title
stringlengths
1
209
summary
stringlengths
38
964
text
stringlengths
168
100k
date
stringlengths
10
10
topic
stringclasses
573 values
url
stringlengths
21
250
Les Etats-Unis pourraient retirer jusqu’à 7 000 soldats d’Afghanistan
Donald Trump envisage de retirer une grande partie des forces américaines en Afghanistan, selon des responsables américains.
Les troupes américaines en Afghanistan, en janvier. Massoud Hossaini / AP Le Pentagone prévoit de retirer jusqu’à la moitié des quelque 14 000 troupes américaines présentes en Afghanistan, ont annoncé plusieurs officiels, cités par la presse sous couvert d’anonymat, vendredi 21 décembre. Ce revirement soudain intervient alors que des représentants des Etats-Unis négocient avec les talibans pour préparer, à marche forcée, un accord de réconciliation nationale. Selon l’un de ces officiels, cité par l’agence Associated Press (AP), les troupes pourraient quitter le pays d’ici à l’été, après la date prévue de l’élection présidentielle afghane, le 20 avril. L’annonce de ce retrait, initialement révélé par le Wall Street Journal, intervient juste après la décision du président Trump de retirer les quelque 2 000 forces américaines stationnées dans le nord-est de la Syrie, et quelques heures après la démission du secrétaire à la défense, James Mattis. Ce dernier avait joué un rôle-clé, en 2017, pour convaincre le président Trump d’étoffer de 4 000 hommes le contingent américain en Afghanistan, malgré sa méfiance face à une guerre entamée en 2001 qu’il jugeait perdue de longue date. Les troupes américaines entraînent les forces afghanes, aux côtés de 8 000 troupes de l’OTAN, et luttent contre Al-Qaida et pour empêcher l’organisation Etat islamique (EI) de développer sa présence dans l’est et le nord du pays. Elles ont relancé depuis un an leurs opérations de combat et de soutien aérien, malgré leur fin annoncée dès 2014 pour l’OTAN. Cette couverture aérienne avait atteint ces derniers mois un niveau inégalé depuis le pic des opérations américaines, au début des années 2010, lorsque l’OTAN comptait quelque 140 000 personnels dans le pays, dont 100 000 Américains. Pertes difficiles à soutenir Vendredi, la présidence afghane a affirmé qu’un retrait « n’aura [it] pas d’impact sur la sécurité » du pays, sur laquelle l’armée afghane exerce déjà son « contrôle ». Elle demeure pourtant sur la défensive, face à l’insurrection qui exerce son autorité sur environ la moitié du pays. Etablis aux abords de plusieurs capitales de province du sud-est et du nord, les talibans en menacent régulièrement le centre-ville. Ils avaient poussé, en 2017, les maigres forces d’assaut de choc et l’aviation afghanes à sauter sans repos d’une crise à l’autre. Malgré l’aide américaine, ces forces ont enregistré, en 2018, des pertes difficiles à soutenir, et reculent sur le terrain. Plus de 25 000 soldats et policiers afghans ont été tués depuis que les forces de l’OTAN ont annoncé la fin de leurs opérations de combat en 2014. Au moins 8 050 civils ont, par ailleurs, été victimes de cette guerre au cours des neuf premiers mois de 2018, selon l’ONU, dont 313 morts imputables aux frappes américano-afghanes, soit une augmentation de 39 % par rapport à 2017. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Afghanistan : le rendez-vous manqué de Genève Le général des marines Kenneth McKenzie, qui s’apprête à prendre la direction du commandement central des forces américaines dans la région (Centcom), avait récemment déclaré au Congrès, lors de son audition de confirmation, que l’armée afghane s’écroulerait sans le soutien américain : « Si nous partions précipitamment maintenant, je ne crois pas qu’ils seraient capables de défendre leur pays avec succès. Je ne sais pas combien de temps cela va prendre. Je pense que l’une des choses qui seraient les plus dommageables pour eux serait que nous posions un calendrier là-dessus, et que nous disions que nous partons à un moment précis. » Pourparlers publics directs avec les insurgés L’armée américaine s’est abstenue à plusieurs reprises, cette année, de frapper de fortes concentrations de combattants talibans, comme dans le nord, lorsque ceux-ci affrontaient des groupes armés rivaux locaux affiliés à l’EI. Dans le même temps, Washington a multiplié les contacts et engagé, en mai, des pourparlers publics directs avec les insurgés. C’était franchir sa propre ligne rouge, dans l’espoir de placer une réconciliation avec les talibans au centre de la campagne pour la présidentielle d’avril. Quitte à forcer la main, voire à laisser de côté dans ce processus le gouvernement du président Ashraf Ghani. Le doute demeure sur la volonté du mouvement de s’engager dans un réel partage du pouvoir. Lundi encore, le représentant spécial américain, Zalmay Khalilzad, nommé en septembre, a rencontré une délégation de talibans aux Emirats arabes unis. Ces derniers avaient alors de nouveau refusé de rencontrer les représentants du gouvernement. Ils exigent de fixer avec les Américains un cadre pour le retrait de leurs troupes, de négocier le sort des talibans emprisonnés et la levée des sanctions qui pèsent sur leurs commandants, avant tout échange politique avec Kaboul. Le doute demeure sur la volonté du mouvement de s’engager dans un réel partage du pouvoir. Gouvernement central affaibli Les représentants de trois pays sur lesquels Washington a appuyé ces négociations, le Pakistan (pays le plus proche de l’insurrection talibane, qui héberge une partie de sa direction), l’Arabie saoudite et les Emirats, ont proposé un cessez-le-feu de trois mois, pour permettre des négociations de fond. Le conseiller à la sécurité nationale du président Ghani, Hamdullah Mohib, avait critiqué sur Twitter, après ces échanges aux Emirats, des négociations abordant une forme de partage du pouvoir en l’absence des représentants de Kaboul. Le gouvernement central, affaibli, divisé et défié par des barons de province, s’inquiète de voir des candidats présumés à la présidentielle faire le voyage au bureau de représentation des talibans à Doha, au Qatar, à l’image de représentants de l’ONU et des grandes organisations humanitaires. Les talibans, comme d’anciens leaders du djihad antisoviétique, ont par ailleurs renforcé des relations autonomes depuis 2014 avec leur grand voisin iranien et la Russie, une façon de prendre de l’autonomie face à leur parrain traditionnel pakistanais.
21/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/21/les-etats-unis-decident-d-un-retrait-important-des-troupes-americaines-d-afghanistan_5400653_3210.html
Righter, l’appli de rencontres réservée aux trumpistes
Convaincue que les clivages politiques ont envahi la sphère amoureuse, une entrepreneuse, soutien de Donald Trump, vient de lancer une application de rencontres pour les jeunes conservateurs.
« Les hommes qui tenteraient d’échapper au paiement de l’addition au restaurant prennent le risque d’être dénoncés. » TWITTER LETTRE DE WASHINGTON On pourrait presque croire à une parodie. Mais Righter existe bel et bien. Cette nouvelle application de rencontres réservée aux trumpistes a effectivement été lancée début décembre par une « consultante en communication », qui a fait campagne pour Donald Trump. L’idée lui est venue après avoir entendu, consternée, des jeunes conservateurs raconter leurs déboires amoureux, notamment dans les villes libérales telles que Washington, réputée pour abriter les utilisateurs les plus compulsifs d’applications de rencontre. Mais dans la capitale fédérale, où les « millenials » célibataires sont légion au sein des administrations, seuls 4 % de la population a voté républicain en 2016. « Ils se faisaient rejeter sur les applications classiques dès qu’ils disaient avoir voté pour Trump », a récemment déclaré la fondatrice de Righter, Christy Edwards Lawton, aux animateurs de Fox and Friends, l’émission matinale préférée du président américain. En août, une enquête du magazine Politico auprès de jeunes « staffers » de la Maison Blanche confirmait que certains d’entre eux préféraient rester vagues sur leur lieu de travail ou en arrivaient à mentir sur leur profession pour éviter d’être taxés de « racistes » ou de « sexistes ». Militantisme assumé Si, comme sa fondatrice le prétend, la sphère amoureuse n’échappe pas aux profonds clivages politiques qui traversent le pays depuis l’élection de 2016, Righter veille apparemment à ce que ce fossé persiste. Les « gauchistes » n’y sont pas les bienvenus. Si les abonnés sont surpris à avoir menti sur leur physique, leur âge, mais plus encore leur orientation politique, les responsables de l’application se réservent le droit de les évincer. L’entrepreneuse est de toute façon convaincue que l’amour ne peut suffire à réduire les fractures idéologiques. Aussi, le militantisme de Righter est-il totalement assumé. Sur son compte Twitter, les messages aux tourtereaux alternent avec les déclarations énamourées à Donald Trump. « On est tellement fier du président et de son travail remarquable, qui a permis de relancer une économie laissée dans le marasme par Obama », s’enthousiasme Righter mi-décembre. « L’amour que vous allez rencontrer sur Righter aura un nom : MAGAlike », référence au slogan de campagne du président américain « Make America Great Again » (Rendre sa grandeur à l’Amérique) affirme le compte dans la même veine.
21/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/21/righter-l-appli-de-rencontres-reservee-aux-trumpistes_5400650_3210.html
Carlos Ghosn à nouveau en garde à vue, cette fois pour « abus de confiance aggravé »
Alors que sa détention semblait se terminer, le PDG déchu a été accusé d’avoir fait passer des pertes personnelles sur les comptes de Nissan en 2008.
Philippe Wojazer / REUTERS La rocambolesque affaire Carlos Ghosn a connu un nouveau rebondissement, vendredi 21 décembre. Le parquet de Tokyo a encore une fois placé en garde à vue l’ex-président de Nissan (et toujours PDG de Renault), l’accusant d’abus de confiance aggravé. Il pourrait être maintenu en détention pendant une nouvelle période de dix jours, indiquait, vendredi, la presse japonaise. Cette nouvelle arrestation est liée aux pertes subies au moment de la crise des subprimes de 2007-2008 par la société gérant la fortune de M. Ghosn. Ces pertes, d’un montant de 1,85 milliard de yens (14,5 millions d’euros), auraient été imputées en octobre 2008 à la comptabilité de Nissan. Elles seraient liées à des transactions effectuées sur des dérivés de devises. La hausse du yen pendant la crise en serait la cause. Entre 2009 et 2014, une filiale de Nissan aurait par ailleurs versé 14,7 millions de dollars (12,8 millions d’euros) à ce gestionnaire de fortune. Plus d’un mois de détention La loi japonaise sur les entreprises fixe une prescription de sept ans. Mais les procureurs soutiennent qu’elle ne s’applique pas à M. Ghosn en raison du temps qu’il a passé à l’étranger ces dix dernières années. L’annonce de la nouvelle détention de M. Ghosn survient alors que sa libération sous caution était envisagée. Après plus d’un mois en détention, le tribunal de Tokyo avait rejeté, jeudi, une requête du parquet de prolonger de dix jours sa garde à vue, ouvrant la voie à une libération sous caution. Le parquet avait fait appel, en vain. Carlos Ghosn avait été mis en examen le 10 décembre. Le parquet de Tokyo l’avait inculpé au terme d’une première garde à vue de vingt-deux jours pour avoir minoré les déclarations de revenus remises aux autorités financières de l’Archipel entre les exercices 2010 et 2014. Il l’avait immédiatement replacé en garde à vue pour des faits similaires, mais pour les exercices allant de début 2015 à mars 2018. M. Ghosn a nié toute malversation, expliquant que les montants en question devaient être versés après son départ à la retraite. Une histoire d’honneur ? Encerclé par les journalises, l’avocat de Carlos Ghosn tente de quitter le centre de détention de Tokyo, le 20 décembre. ISSEI KATO / REUTERS L’avocat de Carlos Ghosn, Motonari Otsuru, n’a fait aucun commentaire sur la nouvelle arrestation. Dans la matinée de vendredi, la chaîne publique NHK, citant le conseil de M. Ghosn, rapportait que le PDG de Renault avait juré de rétablir son honneur en justice et de s’adresser à la presse dès sa sortie. Excluant de fuir – l’une des raisons du maintien en détention d’étrangers au Japon serait que les procureurs craignent de les voir quitter le pays –, il aurait également demandé de pouvoir quitter le Japon. Arrêté en même temps que Carlos Ghosn le 19 novembre, son proche et ex-directeur délégué de Nissan, Greg Kelly, n’a pas été arrêté vendredi. L’un de ses avocats s’est rendu en fin de matinée au tribunal pour déposer une demande de libération sous caution. La société Nissan, également mise en examen dans cette affaire, a refusé de commenter les derniers développements, tout comme le ministre de la justice, Takashi Yamashita. Au sujet des critiques émises à l’international contre le fonctionnement de la justice japonaise, il a expliqué que les procédures « se font dans le respect des textes » et que, de ce fait, « il n’y a pas lieu de critiquer ».
21/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/21/carlos-ghosn-fait-l-objet-d-un-nouveau-mandat-d-arret_5400643_3234.html
« Gilets jaunes » : les mesures obtenues après les manifestations adoptées à l’Assemblée
Prime exceptionnelle, heures sup défiscalisées, exonérations… le texte, examiné et voté en treize heures par les députés, ira maintenant au Sénat.
Prime exceptionnelle, heures supplémentaires défiscalisées, exonération élargie de hausse de CSG pour des retraités : l’Assemblée nationale a donné son feu vert, dans la nuit de jeudi 20 à vendredi 21 décembre, aux mesures d’urgence du gouvernement pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». Après plus de treize heures de vifs débats, le projet de loi sur les « mesures d’urgence économiques et sociales » a été approuvé avec 153 voix pour, 9 voix contre et 58 abstentions. Le texte, examiné en procédure accélérée, passera dans la foulée vendredi au Sénat. Son président, Gérard Larcher, a souhaité un « vote conforme » de la Chambre haute, à majorité de droite, ce qui permettrait l’adoption du texte avant les vacances parlementaires. « Vous aurez Noël aux ronds-points ! » Ces mesures apportent « des réponses rapides, fortes et concrètes » à la crise des « gilets jaunes », « condition d’un apaisement » même si « cela ne suffira pas », a affirmé la ministre du travail, Muriel Pénicaud, présente aux côtés de la ministre de la santé, Agnès Buzyn. C’est plutôt un « trompe-l’œil », a dénoncé la gauche de la gauche. « Vous pensez que vous allez régler le problème avec quatre mesures et un grand débat (…), il ne vous restera qu’à croiser les doigts pour que les gens s’en contentent », a répondu le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon. « Vous allez avoir Noël aux ronds-points », a-t-il promis. « Votre projet de loi répond à la règle des trois “E” : embrouille, entourloupe et emberlificotage », a raillé le communiste Pierre Dharréville. Communistes et Insoumis ont réclamé en vain le retrait de la mesure portant sur la défiscalisation des heures supplémentaires, « mesure sarkozyste dangereuse », selon eux. La demande des Républicains d’exonérer ces heures supplémentaires de cotisations patronales a également été rejetée, la majorité ne souhaitant pas que les entreprises recourent à ce moyen au lieu d’embaucher de nouveaux salariés. Les explications sur la prime d’activité : « 100 euros de plus par mois », qui en profitera ou non, en sept exemples « Un budget insincère » Les oppositions de gauche comme de droite ont jugé « injuste » la prime exceptionnelle de 1 000 euros détaxée que les entreprises auront la possibilité de verser, d’ici au 31 mars, à des salariés rémunérés jusqu’à 3 600 euros. « De nombreuses petites et moyennes entreprises ne pourront néanmoins pas les verser », faute de trésorerie suffisante, a souligné Gilles Lurton (LR). Sur la CSG, les Républicains ont défendu sans succès des amendements pour que la mesure touche l’ensemble des retraités. L’article 4 du projet de loi, qui prévoit un rapport du gouvernement sur « la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité au 1er janvier 2019 » – la mesure de revalorisation elle-même ne passant pas par la loi mais par le règlement –, a donné lieu à des débats houleux sur la promesse d’Emmanuel Macron d’une hausse de revenu de 100 euros autour du smic.
21/12/2018
emploi
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/12/21/l-assemblee-vote-la-defiscalisation-des-heures-supplementaires_5400638_1698637.html
Aux Etats-Unis, la surprise et le choc après la démission du secrétaire à la défense James Mattis
L’ex-général était pour le maintien de troupes en Syrie. Désavoué, il a dit ne plus être en mesure de travailler avec Trump.
LEAH MILLIS / REUTERS Le retrait de Syrie aura été la décision de trop. Désavoué alors qu’il plaidait en faveur du maintien de cette force de stabilisation déployée dans le nord-est du pays pour lutter contre l’organisation Etat islamique (EI), le secrétaire à la défense des Etats-Unis, James Mattis, a jugé, jeudi 20 décembre, qu’il n’était plus en mesure de travailler aux côtés de Donald Trump. La lettre de sa démission, qui prendra effet en février, le temps qu’un successeur soit nommé et confirmé par le Sénat, le dit sans ambages. « Parce que vous avez le droit d’avoir un secrétaire à la défense dont les vues sont mieux alignées sur les vôtres (…), je pense que me retirer est la bonne chose à faire », assure le général du corps des marines. Il conclut sa missive en assurant avoir « apprécié d’avoir pu servir la nation » ainsi que « nos hommes et femmes sous l’uniforme ». Sans un mot de remerciement pour le président. «Je pense que James Mattis est une sorte de démocrate, si vous voulez la vérité.» Donald Trump Donald Trump avait annoncé ce départ, après bien d’autres, sur son compte Twitter en fin d’après-midi, en rendant hommage à l’ancien militaire dont le sort était en suspens depuis des mois compte tenu d’une addition de contentieux avec le président. Ce dernier avait signalé qu’il était prêt à se séparer de lui en octobre, au cours d’un entretien à la chaîne CBS. « Je pense qu’il est une sorte de démocrate, si vous voulez la vérité », avait perfidement glissé le locataire de la Maison Blanche. Entre Trump et les militaires américains, un malentendu L’ancien marine avait pourtant été poussé à la retraite par l’administration de Barack Obama qui le trouvait trop agressif vis-à-vis de l’Iran. Il occupait alors les fonctions de responsable du commandement militaire régional chargé du Proche-Orient. Autre vexation : Donald Trump n’avait pas retenu au début du mois son candidat pour le poste de chef d’état-major. Dépourvu de la moindre expérience en matière de défense et de diplomatie, le président s’était tourné après son élection vers les militaires pour peupler son administration. Un choix qui reposait cependant sur une méprise : le milliardaire comptait sur une loyauté qu’il présumait aveugle, alors que pour ces derniers le service de l’Etat a toujours primé. Cette alliance de circonstance s’est achevée par un divorce. Ce malentendu a été résumé par l’usage que le président a fait à ses débuts d’un surnom de James Mattis, « Mad Dog », que ce dernier n’a jamais revendiqué. Donald Trump attendait un « chien de guerre » à ses ordres, alors qu’il avait face à lui un érudit soucieux des équilibres du monde.
21/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/21/james-mattis-prend-acte-de-ses-desaccords-avec-donald-trump_5400636_3210.html
Le secrétaire à la défense américain Mattis démissionne, en désaccord avec le retrait militaire de Syrie
Le départ du secrétaire à la défense était attendu depuis l’annonce par le président américain du retrait des forces américaines de Syrie.
Le secrétaire à la défense, Jim Mattis, en septembre, à Washington. Susan Walsh / AP Le secrétaire américain à la défense, Jim Mattis, a présenté jeudi 20 décembre sa démission, reconnaissant des divergences avec Donald Trump, dans une lettre au président américain rendue publique par le Pentagone. « Parce que vous avez le droit d’avoir un ministre de la défense dont les vues sont mieux alignées sur les vôtres (…) je pense que me retirer est la bonne chose à faire », écrit l’ancien général des Marines dans cette lettre datée de jeudi, au lendemain de l’annonce du retrait militaire américain de Syrie, auquel il était farouchement opposé. Quelques minutes auparavant, Donald Trump avait écrit, sur Twitter, que Jim Mattis quitterait ses fonctions fin février. « Traiter les alliés avec respect » Dans cette missive d’une page et demie, M. Mattis énumère ses convictions, différant totalement de celles du président, sans toutefois mentionner explicitement le retrait de Syrie. « La force de notre nation est inextricablement liée à la force de notre système unique et complet d’alliances et de partenariat », écrit le chef du Pentagone. « Comme vous, j’ai dit depuis le début que les forces armées des Etats-Unis n’avaient pas pour vocation à être le gendarme du monde », poursuit-il, en référence à la justification par M. Trump de retirer au plus vite les 2 000 soldats américains déployés en Syrie. Mais « il faut traiter les alliés avec respect », ajoute-t-il, et « nous devons faire tout notre possible pour favoriser un ordre international propice à notre sécurité, notre prospérité et nos valeurs, et nous sommes renforcés dans cet effort par la solidarité de nos alliances ». « De même, je suis convaincu qu’il nous faut être résolus et sans ambiguïté dans notre approche envers les pays dont les intérêts stratégiques sont de plus en plus opposés aux nôtres », ajoute le secrétaire d’Etat, citant la Russie et la Chine. M. Mattis précise qu’il quittera ses fonctions le 28 février, « une date qui devrait donner suffisamment de temps pour nommer et confirmer un successeur » et lui permettre de participer à une dernière réunion ministérielle de l’OTAN, prévue en février à Bruxelles. « Je m’engage à faire tous les efforts pour assurer une transition en douceur », conclut-il dans ce message qui montre sans ambiguïté que ce départ se fait à des conditions qu’il a lui-même fixées. Lire notre éditorial : Syrie : un retrait américain déroutant
21/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/21/etats-unis-le-ministre-de-la-defense-jim-mattis-demissionne_5400631_3210.html
Etats-Unis : le « shutdown » prolongé au-delà de Noël
De nombreux services publics états-uniens sont paralysés à la suite de l’échec d’un accord sur le financement du mur que réclame Donald Trump à la frontière mexicaine.
Les sénateurs états-uniens ont suspendu samedi 22 décembre les discussions pour obtenir un compromis budgétaire qui mettrait fin à la fermeture partielle des administrations fédérales. Le shutdown (fermeture) de l’administration se poursuivra donc au minimum jusqu’après la période de Noël, les sessions au Congrès ne devant reprendre que le 27 décembre… voire jusqu’en janvier. « Il est très possible » que le shutdown « aille jusqu’au nouveau Congrès », qui doit se réunir pour la première fois le 3 janvier, a ainsi affirmé le directeur du budget à la Maison Blanche, Mick Mulvaney, dimanche sur Fox News. 800 000 fonctionnaires en congé sans solde En attendant, de nombreux ministères et agences gouvernementales ont fermé leurs portes samedi matin, laissant environ 800 000 fonctionnaires en congé sans solde ou, pour les services jugés essentiels, forcés de travailler sans être payés alors que la période des fêtes bat son plein. M. Mulvaney, nommé secrétaire général par intérim de la Maison Blanche à partir de janvier, a néanmoins précisé que tous les employés fédéraux seraient payés jusqu’au 28 décembre. Ce n’est qu’à partir de cette date que leurs salaires seront susceptibles d’être affectés par le « shutdown », a-t-il souligné. « Je suis heureux que des discussions productives se poursuivent », a expliqué le chef de la majorité sénatoriale, Mitch McConnell. « Quand ces négociations produiront une solution acceptable par toutes les parties – ce qui veut dire 60 votes au Sénat, une majorité à la Chambre et une signature présidentielle – alors nous la présenterons en séance », a-t-il ajouté. Promesse de campagne Principal point de frictions : le financement d’un mur à la frontière mexicaine voulu par Donald Trump. Le président des Etats-Unis réclame que le budget de fonctionnement d’une partie de l’administration intègre 5 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros) qui seraient consacrés à ce qui constitue l’un de ses principaux engagements de campagne, ce que refuse catégoriquement l’opposition démocrate. Elle propose en revanche une allocation de 1,3 milliard de dollars pour l’amélioration de la sécurité aux frontières. « Nous négocions avec les démocrates sur la sécurité aux frontières dont nous avons absolument besoin (gangs, drogues, trafic d’êtres humains et plus) mais ça pourrait durer longtemps », avait prévenu en fin de matinée le président états-unien, qui a différé son départ en vacances en Floride. Mais le patron des sénateurs démocrates, Chuck Schumer, rend l’occupant de la Maison Blanche responsable de la situation. « Si vous voulez ouvrir le gouvernement, abandonnez le mur, purement et simplement », a-t-il dit, critiquant une barrière « chère, inefficace, dont la majorité des Américains ne veulent pas ». Avec seulement 51 sièges sur 100 au Sénat, les républicains ne disposent pas des 60 voix nécessaires pour l’adoption d’une loi budgétaire. Et ils ne peuvent pas compter sur un appui des démocrates. Le temps presse pour le président, car les démocrates reprendront en janvier les commandes de la Chambre des représentants, où ils ont obtenu une majorité de sièges après leur victoire électorale en novembre. Troisième « shutdown » en un an Ce blocage budgétaire est le troisième de l’année, après janvier (trois jours) et février (quelques heures), déjà à cause de la question migratoire. Le précédent, en octobre 2013, avait duré seize jours, et le record, en 1995-1996, vingt et un jours. Il affecte des ministères importants, comme la sécurité intérieure, la justice, le commerce, les transports, le Trésor ou l’intérieur, qui gère les parcs nationaux très visités pendant les fêtes, comme le Grand Canyon. La statue de la Liberté doit toutefois rester ouverte au public grâce au financement de ses opérations par l’Etat de New York. Ce « shutdown » survient dans un contexte tendu avec l’annonce présidentielle du retrait des troupes états-uniennes de Syrie. Cette décision a provoqué les démissions du ministre de la défense, James Mattis, et de l’émissaire pour la coalition internationale antidjihadistes, Brett McGurk. Le principal syndicat de fonctionnaires, l’American Federation of Government Employees (AFGE, Fédération américaine des employés du gouvernement), a dénoncé un blocage « honteux, inacceptable et un gaspillage tout à fait évitable des dollars des contribuables ». Pour Hank Johnson, élu démocrate de Géorgie, le « shutdown » affecte les fonctionnaires, qui « méritent de pouvoir payer leur loyer, payer des cadeaux de Noël et manger ». « Shutdown » coûteux Reste à savoir comment Wall Street, qui sera ouvert lundi pour une séance raccourcie, va réagir. La Bourse de New York a enregistré cette semaine son plus grave plongeon hebdomadaire depuis 2008, agitée notamment par la menace de « shutdown » et la perspective d’un ralentissement économique aux Etats-Unis. Selon l’agence de notation Standard & Poor’s, le « shutdown » de 2013 avait coûté 24 milliards de dollars à l’économie états-unienne. Lire notre synthèse (en édition abonnés) : Les difficultés judiciaires et politiques s’accumulent pour Donald Trump
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/le-shutdown-prolonge-aux-etats-unis-faute-d-accord-budgetaire-au-senat_5401462_3210.html
Plusieurs journalistes insultés et agressés par des « gilets jaunes »
Une rédactrice et une journaliste reporter d’images de France 2, une équipe de BFMTV et une reporter du « Progrès » ont été conspués dans les Pyrénées-Orientales et dans la Loire.
Des « gilets jaunes » au Boulou, près de la frontière franco-espagnole, le 22 décembre 2018. RAYMOND ROIG / AFP Deux journalistes de France 2 Montpellier ont été « violemment » agressées samedi 22 décembre par des « gilets jaunes », selon l’Agence France-presse (AFP) qui a recueilli leur témoignage. La rédactrice et la journaliste reporter d’images (JRI) se trouvaient près du péage de l’autoroute A9 du Boulou, que des manifestants avaient partiellement bloqué au cours de la journée, près de la frontière franco-espagnole. « Tout a basculé dans l’après-midi, quand les forces de l’ordre ont lancé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants et qu’un mouvement de panique s’est emparé de la foule », a expliqué l’une d’elle. « Avec ma collègue, on a été prises à partie, pourchassées, frappées par une foule de manifestants qui nous a complètement encerclées », a-t-elle ajouté, encore sous le choc. « Pluie d’insultes » « Vendues », « vous ne faites que trafiquer la réalité », criaient avec rage des « gilets jaunes », hommes et femmes confondus, d’après la rédactrice. Les deux journalistes disent avoir été « sauvées » par un « gilet jaune » qui s’est interposé et leur a permis de s’enfuir « sous une pluie d’insultes ». Elles ont porté plainte. Dans la matinée, une équipe de BFMTV et une journaliste du Progrès ont aussi été prises à partie à Saint-Chamond (Loire) par des « gilets jaunes », tandis qu’ils couvraient leur action de blocage de l’autoroute A47, selon leurs rédactions. Le reporter et le cameraman de BFMTV, accompagnés par deux agents de sécurité, ont déclaré à l’AFP avoir été ciblés par un groupe d’une vingtaine de personnes après avoir réalisé un duplex depuis l’aire du Pays du Gier. L’équipe de télévision a réussi à les empêcher de leur soustraire leur caméra, mais celle-ci a été endommagée durant l’altercation. Une heure plus tard, sur le même site, en bordure de l’A47, qui était coupée dans les deux sens par des incendies allumés sur la chaussée, une journaliste du quotidien régional La Tribune-Le Progrès a, à son tour, été agressée par deux « gilets jaunes ». « Ce couple l’a bousculée pour s’emparer de son smartphone avec lequel elle prenait des photos. D’autres “gilets jaunes” sont intervenus pour récupérer et lui restituer l’appareil », a déclaré à l’AFP le directeur départemental du quotidien, Patrick Maugé. Ce n’est pas la première fois que des reporters sont agressés depuis le début du mouvement. A Toulouse notamment, cinq journalistes de CNEWS et BFMTV avaient porté plainte fin novembre pour « violences aggravées », « menaces de mort », « tentative d’agression en réunion », rapportant avoir reçu des coups de pied, des crachats et avoir été poursuivis dans la rue.
22/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/22/plusieurs-journalistes-insultes-et-agresses-par-des-gilets-jaunes_5401460_3224.html
« Gilets jaunes » : un mort et une mobilisation en demi-teinte pour l’acte VI
Le ministère de l’intérieur a comptabilisé moins de 40 000 manifestants, dont 2 000 à Paris, en baisse par rapport au samedi précédent.
Manifestation de « gilets jaunes » à Bordeaux, le 22 décembre. NICOLAS TUCAT / AFP A trois jours de Noël, les « gilets jaunes » comptaient de nouveau mobiliser leurs troupes dans toute la France pour un sixième samedi d’affilée de manifestations. Mais la fronde marque le pas. Mobilisation en baisse Le ministère de l’intérieur comptabilisait 38 600 manifestants à travers le pays à 18 heures, contre 66 000 le 15 décembre. Depuis le pic du 17 novembre et les 282 000 manifestants recensés, la mobilisation est en baisse. Ils étaient 166 000 « gilets jaunes » à manifester le 24 novembre et 136 000 les 1er et 8 décembre. A Paris, pour ce sixième samedi consécutif de mobilisation, la préfecture dénombrait 2 000 manifestants vers 18 heures, contre près de 4 000 à son maximum samedi dernier. Situation calme à Versailles, où plusieurs milliers de personnes s’étaient déclarées « intéressées » par une manifestation organisée sur l’avenue de Paris, juste en face du château. Une soixantaine de « gilets jaunes » seulement se trouvaient sur l’avenue vers midi, au milieu d’un important dispositif policier, selon l’Agence France-Presse (AFP). Par crainte de débordements, le domaine et le château de Versailles avaient été fermés « de manière préventive ». Quelque 2 600 « gilets jaunes » ont défilé à Bordeaux et 2 500 à Toulouse, selon les préfectures. Une mobilisation conséquente mais inférieure aux 4 500 manifestants comptabilisés samedi dernier dans ces deux villes, en pointe depuis le début du mouvement. Environ 1 000 « gilets jaunes » ont manifesté à Lille dans l’après-midi, chantant la Marseillaise et scandant « Macron démission ! ». Ils étaient 500 à Nantes selon la préfecture, dans un calme « relatif ». A Rennes, une importante opération escargot était en cours en début de soirée. Lors de la manifestation des « gilets jaunes », à Nantes, le 22 décembre. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP Quelque 80 « gilets jaunes » se sont rassemblés samedi midi devant la maison de Brigitte et d’Emmanuel Macron au Touquet, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes contre des manifestants qui tentaient de forcer le dispositif policier. La veille au soir, un pantin à l’effigie du président a été décapité lors d’une manifestation à Angoulême, une « mise en scène macabre » qui a été signalée au parquet, a annoncé samedi la préfecture de Charente. Ces faits « portent gravement atteinte tant à la personne qu’à la fonction du président de la République » et sont « susceptibles d’être qualifiés pénalement », précise-t-elle dans un communiqué. Jeudi, le ministère de l’intérieur avait décompté 3 680 « gilets jaunes », soit l’étiage le plus bas depuis le début de ce mouvement né en réaction à une hausse prévue des taxes sur les carburants – que le gouvernement a depuis annulée. 220 interpellations Sur l’ensemble du territoire, 220 personnes ont été interpellées, dont 81 placées en garde à vue, selon la police. Les interpellations ont concerné 142 personnes dans la capitale, dont dix-neuf en garde à vue, la plupart pour des « attroupements en vue de commettre des violences ». Pour rappel, en amont des mobilisations du 8 décembre, les forces de l’ordre avaient réalisé près de 1 500 gardes à vue en une journée, un record. Parmi les gardés à vue de ce samedi figure l’un des porte-voix des « gilets jaunes », Eric Drouet, 33 ans. Il a été arrêté peu après 14 heures rue Vignon, dans le quartier de la Madeleine, au milieu de quelques dizaines de manifestants. Ce chauffeur routier de Melun, en Seine-et-Marne, avait contribué à lancer la mobilisation contre la hausse des carburants en novembre. C’est aussi lui qui avait appelé à manifester à Versailles ce samedi, avant de lancer sur Facebook dans la matinée un appel à se rassembler plutôt à Montmartre. Plusieurs « gilets jaunes » ont été filmés ce matin en train de chanter La Quenelle, de Dieudonné, sur le parvis du Sacré-Cœur. Encadrés par des forces de l’ordre, quelque 200 manifestants rassemblés sur la butte Montmartre avaient ensuite quitté le 18e arrondissement pour partir vers le centre, dans une ambiance parfois tendue, selon une journaliste de l’AFP. Ils se sont séparés en groupes épars de dizaines de personnes déambulant sans itinéraire, parfois bloqués par les forces de l’ordre ou repoussés à coups de gaz lacrymogènes. Comme la semaine dernière, 69 000 membres des forces de l’ordre environ avaient été déployés, dont 8 000 à Paris, appuyés par des véhicules blindés à roues de la gendarmerie. Tensions tardives sur les Champs-Elysées En fin de journée, les Champs-Elysées ont été le théâtre de violents accrochages entre « gilets jaunes » et policiers. L’avenue a été évacuée et un important dispositif de forces de l’ordre déployé sur place. Le matin, pourtant, seuls une vingtaine de « gilets jaunes » s’étaient rassemblés en haut de l’avenue, en face de l’arc de Triomphe. Contrairement aux cinq samedis précédents, la circulation était possible également place de la Concorde. Les cafés et restaurants ont déployé normalement leurs terrasses et la quasi-totalité des magasins exhibait leur vitrine. Seules quelques boutiques de luxe sont restées fermées. Accrochages entre les forces de l’ordre et les manifestants en marge de la manifestation des « gilets jaunes », place de la Concorde, à Paris, le 22 décembre. ZAKARIA ABDELKAFI / AFP Article réservé à nos abonnés Lire aussi Depuis la crise des « gilets jaunes », la vie à huis clos d’Emmanuel Macron Un dixième décès Dans la nuit de vendredi à samedi, un automobiliste est mort après avoir percuté un camion bloqué à un barrage filtrant de « gilets jaunes », à l’entrée d’autoroute de Perpignan-sud, a déclaré le procureur de Perpignan, Jean-Jacques Fagni. M. Fagni a précisé que la plupart des manifestants présents lors de l’accident s’étaient enfuis. Une enquête de flagrance a été ouverte pour « homicide involontaire aggravé et entrave à la circulation ». Blocages de frontières et d’autoroutes Au niveau du Boulou (Pyrénées-Orientales), près de la frontière espagnole, plus de 300 « gilets jaunes » bloquaient depuis samedi matin une bretelle d’autoroute. « Le roi Macron donne des miettes aux gueux », « Le mépris ça suffit », pouvait-on lire sur leurs banderoles. Ils étaient encadrés par un cordon de gendarmes qui les empêchaient d’accéder au péage. En début d’après-midi, les « gilets jaunes » et des dizaines de militants séparatistes catalans, vêtus eux aussi de gilets jaunes et brandissant le drapeau indépendantiste, ont été délogés par les forces de l’ordre, a affirmé à l’AFP la préfecture des Pyrénées-Orientales. Les manifestants ont été chassés hors de l’autoroute à coups de gaz lacrymogènes et se sont massés sur un pont, jetant des objets sur l’axe routier. Des journalistes de France 2 ont été prises à partie par des « gilets jaunes ». Blocage d’une bretelle d’autoroute par les « gilets jaunes », au Boulou (Pyrénées-Orientales), près de la frontière espagnole, le 22 décembre. RAYMOND ROIG / AFP Dans le Sud-Est, la circulation sur l’autoroute au poste-frontière de Vintimille, près de Menton (Alpes-Maritimes), a été bloquée dans les deux sens entre l’Italie et la France à cause d’un barrage érigé par quelque 200 manifestants, d’après l’AFP. Vers midi, le barrage est devenu filtrant pour les automobilistes mais les camions étaient toujours bloqués. A Strasbourg, une centaine de « gilets jaunes » ont bloqué la route d’accès au pont de l’Europe, frontalier avec l’Allemagne, avant d’être délogés par les forces de l’ordre. La police a procédé à six interpellations. Des blocages ont également été signalés dans la nuit de vendredi à samedi dans le Nord, sur les autoroutes A2 et A22, à la frontière belge. Selon Vinci Autoroutes, quelques entrées, sorties et barrières de péage sont encore fermées sur le réseau, notamment sur l’autoroute A7.
22/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/22/gilets-jaunes-un-mort-et-une-mobilisation-en-demi-teinte-pour-l-acte-vi_5401457_3224.html
« Les consommateurs ne mesurent pas les étapes nécessaires avant d’obtenir une tablette de chocolat »
Pour Patrick Poirrier, président du groupe Cémoi, continuer à étendre les plantations de cacao au détriment des forêts n’est pas une solution pour répondre à une demande en pleine expansion.
Retournement des fèves de cacao pour un séchage homogène, à Sao Tomé-et-Principe. Antoine Boureau/Biosphoto Patrick Poirrier est président du groupe Cémoi, le plus important chocolatier de France. La société qui est installée à Perpignan (Pyrénées-Orientales), s’est lancée en 2015 dans une démarche d’approvisionnement responsable, intitulée « Transparence Cacao », qui vise à la fois à améliorer la qualité des récoltes et les conditions sociales et environnementales chez les planteurs. Comment vous situez-vous sur le marché du chocolat ? Nous sommes un petit parmi les dix plus gros mondiaux. Nous produisons plus de 200 000 tonnes de produits chocolatés par an et nous achetons 120 000 tonnes d’équivalent cacao. Nous sommes très présents dans le bio, en provenance du Pérou, de l’Equateur, de Sao Tomé, de la République dominicaine. Notre pâte de cacao provient en outre de Côte d’Ivoire, où il y a aussi du bon cacao. Obtenir du chocolat n’est pas un processus simple. Les consommateurs ne mesurent pas combien d’étapes sont nécessaires avant d’arriver à une tablette : récolte, fermentation, torréfaction… La demande, notamment en Europe de l’Est et en Asie, continue d’augmenter. Pour y répondre, la cacaoculture de plein soleil [intensive] n’est pas une solution durable. Nous sommes pleinement conscients qu’étendre les plantations toujours davantage n’est pas une bonne idée ! D’autant qu’en grandissant, les exploitations deviennent difficiles à gérer, les rendements baissent. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La culture du cacao dévore la forêt tropicale Quelles sont les solutions pour enrayer ce phénomène ? Il faut améliorer la productivité. Et pour cela favoriser l’agroforesterie. Les cacaoyers ont besoin d’un couvert qui leur fournit de l’ombre, ce qui les protège de certaines maladies et d’attaques d’insectes. Les deux premières années, 15 % à 20 % d’entre eux meurent à cause des sécheresses. L’apport d’arbres favorise l’humus, le compost. Notre société soutient la recherche agronomique et nous organisons des formations pour les planteurs et pour les planteuses aussi – il y a beaucoup de femmes dans les coopératives en Afrique. Mon objectif, c’est qu’ils y reviennent. Participer juste une fois ne suffit pas, c’est de l’argent jeté par les fenêtres. Les producteurs de cabosses ont vraiment besoin de revenus. Leurs exploitations sont familiales, elles ne dépassent pas 2 à 3 hectares en moyenne. Rien à voir avec les vastes plantations de palmiers à huile. Nous développons en outre un système de paiement via leur téléphone portable. C’est pour eux une vraie chance d’épargner, sans être soumis aux risques de vol, de dysfonctionnements des banques…
22/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/22/les-consommateurs-ne-mesurent-pas-les-etapes-necessaires-avant-d-obtenir-une-tablette-de-chocolat_5401454_3244.html
Au Costa Rica, des modèles vertueux de plantations de cacaoyers
Les exploitations préservant l’environnement sont mises en difficulté par les prix bas de la cacaoculture intensive d’Afrique de l’Ouest.
Cabosses mûres de cacao, au Costa Rica. Michel Gunther/Biosphoto La piste, fréquemment lavée par les pluies tièdes, grimpe jusqu’à la maison où la famille Fuentes propose des chambres d’hôte, au centre du Costa Rica. C’est là, à la finca Diklä – une exploitation agricole noyée dans la forêt tropicale –, que Stéphane Roux et sa compagne ont décidé, en 2015, de faire pousser des cacaoyers, à plus de 800 mètres d’altitude. Une plantation en « quasi-bio » de 3,5 hectares sur d’anciennes friches hérissées d’arbres solides pour retenir le terrain en pente et enrichie des déjections des chèvres de la finca. Cinq personnes y travaillent. Le Centre agronomique tropical d’enseignement et de recherche, situé à Turrialba, la ville voisine, apporte son expertise. Les premiers fruits des 3 500 pieds plants devraient apparaître en 2019, puis les 3 ou 4 tonnes de la première vraie récolte en 2020, précise ce maître chocolatier à l’accent provençal, dont la société, L’Art chocolatier, est installée à Pertuis (Vaucluse) et à Lyon. « Comme dans une cocotte-minute, nous avons besoin de soleil et de 85 % d’humidité, afin que la cabosse s’en nourrisse et devienne aromatique grâce aux odeurs des autres plantes, des ananas tout autour », présente Stéphane Roux, désolé de voir ailleurs, au Brésil notamment, « la faune et la flore déstabilisées pour produire des grosses cabosses sans goût ». Maintien de la biodiversité Comme lui, en France, une vingtaine de professionnels auraient franchi le pas et tenteraient de maîtriser leur production de la fève à la tablette. « J’en avais assez de subir les fluctuations des cours, relate-t-il. Aujourd’hui, je paie de 12 à 20 euros le kilo de fèves, qui ont été payées une misère aux coopératives. Demain, combien ce sera, avec le réchauffement ? » Un coup de cœur pour le Costa Rica s’est ajouté à ces motivations. Le pays est un de ceux où le cacao a été découvert. Près de la frontière avec le Panama, des communautés amérindiennes continuent de faire visiter des petites plantations. La culture a été très importante dans le pays, avant de s’écrouler dans les années 1960. La faute à un champignon, entre autres. Face à la demande, le gouvernement tâche de la relancer. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La culture du cacao dévore la forêt tropicale « En Amérique latine, le cacao est majoritairement cultivé d’une façon propice au maintien de la biodiversité, expose Frédéric Amiel, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales. La République dominicaine n’a ainsi eu aucun mal à passer au bio. » Mais ces modèles vertueux sont mis en difficulté par les prix bas de la cacaoculture intensive telle qu’elle s’est développée en Afrique de l’Ouest.
22/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/22/au-costa-rica-des-modeles-vertueux-de-plantations-de-cacaoyers_5401451_3244.html
La culture du cacao dévore la forêt tropicale
La consommation de chocolat dans les pays développés entraîne une destruction massive de la biodiversité, y compris dans des zones protégées.
Fabrication de chocolat bio dans une usine à Manara (Pérou), en janvier 2017. GUADALUPE PARDO / REUTERS Papillote ? Truffe ? Bûche au chocolat ? Le cacao est l’une des stars des fêtes de fin d’année. Mais, dévêtu de son emballage scintillant, il présente une face bien moins brillante, franchement sombre même chez certains pays producteurs. En Afrique, qui fournit près des trois quarts des marchés mondiaux, il a pour prix la dévastation massive des paysages dans l’ouest du continent. Au Brésil, le ministère du travail a rendu publique en novembre, avec l’Organisation internationale du travail, une enquête concluant à la « présence significative » de labeur forcé et d’enfants à la tâche dans les plantations de cacaoyers. Pour sa part, Mighty Earth a publié, début décembre, un rapport sur l’impact de l’extension de la « cacaoculture » en Côte d’Ivoire, où elle s’immisce jusqu’au cœur de parcs nationaux et de réserves naturelles a priori protégées. L’ONG américaine estime que 30 % des récoltes en proviennent, en toute illégalité. De leur côté, des experts du développement durable de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) reviennent d’une mission au Ghana voisin, où le modèle agricole n’est guère plus vertueux. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Costa Rica, des modèles vertueux de plantations de cacaoyers Même si le cacao n’est pas le seul responsable, dans ces deux pays qui en sont les plus gros exportateurs du monde, les couverts forestiers ont été réduits de « 90 % depuis l’indépendance », selon Mighty Earth ; « de 80 % depuis les années 1980 », selon l’Iddri. La forêt du pays s’est recroquevillée, confirment les recensements officiels ivoiriens, passant de 16 millions d’hectares en 1900, à 3,4 millions d’hectares en 2015. « L’élimination de leur habitat par l’industrie du cacao a repoussé les éléphants dans de maigres couloirs de forêts, facilitant le travail des braconniers pour les pister et les abattre, rapporte Mighty Earth. Les hippopotames nains, les écureuils volants, les pangolins, les léopards, les crocodiles, et bien d’autres espèces de la Côte d’Ivoire sont également menacés. » Il ne reste plus qu’entre 200 et 400 éléphants sur une population qui à l’origine en comptait des dizaines de milliers. Pour les gourmands européens, la question de la consommation responsable se pose, car les Vingt-Huit achètent plus de la moitié de la production de la planète. Ainsi, chaque année 300 000 tonnes de fèves entrent dans le port d’Anvers, la Belgique étant en retour un important exportateur de chocolat. Loin derrière le soja et l’huile de palme, le cacao constitue la troisième cause de déforestation importée imputable à l’Union européenne. Et sa production – 4,7 millions de tonnes en 2016-2017 –, ne cesse d’augmenter, pour répondre à un appétit général qui s’aiguise, y compris en Asie.
22/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/22/les-cultures-de-cacao-devorent-la-foret-tropicale_5401448_3244.html
« Pavarotti, chanteur populaire » : un ténor pop jusqu’à la démesure
Le chanteur italien, mort en 2007, fait l’objet d’un documentaire aigre-doux mais juste.
« Pavarotti, chanteur populaire », documentaire de Romain Pieri et René-Jean Bouyer. ARTE Arte, samedi 22 décembre à 22 h 20, documentaire Quinze mois après sa première diffusion, Arte propose à nouveau un documentaire consacré à Luciano Pavarotti (1935-2007), le ténor le plus populaire de son temps. Avec l’apport de nombreux témoignages, ce film fait de manière honnête le portrait aigre-doux, mais juste, de cette voix et de ce tour de taille légendaires. Car le ténor de Modène, svelte et sportif en sa jeunesse, avait un faible pour la nourriture. Son ex-épouse – Pavarotti la quittera pour se marier à sa secrétaire – dit d’ailleurs : « Si la musique avait une place importante dans sa vie, celle de la nourriture l’était plus encore… » Lorsqu’il partait en tournée, on transportait pour le ténor de quoi installer une cuisine complète à l’hôtel. Son ancien agent, Herbert Breslin, raconte cela de manière vacharde dans Le Roi et moi (City Editions, 2005), coécrit avec la journaliste Anne Midgette. Le chef Carlos Kleiber disait : « Quand Luciano Pavarotti chante, le soleil se lève sur le monde. » Mais son répertoire était mince et son jeu d’acteur inexistant. Son collègue Placido Domingo reconnaît, sans méchanceté, que son ami et collègue « interprétait ses rôles comme s’il ne prenait pas ses personnages au sérieux ». Gargantuesque Dracula Si Domingo est « un musicien accompli », rappelle le documentaire, Pavarotti ne lisait qu’approximativement la musique et apprenait ses rôles en écoutant des disques. L’Espagnol a toujours flirté avec la musique populaire mais l’Italien, après l’expérience très rémunératrice des « Trois Ténors », lancée en 1990 avec son collègue et José Carreras, est allé très loin dans le dévoiement de son répertoire. Alors qu’il constituait des duos douteux avec des chanteurs et musiciens pop, sonmanageur et agent de trente-six années, après avoir bien profité des retombées de la manne des « Trois Ténors », devait lâcher l’animal de cirque qu’était devenu le chanteur. Le film montre Pavarotti apparaissant pour la dernière fois en public, avec l’allure d’une sorte de gargantuesque Dracula en cape noire, quelques mois avant de mourir. A bout de voix, dans un stade de football, il avait décidé, autohumiliation suprême et inutile, de chanter en playback. Pavarotti, chanteur populaire, documentaire de Romain Pieri et René-Jean Bouyer (Fr., 2017, 52 min). www.arte.tv
22/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/22/pavarotti-chanteur-populaire-un-tenor-pop-jusqu-a-la-demesure_5401447_1655027.html
Le Real Madrid surclasse Al-Ain en finale de la Coupe du monde des clubs
A Abu Dhabi, les Espagnols ont dominé le club émirati (4-1) et remportent le trophée pour la quatrième fois.
