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« Gone Baby Gone » : vies brisées dans les bas-fonds de Boston
Le premier film de Ben Affleck, thriller et conte moral, doit beaucoup à l’interprétation de son frère, Casey.
Casey Affleck dans « Gone Baby Gone », de Ben Affleck. FREEWAY ENTERTAINMENT KFT / CLAIRE FOLGER Ciné+ Premier, mercredi 19 décembre à 22 h 55, film Entre son apparition remarquée, il y a dix ans, comme coscénariste et interprète de Will Hunting, de Gus Van Sant, et cette première tentative comme réalisateur, Ben Affleck s’est employé à faire oublier tout le bien qu’on avait pu penser de lui. Interprète de films aussi oubliables que Daredevil ou Jersey Girl, le beau gosse a beaucoup à se faire pardonner. Gone Baby Gone, thriller et conte moral, est un acte de contrition tout à fait honorable. Adapté d’un roman de Dennis Lehane, il ramène Affleck à Boston, ville qu’il a connue dans son enfance. Le Boston où les strates d’immigrants se sont superposées, le Boston corrompu de Martin Scorsese. Dans cette ville fragmentée, pauvre et violente, une petite fille est enlevée. Sa tante fait appel à un couple de détectives privés, ­Patrick Kenzie (Casey Affleck, petit frère du réalisateur) et Angela Gennaro (Michelle Monaghan). Ces deux jeunes amoureux ont monté leur petite entreprise, destinée à réunir les familles fracassées par le destin ou les créanciers. C’est un peu romantique et très sordide, et le cocktail reste équilibré de bout en bout. Malédiction de Dorian Gray C’est à cet équilibre que tient la réussite de Ben Affleck pour ses débuts derrière la caméra, plutôt qu’à la mise en scène elle-même, efficace mais cédant parfois à la facilité, jamais inspirée. Gone Baby Gone vaut toutefois mieux que ce constat de compétence. Le principe de construction dramatique fécond permet au film de maintenir le spectateur sur le bord de son siège. D’autant qu’il est guidé dans ce labyrinthe meurtrier par un jeune acteur étonnant. Enfin, « jeune »… Au début de Gone Baby Gone, l’un des deux flics chevronnés chargés de l’enquête demande son âge à Patrick Kenzie, qui répond qu’il est né il y a trente et un ans. « Il fait jeune », dit sa compagne. Et c’est vrai que Casey Affleck, dont l’état civil correspond à celui de son personnage, est doué d’un physique enfantin, fragile, un peu transparent. La raison voudrait qu’un acteur parvienne à la maturité quand se creusent ses rides, mais on dirait que Casey Affleck est affligé de la malédiction de Dorian Gray, et plus il pénètre dans l’intimité de son personnage, moins il semble vieillir. Sous la direction de son grand frère, il parvient à doter Patrick Kenzie d’un trésor de doutes et de colères. Gone Baby Gone, de Ben Affleck (EU, 2007, 114 min). www.mycanal.fr
19/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/19/gone-baby-gone-vies-brisees-dans-les-bas-fonds-de-boston_5400000_1655027.html
Elections européennes : Ségolène Royal se propose d’être n° 2 sur une liste EELV
L’ex-candidate à la présidentielle donne un mois à Yannick Jadot pour répondre à sa proposition de liste d’union.
Un nouveau coup de poker en vue des élections européennes. Alors que, pour l’heure, la gauche part éclatée comme jamais au scrutin de mai 2019, Ségolène Royal suggère aujourd’hui non pas de prendre la tête d’une liste, comme cela est évoqué depuis des semaines, mais d’être numéro deux sur une liste d’union qui serait conduite par l’écologiste Yannick Jadot. L’ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007 a évoqué cette possibilité, mercredi 19 décembre, au cours d’un petit-déjeuner organisé au Sénat, en présence d’une trentaine de cadres et d’élus issus du PS et d’autres formations de gauche. Une surprise pour beaucoup de participants : « Cela en a étonné plus d’un ! », s’est amusé un des présents. « Cela fait un mois que [Ségolène Royal] essaie de joindre Yannick Jadot et qu’il ne répond pas. Il n’y a aucun contact entre EELV et le PS. » « Je ne peux imaginer de m’investir dans les élections européennes que s’il y a un rassemblement », explique Mme Royal au Monde. Or, « l’enjeu crucial, la priorité, c’est l’alliance avec Europe Ecologie-Les Verts [EELV] ». Le hic, c’est que le parti écologiste s’est montré jusqu’ici fermé à toute alliance avec des partenaires de gauche. Et l’entourage de M. Jadot affirme que cette stratégie n’a pas changé : « Cela fait un mois que [Ségolène Royal] essaie de joindre Yannick Jadot et qu’il ne répond pas. Il n’y a aucun contact entre EELV et le PS. » L’ancienne ministre de l’écologie ne veut pas entrer dans un autre schéma qui pourrait se dessiner, avec une liste EELV d’un côté et un hypothétique rassemblement du reste de la gauche de l’autre. « Je ne suis pas à l’aise dans une alliance PS-Parti communiste-Génération·s [le mouvement de Benoît Hamon], ça ne m’intéresse pas », souligne-t-elle. Un tel attelage paraît de toute façon illusoire, le PCF ayant fermé, en début de semaine, la porte à la constitution d’une liste commune. Mme Royal donne maintenant un mois à EELV pour répondre à sa proposition : « Il faut que, vers le 20 janvier, les choses soient bien mûries », estime-t-elle. Lire aussi Yannick Jadot tête de liste EELV aux élections européennes de 2019 « Il faut être à la hauteur de l’époque » Le député socialiste du Val-de-Marne Luc Carvounas, qui milite depuis des mois pour une « gauche arc-en-ciel », se dit « bluffé » par l’initiative de Ségolène Royal. « Elle a expliqué que, puisqu’on fait le même diagnostic qu’EELV », en particulier sur le caractère primordial qu’il faut accorder à la transition énergétique, « on ne pouvait pas partir séparément ». « EELV est moteur dans les sondages, dont acte », ajoute celui qui avait lui-même suggéré, dès septembre, de se ranger derrière M. Jadot. Par conséquent, le plan de l’ancienne ministre de l’écologie convient « parfaitement » à l’élu socialiste. Mais la balle est maintenant dans le camp du parti écologiste. « Nous ne serons pas les comptables de la désunion », prévient Luc Carvounas. « Ça sert à quoi d’avoir plusieurs listes qui vont faire entre 1 et 10 % et dont le résultat va causer un choc chez les électeurs de gauche ? » Une ligne sur laquelle se trouve également le patron des socialistes, Olivier Faure, qui a lancé, samedi, un appel à l’union des gauches pour les élections européennes. « Il faut être à la hauteur de l’époque. Ça sert à quoi d’avoir plusieurs listes qui vont faire entre 1 % et 10 % et dont le résultat va causer un choc chez les électeurs de gauche ? », demande-t-il. L’union pourrait-elle se faire derrière Yannick Jadot ? « Je suis pour le rassemblement et je veux continuer à parler avec les uns et les autres », élude le premier secrétaire du PS. En tout cas, le lien avec Ségolène Royal est continu : « On se parle tous les deux jours », explique M. Faure. Dans le même temps, poursuivant son ambition de rassembler la gauche dispersée au sein d’une maison commune, le mouvement Place publique – lancé par l’essayiste Raphaël Glucksmann et des personnalités de la société civile – a invité plusieurs formations à une « réunion de travail », jeudi 20 décembre. Olivier Faure s’y rendra, tandis que le PCF et Génération.s devraient également y être représentés. Egalement invités, EELV et La France insoumise ont décliné. Les initiateurs de Place publique, dont Raphaël Glucksmann, Claire Nouvian et Thomas Porcher, ont expliqué mercredi matin à la presse que l’objectif était de dépasser « les rivalités d’ego » et d’« engager le dialogue ». M. Glucksmann a jugé « lunaire » que la gauche « qui, au total, est à 25 % dans les sondages ne [soit] pas foutue de se rassembler autour d’une table juste pour voir si elle peut discuter du fond ». Mais, devant les réticences des écologistes et du PCF, l’initiative de Place publique pourrait être bien difficile à concrétiser. « Ségolène Royal estime que l’aventure Glucksmann est terminée, alors elle reprend du poil de la bête », commente un fin connaisseur du PS. Sa proposition d’être numéro deux sur une liste écologiste vise, selon cette source, « à démonter Yannick Jadot et à montrer qu’il n’est pas unitaire ». La candidature de Mme Royal est « plus écologiste que socialiste » et M. Jadot « vient perturber son espace », analyse le même. Après la trêve observée au moment de la crise des « gilets jaunes », les grandes manœuvres ont bel et bien repris à gauche.
19/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/19/europeennes-segolene-royal-propose-d-etre-numero-deux-sur-une-liste-ecologiste-menee-par-yannick-jadot_5399996_823448.html
Présidentielle à Madagascar : un second tour de scrutin sous haute surveillance
La mission d’observation électorale de l’Union européenne a déployé une centaine de représentants à travers le pays, ce 19 décembre, pour surveiller le processus électoral.
Dans un bureau de vote à Antananarivo, un représentant de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) procède au dépouillement à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle, mercredi 19 décembre 2018. Themba Hadebe / AP Dans le bureau de vote de Behoririka, un quartier populaire d’Antananarivo, la capitale malgache, ils dénotent. Avec leurs blouses bleues piquetées de douze étoiles dorées, on repère de loin Sylvain et Dora, deux membres de la mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE). Lui est français, elle est hongroise ; tous deux font équipe pour cette journée de vote opposant les deux ex-présidents, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, candidats au second tour de l’élection présidentielle. La journée a commencé aux aurores et se prolongera jusque tard dans la nuit. Munis de formulaires d’une cinquantaine de pages, ils visiteront une dizaine de bureaux de vote à Antananarivo avant d’assister au dépouillement, et d’accompagner l’acheminement des bulletins au SMRV (section de recensement du matériel de vote) au stade Mahamasina. « On essaie toujours d’avoir deux personnes issues de pays aux traditions électorales différentes. Ici, nous avons affaire à un processus très français, avec les scrutateurs, la carte d’électeur… En Europe de l’Est, ça n’existe pas », confie Dora. Dans chaque bureau de vote, les deux observateurs prennent des notes, circulent, échangent avec le président et le chef de fokontany (quartier). Heure d’ouverture, déroulement du vote, personnes présentes, signes d’irrégularités… Les questionnaires détaillés sont ensuite transmis grâce à une application spécifique, permettant de centraliser les données récoltées dans l’ensemble des bureaux visités par les cent observateurs européens. Elles serviront à étayer la déclaration préliminaire de la mission d’observation. « Notre but est de relever toutes les irrégularités possibles dans le processus électoral. On observe, mais on ne peut pas intervenir », précise Sylvain. « Est-ce que vous avez bien reçu le matériel de vote à temps ? » A Avaradoha, un quartier pauvre d’Antananarivo, le président du bureau de vote acquiesce et montre au binôme une fiche consacrée aux anomalies. Elle est vierge. « On bénéficie de l’expérience du premier tour, ajoute-t-il, satisfait, nous avons pu ouvrir à l’heure. » C’est la troisième élection que suit Félix Andrianasoa et il trouve la journée « exceptionnellement calme », les Malgaches « peu mobilisés ». Contrairement au premier tour de scrutin, le 7 novembre, l’affluence observée à la mi-journée est faible. Saison des pluies oblige, la chaleur est de plomb dès 10 heures du matin. Aucune file d’attente dans la petite cour bétonnée : sur 375 inscrits, seuls 130 électeurs se sont déplacés. « Soit moitié moins comparé au premier tour à la même heure », abonde l’observateur français. « Moi, je vais aller voter, mais cet après-midi, assure Mananjara, 55 ans, sans emploi, en train de fouiller un bac à ordures installé à une centaine de mètres du bureau de vote. Il faut d’abord que je trouve de quoi nourrir ma femme et mes enfants et c’est plus facile le matin. » La journée de vote a bien été déclarée fériée, mais la mesure compte seulement pour les employés du secteur formel, loin de représenter la majorité de la population. « Je pense qu’il y a eu trop de rumeurs de fraudes, sur les cartes d’électeurs, sur la liste électorale, confie Rijaniaina, qui arrive en trombe devant le bureau de vote. Ça décourage les gens d’aller voter. » La question de la contestation des résultats sera, chacun le sait, au cœur de la période qui va s’ouvrir. L’UE n’est pas la seule à avoir déployé des observateurs sur le terrain. Plus d’une vingtaine de partenaires étrangers appuient la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans la surveillance du processus électoral. L’Union africaine, l’Organisation internationale de la francophonie et la Communauté de développement d’Afrique australe étaient présentes dans les vingt-deux régions du pays. L’observatoire de la société civile Safidy, qui avait mobilisé 7 350 personnes pour surveiller près de 40 % des bureaux, a été le premier à faire le constat, en fin de journée, que « le vote [s’était] déroulé dans le calme et que les procédures [avaient] été globalement respectées ».
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/presidentielle-a-madagascar-un-second-tour-de-scrutin-sous-haute-surveillance_5399993_3212.html
Au Venezuela, le quotidien « El Nacional » disparaît des kiosques
Le dernier bastion de la presse écrite d’opposition, victime de la crise du papier et des pressions politiques, continuera sa diffusion sur Internet.
Des journalistes dans la salle de rédaction du quotidien « El Nacional », le dernier jour de sa parution sur papier, vendredi 14 décembre, à Caracas. STRINGER / REUTERS Encore un journal qui disparaît des kiosques. Vendredi 14 décembre, le quotidien vénézuélien El Nacional a publié sa dernière édition sur papier. Il continuera d’exister sur Internet. Plus encore que le harcèlement politique, la crise du papier et l’hyperinflation ont finalement eu raison du journal, dernier bastion de la presse écrite d’opposition contre le gouvernement socialiste de Nicolas Maduro. « “El Nacional”, guerrier, continuera de se battre », a titré en « une » de son dernier numéro le journal qui, cette année, avait fêté ses 75 ans. « La disparition du quotidien ne peut que faire plaisir à Nicolas Maduro et à toute sa clique civile et militaire qui entendent jouir du pouvoir sans rendre de comptes à personne », lit-on dans l’éditorial. Des dizaines de personnalités ont exprimé leur solidarité à l’équipe d’El Nacional. « Nicolas, on se retrouve sur la Toile », écrit en exergue le quotidien qui entend dynamiser son site Internet. « Partout dans le monde, la presse écrite est menacée, contrainte de se réinventer à l’heure d’Internet, admet Carlos Correa, directeur de l’organisation de défense de la liberté de presse Espacio Publico. Mais, au Venezuela, les pressions politiques et la crise économique ont rendu la situation intenable. La presse écrite agonise. » Selon l’Institut presse et société (IPYS), El Nacional est le vingt-cinquième média écrit qui disparaît cette année, le soixante-sixième depuis 2013. Fermeture de médias en cascade depuis début 2017 A cette date, la distribution de papier journal au Venezuela est passée sous le contrôle du Complejo Editorial Alfredo Maneiro (CAEM), qui dépend du ministère de la communication et qui exerce un monopole de fait sur les importations et la vente du précieux matériau. Les phénoménales hausses de salaires décrétées par le gouvernement pour faire face à l’hyperinflation ont aussi mis en difficulté les médias. Depuis début 2017, cinquante-deux stations de radio et huit chaînes de télévision, dont CNN en espagnol, ont cessé d’émettre. El Nacional avait soutenu la première candidature de Hugo Chavez (président de 1999 à 2013), il y a exactement vingt ans. Mais les relations entre le chef de l’Etat et les grands médias privés ont rapidement tourné au vinaigre. Bien avant l’arrivée de Nicolas Maduro au pouvoir, Miguel Henrique Otero, le directeur du journal, qui vit en Espagne depuis plusieurs années pour échapper à la justice de son pays, dénonçait la « dictature » au Venezuela. Les autorités vénézuéliennes ne se sont pas prononcées sur la disparition d’El Nacional, depuis longtemps considéré comme un ennemi du peuple. L’actuel président de l’Assemblée constituante, Diosdado Cabello, l’avait froidement rebaptisé « El Nazional ». Caracas accuse régulièrement la presse nationale de « conspirer » en vue d’un coup d’Etat et la presse internationale de faire le jeu de Washington. M. Otero se veut optimiste : « Ils disparaîtront avant nous. Sur ces rotatives-là, nous titrerons alors “Le Venezuela retrouve la démocratie” », a-t-il déclaré dans une brève vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Le « recours à Twitter et WhatsApp pour s’informer » En 2015, M. Cabello, qui était alors vice-président du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), a attaqué en diffamation El Nacional pour avoir repris un reportage publié dans la presse espagnole évoquant ses liens supposés avec le trafic de drogue. Le 5 juin, un tribunal de première instance de Caracas condamnait le quotidien à payer une grosse amende. « L’accès à l’information est de plus en plus difficile au Venezuela, résume Carlos Correa. Les sites Internet sont souvent bloqués. Les gens ont de plus en plus recours à Twitter et WhatsApp pour s’informer. » Sur le réseau Twitter, le journaliste d’opposition Nelson Bocaranda compte ainsi trois millions d’abonnés. L’application WhatsApp est devenue la première source d’information des Vénézuéliens. « Ces réseaux sont devenus le dernier espace de liberté, explique M. Correa. Mais ils véhiculent évidemment beaucoup de fausses informations. Et ils n’ont évidemment pas la même portée que les médias traditionnels. L’audience est fragmentée, le débat public aussi. » M. Maduro ne peut que s’en réjouir. L’organisation Reporters sans frontières (RSF) demande la libération immédiate du reporter allemand Billy Six, détenu depuis le 17 novembre au Venezuela. M. Six est accusé, par un tribunal militaire, de rébellion et d’espionnage au motif qu’il aurait violé une zone de sécurité. Il risque vingt-huit ans de prison. Le journaliste serait entré au Venezuela par voie terrestre, par la frontière colombienne. Seule sa famille a pu lui parler depuis sa détention. « Le traitement que subit Billy Six est indigne et scandaleux », signale RSF, en précisant que les autorités vénézuéliennes n’ont pas présenté de preuves pour étayer leurs accusations. Les services consulaires allemands gardent le silence. Sur le classement mondial de la liberté de presse élaboré par RSF, le Venezuela occupe le 143e rang sur 180.
19/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/19/au-venezuela-le-quotidien-el-nacional-disparait-des-kiosques_5399988_3210.html
A 100 jours du Brexit, l’Europe se prépare à un éventuel « no deal »
La Commission a publié 14 propositions de mesures à adopter en cas d’absence d’accord avec Londres.
Theresa May au centre de commandement des forces de surveillance des frontières, à l’aéroport d’Heathrow, le 19 décembre. NIKLAS HALLEN'N / AP A J-100 du Brexit, le 29 mars 2019, l’Union européenne (UE) prend le risque de « no deal » très au sérieux. La Commission européenne a publié, mercredi 19 décembre, quatorze propositions de mesures à adopter en cas d’absence d’accord avec Londres, pour éviter que ce scénario catastrophe ne heurte trop ses intérêts « vitaux », ceux de ses 450 millions de citoyens restants et de ses dizaines de milliers d’entreprises. Il ne s’agit plus seulement de faire peur à l’adversaire, comme c’était le cas lors de la première communication de Bruxelles sur le « no deal », en juillet, mais de réellement se préparer au pire, car ce scénario n’a malheureusement plus rien de fantaisiste, étant donné l’impasse politique dans laquelle se trouve le Royaume-Uni. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : pour sortir de l’impasse, l’hypothèse d’un second référendum s’impose dans le débat En cas de non-accord, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers de l’Union au 29 mars 2019 à minuit heure de Bruxelles. Les Européens redoutent désormais un « non-accord » par accident, Theresa May ayant reporté à la mi-janvier le vote de la Chambre des communes sur leur traité de divorce. Beaucoup à Bruxelles estiment qu’en cas de rejet, pour l’instant probable, par les députés britanniques, le temps manquera pour trouver une autre issue (nouveau référendum, négociation du divorce sur une nouvelle base, prolongation de l’article 50). En cas de non-accord, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers de l’Union au 29 mars 2019 à minuit heure de Bruxelles. Ses ressortissants n’auront plus le droit de séjourner sans autorisation dans l’UE, ses avions risquent de rester cloués au sol, etc. Pour éviter cet armageddon, mais uniquement « dans l’intérêt » de l’UE, la Commission se prépare donc, si nécessaire, à activer des mesures de continuité, limitées à six, neuf, douze ou vingt-quatre mois, révocables de manière unilatérale. Et dont un certain nombre sont soumises à des conditions de réciprocité : elles ne s’appliqueront que si le Royaume-Uni prend symétriquement le même type de mesures. Paralysie des flux aériens C’est le cas des dispositions d’urgence prévues pour les citoyens de l’UE. La Commission, qui n’a de compétences qu’en matière de courts séjours, recommande une approche « généreuse » à l’égard des résidents britanniques sur le territoire européen. Ils devraient pouvoir obtenir sans difficulté des permis de résidence et continuer à travailler dans leur pays hôte. A condition que Londres garantisse la pareille aux ressortissants des Vingt-Sept.
