], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 33], 9°/ La société SCI Vitalia développement clinique [Localité 43], société civile, dont le siège est [Adresse 27], 10°/ La société DG Health, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], 11°/ La société DG optique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 15], 12°/ La société Doctocare (mutuelle), dont le siège est [Adresse 1], 13°/ La société DG santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 15], 14°/ La société Mutuelles de France du Var, dont le siège est [Adresse 11], 15°/ La société Nouvelle compagnie thermale de [Localité 41], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 16°/ La société Vauban santé, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], 17°/ Le Centre chirurgical de [Localité 37], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 18°/ L'association Centre médico chirurgical [38], dont le siège est [Adresse 4], 19°/ Le groupement de coopération sanitaire « Hôpital de [38] », dont le siège est [Adresse 4], 20°/ La Clinique [44], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 17], 21°/ L'association Pour la promotion d'un accès pour tous à une offre de soins [Localité 40] APATS [Localité 40], dont le siège est [Adresse 34], ont formé le pourvoi n° K 21-19.551 contre le jugement rendu le 29 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil (pôle social, contentieux des élections professionnelles) dans le litige les opposant : 1°/ à La Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 13], 2°/ au syndicat CGT, dont le siège est [Adresse 16], 3°/ au syndicat CFE-CGC confédération, dont le siège est [Adresse 28], 4°/ au syndicat CFDT confédération, dont le siège est [Adresse 21], 5°/ au syndicat CFTC confédération, dont le siège est [Adresse 23], 6°/ au syndicat FO confédération, dont le siège est [Adresse 6], 7°/ au syndicat UNSA, dont le siège est [Adresse 12], 8°/ à Mme [A] [P], domiciliée [Adresse 26], 9°/ à Mme [T] [UM], domiciliée [Adresse 20], 10°/ à Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 35], 11°/ à M. [K] [U], domicilié [Adresse 2], 12°/ à M. [J] [D], domicilié [Adresse 10], 13°/ à Mme [Y] [C], domiciliée [Adresse 32], 14°/ à M. [I] [V], domicilié [Adresse 31], 15°/ à Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 22], 16°/ à Mme [VO] [G], domiciliée [Adresse 14], 17°/ à Mme [O] [M], domiciliée [Adresse 7], 18°/ à Mme [R] [F], domiciliée [Adresse 8], 19°/ à Mme [L] [BY], domiciliée [Adresse 9], 20°/ à Mme [N] [S], domiciliée [Adresse 18], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société 2SMA, des associations Médico-dentaire [Localité 39], Apats, Apats PLM, Pôle dentaire [36], des sociétés Clinique du docteur [X] [E], Polyclinique de la Manche, Clinique de [Localité 42], SCI Vitalia développement clinique [Localité 43], DG Health, DG optique, Doctocare, DG santé, Mutuelles de France du Var, Nouvelle compagnie thermale de [Localité 41], Vauban santé, Centre chirurgical de [Localité 37], de l'association Centre médico chirurgical des [38], du groupement de coopération sanitaire « Hôpital de [38] », de la société Clinique [44], de l'association Pour la promotion d'un accès pour tous à une offre de soins [Localité 40] APATS [Localité 40], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [P], [UM], [H], MM. [U], [D], Mme [C], M. [V], Mmes [Z], [G], [BY], [S], et l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier, Berard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Créteil, 29 juin 2021) et les productions, le groupe Doctegestio est organisé en trois grands métiers : le tourisme et l'hôtellerie, le médico-social ainsi que la santé sous la marque Doctocare. 2. Le 25 janvier 2021, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de la région Ile-de-France a rejeté la demande, présentée par l'employeur, d'arbitrage sur la répartition du personnel et des sièges entre les collèges des deux comités sociaux et économiques d'établissement distincts conventionnels composant l'unité économique et sociale santé du groupe Doctegestio (l'UES), en considérant que le périmètre des établissements distincts n'avait pas été au préalable clairement défini ni par l'accord collectif du 8 octobre 2019, intitulé « accord relatif à la représentation du personnel au sein de l'UES santé du groupe Doctegestio », qu'il ne lui appartenait pas d'interpréter, ni par décision unilatérale de l'employeur. 3. Les vingt-et-un sociétés, associations et groupement de coopération sanitaire composant l'UES ont saisi, le 8 février 2021, le tribunal judiciaire d'une requête en contestation de cette décision, en demandant, à titre principal, de constater qu'il n'y a pas lieu d'interpréter l'accord du 8 octobre 2019 comme devant conduire à rattacher le support à l'entité juridique ou au site géographique dans lequel le salarié travaille et de procéder à une répartition du personnel et des sièges entre collèges en application dudit accord et, à titre subsidiaire, d'interpréter l'accord du 8 octobre 2019 s'il était considéré comme ambigu par le tribunal et de procéder, pour chaque comité social et économique d'activité, à une répartition du personnel et des sièges dans les collèges conformément à l'interprétation retenue. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Les sociétés, associations et groupement de coopération sanitaire composant l'UES font grief au jugement de constater l'incompétence matérielle du juge du contentieux électoral, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir et de rejeter toutes les autres demandes, alors « que selon l'article L. 2313-2 du code du travail, un accord collectif détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ; que selon l'article L. 2314-13 du même code, la répartition du personnel au sein des collèges électoraux et la répartition des sièges doivent, en l'absence de protocole d'accord préélectoral valide, être définis par l'autorité administrative ; que selon l'article R. 2314-3 du même code, à défaut de refus de l'autorité administrative de procéder à cette répartition, l'employeur peut saisir le tribunal judiciaire afin qu'il soit statué sur la répartition des personnels et des sièges entre les collèges ; qu'il résulte de ces dispositions que le tribunal judiciaire, saisi d'une demande tendant à la répartition du personnel au sein des collèges et des sièges est tenu de procéder à cette répartition en respectant le périmètre des établissements distincts définis par accord collectif et doit, s'il existe une difficulté quant à la détermination de ce périmètre, interpréter lui-même cet accord ; qu'investi d'une plénitude de juridiction relativement à la répartition du personnel au sein des collèges et à la répartition des sièges, il ne peut donc se retrancher derrière une ambigüité de l'accord collectif fixant nombre et le périmètre des établissements distincts pour refuser d'exercer son office ; qu'au cas présent, il est constant que l'accord collectif du 8 octobre 2019 relatif à la représentation du personnel au sein de l'UES Santé du groupe DocteGestio prévoit que l'UES Métier Santé est constituée de deux comité sociaux et économiques d'établissements dont les périmètres respectifs étaient définis par activités : le CSEA Hospitalisation et le CSEA Médical, Dentaire, Thermalisme, Support, Optique et Audio ; que les sociétés exposantes demandaient au tribunal judiciaire, à la suite de l'échec de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral et du refus de la DIRECCTE de procéder à la répartition du personnel au sein des collèges et à la répartition des sièges, de procéder à une telle répartition au regard des dispositions de l'accord du 8 octobre 2019, au besoin en interprétant cet accord ; qu'en se déclarant matériellement incompétent pour procéder à une telle répartition et en renvoyant les parties à mieux se pourvoir au motif que ''selon la jurisprudence, l'interprétation des accords d'entreprise relève du tribunal judiciaire'' et que ''le juge du contentieux électoral est incompétent pour interpréter cet accord'', le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2313-2, L. 2314-13 et R. 2314-3 du code du travail, ensemble les articles 12 du code de procédure civile et 4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code civil et les articles L. 2313-8 et L. 2314-13 du code du travail : 5. En application des articles L. 2314-13 et R. 2314-3 du code du travail, relèvent de la compétence du tribunal judiciaire, en dernier ressort, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, les contestations contre la décision de l'autorité administrative fixant la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux. 6. Il appartient en conséquence au tribunal judiciaire d'examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou la légalité interne de la décision de la direction régionale des entreprises, de l'économie, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), désormais la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets), et, s'il les dit mal fondées au regard de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative, de confirmer la décision, ou s'il les accueille partiellement ou totalement, d'annuler la décision administrative et de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, sur les questions demeurant en litige d'après l'ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue. 7. A cet égard, il résulte des articles L. 2313-8 et L. 2314-13 du code du travail que, dès lors que la détermination du périmètre des établissements distincts est préalable à la répartition des salariés dans les collèges électoraux de chaque établissement, il incombe à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge judiciaire à qui sa décision peut être déférée, de procéder à la répartition sollicitée par application de l'accord collectif définissant les établissements distincts et leurs périmètres respectifs. Il appartient ensuite au tribunal judiciaire, saisi du recours formé contre la décision rendue par le Direccte, d'apprécier la légalité de cette décision, au besoin après l'interprétation de l'accord collectif en cause, d'abord en respectant la lettre du texte de l'accord collectif, ensuite, si celui-ci manque de clarté, au regard de l'objectif que la définition des périmètres des établissements distincts soit de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel. 8. Pour ''constater son incompétence matérielle'' et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, le jugement retient que l'autorité administrative est compétente en cas de désaccord à condition que l'employeur ait transmis toutes les informations nécessaires aux organisations syndicales, que l'inspection du travail s'est déclarée incompétente s'agissant d'une demande d'arbitrage sur la répartition du personnel et des sièges, que le juge judiciaire du contentieux électoral ne peut pas répartir le personnel dans les différents collèges dès lors que l'employeur n'a fourni aucune information sur le nombre de salariés de chaque entreprise qu'il considère appartenir à la fonction support et qui serait rattaché au comité social et économique. Le jugement ajoute qu'il n'est pas possible de se prononcer sur une répartition de salariés entre collèges si les propositions n'ont pas fait l'objet d'une négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives et qu'en conséquence, le juge du contentieux électoral est incompétent pour interpréter cet accord. 9. En statuant ainsi, alors qu'il entrait dans son office d'annuler la décision administrative ayant refusé d'appliquer l'accord collectif du 8 octobre 2019 et, exerçant sa plénitude de juridiction, d'interpréter cet accord collectif afin de procéder ensuite à la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux au sein des établissements distincts ainsi délimités, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, le tribunal a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 juin 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Créteil ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société 2SMA, les associations Médico-dentaire [Localité 39], Apats, Apats PLM, Pôle dentaire [36], les sociétés Clinique du Docteur [X] [E], Polyclinique de la Manche, Clinique de [Localité 42], SCI Vitalia développement clinique [Localité 43], DG Health, DG optique, Doctocare, DG santé, Mutuelles de France du Var, Nouvelle compagnie thermale de [Localité 41], Vauban santé, Centre chirurgical de [Localité 37], l'association Centre médico chirurgical des Jockeys de [Localité 37], le groupement de coopération sanitaire « Hôpital de [38] », la société Clinique [44], l'association Pour la Promotion d'un accès pour tous à une offre de soins [Localité 40] APATS [Localité 40] Les exposantes reprochent au jugement attaqué d'avoir constaté l'incompétence matérielle du juge du contentieux électorale, d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir et d'avoir rejeté toutes les autres demandes ; ALORS QUE selon l'article L. 2313-2 du code du travail, un accord collectif détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ; que selon l'article L. 2314-13 du même code, la répartition du personnel au sein des collèges électoraux et la répartition des sièges doivent, en l'absence de protocole d'accord préélectoral valide, être définis par l'autorité administrative ; que selon l'article R. 2314-3 du même code, à défaut de refus de l'autorité administrative de procéder à cette répartition, l'employeur peut saisir le tribunal judiciaire afin qu'il soit statué sur la répartition des personnels et des sièges entre les collèges ; qu'il résulte de ces dispositions que le tribunal judiciaire, saisi d'une demande tendant à la répartition du personnel au sein des collèges et des sièges est tenu de procéder à cette répartition en respectant le périmètre des établissements distincts définis par accord collectif et doit, s'il existe une difficulté quant à la détermination de ce périmètre, interpréter lui-même cet accord ; qu'investi d'une plénitude de juridiction relativement à la répartition du personnel au sein des collège et à la répartition des sièges, il ne peut donc se retrancher derrière une ambigüité de l'accord collectif fixant nombre et le périmètre des établissements distincts pour refuser d'exercer son office ; qu'au cas présent, il est constant que l'accord collectif du 8 octobre 2019 relatif à la représentation du personnel au sein de l'UES Santé du groupe DocteGestio prévoit que l'UES Métier Santé est constituée de deux comité sociaux et économiques d'établissements dont les périmètres respectifs étaient définis par activités : le CSEA Hospitalisation et le CSEA Médical, Dentaire, Thermalisme, Support, Optique et Audio ; que les sociétés exposantes demandaient au tribunal judiciaire, à la suite de l'échec de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral et du refus de la DIRECCTE de procéder à la répartition du personnel au sein des collèges et à la répartition des sièges, de procéder à une telle répartition au regard des dispositions de l'accord du 8 octobre 2019, au besoin en interprétant cet accord ; qu'en se déclarant matériellement incompétent pour procéder à une telle répartition et en renvoyant les parties à mieux se pourvoir au motif que « selon la jurisprudence, l'interprétation des accords d'entreprise relève du tribunal judiciaire » et que « le juge du contentieux électoral est incompétent pour interpréter cet accord », le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2313-2, L. 2314-13 et R. 2314-3 du code du travail, ensemble les articles 12 du code de procédure civile et 4 du code civil ; ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 81 du code de procédure civile, sauf lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, le juge qui se déclare incompétent doit désigner la juridiction qu'il estime compétente ; qu'en renvoyant les parties à mieux se pourvoir, après avoir constaté son incompétence matérielle, le tribunal judiciaire n'a pas désigné la juridiction compétente pour trancher le litige et a violé le texte susvisé, ensemble l'article 4 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1406 FS-B Pourvoi n° P 21-18.036 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [O]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 avril 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Mme [K] [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-18.036 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [Y] [T], exerçant sous l'enseigne Ecuries de la Pérelle, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Molina, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller doyen rapporteur, Mmes Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillères référendaires, Mme Molina, avocate générale référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 mai 2020), Mme [O] a été engagée en qualité d'« enseignant-animateur » par M. [T] exerçant sous l'enseigne « Ecurie de la Pérelle » suivant contrat à durée indéterminée à temps plein à effet du 9 septembre 2002. Une rupture conventionnelle du contrat de travail a été conclue, qui a pris effet le 12 août 2014. 2. Le 9 mars 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires accomplies de 2010 à 2014, de contreparties obligatoires en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Examen des moyens Sur le cinquième moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour les années 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnisation pour repos compensateurs non pris, de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail et d'une indemnité de procédure et de la condamner au paiement d'une somme de ce dernier chef, alors « que les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche maritime ne sont dispensés d'établir un relevé d'heures individuel du temps de travail que lorsque le salarié, soit est obligé d'organiser lui-même son activité professionnelle, soit est amené à travailler dans des conditions qui ne permettent pas à son employeur de contrôler sa présence effective ; qu'en jugeant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de contrôler sa présence effective dans l'entreprise, sans avoir constaté en fait les conditions spécifiques d'organisation de son activité qui n'auraient pas permis à l'employeur de contrôler sa présence sur place, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, l'article R. 713-36 du même code et les articles R. 713-37 et R. 713-40 du même code, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 9 novembre 2017 : 5. Selon le premier de ces textes, en vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37. 6. Selon le deuxième, l'employeur enregistre, chaque jour, sur un document prévu à cet effet, le nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié, ou groupe de salariés, ou les heures de début et de fin de chacune de leurs périodes de travail. Il peut, toutefois, sous sa responsabilité, confier à chaque salarié le soin de procéder à l'enregistrement mentionné ci-dessus s'il met à sa disposition des moyens de pointage ou d'autres moyens qui permettent à l'intéressé de contrôler la réalité des indications qu'il enregistre. 7. Selon le troisième, à défaut de mettre en oeuvre les modalités prévues à l'article R. 713-36, l'employeur affiche, pour chaque jour de la semaine, les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. Aux lieu et place de l'affichage, l'employeur peut remettre au salarié concerné, contre décharge, un document sur lequel est porté son horaire. 8. Selon le dernier, l'employeur est dispensé d'appliquer les dispositions des articles R. 713-35 à R. 713-37 lorsque le salarié est obligé d'organiser lui-même son activité, dans les limites prévues notamment par les articles L. 713-2 et L. 713-13, parce qu'il assume des responsabilités importantes ou parce qu'il travaille dans des conditions qui ne permettent pas à l'employeur ou à l'un de ses représentants de contrôler sa présence. 9. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité de travail dissimulé et d'une indemnisation au titre de contreparties obligatoires en repos, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient la salariée, il est établi que celle-ci organisait son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à l'employeur de contrôler régulièrement et de façon effective sa présence sur place, en sorte qu'il n'avait pas à établir la concernant des relevés d'heures individuels. 10. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les conditions d'emploi de la salariée dispensaient l'employeur de contrôler régulièrement et de façon effective la présence de sa salariée sur place, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 11. La salariée fait le même grief à l'arrêt alors : « 1°/ que les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche maritime sont soumis aux termes de l'article L. 713-21 de ce code, à l'obligation, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail réellement effectuées, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en dispensant l'employeur de toute justification des horaires de travail réellement accomplis par la salariée en réponse aux éléments de preuve qu'elle apportait aux débats pour justifier sa demande en paiement d'heures supplémentaires, aux motifs inopérants qu'il n'aurait pas été tenu " d'établir la concernant des relevés d'heures individuels " dans la mesure où elle aurait " organisé son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à M. [T] de contrôler régulièrement et de manière effective sa présence sur place " ce qui ne dispensait pas l'employeur d'apporter la preuve des horaires réellement accomplis par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime et L. 3171-4 du code du travail ; 4°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté que la salariée produisait aux débats des agendas précisant l'ensemble des tâches exécutées et l'amplitude horaire pour chaque période travaillée, des témoignages de cavaliers et d'adhérents du centre sur ses activités en semaine et parfois le dimanche ainsi qu'un décompte hebdomadaire des heures travaillées sur l'ensemble de la période en litige, la cour d'appel qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que ses agendas auraient comporté des mentions ajoutées a posteriori pour les besoins de la cause de sorte qu'ils auraient été ni fiables ni crédibles, a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée et a violé l'article L. 3171 4 du code du travail et l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime : 12. Selon l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, en vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37. Selon l'article R. 713-43 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 9 novembre 2017, lorsqu'il constate que la durée du travail enregistrée ou consignée en application des dispositions des articles R. 713-36 ou R. 713-37 est inexacte, l'inspecteur du travail peut exiger de l'employeur l'enregistrement des heures effectuées, soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-36, soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-37. 13. Enfin, aux termes de l'article L. 713-21 susvisé, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. 14. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. 15. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité de travail dissimulé et d'une indemnisation autre titre de contreparties obligatoires en repos, l'arrêt, après avoir relevé que la salariée produisait les agendas professionnels dont elle indiquait s'être servie pour l'exercice de son activité au sein du centre équestre, avec des annotations quant aux tâches qu'elle précisait avoir effectuées en journée, quelques témoignages de cavaliers et d'adhérents fréquentant le centre et des décomptes hebdomadaires sur la période en litige, retient qu'aucune crédibilité ne pouvant être accordée à ces agendas, il en résulte que sont dénués de toute valeur probante les tableaux récapitulatifs établis par l'intéressée qui, en outre, fait état d'attestations par trop générales dans leur contenu et sans indications exploitables relativement aux dépassements d'horaires allégués. 16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 17. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail, alors « que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et de l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le code du travail en matière de durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, preuve qui incombe à l'employeur ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, par renvoi aux motifs suivant lesquels elle avait jugé que sa demande en paiement d'heures supplémentaires n'était pas étayée par des éléments suffisamment crédibles, quand la charge de la preuve du respect de la durée maximale de travail du salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ». Réponse de la Cour Vu les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-13 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil : 18. Aux termes du premier de ces textes, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine. La durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogation dans des conditions fixées par les décrets prévus à l'article L. 713-3. 19. Selon le deuxième, des décrets fixent les modalités d'application de l'article L. 713-2. 20. Il résulte du troisième que les durées hebdomadaires maximales du travail ne peuvent excéder quarante-quatre, quarante-six, quarante-huit heures, selon les périodes de référence et les modalités que le texte précise, et, à titre dérogatoire, soixante heures, selon les conditions que le texte définit. 21. Aux termes du quatrième, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 22. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement, l'arrêt retient que les décomptes horaires de celle-ci ne pouvant être retenus, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail. 23. En statuant ainsi, alors que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 24. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en revalorisation de sa classification professionnelle au niveau 4, coefficient 167, ou, subsidiairement, au niveau 3, coefficient 150, et en paiement d'un rappel de salaire, alors « qu'en déboutant la salariée de sa demande au seul motif qu'elle "ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification supérieure qu'elle revendique" , sans avoir visé ni analysé aucune des pièces produites aux débats par la salariée desquelles il résultait qu'elle exécutait des tâches, pour chacune d'elle explicitée dans ses conclusions d'appel, correspondant aux critères conventionnels du niveau de classification dont elle réclamait le bénéfice, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 25. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 26. Pour débouter la salariée de sa demande de reclassification, l'arrêt retient que la salariée, titulaire d'un brevet d'Etat d'éducateur sportif du 1er degré dans les activités équestres, ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification conventionnelle supérieure qu'elle revendique, cela au vu de leurs définitions respectives. 27. En se déterminant ainsi, sans viser, ni analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 28. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts à son employeur pour violation de l'obligation de loyauté, alors « que la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise et est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur qui correspond à la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif ; qu'en condamnant la salariée à verser à l'employeur la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison d'un " comportement fait de dénigrement et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail " , la cour d'appel qui s'est fondée sur une faute contractuelle qu'aurait commise la salariée sans caractériser une faute lourde, a violé les articles L. 3141-26 et L. 1222-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers l'employeur qu'en cas de faute lourde : 29. Pour condamner la salariée au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les attestations versées aux débats par l'employeur établissent que la salariée a eu à son égard et en public un comportement fait de dénigrement et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail. 30. En statuant ainsi, alors que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'intention de la salariée de nuire à son employeur, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [O] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnisation au titre des contreparties obligatoires en repos, de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales du travail, en ce qu'il la déboute de sa demande en reclassification et paiement d'un rappel de salaire de ce chef, outre une indemnité de procédure, et en ce qu'il la condamne au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail ainsi que d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; Condamne M. [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [T] à payer à la SCP Waquet-Farge-Hazan la somme de 3000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [O], PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2010 à 2014, d'indemnités de congés payés y affér ents, d'une indemnité pour délit de travail dissimulé, d'une indemnisation pour repos compensateurs non pris, de sa demande en paiement de dommages intérêts pour non respect par l'employeur des durées maximales de travail et de 1.200 euros au titre des fra is irrépétibles et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; 1°) ALORS QUE les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche sont soumis aux termes de l'artic le L. 713 21 de ce code, à l'obligation, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail réellement effectuées, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en dispensa nt M. [T] de toute justification des horaires de travail réellement accomplis par Mme [O] en réponse aux éléments de preuve qu'elle apportait aux débats pour justifier sa demande en paiement d'heures supplémentaires, aux motifs inopérants qu'il n' aurait pas été tenu « d'établir la concernant des relevés d'heures individuels » dans la mesure où elle aurait « organisé son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à M. [T] de contrôler régulièrement et de manière effective sa présence sur place » ce qui ne dispensait pas l'employeur d'apporter la preuve des horaires réellement accomplis par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 712 2, L. 713 20, L. 713 21 et R. 713 40 du code rural et de la pêche maritime et L. 3171 4 du code du travail ; 2°) ALORS QUE les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche ne sont dispensés d'établir un relevé d'heures individuel du temps de travail que lorsque le salarié, soit est obligé d'organiser lui même son activité professionnelle, soit est amené à travailler dans des conditions qui ne permettent pas à son employeur de contrôler sa présence effective ; qu'en jugeant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de cont rôler sa présence effective dans l'entreprise, sans avoir constaté en fait les conditions spécifiques d'organisation de son activité qui n'auraient pas permis à l'employeur de contrôler sa présence sur place, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ; 3°) ALORS QU' en retenant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de contrôler sa prés ence effective dans l'entreprise après avoir pourtant constaté qu'elle « était la seule salariée du centre équestre » et qu'elle n' y exerçait que les fonctions « d'enseignant animateur » , la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait qu'elle était en permanence au centre équestre pour y exercer ses fonctions d'enseignante de sorte que ses horaires pouvaient être contrôlés quotidiennement par l'employeur, a violé de plus fort les articles L. 713-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ; 4°) ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté que Mme [O] produisait aux débats des agendas précisant l'ensemble des tâches exécutées et l'amplitude horaire pour chaque période travaillée, des témoignages de cavaliers et d'adhérents du centre sur ses activités en semaine et parfois le dimanche ainsi qu'un décompte hebdomadaire des heures travaillées sur l'ensemble de la période en litige, la cour d'appel qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires aux mot ifs que ses agendas auraient comporté des mentions ajoutées a posteriori pour les besoins de la cause de sorte qu'ils auraient été ni fiables ni crédibles, a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts pour non respect par l'employeur des durées maximales de travail et condamnée a u paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ; 1°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et de l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le code du travail en matière de durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, preuve qui incombe à l'employeur ; qu'en déboutant Mme [O] de sa demande en paiement de dommages intérêts pour non respect des durées maximales de travail, par renvoi aux motifs suivant lesquels elle avait jugé que sa demande en paiement d'heures supplémentaires n'était pas étayée par des éléments suffisamment crédibles, quand la charge de la preuve du respect de la durée maximale de travail du salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ; 1°) ALORS QUE même lorsque l'employeur, en application du code rural et de la pêche, n'est pas tenu du fait de l'organisation de l'activité du salarié, de décompter quotidiennement son temps de travail, il ne peut s'exonérer de l'obligation de contrôler le respect des durées maximales de travail quotidien et hebdomadaire du salarié ; qu'en déboutant Mme [O] de sa demande en indemnisation du préjudice résultant du non respect des dispositions impérativ es en matière de durée maximale de travail aux motifs qu'en vertu de l'article R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime, M. [T] n'aurait pas été tenu d'établir un relevé quotidien de ses heures de travail et de justifier des heures de travail r éellement accomplies, quand le texte n'est pas applicable en matière de respect des seuils maximaux de travail quotidiens et hebdomadaires, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de ses demandes en revalorisation de sa classification professionnelle au niveau 4, coefficient 167 ou à tout le moins au niveau 3, coefficient 150 et en paiement d'un rappel de salaire y afférent, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ; ALORS QUE en déboutant Mme [O] de sa demande au seul motif qu'elle « ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification supérieure qu'elle revendique » , sans avoir visé ni analysé aucune des pièces produites aux débats par la salariée desquelles il résultait qu'elle exécutait des tâches, pour chacune d'elle explicitée dans ses conclusions d'appel, correspondant aux critères conventionnels du niveau de classification dont elle réclamait le béné fice, la cour d'appel qui a statué par voie de simple affirmation a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 de l'avoir condamnée à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de loyauté, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait condamnée au paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ; 1°) ALORS QUE la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise et est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur qui correspond à la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif qu'en condamnant Mme [O] à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts en raison d'un « comportement fait de dénigreme nt et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail » , la cour d'appel qui s'est fondée sur une faute contractuelle qu'aurait commise Mme [O] sans caractériser une faute lourde, a violé les articles L. 3141-26 et L. 1222-1 du code du travail. 