18I4CE - Avril 2024BÂTIMENTSLa majorité des bâtiments existants n’a pas été conçue pour faire face aux risques climatiques actuels et futurs. Les évènements de ces dernières années ont donné une bonne image du niveau d’(in)adaptation du parc. En 2022 par exemple, 2,9 milliards d’euros de dom-mages assurés ont été relevés en conséquence de la sécheresse (CCR 2023a). Ce montant n’était que de 466 millions d’euros par an en moyenne dans les années 2000. À mesure de l’évolution du climat, le niveau d’expo-sition du parc augmentera fortement et, si rien n’est fait pour s’adapter, les conséquences évolueront dans le même sens : 3,3 milliards d’euros par an de dommages attendus à + 2,7°C ; entre 7 et 12 milliards d’euros par an d’impacts sanitaires lors des épisodes de vagues de chaleur dont une partie est imputable aux bâtiments pour ce même niveau de réchauffement. Face à ces phénomènes, une forme d’adaptation réactive est déjà à l’œuvre. Elle se matérialise juste avant, pendant ou juste après les crises : face aux vagues de chaleur, les ménages s’équipent en climatisation, ce qui représente déjà des investissements non négligeables, de l’ordre de 3,5 mil-liards d’euros par an en moyenne pour le logement ; après les inondations et les sécheresses, les assureurs prennent en charge les dommages et l’on reconstruit la plu-part du temps à l’identique. Ces formes d’adaptation ques-tionnent dans la mesure où elles sont pour certaines génératrices d’externalités négatives pour d’autres déjà proches de leurs limites comme c’est le cas avec le système de réassurance déjà sollicité au-delà de ses capacités.Pour l’adaptation aux vagues de chaleur, des alternatives sont d’ores et déjà disponibles : les solutions autres que la climatisation sont déjà connues. Surtout, des investisse-ments déjà prévus par ailleurs (dans la rénovation énergé-tique globale, la construction neuve) présentent déjà des cobénéfices pour l’adaptation. Aller un cran plus loin entraine des surcoûts et donc des investissements supplé-mentaires à anticiper – entre + 1 et + 2,5 milliards d’eu-ros par an pour la construction neuve et + 4,4 milliards d’euros par an pour le parc existant une fois que les investissements en matière de rénovation énergétique auront atteint leur rythme de croisière – mais permettront de limiter les impacts sanitaires et le recours à la climatisa-tion qui risque de devenir incontournable à + 4°C.Pour le retrait-gonflement des argiles, un ciblage de la prévention et des recherches sur les solutions doivent être entrepris, car pour l’heure, les options disponibles pour les bâtiments existants, onéreuses ou expérimentales, ne per-mettent pas de conclure sur un meilleur scénario d’adaptation. Enfin, pour les risques d’inondation et de feux de forêt, il s’agit avant tout de dynamiques de territoire : si des mesures peuvent être déployées à l’échelle des bâtiments, c’est d’abord au niveau des quartiers ou des villes que l’action collective gagne en cohérence et pourrait être renforcée. Pour aller plus loin, un certain nombre de mesures orga-nisationnelles pourrait être mis en œuvre sans attendre pour accompagner les filières, développer des solutions et animer les politiques d’adaptation. Certains de ces besoins avaient déjà été estimés et nous semblent toujours d’actualité : 31 millions d’euros par an pour les vagues de chaleur, 100 millions d’euros par an pour le RGA et 125 mil-lions d’euros par an pour les inondations.La majorité des bâtiments a été construite à une période où il n’existait ni plan de prévention (pour les inondations ou les feux de forêt), ni dispositions constructives spéci-fiques pour se prémunir des fortes chaleurs, du risque d’inondation ou de retrait-gonflement des argiles. Si des dispositions existent désormais pour éviter de construire dans les zones les plus à risque, celles-ci ne prennent pas encore en compte les évolutions futures du climat : le zonage des risques est fait dans le climat actuel et la règlementation thermique prend comme valeur extrême la canicule de 20031. Surtout, la question de l’adaptation du parc existant, reste encore très peu posée notamment lors des opé-rations de rénovation. Les bâtiments n’ont pas été conçus pour faire face aux aléas climatiques : des conséquences économiques déjà visibles1. Prendre en compte des données prospectives plutôt qu’historiques lors de l’élaboration et la mise à jour des plans de prévention des risques, normes de construction, plans d’urbanisme etc. est un des défis majeurs pour l’adaptation. La proposition de Trajectoire de réchauffement de référence (TRACC) permet aujourd’hui de donner un cadre homogène pour le faire. L’enjeu à présent est de s’assurer de la bonne utilisation de cette trajectoire dans l’ensemble de ces référentiels, normes, plans etc. Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3) qui devrait être adopté en 2024 pourrait apporter des éléments de réponse en ce sens.Résumé