19/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/19/a-100-jours-du-brexit-l-europe-accelere-ses-preparatifs-d-un-no-deal_5399985_3210.html
Les activités d’Orano en Mongolie visées par une enquête judiciaire pour des soupçons de corruption
Ces soupçons « de corruption d’agent public étranger » impliquent notamment un des prestataires d’Orano, la société de conseil Eurotradia International.
Le groupe nucléaire français Orano, anciennement Areva, est dans le viseur du parquet national financier qui enquête sur des soupçons de corruption en Mongolie, a-t-on appris, mercredi 19 décembre, de sources proches du dossier. Ces soupçons « de corruption d’agent public étranger » impliquent notamment un des prestataires d’Orano, la société de conseil Eurotradia International, qui a joué un rôle clé pour lui obtenir en 2013 l’exploitation de gisements d’uranium dans le désert de Gobi. « Nous avons décidé de mettre fin à nos contrats avec Eurotradia », a fait savoir à l’AFP un porte-parole d’Orano. « Nous n’avions rien noté d’anormal et nous nous tenons désormais à la disposition de la justice », a-t-il ajouté, affirmant que « Eurotradia n’avait pas notre accord pour recourir à des intermédiaires mongols ». Campagne anticorruption en Mongolie En octobre 2013, sous la présidence de Luc Oursel, Areva avait conclu un partenariat stratégique pour exploiter deux gisements d’uranium dans le désert de Gobi (sud-est) avec le mongol Mon-Atom et le japonais Mitsubishi. L’accord intervenait après plus de dix ans de prospection du groupe français en Mongolie, mais il était resté incertain jusqu’au dernier moment. Le projet avait suscité de fortes oppositions environnementales dans cet immense pays de trois millions d’habitants, dont le sous-sol est riche en minerais (uranium, cuivre, or, charbon). Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’une campagne anticorruption en Mongolie où, dans un autre dossier, deux anciens premiers ministres ont été incarcérés en avril pour des accords controversés avec le géant minier anglo-australien Rio Tinto. Par ailleurs, le groupe nucléaire français est déjà visé depuis 2015 par une enquête préliminaire du PNF. Cette affaire, surnommée « uraniumgate », porte sur la vente controversée, à l’automne 2011, d’une importante quantité d’uranium nigérien pour 320 millions de dollars. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le rachat d’UraMin, un désastre financier et industriel pour Areva
19/12/2018
energies
https://www.lemonde.fr/energies/article/2018/12/19/les-activites-d-orano-en-mongolie-visees-par-une-enquete-judiciaire-pour-des-soupcons-de-corruption_5399983_1653054.html
Le nom des gènes
La tâche de nommer les gènes représente un effort considérable. Qu’ils soient « CCR5 » ou « Pokémon », ces sobriquets sonnent souvent la consécration d’un parcours de pionniers.
Carte Blanche. Qui est donc CCR5 ? Le 26 novembre dernier, ce gène humain s’est soudain retrouvé sous le feu des projecteurs à l’annonce de la naissance des deux premières jumelles génétiquement modifiées. Vous n’avez probablement pas cherché à en connaître l’étymologie, lassés d’entendre les généticiens user d’acronymes abscons pour désigner les ciseaux moléculaires Crispr/Cas9 ou le variant du gène BRCA1 associé au risque accru de cancer du sein d’Angelina Jolie. L’explicitation de l’acronyme – Récepteur des chimiokines C-C de type 5 – ne vous éclairerait d’ailleurs guère sur son rôle de premier plan dans l’actualité : il vous suffit de comprendre que la protéine CCR5 codée par le gène CCR5 sert de porte d’entrée au virus du sida dans les cellules immunitaires. Lire aussi Des bébés génétiquement modifiés seraient nés en Chine La tâche de nommer les gènes représente un effort considérable si l’on sait que le génome humain contient à lui seul environ 20 000 gènes codant des protéines et au moins autant de gènes non codants, et qu’il y a des millions d’espèces sur terre. Les gènes, c’est-à-dire les unités héréditaires responsables d’un caractère donné, étaient historiquement nommés par un mot ou une phrase illustrant ce caractère. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, des codes de nomenclature furent fixés pour les espèces modèles en génétique, fournissant aux spécialistes un vocabulaire commun, pratique et standardisé. Ainsi le gène de drosophile Antennapedia, dont la mutation conduit au développement de pattes en lieu et place d’antennes, est-il désormais abrégé en Antp. Parfois rebaptisés Chaque gène reçoit pour nom, en général lors de la première publication où il apparaît, une abréviation ou un acronyme. Suivant le type d’informations dont on dispose, ce nom représente le trait associé à une mutation de ce gène, la voie métabolique dans laquelle intervient la protéine qu’il code, la réaction biochimique éventuellement catalysée, ou encore un type d’interaction moléculaire. Par exemple chez la levure, cinq gènes dont la mutation conduit à une sensibilité prononcée aux basses températures ont été nommés BRR1 à 5, pour Bad Response to Refrigeration (« mauvaise réponse à la réfrigération »). Remarquez que ces sobriquets rafraîchissants (Brr !) ne nous informent en rien sur la fonction de leurs produits dans la maturation des ARN. Les noms de gènes ne sont toutefois pas gravés dans le marbre. Pour différentes raisons, comme l’homogénéisation de la nomenclature entre espèces, ou la caractérisation plus précise d’une fonction moléculaire, ils peuvent être rebaptisés. Exemple célèbre, en 2005 le Comité de nomenclature des gènes Hugo a dû renommer le gène Pokemon, dont certaines formes sont impliquées dans le développement de cancers, après la parution de titres ambigus comme « Le rôle de Pokémon dans le cancer révélé ».
19/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/19/le-nom-des-genes_5399980_1650684.html
L’extrême droite autrichienne veut suspendre la naturalisation des Turcs
Le parti d’extrême droite FPÖ justifie sa position par l’absence de coopération d’Ankara dans sa traque aux binationaux, interdits en Autriche.
Le vice-chancelier autrichien, Heinz-Christian Strache, le 4 décembre, à Vienne. LEONHARD FOEGER / REUTERS L’Autriche a annoncé vouloir suspendre la naturalisation des Turcs, après une décision de la Cour constitutionnelle jugeant illégal un programme de déchéance de nationalité. Interrogé par la presse, le vice-chancelier d’extrême droite (FPÖ, Parti de la liberté d’Autriche), Heinz-Christian Strache, a justifié cette mesure radicale, mardi 18 décembre, par l’absence de coopération d’Ankara, dans le cadre d’une enquête visant à vérifier si des milliers de citoyens autrichiens d’origine turque n’avaient pas gardé ou récupéré leur ancienne nationalité, ce qui est strictement interdit. En faisant cette déclaration, M. Strache réagissait au camouflet infligé par la plus haute juridiction à sa politique visant spécifiquement et uniquement les Autrichiens d’origine turque. Depuis son arrivée au pouvoir, l’exécutif s’est en effet lancé dans une très coûteuse opération de vérification visant à débusquer les binationaux dans cette communauté, l’une des plus importantes, puisqu’elle représente environ 270 000 personnes, pour un pays de 8,7 millions d’habitants. Son enquête a été établie à partir d’une liste de 100 000 personnes figurant dans un fichier fourni par le groupe parlementaire du FPÖ, qui n’en a jamais révélé la provenance. De nombreux Autrichiens dans une angoisse terrible Pour l’instant, seule une poignée de fraudes avérées ont été relevées, mais la procédure a placé de nombreux Autrichiens dans une angoisse terrible, car le ministère de l’intérieur exigeait d’eux qu’ils prouvent avoir renoncé à tout lien avec l’état civil de leur pays d’origine, alors que ce dernier refusait de répondre à leurs requêtes. Les relations diplomatiques entre la Turquie et l’Autriche sont exécrables. Vienne ne reconnaît pas la double nationalité. La Cour constitutionnelle a contesté toute valeur juridique au document du FPÖ, relevé l’inégalité de traitement et l’impossibilité, pour l’exécutif, de faire peser la charge de la preuve sur les intéressés. Nurten Yilmaz, la responsable des questions d’intégration au sein de l’opposition sociale-démocrate (SPÖ), évoque le soulagement de pans entiers de la population face à la menace de perdre tout ce qu’ils avaient construit dans leur processus d’intégration. « Le FPÖ a délibérément joué avec ce danger », déplore-t-elle, tout comme une porte-parole du parti libéral NEOS, Stephanie Krisper, qui regrette que l’extrême droite tente « d’insécuriser les citoyens autrichiens d’origine turque dans l’objectif de diviser la société ».
19/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/19/l-extreme-droite-autrichienne-veut-suspendre-la-naturalisation-des-turcs_5399976_3210.html
« La Continental : le mystère Greven » : l’agent double du cinéma nazi
Un documentaire s’intéresse à l’Allemand Alfred Greven qui produisit à Paris des films d’une liberté étonnante entre 1941 et 1944.
La maison de Mesnil-le-Roi (Yvelines) dans laquelle Alfred Greven voulait créer un studio. FLAIR PRODUCTION LCP, mercredi 19 décembre à 20 h 30, documentaire Bertrand Tavernier avait pris pour sujet de son film fleuve Laissez-Passer (2002) la société­ Continental-Films, établie en France par les nazis pendant l’Occupation. Cette société de production française à capitaux allemands, communément dite « la Continental », fut le terrain ambigu de compromissions, de doubles jeux, mais aussi un tremplin pour de jeunes cinéastes qui y firent leurs débuts. Il paraissait naturel que Tavernier, en tant qu’auteur de ce film (qu’il n’évoque d’ailleurs jamais), mais aussi au titre de sa connaissance prodigieuse du cinéma, participe au passionnant documentaire de Claudia Collao pour la chaîne OCS – qui le rend disponible sur son service de rediffusion à la demande, tandis que La Chaîne parlementaire (LCP) le propose en première partie de soirée ce mercredi 19 décembre. Se joignent au témoignage précieux et piquant du cinéaste ceux de Jean-Ollé Laprune et Pascal Mérigeau (historiens et journalistes de cinéma), Pascal Ory (dont l’un des terrains de recherche, parmi les multiples sujets auquel ce spécialiste de l’histoire sociale de la France s’est attaché, est la France de l’Occupation), et, entre autres, le dramaturge à succès Pierre Barillet (qui avait 20 ans en 1943). Détails savoureux et érudits Le fil conducteur de ce documentaire est la figure mystérieuse et paradoxale d’Alfred Greven (1897-1973). Cet Allemand, proche ami de Hermann Göring depuis la première guerre mondiale, est nommé à Paris par Joseph Goebbels, ministre de la propagande du IIIe Reich, directeur de Continental-Films, dont le but, rappelle Bertrand Tavernier, était de produire « des films anodins, sans ambition particulière – des films qui endorment le spectateur… » Mais Greven, qui accroche chaque matin son manteau et son chapeau sur un buste d’Adolf Hitler dans son bureau de l’avenue des Champs-Elysées, témoigne d’« une étrange liberté », ainsi que le formule Tavernier. Contredisant à plusieurs reprises les ordres de Goebbels – qui n’impose pourtant pas de propagande à la production française de la Continental –, il s’ingénie à produire des longs-métrages de qualité. La Continental adapte même Zola et Maupassant, auteurs pourtant mis à l’index par les nazis Ce francophile, qui « connaît très bien le cinéma français et sait qui sont les meilleurs », rappelle Jean Ollé-Laprune, laisse la bride sur le cou de ses poulains scénaristes et réalisateurs. Il encourage des scènes que la censure du gouvernement de Vichy aurait refusées. La Continental adapte même Zola et Maupassant, auteurs pourtant mis à l’index par les nazis. Plus étonnant encore, Alfred Greven engage des juifs, et aurait lancé : « Pour le cinéma, les juifs sont les plus forts ! » Trente films seront produits entre 1941 et 1944. Pas tous des chefs-d’œuvre (les nanars de Fernandel…), mais quelques grands classiques sur lesquels les intervenants reviennent en détails savoureux et érudits. Alors que le Reich s’effondre, Greven commence à bâtir une Cité du cinéma au Mesnil-le-Roi, dans les Yvelines. La défaite ne lui permet pas de mener ce chantier à son terme. Toujours aussi obscur et mystérieux (on ne connaît qu’un seul portrait photographique de lui), Greven retournera en Allemagne, où il produira des films parmi lesquels, s’amuse Tavernier, il n’a pu « identifier un seul qui ait un minimum d’intérêt… » La Continental : le mystère Greven, documentaire de Claudia Collao (Fr., 2017, 52 min). www.ocs.fr
19/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/19/la-continental-le-mystere-greven-l-agent-double-du-cinema-nazi_5399973_1655027.html
Plus de postes en primaire, moins dans le secondaire : quels moyens à la rentrée 2019 ?
L’école primaire bénéficie de plus de 2 000 emplois supplémentaires. Le nombre de postes est à la baisse dans les collèges et les lycées.
En 2019-2020, 2 175 postes supplémentaires sont octroyés à l’école primaire, alors que le nombre d’écoliers attendus est en déclin. PASCAL PAVANI / AFP C’est une étape convenue et néanmoins attendue. Chaque année, à l’approche des congés de Noël, l’éducation nationale livre une première photographie de la rentrée scolaire à venir en rendant publics, académie par académie, les moyens d’enseignement octroyés aux écoles, collèges et lycées. La surprise est relative. Ces chiffres reflètent, peu ou prou, les lignes budgétaires divulguées à l’été. Il n’empêche, les tableaux détaillant les « équivalents temps plein » (ETP dans le jargon de l’école) communiqués mercredi 19 décembre par le ministère de l’éducation, renseignent sur les créations ou les suppressions de postes pour septembre. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Rentrée 2019 : la répartition des moyens d’enseignement fait déjà débat Priorité au primaire Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, année après année, cette carte a ainsi dessiné quelque 60 000 suppressions d’emploi. Sous la présidence de François Hollande, presque autant ont été créés. La rentrée 2019 – la troisième de l’ère Macron, la deuxième préparée par Jean-Michel Blanquer, son ministre de l’éducation – marque, comme sous la gauche, la priorité donnée au premier degré. En 2019-2020, 2 175 postes supplémentaires sont octroyés à l’école primaire, alors même que le nombre d’écoliers attendus est en déclin (– 33 600 selon les dernières prévisions). Ce chiffre atteint 2 375 postes si l’on tient compte d’une « réserve » de 150 emplois dévolue, notamment, à la scolarisation d’enfants autistes. Pour treize académies, dont Besançon, Caen, Rennes ou Clermont-Ferrand, le compte est à zéro. « Ces territoires sont à moyens constants, alors qu’ils représentent, à eux seuls, 70 % de la baisse des effectifs élèves », fait-on valoir à la Direction générale de l’enseignement scolaire. Les académies de Créteil (+ 502 postes), Versailles (+ 462) et Lyon (+ 175) obtiennent les plus fortes dotations, devant la Guyane et Mayotte (+ 150 pour chacune), La Réunion (+ 122) ou encore Aix-Marseille (+ 110). Paris hérite de 40 postes supplémentaires, mieux que Nice (+ 38) et Rouen (+ 34). « Partout, le taux d’encadrement s’améliore », défend-on dans l’entourage de M. Blanquer, même si, sur le terrain, des craintes se font jour. Les écoles rurales ou les écoles qui ne relèvent pas de l’éducation prioritaire redoutent de devoir bientôt « rendre des postes » au profit des classes de CP et de CE1 dédoublées, qui absorbent une large part des emplois créés. Tendance à la baisse dans le secondaire Dans le second degré, l’arithmétique est différente. Si l’on s’en tient aux tableaux divulgués mercredi, le solde entre les emplois créés et les emplois supprimés est négatif. Il est de l’ordre de 365 emplois en moins (et même de 465 en moins si l’on tient compte d’une « réserve » constituée d’une centaine de postes), alors que les effectifs de collégiens et de lycéens attendus à la rentrée devraient, eux, s’accroître de 32 000.
19/12/2018
education
https://www.lemonde.fr/education/article/2018/12/19/plus-de-postes-pour-l-ecole-primaire-moins-dans-le-secondaire-quels-moyens-a-la-rentree-2019_5399969_1473685.html
Etats-Unis : Donald Trump annonce le retrait militaire américain de Syrie
« Nous avons vaincu l’EI en Syrie, ma seule raison d’y être », a justifié Donald Trump en annoncant le départ des 2 000 soldats américains sur place.