2°) ALORS QU 'en énonçant que Mme [O] aurait eu un comportement de dénigrement et de critique à l'égard de son employeur sans avoir constaté aucun fait matériellement établi et susceptible de conclure en ce sens, la cour d'appel qui a statué par voie de simple affirmation a violé l'article 455 du code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 de l'avoir condamnée à verser à M. [T] la somme de 17.622,18 euros à titre de frais de pensions pour sa jument, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l 'avait condamnée au paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel. 1°) ALORS QUE lorsque l'employeur accorde de fait au salarié un avantage en nature dès le début d'exécution du contrat de travail, pendant plusieurs années et jusqu'à la rupture du contrat, il en résulte une contractualisation dudit avantage qui ne peut plus être unila téralement remis en cause par l'employeur ; qu'en condamnant Mme [O] à verser à M. [T] une somme de 3.000 euros à titre de frais d'occupation d'un box pour la période du 8 mars 2010 au 31 juillet 2014 en application de l'article 22 de la convention collective nationale des centres équestres, aux motifs qu'elle ne démontrait pas un « engagement contractuel exprès » de l'employeur « en vertu duquel un box gratuit pour sa jument aurait été mis à sa disposition au sein du centre équestre depuis 2002 », la cour d'appel qui n'a pas recherché si, comme Mme [O] le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, un box n'aurait pas été de fait mis à sa disposition dès la date de conclusion de son contrat de travail, à titre gratuit, sans qu'aucune contrepar tie financière n'ait jamais été réclamée ni prélevée sur son salaire mensuel, ce dont il résultait que l'avantage ainsi accordé à titre gratuit pendant douze années et jusqu'à la rupture du contrat de travail avait été contractualisé, la cour d'appel a pri vé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil. 2°) ALORS QUE l'article 22 de la convention collective nationale des centres équestres dans sa rédaction de l'avenant n° 64 du 23 avril 1998, en vigueur le 1er octobre 1998 et étendu par arrêté du 2 février 1999 prévoit que constitue un avantage en nature le fait de mettre à disposition d'un salarié un box pour y loger son équidé et que « l'indemnité d'occupation que l'employeur est autorisé à retenir su r la rémunération du salarié est fixée soit d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, soit à hauteur de 50 % du prix T.T.C. de la pension de base proposé par l'établissement aux propriétaires d'équidés » et dans sa version issue de l'avenant modificatif n° 84 bis du 11 avril 2013, lui même modifié par avenant n° 84 ter du 21 novembre 2014 et étendu par arrêté du 23 février 2015, il prévoit que l'occupation d'un box peut, soit donner lieu de fait au paiement d'un tarif qui s'il « ne correspond pas à une réduction de plus de 30 % du prix public de pension (?) ne constitue pas un avantage en nature » , soit constituer un avantage en nature et dans cette hypothèse, « l'indemnité d'occupation que l'employeur est au torisé à retenir sur la rémunération du salarié est fixée d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. Sa valeur minimale correspond à 50 % du prix public HT ou, quand il est plus faible, au prix de revient de l'hébergement pour l'établissement » ; qu'en jugeant que Mme [O] était redevable d'une somme de 17.622,18 euros à titre « de frais de pension pour sa jument pension pour sa jument » pour la période du 8 mars 2010 au 31 juillet 2014, pour la période du 8 mars 2010 au 31 juillet 2014, sans avoir précisé, ni la version du texte conventionnel qui s'appliquait au litige, ni l'option conventionnelle qui aurait été choisie par les parties, ni le tarif de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1378 F-B Pourvoi n° A 21-13.976 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ La société Eramet Comilog Manganèse, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Compagnie minière de l'Ogooué, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3] (Gabon), ont formé le pourvoi n° A 21-13.976 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à M. [R] [T], domicilié [Adresse 2] (Belgique), défendeur à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. A l'audience publique du 21 septembre 2022, où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire et Mme Pontonnier, greffier de chambre, ont été entendus, en son rapport, M. Le Masne de Chermont, en leurs observations et plaidoiries, Me Rebeyrol, avocat de la société Eramet Comilog Manganèse, Me Grévy, avocat de M. [T], et en son avis, Mme Roques, avocat général référendaire. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Eramet Comilog Manganèse, de la société Compagnie minière de l'Ogooué, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 16-14.708), M. [T], domicilié en Belgique, salarié de la société Compagnie minière de l'Ogooué (la société Comilog), de droit gabonais, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société Comilog et de la société Eramet Comilog manganèse (la société Eramet), ayant son siège à Paris, appartenant au même groupe, pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et le paiement de diverses sommes liées à la rupture de la relation contractuelle, en invoquant à l'encontre de la société Eramet sa qualité de co-employeur. 2. Les sociétés ont soulevé l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale française. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches Enoncé du moyen 4. La société Comilog fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes de Paris territorialement compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes du salarié dirigées contre elle, alors : « 2°/ que lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l'employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation, comme ayant son domicile dans cet État membre ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [T] travaillait pour le compte de la société Comilog établie au Gabon ; qu'en se fondant sur la circonstance que cette société détenait 50 % du capital de la société Eramet Comilog Manganèse, établie en France, pour en déduire qu'elle pouvait être attraite en France, lorsque Eramet Comilog Manganèse constituait non pas un établissement ou une succursale de la société gabonaise, mais une filiale juridiquement distincte établie en France, la cour d'appel a violé l'article 18 - 2 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 par fausse application ; 3°/ que lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l'employeur n'est considéré comme ayant son domicile dans cet État membre que pour les contestations relatives à l'exploitation de la succursale ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la société Comilog établie au Gabon détenait 50 % du capital de la société Eramet Comilog Manganèse établie en France, pour en déduire qu'elle pouvait être attraite en France, sans nullement caractériser que le litige qui l'opposait à M. [T] était relatif à l'exploitation de la société Eramet Comilog Manganèse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 - 2 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 4°/ qu'aux termes de l'article 4 du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ''Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre'' et que ''Toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles prévues à l'annexe I'' ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [T] était domicilié en Belgique ; qu'en jugeant que ce dernier pouvait, en application de l'article 4 précité, invoquer les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile français régissant la compétence des juridictions en cas de pluralité de défendeurs, pour attraire la société Comilog établie au Gabon devant les juridictions françaises, lorsque n'étant pas domicilié en France, il ne pouvait se prévaloir des règles de compétence issues du droit français, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 5°/ que, en tout état de cause, la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'ordre international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux ; qu'en se bornant à constater qu'il existait un lien étroit de connexité entre l'ensemble des demandes puisque le contrat de travail établi avec la société Comilog était consécutif à l'expatriation de M. [T] par la société Eramet Comilog Manganèse, sans cependant caractériser que la demande dirigée contre la société Eramet Comilog Manganèse présentait un caractère sérieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. D'abord, aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application des dispositions des articles 22 et 23. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles prévues à l'annexe I. 6. Selon cette annexe, les règles de compétence nationales visées à cet article 4 sont, en France, les articles 14 et 15 du code civil. 7. Selon le rapport sur la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, établi par M. [E] (JO des Communautés européennes, 1979, n° C59, p. 1), l'aspect positif de l'assimilation aux nationaux de toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, prévue à l'article 4, § 2, de cette convention dont les termes sont similaires à ceux de l'article 4, § 2, du règlement n° 44/2001, a été envisagé en rapport avec le droit d'établissement (articles 52 et suivants du traité de Rome) qui implique que les personnes physiques ou morales établies dans un État membre jouissent de la même protection juridique que les nationaux. 8. Aux termes de l'article 14 du code civil, l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français. 9. Aux termes de l'article 15 du code civil, un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger. 10. Il en résulte que, dans le cas où le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, l'article 4 du règlement n° 44/2001 ne soumet pas, pour régler dans chaque État membre la compétence, l'application de la loi de cet État membre à une condition de domicile du demandeur dans le même État membre, mais garantit aux demandeurs non nationaux disposant d'un tel domicile le bénéfice des mêmes règles de compétence prévues par cette loi que les nationaux de cet État en ce compris, en France, les articles 14 et 15 du code civil. 11. Ensuite, aux termes de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. 12. Ayant relevé que la société Eramet était établie à Paris, que cette société avait recruté le salarié en vue de son détachement au Gabon au sein de la société Comilog, que les demandes formées contre la société Eramet et contre la société Comilog présentaient un lien étroit de connexité puisque le contrat de travail établi avec cette dernière société était consécutif à l'expatriation du salarié par la société Eramet, la rupture des contrats établis avec l'une et l'autre des deux sociétés devant être examinée dans le cadre d'une seule instance, et fait ainsi ressortir que le salarié exerçait contre la société Eramet une action directe et personnelle, en sa qualité alléguée de co-employeur, de sorte que la même société apparaissait comme un défendeur sérieux, la cour d'appel en a exactement déduit, par ces seuls motifs et sans avoir à considérer le domicile en Belgique du demandeur, que la juridiction française était compétente pour connaître des demandes formées contre la société Comilog. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Eramet Comilog Manganese et Compagnie minière de l'Ogooué aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Eramet Comilog Manganese et Compagnie minière de l'Ogooué et les condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt. Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Eramet Comilog Manganèse, la société Compagnie minière de l'Ogooué. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Eramet Comilog Manganese FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le conseil de prud'hommes de Paris territorialement compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes de M. [T] dirigées contre elle, 1/ ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre du 17 juin 2008 de la société Eramet Comilog Manganese, signée par le DRH de cette société et par M. [T], faisait seulement état d'un « engagement au sein de Comilog SA » et ne faisait à aucun moment mention d'une quelconque qualité d'employeur de la société Eramet Comilog Manganese ; qu'en jugeant toutefois qu'il résultait de cette lettre que M. [T] avait été recruté par la société Eramet Comilog Manganese, en vue de son détachement au Gabon au sein de la société Comilog, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé. 2/ ALORS QUE, en tout état de cause, l'existence d'un contrat de travail suppose l'exécution subordonnée d'une prestation de travail en contrepartie du versement d'une rémunération ; que le lien de subordination qui en constitue l'élément essentiel se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour juger que M. [T] était lié par un contrat de travail à la société Eramet Comilog Manganèse établie en France, la cour d'appel s'est fondée sur les termes du document du 17 juin 2008, prévoyant l' engagement de M. [T] « au sein de Comilog SA » et son « expatriation au Gabon » pour y occuper un emploi de médecin régi par un contrat de travail de droit gabonais qui le liera à Comilog, un salaire de référence annuel de euros correspondant à 66.999.996 Francs CFA servant de base à son affiliation aux régimes français de retraite des expatriés et à l'assurance chômage française, et à la gestion de son évolution de carrière à l'issue de son expatriation, une indemnité annuelle d'expatriation de 25.000 euros, l'affiliation aux régimes de retraite français CNAV, ARRCO, AGIRC, et au régime obligatoire au Gabon, l'affiliation au GARP pour l'assurance chômage française, la couverture santé et prévoyance CFE et URPIMMEC, et une assurance complémentaire assistance rapatriement ; qu'en statuant ainsi sans nullement caractériser que M. [T] était chargé d'exécuter une prestation de travail pour le compte de la société Eramet Comilog Manganèse sous sa subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble de l'article 19 du Règlement CE n° 44/2001du 22 décembre 2000 ; 3/ ALORS QUE hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le capital de la société Eramet Comilog Manganèse était détenu à 50 % par la société Comilog établie au Gabon, ce qui excluait que la société française, filiale de la société gabonaise, exerce la moindre immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant néanmoins que la société Eramet Comilog Manganèse avait la qualité d'employeur de M. [T] pour retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel qui n'a nullement caractérisé sa qualité de coemployeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble de l'article 19 du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Comilog FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le conseil de prud'hommes de Paris territorialement compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes de M. [T] dirigées contre elle, 1/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui même le principe de la contradiction ; qu'en fondant sur l'article 18 - 2 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, sur l'article 4 du même règlement, et sur l'article 42 du code de procédure civile français, la compétence territoriale du conseil de prud'hommes de Paris pour statuer sur l'ensemble des demandes de M. [T] dirigées contre la société Comilog, la cour d'appel, qui a fait application de dispositions qui n'étaient invoquées par aucune des parties, sans les inviter au préalable à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QUE lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l'employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation, comme ayant son domicile dans cet État membre ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [T] travaillait pour le compte de la société Comilog établie au Gabon ; qu'en se fondant sur la circonstance que cette société détenait 50 % du capital de la société Eramet Comilog Manganèse, établie en France, pour en déduire qu'elle pouvait être attraite en France, lorsque Eramet Comilog Manganèse constituait non pas un établissement ou une succursale de la société gabonaise, mais une filiale juridiquement distincte établie en France, la cour d'appel a violé l'article 18 - 2 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 par fausse application ; 3/ ALORS QUE lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l'employeur n'est considéré comme ayant son domicile dans cet État membre que pour les contestations relatives à l'exploitation de la succursale ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la société Comilog établie au Gabon détenait 50 % du capital de la société Eramet Comilog Manganèse établie en France, pour en déduire qu'elle pouvait être attraite en France, sans nullement caractériser que le litige qui l'opposait à M. [T] était relatif à l'exploitation de la société Eramet Comilog Manganèse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 - 2 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 4/ ALORS QU'aux termes de l'article 4 du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 « Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre » et que « Toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles prévues à l'annexe I » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [T] était domicilié en Belgique ; qu'en jugeant que ce dernier pouvait, en application de l'article 4 précité, invoquer les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile français régissant la compétence des juridictions en cas de pluralité de défendeurs, pour attraire la société Comilog établie au Gabon devant les juridictions françaises, lorsque n'étant pas domicilié en France, il ne pouvait se prévaloir des règles de compétence issues du droit français, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 5/ ALORS QUE, en tout état de cause, la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'ordre international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux ; qu'en se bornant à constater qu'il existait un lien étroit de connexité entre l'ensemble des demandes puisque le contrat de travail établi avec la société Comilog était consécutif à l'expatriation de M. [T] par la société Eramet Comilog Manganèse, sans cependant caractériser que la demande dirigée contre la société Eramet Comilog Manganèse présentait un caractère sérieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1392 FS-B Pourvoi n° Q 21-10.263 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 L'association hospitalière [4], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-10.263 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section B), dans le litige l'opposant à M. [J] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association hospitalière [4], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [C], l'avis écrit de Mme Berriat, premier avocat général, et celui oral de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 2 novembre 2020), statuant en matière de référé, M. [C], travailleur handicapé, a été admis le 2 septembre 2014 à l'établissement et service d'aide par le travail [3] (l'Esat) à la suite d'une décision d'orientation de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Ardèche (CDAPH) constituée au sein de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Un contrat de soutien et d'aide par le travail a été signé le 22 septembre 2014 avec l'association hospitalière [4] (l'association), par l'intermédiaire de son établissement secondaire l'Esat [3]. 2. Le 9 avril 2018, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste, avec dispense d'obligation de recherche de reclassement. 3. Le 17 avril 2018, l'Esat a sollicité de la MDPH la sortie de M. [C] des effectifs de l'Esat. 4. Le 14 juin 2018, la CDAPH a décidé la sortie de M. [C] des effectifs de l'Esat. 5. Sur recours gracieux de M. [C], la CDAPH l'a orienté au sein de l'Esat [3]. 6. Le 12 octobre 2018, l'Esat a informé M. [C] de son refus de le réintégrer. 7. Le 7 mars 2019, la CDAPH a renouvelé l'orientation de M. [C], avec un ‘'accord en Esat [3] ou au sein de tout autre établissement de même agrément'‘ pour la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2024. 8. Par lettre du 21 mars 2019, l'Esat [3] a informé M. [C] qu'elle refusait son admission au sein de son établissement. 9. M. [C] a fait assigner l'association devant le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, aux fins de solliciter la condamnation de celle-ci à le réintégrer dans ses effectifs de manière rétroactive et à lui verser sa rémunération depuis le 15 juin 2018. Examen du moyen Enoncé du moyen 10. L'association fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration de M. [C] dans ses effectifs et au sein de l'Esat [3] à compter du 15 juin 2018 et la poursuite des relations contractuelles selon les termes du contrat initial et de la condamner à régler à celui-ci les arriérés de rémunération garantie depuis le 15 juin 2018, alors : « 1°/ que l'avis du médecin du travail déclarant inapte avec dispense d'obligation de reclassement un travailleur handicapé accueilli dans un établissement ou service d'aide par le travail (Esat) en vertu d'un contrat de soutien et d'aide par le travail s'impose à l'Esat ; qu'en conséquence, la décision de cet établissement de sortir des effectifs le travailleur handicapé ne constitue pas un trouble manifestement illicite nonobstant l'absence de décision préalable de la CDAPH ou la remise en cause rétroactive de cette décision sur recours gracieux du travailleur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans ses rédactions issues des lois n° 2005-102 du 11 février 2005, n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, ensemble l'article R. 344-6 du code de l'action sociale et des familles, les articles L. 241-2 et suivants anciens du code du travail, et en particulier l'ancien article L. 241-10-1 devenu l'article L. 4624-1 puis L. 4624-6 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2°/ que le juge des référés ne peut ordonner la réintégration d'un travailleur handicapé accueilli dans un Esat en vertu d'un contrat de soutien et d'aide par le travail lorsqu'il a été déclaré inapte par le médecin du travail avec dispense d'obligation de reclassement, un tel avis s'imposant tant au juge qu'à l'établissement qui ne peut donc confier aucune tâche à cette personne ; qu'en l'espèce, par avis du 9 avril 2018 devenu définitif, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste en mentionnant que ‘'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable'‘ et en conséquence avec ‘'dispense de reclassement'‘ ; qu'en affirmant que l'Esat [3] ne pouvait refuser de fournir du travail à M. [C] et en ordonnant sa réintégration au sein de l'Esat, assortie d'une condamnation à payer les arriérés de rémunération, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans ses rédactions issues des lois n° 2005-102 du 11 février 2005, n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, ensemble l'article R. 344-6 du code de l'action sociale et des familles, les articles L. 241-2 et suivants anciens du code du travail, et en particulier l'ancien article L. 241-10-1 devenu l'article L. 4624-1 puis L. 4624-6 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 3°/ que l'Esat n'est pas tenu de verser de rémunération au travailleur handicapé déclaré inapte par le médecin du travail avec dispense d'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, par avis du 9 avril 2018 devenu définitif, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste en mentionnant que ‘'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable'‘ et en conséquence avec ‘'dispense de reclassement'‘ ; qu'en condamnant l'Esat [3] à régler à M. [C] les arriérés de rémunération garantie depuis le 15 juin 2018, la cour d'appel a violé les articles R. 344-6, R. 243-7, R. 243-4, R. 243-11, R. 243-12 et R. 243-13 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret ; 4°/ qu'en présence d'une décision de la CDAPH orientant une personne handicapée au sein d'un Esat, un Esat n'a compétence liée pour l'accueil de cette personne que lorsqu'il est le seul établissement désigné par la décision ; qu'en l'espèce, la décision de la CDAPH du 7 mars 2019 a décidé l'orientation de M. [C] ‘'à l'Esat [3] ou tout autre établissement de même agrément'‘ ; qu'en énonçant que seul l'adulte handicapé bénéficiaire de l'orientation pouvait faire le choix d'un autre établissement que celui noté dans la décision et que la décision du 7 mars 2019 offrait un choix à M. [C] mais s'imposait à l'ESAT [3], la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, ensemble l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 ; 5°/ qu'en présence d'une décision de CDAPH orientant une personne handicapée au sein d'un Esat, la question de savoir si un Esat a ou non compétence liée pour l'accueil de cette personne lorsqu'il n'est pas le seul établissement désigné par la décision ne relève pas du pouvoir du juges des référés ; qu'en l'espèce, la décision de la CDAPH du 7 mars 2019 a décidé l'orientation de M. [C] ‘'à l'Esat [3] ou tout autre établissement de même agrément'‘ ; qu'en énonçant que seul l'adulte handicapé bénéficiaire de l'orientation pouvait faire le choix d'un autre établissement que celui noté dans la décision et que la décision du 7 mars 2019 offrait un choix à M. [C] mais s'imposait à l'Esat [3], la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, ensemble l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016. » Réponse de la Cour 11. Il résulte de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est compétente pour désigner les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 concourant à l'accueil de l'adulte handicapé, que cette désignation s'impose à tout établissement ou service dans la limite de sa spécialité au titre de laquelle il a été autorisé, que lorsque l'évolution de son état ou de sa situation le justifie, l'adulte handicapé ou l'établissement ou le service peuvent demander la révision de la décision d'orientation prise par la commission et que l'établissement ou le service ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l'accompagnement sans décision préalable de la commission. 12. Selon l'article R. 344-8 du code de l'action sociale et des familles, les établissements et services d'aide par le travail sont soumis aux règles de la médecine du travail telles que prévues aux articles L. 241-2 et suivants du code du travail, devenus L. 4622-2, L. 4622-3 et L. 4622-4, relatifs aux missions et organisations de la médecine du travail et insérés dans le livre sixième de la quatrième partie du code du travail, intitulé ‘'institutions et organismes de prévention'‘. 13. Aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles, les personnes reconnues travailleurs handicapés et orientées par la CDAPH vers un établissement ou service d'aide par le travail sont usagers de ces établissements et ne sont pas liés à ceux-ci par un contrat de travail. 14. Il en résulte que ces établissements ne peuvent rompre le contrat en application des articles L. 1226-2 et suivants du code du travail. 15. D'abord, la cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'Esat [3] n'avait pas le pouvoir de rompre le contrat de M. [C], une telle décision appartenant exclusivement à la CDAPH et que l'article R. 344-8 du code du travail ne renvoie ni aux dispositions du titre III du livre II de la première partie du code du travail, qui fixent les règles relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, ni à celles du chapitre III du titre IV du même code, qui concernent la rupture anticipée du contrat à durée déterminée, en a exactement déduit que le comportement de l'Esat [3], en ce qu'il constitue une violation des règles contractuelles liant les parties et des dispositions du code de l'action sociale et des familles, constituaient un trouble manifestement illicite impliquant la réintégration de l'intéressé dans les effectifs de l'Esat et que l'obligation de l'association de verser les arriérés de rémunération due depuis le 15 juin 2018 n'était pas sérieusement contestable. 16. Ensuite, la cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que la décision du 7 mars 2019 ne constituait pas une nouvelle orientation mais l'un des renouvellements périodiques de la décision d'orientation initiale conformément au II de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles et qu'en raison de cette décision, l'orientation et le contrat de soutien et d'aide par le travail étaient réputés n'avoir jamais fait l'objet d'interruption ou de suspension depuis le 2 septembre 2014, en a exactement déduit que cette décision s'imposait à l'Esat [3]. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association hospitalière [4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association hospitalière [4] et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association hospitalière [4] L'association hospitalière [4] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration de M. [J] [C] dans ses effectifs et au sein de l'ESAT [3] à compter du 15 juin 2018 et la poursuite des relations contractuelles selon les termes du contrat initial et de l'AVOIR condamnée à régler à M. [C] les arriérés de rémunération garantie depuis le 15 juin 2018, 1. ALORS QUE l'avis du médecin du travail déclarant inapte avec dispense d'obligation de reclassement un travailleur handicapé accueilli dans un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT) en vertu d'un contrat de soutien et d'aide par le travail s'impose à l'ESAT ; qu'en conséquence, la décision de cet établissement de sortir des effectifs le travailleur handicapé ne constitue pas un trouble manifestement illicite nonobstant l'absence de décision préalable de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ou la remise en cause rétroactive de cette décision sur recours gracieux du travailleur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans ses rédactions issues des lois n° 2005-102 du 11 février 2005, n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, ensemble l'article R. 344-6 du code de l'action sociale et des familles, les articles L. 241-2 et suivants anciens du code du travail, et en particulier l'ancien article L. 241-10-1 devenu l'article L. 4624-1 puis L. 4624-6 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2. ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge des référés ne peut ordonner la réintégration d'un travailleur handicapé accueilli dans un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT) en vertu d'un contrat de soutien et d'aide par le travail lorsqu'il a été déclaré inapte par le médecin du travail avec dispense d'obligation de reclassement, un tel avis s'imposant tant au juge qu'à l'établissement qui ne peut donc confier aucune tâche à cette personne ; qu'en l'espèce, par avis du 9 avril 2018 devenu définitif, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste en mentionnant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable » et en conséquence avec « dispense de reclassement » ; qu'en affirmant que l'ESAT [3] ne pouvait refuser de fournir du travail à M. [C] et en ordonnant sa réintégration au sein de l'ESAT, assortie d'une condamnation à payer les arriérés de rémunération, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans ses rédactions issues des lois n° 2005-102 du 11 février 2005, n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, ensemble l'article R. 344-6 du code de l'action sociale et des familles, les articles L. 241-2 et suivants anciens du code du travail, et en particulier l'ancien article L. 241-10-1 devenu l'article L. 4624-1 puis L. 4624-6 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 3. ALORS, à tout le moins, QUE l'établissement ou service d'aide par le travail (ESAT) n'est pas tenu de verser de rémunération au travailleur handicapé déclaré inapte par le médecin du travail avec dispense d'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, par avis du 9 avril 2018 devenu définitif, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste en mentionnant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable » et en conséquence avec « dispense de reclassement » ; qu'en condamnant l'ESAT [3] à régler à M. [C] les arriérés de rémunération garantie depuis le 15 juin 2018, la cour d'appel a violé les articles R. 344-6, R. 243-7, R. 243-4, R. 243-11, R. 243-12 et R. 243-13 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret ; 4. ALORS par ailleurs QU'en présence d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) orientant une personne handicapée au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), un ESAT n'a compétence liée pour l'accueil de cette personne que lorsqu'il est le seul établissement désigné par la décision ; qu'en l'espèce, la décision de la CDAPH du 7 mars 2019 a décidé l'orientation de M. [C] « à l'ESAT [3] ou tout autre établissement de même agrément » ; qu'en énonçant que seul l'adulte handicapé bénéficiaire de l'orientation pouvait faire le choix d'un autre établissement que celui noté dans la décision et que la décision du 7 mars 2019 offrait un choix à M. [C] mais s'imposait à l'ESAT [3], la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, ensemble l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 ; 5. ALORS, en tout état de cause, QU'en présence d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) orientant une personne handicapée au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), la question de savoir si un ESAT a ou non compétence liée pour l'accueil de cette personne lorsqu'il n'est pas le seul établissement désigné par la décision ne relève pas du pouvoir du juges des référés ; qu'en l'espèce, la décision de la CDAPH du 7 mars 2019 a décidé l'orientation de M. [C] « à l'ESAT [3] ou tout autre établissement de même agrément » ; qu'en énonçant que seul l'adulte handicapé bénéficiaire de l'orientation pouvait faire le choix d'un autre établissement que celui noté dans la décision et que la décision du 7 mars 2019 offrait un choix à M. [C] mais s'imposait à l'ESAT [3], la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et l'article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret, ensemble l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1407 FS-B Pourvoi n° P 21-15.805 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Carrefour Supply Chain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], et ayant un établissement secondaire [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-15.805 contre le jugement rendu le 10 mars 2021 par le conseil de prud'hommes du Mans (section commerce), dans le litige l'opposant à M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carrefour Supply Chain, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost et Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (Conseil de prud'hommes du Mans, 10 mars 2021), rendu en dernier ressort, M. [T], salarié de la société Carrefour Supply Chain, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017 à 2019. 2. La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à verser une certaine somme au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017-2018-2019, alors « qu'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2 264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le Conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la Convention Collective Nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à "heures supplémentaires exceptionnelles exclues" », le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. » Réponse de la Cour 4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte. 5. Selon l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019, le montant de la prime annuelle, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles prévues par le texte, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues). 6. Le conseil de prud'hommes a retenu à bon droit que ces dispositions se limitent à exclure de l'assiette de calcul de la prime annuelle les heures supplémentaires exceptionnelles. Il en a exactement déduit que la majoration pour travail effectué un jour férié devait être prise en compte pour le calcul de la prime. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Carrefour Supply Chain aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Carrefour Supply Chain et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour Supply Chain, La société Carrefour Supply Chain fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [I] [T] une somme de 2.264,10 € au titre des primes annuelles des années 2017-2018-2019 ; ALORS QU'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2.264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le Conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la Convention Collective Nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à "heures supplémentaires exceptionnelles exclues" » (jugement, p. 4), le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1372 FS-B Pourvoi n° H 21-14.304 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° H 21-14.304 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société [Localité 3] Automotive Exteriors, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT des métaux de la Moselle, du comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette,conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2021), rendu en matière de référé, et les productions, des négociations en vue de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été ouvertes en mai 2019 au sein de la société [Localité 3] Automotive Exteriors (la société HAE), spécialisée dans les équipements automobiles, à la suite de l'annonce par le groupe Daimler de l'arrêt de la production des véhicules Smart à moteurs thermiques, entraînant une modification de son activité et un sureffectif de 71 postes sur 231. 2. Un mouvement de grève a débuté au sein de la société HAE le 5 juin 2019 et un accord de médiation, ainsi qu'un accord de méthode, ont été conclus les 28 juin et 18 juillet suivants. Un PSE modifié a été présenté le 17 novembre 2019 aux membres du comité social et économique de la société HAE (le comité). 3. Par lettre du 7 janvier 2020, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) a indiqué à la société HAE que les conditions de mise en oeuvre du PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies et que le PSE ne constituait pas l'outil juridique adéquat pour accompagner les mobilités envisagées dans le cadre du projet de restructuration excluant tout licenciement. La société HAE a en conséquence mis un terme à l'élaboration du PSE. 4. La Confédération générale du travail de la société HAE (la CGT HAE), la Confédération française démocratique du travail des métaux de la Moselle (la CFDT des métaux de la Moselle) et le comité, ont saisi le président d'un tribunal judiciaire statuant en référé afin qu'il soit fait interdiction à la société HAE de soumettre à la signature des salariés quittant l'entreprise dans le cadre de sa réorganisation pour motif économique, la « convention de transfert d'un commun accord au sein de Smart France » et de suspendre la réorganisation objet du projet soumis au comité au mois de novembre dans l'attente de la présentation et de la négociation d'un PSE avec les syndicats représentatifs. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité font grief à l'arrêt de déclarer le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de leurs demandes au profit de l'ordre administratif, alors « qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 1233-57-6 du code du travail que l'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, le cas échéant aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. 8. La cour d'appel qui a constaté que, par lettre du 7 janvier 2020 notifiée au secrétaire du CSE et aux délégués syndicaux, la Direccte avait indiqué que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dont elle était saisie, en vue de l'exercice d'un contrôle susceptible de conduire à une décision de validation ou d'homologation, ne constituait pas l'outil juridique adéquat, dès lors que les conditions de mise en oeuvre d'un PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies, en a exactement déduit que cette décision constituait un acte administratif faisant grief et susceptible comme tel d'un recours et qu'elle ne pouvait en conséquence se prononcer sur les demandes des syndicats et du comité social et économique. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors. Le syndicat CFDT des Métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société HAE font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de ses demandes au profit de l'ordre administratif. 1° ALORS QUE selon l'article L. 1233-61 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'employeur, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 de ce code ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l'objet d'un litige distinct ; que le juge judiciaire est pour sa part compétent pour statuer sur le litige relatif à une demande de suspension d'un projet de réorganisation ne donnant pas lieu à un projet de licenciement d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours dans une entreprise d'au moins cinquante salariés et à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en déclarant le juge judiciaire incompétent pour trancher le litige relatif à la mise en oeuvre du projet de réorganisation, quand il ressort de la décision attaquée que l'administration avait décliné sa compétence au motif que n'était pas envisagé le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours et que, pour ce motif, le projet de réorganisation n'était pas soumis à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-57-5, L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. 2° ALORS QU'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1408 FS-B Pourvoi n° A 21-19.841 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [N]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [I] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-19.841 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Vergers des Verries, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, MMes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Angers, 29 octobre 2020), M. [N] a été engagé par la société Vergers des Verries le 4 octobre 2017 suivant contrat à durée déterminée saisonnier aux fonctions d'exécutant occasionnel. 2. Par lettre du 5 octobre 2017, le salarié a "pris acte" de la rupture du contrat de travail estimant que le lien de confiance était rompu du fait de la transmission pour signature d'un contrat de travail comportant une signature de l'employeur photocopiée et non manuscrite. 3. Le 14 décembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de demandes se rapportant à la rupture du contrat. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors : « 1° / qu'une signature manuscrite scannée n'est ni une signature originale, ni une signature électronique et n'a aucune valeur juridique ; qu'en l'absence de signature régulière par l'une des parties, le contrat à durée déterminée n'est pas considéré comme ayant été établi par écrit et, par suite, est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, en repoussant la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée aux motifs que l'apposition sur le contrat de l'image numérisée de la signature n'équivalait pas à une absence de signature de l'employeur et n'aurait ni affecté la validité formelle du contrat, ni contrevenu aux règles qui précèdent, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil ; 2°/ qu'en retenant encore, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [N] avait signé le contrat de travail à durée déterminée dont il demandait la requalification, qu'il n'était pas contesté que la signature dont l'image était reproduite sur le contrat de travail était celle du gérant de la société Vergers des Verries, lequel était habilité à le signer, peu important le procédé technique utilisé, et permettait d'identifier clairement le représentant légal de la société, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 1242-12, alinéa 1, du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. 7. La cour d'appel, après avoir énoncé que l'apposition d'une signature sous forme d'une image numérisée ne pouvait être assimilée à une signature électronique au sens de l'article 1367 du code civil et constaté qu'il n'était pas contesté que la signature en cause était celle du gérant de la société et permettait parfaitement d'identifier son auteur, lequel était habilité à signer un contrat de travail, en a exactement déduit que l'apposition de la signature manuscrite numérisée du gérant de la société ne valait pas absence de signature, en sorte que la demande de requalification devait être rejetée. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, alors « que le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme en cas de faute grave de l'employeur ; que, pour débouter M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, la cour d'appel a retenu que ''la signature numérisée est parfaitement valable en ce qu'elle [lui] permet (?) de savoir à quoi il s'engage et avec qui'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que la signature manuscrite scannée n'ayant aucune valeur juridique, le non-respect du formalisme du contrat de travail à durée déterminée permettant à l'employeur de se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée en lieu et place du contrat de travail à durée déterminée convenu entre les parties et ainsi d'éluder les dispositions protectrices du salarié ayant signé un contrat de travail à durée déterminée constituait une faute grave imputable à l'EARL Vergers des Verries, la cour d'appel a violé l'article L. 1243-1 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014. » Réponse de la Cour 10. En raison du rejet du premier moyen, le moyen est inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [N], PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents au préavis ; 1. ALORS QU'une signature manuscrite scannée n'est ni une signature originale, ni une signature électronique et n'a aucune valeur juridique ; qu'en l'absence de signature régulière par l'une des parties, le contrat à durée déterminée n'est pas considéré comme ayant été établi par écrit et, par suite, est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, en repoussant la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée aux motifs que l'apposition sur le contrat de l'image numérisée de la signature n'équivalait pas à une absence de signature de l'employeur et n'aurait ni affecté la validité formelle du contrat, ni contrevenu aux règles qui précèdent, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil ; 2. ALORS QU'en retenant encore, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [N] avait signé le contrat de travail à durée déterminée dont il demandait la requalification, qu'il n'était pas contesté que la signature dont l'image était reproduite sur le contrat de travail était celle du gérant de la société Vergers des Verries, lequel était habilité à le signer, peu important le procédé technique utilisé, et permettait d'identifier clairement le représentant légal de la société, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail, ensemble l'article 1367 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au premier) M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ; ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme en cas de faute grave de l'employeur ; que, pour débouter M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, la cour d'appel a retenu que « la signature numérisée est parfaitement valable en ce qu'elle [lui] permet (?) de savoir à quoi il s'engage et avec qui » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la signature manuscrite scannée n'ayant aucune valeur juridique, le non-respect du formalisme du contrat de travail à durée déterminée permettant à l'employeur de se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée en lieu et place du contrat de travail à durée déterminée convenu entre les parties et ainsi d'éluder les dispositions protectrices du salarié ayant signé un contrat de travail à durée déterminée constituait une faute grave imputable à l'EARL Vergers des Verries, la cour d'appel a violé l'article L. 1243-1 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; 1. ALORS QUE le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l'embauche constitue le délit de travail dissimulé ; que M. [N] faisait valoir que l'employeur avait indiqué dans le contrat de travail à durée déterminée du 4 octobre 2017 avoir procédé à sa déclaration préalable d'embauche et qu'il ne pouvait ignorer la fausseté de cette déclaration puisqu'il n'y avait procédé que postérieurement, le 18 octobre suivant (conclusions d'appel, p. 9-10) ; qu'ayant constaté que l'employeur n'avait procédé à la déclaration préalable à l'embauche qu'avec un retard de 15 jours, la cour d'appel ne pouvait repousser la demande motif pris de ce que l'élément intentionnel du délai n'était pas établi, sans rechercher si cette intention ne résultait pas du caractère erroné de la mention du contrat de travail indiquant que la déclaration préalable d'embauche avait déjà été effectuée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble l'article L. 1221-10 du même code ; 2. ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'intention coupable de l'employeur ne résultait pas de la circonstance qu'il avait procédé à la déclaration préalable d'embauche de M. [N] postérieurement à la demande adressée par celui-ci à la MSA de confirmation de la déclaration de son emploi, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble l'article L. 1221-10 du même code ; 3. ALORS QU'en jugeant que le retard de l'employeur dans la déclaration de M. [N] aux organismes sociaux ne constituait pas le délit de travail dissimulé, cependant qu'elle constatait qu'il n'avait procédé à la déclaration préalable d'embauche que postérieurement à la rupture anticipée du contrat de travail, cette circonstance révélant nécessairement l'intention coupable de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble l'article L. 1221-10 du même code.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1373 FS-B Pourvoi n° P 20-22.425 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Praeconis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22.425 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Praeconis, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 13 novembre 2020), Mme [V], engagée courant 2014 par la société Praeconis et exerçant en dernier lieu la fonction d'animateur du réseau mandataire, a démissionné le 10 janvier 2018. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale qui, par une ordonnance du 21 juin 2018, rendue en référé, a ordonné à l'employeur de délivrer sous astreinte à la salariée les documents comportant les chiffres d'affaires réalisés par tous les mandataires sous son autorité et son chiffre d'affaires détaillé par affaire nouvelle pour le calcul de sa rémunération variable et ce, durant les trois dernières années. 3. La salariée a saisi à nouveau la juridiction prud'homale, aux fins d'obtenir du bureau de conciliation et d'orientation, par provision, qu'il ordonne à l'employeur de lui remettre sous astreinte un décompte des chiffres d'affaires réalisés par M. [C] sur la période s'étendant de février 2017 à avril 2018 et, au fond, un rappel de salaire outre les congés payés afférents. L'employeur a formé un appel-nullité contre l'ordonnance du 25 novembre 2019 ayant accueilli la demande par provision. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel-nullité qu'il a formé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers du 25 novembre 2019, alors : « 1°/ qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à l'employeur (la société Praeconis) la remise à la salariée du décompte chiffré des chiffres d'affaires d'un tiers (M. [C]) avec lequel il n'entretient aucune relation contractuelle ou extracontractuelle ; qu'en déclarant irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au coeur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2, 133 et 134 du code de procédure civile ; 2°/ qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à une partie la production de pièces détenues par un tiers au procès ; que dans ses conclusions, la société Praeconis avait soutenu d'une part, qu'elle n'était pas liée à M. [C] par un mandat ou un contrat de travail pendant la période d'exécution du contrat de travail de la salariée ou après la démission de celle-ci et que la société Praeconis ne disposait juridiquement d'aucun motif légal pour exiger la communication par sa société mère, la Mutuelle Médico-Chirurgicale, du contrat de mandat la liant à M. [C] ou le décompte des chiffres d'affaires réalisés par celui-ci ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au c?ur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2 et 138 et 139 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article R. 1454-16, alinéa 2, du code du travail que l'appel immédiat à l'encontre des décisions du bureau de conciliation et d'orientation prises en application des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail n'est ouvert qu'en cas d'excès de pouvoir. 7. Après avoir retenu à bon droit que le bureau de conciliation et d'orientation disposait, en application des paragraphes 3 et 4 de l'article R. 1454-14 du code du travail, du pouvoir d'ordonner toutes mesures d'instruction et toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves, la cour d'appel a relevé que cette formation, saisie d'un litige relatif à la détermination de la rémunération variable de la salariée, avait apprécié, en fonction des éléments qui lui étaient soumis et des intérêts en présence, la nécessité d'ordonner à l'employeur la communication de documents utiles à la solution du litige et en rapport avec lui. 8. Elle en a exactement déduit que le bureau de conciliation et d'orientation n'avait pas commis d'excès de pouvoir. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Praeconis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Praeconis ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt. Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Praeconis. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Praeconis fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité qu'elle a formé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers du 25 novembre 2019 ; 1/ Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en déclarant que la décision entreprise émanant du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers a fait droit à la demande du salarié, qui ayant introduit une action tendant, notamment, à faire reconnaître une discrimination syndicale dans son évolution de carrière, sollicitait préalablement la condamnation sous astreinte de son employeur à lui communiquer la liste exhaustive des salariés embauchés dans les mêmes conditions de temps et de qualification avec les justificatifs de leur évolution de carrière et de rémunération, la cour d'appel a dénaturé cette décision et a ainsi méconnu le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. 2/ Alors que le juge ne saurait méconnaitre l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des conclusions de la salariée, ni de celles de l'employeur, qu'une demande en reconnaissance d'une discrimination syndicale ait été invoquée et soutenue par la salariée ; qu'en déclarant que la décision entreprise émanant du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers a fait droit à la demande du salarié, qui ayant introduit une action tendant, notamment, à faire reconnaître une discrimination syndicale dans son évolution de carrière, sollicitait préalablement la condamnation sous astreinte de son employeur à lui communiquer la liste exhaustive des salariés embauchés dans les mêmes conditions de temps et de qualification avec les justificatifs de leur évolution de carrière et de rémunération, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Praeconis fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité qu'elle a formé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nevers du 25 novembre 2019 ; 1/ Alors qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à l'employeur (la société Praeconis) la remise à la salariée du décompte chiffré des chiffres d'affaires d'un tiers (M. [C]) avec lequel il n'entretient aucune relation contractuelle ou extracontractuelle ; qu'en déclarant irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au c?ur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2, 133 et 134 du code de procédure civile. 2/ Alors qu'est ouvert, l'appel immédiat formé contre une ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation entachée d'un excès de pouvoir ; qu'excède ses pouvoirs le bureau qui ordonne à une partie la production de pièces détenues par un tiers au procès ; que dans ses conclusions, la société Praeconis avait soutenu d'une part, qu'elle n'était pas liée à M. [C] par un mandat ou un contrat de travail pendant la période d'exécution du contrat de travail de la salariée ou après la démission de celle-ci et que la société Praeconis ne disposait juridiquement d'aucun motif légal pour exiger la communication par sa société mère, la Mutuelle Médico-Chirurgicale, du contrat de mandat la liant à Monsieur [C] ou le décompte des chiffres d'affaires réalisés par celui-ci ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable l'appel-nullité formé par la société Praeconis motif pris de ce que la solution du litige dépend en partie de ces éléments, lesquels méritent d'être débattus au fond, précisément à la lumière des pièces querellées, pour être au c?ur du litige, que leur source émane d'un tiers à la relation des parties ou non étant indifférent, sauf à ajouter un critère aux dispositions de l'article R. 1454-14, plus précisément le 3°, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et a violé l'article R. 1454-14 du code du travail, ensemble les articles 11, alinéa 2 et 138 et 139 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1409 FS-B Pourvois n° Z 20-20.572 B 21-10.251 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [K] [L], domicilié [Adresse 2], a formé les pourvois n° Z 20-20.572 et B 21-10.251 contre deux arrêts rendu les 30 juin 2020 et 22 décembre 2020 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans les litiges l'opposant à la société 4 Murs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur, aux pourvois invoque, à l'appui de chacun de ses recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société 4 Murs, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, et Deltort, conseillers, Mmes Ala et Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 20-20.572 et B 21-10 251 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Besançon, 30 juin 2020 et 22 décembre 2020), M. [L] a été engagé par la société 4 Murs, à compter du 19 avril 1999, en qualité de vendeur, puis a été promu, à compter du 6 octobre 2003, directeur de magasin. Par avenant au contrat de travail en date du 18 décembre 2006, le salarié a signé une convention de forfait annuel en jours. 3. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires : antiquités, brocante, galeries d'art (oeuvres d'art), arts de la table, coutellerie, droguerie, équipement du foyer, bazars, commerces ménagers, modélisme, jeux, jouets, puérinatalité et maroquinerie du 9 mai 2012. 4. Le 15 décembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter notamment le prononcé de l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. 5. Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 mai 2019. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi Z 2020572, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la convention de forfait en jours n'encourt aucune nullité et qu'elle lui est opposable, alors « que toute convention de forfait en jour doit être prévue par accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que la convention collective doit prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs du temps de travail transmis permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec la durée raisonnable de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps de travail de l'intéressé ; qu'un accord d'entreprise qui se contente de prévoir un état récapitulatif du temps de travail mensuel et un contrôle annuel ou bi-annuel, ne garantit pas le respect des durées raisonnables du travail, des repos journaliers et hebdomadaires ; que la cour d'appel qui a relevé que l'accord du 3 septembre 2003, prévoyait qu'un décompte des journées travaillées et de repos pris était établi mensuellement par l'intéressé et validé par l'employeur et qu'à cette occasion un suivi devait être fait, et qui a retenu que cet accord comportait des limites et garanties et le contrôle du nombre de jours travaillés, alors qu'il ne comporte aucune précision sur les modalités de contrôle, n'a pas caractérisé un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs du temps de travail a violé l'article L. 3121-63 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : 7. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. 8. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. 9. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. 10. Pour dire que la convention de forfait en jours n'encourt aucune nullité, l'arrêt retient que l'accord du 5 septembre 2003, en son article 3.2.1. prévoit un nombre de jours travaillés par année civile ou période de 12 mois consécutifs, le droit à repos dès le premier trimestre suivant en cas de dépassement du plafond, ainsi que le droit au congé annuel complet, au repos hebdomadaire et quotidien et que contrairement aux affirmations du salarié, il comporte des limites et garanties, soit le contrôle du nombre de journées ou demi-journées travaillées, ou de repos/congés. 