Sergio Ramos, auteur du troisième but du Real Madrid, samedi 22 décembre, à Abu Dhabi. SUHAIB SALEM / REUTERS La « Smart » n’a pas battu la « Mercedes ». Le Real Madrid s’est logiquement imposé 4-1 samedi face aux très modestes émiratis d’Al-Ain pour remporter sa troisième Coupe du monde des clubs consécutive, devenant ainsi l’équipe la plus titrée de l’histoire de la compétition. « Une Smart peut battre une Mercedes », avait plaisanté avant le match l’entraîneur croate d’Al-Ain, Zoran Mamic. Pas quand la Mercedes appuie sur l’accélérateur. L’écart, abyssal sur le papier entre le triple tenant du titre en Ligue des champions et le club des Emirats arabes unis, qui n’était en lice dans cette compétition que pour représenter le pays hôte, s’est concrétisé par une victoire sans appel. Les Merengues, arrivés dans le Golfe en pleine crise après un départ poussif en Liga et un changement d’entraîneur au passage (Santiago Solari a succédé à Julen Lopetegui le 29 octobre), ont dominé de la tête et des épaules cette finale à Abou Dhabi. Tombeur surprise des Argentins de River Plate en demi-finale, Al-Ain ne boxait pas dans la même catégorie. Le Real Madrid, qui a souvent fait preuve de suffisance lors de cette finale et qui aurait pu l’emporter sur un score bien plus large encore, en a profité pour soulever sans grande adversité son quatrième trophée en cinq ans en Mondial des clubs. Il est donc devenu le club le plus titré dans la nouvelle formule de la compétition - anciennement appelée la Coupe intercontinentale -, devant son éternel rival du FC Barcelone. Le néo-Ballon d’or Luka Modric a ouvert le bal d’une frappe enroulée du pied gauche décochée à l’extérieur de la surface (14e, 1-0). En deuxième période, Marcos Llorente a fait le break d’un missile en demi-volée (60e, 2-0) et il n’y avait déjà plus aucun suspense lorsque le capitaine, Sergio Ramos, a expédié d’une tête le ballon du 3-0 dans les filets (79e). Al-Ain a sauvé l’honneur par Tsukasa Shiotani (86e, 3-1) avant d’inscrire un nouveau but… contre son camp dans les arrêts de jeu par Yahia Nader (90+1, 4-1).
22/12/2018
football
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/22/le-real-madrid-surclasse-al-ain-en-finale-de-la-coupe-du-monde-des-clubs_5401441_1616938.html
Retrait américain de Syrie : l’envoyé des Etats-Unis pour la coalition anti-djihadistes démissionne
Selon plusieurs médias américains, Brett McGurk, 45 ans, avait décidé de quitter son poste en février mais il a avancé cette échéance après l’annonce surprise du retrait des soldats américains en Syrie.
L’envoyé des Etats-Unis pour la coalition antijihadistes, Brett McGurk, le 13 février 2018. Stephanie McGehee / REUTERS L’émissaire des Etats-Unis pour la coalition internationale anti-djihadistes, Brett McGurk, a présenté vendredi sa démission, a indiqué samedi un responsable du département d’Etat. Son départ sera effectif au 31 décembre, a précisé ce responsable sous couvert d’anonymat, sans autre détail. Selon plusieurs médias américains, Brett McGurk, 45 ans, avait décidé de quitter son poste en février mais il a avancé cette échéance après l’annonce surprise du retrait des soldats américains en Syrie. Le président américain, Donald Trump, a en effet annoncé mercredi sa décision de retirer le plus vite possible les quelque 2 000 soldats américains stationnés en Syrie, estimant que le groupe Etat islamique (EI) était vaincu. Le même jour, il indiquait que la préparation d’un désengagement partiel d’Afghanistan était lancée. Le Wall Street Journal et le New York Times ont évoqué le départ de la moitié des 14 000 militaires américains engagés sur le sol afghan dans ce conflit vieux de dix-sept ans, lancé après les attentats du 11 septembre 2001. Le lendemain des annonces présidentielles, le ministre de la défense, Jim Mattis, faisait part de sa démission, affichant son désaccord avec la nouvelle stratégie de la Maison Blanche. Mises en garde A plusieurs reprises, cet ex-général des Marines âgé de 68 ans avait mis en garde contre un départ précipité de Syrie, évoquant le risque de « laisser un vide qui puisse être exploité par le régime (du président Bachar Al-) Assad ou ses soutiens ». Lire aussi Retrait américain de Syrie : les Kurdes sollicitent le soutien de la France Vendredi, c’est l’émissaire américain pour la coalition internationale anti-djihadistes qui a décidé de jeter l’éponge en offrant sa démission au secrétaire d’Etat, Mike Pompeo. La semaine dernière, il assurait que les Américains avaient vocation à rester encore pendant un bon moment en Syrie. « Même si la fin du califat en tant que territoire est maintenant clairement à portée de main, la fin de l’EI prendra beaucoup plus longtemps », avait-il dit devant la presse à Washington, car « il y a des cellules clandestines » et « personne n’est naïf au point de dire qu’elles vont disparaître » du jour au lendemain. « Personne ne déclare mission accomplie », avait-il insisté. « Nous avons bien entendu appris beaucoup de leçons dans le passé, donc nous savons qu’une fois que les territoires sont libérés, on ne peut pas simplement plier bagage et partir ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le régime syrien devrait intensifier sa pression sur les Kurdes après le retrait américain
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/retrait-americain-de-syrie-l-envoye-des-etats-unis-pour-la-coalition-anti-djihadistes-demissionne_5401438_3210.html
« Les Fantômes du Havre » : un polar qui arrive à bon port
Le Havre sert de cadre à un scénario de bonne facture, où une intrigue criminelle se superpose à un drame familial.
Barbara Cabrita incarne une policière en quête de son père dans « Les Fantômes du Havre », de Thierry Binisti. ARTHUR FARACHE-SAUVEGRAIN / SCARLETT PRODUCTION France 3, samedi 22 décembre à 21 heures, téléfilm Le Havre n’en finissait plus de traîner son image de port austère en béton armé. Le cinq centième anniversaire de la ville, célébré en 2017, ainsi que l’entrée à Matignon de son ancien maire, Edouard Philippe, auront été l’occasion de mettre un coup de projecteur sur son renouveau. Amenée à devenir le port du « Grand Paris », la ville normande est devenue si tendance que l’on y tourne désormais des polars. Dans celui réalisé par Thierry Binisti, les enquêteurs pataugent, mais, surprise, pas sous la pluie – il y fait toujours beau. Ses prises de vue, tantôt aériennes, tantôt au ras des voitures, donnent d’emblée à voir le caractère urbain et architectural du Havre. L’intrigue se déroule justement dans un quartier réhabilité – Danton –, qui a connu, il y a dix ans, « pas mal d’affaires de dopes, recels et agressions ». Le lieutenant Ariane Capestan (Barbara Cabrita) et son collègue Gaspard Lesage (Frédéric Diefenthal) sont chargés d’enquêter sur le corps momifié d’une jeune femme, retrouvé dans la cheminée murée d’un vieil appartement. Inhabité depuis des années, il appartient aux Rohan, une puissante famille protégée par le commissaire Cartier et la juge Guérin. Des fantômes hantent les deux intrigues de ce polar havrais Très vite, on apprend les raisons de la mutation au Havre d’Ariane Capestan : elle est venue y retrouver son père à qui elle n’a pas parlé depuis vingt ans. Celui-ci n’est autre que le professeur Valetti, médecin légiste chargé d’identifier la momie. Après des retrouvailles manquées avec sa fille, il va se réconcilier avec elle et l’aider dans son enquête : grâce à des tests ADN, il établit que le corps est celui de Claire Rohan, dont les parents pensaient qu’elle était morte en Argentine, en 2009. Barbara Cabrita, Frédéric Diefenthal et Pierre Philippe (de dos) dans « Les Fantômes du Havre », de Thierry Binisti. ARTHUR FARACHE-SAUVEGRAIN / SCARLETT PRODUCTION Des fantômes hantent donc les deux intrigues de ce polar havrais. L’intrigue criminelle – qui a tué Claire Rohan et pourquoi ? – se révèle convaincante. La piste de Tony Costa, son ancien dealeur, est vite écartée par le duo d’enquêteurs. Les témoignages de ses deux anciennes colocataires sont, en revanche, suffisamment troublants pour maintenir assez longtemps le suspense sur l’identité du tueur. Couple chabrolien De son côté, l’intrigue psychologique – de quels tourments souffre Ariane Capestan, jeune femme aussi charmante que perspicace, pour passer toutes ses nuits au casino du Havre à jouer au poker ? – ne tient pas ses promesses. Ces errances nocturnes ne sont, en réalité, qu’un pur prétexte pour la mettre sur la piste du mobile, les fils de son drame familial, tendus le temps des premiers face-à-face, s’étant dénoués sans surprise. Toutefois, les scénaristes réussissent à introduire, avec ce qu’il faut d’intensité pour la rendre palpable, de la tension au sein du duo d’enquêteurs, efficaces, complices et visiblement attirés l’un par l’autre, sans que l’on sache la nature exacte de leurs sentiments. Les scènes tournées sur les docks, où elle lui révèle ses fragilités, sont loin d’être inoubliables, mais elles donnent à ce polar un petit côté romantique et kitsch. Le béton du port du Havre apparaît dès lors tout en contraste avec les abords fleuris de la villa des Rohan, que l’on devine nichée dans un coin de campagne proche. Cet autre couple, pour être tout à fait chabrolien, aurait gagné à être dépeint avec plus de lenteur. Mais comme dans bon nombre de situations de ce polar, les personnages dévoilent trop rapidement leur vrai visage. Les Fantômes du Havre, de Thierry Binisti. Avec Barbara Cabrita (Fr., 2018, 105 min). www.francetvpro.fr
22/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/22/les-fantomes-du-havre-un-polar-qui-arrive-a-bon-port_5401435_1655027.html
Migrants : l’Espagne autorise l’accostage d’un navire refusé par l’Italie et Malte
Plus de 300 migrants secourus au large de la Libye vendredi se trouvent à bord du bateau de l’association espagnole Proactiva Open Arms.
Un bébé secouru par l’équipe du navire de l’ONG Proactiva Open Arms, le 21 décembre, au large des côtes libyennes. OLMO CALVO / AP Dans cinq à six jours, ils atteindront l’Europe. L’Espagne a autorisé samedi 22 décembre le navire d’une ONG, transportant plus de 310 migrants, à rejoindre ses eaux après que l’Italie et Malte eurent refusé de le recevoir. « Les ports italiens sont fermés ! », avait répondu plus tôt dans la journée Matteo Salvini, le ministre italien de l’intérieur, d’extrême droite, à l’association espagnole Proactiva Open Arms. Celle-ci avait demandé l’autorisation de débarquer ces personnes secourues vendredi en Méditerranée, dont des femmes, des enfants et des bébés, après une réponse négative de Malte. Un nouveau-né accueilli à Malte Si Malte a refusé l’accès du navire, une femme et un bébé, né sur une plage libyenne trois jours plus tôt, ont été autorisés à gagner le territoire et y ont été acheminés dans un hélicoptère des gardes-côtes, selon l’ONG. Les autorités maltaises ont confirmé cette information, précisant qu’il s’agissait d’une femme de 23 ans. Le bateau de l’ONG Astral se dirige à partir de Badalona, près de Barcelone, en direction de l’Open Arms avec du ravitaillement en nourriture, a déclaré la porte-parole de Proactiva Open Arms Laura Lanuza. « Nous restons avec 311 personnes à bord, sans port où accoster, et avec un besoin de provisions », avait tweeté l’ONG dans la journée, appelant à l’aide. #UPDATE Salí and Sam, mother and newborn rescued last night by #OpenArms have been evacuated by Coast Guard helicop… https://t.co/agi0eypJiK — openarms_found (@Proactiva Open Arms ENG) Le navire avait repris fin novembre, avec deux autres bateaux d’ONG, ses missions de sauvetage en Méditerranée centrale, au large de la Libye. Cet itinéraire de l’immigration clandestine est le plus mortel, avec plus de 1 300 migrants morts en tentant de gagner l’Italie ou Malte depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM). Une autre ONG, l’allemande Sea-Eye, a annoncé vendredi soir le départ, depuis Algésiras dans le sud de l’Espagne, d’un nouveau bateau vers le large des côtes libyennes, le Professor Albrecht-Penck. Une partie des dix-huit membres de son équipage sont d’anciens volontaires de l’Aquarius. Ce bateau avait déclenché l’été dernier une crise diplomatique entre les États européens et été mis définitivement à l’arrêt début décembre. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A bord de l’« Aquarius » : « Nous vivrons libres ensemble ou nous mourrons ensemble » Depuis l’arrivée de Matteo Salvini, le ministère italien de l’intérieur fait état de 9 500 arrivées sur les côtes entre juin et novembre, dont les deux tiers par des routes secondaires via la Tunisie, la Turquie ou l’Algérie, contre 57 000 sur la même période l’an dernier.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/migrants-l-italie-refuse-l-accostage-du-navire-d-une-ong_5401427_3210.html
Le Mozambique dans l’enfer de la dette
Le pays a multiplié les dépenses d’infrastructures et en a dissimulé le coût. Il est désormais le plus endetté d’Afrique et plonge dans la crise.
Le nouveau pont de Maputo, ouvert le 10 novembre, a coûté l’équivalent de 690 millions d’euros, financés à 85 % par un prêt chinois. ROBERTO MATCHISSA / AFP Accoudé sur une barrière au bout de l’embarcadère, Henrique Maundzi regarde nonchalamment les passagers monter sur son bateau. Derrière lui s’élève, tout en majesté, un pont, aux gigantesques dimensions, qui enjambe la baie de Maputo, la capitale du Mozambique. Pour le batelier, qui transporte depuis dix ans des centaines de personnes d’une rive à l’autre, ce pont, tout juste inauguré, a tout d’une Némésis : « Le trafic de passagers a baissé de 75 % depuis son ouverture », explique-t-il, alors que son bateau, d’une dizaine de places, se remplit au compte-gouttes. Malgré tout, le quadragénaire ne peut s’empêcher de ressentir une certaine fierté. « Oui, on a moins de gens… Mais c’est ça, le développement. Et ce ne sont pas tous les pays qui ont ça ! », s’exclame-t-il. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Mozambique, « l’hypocrisie » des Occidentaux face à la dette du pays est dénoncée Ouvert à la circulation le 10 novembre, l’ouvrage aligne les records. Plus grande infrastructure érigée au Mozambique depuis son indépendance, en 1975, il est aussi, d’après ses promoteurs, le plus long pont suspendu d’Afrique, avec ses 3 kilomètres de long. Son prix aussi est colossal : 785 millions de dollars (688 millions d’euros), dont 85 % proviennent d’un prêt chinois, qui viennent s’ajouter à une montagne de dettes problématiques. Symbole des rêves de grandeur d’une nation meurtrie par la guerre civile et bénie par la découverte d’immenses réserves de gaz, ce pont est surtout devenu une piqûre de rappel pour tous de la dette abyssale qui leste l’économie. Mercredi 19 décembre, dans son grand discours annuel au Parlement, le président Filipe Nyusi a assuré que l’état de santé de la nation était « stable et inspirait la confiance », tout en évitant de s’étendre sur le sujet de la dette. La semaine dernière, pourtant, son gouvernement a entériné un budget qui creuse les déficits, tandis que la banque centrale a tiré la sonnette d’alarme sur le dérapage de la dette domestique. Le Mozambique a désormais la plus haute dette publique, rapportée au PIB, du continent Africain, passée de 40 % du PIB en 2012 à 113 % en 2018, d’après les chiffres du FMI. 30 millions de dollars par an en intérêts Le premier mois de son ouverture, le pont a vu passer 135 000 véhicules, soit près de 5 000 par jour. Les calculs sont vite faits : l’argent engrangé par les péages est loin d’être suffisant pour couvrir les frais d’entretien, d’un million de dollars par an. A cela s’ajoutent les annuités de l’emprunt, que le pays a commencé cette année à rembourser à la Chine. Rien qu’en intérêts, le gouvernement doit trouver 30 millions de dollars par an jusqu’en 2039. Or il n’en a clairement pas les moyens.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/le-mozambique-dans-l-enfer-de-la-dette_5401422_3234.html
Au Mozambique, « l’hypocrisie » des Occidentaux face à la dette du pays est dénoncée
Le rôle des banques internationales qui ont négocié les emprunts – et récolté des millions en frais bancaires au passage – est très critiqué par l’opposition et la population. Certains réclament l’annulation pure et simple des emprunts en question.
Le rôle des banques internationales qui ont négocié les emprunts – et récolté des millions en frais bancaires au passage – est très critiqué par l’opposition et la population. FABRICE COFFRINI / AFP Assis à son bureau de Maputo, le diplomate ne décolère pas lorsqu’on le lance sur le sujet des dettes cachées. « C’est d’une hypocrisie spatiale. Depuis le début, on attaque et on blâme le Mozambique mais on ne touche pas à l’Allemagne, la France, la Suisse, l’Angleterre, qui sont tous impliqués !, s’énerve t-il, sans mâcher ses mots. Les banquiers qui ont monté cette dette savaient très bien que le pays était sous perfusion du FMI, et par déontologie, tu ne fais pas ce type de crédit lorsque c’est contre les fameuses règles de bonne gouvernance. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le Mozambique dans l’enfer de la dette Alors que le Mozambique détient désormais le bonnet d’âne de l’endettement public en Afrique, le rôle des banques internationales qui ont négocié les emprunts – et ont récolté des millions en frais bancaires au passage – est de plus en plus critiqué. En novembre, le régulateur bancaire britannique a toutefois abandonné ses poursuites contre la branche londonienne de Credit Suisse, qui, avec la banque russe VTB, a organisé l’émission des trois emprunts cachés au cœur du scandale : 850 millions de dollars (745 millions d’euros), 622 millions et 535 millions de dollars, contractés entre 2012 et 2014. Au Mozambique, la décision a provoqué une levée de boucliers dans l’opposition et la société civile. Celles-ci réclament l’annulation pure et simple des emprunts en question, considérés comme illégaux et inconstitutionnels puisque le gouvernement aurait dû consulter le Parlement avant de signer. Le gouvernement espère parvenir à un accord de restructuration « Nous questionnons désormais la sincérité du Royaume-Uni et des autres bailleurs de fonds qui disent s’engager pour la bonne gouvernance au Mozambique. La communauté internationale tient seulement le peuple mozambicain comme responsable et exonère ceux qui sont véritablement derrière », a réagi une coalition d’ONG mozambicaines de lutte contre la corruption. Mais pour le gouvernement de Maputo, annuler les dettes reviendrait à lâcher les hauts responsables impliqués, ce que le Frelimo, le parti au pouvoir, n’est pas prêt à faire. Le gouvernement espère plutôt conclure en janvier 2019 un accord de restructuration avec ses créanciers pour la dette obligataire de 850 millions de dollars, pour laquelle le pays est en défaut depuis janvier 2017. « L’accord signifie surtout que le Mozambique va devoir repayer entre 1,7 et 2,2 milliards de dollars sur cet emprunt et que certains spéculateurs vont engranger jusqu’à 270 % de profits sur une dette odieuse », a commenté l’ONG londonienne Jubilee Debt Campaign.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/au-mozambique-l-hypocrisie-des-occidentaux-face-a-la-dette-du-pays-est-denoncee_5401423_3234.html
Biathlon : Johannes Boe remporte la poursuite, Martin Fourcade effectue une folle remontée
Auteur d’un sans-faute au tir, le Français est remonté de la 43e à la 5e place lors de la poursuite disputée samedi à Nove Mesto, en République tchèque.
Martin Fourcade à l’issue de l’épreuve de poursuite, le 22 décembre 2018, à Nove Mesto, en République tchèque. Petr David Josek / AP Et dire que Martin Fourcade avait prévu de regarder cette poursuite de son hôtel de Nove Mesto (République tchèque), ce samedi 22 décembre. Après sa 43e place du sprint jeudi, le Français n’avait plus trop la tête au biathlon ; mais l’orgueil du champion a parlé. Auteur d’un 20 sur 20 au tir, Fourcade a remonté trente-huit places pour terminer cinquième d’une course remportée par le Norvégien Johannes Boe qui a conforté sa place de leader de la Coupe du monde. « Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis, a déclaré le quintuple champion olympique sur la chaîne L’Equipe. Je pensais ne pas prendre le départ mais en rentrant dans ma chambre jeudi, je me suis rendu compte que je n’avais pas construit ma carrière en abandonnant quand c’était difficile mais en allant au combat quand ça semblait impossible. Aujourd’hui, même si je n’avais aucune chance de faire une belle place, j’ai voulu prendre le départ pour me faire violence, me rassurer et me prouver que je ne me bats pas uniquement pour la victoire mais pour d’autres sensations. » « J’ai construit un monstre » Auteur de quelques trous d’air cette saison (24e du sprint à Pokljuka, en Slovénie, abandon sur la poursuite), Martin Fourcade a trop bien habitué le public français qui s’est pris de passion pour le biathlon avec lui et ses nombreuses victoires. « En sept ans, j’ai construit un monstre, et je suis le premier à devoir me battre avec lui quand je ne fais pas un podium ou que je ne gagne pas une course, a expliqué le septuple vainqueur de la Coupe du monde à l’issue de sa folle remontée. Mais je suis super satisfait avec une course pleine, même s’il en manque encore sur les skis. » Lire aussi Biathlon : Martin Fourcade change tout pour rester au sommet Dimanche, pour la mass start (la course en ligne), Fourcade ne partira pas avec plus de deux minutes de retard sur Boe et vise la victoire. « Je vais essayer de prendre la mass start avec le même état d’esprit, à moitié serein, à moitié revanchard. Parce qu’au fond de moi, je suis sûr de mes forces. Il suffit juste que j’arrive à le sortir », a-t-il ajouté. Du côté français, Simon Desthieux peut aussi espérer monter sur le podium. Rapide sur ses skis, il a échoué à la 4e place de cette poursuite, à cause de deux fautes lors de son dernier tir debout. Quentin Fillon Maillet (7e) complète ce beau tir groupé tricolore.
22/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/22/biathlon-johannes-boe-remporte-la-poursuite-martin-fourcade-effectue-une-folle-remontee_5401417_3242.html
Les 100 chefs-d’œuvre du cinéma qui ont le plus enthousiasmé les critiques du « Monde » depuis 1944
Plongée dans sept décennies d’archives du « Monde », à la découverte de 100 films qui, à leur sortie, ont été défendus avec ardeur par le journal. Retrouvez également les critiques publiées à l’époque.
« Huit et demi », de Federico Fellini, avec Marcello Mastroianni en cinéaste dépressif. PROD DB © CINERIZ / FRANCINEX Pour quels films Le Monde s’est-il enthousiasmé de 1944 à 2018 ? Quels chefs-d’œuvre a-t-il recommandés à ses lecteurs le long de ces sept décennies ? Tenter de le savoir s’est révélé un exercice aussi passionnant que périlleux, que nous sommes heureux de partager aujourd’hui, textes à l’appui, avec nos lecteurs. La méthode, non moins empirique que l’exercice critique, n’offre toutefois aucune garantie scientifique. Faute de pouvoir lire tous les textes, nous avons passé nos archives au crible d’une liste de chefs-d’œuvre tel que l’état actuel de la cinéphilie nous l’a inspirée. John Hurt dans « Elephant Man » (1981), de David Lynch. PROD DB © BROOKSFILMS Sans surprise, le point de vue décanté par l’histoire de l’art et la chronique contemporaine ne coïncident pas nécessairement. Le Monde est passé à côté de quelques chefs-d’œuvre répertoriés et de mouvements importants (le néoréalisme, le Nouvel Hollywood). C’est que l’histoire de la critique cinématographique d’un « grand quotidien du soir » ne recoupe pas entièrement le canon cinéphilique. Elle passe par des personnalités, des enjeux, des sensibilités qui appartiennent tant au medium qu’à l’époque. La plongée dans les archives est instructive aussi sur l’évolution de ce singulier métier qu’est la critique Les cent films de cette liste ne sont pas pour autant de nature à nous faire rougir de les avoir aimés. On déplore plutôt de constater que quatre-vingt-quatorze réalisateurs y figurent pour six réalisatrices. La critique, sur ce terrain, est évidemment tributaire de la marche et de la sociologie du cinéma, les femmes entrant tardivement dans la carrière, du moins de ce côté-là de la caméra. La plongée dans les archives est en tout état de cause instructive sur l’évolution de ce singulier métier qu’est la critique. Henry Magnan, premier critique en date du journal à l’âge de 26 ans, chroniqueur et chansonnier, s’intègre en 1945 à une équipe de « soiristes » où sa verve se fait remarquer. Ses choix relèvent néanmoins d’un mystère continûment cultivé, eu égard à ceux de la postérité. Il en va autrement de son successeur Jean de Baroncelli, qui hérite de son père cinéaste, Jacques, la fibre du cinéma en même temps que le titre de marquis. Entré au début des années 1950, précisément à l’époque où la cinéphilie comme mouvement constitué prend son essor en France, il s’impose pour une trentaine d’années comme le critique « en majesté » du journal. Il se distingue par un goût sûr, un éclectisme admirable, une argumentation soigneusement balancée, un style délibérément pondéré.
22/12/2018
cinema
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/22/les-100-chefs-d-uvre-du-cinema-qui-ont-le-plus-enthousiasme-les-critiques-du-monde-depuis-1944_5401412_3476.html
« Guacho », le dissident des FARC le plus recherché par la Colombie et l’Equateur, a été abattu
Cet ancien guérillero des FARC avait rejeté l’accord de paix signé fin 2016. Walter « Guacho » Arizala était depuis devenu le bras armé du cartel mexicain de Sinaloa, selon les autorités colombiennes.
Un soldat colombien s’entraîne dans la municipalité de Tumaco (département de Narino, Colombie), le 14 avril 2018 en attendant de participer à une opération militaire contre des rebelles colombiens renégats qui ont enlevé et tué deux journalistes équatoriens et leur conducteur. RAUL ARBOLEDA / AFP Walter « Guacho » Arizala, le dissident de l’ancienne guérilla des FARC le plus recherché par la Colombie et l’Equateur, a été abattu vendredi 21 décembre lors d’une opération des autorités colombiennes à la frontière des deux pays, a annoncé le gouvernement. « Aujourd’hui, dans le cadre d’une action conjointe héroïque de l’armée et de la police, avec l’appui du CTI [Cuerpo Técnico de Investigaciones, Service technique d’investigations] du procureur général, nous pouvons confirmer qu’[Arizala] alias “Guacho est tombé dans une opération et a été abattu », a annoncé à la presse le président colombien Ivan Duque. L’opération, menée dans des régions forestières du département frontalier de Nariño, « a fait tomber un des plus terribles criminels que notre pays a connu », a-t-il ajouté. Lire notre analyse (en édition abonnés) : En Colombie, le processus de paix à un stade critique Trafic de drogue, d’extorsion et d’homicide Walter Arizala était accusé de l’enlèvement fin mars d’une équipe de presse équatorienne et de leur meurtre, ainsi que de l’enlèvement, en avril, d’un couple d’Equatoriens assassinés en captivité par les dissidents. Dans la foulée, la Colombie et l’Equateur avaient lancé une intense chasse à l’homme, des deux côtés de la frontière, contre le groupe dissident de « Guacho ». Ex-guérillero des FARC ayant rejeté l’accord de paix signé fin 2016, à la suite duquel la plus ancienne rébellion des Amériques a déposé les armes et s’est transformée en parti politique, « Guacho » était depuis devenu le bras armé du cartel mexicain de Sinaloa, selon les autorités. Agé de 29 ans, il était accusé de trafic de drogue, d’extorsion et d’homicide. Il était activement recherché pour avoir enlevé et tué deux journalistes équatoriens et leur chauffeur qui effectuaient un reportage à la frontière entre l’Equateur et la Colombie. Sans commandement unifié, les rebelles dissidents opèrent dans des zones isolées de Colombie où ils se disputent les revenus générés par le narcotrafic et les mines illégales. Selon les renseignements militaires, ils compteraient quelque 1 200 combattants. Lire notre reportage (en édition abonnés) : En Equateur, des journalistes sur les traces de leurs confrères assassinés
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/guacho-le-dissident-des-farc-le-plus-recherche-par-la-colombie-et-l-equateur-a-ete-abattu_5401392_3210.html
Brexit : Blair pour un nouveau référendum, Corbyn pour une poursuite de la sortie de l’UE
Si la position de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair était convenue, celle de Jeremy Corbyn, chef de file de l’opposition travailliste, étonne dans son propre camp.
La première ministre conservatrice britannique, Theresa May, n’a toujours pas réussi à faire ratifier par son Parlement l’accord de retrait négocié avec Bruxelles et entériné fin novembre par les chefs d’Etat et de gouvernement européens. Alastair Grant / AP A moins de cent jours désormais de la date fixée pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) – le 29 mars 2019 –, la plus grande confusion entoure toujours les conditions de ce retrait. Par médias interposés, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair et le leader travailliste Jeremy Corbyn se sont opposés quant aux solutions à apporter à la crise que traverse leur pays. Le référendum, « seule issue au chaos », estime Blair Selon Tony Blair, l’accord de retrait conclu il y a un mois entre Londres et Bruxelles – que le Parlement britannique n’a toujours pas ratifié – « ne satisfait personne ». M. Blair a réaffirmé samedi 22 décembre dans une interview accordée au Tages-Anzeiger que l’organisation d’un second référendum sur le Brexit était la seule manière de sortir de l’impasse. « A mon avis, la seule issue à ce chaos, c’est un nouveau référendum », a-t-il dit au quotidien suisse. « Les citoyens doivent prendre une décision claire : soit nous restons dans l’Union européenne, soit nous la quittons, et si nous la quittons, alors nous la quittons vraiment », poursuit l’ancien dirigeant travailliste, partisan d’un maintien dans l’UE. Lire la tribune de Tony Bair (en édition abonnés) : « L’accord sur le Brexit ne tiendra pas » Corbyn poursuivrait sur la voie du Brexit en cas d’élections De son côté, le dirigeant du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, a indiqué le même jour dans le Guardian que si des élections anticipées le portaient l’année prochaine au pouvoir, il poursuivrait sur la voie du Brexit et tenterait d’en renégocier les termes. Ses propos sont un revers pour la frange des électeurs du Labour qui militent pour la tenue d’un nouveau référendum sur le maintien ou la sortie du Royaume-Uni dans l’UE. Une autre partie de l’électorat travailliste est pour sa part favorable au divorce et a voté en faveur du Brexit lors du référendum de juin 2016. Au Guardian qui lui demande ce qu’il ferait s’il remportait des élections anticipées, Corbyn répond : « Il faudrait revenir en arrière et voir quel serait le calendrier. » Organiser ou non un nouveau référendum ? « Ce serait un sujet sur lequel le parti aurait à décider de la politique à suivre ; mais ma proposition, pour le moment, serait de poursuivre [sur la voie du Brexit] en essayant d’obtenir une union douanière avec l’UE dans laquelle nous serions capables d’être de bons partenaires commerciaux », répond-il. Lire notre analyse (en édition abonnés) : Brexit : les états d’âme des travaillistes Reprise des débats le 9 janvier Le Brexit, fixé au 29 mars 2019 à minuit (heure de Paris), est à moins de cent jours désormais, et Theresa May n’a toujours pas réussi à faire ratifier par son Parlement l’accord de retrait négocié avec Bruxelles et entériné fin novembre par les chefs d’Etat et de gouvernement européens. Faute de majorité, elle a dû renoncer in extremis au vote qui était prévu le 11 décembre dernier à la Chambre des communes, où les débats reprendront le 9 janvier. Les prochaines élections législatives ne sont pas attendues avant 2022, à moins qu’un scrutin anticipé ne soit ordonné. Notre sélection d’articles pour comprendre le Brexit Six mois après le refus du Parlement britannique de ratifier l’accord entre Theresa May et l’Union européenne sur le Brexit, un nouvel accord a été négocié par le premier ministre Boris Johnson. Ce texte, qui reprend l’essentiel de l’« accord de retrait » en novembre 2018, supprime notamment l’existence du « backstop » à la frontière entre les deux Irlandes. En voici les points-clés. Comprendre : le schéma qui résume les options possibles (daté d’octobre 2019), alors que les parlementaires doivent valider l’accord de Boris Johnson pour officialiser le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Retrouvez tous nos articles sur le Brexit dans cette rubrique.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/brexit-blair-pour-un-nouveau-referendum-corbyn-pour-une-poursuite-de-la-sortie-de-l-ue_5401388_3210.html
Attentat de Strasbourg : une vidéo d’allégeance à l’EI retrouvée sur une clé USB de Cherif Chekatt
La revendication de l’Etat islamique, peu après l’attentat de Strasbourg, avait d’abord été qualifiée d’« opportuniste ». L’attaque avait fait cinq morts et onze blessés, le 11 décembre, près du marché de Noël.
Une vidéo d’allégeance au groupe Etat islamique (EI) a été retrouvée sur une clé USB appartenant à Cherif Chekatt, l’auteur de l’attentat du 11 décembre sur le marché de Noël de Strasbourg, selon une source judiciaire rapportée par l’Agence France-Presse, confirmant une information de l’hebdomadaire Marianne. L’attentat avait fait cinq morts et onze blessés. Il avait été revendiqué par l’organe de propagande du groupe djihadiste quelques minutes après la mort, sous les tirs de riposte de policiers et après quarante-huit heures de traque, de ce délinquant multirécidiviste de 29 ans, « fiché S » (pour « sûreté de l’Etat ») pour sa radicalisation islamiste. Cette revendication avait été qualifiée d’« opportuniste » par le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, le 14 décembre. Il arrive fréquemment que l’EI revendique des attentats inspirés par sa propagande sans qu’ils aient été commandités ou coordonnés par une cellule. Certaines de ces revendications se sont révélées mensongères, voire fallacieuses, comme celle de l’attaque de Las Vegas, le 1er octobre 2017, perpétrée par un retraité sans aucun lien avec la mouvance djihadiste. Mais la découverte d’une clé USB contenant une vidéo d’allégeance à l’EI, au cours de l’une des perquisitions entreprises dans la foulée de l’attentat, a contredit cette analyse. Lire notre analyse (en édition abonnés) : Cherif Chekatt, le profil hybride du voyou radicalisé qui hante les services Deux jours de chasse à l’homme Le 11 décembre au soir, Cherif Chekatt avait attaqué des passants dans le centre historique de Strasbourg, armé d’un vieux revolver et d’un couteau, avant de parvenir à s’enfuir. Des témoins l’ont entendu crier « Allah akbar ! ». Après deux jours de chasse à l’homme, il a été tué par des policiers le 13 décembre dans une rue du quartier du Neudorf, au sud du centre-ville, là même où les forces de l’ordre avaient perdu sa trace. Délinquant de droit commun, condamné 27 fois et suivi par les autorités en raison de sa radicalisation islamiste, ce Strasbourgeois de 29 ans avait échappé le matin de l’attaque à un coup de filet dans une affaire de vol à main armée et de tentative d’homicide, avec « sa bande de malfrats », selon une source proche du dossier. Un homme de 37 ans, soupçonné d’avoir joué un rôle dans la fourniture de son revolver de la fin du XIXe siècle, a été mis en examen lundi 17 décembre et placé en détention provisoire. Au lendemain de la mort du tueur, le procureur de Paris avait déclaré que l’enquête allait « se poursuivre pour identifier d’éventuels complices ou coauteurs susceptibles de l’avoir aidé ou encouragé dans la préparation de son passage à l’acte ». Un frère de Cherif Chekatt, également « fiché S » en raison de sa radicalisation, avait fait rapidement l’objet d’un mandat de recherche du parquet antiterroriste. Il a été interpellé en Algérie au lendemain de l’attaque, selon plusieurs sources proches du dossier. Placés en garde à vue, les parents et deux frères de Cherif Chekatt ont, eux, été remis en liberté sans poursuites à ce jour. Lire notre synthèse : Attentat aux abords du marché de Noël de Strasbourg : le point sur l’enquête
22/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/22/attentat-de-strasbourg-une-video-d-allegeance-a-l-ei-retrouvee-sur-une-cle-usb-de-cherif-chekatt_5401384_1653578.html
Matières premières : « Le cuivre a mis la sourdine »
Si en juin, le cuivre pétaradait en tête de la fanfare des métaux, en cette fin d’année, le métal rouge fait grise mine, explique Laurence Girard dans sa chronique.
Fil de cuivre usagés dans une usine de recyclage à Berne (Suisse). Ruben Sprich / REUTERS Le métal rouge fait grise mine. En cette fin d’année, le cours du cuivre frôle la barre des 6 000 dollars (soit 5 250 euros) la tonne. En repli de près de 16 % par rapport à son niveau de janvier. Son parcours n’a pourtant rien de linéaire. Début juin, le cuivre pétaradait en tête de la fanfare des métaux, atteignant un plus haut depuis quatre ans. Soudain, à partir de l’été, il a mis la sourdine. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La chute des matières premières, un avertissement pour l’Afrique Cette évolution par cahots n’a rien d’anodin. Car le cuivre est le mercure, le thermomètre de l’économie mondiale. Son omniprésence dans l’industrie, de l’automobile à la construction en passant par le high-tech, en fait un capteur du pouls financier mondial. Ses états d’âme sont donc scrutés de près. Et offrent une bonne cartographie de l’année qui vient de s’écouler, à l’heure des premiers bilans. Elle reflète bien, en 2018, les batailles commerciales qui ont agité la planète en 2018. Les fortes tensions entre Washington et Pékin ont alimenté la chronique. La Chine pratique le jeu de go Même si, après une période d’offensive diplomatique contre Xi Jinping, lequel a répliqué en sortant la boîte à gifles, Donald Trump est plutôt à la recherche de compromis. Un président américain dressé sur ses ergots, qui n’a pas hésité à ouvrir d’autres fronts avec l’Europe, l’Iran, la Russie… suscitant autant de craintes sur le rythme de la croissance mondiale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les tensions commerciales mondiales pèsent sur les cours des matières premières Les marchés surveillent également de près la santé de l’économie chinoise, devenue le premier moteur de l’économie mondiale. Tout signe de ralentissement fait fléchir les cours. D’autant que ce pays est le premier consommateur de la planète de métaux et donc de cuivre. Or, les experts tablent sur une baisse de régime de l’empire du Milieu, avec une croissance attendue de 6,5 %. De quoi inciter les spéculateurs à faire fondre le prix du cuivre, mais aussi du nickel, de l’aluminium, du plomb ou du zinc. Toutefois, la Chine n’est pas qu’un consommateur de matières premières. Comme dans d’autres secteurs industriels, elle pratique le jeu de go pour s’assurer des positions-clés. L’approvisionnement à la source devient stratégique. Le marché du cuivre l’illustre brillamment. Le Chili, plaque tournante Le chinois Zijin s’est ainsi emparé, cette année, de la plus grande mine de métal rouge de Serbie, dont l’Etat serbe souhaitait se défaire. Il a également jeté son dévolu, au prix de 1,4 milliard de dollars, sur le groupe canadien Nevsun, qui exploite des mines d’or et de cuivre. Sachant que Zijin explorait déjà un filon cuprifère en République démocratique du Congo.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/matieres-premieres-le-cuivre-a-mis-la-sourdine_5401380_3234.html
Le feuilleton de Claro. Maurice Nadeau : la vie critique mode d’emploi
Claro a lu « Soixante ans de journalisme littéraire. Tome 1 », du grand éditeur et critique littéraire (1911-2013). Et s’incline.
Soixante ans de journalisme littéraire. Tome 1. Les années « Combat » 1945-1951, de Maurice Nadeau, préface de Tiphaine Samoyault, Maurice Nadeau, 1 470 p., 39 €. GIANPAOLO PAGNI La seule différence entre le critique littéraire et le dodo, c’est que le premier ignore que lui aussi a disparu. Le plus souvent, fort de cette ignorance, il continue d’éperonner sa rosse hebdomadaire vers les moulins des nouveautés en brandissant sa plume étique (sic). Le temps lui manque pour lire ? Qu’importe, survoler est si grisant. La culture lui fait défaut pour apprécier ? L’intuition est un précieux gadget. Analyser ? C’est risqué : mieux vaut babiller. Parler d’écriture : à quoi bon puisque il y a toujours une histoire à raconter. Juger ? Ma foi, les adjectifs font d’excellentes gommettes, il suffit de tirer la langue et le tour est joué. L’important est de rendre compte, de recenser – de pondre, pas de couver. Et puis parfois, audace des médiocres oblige, on peut toujours s’imaginer en découvreur, et compenser l’inanité du livre vanté par l’outrance élogieuse de sa criée. Parler de « petit chef-d’œuvre », mouliner des superlatifs, secouer l’ouvrage devant la caméra comme si c’était un éventail ouvert à autre chose qu’au vent médiatique – puis se recoiffer d’un geste inspiré. Précéder le dodo, donc. Par conséquent, ce serait sûrement se leurrer, et leurrer le lecteur, que d’envisager la critique littéraire comme un art à part entière. Pourtant, à parcourir les 1 400 pages et quelques du tome 1 de Soixante ans de journalisme littéraire, qui regroupe l’intégralité des textes critiques de Maurice Nadeau (1911-2013) parus entre 1945 et 1951 dans le journal Combat, on se dit que cette « discipline » – au double sens de « pratique » et de « rigueur » – aura bénéficié d’un héraut nonpareil, et on aurait du mal à en imaginer d’aussi engagé, d’aussi rigoureux, d’aussi éclairé, d’aussi audacieux et d’aussi doué que Nadeau. Quels sont les critères de ce dernier dès lors qu’il s’agit de se pencher sur un livre ? « Un ouvrage qui laisse le lecteur en l’état où il l’a trouvé, et dont on devine qu’il n’a pas modifié en quoi que ce soit son auteur, est un ouvrage inutile. » Certes, mais pour en arriver à une telle exigence, pour parvenir à distinguer dans l’ivraie des volumes lâchés ceux qui ont quelque chance de nous éblouir, il faut se lever tôt. Nadeau se lève tôt. Ses qualités, nombreuses et impressionnantes, il les entretient sans cesse, en gymnaste aguerri. Sa lucidité est le fruit d’une mise en perspective permanente. Il semble avoir tout lu, progresse constamment, chérit les nuances, aime et châtie à proportions égales. N’abuse jamais de la formule, sait être fidèle jusque dans l’écart (« Nous ne suivons plus tout à fait Camus quand (…) »), constate des injustices (Le Tricheur, de Claude Simon, paru après L’Etranger, de Camus, nous frappe moins par son traitement de l’absurde), soigne ses idoles (Balzac, Lautréamont, Lowry, Blanchot, Artaud…), fustige la censure (dans les cas de Sade, d’Henry Miller…), découvre et éclaire tout ce qui aujourd’hui nous est familier. Il est le passeur là où les autres sont au mieux des passoires.
22/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/22/le-feuilleton-de-claro-maurice-nadeau-la-vie-critique-mode-d-emploi_5401376_3260.html
Les 10 albums de bande dessinée de 2018 conseillés par « Le Monde »
Parmi les nombreuses excellentes bandes dessinées parues cette année, voici notre sélection à offrir ou à s’offrir.
Offrir pour les fêtes le (toutefois très recommandable) tome 4 de l’Arabe du futur (Allary éditions) de Riad Sattouf n’est pas une fatalité, pas plus que de porter son choix l’un des blockbusters de cette fin d’année – le nouveau Lucky Luke, Un Cow-boy à Paris (Lucky Comics), de Jul et Achdé, le dernier Blake et Mortimer, La Vallée des immortels (Dargaud), d’Yves Sentes, Teun Berserik et Peter Van Dongen, ou le volume 5 des Vieux fourneaux (Dargaud), de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet. Comme c’est une habitude depuis plusieurs années, le secteur de l’édition BD a publié d’excellents albums tout au long de 2018. Indélébiles, Luz FUTUROPOLIS Il peut paraître assez inconcevable d’écrire un livre sur Charlie Hebdo sans parler du 7 janvier 2015. Luz l’a fait, pourtant. Membre à part entière de la rédaction du magazine satirique pendant plus de vingt ans, le dessinateur échappa aux balles des frères Kouachi pour être arrivé en retard à la conférence de rédaction. Dans Catharsis, sorti quatre mois après l’attentat, Luz avait relaté son quotidien de miraculé sans jamais versé dans le pathos, préférant user du levier de l’humour. Si l’on y rit tout autant, le propos est tout autre dans Indélébiles puisqu’il s’agit de raconter l’aventure collective – et joyeusement foutraque – qui précéda la barbarie. Les belles années en somme. Les copains, la déconnade à plein tube, le bonheur de dessiner. En vingt-trois ans de Charlie, Luz a accumulé d’innombrables anecdotes dont les meilleures sont rapportées avec autodérision. L’ancien « puceau tourangeau » monté à la capitale dans l’espoir de placer des dessins au Canard Enchaîné s’amuse, et nous amuse, à ressusciter une rédaction vouée au traitement caustique de l’actualité, où se mêlent les anciens (Gébé, Cabu, Wolinski..) et les sales gosses, comme lui ou Charb. Luz revient aussi longuement, en mode making-off, sur les risques qui accompagnent le métier de dessinateur de terrain. Un coup de matraque lors d’une manifestation à Paris, un interrogatoire dans un camp militaire en Bosnie ou les rodomontades intimidantes de loulous de banlieue ne laissent toutefois rien augurer que quelque chose de pire puisse un jour arriver. Le pire arrivera pourtant, comme on le comprend dans un dernier chapitre bouleversant, dont on ne dira rien, dominé par la perte et l’omission. Futuropolis, 320 pages, 24 € Florida, Jean Dytar DELCOURT Longtemps considérée comme une île, la Floride fut le théâtre d’une rivalité féroce, au XVIe siècle, entre puissances coloniales, parmi lesquelles se trouvait la France. L’amiral Coligny (1519-1572) y fit installer une position, afin de contrer l’hégémonie espagnole dans la région. Une autre raison, tout aussi aussi stratégique, prévalut sans doute à ce choix : fonder un refuge éventuel pour les protestants persécutés en Europe (Coligny sera assassiné, plus tard, lors du massacre de la Saint-Barthélémy). Partie prenante du voyage, le cartographe Jacques Le Moyne de Morgues fut l’un des seuls à en revenir vivants. C’est à travers sa figure que Jean Dytar relate cet épisode oublié de l’histoire coloniale française.