Patrouille des forces américaines près d’Al-Darbasiyah (Syrie), à la frontière syro-turque le 4 novembre. DELIL SOULEIMAN / AFP Donald Trump a tranché : les Etats-Unis devraient rapidement retirer leurs forces spéciales du nord-est de la Syrie, où elles avaient été déployées pour lutter contre l’organisation Etat islamique (EI). « Nous avons vaincu l’EI en Syrie, ma seule raison d’y être pendant la présidence Trump », a assuré le président des Etats-Unis sur son compte Twitter, mercredi 19 décembre. « Nous avons gagné. (...) Il est temps que nos troupes rentrent à la maison. Nos garçons, nos jeunes femmes, nos hommes, ils rentrent tous, et ils rentrent maintenant », a-t-il ensuite confirmé dans une vidéo, publiée dans la soirée. Ce retrait pourrait être achevé d’ici à un mois et il a déjà commencé, selon un communiqué de la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders, publié dans la matinée, sans que la Maison Blanche n’apporte la moindre précision chiffrée. Dans une équation régionale particulièrement complexe, le rôle du contingent américain de 2 000 hommes, présents sans le moindre mandat international, dépassait pourtant la mission d’éradication du djihadisme. Il tenait aussi à distance les forces du régime de Bachar Al-Assad, avec lequel Washington a rompu au début de la guerre civile, et leurs alliés iraniens, ainsi que celles de la Turquie. Leur présence sur place protège en effet les forces locales à dominante kurde qui s’étaient portées au premier rang de la bataille contre l’EI. Ankara considère ces dernières comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) que le pays combat militairement à l’intérieur de ses frontières. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait assuré, lundi, avoir le feu vert de Washington pour que « les groupes terroristes soient chassés de l’est de l’Euphrate ». « Nous pouvons enclencher nos opérations en Syrie à n’importe quel moment à partir des territoires qui correspondront à nos projets », avait-il averti. Une menace qui peut désormais se concrétiser. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Paris s’inquiète du retrait américain de Syrie Tensions internes à Washington Donald Trump, à la Maison Blanche, le 18 décembre. EVAN VUCCI / AP Alors que la lutte contre les djihadistes a enregistré, le 14 décembre, un succès décisif avec la prise par les milices kurdes de la localité de Hagine, située près de la frontière avec l’Irak, dans la vallée de l’Euphrate, le Pentagone et le département d’Etat ont longtemps milité pour le maintien des forces spéciales américaines. A la fois pour éviter une résurgence du djihadisme, et au nom du levier que leur présence octroyait à Washington, notamment dans la quête difficile d’une sortie politique de la guerre civile qui a ravagé la Syrie. Ces tensions internes sur la présence américaine en Syrie pourraient toujours avoir cours malgré les déclarations du président américain. D’après le New York Times, des responsables du Pentagone essayaient encore, mercredi matin, heure de Washington, de convaincre le président Trump de revenir sur la décision. « La campagne contre l’EI n’est pas terminée », a maintenu le Pentagone, sur un ton plus nuancé que le tweet présidentiel, précisant qu’il ne fournirait aucun détail pour des raisons de sécurité. Dans un communiqué publié peu après le tweet de M. Trump, Sarah Huckabee Sanders, porte-parole du président, a encore ajouté à la confusion en déclarant : « Nous avons commencé à faire rentrer les troupes américaines à la maison, alors que nous passons à la phase suivante de cette campagne ». Une déclaration qui ne permettait pas d’écarter totalement l’hypothèse d’un retrait qui ne serait que partiel. Le spectre du retrait d’Irak Le président des Etats-Unis n’avait pourtant pas eu de mots assez critiques contre le retrait américain d’Irak ordonné par Barack Obama en 2011, jugé précipité. Ce retrait, conforme à l’engagement du président démocrate, avait privé les Etats-Unis d’influence sur le gouvernement dirigé par Nouri Al-Maliki. Les dérives sectaires de ce dernier avaient contribué à la renaissance du djihadisme et à l’avènement de l’EI. S’il se concrétise, le retrait des forces américaines se traduirait par l’abandon de toute stratégie syrienne par Washington. Le président n’aurait pas été le premier à reculer sur ce dossier. L’inertie de son prédécesseur a permis à la Russie de faire un retour spectaculaire au Levant, en 2015. Après le renoncement américain de mercredi, le président russe, Vladimir Poutine, y sera plus que jamais en position d’arbitre. L’autre grand bénéficiaire de cette décision est Bachar Al-Assad. Devant l’Atlantic Council, un cercle de réflexion de Washington, le représentant spécial de la diplomatie américaine pour la Syrie, James Jeffrey, avait assuré, lundi, que Washington voulait « voir un régime qui soit fondamentalement différent », tout en assurant ne pas vouloir se « débarrasser d’Assad ». Une victoire pour Poutine et Bachar Al-Assad Ces attentes risquent d’être considérablement déçues s’il ne reste plus à Washington et à ses alliés européens que le levier de la reconstruction dans un pays qui aura besoin de centaines de milliards de dollars pour se relever des ruines. D’après un responsable des autorités à dominante kurde alliées à Washington en place dans le nord-est de la Syrie, « en cas de retrait des forces de la coalition et d’agression turque, nous n’aurons d’autre choix que d’appeler Damas à prendre ses responsabilités, y compris sur le plan militaire pour défendre le territoire syrien. L’inquiétude est très grande. » Le retrait américain de Syrie ajoute enfin une note discordante à la stratégie offensive de Washington visant l’Iran. Donald Trump abandonne en effet un terrain sur lequel l’influence iranienne s’est faite plus pesante à la faveur de la guerre civile. Cette même influence que les Etats-Unis ne cessent de dénoncer. Seul responsable étranger à avoir réagi, mercredi soir, à ces informations, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré qu’Israël, informé par avance par les Etats-Unis, allait étudier les retombées d’un retrait américain de Syrie, mais « saurait se défendre » contre les éventuelles menaces venues de chez son voisin.
19/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/19/syrie-donald-trump-envisage-un-retrait-rapide-des-troupes-americaines_5399950_3210.html
Saône-et-Loire : un moine bouddhiste condamné à douze ans de prison pour viols
Karma Tshojay, 56 ans, était accusé par quatre femmes, disciples ou enfants de disciples au sein de la communauté du temple bouddhiste des Mille Bouddhas, de viols et d’agressions sexuelles.
Au temple des Mille Bouddhas, à La Boulaye (Saône-et-Loire), le 27 juillet 2012. Olivier Duquesne/(CC BY-SA 2.0) Un moine bouddhiste a été condamné dans la nuit de mardi 18 à mercredi 19 décembre par la cour d’assises de la Saône-et-Loire à douze ans de réclusion criminelle pour des viols et agressions sexuelles. Karma Tshojay, 56 ans, était accusé par quatre femmes, disciples ou enfants de disciples au sein de la communauté du temple bouddhiste des Mille Bouddhas, à La Boulaye (Saône-et-Loire). Parmi les faits reprochés à cet homme, appelé lama Tempa, figurent des viols sur plusieurs victimes dont une mineure, âgée de 11 à 13 ans, et des attouchements sexuels sur une autre, alors qu’elle était âgée de 9 ans et vivait dans la communauté avec ses parents, entre les années 1990 et les années 2000. Trois victimes, qui s’étaient constituées partie civile, ont obtenu des dommages et intérêts à hauteur de 12 000 euros pour l’une et 15 000 euros pour les deux autres, a précisé Alain Guignard, un des avocats des parties civiles. Un second religieux acquitté M. Tshojay, mis en examen en 2012, avait été placé en détention provisoire pendant deux ans avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire. Marié, il résidait toujours en Saône-et-Loire mais avait été exclu de la communauté. Il conteste depuis le début de la procédure les faits qui lui sont reprochés. La cour a en revanche acquitté un second religieux, lui aussi d’origine bhoutanaise, qui se trouvait poursuivi pour « agressions sexuelles sur mineur de (moins de) 15 ans ». Quatre ans de prison dont deux avec sursis avaient été requis à son encontre.
19/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/19/saone-et-loire-un-moine-bouddhiste-condamne-a-douze-ans-de-prison-pour-viols_5399948_3224.html
Cotons-Tiges, pailles… Les plastiques à usage unique interdits en Europe au plus tard en 2021
Un texte inédit a été signé mercredi pour lutter contre la pollution liée à l’utilisation massive de ce matériau dans l’UE.
Couverts, assiettes et autres verres en plastique à usage unique seront interdits en 2021. PHILIPPETURPIN / PHOTONONSTOP Alors que 25 millions de tonnes de déchets en plastique sont produites chaque année dans l’Union européenne (UE), dont un quart seulement est recyclé, le Parlement de Strasbourg et la présidence du Conseil européen ont conclu, mercredi 19 décembre, un accord provisoire inédit pour lutter contre la pollution environnementale liée aux plastiques. Assiettes, couverts, Coton-Tige, pailles, touillettes à boisson, tiges de ballons de baudruche, plastique oxodégradable, contenants alimentaires en polystyrène expansé… Comme annoncé, ces produits à usage unique – déjà interdits dans certains pays – seront bannis de l’UE début 2021 au plus tard. Mais le texte, qui devait être entériné, jeudi 20 décembre, par les ministres de l’environnement lors du Conseil environnement, contient d’autres avancées significatives. Il renforce l’application du principe « pollueur-payeur » en introduisant notamment la « responsabilité élargie du producteur » (REP) pour les cigarettiers et les producteurs de matériel de pêche qui devront prendre en charge les coûts de la collecte des mégots et des filets abandonnés en mer. Il fixe, en outre, un objectif de collecte des bouteilles en plastique de 90 % des volumes d’ici à 2029, et un objectif de 25 % de contenu recyclé dans les bouteilles en plastique d’ici à 2025, et de 30 % d’ici à 2030. Il prévoit également un étiquetage obligatoire relatif à l’impact environnemental négatif pour les cigarettes à filtre plastique, les gobelets en plastique, les lingettes humides et autres articles hygiéniques. Affaire rondement menée « En poids, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans du monde d’ici 2050 si nous continuons à rejeter du plastique dans la mer au rythme actuel », a déclaré Elisabeth Köstinger, ministre autrichienne du développement durable dont le pays exerce actuellement la présidence tournante de l’UE. L’affaire a été rondement menée. Fin mai 2018, la Commission européenne avait proposé un texte visant la réduire « drastiquement » la pollution liée aux plastiques qui contamine les espèces marines pour migrer dans la chaîne alimentaire humaine. « La définition de l’usage unique au niveau européen est désormais plus précise », affirme Laura Châtel, responsable de plaidoyer pour l’ONG Zero Waste France Le 24 octobre, le projet de texte a été approuvé par le Parlement européen en session plénière à une large majorité et le trilogue – négociations entre le Parlement, le Conseil et la Commission – a débuté en novembre. L’accord doit encore recevoir l’assentiment officiel du Parlement de Strasbourg et du Conseil de l’UE, mais il devrait être adopté en mars 2019 pour une entrée en vigueur en 2021. « La définition de l’usage unique au niveau européen est désormais plus précise, elle se renforce et les interdictions s’étendent aux contenants en polystyrène, s’est réjouit Laura Châtel, responsable de plaidoyer pour l’ONG environnementale Zero Waste France. Et l’introduction d’une REP pour l’industrie du tabac est capitale. » « Avancée significative » Outre la protection des océans, la directive affiche d’autres ambitions environnementales et économiques. Selon l’eurodéputée belge rapporteure du dossier, Frédérique Ries (Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), son adoption permettra de « réduire la facture des dégâts environnementaux de 22 milliards d’euros, soit le coût estimé de la pollution aux plastiques en Europe d’ici 2030 », mais aussi « d’éviter l’émission de 3,4 millions de tonnes d’équivalent CO 2 ». « L’UE a le mérite d’être la première région à introduire de nouvelles lois visant à réduire la pollution par les plastiques à usage unique » Meadhbh Bolger, de l’association Friends of the Earth Europe Dans un communiqué, Rethink Plastic, une coalition d’ONG en faveur d’un avenir sans plastique, a qualifié le texte d’« avancée significative » tout en estimant qu’il ne répond « pas pleinement à l’urgence de la crise des plastiques ». « L’UE a le mérite d’être la première région à introduire de nouvelles lois visant à réduire la pollution par les plastiques à usage unique, a déclaré Meadhbh Bolger, de l’association Friends of the Earth Europe au nom de Rethink Plastic. Ce qui est moins louable, c’est que le lobby du plastique a réussi à retarder et à affaiblir son ambition. » Lire aussi En 2019, les pailles en plastique ne seront plus automatiques en Californie La coalition regrette ainsi qu’aucun objectif européen contraignant n’ait été fixé pour la réduction de la consommation des emballages alimentaires et des gobelets, et que l’entrée en vigueur de l’obligation de collecter 90 % des bouteilles en plastique – recommandée pour 2025 par la Commission européenne – ait été repoussée de quatre ans.
19/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/19/l-union-europeenne-conclut-un-accord-sur-l-interdiction-des-plastiques-a-usage-unique_5399945_3244.html
Prime d’activité : « 100 euros de plus par mois », qui en profitera ou non, en sept exemples
Une semaine après les annonces d’Emmanuel Macron, le gouvernement a planché en conseil des ministres sur sa traduction dans les faits. Décryptage.
Décoration de Noël sur un rond-point tenu par des « gilets jaunes », le 4 décembre, à Gaillon, dans l’Eure. BENJAMIN GIRETTE / HANS LUCAS POUR "LE MONDE" Les contours des « 100 euros par mois » en plus promis par Emmanuel Macron aux travailleurs payés au smic s’éclaircissent peu à peu. Le gouvernement a examiné en conseil des ministres, mercredi 19 décembre, le projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales en réponse à la colère des « gilets jaunes ». L’occasion pour plusieurs membres du gouvernement d’apporter plus de précisions sur le coup de pouce en termes de pouvoir d’achat promis par le président de la République le 10 décembre. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement a choisi d’augmenter en 2019 la prime d’activité jusqu’à 90 euros pour une personne payée au smic – ce qu’a confirmé la ministre de la santé et des affaires sociales, Agnès Buzyn, à l’Assemblée nationale. Pour atteindre les 100 euros promis, le gouvernement compte aussi la revalorisation mécanique du smic de 1,5 % au 1er janvier 2019, soit environ 16 euros net pour un temps plein. La prime d’activité n’augmentera pas de 90 euros pour tout le monde Attention : le montant de 90 euros de hausse de prime d’activité est un maximum, qui devrait concerner les salariés au niveau du smic. Il faudra attendre que soit établie une règle précise d’attribution de cette prime en fonction du salaire et de la situation personnelle pour savoir précisément qui aura droit à quoi. Pour l’heure, une chose est sûre : tout le monde ne touchera pas la même somme supplémentaire. Par exemple, les 1,2 million de nouveaux bénéficiaires de la prime pourraient toucher « 40 à 50 euros par mois en moyenne », a indiqué Matignon à Libération. Ceux qui en bénéficient actuellement verront leur prestation augmenter à partir du 5 février 2019. Par ailleurs, les critères d’attribution de la prime d’activité seront élargis, ce qui fait que le nombre de foyers éligibles devrait passer de 3,8 millions à 5 millions, dès le 5 février, a affirmé le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, à l’issue du conseil des ministres. La succession d’annonces, souvent confuses, parfois contradictoires, à ce sujet depuis le 10 décembre a soulevé de nombreuses questions. Si bien qu’il devient difficile d’y voir clair. Voici qui devrait en bénéficier, ou non, en sept cas fictifs, à partir des éléments connus à ce jour (attention : ces exemples sont sur des situations simplifiées, d’autres facteurs individuels peuvent entrer en jeu dans l’attribution de la prime d’activité). 1. Romain, un célibataire au smic Son salaire actuel : 1 184 euros net par mois EST ÉLIGIBLE Rémunéré au salaire minimum, Romain pouvait déjà bénéficier de la prime d’activité jusqu’à présent. Il devrait également faire partie de ceux pour lesquels cette aide va augmenter début 2019, puisqu’il est loin du seuil fixé par le gouvernement (1 560 euros net pour une personne seule). 2. Jade, une célibataire à temps partiel Son salaire actuel : 950 euros net par mois EST ÉLIGIBLE C’est l’un des arguments régulièrement avancés par les partisans de la prime d’activité : les personnes qui, comme Jade, travaillent à temps partiel peuvent en bénéficier. Et souvent même dans des proportions supérieures aux salariés à temps plein. Là encore, il faudra attendre que le gouvernement dévoile la future règle de calcul dans ses moindres détails pour mesurer la hausse réelle des personnes dans sa situation, mais Jade devrait en tout cas bénéficier d’un coup de pouce. 3. Alexis et Emma, un couple de salariés avec deux enfants Leurs salaires actuels : 1 184 et 1 716 euros net par mois, soit 2 900 euros à deux SONT ÉLIGIBLES A partir de 2019, les couples avec deux enfants pourront prétendre à la prime jusqu’à environ 3 000 euros net de revenus par mois, a affirmé Edouard Philippe. Un seuil qu’ont mentionné à leur tour plusieurs membres du gouvernement. 4. Leslie et Morgan, un couple de salariés sans enfant Leurs salaires actuels : 1 184 et 1 716 euros net par mois, soit 2 900 euros à deux NE SONT PAS ÉLIGIBLES A l’inverse d’Emma et Alexis, Leslie et Morgan n’ont pas d’enfants à charge. Le seuil pour bénéficier de la prime d’activité est donc réduit les concernant, ce qui fait qu’ils n’en bénéficieront pas en l’état. 5. Sylvie, une célibataire qui vit avec un enfant Son salaire actuel : 1 700 euros net par mois EST ÉLIGIBLE Les parents célibataires comme Sylvie font partie des personnes qui devraient bénéficier des arbitrages gouvernementaux sur la prime d’activité. Cette mère célibataire gagne certes un peu plus de 1,4 smic, mais une personne dans sa situation pourra, à l’avenir, toucher la prime d’activité jusqu’à 2 000 euros de revenus net par mois. 6. Corinne et Franck, un couple avec un fort écart de revenus Leurs salaires actuels : 1 184 et 2 916 euros net par mois, soit 4 100 euros à deux NE SONT PAS ÉLIGIBLES Certes, les revenus de Corinne sont modestes. Mais, ajoutés à ceux de Franck, ils font que ce couple avec deux enfants dépasse nettement le plafond de revenus prévu pour bénéficier de la prime d’activité dans sa situation (3 000 euros net par mois). Le gouvernement justifie ce choix par un impératif de « justice sociale » : « Cela peut paraître étonnant, mais 1,2 million de salariés payés autour du smic se trouvent dans les 30 % des foyers les plus aisés », affirmait ainsi Edouard Philippe au quotidien Les Echos, lundi 17 décembre. 7. Jean-Yves, un célibataire juste au-dessus du seuil Son salaire actuel : 1 800 euros net par mois N’EST PAS ÉLIGIBLE Un célibataire sans enfant qui, comme Jean-Yves, touche plus de 1 560 euros net par mois n’est pas éligible à la prime d’activité aujourd’hui. Il ne devrait pas plus l’être après sa revalorisation. Le détail des modalités de la revalorisation de la prime d’activité est susceptible d’évoluer de nouveau au cours des jours qui viennent. Cet article sera mis à jour le cas échéant. > Retrouvez tous les articles explicatifs des Décodeurs
19/12/2018
les-decodeurs
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/19/100-euros-de-plus-par-mois-qui-en-profitera-ou-non-en-sept-exemples_5399942_4355770.html
Valse à la tête de la police nationale
Les directeurs de la police judiciaire, de la sécurité publique et de l’IGPN ont été remplacés, mercredi, en conseil des ministres.
L’heure est au grand chambardement à la tête de la police nationale. Trois des principaux postes de direction ont été renouvelés, mercredi 19 décembre, par nomination en conseil des ministres. Deux mois après leur arrivée, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d’Etat Laurent Nuñez marquent ainsi clairement leur volonté de prendre la main sur les troupes. Jérôme Bonet, qui dirigeait jusqu’alors le Service d’information et de communication de la police (Sicop), a ainsi été nommé à la tête de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il s’agit d’une des entités les plus prestigieuses de la police, chargée d’enquêter sur les meurtres, le terrorisme, le trafic de drogue, la criminalité organisée… Agé de 48 ans, M. Bonet remplace Mireille Ballestrazzi, qui part à la retraite. Nomination sur le fil Dans la course à qui dirigera l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la fameuse « police des polices » chargée d’enquêter sur les dysfonctionnements internes, c’est Brigitte Jullien qui l’emporte sur le fil. Patronne de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) en Gironde, cette femme de 60 ans remplace Marie-France Monéger-Guyomarc’h, partie à la retraite en septembre. Le siège était resté vacant à cause de la démission de Gérard Collomb qui avait fléché le poste pour Pascal Lalle, sans entériner sa décision avant son départ. Ce dernier, directeur central de la sécurité publique, était dans l’inconnu depuis le remaniement. Il va finalement être remplacé à son poste par Jean-Marie Salanova, DDSP des Bouches-du-Rhône. Il s’agit de la plus grande des directions centrales de la police nationale, avec quelque 66 000 fonctionnaires. Pascal Lalle, âgé de 62 ans, qui était en poste depuis 2012, voit donc l’IGPN lui échapper. Il a été nommé à l’Inspection générale de l’administration.
19/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/19/valse-a-la-tete-de-la-police-nationale_5399938_1653578.html
« La lune de miel semble reprendre entre l’Afrique et les “ex-camarades communistes” »
La majorité des pays d’Europe centrale et de l’Est ambitionnent de faire croître la part africaine dans leurs exportations, précise notre chroniqueur.