11. En statuant ainsi, alors que l'article 3.2.1. de l'accord du 5 septembre 2003, attaché à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012, qui se borne à prévoir que le décompte des journées travaillées ou des jours de repos pris est établi mensuellement par l'intéressé, que les cadres concernés doivent remettre, une fois par mois à l'employeur qui le valide, un document récapitulant le nombre de jours déjà travaillés, le nombre de jours ou de demi-jours de repos pris et ceux restant à prendre, qu'à cette occasion doit s'opérer le suivi de l'organisation du travail, le contrôle de l'application du présent accord et de l'impact de la charge de travail sur leur activité de la journée, que le contrôle des jours sera effectué soit au moyen d'un système automatisé, soit d'un document auto-déclaratif et que dans ce cas, le document signé par le salarié et par l'employeur est conservé par ce dernier pendant trois ans et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen du pourvoi Z 2020572, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les faits d'inexécution par l'employeur de ses obligations essentielles ne sont pas établis et qu'il est mal fondé en sa demande de résiliation judiciaire, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la nullité et l'inopposabilité de la convention de forfait jour entraînera par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen en application de l'article 625 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 13. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif relatifs au rejet de la demande de résiliation judiciaire présentée par le salarié, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. Portée et conséquence de la cassation 14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt critiquées par le premier moyen du pourvoi Z 2020572 entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande de rappels d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-prise du repos compensateur, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. 15. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 30 juin 2020 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 22 décembre 2020, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la convention de forfait en jours n'encourt aucune nullité et qu'elle est opposable à M. [L], en ce qu'il le déboute de ses demandes de rappels d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-prise du repos compensateur, en ce qu'il dit que les faits d'inexécution par la société 4 Murs de ses obligations essentielles ne sont pas établis et que M. [L] est mal fondé en sa demande de résiliation judiciaire et l'en déboute, en ce qu'il le condamne à payer à la société 4 Murs la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le déboute de sa demande d'indemnité sur ce fondement et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 22 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Condamne la société 4 Murs aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société 4 Murs et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [L], demandeur au pourvoi n° Z 20-20.572 PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [L] exposant, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la convention de forfaits jours n'encourrait aucune nullité et qu'elle était opposable à Monsieur [L] 1° Alors que toute convention de forfait en jour doit être prévue par accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que la convention collective doit prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs du temps de travail transmis permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec la durée raisonnable de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps de travail de l'intéressé ; qu'un accord d'entreprise qui se contente de prévoir un état récapitulatif du temps de travail mensuel et un contrôle annuel ou bi annuel, ne garantit pas le respect des durées raisonnables du travail, des repos journaliers et hebdomadaires ; que la Cour d'appel qui a relevé que l'accord du 3 septembre 2003, prévoyait qu'un décompte des journées travaillées et de repos pris était établi mensuellement par l'intéressé et validé par l'employeur et qu'à cette occasion un suivi devait être fait, et qui a retenu que cet accord comportait des limites et garanties et le contrôle du nombre de jours travaillés, alors qu'il ne comporte aucune précision sur les modalités de contrôle, n'a pas caractérisé un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs du temps de travail a violé l'article L 3121-63 du code du travail 2° Alors qu'en toute hypothèse, la convention de forfait est inopposable au salarié lorsque le contrôle effectué par l'employeur ne lui permet pas de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec la durée raisonnable de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps de travail de l'intéressé ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le directeur du magasin transmettait ses plannings chaque mois, que la société se bornait à adresser au mois d'août un message à l'ensemble des magasins afin d'ajuster les plannings dans le respect du forfait annuel pour la fin de l'année, qu'elle n'analysait les dépassements qu'au mois de janvier exigeant l'organisation des récupérations lors du premier trimestre et des plannings de récupération, et enfin qu'elle « évoquait » les conditions d'exécution des forfaits jours lors de l'entretien annuel ; qu'il résulte de ces constatations que les moyens de contrôle exercés par l'entreprise ne permettaient pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec la durée raisonnable de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnable ; que la cour d'appel qui n' a pas tiré les conséquences de ses constatations a encore violé l'article L. 3121-63 du code du travail SECOND MOYEN DE CASSATION Monsieur [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que les faits d'inexécution par la SA 4 Murs de ses obligations essentielles n'étaient pas établis et d'avoir dit Monsieur [L] mal fondé de sa demande de résiliation judiciaire ; 1° Alors que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la nullité et l'inopposabilité de la convention de forfait jour entraînera par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen en application de l'article 625 du code de procédure civile 2° Alors que les juges du fond ne peuvent se prononcer par pure affirmation sans viser ni analyser les documents sur lesquels ils se fondent ; que la cour d'appel qui s'est prononcée par pure affirmation quant au calcul du pourcentage sur la rémunération variable et sans préciser sur quels documents elle se fondait pour affirmer que le Comité d'entreprise avait abordé la question de la campagne publicitaire télévisée et sur l'imputation de 2% du chiffre d'affaires ce qui correspondait à ce qui avait été annoncé au comité d'entreprise, a violé l'article 455 du code de procédure civile 3° Alors que le fait pour un employeur de priver fautivement le salarié de sa rémunération variable pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie, et à partir du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude du médecin du travail constitue un manquement de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que dans ses conclusions d'appel, Monsieur [L] a fait valoir que depuis le mois de mai 2018, alors qu'il bénéficiait du droit au maintien du salaire, la société ne lui avait versé que la partie fixe de son salaire en non pas la partie variable ; que la cour d'appel qui s'est bornée à énoncer que le calcul de la partie variable de son salaire était justifié au regard de l'avenant au contrat de travail du 4 avril 2017, mais qui ne s'est pas expliquée sur le défaut de paiement de toute la partie variable de la rémunération, du mois de mai au mois de septembre 2018 n'a pas justifié sa décision au regard des articles L.1221-1, L. 1231-1 du code du travail et l'article L. 1226-4 du code du travail 4° Alors que lorsque le salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un arrêt de travail a droit au maintien de son salaire, et qu'il perçoit en partie une rémunération variable, cette rémunération variable telle que perçue antérieurement à la suspension du contrat de travail doit être versée en intégralité ; qu'il en est de même lorsque le salarié n'a pas été licencié un mois après l'avis d'inaptitude ; que la Cour d'appel qui a décidé que l'employeur était fondé à diminuer la partie variable pendant ces périodes en appliquant une pondération en raison des charges imposées par le coût du remplacement par d'autres directeurs ou par un remplacement en couple, a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1226-4 du code du travail et l'article 1103 du code civil 5° Alors que le refus par un salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation, qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a proposé tous les postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail ; que la cour d'appel qui a considéré que l'employeur avait respecté ses obligations en proposant à Monsieur [L] d'autres emplois correspondant à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartenait mais qui n'a pas constaté qu'il avait proposé tous les postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail, a violé l'article L. 1226-2 du code du travail Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [L], demandeur au pourvoi n° B 21-10.251 PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [L] exposant fait grief à l'arrêt attaqué complétant le dispositif de l'arrêt du 30 juin, d'avoir rejeté la demande de nullité du licenciement ainsi que toutes les demandes financières et de remise de documents en découlant, Alors que lorsque le salarié est un salarié protégé, l'autorisation administrative de licenciement est requise à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable ; que la cour d'appel qui a décidé que le licenciement du 28 mai 2019 de Monsieur [L], salarié protégé initié par une convocation à l'entretien préalable du 22 février 2019 sans autorisation de l'inspection du contrat de travail n'était pas nul dès lors que la décision du ministère du travail du 22 novembre 2019 avait annulé la décision de l'inspection du travail du 20 mai 2019, refusant l'autorisation de l'administration, alors qu'il résultait de ses constatations que la convocation à l'entretien préalable au licenciement avait eu lieu antérieurement à toute décision d'autorisation administrative ou même de refus d'autorisation de licenciement, a violé l'article L. 2411-5 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Monsieur [L], fait grief à l'arrêt attaqué, complétant le dispositif de l'arrêt du 30 juin 2020, d'avoir rejeté ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que toutes les demandes financières et de remise de documents en découlant Alors que le refus par un salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation, qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a proposé proposé tous les postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail ; que la cour d'appel qui a considéré que l'employeur avait respecté ses obligations en proposant à Monsieur [L] d'autres emplois correspondant à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartenait mais qui n'a pas constaté qu'il avait proposé tous les postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 1410 FS-B Pourvoi n° C 21-12.552 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Mme [W] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-12.552 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Aldi marché [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation. La société Aldi marché [Localité 3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Localité 3], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole et Flores, Mmes Lecaplain-Morel et Deltort, conseillers, Mmes Ala et Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 mai 2020), Mme [I] a été engagée en 1991 par la société Aldi marché [Localité 3], en qualité d'assistante (adjointe au directeur), suivant contrat soumis à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. Elle était affectée au magasin d'Ann?ullin. Entre les 1er avril et 14 juin 2014, elle a assuré le remplacement d'un directeur momentanément absent au sein du magasin d'[Localité 2]. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 27 mars 2015 de diverses demandes au titre de ses droits résultant dudit remplacement. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui payer une somme limitée à 539,96 euros à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, c'est-à-dire le salaire minimum conventionnel versé pour le poste de remplacement, et de la débouter de sa demande tendant à y inclure les sommes correspondant au différentiel de salaire effectivement versé au responsable du magasin d'[Localité 2] remplacé par elle pendant onze semaines consécutives, alors « qu'en application de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que tous les avantages en espèces consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail, s'ils ne sont pas expressément exclus par la convention collective applicable, doivent être retenus au titre du salaire minimum ; qu'en jugeant que les sommes dues à Mme [I] au titre des rappels de salaires sollicités se limitaient à 539,96 euros, majorés de l'indemnité de congés payés, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, quels avantages en espèces étaient consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail au poste de remplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ainsi que du principe ''à travail égal salaire égal''. » Réponse de la Cour 5. Ayant retenu à bon droit que la convention collective prévoyait le versement d'un différentiel fonction du salaire minimum conventionnel applicable au salarié remplacé et non du salaire effectivement versé à celui-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, en déduisant des versements effectués, de la rémunération conventionnelle garantie au salarié remplacé et de ses périodes de présence que la salariée avait droit à un rappel de salaire de 539,96 euros majoré de l'indemnité de congés payés, légalement justifié sa décision. Sur le premier moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre des salaires, outre congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « qu'en vertu de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, sauf à ce que la nature de ses fonctions implique qu'il soit à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique lors de l'absence occasionnelle de celui-ci, le salarié qui se voit confier, pendant au moins quatre semaines consécutives, la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au sien bénéficie, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que pour l'attribution de ce niveau de salaire, qui ne débute qu'à compter de la cinquième semaine, n'est pas en pris en compte le temps passé par le salarié à exercer les fonctions litigieuses pendant les quatre premières semaines, cette période constituant un délai de carence ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article 4.4.3, intitulé « Remplacements provisoires », de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, la nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci. En dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples prévus aux articles 4.4.1 et 4.4.2, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci. Cette situation ne peut excéder six mois ; à l'issue de ce délai, l'employeur et le salarié remplaçant acteront, au regard du motif du remplacement, longue maladie par exemple, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail. 8. Il en résulte que le salarié qui, en dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples, remplace occasionnellement un supérieur hiérarchique pendant une durée d'au moins quatre semaines consécutives n'excédant pas la limite de six mois, bénéficie du salaire minimum garanti à celui-ci pendant toute la période que dure ce remplacement. 9. Ayant constaté que, pendant quatre semaines, la salariée n'avait perçu que son propre salaire et que, pour le temps de remplacement restant, elle avait perçu, proportionnellement à son temps de travail, sa rémunération augmentée d'une fraction du salaire minimum conventionnel garanti au collègue remplacé, puis retenu que le délai de carence invoqué par l'employeur, contraire à la volonté des partenaires sociaux d'assurer au remplaçant une rémunération conforme aux fonctions provisoirement exercées, ne figurait pas dans la convention collective, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de quatre semaines y figurant portait sur le point de départ de l'obligation pour l'employeur d'assurer la contrepartie et que, si la convention collective ne l'obligeait pas, avant quatre semaines de remplacement, à majorer la rémunération du remplaçant, elle l'obligeait, au-delà de ce délai, à verser la contrepartie précitée sans aucun délai de carence au titre des quatre premières semaines. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncé du moyen 11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « que les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier, serait-ce sur le fondement de la résistance abusive, des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; qu'en retenant, pour allouer à la salariée des dommages-intérêts pour résistance abusive, qu'elle avait subi un préjudice moral et financier du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues , sans caractériser que cette situation était imputable à la mauvaise foi de l'employeur et qu'il en était résulté pour la salariée un préjudice distinct dudit retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153, devenu 1231-6, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1153, alinéa 4, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 12. Aux termes de ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. 13. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient qu'en réparation du préjudice moral et financier subi du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues il sera en sus alloué à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts réparant la totalité du préjudice invoqué en ses deux branches. 14. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Aldi marché [Localité 3] à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute Mme [I] de sa demande de dommages-intérêts ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [I], demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION (rappel de salaire) Mme [I] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Aldi Marché [Localité 3] à lui payer une somme limitée à 539,96 euros au titre de rappels de salaire et 53,99 euros au titre des indemnités congés payés, c'est-à-dire le salaire minimum conventionnel versé pour le poste de remplacement, et d'avoir ainsi débouté Mme [I] de sa demande tendant à y inclure les sommes correspondant au différentiel de salaire effectivement versé au responsable du magasin d'[Localité 2] remplacé par elle pendant onze semaines consécutives ; Alors qu' en application de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que tous les avantages en espèces consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail, s'ils ne sont pas expressément exclus par la convention collective applicable, doivent être retenus au titre du salaire minimum ; qu'en jugeant que les sommes dues à Mme [I] au titre des rappels de salaires sollicités se limitaient à 539,96 euros, majorés de l'indemnité de congés payés, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, quels avantages en espèces étaient consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail au poste de remplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ainsi que du principe « à travail égal salaire égal ». SECOND MOYEN DE CASSATION (Indemnisation des frais de route supplémentaires) Mme [I] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Aldi Marché [Localité 3] à lui payer une somme limitée à 539,96 euros au titre de rappels de salaire et 53,99 euros au titre des indemnités congés payés, et d'avoir ainsi débouté Mme [I] de sa demande en remboursement de ses frais de déplacement en raison de l'éloignement du site d'[Localité 2] de son domicile ; Alors que lorsque le temps de trajet dépasse le temps habituel entre le domicile et le lieu habituel du travail, il fait l'objet d'une contrepartie sous forme financière ; qu'en l'espèce, Mme [I] faisait valoir dans ses conclusions (p. 4 § 6 ; p. 5 § 7) que son temps de trajet pour se rendre sur le site d'[Localité 2] était sensiblement plus long car elle était obligée d'effectuer, sur les onze semaines de remplacement, un supplément de distance cumulée de 300 kilomètres dans la mesure où elle devait emprunter un itinéraire différent en raison des embouteillages quotidiens et elle versait aux débats un document établissant le détail de ces trajets ; qu'en jugeant que « le temps de trajet entre Libercourt et Armentières n'est en moyenne que de quarante minutes ce qui, dans l'agglomération de Lille et sa région, ne constitue pas un temps de déplacement anormal », sans analyser ce document ni répondre au moyen développé Mme [I] dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Aldi marché [Localité 3], demanderesse au pourvoi incident PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Aldi Marché [Localité 3] fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] la somme de 539,96 euros au titre des salaires outre 53,99 euros à titre d'indemnité de congés payés et la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ALORS QU'en vertu de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, sauf à ce que la nature de ses fonctions implique qu'il soit à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique lors de l'absence occasionnelle de celui-ci, le salarié qui se voit confier, pendant au moins 4 semaines consécutives, la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au sien bénéficie, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que pour l'attribution de ce niveau de salaire, qui ne débute qu'à compter de la cinquième semaine, n'est pas en pris en compte le temps passé par le salarié à exercer les fonctions litigieuses pendant les quatre premières semaines, cette période constituant un délai de carence ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Aldi Marché [Localité 3] fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, 1°) ALORS QUE les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier, serait-ce sur le fondement de la résistance abusive, des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; qu'en retenant, pour allouer à la salariée des dommages et intérêts pour résistance abusive, qu'elle avait subi un préjudice moral et financier « du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues », sans caractériser que cette situation était imputable à la mauvaise foi de l'employeur et qu'il en était résulté pour la salariée un préjudice distinct dudit retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153, devenu 1231-6, du code civil ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE l'exercice du droit de se défendre en justice, qui inclut celui de s'opposer aux demandes adverses avant l'action en justice, ne peut ouvrir droit à des dommages-intérêts que pour autant qu'il dégénère en abus ; qu'en octroyant à la salariée des dommages et intérêts pour résistance abusive, après avoir seulement relevé que l'employeur faisait une interprétation de l'article 4.4.3 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire qu'elle a jugée erronée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un quelconque abus de l'employeur dans la mise en oeuvre des dispositions conventionnelles litigieuses, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1385 FS-B Pourvoi n° Z 21-15.585 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Eiffage énergie systèmes - Ile de France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-15.585 contre le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la fédération générale Force Ouvrière construction, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [M], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Eiffage énergie systèmes - Ile de France, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Berard, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 13 avril 2021), la société Eiffage énergie systèmes - régions France constitue avec ses filiales l'unité économique et sociale Eiffage Energie (l'UES) reconnue par un jugement du tribunal d'instance d'Aulnay-sous-bois en date du 12 octobre 1993. 2. Le 12 février 2019, l'UES et les organisations syndicales représentatives ont conclu un accord sur le dialogue social et le droit syndical qui définit notamment le périmètre de mise en place des comités sociaux et économiques. Cet accord prévoit que la société Eiffage énergie systèmes - Ile de France (la société Eiffage IDF) et la société Eiffage énergie systèmes automatisme et robotique sont regroupées en trois établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques, à savoir l'établissement ''IDF – Industrie + Eiffage énergie systèmes automatisme et robotique'', l'établissement ''IDF – Infrastructures'' et l'établissement ''IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale''. 3. Cet accord définit également le périmètre de désignation des délégués syndicaux, qui sont désignés au niveau de l'UES et au niveau des établissements distincts. Il prévoit, par exception, en ce qui concerne les sociétés Eiffage IDF et Eiffage énergie systèmes automatisme et robotique, que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts. 4. A l'issue du premier tour des élections des membres des comités sociaux et économiques, qui se sont déroulées du 7 au 13 novembre 2020, M. [M], salarié de la société Eiffage IDF, a été élu en qualité de membre suppléant dans le deuxième collège de l'établissement IDF ''Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale''. 5. La fédération générale Force Ouvrière construction (FGFO construction), qui a recueilli 12,66 % des suffrages exprimés dans cet établissement, a notifié à la société Eiffage IDF, par lettre du 16 décembre 2020, la désignation de M. [M] en qualité de délégué syndical de la filiale Eiffage IDF. 6. Par requête du 29 décembre 2020, la société Eiffage IDF a contesté cette désignation. Recevabilité du mémoire en défense examinée d'office Vu l'article 1006 du code de procédure civile : 7. Le mémoire en défense, qui n'a pas été notifié au demandeur au pourvoi, est irrecevable. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 8. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande en annulation de la désignation en date du 16 décembre 2020 de M. [M] en qualité de délégué syndical de la filiale Eiffage IDF par la FGFO construction, alors : « 1°/ que les organisations syndicales ne peuvent procéder aux désignations de délégués syndicaux ou représentants syndicaux légalement ou conventionnellement prévues que si elles sont représentatives dans l'entreprise ou l'établissement dans lesquels ces désignations doivent prendre effet ; qu'il résulte de l'article 7.1 de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 qu' ''en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, regroupés en 3 établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement, définis en annexe au présent accord (IDF – Industrie + Automatisme et robotique, IDF – Infrastructures et IDF – Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts'' ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour juger que la désignation de M. [M] en qualité de délégué syndical de la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France était valable, que ''le syndicat ayant recueilli 12,66 % des suffrages exprimés aux élections du CSE IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale est représentatif'', sans constater que le syndicat FGFO Construction était représentatif au niveau de la société Eiffage Energie Systèmes – Ile-de-France, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2121-1 du code du travail, ensemble l'accord susvisé ; 2°/ qu'il résulte de l'article 7.1 de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 qu' ''en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, regroupés en 3 établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement, définis en annexe au présent accord (IDF – Industrie + Automatisme et robotique, IDF – Infrastructures et IDF – Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts'' ; que la représentativité d'un syndicat pour la désignation d'un délégué syndical au niveau des sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique regroupées en trois établissements distincts doit en conséquence s'apprécier par rapport à l'ensemble du personnel de ces sociétés ; qu'en jugeant valable la désignation de M. [M] par la FGFO Construction en qualité de délégué syndical de la société filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France, aux motifs inopérants que ''s'il fallait, comme le prétend l'employeur, déterminer la représentativité au sein de la société elle-même, cette mesure s'avérerait impossible de fait qu'en raison du regroupement de deux sociétés distinctes en trois établissements pour la mise en place du CSE, l'addition des suffrages recueillis par les syndicats lors du premier tour des élections de chacun des CSE déterminerait la représentativité non au sein de chacune des sociétés considérées séparément mais au sein des deux prises comme unité'' et qu' ''ainsi, la seule représentativité qui puisse être déterminée à partir des suffrages recueillis est en l'espèce sur le seul périmètre de chacun des établissements'', quand, en vertu des accords applicables, la représentativité devait s'apprécier au niveau du périmètre de la société, sur la base de l'audience obtenue en consolidant les résultats des trois CSE de la filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et de la filiale Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, le tribunal judiciaire a encore violé l'article L. 2121-1 du code du travail, ensemble l'accord susvisé. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2143-3, L. 2121-1, L. 2122-1 du code du travail et l'article 7.1 de l'accord collectif sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 : 9. Aux termes du premier des textes susvisés, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33. La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs. Elle peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. 10. Selon l'article L. 2121-1 du même code, la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après des critères cumulatifs dont l'audience établie selon les niveaux de négociation. 11. Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. 12. L'article 7.1 de l'accord collectif sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES prévoit que ''les parties rappellent qu'en ce qui concerne la société Eiffage Energie Systèmes Ile de France, les éléments de statuts sociaux (temps de travail, etc.) sont définis dans un accord conclu au niveau de cette société, et conviennent que toute évolution de ces statuts ne pourra intervenir qu'à ce seul niveau, et en aucun cas au niveau des établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement''. Le même article 7.1 précise que ''par exception, en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile de France et Eiffage Energie Systèmes Automatismes et Robotique, regroupées en trois établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement (...), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts''. 13. Il en résulte que, lorsque la désignation d'un délégué syndical s'effectue au niveau d'une personne morale regroupant en partie trois établissements distincts au sens du comité social et économique d'établissement, le seuil de 10 % fixé par l'article L. 2121-1 du code du travail se calcule en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein de ces différents établissements. 14. En effet, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation, dans une situation similaire, il a été jugé que, sauf dispositions légales particulières, la représentativité des organisations syndicales au sein des sociétés composant une unité économique et sociale où a été institué, pour l'élection des représentants du personnel, un collège électoral unique incluant des salariés de droit privé et des fonctionnaires, doit être appréciée au regard de la totalité des suffrages exprimés par l'ensemble des électeurs composant ce collège (Avis, 2 juillet 2012, demande n° 12-00.009, Bull. 2012, Avis, n° 6 ; Soc., 26 juin 2013, pourvoi n° 12-26.308, Bull. 2013, V, n° 174). 