22/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/22/les-10-albums-de-bande-dessinee-de-2018-conseilles-par-le-monde_5401373_3246.html
Quatre mois après l’effondrement du pont Morandi, Gênes entre chaos et survie
Depuis la catastrophe du 14 août, la ville est coupée en deux. L’activité économique est menacée et le quotidien des Génois s’est transformé en cauchemar. Investi des pleins pouvoirs pour la reconstruction, le maire, Marco Bucci, espère que le projet de Renzo Piano sera mené à terme avant Noël 2019.
oël 2019. Vue du pont Morandi, à Gênes, depuis la fenêtre d’un appartement, le 24 août. NADIA SHIRA COHEN / THE NEW YORK TIMES / REDUX / REA Ce qui frappe en premier, en descendant cette large rue déserte, c’est le silence. S’approcher du lieu du drame, c’est entrer dans un monde cotonneux où, même en pleine journée, on n’entend que le bruit de ses pas sur le bitume. Les rideaux des commerces sont baissés et les volets des immeubles, clos. Un collègue italien, blanchi sous le harnais, nous avait prévenus : « Tu verras, ça me fait penser au Belfast que j’ai connu dans les années 1980. » Pourtant, le quartier de Certosa, dans la périphérie de Gênes, n’est pas en guerre. C’est juste qu’en un instant, le 14 août, la vie s’est arrêtée. On continue à avancer sans rencontrer âme qui vive, jusqu’à trouver la route barrée par des camions militaires. Au loin se dessine la silhouette amputée du pont Morandi, du nom de son concepteur, dont l’effondrement a causé la mort de 43 personnes. De ce fier ouvrage d’art, sur lequel passaient camions et voitures venus de toute l’Europe, il ne reste plus, aujourd’hui, que deux moignons suspendus, qui semblent à la merci du moindre orage. Entre les deux, un vide béant, qui témoigne de l’ampleur monstrueuse de la catastrophe. « Du jour au lendemain, cette rue, qui était un lieu de passage, est devenue un cul-de-sac » A côté des camions militaires, dans les tentes de la protection civile placées en lisière de la « zone rouge », des bénévoles déjeunent en silence, à l’abri du vent. Un jeune homme sorti d’une des rues adjacentes, un journal sportif à la main, s’arrête discuter quelques minutes et confie : « Attention, ça allait déjà mal avant la chute du pont, hein, il ne faut pas croire que tous nos problèmes ont commencé cet été. Il y a trente ans, cette rue était pleine de commerces, mais ces dernières années, ça avait beaucoup baissé. Le marchand de matelas et le rempailleur de chaises, par exemple, ils savaient bien qu’ils étaient condamnés. Mais du jour au lendemain, cette rue, qui était un lieu de passage, est devenue un cul-de-sac. Alors, la chute a été encore plus rude. » Frappée de plein fouet par la crise, Gênes est à la peine depuis des années. Dans ce contexte, un quartier coupé du monde ne peut que voir son déclin s’accélérer. Dans les agences immobilières des environs, les prix des appartements sont au plus bas. A Certosa, un cinq-pièces situé à deux pas du métro est affiché, suivant le standing, entre 70 000 et 80 000 euros. « J’ai cru que c’était une blague… » Franco Ravera est né ici, il y a un peu plus de soixante ans. Il a assisté à la construction du pont, et il a vécu plus d’un demi-siècle sous son ombre, dans un appartement de la via Enrico-Porro, située au cœur de l’actuelle « zone rouge ». « Je n’étais pas chez moi, ce 14 août, raconte cet employé de la commune de Gênes. Et en voyant la première image de la catastrophe sur mon téléphone, j’ai vraiment cru que c’était une blague… Mais non, c’était vrai, et c’est arrivé juste à côté de chez nous. » Quelques heures après le drame, son immeuble était interdit d’accès. Il n’a pu revenir sur place que trois fois, et emporter quelques dizaines de cartons, vestiges de toute une vie.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/quatre-mois-apres-l-effondrement-du-pont-morandi-genes-entre-chaos-et-survie_5401360_3210.html
Sur Leboncoin, des annonces proposent de gérer des déchets dangereux… sans réelle traçabilité ni autorisation
Selon l’enquête de « Déchets Infos », ces déchets, repris par des individus sans compétences ni autorisations requises, finissent « en partie en dépôts sauvages ».
QUENTIN HUGON / « LE MONDE » « Internet est devenu une immense poubelle » : un lieu commun qui pourrait bien être devenu réalité, selon une enquête du site spécialisé Déchets Infos. Sur Leboncoin, premier site de petites annonces en France, certaines personnes proposent en effet de prendre en charge des déchets, parfois dangereux, contre rétribution. Des individus qui n’ont pas toujours les compétences ni les autorisations requises pour traiter de tels déchets, et qui mentent parfois sur leur statut légal en indiquant de faux numéros SIREN – un code unique qui permet d’identifier les entreprises françaises – afin de rassurer le client potentiel. Selon Déchets Infos, ce manque d’encadrement risque d’être « la porte ouverte à des pratiques pas très recommandables », comme les dépôts de déchets dans des décharges sauvages, qui peuvent entraîner à terme un risque de pollution des sols et des eaux. Lire notre reportage (en édition abonnés) : Maroc : Médiouna, la décharge sauvage qui empoisonne Casablanca Double tarif pour obtenir la traçabilité Parmi les étonnantes découvertes de Déchets Infos figure une entreprise corse qui propose l’évacuation de « toutes sortes de déchets » et affiche le numéro SIREN d’une entreprise radiée en octobre 2014. Une autre, située dans les Yvelines, mentionne, elle, un identifiant SIREN appartenant à un débitant de tabac de Limoges… dont l’entreprise a également été radiée il y a quatre ans. Un mensonge sur l’identité légale de ces entreprises qui laisse craindre que les déchets récupérés ne soient pas envoyés dans le circuit normal de traitement et de recyclage, mais au contraire disséminés dans des décharges sauvages. Ainsi, Déchets Infos explique que l’un de ces « professionnels » présents sur Leboncoin propose de reprendre de l’amiante – une « fibre tueuse » à l’origine de 10 % à 20 % des cancers du poumon et dont le traitement en tant que déchet est fortement réglementé –, mais réclame le double de son tarif habituel « dès qu’on lui demande une facture ou un bordereau de suivi de déchets amiantés, pourtant obligatoire dès qu’on prend en charge ce type de déchets ». La responsabilité de l’hébergeur en question Toutes ces annonces ont été signalées au Boncoin par le site d’information spécialisé. En tant qu’hébergeur, le site de petites annonces a en effet l’obligation, au sens de l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique, de modérer rapidement des annonces illégales signalées par les utilisateurs. Mais trois semaines après ces signalements, l’annonce corse était toujours en ligne. Les deux autres annonces ont bien été supprimées, mais pas les comptes des entreprises frauduleuses. L’entreprise proposant de reprendre des déchets amiantés avait encore en ligne « une centaine d’annonces rigoureusement identiques à la virgule près », souligne le média spécialisé. Interrogé par Déchets Infos, Leboncoin affirme que la vérification des numéros SIREN des annonceurs professionnels, par exemple en utilisant les données d’Infogreffe, est « extrêmement compliquée ». Une affirmation surprenante, dans la mesure où le site des greffiers des tribunaux de commerce propose un accès automatique aisé grâce à son API (une interface de programmation permettant de communiquer entre machines) à certaines de ses données depuis mi-2017… dont les objets et les radiations de toutes les entreprises françaises.
22/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/22/sur-leboncoin-des-annonces-proposent-de-gerer-des-dechets-dangereux-sans-reelle-tracabilite-ni-autorisation_5401357_4408996.html
Manifestations au Soudan : le chef de l’opposition évoque un bilan de plus de vingt morts
La décision du gouvernement cette semaine d’augmenter le prix du pain de 1 à 3 livres soudanaises (de 2 à 6 centimes d’euros) a entraîné des manifestations depuis mercredi.
Le leader de l’opposition soudanaise, Sadek Al-Mahdi, a affirmé samedi 22 décembre que vingt-deux personnes au total étaient mortes durant les manifestations qui ont secoué ces derniers jours plusieurs villes du Soudan. La décision du gouvernement cette semaine d’augmenter le prix du pain de 1 à 3 livres soudanaises (de 2 à 6 centimes d’euros) a entraîné des protestations depuis mercredi. Jeudi, des responsables rapportaient que les manifestations avaient fait au moins huit morts – six à Al-Gadaref et deux à Atbara – parmi les protestataires lors de heurts avec les forces antiémeute. Lire aussi Au Soudan, huit morts lors de manifestations contre la hausse du prix du pain Les protestations vont se poursuivre Les manifestations « ont conduit à la mort de vingt-deux martyrs et [fait] plusieurs blessés », a de son côté déclaré samedi M. Al-Mahdi, lors d’une conférence de presse à Oumdourman, ville voisine de Khartoum, la capitale, sans toutefois fournir davantage de précisions. « Ce mouvement est légal et a été lancé du fait de la dégradation de la situation [économique et sociale] au Soudan », a-t-il ajouté, en assurant que les protestations allaient se poursuivre. Dirigeant du parti Oumma, l’une des plus anciennes formations politiques du pays, M. Al-Mahdi est le dernier premier ministre démocratiquement élu du Soudan. Il a été chassé du pouvoir par le coup d’Etat fomenté en 1989 par l’actuel président Omar Al-Bachir. Poussé à l’exil à plusieurs reprises, il est revenu dans le pays cette semaine. Le Soudan traverse des difficultés économiques croissantes avec une inflation de près de 70 % et une plongée de la livre soudanaise face au dollar américain. Samedi, l’agence officielle SUNA a par ailleurs annoncé la nomination d’un officier des services de sécurité à la tête de l’Etat d’Al-Gadaref, où six personnes ont été tuées jeudi. L’ancien gouverneur a été tué avec quatre autres responsables locaux dans un crash d’hélicoptère début décembre.
22/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/22/manifestations-au-soudan-le-chef-de-l-opposition-evoque-un-bilan-de-plus-de-vingt-morts_5401354_3212.html
Les femmes, un atout au box-office
Une étude nous révèle que les films américains récents dans lesquels le rôle principal était tenu par une femme faisaient les meilleurs scores.
THOMAS WOLF / WIKIMEDIA COMMONS Régulièrement, la journaliste anglo-palestinienne Arwa Mahdawi intervient dans le bulletin hebdomadaire d’information en ligne Une semaine en patriarcat, du quotidien britannique The Guardian. Consacrée au « monde du féminisme et du sexisme, de la politique à la culture pop », cette chronique rassemble, sur un ton libre et moqueur, des informations sur le sexisme ordinaire et les combats des femmes, et a aussi le mérite de révéler des nouvelles inattendues – l’équivalent français pourrait être la newsletter « Les Glorieuses ». Le 15 décembre, Arwa Mahdawi nous a ainsi appris que les films américains récents dans lesquels le rôle principal était tenu par une femme faisaient les meilleurs scores au box-office. La journaliste s’appuie sur une étude publiée le 11 décembre par l’agence Creative Artists Agency (CAA) et l’entreprise de stratégie numérique Shift7, soutenus par l’association de lutte contre le harcèlement sexuel à Hollywood, Time’s Up, fondée en janvier après l’affaire Weinstein. Cette étude porte sur les 350 films américains les plus rentables sortis entre 2014 et 2017 : 105 d’entre eux ont donné une place centrale à une héroïne féminine dans le scénario, le matériel promotionnel et la facturation. « Préjugés » Cette enquête qui a divisé les 350 films en groupes selon les budgets de production – de 10 millions de dollars (8,8 millions d’euros) à plus de 100 millions de dollars – nous apprend que les films où les femmes dominent le casting arrivent en tête des recettes mondiales, quel que soit leur coût. Et elle montre que les 105 longs-métrages « féminisés » ont rapporté plus d’argent que les 245 où les hommes dominent. « Souvent, dans notre entreprise, il y a beaucoup de préjugés se faisant passer pour du savoir (…), remarque une agente d’acteurs de la CAA, Christy Haubegger, qui fait partie de l’équipe de recherche. La perception selon laquelle avoir des femmes leaders n’est pas une bonne affaire est fausse. Elles sont un atout marketing. » L’étude montre que les films ayant passé le fameux « test de Bechdel » ont eux aussi généré des recettes plus importantes. Imaginé par l’auteure de romans graphiques Alison Bechdel, le test a été inspiré par les réflexions de la romancière britannique Virginia Woolf dans Une chambre à soi (1929) : elle y fait observer qu’en général, quand deux ­femmes sont représentées, ce sont « de temps en temps des mères et des filles. Mais presque sans exception, elles se manifestent dans leurs relations avec les hommes ».
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/les-femmes-un-atout-au-box-office_5401349_3232.html
Attentat de Nice : la justice condamne le fonds de garantie à mieux indemniser la fille d’une victime
Le tribunal de Créteil a condamné, jeudi 20 décembre, le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme à verser 77 500 euros à la plaignante.
Des fleurs laissées près de la promenade des Anglais, après l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016. PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS Comment évaluer le préjudice et dédommager les proches des victimes de l’attentat de Nice ? Plus de deux ans après que Mohamed Lahouaiej Bouhlel a tué 86 personnes et en a blessé près de 500 sur la promenade des Anglais, le 14 juillet 2016, au volant d’un camion de 19 tonnes, la délicate question de la réparation se pose toujours avec acuité. Une décision de justice récente devrait conforter certains avocats et associations de victimes qui dénoncent depuis longtemps un système d’indemnisation complexe, avec des sommes parfois sous-évaluées. Dans un jugement en date du jeudi 20 décembre, que Le Monde a pu consulter, le tribunal de grande instance de Créteil s’est prononcé sur le cas de la fille et des deux petites-filles d’une victime tuée lors de l’attaque meurtrière du 14 juillet 2016. Les magistrats ont estimé que les montants fixés par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (FGTI) et contestés par les plaignantes étaient insuffisants. Ils ont condamné l’organisme à verser des sommes environ deux fois plus importantes. Lire aussi Un an après l’attentat, la complexe indemnisation des victimes de Nice Natacha – elle ne souhaite pas que son nom de famille soit publié –, 47 ans, a perdu sa mère lors de l’attentat de Nice. Le décès de Jacqueline a été constaté dans la nuit du 14 au 15 juillet 2016, peu après minuit, non loin du Palais de la Méditerranée, mais sa fille ne l’a appris que le 18 juillet. Entre-temps, elle s’était rendue à Nice et avait interrogé les différents hôpitaux de la région, sans succès. Le dimanche 17 juillet, elle avait été informée que sa mère ne figurait plus dans la liste des victimes de l’attentat. Elle était repartie à Toulon. Le lendemain, la cellule d’urgence l’appelait pour lui dire de revenir à Nice, où on lui annonçait finalement la mort de sa mère. Deux nouveaux préjudices Dans un courrier du 27 janvier 2017, le fonds de garantie a proposé à Natacha 30 000 euros au titre du « préjudice d’affection », et 7 500 euros pour le « préjudice exceptionnel spécifique des victimes de terrorisme ». Pour chacune des deux petites-filles encore mineures, l’organisme, financé par des prélèvements sur les contrats d’assurance de biens signés en France, proposait 13 500 euros. Des offres bien trop faibles aux yeux de Natacha. Elle invoque entre autres un préjudice économique important lié à ses arrêts de travail et aux frais de garde pour ses enfants, notamment la plus jeune de ses filles, dont la grand-mère avait l’habitude de s’occuper. Elle demande aussi une indemnisation du « préjudice d’angoisse et d’attente », ainsi que la reconnaissance d’un « préjudice d’angoisse de mort imminente », dont avait été victime sa mère juste avant de mourir. Ces deux nouveaux préjudices, qui s’ajoutent au « préjudice exceptionnel spécifique aux victimes du terrorisme (PESVT) », ont été reconnus par le FGTI en septembre 2017. Si le préjudice économique n’a pas été retenu, le tribunal de Créteil a donné raison à la plaignante sur les deux autres points. La réparation du « préjudice d’angoisse de mort imminente » dont a été victime sa mère, que le FGTI avait finalement reconnu, a été réévaluée à 30 000 euros par les magistrats, contre 10 000 euros proposés initialement par le fonds. Concernant celle du préjudice d’angoisse et d’attente, que le FGTI se refusait à verser en l’absence de « cohabitation ou communauté de vie avec la victime », la justice l’a établi à 20 000 euros pour Natacha. Le tribunal a condamné le fonds de garantie à verser 77 500 euros à la quadragénaire, et 23 500 euros à chacune de ses filles. Une somme sensiblement plus élevée que celle initialement proposée par l’organisme. « Une grande satisfaction » pour Me Eric Morain, avocat de Natacha et de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), selon lequel « le FGTI communique toujours sur des chiffres de masse. Mais c’est oublier que ces victimes sont des individualités avec des histoires et des préjudices qui s’apprécient au cas par cas, ce que n’a pas voulu faire le fonds de garantie » pour Natacha. « Nous sommes dans un pays où l’indemnisation des victimes, de manière générale, n’est pas à la hauteur du principe de réparation intégrale, estime-t-il. Nous avons la chance de bénéficier d’un fonds de garantie, sur la solidarité nationale, mais sous prétexte qu’il y a cette chance, il faudrait forcément se réjouir du montant de l’indemnisation proposée. » 250 millions d’euros Contacté par Le Monde, le fonds de garantie n’a pas souhaité commenter la décision du tribunal de Créteil. Ayant un mois pour faire appel, l’organisme compte « décider prochainement des suites à donner à ce dossier ». Il rappelle toutefois que les personnes indemnisées bénéficient d’un « référent dédié », chargé de proposer « un montant d’indemnisation personnalisé ». Deux ans et demi après l’attaque meurtrière, sur les 3 000 demandes d’indemnisation, 2 247 victimes ont été prises en charge par le FGTI. Près de 45 millions d’euros ont déjà été versés aux victimes, indique l’organisme sous tutelle de l’Etat, alors que le montant global des indemnisations des victimes de l’attentat de Nice est évalué à 250 millions d’euros. Le fonds assure qu’il ne s’agit pas « d’une enveloppe à partager entre les victimes » et que cette somme peut être amenée à évoluer. Le processus d’indemnisation peut parfois être long car, pour chacune des victimes, il faut attendre la « consolidation » de leur état de santé physique et psychique pour évaluer la somme proposée. Pour l’heure, 508 personnes, dont le traumatisme est considéré comme consolidé, ont accepté le montant des indemnisations proposées, permettant ainsi de clore leur dossier, précise le FGTI. Selon le fonds de garantie, sur les 6 000 dossiers de victimes d’attentat depuis 2015, « seulement une vingtaine font l’objet d’un contentieux devant la justice ». Il assure que « les contentieux sont rares » et se règlent généralement « au cas par cas » sans faire l’objet de poursuites judiciaires. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Attentats : faut-il indemniser les préjudices d’angoisse et d’attente ?
22/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/22/attentat-de-nice-la-justice-condamne-le-fonds-de-garantie-a-mieux-indemniser-la-fille-d-une-victime_5401345_1653578.html
La Poste profitera largement du rachat de CNP Assurances
Selon un document interne, l’opération permettrait à l’opérateur postal d’augmenter fortement sa rentabilité et la solidité de La Banque postale.
L’opération permettrait à l’opérateur postal d’accroître les revenus, le chiffre d’affaires et la solidité de La Banque postale. JOEL SAGET / AFP La Poste devrait faire une bonne affaire en mettant la main sur le numéro un de l’assurance de personnes en France, CNP Assurances. Cette opération exceptionnelle, impliquant également l’Etat et la Caisse des dépôts, n’est pas encore bouclée, mais La Poste a sorti sa calculette pour chiffrer les gains. Un document interne montre qu’ils sont de nature à renforcer très significativement la solidité du groupe et sa rentabilité. C’était d’ailleurs tout l’objectif du projet, porté de longue date par le patron de La Poste, Philippe Wahl. Une fois l’Elysée convaincu de la nécessité d’assurer un avenir au groupe, menacé par la disparition du courrier, en diversifiant ses activités, Bercy a lancé l’opération le 30 août. Elle permettra de créer un pôle financier public autour de l’opérateur postal début 2020, si le plan initial se déroule comme prévu. Le projet, complexe, est le suivant : l’Etat et la Caisse des dépôts (CDC) apporteront à La Poste leurs participations au capital de la CNP. A cette occasion, l’Etat transférera le contrôle de La Poste à la CDC. La Poste apportera ensuite les titres CNP reçus à sa filiale bancaire, La Banque postale, qui prendra ainsi le contrôle de l’assureur. Un gain de 3,5 milliards de revenus Pour une raison de coûts, La Banque postale entend, dans le cadre de cette opération, maintenir la CNP cotée. Elle demandera donc à l’Autorité des marchés financiers (AMF) une dérogation à l’obligation de lancer une OPA, une fois la disposition législative permettant à la CDC de devenir actionnaire majoritaire de La Poste adoptée par le Parlement, au début du printemps 2019. « Au final, La Poste va faire une augmentation de capital de quelque 6 milliards d’euros, sans qu’aucun des acteurs n’ait à sortir d’argent, puisqu’il s’agit d’un regroupement de participations financières au sein de la sphère publique », résume un bon connaisseur du dossier à La Poste. Selon les premiers calculs réalisés par La Poste, qui circulent en interne et dont Le Monde a eu connaissance, l’intégration de 65 % de la CNP devrait se traduire par un gain de 3,5 milliards de revenus et de 500 millions d’euros de bénéfice net pour le groupe en 2020. Le résultat net atteindrait ainsi 1,4 milliard d’euros (hors éléments exceptionnels liés à l’opération évalués à 1 milliard d’euros). Avec cette transaction, la part du courrier traditionnel dans le chiffre d’affaires de La Poste serait ramenée à 18 % en 2020 (– 2 points), loin derrière celle des services financiers (26 %) et de l’express (35 %).
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/la-poste-profitera-largement-du-rachat-de-cnp-assurances_5401343_3234.html
La chute de la livre sterling n’a pas profité à l’économie britannique
La baisse de 15 à 20 % de sa devise, à la suite du Brexit, a renchéri les importations pénalisant l’économie.
Siège de la Banque d’Angleterre à Londres. Henry Nicholls / REUTERS Malgré le bruit et la fureur qui se sont emparés de Westminster, le Brexit n’a pas encore eu lieu. Economiquement, outre l’incertitude qui pèse sur les ménages et les entreprises, rien n’a concrètement changé, à une exception près, majeure : la livre sterling s’est effondrée. En faisant remonter le calcul à janvier 2016, quand la campagne du référendum sur la sortie de l’Union européenne (UE) a débuté, la monnaie britannique perd 20 % face à l’euro et 15 % face au dollar. Un changement fondamental. Théoriquement, cela aurait dû fortement profiter aux exportateurs britanniques et soutenir la croissance. La réalité est pourtant très décevante. A trois mois de l’entrée en vigueur du Brexit, le 29 mars 2019, la balance commerciale du Royaume-Uni reste obstinément déficitaire (de 24 milliards de livres, soit 26 milliards d’euros, en 2017). Entre le troisième trimestre 2016 et le troisième trimestre 2018, les exportations ont certes progressé (+ 14 %) mais les importations ont presque autant augmenté (+ 10 %). « Il y a eu une légère poussée initiale des exportations, mais qui n’a pas duré, explique Peter Hemington, qui supervise un indice d’exportation pour la société de consultants BDO. La dévaluation n’a eu que peu d’effet. » Pour comprendre le phénomène, il faut rencontrer Jason Wouhra. Il dirige East End Foods, une grosse PME de quatre cents employés, qui vend des produits alimentaires indiens : épices, riz, lentilles… La société, installée à Birmingham, est en bonne santé financière et réalise 16 % de son chiffre d’affaires à l’exportation, essentiellement en Europe. « Le problème est que nous sommes des importateurs nets, explique-t-il. Nous importons nos matières premières et les transformons au Royaume-Uni. » Il a donc perdu à l’importation la compétitivité qu’il a gagnée à l’exportation. Economie ouverte Cette production mondialisée, avec autant d’importations que d’exportations, est devenue la norme de l’économie britannique moderne. La création en 1993 du marché unique européen, en supprimant toutes les restrictions aux frontières, a notamment développé des chaînes de sous-traitants zigzaguant d’un pays de l’UE à l’autre. L’industrie automobile britannique en est l’exemple le plus frappant. Chaque jour, 1 100 camions traversent la Manche, avec des pièces détachées allant vers les usines britanniques. Plus de la moitié du contenu des voitures assemblées au Royaume-Uni vient de l’étranger.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/la-chute-de-la-livre-sterling-n-a-pas-profite-a-l-economie-britannique_5401340_3234.html
Somalie : un double attentat frappe Mogadiscio
Commise à proximité du palais présidentiel, cette attaque qui a fait au moins seize morts à Mogadiscio a été revendiquée par les islamistes somaliens d’Al-Chabab.
Un double attentat à la voiture piégée a fait au moins seize morts à Mogadiscio, la capitale somalienne, samedi 22 décembre. Commise à proximité du palais présidentiel, cette attaque a été revendiquée par les islamistes somaliens chabab, a-t-on appris de source policière. « Au moins dix autres personnes ont été blessées », a déclaré Ibrahim Mohamed, un responsable de la police locale. La télévision somalienne Universal TV, établie à Londres, a fait savoir que trois de ses collaborateurs étaient morts dans le double attentat, dont un journaliste possédant les nationalités somalienne et britannique, Awil Dahir. Explosion puissante La première explosion a eu lieu à un point de contrôle à côté du Théâtre national, qui est situé à quelque 500 mètres du palais présidentiel. La seconde explosion, plus puissante selon des témoins, a frappé un carrefour situé à proximité, quelques minutes plus tard. Le double attentat a été revendiqué par les islamistes chabab, affiliés à Al-Qaida, qui ont indiqué dans un communiqué avoir visé « un point de contrôle sécuritaire qui protégeait le palais présidentiel ». Chassés de Mogadiscio en 2011, les Chabab ont ensuite perdu l’essentiel de leurs bastions. Mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales d’où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats-suicides y compris dans la capitale, contre des objectifs gouvernementaux, sécuritaires ou civils. Ils ont juré la perte du gouvernement somalien, soutenu par la communauté internationale et par les vingt mille hommes de l’Amisom, la mission de l’Union africaine en Somalie.
22/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/22/somalie-un-double-attentat-frappe-mogadiscio_5401337_3212.html
Park Hyatt Paris-Vendôme : la « victoire éclatante » des salariés après 87 jours de grève
Les employés du palace du 2e arrondissement de Paris et de son sous-traitant de nettoyage ont conclu un accord qui renforce leurs droits et sécurise leurs acquis.
De joie et de fatigue nerveuse, elle en pleure, Nora, la déléguée CGT aguerrie, en racontant « la victoire éclatante » qu’elle et ses collègues ont remportée vendredi 21 décembre après 87 jours de grève au palace Park Hyatt Paris-Vendôme. Les représentants des salariés de ce palace (au-delà de cinq étoiles), situé dans la très chic rue de la Paix dans le 2e arrondissement de la capitale, et ceux de son sous-traitant de nettoyage STN ont conclu un accord avec ces deux employeurs, qui renforce leurs droits. Le personnel gréviste reprendra le travail lundi 24 décembre. Un soulagement car « la grève a été dure », constate Nora, qui travaille pour STN comme gouvernante. Les grévistes, qui étaient 58 au début, 41 à la fin, ont tenu un piquet chaque jour de 10 heures à 15 heures et ont connu quelques incidents avec la police. Certes, la revendication portée depuis 2013 par les salariés de STN (femmes et valets de chambre, gouvernantes, etc.) d’être intégrés dans les effectifs de l’hôtel a été abandonnée par la CGT durant la réunion, se heurtant à un mur. C’était pour les salariés une question importante, de « reconnaissance pour ces petites mains toujours derrière, cachées », comme le dit Jessica, femme de chambre et déléguée du personnel CGT suppléante chez STN. En revanche, de sérieux points ont été gagnés. Ainsi, selon la CGT, seront inscrits désormais dans les contrats de travail chez STN, et pas seulement dans les accords d’entreprise, les acquis obtenus au cours des luttes menées depuis des années. Par exemple, la prise en charge à 100 % du pass Navigo, le treizième mois, etc. Ainsi, en cas de changement de prestataire, le nouveau ne pourra pas revenir sur ces acquis. « On n’aura plus ces batailles à mener pour les conserver à chaque changement, c’est énorme ! », se félicite Nora. Le palace avait déjà connu plusieurs grèves Les salariés du Hyatt, qui étaient en grève aux côtés de ceux de STN pour une hausse de leurs salaires de trois euros de l’heure, obtiennent quant à eux, l’alignement de leur grille de rémunération sur celle, « plus avantageuse », selon Nora, de l’hôtel Hyatt Regency Paris-Etoile (ex-Concorde Lafayette), qui est pourtant un hôtel quatre étoiles. Un point qui doit être retravaillé lors de la négociation annuelle des salaires (NAO) débutant le 9 janvier. « On gagne en moyenne 1 500 euros net avec dix ou quinze ans d’ancienneté, et on réclame 1 800 euros, ce qui est le salaire moyen d’entrée dans les autres palaces », lance Soufiane, chef de rang room service du Park Hyatt et délégué CGT.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/park-hyatt-paris-vendome-la-victoire-eclatante-des-salaries-apres-87-jours-de-greve_5401334_3234.html
Pouvoir d’achat : les syndicats de fonctionnaires déçus
A l’issue d’un rendez-vous vendredi à Bercy, les organisations ont estimé que « les annonces faites ne répondent pas aux attentes ».
Les syndicats de fonctionnaires sont sortis déçus, vendredi 21 décembre, du bureau d’Olivier Dussopt. Le secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, s’était pourtant montré rassurant : oui, leur a-t-il confirmé solennellement, les agents publics bénéficieront eux aussi des mesures en faveur du pouvoir d’achat annoncées par le président de la République le 10 décembre. Trois des quatre mesures présentées ce jour-là s’appliqueront soit aux fonctionnaires, soit aux agents retraités. La première est l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires à partir du 1er janvier. Environ 1,5 million d’entre eux sont concernés, a précisé M. Dussopt : 700 000 (dont 400 000 enseignants) pour la fonction publique d’Etat, 570 000 dans les collectivités locales et 220 000 à l’hôpital. Pour un célibataire, cela pourra représenter jusqu’à « plusieurs centaines d’euros par an », a ajouté le secrétaire d’Etat. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Fonction publique : des salaires qui patinent Pas de prime exceptionnelle La deuxième est la revalorisation de la prime d’activité et l’élargissement de son champ d’application. Aujourd’hui, 410 000 agents publics, sur un total de 2,8 millions de bénéficiaires tous secteurs confondus, en jouissent. Le plan annoncé par Emmanuel Macron permettra d’accroître le nombre de fonctionnaires concernés de 200 000 personnes supplémentaires. La troisième mesure, enfin, touche les agents retraités. Comme ceux du privé, ils bénéficieront du maintien du taux de CSG à 6,6 %, contre 8,3 % prévus, si leur revenu fiscal de référence est inférieur à 22 580 euros (34 636 euros pour un couple). Olivier Dussopt a en revanche rappelé que la prime exceptionnelle que le gouvernement enjoignait aux entreprises de verser à leurs salariés ne verrait pas le jour dans le public. Cela coûterait « environ 5,1 milliards d’euros » à l’Etat, a-t-il justifié. Un montant jugé « colossal », rapporté au coût des mesures annoncées par Emmanuel Macron : 10,3 milliards d’euros. « Malaise » Sitôt la réunion terminée, les neuf organisations syndicales ont répondu sèchement que « les annonces faites ne répondent pas aux attentes » des agents. « Le gouvernement n’a pas pris la mesure du malaise qui s’exprime dans la fonction publique et des difficultés en termes de pouvoir d’achat », ont-ils dénoncé unanimement. Demandant « des mesures urgentes et générales », le ton a pris une tournure menaçante : « Devant l’absence de réponse de sa part, elles décideront des moyens nécessaires pour peser afin d’être entendues. » Mais le secrétaire d’Etat a, sans surprise, fermé la porte à toute mesure générale, assimilée à du saupoudrage. Le gouvernement rappelle que le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), plan de revalorisation salariale signé en 2015, serait réenclenché en 2019, après avoir été gelé en 2018. Cela représentera 745 millions d’euros en 2019. Il a également évoqué d’autres mesures, comme la revalorisation des frais de mission et de l’indemnité kilométrique, entre autres.
22/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/pouvoir-d-achat-les-syndicats-de-fonctionnaires-decus_5401331_823448.html
Le régime syrien devrait intensifier sa pression sur les Kurdes après le retrait américain
La décision de Donald Trump laisse le champ libre à Damas, Moscou et Ankara.
A Douma, près de Damas, le 17 septembre 2018. Marko Djurica / REUTERS L’annonce soudaine du retrait américain de Syrie par le président Donald Trump, mardi 18 décembre, semble avoir pris de court l’un des principaux intéressés, le régime de Bachar Al-Assad. Depuis, les réactions officielles syriennes sont restées rares, et prudentes. « Nous devons voir tout d’abord si cette décision est sincère, a déclaré vendredi l’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar Al-Jaafari. Attendons et voyons si cette décision est véritablement appliquée. » Pour Damas, l’annonce du retrait américain est « une bonne nouvelle, mais elle nourrit aussi des inquiétudes », résume un connaisseur de l’appareil syrien. Le régime a toujours dénoncé une occupation américaine et refusé tout morcellement de la Syrie. En 2017, dans la région de Deir ez-Zor, dans le sud-est du pays, forces prorégime et combattants kurdes épaulés par Washington s’étaient engagés dans une course contre la montre pour s’emparer des zones riches en ressources énergétiques, abandonnées par les djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI), alors en pleine retraite. Leur prise de contrôle par le camp pro-américain avait suscité alors la colère des autorités syriennes. Lire aussi Erdogan menace les Kurdes de Syrie, inquiétudes sur le sort des prisonniers djihadistes Vu de Damas, si Bachar Al-Assad paraît conforté par le départ des forces américaines, c’est surtout la Russie et la Turquie qui apparaissent comme les plus grands bénéficiaires. « Les autorités s’inquiètent qu’un accord ait pu être passé sous la table entre Washington et Moscou à l’occasion de ce retrait afin de faire sortir les Iraniens », dont le soutien est vital pour le régime. « La crainte est aussi qu’Erdogan ait des projets d’occuper le nord du pays », ajoute la source proche de l’appareil syrien. « Intégrité territoriale » Pour les deux grands alliés de Bachar Al-Assad, Moscou et Téhéran, l’annonce d’un retrait américain permet cependant d’envisager la reprise d’un contrôle minimal sur l’ensemble du territoire par le régime. En visite à Ankara, jeudi 20 décembre, le président iranien, Hassan Rohani, s’est borné à constater que l’Iran et la Turquie s’accordaient sur un point dans le dossier syrien : mettre un terme au projet national kurde dans le nord du pays. « L’intégrité territoriale de la Syrie doit être respectée par toutes les parties », a-t-il déclaré aux côtés de M. Erdogan. Lire aussi Retrait américain de Syrie : les Kurdes sollicitent le soutien de la France Le « problème » kurde réglé, Téhéran estime que la Turquie devrait abandonner, de gré ou de force, ses ambitions sur l’ensemble du Nord syrien, autant sur les zones de déploiement des forces arabo-kurdes que sur l’enclave rebelle d’Idlib. « Ankara se satisfera très bien d’une reprise en main des Kurdes syriens par le gouvernement de Damas. Et les milices arabes [rebelles] à la solde de la Turquie devront s’en accommoder aussi », assurait ainsi à Téhéran, dès avant le retrait américain, Abdullah Ganji, le directeur du quotidien Javan, lié aux gardiens de la révolution, la principale force armée iranienne.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/le-regime-syrien-devrait-intensifier-sa-pression-sur-les-kurdes-apres-le-retrait-americain_5401329_3210.html
Retrait américain de Syrie : les Kurdes sollicitent le soutien de la France
Ilhan Ahmed, une des principales responsables politiques kurdes de Syrie, a alerté Paris sur la menace d’une intervention turque dans le Nord syrien.
Des combattantes kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) à Qamichli, au nord-est de la Syrie, le 3 décembre. DELIL SOULEIMAN / AFP La lutte contre l’organisation Etat islamique (EI) se poursuit et elle doit s’inscrire dans la durée. Ce message, les autorités françaises continuent de le répéter, à l’Elysée comme au Quai d’Orsay et à la défense. Elles n’en reconnaissent pas moins que « personne ne peut remplacer les Américains sur le terrain syrien ». L’objectif est donc, dans l’immédiat, de coordonner et ralentir l’abandon américain autant que faire se peut, et surtout d’obtenir des garanties de sécurité, notamment pour les combattants arabo-kurdes des Forces démocratique syriennes (FDS) dont le rôle dans les combats a été déterminant, et continue de l’être. Coprésidente du Conseil démocratique syrien, qui chapeaute les institutions en place dans le nord-est du pays, Ilhan Ahmed, une des principales responsables politiques kurdes de Syrie, était à Paris le 21 décembre pour évoquer les modalités de ce soutien. « Nous avons exposé à nos interlocuteurs nos craintes au sujet des suites du retrait des Etats-Unis de Syrie et nous avons voulu étudier avec eux ses conséquences catastrophiques pour la lutte contre Daech. Nous souhaitons que les Français restent, et nous savons qu’ils sont contre ce retrait, mais nous savons aussi qu’à ce stade, le départ des Américains entraînera celui des Français », a expliqué au Monde la responsable kurde, soulignant que « le risque principal auquel nous serions confrontés viendrait de la Turquie, qui menace de nous envahir avec ses supplétifs islamistes qui ne sont pas différents des djihadistes de Daech ». Ilhan Ahmed a appelé les autorités françaises à faire pression sur la Turquie, membre de l’OTAN. « Nous avons envoyé nos fils et nos filles au combat pour la sécurité de l’Europe. Nous avons perdu des milliers de jeunes pour cet objectif », a-t-elle insisté, soulignant qu’il s’agit d’« une obligation morale ». Elle a aussi rappelé les risques qu’impliquerait, pour l’Europe, une invasion du nord-est de la Syrie : « Nous ne serons plus en mesure de contrôler nos prisons, et il faudra craindre que les centaines de djihadistes étrangers que nous y gardons pour le compte des pays occidentaux, dont la France, s’échappent. » « Nos alliés doivent bien comprendre que si nous perdons le contrôle de notre territoire à cause de leur retrait, nous n’allons pas prendre les terroristes étrangers avec nous », a-t-elle précisé. Ilhan Ahmed, une des principales responsables politiques kurdes de Syrie, le 21 décembre à Paris. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP « Si les Américains se retirent, les Français se retirent » La dirigeante kurde a notamment rencontré François Sénémaud, nommé au printemps dernier représentant d’Emmanuel Macron pour la Syrie. Les discussions n’ont guère été concluantes. « Côté français, aucun engagement clair n’a été formulé. Si les Américains se retirent, les Français se retirent. Ils disent qu’ils vont faire des efforts sur le plan diplomatique, mais il n’y a rien de concret », soupire une source kurde. Une prudence critiquée aussi par certaines sources proches du dossier à Paris : « Erdogan est incontrôlable. S’il attaque les Kurdes, il ouvrira des horizons pour les djihadistes et permettra une circulation entre Idlib, les zones où Daech est active et l’Irak. Les conséquences sécuritaires pour l’Europe sont incalculables. » Lire aussi Retrait américain de Syrie : les Kurdes sollicitent le soutien de la France Pour le moment, les opérations françaises en Syrie contre l’EI continuent. « Le but de la France est de faire le job tant qu’il pourra être fait, sans échelle de temps, car les groupes djihadistes sont disséminés en Syrie et jouent aussi avec la frontière irakienne », résume une source proche du dossier. Mais l’irritation face à la décision de M. Trump, prise contre sa propre administration, et notamment les militaires, au risque de mettre en péril les résultats acquis jusqu’ici sur le terrain, est bien réelle. « Aucun des acteurs de la coalition engagés en Syrie contre Daech ne souhaite rester sur place une fois le travail accompli, d’où la nécessité de lancer un processus de transition politique, mais Donald Trump, en coupant les virages, risque l’accident grave », souligne l’Elysée. La coalition internationale créée en septembre 2014 pour lutter contre l’EI en Irak et en Syrie n’en reste pas moins sur pied. L’état-major souligne que la décision de Donald Trump « n’a aucune incidence sur la participation de la France » qui mobilise en Irak et en Syrie quelque 1 100 hommes et des moyens aériens et maritimes dans le cadre de l’opération « Chammal ». De leur côté, les Américains, au moins pour le moment, ne comptent pas se désengager d’Irak. A l’Elysée, on veut croire qu’ils pourraient aussi se redéployer rapidement de l’autre côté de la frontière en cas de besoin ou de menace contre les combattants kurdes ou les populations civiles.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/retrait-americain-de-syrie-les-kurdes-sollicitent-le-soutien-de-la-france_5401326_3210.html
La majorité chamboulée par la crise des « gilets jaunes »
Les députés se structurent pour exister et Gilles Le Gendre, patron du groupe LRM à l’Assemblée, paraît affaibli.
La blague est devenue un nom de code. Au sein de La République en marche, une quinzaine de députés macronistes se sont rassemblés sur la messagerie Telegram. Intitulé de leur boucle de conversation : la « Team Bisounours ». Ces dernières semaines, ces députés étaient montés au front ensemble pour proposer au gouvernement des pistes de sortie de crise. Ils ont plaidé pour des mesures en faveur des plus modestes. Les annonces du président de la République sont allées dans leur sens. Ils ont par ailleurs milité pour que l’immigration ne soit pas l’un des thèmes du grand débat national. Position qui leur a valu d’être taxés de « Bisounours » par leurs détracteurs. L’expression a beaucoup amusé ces élus qui, depuis le début du quinquennat, sont plus empêcheurs de tourner en rond qu’oursons bienveillants. Ils en ont fait leur emblème. Et ils ont bien l’intention de poursuivre leur action afin de « pousser un peu plus à gauche » les orientations du quinquennat, selon un de ses membres. La structuration de ce petit groupe est l’un des multiples effets de la crise des « gilets jaunes » qui va laisser des traces dans la majorité. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Depuis la crise des « gilets jaunes », la vie à huis clos d’Emmanuel Macron Parmi eux, des découragés de l’action gouvernementale qui jettent dans ce collectif leurs « dernières forces », de l’aveu de l’un d’eux. D’autres membres restent convaincus par le projet macronistes mais veulent davantage peser dans les décisions. Ce sont surtout des poids lourds du groupe, dont la plupart ont déjà une expérience politique, à l’instar d’Aurélien Taché et de Guillaume Chiche, anciens du PS, du chiraquien Hugues Renson, ou de l’écologiste Matthieu Orphelin. Avec eux le mathématicien Cédric Villani ou encore le diplomate Jacques Maire. S’est jointe Emilie Cariou, députée en pointe sur la lutte contre la fraude fiscale et ancienne de cabinets ministériels sous François Hollande. « On a partagé l’intuition que, depuis le quinquennat, la priorité a été moins donnée à certains aspects de ce que l’on porte, note Aurélien Taché. Ce qui se passe aujourd’hui dans le pays nous donne raison, le président de la République a corrigé le tir, mais il faut rester vigilant. » Dans la majorité, certains fustigent l’attitude de députés qui « veulent faire des coups » et « emmerder le premier ministre ». La structuration de ce groupe est surtout à l’image d’une crise qui a chamboulé les relations entre l’exécutif et les députés. « Elle a ressoudé les rangs sur le fait d’obtenir des choses du gouvernement », note Sacha Houlié, élu de la Vienne. « Il y a une volonté de peser plus sur la chaîne de décision », résume sa collègue Aurore Bergé. Depuis un mois et demi, les élus macronistes ont été malmenés sur le terrain et, à Paris, ont fait le constat qu’un fossé s’était creusé avec le gouvernement. Ils ont eu l’impression d’avoir alerté sur les racines de la crise sans avoir toujours été entendus. « Il faut que l’exécutif comprenne que le Parlement, ce n’est pas juste un mauvais moment à passer », abonde leur allié, le président du groupe MoDem Patrick Mignola.
22/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/la-majorite-chamboulee-par-la-crise-des-gilets-jaunes_5401323_823448.html
« Pépète » et Gladys, les amants meurtriers de l’Isère
Jean-Pierre Gros et Gladys Rey-Tinat ont été condamnés, samedi, à quinze ans de réclusion criminelle pour l’assassinat du mari de Gladys.
Le 16 décembre 2015, les habitants de Tencin (Isère) ont tout découvert en même temps. L’adultère et le meurtre. Personne, mais alors personne, n’avait rien su de la liaison entre Jean-Pierre et Gladys. Pourtant, comme dit le premier adjoint, « au village, tout se sait ». Alors, quand ils ont appris que Jean-Pierre et Gladys avaient conçu ensemble le projet d’éliminer Cyril, le mari de Gladys, « ça a été… ça a été comme… j’peux pas vous dire, je trouve pas le mot », bégaie l’adjoint. Cyril a eu le crâne fracassé à coups de manche de pioche par Jean-Pierre. Maintenant, les habitants de Tencin savent tout. Ils se sont relayés pendant trois jours devant la cour d’assises de l’Isère, à Grenoble, qui jugeait Jean-Pierre Gros et Gladys Rey-Tinat pour assassinat. Jean-Pierre, dit « Pépète », tout le monde le connaît à Tencin, 1 900 habitants. Il est né là, il a grandi là, il a toujours vécu là. Il a été conseiller municipal, chef des pompiers, il a créé l’Amicale des boules, participait à tous les tournois de belote, à toutes les réunions du syndicat d’initiative, à tous les comités des fêtes. Un gars en or, une vie limpide. Jean-Pierre avait passé un CAP de mécanicien fraiseur et un autre de mécanicien entretien. Il a été ouvrier régleur machine pendant trente ans dans la même boîte, puis chauffeur de balayeuse dans une société de nettoyage de voirie. Il habitait avec sa mère, Georgette, dans la maison familiale. Les copines de Jean-Pierre trouvaient Georgette « un peu possessive ». Pas Jean-Pierre. Il est le dernier des cinq enfants, les autres sont partis, le père est mort, il est resté. « Ça s’est fait comme ça, il a pris la place du papa, quoi, la même chaise à table au même endroit », dit Georgette, 86 ans. Jean-Pierre en a 57. Gladys est de vingt ans sa cadette. Elle est venue vivre à Tencin pour Cyril, un gars du village lui aussi. Il était étalagiste aux fruits et légumes chez Carrefour quand elle l’a rencontré. Il avait 27 ans, elle en avait 17. « Je l’ai aimé dès qu’il a posé les yeux sur moi », dit-elle. Elle a rangé son rêve de devenir avocate pour passer un BTS de finances comptabilité, ses parents lui en ont voulu pour Cyril et pour les études, ils espéraient mieux. Gladys s’est beaucoup rapprochée de ses beaux-parents, elle est devenue conseil comptable à Grenoble, deux enfants sont nés. A Tencin, on trouvait que Cyril « avait une belle famille, avec une belle maison. » Ils avaient presque fini de la payer, il ne leur restait plus que des mensualités de 30 euros par mois avec un prêt à taux zéro.
22/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/22/pepete-et-gladys-les-amants-meurtriers-de-l-isere_5401322_1653578.html
Cinq mois de féminisme pour un animateur argentin misogyne
Baby Etchecopar devra inviter des féministes dans son émission, avec interdiction de les interrompre.
C’est probablement la pire des peines pour l’animateur de radio argentin Baby Etchecopar, célèbre pour ses attaques verbales contre les féministes, qu’il traite volontiers de « féminazis » ou de « dégoûtantes » dans son programme « El Angel del Mediodia » (L’Ange de midi), diffusé sur Radio 10. Inculpé pour discrimination et violence de genre, il a été condamné, jeudi 20 décembre, à recevoir des féministes pendant son émission et à leur céder le micro, dix minutes par semaine, pendant cinq mois, à partir de la rentrée de mars, après la trêve de l’été austral. Cet espace sera sans publicité et le journaliste n’aura pas le droit d’interrompre ses invitées, de les critiquer pendant qu’elles parlent, ni non plus après leurs interventions. Pendant un an, Baby Etchecopar devra en outre se garder de propos offensants contre les femmes et il devra faire don de 15 000 pesos (347 euros) à l’association catholique de charité Caritas. « Il m’a semblé important que les auditeurs de Baby Etchecopar puissent écouter d’autres voix et d’autres explications, différentes de celles dont ils ont l’habitude, a précisé, à Buenos Aires, le procureur Federico Villalba Diaz. C’est une idée non punitive, mais qui vise à améliorer la tolérance. » Loi contre la violence machiste Autre trophée pour les féministes : le Sénat a voté en seconde lecture, mercredi 19 décembre, et à l’unanimité, la loi dite « Micaela », destinée à lutter contre la violence machiste, et qui prévoit que les fonctionnaires des trois pouvoirs reçoivent une formation sur l’égalité femmes-hommes. Le nom de la loi, maintes fois repoussée, rend hommage à Micaela Garcia, une jeune fille de 21 ans enlevée, violée et assassinée en avril 2017, dans la province d’Entre Rios (nord-est). Cette loi a été traitée d’urgence au Congrès à la demande du président de centre-droit Mauricio Macri, dans la foulée du témoignage d’une comédienne qui a accusé, le 11 décembre, un acteur célèbre de l’avoir violée quand elle avait 16 ans. Cette bouleversante confession a entraîné un mouvement #metoo local, avec une avalanche de dénonciations sur les réseaux sociaux. Les féministes sont fortement mobilisées en Argentine contre les violences faites aux femmes, depuis une série de viols et d’assassinats qui avait déclenché, en 2015, la vague #niunamenos (« pas une seule [femme] de moins »). Malgré le rejet par le Sénat, le 9 août, de la légalisation de l’avortement, leur lutte continue et la thématique de genre s’annonce comme l’un des grands débats de la campagne en vue des élections législatives et présidentielle d’octobre 2019.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/cinq-mois-de-feminisme-pour-un-animateur-argentin-misogyne_5401319_3210.html
Le départ du secrétaire américain à la défense, James Mattis, secoue l’OTAN
Le général était considéré comme un personnage « rassurant », un homme « respecté comme soldat et comme diplomate ».