De gauche à droite, au premier rang : le président du Conseil des ministres polonais Mateusz Morawiecki, la présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président rwandais Paul Kagame, lors du forum Europe Afrique, à Vienne, le 18 décembre 2018. JOE KLAMAR / AFP Chronique. A coup de visites officielles, d’annulation de dettes, d’accords de coopération militaire et économique, la Russie multiplie les opérations de séduction pour marquer son « grand retour » en Afrique, après plusieurs décennies d’absence. Mais, alors que tous les projecteurs se braquent sur ce regain des relations entre Moscou et le continent, la progression des pays issus de l’ancien bloc de l’Est en terre africaine passe, elle, presque inaperçue. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « En Afrique, la Russie sème des petits cailloux et attend de voir ce que ça donne » Toutefois, comme leur ancien « frère » et tuteur soviétique, des Etats tels que la Pologne, la Hongrie et l’ancienne Tchécoslovaquie (aujourd’hui scindée entre République tchèque et Slovaquie) ont joué un rôle non négligeable durant la guerre froide, tant dans la propagation de l’idéologie socialiste contre « l’impérialisme occidental » que, plus surprenant, dans la coopération économique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Au début des années 1980, l’investissement cumulé des Etats d’Europe centrale et de l’Est en Afrique comptait pour plus de la moitié des investissements totaux provenant de l’URSS », rappelle Stefan Cibian, expert au sein de l’Institut royal des affaires internationales (Chatham House) au Royaume-Uni. Mais voilà, l’histoire a voulu que le mur de Berlin tombe en 1989, contribuant ainsi à leur quasi-retrait du continent. De belles cartes à jouer C’est cette dynamique qui s’inverse aujourd’hui. Depuis quelques années effectivement, la lune de miel semble reprendre entre l’Afrique et les « ex-camarades communistes ». Pourtant, force est de constater qu’a priori, le potentiel qu’ils offrent n’a pas de quoi susciter un vif intérêt en vue de nouer des relations commerciales, notamment face aux avances financières proposées par les géants asiatiques et occidentaux présents en Afrique. En effet, ils ne possèdent pas les fonds qui leur permettraient de rivaliser avec les 60 milliards de dollars (52 milliards d’euros) d’aide promis par Pékin ou, plus modestement, les 6 milliards d’investissement présentés par Berlin. Cependant, ils arrivent à tirer leur épingle du jeu, à l’image du champion mondial du numérique qu’est l’Estonie. Lire aussi Européens et Africains plaident pour l’investissement en Afrique face aux migrations Devenue aujourd’hui une véritable « société digitale » où la plupart des interactions entre les citoyens et l’administration se déroulent dans la sphère virtuelle et compte des sociétés technologiques pesant plus d’1 milliard de dollars, le minuscule Etat balte attire l’attention d’un nombre croissant d’homologues africains. Ainsi, le gouvernement de Tallin a matérialisé, il y a quelques jours seulement, plusieurs accords dans le champ du numérique avec le gouvernement béninois de Patrice Talon. Et d’autres, comme le Sénégal, ont déjà affiché leur volonté de faire appel à l’expertise estonienne, notamment dans l’e-gouvernance. Des intentions qui démontrent clairement que les pays d’Europe de l’Est, à l’image des compétences numériques susmentionnées, ont de belles cartes à jouer sur un continent en pleine mutation technologique et économique. Retour gagnant « Première puissance » dans cette panoplie d’Etats ayant été sous le joug soviétique, la Pologne, désormais membre de l’Union européenne, fait aussi valoir, lentement mais sûrement, ses arguments. Au cours des dernières années, la société polonaise Ursus a ainsi remporté, au nez et à la barbe de grands concurrents, plusieurs gros contrats pour la livraison de tracteurs en Ethiopie et en Tanzanie, pour respectivement 110 et 50 millions de dollars. Autant d’illustrations qui attestent le retour gagnant des pays d’Europe centrale et de l’Est en Afrique. Une tendance qui devrait se poursuivre : la majorité des ex-pays du bloc communiste, désormais rompus au jeu du capitalisme, ambitionnent de faire croître la part africaine dans leurs exportations de 1 à 3 %, ce à court terme. Le « grand ours » russe est prévenu ! Szymon Jagiello est journaliste et observateur depuis Bruxelles de l’actualité africaine. Szymon Jagiello (chroniqueur Le Monde Afrique)
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/la-lune-de-miel-semble-reprendre-entre-l-afrique-et-les-ex-camarades-communistes_5399936_3212.html
En RDC, l’immense défi des observateurs électoraux
Les Occidentaux ayant été privés de droit de regard, la surveillance des scrutins du 23 décembre reposera surtout sur l’Eglise catholique et la société civile congolaise.
A Beni, dans l’est de la RDC, le 5 décembre 2018. Goran Tomasevic / REUTERS Ces derniers temps, il ne fait pas bon être un diplomate occidental à Kinshasa. Nombre d’entre eux franchissent d’ailleurs le fleuve Congo pour rejoindre Brazzaville ou rentrent dans leurs pays « par mesure de sécurité ». En République démocratique du Congo (RDC), ils n’ont plus vraiment l’opportunité d’exercer leur art. « Ils ont joué et ils ont perdu. Maintenant le jeu continue, mais sans eux », s’amuse un diplomate d’une puissance régionale en poste à Kinshasa. Les élections présidentielle, législatives et provinciales, censées se tenir dimanche 23 décembre et ouvrir la voie à la première alternance politique – sans putsch ni assassinat ciblé – de l’histoire du pays, se préparent sans aucune aide ni intervention des partenaires occidentaux, écartés par le régime de Joseph Kabila et privés de contacts privilégiés. La mission des Nations unies en RDC, la Monusco, dont le départ est souhaité par Kinshasa, a vainement proposé son soutien logistique et bloqué jusqu’au 15 décembre des aéronefs au cas où la Commission électorale nationale indépendante (CENI) aurait exprimé des besoins. Pourtant, cet appui onusien a été crucial lors de l’élection de 2011, jugée « peu crédible », dans ce pays vaste comme l’Europe occidentale et dépourvu de grandes routes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En RDC, les élections de tous les dangers Depuis la fin du deuxième et dernier mandat de M. Kabila, il y a deux ans, les offensives diplomatiques, renforcées par des sanctions économiques de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis, ont irrité le pouvoir congolais. « Le monde a changé et on ne pense plus les relations internationales à travers l’UE, la Belgique ou les Etats-Unis. On n’a pas besoin de leur argent pour organiser les élections », dit André-Alain Atundu, ancien chef du renseignement de Mobutu Sese Seko, aujourd’hui porte-parole de la majorité présidentielle. Les pressions occidentales n’ont pas non plus manqué d’agacer des pays de la sous-région certes préoccupés par la « stabilité » du géant d’Afrique centrale mais sourcilleux en matière de respect de la souveraineté. La campagne suspendue à Kinshasa « Ces sanctions ont été jugées humiliantes et ont pris des allures d’acharnement. Finalement, elles ont été contre-productives car le régime s’est durci », analyse depuis Addis-Abeba un haut cadre de l’Union africaine (UA). Face à une diplomatie occidentale qui a fini par atteindre ses limites et se résigner, les puissances régionales ont pris le relais. Avec sans doute plus de finesse et de tact, conjugués à une fermeté pour tenter de convaincre M. Kabila de quitter le pouvoir et d’organiser ces élections. Non sans mal. Car l’imprévisible président sortant n’a pas apprécié les tentatives de pression de son puissant voisin angolais, dirigé depuis septembre 2017 par Joao Lourenço, qui a rapidement démantelé le système politico-financier de son prédécesseur. De son côté, l’UA avait proposé à Kinshasa l’aide financière et logistique des pays voisins, comme ce fut le cas en 2006. Sans succès. La semaine dernière, M. Kabila a décliné l’invitation à un sommet extraordinaire de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) sur le processus électoral qui devait se tenir à Windhoek. En guise d’avertissement, le chef de l’Etat namibien, Hage Geingob, qui préside aussi la SADC, a reçu des leaders de l’opposition congolaise exclus de la course à la présidentielle et a rappelé son attachement à des élections « libres et pacifiques » ; ce que M. Kabila s’apprête à faire, selon ses conseillers, en mettant tout son pouvoir politique, financier et sécuritaire au service de son dauphin, l’ancien ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, lui-même visé par les sanctions de l’UE. Lire aussi Elections en RDC : la campagne suspendue à Kinshasa Au cours de cette folle campagne, les tribuns haranguant les foules deviennent des dealers d’espoir éphémère pour une partie de la population usée par la violence et la pauvreté, de même que par les manœuvres du pouvoir comme de l’opposition. En province, le pays vit au rythme des meetings dans un climat d’angoisse quant à la réaction des forces de sécurité, qui ont déjà ouvert le feu et tué. A Kinshasa, la campagne a été suspendue, mercredi 19 décembre, avant les réunions publiques du candidat d’opposition Martin Fayulu et de M. Shadary, qui devait clore la campagne vendredi. « Le gouvernement provincial de Kinshasa décide, pour des impératifs sécuritaires […] la suspension sur toute l’étendue de la capitale des activités de campagne électorale », indique le communiqué signé du gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, sans préciser la date de fin de cette mesure. Dans une rue de Kinshasa, en RDC, le 18 décembre 2018. JOHN WESSELS / AFP Plus de 75 000 bureaux de vote Ces élections se déroulent sur fond de suspicions de fraudes et de compromissions de la CENI, toujours incertaine sur sa capacité technique à organiser les scrutins à temps. « Il y a toujours beaucoup de soucis à se faire », confie un technicien de la CENI qui peine à livrer du matériel électoral dans certaines contrées minées par les groupes armés ou par l’épidémie d’Ebola. Ce qui laisse craindre un report des élections, des dysfonctionnements et des violences urbaines postélectorales, selon plusieurs diplomates occidentaux réduits à produire des analyses. D’ores et déjà, certains leaders de l’opposition appellent leurs partisans à contester les résultats en cas de victoire de M. Shadary. « Si le candidat de la continuité est déclaré vainqueur, n’acceptez pas ces résultats ! Cela voudrait dire qu’ils ont une fois de plus volé les voix du peuple », a déclaré Félix Tshisekedi, le président du principal parti d’opposition. Entre une CENI dont la crédibilité est contestée, certains partis à la rhétorique agressive, des électeurs méfiants et une « communauté internationale » écartée, il y a un autre acteur dont la tâche est immense : les observateurs. Là encore, les Occidentaux sont privés de droit de regard. A commencer par l’UE, dont la mission d’observateurs, refusée par la CENI, « n’est pas un gage de bonnes élections », a déclaré M. Kabila lors d’un entretien à la BBC. Il en va de même du Centre Carter, dont l’une des spécialités est l’observation électorale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La ville de Beni cristallise tous les drames de la RDC Le nombre d’organisations internationales invitées s’est considérablement réduit. Au nombre de sept avec plus de 600 observateurs déployés en 2006 et 2011, elles ne sont plus que quatre avec environ 170 personnes. Seules l’UA, la SADC, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale et une mission parlementaire de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, jugées moins critiques et peu efficaces par les analystes, sont de la partie. S’ajoute l’Organisation internationale de la francophonie, limitée à une « mission d’information et de contact » qui ne jouera aucun rôle crucial. Ces organisations régionales pâtissent du manque de moyens et de personnel pour couvrir les plus de 75 000 bureaux de vote répartis sur l’immensité du territoire congolais. « On aurait aimé et on a demandé à avoir plus d’observateurs pour être au moins une centaine », confie un diplomate de l’UA. L’Eglise catholique très impliquée Face à la faiblesse de ces dispositifs, la lourde responsabilité de valider ou contester les résultats qui seront proclamés par la CENI incombe à des organisations congolaises. « Nous avons mobilisé 40 000 observateurs accrédités, contre près de 6 000 lors de la précédente élection. Ils sont bien préparés, avec une méthodologie rigoureuse qui permettra de confirmer les résultats ou de mettre à nu des tricheries », précise l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo. L’Eglise catholique, très impliquée dans le processus politique et qui n’a pas hésité à cornaquer des manifestations brutalement réprimées, orchestre cette armée d’observateurs neutres et indépendants en lien avec d’autres organisations de la société civile et la SADC. « Il y a une tendance à concentrer les observateurs à Kinshasa, le déploiement a pris du retard et les grilles d’observations ne sont pas encore mises en place », déplore un responsable d’une ONG congolaise qui craint une coupure des télécommunications par le régime, ce qui « mettrait à mal tout le dispositif d’observation ». De leur côté, les partis politiques tâtonnent, mal préparés et dépourvus de budget, aspiré par le coût élevé des candidatures ; à l’exception de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), de M. Tshisekedi, qui a formé et prévu un nombre important de témoins accrédités par la CENI et autorisés à consigner sur procès-verbal leurs observations. « Ceux qui ont appelé à boycotter les scrutins ont pris du retard. On va plutôt compter sur les missions nationales et citoyennes », souligne Sylvain Lumu, expert électoral indépendant. Toutefois, nombre d’observateurs congolais n’ont pu recevoir les formations d’experts internationaux, dont les visas n’ont pas été délivrés. Lire aussi En RDC, un entrepôt de la commission électorale en proie aux flammes à Kinshasa La « communauté internationale » s’est résignée, cessant ses critiques et pressions sur le régime de M. Kabila, qui a désormais les mains libres pour organiser à sa guise ces élections à hauts risques. « On espère des élections acceptables à défaut d’être crédibles, c’est-à-dire sans trop de fraudes ni trop de morts. On en est là », confie un diplomate occidental. Le Conseil de sécurité des Nations unies a salué, lundi, les « progrès dans la préparation technique des élections » et appelle « toutes les parties à rejeter la violence ». Les partenaires occidentaux ont perdu leur bras de fer face au régime, qui a habilement tourné à son avantage les règles du jeu diplomatique international. La surveillance de ces scrutins se fera donc sans observateurs occidentaux. Seules l’Eglise catholique et la société civile congolaise seront des arbitres neutres. Leur verdict sera sans doute déterminant et pourrait peser lourd dans la phase postélectorale tant redoutée.
19/12/2018
afrique
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« Le Monde des lecteurs » - Société : l’accouchement sous X, une solution méconnue
Pierre Lafon considère « Bien sûr, l’accouchement sous X n’est pas la panacée : c’est une souffrance pour la mère comme pour l’enfant. Mais cette alternative à l’IVG mérite d’être mieux connue, d’autant qu’il devient de plus en plus difficile d’adopter en France ».
« Si seulement 1 % des IVG pratiquées annuellement en France se transformaient en accouchement sous X, 4 fois plus de bébés pourraient ainsi faire le bonheur de parents adoptifs. » Ilfo Green/Westend61 / Photononstop Alors que casseurs et terroristes assombrissent cette fin d’année, la sortie du film Pupille nous apporte un rayon de lumière bienvenu. A partir d’une banale histoire d’accouchement sous X, Jeanne Herry nous donne à voir une magnifique tranche de vie où se croisent une grossesse non désirée, une femme si désireuse d’adopter, un enfant qui se demande ce qui lui arrive, et tous les services sociaux qui accompagnent ce genre de situation et doivent prendre des décisions. Il est particulièrement réconfortant de voir ici l’intérêt de l’enfant pris en compte et même prioritaire, comme l’explique si bien cette professionnelle de l’adoption : « Mon travail, ça n’est pas de trouver un enfant à des parents qui souffrent, mais de trouver les meilleurs parents possibles à des enfants en difficulté ». Bien sûr, l’accouchement sous X n’est pas la panacée : c’est une souffrance pour la mère comme pour l’enfant. Mais cette alternative à l’IVG mérite d’être mieux connue, d’autant qu’il devient de plus en plus difficile d’adopter en France : le nombre d’enfants proposés à l’adoption à l’international a fortement baissé tandis que le nombre de parents demandeurs continue à augmenter, ce qui fait de l’adoption un véritable parcours du combattant. Quelques chiffres pour illustrer l’enjeu : Entre 2010 et 2015, le nombre d’adoptions internationales en France a été divisé par quatre et rejoint désormais celui de l’adoption nationale, avec environ 800 enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance tous les ans. Entre 2004 et 2015, le nombre d’adoptions a chuté de près de 80 %. Du côté de la demande, en 2016, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) recensait 13 700 agréments d’adoption en cours de validité. 600 accouchements sous X par an. Si seulement 1 % des IVG pratiquées annuellement en France se transformaient en accouchement sous X, 4 fois plus de bébés pourraient ainsi faire le bonheur de parents adoptifs. Quelques % de plus permettraient de résorber le stock considérable des demandeurs agréés, sans compter ceux qui abandonnent face à la difficulté de la tâche ou au coût de l’adoption internationale, estimé entre 10 000 et 20 000 euros. Une solution bien plus satisfaisante sur le plan éthique que la GPA ou la PMA généralisée… Et pour laquelle le service public semble d’ores et déjà bien organisé : le film met en évidence le réseau très riche d’aide sociale à l’enfance qui existe dans notre pays. Pierre Lafon, Le Mans
19/12/2018
blog-mediateur
https://www.lemonde.fr/blog-mediateur/article/2018/12/19/le-monde-des-lecteurs-societe-l-accouchement-sous-x-une-solution-meconnue_5399923_5334984.html
Yémen : la coalition menée par l’Arabie saoudite dénonce des « violations » de la trêve
Un accord de cessez-le-feu avait été signé le 13 décembre en Suède, mais il n’a duré que quelques heures.
Les combats ont repris au Yémen entre la coalition et les rebelles Houthis. MOHAMMED HUWAIS / AFP Au Yémen, l’accord de cessez-le-feu signé le 13 décembre en Suède n’aura duré que quelques heures. La coalition militaire menée par l’Arabie saoudite a menacé mercredi 19 décembre de reprendre son offensive dans le pays si la rébellion poursuit ses « violations » de la trêve à Hodeida. Dans un communiqué, elle affirme également avoir mené une frappe contre l’aéroport de Sanaa, qui, selon elle, servirait de base aux rebelles houthistes. La coalition, qui aide militairement le gouvernement yéménite, les a accusés d’avoir violé la trêve à 21 reprises depuis mardi. « Nous continuons à leur accorder le bénéfice du doute et à faire preuve de retenue, mais les premiers signes ne sont pas encourageants, a affirmé à l’Agence France-presse (AFP) une source de la coalition sous le couvert de l’anonymat. Si l’Organisation des Nations unies (ONU) continue à traîner et tarde à entrer en scène, ils perdront toute opportunité (…) et l’accord (de cessez-le-feu) sera voué à l’échec. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Ahmed Saleh Al-Essi, portrait d’un profiteur de guerre au Yémen Les houthistes, qui tiennent notamment la ville d’Hodeida, ont aussi accusé la coalition d’avoir enfreint le cessez-le-feu. Selon l’agence de presse Saba, qu’ils contrôlent, les forces loyalistes ont ciblé des secteurs dans la ville et la province de Hodeida dans la nuit de mardi à mercredi. Afin de protéger la trêve, Londres va proposer au Conseil de sécurité de l’ONU de voter une résolution cette semaine, selon le ministre britannique des affaires étrangères, Jeremy Hunt, qui juge le cessez-le-feu à Hodeida « extrêmement fragile ». La résolution entérinerait les termes de l’accord de Suède, autoriserait les Nations unies « à surveiller sa mise en œuvre » et définirait « des mesures urgentes pour atténuer la crise humanitaire », a-t-il ajouté. « Nous demanderons au Conseil de sécurité de voter sur le projet dans les prochaines quarante-huit heures ». Echange de 15 000 prisonniers Outre le cessez-le-feu, l’accord de Suède prévoit un échange de quelque 15 000 combattants faits prisonniers ainsi que des mesures pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire à Taëz (sud-ouest), ville aux mains des loyalistes et assiégée par la rébellion. Les pourparlers interyéménites doivent par ailleurs reprendre fin janvier pour tenter de définir un cadre de négociation en vue d’un règlement global. L’aéroport de Sanaa, fermé depuis presque trois ans aux vols commerciaux, sera au centre du prochain round de négociations, a encore précisé l’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths. Conscient de la fragilité de l’accord après que sept trêves négociées par l’ONU ont échoué depuis le début du conflit, M. Griffiths a réclamé le déploiement rapide d’observateurs internationaux à Hodeida et dans des ports de la province. Selon des diplomates, quelque 30 à 40 observateurs pourraient y être déployés. Face à cette situation, le pays est confronté à une profonde crise humanitaire, selon Médecins sans frontières. Pour Caroline Seguin, cheffe de mission de l’ONG dans ce pays, le Yémen fait face à « un effondrement total du système de santé et du système économique ». « Les fonctionnaires ne sont plus payés depuis plus de deux ans, il y a de gros problèmes d’importations », a-t-elle poursuivi, au cours d’une conférence de presse mercredi. « La population devient de plus en plus pauvre, une économie de guerre a été mise en place par les différents belligérants, au niveau du fuel, du gaz. Et c’est la population civile qui trinque. » Le manque d’eau est aussi chronique dans de nombreuses régions, a-t-elle ajouté, et c’est l’explication principale de l’épidémie de choléra qui a ravagé le pays l’an dernier.