15. Pour rejeter la demande d'annulation de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical au niveau de la société Eiffage IDF, le tribunal retient que les syndicats ayant recueilli 10 % des suffrages exprimés dans l'un quelconque des établissements concernés peuvent valablement désigner un délégué syndical au niveau de la société et que le syndicat FO avait recueilli 12,66 % des suffrages exprimés aux élections du comité social et économique ‘'IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale''. 16. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : DECLARE irrecevable le mémoire en défense ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 avril 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bobigny ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage énergie systèmes - Ile de France Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France de sa demande d'annulation de la désignation e date du 16 décembre 2020 de M. [M] en qualité de délégué syndical de la filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France par la FGFO Construction ; AUX MOTIFS QUE selon l'accord sur le dialogue social et le droit syndical conclu le 12 février 2019 au sein de l'unité économique et sociale Eiffage Energie, les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique ont été regroupées en 3 établissements distincts pour la mise en place du CSE et il a été convenu que pour ces deux sociétés, la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra sur le périmètre des sociétés et non au niveau des établissements distincts ; selon l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement [?] désigne parmi les candidats qui ont recueilli à titre personnel au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE, un ou plusieurs délégués syndicaux ; selon l'article L. 2122-1 du code du travail, sont représentatifs les syndicats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE ; or l'accord du 12 février 2019 (article 7.1) prévoit expressément que, en ce qui concerne la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France, la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra sur le périmètre de la société, et non au niveau des établissements ; l'expression délégué syndical d'établissement manifeste clairement qu'il s'agit du délégué pouvant normalement être désigné sur chacun des établissements distincts en fonction des résultats propres et à cet établissement, qui sera désigné au niveau de la société ; il s'ensuit que les syndicats ayant recueilli 10 % des suffrages exprimés dans l'un quelconque des établissements concernés peuvent valablement désigner un délégué syndical au niveau de la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France ; au demeurant, s'il fallait, comme le prétend l'employeur, déterminer la représentativité au sein de la société elle-même, cette mesure s'avérerait impossible de fait qu'en raison du regroupement de deux sociétés distinctes en trois établissements pour la mise en place du CSE, l'addition des suffrages recueillis par les syndicats lors du premier tour des élections de chacun des CSE déterminerait la représentativité non au sein de chacune des sociétés considérées séparément mais au sein des deux prises comme unité ; ainsi, la seule représentativité qui puisse être déterminée à partir des suffrages recueillis est en l'espèce sur le seul périmètre de chacun des établissements ; dès lors, le syndicat ayant recueilli 12,66 % des suffrages exprimés aux élections du CSE IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale est représentatif ; il est constant que M. [M] en qualité de délégué syndical de la filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France par la FGFO Construction est donc valable ; 1) ALORS QUE les organisations syndicales ne peuvent procéder aux désignations de délégués syndicaux ou représentants syndicaux légalement ou conventionnellement prévues que si elles sont représentatives dans l'entreprise ou l'établissement dans lesquels ces désignations doivent prendre effet ; qu'il résulte de l'article 7.1 de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 qu' « en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, regroupés en 3 établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement, définis en annexe au présent accord (IDF – Industrie + Automatisme et robotique, IDF – Infrastructures et IDF – Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts » ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour juger que la désignation de M. [M] en qualité de délégué syndical de la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France était valable, que « le syndicat ayant recueilli 12,66 % des suffrages exprimés aux élections du CSE IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale est représentatif », sans constater que le syndicat FGFO Construction était représentatif au niveau de la société Eiffage Energie Systèmes – Ile-de-France, le tribunal judiciaire a violé l'article L 2121-1 du code du travail, ensemble l'accord susvisé ; 2) ALORS QU'il résulte de l'article 7.1 de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 qu' « en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, regroupés en 3 établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement, définis en annexe au présent accord (IDF – Industrie + Automatisme et robotique, IDF – Infrastructures et IDF – Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts » ; que la représentativité d'un syndicat pour la désignation d'un délégué syndical au niveau des sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique regroupées en trois établissements distincts doit en conséquence s'apprécier par rapport à l'ensemble du personnel de ces sociétés ; qu'en jugeant valable la désignation de M. [M] par la FGFO Construction en qualité de délégué syndical de la société filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France, aux motifs inopérants que « s'il fallait, comme le prétend l'employeur, déterminer la représentativité au sein de la société elle-même, cette mesure s'avérerait impossible de fait qu'en raison du regroupement de deux sociétés distinctes en trois établissements pour la mise en place du CSE, l'addition des suffrages recueillis par les syndicats lors du premier tour des élections de chacun des CSE déterminerait la représentativité non au sein de chacune des sociétés considérées séparément mais au sein des deux prises comme unité » et qu' « ainsi, la seule représentativité qui puisse être déterminée à partir des suffrages recueillis est en l'espèce sur le seul périmètre de chacun des établissements », quand, en vertu des accords applicables, la représentativité devait s'apprécier au niveau du périmètre de la société, sur la base de l'audience obtenue en consolidant les résultats des trois CSE de la filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et de la filiale Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, le tribunal judiciaire a encore violé l'article L. 2121-1 du code du travail, ensemble l'accord susvisé ; 3) ALORS QUE pour désigner un délégué syndical appelé à intervenir dans un périmètre dépassant l'établissement, un syndicat doit être représentatif dans ce périmètre de désignation et pas seulement dans certains établissements ; qu'il résulte de l'article 7.1 de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 qu' « en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, regroupés en 3 établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement, définis en annexe au présent accord (IDF – Industrie + Automatisme et robotique, IDF – Infrastructures et IDF – Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts » ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour débouter la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France de sa demande d'annulation de la désignation de M. [M] en qualité de délégué syndical de la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France, « que les syndicats ayant recueilli 10 % des suffrages exprimés dans l'un quelconque des établissements concernés peuvent valablement désigner un délégué syndical au niveau de la société Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France » et que « le syndicat ayant recueilli 12,66 % des suffrages exprimés aux élections du CSE IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale est représentatif », quand la représentativité de la FGFO Construction au niveau de l'établissement Ile-de-France – Tertiaire, Projets complexes et Direction régionale ne suffisait pas pour qu'elle puisse valablement désigner un délégué syndical au niveau de la société filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France, le tribunal judicaire a violé l'article L. 2121-1 du code du travail, ensemble l'accord susvisé ; 4) ALORS enfin QUE lorsque sont mis en place des comités d'établissement, seuls peuvent désigner un délégué syndical au sein du périmètre couvert par l'un des comités les syndicats qui ont obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires de ce comité et que ni un accord collectif ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent avoir pour effet de modifier ce périmètre légal d'appréciation de la représentativité syndicale ; qu'il résulte de l'article 7.1 de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical au sein de l'UES Eiffage Energie du 12 février 2019 qu'« en ce qui concerne les sociétés Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France et Eiffage Energie Systèmes Automatisme et Robotique, regroupés en 3 établissements distincts servant à la mise en place des CSE d'établissement, définis en annexe au présent accord (IDF – Industrie + Automatisme et robotique, IDF – Infrastructures et IDF – Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale), il est convenu entre les parties que la désignation du délégué syndical d'établissement interviendra (en fonction des conditions d'effectifs) sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts » ; qu'en l'espèce, en jugeant valable la désignation de M. [M] en qualité de délégué syndical de la société filiale Eiffage Energie Systèmes Ile-de-France par la FGFO Construction, aux motifs que ce syndicat avait recueilli 12,66 % des suffrages exprimés aux élections du CSE IDF Tertiaire + Projets complexes + Direction régionale et qu'en référence à l'accord du 12 février 2019, « l'expression délégué syndical d'établissement manifeste clairement qu'il s'agit du délégué pouvant normalement être désigné sur chacun des établissements distincts, en fonction des résultats propres à l'établissement qui sera désigné au niveau de la société », le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2122-1, L. 2143-3 et L. 2143-5 du code du travail, ensemble l'accord du 12 février 2019.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1411 FS-B Pourvoi n° C 21-16.623 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [N]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 18 mars 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [Y] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.623 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre de biologie médicale de Grande Terre, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Synergibio, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de société centre de biologie médicale de Grande Terre, défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [N], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Synergibio, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole et Flores, Mmes Lecaplain-Morel et Deltort, conseillers, Mmes Ala et Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [N] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Centre de biologie médicale de Grande Terre. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 25 novembre 2019), M. [N] a été engagé à compter du 2 mai 1997 par la société Centre de biologie médicale de Grande Terre, aux droits de laquelle se trouve la société Synergibio, en qualité de coursier, suivant contrat de travail à temps partiel. 3. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat le 11 mai 2017. 4. Il a saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période antérieure au 1er octobre 2015, de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission et de le débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires, en ce que celui-ci excédait la somme de 1 521 euros, outre congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, qui est applicable à l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, qu'il appert que la date du 13 juillet 2014 correspondait à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche, quand elle relevait que le contrat de travail de M. [Y] [N] avait été rompu le 11 mai 2017 et quand il en résultait que la demande de M. [Y] [N] portant sur la période postérieure au 11 mai 2014 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 : 6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail. 7. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. 8. Il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. 9. Pour dire l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, l'arrêt relève que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 d'une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et que le contrat de travail a été rompu, du fait de la prise d'acte de la rupture, le 11 mai 2017. Il retient que la date du 13 juillet 2014 correspond à la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 13 juillet 2017 et qu'il sollicitait un rappel de salaire pour la période de mai 2014 à mai 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission et débouté M. [N] de ses demandes en paiement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts en réparation de l'importance de l'abus, et en ce qu'il dit que la demande de requalification du contrat de travail est prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, déboute M. [N] de sa demande de requalification du contrat de travail pour la période antérieure au 1er octobre 2015, limite la condamnation de la société Centre de biologie médicale de Grande Terre, aux droits de laquelle se trouve la société Synergibio, à la somme de 1 521 euros à titre de rappel de salaires, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens, l'arrêt rendu le 25 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ; Condamne la société Synergibio aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Synergibio et la condamne à payer à la SCP Yves et Blaise CAPRON la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. [N] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Y] [N] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, D'AVOIR débouté M. [Y] [N] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période antérieure au 1er octobre 2015, D'AVOIR jugé que la rupture du contrat de travail de M. [Y] [N] s'analysait en une démission et D'AVOIR débouté M. [Y] [N] de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et tendant à la condamnation de la société Centre de biologie médicale de Grande Terre, aux droits de laquelle est venue la société Synergibio, à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires, en ce que celui-ci excédait la somme de 1 521 euros, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE, de première part, aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, qui est applicable à l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, qu'il appert que la date du 13 juillet 2014 correspondait à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche, sans expliquer en quoi et pour quelles raisons la date du 13 juillet 2014 aurait correspondu à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche, la cour d'appel s'est prononcée par voie de simple affirmation et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail ; ALORS QUE, de seconde part, aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, qui est applicable à l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, qu'il appert que la date du 13 juillet 2014 correspondait à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de sa démarche, quand elle relevait que le contrat de travail de M. [Y] [N] avait été rompu le 11 mai 2017 et quand il en résultait que la demande de M. [Y] [N] portant sur la période postérieure au 11 mai 2014 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [Y] [N] fait grief à l'arrêt, sur ce point, confirmatif attaqué D'AVOIR jugé que la rupture du contrat de travail de M. [Y] [N] s'analysait en une démission et D'AVOIR débouté M. [Y] [N] de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et tendant à la condamnation de la société Centre de biologie médicale de Grande Terre, aux droits de laquelle est venue la société Synergibio, à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est fondée, et, donc, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si le ou les manquements de l'employeur à ses obligations sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à prendre en considération, pour retenir que la prise d'acte par M. [Y] [N] de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'une démission, le manquement de son employeur ayant consisté à n'avoir pas procédé à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, sans examiner le manquement de l'employeur, qui en était le corollaire, tenant à l'absence de paiement intégral de la rémunération due à M. [Y] [N] qu'elle constatait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1352 F-B Pourvoi n° A 21-18.139 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ Mme [O] [K], 2°/ Mme [P] [K], 3°/ Mme [R] [K], domiciliées toutes trois [Adresse 1] et agissant en qualité d'ayants droit de [E] [K], décédé, ont formé le pourvoi n° A 21-18.139 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige les opposant à la société Atos intégration, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des consorts [K] ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Atos intégration, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 avril 2021), M. [K] a été engagé, le 27 mars 2000, par la société Atos intégration infogérance, en qualité d'ingénieur d'études. 2. Au dernier état de la relation de travail, le salarié était chef de projet et, à compter du 1er juillet 2013, son contrat était transféré à la société Atos intégration. Selon un avenant du 12 novembre 2013, dans le cadre du télétravail, il travaillait deux jours par semaine sur site et trois jours à domicile. 3. Le 4 mars 2014, M. [K] s'est donné la mort sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail. 4. Le 16 juin 2016, les ayants droit du salarié, ont saisi la juridiction prud'homale en paiement des heures supplémentaires non rémunérées, de dommages-intérêts pour violation du droit au repos et pour violation du droit à la vie privée et familiale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Les ayants droit du salarié font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de condamnation de l'employeur à leur payer certaines sommes à titre de rappel d' heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, alors : « 1° / que, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour les débouter de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ; 2°) qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en retenant, pour les débouter de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, après avoir pourtant constaté d'une part, que Mmes [K] avaient produit le rapport de l'inspection du travail donnant les heures début et de fin de travail de M. [K] et faisant état d'une amplitude journalière de travail considérable et quasi-permanente, un décompte des heures de travail effectuées sur la période allant de juin 2011 à février 2014 ainsi qu'un ensemble de pièces et notamment, le dossier relatif au suicide de M. [K], l'enquête du CHSCT, et diverses attestations démontrant de manière concordante, précise et circonstanciée que M. [K] travaillait en permanence bien au-delà de la durée légale du temps de travail et d'autre part, que la Société Atos intégration, qui était tenue d'assurer le contrôle du temps de travail de son salarié, ne produisait aucun élément de nature à établir les heures effectivement réalisées par M. [K], la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a derechef violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail.» Réponse de la Cour Vu l'article L. 3171-4 du code du travail : 6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. 7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. 9. Pour rejeter la demande des ayants droit du salarié en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt, après avoir relevé que les intéressés produisent un tableau de décompte des temps de travail du salarié de juin 2011 jusqu'à 2014, le rapport de l'inspection du travail qui donne ses heures de début et de fin de travail sur quelques jours non consécutifs sur les années 2013 et 2014, des relevés de mails adressés par le salarié entre septembre 2013 et mars 2014 et diverses attestations, retient que les attestations produites sont insuffisantes pour connaître les horaires de travail du salarié, que l'indication de ce que ce dernier travaillait beaucoup ne peut y répondre. 10. Il relève que les indications portées par l'inspection du travail donnent quelques exemples disséminés, que l'envoi de mails ne démontre pas que le salarié a travaillé en temps continu et que le tableau du décompte de temps de travail se contente d'affirmer semaine après semaine que le salarié travaillait systématiquement 56.25 heures sauf les semaines où il prenait un jour de congé ou de RTT sans mentionner les horaires accomplis et ne dresse qu'une moyenne quotidienne de 11h15 après avoir soustrait une pause-déjeuner et il relève que ce tableau ne mentionne pas la prise de vacances sur les années 2011 et 2012 contrairement à 2013. 11. L'arrêt en déduit que ces pièces ne contiennent pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié aurait accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que les ayants droit du salarié présentaient des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur les seuls ayants droit du salarié, a violé le texte susvisé. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 13. Les ayants droit du salarié font grief à l'arrêt attaqué, de les débouter de leur demande de condamnation de l'employeur à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos, alors : « qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés et périodes de repos par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et au repos, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'il s'ensuit qu'en matière de repos hebdomadaire, c'est à l'employeur d'établir qu'il a rempli ses obligations ; qu'en retenant, pour débouter Mmes [K] de leur demande relative à la violation du droit au repos de M. [K] que celles-ci ne justifiaient pas de la violation reprochée, la cour d'appel a violé les articles L 3131-1 et L. 3132-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3131-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1315, devenu 1353, du code civil : 14. Aux termes du premier de ces textes, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives. 15. Selon le second, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 16. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur. 17. Pour débouter les ayants droit du salarié de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du droit au repos du salarié, l'arrêt retient qu'il résulte des éléments produits que si le salarié travaillait « beaucoup », il n'est pas démontré la violation par l'employeur de la législation sur le droit au repos, alors que le salarié effectuait deux jours en télétravail à son domicile et conservait une liberté d'organisation de son temps de travail en fonction de ses déplacements. Il ajoute que l'amplitude horaire entre le premier mail envoyé par le salarié et le dernier, sans en connaître d'ailleurs la teneur pour savoir s'il correspondait à un travail effectif de sa part, ne permet pas d'affirmer que le salarié était en permanence à son poste de travail et qu'il ne bénéficiait pas normalement de ses repos quotidiens. Il en déduit que les ayants droit du salarié ne justifient pas de la violation reprochée. 18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 19. Les ayants droit du salarié font grief à l'arrêt attaqué, de les débouter de leur demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale, alors « que la censure qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société Atos Intégration à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 20. La cassation prononcée sur les premier et deuxième moyens entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif rejetant la demande des ayants droit du salarié au paiement de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale du salarié, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à production de pièces et juge non prescrites les demandes salariales de Mmes [K] à compter du 15 juin 2011, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Atos intégration aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Atos intégration et la condamne à payer à Mmes [O] [K], [P] [K] et [R] [K] ès qualités la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les consorts [K], ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION Mesdames [O], [P] et [R] [K] font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de les AVOIR déboutées de leurs demandes tendant à ce que la Société ATOS INTEGRATION soit condamnée à leur verser les sommes de 122 890 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, de 12 289 euros à titre de congés payés afférents et de 57 259 euros au titre de l'indemnité légale pour travail dissimulé ; 1) ALORS QUE, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour débouter Mmes [K] de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ; 2) ALORS AU SURPLUS QUE, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter Mmes [K] de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, après avoir pourtant constaté d'une part, que Mmes [K] avaient produit le rapport de l'inspection du travail donnant les heures début et de fin de travail de M. [K] et faisant état d'une amplitude journalière de travail considérable et quasi-permanente, un décompte des heures de travail effectuées sur la période allant de juin 2011 à février 2014 ainsi que tout un ensemble de pièces et notamment, le dossier relatif au suicide de M. [K], l'enquête du CHSCT, et diverses attestations démontrant de manière concordante, précise et circonstanciée que M. [K] travaillait en permanence bien au-delà de la durée légale du temps de travail et d'autre part, que la Société ATOS INTEGRATION, qui était tenue d'assurer le contrôle du temps de travail de son salarié, ne produisait aucun élément de nature à établir les heures effectivement réalisées par M. [K], la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a derechef violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mesdames [O], [P] et [R] [K] font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de les AVOIR déboutées de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société ATOS INTEGRATION à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit au repos ; 1) ALORS QUE, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mmes [K] de leur demande tendant à ce que la Société ATOS INTEGRATION soit condamnée à leur verser la somme de 34 000 euros pour violation du droit au repos ; 2) ALORS AU SURPLUS QUE, eu égard à la finalité qu'assigne aux congés et périodes de repos par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et au repos, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'il s'ensuit qu'en matière de repos hebdomadaire, c'est à l'employeur d'établir qu'il a rempli ses obligations ; qu'en retenant, pour débouter Mmes [K] de leur demande relative à la violation du droit au repos de M. [K] que celles-ci ne justifiaient pas de la violation reprochée, la cour d'appel a violé les articles L3131-1 et L.3132-1 du code du travail ; 3) ALORS EN OUTRE QUE, la méconnaissance des règles du repos quotidien et hebdomadaire génère pour les salariés un trouble dans leur vie personnelle et peut engendrer des risques pour leur santé et leur sécurité ; qu'en retenant encore, pour débouter Mmes [K] de leur demande, qu'elles ne précisent nullement le préjudice dont elles demandent réparation, après avoir pourtant constaté que M. [K] s'était donné la mort après avoir indiqué la veille à son psychiatre qu'il était épuisé par son travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé les articles L3131-1 et L.3132-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ; 4) ALORS ENCORE QUE, en affirmant que Mmes [K] ne précisent nullement le préjudice dont elles demandent réparation, cependant que, dans leurs écritures, elles avaient rappelé que la méconnaissance du droit du repos de M. [K] avait conduit à son épuisement, ce qui avait été constaté par son médecin psychiatre et ensuite, à son suicide, la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de Mmes [K], a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mesdames [O], [P] et [R] [K] font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef de les AVOIR déboutées de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société ATOS INTEGRATION à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale ; 1) ALORS QUE, la censure qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mmes [K] de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société ATOS INTEGRATION à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale ; 2) ALORS EN OUTRE QUE, en affirmant que Mmes [K] ne précisent nullement le préjudice dont elles demandent réparation cependant que, dans leurs écritures et pièces à l'appui, elles avaient établi que l'amplitude de travail de M. [K] était tel qu'il ne pouvait jouir normalement de sa vie de famille, la semaine, comme les weekend et jours fériés, la cour d'appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit ; 3) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que M. [K] ne s'était jamais plaint personnellement de sa capacité à jouir normalement de sa vie de famille, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; 4) ALORS QUE, dans leurs écritures et pièces à l'appui, Mmes [K] avaient établi que la charge de travail de M. [K] était telle qu'il ne voyait que rarement son épouse et ses filles, partait tôt le matin et rentrait tard le soir et devait continuer à travailler les week-ends et lors de ses jours de repos, la cour d'appel qui n'a pas examiné ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5) ALORS ENFIN QUE, en affirmant que les attestations de Mmes [K] ne pouvaient être retenues car nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, cependant qu'en matière prud'homale, la preuve est libre, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur, ensemble l'article L.1221-1 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 20-86.216 F- B 29 NOVEMBRE 2022 NON LIEU À RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [W] [E] a présenté, par mémoire spécial reçu le 8 septembre 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formé par lui et le procureur général près la cour d'appel d'Angers contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 4 novembre 2020, qui a refusé sa remise aux autorités judiciaires italiennes en exécution d'un mandat d'arrêt européen pour une partie des faits et ordonné, pour le surplus, un supplément d'information. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W] [E], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mmes Ménotti, Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 695-23 du code de procédure pénale méconnaissent-elles le principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel la remise d'un individu à un Etat étranger pour les besoins de la coopération internationale en matière pénale ne peut avoir lieu que dans le respect de la règle de la double incrimination, ainsi que le droit à la sûreté et le principe de la garantie des droits prévus par les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont découle cette exigence d'une double d'incrimination, en ce qu'elles prévoient, en application de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne du 14 juillet 2022 (aff. C-168/21) et alors que le principe précité d'exigence de double incrimination est inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne peut être refusée même lorsque l'infraction visée par ce mandat nécessite pour être constituée que les faits portent atteinte à un intérêt juridique protégé qui n'est pas un élément constitutif de l'infraction figurant au sein de la législation française susceptible d'être appliquée auxdits faits, à l'instar d'un mandat d'arrêt émis pour l'exécution d'une condamnation à une peine de dix ans d'emprisonnement au titre du délit de dévastation et pillage prévu par la législation italienne pour des faits supposant une atteinte à la paix publique, élément constitutif qui n'est pas exigé pour l'infraction de vol avec destruction, dégradation ou détérioration seule applicable, au sein de la législation française, aux faits ayant donné lieu à cette condamnation ? ». 2. Il résulte des dispositions de l'article 574-2, alinéa 2, du code de procédure pénale que le mémoire exposant les moyens de cassation contre un arrêt de chambre de l'instruction statuant en matière de mandat d'arrêt européen doit être déposé dans le délai de cinq jours à compter de la réception du dossier à la Cour de cassation. En application de l'alinéa 3 de ce même texte, après l'expiration de ce délai, aucun moyen nouveau ne peut être soulevé par le demandeur et il ne peut plus être déposé de mémoire. Il en va de même du mémoire distinct et motivé soulevant la question prioritaire de constitutionnalité prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. 3. Il s'ensuit que lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est soulevée dans un mémoire additionnel déposé postérieurement au délai susvisé, elle est en principe irrecevable, sauf à ce que le mémoire la soulevant ne contienne des éléments dont la méconnaissance aurait mis le demandeur dans l'impossibilité de soulever ladite question dans le délai ci-dessus exposé. 4. Tel est le cas en l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la condition de double incrimination, posée à l'article 695-23 du code de procédure pénale, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt en date du 14 juillet 2022, rendu sur question préjudicielle de la Cour de cassation dans le présent pourvoi (CJUE, arrêt du 14 juillet 2022, [W] [E], C-168/21). 5. Il s'en déduit que ladite question est, dès lors, recevable. 6. La disposition législative contestée, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 7. Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France ne peut être invoqué pour contester la conformité à la Constitution de dispositions législatives transposant la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009. 8. En effet, le Conseil constitutionnel énonce que, par les dispositions particulières de l'article 88-2 de la Constitution, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne. Par suite, saisi de telles dispositions, il lui appartient de contrôler la conformité à la Constitution des seules dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable (Cons. const., 22 avril 2022, décision n° 2022-989 QPC). 9. Selon l'article 695-23, alinéa 1er, du code de procédure pénale, dans sa version critiquée, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée si le fait faisant l'objet dudit mandat d'arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi française. 10. Ces dispositions transposent en droit français les articles 2, paragraphe 4, et l'article 4, point 1, de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. 11. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'interprétation de la notion de « double incrimination » par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt précité du 14 juillet 2022. 12. Dans cet arrêt, la CJUE a dit pour droit que les articles 2, paragraphe 4, et 4, point 1, précités de la décision cadre 2002/584/JAI doivent être interprétés en ce sens que la condition de la double incrimination du fait, prévue à ces dispositions, est satisfaite dans la situation où un mandat d'arrêt européen est émis aux fins de l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée pour des faits qui relèvent, dans l'État membre d'émission, d'une infraction nécessitant que ces faits portent atteinte à un intérêt juridique protégé dans cet État membre, lorsque de tels faits font également l'objet d'une infraction pénale au regard du droit de l'État membre d'exécution pour laquelle l'atteinte à cet intérêt juridique protégé n'est pas un élément constitutif. 13. Il s'en déduit que les dispositions de l'article 695-23 du code de procédure pénale, en ce qu'elles posent la condition de double incrimination dont l'interprétation résulte nécessairement de l'arrêt précité, ne procèdent pas de l'exercice par le législateur de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne dans sa rédaction alors applicable. 14. Dès lors, le Conseil constitutionnel s'interdisant de contrôler la conformité à la Constitution des dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen qui ne mettent pas en oeuvre la marge d'appréciation précitée, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux. CJUE, arrêt du 14 juillet 2022, Vincenzo Vecchi, C-168/21 ;Cons. const., 22 avril 2022, décision n° 2022-989 QPC, M. Alexander V. [Recours contre la condition de renvoi vers l'État membre d'exécution d'un mandat d'arrêt européen].