Donald Trump et James Mattis, à Norfolk (Virginie), en 2017. Jonathan Ernst / REUTERS Pas un coup de tonnerre, sans doute, tant ce dénouement semblait inéluctable, mais un autre mauvais coup porté à la solidarité entre Américains et Européens. L’annonce, jeudi 20 décembre, de la future démission du secrétaire américain à la défense, James Mattis, plonge à nouveau l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) dans le doute. « C’était un personnage rassurant, perçu comme un ami », commentait, vendredi 21 décembre, un diplomate au siège bruxellois de l’Alliance atlantique. Rassurant, parce que bon connaisseur de l’Europe et de l’OTAN, dont il fut, en 2007, le commandant suprême allié de la transformation, l’un des deux commandants stratégiques. Rassurant aussi parce que, après les foucades du président américain, Donald Trump – ses remises en cause de la vocation de l’OTAN ou ses critiques sur l’insuffisance des dépenses européennes –, il était, à chaque fois, venu porter une parole apaisante à Bruxelles. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Diplomatie : avec les derniers départs à la Maison Blanche, la promesse d’un trumpisme sans entraves Jeudi, il rappelait encore dans sa lettre au président qu’après les attentats du 11 septembre 2001 les « 29 démocraties de l’OTAN » avaient démontré « la solidité de leur engagement » en combattant ensuite au côté des Etats-Unis. Il rappelait à la fois la nécessité de « traiter nos alliés avec respect » et d’être lucide « vis-à-vis de ceux qui sont à la fois des acteurs pernicieux et des rivaux stratégiques ». L’organisation, comme à l’accoutumée, s’est voulue prudente. Vendredi, elle a toutefois salué, par la voix de sa porte-parole, Oana Lungescu, un homme « respecté comme soldat et comme diplomate » qui a joué « un rôle-clé pour garder une OTAN forte et prête à affronter les défis de la sécurité ». Une marque de respect et, en même temps, un appel à celui qui succédera au général. « Assurer la sécurité de l’Afghanistan » Si M. Mattis ne démissionnera pas avant la fin du mois de février 2019, c’est notamment, indique une source, parce qu’il voulait participer à la prochaine réunion des ministres de la défense de l’Alliance. Un moment important puisqu’il marquera la fin de l’ultimatum de soixante jours adressé récemment par l’OTAN à la Russie, invitée à se conformer aux obligations du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Moscou déploie, en violation de ce traité, un nouveau système de missiles – le Novator 9M729 – qui fait peser une menace directe sur l’Europe. L’annonce, par M Trump, du retrait de 2 000 soldats américains en Syrie – « sans aucune concertation », souligne une source européenne – est vue comme un nouveau signe de l’isolationnisme prôné par le président. Ou plutôt « le retour à son discours de campagne », analyse la même source. C’est toutefois, vu de l’OTAN, l’annonce du retrait « important » d’Afghanistan (7 000 des 14 000 soldats de l’US Army, selon la presse américaine) qui apparaît comme la plus dommageable. Vendredi, Oana Lungescu, porte-parole de l’Alliance, a insisté sur la poursuite de l’engagement dans ce pays. Si elle n’a pas commenté le départ de M. Mattis, elle a insisté sur la nécessité d’« assurer la sécurité à long terme et la stabilité de l’Afghanistan ». L’idée que seule la présence de l’OTAN, au travers de sa mission Resolute Support, permettra d’éviter une résurgence du terrorisme est martelée depuis des années. M. Mattis l’appuyait et avait même obtenu un renforcement de la présence américaine. Les choix de M. Trump inquiètent d’autant plus la direction de l’OTAN que plusieurs pays membres maintiennent seulement leurs effectifs sur le terrain afghan pour montrer à Washington qu’ils sont de « bons alliés ». Un retrait américain entraînerait sans doute très vite le leur.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/le-depart-du-secretaire-americain-a-la-defense-james-mattis-secoue-l-otan_5401317_3210.html
La stratégie mortifère de la gauche
Editorial. Sinistrée depuis la présidentielle de 2017, la gauche est de plus en plus morcelée. Cette semaine, les tentatives de rapprochement entre les différentes organisations ont encore échoué.
Editorial du « Monde ». Il faut en donner acte à Olivier Faure. Depuis son élection comme premier secrétaire du Parti socialiste, le 7 avril, le député de Seine-et-Marne se bat avec constance et énergie pour ressusciter l’union de la gauche. Son handicap est qu’il est à la tête d’un parti en survie artificielle depuis le score calamiteux de son candidat (6,36 %), Benoît Hamon, à l’élection présidentielle. Il est invisible, sauf lorsqu’il dépose une motion de censure avec La France insoumise (LFI), qui vire au vaudeville quand il cherche ensuite à déplacer le jour du vote. Il est inaudible, sauf quand il se saisit habilement du référendum d’initiative citoyenne préconisé par les « gilets jaunes » pour proposer un référendum d’initiative partagée, inscrit dans la Constitution, afin de rétablir l’impôt sur la fortune. Démarches vaines et éphémères. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le PS appelle à une liste d’union de la gauche pour les élections européennes M. Faure a conscience que, si les forces de gauche se présentent séparément aux élections européennes de mai 2019, elles iront au casse-pipe. Un sondage BVA, en date du 14 décembre, attribue 10 % à LFI devant Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à 7 %, le PS et Génération.s, le mouvement de M. Hamon, n’obtenant que 5 %, soit le seuil qui permet d’avoir un eurodéputé. En d’autres termes, telle qu’elle est partie, la gauche serait en miettes, offrant un boulevard à l’extrême droite. « Le paradoxe, assure M. Faure dans une interview à Libération du 21 décembre, c’est que, même très diminué, Macron apparaîtra alors encore comme le seul rempart à Marine Le Pen. » Moult initiatives On peut difficilement contester la justesse du raisonnement politique du premier secrétaire du PS. Avec son mouvement Place publique, le philosophe Raphaël Glucksmann arrive au même constat. Il rêve, lui aussi, d’une liste qui réunirait toute la gauche et les écologistes, sans les amis de Jean-Luc Mélenchon. Selon une enquête commandée à l’IFOP par Place publique, une liste d’union recueillerait 14 %, devant LFI (11,5 %), à touche-touche avec La République en marche et le MoDem (15 %). A cinq mois du scrutin, ces sondages sont à lire avec précaution, mais le pronostic est sans appel : unie, la gauche a une carte à jouer, divisée elle disparaît des écrans radar. La semaine qui vient de s’écouler a été fertile en initiatives. Non sans malice, Ségolène Royal a proposé de rejoindre la liste d’EELV, en laissant la première place à Yannick Jadot. L’eurodéputé, qui a dit au Parisien du 21 décembre que l’écologie ne peut pas être « une simple potion électorale pour requinquer la gauche », lui a opposé une sèche fin de non-recevoir. Alors qu’EELV a peu de chances de retrouver son score de 2009 (16,28 %), le parti n’ambitionne pas moins de devenir à terme « la première force politique » du pays… Le 20 décembre, Place publique a été le carrefour d’une rencontre des forces de gauche, à l’exception de LFI, et des écologistes. « La gauche ne pèse rien séparément », a rappelé M. Glucksmann. Nul ne l’a contredit, mais chacun se replie sur sa (toute) petite chapelle. Sinistrée depuis la présidentielle de 2017, la gauche est de plus en plus morcelée. Il arrive que ses dirigeants parlent de rassemblement, mais ils multiplient surtout les anathèmes à l’égard des alliés d’hier, et plus encore du parti auquel ils ont longtemps appartenu. « A gauche, souligne M. Faure, la concurrence entre les clans, les écuries, les coteries a détruit jusqu’à l’idée d’une alternance possible. » Cela s’appelle une stratégie mortifère. Le Monde
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/la-strategie-mortifere-de-la-gauche_5401314_3232.html
L’ONU entérine l’accord de Stockholm pour une trêve au Yémen
Un accord de trêve avait été conclu, mi-décembre, entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthistes. Les Etats-Unis ont fait pression pour que la résolution ménage leur allié saoudien.
Martin Griffiths (sur l’écran), le 14 décembre à New York. Eskinder Debebe / AP C’est la première résolution en près de quatre ans de conflit au Yémen et les diplomates ont formé le vœu pieu qu’elle représente un tournant pour la paix dans le pays. Ils se sont unanimement accordés, vendredi 21 décembre, après une semaine de négociations chaotiques, pour entériner officiellement l’accord de trêve conclu à Stockholm, mi-décembre, entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthistes sous les auspices de l’envoyé spécial de l’ONU, Martin Griffiths. « Le Conseil est uni pour maintenir la dynamique après les progrès réalisés à Stockholm », a voulu croire Karen Pierce, l’ambassadrice britannique à la manœuvre sur ce texte. L’optimisme est cependant très mesuré. A la demande des Américains, qui ont menacé leur allié britannique de mettre leur veto jusqu’à la dernière minute, le texte a été très affaibli pour retirer toute mention des violations du droit humanitaire international – dont les bombardements aériens de la coalition saoudienne représentent une part importante – et de la nécessité de rendre des comptes pour les crimes de guerre. Le paragraphe sur la crise alimentaire qui sévit dans le pays et qui menace, à des degrés divers, près de 20 millions de Yéménites a disparu. La résolution capitalise sur la mise en œuvre de l’accord de Stockholm – le seul point qui faisait consensus entre les Etats membres – mais n’a qu’une portée politique très limitée. L’ONU obtient l’autorisation d’envoyer pour une période initiale de trente jours une équipe préliminaire d’observateurs chargés de surveiller le cessez-le-feu et le retrait des combattants des ports d’Hodeïda, de Salif et de Ras Issa sous trois semaines, comme agréé à Stockholm. Le secrétaire général doit aussi proposer des options avant fin décembre pour renforcer le dispositif de surveillance de l’ONU dans le gouvernorat d’Hodeïda. Les lacunes de la résolution Le mécanisme de vérification du retrait des forces armées d’Hodeïda et de ses deux ports satellites, aux mains des rebelles, est une garantie offerte aux Emirats arabes unis : il s’agit désormais d’assurer à ce membre-clé de la coalition que les houthistes quittent bien la côte de la mer Rouge. Des alliés locaux des Emirats contrôleraient alors tous les ports du Yémen. Cela offre à Abou Dhabi la possibilité de se retirer la tête haute du conflit yéménite. La puissance maritime s’érige en gardienne de l’intense trafic commercial et pétrolier qui passe par ces eaux ouvrant sur le canal de Suez. Ce mécanisme, qui doit faire l’objet de propositions de M. Griffiths avant la fin de l’année, pourrait impliquer l’usage d’images satellitaires, et être l’occasion pour l’ONU d’effectuer un relevé détaillé des dommages causés par les belligérants dans la guerre. Notamment par les bombardements aériens de la coalition, qui ont systématiquement frappé des infrastructures économiques en zones rebelles, depuis 2015. Après évaluation des coûts par la Banque mondiale, cela pourrait donner lieu à des obligations de compensations financières. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Il est nécessaire de fixer un agenda pour une résolution politique du conflit au Yémen » Les chances sont cependant minimes. Les Etats-Unis ont clairement laissé voir leur volonté de protéger à tout prix leurs alliés saoudiens et émiratis, quitte à provoquer une crise diplomatique avec Londres, qui n’a pas apprécié de se voir menacé d’un veto inédit sur un texte qui ménageait déjà l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Les deux pays se sont d’ailleurs empressés de saluer l’adoption de cette résolution, ce qui témoigne de sa faiblesse et de ses lacunes. « Opérer par petites touches » Riyad craignait que ce texte ne dilue la portée de la résolution 2216, qui demeure le cadre de référence du conflit et lui est très favorable. Elle avait entériné son entrée en guerre, en avril 2015, sanctuarisé l’autorité de son allié, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, et exigé des rebelles qu’ils déposent leurs armes et se retirent de la capitale, Sanaa – une demande jugée désormais unanimement irréaliste. « Riyad peut encore compter sur les Américains pour s’accrocher à la résolution 2216 : il n’existe aucun pays aussi introduit à Washington, avec les Emirats », note une source diplomatique européenne. « Le Conseil est condamné à opérer par petites touches. La résolution britannique n’était pas bien méchante, et voyez la bataille qu’ils ont menée contre elle… De plus, l’ONU dépend des Saoudiens pour l’aide humanitaire au Yémen : que ferait-elle sans leurs milliards ? », s’interroge cette source. Un diplomate, sous couvert d’anonymat, se disait aussi « peu optimiste » pour la suite : « Le deal est clair. C’est un retrait des houthistes contre un vrai partage du pouvoir ». Les Saoudiens, sous le parapluie américain, ont démontré qu’ils n’étaient pas encore prêts aux concessions.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/l-onu-enterine-l-accord-de-stockholm-pour-une-treve-au-yemen_5401311_3210.html
Epilogue en catimini pour l’affaire Tomi
L’homme d’affaires corse Michel Tomi a été condamné, vendredi, à un an de prison avec sursis lors d’une comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.
Après l’assassinat, en décembre 2017 à l’aéroport de Bastia, de deux figures du banditisme corse proche de l’homme d’affaires Michel Tomi, les auteurs présumés du double meurtre s’inquiétaient d’une chose : la réaction de Michel Tomi. « Tomi va payer 2 milliards pour nos têtes, frère ! », disait l’un d’eux sur des échanges téléphoniques récupérés par les policiers, soulignant en quelques mots l’importance de cet homme dans l’imaginaire insulaire. Un an après, cette richissime figure de la Françafrique, dont même les avocats prononcent le nom tout bas, a fait, vendredi 21 décembre, une apparition discrète au tribunal de grande instance de Paris pour mettre un point final à une enquête judiciaire qui a cherché en vain à le mettre en cause pour ses activités en Afrique de l’Ouest, où il a fait fortune dans les jeux et l’immobilier. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le « parrain » corse Michel Tomi échappe à un procès Tout de noir vêtu, assis dans un fauteuil roulant à cause d’une sclérose en plaques, Michel Tomi, 71 ans, plaisante dans les couloirs du tribunal. Autour de lui, ses conseils rigolent à chacune des anecdotes de leur généreux client. Ses gardes du corps scrutent attentivement les allées et venues. La comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité qui l’attend est une formalité. Mieux, c’est plus que ce qu’ils pouvaient tous espérer après cinq années d’instruction menée par le juge financier Serge Tournaire. L’enquête, baptisée « Soprano » par la police – du nom de cette série américaine narrant la vie d’un chef mafieux du New Jersey –, qui devait faire tomber le « parrain des parrains » corses, n’a pas tenu ses promesses. Si elle a mis au jour l’étendue de son empire économique en Afrique et sa proximité avec plusieurs chefs d’Etat qu’il n’a jamais hésité à faire profiter de ses largesses, les infractions pénales qui lui étaient reprochées ont été réduites à la portion congrue. « Je pense que si certains organes de presse ne m’avaient pas fait une certaine réputation, je ne serais pas là aujourd’hui », avait indiqué M. Tomi au cours de l’instruction. Au cours d’une audience minimale qui aura duré une quinzaine de minutes, Michel Tomi, demeurant à Libreville au Gabon, a reconnu avoir perçu une commission de 1,6 million d’euros pour avoir joué l’intermédiaire sur un contrat d’achat de vedettes par l’Etat gabonais à une société française. Il a aussi reconnu avoir facilité, grâce à de faux documents, l’obtention d’un titre de séjour et de fausses fiches de paie à sa compagne. Pour ces infractions, il a été condamné à un an de prison avec sursis et à 375 000 euros d’amende. A quoi il faut ajouter la confiscation de plus de 400 000 euros en espèce saisis à l’occasion d’une perquisition chez lui et deux véhicules, dont un BMW X5 blindé, lui appartenant. Comme l’a rappelé la présidente du tribunal, il s’agit de sa troisième condamnation. Il avait notamment été condamné pour avoir financé, par le biais de sa fille, directrice du PMU au Gabon, la campagne du Rassemblement pour la France de Charles Pasqua pour les élections européennes de 1999 en contrepartie d’autorisations pour exploiter un casino à Annemasse (Haute-Savoie). Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Afrique, oasis intarissable des avocats français
22/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/22/epilogue-en-catimini-pour-l-affaire-tomi_5401307_1653578.html
« Gilets jaunes » : Emmanuel Macron peaufine sa stratégie de sortie de crise
Le président veut apaiser les colères catégorielles pour préserver ses réformes structurelles et reprendre de la hauteur.
Emmanuel Macron s’adressant aux soldats de la force « Barkhane », à N’Djamena (Tchad), le 22 décembre. LUDOVIC MARIN / AFP Et maintenant ? Cinq semaines après la première manifestation parisienne des « gilets jaunes », et alors que le mouvement donne des signes d’essoufflement, l’exécutif a entrepris de se projeter dans l’après. Ces quinze derniers jours, Emmanuel Macron a réuni à de nombreuses reprises sa garde rapprochée dans le Salon vert de l’Elysée. Objectif : déterminer le meilleur moyen de relancer le quinquennat, menacé de paralysie. Le président a finalement opté pour une stratégie à plusieurs niveaux afin de répondre à la crise. « Le mouvement des “gilets jaunes” est un mouvement à tiroirs, parti d’une grogne sur le prix des carburants pour arriver à des questions institutionnelles. Nous avons donc fait le choix d’une réponse à tiroirs », explique un proche collaborateur. « Les “gilets jaunes” n’appellent pas à l’immobilisme, à nous de savoir rebondir », abonde un parlementaire de la majorité. Le premier tiroir a déjà été ouvert. Alors qu’il avait fait du sérieux budgétaire l’un des marqueurs de son début de quinquennat, le chef de l’Etat s’est résolu à desserrer les cordons de la bourse. Les mesures de pouvoir d’achat annoncées par le premier ministre, Edouard Philippe, le 4 décembre (annulation de la hausse de la taxe carbone) et complétées par Emmanuel Macron le 10 décembre (élargissement de la prime d’activité, défiscalisation des heures supplémentaires, etc.) devraient coûter quelque 10 milliards d’euros à l’Etat. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Depuis la crise des « gilets jaunes », la vie à huis clos d’Emmanuel Macron « Echelle de priorités » Mais M. Macron serait prêt à aller plus loin. Pas question de laisser une exaspération catégorielle prendre le relais des « gilets jaunes ». Menacé d’un mouvement des « gyros bleus » dans la police, l’exécutif a accordé, le 19 décembre, une hausse de salaire de 120 à 150 euros par mois à tous les gardiens de la paix. « Quand il y a un mouvement d’une telle ampleur, il est normal qu’on lâche », estime un familier de l’Elysée, qui n’exclut pas d’autres revendications dans les prochaines semaines. A ceux qui s’inquiètent, à Bercy mais aussi à Matignon, que cette prodigalité remette en cause la règle des 3 % de déficit public, Emmanuel Macron assure que « ce n’est pas un sujet ». Le 11 décembre, le chef de l’Etat avait lui-même encouragé les députés de la majorité, reçus à l’Elysée, à ne pas faire de cette règle un dogme pour élaborer le budget 2019. « Faites au mieux. S’il faut laisser filer le déficit, on le laisse filer… La priorité à court terme, c’est l’exécution des mesures [de pouvoir d’achat] », leur avait-il lancé.
22/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/gilets-jaunes-emmanuel-macron-peaufine-sa-strategie-de-sortie-de-crise_5401305_823448.html
De la rumeur aux « fake news »
Ce n’est pas l’apparition des infox qui surprend, mais leur persistance, analyse l’historien Antoine Lilti dans sa chronique. En effet, selon lui, ni les progrès de l’éducation, ni l’accès de tous au marché de l’information, ni même la pratique journalistique du « fact checking » ne semblent avoir d’effet.
Vous en avez entendu parler. Pendant le mouvement des « gilets jaunes », une rumeur a circulé, suscitant l’indignation. Emmanuel Macron ­s’apprêtait à signer le pacte de Marrakech, un traité par ­lequel la France abdiquait, au profit de l’ONU, sa souveraineté en matière migratoire. Le Monde a décrit l’itinéraire mondial de cette infox, alimentée par l’extrême droite américaine, relayée par divers groupuscules, puis par des citoyens scandalisés, à coups de messages et de vidéos ­virales. Le texte du pacte, en réalité, est une déclaration d’intention sans valeur contraignante. Comment comprendre le succès d’une rumeur aussi facile à démentir ? La tentation est grande de blâmer les réseaux sociaux et, plus largement, le monde de « post-vérité » dans ­lequel nous serions, dit-on, entrés. C’est le refrain de l’époque : toutes les opinions se valent, Internet propage les ­rumeurs les plus folles, l’esprit critique a disparu et les infox se répandent comme des traînées de poudre. Pourtant, la propagation de fausses nouvelles n’a rien d’une nouveauté, surtout en période de crises sociales et politiques. Au XVIIIe siècle, lors de chaque disette, une rumeur réapparaissait, celle du « pacte de famine », un complot organisé au sommet de la monarchie et visant à affamer le peuple. Cette rumeur, bien étudiée par l’historien américain Steven Kaplan, fut particulièrement vive en 1768 et 1775, lorsque les réformes libérales du commerce des grains se soldèrent par une hausse du prix du pain. Bruits publics, placards séditieux, émeutes : le peuple opposait une conception morale de l’économie, selon laquelle le roi se devait d’assurer la subsistance des sujets, à la nouvelle économie politique portée par les physiocrates. En face, les élites et les ministres éclairés comme Turgot s’étonnaient de la résistance populaire, au point d’imaginer, à leur tour, de sombres complots. En réalité, le succès de la rumeur reposait sur un imaginaire politique qui accordait au pain un rôle crucial, à la fois vital et symbolique. Par sa récurrence tout au long du siècle, le thème du complot de famine a contribué à désacraliser la personne du roi, à rompre les liens affectifs qui attachaient la population au souverain. Dans un texte, le grand médiéviste Marc Bloch invitait à étudier les « profonds frémissements sociaux » qui permettent aux rumeurs de soulever les foules et de déstabiliser les pouvoirs Longtemps, les historiens ont dédaigné les rumeurs. Marc Bloch (1886-1944), le grand médiéviste, fut un des premiers à en percevoir tout l’intérêt. Mobilisé pendant la première guerre mondiale, il fut frappé par la circulation rapide des fausses nouvelles, souvent invérifiables, qui exerçaient, y compris sur lui, une puissante attraction. Convaincu qu’il fallait appliquer à la compréhension du présent les mêmes méthodes qu’à l’étude du passé, il publia un texte court mais suggestif, Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre. Il invitait à étudier les « profonds frémissements sociaux » qui permettent aux rumeurs de soulever les foules et de déstabiliser les pouvoirs. « En elles, inconsciemment, les hommes expriment leurs préjugés, leurs haines, leurs craintes, ­toutes leurs émotions fortes. » Encore faut-il suivre leur diffusion : surgissement spontané ou manipulation ­malveillante, bouche-à-oreille ou caisse de résonance médiatique, méfiance ou désintérêt des autorités.
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/de-la-rumeur-aux-fake-news_5401301_3232.html
Tchad : Macron va réveillonner avec les soldats français et… Michel Drucker
Le chef de l’Etat partagera samedi soir avec le millier de militaires français de la force Barkhane au Tchad le traditionnel repas de Noël.
L’an passé, il était au Niger. Cette année, Emmanuel Macron fêtera Noël sur la base de Kossei, près de N’Djamena, avec les neuf cents soldats des troupes françaises déployées au sein de l’opération Berkhane, qui, depuis l’été 2014, combat les dijhadistes de la zone sahélienne ainsi que ceux de Boko Haram ; son PC se trouve au Tchad. Le traditionnel repas de Noël préparé par le chef des cuisines de l’Élysée, Guillaume Gomez, sera servi samedi soir. Le président devait arriver samedi 22 décembre en milieu d’après-midi avec la ministre des armées, Florence Parly, et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa. Mais aussi, en guest star, Michel Drucker, convié quelques jours plus tôt par l’Elysée pour enregistrer un « insert » de M. Macron qui sera diffusé dans l’émission « Noël avec nos soldats », tournée à Port-Bouët, base militaire française d’Abidjan, et diffusée le 25 décembre sur France 2 et TV5 Monde, en hommage aux soldats de l’Hexagone envoyés en « opex ». Le Tchad est le seul pays du G5 Sahel, cette force conjointe antidjihadiste poussée par Paris en 2017 et réunissant la Mauritanie, le Niger, le Mali et le Burkina Faso, que le chef de l’Etat n’a pas encore visité. Elle regroupe plus de 4500 soldats et coûte 700 millions d’euros pour tenter de contenir quelques centaines de djihadistes dans les immensités de ces régions pauvres. La secte de Boko Haram est « un ennemi réactif et volatile » qui « ne cesse de se déplacer », explique le lieutenant colonel Louis-Alain, chef du centre des opérations de la base de Kosseï, sa menace augmentant en général à la fin de la saison des pluies. Sur la base de N’Djamena, où est installé le poste de commandement de l’opération Barkhane, ainsi qu’un détachement aérien et des éléments de soutien et de transmission, le chef de l’Etat, accompagné de la ministre des armées, Florence Parly, doit rencontrer le général Frédéric Blachon, commandant de Barkhane depuis juillet, qui lui fera un bilan de ses opérations. L’objectif de la France est d’accroître son partenariat avec la nouvelle force antidjihadiste du G5 Sahel, mise sur pied avec l’appui de la France entre cinq pays du Sahel (Mauritanie, Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad). Article réservé à nos abonnés Lire aussi Sahel : l’opération « Barkhane » contrainte de s’adapter Importance stratégique L’an dernier, Emmanuel Macron avait réveillonné avec les 500 soldats français basés à Niamey, au Niger, illustration de l’importance stratégique pour la France de cette bande sahélo-saharienne où se télescopent de nombreux enjeux, notamment diplomatiques, sécuritaires, migratoires. Les groupes djihadistes ont été en grande partie chassés du nord du Mali par l’intervention militaire française, mais ont en revanche regagné du terrain dans le centre de ce pays, et le phénomène s’étend au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires. Lire aussi Au Mali, des dizaines de civils touareg tués par des djihadistes présumés Emmanuel Macron et Idriss Déby, qui déjeuneront ensemble dimanche, devraient aussi faire le point sur le déploiement de la force du G5 Sahel, qui n’a reçu pour l’instant qu’environ 100 millions d’euros sur les 400 millions promis par la communauté internationale. La présence de plus en plus marquée de la Russie en Centrafrique, qui agace la France, ancienne puissance coloniale dans la région, devrait également être au menu des discussions. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Centrafrique, un pion sur l’échiquier russe Emmanuel Macron profitera en outre de sa visite pour rencontrer dimanche matin des Tchadiennes dans la Maison de la femme à N’Djamena, « seul lieu au Sahel dédié aux femmes », selon l’Elysée, un sujet sur lequel le président français se dit très mobilisé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’ONU s’inquiète du manque de moyens de la force du G5 Sahel
22/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/22/tchad-macron-va-reveillonner-avec-les-soldats-francais_5401299_3212.html
Smartphones, tablettes, jeux vidéo, mangas… La sélection de cadeaux de Noël de Pixels
En manque d’idées ? Perdu pour choisir une tablette ou un casque audio ? La rubrique Pixels du « Monde » a sélectionné des dizaines de produits à (s’)offrir.
Comment s’y retrouver dans les nombreux smartphones, tablettes ou autres enceintes connectées qui sortent chaque année ? Comment, à l’approche de Noël, trouver le bon manga à offrir à un proche, le bon jeu vidéo ? Ces dernières semaines, la rubrique Pixels du Monde a sélectionné des dizaines de produits pour vous aider à faire vos choix. Smartphones Tout au long de l’année, Pixels a testé différents smartphones. Sélection. NICOLAS SIX / LE MONDE De 200 à 860 euros, voici la crème de la crème des smartphones sortis cette année. Une sélection dominée par les constructeurs chinois, ce qui constitue une véritable petite révolution de palais. Nous avons testé cinq smartphones autour de 200 euros. Un budget qui permet aujourd’hui d’accéder à des appareils confortables et polyvalents. La qualité de la photo est un critère souvent déterminant dans le choix d’un smartphone – surtout pour les amateurs d’images. Nous avons passé au crible quatre smartphones réputés sur cet aspect. Batterie, chargeur, cordon, objectif photo… Pratiques et pas chers, les gadgets liés aux smartphones font souvent des cadeaux utiles. Audio Le choix d’un casque audio dépend des besoins de l’utilisateur. Pixels en a sélectionné six. NICOLAS SIX / LE MONDE Une sélection de six casques remarquables, vendus de 30 euros à 350 euros, mais aux qualités bien différentes. Pixels a sélectionné les meilleures enceintes Bluetooth aptes au voyage, facturées de 40 à 250 euros. Ordinateurs et tablettes Pixels a sélectionné plusieurs ordinateurs portables à d’excellents rapports qualité/prix. QUENTIN HUGON / LE MONDE Destinés à des usages variés, ces ordinateurs ont un point commun : leur rapport qualité/prix est excellent. Et désormais, dès 300 euros, on trouve désormais des PC confortables et suffisamment réactifs pour la plupart des usages. Beaucoup moins chères que l’iPad de base, les trois tablettes 10 pouces que nous avons sélectionnées sont de bonnes compagnes pour se détendre. Jeux vidéo Trouvez la console idéale à offrir avec notre comparatif de consoles. Quentin Hugon Certes, les incontournables de l’année se nomment Red Dead Redemption 2, FIFA 19 ou encore Super Smash Bros. Ultimate. Mais pour éviter les risques de doublon (et de ruine) sous le sapin, Pixels a sélectionné une dizaine de productions moins connues mais de grande qualité. Que ce soit pour des accros de la manette, des joueurs du dimanche, des chasseurs de perles méconnues ou des nostalgiques des gros pixels de l’enfance, ce comparatif vous aidera à trouver la meilleure console à offrir. Livres « La Faucheuse », « Le Renard et la couronne » et « Elia, la passeuse d’âmes », trois romans de notre sélection « young adult ». ROBERT LAFFONT / TALENTS HAUTS / PKJ Sélection de pépites de littérature parues cette année, qui plairont aux amateurs de récits « young adult » (« jeune adulte »), qu’ils soient adolescents ou plus grands. Aventure, romance, stratégie… Il existe des mangas pour tous les goûts. Pixels a sélectionné quelques bons titres, dans différents registres, qui pourront convaincre les lecteurs débutants comme les habitués exigeants. Autres Des cartes cadeaux pour un Noël généreux mais gratuit. QUENTIN HUGON / LE MONDE Des idées malignes pour les technophiles fauchés et généreux, qui pourront s’avérer plus précieuses que de coûteux cadeaux qui tombent parfois à côté. Séduisants et innovants, ces objets ont toutes les chances d’être reçus comme des cadeaux emballants. Leurs prix s’échelonnent de 100 à 1 000 euros.
22/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/22/smartphones-tablettes-jeux-video-mangas-la-selection-de-cadeaux-de-noel-de-pixels_5401297_4408996.html
Acte VI des « gilets jaunes » : une mobilisation en forte baisse, des tensions sur les Champs-Elysées
Les « gilets jaunes » ont de nouveau mobilisé dans toute la France pour un sixième samedi d’affilée. Le ministère de l’intérieur a comptabilisé 38 600 manifestants en France à 18 heures, contre 66 000 samedi dernier.
Un véhicule de police sur l’avenue des Champs-Elysées, samedi 22 décembre. ZAKARIA ABDELKAFI / AFP Les Champs-Elysées ont été le théâtre de violents accrochages entre « gilets jaunes » et policiers, samedi 22 décembre en fin de journée, après une circulation normale le matin, avec une présence discrète des forces de l’ordre. L’avenue a été évacuée et un important dispositif de forces de l’ordre déployé sur place. Une logique classique de dispersion de manifestation, a précisé la préfecture de police à nos confrères de franceinfo. En tout, 220 personnes ont été interpellées et 80 placées en garde à vue lors des manifestations des « gilets jaunes » samedi, à Paris, dont Eric Drouet, un de leurs premiers meneurs, selon des sources policières rapportées par l’Agence France-Presse 5AFP). Leur objet, pour la plupart : « des attroupements en vue de commettre des violences », a précisé la police à l’AFP. A trois jours de Noël, les « gilets jaunes » comptaient de nouveau mobiliser leurs troupes dans toute la France pour un sixième samedi d’affilée de manifestations. Mais la fronde marque le pas. Le ministère de l’intérieur a comptabilisé 38 600 manifestants en France à 18 heures contre 66 000 samedi dernier. « Paris dans la rue ! » A Paris, la préfecture de police a dénombré 2 000 manifestants peu avant 16 heures, contre près de 4 000 samedi dernier. En début de matinée, un appel avait été lancé sur la page Facebook d’Eric Drouet pour aller sur la butte Montmartre, dans le 18e arrondissement, où 200 « gilets jaunes » se sont rassemblés avant de partir non loin des grands magasins, dans une ambiance parfois tendue, selon une journaliste de l’AFP. « Paris dans la rue ! », les entendait-on scander. Plusieurs « gilets jaunes » ont été filmés ce matin en train de chanter La Quenelle, de Dieudonné, sur le parvis du Sacré-Cœur. ▶️ A Montmartre, plusieurs gilets jaunes entonnent "La quenelle", chanson de l'humoriste antisémite Dieudonné https://t.co/B0IySJFgzX — YahooActuFR (@Yahoo Actualités) Peu avant midi, le petit cortège était bloqué dans le quartier de l’Opéra par les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes. Un autre groupe d’environ 150 manifestants est parti de l’Opéra vers la place de la République. Et un autre marchait aussi de la Madeleine vers l’Opéra. Eric Drouet, 33 ans, un chauffeur routier de Melun (Seine-et-Marne), est l’une des voix qui ont nourri la contestation. Il a été arrêté peu après 14 heures rue Vignon, dans le quartier de la Madeleine, au milieu de quelques dizaines de manifestants. Sa page Facebook, créée mi-octobre, appelant au « blocage national contre la hausse des carburants », avait été rapidement suivie par des dizaines de milliers de personnes, amorçant la mobilisation nationale du 17 novembre, l’« acte I » du mouvement. C’est lui qui avait appelé les « gilets jaunes » à manifester à Versailles ce samedi, avant de lancer sur Facebook dans la matinée un appel à se rassembler plutôt à Montmartre. Un seul rassemblement avait été déclaré à la préfecture de police de Paris, à partir de 14 heures sur la place de la République, à l’appel du collectif Les Sans Etiquettes. Sur les Champs-Elysées, une vingtaine de « gilets jaunes » seulement étaient présents le matin en haut de l’avenue, en face de l’arc de Triomphe, a constaté l’AFP. Contrairement aux cinq samedis précédents, la circulation était possible également place de la Concorde. Les cafés et restaurants ont déployé normalement leurs terrasses et la quasi-totalité des magasins exhibait leur vitrine. Seules quelques boutiques de luxe sont restées fermées. « Un dispositif de sécurité proportionné et adapté » Situation calme également à Versailles, où plusieurs milliers de personnes s’étaient déclarées « intéressées » par une manifestation organisée entre autres par Eric Drouet, sur l’avenue de Paris, juste en face du château. Une soixantaine de « gilets jaunes » seulement se trouvaient sur l’avenue vers midi, au milieu d’un important dispositif policier, selon l’AFP. Par crainte de débordements, le domaine et le château de Versailles, visités par des millions de personnes chaque année, ont été fermés « de manière préventive ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Depuis la crise des « gilets jaunes », la vie à huis clos d’Emmanuel Macron « Un dispositif de sécurité proportionné et adapté sera mis en place », privilégiant la « mobilité et la réactivité », avait affirmé, de son côté, le ministère de l’intérieur sans préciser le nombre de forces mobilisées. La semaine dernière, 69 000 membres des forces de l’ordre environ avaient été déployés, dont 8 000 à Paris, appuyés par des véhicules blindés à roues de la gendarmerie qui seront à nouveau mobilisés samedi, avait fait savoir la Place Beauvau. Ils devaient être « positionnés » en province, à Toulouse, Bordeaux et dans les Bouches-du-Rhône, et « en alerte » à Paris. Dans la capitale, toutes les stations de métro qui desservent les Champs-Elysées étaient fermées, tout comme la station Miromesnil, non loin du ministère de l’intérieur et de l’Elysée. Blocages aux frontières Dans la nuit de vendredi à samedi, un automobiliste est mort après avoir percuté un camion bloqué à un barrage filtrant de « gilets jaunes », à l’entrée d’autoroute de Perpignan-sud, a déclaré le procureur de Perpignan, Jean-Jacques Fagni. Il a précisé que la plupart des manifestants présents lors de l’accident s’étaient enfuis. Une enquête de flagrance a été ouverte pour « homicide involontaire aggravé et entrave à la circulation ». Plus de 300 « gilets jaunes » bloquaient depuis samedi matin une bretelle d’autoroute au niveau du Boulou, près de la frontière espagnole, refusant de baisser les bras plus d’un mois après le début de leur mobilisation, a constaté l’AFP. « Le roi Macron donne des miettes aux gueux », « Le mépris ça suffit », pouvait-on lire sur leurs banderoles. Rassemblés depuis le début de la matinée, ils étaient encadrés par un cordon de gendarmes qui les empêchaient d’accéder au péage du Boulou. Au début de l’après-midi, les « gilets jaunes » et des dizaines de militants séparatistes catalans, vêtus eux aussi de gilets jaunes et brandissant le drapeau indépendantiste, ont été délogés par les forces de l’ordre, a indiqué à l’AFP la préfecture des Pyrénées-Orientales. Les manifestants ont été chassés hors de l’autoroute à coups de gaz lacrymogènes et se sont massés sur un pont, jetant des objets sur l’axe routier, selon un photographe de l’AFP. « L’autoroute est en train d’être nettoyée pour permettre la reprise normale du trafic », a précisé la préfecture. D’autres blocages à la frontière belge Des blocages ont également été signalés dans la nuit dans le Nord, sur les autoroutes A2 et A22, à la frontière belge. Selon Vinci Autoroutes, quelques entrées, sorties et barrières de péage sont encore fermées sur le réseau, notamment sur l’autoroute A7. Dans le Sud-Est, la circulation sur l’autoroute au poste-frontière de Vintimille, dans les Alpes-Maritimes, a été bloquée dans les deux sens entre l’Italie et la France à cause d’un barrage érigé par quelque 200 manifestants, d’après l’AFP. Vers midi, le barrage est devenu filtrant pour les automobilistes mais les camions étaient toujours bloqués. Et à Strasbourg, une centaine de « gilets jaunes » ont bloqué la route d’accès au pont de l’Europe, frontalier avec l’Allemagne, avant d’être délogés par les forces de l’ordre. La police a procédé à six interpellations. Une équipe de BFM-TV et une journaliste du Progrès ont été prises à partie samedi matin à Saint-Chamond (Loire) par des « gilets jaunes » tandis qu’ils couvraient leur action de blocage de l’autoroute A47, a-t-on appris auprès de leurs rédactions. Mobilisation en baisse Quelque 2 600 « gilets jaunes » ont défilé samedi à Bordeaux et 2 500 à Toulouse, selon les préfectures, une mobilisation conséquente mais inférieure aux 4 500 manifestants comptabilisés samedi dernier dans chacune de ces villes. Environ 1000 « gilets jaunes » ont manifesté à Lille samedi après-midi, chantant la Marseillaise et scandant « Macron démission ! ». Ils étaient 500 à Nantes selon la préfecture, dans un calme « relatif ». A Rennes, une importante opération escargot était en cours en début de soirée. Depuis le pic du 17 novembre et les 282 000 manifestants recensés, la mobilisation est en baisse. Ils étaient 166 000 « gilets jaunes » à manifester le 24 novembre, 136 000 les 1er et 8 décembre, et 66 000 le 15 décembre. Le ministère de l’intérieur a décompté 3 680 « gilets jaunes » jeudi, soit l’étiage le plus bas depuis le début de ce mouvement né en réaction à une hausse prévue des taxes sur les carburants – que le gouvernement a depuis annulée. Quelque 200 ronds-points font encore l’objet d’occupation et doivent être évacués, a aussi précisé une source proche du dossier. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Certains « gilets jaunes » trouvent une « famille » sur les ronds-points Vendredi, le Parlement a donné son feu vert à des mesures d’urgence économiques et sociales : défiscalisation des heures supplémentaires, exonération élargie de hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour des retraités et possibilité pour les entreprises de verser une « prime exceptionnelle » de 1 000 euros, exonérée de toutes cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, pour leurs salariés rémunérés jusqu’à 3 600 euros par mois. L’effigie de Macron décapitée en Charente, signalement à la justice Un pantin à l’effigie du président de la République, Emmanuel Macron, a été décapité vendredi soir 21 décembre, lors d’une manifestation de « gilets jaunes » à Angoulême, une « mise en scène macabre » qui a été signalée au parquet, a annoncé samedi la préfecture de Charente. Ces faits « portent gravement atteinte tant à la personne qu’à la fonction du président de la République » et sont « susceptibles d’être qualifiés pénalement », précise la préfecture dans un communiqué. C’est la préfète de la Charente, Mme Marie Lajus, qui les a signalés au parquet du tribunal de grande instance d’Angoulême. « Cette manifestation avait fait l’objet d’une déclaration en préfecture mais le détail de son déroulement n’avait pas été précisé », précise la préfecture.
22/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/22/les-gilets-jaunes-esperent-encore-mobiliser-a-trois-jours-de-noel_5401287_3224.html
Marius Petipa, le Français le plus Russe de la planète danse
Arte consacre un documentaire au chorégraphe exilé à Saint-Pétersbourg, créateur, entre autres, du « Lac des Cygnes », de « La Belle au bois dormant » et de « Cendrillon ».
Le danseur, chorégraphe et maître de ballet français Marius Petipa (1818-1910). LES POISSONS VOLANTS Enfin ! Marius Petipa (1818-1910) fait l’objet d’un documentaire réalisé par Denis Sneguirev. Le chorégraphe le plus interprété dans le monde, créateur du Lac des Cygnes, de La Belle au bois dormant, de Cendrillon et de nombre de best-sellers de la danse classique, reste paradoxalement méconnu du grand public français. Fêté depuis un an partout en Russie, où le bicentenaire de sa naissance a entraîné son lot de colloques et de spectacles, l’événement est passé quasiment inaperçu dans l’Hexagone. Autant dire que le récit filmé de la vie et l’œuvre du Français le plus russe de la planète Danse tombe à pic pour rappeler son importance imparable dans l’histoire du ballet. Né à Marseille (Bouches-du-Rhône) dans une famille de danseurs – son frère Lucien sera interprète à l’Opéra de Paris –, installé en 1847 à Saint-Pétersbourg, où il décroche un contrat d’interprète, il grimpe les échelons pour finir par tenir les rênes du ballet du Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg, aujourd’hui Mariinsky. Il remonte le niveau technique de la troupe en imposant une signature classique avec de grands ballets en quatre actes, inspirés par des contes, rassemblant parfois près de 250 interprètes sur le plateau… Marius Petipa a donné ses lettres de noblesse au ballet, en s’appuyant sur une collaboration rapprochée et fructueuse avec Tchaïkovski (1840-1893), qui accepte de composer pour la danse à une époque où cet art était méprisé. Cette alliance étroite a donné les chefs-d’œuvre que l’on sait – La Belle au bois dormant (1890), Casse-Noisette (1892), Le Lac des cygnes (1895) – et fait basculer l’art chorégraphique dans une nouvelle ère. LES POISSONS VOLANTS Cette trajectoire épatante, ce documentaire la retrace avec nombre d’images d’archives mais aussi des extraits de ballets mis en scène pour l’Opéra national de Paris par Rudolf Noureev d’après Marius Petipa. Les analyses et commentaires de spécialistes, comme l’historien russe Pavel Guerchenzon, la journaliste italienne Valentine Bonelli, le Français et danseur Laurent Hilaire, aujourd’hui directeur de la compagnie du Théâtre Stanislavski, à Moscou, ponctuent le déroulé du film. « Texte authentique » La question de la transmission du répertoire Petipa est abordée par le chorégraphe russe Alexeï Ratmansky, directeur du Bolchoï de Moscou de 2004 à 2009, en résidence à l’American Ballet Theatre (ABT), à New York. Depuis 2014, il a reconstruit certaines productions en s’appuyant sur des partitions réalisées par le danseur Vladimir Stepanov (1866-1896), féru d’anatomie, qui a mis au point un système de notation spécifique et a retranscrit une vingtaine de ballets de Petipa dans les années 1880-1890. Ratmansky s’interroge sur le « texte authentique » du chorégraphe dont il a remonté Le Lac des Cygnes et La Belle au bois dormant. Autant dire que le débat est ouvert. Plus que jamais d’actualité, Marius Petipa, qui connaît en France depuis trois ans un regain d’intérêt de la part des chercheurs français, reste un socle et un moteur. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Marius Petipa entre dans la table ronde « Marius Petipa, le maître français du ballet russe », documentaire de Denis Sneguirev (France, 2018, 52 min). Arte, dimanche 23 décembre 17 heures et lundi 24 décembre, à 1 h 50. Arte diffuse par ailleurs le ballet de Marius Petipa Raymonda, donné pour le bicentenaire de la naissance du chorégraphe au Théâtre Mariinsky, dimanche 23 décembre, à 22 h 30, et Le Lac des cygnes, le 24 décembre, à 0 h 50.
22/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/22/marius-petipa-le-francais-le-plus-russe-de-la-planete-danse_5401285_1655027.html
Trump et l’Afrique : « Finie la main tendue, l’Amérique d’abord ! »
LE RENDEZ-VOUS DES IDÉES. Pour l’ancien diplomate Jeff Hawkins, le discours de John Bolton présente « une vision fondamentalement négative » des relations entre les Etats-Unis et le continent.
Le président américain, Donald Trump (à gauche), et le conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, John Bolton, au sommet de l’OTAN à Bruxelles, le 12 juillet 2018. BRENDAN SMIALOWSKI / AFP Tribune. Jeudi 13 décembre, le conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, John Bolton, a annoncé une « nouvelle stratégie africaine » dans un discours au think tank Heritage Foundation. Si ce n’est pas la première fois que l’administration Trump communique sur le sujet, c’est certainement une première tentative d’élaborer une vraie stratégie vis-à-vis de l’Afrique. L’administration Trump a enfin décidé de se pencher sérieusement sur les relations entre les Etats-Unis et le continent. C’est une très bonne nouvelle, car Donald Trump et ses conseillers ont longtemps ignoré l’Afrique. Le président américain n’y est jamais allé et aucun voyage présidentiel n’y est prévu, même si son épouse y a fait un court séjour touristique, seule, en octobre. L’ex-secrétaire d’Etat Rex Tillerson n’a fait qu’un seul déplacement sur le continent, en mars ; un voyage qui n’a d’ailleurs pas été un franc succès. Son successeur n’y est jamais allé. Seule une petite poignée de chefs d’Etats africains ont été reçus à la Maison Blanche. Et le poste clé de sous-secrétaire d’Etat pour l’Afrique est resté vide pendant deux ans, jusqu’à la nomination récente d’un diplomate de carrière. L’administration Trump n’a jamais clairement énoncé sa vision pour un engagement avec une région stratégique où la compétition est de plus en plus forte et les défis toujours aussi importants. On avait l’impression que l’Afrique n’existait pas pour Trump, sauf, comme le président a dit lui-même avec tant d’élégance, comme « pays de merde » à éviter. Déception Quand on a su que John Bolton allait se prononcer sur l’Afrique, on avait donc des raisons d’espérer. Surtout que, contrairement aux pratiques habituelles d’une Maison Blanche en général très chaotique, cette stratégie semble être le résultat d’un processus réfléchi. Depuis son élection, le président américain est pris d’une frénésie d’idées – un mur entre le Mexique et les Etats-Unis, l’annulation du traité avec l’Iran, le lancement d’une guerre commerciale avec la Chine… Son gouvernement essaie de suivre, de justifier, de trouver les moyens de mettre en place les politiques annoncées. Mais cette fois, la stratégie a été clairement élaborée par les acteurs concernés au sein du gouvernement américain, sous la direction de la Maison Blanche et suivant les grandes lignes fixées par le chef de l’Etat. Or cette stratégie est une déception. Le discours de Bolton présente une vision fondamentalement négative des relations entre les Etats-Unis et les Etats africains. Cette « stratégie » aura très peu de chances de susciter un vrai partenariat et ne fera rien, ou très peu, pour devancer à l’avenir des concurrents russes et chinois très présents dans la région. D’autres administrations américaines ont dans le passé mis en place de grandes initiatives, parfois visionnaires, pour ce continent. George W. Bush, par exemple, a proposé d’éradiquer le paludisme, maladie la plus meurtrière en Afrique, et a trouvé des milliards de dollars pour le faire. Barack Obama a fait venir des milliers de jeunes Africains aux Etats-Unis via la « Young African Leaders Initiative » et a cherché à augmenter sensiblement la production d’électricité sur le continent à travers son programme « Power Africa ». Ces présidents ne négligeaient pas les crises et les défis – terrorisme, corruption, pauvreté –, mais ils voulaient aussi donner de l’élan aux relations avec le continent, inspirer les Africains. « America first » John Bolton reste sur un tout autre registre. Il n’a pas choisi de parler du potentiel du continent, du bien que les Etats-Unis ont fait et pourraient faire pour les peuples de la région, d’échanges fructueux qu’on pourrait espérer. Au lieu de vouloir les inspirer, John Bolton met en garde les Africains contre un comportement qui va à l’encontre des intérêts américains. Le premier volet de sa stratégie vise des relations économiques plus « équilibrées » avec les Etats de la région, à l’image de ce que Trump cherche à faire avec les Chinois ou les Mexicains. Finie la main tendue aux pays en difficulté ! Bolton a mis l’accent sur l’investissement privé et les accords de libre-échange bilatéraux. L’administration Trump avait déjà mis en place un élément important de cette approche avec la création de l’« US International Development Finance Corporation », qui encourage l’investissement dans les pays en voie de développement. Mais à part cela, peu d’éléments sont susceptibles d’inciter les Africains à considérer les Etats-Unis comme un partenaire commercial privilégié. Le discours de Bolton est plus un avertissement aux Africains sur les dangers de la présence chinoise et russe qu’un plaidoyer pour un engagement économique accru avec les Etats-Unis. Presque un retour à la guerre froide. Comme les administrations précédentes, Bolton a souligné l’importance de la lutte contre le terrorisme en Afrique. Il en a parlé finalement assez peu. Ce qui laisse penser que la politique du Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) changera peu ou pas de tout. Enfin, Bolton a annoncé des changements d’approche importants vis-à-vis de la coopération américaine. L’aide aux institutions internationales sera, a-t-il dit, plus contrôlée. Il a vertement critiqué les missions onusiennes de maintien de la paix, souvent inefficaces et chères, selon lui. Il a prévenu l’ONU que les Etats-Unis ne financeraient plus des missions sans fin. Quant à l’aide bilatérale, même humanitaire, celle-ci restera strictement définie par les intérêts américains. Il a menacé des pays africains qui reçoivent une aide « généreuse » et qui voteraient contre la position des Etats-Unis dans les forums internationaux ou ne respecteraient pas la volonté américaine. Autrement dit, « America first ». Mise en garde Il y a donc maintenant une stratégie américaine envers l’Afrique. Mais celle-ci est moins une stratégie d’engagement que de mise en garde. L’esprit du président Trump est bien présent, surtout quand Bolton demande « justesse et réciprocité » dans les accords avec l’Afrique. Mais cette stratégie porte aussi très clairement les traces de Bolton lui-même, hostile à l’assistance en général et à l’action des Nations unies. Dans ce contexte, on a du mal à voir comment cette stratégie relancera les relations entre un grand pays et un grand continent. Jeff Hawkins est chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et maître de conférences à Sciences Po Paris. Il a notamment été ambassadeur des Etats-Unis en Centrafrique et consul général à Lagos, au Nigeria. Jeff Hawkins
22/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/22/trump-et-l-afrique-finie-la-main-tendue-l-amerique-d-abord_5401284_3212.html
Dansez à l’unisson
Alors que les chorégraphes contemporains défendaient, dans les années 1980, la pluralité d’expression, ils mettent désormais en scène des ensembles tirés au cordeau. Un retour à l’ordre ?