19/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/19/yemen-la-coalition-menee-par-l-arabie-saoudite-denonce-des-violations-de-la-treve_5399920_3210.html
« Non, Soljenitsyne n’est pas antisémite »
Les pages Débats du « Monde » ont récemment opposé deux points de vue sur l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne. Les auteurs ont voulu poursuivre leur échange. Le collectif emmené par l’historien Georges Nivat estime, dans une tribune au « Monde », que les accusations d’antisémitisme lancées par le traducteur André Markowicz sont injustes.
« Le stimulus de cette tentative, c’est la comparaison des deux messianismes, le juif, bien sûr, et le russe aussi. » Illustration : timbre du Kirghizistan émis le 11 décembre 2018. DR / KYRGYZ EXPRES POST Tribune. Soljenitsyne ne justifie pas l’unanimité, il ne mérite pas la caricature : tel est l’esprit dans lequel nous nous sommes exprimés dans « Le Monde », le 18 novembre, à la veille d’un colloque consacré à l’auteur et de l’ouverture d’une belle exposition à la mairie du Ve à Paris. Hélas, l’excellent traducteur André Markowicz est, dans la même page, tombé dans le piège de la caricature. André Markowicz est trop bon traducteur pour avoir innocemment déformé le propos de Soljenitsyne dans le discours de Harvard. Par exemple, l’auteur ne dit pas qu’un haut degré de confort n’est pas bon pour l’organisme, il s’inquiète précisément des effets de « l’habitude » de ce confort. Nous savons que d’autres, pour leur démonstration, lui faisaient dire que la liberté serait destructrice, quand il le dit de la liberté de mal faire… Mais Markowicz ! Surtout, notre traducteur accuse Soljenitsyne d’antisémitisme. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’antisémitisme tranquille et assuré de Soljenitsyne » Quand Soljenitsyne publie Deux siècles ensemble, livre consacré à la relation des juifs avec l’ensemble de la société russe, il annonce écrire sur ce sujet brûlant un ouvrage « impartial ». C’est l’époque où l’opinion mondiale et, surtout, le Sénat américain exigent de l’URSS le droit pour les juifs d’émigrer. Lui voudrait ce droit pour tous. L’époque complexe où tant de nos amis quittent l’URSS, l’époque des soirées d’adieu : on part pour Vienne et, au lieu de filer sur Tel-Aviv, en général on va à Brooklyn… Emigration russo-juive David Markish en fera un émouvant roman, intitulé Le Chien, histoire d’un de ces juifs qui, après avoir émigré, épuise les aires d’atterrissage du monde de l’émigration russo-juive, d’Israël à Brighton Beach, quémande son visa soviétique de retour, se le voit refuser et, décidé à rentrer illégalement par la Finlande, tombe sous les balles d’une mitrailleuse. C’est le drame des refuzniks, des déçus, des difficiles intégrations en Israël ou ailleurs. Il nous semble que la sévérité de beaucoup pour Soljenitsyne date de cette époque. L’ouvrage de Soljenitsyne porte plutôt sur « deux cents ans de séparation », tant le « problème juif » a obnubilé la société russe aux deux derniers siècles. On peut reprocher à l’auteur de donner trop d’importance à l’émancipation accordée par Catherine II aux juifs intégrés dans son empire après le troisième partage de la Pologne : sur le papier, c’est un statut meilleur qu’en France ou en Allemagne. On peut lui reprocher de ne pas suffisamment souligner la position généralement très philosémite des grandes voix russes du XIXe siècle : Tolstoï, Korolenko et Vladimir Soloviev.
19/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/19/non-soljenitsyne-n-est-pas-antisemite_5399916_3232.html
Entre les abeilles et l’agrochimie, l’Europe tarde à choisir
C’est à un comité technique inconnu du public que revient le choix cornélien de choisir les nouvelles règles d’autorisation des pesticides.
Une ruche produisant du miel de fleurs. PAUL J. RICHARDS / AFP Entre les abeilles et les insectes pollinisateurs d’une part, et l’industrie agrochimique de l’autre, il faut choisir. C’est en substance le choix cornélien – et très politique – auquel est confronté un comité technique bruxellois inconnu du public et ignoré des médias, dénommé Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale, ou Scopaff (pour Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed). Celui-ci est chargé de décider d’une mesure-clé pour l’avenir du secteur apicole européen, de la biodiversité, mais aussi pour l’industrie agrochimique : la refonte des protocoles d’évaluation des risques des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs. Une refonte redoutée par les fabricants de pesticides. De fait, plus pointus que ceux aujourd’hui en vigueur, les nouveaux tests pourraient entraver la réautorisation de la plupart des molécules en circulation, selon des données industrielles. Et pourraient aussi barrer la route à la plupart des nouvelles. « Les positions de chaque Etat lors des discussions ne sont même pas rendues publiques », Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis Mais, depuis plus de cinq ans, les discussions entre les Etats membres et la Commission piétinent derrière les portes closes du comité d’experts. L’association de défense de la biodiversité Pollinis a donc saisi le médiateur européen, pour connaître les raisons d’un tel retard. Les services du médiateur ont estimé, mardi 18 décembre, la plainte de l’ONG recevable. L’association française conteste le refus de la Commission européenne de lui fournir une série de documents détaillant les débats entre Etats membres autour de l’adoption de ces nouveaux tests réglementaires. « Les décisions qui sont prises lors de ces comités techniques ne sont pas motivées et les positions de chaque Etat lors des discussions ne sont même pas rendues publiques, explique Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis. L’opacité d’un tel système est simplement antidémocratique. C’est un rêve de lobbyiste. » Des lacunes profondes La proposition de refonte des tests d’homologation – ou « ligne directrice » – a été émise en juillet 2013 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette dernière avait expertisé, une année plus tôt, les tests réglementaires en vigueur, destinés à évaluer les risques des pesticides sur les abeilles avant leur autorisation. Le rapport technique rendu par l’agence européenne soulignait alors des lacunes profondes : ni test de toxicité chronique à de faibles doses sur les butineuses ou les larves, ni test des synergies entre molécules, ou entre pathogènes naturels et molécules, ne sont par exemple requis avant autorisation.
19/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/19/entre-les-abeilles-et-l-agrochimie-les-etats-europeens-tardent-a-choisir_5399913_3244.html
Lettre à Issa Koné, tué lors d’un contrôle de police dans la nuit d’Abidjan
Issa Koné a travaillé comme fixeur pour des dizaines de journalistes, du « Monde » mais aussi de RFI et d’autres médias en reportage en Côte d’Ivoire. Avec lui, Jean-Philippe Rémy avait traversé la crise électorale en 2011.
Issa Koné pose à l'entrée de l’Hôtel du Golf, le 8 avril 2011, à Abidjan. MICHAEL ZUMSTEIN/AGENCE VU Un barrage. Il a fallu un misérable barrage de policiers dans la nuit d’Abidjan pour avoir raison de ta vie. Toi, Issa. Issa-courage, Issa le tendre, Issa le rieur, le protecteur, invincible Issa qui passait les épreuves et les barrages de toute la Côte d’Ivoire à la seule force du verbe et de l’intelligence, par la seule grâce de la grâce. Ils pouvaient arrêter ta voiture, ils ne pouvaient t’arrêter. Rien ne semblait jamais pouvoir te faire renoncer. Certainement pas les hommes en uniforme qui prétendent assurer la sécurité de tous, dont la tienne. Combien en avons-nous passé ensemble, de ces prétendus points de contrôle ? C’était en 2011, la crise électorale battait son plein en Côte d’Ivoire. Tout semblait se déliter, dans une accélération que plus personne ne voulait retenir. Cela se voyait au niveau de la rue, en particulier, sur ces barrages qui poussaient çà et là. Avec leurs rituels auxquels il fallait bien se plier. Les « corps habillés » s’y livraient à des « tracasseries », invraisemblables accusations et autres inventions – excès de vitesse invérifiables, essuie-glaces trop usés – dont la seule finalité, bien sûr, était l’extorsion. Encore fallait-il faire semblant de trouver tout cela normal et dire merci à la fin de la pitrerie. Il n’y avait pas plus de sécurité à assurer que de vitesse à surveiller. Mais il fallait jouer ce jeu, remballer sa fatigue, taire son exaspération. Te souviens-tu, Issa, de ces théâtres permanents qu’étaient devenues les rues d’Abidjan ? Il valait mieux en rire. Ce n’était au fond qu’un jeu, un simulacre. Et jusque-là, tu avais raison. Mais la plaisanterie tournait à l’aigre. On voyait surgir des gens de plus en plus inquiétants. Civils, voyous, miliciens, on ne savait plus. Un jour à Angré, ce même quartier d’Angré où tu as été tué vendredi 14 décembre au soir lors d’un contrôle qui a mal tourné, on s’est fait contrôler par des gens armés de gourdins hérissés de clous, qu’ils balançaient en posant leurs questions. Ils n’ont pas réclamé d’argent. Nous n’avons pas ri en nous éloignant. L’augure était clair. Il était mauvais. La bataille d’Abidjan allait bientôt commencer. Ton sang-froid était parfait Au début de 2011, les premiers affrontements avaient eu lieu dans ton quartier, Abobo, que tu aimais avec autant de force que la Côte d’Ivoire. Les membres du « commando invisible », comme on les appelait, faisaient le coup de feu contre les forces loyalistes. Ce n’était pas tout à fait la guerre, mais déjà bien plus qu’une insurrection. Tous les jours, on se battait à Abobo. Mal. Un peu n’importe comment. C’était presque un motif d’espoir. Que tout cela, à la fin, se termine encore comme une mauvaise farce, un peu méchante, un peu lamentable. Les grands drames semblaient avoir lieu ailleurs. Le monde entier avait les yeux fixés sur l’Egypte, la Tunisie, dont les présidents venaient d’être poussés à la fuite, et sur la Libye, où la guerre avait commencé. Nous étions presque seuls à arpenter Abobo, chaque jour, et voir un autre feu s’étendre. Des journées entières à sillonner les ruelles, presque plus besoin de se parler pour prendre des décisions. Ton sang-froid était parfait. Ton cœur battait. Tes rues, désormais, étaient le théâtre d’affrontements, le sang qui coulait était bien réel, le simulacre n’était plus qu’un souvenir. Eviter les grands axes où des convois du gouvernement passaient en ouvrant le feu aveuglément. Etre les témoins, effarés, de cette course vers l’abîme. Quelque chose, vraiment, ne tournait pas rond. Te souviens-tu, Issa, quand nous sommes allés à Abobo, un jour, pour vider ta maison en toute hâte avant que les forces armées n’y parviennent et ne la pillent ? Les combats étaient tout proches, il fallait faire vite. Nous avons passé les lignes dans un sens, puis dans l’autre, pour arriver jusqu’à la maison dans la Mercedes, ta fameuse Mercedes. Celle dans laquelle nous avons tout traversé, les barrages, les épreuves, les menaces, le pays en guerre. Ce jour-là, donc, on a sauvé ce qui pouvait l’être, les pagnes de ton épouse, l’électroménager qu’on pouvait tasser dans le coffre, la télévision, le home cinéma, tout ce vers quoi se ruent les pillards. Une toute petite victoire sur l’adversité. Tu étais un combattant, Issa, comme aucun de ces hommes en armes ne saurait jamais l’être. Un combattant des choses meilleures, de la vie plus large, un combattant pour des mondes prospères, où un homme a de l’avenir s’il a de la volonté et de l’espoir. Dans la Mercedes, on faisait des crochets pour aller distribuer des produits pharmaceutiques, livrer des chaussures (Sebago Dockside, bien sûr, le classique des classiques d’Abidjan), aller voir si les footballeurs de ton petit centre d’entraînement continuaient de travailler malgré la crise. Un jour ils joueraient peut-être dans de grands clubs. Il ne fallait jamais renoncer, jamais s’avouer vaincu. Pas besoin de se parler Mais alors que faisait-on, ensemble, sur ces routes, dans cette crise ? Issa, toi qui avais mille projets, toi l’entrepreneur en série, fallait-il vraiment que tu fasses route commune avec un journaliste au milieu de la crise électorale ? Les risques se faisaient, au fil du temps, plus nets, plus brûlants. Alors tu disais que c’était intéressant, que le sort du pays se déroulait là. Et tu l’aimais, ce pays. Comme tu l’aimais, cette nation en danger, la Côte d’Ivoire. Tu voulais aussi sonder, sans détourner les yeux, la profondeur de ses vieilles blessures infectées. Tout cela était en train d’éclater. Quand il a été question d’aller voir à Yamoussoukro si la ville tomberait, tu as voulu être là. Quand les rebelles sont entrés, tu étais là. Quand nous sommes redescendus pied au plancher vers Abidjan, tu étais au volant de la Mercedes. C’est un moment que rien ne peut effacer. Où plusieurs choses se mêlent. Nous sommes arrivés là ensemble à cause de l’amitié, du respect, de la soif de comprendre les choses, et puis tout à coup l’histoire s’est emballée. Dans un coin désert, on a échappé à un groupe de miliciens avec des machettes qui nous ont coincés dans un tournant. Ce n’étaient plus les barrages d’Abidjan. On était en pleine campagne. Ils étaient brutaux, sales, ils avaient les yeux rouges, ils nous ont fait sortir de la voiture avec de grandes claques, emmenés quelque part au milieu d’une zone de roseaux, brandissant leur colère et leurs machettes. On a joué la comédie, on était tellement bien rodés dans nos numéros. Cette fois, on a prétendu être en mission secrète, pour leur bord, pour leurs chefs. Et ils y ont cru, nous ont laissé repartir, nous rendant tout de même nos affaires à regret. A présent, c’est juste après, on roule à la vitesse maximale de la Mercedes, notre bonne vieille copine, sur l’autoroute du nord, pour arriver enfin à Abidjan où va commencer la bataille – mais cela, on l’ignore. Plus âme qui vive sur la route. Juste le bruit du moteur. Puis les détonations. Pas besoin de se parler, ça va mal. Impossible de quitter le ruban d’asphalte. Impossible de s’arrêter. Depuis les immeubles qui bordent l’autoroute à l’entrée de Yopougon, il y a des tireurs embusqués, et c’est sur nous qu’ils ouvrent à présent le feu, cible mouvante et évidente, notre Mercedes poussée à bout de puissance. Et nous passons au travers, comme un avion descend à travers les nuages, dans l’orage, vers l’aéroport si petit, si loin. On ne s’en rend pas compte, il y a des trous dans la carrosserie de la Mercedes, plus tard je retrouverai une balle fichée, le bout tout tordu, dans mon ordinateur. Ce moment n’en finit pas. L’asphalte semble brûler sous la voiture, on ne peut pas aller plus vite, on voudrait rétrécir. Il ne faut pas trembler, pas un seul instant. Tu ne trembles pas. Il y a un soldat qui saute sur la route, devant nous, nous met en joue, posément, face au pare-brise. On ne ralentit pas, on ne dévie pas. Au dernier moment, il s’écarte, essaye de nous rafaler au passage. Nous rate. Ce con. Pour une fois, on ne dit pas : « ce con ». Des hommes vont mourir Après, quand on recommence à respirer, tu me dis que j’ai crié « mon dieu ». Cela t’a paru de bon augure, que je fasse comme ça des progrès en termes de juron, et enfin tu rigoles un bon coup. Nous sommes dans Abidjan. Les passants courent en file dans les rues en levant les bras. Il faut s’arrêter quelque part. Ce sera le parking du Novotel. Un instant, nous nous figurons que c’est la fin de cette histoire. Or c’est tout l’inverse : le pire est devant. Il va se passer, au Novotel où nous sommes bloqués pendant des semaines, puis ailleurs, des choses terribles. Des hommes vont mourir. Pendant des jours, nous peaufinons des stratégies pour nous enfuir, à pied, la nuit, calculant combien il faudra d’argent pour acheter notre passage aux barrages et gagner le sud de la ville. En réalité, c’est impossible. Nous ne sommes plus qu’une poignée dans ce Novotel, et cela promet de mal se terminer, quand les Nations unies, subitement, offrent de nous emmener dans un véhicule blindé. C’est un petit miracle. Au moment de monter dans la grosse boîte d’acier, tu recules. Tu ne veux pas laisser la Mercedes. Et à la stupéfaction générale, tu vas prendre le volant, avec un casque et un gilet pare-balles qu’un type de l’ONU t’a tendus, sans voix devant ce que tu es en train de tenter : passer, en seigneur, à travers les rues où personne ne passe. C’est ainsi que la Mercedes, malgré ses trous, a survécu elle aussi à la bataille. Quelques semaines plus tard, nous sortirons indemnes de cette ville meurtrie. La paix est revenue. Elle est bancale. Mais le pire a été évité de justesse. Puis c’est le 31 décembre de cette année 2011, la première Saint-Sylvestre après la bataille. Un feu d’artifice est tiré au-dessus de la lagune à Abidjan. Tu es si heureux. Ta ville resplendit. Quelque chose de toi a triomphé en Côte d’Ivoire. C’est ce quelque chose qu’une bande d’hommes en uniforme a tué, cette nuit de paix, tout récemment, à Abidjan. C’est ce quelque chose dont nous sommes tous, aujourd’hui, orphelins.
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/hommage-a-issa-kone-tue-lors-d-un-controle-de-police-dans-la-nuit-d-abidjan_5399910_3212.html
« L’antisémitisme tranquille et assuré de Soljenitsyne »
Les pages Débats du « Monde » ont récemment opposé deux points de vue sur l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne. Les auteurs ont voulu poursuivre leur échange. Dans sa réponse au collectif emmené par Georges Nivat, le traducteur André Markowicz, dans une tribune au « Monde », apporte des preuves supplémentaires de l’antisémitisme de l’auteur de « l’Archipel du goulag ».
« Les juifs ont pratiqué la vente d’alcool (Soljenitsyne consacre à cette histoire une quantité de pages), et donc poussé le peuple russe à l’ivrognerie » (Alexandre Soljenitsyne en 1983). AFP Tribune. Alexandre Soljenitsyne (1918-2008) écrit en conclusion de Deux siècles ensemble que la solution de ce qu’il appelle le « problème juif » serait l’assimilation – tel est le titre du dernier chapitre, pages « si émouvantes » pour mes contradicteurs. Mais, « de toute évidence, l’assimilation a ses limites infranchissables », remarque-t-il, p. 563 du volume II. Parce que, même page, « il y a dans l’âme d’un juif comme une note unique, une dissonance, une mince fêlure qui laisse en fin de compte s’infiltrer de l’extérieur la méfiance, les moqueries, l’hostilité ». Il y a, ajoute-t-il en postface, une autre solution : le départ. Depuis les années 1970, les juifs ont la chance de pouvoir quitter la Russie, et donc le « problème juif » peut trouver une issue toute simple. Telle est la conclusion. Et voici les premières lignes : « Dans mon travail d’un demi-siècle sur l’histoire de la révolution, je me suis heurté plus d’une fois au problème des relations entre Russes et juifs. Son dard (sic) s’enfonçait à tout bout de champ dans les événements (sic), la psychologie des hommes, et suscitait des passions chauffées à blanc. (…) Soit les Russes sont coupables face aux juifs, pire, le peuple russe est perverti depuis toujours, cela nous le trouvons à profusion ; soit, à l’autre pôle, les Russes qui ont traité de ce problème relationnel l’ont fait pour la plupart avec hargne, excès, sans vouloir même imputer le moindre mérite à la partie adverse… » (I, p. 7). « Ce problème relationnel ? » « La partie adverse ? » Tout est dit là. Article réservé à nos abonnés Lire aussi André Markowicz : « Ne faisons pas l’impasse sur l’idéologie panslaviste et le discours antisémite d’Alexandre Soljenitsyne » Certains juifs peuvent faire des efforts pour participer à la culture russe, selon Soljenitsyne, et porter un amour véritable à la « Mère Patrie » (la Russie), mais, dans tous les cas, un juif reste un juif et un Russe un Russe. Ai-je besoin d’expliquer en quoi cette « pensée » est raciste ? Dès lors qu’être juif ou Russe est une affaire de sang, ou peut-être de gènes, d’ethnie (euphémisme contemporain pour « race », mot que Soljenitsyne élude), les juifs, dans le monde entier seront toujours des étrangers, à l’exception d’Israël. Le corps de la Russie Faire penser cela, n’est-ce pas une marque les plus communes de l’antisémitisme le plus ancien ? Et c’est un antisémitisme d’autant plus dangereux qu’il est tranquille, assuré, soucieux de résoudre ce pénible problème qu’est la présence d’un corps étranger dans le corps de la Russie. Le corps d’une Russie qu’il exploite ou fait souffrir. Deux siècles ensemble est un gros livre, qui multiplie les citations (sans, la plupart du temps, les commenter) et semble d’une érudition à toute épreuve.