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° D 22-82.615 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [L] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 avril 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment et refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une information a été ouverte par réquisitoire introductif du 31 mai 2021. 3. A cette même date, le procureur de la République, au visa de l'article 80-5 du code de procédure pénale, a autorisé les enquêteurs à poursuivre une mesure de géolocalisation de véhicule et à maintenir en place un dispositif de captation d'images. 4. M. [L] [Z] a été mis en examen des chefs susvisés le 4 juin 2021. 5. Le 3 novembre 2021, la chambre de l'instruction a été saisie de deux requêtes en annulation d'actes de la procédure, dont l'une présentée pour M. [Z]. Examen des moyens Sur les premier et quatrième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif, alors qu'en jugeant, pour contourner l'absence d'indication de l'heure sur cet acte, que le point de départ du délai de quarante-huit heures est fixé au lendemain du réquisitoire introductif, pour s'achever quarante-huit heures plus tard à 24 heures, la chambre de l'instruction a violé l'article 80-5 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour 8. Pour rejeter le grief de la nullité du réquisitoire introductif, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'absence d'un texte exigeant l'horodatage de cet acte, seule la date du réquisitoire introductif est exigée à peine de nullité. 9. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 10. Le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la mesure de géolocalisation, alors qu'en l'espèce, les opérations de géolocalisation se sont poursuivies jusqu'au 2 juin 2021 à 10 heures 48 et qu'après le retrait de la balise du véhicule, celle-ci est restée active jusqu'à 15 heures 49 et 45 secondes ; qu'en ne recherchant pas si la défense était en mesure de déterminer si le délai de quarante-huit heures, au-delà duquel la mesure de géolocalisation ne pouvait plus être réalisée qu'en exécution d'une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur, avait été respecté, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 81, 81-5, 151 et 152 du code de procédure pénale et le principe d'irrévocabilité de la saisine du juge d'instruction. Réponse de la Cour 12. C'est à tort que, pour écarter le grief pris de la poursuite irrégulière des investigations, la chambre de l'instruction a retenu que le délai de quarante-huit heures visé à l'article 80-5 du code de procédure pénale relevait du régime défini par l'article 801 de ce code et en a déduit que le point de départ de ce délai est fixé au jour du réquisitoire introductif, soit en l'espèce le 31 mai 2021, pour s'achever quarante-huit heures plus tard, soit le 2 juin à 24 heures. 13. En effet, ce délai, exprimé en heures, doit être calculé en heures, à compter de celle à laquelle le réquisitoire introductif a été établi. 14. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure, pour les motifs qui suivent. 15. D'une part, il se déduit de manière certaine des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que le réquisitoire introductif a été établi à 11 heures le 31 mai 2021, cette information figurant sur l'autorisation de poursuite des mesures en cours délivrée par le procureur de la République. 16. D'autre part, il ressort des pièces de cette même procédure qu'aucune des mesures dont le maintien avait été autorisé ne s'est poursuivie au-delà de l'expiration du délai de quarante-huit heures susvisé. 17. Ainsi, le moyen doit être rejeté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-81.088 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [N] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 19 janvier 2022, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [N] [Z], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 20 septembre 2016, les gendarmes, appelés pour des faits de violences, sont intervenus au sein du salon de tatouage [2] où ils ont été accueillis par M. [K] [E], lequel s'est révélé ne pas avoir été déclaré auprès de l'URSSAF par le gérant de l'établissement, M. [N] [Z]. 3. Une enquête pour travail dissimulé a été ouverte. 4. Au terme de celle-ci, M. [Z] a été convoqué devant le tribunal correctionnel de ce chef. 5. Par jugement contradictoire, en date du 29 mars 2018, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés. 6. Le ministère public a interjeté appel principal. M. [Z] a interjeté appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable, entre octobre 2014 et le 11 mai 2016 des faits poursuivis comme étant employeur de Mme [S], MM. [I] et [K], d'omettre intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche et s'être soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de quatre mois avec sursis et a ordonné la confiscation en valeur de la somme de 43 700 euros sur les comptes bancaires de M. [Z] ayant fait l'objet d'une autorisation de saisie par le juge des libertés et de la détention à concurrence de la somme de 80 689 euros, alors « que si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité au cours des débats par des conclusions écrites, elle doit spécialement motiver sa décision ; qu'en s'abstenant de répondre à la demande d'actes déposée par le conseil de Monsieur [Z] le 9 mars 2021 sollicitant un supplément d'information « afin de procéder à des auditions de la clientèle/témoin venant se faire percer ou tatouer dans les locaux de l'entreprise [2], au besoin en se référant à l'agenda placé sous scellés, lesdits locaux étant loués à la SCM [1] dont Monsieur [Z] dispose de l'intégralité des parts », étant essentiel de déterminer « si la clientèle était facturée par l'entreprise individuelle [2], à savoir Monsieur [N] [Z], ou bien par Madame [D] [S] et/ou Monsieur [X] [I] qui exerçaient en nom propre en qualité d'indépendants (piercings pour Madame [D] [S] et tatouage pour Monsieur [X] [I]), laquelle était déterminante pour la solution du litige, la cour d'appel a violé les articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale : 8. Selon ces textes, si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité avant le début de l'audience, par conclusions écrites adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, elle doit spécialement motiver sa décision. Cette exigence ne cesse pas même lorsque des conclusions, régulièrement déposées à l'audience, ne réitèrent pas expressément une telle demande d'actes. 9. En l'espèce, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de travail dissimulé. 10. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions écrites, adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé le 11 mars 2021, qui sollicitaient un supplément d'information aux fins d'audition de la clientèle ou de témoins, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 11. La cassation est dès lors encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les deuxième et troisième moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 19 janvier 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux. A rapprocher :Crim., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-81.980, Bull. crim. (2) (rejet), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-85.579 F-D 29 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 Mme [Y] [U] et M. [F] [T] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2021, qui, pour travail dissimulé, l'une et l'autre, et le second, en outre, pour infractions à la réglementation sur la pêche, les a condamnés chacun à 6 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [Y] [U] et de M. [F] [T], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [Y] [U] et son époux, M. [F] [T], sont co-gérants de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (ci-après EARL) le Routioutiou, immatriculée au registre du commerce et des sociétés en 2006, au titre d'une activité d'ostréiculture, qui relève du régime de la mutualité sociale agricole. 3. L'entreprise a développé, sur le site de l'exploitation, des prestations de dégustation. 4. À l'initiative de divers services, deux opérations de contrôle ont été opérées les 13 et 18 août 2017 sur les lieux dédiés à cette activité. 5. Mme [U] et M. [T] ont été poursuivis, le second pour infractions à la législation sur la pêche maritime, l'un et l'autre pour travail dissimulé par dissimulation de trois salariés et d'activité entre le 15 janvier 2014 et le 31 décembre 2017. 6. Par jugement en date du 25 novembre 2019, le tribunal correctionnel a prononcé des relaxes partielles et a déclaré les prévenus coupables de travail dissimulé, par dissimulation de deux salariés et d'activité, du 1er janvier au 31 décembre 2017. M. [T] a en outre été reconnu coupable d'infractions à la législation sur la pêche maritime. 7. Les premiers juges ont condamné Mme [U] et M. [T] à des peines d'amende, à la confiscation des biens saisis ou placés sous scellés et ont prononcé sur les intérêts civils. 8. Les prévenus, puis le procureur de la République, et l'URSSAF, ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, le quatrième moyen, pris en sa première branche, et le cinquième moyen 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupables Mme [U] et M. [T] de travail dissimulé par dissimulation d'activité, alors « que l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité n'est caractérisée que lorsque la déclaration aux fins d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est obligatoire ; qu'en énonçant par des motifs inopérants que l'activité de dégustation exercée par les prévenus aurait dû rester subsidiaire par rapport à leur activité de production et en se fondant sur des textes réglementaires et législatifs dont elle relevait elle-même le caractère indicatif (arrêt attaqué, p. 10), lorsque l'activité de dégustation est par essence une activité agricole de sorte qu'elle n'imposait aucune déclaration supplémentaire de la part des prévenus dont l'activité de production agricole était au demeurant régulièrement déclarée, la cour d'appel a méconnu les articles L. 311-1 du code rural et l'arrêté préfectoral de Gironde du 11 avril 2011 pris pour son application, les articles L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 11. Pour condamner Mme [U] et M. [T] du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité entre le 15 janvier 2014 et le 31 décembre 2017, l'arrêt attaqué énonce que les contrôles effectués ont mis en évidence la présence de salariés non déclarés dans les lieux dédiés à la dégustation. 12. Il précise que les achats d'alcool sont passés de 3 594 bouteilles en 2014 à 8 910 en 2017, que les sommes dépensées pour l'achat de denrées alimentaires ont varié, de 2014 à 2017, selon les années, entre 11 324,84 euros et 16 036,71 euros. 13. Les juges relèvent que l'établissement de restauration occupe une surface permettant de servir des clients sur onze tables en salle et vingt-six en terrasse, soit une capacité de deux cent vingt-deux couverts simultanément, et que des travaux d'aménagement de ces locaux ont été réalisés pour un montant global de 200 000 euros. 14. Ils observent qu'une centaine de poissons de mer ont été trouvés dans les chambres froides de l'établissement, dont une trentaine de bars pêchés par M. [T] dans des conditions et au moyen d'engins illégaux, que des achats de coquillages et d'huîtres ont été réalisés auprès de producteurs extérieurs et qu'il ressort des auditions de salariés et des mis en cause eux-mêmes qu'ils vendaient plus d'huîtres qu'ils n'en produisaient. 15. Ils énoncent que le chiffre d'affaires de l'entreprise, reconstitué par les enquêteurs, lié à la seule activité de restauration, est passé de 389 788,50 euros en 2014 à 929 560 euros en 2017, soit entre 61 % et 72 % du chiffre d'affaires global de la société, pourcentages qui n'ont pas été véritablement contestés à l'audience. 16. Les juges retiennent enfin que la comptable de la société a déclaré avoir mis en garde les co-gérants, oralement, puis par écrit, sur la nécessité de déclarer cette activité commerciale, qui était devenue principale, ce témoin concluant qu'il n'était pas possible en l'état de créer deux sociétés, en raison de l'utilisation du domaine public maritime, mais qu'il était impératif que l'activité de dégustation reprenne des proportions normales ou quitte ce domaine. 17. La cour d'appel constate enfin que l'activité de dégustation devait, au regard des textes parfaitement connus des prévenus, demeurer secondaire, dans le prolongement de l'activité principale de production, telle que définie par l'objet de leur entreprise, alors que cette activité de dégustation, entre 2014 et 2017, a été pourtant majoritaire. 18. Elle en déduit qu'au regard de l'article L. 8221-3 du code du travail, les co-gérants devaient obligatoirement faire les déclarations nécessaires au registre du commerce et des sociétés et les déclarations impératives des salariés auprès de I'URSSAF, toutes démarches qu'ils se sont volontairement abstenus de réaliser. 19. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité poursuivi, sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 20. En premier lieu, il se déduit de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime que seules sont réputées agricoles les activités de culture marine et les activités exercées par un aquaculteur qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. 21. En deuxième lieu, selon l'article L. 911-1 de ce même code, la conchyliculture est une forme d'aquaculture et cette activité d'exploitation comprend notamment le captage, l'élevage, la finition, la purification, l'entreposage, le conditionnement, l'expédition ou la première mise en marché des produits. 22. En troisième lieu, il se déduit des motifs susvisés de l'arrêt attaqué que les co-gérants de l'EARL [1], dont l'objet déclaré est l'ostréiculture, ont procédé à la revente habituelle, d'une part, de poissons de mer, d'autre part, d'huîtres et coquillages achetés auprès d'autres producteurs, activités qui ne peuvent être regardées comme ayant pour support leur exploitation. 23. En quatrième lieu, les prestations de restauration, ci-dessus décrites, compte tenu, d'une part, de l'importance des moyens qui leur ont été consacrés, d'autre part, de la fréquence et du montant des achats pour revendre qu'elles ont nécessités, dépourvus de tout lien avec l'activité de production, enfin, de leur prédominance sur celle-ci, d'un point de vue économique, ne peuvent être considérées comme le prolongement de l'activité de production ostréicole. 24. Le moyen sera donc écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [U] et M. [T] coupables de dissimulation d'activité par dissimulation de salariés, alors : « 1°/ que, d'une part, la déclaration simplifiée d'un salariée dite « TESA » vaut déclaration nominative au sens de l'article L. 1221-10 du code du travail de sorte que l'employeur qui y procède ne saurait se voir reprocher le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L. 8221-5, 1° du code du travail ; qu'en retenant néanmoins, s'agissant de la déclaration TESA de M. [O] [R], que « c'est à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré cette déclaration simplifiée dite TESA comme insuffisante et inefficace à remplacer la déclaration préalable à l'embauche et a condamné les prévenus de ce chef, en réduisant toutefois la période de prévention » (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel a violé les articles L. 1221-10 du code du travail, L. 712-1 et R. 712-6 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 8221-5 du code du travail. 2°/ que, d'autre part, et en tout état de cause, en déclarant les prévenus coupables de dissimulation de l'emploi salarié de M. [O] [R], sans constater le caractère intentionnel de cette dissimulation, lorsqu'elle relevait pourtant que l'employeur avait procédé à la déclaration simplifiée dite « TESA » de M. [O] [R] (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-5 du code du travail ; 3/ qu' enfin, en déclarant les prévenus coupables de dissimulation de l'emploi salarié de M. [B] sans constater le caractère intentionnel de cette dissimulation, lorsqu'elle relevait pourtant que l'employeur avait procédé à la déclaration tardive de M. [B] (arrêt attaqué, p. 9) ce qui démontrait qu'il avait eu l'initiative d'une déclaration et qu'il n'entendait donc pas dissimuler cet emploi salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-5 du code du travail. » Réponse de la Cour 26. Pour déclarer coupables Mme [U] et M. [T] de travail dissimulé par dissimulation de deux salariés, l'arrêt attaqué énonce que M. [X] [O] [R], contrôlé en situation de travail le 18 août 2017, qui a fait l'objet d'une déclaration pour une embauche le 18 décembre 2017, reçue le 20 décembre suivant, a expliqué qu'il avait déjà travaillé dans le cadre de l'activité de dégustation entre dix et quinze jours au mois d'août, et qu'il avait reçu un imprimé de titre emploi simplifié agricole (ci-après TESA), qu'il n'a pas fourni aux enquêteurs. 27. Les juges ajoutent que c'est à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré cette déclaration simplifiée dite TESA comme insuffisante et inefficace à remplacer la déclaration préalable à l'embauche et a condamné les prévenus de ce chef. 28. Ils relèvent par ailleurs que M. [S] [B], qui, contrôlé le 13 août 2017, a été déclaré pour une embauche en août 2017, l'enveloppe portant un cachet de la poste du 14 août, a expliqué avoir suivi un stage dans l'établissement en juin et avoir commencé à y travailler à la mi-août. 29. La cour d'appel retient que la déclaration étant tardive, l'infraction est constituée. 30. C'est à tort que la cour d'appel a considéré, en contradiction avec l'article L. 712-1 du code rural et de la pêche maritime, que la déclaration TESA ne pouvait valoir déclaration préalable à l'embauche. 31. L'arrêt attaqué n'encourt néanmoins pas la censure, dès lors que, par des motifs suffisants et exempts de contradiction, la cour d'appel, qui a relevé les nombreux avertissements donnés par leur comptable aux deux prévenus, a constaté qu'aucun des deux salariés n'était déclaré de quelque manière que ce soit à aucun organisme social au moment des contrôles qui se sont succédé dans le temps, sans que les demandeurs ne régularisent la situation de la seconde personne employée illégalement, après avoir tenté, tardivement, de le faire pour la première. 32. Le moyen doit être rejeté. Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [U] et M. [T] à une peine de 6 000 euros d'amende chacun et ordonné la confiscation des objets saisis, alors : « 2°/ que d'autre part, le juge qui prononce une peine de confiscation doit énumérer les objets dont il ordonne la confiscation ; qu'en se bornant à ordonner « la confiscation des objets saisis » (arrêt attaqué, p. 14), sans indiquer la nature et l'origine des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale : 34. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle. 35. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction. 36. En se bornant à confirmer, sans autre motif, la décision du tribunal correctionnel en ce qu'elle a ordonné la confiscation des objets saisis, sans préciser la nature et l'origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision. 37. La cassation est en conséquence encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 7 juillet 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la confiscation des objets saisis, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux. A rapprocher :Crim., 3 avril 2013, pourvoi n° 08-83.982, Bull. crim. 2013, n° 77 (rejet) ;Crim., 30 mars 2016, pourvoi n° 15-81.478, Bull. crim. 2016, n° 115 (cassation et désignation de juridiction).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 22-80.807 FS-B 16 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [H] [E] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Douai, en date du 13 janvier 2022, qui a prononcé sur sa requête portant sur les conditions de détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [H] [E], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, conseillers de la chambre, M. Mallard, conseiller référendaire, M. Bougy, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 10 décembre 2021, le juge de l'application des peines de Béthune a déclaré partiellement bien-fondée la requête de M. [H] [E] portant sur ses conditions de détention, et a dit que les conditions de détention suivantes dont il fait l'objet, sont contraires à la dignité de la personne humaine : - soumission à un régime de prise en charge individualisée, sans réexamen de sa situation dans les délais mentionnés dans la décision du 8 octobre 2021, - menottage et présence de personnel de surveillance lors des examens médicaux, lorsque le personnel médical ne l'a pas exigé, - absence de traduction des prescriptions médicales et de présence d'un interprète ou d'un soignant hispanophone lors des consultations médicales, et enfin, a fixé un délai d'un mois pour permettre à l'administration pénitentiaire d'y mettre fin. 3. Le ministère public a relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité du pourvoi 4. Il y a lieu de considérer, qu'à défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines statuant sur une requête sur les conditions de détention d'une personne condamnée entre dans les prévisions de l'article 712-15 du code de procédure pénale duquel il résulte que les ordonnances rendues par ce magistrat peuvent faire l'objet dans les cinq jours de leur notification, d'un pourvoi en cassation qui n'est pas suspensif. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté comme mal fondée la requête du condamné portant sur les conditions de détention actuelles, alors : « 1°/ qu'en cas d'appel par le ministère public d'une ordonnance rendue sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, la personne détenue qui avait demandé à être entendue en première instance doit être auditionnée de nouveau par le juge d'appel ; qu'au présent cas, il ressort de l'ordonnance de première instance (p. 2) que M. [E] avait demandé à être entendu par le juge ; qu'en statuant sur l'appel de cette ordonnance formé par le parquet, sans avoir organisé de nouvelle audition de la personne détenue, la présidente de la chambre de l'application des peines a violé les articles préliminaire et 803-8 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales ; 2°/ qu'en cas d'appel par le ministère public d'une ordonnance rendue sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, la personne détenue et son avocat doivent recevoir communication de l'avis écrit déposé par le parquet devant le juge d'appel et être mis en mesure d'y répondre avant que le juge ne statue ; qu'il ressort du dossier de la procédure qu'un avis écrit de l'avocat général a été déposé le 11 janvier 2022 ; qu'il ne résulte d'aucune mention de l'ordonnance attaquée ni d'aucune pièce de la procédure que cet avis ait été communiqué à M. [E] et à son avocat ni que ces derniers aient été mis en mesure d'y répondre avant que le juge ne se prononce ; qu'en statuant ainsi, la présidente de la chambre de l'application des peines a méconnu les droits de la défense et violé les articles préliminaire et 803-8 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales. » Réponse de la Cour Sur le premier moyen, pris en sa première branche 6. La procédure applicable aux requêtes en conditions indignes de détention garantit de manière suffisante le droit d'accès au juge pour les motifs qui suivent. 7. Il se déduit de la lecture combinée des articles 803-8, R. 249-24 et R. 249-35 du code de procédure pénale, d'une part, que la personne détenue peut, au moment du dépôt de sa requête, demander à comparaître devant le juge de l'application des peines, d'autre part, que, saisi d'une telle demande ce magistrat doit procéder à cette audition s'il entend rendre une décision d'irrecevabilité, et, enfin, que si la requête est déclarée recevable, l'audition doit être réalisée avant la décision sur le bien-fondé de celle-ci. 8. Devant le président de la chambre de l'application des peines, la personne détenue peut présenter toutes observations utiles, personnellement ou par l'intermédiaire de son avocat, auxquelles ce magistrat est tenu de répondre. 9. Dès lors, le grief fait au président d'avoir statué sans entendre le requérant est inopérant, en ce qu'il vise l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'est pas applicable en matière d'exécution des peines, et doit être écarté. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche 10. Le demandeur ne saurait se faire un grief du défaut de communication de l'avis écrit déposé par le ministère public devant le président de la chambre de l'application des peines au soutien de son recours, dès lors que, d'une part, l'article 803-8 du code de procédure pénale ne prévoit pas cette communication et, d'autre part, que le demandeur, informé de ce recours, n'a pas sollicité que les éventuelles observations de l'appelant lui soient communiquées. 11. Le moyen ne peut dès lors être admis. Sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté comme mal fondée la requête du condamné portant sur les conditions de détention actuelles, alors : « 1°/ que constitue un traitement contraire à la dignité de la personne humaine le port de menottes ou la présence du personnel pénitentiaire durant des examens médicaux du détenu, lorsque ces mesures ne sont pas concrètement justifiées par des risques sérieux de fuite, de blessure ou de dommage ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que le menottage du détenu et la présence de personnel de surveillance lors des examens médicaux ne constituait pas des conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine (ordonnance, p. 4), sans constater que ces mesures étaient concrètement justifiées par un risque sérieux de fuite, de blessure ou de dommage, la présidente de la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 803-8 du code de procédure pénale et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'absence de traduction au détenu des prestations médicales qui lui sont dispensées, dans une langue qu'il comprend, constitue un traitement contraire à la dignité de la personne humaine ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs erronés que « la fourniture à un détenu, par l'administration pénitentiaire d'une traduction/ interprétation dans une langue qu'il comprend des prestations médicales qui lui sont dispensées en détention est étrangère aux prescriptions de l'article 3 de la CEDH et de l'article 803-9 du code de procédure pénale » (ordonnance, p. 5), la présidente de la chambre de l'application des peines a violé l'article 803-8 du code de procédure pénale et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Sur le second moyen, pris en sa première branche 13. Pour écarter le grief pris de l'indignité des conditions de détention du demandeur, en raison de son menottage lors d'examens médicaux et de déplacements au sein de l'établissement où il est détenu, le président de la chambre de l'application des peines relève que le personnel médical peut solliciter le menottage de la personne qui fait l'objet d'un examen ainsi que la présence de l'escorte, ce qui est justifié, en l'espèce, par le statut et le comportement passé de l'intéressé. 14. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, et dès lors que les allégations du demandeur sur son menottage lors des déplacements dans l'établissement où il est détenu ne sont plus d'actualité, le grief ne saurait être admis. Sur le second moyen, pris en sa seconde branche 15. Pour infirmer la décision du juge de l'application des peines ayant considéré comme contraire à la dignité de la personne humaine, l'absence de traduction des prescriptions médicales et de présence d'un interprète ou d'un soignant hispanophone lors des consultations médicales, l'ordonnance attaquée énonce que la fourniture à un détenu, par l'administration pénitentiaire, d'une traduction ou interprétation dans une langue qu'il comprend, des prestations médicales qui lui sont dispensées en détention est étrangère aux prescriptions de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 803-8 du code de procédure pénale. 