La performance « Kadamati », conçue par Akram Khan pour 700 amateurs, proposait six minutes de danse basées sur la même chorégraphie pour tous, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, à Paris, le 9 septembre. PHILIPPE LOPEZ / AFP On se frotte les yeux une fois, deux fois, trois fois. Puis, on commence à s’habituer, voire à se relaxer quand le phénomène scénique se reproduit. Alerte rouge : l’unisson enflamme les plateaux de danse contemporaine. Les grands ensembles tirés au cordeau, où chaque interprète exécute le même mouvement que son voisin à la ­virgule près, prolifèrent. Un seul geste, un seul élan : l’union fait la force. Souvenir d’avoir déjà vu ça ? Oui, dans les spectacles classiques et néoclassiques, ceux de Maurice Béjart (1927-2007) et autres flambeurs d’énergie collective. Mais que les chorégraphes dits contemporains, experts en gestuelles singulières et dispersions volubiles, rassemblent aujourd’hui leur troupe dans un même jet laisse perplexe. « A ses débuts dans les années 1980, la jeune danse française était effectivement le contraire absolu de l’unisson, constate Jean-Marc Adolphe, fondateur de la revue Mouvement. Elle s’est construite contre le ballet avec des danseurs qui avaient tous des corps ­différents. Des personnalités comme Catherine Diverrès ou Georges Appaix prônaient la pluralité d’expression et la polyphonie. L’unité de mouvement, de rythme, va à l’opposé de ­l’utopie de l’émancipation qui nourrissait la ­réflexion à l’époque. Créer son propre geste était alors une évidence. » Retour de manivelle esthétique Flash-back. A la fin des années 1970, nombre de danseurs cherchent leur voie. Merce Cunningham (1919-2009) et Alwin Nikolais (1910-1993), deux maîtres américains, insufflent un esprit de recherche aiguisé et font naître une flopée d’écritures chorégraphiques inédites. Philippe Decouflé, Dominique Boivin et Dominique Rebaud sont passés par ­l’enseignement de Nikolais au Centre national de danse contemporaine d’Angers à la fin des années 1970. « On ne copiait pas le voisin, on n’avait pas de modèle, bien au contraire, ­insiste Marc Lawton, chorégraphe-chercheur, traducteur du livre de Nikolais Le Geste unique (Deuxième époque, 238 p., 19 euros). Nikolais nous a donné les outils pour que chacun trouve son propre mouvement. Accéder à soi-même et non à une vision d’emprunt, pour ­citer Nik, loin de toute technique stéréotypée, de toute imitation ou routine, de toute répétition du même : c’était l’enjeu. » Comment expliquer le retour de manivelle esthétique qui touche aujourd’hui les artistes les plus variés ? Effet post-non-danse, comme on se remet d’un trauma ? Syndrome d’interchangeabilité des danseurs ? Influence des danses traditionnelles, vers lesquelles nombre de chorégraphes se tournent pour retrouver une vitalité perdue ? « Il y a eu, je pense, un déni des racines traditionnelles, qu’on a enfouies comme une honte, commente Dominique Rebaud, passée par chez Nikolais. Elles ressurgissent aujourd’hui avec d’autant plus de force. » « On est allé trop loin dans la non-danse, renchérit Angelin Preljocaj. C’est le ­balancier de l’histoire en quelque sorte. Il faut rappeler aussi que lorsque j’ai démarré dans les années 1980, je n’avais que trois danseurs. Aujourd’hui, j’en ai vingt-quatre. J’ai envie et ­besoin de les faire ­danser tous. L’unisson donne de l’énergie et de la cohésion au groupe. Sans compter que les ­interprètes adorent ! »
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/dansez-a-l-unisson_5401278_3232.html
« Il y a urgence à sauver le ver de terre »
Un quart des sols européens sont aujourd’hui usés. En cause, l’extinction de cet infatigable laboureur qu’est le lombric. Aussi est-il impératif de veiller à sa sauvegarde, alerte Christophe Gatineau, cultivateur et agronome, dans une tribune au « Monde » à l’adresse du président de la République.
Tribune. Monsieur le président, le temps presse, les vers de terre disparaissent et, avec eux, les sols nourriciers. Pour résumer la situation : les vers de terre nourrissent les sols, et les sols nourrissent les plantes qui nous nourrissent ; ou nourrissent les animaux que nous mangeons. A l’image du cycle de l’eau, c’est un cercle vertueux, un échange de bons procédés où chacun nourrit l’autre. Raison pour laquelle le ver de terre a toujours été le partenaire ancestral de l’agriculteur, son abondance signant la fertilité et la bonne santé des sols. Et plus une terre est fertile, plus elle est productive, plus notre nourriture est saine et riche. Sans l’ombre d’un doute, le fond de ma lettre concerne donc l’alimentation de demain. Et si les rayons des supermarchés ne dépendaient pas de la bonne santé des sols, ma requête n’aurait aucun sens puisque, pour l’instant, leurs étals regorgent de nourriture comme jamais. Or, le célèbre astrophysicien Hubert Reeves, pas connu pour être un catastrophiste, et encore moins un fantaisiste, déclarait en mai sur le plateau d’« Envoyé spécial » : « La disparition des vers de terre est un phénomène aussi inquiétant que la fonte des glaces. » Pourquoi a-t-il mis en perspective le ver de terre avec le bouleversement climatique ? Question de bon sens puisque les sols et les glaces fondent comme neige au soleil : un quart des sols européens étant aujourd’hui usés. En langage scientifique, on dit victime d’érosion. Autrement dit, quand les sols sont lessivés de toute vie, usés, ils migrent vers les mers et les océans, via les sources et les rivières, laissant place à des champs de cailloux. Pourquoi ? Cycle brisé Quand, il y a cinquante ans, nous avons décidé de ne plus nourrir les vers de terre et toute la diversité biologique, nous avons brisé le cycle. En effet, dans un système de cause à effet, où chacun nourrit ou se nourrit de l’autre, en cessant de nourrir les vers de terre, les sols ont cessé de nourrir les plantes… Alors pourquoi les vers de terre sont-ils si importants en agriculture ? Parce qu’ils peuvent représenter jusqu’à 80 % de la masse des êtres vivants qui fabriquent la nourriture des plantes. Et en cessant de les nourrir, c’est bien l’ensemble d’un agrosystème qui s’est effondré, mort de faim ou empoisonné. Et pour revenir à l’érosion, parce qu’il ne faut jamais se tromper de sens, c’est bien l’extinction du ver de terre qui cause l’érosion des sols, comme le réchauffement climatique cause l’érosion des pôles.
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/il-y-a-urgence-a-sauver-le-ver-de-terre_5401271_3232.html
Diplomatie : avec les derniers départs à la Maison Blanche, la promesse d’un trumpisme sans entraves
La démission du secrétaire à la défense, jeudi, laisse le président américain libre d’appliquer sa doctrine de rupture totale avec l’ordre mondial issu de 1945.
Le retrait des Etats-Unis de Syrie et la démission consécutive du secrétaire à la défense James Mattis, jeudi 20 décembre, marquent un tournant important pour la politique étrangère américaine. Donald Trump a désormais les mains libres pour appliquer une ligne en rupture avec sept décennies d’ordre mondial inspiré et réglé en grande partie par Washington. Le président a répondu à ses nombreux critiques, jeudi, en assurant sur son compte Twitter que « sortir de Syrie n’était pas une surprise. Je fais campagne pour ça depuis des années ». Non sans arguments. Totalement imprévisible à court terme, il n’a jamais dévié en effet des quelques idées qui lui tiennent lieu de boussole. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Aux Etats-Unis, la surprise et le choc après la démission du secrétaire à la défense James Mattis Cette vision trumpienne du monde a longtemps été brouillée par plusieurs facteurs, à commencer par la nécessité, au lendemain d’une victoire imprévue, de faire appel à des experts venus de l’autre bord. Elle a également pâti de la difficulté du président d’aller au-delà des slogans qu’il martèle depuis des décennies, à commencer par le fait que les alliés des Etats-Unis profitent selon lui d’une bienveillance devenue la preuve de l’imbécillité de Washington, dans tous les sens du terme. L’obsession de l’apparence de la force, traduite par un nouveau gonflement du budget du Pentagone, a également semblé contredire le souhait de ne plus jouer le rôle de gendarme du monde. Comme les frappes sur la Syrie ont détonné avec la promesse de rompre avec l’interventionnisme. Un nationalisme sans entraves La « Weltanschauung » (conception du monde) de ce descendant d’émigrés allemands repose sur un nationalisme sans entraves. Le terme est connoté aux Etats-Unis pour ses accointances avec le suprématisme blanc et l’isolationnisme du comité America First, mot d’ordre repris par le candidat puis par le président, hostile à l’entrée dans la seconde guerre mondiale. Le locataire de la Maison Blanche a pourtant fini par le reprendre à son compte publiquement lors de la campagne des élections de mi-mandat, après avoir eu comme compagnon de route l’un de ses chantres, Stephen Bannon. Une bonne partie des positions de Donald Trump concordent avec celles du Parti républicain des années 1930. Ce dernier était alors hostile comme lui aux aventures étrangères, hostile à l’immigration et hostile aux traités de libre-échange, comme l’a rappelé le politologue conservateur Henry Oslen dans le Washington Post. A dire vrai, rien de ce que peut contempler le président américain en 2018 ne peut l’inciter à abandonner la quête obsidionale de « murs » protecteurs. La crise de « la vision internationaliste libérale [au sens anglo-saxon], selon laquelle le monde est une sorte de plus grande Union européenne, évoluant inexorablement vers son propre type d’“union sans cesse plus étroite” via un réseau renforcé d’institutions internationales » ainsi décrite par le géopolitologue Walter Russel Mead dans le Wall Street Journal, ne peut que valider ses critiques et justifier la remise en cause des dogmes partagés par les deux grands partis américains.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/diplomatie-avec-les-derniers-departs-a-la-maison-blanche-la-promesse-d-un-trumpisme-sans-entraves_5401268_3210.html
Depuis la crise des « gilets jaunes », la vie à huis clos d’Emmanuel Macron
Insultes, huées, menaces… Quand il sort, désormais, cela tourne mal. Depuis le début de la mobilisation des « gilets jaunes », pour le président qui aimait tant les promenades, elles sont devenues rares (et discrètes). Comme les visites.
Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse avec le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kabore, à l’Elysée, le 17 décembre. BENOIT TESSIER / REUTERS De l’aéroport de Loudes, en Haute-Loire, jusqu’au Puy-en-Velay, il y a 10 km, un quart d’heure en voiture. Ce 4 décembre, pour rejoindre la préfecture incendiée trois jours plus tôt par les « gilets jaunes », Emmanuel Macron n’a heureusement pas besoin de passer par le rond-point de Lachamp, sur la commune de Saint-Pierre-Eynac. C’est là, sur la RN88, que des manifestants avaient cousu un pantin de taille humaine, posé sur un échafaud plus vrai que nature. Sur le billot était écrit : « Te guillotiner c’est notre projet. » Le président de la République file vers la préfecture. En route, il discute avec les passagers en gilet jaune d’une voiture croisée par hasard. Aucune image, aucune vidéo. Le 3 décembre, il n’a aussi passé qu’une tête dans le bureau de l’un de ses collaborateurs qui recevait un « gilet » venu de Chalon-sur-Saône à pied. Ces gens seront parmi les rares protestataires qu’Emmanuel Macron a rencontrés durant cette crise ouverte le 17 novembre, où sa capacité à réformer et sa popularité se sont abîmées, mais où il a aussi perdu une part de sa liberté. Sans prévenir les élus, il est venu au Puy apporter son soutien au préfet. Celui-ci montre les armoires en cendres, les vitres brisées, les bureaux noircis par la suie. Il conte au chef de l’Etat ce samedi où le « portail a été pété », les pneus entassés et enflammés, et cette bataille inégale entre les « trente » de la préfecture et les deux cents manifestants empêchant les pompiers d’accéder au bâtiment. Bilan : trente-huit blessés… « Ils criaient : “Vous allez tous griller comme des poulets ! », termine le préfet. « Vous les connaissez ? », interroge Emmanuel Macron, incrédule. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Puy-en-Velay, des « gilets jaunes » écœurés mais combatifs après l’incendie de la préfecture Dès que l’avion présidentiel s’est posé à Loudes, la nouvelle de sa visite s’est ébruitée. Un message posté sur Facebook a réveillé quelques « gilets jaunes ». Une vingtaine d’hommes et de femmes attendent le chef de l’Etat à la sortie de la préfecture. « Ouuuuuh ! Démission ! », « Enculé ! », « Président des riches ! » Pas encore de quoi trop s’émouvoir. C’est sur la route de la caserne de gendarmerie que tout va basculer… « On vous hait ! » M. Macron commence par traverser Le Puy vitre ouverte, pour dire bonjour. Des insultes lui répondent, il doit vite la remonter. Un homme se jette ensuite devant la voiture. En sortant de la caserne, cinquante manifestants l’injurient encore : « On vous hait ! »
22/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/emmanuel-macron-a-huis-clos-en-son-palais_5401266_823448.html
« La croissance économique peut aussi avoir des effets indésirables »
La recherche des profits nous rend collectivement aveugles à la société, à l’environnement et à l’état général du monde, souligne, dans sa chronique, Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».
Marche pour le climat, à Toulouse, le 8 décembre. MATTHIEU RODEL / HANSLUCAS POUR "LE MONDE" Chronique. La note de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) est tombée mardi 18 décembre, charriant dans son sillage la consternation et une avalanche de commentaires désolés : la croissance ne devrait être que de 0,2 % au quatrième trimestre de l’année en cours – deux fois moins qu’attendu ! –, portant à seulement 1,5 % la progression du produit intérieur brut (PIB) de la France pour 2018. Les questions climatiques et environnementales, la révolte des « gilets jaunes »… tout cela, face à l’érosion du PIB, est renvoyé par bon nombre de commentateurs et de responsables politiques au rang d’aimables péripéties. Dans la conversation publique, la nécessité de la croissance écrase sous une chape de plomb toutes les autres considérations. Et les divergences de l’offre politique ne concernent que les moyens de générer l’augmentation du PIB, et non l’idée qu’elle est la conséquence naturelle du bon gouvernement. Taux de suicide en hausse aux Etats-Unis Ce règne de la croissance sur le débat public est tel qu’un dirigeant aussi dangereusement inconséquent que l’actuel hôte de la Maison Blanche se voit exonéré de ses frasques au motif que la croissance américaine est, elle, particulièrement dynamique. Elle l’est indéniablement, avec quelque 3 % attendus pour 2018. « La méthode Trump, finalement, ça marche », a-t-on entendu en substance ces dernières semaines. Nombre d’indices montrent pourtant que cette quête éperdue de croissance économique, poursuivie outre-Atlantique plus âprement qu’ailleurs dans le monde occidental, n’est pas incompatible avec le malheur des populations. En 2018, l’économie a ainsi certes crû de quelque 3 % aux Etats-Unis, mais l’espérance de vie à la naissance y a baissé, et ce pour la troisième année consécutive, après trois années de stagnation. Les Etats-Unis réussissent ainsi le tour de force de dépenser beaucoup plus pour la santé de leur population que la plupart des pays du Nord – soit 18 % du PIB en 2016, contre 11 % pour un pays comme la France –, et d’être le pays développé où l’on vit le moins longtemps. C’est aussi l’un des seuls pays du Nord où le taux de suicide augmente depuis la fin des années 1990. Il a crû de quelque 30 % entre 1999 et 2016, selon un rapport des Centers for Disease Control and Prevention, publié en juin. Toutes choses que le dynamisme de la croissance économique américaine n’a pas empêchées. Et qu’il a peut-être nourries. Car, comme le suspectent de longue date nombre d’économistes et de philosophes, elle peut aussi avoir des effets indésirables. Elle peut être dangereuse, non seulement pour le long terme, mais aussi dans l’immédiat.
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/la-croissance-economique-peut-aussi-avoir-des-effets-indesirables_5401256_3232.html
Les buis de Vaux-le-Vicomte en voie d’extinction
Le Nôtre ne reconnaîtrait pas son parc. Au château, une chenille a ravagé les arbustes qui en dessinent les motifs. Parmi les causes, des hivers trop doux qui favorisent la prolifération de la pyrale du buis, un papillon venu d’Asie.
Le Parterre des boulingrins, devant le château. Les haies de buis, décimées par la pyrale et des champignons, seront arrachées en mars. TIMOTHEE CHAMBOVET POUR LE MAGAZINE DU MONDE C’est comme si un précieux tapis turc avait brûlé sur une partie et changé de couleur sur l’autre. Devant le château de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne, les deux célèbres étendues de broderies de buis, dites Parterre des boulingrins, ont triste mine ce jour d’hiver. Sur le petit morceau qui semble grillé ne subsistent que des branches grises et rabougries, sans aucune feuille. La chenille de la pyrale a frappé. Autour, les arbustes survivants ont pris des teintes orangées, victimes de champignons. En mars, il ne restera plus rien de ce parterre réinterprété par Achille Duchêne en 1923, à partir de l’œuvre de Le Nôtre qui, au XVIIe siècle, créa ici le premier jardin à la française. Tous les buis seront arrachés. Propriétaire de ce domaine visité par 300 000 personnes chaque année, la famille de Vogüé espère que les recherches scientifiques lui permettront de trouver une solution d’ici à cinq ans. En attendant, une œuvre d’art éphémère remplacera le piteux tapis. « Les hivers doux freinent la mortalité de la pyrale. La hausse des températures en altitude devrait aussi favoriser son invasion en haute montagne, pour l’instant préservée. » Elisabeth Tabone, responsable du laboratoire de biocontrôle de l’INRA Avant d’attaquer le patrimoine français, la pyrale du buis a pris le bateau. Ou l’avion, on ne sait trop. Originaire d’Asie, ce papillon nocturne est apparu en Allemagne en 2007, petit cadeau de la mondialisation caché dans des buis d’ornement. Via l’Alsace, il lui a fallu seulement une dizaine d’années pour envahir la France. Plusieurs milliers d’hectares de buxaies ont ainsi été touchés. Car ce lépidoptère se multiplie vite, se déplace à grande vitesse et profite du réchauffement climatique. « Les hivers doux freinent la mortalité de la pyrale, explique Elisabeth Tabone, responsable du laboratoire de biocontrôle de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), à Antibes (Alpes-Maritimes). La hausse des températures en altitude devrait aussi favoriser son invasion en haute montagne, pour l’instant préservée. » Festin sauvage La chenille résiste sans problème aux hivers cléments de Seine-et-Marne. Elle se cache entre deux feuilles de buis, qu’elle transforme en cocon. Pour le chef jardinier, Patrick Borgeot, la pyrale est un cauchemar. Elle est apparue à Vaux en avril 2017 et a mené sa plus grosse attaque l’été suivant. Il y en avait partout, dans les bois et les jardins. « On se serait cru à Halloween en plein mois de juillet, raconte-t-il, dans son bureau orné de gravures et de photos des parterres du domaine. Dans la forêt autour du château, les chenilles avaient tissé des rideaux de fil sur les buis sauvages. On les entendait manger. La pyrale est une telle cochonnerie qu’après les feuilles elle s’attaque à l’écorce. On a dû raser tous ces buis-là. » Selon lui, la pyrale était arrivée dans les bois un ou deux ans plus tôt, sans que personne ne s’en rende compte. Une fois son festin sauvage terminé, elle a goûté les parterres historiques. Les chenilles ont lancé quatre attaques en 2017 et trois en 2018. « Comme plante unique, le buis appauvrit la terre et propage la maladie. Si on ne trouve pas une solution pour le tailler de façon plus efficace, on n’en replantera pas. » Alexandre de Vogüé, responsable du mécénat du château A chaque fois, cinq jardiniers du château ont enfilé leur combinaison verte, leur masque et leurs gants et, cinq heures durant, arrosé les plants d’une toxine naturelle, le Bacillus thuringiensis, dit Bt. Le produit ne peut être utilisé qu’au-dessous de 25 degrés celsius. Compliqué en pleine canicule, comme ce fut le cas cet été. « On peut maîtriser la pyrale, constate le jardinier barbu, pas l’éradiquer. » Mais, sur le domaine, les champignons tuent davantage les petits arbustes que les chenilles. « J’en ai marre de ces buis tellement laids, poursuit-il. Quand je les désherbe, j’ai le nez dessus, ils ne sont pas dignes de Vaux. Je suis content qu’ils soient arrachés. » « L’an prochain, les boulingrins renaîtront » Pour les châtelains, la disparition des buis ne sera pas un drame non plus. Alexandre de Vogüé, responsable du mécénat, gère la propriété avec ses deux frères. Pour minimiser l’arrachage, décidé avec l’appui d’un comité scientifique, il convoque le jardinier du roi. « D’après Les Mémoires de Saint-Simon, explique-t-il, Le Nôtre disait que les parterres n’étaient destinés qu’aux nourrices qui ne pouvaient quitter leurs enfants et admiraient les buis du second étage. Lui s’attachait aux grandes perspectives. » La famille Vogüé lutte tout de même pour la survie des buis des nourrices depuis 2010, année d’apparition des maladies fongiques. « Les automnes pluvieux et les hivers doux ont favorisé la prolifération des champignons sur les buis », observe Alexandre de Vogüé. La pyrale n’a fait qu’en rajouter. « C’était un film d’horreur, reconnaît-il. Mais il ne faut pas être abattu, un jardin est composé de plantes qui vivent et qui meurent. L’an prochain, les boulingrins renaîtront. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi La forêt française à l’épreuve de la pyrale du buis Le 5 décembre, un jury composé des propriétaires et de six membres, dont la passionnée d’horticulture Maryvonne Pinault, l’épouse du milliardaire François Pinault, a choisi le projet éphémère, d’un coût maximal de 200 000 euros. Ce sera une œuvre minérale qui reprend les broderies actuelles avec des reflets chers à Le Nôtre. Dans ce château, qui multiplie les événements comme les noces, en 2007, de l’actrice américaine Eva Longoria et du basketteur français Tony Parker, tout devrait être prêt pour le prochain mariage, prévu dès le mois de juin. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La pyrale, parasite du buis, prolifère en France Dans cinq ans, le buis ne réapparaîtra pas forcément. Sans le formuler, Alexandre de Vogüé a l’air de trouver l’arbuste un brin ringard. « Le jardin à la française est antinomique avec la biodiversité et la permaculture, remarque le châtelain. Comme plante unique, le buis appauvrit la terre et propage la maladie. Si on ne trouve pas une solution pour mieux le traiter et le tailler de façon plus efficace, on n’en replantera pas. Nous n’avons pas de marge financière pour nous tromper. » Pour autant, la famille souhaite « préserver l’âge d’or de Vaux, celui du XVIIe siècle », et ne décidera rien sans l’aval d’un architecte des monuments historiques. Mais on sent Alexandre de Vogüé prêt à innover, convaincu que Le Nôtre n’aurait rien trouvé à redire.
22/12/2018
m-le-mag
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/22/les-buis-de-vaux-le-vicomte-en-voie-d-extinction_5401253_4500055.html
La Prix Nobel de la paix Nadia Murad : « La priorité pour nous, les yézidis, est de récupérer notre terre »
La militante yézidie, Prix Nobel de la paix, était de passage à Paris vendredi. Dans un entretien au « Monde », elle exhorte la communauté internationale à s’engager pour la reconstruction du Sinjar, en Irak.
La Prix Nobel de la paix Nadia Murad accueille seize familles yézidies à l’aéroport de Roissy – Charles-de-Gaulle, le 20 décembre. FRANCOIS GUILLOT / AFP Jeudi 20 décembre, seize familles yézidies sont arrivées en France où elles bénéficieront de l’asile. Paris s’est engagé à recevoir cent familles au total d’ici à la fin 2019. Le résultat, notamment, de l’engagement de Nadia Murad, qui fut réduite en esclavage par l’organisation Etat islamique (EI). A 25 ans, elle est devenue la porte-voix des femmes yézidies victimes de violences sexuelles aux mains de l’EI. Kidnappée dans son village de Kocho, dans le Sinjar irakien, en août 2014 et sauvée des griffes des djihadistes en 2015, elle a été récompensée du prix Nobel de la paix en octobre pour l’infatigable travail de plaidoyer qu’elle mène pour cette minorité religieuse de 500 000 âmes en Irak. La jeune yézidie poursuit aujourd’hui le combat pour l’accueil des déplacés yézidis en Europe et la reconnaissance des persécutions de l’EI comme un génocide. Elle exhorte la communauté internationale à s’engager pour la reconstruction du Sinjar, en Irak. Vous êtes de passage en France dans le cadre de l’arrivée de seize familles yézidies. Qui sont-elles ? Lorsque j’ai rencontré le président Emmanuel Macron en octobre, il a promis de faire venir en France cent familles yézidies. Hier, une première partie d’entre elles est arrivée. Il s’agit de seize mères et de leurs soixante-sept enfants. La plupart ont perdu leur époux, tué par l’EI. Des yézidis ont déjà bénéficié de programmes de réinstallation en Australie, au Canada ou en Allemagne. Mais cette mission est différente car elle s’adresse en particulier à des femmes seules avec enfants, pour qui il est difficile de survivre dans leur environnement, en particulier de trouver du travail ou de se remarier. Nous parlons d’un petit groupe de personnes qui avait besoin de migrer pour trouver un endroit sûr mais notre priorité est de récupérer notre terre et de reconstruire ; 400 000 yézidis vivent actuellement en Irak et parmi eux, plus de 300 000 sont dans des camps de déplacés après avoir fui le Sinjar pour échapper à l’EI. Combien de yézidis ont participé à des programmes de réinstallation ? Entre 80 000 et 85 000 yézidis ont émigré dans le cadre d’un programme de réinstallation, principalement en Allemagne, comme moi. Plusieurs centaines vivent dans des camps de réfugiés en Grèce et en Turquie. D’autres continuent d’émigrer parce que des milices ont occupé notre territoire. Mais nous ne voulons pas que le but de l’EI d’éradiquer notre communauté soit atteint et c’est pourquoi la communauté internationale doit nous aider.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/nadia-murad-notre-priorite-est-de-recuperer-notre-patrie-et-de-la-reconstruire_5401250_3210.html
A Lille, l’ancienne conseillère de Martine Aubry choisit le macronisme pour conquérir la ville
Plusieurs anciens collaborateurs de la maire de la capitale des Flandres sont prêts à l’affronter aux élections de 2020.
Sous le ciel gris hivernal, le beffroi de Lille semble n’avoir jamais été autant convoité. Maire de la ville depuis dix-sept ans, Martine Aubry avait annoncé, en 2014, que ce serait son troisième et dernier mandat. Mais, alors que se préparent les municipales de 2020, sa future candidature est déjà dans toutes les têtes, notamment celles de ses adversaires attendus. Violette Spillebout, 46 ans, inconnue du grand public, a accepté de reprendre le flambeau de Christophe Itier pour La République en marche (LRM) afin de l’affronter. Haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale, battu aux législatives dans le Nord en 2017 par l’« insoumis » Adrien Quatennens, M. Itier a en effet annoncé, fin novembre, qu’il renonçait à se présenter aux municipales lilloises pour se consacrer à ses fonctions auprès du ministre de la transition écologique et solidaire François de Rugy. L’annonce de la candidature de Violette Spillebout est un nouveau coup porté à Martine Aubry. Entrée à la mairie en 1997, cette ancienne ingénieure en santé publique a été successivement sa chef de cabinet – de 2001 à 2005 –, sa directrice adjointe de cabinet puis sa directrice de cabinet – de 2008 à 2013. Un temps encartée au Parti socialiste (PS), aujourd’hui adhérente de LRM, Violette Spillebout a longtemps été une des confidentes de Martine Aubry. « Avant 2014, [cette dernière] voyait même en elle un successeur », se souvient l’eurodéputé (LRM) Gilles Pargneaux. « Un beffroi aux abois » « J’ai quitté la ville il y a cinq ans pour des raisons de divergences sur le fond, notamment la culture, l’éducation ou le commerce, et sur la forme », explique aujourd’hui celle qui n’a jamais exercé un mandat. Un conflit entre la Maison de la photographie, dirigée par son époux, Olivier Spillebout, et la municipalité lilloise n’a pas arrangé les relations entre les deux femmes. En janvier, après le refus du conseil municipal d’accorder une subvention annuelle de 130 000 euros à la structure culturelle déficitaire, l’opposition s’en mêle et dénonce un « assassinat sur fond de querelle politique ». Violette Spillebout affirme que sa candidature n’a rien d’une revanche. « Je ne fais pas ça par rancœur, mais parce que j’ai cultivé mon goût pour l’intérêt général. On sent la ville à bout de souffle, confie-t-elle. Elle a besoin de respirer, de se retrouver autour des valeurs des Lillois : la solidarité, la fierté et l’émotion collective, pour reprendre le slogan de Lille 2004. »
22/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/municipales-a-lille-martine-aubry-face-a-l-inflation-de-candidatures-d-anciens-proches_5401247_823448.html
La « Picassomania » affole les compteurs
L’inextinguible succès de l’artiste espagnol fait les beaux jours des musées et des héritiers : 78 institutions ont exposé son œuvre entre 2017 et 2019.
A l’exposition « Picasso Metamorphosis » au Palazzo Reale à Milan, en octobre. MIGUEL MEDINA / AFP Pour figurer dans les collections publiques françaises, Picasso s’était résolu, en 1947, à donner dix œuvres majeures pour l’inauguration du Musée national d’art moderne. La myopie des institutions comme leur dédain vis-à-vis de cet artiste sont désormais oubliés. Il incarne au contraire plus que jamais « la » valeur sûre pour les musées. Mieux, c’est l’un des plus puissants aspirateurs d’audience. En ce moment au Musée d’Orsay, à Paris, l’éblouissante exposition « Picasso. Bleu et rose », coproduite avec le Musée Picasso-Paris et la Fondation Beyeler de Bâle (Suisse), accueille plus de 7 200 visiteurs par jour. Soit, selon Laurence des Cars, présidente de ce musée, « le plus important succès depuis l’ouverture du Musée d’Orsay après les chefs-d’œuvre de la Fondation Barnes », en 1993. Elle espère, au terme de cette exposition, le 6 janvier 2019, pouvoir afficher 650 000 entrées au compteur. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En rose ou en bleu, l’obsession de la justesse chez Picasso La « Picassomania » est copieusement alimentée : 78 institutions, regroupées au sein du réseau Picasso-Méditerranée, ont programmé l’œuvre de l’artiste de façon concertée entre 2017 et 2019. L’artisan de cette expérience inédite, Laurent Le Bon, président du Musée Picasso-Paris, s’est inspiré « de la fédération d’une cinquantaine de musées, pilotée par le Getty Museum de Los Angeles, voici une dizaine d’années, pour organiser des expositions sur le thème de l’art américain sur la Côte ouest depuis la seconde guerre mondiale », explique-t-il. Selon ce schéma, Laurent Le Bon a organisé cette manifestation à l’occasion du centenaire du premier voyage de Picasso en Italie, en laissant à chaque institution du pourtour de la Méditerranée le libre choix de son sujet d’exposition. Un artiste devenu une marque Le résultat s’est avéré très éclectique, depuis « Matisse et Picasso, la comédie du modèle », au Musée Matisse de Nice, à « Godard-Picasso, collages », à l’abbaye de Montmajour à Arles (Bouches-du-Rhône), en passant par « Picasso, spectacle ! », à Izmir (Turquie), « Picasso et l’antique », à Naples, au Musée Capodimonte, ou encore « Picasso et l’Andalousie », au Musée Picasso de Malaga (Espagne). Plus de trente-cinq expositions ont déjà drainé un bon million de visiteurs. « Un très joli succès pour les membres du réseau picassien, puisque ces expositions ont permis, pour presque tous, de réaliser un de leurs meilleurs chiffres de fréquentation », souligne Camille Frasca, chef de projet de Picasso-Méditerranée. « En ce moment, le nombre d’expositions Picasso – une quarantaine dans le monde – atteint un étiage exceptionnel », confirme Christine Pinault, responsable des droits chez Picasso Administration, la structure chargée de gérer les droits des héritiers du peintre et d’authentifier ses œuvres.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/la-picassomania-affole-les-compteurs_5401246_3234.html
Aux origines des révoltes fiscales
C’est l’augmentation des impôts indirects qui a le plus souvent provoqué des rébellions. Et lorsque la charge d’un impôt est forte et concentrée sur un groupe social, cela constitue un facteur aggravant, explique l’économiste Béatrice Cherrier.
Chronique « Recherches ». Si l’interprétation du mouvement des « gilets jaunes » fait couler beaucoup d’encre, son élément déclencheur fait consensus : l’augmentation de la taxe sur les carburants. Ce mouvement fait en ce sens partie de la longue série de « révoltes fiscales » qui ont émaillé l’histoire de la France. Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) aurait un jour déclaré : « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » Mais si l’art de maximiser les plumes occupe l’esprit de milliers d’économistes, bien peu s’intéressent aux cris, c’est-à-dire au type de taxation susceptible d’engendrer une contestation sociale. C’est pourtant l’objet d’un récent article des sociologues Isaac Martin et Nadav Gabay. (« Tax Policy and Tax Protest in 20 Rich Democracies, 1980-2010 », The British Journal of Sociology n° 69/3, 2018). Ils étudient quelles réformes proposées ces trente dernières années dans vingt démocraties riches sont associées à des révoltes fiscales. Leur conclusion est que le sens commun en la matière est erroné. Depuis le XIXe siècle, on considère en effet que les impôts les moins impopulaires sont les impôts indirects, perçus sur la valeur des biens consommés – la taxe sur la valeur ajoutée – ou sur leur quantité : le tabac, l’alcool ou l’essence sont ainsi l’objet de droits d’accise. Ce type d’impôt, qui constitue la contribution majoritaire au budget de la France, est régressif : plus la richesse d’un consommateur est élevée, plus l’impôt perçu est proportionnellement faible. Pourtant, il est perçu comme moins visible car plus difficile à calculer et moins traçable. Réformer l’impôt sur le revenu serait donc bien plus dangereux. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La taxation du carbone n’a pas fait l’objet d’une réelle analyse critique » Mais les deux chercheurs montrent que c’est l’augmentation des impôts indirects, en particulier sur des biens et services ciblés, qui a le plus souvent provoqué des rébellions. Les facteurs aggravants sont le fait que la charge d’un impôt soit forte et concentrée sur un groupe social bien identifiable – un type de consommateur, un niveau de revenu, une industrie – alors que les bénéfices sont perçus comme diffus. C’est ce qui facilite en effet la structuration d’une protestation collective. Par contraste, les contributions à la Sécurité sociale sont bien acceptées, car elles sont associées à des bénéfices individuels tangibles. Mouvements aussi bien conservateurs que progressistes Dans un article connexe, les auteurs observent que la fréquence des révoltes fiscales n’est en revanche pas liée au niveau de pression fiscale totale, ni au type d’Etat-providence. Elles touchent indifféremment le Danemark, la France, le Japon ou les Etats-Unis, quatre pays dont les structures fiscales et le « poids de l’Etat » sont pourtant très différents.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/aux-origines-des-revoltes-fiscales_5401239_3234.html
Parentologie : Amazon, botte secrète des parents flemmards pour Noël
L’éducation est une science (moyennement) exacte. Nicolas Santolaria explique comment la plate-forme de vente en ligne s’est subrepticement emparée de la logistique de Noël.
« Ben c’est qui, le Petit Pap’Amazon ? Est-ce qu’il a lui aussi une barbe blanche et un manteau rouge ? » LASSE RUSSE En mon cocon domestique, les signes de l’arrivée imminente de Noël se font de plus en plus manifestes. Au réveil, alors que le sapin clignote dans la vapeur enveloppante des chocolats chauds, le premier geste de ma progéniture est d’aller ouvrir une nouvelle case du calendrier de l’Avent Kinder, qui génère à la fois beaucoup de bonheur et un terrain propice pour les caries. Mon fils aîné s’est par ailleurs fabriqué un échéancier installé au-dessus de son lit et, tel un taulard dans l’attente de sa libération, il coche méthodiquement les cases qui le séparent du 25 décembre. En voyant cela, on serait tenté de se dire que rien n’a changé, que Noël est toujours ce rituel immuable fait de fébrilité enfantine, d’attention à l’autre manifestée au travers des cadeaux et d’une ­bûche indigeste. Mais, derrière ce vernis, depuis une décennie, les choses se sont en réalité profondément modifiées. Progressivement, subrepticement, en un mouvement souterrain de grand remplacement, le Petit Papa Noël est poussé vers la sortie par le Petit Pap’Amazon. Cette année, la crise des « gilets jaunes » aura encore accentué le phénomène. D’après un sondage réalisé par OpinionWay pour Perifem (association des grandes enseignes de la distribution), 43 % des consommateurs effectueront leurs courses de Noël sur les sites de vente en ligne, 30 % ­d’entre eux affirmant que leurs emplettes dans les magasins physiques se sont de plus en plus raréfiées. Jouer des coudes dans une boutique surpeuplée pour acheter les cadeaux, les introduire presque par effraction dans le logis, les empaqueter en douce, tout cela constituait un notable effort parental pour entretenir le merveilleux Si le Petit Papa Noël occupe encore une place centrale dans les imaginaires, le Petit Pap’Amazon s’est emparé d’une grande partie du processus logistique. Profitant d’une croyance solidement ancrée dans les esprits (l’évidence, partagée par tous, qu’il y aura des présents au pied du sapin), Amazon non seulement fournit les cadeaux, s’occupe de les ­livrer, mais se charge aussi de l’emballage. A ce stade d’hystérie délégataire, on n’attend plus que le drone qui viendra peut-être déposer prochainement les boîtes étincelantes à côté des chaussures pour nous éviter les risques de lumbago. Tout cela est loin d’être anodin. Avant, nous étions tous une petite partie active du Père Noël et la fête reposait sur l’efficacité de cette coproduction voyant s’entremêler un mythe aux origines ­diverses, des commerçants locaux se frottant les mains et des ­parents affairés.
22/12/2018
m-perso
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/12/22/parentologie-amazon-botte-secrete-des-parents-flemmards_5401237_4497916.html
Loterie, liste de sans-abri « avérés » : les signes d’épuisement de l’hébergement d’urgence
Le 115, numéro national, ne répond quasiment plus, et de nombreuses familles sont contraintes de dormir dans la rue. Les préfectures créent de nouveaux critères pour choisir les SDF pris en charge.
Comme des milliers de personnes, un homme se prépare à passer la nuit dehors, à Paris, le 28 février. PHILIPPE LOPEZ / AFP L’hiver 2018 ressemble aux précédents : malgré des efforts croissants pour ouvrir de nouvelles places – le gouvernement en a promis 7 000 et même 14 000 en cas de grand froid, s’ajoutant aux 138 000 pérennes –, le système d’hébergement d’urgence est à bout de souffle. Le ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, suit la situation, chaque semaine, par téléconférence avec les régions et assure que le gouvernement a fourni cette année « un effort sans précédent » de 2 milliards d’euros. Mais cela ne suffit pas. A Paris, le Samusocial laisse, chaque soir, 500 personnes dites « en famille » et 57 personnes isolées sans solution. En Seine-Saint-Denis, ils sont 250 à rester dehors. Dans les Hauts-de-Seine, lorsqu’on est un enfant de 4 ans, on est déjà trop grand pour être d’office mis à l’abri. « Ici comme ailleurs, les travailleurs sociaux sont réduits à trier les hébergés, instaurer des priorités, des urgences dans l’urgence… C’est illégal », rappelle Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité. A Toulouse, le 115 ne répond plus qu’à un appel sur dix et, quand il décroche, il oppose un refus à 95 % des demandes, laissant ainsi à la rue, chaque soir, de 50 à 70 personnes en famille et autant d’isolées : « Il n’y a aucune anticipation, les services de l’Etat ont lancé un appel aux associations fin octobre… pour une réponse mi-novembre ! Il faut arrêter de redécouvrir chaque année le problème », s’insurge Sylvie Fernandez, éducatrice au Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) de Haute-Garonne, plate-forme départementale qui centralise les demandes. « On finit par réclamer l’ouverture de gymnases, ce qui n’offre pas de solution digne car ce sont des salles où les surveillants sont obligés de laisser la lumière la nuit et où s’entassent, sur des lits picots, de 70 à 80 personnes, dans une grande promiscuité », explique Mme Fernandez. « Nous sommes impuissants à mettre les personnes en sécurité », renchérit sa collègue Valérie Gratias, dont l’équipe a fait grève début décembre non pour réclamer des avantages pour elle-même, mais pour trouver des solutions aux personnes dont elle a la charge. « Un système qui tourne à vide » A Lyon (Rhône), la situation devient dramatique : « Le nombre de places a, certes, été multiplié par quatre en dix ans, mais celui des demandeurs l’a été par vingt ! En 2008, nous avions de 100 à 130 appels sans réponse par semaine, aujourd’hui, nous en avons plus de 2 000 », alerte Maud Bigot, chef du Samusocial de Lyon.
22/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/22/loterie-liste-de-sans-abri-averes-les-signes-d-epuisement-de-l-hebergement-d-urgence_5401228_3224.html
Le fabricant de vapoteuses Juul vend une part de son capital à un géant du tabac et verse 2 milliards de dollars à ses employés mécontents
La start up qui fabrique des cigarettes électroniques a vendu 35 % de son capital à Altria, l’un des géants de l’industrie du tabac. Un « pacte avec le diable » pour certains salariés.
Le fabricant de cigarettes électroniques Juul va verser de l’argent à ses employés pour avoir décider de s’allier avec le géant du tabac Altria. EVA HAMBACH / AFP La mesure est inédite dans la Silicon Valley. Pour devancer le mécontentement de ses employés, la start-up Juul va leur verser 2 milliards de dollars, soit en moyenne 1,3 million de dollars (1,15 million d’euros) chacun. L’explication tient dans l’annonce faite jeudi 20 décembre de la vente de 35 % du capital du fabricant de cigarettes électroniques au groupe américain Altria, l’un des géants de l’industrie du tabac, jusqu’alors considérée comme l’ennemi à abattre. Lancées en 2015, les vapoteuses de Juul ont rencontré un succès fulgurant aux Etats-Unis, grâce à leur design moderne en forme de clé USB, à leurs recharges parfums menthe, mangue ou crème brûlée et à un marketing très efficace. Elles sont notamment plébiscitées par les adolescents, alarmant les autorités sanitaires américaines qui parlent désormais d’une « épidémie ». Les analystes de la banque Wells Fargo estiment le chiffre d’affaires annuel de la jeune société à 2 milliards de dollars. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Après avoir vendu le poison, les cigarettiers espèrent faire fortune avec l’“antidote” » Selon la presse américaine, les discussions entre les deux groupes ont duré plusieurs mois. Les responsables de Juul se sont finalement laissés convaincre par un chèque de 12,8 milliards de dollars. Mais aussi, assure Kevin Burns, le directeur général, par les promesses du nouvel investisseur. La start-up va conserver son « entière indépendance ». Elle va également avoir accès au réseau de distribution d’Altria et pourra glisser des publicités dans ses paquets de cigarettes. « Un pacte avec le diable » Dans un communiqué de presse, puis devant ses salariés, M. Burns a reconnu que le cigarettier était un investisseur « contre-intuitif ». Il dit comprendre la polémique suscitée par le rapprochement avec Altria. « Nous étions aussi sceptiques », concède-t-il. Mais au final, cette opération « va nous permettre d’accélérer notre succès pour convertir les fumeurs adultes », promet le dirigeant. En interne, cette alliance avec le premier groupe de tabac américain a suscité des remous. De nombreux employés ont exprimé leurs doutes, voire leur colère sur la messagerie interne de l’entreprise. Pour l’un d’entre eux, c’est « un pacte avec le diable », incompatible avec l’objectif d’aider les fumeurs à arrêter. « Altria aura tout intérêt à pousser Juul à concevoir des produits qui pénalisent le moins possible les ventes de cigarettes », abonde Matthew Myers, président de l’association Campaign for Tobacco-Free Kids. Tous les salariés de Juul ne vont pas devenir immédiatement millionnaires. Selon le Wall Street Journal, l’enveloppe de 2 milliards de dollars ne sera en effet pas répartie de manière égale, mais en fonction du nombre d’actions possédées par chacun. Chez Juul, comme dans la majorité des start-up américaines, une partie de la rémunération est versée en titres, qui sont définitivement acquis au bout quelques mois ou années. Un moyen pour retenir les salariés Cette méthode de calcul favorise les employés les plus anciens, et ceux qui sont le mieux placés dans l’organigramme de l’entreprise. Les ingénieurs ou les responsables commerciaux présents depuis le début toucheront ainsi plusieurs millions de dollars tandis que les derniers arrivés se contenteront d’un chèque beaucoup plus modeste. Cela concerne la majorité des 1 500 employés, car les effectifs de Juul ont fortement progressé depuis le début de l’année. L’intérêt pour la start-up n’est pas simplement d’acheter la paix sociale, afin d’éviter un mouvement de contestation interne. La société de San Francisco espère surtout convaincre les plus mécontents de ne pas démissionner : une partie de leur « bonus » sera ainsi versée en quatre fois au cours des deux prochaines années. Lire aussi Les ventes de cigarettes électroniques bientôt restreintes aux Etats-Unis Dans la Silicon Valley, les ingénieurs informatiques changent en effet régulièrement d’emploi. Pour les attirer et les garder, les sociétés proposent des salaires élevés, des avantages en nature, comme les repas gratuits, et des actions. Mais leur « réputation » et leur image peuvent également jouer un rôle important. Leurs « missions », qu’elles répètent à l’envi, ne sont pas seulement un discours marketing ; c’est aussi un outil de recrutement et de rétention. Or, celle de Juul était de proposer une alternative à l’industrie du tabac, pas d’enrichir l’un de ses géants.
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/dans-la-silicon-valley-la-start-up-juul-verse-2-milliards-de-dollars-a-ses-employes-mecontents_5401226_3234.html
« Shutdown » aux Etats-Unis : l’administration fédérale déjà partiellement à l’arrêt
De nombreux services publics américains sont paralysés dès ce samedi après l’échec d’un accord sur le financement du mur que réclame Trump à la frontière mexicaine.