19/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/19/l-antisemitisme-tranquille-et-assure-de-soljenitsyne_5399907_3232.html
Facebook : des accès « partenaires » aux données utilisateurs ont été accordés à Apple, Netflix, Spotify, Amazon, Yahoo!
Le « New York Times » dévoile les contours des partenariats menés entre Facebook et d’autres géants de la tech. Si l’accès aux données des utilisateurs semble souvent justifié, la question de leur consentement se pose.
Le « New York Times » a épluché des centaines de documents internes de Facebook. Richard Drew / AP A quel point Facebook, ces dernières années, a-t-il donné à des entreprises extérieures l’accès aux données de ses utilisateurs ? La question est devenue centrale, depuis le scandale Cambridge Analytica, qui a démontré que, au cours de son développement tous azimuts dans les années 2010, l’entreprise a pu laisser exploiter par des entreprises tierces des données personnelles de membres de Facebook, parfois sans qu’ils soient pleinement conscients de l’usage réel, ou possible, des informations qu’ils mettaient en ligne en utilisant le réseau social. Dans une enquête publiée mardi 18 décembre, le New York Times ajoute sa contribution à la compréhension du phénomène. Le quotidien américain a eu accès à des centaines de documents internes de Facebook, lui permettant d’établir avec plus de précisions les contours de partenariats menés entre le réseau social et d’autres grandes entreprises du numérique, leur donnant accès à des données d’utilisateurs. Cette enquête s’appuie également sur une cinquantaine de témoignages d’anciens employés de Facebook ou de ses partenaires. A quelles données avaient accès les partenaires de Facebook ? Cette enquête donne ainsi une liste de partenariats noués avec d’autres géants du numérique, qui étaient toujours actifs en 2017, certains plus récemment encore, selon le New York Times. « La plupart sont désormais clos », assure Facebook dans un communiqué en réponse à la publication de l’article. Dans le détail, l’enquête du New York Times indique que : Netflix, Spotify et la Royal Bank of Canada ont eu accès aux messages privés de leurs utilisateurs sur Facebook ; et la ont eu accès aux messages privés de leurs utilisateurs sur Facebook ; Amazon, Microsoft et Sony ont pu obtenir les informations de contact des amis de leurs utilisateurs, comme leurs e-mails ; et ont pu obtenir les informations de contact des amis de leurs utilisateurs, comme leurs e-mails ; Yahoo! avait accès aux publications des amis de ses utilisateurs ; avait accès aux publications des amis de ses utilisateurs ; Apple a été autorisé à accéder aux contacts Facebook d’utilisateurs de produits Apple , même ceux ayant désactivé le partage de données ; a été autorisé à accéder aux contacts Facebook d’utilisateurs , même ceux ayant désactivé le partage de données ; Facebook a récupéré des données sur ses utilisateurs provenant d’Amazon, Yahoo! ou encore Huawei afin de leur suggérer de nouveaux « amis » qu’ils pourraient connaître. Selon le New York Times, des partenariats de ce type ont existé avec plus de 150 entreprises fournissant des services ou du matériel massivement utilisés par le grand public, dont les plus anciens datent de 2010. Ces partenariats étaient-ils justifiés ? La plupart des accès accordés par Facebook à ses partenaires permettaient, selon le réseau social, de faire fonctionner certains services. Par exemple, explique le réseau social, si le service de streaming musical Spotify avait accès aux conversations privées, c’était pour permettre aux utilisateurs de s’échanger des morceaux de musique par ce canal. Les services de Facebook étant entremêlés à de nombreuses autres plates-formes, des accès aux données existent, ou ont existé, pour leur permettre de fonctionner. Facebook défend ainsi l’utilité de ces partenariats : « Les utilisateurs pouvaient accéder à leur compte Facebook ou à des fonctionnalités Facebook sur des appareils ou des plates-formes créés par d’autres entreprises comme Apple, Amazon, BlackBerry et Yahoo!. (…) Les gens ont pu bénéficier de plus d’expériences sociales – comme voir les recommandations de leurs amis Facebook – sur d’autres apps et sites populaires, comme Netflix, le “New York Times”, Pandora et Spotify. » La question qui peut se poser est celle de l’usage réel que ces entreprises ont fait de ces données : s’il a été circonscrit à l’objectif initial ou si des données ont pu être, par exemple, aspirées et stockées à d’autres fins – comme dans le cas du scandale Cambridge Analytica, qui a sérieusement écorné l’image de Facebook cette année. Une porte-parole de Facebook a assuré au New York Times n’avoir trouvé aucune preuve d’abus. Et Steve Satterfield, responsable des questions de vie privée chez Facebook, a expliqué au quotidien que les partenaires avaient l’interdiction d’utiliser ces données personnelles dans d’autres buts que ceux définis par le contrat Dans ce cas, quel est le problème ? Outre les inquiétudes potentielles sur les usages détournés qui auraient pu être faits de l’accès à ces données, deux questions restent délicates à gérer pour Facebook. Dans certains cas, révèle le New York Times, les accès aux données des utilisateurs ont été laissés ouverts, alors même que les services tiers n’en avaient plus besoin pour leur fonctionnement. Netflix et la Royal Bank of Canada pouvaient, par exemple, toujours accéder, en 2017, aux messages privés Facebook de leurs utilisateurs, bien qu’ils avaient désactivé les fonctionnalités nécessitant cet accès. Une négligence grave, étant donné la sensibilité des données concernées. Qui plus est, alors que Facebook avait assuré au printemps que les services tiers ne pouvaient plus, depuis 2014, avoir accès aux informations des amis de leurs utilisateurs, le New York Times remarque que certains ont continué à recevoir ce type de données, comme Yahoo!, cet été encore. L’autre problématique concerne celle du consentement : les utilisateurs avaient-ils donné leur accord pour que leurs données soient rendues accessibles à ces autres entreprises ? Facebook assure que oui, car « vous deviez vous enregistrer avec votre compte Facebook pour utiliser l’intégration proposée par Apple, Amazon ou d’autres partenaires ». Certes, en le faisant, les utilisateurs savaient qu’ils liaient, dans une certaine mesure, leur compte Facebook à ces services. Mais avaient-ils pour autant conscience des droits qui étaient alors précisément accordés à ces entreprises sur leurs données Facebook ? Surtout quand une grande partie de ces entreprises partenaires mentionnées par le New York Times n’apparaissent pas dans le menu des paramètres Facebook permettant aux utilisateurs de contrôler quels apps et sites tiers ont accès à leurs données. Lire aussi Comment 2018 est devenue une année noire pour Facebook
19/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/19/facebook-des-acces-partenaires-aux-donnees-utilisateurs-ont-ete-accordes-a-apple-netflix-spotify-amazon-yahoo_5399904_4408996.html
En Suisse, le référendum d’initiative populaire comme outil du consensus politique
Devenu un exemple chez les « gilets jaunes », la votation suisse est inspirée des débats révolutionnaires français.
Le regard des partisants du RIC se tournent particulièrement vers la Suisse, où le recours aux référendums est inscrit dans la Constitution depuis 1848. FABRICE COFFRINI / AFP Proposer ou abroger une loi, révoquer le mandat d’un élu, modifier la Constitution et se prononcer sur les traités internationaux : le référendum d’initiative citoyenne (RIC), devenu une revendication centrale du mouvement des « gilets jaunes », veut répondre à la forte demande d’implication dans les décisions politiques demandées par de nombreux manifestants. En matière de consultation populaire, leurs regards se tournent particulièrement vers la Suisse, où le recours aux référendums est inscrit dans la Constitution depuis 1848. Le pays s’inspire à l’époque de deux modèles pour donner la possibilité aux citoyens de se prononcer sur le travail du Parlement : l’Etat américain du Massachusetts, où le référendum constitutionnel est expérimenté dès 1778, et les débats de la Révolution française, pendant lesquels l’idée est évoquée et inscrite dans les Constitutions girondine et montagnarde de 1793, mais ne sera jamais mise en place. 309 votations sur 641 sujets Depuis 1848, les Suisses ont été appelés 309 fois aux urnes pour se prononcer sur 641 « votations fédérales ». Celles-ci sont organisées dans trois cas de figure : à l’occasion d’une modification de la Constitution proposée par le Parlement ; quand 100 000 personnes décident de soumettre un changement de la Constitution à l’avis de leurs compatriotes ; ou quand 50 000 signatures sont rassemblées pour demander l’abrogation d’une loi existante. Le dispositif fait de la Suisse le pays où se déroule, chaque année, près de la moitié de tous les référendums répertoriés dans le monde. Un exemple pour les « gilets jaunes » en France, où l’idée révolutionnaire d’une « assemblée primaire », qui permettrait aux citoyens de donneur leur aval aux lois adoptées par leurs représentants nationaux, n’a jamais été appliquée. Le référendum d’initiative citoyenne (RIC) revendiqué par les « gilets jaunes » et les votations décidées par Berne diffèrent cependant en plusieurs points. En Suisse, aucun référendum n’est révocatoire : il n’est pas question, comme le proposent les « gilets jaunes » à propos du RIC, de demander le départ d’un élu. Aucun citoyen suisse ne peut proposer une nouvelle loi au niveau national – une des revendications principales des « gilets jaunes » − mais seulement une modification de la Constitution (dans les règles du droit international) ou l’abrogation d’un texte existant. Mais, surtout, les votations sont le plus souvent menées par les « corps intermédiaires », souligne Antoine Chollet, chercheur en science politique à l’université de Lausanne et auteur d’« Une défense du référendum à partir de l’exemple suisse », article publié en 2017 dans la Revue du Mauss. « Les cas où des collectifs de citoyens constitués spécifiquement pour l’occasion lancent une initiative et mènent la campagne politique qui l’accompagne sont extrêmement rares. » Récolter les 50 000 signatures nécessaires à une demande d’abrogation d’une loi fédérale en moins de cent jours requiert une organisation militante importante, dont les principaux partis ou les organisations syndicales et professionnelles – des acteurs politiques massivement rejetés par le mouvement des « gilets jaunes » – sont les seuls à disposer. Clef de voûte d’une démocratie de « concordance » Depuis 1848, ces initiatives populaires ont été rejetées dans plus de 80 % des cas par les Suisses. Les référendums modifient tout de même la loi près d’une fois sur deux, les citoyens adoptant plus fréquemment le contre-projet que le Parlement a la possibilité de proposer. Malgré cette tendance au rejet des mesures, le référendum occupe une place centrale dans la vie politique suisse depuis le début du XXe siècle. C’est à cette époque que le Parti socialiste, minoritaire au Parlement, mais profitant d’une solide base militante, commence à brandir la possibilité d’un référendum d’abrogation après chaque vote, par les élus, de textes controversés. Pour les forces politiques en présence, cette « menace référendaire » devient peu à peu le point d’équilibre d’une démocratie de « concordance », tournée vers le consensus plutôt que vers une simple recherche de majorité : puisque les mesures prises par le personnel politique peuvent être défaites par le peuple après leur adoption, autant promulguer des lois sur lesquelles tout le monde s’accorde. Et M. Chollet de rappeler : « La Suisse est une société extrêmement conflictuelle, où se sont notamment opposés catholiques et protestants, ouvriers et paysans, influences alémaniques et romanes. Les débats politiques se font donc toujours avec l’idée d’une menace, d’un danger de destruction de la collectivité basée sur ces divisions. C’est l’explication même de l’efficience de la menace référendaire : au nom de l’avancée collective, de l’unité, un compromis consensuel sera toujours recherché. » Dans cette optique, l’alliance entre une démocratie représentative classique (la majorité des lois, notamment le budget, reste votée par le Parlement) et l’usage d’une démocratie directe par les votations fait peu débat au sein de la société suisse. La difficulté à répondre vite et de façon ferme à des négociations internationales fait parfois craindre à certains élus de centre droit une difficulté de « gouvernabilité » de la Suisse. « Mais le rythme même des réformes n’est pas remis en cause, explique Antoine Chollet, puisque quand une décision est prise et validée par référendum, il est difficile d’en revenir. C’est pour de bon. » « Les citoyens sont tout aussi compétents que les élus » En légère baisse depuis la moitié du XXe siècle, la participation aux votations varie avec les sujets abordés : les questions de société sont beaucoup plus populaires que les propositions techniques. « Il y a une forme d’autocensure chez des personnes qui ne se sentent pas compétentes pour faire un choix sur certaines questions », explique M. Chollet. Sur une mandature de quatre ans, 90 % des citoyens se déplacent pourtant pour voter au moins une fois – l’ensemble des votations sont rassemblées sur quatre journées de référendum chaque année. Participation aux votations fédérales Moyenne annuelle de participation aux votations. Pas de votation en 1911, 1916, 1932, 1936, 1943. © OFS - Encyclopédie statistique de la Suisse Source : Pour les partisans du recours au référendum, la consultation fréquente permet tout de même une meilleure information des citoyens sur le fonctionnement de la politique. « Les citoyens sont tout aussi compétents que les élus quand ils disposent du temps et des informations nécessaires pour décider », affirme Antoine Bevort, sociologue au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), convaincu par le modèle suisse depuis un voyage d’études sur place, en 2005. « Pour comparer avec le constant débat politique français, je pense que discuter d’une mesure est très différent quand on doit prendre une décision sur son application plutôt que d’en débattre sans conséquence au café du coin », ironise Antoine Chollet. Les votations fédérales en Suisse depuis 1848
19/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/19/en-suisse-le-referendum-d-initiative-populaire-comme-outil-du-consensus-politique_5399901_3224.html
Protéger et sensibiliser les siens à l’heure d’Internet
Personne ne s’accorderait à dire qu’il serait judicieux de laisser sa voiture garée devant chez soi portes ouvertes, avec clés sur le contact et sac sur le siège passager contenant carte bancaire et code noté dans l’emplacement normalement réservé à la signature. Des règles du quotidien évidentes, qui s’appliquent aussi au monde d’Internet, et qu’il convient de bien connaître pour mieux les transmettre aux plus jeunes générations.
Maskot / Getty Images/Maskot C’est un fait, les Français sont de plus en plus sensibles aux enjeux de protection des données personnelles sur Internet. Une étude parue en 2017 indique que pour 83 % d’entre eux, il existe des risques importants d’interception de leurs informations sur mobile. Pour autant, ils sont 55 % à ne pas utiliser de protection antivirus et 47 % à ne pas se sentir suffisamment bien informés sur les risques encourus. Se protéger en ligne : c’est l’affaire de tous Pour les acteurs du Web, protéger les internautes est devenu un enjeu de taille, qu’il s’agisse d’intégrer l’exigence de sécurité dans les produits et services numériques ou de donner à tous les clés d’un usage maîtrisé d’Internet. Chez Google, « la sécurité des utilisateurs a toujours été une priorité, explique Jean-Philippe Bécane, responsable du marketing grand public. Il convient donc de rendre nos outils toujours plus sûrs ». Mais aussi sophistiqués que puissent être ces outils, les utilisateurs ne devraient pas pour autant se montrer moins vigilants. « Nous pensons que la protection des données personnelles est par essence l’affaire de tous. D’où la nécessité d’être à l’écoute des utilisateurs pour améliorer sans cesse nos produits et les aider à être mieux informés et à mieux se protéger. » C’est cette conviction qui a amené l’entreprise à déployer des formations partout en France, en partenariat avec des associations expertes sur le sujet, comme Génération Numérique, Les Petits Débrouillards ou encore e-Enfance, ainsi qu’à l’Atelier Numérique, ouvert il y a six mois à Rennes, et dont l’objectif est d’aider les Français à maîtriser pleinement les opportunités qu’Internet leur offre. Les formations sur les mécanismes de protection à adopter pour sécuriser ses données personnelles y sont d’ailleurs parmi les plus populaires. Mais les entreprises du secteur ne sont pas les seules à s’être emparées du sujet. A l’heure où le numérique occupe une place particulière dans les foyers français, les pouvoirs publics se sont également attaqués à la problématique en déployant des programmes de sensibilisation et en mettant à disposition des internautes des outils gratuits et faciles d’accès pour renforcer leur sécurité en ligne. Le site cybermalveillance.gouv.fr, par exemple, reprend, à travers kits, informations et outils, les bonnes et mauvaises pratiques ainsi que les différents moyens pour se prémunir des risques éventuels et bénéficier d’un accompagnement personnalisé. En parallèle, pour prévenir ces mêmes risques, les internautes ont aussi la possibilité de se tourner vers le service Pix, lancé collectivement par différents acteurs publics en 2017. La plateforme leur donne accès à une série de tests pour évaluer leurs compétences numériques, y compris en matière de sécurité. Le cas particulier des enfants et des adolescents : mythes et réalités La nécessité de mieux se protéger sur Internet nous concerne tous et les plus jeunes ne font pas exception. D’un côté, il y a les adultes qui ont vécu l’arrivée du numérique et ses évolutions et, de l’autre, leurs enfants, les fameux « digital natives », pour qui Internet et ses outils ne font pas partie du cyberespace, mais simplement du monde dans lequel ils grandissent et évoluent. Un rapport inné au numérique, qui peut laisser craindre une naïveté face aux risques auxquels les enfants et adolescents s’exposent, notamment en ce qui concerne leur protection et celle de leurs données. « Cette familiarité des plus jeunes générations avec les outils numériques leur donne parfois la fausse impression de tout maîtriser, alors qu’ils n’ont qu’une utilisation superficielle et ludique d’Internet. Ce n’est pas la même chose de savoir utiliser le dernier réseau social à la mode et de savoir se protéger en ligne », souligne Jean-Philippe Bécane. Une étude réalisée par l’association Génération Numérique et la Cnil auprès de plus de 23 000 jeunes de 11 à 18 ans met en lumière des niveaux d’information et des comportements disparates. Si 47 % d’entre eux pensent que la pire chose qui puisse leur arriver sur Internet est de se faire pirater son compte et voler ses données personnelles, ils sont près de 60 % à ne jamais changer de mot de passe une fois qu’ils l’ont choisi. Une information qui confirme l’idée que c’est par la sensibilisation, la pédagogie et la formation que leur sécurité peut aujourd’hui être améliorée. Les associations en mission à l’école Aller à la rencontre des plus jeunes pour prolonger l’action pédagogique et éducative au sein des écoles, des collèges et des lycées, c’est justement la mission portée par Génération Numérique, Les Petits Débrouillards et e-Enfance, avec le soutien de Google. Reconnue d’utilité publique et agréée par le ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse, l’association e-Enfance dispense des formations toute l’année partout en France dans les établissements scolaires et auprès des parents. Adoptant une démarche ludique et bienveillante, son objectif principal est de sensibiliser les enfants aux risques encourus sur Internet et de les aider à adopter les bons gestes pour mieux naviguer. « L’objectif est de leur donner le bon niveau d’information et de leur permettre d’avoir toutes les clés en main pour assurer leur sécurité en ligne », précise Justine Atlan, directrice générale d’e-Enfance. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour adopter les bons gestes, les jeunes générations également doivent pouvoir maîtriser leur navigation.