16. En se déterminant ainsi, dès lors qu'il n'est pas contesté que M. [E] a eu accès à un traitement médical adapté à son état de santé, le président de la chambre de l'application des peines a justifié sa décision. 17. Ainsi, le grief doit être écarté. 18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 22-85.097 F-B 15 NOVEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 20 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [M] [V] a été placé en détention provisoire le 16 juin 2022. 3. À côté de sa signature, dans la rubrique dédiée à la notification de l'ordonnance, il a apposé la mention manuscrite « je fais appel ». 4. Par courrier du 13 juillet 2022, son avocat a demandé au procureur général la mise en liberté d'office de l'intéressé, au motif qu'il n'avait pas été statué dans les délais prévus par la loi sur l'appel déclaré par ce dernier devant le juge des libertés et de la détention à l'issue du débat contradictoire. 5. Un acte d'appel a été établi le même jour par le greffe du tribunal judiciaire, au vu de ce seul courrier. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la chambre de l'instruction n'était pas régulièrement saisie, en l'absence d'appel régulièrement formé et a dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré du défaut de délivrance du permis de communiquer, alors « que si la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, la mention « je fais appel » à côté de la signature du mis en examen sur la seule dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, dans l'espace consacré aux formalités de notification, suffit à constituer une déclaration d'appel, dès lors qu'elle est suivie de la signature du greffier, même au titre d'une formalité de notification ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [V] a manifesté son intention d'interjeter appel de l'ordonnance du 16 juin 2022 par lequel le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire en inscrivant la mention manuscrite « je fait appel » sur la troisième page de cette ordonnance, à côté de sa signature ; que le greffier du juge des libertés et de la détention a, sur la même page, également apposé sa signature, sans pour autant transcrire la déclaration d'appel au registre du tribunal judiciaire ; qu'en retenant toutefois, pour dire qu'elle n'était pas régulièrement saisie, en l'absence d'appel régulièrement formé, que la signature du greffier du juge des libertés et de la détention ne figurait sur l'ordonnance de placement en détention provisoire qu'au titre de l'accomplissement de la formalité de notification, de sorte que cette signature ne saurait authentifier la déclaration d'appel de Monsieur [V], la chambre de l'instruction a violé les articles 186, 502, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 502 du code de procédure pénale : 7. Il résulte de ce texte que la déclaration d'appel est faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. 8. Pour dire que la juridiction n'était pas saisie d'un appel, l'arrêt attaqué énonce que M. [V] a apposé sur la dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, sous la mention de réception d'une copie de l'ordonnance et de l'imprimé de déclaration des droits, la mention manuscrite « je fais appel » suivie de sa signature. 9. Les juges observent que l'article 502 du code de procédure pénale prévoit que la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par lui. 10. Ils relèvent que l'ordonnance contestée, sur laquelle a été portée la mention ci-dessus, n'a pas été signée par le greffier et que la signature de ce dernier figurant uniquement au titre de l'accomplissement de la formalité de notification à l'avocat, il ne saurait s'en déduire que le greffier a eu connaissance d'une déclaration d'appel dans des conditions conformes aux exigences du texte susvisé. 11. Ils en déduisent que l'appel enregistré par le greffe du tribunal judiciaire le 13 juillet 2022 a été formé irrégulièrement. 12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les motifs qui suivent. 13. Premièrement, le débat contradictoire à l'issue duquel M. [V] a été placé en détention provisoire s'est tenu en présence du juge saisi, du greffier qui l'assistait et de l'intéressé. 14. Deuxièmement, pour attester de la réception d'une copie de l'ordonnance, M. [V] a apposé sa signature au pied de celle-ci, en présence du greffier, qui y a apposé sa signature. 15. Enfin, en ajoutant, à côté de sa signature, la mention « je fais appel », l'intéressé a manifesté sans équivoque sa volonté de faire appel, devant ce greffier, qui devait, dès lors, en tirer les conséquences en enregistrant cet appel. 16. La cassation est ainsi encourue. Portée et conséquences de la cassation 17. Dès lors que la chambre de l'instruction ne s'est pas prononcée sur l'appel formé par M. [V] le 16 juin 2022, dans le délai prescrit par l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, celui-ci doit être mis d'office en liberté ; la cassation aura donc lieu sans renvoi et l'intéressé sera remis en liberté s'il n'est détenu pour autre cause. 18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 19. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [V] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi. 20. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de : - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que l'intéressé, déjà mis en examen pour des faits de même nature commis récemment, d'une part, a cherché à élaborer une version commune des faits avec M. [T] [A], en sollicitant M. [K] [E], d'autre part, a refusé de laisser les enquêteurs accéder au contenu de ses téléphones portables, alors que toutes les personnes impliquées n'ont pas encore été identifiées ; - mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que l'intéressé était, au moment des faits, placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une information portant sur des faits de même nature, après avoir été en détention provisoire pendant quatorze mois, alors que, d'une part, ses déclarations sur ses activités professionnelles n'ont pu être vérifiées, d'autre part, les sommes en jeu (rémunération des comparses et montant des achats) sont sans commune mesure avec les revenus que l'intéressé dit tirer de l'activité professionnelle qu'il revendique, soit 1 400 euros par mois. 21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [V] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 22. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 juillet 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [V] est détenu sans titre depuis le 27 juin 2022 dans la présente procédure ; ORDONNE la mise en liberté de M. [V] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [V] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département des Hauts-de- Seine ; - Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer [Adresse 1], qu'aux conditions et pour les motifs suivants : chaque jour de 7 heures à 19 heures ; - Se présenter, le lendemain de sa libération, avant 17 heures, et ensuite chaque jour, entre 9 heures et 17 heures, au commissariat central de police de [Localité 2] ; - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [T] [A], [K] [E], [L] [Y], [C] [F], [S] [X] ; DESIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire central de police de [Localité 2] ; DESIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux. Crim., 23 octobre 2001, pourvoi n° 01-81.703, Bull. crim. 2001, n° 216 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 21-87.295 F- B 15 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [B] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 7 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 21 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [B] [E], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [B] [E] a été mis en examen des chefs susvisés le 12 mars 2021. 3. Le 26 mars 2021, le juge d'instruction a notifié aux parties l'avis de fin d'information prévu à l'article 175 du code de procédure pénale. 4. Le 26 avril suivant, l'avocat de M. [E] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur les premier à quatrième, sixième et septième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la perquisition réalisée au domicile de M. [E], alors : « 1/° que l'urgence qui justifie une perquisition nocturne doit être caractérisée au moment de cette perquisition ; qu'en jugeant valable une perquisition nocturne effectuée sur la base d'une autorisation donnée deux mois plus tôt, laquelle ne pouvait par hypothèse constater l'urgence à perquisitionner au moment des opérations, la Chambre de l'instruction a violé les articles 706-91, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2/° qu'en se fondant, pour caractériser l'urgence à perquisitionner le domicile de M. [E], sur le fait que M. [E] avait fait l'objet de recherches infructueuses et qu'il avait fui avant l'arrivée des enquêteurs, motifs impropres à établir l'urgence d'une perquisition nocturne, la chambre de l'instruction a derechef violé les articles 706-91, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 706-91 et 706-92 du code de procédure pénale : 7. Il résulte de ces textes que l'autorisation donnée par le juge d'instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une perquisition dans un lieu d'habitation en dehors des heures légales doit comporter les motifs propres à justifier cette atteinte à la vie privée dans une ordonnance écrite et motivée, faute desquels aucun contrôle réel et effectif de la mesure ne peut avoir lieu, ce qui cause nécessairement un grief à la personne concernée (Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81.731, Bull. crim. 2015, n° 174). 8. Il en découle qu'est nulle l'autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l'acte, de la formalisation d'une ordonnance écrite et motivée (Crim., 13 septembre 2022, pourvoi n° 21-87.452, Bull. crim.). 9. Il se déduit de ce qui précède que si le juge d'instruction peut, par une ordonnance motivée conformément aux exigences ci-dessus, autoriser de telles perquisitions en considération de la situation d'urgence inhérente à des interpellations dont la date n'est pas encore fixée et du risque de dépérissement des preuves qui en résultera, encore doit-il, pour garantir l'effectivité de son contrôle, s'assurer de la persistance de cette urgence au regard des éléments de fait et de droit énoncés dans ladite ordonnance, avant que ces perquisitions ne soient réalisées. 10. Lorsque l'ordonnance a été ainsi délivrée antérieurement aux actes qu'elle vise, il appartient aux enquêteurs de recueillir l'avis préalable, serait-il même oral, du juge d'instruction, et de justifier de l'accomplissement de cette formalité en procédure. 11. Pour rejeter la demande d'annulation de la procédure réalisée au domicile de M. [E] le 13 décembre 2021, l'arrêt attaqué énonce que l'ordonnance prévue par l'article 706-91 du code de procédure pénale a été délivrée le 13 septembre, qu'elle est motivée de manière circonstanciée et repose sur une analyse des faits objet des investigations, spécialement le caractère nocturne des agissements des mis en cause. 12. Les juges relèvent que c'est en considération de la situation qui sera générée par les interpellations à venir et du risque de dépérissement des preuves qui en découlera que cette autorisation a été établie. 13. Ils ajoutent que ce texte n'interdit pas que ladite autorisation soit donnée à l'avance, la notion d'urgence étant à apprécier, non pas à ce moment-là, mais au moment, qui n'est pas nécessairement prévisible, où la perquisition autorisée sera opportune pour la manifestation de la vérité. 14. Ils retiennent que cette urgence était caractérisée, d'une part, en raison des recherches en cours afin d'interpeller le mis en cause, d'autre part, en raison de la nécessité de s'assurer de sa personne, la perquisition ayant été effectuée après constat, par les enquêteurs, de la fuite de l'intéressé de son domicile. 15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 16. En effet, si elle a, à juste titre, relevé que, d'une part, l'ordonnance délivrée par le juge d'instruction était régulière, d'autre part, l'urgence s'apprécie au moment où la perquisition est réalisée, il ne résulte néanmoins pas des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les enquêteurs aient avisé préalablement le magistrat ni que celui-ci ait donné son accord, de sorte qu'il n'a pas exercé de contrôle effectif sur la mesure. 17. La cassation est de ce fait encourue. Portée et conséquences de la cassation 18. La cassation sera limitée aux seules dispositions de l'arrêt relatives à la perquisition réalisée au domicile de M. [E] le 13 décembre 2021, toutes autres dispositions étant expressément maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 7 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la perquisition du 13 décembre 2021 au domicile de M. [E], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux. Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81.731, Bull. crim. 2015, n° 174 (3) (cassation partielle) ; Crim., 13 septembre 2022, pourvoi n° 21-87.452, Bull. crim. (2) (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 22-80.097 FS-B 15 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [O] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 16 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées, en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 5 mai 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [O] [L], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, Mme Ménotti, M. Maziau, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en cause pour son implication dans un trafic de cannabis entre l'Espagne et la France, M. [O] [L], à l'issue de son interrogatoire de première comparution, le 22 octobre 2020, a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. La chambre de l'instruction a été saisie par l'avocat de l'intéressé, le 22 avril 2021, d'une requête en nullité d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur les premier, troisième et quatrième moyens et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que les requêtes sont recevables et au fond, faisant partiellement droit à la requête de M. [L], a ordonné la cancellation des cotes D 20/2 à D 20/3 et rejeté les requêtes pour le surplus, alors : « 1°/ qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée qu'autant que celle-ci est prévue par la loi et nécessaire ; que seuls les dispositifs fixes de captation d'images et à condition d'une autorisation du juge, peuvent être installés en vue de la surveillance d'éventuelles infractions ; qu'en relevant, pour dire la procédure régulière sur le fondement de l'article 706-96 du Code de procédure pénale, que « le juge d'instruction a autorisé pour une durée de quatre mois une captation d'images par voie aérienne » quand seules les dispositifs fixes étaient autorisés, les juges du fond ont méconnu les articles 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 111-2 du code pénal, des articles préliminaire, 75, 78, 591, 593 et 706-96 du Code de procédure pénale ; 2°/ qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée qu'autant que celle-ci est prévue par la loi et nécessaire ; qu'un dispositif mobile de captation d'images ne peut être utilisé que dès lors que « des circonstances liées aux lieux de l'opération rendent particulièrement difficile le recours à d'autres outils de captation d'images ou que ces circonstances soient susceptibles d'exposer les agents à un danger significatif » ; qu'en autorisant le dispositif de captation d'image par drone sans dire en quoi les circonstances excluaient toute possibilité de recours à un autre dispositif, les juges du fond ont de nouveau méconnu les articles 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles préliminaire, 75, 78, 591, 593 et 706-96 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit notamment la protection de la vie privée et familiale et du domicile. 7. La captation, la fixation, la transmission, l'enregistrement et le stockage d'images prises au domicile d'une personne, sans le consentement de cette dernière, constituent une ingérence active dans les droits ci-dessus, qui ne peut être admise qu'à la condition d'avoir une base légale suffisante, et de poursuivre un but légitime dans une société démocratique, en considération duquel ladite ingérence doit être nécessaire et proportionnée. 8. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 8 février 2018, Ben Faiza c. France, n° 31446/12) n'exige pas qu'une loi, pour être prévisible, décline toutes les situations qu'elle a vocation à encadrer, compte tenu du caractère général inhérent à toute règle normative. 9. La prévention des infractions pénales et la recherche de leurs auteurs constituent des objectifs conformes aux exigences susvisées. 10. L'article 706-96 du code de procédure pénale prévoit qu'il peut être recouru à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans leur consentement, notamment la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. 11. Il n'y a pas à faire de distinction selon que le dispositif est fixe ou mobile, là où l'article 706-96 et les textes applicables à un tel procédé n'en font pas. 12. Ces mêmes textes limitent son utilisation aux seules enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisées et de crimes. 13. Ils la soumettent au contrôle d'un magistrat du siège, qui doit s'assurer, par une décision spéciale, après avis du ministère public, que sa mise en oeuvre est nécessaire à la manifestation de la vérité et proportionnée, qui ne peut autoriser son emploi que pour une durée limitée, dispose de l'accès au dossier pendant l'enquête et doit être tenu informé du déroulement de celle-ci pour pouvoir mettre un terme à la mesure à tout moment. 14. Il se déduit de ce qui précède que la législation interne est suffisamment claire, prévisible et accessible et que l'ingérence qu'elle consacre dans le droit à la protection du domicile et de la vie privée et familiale poursuit, dans une société démocratique, un but légitime à la réalisation duquel elle est nécessaire et proportionnée. 15. Pour rejeter la requête en annulation des opérations de captation d'images réalisées sur la propriété de M. [L], une maison entourée d'un jardin clos, et ses abords immédiats, par une caméra aéroportée, l'arrêt attaqué décrit comment les enquêteurs ont, préalablement à ces opérations, mis à jour le fonctionnement d'un réseau structuré et pérenne de trafic transfrontalier de stupéfiants, organisant des livraisons régulières de quantités importantes de cannabis au domicile du mis en cause. 16. Les juges relèvent que l'article 706-96 du code de procédure pénale encadrant le recours à un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, dans des conditions qu'ils décrivent précisément, répond aux exigences formulées tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d'Etat. 17. Ils précisent que la mise en oeuvre de la mesure contestée a été autorisée, pour une durée de quatre mois, par une ordonnance motivée du juge d'instruction, prise après réquisitions du procureur de la République, en exécution de laquelle ont été opérées par voie aérienne, entre le 24 janvier et le 12 mars 2020, diverses captations d'images des lieux désignés par cette décision, les procès-verbaux relatifs à ces opérations figurant tous au dossier de l'information. 18. La chambre de l'instruction observe que, pour justifier de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure, le magistrat a rappelé comment le trafic a été mis en évidence et pourquoi les lieux désignés ont été ciblés par les enquêteurs. 19. Elle ajoute que le juge d'instruction, relevant que la configuration de ces mêmes lieux rendait toute surveillance difficile, a exposé les motifs pour lesquels ces investigations sont indispensables à la manifestation de la vérité. 20. La chambre de l'instruction en déduit que ces opérations, prévues par la loi, ont été autorisées et exécutées conformément au dispositif légal les régissant et sans méconnaître les dispositions conventionnelles dont la violation est alléguée. 21. En se déterminant par ces motifs, et dès lors, qu'en outre, les enquêteurs ont agi sur délégation expresse du magistrat qui a ordonné la mesure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et les textes invoqués au moyen. 22. Dès lors, celui-ci doit être écarté. 23. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 22-85.403 F-P 30 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [S] [H] et M. [T] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 2 septembre 2022, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de Paris, sous l'accusation, pour le premier, d'évasion en bande organisée et d'association de malfaiteurs, pour le second, d'associations de malfaiteurs en récidive, et a confirmé leur maintien sous contrôle judiciaire. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de Maître Laurent Goldman, avocat de M. [S] [H], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 1er juillet 2018, trois personnes armées se sont emparées d'un hélicoptère dont le pilote a été contraint de se poser dans la cour intérieure du centre pénitentiaire de [Localité 1], et ont fait évader M. [K] [H], détenu dans cet établissement. 3. Les investigations ont permis l'arrestation du fugitif, ainsi que l'identification et l'interpellation de plusieurs personnes ayant participé à la préparation et à l'exécution de son évasion, ou l'ayant accueilli ou assisté. 4. Par ordonnance du 4 mai 2022, les juges d'instruction cosaisis de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris ont ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la cour d'assises de Paris de onze personnes pour divers crimes et délits connexes, dont M. [S] [H], frère de M. [K] [H], et M. [T] [G]. 5. Huit d'entre elles, dont M. [S] [H] et M. [G], ainsi que le procureur de la République, ont relevé appel de cette ordonnance. Déchéance du pourvoi formé par M. [G] 6. M. [G] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Examen des moyens proposés pour M. [H] Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. [S] [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé son maintien sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises de Paris, alors « que le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe prend fin à compter de leur mise en accusation devant la cour d'assises, sauf s'il est fait application des dispositions du troisième alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale ; qu'en confirmant le maintien sous contrôle judiciaire de M. [H] jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises de Paris, sans faire application des dispositions du troisième alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 181 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 179, 181, 214 et 215 du code de procédure pénale : 9. Selon l'article 214 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale des personnes mises en examen à l'égard desquelles il existe des charges d'avoir commis une infraction qualifiée crime par la loi. Elle peut aussi renvoyer devant la juridiction criminelle les infractions connexes, en particulier les délits. 10. Selon l'article 215 du code précité, l'article 181 du même code est applicable, lorsque la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation. 11. Selon cet article 181, le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe devant la juridiction criminelle prend fin avec la décision de mise en accusation, sauf s'il est fait application du troisième alinéa de l'article 179 du même code. 12. Selon ce dernier texte, la personne renvoyée devant une juridiction de jugement peut être maintenue sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction, par une décision distincte de l'ordonnance de renvoi et spécialement motivée. 13. Il se déduit de ces dispositions que le contrôle judiciaire de la personne renvoyée pour délit connexe devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale par la chambre de l'instruction prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf s'il est maintenu par un arrêt distinct et spécialement motivé. 14. En ordonnant, par l'arrêt attaqué, d'une part, le renvoi de M. [S] [H] devant la cour d'assises pour des délits connexes, d'autre part, son maintien sous contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés. 15. La cassation est, dès lors, encourue. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation sera limitée à la confirmation du maintien sous contrôle judiciaire de M. [S] [H], dès lors que son renvoi devant la cour d'assises n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par M. [G] : CONSTATE la déchéance du pourvoi ; Sur le pourvoi formé par M. [H] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 2 septembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives au maintien de M. [S] [H] sous contrôle judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-85.388 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [L] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 31 août 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, associations de malfaiteurs, contrebande de marchandises prohibées, en récidive, et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [T], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [L] [T] a fait l'objet, dans le cadre d'une enquête sur un trafic international de stupéfiants, d'un mandat d'arrêt délivré le 9 juin 2022 par le juge d'instruction. Il a été interpellé aux Emirats arabes unis et remis aux autorités françaises le 5 août 2022. 3. Le 8 août suivant, lors de son interrogatoire de première comparution, au cours duquel il était assisté de Mme Sophie Tesson, collaboratrice de M. Raphaël Chiche, M. [T] a désigné ce dernier comme avocat choisi et a été mis en examen des chefs susvisés. 4. Le juge d'instruction a délivré un permis de communiquer à M. Chiche le même jour. 5. M. [T] a sollicité un report du débat contradictoire, lequel a été fixé au 11 août 2022, à 14 heures. 6. Par courriel du 8 août à 20 heures 44, adressé au cabinet d'instruction n° 4, M. Chiche a demandé un permis de communiquer pour Mme Tesson et M. [R] [V], avocats collaborateurs. 7. Le 11 août, à 13 heures 31, M. Chiche a adressé une télécopie au juge des libertés et de la détention, indiquant que, le permis de communiquer sollicité pour Mme Tesson n'ayant pas été délivré alors qu'il avait été demandé, M. [T] n'avait pas été en mesure de préparer sa défense, et sollicitait en conséquence un renvoi. 8. En réponse aux questions du greffe du juge des libertés et de la détention puis du parquet général, la greffière du cabinet d'instruction a indiqué dans deux soit-transmis des 8 et 30 août 2022, d'une part, avoir remis en mains propres à la collaboratrice de M. Chiche un permis de communiquer au nom de celui-ci et, d'autre part, lui avoir précisé qu'elle devait envoyer ses demandes concernant ce dossier à l'adresse structurelle du service de l'instruction, durant l'absence du greffier du cabinet en charge du dossier, un message d'absence sur l'adresse structurelle dudit cabinet étant mis en place. 9. Par ordonnance du 11 août 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi aux motifs que M. [T] avait refusé d'être assisté par l'avocat de permanence et que les délais ne permettaient pas un nouveau renvoi. Il a placé l'intéressé en détention provisoire. 10. Celui-ci a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux JIRS rendue le 11 août 2022 ordonnant le placement en détention provisoire de M. [T], alors : « 1°/ que les droits de la défense, au premier rang desquels figure le droit de communiquer avec son avocat, qui inclut celui de recevoir ses visites et de s'entretenir avec lui, supposent qu'un permis de communiquer soit délivré non seulement à l'avocat désigné par la personne mise en examen, mais encore, lorsque celui-ci en fait la demande, à ses collaborateurs, avant la tenue du débat contradictoire différé relatif à la détention ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constations de la Chambre de l'instruction que Maître Raphaël Chiche, avocat désigné par Monsieur [T], a, dès la mise en examen de l'exposant, sollicité la délivrance d'un permis de communiquer au nom de ses collaborateurs par courriel adressé à la boîte structurelle du cabinet d'instruction en charge de l'affaire ; qu'il appartenait dès lors au juge d'instruction ou, en cas d'empêchement de celui-ci, à un juge désigné pour le substituer, de délivrer ce permis de communiquer en temps utile ; qu'en retenant, pour écarter l'atteinte aux droits de la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Monsieur [T] en détention, qu'il appartenait à l'avocat de Monsieur [T] de s'adresser à un autre juge d'instruction afin de solliciter ce permis de communiquer, le juge en charge du dossier étant en vacances, quand une telle circonstance résultait de la seule organisation du service de la justice et ne pouvait être opposée à l'avocat de Monsieur [T], qui avait sollicité le permis de communiquer de ses collaborateurs dans les formes légales, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du Code pénitentiaire, préliminaire, D. 32-1-2, D. 591, D. 592, R. 57-6-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que les droits de la défense, au premier rang desquels figure le droit de communiquer avec son avocat, qui inclut celui de recevoir ses visites et de s'entretenir avec lui, supposent qu'un permis de communiquer soit délivré non seulement à l'avocat désigné par la personne mise en examen, mais encore, lorsque celui-ci en fait la demande, à ses collaborateurs, avant la tenue du débat contradictoire différé relatif à la détention ; qu'en retenant, pour écarter l'atteinte aux droits de la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Monsieur [T] en détention, que ni l'avocat désigné par ce dernier ni ses collaborateurs n'avaient émis d'observation au moment de la délivrance d'un permis de communiquer au seul nom de Maître Raphaël Chiche, quand il résultait de ses propres constatations que dès le soir de cette délivrance, l'avocat de l'exposant avait sollicité, par courriel adressé à la boîte structurelle du cabinet d'instruction en charge de l'affaire, la délivrance d'un permis de communiquer au nom de ses collaborateurs, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du Code pénitentiaire, préliminaire, D. 32-1-2, D. 591, D. 592, R. 57-6-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 3°/ que dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise ; que s'il apparaît d'emblée que le versement de cette décision est impossible, la Chambre de l'instruction, qui ne peut procéder au contrôle du respect du principe de spécialité, est tenue d'ordonner la remise en liberté de la personne extradée ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de Monsieur [T] après avoir elle-même constaté que la décision de remise des autorités émiraties ne figurait pas en procédure et ne pouvait pas y figurer, les services du Bureau de l'Entraide Pénale Internationale ayant cherché en vain à obtenir cette décision pendant plusieurs mois, la Chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 696-6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 12 de la Convention d'extradition conclue le 2 mai 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis ; 4°/ que seule la lecture de la décision de remise des autorités judiciaires requises permet à la Chambre de l'instruction de s'assurer du respect du principe de spécialité ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de Monsieur [T] après avoir elle-même constaté que la décision de remise des autorités émiraties ne figurait pas en procédure et ne pouvait pas y figurer, les services du Bureau de l'Entraide Pénale Internationale ayant cherché en vain à obtenir cette décision pendant plusieurs mois, au seul motif que le placement en détention provisoire de Monsieur [T] « a été prononcé des mêmes chefs que ceux qui ont été visés au mandat d'arrêt sur lequel les autorités judiciaires des Emirats Arabes Unis se sont nécessairement fondées pour prononcer la remise de l'intéressé », la Chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant à justifier légalement sa décision au regard des articles 696-6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 12 de la Convention d'extradition conclue le 2 mai 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 12. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel le permis de communiquer pour les collaborateurs de l'avocat désigné n'aurait pas été délivré en temps utile, l'arrêt attaqué énonce notamment que ce permis a été demandé dans la soirée de l'interrogatoire de première comparution du 8 août 2022 et qu'il ressort d'un soit-transmis de la greffière que la collaboratrice qui a reçu, en mains propres, un permis au seul nom de l'avocat désigné, n'a présenté aucune observation. 13. Les juges ajoutent qu'il ressort de ce même soit-transmis que l'adresse électronique structurelle du service de l'instruction permettant une communication a également été remise à la collaboratrice concernée. 14. Ils relèvent que l'avocat ne s'est ému d'un éventuel défaut de délivrance du permis de communiquer à ses deux collaborateurs auprès du juge des libertés et de la détention que le 11 août 2022, à 13 heures 31, alors que le débat différé était fixé le même jour à 14 heures, et ce, pour réclamer un renvoi du débat que les délais de procédure ne permettaient pourtant pas. 15. Ils observent encore que l'avocat du demandeur n'a pas produit le message automatique d'absence qu'il a reçu en réponse et qui l'invitait à saisir le secrétariat commun de sa demande. 16. Ils en déduisent que la nullité n'est pas encourue. 17. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les droits de la défense. 18. En toute hypothèse, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la demande de permis de communiquer pour les deux collaborateurs de M. Chiche a été envoyée à une adresse électronique ne répondant pas au format « [Courriel 1] », seul éligible à la communication électronique pénale en application de la convention signée le 5 février 2021 avec le Conseil national des barreaux, qui a pour objet de garantir notamment la sécurité des échanges entre les avocats et les juridictions, l'intégrité des actes transmis et l'identification des acteurs de la communication électronique. Elle était dès lors irrecevable en application de l'article D. 591 du code de procédure pénale, dans sa version issue du décret n° 2022-546 du 13 avril 2022. 19. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 20. Pour écarter le moyen tiré du non-respect du principe de spécialité, l'arrêt attaqué énonce notamment que, si le bureau de l'entraide pénale internationale (BEPI) du ministère de la justice a adressé plusieurs demandes aux autorités émiriennes aux fins de transmission de la décision d'extradition, celles-ci ont transmis un message du 18 juillet 2022 émanant du ministère de l'intérieur fédéral des Emirats arabes unis indiquant en anglais : « Nous vous informons que la décision d'extradition urgente a été émise par notre autorité judiciaire. De plus, nous vous avisons que la personne concernée consent à l'extradition. » 21. Les juges relèvent que des demandes postérieures du BEPI des 3 et 4 août suivants n'ont pas abouti à la transmission d'éléments complémentaires et que l'attaché de sécurité intérieure en poste à Dubaï n'est pas davantage parvenu, dans le cadre de ses échanges avec les autorités émiriennes, à obtenir les documents sollicités. 22. Ils ajoutent que, même si aucun élément ne permet de déterminer que la personne mise en examen aurait renoncé au bénéfice du principe de spécialité, il doit être retenu que son placement en détention a été prononcé des mêmes chefs que ceux qui ont été visés au mandat d'arrêt sur lequel les autorités judiciaires des Emirats arabes unis se sont nécessairement fondées pour prononcer la remise de l'intéressé, la référence française visée par les autorités émiriennes dans la suite des messages échangés avec le BEPI étant celle de la présente procédure. 23. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 24. D'une part, les éléments transmis par les autorités émiriennes compétentes se référaient à une décision de justice autorisant la remise, ainsi qu'au fait que la personne remise consentait à son extradition, sans mentionner une quelconque réserve. 25. D'autre part, les autorités des Emirats arabes unis, qui ont été mises en mesure de fournir les éléments nécessaires à la vérification du respect du principe de spécialité, lequel protège également la souveraineté de l'Etat requis, n'ont, à aucun moment, indiqué que la remise avait été assortie de réserves. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. 27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 21-85.413 F-B 12 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Bastia, en date du 7 septembre 2021, qui a prononcé sur une demande de conversion de peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [E] [D], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné M. [E] [D] à la peine de six mois d'emprisonnement en répression de faits d'emploi à son domicile d'une personne en situation irrégulière moyennant une rémunération manifestement insuffisante au regard des tâches effectuées. 3. Par jugement du 13 septembre 2018, le juge de l'application des peines a refusé l'aménagement de la peine. 4. M. [D] a présenté une demande de conversion de cette peine en jours-amende le 10 décembre 2020. 5. Par jugement du 7 juin 2021, le juge de l'application des peines l'a rejetée. 6. M. [D] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'aménagement de peine de M. [D], alors : « 1°/ que l'article 723-15 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019, prévoit que toute peine d'emprisonnement ferme d'un condamné libre inférieure ou égale à six mois doit faire l'objet d'une détention à domicile sous surveillance électronique, d'une semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur ; que l'arrêt attaqué constate que M. [D] a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et qu'il est libre ; qu'en refusant toutefois d'aménager cette peine, au seul motif pris de l'insuffisance des éléments communiqués, cependant qu'elle était tenue de prononcer, même d'office, l'une des mesures d'aménagement susvisées, après avoir ordonné au besoin des investigations complémentaires, la chambre de l'application des peines a violé les articles 723-15 et 712-16 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'article 723-15 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019, a mis en place une obligation d'aménagement des peines fermes des condamnés libres inférieures ou égales à six mois d'emprisonnement, sauf si la personnalité ou la situation du condamné rendent les mesures d'aménagement impossibles ; que l'arrêt attaqué constate que M. [D] a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et qu'il est libre ; qu'en refusant toutefois d'aménager cette peine, sans constater que la personnalité de M. [D] ou sa situation rendaient impossible cet aménagement, la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 723-15 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour confirmer le jugement du juge de l'application des peines ayant rejeté la demande de conversion de peine, l'arrêt attaqué retient que le service pénitentiaire d'insertion et de probation a indiqué que M. [D] n'a pas communiqué les justificatifs permettant l'examen de sa situation, et que ce service émet un avis défavorable à la mesure d'aménagement sollicitée, alors que l'intéressé s'était engagé lors du débat contradictoire devant le premier juge, à fournir les documents nécessaires, notamment ceux permettant d'apprécier ses ressources et ses charges. 9. Les juges ajoutent que même en prévision de l'audience de la chambre de l'application des peines statuant sur son appel, M. [D], parfaitement au fait de cette procédure qui dure depuis plusieurs années déjà, n'a pas fourni les éléments demandés, et qu'il produit simplement deux pièces fiscales qui ne permettent pas d'avoir une idée même approximative de ses revenus et de ses charges. 10. En l'état de ces motifs, la chambre de l'application des peines, qui n'était saisie que d'une demande de conversion de peine, n'a pas encouru le grief allégué. 11. En effet, d'une part, saisie d'une demande d'aménagement ou de conversion de peine par le condamné, la juridiction de l'application des peines n'a pas l'obligation de se prononcer d'office sur l'opportunité de prononcer une mesure qui ne lui est pas demandée. 12. D'autre part, ayant la faculté, sur le fondement de l'article 747-1 du code de procédure pénale, d'ordonner une conversion de peine si cette mesure lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive, sans être tenue de motiver sa décision par référence aux critères de l'article 723-15 du même code, lequel se rapporte au régime de l'aménagement des peines mais est étranger à celui de leur conversion, la chambre de l'application des peines, qui a souverainement constaté que le condamné n'a pas fourni les éléments nécessaires à l'appréciation de sa demande, a justifié sa décision. 13. Ainsi le moyen doit être écarté . 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux. A rapprocher :Crim., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-84.013, Bull. crim. (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 21-85.594 F-B 4 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 OCTOBRE 2022 Mme [D] [I], épouse [W], la société [1] et la société [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 8 septembre 2021, qui a condamné les deux premières, pour exercice illégal de la profession d'expert comptable, respectivement, à 1 000 euros d'amende avec sursis et à 2 000 euros d'amende avec sursis, la troisième, pour complicité de ce même délit, à 30 000 euros d'amende avec sursis, a ordonné affichage et publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire commun aux demandeurs, un mémoire en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [D] [I], épouse [W], la société [1], la société [3], les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [D] [I], épouse [W], en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de la société [1] ([2]), et la société [3] ont été citées devant le tribunal correctionnel par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, pour avoir exercé illégalement la profession d'expert-comptable ou été complice de ce même délit. 3. Les juges du premier degré ont déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert comptable, condamné celles-ci, respectivement, à 2 000 euros et à 4 000 euros d'amende, déclaré la société [3] coupable de complicité d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et condamné cette dernière à 30 000 euros d'amende. 4. Ils ont en outre ordonné des mesures d'affichage et de publication, et alloué au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables 6 000 euros de dommages et intérêts. 5. Mme [W], la société [2], la société [3], le ministère public et le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ont relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité des mémoires personnels de Mme [W], de la société [2] et de la société [3] 6. Les mémoires personnels des demandeurs au pourvoi, non signés, ne sont pas recevables. Examen des moyens Sur les premier, pris en sa quatrième branche, et second moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, alors : « 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre, exécute habituellement, en son propre nom et sous sa responsabilité, des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 de ladite ordonnance, ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes ; que cette incrimination, en ce qu'elle vise l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », ne s'applique pas à celui qui n'intervient qu'en qualité de sous-traitant d'un expert-comptable, sous le contrôle et la responsabilité de celui-ci, et sans être lié contractuellement au client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société [1], prise en la personne de Mme [W], intervenait comme sous-traitant de la société [3], laquelle était inscrite au tableau de l'ordre des experts-comptables ; qu'en déclarant néanmoins Mme [W] et la société [1] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, au motif erroné que les travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ne pourraient être sous-traités qu'à des personnes ayant elles-mêmes la qualité d'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ; 2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme exerçant illégalement la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer Mme [W] coupable de ce délit, a relevé, d'une part, que son nom figurait sur les ordres de mission qu'elle recevait de la société [3], d'autre part, que la société qu'elle dirigeait, Conseils et services du Léman, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par Mme [W], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ; 3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme se livrant à un exercice illégal de la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer la société [1] coupable de ce délit, a relevé que cette société, d'une part, facturait en son propre nom à la société [3] les prestations que celle-ci lui sous-traitait, d'autre part, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par la société [1], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer les deux prévenues coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du contrat de sous-traitance passé entre la société [3], cabinet d'expertise comptable, et la société [2], dont Mme [W] est la représentante, que la première, qualifiée de donneur d'ordre, a confié mission à la seconde, qualifiée de sous-traitant, d'exercer pour son compte des prestations comptables, telles que saisie de comptabilité et établissement des déclarations fiscales. 10. Les juges ajoutent, d'une part, que les intéressées ont effectué dans ce cadre, sous leur signature et donc en leur nom propre, des travaux relevant de l'exercice de la profession d'expert-comptable, d'autre part, que ces mêmes travaux ont été effectués sous leur responsabilité, toutes deux étant engagées contractuellement à l'égard du donneur d'ordre ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé dans les droits de celui-ci. 11. Ils précisent que la société [3], donneur d'ordre, n'a délégué aucun expert-comptable, même par intermittence, au sein de la société sous-traitante, pour veiller au respect des dispositions légales relatives aux conditions d'exercice de cette profession. 12. Ils concluent que la situation de sous-traitance alléguée par les deux prévenues, pour justifier l'exécution habituelle de travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 en dépit de leur absence de qualité d'expert-comptable, est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction. 13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes. 14. En premier lieu, si les travaux définis par l'article 20 de l'ordonnance susmentionnée comme relevant du monopole des experts-comptables doivent être exécutés par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s'attache, non pas au rapport entre ces travaux et le client au profit duquel ils sont effectués, mais à la qualité de leur auteur direct. 15. En deuxième lieu, le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l'égard de l'entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. 16. En troisième lieu, la sous-traitance de travaux de comptabilité, qui n'implique pas la complète subordination du sous-traitant à l'expert-comptable, ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques, alors que ces objectifs justifient la prérogative exclusive d'exercice de l'expert-comptable, professionnel titulaire du diplôme afférent, qui prête serment lors de son inscription au tableau de l'ordre, se soumet à un code de déontologie et à des normes professionnelles, et qui, objet de contrôles réguliers de son activité, est en outre soumis à une obligation d'assurance civile professionnelle. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. FIXE à 2 500 euros la somme globale que les demanderesses au pourvoi devront payer au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre octobre deux mille vingt-deux. A rapprocher :Crim., 20 novembre 2001, pourvoi n° 00-84.216, Bull. crim. 2001, n° 240 (rejet) ;Crim., 18 juin 2002, pourvoi n° 01-83.590, Bull. crim 2002, n° 135 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-80.950 F-B 23 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [G] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 12 janvier 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de menace de mort et infraction à la législation sur les armes, a confirmé la décision de destruction du bien saisi prise par le procureur de la République. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [F], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une procédure d'enquête diligentée du chef de menaces de mort, les enquêteurs ont effectué le 17 mai 2021 une perquisition au domicile de M. [G] [F] au cours de laquelle ils ont procédé à la saisie de trois fusils, armes de catégorie C, dont les investigations ont révélé que le demandeur les détenait sans déclaration. 3. Le 14 juin 2021, le procureur de la République a ordonné la destruction des armes saisies. Cette décision a été notifiée oralement par procès-verbal le lendemain à M. [F] qui en a interjeté appel le 18 juin suivant. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021 après avoir refusé de prononcer la nullité de la saisie des biens placés sous scellés, alors : « 1°/ que la saisie de fusils de chasse opérée au cours d'une procédure distincte, initialement suivie du chef de menace de mort avec ordre de remplir une condition, est nulle dès lors que la personne gardée à vue a fait l'objet d'une nouvelle procédure en détention illégale d'arme de catégorie C sans que le procureur de la République n'ait été immédiatement informé de la découverte de faits autres que ceux à l'origine de la mesure de garde à vue précédemment ordonnée ; que la personne intéressée n'a pu bénéficier des droits et garanties octroyés par les articles 65, 61-1, 63.3-1, 63-4-3 du code de procédure pénale relativement à ces faits nouveaux, consistant notamment à être avertie de son droit à être assisté d'un avocat et à s'entretenir avec lui, en violation des textes susvisés et du droit de la défense entrainant la nullité de cet acte ainsi que des actes subséquents qui en découlent ; 2°/ qu'en outre, la saisie opérée dans ces conditions requiert l'assentiment de l'intéressé et la rédaction d'un procès-verbal de saisine distinct ; que M. [F] faisait valoir que lors de la découverte des fusils de chasse à son domicile, les enquêteurs n'avaient aucun élément leur permettant de déterminer l'illicéité de la détention de ces armes de chasse qui n'avait pas de rapport avec les faits poursuivis par ailleurs, et qu'ils devaient donc se conformer aux règles de la saisie incidente prévue par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ; qu'en considérant de façon tout à fait hypothétique et dubitative que la saisie s'avérait utile à la manifestation de la vérité, ces armes étant « de façon vraisemblable » liées aux menaces de mort objets de la poursuite pour considérer la saisie justifiée par référence à la procédure initiale sans justifier du lien existant entre la détention de fusils de chasse et les menaces de mort, la Chambre de l'instruction a ainsi méconnu les textes et principes susvisés. » Réponse de la Cour 6. Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite. Sur le second moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021, alors : « 1°/ que la décision du procureur de la République d'ordonner la destruction des biens meubles saisis doit aux termes de l'article 41-5 dernier alinéa du code de procédure pénale être motivée ; que l'arrêt attaqué qui constate l'absence de motivation de la décision au demeurant purement orale du procureur de la République de Bastia autorisant la destruction des scellés, ne permettant pas ainsi à M. [F] d'en connaître les raisons exactes, ni de pouvoir exercer son recours en toute connaissance de cause, devait annuler cette décision irrégulière sans pouvoir y substituer sa propre motivation dans le cadre de la « contestation » de cette décision élevée par M. [F], la Chambre de l'instruction étant saisie d'un recours direct et non par l'effet dévolutif d'un appel d'une décision juridictionnelle ; que la Chambre de l'instruction n'a donc pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 41-5 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs ; 3°/ que l'arrêt ne pouvait davantage se borner à affirmer que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, et qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par la loi qui les catégorise en fonction de leur « dangerosité », alors même qu'elle constatait que les armes saisies au domicile de M. [F] sont de la catégorie C, laquelle n'est pas soumise à autorisation mais à une simple déclaration ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces points, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et violé les articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que M. [F] non seulement s'opposait à la destruction, mais sollicitait la remise des armes en cause, et soulignait qu'il avait hérité ces fusils de son père, qu'il ne s'en servait pas, mais qu'ils avaient pour lui une valeur sentimentale ; cette demande et cette argumentation impliquaient nécessairement que le juge du fond, avant d'ordonner une destruction privant définitivement l'intéressé de ses droits, examine la décision de destruction au regard du principe de proportionnalité ; le critère légal de dangerosité d'un bien ne pouvant suffire à lui seul à en justifier la destruction sans aucun examen de l'opportunité de préserver les droits du propriétaire sur ce bien ; en se fondant exclusivement sur la dangerosité des fusils, et sur le fait qu'actuellement ils n'étaient pas régulièrement détenus, ce que M. [F] s'engageait à régulariser en les déclarant officiellement, sans réellement se prononcer au regard du principe de proportionnalité, la Chambre de l'instruction a violé le premier protocole additionnel à la Convention européenne, et l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 8. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève qu'en raison de l'effet dévolutif du recours, il convient d'examiner le bien-fondé de la décision contestée et de statuer, au besoin par motifs propres, sur la nécessité de cette mesure en substituant aux motifs éventuellement insuffisants des motifs répondant aux exigences légales. 9. En prononçant ainsi, et dès lors que la contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale a la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction, qui pouvait substituer ses motifs à ceux du procureur de la République, a justifié sa décision. 10. Le grief ne peut être accueilli. Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 11. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève, après avoir rappelé les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale, que le requérant ne conteste pas que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure qui prévoit un classement des armes en fonction de leur dangerosité par catégories en vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, et qu'en l'espèce, il est établi, d'une part, que les armes saisies au domicile de M. [F] relèvent de la catégorie C qui est strictement encadrée, d'autre part, que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues pour leur détention et qu'il ne les remplit toujours pas. 12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 13. En effet, d'une part, dès lors que la manifestation de la vérité ne se réduit pas à la seule caractérisation des infractions mais s'étend aux circonstances de leur commission susceptibles d'avoir une influence sur l'appréciation de la gravité des faits, les motifs relatant les circonstances dans lesquelles les armes ont été saisies au cours d'une perquisition au domicile de M. [F], auquel il n'est pas reproché d'en avoir fait usage, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions de leur détention sont sans incidence sur la gravité des faits. 14. D'autre part, la loi, au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, qualifie les armes de dangereuses. 15. Enfin, est inopérant le grief qui, dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de destruction d'un bien qualifié par la loi de dangereux ou nuisible, ou dont la détention est illicite, ordonnée sur le fondement de l'article 41-5 du code de procédure pénale, invoque une atteinte disproportionnée au droit de propriété. 16. Il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 22-86.162 F-B 23 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [B] [M] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 octobre 2022, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires britanniques en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [M] [X], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 6 octobre 2022, M. [B] [M] [X], de nationalité britannique, s'est vu notifier un mandat d'arrêt européen décerné le 9 décembre 2020 par les autorités judiciaires britanniques aux fins d'exercer des poursuites pénales pour des faits qualifiés d'association de malfaiteurs en vue de la fourniture d'une certaine quantité de cocaïne, substance de catégorie A soumise à contrôle, et de détention de stupéfiants. 3. Il a comparu devant la chambre de l'instruction le 9 juin 2022 et n'a pas consenti à sa remise. Il a été placé sous contrôle judiciaire le même jour. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulier et applicable le mandat d'arrêt décerné le 9 décembre 2020 par le juge du District de Matthew de la Bristol Magistrates, au visa d'un mandat d'arrêt national délivré le 27 février 2017 à l'encontre de M. [X] aux fins de l'exercice de poursuites pénales pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de fournir de la drogue de classe A à savoir de la cocaïne, entre le 17 novembre 2015 et le 15 février 2016 et de possession de drogue avec intention d'en fournir, le 4 février 2016, ordonné la mise à exécution du mandat d'arrêt susvisé, ordonné la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques, dit que cette remise est subordonnée à l'engagement des autorités judiciaires britanniques d'appliquer l'article 604, b), de l'accord du 24 décembre 2020, et maintenu M. [X] sous contrôle judiciaire jusqu'à la mise à exécution de la présente décision, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 597 de l'accord du 24 décembre 2020 entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, « la coopération au moyen du mandat d'arrêt » mis en oeuvre par l'article 596 du même accord « est nécessaire et proportionnée compte tenu des droits de la personne recherchée et des intérêts des victimes, et eu égard à la gravité de l'acte, à la peine susceptible d'être infligée et à la possibilité qu'un Etat prenne des mesures moins coercitives que la remise des personnes recherchées » ; d'une part, dans l'hypothèse où il n'y a pas de victime, ce critère doit être pris en compte au regard de la situation de la personne réclamée ; d'autre part la gravité de l'acte doit être appréciée au regard des faits effectivement imputés et non au regard de la seule qualification qui peut leur être attribuée ; il résulte en l'espèce du mandat, des pièces de la procédure et des constatations de l'arrêt qu'il n'y a aucune victime, aucune plainte, ni aucun intérêt particulier lié à raison de la découverte à l'ancien domicile britannique de M. [X] de traces de cocaïne, de matériel susceptible d'être utilisé comme produit de coupe et d'une comptabilité ; le principe de proportionnalité devait donc être examiné notamment au regard de cette circonstance ; en s'abstenant de mettre ce critère en balance dans son examen, la chambre de l'instruction a violé l'article 597 de l'accord du 24 décembre 2020, et l'article 695-52 du code de procédure pénale, outre l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la gravité des faits qui doit entrer dans l'appréciation de la proportionnalité doit être examinée à la lumière des faits réellement décrits dans le mandat, et au besoin des critiques de l'intéressé, et non à la seule lumière d'une qualification abstraite pouvant selon le droit du Royaume-Uni entraîner une peine de réclusion criminelle à perpétuité ; qu'en examinant la gravité des faits uniquement au regard de cette qualification et de la grave peine encourue, et non au regard de leur réalité matérielle, et sans s'expliquer sur les moyens de l'intéressé qui faisait valoir qu'il avait effectivement connu « une mauvaise passe » dont il s'était pleinement sorti en quittant la Grande-Bretagne, la chambre de l'instruction n'a pas correctement apprécié le principe de proportionnalité et a encore violé les textes précités, outre l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction avant d'accorder un renvoi sous condition, notamment sous la condition d'exécution de la peine éventuellement prononcée en France, doit s'assurer que cette condition a été acceptée par l'Etat requérant ; en s'abstenant totalement de s'assurer de l'accord préalable du Royaume-Uni sur ce point, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé l'article 604, b), de l'accord du 24 décembre 2020, outre l'article 695-52 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 597 de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne, d'une part, et le Royaume-Uni, d'autre part, en date du 24 décembre 2020, applicable en la cause, la coopération par le moyen d'un mandat d'arrêt doit être nécessaire et proportionnée compte tenu des droits de la personne recherchée et des intérêts des victimes et, eu égard à la gravité de l'acte, à la peine susceptible d'être infligée et à la possibilité de prendre des mesures moins coercitives que la remise de la personne recherchée, notamment en vue d'éviter des périodes inutilement longues de détention provisoire. 6. Selon l'article 604, b), de cet Accord, si la personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt aux fins de poursuite est résidente de l'Etat d'exécution, sa remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l'Etat d'exécution afin d'y purger la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté prononcée à son encontre dans l'Etat d'émission. 7. Pour rejeter le moyen de M. [X] pris d'une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et autoriser sa remise aux autorités judiciaires britanniques, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les conditions légales de la double incrimination étaient remplies, énonce que M. [X], de nationalité britannique, vit en France depuis 2016, et bénéficie d'un titre de séjour valable jusqu'en novembre 2025, qu'il est marié et que le couple a trois enfants, nés en France en 2017, 2018 et 2021 et dont les deux aînés sont scolarisés. 8. Les juges relèvent que M. [X], qui a travaillé régulièrement depuis 2016, exerce actuellement un emploi de mécanicien dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 11 juillet 2022 tandis que son épouse est employée à temps partiel comme chef de cuisine. 9. Ils considèrent que la remise de M. [X], inséré professionnellement et socialement en France, aurait de lourdes conséquences pour sa famille, sa vie familiale et professionnelle. 10. Ils retiennent cependant que les faits objet de la poursuite sont d'une particulière gravité au regard de l'emprisonnement à perpétuité qui est encouru, du rôle central prêté à M. [X] dans un trafic de stupéfiants portant sur de la cocaïne, substance éminemment dangereuse, dont l'ampleur s'apprécie en tenant compte des volumes découverts à son domicile susceptibles d'être vendus après coupage. 11. Ils soulignent enfin que la perquisition a été diligentée le 4 février 2016 au domicile de M. [X], alors que celui-ci avait quitté le Royaume-Uni pour venir en France avec son épouse au cours de cette même année. 12. Ils en déduisent que la remise sollicitée est proportionnée eu égard à l'extrême gravité objective des faits reprochés à M. [X]. 13. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son pouvoir souverain d'appréciation et dont il résulte que la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'Accord du 24 décembre 2020 de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. 14. Par ailleurs, en subordonnant la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques à l'application par ces dernières des dispositions de l'article 604, b), de l'Accord précité, lequel ne subordonne pas l'exécution du mandat d'arrêt en vue de la mise en oeuvre de poursuites pénales dans l'Etat d'émission à un engagement ferme de l'autorité judiciaire émettrice tendant à ce que la peine qui viendrait à être infligée à la personne recherchée soit subie sur le territoire de l'Etat d'exécution, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les dispositions visées au moyen. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. 16. Enfin, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.