Le shutdown aura bien lieu dans la mesure où aucun accord n’a été trouvé entre la Maison Blanche et le Congrès au Capitole, à Washington, le 21 décembre. SAUL LOEB / AFP Le gouvernement fédéral des Etats-Unis se retrouve en situation de shutdown (« fermeture ») partiel car le Congrès n’est pas parvenu à voter en urgence une loi budgétaire, après l’échec des négociations sur le financement du projet de mur à la frontière mexicaine défendu par Donald Trump. Un quart des administrations fédérales vont devoir cesser ou réduire leurs activités, dès samedi 22 décembre. La Chambre des représentants puis le Sénat ont ajourné vendredi soir leur séance à l’approche de l’heure butoir à minuit, sans adopter de texte prolongeant le financement des agences fédérales. Les débats vont reprendre et pourraient se poursuivre tout au long du week-end afin d’éviter que le shutdown ne continue pendant les fêtes de fin d’année. Les Américains sont habitués à ces bras de fer budgétaires qui précipitent la fermeture de services jugés « non essentiels » du gouvernement fédéral, subitement privés de financement et de visibilité. Plus ces blocages durent, plus leurs conséquences sont lourdes. Le dernier shutdown – en janvier 2018, le premier de l’administration Trump – avait duré trois jours. Le précédent, en octobre 2013, avait été bien plus long, seize jours, même s’il était loin du record de vingt et un jours de 1995-1996. Cette fois, Donald Trump s’est dit prêt à un « très long » blocage pour obtenir le financement d’un mur dont il a fait le leitmotiv de sa politique migratoire. Il a toutefois publié vendredi soir sur Twitter une vidéo disant espérer « que ce shutdown ne durera pas longtemps ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Donald Trump pris au piège de sa promesse de « mur » et de ses menaces de « shutdown » 380 000 employés fédéraux en congé sans solde Depuis samedi à 0 h 01, heure locale (6 h 01, heure de Paris), des administrations ne peuvent plus être financées et devraient dans les prochains jours réduire leurs activités. Une absence d’accord entre le Parlement et la Maison Blanche signifie la fermeture de nombreux services fédéraux pendant les fêtes de fin d’année, avec des centaines de milliers de fonctionnaires placés en congé sans solde et des ministères – comme la sécurité intérieure, la justice, l’intérieur, qui gère les parcs nationaux (comme le Grand Canyon) très visités pendant les fêtes, ou encore le département d’Etat – perturbés. Plus de 800 000 fonctionnaires fédéraux seront affectés, sur un total de 2,1 millions. Quelque 380 000 personnes devraient être mises au chômage technique, dont 95 % des employés de la NASA et du ministère du logement, et 52 000 employés des services fiscaux. Près de 420 000 autres fonctionnaires, aux services jugés « essentiels », devraient travailler sans être payés, le temps qu’un accord soit trouvé. Sur la base du shutdown de janvier 2018, déjà causé par un désaccord sur la politique migratoire, la plupart des parcs devraient rester ouverts malgré la mise au chômage technique de 80 % des employés du National Park Service, qui devrait se traduire par la fermeture de nombreux services aux visiteurs (magasins, restaurants, toilettes…). La Statue de la Liberté pourrait être inaccessible : elle était restée fermée deux jours en janvier, avant que l’Etat de New York ne la rouvre en finançant lui-même ses opérations – pour 65 000 dollars par jour. Les grands musées de la Smithsonian Institution de Washington ont, eux, indiqué pouvoir rester ouverts jusqu’au 1er janvier.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/etats-unis-le-shutdown-de-l-etat-federal-va-affecter-les-touristes-et-800-000-fonctionnaires_5401222_3210.html
Faute d’obtenir un vote du Sénat sur son « mur », Trump provoque l’arrêt d’une partie de l’Etat fédéral
Un quart des fonctionnaires sont concernés : environ 420 000, indispensables, devront travailler sans recevoir de salaire et 380 000 seront invités à rester chez eux
Depuis minuit, en raison du « shutdown », un quart des fonctionnaires fédéraux ne sont plus payés. SAUL LOEB / AFP Donald Trump s’est heurté à la réalité, vendredi 21 décembre. Incapable d’obtenir les 5 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros) qu’il exigeait pour commencer la construction du « mur » qu’il veut ériger sur la frontière avec le Mexique, il a contribué de manière décisive à un gel (shutdown) d’une partie du gouvernement fédéral entré en vigueur à minuit, heure de Washington. Un quart des fonctionnaires fédéraux sont concernés. Environ 420 000 d’entre eux, indispensables au fonctionnement de l’Etat, devront travailler sans recevoir de salaire jusqu’à la conclusion d’un accord, alors que 380 000 seront invités à rester chez eux, également sans être payés. « Espérons que le shutdown ne durera pas longtemps », a affirmé le président dans une vidéo postée sur son compte Twitter dans la soirée de vendredi. La partie était écrite à l’avance. Faute de disposer d’une majorité suffisamment large au Sénat, le président savait qu’il n’avait aucune chance d’avoir satisfaction. Mais il a compliqué la situation avec un style erratique, comme il l’a déjà fait cette semaine par la décision abrupte de retirer les troupes américaines déployées en Syrie. Elle a poussé à la démission, jeudi, son très respecté secrétaire à la défense, James Mattis, provoquant une onde de choc à Washington et bien au-delà. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Aux Etats-Unis, la surprise et le choc après la démission du secrétaire à la défense James Mattis Cet exercice solitaire du pouvoir a une nouvelle fois achoppé sur la question du « mur », une promesse de campagne qu’il n’a jamais pu concrétiser pendant deux ans en dépit d’un contrôle total du Congrès. Après avoir promis pendant la campagne présidentielle que le Mexique financerait cet ouvrage controversé, Donald Trump a multiplié cette semaine les changements de cap sans la moindre concertation avec la direction républicaine du Congrès. Impopularité des « shutdowns » Il a ainsi brutalement refusé jeudi une simple prolongation de deux mois du financement des départements fédéraux concernés, dont celui qui est chargé des frontières, sans le moindre dollar pour le « mur », alors que le Sénat l’avait adoptée à l’unanimité, croyant avoir le feu vert de la Maison Blanche. La bronca de l’aile anti-immigration du camp conservateur, menée par l’inoxydable animateur radio Rush Limbaugh et la pamphlétaire Ann Coulter, avait convaincu le président de virer de bord. Revenu au point de départ, une équation insoluble au Sénat, Donald Trump a alors enjoint au chef de la majorité républicaine à la haute assemblée, Mitch McConnell, de changer sur-le-champ les règles qui imposent une majorité qualifiée pour y faire adopter un projet de loi. Une option radicale que l’intéressé a déjà exclue à plusieurs reprises. Donald Trump avait déjà ajouté la maladresse à la confusion en assurant, le 12 décembre, qu’il serait « fier de mettre à pied le gouvernement au nom de la sécurité des frontières ». « J’en prendrais la responsabilité », avait-il ajouté à l’occasion d’une rencontre avec les responsables démocrates du Congrès. Il a changé de ton, vendredi, en assurant que ces derniers en seraient les seuls coupables, pour tenter de se dégager du piège qu’il s’était tendu à lui-même compte tenu de l’impopularité des shutdowns. Le président n’a cessé de prendre son public à témoin, vendredi, par le biais de son compte Twitter. « Les démocrates essaient de minimiser le concept du “mur”, le qualifiant de dépassé. Mais le fait est que rien d’autre ne marchera, et cela est le cas depuis des milliers d’années. C’est comme la roue, il n’y a rien de mieux », a-t-il assuré alors que la chaîne CNN exhumait les propos critiques de celui qui est aujourd’hui son chef de cabinet par intérim, Mick Mulvaney, qualifiant en 2015 cette solution de « simpliste ». Dans l’après-midi, la défense du « mur » a été brusquement remplacée par un plaidoyer pour une « magnifique (…) barrière » constituée de lames de métal, illustration à l’appui, qui n’avait pas plus de chances de convaincre les démocrates que la formule précédente. Cette impasse a été complétée par deux informations défavorables pour l’administration américaine. Le ministre mexicain des affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a ainsi démenti un accord annoncé par Washington, qui avait laissé entendre la veille que le Mexique avait accepté d’héberger les demandeurs d’asile pendant l’examen de leur dossier par les autorités américaines. « Nous n’avons pas signé de traité, nous n’allons pas le faire et tout le processus de demande d’asile ne se fera pas au Mexique », a-t-il assuré. A la frontière entre San Diego, côté américain, et Tijuana, côté mexicain, le 21 décembre. MOHAMMED SALEM / REUTERS Vacances en Floride reportées La Cour suprême des Etats-Unis a de son côté refusé d’annuler la suspension par une cour d’appel fédérale de San Francisco (Californie) d’un décret présidentiel signé le 9 novembre par Donald Trump. Ce texte, combattu par les organisations de défense des droits humains, entendait mettre en place le rejet automatique des demandes d’asile déposées par des personnes ayant traversé illégalement la frontière. Survenant après la hausse des taux d’intérêt décidée par la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale), au grand dam du président, ce tumulte a contribué une nouvelle fois à la nervosité des marchés. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Fed relève ses taux en dépit des pressions de Trump Au terme de la pire semaine depuis 2008, les principaux indices boursiers ont une nouvelle fois chuté, effaçant largement les gains de l’année écoulée. Les propos pessimistes d’un conseiller de Donald Trump sur le commerce, Peter Navarro, jugeant « difficile » un accord prochain entre Washington et Pékin, ont encore ajouté au trouble. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le président s’était régulièrement appuyé sur la bonne santé de Wall Street pour vanter son action. Il n’en est plus question désormais. Cerné par les affaires, à la tête d’une administration affaiblie par de nombreuses défections, il a reporté son départ de la capitale fédérale alors qu’il avait prévu de passer les fêtes de fin d’année dans son club de luxe de Mar-a-Lago, en Floride. Avec comme perspective immédiate l’arrivée avec la nouvelle année d’une majorité démocrate à la Chambre des représentants issue des élections de mi-mandat.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/faute-d-obtenir-un-vote-du-senat-sur-son-mur-trump-provoque-l-arret-d-une-partie-de-l-etat-federal_5401217_3210.html
Ron Rash : « Aimer le monde ou mourir »
Dans une tribune au « Monde », l’écrivain américain se penche, après les feux de forêt en Californie, sur la crise environnementale qui frappe les Etats-Unis et sur le problème de la salubrité de l’eau.
A Flint (Michigan), en janvier 2016. Des niveaux élevés de plomb ont été mesurés dans le réseau local d’alimentation en eau potable. CONOR RALPH / AP Tribune. Mon quatrième roman, Serena (Le Masque, 2011), évoquait la dévastation des forêts du sud des Appalaches par l’industrie du bois, y compris dans des parties de ce qui est aujourd’hui le Great Smoky Mountains National Park. Le roman se passait au début du XXe siècle, à une époque où l’on rasait des pans entiers de montagnes en laissant à peine un arbre debout. L’eau devint imbuvable, les rivières furent engorgées de vase et de poissons morts. Dès 1930, les forêts primitives et les clairs ruisseaux avaient laissé place au désert. Comme le constate un de mes personnages vers la fin du livre, le paysage dénudé évoquait la fin du monde. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Californie, après les incendies, l’introspection Pourtant, Serena traduisait autant mes craintes pour l’avenir qu’il dénonçait les erreurs du passé. Durant la période où j’écrivais ce roman, entre 2005 et 2008, les leçons que nous avions apprises sur le coût des destructions environnementales paraissaient de plus en plus sombrer dans l’oubli. A Washington, certains politiciens parlaient d’ouvrir à la prospection minière et pétrolière des terres fédérales jusqu’ici protégées. Pendant quelques années, ces projets ont pu être combattus, mais aujourd’hui, en 2018, beaucoup de ces craintes se révèlent être justifiées. Les parcs nationaux sont épargnés pour l’instant, mais un certain nombre de terres fédérales, en particulier dans l’Ouest et en Alaska, sont convoitées par l’administration Trump, notamment le Monument national de Grand Staircase-Escalante, dans l’Utah. Le 4 décembre 2017, le président Trump a signé un décret modifiant les limites du Grand Staircase, ouvrant ainsi près de 300 000 hectares autrefois protégés à la prospection minière et pétrolière. Ecologistes, archéologues, militants de l’environnement et responsables tribaux ont protesté contre la décision présidentielle, mais la délégation du Congrès de l’Utah, et en particulier le puissant sénateur Orrin Hatch, l’a approuvée. La baisse constante de la qualité de l’eau potable aux Etats-Unis représente une menace environnementale autrement plus grave. En 2009, un article du New York Times décrivait les effets de l’eau polluée sur une communauté des environs de Charleston, en Virginie-Occidentale. Une habitante de la région racontait que ses voisins et elle ressentaient des effets nocifs au moindre contact de l’eau. Son fils avait des éruptions cutanées dès qu’il se trempait dans son bain, et « ses voisins devaient s’appliquer des lotions spéciales après leur douche parce que la peau les brûlait ». Des tests ont montré que l’eau dont ils se servent contient de l’arsenic, du barium, du plomb, du manganèse et autres résidus chimiques dans des concentrations telles que les régulateurs estiment qu’elles pourraient provoquer des cancers et endommager les reins et le système nerveux. En 2015, une étude menée par l’Académie nationale des sciences a conclu que « 21 millions d’Américains sont alimentés en eau par des systèmes de distribution qui enfreignent les normes légales basiques de santé publique ».
22/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/22/ron-rash-aimer-le-monde-ou-mourir_5401213_3232.html
Le 13e arrondissement de Paris, un laboratoire immobilier
Riche en projets innovants, le 13e arrondissement de la capitale est un territoire d’avenir pour les investisseurs.
Les anciens Grands Moulins de Paris réhabilités pour abriter l'université Paris Diderot 7 à Paris XIII Roger Rozencwajg / Photononstop C’est l’arrondissement le plus atypique de la capitale. Entre les meulières ouvrières de la Butte-aux-Cailles et les buildings à l’américaine de l’avenue de France, le 13e arrondissement offre différents visages aux acquéreurs qui souhaitent s’y établir. Parmi les spécificités du quartier, il en est une qui retient l’attention de tous : le niveau relativement bas – entendez pour Paris – des prix de l’immobilier. En moyenne, selon la plate-forme MeilleursAgents, ils tournent autour des 8 623 euros/m². « L’arrondissement est divisé en deux parties, note Michel Platero, président de la Fédération nationale des agents immobilier du Grand Paris. Au nord, vers la Butte-aux-Cailles, les prix dépassent les 8 000 euros/m², tandis qu’au sud la moyenne est de 7 100 euros. Cela signifie qu’il est encore possible de dénicher des biens avec travaux à 6 000 euros et d’obtenir des rendements intéressants car ces travaux peuvent souvent être défiscalisés. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Nîmes : un marché immobilier en phase de redémarrage Reste que les tarifs grimpent, comme le constate Nathalie Latour, de l’agence immobilière ORPI Montsouris. « Les prix ont augmenté de 5 % depuis un an et la tendance n’est pas près de s’inverser. La dynamique est positive : j’ai effectué récemment une vente d’un logement à 445 000 euros dans une copropriété. Il y a deux ans, dans le même immeuble, un logement similaire était parti à 420 000 euros », précise-t-elle. En dix ans, les prix dans le 13e arrondissement ont progressé de 46 %. Terre d’innovation Le territoire est aussi l’un des rares sur lesquels on construit encore dans Paris intra-muros. La ZAC Paris Rive gauche livre chaque année son lot de logements neufs. A terme, entre 3 000 et 6 000 nouveaux biens sont encore attendus. Cette vaste opération d’aménagement s’étend sur près de 130 hectares. Entamés au début des années 1990, les programmes en question finiront d’être livrés à l’horizon 2030. Véritable laboratoire de l’immobilier, la ZAC Paris Rive gauche comporte de nombreux programmes innovants, comme le U-Care, d’Altarea Cogedim. « Nous produirons essentiellement des T3/T4/T5 à 12 000 euros/m² pour cet immeuble, qui est le fruit d’une longue réflexion sur la décohabitation. Il sera possible de séparer l’une des chambres du logement pour la mettre en location, y loger un étudiant en quête d’indépendance ou une personne âgée », expose Laurence Beardsley, présidente de Cogedim Paris métropole.
22/12/2018
argent
https://www.lemonde.fr/argent/article/2018/12/22/le-13e-arrondissement-de-paris-un-laboratoire-immobilier_5401210_1657007.html
Etats-Unis : un Chinois arrêté pour vol de secrets commerciaux dans une société pétrolière
L’homme, installé aux Etats-Unis depuis douze ans, aurait espionné pour une société chinoise un produit valant plus d’un milliard de dollars.
Un forage pétrolier à Oklahoma City (Etats-Unis), le 22 mars 2012. SUE OGROCKI / AP Un ressortissant chinois a été arrêté aux Etats-Unis, accusé d’avoir dérobé des secrets commerciaux d’une société américaine du secteur pétrolier pour laquelle il travaillait, a annoncé vendredi 21 décembre le ministère de la justice américain. Tan Hongjin, 35 ans, a été arrêté jeudi dans l’Etat de l’Oklahoma, où il résidait. Selon le ministère, il a volé des secrets commerciaux « relatifs à un produit valant plus d’un milliard de dollars ». Un espion parfaitement intégré M. Tan, qui est installé aux Etats-Unis depuis douze ans et a obtenu un doctorat au California Institute of Technology, est accusé d’avoir illégalement téléchargé des centaines de fichiers de sa société, comprenant de la propriété intellectuelle liée à la fabrication d’un produit pour le marché de l’énergie. Il a dérobé ces documents pour le compte d’une société chinoise lui ayant offert un emploi, a affirmé le ministère. L’employeur américain n’a pas été identifié, mais un profil LinkedIn indique qu’un scientifique spécialiste des matériaux nommé Tan Hongjin travaille pour le centre de recherche du groupe énergétique Phillips 66 à Bartlesville, en Oklahoma. Des médias locaux l’ont également lié à cette société. La Chine accusée de pillage Cette arrestation intervient alors que Washington a annoncé jeudi l’inculpation de deux Chinois accusés d’avoir mené des cyberattaques contre douze pays, s’attirant une réaction furieuse de Pékin. « Le gouvernement chinois tente d’acquérir ou de dérober non seulement les plans et les projets du gouvernement des Etats-Unis, mais aussi les idées et les innovations des personnes mêmes qui rendent notre économie si incroyablement performante », a prévenu au Congrès la semaine dernière Bill Priestap, directeur adjoint du département de contre-espionnage de la police fédérale (FBI).
22/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/etats-unis-un-chinois-arrete-pour-vol-de-secrets-commerciaux-dans-une-societe-petroliere_5401206_3234.html
Abus sexuels : le photographe Bruce Weber accusé par cinq nouveaux mannequins
Ces plaintes viennent s’ajouter à une première assignation déposée en 2017. Grâce à la nouvelle application d’une loi sur « l’exploitation sexuelle », les faits ne sont pas prescrits.
Le photographe américain Bruce Weber au 44e Festival de Deauville (France), le 6 septembre 2018. CHARLY TRIBALLEAU / AFP Le photographe de mode américain Bruce Weber, déjà accusé en 2017 d’agression sexuelle par un ancien mannequin, a été de nouveau assigné en justice vendredi 21 décembre, pour « exploitation sexuelle », par cinq mannequins masculins. Cette nouvelle assignation, déposée au tribunal fédéral de New York, intervient peu après la validation par un juge de poursuites pour « exploitation sexuelle » – une loi fédérale jusqu’ici essentiellement utilisée pour poursuivre des affaires de proxénétisme – contre l’ex-producteur de cinéma Harvey Weinstein. Cette nouvelle interprétation de la loi fédérale, qui prévoit un délai de prescription de dix ans contre trois pour les agressions sexuelles dans l’Etat de New York, « ouvre la porte » aux plaintes de nouvelles victimes, a souligné l’avocate Lisa Bloom, représentant les cinq mannequins à l’origine de l’assignation. Lire aussi Mario Testino et Bruce Weber sur la sellette après des accusations de harcèlement sexuel Chantage sur la carrière des mannequins Dans cette plainte de quatorze pages relatant des agressions qui auraient eu lieu entre 2008 et 2010, les cinq mannequins – tous des Américains identifiés uniquement par leurs initiales – décrivent le même « mode opératoire » de Bruce Weber : s’arrangeant pour se retrouver seul avec ces hommes en début de carrière, le photographe prétextait des « exercices de respiration » pour les caresser et leur faisait comprendre qu’ils devaient accepter ces attouchements pour réussir dans ce métier. L’assignation déposée par l’ex-mannequin Jason Boyce fin 2017 contre M. Weber, qui a travaillé pour Vogue et forgé l’image de marques comme Calvin Klein, Ralph Lauren et Abercrombie & Fitch, relatait des faits similaires qui se seraient déroulés à New York en 2014. Mais sans invoquer le délit fédéral d’exploitation sexuelle. L’affaire Weinstein, le déclic Un juge fédéral new-yorkais a, pour la première fois, donné son feu vert en août à une demande de procès au civil sous ce motif déposée par l’aspirante actrice britannique Kadian Noble : elle a assigné Harvey Weinstein en 2017 pour l’avoir agressée sexuellement à Cannes en 2014, en lui faisant miroiter un rôle. Les avocats de M. Weinstein avaient argué en vain qu’une telle interprétation « étendrait injustement la notion d’exploitation sexuelle à toute activité sexuelle entre adultes dans laquelle une des parties est en position de pouvoir ou d’influence ». Ils estimaient que, dans la mesure où Mme Noble n’avait été rémunérée d’aucune façon, l’article ne pouvait pas s’appliquer. Bruce Weber est, avec Terry Richardson, Mario Testino et Patrick Demarchelier, un des grands photographes de mode accusés d’agressions sexuelles dans le sillage du mouvement #metoo. Les grands magazines avec lesquels ils travaillaient ont annoncé mettre fin à toutes leurs collaborations.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/abus-sexuels-le-photographe-bruce-weber-accuse-par-cinq-nouveaux-mannequins_5401203_3210.html
« Onzième roman, livre dix-huit » : les jeux de rôles de Dag Solstad
Un homme s’essaye à l’amour, à la paternité puis à l’impotence. Librement ? Deuxième livre traduit d’un écrivain norvégien d’envergure.
Onzième roman, livre dix-huit (Ellevte roman, bok atten), de Dag Solstad, traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, préface d’Haruki Murakami, Notabilia, 240 p., 17 €. L’écrivain norvégien Dag Solstad, photo non datée. BJARNE THUNE / CC BY-SA 3.0 Le parcours littéraire de Dag Solstad, un des auteurs norvégiens les plus marquants de sa génération (il est né en 1941), a été long et sinueux. Ecrivain militant des années 1970-1980, chantre du roman ouvrier, Solstad est progressivement revenu de la plupart de ses engagements, se muant en un spectateur désabusé, tout à la fois ironique et mélancolique. Dans ses écrits, à partir des années 1990, l’intrigue traditionnelle se dilue au bénéfice d’une introspection toujours plus poussée, les personnages imaginaires s’estompant au profit du moi de l’auteur, l’idée d’un roman classique s’effaçant elle aussi derrière le commentaire de ses propres œuvres. Un livre hamlétien Onzième roman, livre dix-huit (1992), son deuxième ouvrage traduit en français (après Honte et dignité, Les Allusifs, 2008), laisse ainsi déjà deviner les profondes mutations à venir. Aliénation et détachement – à l’égard de la société jugée irréformable, mais aussi de son entourage proche – hantent les pages et colorent l’ambiance. L’être humain ne serait-il qu’une somme de rôles, choisis ou imposés ? Existe-il une essence transcendant le moi social ? Ces problématiques, qui préoccupaient l’écrivain dès ses débuts, dans les années 1960, réapparaissent dans ce roman, magistralement orchestrées. Composé de trois parties, Onzième… met en scène un homme s’essayant tour à tour au rôle d’amoureux, puis à celui de père et, enfin, à celui de handicapé cloué à son fauteuil roulant – des rôles non pas imposés, mais librement choisis. Le second thème du livre, hamlétien, étroitement lié au premier, concerne le rapport entre réflexion et action : « Thus conscience does make cowards of us all » (« Ainsi notre raison nous rend poltrons »). Chaque action volontaire du protagoniste – suivre sa maîtresse en province en changeant de métier, accueillir chez lui le fils étudiant qu’il n’a pas vu depuis dix-sept ans, ou encore escroquer la Sécurité sociale en se faisant passer pour un handicapé (afin de se prouver à lui-même qu’il est capable d’agir) –, loin de le rendre plus libre, l’enferme dans la position de celui qui subit et fait de lui un être sans prise sur son destin. Un mur d’incompréhension entre père et fils La démonstration la plus éclatante se trouve dans la seconde partie du roman : les retrouvailles manquées entre le père et le fils sont à l’origine d’un dialogue de sourds au sens propre – c’est-à-dire littéralement assourdissant. Aucune bonne volonté de la part du père, aucun effort d’empathie, aucune concession ne parvient à briser le mur d’incompréhension entre les deux hommes. Son pathétique combat intérieur amène le héros à se faire cet aveu terrible : il n’aime pas son fils. Il n’aime pas ce fils, tel qu’il le découvre après une longue séparation. Mais à qui la faute ? A lui sans doute. Parce que lui, le père, n’était pas là quand il le fallait ? Parce qu’il avait agi à l’époque par le refus d’agir ?
22/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/22/onzieme-roman-livre-dix-huit-les-jeux-de-roles-de-dag-solstad_5401200_3260.html
L’Agence mondiale antidopage revient de Moscou sans avoir pu récupérer les données des contrôles
Il s’agissait d’une condition imposée par l’AMA en échange de sa décision controversée de lever la suspension de l’agence russe, annoncée le 20 septembre.
Le siège du Comité olympique russe, à Moscou, le 6 décembre. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP Une équipe de l’Agence mondiale antidopage (AMA), envoyée à Moscou cette semaine pour récupérer des données cruciales dans l’ancien laboratoire de la capitale russe, est revenue bredouille, a annoncé, vendredi 21 décembre, l’AMA, ouvrant la voie à de nouvelles sanctions contre l’agence antidopage Rusada. La récupération de ces données était une condition imposée par l’AMA en échange de sa décision controversée de lever la suspension de Rusada, annoncée le 20 septembre. L’AMA avait alors exigé l’accès à ces données avant le 31 décembre, sous peine de prendre de nouvelles sanctions. Mais la délégation de cinq experts, arrivée à Moscou lundi, n’a pu extraire les milliers de données brutes en question car les autorités russes ont eu des exigences techniques de dernière minute, selon le communiqué. Le blocage des autorités russes « L’équipe a été incapable de terminer sa mission dans le temps imparti en raison d’une question soulevée par les autorités russes, exigeant que l’équipement utilisé pour l’extraction des données soit conforme à la législation russe », souligne l’AMA, basée à Montréal. « Cette question n’avait pas été évoquée lors d’une réunion préliminaire, le 28 novembre à Moscou », regrette l’agence. La délégation, conduite par l’expert antidopage espagnol José Antonio Pascual, va rédiger son rapport qui sera transmis au Comité de révision de la conformité de l’AMA. Cette instance indépendante se réunira les 14 et 15 janvier pour examiner les suites à donner à cette affaire. Les recommandations de ce comité, qui pourrait demander une nouvelle suspension de Rusada, seront ensuite examinées par le Comité exécutif de l’AMA. La balle dans le camp de la Russie L’AMA a toutefois laissé une porte ouverte à Moscou, précisant que son équipe d’experts « se tenait prête à procéder à l’extraction de toutes les données si le problème était résolu rapidement par la Russie ». L’échec de sa mission en Russie constitue une nouvelle déconvenue pour l’AMA, qui comptait sur ces données pour éclairer la sombre période de dopage institutionnel dans ce pays (2011-2015), et ouvrir éventuellement des procédures disciplinaires contre des sportifs. Lire aussi L’Agence mondiale antidopage réintègre la Russie Cette étape devait être un pas important pour une résolution définitive de la crise avec la Russie. Les premières révélations sur un système de corruption, apparues fin 2014, concernaient l’athlétisme. Par la suite, des enquêtes à la demande de l’AMA ont dévoilé un véritable système de dopage institutionnel – avec la participation de rouages de l’Etat , dont les services secrets (FSB) –, qui a pu toucher trente disciplines et concerner un millier de sportifs, selon les conclusions du juriste canadien Richard McLaren. Les sanctions, dont certaines sont toujours en cours, ont commencé fin 2015 dont celle, très symbolique, autorisant certes pour certains athlètes, une participation aux Jeux olympiques d’hiver de 2018 à Pyeongchang en Corée du Sud, mais sous la bannière olympique et non le drapeau russe.
22/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/22/l-agence-mondiale-antidopage-revient-de-moscou-sans-avoir-pu-recuperer-les-donnees-des-controles-antidopage_5401197_3242.html
La Cour suprême ne valide pas la restriction du droit d’asile voulue par Trump
Le président américain voulait systématiquement rejeter toute demande d’asile venant des migrants qui traversent la frontière sud des Etats-Unis.
Une migrante portant un drapeau des Etats-Unis artisanal près de la frontière américano-mexicaine, le 25 novembre à Tijuana, au Mexique. Ramon Espinosa / AP La Cour suprême a infligé vendredi 21 décembre un camouflet au président américain en ne validant pas son décret restreignant le droit d’asile pour les migrants traversant clandestinement la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. La haute cour a refusé d’annuler la suspension par une cour d’appel fédérale de San Francisco de ce décret présidentiel controversé, signé le 9 novembre par Donald Trump, qui entendait mettre en place le rejet automatique des demandes d’asile déposées par des personnes ayant traversé illégalement la frontière sud. Ces migrants, venus surtout d’Amérique centrale, fuient pour la plupart la violence dans leur pays d’origine. Lire aussi Donald Trump interdit aux clandestins de déposer des demandes d’asile Une décision sans commentaire Dans sa décision, la Cour suprême n’a fait aucun commentaire, notant simplement que quatre de ses neuf juges nommés à vie étaient favorables à renverser le jugement d’appel : Brett Kavanaugh et Neil Gorsuch, nommés par le président républicain, et les magistrats conservateurs Clarence Thomas et Samuel Alito. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A la frontière mexicaine, les rêves brisés des migrants de la « caravane » Donald Trump a fait de la lutte contre l’immigration clandestine son cheval de bataille dès sa campagne électorale. Après la signature de ce décret, des associations de défense des droits humains avaient immédiatement saisi la justice et, le 20 novembre, un juge californien avait donné tort à l’exécutif, déclenchant l’ire de l’occupant de la Maison Blanche. Trump n’a pas dit son dernier mot Mais la décision de la Cour suprême ne risque pas de changer le destin des migrants. Washington a annoncé jeudi le renvoi des demandeurs d’asile au Mexique pendant l’examen de leur dossier, afin d’empêcher qu’ils demeurent sur le territoire américain et échappent à la surveillance des autorités. L’administration américaine espère ainsi que ces délais et le renvoi au Mexique découragent d’autres migrants de faire le long voyage jusqu’à la frontière des Etats-Unis. La première mesure phare du président Trump – l’interdiction de voyager aux Etats-Unis pour des ressortissants de certains pays à majorité musulmane et considérés comme présentant un risque terroriste – avait elle aussi été bloquée à plusieurs reprises en justice, avant que la Cour suprême ne valide sa dernière version.
22/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/22/la-cour-supreme-ne-valide-pas-la-restriction-du-droit-d-asile-voulue-par-trump_5401194_3210.html
Antonio Ortuño : « La violence de mes livres est celle du Mexique »
Descendant de républicains espagnols, l’écrivain est l’une des jeunes voix les plus tranchantes de la littérature mexicaine. L’exil face au danger de mort, dans l’Espagne d’alors et le Mexique aujourd’hui, est au cœur de son nouveau roman, « Méjico ».
L’écrivain mexicain Antonio Ortuño, en 2018. WITI DE TERA / OPALE L’exil sied bien à Antonio Ortuño. Installé à Berlin depuis juillet, dans le cadre d’une résidence d’écriture d’un an, le romancier mexicain goûte, en famille, la tranquillité que lui offre la capitale allemande. « Je ne suis plus obligé d’accompagner mes filles de 16 et 13 ans partout où elles veulent aller. Elles peuvent sortir dans la rue comme elles en ont envie », nous confiait-il un mercredi d’automne, à Paris. La violence liée aux cartels de la drogue, qui gangrène le Mexique, a gagné, il y a quelques années, la placide ville de Guadalajara, dans l’ouest du pays, où l’écrivain, l’une des jeunes voix les plus vibrantes et grinçantes d’Amérique latine, vit depuis sa naissance, en 1976. Outre des conditions matérielles idéales pour travailler, ce séjour en Europe permet à cet auteur prolifique (six romans, dont trois traduits en français, quatre recueils de nouvelles) d’échapper pour quelques mois au chaos qui règne dans cette ville. L’exil n’a pourtant rien d’une fin en soi pour ce romancier qui voyage peu et dont les deux dernières œuvres – très remarquées en Europe comme en Amérique latine – abordent le thème avec un regard au mieux contrasté, au pire, franchement noir. Dans La File indienne (Christian Bourgois, 2016), il narrait la tragédie des migrants d’Amérique centrale, leur route jonchée d’obstacles et de drames vers les Etats-Unis. Il y mettait en scène une assistante sociale à la Commission nationale de migration, envoyée à Santa-Rita, ville fictive du sud-est du Mexique, pour porter secours aux rescapés du massacre d’un groupe de Latino-Américains fuyant leurs pays. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le feuilleton. Les damnés de la terre Périple bousculé par les secousses de l’histoire Dans Méjico, qui vient de paraître en français, c’est à la lecture des infortunes d’un double exil que nous convie l’auteur : celui d’Omar, jeune Mexicain d’origine espagnole contraint de fuir à Madrid pour échapper à un tueur, et celui de ses grands-parents, cinquante ans plus tôt, des républicains espagnols obligés de tout quitter au lendemain de la guerre civile (1936-1939) pour trouver refuge au Mexique, au terme d’une éprouvante épopée. « J’avais écrit La File indienne parce que je trouvais terrifiant que ce pays, qui avait été le refuge de mes grands-parents et de ma mère, soit devenu un piège mortel pour tant de Centre-Américains, explique-t-il. Un an après sa parution, ma mère est morte. Cela m’a poussé à reprendre un projet que j’avais depuis longtemps en tête. J’ai transposé l’univers sentimental dans lequel j’avais grandi. »
23/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/23/antonio-ortuno-la-violence-de-mes-livres-est-celle-du-mexique_5401667_3260.html
« On a échappé au pire » : enquête après qu’un policier a été pris à partie par des « gilets jaunes »
La vidéo d’un policier réagissant à la menace de la foule en dégaînant son arme est le genre d’images qui effraient le plus la hiérarchie policière.
C’est le genre d’images qui effraient le plus la haute hiérarchie policière. Menacé physiquement par une foule déchaînée, un motard de la préfecture de police de Paris a dégainé son arme de service samedi 22 décembre, lors de l’« acte VI » des manifestations des « gilets jaunes », avant de se raviser, de la ranger dans son étui et de prendre la fuite avec ses collègues. La scène, qui s’est déroulée à l’angle de l’avenue Georges-V et des Champs-Elysées, a été captée par plusieurs vidéastes, amateurs ou professionnels. On y voit quatre policiers jeter des grenades de désencerclement vers le cortège, qui ne semble pas hostile à leur endroit à ce moment précis. Mais au moment d’enfourcher leurs motos, une partie des manifestants commence à s’en prendre à eux avec violence. C’est alors qu’un policier sort son pistolet. Les autres se défendent face aux agresseurs à coups de pied et avec des gaz lacrymogènes. Les fonctionnaires parviennent à s’enfuir alors que la foule se fait très menaçante, laissant sur place une moto. Ils reviendront la chercher quelques instants plus tard, sous la protection d’une colonne de la compagnie de sécurité et d’intervention (CSI). « On a échappé au pire » Le parquet de Paris a ouvert une enquête en flagrance pour « violences volontaires avec arme en réunion sur personnes dépositaires de l’autorité publique et dégradations de biens publics », et l’a confiée à la police judiciaire parisienne. Aucune interpellation n’ayant été effectuée sur place et les assaillants étant pour la plupart masqués ou hors du cadre des vidéos, les suites s’annoncent difficiles. Mais pour les autorités, l’essentiel est ailleurs. « On a échappé au pire : un policier tué ou qui tue un manifestant en se défendant », explique une source policière. Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », et particulièrement depuis les débordements du 1er décembre, les forces de l’ordre craignent par-dessus tout ce cas de figure. Si la mort d’une octogénaire, blessée à sa fenêtre par une grenade lacrymogène et morte par la suite d’un choc opératoire à l’hôpital, est indirectement liée aux techniques de maintien de l’ordre, la plupart des victimes recensées depuis le début du mouvement sont dues à des accidents sur les ronds-points bloqués, et n’impliquent pas les forces de l’ordre. « Ce mouvement se traduit par une radicalisation d’une grande violence » Dans la doctrine du maintien de l’ordre à la française, tout est préférable à la mort d’un policier ou d’un manifestant. Si les policiers et les gendarmes ont le droit de tirer lorsqu’ils sont en situation de légitime défense, ils sont formés à éviter à tout prix cette extrémité, quitte à se replier. Interrogé sur BFM-TV, Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, a estimé que la réaction était appropriée : « Un policier sort effectivement son arme en protection de ses collègues, il n’en fait pas usage, il protège ses collègues pour faire reculer les assaillants. Ce policier devra faire un rapport, ce sont les règles. » Edouard Philippe a rencontré, lundi, l’unité de policiers motocyclistes ciblée par les manifestants. Il a affiché sa « détermination à ramener l’ordre ». « Ce débat et le fonctionnement de nos institutions exigent un retour à la norme » et « que cessent les provocations », a-t-il ajouté devant la presse. Il estime qu’« au fur et à mesure qu’il dure ce mouvement se traduit par une radicalisation d’une grande violence ». Les vidéos ont fait l’objet de nombreux commentaires tout le week-end. Les uns pour dénoncer la volonté de ces « gilets jaunes » d’écharper des membres des forces de l’ordre. Les autres pour estimer que les policiers avaient excité la foule avec un usage disproportionné des grenades de désencerclement. Un résumé succinct de la bataille de l’image qui se joue dans ces manifestations.
23/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/23/gilets-jaunes-les-forces-de-l-ordre-craignent-par-dessus-tout-un-mort-pendant-les-manifestations_5401664_1653578.html
Emmanuel Macron, deux jours au Tchad, loin des « gilets jaunes »
Loin de Paris, le chef de l’Etat a décrit les 10 milliards d’euros débloqués comme « une réponse pleinement assumée à ce que j’ai considéré être une colère juste du peuple français ».
Emmanuel Macron venu fêter Noël avec des soldats de la force Barkhane, à N'Djaména, le 22 décembre. LUDOVIC MARIN / AFP Autour des tables dressées dans la nuit, sous les douces risées de l’harmattan, on aurait pu se croire encore au temps de l’état de grâce, ce samedi 22 décembre 2018. Par exemple, lors du dernier réveillon qu’avait passé Emmanuel Macron avec les troupes françaises engagées au Sahel, en décembre 2017, à Niamey, huit mois après son arrivée à l’Elysée. Mais, à peine le chef de l’Etat était-il arrivé à la base militaire française de N’Djamena, QG de l’opération « Barkhane » contre les groupes armés terroristes de la région, qu’il apprenait que des policiers avaient frôlé le lynchage sur les Champs-Elysées, que quatre-vingts « gilets jaunes » avaient fait le siège de sa maison au Touquet (Pas-de-Calais) et qu’à Angoulême des manifestants avaient mis en scène la décapitation d’un pantin à son effigie. De ces violences, il n’a pas été question une seule fois dans le discours du président de la République devant les troupes en « opex » (opération extérieure) au Tchad. Il a seulement remercié les soldats de « protéger la nation contre le règne de l’arbitraire et de la terreur ». « Partout, dans le Sahel, nos ennemis sont là et cherchent à faire progresser l’obscurantisme, a-t-il dit. C’est ce même terrorisme qui a frappé dans notre pays, à Strasbourg. Je compte sur vous, et les Français comptent sur vous. » L’assemblée a alors poussé une Marseillaise version syncopée et marche militaire, bien différente de celles chantées à 6 300 kilomètres de là par des manifestants à gilet fluo. « Mattis, un interlocuteur fiable » Lors d’une conférence de presse avec le président tchadien, Idriss Déby, au palais présidentiel, le lendemain, Emmanuel Macron a aussi rendu un hommage appuyé au secrétaire d’Etat américain à la défense, James Mattis, qui a démissionné deux jours plus tôt pour marquer son désaccord avec le retrait américain en Syrie. « Je regrette profondément la décision américaine. Jim Mattis a montré aussi l’importance de ce qu’être allié. Etre allié, c’est combattre épaule contre épaule », a-t-il dit. « Depuis un an, nous avons constaté comment [James Mattis] a été un interlocuteur fiable », a enfin lâché le chef de l’Etat, comme un message indirect à Donald Trump. Emmanuel Macron et son homologue tchadien, Idriss Déby, lors de leur conférence de presse commune, à N’Dajména, le 23 décembre. LUDOVIC MARIN / AFP « Une colère juste » A N’Djamena, Emmanuel Macron est aussi revenu sur les 10 milliards d’euros débloqués « en un temps record – douze jours pour une loi d’urgence économique et sociale », après ses annonces du 10 décembre. Il a promis qu’il « n’y aura aucune économie sur la défense et [les] armées » pour financer ces mesures. « Ce n’est pas une réponse à telle ou telle catégorie, c’est une réponse pleinement assumée que j’ai voulue, à ce que j’ai considéré être une colère juste du peuple français », a commenté le président.
23/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/23/emmanuel-macron-deux-jours-au-tchad-loin-des-gilets-jaunes_5401659_3210.html
« Gilets jaunes » : Eric Drouet, l’une des figures du mouvement, sera jugé le 5 juin
Le chauffeur routier de 33 ans avait été interpellé à Paris lors d’une manifestation non déclarée samedi, équipé d’une sorte de matraque.
Eric Drouet, l’une des figures du mouvement des « gilets jaunes », s’entretient avec son avocat, Khéops Lara (derrière) alors qu’il quitte le palais de justice de Paris à l’issue de sa garde à vue, le 23 décembre 2018. FRANÇOIS GUILLOT / AFP Eric Drouet, l’un des initiateurs des « gilets jaunes » interpellé samedi 22 décembre lors de l’« acte VI » des manifestations à Paris, sera jugé le 5 juin. Dans l’attente de ce procès, il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de porter une arme, a expliqué une source judiciaire à l’Agence France-Presse. Il n’est cependant pas interdit de se présenter à Paris, contrairement à ce que le parquet de Paris avait demandé, a-t-on appris de même source et auprès de son avocat. Il sera jugé pour « port d’arme prohibé de catégorie D », après avoir été retrouvé porteur d’une sorte de matraque, et pour « participation à un groupement formé en vue de violences ou de dégradations ». Interpellé samedi après-midi, il a été présenté dimanche matin à un magistrat du parquet de Paris, qui lui a notifié qu’il serait jugé le 5 juin devant le tribunal correctionnel. Article réservé à nos abonnés Lire aussi D’Eric Drouet à « Fly Rider », les mots d’ordre des figures des « gilets jaunes » Manifestation non déclarée Eric Drouet, 33 ans, un chauffeur routier de Melun (Seine-et-Marne), est une des voix qui pèsent dans la contestation qu’il définit lui-même comme « populaire » et « totalement apolitique ». C’est lui qui sur sa page Facebook avait appelé les « gilets jaunes » à commencer leur mobilisation parisienne de samedi à Versailles, avant de changer de destination et de les inviter à se rendre sur la butte Montmartre. Les manifestants avaient ensuite déambulé dans plusieurs quartiers de la capitale. Eric Drouet a été arrêté samedi vers 14 h 15 rue Vignon, dans le quartier de la Madeleine, au milieu de quelques dizaines de manifestants. « M. Drouet a appelé à cette manifestation, sur les réseaux sociaux, il a donné un certain nombre de lieux de rendez-vous et il était présent sur ces lieux. Donc c’est un organisateur, à ce titre-là, c’est un délit d’organiser une manifestation non déclarée », a déclaré samedi soir sur BFM-TV le secrétaire d’Etat à l’intérieur, Laurent Nuñez. « La justice tranchera pour savoir s’il y a bien eu délit », sachant qu’« organiser une manifestation non déclarée, c’est un délit », a-t-il ajouté. Cette charge n’a pas été retenue pour l’instant contre Eric Drouet par le parquet, mais l’enquête sur cet aspect se poursuit, a précisé la source judiciaire. « Arrestation arbitraire » Créée à la mi-octobre, la page Facebook d’Eric Drouet appelant au « blocage national contre la hausse des carburants » a été rapidement suivie par des dizaines de milliers de personnes, amorçant la mobilisation nationale du 17 novembre, l’« acte I » des « gilets jaunes ». Dimanche soir, des « gilets jaunes de la première heure » dénoncent dans un communiqué « l’agression brutale, l’arrestation arbitraire et injustifiée dont a été victime Eric Drouet » et exigent du gouvernement « l’abandon de toutes les charges injustifiées » à son égard. Parmi les signataires, des figures emblématiques du mouvement, comme Maxime Nicolle, alias « Fly Rider », Priscillia Ludosky ou Laëtitia Dewalle.
23/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/23/gilets-jaunes-eric-drouet-l-une-des-figures-du-mouvement-sera-juge-le-5-juin_5401656_1653578.html
Des briques de lait contaminées par des résidus de détergent
Le lot de briques de lait de la marque J’aime le lait d’ici a fait l’objet d’une mesure de rappel et de retrait des rayons.
Un lot de briques de lait de la marque J’aime le lait d’ici contenant des résidus de produits de nettoyage a fait l’objet d’une mesure de rappel et de retrait, a annoncé dimanche 23 décembre la coopérative de lait française Sodiaal. Le lot contaminé porte le numéro 18312, une date de péremption du 8 mars 2019, un horaire de production entre 8 h 40 et 11 h 54, ainsi que l’agrément sanitaire FR 44-025-001. Ni la zone géographique ni la composition des détergents responsables de la contamination ne sont précisées dans la fiche d’information que s’est procurée l’Agence France-Presse. « Erreur humaine » La société CSA, qui commercialise le produit pour Orlait, a procédé à ce retrait-rappel après avoir reçu « une réclamation pour du lait de couleur brune », a précisé Sodiaal, qui détient notamment les marques Candia, Entremont, Le Rustique, Cœur de Lion, RichesMonts, Régilait, ou encore Yoplait. « Cet incident est lié à une erreur humaine » et « s’est produit sur une très courte durée, environ deux minutes dans la ligne de production », a expliqué la première coopérative de lait française, qui dit n’avoir reçu « aucun signalement de consommateurs malades », contrairement à des allégations en ce sens qui circulent sur Facebook. « Une analyse » a été lancée à la suite de ce problème qui concerne des « réseaux de distributeurs spécialisés dans la restauration et quelques magasins Systèmes U », selon Sodiaal. La marque J’aime le lait d’ici appartient à Orlait, dont Candia, elle-même filiale de Sodiaal, est l’actionnaire majoritaire. Sodiaal, dont le chiffre d’affaires s’élève à 5,1 milliards d’euros, a collecté 4,7 milliards de litres de lait auprès de 20 000 producteurs l’an dernier. Le groupe, qui emploie plus de 9 000 personnes, est présent dans les produits laitiers frais mais aussi les laits en poudre dont les laits infantiles. Depuis 2014, le groupe a élargi son activité aux produits surgelés, avec l’intégration du pâtissier et traiteur Boncolac. Il y a tout juste un an, le groupe laitier Lactalis avait été contraint d’arrêter sa production à l’usine de Craon et de rappeler l’ensemble de la production de lait infantile de cette usine à la suite d’un scandale lié à une contamination à la salmonelle.
23/12/2018
sante
https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/12/23/des-briques-de-lait-contaminees-par-des-residus-de-detergent_5401652_1651302.html
« Gilets jaunes », Macron au Tchad, tsunami en Indonésie… les cinq infos à retenir du week-end
Vous n’avez pas suivi l’actualité pendant le week-end ? Voici les principaux titres à retenir du samedi 22 et dimanche 23 décembre.