19/12/2018
data-connexion
https://www.lemonde.fr/data-connexion/article/2018/12/19/proteger-et-sensibiliser-les-siens-a-l-heure-d-internet_5399896_5385531.html
Logiciels : le français Dataiku lève plus de 100 millions de dollars
La jeune start-up, désormais domiciliée à New York, fournit aux entreprises des solutions pour exploiter leurs données.
Florian Douetteau, PDG et fondateur de Dataiku. C’est Noël avant l’heure pour les Français de Dataiku. La start-up, dont le siège social est désormais domicilié à New York, vient en effet d’annoncer, mercredi 19 décembre, une levée de fonds de 101 millions de dollars (88,6 millions d’euros) menée par le fonds américain Iconiq Capital, soutenu par Alven Capital, Battery Ventures, Dawn Capital et FirstMark Capital. Il s’agit du quatrième plus gros tour de table réalisé en France depuis le début de l’année après Voodoo (172 millions d’euros), Deezer (160 millions) et Blablacar (101 millions). Dataiku avait déjà levé 28 millions de dollars en septembre 2017, notamment auprès de Serena Capital. Pour Florian Douetteau, le PDG et cofondateur de la société, cet apport de capitaux doit permettre à la jeune start-up d’être libre de ses choix de développement « dans les deux-trois années à venir », afin de bâtir un solide « acteur indépendant » dans le monde du logiciel. Dataiku offre aux entreprises une solution leur permettant de répondre à la nécessité croissante – sinon impérative – d’exploiter leurs données afin de rester compétitives dans une économie de plus en plus numérisée. Dans un contexte, où les spécialistes de la donnée (« data scientist ») sont devenues une denrée rare et onéreuse, le logiciel de Dataiku a en outre la particularité de permettre à des non-spécialistes, ayant des connaissances métiers (connaissance du marché, etc.), de participer à la mise en place de projets « big data ». Exploiter les capacités de l’intelligence artificielle Les cas d’usages sont nombreux : la solution de Dataiku permet, par exemple, à un site d’e-commerce de calculer en temps réel le prix de vente de ses produits ; à une grande marque, il permet d’optimiser ses campagnes marketing en affinant les cibles les plus pertinentes pour chaque budget engagé… Tout cela en exploitant les capacités de l’intelligence artificielle. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le travail est remodelé par l’intelligence artificielle La levée de fonds de mardi doit permettre à l’entreprise de doubler ses effectifs (200 personnes aujourd’hui) afin de continuer à améliorer le produit, mais également de poursuivre son déploiement à l’international, avec, notamment, la volonté de s’implanter plus fortement en Asie, une région où son activité n’est encore que balbutiante. Un effort sera également consenti pour mieux positionner la marque. « Il ne faut pas être naïf, les seules qualités du produit ne suffisent pas à créer les conditions du succès », explique Florian Douetteau, qui cite volontiers le jeu « Fortnite » en modèle : « Ils ont créé une catégorie de jeu dans laquelle ils se sont imposés. Et maintenant – pourquoi, personne ne le sait – tout le monde y joue. »
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/logiciels-le-francais-dataiku-annonce-une-levee-de-fonds-de-100-millions-de-dollars_5399893_3234.html
Molière à l’œuvre sous le regard de l’historien Georges Forestier
Le spécialiste de littérature classique renouvelle la biographie du génial dramaturge (1622-1673) en puisant aux sources de son inspiration et au plus près du processus d’écriture. Captivant.
Statue de Molière, d’après Jean-Jacques Caffieri (vers 1807-1808). STÉPHANE MARÉCHALLE / RMN-GRAND PALAIS (DOMAINE DE COMPIÈGNE) « Molière », de Georges Forestier, Gallimard, « Biographies NRF », 544 p., 24 €. Dans la fulgurante carrière de Jean-Baptiste Poquelin, dit « Molière », fils d’un riche marchand parisien né en 1622, devenu comédien à 21 ans puis chef de troupe à 30, le véritable tournant eut lieu en 1663. Tout avait débuté par un lamentable échec, dix-huit ans plus tôt. L’ambitieuse troupe de l’Illustre Théâtre, que dominait la tribu des Béjart, avait dû renoncer à sa salle parisienne. Criblée de dettes, elle était partie faire ses preuves en province, s’enrichissant grâce au soutien de puissants seigneurs. De retour à Paris en 1658, les comédiens s’étaient très vite imposés en rompant avec le burlesque traditionnel : d’une figure alors à la mode, celle des « précieuses », Molière avait su tirer un comique de sa composition, tout en superlatifs, périphrases et métaphores. L’engouement fut immédiat mais la révolution survint à la suite du succès, en décembre 1662, de L’Ecole des femmes. En effet, comme le montre Georges Forestier dans sa passionnante biographie, c’est alors que la convergence entre, d’un côté, un schéma inusable (la rivalité du barbon et des jeunes amoureux) et, de l’autre, les débats de société sur l’amour, l’éducation des femmes ou les codes de la civilité, atteignit sa pleine puissance, décuplée par d’évidentes allusions grivoises. L’historien pallie brillamment l’absence des manuscrits de Molière en mêlant érudition et étude des formes littéraires. Un tour de force Une cabale religieuse s’ensuivit, et le génie de Molière fut d’en faire le support d’une promotion inégalée : aux attaques, il répondit aussitôt par une Critique de L’Ecole des femmes (juin 1663) mettant en scène un salon mondain où l’on débattait de sa pièce, ce qui revenait à se défendre en créant avec le public une connivence d’un nouveau type. Aux attaques redoublées, il répliqua à nouveau par le génial Impromptu de Versailles (octobre 1663) où, devant toute la cour, il prétendait échouer à présenter une pièce promise. Dans cette « comédie des comédiens », tout à sa gloire de dramaturge, Molière étrillait les acteurs vedettes de l’Hôtel de Bourgogne, lui qui s’était vu confier la salle du Palais-Royal fin 1660 et dont la troupe deviendrait « troupe du roi » en 1665. Spécialiste reconnu de Corneille et de Racine (dont il a publié la biographie dans la même collection en 2006), et éditeur, avec Claude Bourqui, du théâtre de Molière dans « La Pléiade » (2010), Georges Forestier livre avec ce Molière une pièce essentielle de sa vaste réévaluation du trio classique. Car, de Molière, nous croyons tout savoir : trop en réalité. Manque pourtant l’essentiel, à savoir les manuscrits, dont Georges Forestier pallie brillamment l’absence en mêlant érudition et étude des formes littéraires. D’où ce tour de force : alors que, pour Molière, seuls importaient le spectacle, le geste théâtral et ses effets sur le public, M. Forestier nous livre accès à l’atelier de l’écrivain.
19/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/19/moliere-a-l-uvre-sous-le-regard-de-l-historien-georges-forestier_5399890_3260.html
Biscuits de Noël : la recette facile de Gilles Marchal
Pain d’épices, vanille, agrumes, café… L’avantage de ces petits sablés spécial fêtes faciles à réaliser, notamment avec les enfants, c’est que l’on peut varier les parfums autant que l’on veut.
Les biscuits de Noël de Gilles Marchal. JOSEFA LOPEZ / LEMONDE.FR Temps de préparation : 20 min Temps de cuisson : 20 min Temps de repos : 2 h (au frais) Difficulté : très facile Ingrédients pour une dizaine de biscuits 300 g de beurre AOC 1 gousse de vanille bourbon égrenée 125 g d’amandes en poudre 125 g de sucre glace 2 belles pincées de sel fin 300 g de farine T45 bio 1 œuf entier (50 g) bio 6 g de poudre à pain d’épices (4 épices) Etape 1 : la pâte sablée Malaxer ensemble le beurre et les graines de vanille. Verser dessus la poudre d’amande, le sucre glace, la poudre à pain d’épices, le sel, la farine et l’œuf. Malaxer à nouveau jusqu’à l’obtention d’une pâte lisse et homogène. Etape 2 : le repos Entre deux feuilles de papier cuisson ou silicone, étaler directement la pâte d’une épaisseur d’environ 5 ou 6 mm. Placer au frais pour un repos de deux heures. Etape 3 : la cuisson Préchauffer votre four à 150 °C (thermostat 5). Préparer vos plaques de four recouvertes de papier cuisson ou d’une feuille de silicone. A l’aide d’un emporte-pièce de Noël, détailler des formes et les disposer sur les plaques. Il est possible de cuire nature les biscuits ou de les parsemer soit de sucre semoule, de cassonade, de sucre parfumé, de morceaux de fruits secs, etc. Cuire environ vingt minutes en prenant soin de la régularité de la cuisson. Elle doit être bien régulière, même le dessous, et de couleur brun clair. Conseil du chef : la recette de base peut être modifiée – en conservant bien sûr la quantité d’œuf, de beurre, de farine et de sucre – en la parfumant avec des gousses de vanille, du café en poudre, de la poudre de pain d’épices ou des zestes d’agrumes (citron, orange, pamplemousse, yuzu, etc.). Et, pourquoi pas, remplacer la poudre d’amandes par de la poudre de noisettes ou de la poudre de pistaches. Il est également possible de diviser la pâte nature en trois parties, et en parfumer deux de goûts différents. Lire aussi Sablés au sarrasin : la recette de Catherine Kluger
19/12/2018
les-recettes-du-monde
https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2018/12/19/biscuits-de-noel-la-recette-facile-de-gilles-marchal_5399887_5324493.html
Chevreuil poêlé et sauce au vin rouge : la recette de Christian Le Squer
Mets fin et d’exception, le chevreuil est de ces gibiers à poil qui s’apprécient généralement pendant les fêtes. Le chef livre sa version, poêlée comme un tournedos et accompagnée d’une sauce au vin rouge, de chou pointu et de châtaignes.
Pour les amateurs de gibier, le chevreuil est la quintessence d’un repas de Noël réussi. Franco Cogoli / Sime / Photononsto Temps de préparation : 1 h Temps de cuisson : 30 min Difficulté : moyen Ingrédients pour 8 personnes 2 filets de chevreuil (110 g par personne) Pour la sauce : 1/2 botte de persil plat 1 citron vert 2 échalotes 1/2 l de vin de chinon beurre pommade Pour la crème de parmesan : 200 g de crème liquide 3 jaunes d’œufs 60 g de parmesan cognac sel Pour la garniture : 1 chou pointu 3 pousses de radicchio de Trévise 3-4 châtaignes fraîches baies roses Etape 1 : la sauce Faire réduire dans une casserole le vin rouge. Ajouter deux échalotes émincées. Emincer la demi-botte de persil plat en n’utilisant que les queues (et non les feuilles), et la plonger dans la casserole. Y ajouter le jus d’un citron vert. Laisser réduire la sauce sur le feu. Etape 2 : la crème de parmesan Faire réduire de moitié la crème liquide, puis laisser refroidir. Ajouter trois jaunes d’œufs dans les 100 grammes de crème réduite. Lier l’ensemble dans une casserole à l’aide d’un fouet, sans trop cuire. Ajouter le parmesan en continuant de mélanger à feu doux. Après quelques minutes de cuisson, ajouter quelques gouttes de cognac et une pointe de sel. Etape 3 : la cuisson du chevreuil Saler les filets de chevreuil, puis les couper en quatre. Faire fondre une grosse noix de beurre dans une poêle et colorer la viande. Une cuisson pas trop rapide est préférable, compter 2-3 minutes de chaque côté pour chaque part de chevreuil. Bien arroser la viande de beurre à l’aide d’une cuillère. Elle doit être dorée sur le dessus et rosée à l’intérieur. La laisser reposer sur une grille. Etape 4 : le beurre rouge Après dix minutes de cuisson, ajouter 40 grammes de beurre pommade dans la casserole de sauce et mélanger au fouet. Une fois le beurre bien dilué dans la sauce, passer au chinois l’ensemble en pressant avec une cuillère pour bien récupérer toute la sauce. Etape 5 : la garniture Détacher les feuilles du chou pointu et les laver à l’eau claire. Plonger les feuilles dans de l’eau salée frémissante pendant 10 secondes pour les ramollir. Les passer dans de l’eau glacée, puis enlever la branche centrale de chaque feuille. Faire sécher les feuilles dans une poêle chaude, ajouter une noix de beurre, des zestes d’orange, citron et citron vert, ainsi que trois-quatre châtaignes. Ecraser des baies roses dans la main et saupoudrer au-dessus de la poêle. Ajouter une noix de beurre puis, au dernier moment, les pousses de radicchio de Trévise. Etape 6 : la finition et le dressage Réchauffer trente secondes les parts de chevreuil à la poêle avec du beurre. Trancher les parts en deux, dans le sens de la longueur. Saupoudrer de poivre concassé. Dans une assiette, dresser une cuillère de sauce au beurre rouge au centre, placer le chevreuil coupé en deux puis les feuilles de chou, une nouvelle cuillère de sauce, et finir par deux cuillères à café de crème de parmesan sur le dessus. Conseil du chef : la recette peut être adaptée avec d’autres gibiers à poil (sanglier, par exemple) ou des abats (foie de veau, rognons, etc.). Lire aussi Chapon poché et rôti : la recette de Noël de Georges Blanc
19/12/2018
les-recettes-du-monde
https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2018/12/19/chevreuil-poele-et-sauce-au-vin-rouge-la-recette-de-christian-le-squer_5399883_5324493.html
« L’Œil », un regard sinon rien
Les éditions Actes Sud publient « L’Œil », un livre conçu et réalisé par Robert Delpire, et dont l’auteur est Wajdi Mouawad.
« C’est une mécanique redoutable que nous portons en haut du visage. Une mécanique où s’imbriquent la conjonctive bulbaire, la gaine interne du nerf optique, le grand cercle de l’iris, le sinus veineux de la sclère, l’angle irido-cornéen, la pupille, la cornée, le limbe cornéen, le corps vitré et le canal hyaloïdien. » SARAH MOON / ÉDITIONS ACTES SUD, 2018 « “Connais-toi toi-même” était inscrit au fronton du temple de Delphes, comme un rappel constant de notre condition. Et la dernière phrase d’“Œdipe roi” de Sophocle nous enjoint à une prudence face à la vision : “Nous sommes mortels et nul ne peut dire qu’il fut heureux, tant qu’il n’a pas été, sans pleurer, au terme de sa vie”. » MIMMO JODICE, GALERIE KARSTEN GREVE KÖLN, PARIS, ST. MORITZ / ÉDITIONS ACTES SUD, 2018 « Nous ne sommes pas la lumière. Nous ne sommes pas ce que nous voyons. Ce que nous voyons est hors de nous. Par la vision, nous chutons sans cesse vers ce que nous ne sommes pas. » MIMMO JODICE, GALERIE KARSTEN GREVE KÖLN, PARIS, ST. MORITZ / ÉDITIONS ACTES SUD, 2018 « Qu’est-ce qui nous méduse ? Nous aveugle les yeux ouverts ? Nous obsède comme la mouche par sa vitre contre laquelle elle s’entête, cherchant à traverser jusqu’à la mort un invisible obstacle qui dépasse sa raison ? » MIMMO JODICE, GALERIE KARSTEN GREVE KÖLN, PARIS, ST. MORITZ / ÉDITIONS ACTES SUD, 2018 « La Lune, éborgnée par la fusée du professeur Barbenfouillis, c’est l’éclat définitif d’une image fondamentale. L’image de cette Lune conquise, symbole du rêve, un rêve encore possible, un rêve encore en rêve, encore tissé de cette écume dont nous sommes faits. » THE KOBAL COLLECTION / AURIMAGES / ÉDITIONS ACTES SUD, 2018 Consacré au regard, et aux multiples aspects qu’il revêt, ce livre - paru aux éditions Actes Sud - rend compte des liens étroits qui unissent l’œil et la créativité. Des planches d’anatomie du XVIIIe siècle au Voyage dans la Lune (1902), de Georges Méliès, d’Un chien andalou (1929), de Luis Bunuel, aux images plus actuelles, comme celles de Sarah Moon ou d’Antoine d’Agata : il s’agit ici de célébrer « un art dont la pratique quotidienne permet à l’esprit de prendre la mesure du monde ». Un « hommage presque hypnotique », selon les mots de l’auteur, qui raconte aussi l’histoire d’une rencontre entre un éditeur et un écrivain : Robert Delpire (1926-2017) et Wajdi Mouawad (né le 16 octobre 1968 à Deir-el-Qamar, au Liban). Morceaux choisis et commentés par l’auteur lui-même pour Le Monde.
19/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/portfolio/2018/12/19/l-il-un-regard-sinon-rien_5399878_3246.html
Le Défenseur des droits déplore le « dénuement extrême » des migrants dans les campements
Dans un rapport sur les campements de Calais, Paris, Grande-Synthe et Ouistreham, Jacques Toubon critique l’action des pouvoirs publics.
Un groupe de migrants à Calais, le 9 mars 2018. PHILIPPE HUGUEN / AFP Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a dénoncé mercredi 19 décembre une « dégradation » de la situation sanitaire et sociale des migrants vivant dans des campements en France. Dans ce rapport, il revient notamment sur la situation dans les camps de Calais, Paris, Grande-Synthe (Nord) et Ouistreham (Calvados). Selon M. Toubon, les migrants « se retrouvent dans un état de dénuement extrême, dépourvus de tout abri et ayant comme première préoccupation celle de subvenir à leurs besoins vitaux : boire, se nourrir, se laver ». « Les difficultés à trouver des solutions durables aggravent le phénomène », constate-t-il, en déplorant des « stratégies de dissuasion et d’invisibilisation sur le territoire national menées par les pouvoirs publics ». « Usage de gaz lacrymogène » Dans un précédent rapport, en 2015, M. Toubon dénonçait déjà la situation des migrants dans le bidonville de la « jungle » de Calais, qui comptait alors plus de 4 400 personnes, et qui a été démantelé en octobre 2016. Mais « la situation s’est en réalité nettement dégradée », note le Défenseur, qui pointe les opérations d’évacuation régulièrement menées par les pouvoirs publics. « Loin d’être conformes aux exigences du droit à un hébergement inconditionnel », ces mises à l’abri « contribuent à la constitution de nouveaux campements », assure-t-il dans le rapport. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Migrants à la rue : « Ils sont dans une errance infinie » Après s’être rendu « une quinzaine » de fois sur place, M. Toubon s’inquiète particulièrement des méthodes policières, avec des évacuations « pour empêcher tout nouveau point de fixation » et des contrôles d’identité « pour contrôler le droit au séjour ». « Pour servir ces opérations, différentes pratiques ont pu être observées, telles que l’usage de gaz lacrymogène », assure-t-il. Faisant état d’« une détérioration sans précédent de la santé des exilés », avec un « développement inquiétant des troubles psychiques », il s’inquiète particulièrement pour les mineurs, « de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes et fragilisés », et « laissés à leur sort » en raison du caractère « largement inadapté et sous-dimensionné des dispositifs » existants. Dans ce contexte M. Toubon souligne le rôle des collectivités locales « contraintes d’agir », et celui des associations qui « se substituent de plus en plus fréquemment aux pouvoirs publics », mais « sont de plus en plus empêchées d’agir ». Il propose ainsi d’« élargir l’immunité pénale à tous les actes apportés dans un but humanitaire ».
19/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/19/le-defenseur-des-droits-denonce-une-degradation-de-la-situation-des-migrants-dans-les-campements_5399868_3224.html
Le Salon des masters du « Monde » aura lieu samedi 26 janvier à Paris
Une centaine d’établissements présenteront leurs formations. Des conférences animées par des journalistes du « Monde » sont également prévues.