L’« acte VI » de la mobilisation des « gilets jaunes » émaillé de dérapages violents Des manifestants font face à la police antiémeute sur l’avenue des Champs Elysées à l’issue d’une manifestation des « gilets jaunes », le 22 décembre 2018. SAMEER AL-DOUMY / AFP Policiers jetés à terre, « quenelles », effigie de Macron décapitée… Plusieurs incidents et dérapages, parfois violents, se sont produits en marge de la mobilisation des « gilets jaunes », samedi 22 décembre. Le lendemain, le premier ministre a ainsi fustigé « un simulacre de décapitation du chef de l’Etat… Des agressions d’une violence inouïe contre des policiers… Des gestes antisémites en plein Paris… », réclamant des « sanctions pénales ». Le parquet de Paris a annoncé, dimanche 23 décembre, l’ouverture d’une enquête pour « violences volontaires » commises contre des motards de la police pris à partie dans la soirée de samedi par des manifestants sur les Champs-Elysées. En Indonésie, un tsunami provoqué par une éruption volcanique fait au moins 222 morts Des débris de bâtiments endommagés, près d’une plage à Anyer, le 23 décembre 2018, après que la région a été frappée par un tsunami le 22 décembre à la suite de l’éruption du volcan Anak Krakatoa. DASRIL ROSZANDI / AFP Causé par un glissement de terrain sous-marin lui-même provoqué par l’éruption du volcan Anak Krakatoa, ce tsunami a frappé, samedi soir à 21 h 30 (15 h 30, heure française), les municipalités situées de part et d’autre du détroit de la Sonde, dans le sud de Sumatra et l’ouest de Java. En fin de matinée dimanche, le bilan de ce tsunami s’élevait à 222 morts, plus de 800 blessés et une trentaine de disparus. Le bilan devrait donc, comme c’est toujours le cas en la matière, s’alourdir dans les prochaines heures. Macron en déplacement au Tchad Emmanuel Macron et Idriss Déby, le président du Tchad, au palais présidentiel de N'Djamena, le 23 décembre 2018. LUDOVIC MARIN / AFP Le président de la République a fêté Noël – avant l’heure – samedi à N’Djamena aux côtés de 900 soldats des troupes françaises déployées au sein de l’opération « Barkhane », chargée depuis l’été 2014 de combattre les groupes terroristes armés au Sahel. Loin des « gilets jaunes » et des dérapages, il a seulement commenté la situation à 2 heures du matin : « C’est maintenant l’ordre, le calme et la concorde qui doivent régner. Il est évident que les réponses les plus sévères seront apportées. » Dimanche après-midi, c’est à la décision de son homologue américain, Donald Trump, de retirer le plus vite possible les quelque 2 000 soldats américains stationnés en Syrie qu’il a réagi : « Je regrette très profondément la décision prise » par les Etats-Unis de partir de Syrie, a dit M. Macron. Il a également rendu hommage au chef du Pentagone, James Mattis, qui a démissionné après cette décision de retrait prise par Donald Trump. Climat : une pétition réclamant un recours en justice contre l’Etat recueille 1,5 million de signatures Plus de 1,5 million de signatures ont été recueillies en cinq jours. PHILIPPE LOPEZ / AFP La pétition en ligne pour soutenir un recours en justice contre l’Etat français pour inaction climatique, lancée par quatre ONG, comptait dimanche matin plus de 1,5 million de signatures, du jamais vu en France. Ces signatures ont été recueillies en cinq jours. Lundi 17 novembre, Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et l’association Notre affaire à tous avaient rendu publique leur initiative. Le texte, disponible sur le site laffairedusiecle.net, vise 2 millions de soutiens. Le djihadiste Peter Cherif en garde à vue Croquis de Peter Cherif au tribunal lors de l’ouverture de son procès, à Paris, le 26 janvier 2011. BENOIT PEYRUCQ / AFP Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a annoncé dimanche 23 décembre au matin que le djihadiste français Peter Cherif, arrêté à Djibouti le 16 décembre, avait été placé en garde à vue à son arrivée en France. Ce proche des frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo en janvier 2015, « avait fui la justice française. Il devra devant elle répondre de ses actes », a tweeté le ministre, saluant « l’efficacité » de ses services et des « échanges internationaux » qui ont permis son arrestation. Le djihadiste n’est pas visé par un mandat d’arrêt dans cette enquête, alors qu’il est parfois présenté comme un possible commanditaire.
23/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/23/gilets-jaunes-macron-au-tchad-tsunami-en-indonesie-les-cinq-infos-a-retenir-du-week-end_5401650_3224.html
Sergio Canavero, l’homme qui veut greffer des têtes
Fournir un corps de rechange à un intellect intact ? C’est l’ambition de ce chirurgien italien, qui fait fi d’obstacles techniques et de considérations éthiques.
Sergio Canavero, à Glasgow, en Ecosse, en 2016. JEFF J MITCHELL / GETTY IMAGES / AFP Sec comme un coup de trique, un casque de cycliste à la main, le crâne lisse et luisant sous le soleil turinois tel un galet sorti de l’eau, l’homme traverse à grands pas la piazza Castello vers ce journaliste venu de Paris spécialement pour lui. Un regard laser bleu-vert derrière ses lunettes, une assurance à toute épreuve, un anglais fluide parlé avec un accent américain, Sergio Canavero en impose malgré sa petite taille. « Allons nous asseoir dans les jardins du Palazzo Reale, c’est là que j’ai accueilli Der Spiegel, ça devrait aller pour Le Monde, non ? » Cela ira très bien. Chemin faisant, il évoque les études qu’il a faites en partie à Lyon, la beauté de la France, tout en dénigrant la gastronomie hexagonale. Pardon ? « Oui ! Ils ne savent pas faire les pâtes ! » On n’est pas venu dans la capitale du Piémont pour discuter cuisson des spaghetti. Si Sergio Canavero attire la presse du monde entier, c’est parce que ce neurochirurgien italien porte depuis 2013 un projet que l’on pourra, suivant le rapport que l’on entretient avec la notion de progrès scientifique, qualifier de fou, de grandiose ou d’immoral : il veut greffer des têtes. Pour résumer, imaginez que les organes contenus dans votre thorax et votre abdomen partent en sucette mais que la tête, siège de votre personnalité, de vos souvenirs, de votre esprit – bref l’endroit où vous habitez vraiment – tourne encore comme une horloge. N’auriez-vous pas envie qu’on vous l’implante sur un corps de rechange – celui d’un donneur en état de mort cérébrale – pour un nouveau tour de piste, tel un disque dur que l’on démonte d’un ordinateur à bout de souffle et qu’on réinstalle sur une machine neuve ? Comparé au docteur Frankenstein Sergio Canavero pense que oui, que certains en auront envie. Il a d’ailleurs reçu des candidatures. Si on est venu à Turin, ce n’est donc pas pour goûter les agnolotti ou le risotto au barolo mais pour comprendre ce qu’il y a dans la tête de cet homme de bientôt 54 ans, comment il a pu en arriver à ce concept qui lui vaut d’être comparé au docteur Frankenstein – comparaison qu’il apprécie d’ailleurs. Sa vocation médicale lui vient à 8 ans, en regardant à la télévision un épisode de la série américaine « Médecins d’aujourd’hui » puis un documentaire sur une greffe de cornée chez un homme qui n’y voit plus : « Je me rappelle les mots de ce patient. Il a juste regardé le ciel et dit : “Le ciel bleu est la chose la plus incroyable du monde.” Guérir un aveugle, c’était cool et je me suis dit “Oui, il faut que je devienne médecin.” » A 16 ans, il tombe sur un article consacré au médecin américain Robert White (1926-2010) qui, en 1970, avait transplanté la tête d’un singe sur le corps décapité d’un autre singe. « Cela a été un choc incroyable, se remémore l’Italien, j’ai été si scotché que j’ai dit “Quoi !?” et que j’ai lu, relu, re-relu cet article. Je me suis dit que c’était tellement bien qu’il fallait que je sois impliqué dans ce projet. Mon destin était scellé, il fallait que je fasse une greffe de tête humaine. »
23/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/23/sergio-canavero-l-homme-qui-veut-greffer-des-tetes_5401643_1650684.html
« The Bisexual » : errances affectives dans le Londres d’aujourd’hui
La minisérie de Desiree Akhavan met en scène une jeune femme bisexuelle qui refuse de s’engager.
Niamh Algar (Tania) et Desiree Akhavan (Leila) dans la minisérie « The Bisexual », de Desiree Akhavan et Rowan Riley. TEREZA CERVENOVA Canal+ Séries, dimanche 23 décembre à 20 h 50, minisérie Attention, pépite, pourrait-on dire, tant c’est cadeau de la part de Canal+ de diffuser, à la veille de Noël, les trois premiers épisodes de The Bisexual. C’est cru, c’est cash, c’est surtout très bien vu, comme une version plus politique, contemporaine et réaliste de The L Word (sorte de Friends revue à la sauce lesbienne des années 2000), et ce d’autant que Girls est passé par là. D’ailleurs, sa créatrice, Desiree Akhavan, a joué dans la série imaginée par Lena Dunham. Après avoir réalisé un court-métrage et une websérie (The Slope), c’est en donnant des interviews pour son premier long-métrage (Approprite Behavior, 2014) que Desiree Akhavan a eu l’idée de The Bisexual : « On me présentait en tant que réalisatrice bisexuelle irano-américaine. A chaque fois que j’entendais “bisexuelle”, ça me tendait. Pourtant, c’est la vérité », a expliqué la jeune femme de 34 ans. Dans l’épisode 3, le personnage principal (Leila, qu’elle incarne) le formulait ainsi : « Quand tu as dû te battre pour ça, l’homosexualité te définit pour l’essentiel. Choisir d’être gay ou straight entraîne un tout autre mode de vie. D’autres sapes, d’autres amis, tu peux pas être les deux. » Mais reprenons : Leila, donc, la trentaine, vit en couple avec Sadie, dix ans de plus, qui lui rappelle qu’« être gouine dans les années 1980, ça voulait dire tailler une pipe à un type de ta classe pour faire taire les rumeurs et que ta mère puisse faire les courses tranquille au supermarché » (épisode 4). A chacune sa croix, comme dirait l’autre. En tout cas, quand Sadie lui propose (dès le début de l’épisode 1) la totale – mariage et bébé –, Leila la quitte, réalisant qu’elle n’est pas prête à s’engager. Maxine Peake (Sadie) et Desiree Akhavan (Leila) dans la minisérie « The Bisexual », de Desiree Akhavan et Rowan Riley. TEREZA CERVENOVA Plus qu’une série identitaire Et c’est cela que raconte The Bisexual, qu’il serait dommage de réduire à une série identitaire quand, clairement, ce sont les étiquettes que Desiree Akhavan interroge et dépasse. C’est bien plus l’odyssée d’une femme qui, errant dans un Londres largement cosmopolite et résolument contemporain (principalement le quartier de Hackney), s’interroge sur ses peurs et ses désirs. Interrogations qu’elle partage avec son colocataire, incarné à merveille par Brian Gleeson (vu récemment dans Logan Lucky, de Steven Soderbergh, ou Mother !, de Darren Aronofsky). En panne d’écriture depuis la publication remarquée de son premier roman, il est lui aussi englué dans un tas de questions plus ou moins existentielles alors qu’il sort avec l’une de ses étudiantes, visiblement plus intéressée par sa capacité à lui obtenir un visa (elle est d’origine argentine) que persuadée de ses capacités à la faire jouir. Alors, ensemble, elle la lesbienne-bi et lui le mal casé en mal de véritable amour, ils écument les fêtes. On boit beaucoup (de bière). On couche beaucoup (enfin, elle, surtout). On parle beaucoup – de tout. On rit et on pleure, et parfois, même, les deux à la fois. Servie par des acteurs et actrices formidables, cette minisérie (seulement six épisodes, malheureusement) démontre encore, et si besoin était, tout le talent de Desiree Akhavan, qui a obtenu, cette année, le grand prix du jury du Festival du film de Sundance pour son long-métrage (disponible en VOD) Come as You Are, qui pourrait être, rêvons un peu, un super mot d’ordre pour Noël, non ? The Bisexual, de Desiree Akhavan et Rowan Riley, les 23 et 30 décembre (6 × 30 min). Disponible sur MyCanal en intégralité dès la première soirée. www.mycanal.fr
23/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/23/the-bisexual-errances-affectives-dans-le-londres-d-aujourd-hui_5401642_1655027.html
« Gilets jaunes » : une enquête ouverte après une scène antisémite dans le métro parisien
Un journaliste de « 20 Minutes » a été témoin de comportements antisémites de « gilets jaunes » à l’encontre de la fille d’un déporté à Auschwitz, samedi soir à Paris.
Un journaliste de « 20 Minutes » a été témoin d’une agression verbale antisémite par des « gilets jaunes » dans le métro parisien, samedi 22 décembre au soir. CHARLES PLATIAU / REUTERS La scène s’est produite samedi 22 décembre vers 23 heures, sur la ligne 4 du métro parisien. Un groupe de trois « gilets jaunes », « un peu éméchés », crie « Macron démission ! », rapporte sur Twitter Thibaut Chevillard, journaliste à 20 Minutes et témoin des événements. Je n'ai pas l'habitude de parler de ma vie personnelle sur Twitter. Mais j'ai été tellement choqué par ce que j'ai… https://t.co/424PhNCwE2 — TiboChevillard (@Thibaut Chevillard) Aux hurlements ne tarde pas à se joindre le geste : des « quenelles », un mouvement qui consiste à tendre un bras vers le bas tout en plaçant la main opposée sur l’épaule du bras tendu, signe de ralliement popularisé par Dieudonné M’Bala M’Bala. Une vieille dame se lève et leur demande de cesser de faire ce geste antisémite, en vain. Une enquête a été ouverte par la préfecture de police de Paris dimanche et confiée à la police régionale des transports. A la suite de l’agression antisémite dans une rame de la ligne 4 du métro à Réaumur-Sébastopol hier soir, la Police… https://t.co/Qqg0gCjdzD — prefpolice (@Préfecture de police) Quenelles et hurlements La septuagénaire qui s’est levée, a, selon ses dires et ceux du journaliste, tenté de faire comprendre aux trois « gilets jaunes » d’une quarantaine d’années la portée de leur comportement : « C’est un geste antisémite, je suis juive, mon père a été déporté à Auschwitz où il est mort. Je vous demande d’arrêter. » Une prise de parole qui n’aurait pas ému les trois « gilets jaunes », l’un deux lui répondant d’un ton moqueur, toujours selon ces deux témoins : « Moi aussi, j’ai été à Auschwitz ! » Un autre s’est alors mis à hurler à plusieurs reprises : « Dégage la vieille ! » Arrivée à la station Saint-Sulpice, elle est descendue dans le calme. Selon le journaliste de 20 minutes, les trois hommes avaient l’air « très fiers de leur coup ». Et d’ajouter : « [L’un d’entre eux] est sorti du métro du côté de Saint-Germain-des-Prés. Pour se dire au revoir, ils ont fait des quenelles. Les deux autres se sont remis à chanter “Macron démission”, et ils sont descendus à Montparnasse. » Lire notre analyse : « Quenelle », comment un geste antisémite est devenu un emblème Une enquête ouverte Une enquête, confiée à la police régionale des transports, a été ouverte pour retrouver les auteurs de ces propos antisémites, a annoncé la préfecture de police de Paris dimanche midi sur Twitter. La veille dans la nuit, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait demandé sur le même réseau social que « tout [soit] mis en œuvre pour identifier ces individus. Ils doivent répondre de leurs actes abjects ». Ignoble et insoutenable. Tout sera mis en œuvre pour identifier ces individus. Ils doivent répondre de leurs acte… https://t.co/In7ZYIjBhC — CCastaner (@Christophe Castaner) Samedi matin déjà, sur le parvis du Sacré-Cœur, des manifestants portant des gilets jaunes avaient été filmés en train de faire des quenelles et d’entonner une chanson de l’humoriste polémique Dieudonné. Une situation qui a fait réagir le premier ministre, Edouard Philippe, dimanche matin sur Twitter, affirmant qu’« il est hors de question de banaliser de tels gestes, qui doivent faire l’objet d’une condamnation unanime et de sanctions pénales ». ▶️ A Montmartre, plusieurs gilets jaunes entonnent "La quenelle", chanson de l'humoriste antisémite Dieudonné https://t.co/B0IySJFgzX — YahooActuFR (@Yahoo Actualités) « Propos d’ivrogne » Retrouvée par 20 minutes, la dame de « 74 ans et demi » a estimé pour sa part qu’il s’agissait de « propos d’ivrognes » et affirme ne pas s’être sentie en danger, malgré l’absence de réaction des autres passagers. « Ils ont probablement estimé que ce n’était pas la peine de leur répondre », avance-t-elle, avant de poursuivre : « Et puis pour des trucs plus graves que ça, ils ne bougent pas, donc… » Elle affirme enfin avoir entendu l’un des individus parler de la « Révolution nationale », l’un des piliers de l’idéologie du régime de Vichy, qui prônait le retour à une société traditionnelle et patriarcale. « Sans doute des sympathisants du Front national », précise-t-elle. La vieille dame ne portera pas plainte, dit-elle à 20 minutes : « Je suis au-dessus de tout ça ! »
23/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/23/gilets-jaunes-une-enquete-ouverte-apres-une-scene-antisemite-dans-le-metro-parisien_5401633_3224.html
Donald Trump nomme Patrick Shanahan chef par intérim du Pentagone
Le ministre de la défense, James Mattis, avait annoncé sa démission jeudi après l’annonce surprise par le président américain du retrait de ses troupes de Syrie.
Patrick Shanahan, le 16 juin 2009, au Bourget. PIERRE VERDY / AFP Le président américain, Donald Trump, a annoncé, dimanche 23 décembre, le remplacement par intérim du ministre de la défense, Jim Mattis, dès le 1er janvier, soit plus tôt que prévu, par son adjoint, Patrick Shanahan. « J’ai le plaisir d’annoncer que notre très talentueux ministre adjoint de la défense Patrick Shanahan, assumera le titre de ministre de la défense par intérim à partir du 1er janvier 2019 », a tweeté M. Trump. I am pleased to announce that our very talented Deputy Secretary of Defense, Patrick Shanahan, will assume the titl… https://t.co/hUtkUQf7yS — realDonaldTrump (@Donald J. Trump) M. Shanahan occupe le poste d’adjoint au Pentagone depuis juillet 2017, d’après le site internet du ministère. Auparavant, il a été vice-président du constructeur aéronautique américain Boeing, chargé de la logistique et des opérations, mais aussi vice-président et directeur général de Boeing Missile Defense Systems. Il avait intégré ce groupe en 1986. James Mattis avait annoncé jeudi sa démission après l’annonce surprise par le président Trump du retrait des quelque 2 000 soldats américains en Syrie, estimant que le groupe Etat islamique (EI) était vaincu. La démission de Mattis devait être effective fin février. L’ordre de retrait des troupes de Syrie a lui bien été signé dès dimanche. Le président français, Emmanuel Macron, a critiqué un peu plus tôt dimanche, à N’Djamena, son homologue américain à propos de sa décision de retirer ses troupes de Syrie. « Un allié se doit d’être fiable, se coordonner avec ses autres alliés », a-t-il dit. « Je veux ici rendre hommage au général Mattis et aux propos qui ont accompagné sa décision, depuis un an nous avons constaté combien il a été un interlocuteur fiable, avait ajouté le chef de l’Etat. Etre allié, c’est combattre épaule contre épaule. » Donald Trump a par ailleurs affirmé dimanche avoir discuté avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, du retrait « lent et extrêmement coordonné » des troupes américaines de Syrie. « Je viens d’avoir une conversation téléphonique longue et productive » avec M. Erdogan, a-t-il tweeté, ajoutant avoir également discuté du groupe Etat islamique, « de notre engagement mutuel en Syrie » et de relations commerciales « considérablement accrues ». I just had a long and productive call with President @RT_Erdogan of Turkey. We discussed ISIS, our mutual involveme… https://t.co/yMG7EFB4uj — realDonaldTrump (@Donald J. Trump) Article réservé à nos abonnés Lire aussi Président Trump, an II : la retraite des généraux
23/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/23/donald-trump-nomme-patrick-shanahan-chef-par-interim-du-pentagone_5401627_3210.html
« Quand les filles d’Abidjan prennent le pouvoir sur la drague grâce aux réseaux sociaux »
Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest (1). Stella Attiogbe raconte comment le numérique a bouleversé les mœurs des jeunes Ivoiriens.
Fête du Nouvel An à Abidjan. SIA KAMBOU/AFP Chronique. Serait-ce la grande revanche des filles ? Alors que dans toute l’Afrique de l’Ouest, les Ivoiriens traînent dans leur sillage une réputation de fêtards et d’amants pas très fidèles, les jeunes Ivoiriennes, elles, qui jusqu’alors restaient très sages, viennent d’adopter une nouvelle stratégie. Faisant fi de la tradition, ces dernières n’hésitent plus à retourner le mougoupan contre les garçons. A Abidjan, toute la jeunesse vit à l’heure de ce terme 100 % ivoirien, cette stratégie d’ordinaire masculine qui consiste à faire croire qu’on cherche une relation sérieuse et à disparaître une fois la première relation sexuelle consommée. Inconnu hors les frontières, ce terme est central dans le lexique ivoirien de la drague, comme le goumin, l’incontournable chagrin d’amour qui succède à ces idylles déçues. Présentation de notre série Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest Des générations de jeunes femmes idéalistes ont vécu, comme Fatou*, une belle histoire romantique avant de tomber de haut. La rengaine était toujours la même que pour l’étudiante de 22 ans. « Nous avons parlé pendant des mois, nous étions un vrai couple, il m’a mise en confiance pour me faire tomber amoureuse. Je n’aurais pas pu imaginer qu’il ne voulait que mon corps. » « Juste pour le fun » Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, tout ça, c’est du passé. Une petite clique de jeunes femmes émancipées a décidé d’en finir avec la victimisation et de profiter elles aussi de leur sexualité sans contraintes, quitte à passer pour des demoiselles sans cœur. « C’est juste pour le fun. Tout le monde a le droit de s’amuser », explique Rokia, 22 ans, blogueuse et modèle. Avec la montée en puissance de Facebook, c’est devenu un jeu d’enfant. Et les autres sites de rencontres ont vite été éclipsés par le réseau social qui est devenu un fabuleux outil de drague à Abidjan. « Dans une fête ou à l’université, tu ne peux pas aborder toutes les filles. Avec Facebook, tu as juste à connaître son nom, ce qui est facile, et à lui envoyer un message. Ensuite, tu peux jauger si tu es autorisé à un pas de plus ou s’il faut la zapper. Au moins, si tu te fais gbê (recaler), ça reste entre vous », raconte Ismaël, un étudiant abidjanais de 19 ans. L’une des leçons du mougoupan des filles, c’est que les garçons, à l’instar de Moussa, un graphiste de 23 ans, s’en remettent très bien : « Ça m’est déjà arrivé qu’une fille me fasse un mougoupan. J’avoue avoir été un peu surpris, mais je ne peux pas trop me plaindre vu que j’ai fait déjà fait la même chose à plusieurs filles ! Souvent, on a juste envie de sexe et c’est comme ça. » Lire aussi En Côte d’Ivoire, les femmes humoristes prennent le pouvoir Ce changement de mœurs aurait pu en rester là si les réseaux sociaux n’avaient pas aussi facilité une certaine commercialisation des corps, allant même parfois jusqu’à la prostitution. A Abidjan comme ailleurs, monnayer ses charmes reste un moyen de subsister. Car comme le dit une jolie expression du pays : « On ne mange pas l’amour ». Mais hier cantonnée aux bas quartiers, la relation d’un soir tarifée gagne aujourd’hui les jeunes de la classe moyenne attirés par le désir de l’argent facile et l’envie de s’acheter quelques accessoires de luxe pour briller en société. Ce glissement, « inévitable » pour Joyce, étudiante de 20 ans, s’explique par le fait que « l’amour n’est pas trop inculqué dans les valeurs ivoiriennes, du coup, la jeunesse se fie à ce qu’elle voit dans les feuilletons ». Magie du sentiment amoureux Alors, et si c’était le moment de lever tous les tabous ? Car les parents africains, souvent silencieux lorsqu’il est question de parler d’amour et de sexualité à leur progéniture, ont aussi leur part à faire. Dans les appartements ivoiriens, autour de la table du dîner, les flirts et le sexe sont rarement au menu des discussions familiales. Et « les jeunes ne perçoivent plus forcément les relations amoureuses comme un préalable au mariage, explique Joyce, ce qui conduit forcément à multiplier les conquêtes » et à repousser l’âge où l’on s’engage vers 25 ans. A Abidjan comme ailleurs, drague et mariage correspondent à des âges différents de la vie. « Toutes ces choses-là dépendent du cadre, des circonstances et de ce que chacun attend d’une relation, confie Nourah, toute jeune journaliste de 20 ans. Les vraies relations amoureuses ne se basent ni sur le sexe ni sur l’argent. Lorsqu’on est vraiment prêt à se caser, on met tout ça de côté et on évolue ensemble, main dans la main. » « L’amour est une évidence, conclut Fatou. On ne peut pas vraiment le définir, mais quand tu aimes, tu le sais. C’est tout. » Si les réseaux sociaux ont pris la main sur la drague électronique et remis un peu d’égalité entre les filles et les garçons, ils n’ont donc pas fait disparaître la part de magie du sentiment amoureux. Car, comme la majorité des jeunes du monde, les filles et garçons de Côte d’Ivoire interviewés pour cet article croient en l’amour. Ils ne sont pas de fins romantiques, mais ils font de leur mieux pour rendre justice à ce merveilleux sentiment. * Tous les prénoms ont été modifiés. Stella Attiogbe, Ivoirienne de 21 ans, travaille pour la Social Change Factory à Abidjan, une association panafricaine de leadership citoyen qui œuvre pour « l’émancipation, l’autonomisation, l’épanouissement et l’engagement de la jeunesse en Afrique ». Diplômée d’un bachelor en administration des affaires, elle écrit aussi régulièrement pour des magazines en ligne. Engagée, elle privilégie les sujets sur l’éducation et les droits des enfants. Cette série a été réalisée dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds français Muskoka. Stella Attiogbe (Abidjan)
23/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/23/quand-les-filles-d-abidjan-prennent-le-pouvoir-sur-la-drague-grace-aux-reseaux-sociaux_5401617_3212.html
Samu d’Ile-de-France : 2,4 millions d’euros annoncés pour pallier le manque d’effectifs
Les agents du Samu de la Seine-Saint-Denis ont déposé un préavis de grève pour lundi 24 décembre afin de dénoncer un manque de personnel qui ne permet plus, selon eux, de répondre correctement aux appels au 15.
L’Agence régionale de santé (ARS) a annoncé qu’elle allait débloquer 2,4 millions d’euros pour les huit Samu d’Ile-de-France, qui dénoncent un manque de personnel pour répondre aux appels au 15. C’est pour protester contre cette situation de carence que le Samu de la Seine-Saint-Denis a appelé à une grève lundi 24 décembre. A la suite d’un courrier des Samu franciliens qui pointaient du doigt « le fait qu’il manque des auxiliaires de régulation médicale », Aurélien Rousseau, directeur général de l’ARS d’Ile-de-France a déclaré à l’AFP qu’il allait « débloquer une enveloppe exceptionnelle de soutien à chacun des Samu d’IDF de 300 000 euros, ce qui fait 2,4 millions à l’échelle régionale. » Cette somme, « débloquée sur des crédits propres à l’agence », sera versée « la première semaine de janvier », a-t-il précisé. M. Rousseau reconnaît des difficultés de recrutement, un turnover très élevé dans certains Samu, « comme à Paris et en Seine-Saint-Denis », ainsi qu’un « nombre d’appels qui augmentent, par exemple à Paris avec les gilets jaunes ». Il constate également de « vraies disparités d’activité et d’indicateurs de résultats entre les différents Samu », estimant qu’il y a un « travail de fond à faire sur l’organisation ». Préavis de grève le soir de Noël Les agents du Samu de la Seine-Saint-Denis ont déposé un préavis de grève pour lundi afin de dénoncer un manque de personnel qui ne permet plus, selon eux, de répondre correctement aux appels au 15. « La principale revendication porte sur le manque de moyens humains. L’objectif est de répondre à 90% des appels en moins d’une minute, on en est très loin », expliquait samedi à l’AFP le professeur Frédéric Adnet, directeur du Samu en Seine-Saint-Denis. « 300 000 euros, c’est satisfaisant mais ça doit être pérenne, afin que l’on puisse embaucher », a-t-il réagi dimanche après l’annonce de l’ARS. Christophe Prudhomme, délégué CGT du Samu 93, a confirmé dimanche à l’AFP la grève annoncée à partir de lundi minuit. « Nous attendons la concrétisation de ces promesses dans le cadre d’un protocole de fin de conflit » avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a-t-il dit. Une réunion de négociation entre la direction de l’hôpital Avicenne-Bobigny - où sont installées les équipes du Samu 93 -, la direction de l’AP-HP et la CGT doit avoir lieu lundi afin de « prendre toutes les mesures nécessaires pour traduire opérationnellement et le plus rapidement possible le soutien annoncé par l’ARS », a annoncé l’AP-HP dans un communiqué. Elle précise que « la continuité de ce service public essentiel sera bien assurée ce même jour ». L’AP-HP avait fait savoir samedi qu’elle avait déjà accordé au Samu 93 « un renfort de l’effectif pour la période hivernale », en augmentant notamment de trois postes (de 42 à 45 postes) les assistants régulateurs médicaux qui assurent la réponse téléphonique des appels au 15. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Urgences hospitalières : un redéploiement à bas bruit
23/12/2018
sante
https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/12/23/samu-d-ile-de-france-2-4-millions-d-euros-annonces-pour-pallier-le-manque-d-effectifs_5401609_1651302.html
Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest
Quatre garçons et filles ont débattu à Dakar de leurs rêves et de leurs difficultés. Rentrés chez eux, ils ont écrit sur les sujets qui leur tiennent à cœur. « Le Monde Afrique » leur donne la parole dans une série spéciale.
A Mbour, au Sénégal, le 3 novembre 2017. Vincent Tremeau/ UNFPA/Fonds Français Muskoka/ « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. » Ce vers d’Arthur Rimbaud, ode à l’amour et à l’insouciance adolescente, peut-il s’appliquer à la jeunesse africaine ? Sur le plus jeune continent du monde, où la moitié de la population a moins de 18 ans, les défis des adolescents sont nombreux. Pouvoir rester à l’école, accéder à l’éducation sexuelle et à la contraception, éviter le chômage, les mariages précoces, les violences de genre sont autant de challenges qui ont des répercussions dans leurs relations sentimentales et leur parcours personnel. Assistant réalisateur sénégalo-guinéen, Mohamed Keita, 25 ans, a mené une partie de ces combats. Après avoir dû fuir à 9 ans sa maison d’Abidjan lors de la crise ivoirienne de 2003, il s’est réfugié à Dakar, y est devenu acteur dans une série télé où il joue un footballeur pris dans les tourments d’une sexualité naissante et travaillé par son désir de migrer. Dans sa vie, Mohamed ne compte plus ses amis partis pour l’Europe, ses camarades tombées enceintes au lycée ou ses cousines victimes d’excision. C’est aussi cela être jeune en Afrique en 2018 et le comédien a bien l’intention de continuer à utiliser la fiction pour dénoncer ces fléaux bien réels et encore tabous. Pour s’exprimer dans le cadre de notre série, c’est la caméra qu’il a choisie. En partenariat avec le Fonds français Muskoka, Le Monde Afrique a en effet enquêté sur cette jeunesse et décidé de lui donner la parole. A l’heure d’Internet et des satellites qui amènent les télévisions européennes sur le continent, comment est-on jeune en Afrique ? Peut-on s’offrir cette insouciance à laquelle la jeunesse européenne semble avoir accès sans limites ? A eux de le raconter. A leur manière. Humour et sensibilité Huit jeunes chroniqueurs ont donc été sélectionnés dans les huit pays d’Afrique de l’Ouest et centrale où le Fonds Muskoka mène de nombreuses actions de sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive : Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. Mohamed Keita est l’un d’eux. A ses côtés, Le Monde Afrique a ajouté sept voix, toutes différentes. Trois autres garçons et quatre filles. Judith Gnamey, 26 ans, est de l’aventure. Dans le groupe, elle se fait même, depuis la Chine où elle prépare un doctorat en biochimie, le porte-voix de ces jeunes Africains expatriés pour leurs études. A Harbin, « ville de glace » aux confins de la Mandchourie, à 350 km de la frontière russe et du fleuve Amour, elle compare avec humour et sensibilité les relations amoureuses entre les deux continents. Racontant comment, dans la « Moscou d’Orient », sa « différence » de femme africaine attise la curiosité. Un quotidien bien éloigné de celui d’Aminata Adama Keïta, poétesse malienne de 19 ans, déclarée championne nationale de poésie de son pays en 2015 à l’âge de 17 ans. Imprégnée de littérature française et admiratrice d’Alexandre Dumas fils et de sa Dame aux camélias, elle aime écrire, en vers ou en prose, sur l’amitié, le chômage des jeunes, le mariage forcé, la misère sexuelle. Lire aussi Les mariages précoces ruinent l’Afrique Des troubles, ils en ont à raconter ces jeunes qui ont grandi dans une Afrique subsaharienne où près de la moitié des habitants vit en dessous du seuil inter­national de pauvreté, établi à 1,90 dollar (1,68 euro) par jour. Cette misère, les adolescents en paient le prix fort puisque, selon les pays, de 56 % à 95 % des enfants de 5 ans à 17 ans sont privés soit d’éducation, soit d’accès à l’eau, d’hygiène, d’un logement salubre ou, tout simplement, d’information. Et que dire de la situation des filles ? Les chiffres du Fonds des Nations unies pour la population et de l’Unicef sont alarmants : 43 % des jeunes Africaines sont mariées avant l’âge de 15 ans, et 52 % d’entre elles ont eu des rapports sexuels au même âge, dont 95 % sans contraception. En Afrique de l’Ouest et centrale, 25 000 adolescentes de 15 à 19 ans sont infectées par le VIH, contre 11 000 garçons. Regarder en soi et débattre Mais la jeunesse africaine ne baisse pas la tête. En témoigne l’histoire de Moukhtar Ben Ali. Tchadien de 26 ans, sélectionné par Le Monde Afrique, a ainsi vu son regard sur le monde changer grâce à l’informatique. Tombé dans les circuits imprimés lorsqu’il était tout petit, cet étudiant en comptabilité de N’Djamena, a fait très tôt partie de WenakLabs, un club de passionnés d’écriture et de bidouillage numérique. C’est en regardant la série américaine 24 Heures chrono qu’il est devenu geek, comme aime à se présenter celui qui mettrait bien ses compétences au service de la lutte contre les djihadistes du Sahel. Pour notre série, il s’est interrogé sur la peur des hommes de son pays de se marier avec des femmes qui veulent faire carrière et a interviewé une femme qui milite pour le leadership féminin au Tchad. Le militantisme, Hadja Idrissa Bah aussi connaît. La Guinéenne de 19 ans, engagée dès 13 ans dans la vie politique de son pays, lutte au quotidien contre les mariages forcés, les viols conjugaux et les mutilations génitales. Si elle a de l’ambition pour elle, elle en a aussi pour les filles et les femmes de Guinée. Elle a donc souhaité interpeller le président de son pays pour que leur situation bouge. Hadja, Moukhtar, Aminata, Mohamed, Issaka, Judith, Stella ou Glory, tous ont été repérés grâce à leur blog, à une vidéo ou à des textes qui témoignent de leurs personnalités singulières. A Dakar, pendant une semaine, ils ont dialogué, débattu, raconté leurs rêves et les obstacles à leur réalisation. Ils ont accepté de regarder en eux, pour confronter leurs similarités comme leurs différences. Ils ont parlé d’amour, de sexualité, et des contraintes qui empêchent leur expression, entravent la liberté de leurs sentiments. Rentrés chez eux, ils ont enquêté, photographié, interviewé, écrit et filmé pour témoigner de leur société et de leur quotidien. Leurs productions, que Le Monde Afrique vous proposent de suivre durant onze épisodes, dessinent le portrait d’une Afrique vive, positive, talentueuse, curieuse et forte d’espoirs. D’ici à la fin du XXIe siècle, presque la moitié des jeunes du monde seront africains. Une jeunesse puissante qui œuvre à rétablir son droit à l’insouciance et au bonheur. Cette série a été réalisée dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds français Muskoka.
23/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/23/amour-et-sexualite-avoir-20-ans-en-afrique-de-l-ouest_5401607_3212.html
« Graines d’étoiles… Cinq ans après » : itinéraires et confidences de jeunes danseurs
Françoise Marie poursuit sa série documentaire consacrée aux apprentis de l’école de danse de l’Opéra de Paris.
« Graines d’étoiles… Cinq ans après », une série documentaire de Françoise Marie. ARTE.TV Arte, dimanche 23 décembre à 19 h 15, documentaire Que sont-ils devenus ? Sur ce refrain télévisuel connu, la série documentaire lancée en 2013 par Françoise Marie sur les petits rats de l’Opéra national de Paris ajoute un nouveau chapitre. Cinq ans après, on retrouve les jeunes apprentis de l’école de danse. Ils avaient entre 11 et 17 ans ; ils ont aujourd’hui entre 17 et 23 ans. Les plus jeunes sont encore à l’école, certains ont passé et réussi le concours pour intégrer le corps de ­ballet de la troupe parisienne, d’autres ont bifurqué dans différentes compagnies, lestés d’un bagage technique reconnu de tous les professionnels. Les ados ont évolué, mûri. Sur le fil de cinq épisodes intitulés Danser classique, La Liberté d’être soi, Le Chemin des étoiles, L’Envol et Danser sa vie, on les suit en répétition, en studio, chez eux ou en famille. Dans l’apprentissage du Lac des cygnes, chorégraphié en 1984 par Rudolf Noureev d’après Marius ­Petipa, sur la musique de Tchaï­kovski, certains confient leurs difficultés, leurs points de vue. « Il y a vraiment le sentiment de faire partie d’un tout et c’est une expérience incroyable », confie Alice. Fraîcheur et sincérité Du classique au contemporain, pénétrer dans les secrets de fabrication de l’œuvre de Jiri Kylian est une des richesses de la maison. « Ici, on rencontre de fortes personnalités avec des univers qui ne ressemblent à aucun autre, analyse Antonio. On plonge dans des choses profondes que l’on n’a pas encore explorées personnellement. » Entre décryptage de leur parcours artistique et confidences sur leur vie et leurs choix, on retrouve le ton plein de fraîcheur et de sincérité des participants que Françoise Marie réussit à mettre en scène avec tact. En toute simplicité, le danseur Chun Wing, dont la famille habite à Hongkong, fait découvrir le Palais Garnier à sa mère en évoquant sa nostalgie. Joyeuse, l’ambiance d’un pique-nique à l’école de danse, à Nanterre, regroupant de jeunes interprètes ­venus d’autres pays, plonge dans le quotidien. On suit aussi certains des jeunes ayant choisi d’aller à San Francisco ou ailleurs, en pointant le fonctionnement du Ballet de l’Opéra national de Paris et les difficultés de la carrière de danseur. Les allers-retours entre hier et aujourd’hui soulignent avec une émotion pudique les trajectoires pleines de péripéties entre l’enfance et l’âge adulte. Graines d’étoiles… Cinq ans après, de Françoise Marie (Fr., 2018, 30 min). www.arte.tv
23/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/23/graines-d-etoile-cinq-ans-apres-itineraires-et-confidences-de-jeunes-danseurs_5401604_1655027.html
Thiago Silva victime d’un cambriolage, préjudice estimé à plusieurs centaines de milliers d’euros
Le capitaine du PSG a été cambriolé samedi soir pendant le match contre Nantes. Son coéquipier Eric Choupo-Moting avait connu la même mésaventure en novembre.
Le défenseur du Paris-Saint-Germain Thiago Silva lors du match retour contre l’Etoile rouge de Belgrade, le 11 décembre 2018, en Serbie. Darko Vojinovic / AP Fin de soirée difficile pour Thiago Silva. Le domicile parisien du défenseur et capitaine du Paris-Saint-Germain a été cambriolé samedi soir, au moment où le club affrontait Nantes, a appris l’Agence France-Presse dimanche de source policière, confirmant une information de L’Equipe. Le montant du préjudice est estimé à plusieurs centaines de milliers d’euros, a précisé la source. Domicilié dans le 16e arrondissement de la capitale, le joueur brésilien participait au match de Ligue 1 opposant en soirée le PSG au FC Nantes (1-0), lorsque le ou les malfaiteurs se sont introduits à son domicile. Ce n’est pas la première fois qu’un joueur du club est victime d’un cambriolage un soir de match. Le 28 novembre, le Camerounais Eric Choupo-Moting avait déjà connu pareille mésaventure pendant la réception de Liverpool en Ligue des champions (2-1 au Parc des Princes). Le préjudice avait été estimé à 600 000 euros. Depuis, toutes les résidences des joueurs parisiens avaient bénéficié d’un contrôle de sécurisation lancé par le club, avec installation de systèmes de protection. Les joueurs du PSG ne sont pas les seules cibles en Ligue 1. L’attaquant néerlandais de Lyon Memphis Depay avait aussi été victime d’un cambriolage le 31 août pendant un match contre Nice. Les voleurs avaient alors dérobé des bijoux et des vêtements de luxe de son domicile lyonnais. Le montant total du préjudice avait été estimé à 1,5 million d’euros. Dans le cas du cambriolage de Thiago Silva, l’enquête a été confiée à la brigade de répression du banditisme (BRB) de la police judiciaire parisienne. Selon L’Equipe, les cambrioleurs seraient passés par les toits au cœur d’un quartier ultra-sécurisé où vivent de nombreuses personnalités.
23/12/2018
football
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/23/thiago-silva-victime-d-un-cambriolage-prejudice-estime-a-plusieurs-centaines-de-milliers-d-euros_5401600_1616938.html
Un petit poisson trouble le test du miroir
Controverse dans le monde de la biologie du comportement : le labre nettoyeur aurait réussi l’examen censé prouver la conscience de soi.
Zoologie. Parmi les spécialistes de l’intelligence animale, le test du miroir fait figure de juge de paix. Depuis son invention en 1970, il divise le monde en deux : ceux qui disposent de la conscience de soi et ceux qui en sont dépourvus. D’un côté, les chimpanzés, les orangs-outans et les humains ; de l’autre le reste du règne animal. Certains chercheurs ajoutent aux heureux élus les bonobos, les gorilles, les éléphants d’Asie, les dauphins et les pies. Mais même dans sa version élargie, le club reste particulièrement sélect. Or un chercheur sud-africain travaillant à l’Institut Max-Planck de Constance (Allemagne) vient de faire une annonce fracassante. Dans un article mis en ligne sur le site de partage bioRxiv et accepté par la revue PLoS Biology, Alex Jordan assure avoir fait passer avec succès les épreuves traditionnelles du fameux test à des labres nettoyeurs. Jusqu’ici, ce petit poisson tropical tricolore (noir, blanc et bleu) avait retenu l’attention des chercheurs par son mode de vie bien particulier. En effet, il se nourrit des parasites accumulés sur les écailles d’autres poissons, bien plus gros, les libérant du même coup de ces visiteurs indélicats. « Il doit savoir lesquels de ces gros poissons vont l’attaquer ou pas, précise le biologiste du comportement. Il les trompe aussi parfois en en profitant pour avaler un peu du mucus qui les protège. Un peu mais pas trop… Tout ça lui demande une intelligence supérieure. C’est ce qui nous a donné l’idée de lui faire passer le test. » Des labres nettoyeurs face à un miroir. Alex Jordan Ledit test consiste à placer une marque de couleur sur un individu, en un point qu’il ne peut voir directement (sur la face ou le cou) et à lui présenter alors un miroir. Les uns restent insensibles ou attaquent le concurrent qu’ils croient discerner dans leur reflet ; les autres se mirent puis tentent de se débarrasser de la tache. Et c’est précisément ce qu’ont fait trois des quatre poissons à qui Alex Jordan venait d’injecter un colorant brun sous la peau de la gorge. Après observation, ils sont allés se frotter contre des rochers. Apaisaient-ils une démangeaison ? Jordan a vérifié avec une injection incolore, sans troubler le comportement des poissons. Le biologiste sud-africain a d’abord tenté de publier ces résultats dans la prestigieuse revue Science. Il a essuyé un refus, après un rapport défavorable des reviewers (relecteurs), parmi lesquels Gordon Gallup, l’inventeur du test du miroir. « Les marques ressemblent à des parasites et les labres nettoyeurs ont l’habitude de les retirer des autres poissons, explique au Monde le pionnier, professeur à l’université de l’Etat de New York à Ithaca. En se grattant la gorge, il peut juste essayer d’attirer l’attention de son condisciple de la présence d’un parasite sur la gorge de celui-ci. »
23/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/23/un-petit-poisson-trouble-le-test-du-miroir_5401597_1650684.html
Macron dit « regretter très profondément » la décision américaine de se retirer de Syrie
Lors d’une conférence de presse à N’Djamena, le président français a rendu hommage au chef du Pentagone, James Mattis, qui a démissionné après cette décision de retrait prise par Donald Trump.
Emmanuel Macron s’apprête à rencontrer des femmes tchadiennes, à N’Djamena, le 23 décembre 2018. LUDOVIC MARIN / AFP Lors d’une conférence de presse qu’il tenait dimanche 23 décembre avec Idriss Déby, le président tchadien, au palais présidentiel de N’Djamena, Emmanuel Macron n’a pas voulu commenter les violences en marge des manifestations des « gilets jaunes » à Paris. Interrogé sur le retrait des Américains de Syrie, il a en revanche déclaré : « Un allié se doit d’être fiable, se coordonner avec ses autres alliés. » Le président américain, Donald Trump, a en effet annoncé mercredi sa décision de retirer le plus vite possible les quelque 2 000 soldats américains stationnés en Syrie, estimant que le groupe Etat islamique (EI) était vaincu. « Je regrette très profondément la décision américaine en Syrie et je veux rendre hommage au général Mattis.» Emman… https://t.co/hhr5rmpnYY — ArianeChemin (@Ariane Chemin) « Je regrette très profondément la décision prise » par les Etats-Unis de partir de Syrie, a dit M. Macron. Il a rendu hommage au chef du Pentagone, James Mattis, qui a démissionné après cette décision de retrait prise par Donald Trump. A plusieurs reprises, cet ex-général des marines âgé de 68 ans avait mis en garde contre un départ précipité de Syrie, évoquant le risque de « laisser un vide qui puisse être exploité par le régime [du président Bachar Al-] Assad ou ses soutiens ». « Je veux ici rendre hommage au général Mattis et aux propos qui ont accompagné sa décision, depuis un an nous avons constaté combien il a été un interlocuteur fiable », a dit le chef de l’Etat. « Etre allié, c’est combattre épaule contre épaule », a-t-il ajouté, en précisant que c’était précisément ce que la France faisait avec le Tchad dans la lutte contre les groupes djihadistes dans la bande sahélo-saharienne. Dans un courrier adressé jeudi à Donald Trump, James Mattis, très respecté sur la scène internationale, mais qui entretenait des relations difficiles avec le président américain depuis plusieurs mois, avait insisté sur la nécessité pour les Etats-Unis de « traiter les alliés avec respect ». Vendredi, c’est l’émissaire américain pour la coalition internationale anti-djihadistes, Brett McGurk, qui a décidé de jeter l’éponge en offrant sa démission au secrétaire d’Etat, Mike Pompeo. La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, alliés des Etats-Unis dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) et cibles régulières de ses attaques, n’ont pas caché leur inquiétude après l’annonce du retrait américain. Emmanuel Macron s’exprimait dans le cadre de sa visite au Tchad, où il est arrivé samedi pour fêter Noël avec les neuf cents soldats des troupes françaises déployées au sein de l’opération « Barkhane », chargée depuis l’été 2014 de combattre les groupes terroristes armés au Sahel. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le régime syrien devrait intensifier sa pression sur les Kurdes après le retrait américain Au lendemain de la sixième journée de mobilisation nationale des « gilets jaunes », le président a assuré que les mesures de soutien au pouvoir d’achat annoncées le 10 décembre étaient une « réponse pleinement assumée ». « C’est une réponse pleinement assumée, que j’ai voulue, à ce que j’ai considéré être la demande juste, la colère juste du peuple français » Le Parlement a définitivement adopté vendredi une série de mesures en faveur du pouvoir d’achat décidées dans l’urgence par l’exécutif pour tenter de mettre fin à la crise des « gilets jaunes » grâce à la mobilisation de plus de 10 milliards d’euros. « Cela a un coût, il est assumé, le premier ministre a expliqué comment il serait couvert, à la fois par des mesures fiscales, par un décalage budgétaire de court terme, a-t-il ajouté avant de s’envoler vers la France, au terme d’une visite officielle de deux jours au Tchad. Mais il n’y aura aucune économie faite sur le budget des armées et la défense militaire. C’est ce que nous devons à nos soldats et à nos concitoyens. »
23/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/23/macron-dit-regretter-tres-profondement-la-decision-americaine-de-se-retirer-de-syrie_5401594_3210.html
Les films de Noël de la rédaction du « Monde.fr »
Vous savez déjà quoi regarder entre Noël et le jour de l’An ? Voici notre sélection courte et 100 % subjective, des meilleurs films de Noël.
Et vous, vous êtes plutôt rom com ou péplum ? Maman j’ai raté l’avion, ou Le Père Noël est une ordure ? Est-ce que Die Hard est une saga de Noël ? A l’approche des fêtes de fin d’année, la rédaction du Monde.fr aussi s’est posé ces questions existentielles. Alors pour alimenter le débat ou vous donner des idées de longs-métrages à consommer entre Noël et le jour de l’An, voici notre sélection, 100 % subjective, des meilleurs films de Noël. Attention, feel good ci-dessous. « Il était une fois en Amérique » (1984) Parce que s’autoriser, pendant près de quatre heures, blotti au chaud sous sa couette, cette grande fresque sur l’Amérique post-prohibition, n’est jamais aussi bon qu’à Noël. Troisième volet, après Il était une fois dans l’Ouest (1968) et Il était une fois la révolution (1971), de la saga de Sergio Leone sur l’histoire américaine, Il était une fois en Amérique raconte, pendant quarante-cinq ans, l’ascension vers le gangstérisme d’une poignée de gamins new-yorkais, unis à la vie à la mort, dans l’amitié comme dans le crime. Robert de Niro, impeccable, et quelques scènes devenues cultes, notamment celle dans la fumerie d’opium où « Noodles » – alias De Niro – laisse son esprit se perdre dans les brumes de la drogue. A déconseiller aux fans de Joséphine, ange gardien, mais idéal pour le temps alangui de Noël. « Maman, j’ai encore raté l’avion » (1992) « Qu’est-ce que tu veux qu’il fasse ? C’est un gosse, et les gosses, c’est des empotés. » Le voleur joué par Daniel Stern ricane bien en se tournant vers Joe Pesci, mais ça ne va pas durer. Les « casseurs poisseux » sont, une nouvelle fois, tombés sur Kevin McCallister : un enfant de 10 ans insolent et malin interprété par Macaulay Culkin. Tandis que toute sa famille est à Miami pour Noël, lui est arrivé par erreur à New York. Bonnet vissé sur la tête, portefeuille bien rempli du père en poche, il débarque au Plaza hôtel et dilapide l’argent de ses parents dans une suite luxueuse. Comme il ne peut pas se goinfrer de glaces toute sa préadolescence et qu’il n’est pas si égoïste que sa famille veut bien le croire, Kevin McCallister lance « l’opération Hohoho » lorsqu’il comprend que des voleurs veulent subtiliser le coffre du grand magasin de jouet Duncan. La maison vide de son oncle devient un terrain de jeux géant pour mettre à l’amende des méchants qui sont bêtes à manger du foin. Mais preuve que le film de Chris Columbus est un conte de Noël pour enfant (même s’ils sont parfois turbulents), pas une goutte de sang ne perle sur les fronts des « casseurs poisseux ». Dans la réalité, cela pourrait davantage se rapprocher de ceci ou cela. « Gremlins » (1984) « Règle numéro trois : ne jamais le nourrir après minuit »… Gizmo est une petite bestiole adorable que tous les enfants nés dans les années 1980 ont rêvé d’adopter. Seul petit problème : soumis aux actions conjuguées de la lumière du soleil, de l’eau et de la nourriture nuitamment ingurgitée, il ne peut s’empêcher d’engendrer des monstres « méchants, intelligents, dangereux ». Gremlins, c’est une initiation au gore bon enfant : quand l’un finit en bouillie dans le mixeur familial, l’autre se fait exploser dans le micro-ondes. Ils sont vicelards, drôles et même punks – la crête blanche du Gremlins en chef – mais peuvent vous tuer pendant votre sommeil. D’aucuns diront avec mauvaise foi que le film a vieilli, mais c’est parce qu’il date d’une époque où les effets spéciaux étaient réalisés à base de pâte gluante et d’animatroniques, ces créatures robotisées recouvertes de latex – un tour de force technique salué à l’époque. Les mouvements sont saccadés, les textures sont grumeleuses et gluantes. On y croit, à ces bêtes sorties de nos fantasmes morbides. Et c’est avec délice, qu’enfant, on a nourri en secret son chat après minuit dans l’espoir que peut-être l’improbable se produise… « Le Père Noël est une ordure » (1982) Tout le monde connaît au moins une réplique du Père Noël est une ordure (si si, même si vous l’ignorez). Des doubitchous « roulés à la main sous les aisselles » qui sont « fins, très fins, se mangent sans faim », au gilet en serpillière avec « des trous plus grands pour les bras » en passant par Zézette qui « épouse X » jusqu’à Thérèse que Pierre a « beaucoup moins bien réussi que le porc » sur la peinture kitchissime qu’il lui offre ; le réservoir des citations cultes de ce film de Noël paradoxalement sorti en plein mois d’août est inépuisable. Ce film, on le regarde comme on écoutait nos parents nous raconter la même histoire qu’on connaissait par cœur avant d’aller dormir. On anticipe les scènes mythiques, on rigole avant même les passages comiques, on articule en silence les dialogues pendant qu’ils sont dit à l’écran… On se sent comme à la maison avec ces personnages et situations si familières qui nous accompagnent depuis plus de 35 ans et au moins autant de rediffusions à la télé. Mais le meilleur, ce n’est pas ça ; c’est que même si vous regardez ce film pour la toute première fois aujourd’hui, on vous garantit qu’il vous fera rire et que vous ne regrettez qu’une seule chose, de ne pas l’avoir vu plus tôt. C’est cela, oui. « Love actually » (2003) Scénariste de Coup de foudre à Notting Hill et Quatre mariages et un enterrement, Richard Curtis est le maître de la comédie romantique anglaise. Son film-choral est un chef-d’œuvre du genre – genre mineur, certes, mais genre quand même. Il met en scène une galerie de personnages qui gèrent leur vie amoureuse plus ou moins chaotique à l’approche de Noël. Il y a le premier ministre (Hugh Grant) qui tombe sous le charme d’une employée du 10, Downing Street ; la rock star sur le retour (Bill Nighy) qui n’a jamais eu d’autre ami que son manager ; la mère au foyer (Emma Thompson) qui réalise que son mari fait de l’œil à une autre… C’est peut-être ce qu’on appelle « l’humour anglais », mais vous ne résisterez pas à Hugh Grant et son chauffeur, contraints par trois enfants à chanter des cantiques de Noël ; à Alan Rickman prenant son air le plus désabusé pour dire à son employée « Rassurez-moi, vous n’allez pas venir avec un bodybuildé d’un mètre quatre-vingt-dix ? » ; aux deux adultes qui tentent de parler d’amour à l’arrière d’une voiture, en chemin pour le spectacle de Noël, assis de part et d’autre d’un écolier recouvert d’une énorme tête de pieuvre en papier mâché. Mais finalement, le cinéma, c’est compliqué : les films que l’on aime dépendent du moment où on les a vus – et revus – avec qui, à quelle période de la vie… Et dans un même film au succès mondial, il y a encore des différences dans les petits détails qui nous font rire. Pour nous, c’est ce moment où Emma Thompson, stressée comme personne par la fête de l’école, demande à sa fille quel rôle elle a obtenu dans la crèche vivante : « Premier homard ! », répond l’enfant. La mère, abasourdie : « Il n’y avait plus d’un homard présent à la naissance du petit Jésus ? » « Un jour sans fin » (1993) Après avoir vu Un jour sans fin, petit bijou réalisé par le regretté Harold Ramis – SOS Fantômes, Mafia Blues –, vous n’écouterez plus jamais Sonny and Cher de la même façon. Ou, plus vraisemblablement, vous n’écouterez plus jamais Sonny and Cher du tout. I got you babe est le tube légèrement daté – même pour l’époque – au son duquel se réveille chaque matin le présentateur météo Phil Connors (le grand, par la taille et le talent, Bill Murray) depuis qu’il est arrivé dans la micro ville de Punxsutawney (ça ne s’invente pas) pour couvrir le Jour de la marmotte, curieuse tradition locale qui consiste à tirer un pauvre animal de son hibernation chaque 2 février pour évaluer le nombre de jours froids à endurer avant d’espérer un redoux. Bloqué sur place par une tempête de neige une fois son reportage achevé, Phil se réveille le lendemain pour revivre… la même journée, encore et encore, alors qu’autour de lui, la vie se répète à l’identique. Cette comédie devenue culte malgré une sortie discrète est un des exemples les plus aboutis de l’utilisation parfaitement réussie du comique de répétition, la prévisibilité des événements autour de Phil rendant d’autant plus drôles ses tentatives pour modifier le cours des choses. D’abord incrédule, Phil se révolte contre la situation, tente d’en profiter (dans une inoubliable séquence, il passe plusieurs jours à perfectionner sa technique de drague sur Andy MacDowell – oui, on est clairement avant #metoo), muscle ses talents (musique, langues étrangères…), sombre dans le désespoir (tentative de suicide totalement inefficace) et doit accepter de parfois échouer (ses tentatives pour sauver un SDF du froid resteront vaines, jour après jour). Forcé de composer avec un environnement figé, Phil se voit contraint d’évoluer lui-même et ce faisant, de devenir meilleur. En plus d’être hilarant, Un jour sans fin est un film plein de bonnes intentions. On ne vous raconte pas la fin mais ça finit bien (et il y a des bisous). « Une journée en enfer » (1995) Le seul film d’action qui vous garde scotché pendant 128 minutes et vous fait suer en faisant du calcul mental. Quand Une journée en enfer nous traverse l’esprit (au moins une fois par an), la première image qui apparaît est le marcel taché de sang de John McClane, que l’on a tenté de porter pour pas mal de fêtes d’Halloween. Et puis on pense à cette mythique scène de la fontaine, où McLane et Zeus Carver (Samuel L. Jackson, au sommet dans le rôle du passant malchanceux poussé dans le chaos) sont obligés de faire des maths avec le bruit du timer dans les oreilles (sauf que, faute de portable en 1995, tout est dans la tête) : pour désamorcer une bombe (une des thématiques du film), ils doivent poser un seau de 4 gallons d’eau sur une balance. Mais ils n’ont que deux sceaux – de 3 et 5 gallons – pour le faire ! C’est l’incroyable pic de tension de ce film, et il arrive dès le premier tiers. Donc ça s’essouffle ? Absolument pas. Si cette scène est l’Everest d’Une journée en enfer, les suivantes forment quand même un Himalaya. De l’action de très haute altitude, pleine de devinettes terroristes (« Qui a quatre jambes et est toujours prêt à voyager ? »), avec un casse à 140 milliards de dollars dans des camions poubelles, des mercenaires d’Allemagne de l’Est aussi caricaturaux que possible et Jeremy Irons, magistral braqueur crypto-nazi dont l’amour des énigmes sera sa perte. « Ben Hur » (1959) Trois heures et demie de décors en carton-pâte, de sandales montantes et de drame pur, le tout sublimé par les couleurs criardes de la Technicolor. Ben Hur, c’est le retour du même, d’année en année, à l’instar de sa glorieuse cousine Sissi, qui continue, malgré les aléas de la vie, à combler cette attente étirée à l’infini entre le repas de Noël et celui du Nouvel An. Chaque année, on y glane une scène, avant de zapper sur un téléfilm insipide. On y revient une demi-heure avant le goûter. Et on lui dit au revoir avant l’apéro. Il nous a fallu trente ans pour aller au bout. Et même si ça n’est pas Kirk Douglas et sa fossette au menton qui tiennent le premier rôle mais Charlton Heston, il est tout aussi glorieux. Bref, c’est un bon film, regardez-le. « West Side Story » (1961) Une image : un homme virevolte sur un escalier de secours d’un tenement house, immeuble de brique typique des bas quartiers de Manhattan. Un son : le claquement de doigts des Jets et des Sharks, bandes rivales fictives du New York des années 1950, dans la mythique scène d’ouverture du film. Une histoire : un Roméo et Juliette des temps modernes, où l’Amérique blanche prolétarienne fait face à des migrants portoricains. Une trame qui garde toute son actualité à l’ère de Donald Trump. Une actrice : Natalie Wood, déjà star quand elle joue le rôle de Maria à 22 ans (mais toutefois doublée sur ses chansons), qui illumine le film de sa grâce. Et surtout, la partition jazz et moderne de Leonard Bernstein, des chansons inoubliables (Tonight, Maria) et les chorégraphies entraînantes et jouissives de Jerome Robbins. West Side Story hisse la comédie musicale au rang de chef-d’œuvre. A voir, revoir et partager, pour continuer à chanter et danser « I like to be in America » en digérant son repas de Noël. Et vous, quel est « votre » film de Noël ?
23/12/2018
big-browser
https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2018/12/23/les-films-de-noel-de-la-redaction-du-monde-fr_5401590_4832693.html
Uberland : l’ubérisation est-elle encore l’avenir du travail ?
Plusieurs publications amènent à réfléchir sur ce modèle et ses perspectives, rapporte Hubert Guillaud, journaliste d’Internet Actu.
Dans Uberland : comment les algorithmes réécrivent les règles du travail (2018, Presse universitaire de Californie, non traduit), la chercheuse Alex Rosenblat (@mawnikr) a synthétisé quatre années de recherche ethnographique avec les conducteurs d’Uber. Un livre où transparaît une vision dystopique du travail où des millions de conducteurs sont gérés par un système technique qui combine à la fois l’autoritarisme du management scientifique à la Frederick Taylor et le leadership cynique d’un Michael Scott (le personnage incarné par Steve Carell dans la série The Office), rapporte Intelligencer. Dans son livre, la chercheuse rappelle – comme le pointait Nick Srnicek dans Capitalisme de plateforme – que les promesses de l’économie du partage à ses débuts étaient portées par l’idée de développer les ressources économiques sous-utilisées à une époque où la reprise, suite à la crise de 2008, était encore ténue. L’économie du partage nous a expliqué que la crise du capitalisme était liée à une question de distribution inefficace des ressources qui allait pouvoir être résolue par le numérique. Les premières plateformes de « l’économie du partage » n’offraient pas tant un travail qu’une « communion ». Dans la presse, face au succès d’Uber, les techno-optimistes nous racontaient que conduire une voiture allait être l’avenir lucratif de la classe moyenne… La réalité a été bien différente. Un chauffeur Uber gagne désormais l’équivalent du salaire minimum américain, une fois ses charges déduites. Le succès de l’application de ces dernières années ne les a pas aidés, au contraire. Alex Rosenblat raconte ainsi que pour gagner une même somme, les chauffeurs sont passés en quelques années de 8 à 9 heures de travail par jour à 12 ou 14 heures ! Pour la chercheuse, « l’autonomie de choisir les 14 heures à travailler par jour ne crée pas un grand niveau de liberté, malgré la rhétorique de flexibilité martelée par Uber ». En fait, constate Rosenblat, les chauffeurs d’Uber ne reçoivent ni les informations nécessaires pour agir dans leur intérêt ni l’autonomie pour le faire. Dans ce travail gamifié que propose Uber, les chauffeurs sont rendus compulsifs à l’application et aux ordres qu’elle délivre. Adrian Chen pour Intelligencer explique que cette gestion algorithmique de la force de travail suppose une surveillance totale (jusqu’aux tremblements du téléphone pour s’assurer que le conducteur conduit en toute sécurité ! ce qui montre à nouveau, s’il en était besoin, que Uber n’est pas seulement un intermédiaire pour réaliser une transaction). Pourtant, de nombreux chauffeurs semblent satisfaits du travail qu’ils réalisent : ils apprécient la flexibilité et le complément de salaire que leur travail apporte. Même si les récits que Rosenblat a recueillis témoignent principalement d’une résignation épuisée. «Pour certains chauffeurs, ce travail est un véritable boulet, et pour d’autres, c’est un gilet de sauvetage». Pour Alex Rosenblat, Uber a provoqué « un changement culturel fondamental sur ce que signifie avoir un emploi ». Uber a tiré un maximum de valeur des conducteurs en surfant sur les limites et ambiguïtés des normes culturelles et juridiques. Pour Adrian Chen, la gestion algorithmique d’Uber est moins une révolution qu’un affinage, à l’image des chauffeurs de taxi eux-mêmes, qui ont longtemps été dans une situation entre autonomie et dépendance, notamment avec nombre d’intermédiaires influant sur leurs possibilités de travail. Uber a simplement rendu cette sous-traitance plus efficace. Dans une interview pour CityLab, la chercheuse rappelle que malgré les efforts d’Uber, le taux de désengagement des chauffeurs est assez fort : 68% d’entre eux quittent la plateforme dans les 6 mois. Elle pointe néanmoins que les outils d’Uber proposent des services que les collectivités ne savaient pas fournir, notamment en offrant des modalités de transports là où elles n’existaient pas (voir « Plateformes et métropoles » et « Vers une ville numérique ingouvernable »). Uber, derrière sa neutralité de façade, a surtout profité d’un Far West réglementaire pour s’imposer. Partout où elle s’est imposée, la firme a profondément déstabilisé la société (autour de la question du statut des chauffeurs), tout en offrant des avantages populaires (ouvrant de nouvelles dessertes et des prix bas notamment). Toute la question reste de trouver la balance entre les avantages et les inconvénients. Dans une tribune pour le New York Times, la chercheuse rappelait la difficulté de cette gestion algorithmique de la relation de travail (voir également « Qui des algorithmes ou des clients seront nos nouveaux patrons »). Une relation profondément asymétrique et qui se crispe notamment dès qu’il y a un problème. Elle souligne combien les informations que délivre Uber à ses chauffeurs comme à leurs passagers sont asymétriques. Un chauffeur de New York évoquait par exemple un échange avec un client qui montrait que celui-ci était facturé 40$ alors que pour le chauffeur, la course n’en coûtait que 28 ! Dans une tribune pour le Globe and Mail, Alex Rosenblat rappelle combien Uber s’est étendue dans une zone grise de la légalité. L’ubérisation s’est développée avec beaucoup de marketing pour vanter les promesses de gains pour les conducteurs et les clients. Dans certaines villes, face aux difficultés réglementaires, Uber n’a pas hésité à fermer son service du jour au lendemain, montrant que les industries numériques pouvaient procéder à de nouvelles formes de délocalisation extrêmement brutales, que ne savent pas encore faire les industries traditionnelles du fait de la pesanteur de leurs infrastructures. Populaire auprès des consommateurs du fait de ses tarifs attractifs, Uber n’a pas hésité, souvent, à mobiliser ses usagers pour faire pression sur les autorités de certaines villes qui menaçaient son activité. Reste que dans le monde entier, l’entreprise a des difficultés liées à la question de la législation du travail : partout le statut d’entrepreneurs plutôt que de salariés des conducteurs pose des questions légales. Partout, elle a eu des démêlés quant à la vie privée et la sécurité des données de ses chauffeurs comme de ses passagers (voir notamment « Uber, les gouvernances fantômes »). Produire le consentement par la ludification Pour l’étudiante en sociologie Sarah Mason qui relatait récemment pour le Guardian son expérience de chauffeur à la demande, la liberté du conducteur est gérée de manière très agressive, par des interfaces à l’aspect très ludiques. Dans les années 70, le sociologue du travail britannique Michael Burawoy, dans son livre Produire le consentement (1979, traduit en français en 2015) constatait que si les travailleurs consentaient à leur propre exploitation, c’était en fait surtout par jeu. Burawoy expliquait que lorsque le travail prenait la forme d’un jeu, la principale source de tension n’était plus dans la relation des travailleurs avec les dirigeants, mais s’étendait aux autres travailleurs, aux machines et contre eux-mêmes. En proposant un sentiment d’autonomie et de contrôle relatifs, la ludification propose aux travailleurs de souscrire aux objectifs de l’entreprise. Lyft propose ainsi des défis à ses conducteurs en échange d’une prime supplémentaire : des défis assez difficiles à décrocher qui reposent sur le nombre de courses à réaliser à certains créneaux horaires. En plus d’inciter les conducteurs à se rendre où l’entreprise en a le plus besoin, l’un des principaux objectifs de cette ludification est la rétention des travailleurs. Elle ne fonctionne pourtant pas si bien. 50% des conducteurs de Uber cessent d’utiliser l’application au bout de deux mois. 4% des conducteurs le sont encore après une année. Des rapports récents estiment que le revenu des chauffeurs à l’heure est souvent inférieur au salaire minimum. Dans son article, Sarah Mason décrit longuement la ludification des conducteurs à coup de petites primes et de récompenses liées à des objectifs et des badges d’excellence permettant par exemple d’obtenir des rabais aux stations d’essence Shell ou des remises pour son assurance. Les objectifs de conduite sont personnalisés. Les conducteurs partent souvent chasser la « zone rose », ces zones liées à une augmentation de tarifs du fait de fortes demandes qui leur sont indiquées par leur application, mais qui se déplacent très rapidement, parfois plus vite que le temps mis pour y parvenir. Sur les forums de chauffeurs ou dans leurs discussions, ceux-ci spéculent sans cesse sur les algorithmes et les moyens de les déjouer, mais sans réellement ne jamais y parvenir. Ils tentent fréquemment de faire des déconnexions en masse de l’application pour faire monter les prix des courses, sans que l’effet n’ait jamais vraiment été assuré. Ces formes de déconnexion volontaires et organisées ressemblent à des microgrèves, à des microprotestations, sans jamais avoir permis de réelles émancipations. Burawoy est à nouveau utile pour comprendre pourquoi. Le fait de « jouer » permet aux travailleurs d’exercer un contrôle limité sur le processus de travail. Mais les victoires qu’ils remportent renforcent leur engagement et leur consentement aux règles du jeu. À l’inverse, leurs échecs dirigent leur insatisfaction contre les obstacles du jeu, et non contre ceux qui en fixent les règles. Apprendre à utiliser intelligemment les paramètres du jeu, de l’algorithme, devient pour eux la seule option imaginable. Sarah Mason en fait l’amer constat. Après des semaines d’une conduite maniaque pour améliorer sa note… elle a constaté que cette amélioration était sans incidence directe (tant qu’elle restait au-dessus de 4,6/5) : cela ne générait ni réel bonus ni amélioration du niveau de rémunération. « En fait, je perdais de l’argent en essayant de flatter les clients avec des bonbons et de garder ma voiture scrupuleusement propre », simplement parce qu’elle souhaitait rester un pilote bien côté. « Ce qui est à la fois si brillant et affreux dans la ludification de Lyft et Uber, c’est qu’elle repose sur notre seul désir d’être utile, aimé et bon. Les semaines où je suis très bien noté, je suis plus motivé à conduire. Les semaines où je suis mal noté, je suis également plus motivé à conduire. » Une fois qu’on est pris dans la zone du jeu, il n’y a plus d’échappatoire ! Dans une récente interview pour Le Point, le PDG d’Uber, Dara Khosrowshahi, avait beau tenter de vendre encore un peu de rêve, on gardait l’impression qu’il enfonçait surtout quelques portes ouvertes sur la révolution des transports comme moyen de réduire les inégalités ou sur le mérite individuel dont Uber serait l’incarnation et l’ubérisation la réalisation – mais dans une version paupérisée. « Chacun de nos chauffeurs est un petit entrepreneur ! Ils peuvent gagner davantage, et cela en fonction de leurs efforts individuels. Certains chauffeurs sont des stars, car ils sont excellemment notés par les clients, mais ils doivent le mériter » Il demeure toujours étonnant de constater combien Uber s’est peu intéressé à ses effets sociaux, alors que ceux-ci sont omniprésents de la presse aux recherches en sciences sociales. Comme le souligne un autre article du Point, Uber semble plus intéressé à apparaître comme une entreprise qui innove dans le domaine technologique que comme une entreprise qui partout à bouleversé les rapports sociaux. Elle semble plus soucieuse de se montrer comme une entreprise qui optimise la logistique de transport qu’autre chose : des camions autonomes, au free floating en passant par son programme d’appareils volants (Uber Air) qu’elle annonce pour 2020 : l’innovation technologique semble toujours le meilleur moyen de détourner l’attention de leur impact social ! Vers la fin de l’ubérisation ? Il faut dire que l’ubérisation, qui tient plus d’une technique d’exploitation maximisée par les systèmes techniques que d’un modèle de mise en relation directe avec un client, semble avoir un peu de plomb dans l’aile. En France, l’arrêt récent de la Cour de cassation qui a requalifié le contrat commercial d’un ancien livreur de Take Eat Easy en contrat de travail pourrait bien changer la donne. La ville de New York, elle, vient de voter un salaire minimum pour les conducteurs indépendants des applications de voitures avec chauffeurs à 17,22$ de l’heure (soit une augmentation de près de 40%), notamment suite au suicide de plusieurs conducteurs en 2018… Pas sûr que cela mette fin à l’ubérisation pour autant. L’optimisation algorithmique de la distribution des ressources humaines par nombre de logiciels pour améliorer les déplacements, les horaires, le nombre d’heures travaillées, le rapport entre employés et contractuels… n’en est certainement qu’à ses prémisses. Or, c’est assurément sur la reconfiguration des statuts des employés que ces technologies agissent avec le plus de virulence. Heureusement, la réaction à l’ubérisation s’est aussi peu à peu musclée. Pour Les Inrocks, Benoît Fabien revient sur le lancement de la Fédération transnationale des coursiers (FTC), qui a rassemblé fin octobre à Bruxelles des livreurs à domicile de toute l’Europe, à l’initiative du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative, de l’Alter Summit et du réseau ReAct, qui encourage les mobilisations transnationales face aux grandes entreprises. Un moyen de contrer la division et l’individualisation des plateformes de livraison pour rééquilibrer les relations de travail imposées par celles-ci. Les revendications sont nombreuses, mais s’organisent : salaire minimum, transparence des algorithmes, la liberté de se réunir en collectif… Pour la sociologue Anne Dufresne, ces initiatives pourraient aider à défendre les intérêts communs des travailleurs précaires, au-delà des livreurs à vélo. Mais plus qu’un coup d’arrêt à l’ubérisation, celle-ci va peut-être permettre d’en revenir aux fondamentaux ! Trouver des modalités de contre-organisation plus efficaces ! The Economist revenait récemment sur le succès récent des syndicats qui exploitent la force qui a provoqué leur déclin : la technologie ! L’article explique combien les médias sociaux, de WhatsApp aux groupes sur Facebook, en passant par Hustle, un service de textos de groupe, ont permis aux travailleurs des plateformes notamment de collecter des informations, de se coordonner et de donner de l’ampleur à leurs initiatives. C’est ce que montre Alex Rosenblat dans son livre : les chauffeurs d’Uber s’informent des nouvelles fonctionnalités de la plateforme via ces outils, notamment quand Uber teste sur certains d’entre eux de nouvelles fonctionnalités. Le géographe Mark Graham a montré que plus de 50% de travailleurs freelances qui utilisent des plateformes comme le Mechanical Turk d’Amazon ou Freelancer, sont en contact avec d’autres travailleurs de plateformes et échangent sur les tarifs, sur les tâches proposées et la qualité de ceux qui proposent du travail. Ces groupes servent souvent à des formes de coordination, comme l’a montré la grève des enseignants de Virginie-Occidentale, où 70% des 35 000 enseignants de l’État étaient présents et ont permis d’articuler les revendications et d’organiser les protestations. Les groupes permettent également de fabriquer des hashtags, des gifs, des vidéos et des mêmes pour publiciser leurs actions. Si ces outils ne sont pas conçus pour soutenir le militantisme, le relai est assuré par des sites dédiés comme Coworker.org, permettant par exemple aux employés de Starbucks de faire pression sur la direction pour limiter le « clopening », le fait qu’un même employé soit chargé de la fermeture et de l’ouverture d’un magasin. Le syndicat OUR a lancé WorkIT, une application pour les salariés de Walmart afin de s’entraider sur la réglementation auxquels ils sont soumis par la firme qui les embauche. Workership est une plateforme pour structurer les discussions informelles entre employés d’une manière anonyme. L’un des grands syndicats britanniques a lancé un crowdfunding pour financer ses actions contre Deliveroo. TurkerView, un site qui collecte les critiques des offreurs de jobs sur Mechanical Turk. WorkIT a déployé son système auprès d’autres syndicats. Sur Coworker.org, plus de 50 entreprises y ont une forme de syndicat virtuel. Plus de 42 000 employés de 30 pays de Starbucks sont présents sur la plateforme. Reste que ces services ne sont pas toujours suffisamment en lien avec les syndicats existants : ils manquent d’assistance juridique, comme le proposent les syndicats, ou de fonds pour être maintenus. Les « startups du travail » ont assurément besoin de la force des syndicats pour se transformer. En Allemagne, IG Metal, l’un des plus importants syndicats, permet aux autoentrepreneurs de le rejoindre. Il a également lancé un site pour comparer les conditions de travail sur les plateformes baptisé Fair Crowd Work. Certains syndicats ont même mis en place des unités d’innovation, comme le HK Lab du Syndicat national des employés commerciaux et de bureau danois, avec un chatbot pour répondre aux demandes des membres et un centre de service pour les freelances. L’alliance nationale des travailleurs domestiques américains, lui, a lancé Fair Care Labs, un service pour améliorer le sort des nounous et des gens de maison. Il s’apprête à lancer Alia pour offrir une couverture sociale aux travailleurs autonomes. Pour Fredrik Soderqvist de Unionen, un syndicat suédois, les syndicats doivent apprendre également à mieux utiliser les données afin de permettre de créer des services adaptés aux transformations du monde… À l’exemple de Mystro, une application pour conducteurs, qui leur permet de basculer d’un service à l’autre, d’évaluer les demandes, de rejeter celles qui ne sont pas rentables, afin d’aider les conducteurs à prendre de meilleures décisions pour eux-mêmes. Assurément, s’emparer activement de la technologie pour les syndicats et les travailleurs peut leur permettre de contrer l’ubérisation… Ça ne remplace ni la lutte sociale ni la lutte légale, mais la lutte technologique peut permettre de faire des contre-propositions concrètes, de fournir des outils d’aide à la décision des travailleurs algorithmisés pour les aider à en comprendre le fonctionnement et à resymétriser la relation. Comme l’explique Mike Bulajewski (@mrteacup) sur Daily Jstor, le mot entrepreneur cache de plus en plus souvent un travailleur sans salaire minimum, sans avantages sociaux ni protection. L’absence de hiérarchie signifie que les indépendants sont soumis aux caprices de système de notation anonymes. Dans l’économie du partage, personne n’est licencié, les conducteurs sont « désactivés », sans que ce processus ne soit ni juste ni transparent. Les interactions humaines authentiques que vantaient les plateformes ont surtout créé de la paupérisation. L’évolution de l’économie du partage, comme de l’industrie de la techno, a commencé par un rêve utopique et s’achève dans un cauchemar dystopique. Les entreprises qui annonçaient vouloir changer le monde, comme Airbnb et Uber, ont visiblement été construites sur des idéaux qui ont atteint leur date d’expiration, conclut Mike Bulajewski. Si l’ubérisation n’est peut-être pas encore tout à fait morte, la lutte contre ses effets, elle, ne cesse de s’organiser. Hubert Guillaud
23/12/2018
blog
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2018/12/20/uberland-luberisation-est-elle-encore-lavenir-du-travail/
Football : « L’Equipe » soutenu par une vingtaine de sociétés de journalistes face au PSG
Le club a fermé ses portes au quotidien sportif, à la suite d’un article jugé déplaisant. Les SDJ réclament la fin de ce boycott au nom de « la liberté des journalistes ».
Couvertures de « L’Equipe », au siège du journal, à Boulogne, le 9 juin 2015. JOEL SAGET / AFP Une vingtaine de sociétés de journalistes (SDJ), dont celle du Monde, ont réclamé dimanche 23 décembre que le Paris-Saint-Germain rétablisse « au plus vite l’accès à ses conférences de presse à [leurs] confrères de L’Equipe », après la parution d’un article qui aurait déplu au club. « A plusieurs reprises récemment, comme à Belgrade la semaine dernière, à Saint-Germain-en-Laye ce lundi ou ce vendredi, nos confrères de L’Equipe ont assuré qu’ils [s’étaient] vu refuser l’accès à des conférences de presse du PSG », affirment-elles dans un communiqué, ajoutant : « La liberté des journalistes de couvrir des conférences de presse, sportives, économiques ou politiques, n’est pas négociable. » L’Equipe avait indiqué mi-décembre qu’un de ses reporters s’était vu interdire l’accès à une conférence du club de football et que d’autres n’avaient pas pu poser de questions à plusieurs occasions. Ces mesures feraient suite à un article intitulé « Fair-play financier : le PSG contraint de perdre Kylian Mbappé ou Neymar en cas de sanctions ? ». « Désinformation » Cet article estimait, citant des sources internes, que la direction parisienne « pourrait se résigner à l’idée de se séparer, l’été prochain, de l’un de ses deux joueurs vedettes », face aux risques de sanctions lourdes auxquelles le club s’exposait. Cette information avait fait vivement réagir le club parisien qui avait démenti « avec la plus grande fermeté ces allégations totalement erronées, ridicules et uniquement de nature à recréer un climat de grandes tensions entre le club et ce média », accusant L’Equipe de « désinformation ». Les premiers signataires de cet appel sont les SDJ de l’Agence France-Presse, Premières Lignes, Les Echos, Franceinfo.fr, Mediapart, Le Figaro, TV5 Monde, BFM-TV, France Inter, Libération, Le Journal du dimanche, Paris Match, Le Parisien-Aujourd’hui en France, M6, Europe 1, RTL, FranceinfoTV, Le Point, Le Monde, France 2 et France 3 national.
23/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/23/football-l-equipe-soutenu-par-une-vingtaine-de-societes-de-journalistes-face-au-psg_5401577_3242.html
Biathlon : Johannes Boe, intouchable, remporte la mass start devant Quentin Fillon Maillet
A Nove Mesto, le Norvégien remporte la course en ligne et signe sa sixième victoire de la saison. Martin Fourcade termine neuvième.
Le Français Quentin Fillon Maillet célèbre sa deuxième place de la mass start, à Nove Mesto (République tchèque), le 23 décembre. Petr David Josek / AP Impossible de faire mieux. Le Norvégien Johannes Boe s’est envolé en tête de la Coupe du monde de biathlon avec un sixième succès en huit courses, dimanche, lors de la mass start de Nove Mesto (République tchèque), juste devant le Français Quentin Fillon Maillet et le Russe Evgeniy Garanichev. Martin Fourcade a replongé, finissant derrière son compatriote Simon Desthieux (7e). Impérial au tir (20 sur 20), Boe a terminé le dernier tour à sa main pour signer une troisième victoire cette semaine à Nove Mesto, après le sprint et la poursuite. Le match avec Martin Fourcade n’a jamais eu lieu. Au lendemain de sa magnifique remontée sur la poursuite (de la quarante-troisième à la cinquième position), le septuple vainqueur de la Coupe du monde a compromis ses chances dès le premier tir couché avec deux erreurs avant d’enchaîner avec une nouvelle faute à son premier tir debout. A l’entendre, le problème serait plutôt physique que derrière sa carabine. « Il m’a manqué des réserves sur l’ensemble du mois de novembre… On va essayer d’augmenter le niveau après la trêve de noël pour se refaire une santé et être plus percutant sur les skis », a expliqué au micro de la chaîne L’Equipe l’actuel cinquième de la Coupe du monde. Avec un retard de 165 points sur Boe, le Catalan a sans doute déjà fait une croix sur un huitième gros globe du classement général. Le clan français s’est consolé avec la belle deuxième place de Quentin Fillon Maillet (18 sur 20 au tir), sa deuxième de la saison après celle décrochée sur la poursuite de Pokljuka (en Slovénie), le 9 décembre. Le biathlète de 26 ans a dédié son podium à son beau-père mort en décembre. « Aujourd’hui, j’avais une superforme sur les skis et j’ai bien géré mon effort en restant caché pendant les trois premiers tours. Le podium, j’en rêve beaucoup… Celui-ci, je le dédie à mon beau-père décédé dernièrement. » 🙏 Le très bel hommage de Quentin Fillon-Maillet après sa deuxième place. #lequipeBIATHLON https://t.co/qIFrvDYNqn — lachainelequipe (@la chaine L'Équipe) Dans la course féminine, Anaïs Chevalier a pris la troisième place de cette mass start. Quatrième du sprint jeudi et huitième de la poursuite samedi, la Français monte pour la première fois sur le podium cette saison. La Slovaque Anastasia Kuzmina s’est imposée devant sa compatriote, Paulina Fialkova.
23/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/23/biathlon-johannes-boe-intouchable-remporte-la-mass-start-devant-quentin-fillon-maillet_5401571_3242.html
Clermont-Toulouse, une affiche du Top 14 en trompe-l’œil
Ce dimanche, les deux premiers du championnat de France de rugby s’affrontent dans ce qui devrait être un choc. Mais les Toulousains ont prévu de voyager avec une équipe remaniée.
Le Toulousain Antoine Dupont (en blanc) plaqué par le Clermontois Rabah Slimani REMY GABALDA / AFP Sur le papier, il s’agit du choc de cette 12e journée du Top 14. Dimanche, à 21 heures, l’ASM Clermont Auvergne (1er) reçoit son dauphin au classement, le Stade toulousain : un classique du rugby français entre les deux meilleures attaques du championnat. Mais, aux pays des volcans, la montagne risque bien d’accoucher d’une souris. Après deux semaines intenses de Coupe d’Europe et avant la réception, dimanche prochain, de Toulon au Stadium, l’encadrement haut-garonnais a en effet décidé d’accorder une semaine de vacances (obligatoire avant le 31 décembre) aux internationaux Julien Marchand, Sébastien Bézy, Cheslin Kolbe et Yoann Huget, d’offrir un repos bien mérité à des joueurs très utilisés (Rynhardt Elstadt, Iosefa Tekori et Sofiane Guitoune), et de ménager Zack Holmes et Romain Ntamack, dont le corps siffle. La rotation devrait être de moindre importance que celle effectuée le 23 septembre à Montpellier (seulement deux titulaires habituels avaient démarré la rencontre), où le Stade toulousain avait subi une déroute (66-15) qui avait fait couler beaucoup d’encre. A l’époque, on avait évoqué ce mal français des impasses, à savoir cette propension à « lâcher » volontairement un match lors d’un déplacement chez un rival, histoire de reposer ses troupes. Ce mal n’est pas nouveau. Quand le football a toujours sacré son lauréat au terme d’un contrôle continu, le rugby est resté fidèle à ses phases finales. On peut terminer la saison à la sixième place et soulever le Bouclier de Brennus quelques semaines plus tard. Castres l’a encore prouvé la saison dernière. « Parler d’impasse, c’est un raccourci » Entraîneur des avants du Stade toulousain, William Servat n’a pas tout à fait fini de digérer les critiques lues et entendues après la défaite contre Montpellier. « Certains journalistes ont été un peu vite pour parler d’impasse. Aujourd’hui, mettre des joueurs au repos est pourtant une évidence, surtout dans le contexte actuel. Notre mentalité ce n’est pas de faire des impasses. » L’ancien talonneur international en a remis une couche vendredi en conférence de presse : « Parler d’impasse, c’est un raccourci qui est très désagréable. C’est aussi un manque de respect pour ceux qui vont jouer. Que les spectateurs et téléspectateurs se rassurent : il y aura une très belle feuille de match à Toulouse. » Le diffuseur, Canal+, qui propose cette rencontre un dimanche à 21 heures en lieu et place de la traditionnelle affiche de Ligue 1 de football, aimerait le croire sur parole. Surtout que depuis cette « impasse » à Montpellier, Toulouse propose de nouveau un jeu séduisant et aligne les victoires. Néanmoins, équipe remaniée ou pas, le déplacement en Auvergne reste délicat. Les Clermontois ont inscrit cette année quarante et un points par match en moyenne devant leur public du stade Marcel-Michelin – où Toulouse n’a pas connu la victoire depuis 2002. Cette saison, le champion de France 2017 a retrouvé tout son allant, en partie grâce à une préparation enfin digne de ce nom à l’intersaison. La cascade de blessures de la saison 2017-2018 est désormais un lointain souvenir. Mais, après les deux semaines de Challenge européen (la seconde Coupe d’Europe), les hommes de Franck Azéma manqueront-ils de rythme ? « Ce sera à nous d’être capables de proposer un volume de jeu suffisant pour être à la hauteur de l’événement », a répondu Morgan Parra, le demi de mêlée. Comme Toulouse.
23/12/2018
rugby
https://www.lemonde.fr/rugby/article/2018/12/23/clermont-toulouse-une-affiche-du-top-14-en-trompe-l-il_5401564_1616937.html
Gritty, icône de l’extrême gauche américaine
La mascotte des Flyers, l’équipe de hockey de Philadelphie, est devenue la coqueluche du mouvement antifasciste. Elle est omniprésente sur les réseaux sociaux et dans les manifestations anti-Trump.
Un manifestant brandit une pancarte (« Trump, c’est Philadelphie, et on va te défoncerla gueule ! »), lors d’un discours du président Donald Trump au Philadelphia Convention Center, le 2 octobre. Matt Slocum / AP A Philadelphie (Pennsylvanie) est apparue au cours de l’automne une étrange créature. La bête est hirsute, son sourire figé est ­surmonté de deux énormes yeux globuleux, son pelage est d’un orange criard et sur sa tête repose un casque noir. L’animal revêt l’uniforme des Flyers de ­Philadelphie, une équipe de hockey. En ­choisissant une mascotte qui ne ressemble à rien, les patrons des Flyers espéraient ­échapper à la controverse : au cours des ­dernières années, les emblèmes du sport professionnel américain se sont souvent fait remarquer par leurs idées reçues – en utilisant l’imaginaire du courageux Peau-Rouge, plusieurs équipes ont ainsi été accusées de perpétuer un cliché dont les autochtones veulent se débarrasser. Malgré ces précautions, l’équipe des Flyers est aujourd’hui rattrapée par la forte polarisation politique des Etats-Unis de Donald Trump : sa mascotte est devenue la nouvelle ­coqueluche de l’extrême gauche américaine. « Gritty », car tel est son nom, veut dire « le teigneux ». Un qualificatif qui correspond bien à Philadelphie, une ville qui occupe une place particulière dans l’imaginaire américain : les fans ­locaux de sport ont la réputation d’être impitoyables – ils ont même été jusqu’à huer le Père Noël, c’est dire – et les Flyers sont fiers de leur goût pour un jeu ­rugueux et physique. Ils ont remporté leurs plus belles victoires, dans les ­années 1970, en pratiquant un hockey brutal. Anti-héros Toutefois, Gritty n’a pas toujours été très ­fidèle à cette image de dur à cuire. Présenté en septembre aux fans, il s’est pris, dès sa première sortie sur la glace, un formidable gadin qui a fait le tour du Web. La gauche radicale a immédiatement vu dans cette mascotte d’une ville qui a longtemps eu l’habitude des défaites sportives un anti-héros auquel s’identifier : l’image de loser qui reste accolée à Philadelphie correspond bien à l’état de ­l’extrême gauche américaine, abattue par le trumpisme triomphant. Gritty, la mascotte des Flyers, l’équipe de hockey de Philadelphie (Pennsylvanie). Icon Sportswire / Icon Sportswire via Getty Images Si bien que lorsque le président américain s’est rendu à Philadelphie pour tenir un meeting, de nombreux manifestants rassemblés pour dire leur opposition à Donald Trump brandissaient des pancartes et des banderoles sur lesquelles apparaissait Gritty. On pouvait notamment y voir le président se faisant dévorer par le monstre, l’image étant accompagnée d’un slogan régulièrement entendu lors des manifestations sportives : « This is Philly », que l’on pourrait traduire par « ici, c’est Philly », ou Philadelphie. Cet engouement pour Gritty n’a pas faibli depuis : le site The Verge explique que le regard halluciné de Gritty exprime « l’absurdité de la vie sous le régime capitaliste », et la revue socialiste Jacobin abonde dans le même sens en soulignant que Gritty est un travailleur. L’efficacité de cette mobilisation en ligne a fini par agacer la chroniqueuse du Wall Street Journal Jillian Kay Melchior : elle a dénoncé dans un article une campagne d’appropriation déplacée réalisée par le mouvement ­antifasciste. Mais il est trop tard : sur les ­réseaux sociaux, l’image de Gritty est répliquée et réemployée à profusion. L’extrême gauche a finalement trouvé réplique à Pepe the Frog, la grenouille de bande dessinée ­devenue le symbole de ­l’ultradroite outre-Atlantique. Le conseil municipal de Philadelphie a d’ailleurs rejoint le mouvement, adoptant une résolution pour saluer l’arrivée de Gritty, cette « icône non binaire de la gauche » (ni homme ni femme) qui a fait naître une « passion » dans tout le pays.
23/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/23/gritty-icone-de-l-extreme-gauche-americaine_5401561_3232.html
Plus de 1,8 million de personnes soutiennent le recours contre l’Etat sur le climat
Le texte mis en ligne par quatre ONG, dont Greenpeace France, a récolté en cinq jours un nombre de signatures jamais vu en France.
La pétition en ligne pour soutenir un recours en justice contre l’Etat français pour inaction climatique, lancée par quatre organisations non gouvernementales (ONG), recueillait, jeudi 27 décembre, plus de 1,8 million de signatures, du jamais-vu en France. Ces signatures ont été recueillies en cinq jours. Lundi, Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et l’association Notre affaire à tous avaient rendu publique leur initiative. Le texte, disponible sur le site laffairedusiecle.net, vise 2 millions de soutiens. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Etat poursuivi par des ONG pour inaction climatique « Aucun d’entre nous ne s’attendait à un tel succès et aussi rapidement », a reconnu Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, auprès de l’Agence France-Presse (AFP). En 2016, la pétition en ligne contre le projet de loi El Khomri sur la réforme du droit du travail avait dépassé le cap d’un million de signatures en deux semaines. Cette mobilisation montre que « les questions liées au réchauffement climatique et à la biodiversité sont au centre des préoccupations » des citoyens, se félicite Audrey Pulvar, présidente de la FNH. Le temps n’est plus au débat Les ONG ont adressé lundi une requête préalable au gouvernement, accusé de « carence fautive » par son « action défaillante » pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il a deux mois pour répondre. Elles prévoient dans un second temps, en mars probablement, d’introduire un recours juridique devant le tribunal administratif de Paris, une première à l’échelle française. Les citoyens « ont envie de passer à l’action, cela nous renforce dans l’espoir que le gouvernement ne reste pas sans réponse », affirme Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Le ministre de la transition écologique, François de Rugy, a invité les ONG à participer au grand débat national promis à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Mais, pour les associations, le temps n’est plus au débat mais à l’action. L’annonce des associations est tombée deux jours après une conférence des Nations unies sur le climat (COP24) qui a déçu par l’incapacité des pays à renforcer leur action. Les plaignants soulignent que la France, dont les émissions de GES sont reparties à la hausse en 2015, ne respecte notamment pas ses objectifs de court terme. Face aux dérèglements climatiques, les recours en justice se multiplient dans le monde contre l’insuffisance des mesures prises. Aux Pays-Bas, un tribunal, saisi par l’ONG Urgenda au nom de 900 citoyens, a ordonné en 2015 à l’Etat néerlandais de réduire les émissions de GES de 25 % d’ici à 2020. Le jugement a été confirmé en octobre dernier. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La France veut mieux se préparer aux conséquences du changement climatique
23/12/2018
climat
https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/23/climat-la-petition-reclamant-un-recours-en-justice-contre-l-etat-recueille-1-5-million-de-signatures_5401556_1652612.html
Edouard Philippe ne se voit pas « tout envoyer balader sur un coup de tête »
Le premier ministre s’est exprimé dans le « Journal du dimanche », peaufinant son image de politique loyal, capable de garder son sang-froid malgré la crise des « gilets jaunes ».
Le premier ministre Edouard Philippe lors d’une conférence de presse à Saint-Yrieix-la-Perche, le 21 décembre 2018. THOMAS SAMSON / AFP « L’idée que je sois exaspéré et que je puisse tout envoyer balader sur un coup de tête, ce n’est juste pas moi », affirme Edouard Philippe dans le JDD, dimanche 23 décembre, après des semaines d’intenses pressions dues à la crise des « gilets jaunes ». « Je ne suis jamais exaspéré. Je réfléchis toujours avant de prendre mes décisions », répond-il à l’hebdomadaire qui l’interroge sur des craintes de démission évoquées par son entourage début décembre, lorsque l’exécutif a dû abandonner la taxe carbone qui a déclenché un vaste mouvement de protestation contre les taxes et la baisse du pouvoir d’achat. Cette mobilisation, qui dure depuis le 17 novembre, a faibli pour son « acte VI » samedi, à trois jours de Noël, avec près de 40 000 participants dans divers défilés, barrages routiers et blocages aux frontières, parfois avec des violences. « La politique, c’est comme la boxe » Même s’il est marqué par plus d’un mois de manifestations qui visent directement l’exécutif, le premier ministre semble tenir bon, selon le JDD. « La politique, c’est comme la boxe. Quand vous montez sur le ring, vous savez que vous allez prendre des coups. J’en prends. Je peux en donner aussi. J’aime ça », dit-il, répétant ce qu’il avait dit devant des députés mardi soir. Il ajoute : « Les critiques, je sais très bien qui les formule et à quelles fins. Je ne suis pas aveugle ». Face aux rumeurs de dissensions entre lui et le président Emmanuel Macron, il assure que la crise n’a fait qu’« intensifier » sa relation avec Emmanuel Macron. « On se parle beaucoup, on se dit les choses », assure-t-il au journal. Ces dernières semaines, Edouard Philippe a par deux fois plaisanté publiquement sur sa durée de vie à Matignon, qui sera quoi qu’il arrive plus courte que son mandat de maire du Havre (six ans et demi). « Il se projette après les européennes à Matignon », assure toutefois un de ses amis ex-LR, qui, avec d’autres, souligne la « loyauté » d’Edouard Philippe quand il s’agit du « patron », Alain Juppé naguère et aujourd’hui Emmanuel Macron. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les « technos » dans le viseur de la Macronie
23/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/23/edouard-philippe-ne-se-voit-pas-tout-envoyer-balader-sur-un-coup-de-tete_5401552_823448.html