A la recherche d’un master ou d’un mastère spécialisé ? Le groupe « Le Monde » vous donne rendez-vous, le samedi 26 janvier, pour la 15e édition du Salon des masters & mastères spécialisés (SAMS), organisée par Le Monde, Télérama, Courrier international et L’Obs. Ce salon se tiendra à la Cité de la mode et du design, à Paris, dans le 13e arrondissement. Avec la mise en œuvre, à l’université, de la sélection en master, qui s’effectue principalement à l’entrée du M1, les étudiants en licence ont désormais intérêt à se renseigner sur les critères d’admission dans les différents cursus, et à identifier en amont sur les formations qui répondent le plus à leurs besoins. Ce salon s’adresse aussi à tous les titulaires de diplômes bac + 3 à bac + 5 qui veulent compléter leur formation avec un cursus spécialisé. Le Salon SAMS sera ainsi l’occasion de rencontrer des étudiants et les équipes pédagogiques d’une centaine d’établissements. Grandes écoles de commerce, de management et d’ingénieurs, universités, instituts d’études politiques (IEP) et instituts d’administration des entreprises (IAE) présenteront plus de 3 000 programmes, toutes spécialités confondues. Vous pourrez notamment vous renseigner sur les mastères spécialisés des grandes écoles, des formations accessibles à bac + 4 ou à bac + 5. Des conférences thématiques, animées par des journalistes du Monde, aideront les visiteurs à choisir la formation qui leur correspond. Dans « l’espace coaching », des coachs disponibles sans rendez-vous pourront vous aider à vous orienter. Voici la liste des conférences animées par des journalistes du « Monde » : - 10h30 : Master, MS, MSc : quelles différences, pour quels projets ? - 11h30 : Mastères spécialisés, masters of sciences : viser la double compétence - 12h30 : Masters en lettres, langues et sciences humaines : quels débouchés ? - 13h30 : Masters : les nouveautés et tendances - 14h30 : Sélection en master : mode d’emploi - 15h30 : Un mastère spécialisé en grande école : mettre toutes les chances de son côté - 16h30 : Un master à l’étranger : quelle valeur ajoutée ? Le SAMS sera ouvert samedi 26 janvier 2019 de 10 heures à 18 heures Les Docks – Cité de la mode et du design 34, quai d’Austerlitz – 75013 Paris ENTRÉE GRATUITE - INSCRIPTION ICI Lire aussi Le mastère spécialisé, une stratégie pointue Lire aussi Les écoles d’ingénieurs aussi ont leurs masters
19/12/2018
campus
https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/12/19/le-salon-des-masters-du-monde-aura-lieu-samedi-26-janvier-a-paris_5399863_4401467.html
Aventure, romance, stratégie… quel manga offrir à Noël ?
Sélection de mangas parus ces derniers mois, pour les débutants et les amateurs de bande dessinée japonaise.
Encore une fois, les sorties mangas de cette fin d’année donnent tort à ceux qui pensent que la BD japonaise est uniforme et qu’ils ne trouveront pas un récit pour leur plaire. En piochant dans différents registres, voici les recommandations de Noël du blog manga du Monde, qui siéront autant aux lecteurs débutants qu’aux habitués exigeants. « Le Tigre des neiges » – une histoire de guerrière LE LÉZARD NOIR Akiko Higashimura s’est largement démarquée de ses pairs mangakas au fil de son travail. Avec son plus grand hit, Princess Jellyfish, elle a réussi à moderniser le genre romantique du shojo en mettant en scène, avec beaucoup de dérision et de profondeur, des jeunes femmes geeks, bien loin des stéréotypes féminins classiques. De même, elle s’est forgé un style graphique reconnaissable, à la fois tendre, rond et clair. Encore une fois, la dessinatrice prend un contre-pied avec Le Tigre des neiges, où elle s’essaie au récit martial et historique. Elle y file une théorie selon laquelle Kenshin Uesugi, puissant et célèbre seigneur de guerre japonais du XVIe siècle, était en réalité une femme. En résulte un récit documenté et argumenté, moderne et féministe, qui fait la part belle aux scènes du quotidien et à des incursions humoristiques, ce en quoi la mangaka excelle. Celle-ci, que l’on imagine volontiers fantasque, se met même en scène dans le manga pour distraire ses lecteurs et rompre la monotonie des faits historiques. C’est plutôt pour : celles et ceux qui aiment les mangas historiques, les histoires avec des héroïnes intéressantes, les fans de Princess Jellyfish. Le Tigre des neiges, tome I, de Akiko Higashimura, traduction de Miyako Slocombe, éditions Le Lézard noir, 13 euros. « Battle Game in 5 seconds » – de l’action et de la stratégie DOKI DOKI A première vue, Battle Game in 5 seconds est un manga fantastique comme on en voit beaucoup. Il met en scène un jeu macabre où des personnes de tout âge, de toute catégorie sociale, aux looks variés et archétypaux, ont été prises en otage par une mystérieuse organisation et doivent s’affronter. Mais ce sont véritablement le héros et son intelligence qui confèrent à ce récit une certaine originalité. Akira, lycéen fan de jeux vidéo, à la logique et au sang-froid redoutables, va s’avérer être un adversaire beaucoup plus tenace que son physique ne le laisse deviner. Le sort de ce petit génie, qui ressemble quelque peu à Light Yagami, le héros de Death Note, va s’avérer d’autant plus palpitant quand les geôliers vont attribuer aux combattants un pouvoir à chacun en guise d’arme. Car ce n’est pas tant par la force qu’Akira va devoir se défendre, mais avec sa capacité à faire naître auprès de ses adversaires le sentiment qu’il est imbattable. Encore une preuve que les mangas d’action les plus intéressants sont souvent les plus cérébraux. C’est plutôt pour : celles et ceux qui aiment les combats, la stratégie et les jeux vidéo, les arènes avec de nombreux personnages, les héros à gros QI, ou qui ont aimé des mangas comme Area D ou Bungo Stray Dog. Battle Game in 5 seconds, tomes I, II et III, de Kashiwa Miyako et Saizou Harawata, traduction de Pascale Simon, éditions Doki Doki, 7,50 euros. « Par-delà les étoiles » – une nouvelle romantique AKATA La mangaka Rie Aruga fait forte impression en France avec sa série Perfect World, qui tisse avec justesse et sans mièvrerie les difficultés que peut traverser un jeune couple lorsque l’un des deux amants est handicapé. En véritable maîtresse du shojo (ce genre de manga romantique destiné aux jeunes filles), la dessinatrice offre à la fois un regard classique de ces comédies ou drames romantiques tout en prenant soin d’insérer, sans artifice, une certaine diversité sociale. Akata, son éditeur français, a décidé de rassembler en un volume les quelques chapitres d’une de ses premières histoires publiées : Par-delà les étoiles. Dans cette œuvre de jeunesse, elle raconte les débuts à l’université d’une jeune femme, Hana, qui va tenter d’oublier un amour impossible en intégrant un club d’astronomie. Un manga un peu vert en comparaison du travail bien abouti de Perfect World, mais qui montre déjà tout le talent de Rie Aruga pour maîtriser la mélancolie et l’optimisme de ses personnages. C’est plutôt pour : celles et ceux qui aiment les histoires courtes, qui souhaitent découvrir le style shojo ou sont fans de Rie Aruga. Par-delà les étoiles, en un volume, de Rie Aruga, traduction de Chiharu Chujo, éditions Akata, 6,99 euros. « Radiant » – une série d’aventures ANKAMA Publié à partir de 2013, Radiant est revenu sur le devant de la scène cet automne : c’est la première fois qu’un manga made in France obtient son dessin animé japonais, une marque de prestige. La série raconte l’histoire de Seth, un jeune garçon issu de la caste des sorciers, une communauté rejetée bien qu’elle sauve des vies humaines en combattant les Némésis, des créatures tombées du ciel qui tuent et contaminent. Pour expliquer sa recette, son créateur, Tony Valente, parle volontiers de « faire une salade avec tout ce qui [le] suit depuis l’enfance ». Ce fan de One Piece ou Naruto détaille : « D’aussi loin que je m’en souvienne, ça m’a toujours fait rêver, les bateaux volants, la fantasy aérienne avec des nuages, des vaisseaux en bois. » Une esthétique à laquelle il a ajouté des éléments de folklore et d’histoire européens, comme la sorcellerie ou l’Inquisition. « Une histoire universelle avec un glaçage européen », en résumé. Radiant est d’autant plus remarquable qu’il porte un discours politique plutôt fort, avec un regard sur la notion d’étranger, le racisme, l’immigration. Les sorciers de Radiant sont des humains qui ont survécu à une contamination des monstres Némésis. Ils en portent des stigmates visibles et sont craints par le reste de la population, traités de voleurs et de bons à rien, persécutés par l’Inquisition. Au fil du manga, le héros affronte ce traitement injuste et décide, pour mettre un terme à cette discrimination, de rechercher le berceau des Némésis pour le détruire. Tout en gardant une belle dose d’humour. C’est plutôt pour : celles et ceux qui aiment les mangas de shonen nekketsu comme Naruto, les séries d’aventures et d’humour, les héros attachants. Radiant, tomes I à X, de Tony Valente, éditions Ankama, 7,95 euros. « Deepsea Aquarium Magmell » – un récit contemplatif VEGA Mag Mell est un peu le Valhalla de la mythologie celtique, un lieu de l’au-delà peuplé de divinités et de plaisirs. Dans ce récit paru chez Vega, nouveau label manga des éditions Steinkis, c’est aussi le nom donné à un aquarium sous-marin au large de Tokyo, où ses visiteurs peuvent contempler calamar géant et autres créatures des abysses. C’est dans ce lieu magique et surprenant que le jeune Keitaro Amagi, passionné de biologie marine depuis sa tendre enfance, se fait embaucher comme balayeur. Discret et érudit, le jeune homme va apprendre à s’affirmer et changer le cours de son destin auprès des touristes et collègues, au contact du directeur du complexe marin, Otosezaki Minato. Si les dialogues et les enjeux de cette première série de Kiyomi Sugishita sont encore un peu faibles, Magmell offre un dessin délicat et une découverte en douceur des fonds marins. La mer a beau être un élément récurrent de la fiction japonaise, ce manga en offre une perspective différente, pour ne pas dire immersive. C’est plutôt pour : celles et ceux qui aiment apprendre sur la faune et la flore, les BD avec des décors naturels et travaillés, les récits optimistes, qui ont une fibre écolo. Deepsea Aquarium Magmell, tome I, de Kiyomi Sugishita, traduction de Satoko Fujimoto, éditions Vega, 8 euros. « Le Rêve de mon père » – un manga de maître KANA Qui a dit que le manga japonais était une forme de BD uniformisée et sans aspérité stylistique ? Ceux-là doivent lire absolument Taiyô Matsumoto, l’auteur de séries inoubliables telles qu’Amer Béton, Ping Pong ou Sunny. Alors que se profile une rétrospective de son œuvre au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (du 24 au 27 janvier 2019), son éditeur français, Kana, propose la traduction d’un récit datant de ses débuts dans le métier, Le Rêve de mon père, qui marque un tournant dans l’affirmation de son écriture et de son dessin. Le mangaka y développe un thème qui lui est cher, l’enfance malmenée, à travers la relation conflictuelle et affective qu’entretiennent un père séparé et son fils. Le premier, Hanao, a quitté le foyer familial pour se vouer à sa passion, le base-ball, persuadé qu’il peut encore devenir un joueur professionnel alors qu’il a presque 30 ans ; le second, Shigeo, âgé d’une dizaine d’années, ne jure que par les études. Alors qu’il a prévu de consacrer ses vacances à des cours de soutien scolaire, sa mère l’envoie passer l’été chez ce père aveuglé par ses rêves. Toute la force de ce premier volume (deux autres suivront) tient dans l’inversion des traits dominants. La maturité et la raison sont très clairement du côté de l’enfant ; la légèreté et une certaine innocence, du côté du père. Si l’on ne choisit pas sa famille, on peut choisir son destin, souligne ici Taiyô Matsumoto, qui a lui-même passé sa jeunesse dans un orphelinat. Par petites touches, l’auteur fait affleurer les violences qui agissent derrière l’obsession de la réussite dans la société japonaise. La démonstration serait moins limpide sans un dessin basculant sans cesse entre fragilité et nervosité. C’est plutôt pour : celles et ceux qui aiment les histoires de famille, les récits réalistes, la poésie du quotidien. Le Rêve de mon père, tomes I et II, de Taiyô Matsumoto, traduction de Thibaud Desbief, éditions Kana, 12,70 euros. « Mujirushi, le signe des rêves » – Le Louvre mis à l’honneur FUTUROPOLIS Dans ses mangas, Naoki Urasawa a l’habitude de bâtir des intrigues entre le Japon et les pays occidentaux. L’Allemagne dans Monster, la Grande-Bretagne dans Master Keaton, l’Amérique pour Billy Bat… et, maintenant, la France. Paris, précisément. Raconter le Louvre, à la demande du musée pour sa collection BD lancée avec les éditions Futuropolis, n’avait rien d’effrayant pour ce maître du manga mis à l’honneur au dernier Festival d’Angoulême. De cette commande résulte une histoire abracadabrante, en deux tomes, où Urasawa enchevêtre un hommage à la culture française, une enquête internationale et une comédie sociale. L’histoire d’un artisan ruiné et de sa petite fille qui vont devenir les rouages d’une arnaque au cœur du Louvre, menée par le supposé directeur de l’Institut de France à Tokyo. Inspiré d’Iyami, un personnage filou, gaguesque et populaire du manga des années 1960, l’obséquieux bonimenteur se prétend ami de François Mitterrand et de Sylvie Vartan. Le lecteur, dérouté d’office – c’est une coutume chez Naoki Urasawa –, reste sous bonne escorte grâce au talent du maître qui, avec économie de traits et de mots, sait exploiter à bon compte les défauts de la nature humaine. C’est plutôt pour : celles et ceux qui ont des réticences à lire dans le sens de lecture japonais, qui aiment les grands formats et la BD franco-belge, les amateurs de polar. Mujirushi, le signe des rêves, tomes I et II, de Naoki Urasawa avec Fujio Productions, traduit du japonais par Ilan Nguyên, Futuropolis-Louvre éditions, 20 euros. Voir aussi : Notre machine à recommander des mangas
19/12/2018
les-enfants-akira
https://www.lemonde.fr/les-enfants-akira/article/2018/12/19/aventure-romance-strategie-quel-manga-offrir-a-noel_5399860_5191101.html
L’Afrique du Sud émet un mandat d’arrêt contre Grace Mugabe
L’ancienne première dame du Zimbabwe est poursuivie dans le cadre d’une affaire d’agression contre une mannequin à Johannesburg en 2017.
L’ex-première dame Grace Mugabe vote lors des élections générales du 30 juillet 2018, à Harare, au Zimbabwe. Siphiwe Sibeko / REUTERS La police sud-africaine a annoncé, mercredi 19 décembre, qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre Grace Mugabe, l’épouse de l’ex-président zimbabwéen Robert Mugabe, dans le cadre d’une affaire d’agression contre une mannequin sud-africaine à Johannesburg en 2017. « La police enquête, nous avons fait une demande à la justice et le tribunal nous a délivré un mandat d’arrêt […] pour l’agression contre Gabriella Engels », a dit à l’AFP le porte-parole de la police, Vishnu Naidoo. Le tribunal de Randburg, dans la province de Gauteng où est située Johannesburg, a émis le mandat d’arrêt contre Mme Mugabe le 13 décembre, l’accusant de « coups et blessures graves ». « Nous suivons les procédures d’Interpol et nous demandons donc une aide pour obtenir son arrestation », a ajouté M. Naidoo. Le groupe de pression AfriForum, qui suit l’affaire au nom de la victime, a salué l’émission du mandat d’arrêt. Lire aussi La première dame du Zimbabwe a encore frappé L’ex-première dame du Zimbabwe, âgée de 53 ans, est accusée d’avoir frappé Mme Engels à l’aide d’une rallonge électrique dans un hôtel de luxe du quartier des affaires de Sandton, où séjournaient ses deux fils. La mannequin âgée de 20 ans a subi des coupures au front et à l’arrière de la tête. A l’époque, Robert Mugabe était toujours au pouvoir et le gouvernement sud-africain avait accordé l’immunité diplomatique à son épouse, lui permettant de quitter l’Afrique du Sud et de regagner le Zimbabwe. Goût pour les vêtements de luxe Robert Mugabe a été évincé de la présidence du Zimbabwe en novembre 2017 après un coup de force militaire provoqué par des généraux pour mettre fin à la spéculation selon laquelle le vieux président allait permettre à sa femme de lui succéder après trente-sept ans de pouvoir. Selon le président Emmerson Mnangagwa, élu l’été dernier, M. Mugabe, 94 ans, se trouve à Singapour pour des soins médicaux et est incapable de marcher à cause de sa maladie et de son âge. Au moment de l’incident, Grace Mugabe se trouvait en Afrique du Sud pour faire soigner une blessure au pied, selon les médias de son pays. Comme son mari, elle se rend parfois à l’étranger pour des raisons médicales, les services de santé du Zimbabwe étant en pleine déliquescence. L’affaire avait entaché un peu plus l’image déjà très controversée de la première dame. Mariée au président zimbabwéen depuis 1996, elle était régulièrement épinglée pour son goût pour les vêtements de luxe, les voyages et son implication supposée dans des scandales de corruption dans un pays plombé par une grave crise économique.
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/l-afrique-du-sud-emet-un-mandat-d-arret-contre-grace-mugabe_5399852_3212.html
Amazon : semaine de 60 heures et quête « du pic d’activité » dans les centres logistiques
Les « Amazon Diaries » publiés par le « Guardian » mettent en lumière les conditions de travail dans les centres logistiques, notamment lors de la période des fêtes.
Dans le centre de Lauwin-Planque en 2014. DENIS CHARLET / AFP Il se passe décidément quelque chose autour d’Amazon, le numéro un mondial de la vente en ligne. Et pas seulement l’installation de ses deux nouveaux sièges à New York et Washington, ou la volonté d’adopter une taxe au niveau européen sur les géants du numérique, les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Le groupe de Jeff Bezos est eu cœur d’une nouvelle série d’articles, intitulée « Amazon Diaries » (le journal d’Amazon), rédigés par un employé de l’entreprise, sous couvert d’anonymat, et publiés sur le site du quotidien britannique The Guardian. Ils mettent en lumière les conditions de travail dans les centres logistiques, notamment lors de la période des fêtes de fin d’année. L’article du 19 décembre est intitulé « Comment les courses de Noël conduisent les salariés d’Amazon à l’épuisement ». Il décrit la peak season (« saison du pic d’activité »), qui démarre lors du « Black Friday » (le 23 novembre, cette année) et se termine avec les fêtes de fin d’année, marquées par le « Peak Fest » (« la fête du pic d’activité »). Frénésie dans les centres logistiques Jeff Bezos, PDG d’Amazon. Cliff Owen / AP Il est ainsi décrit la frénésie d’activité s’emparant des centres logistiques d’Amazon. Pendant cette période de six semaines, le nombre de colis est tel que les salariés à temps plein font des « heures supplémentaires obligatoires », travaillant près de douze heures par jour, soixante heures par semaine. Dans le même temps, les salariés à temps partiel sont incités à effectuer « autant de services que possible ». Les effectifs sont aussi renforcés par des travailleurs saisonniers qui sont moins payés, ne bénéficient d’aucun avantage et sont sur des horaires contraints qui les obligeront à travailler pendant toutes les vacances. Des posters flatteurs sont accrochés dans l’entrepôt, montrant un membre du personnel tenant son scanner, avec des slogans tels que « Soyez un pro du pic d’activité ». Chacun est encouragé à publier des photos de « l’événement » sur la page Instagram de l’entreprise. Les cadres motivent les salariés à coups de slogans, comme « on va dégommer » le record d’envois en une journée, avec la perspective de gagner un Kindle ou une enceinte sans fil Echo Dot, alors que certains préféreraient toucher de l’argent. Mais, assez rapidement, l’excitation retombe et les salariés sont exténués, comptant le nombre de jours avant la fin du pic d’activité. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Jeff Bezos, boss sans limites Grèves en Espagne, Allemagne et Angleterre Manifestation devant un centre logistique d’Amazon, en Allemagne. PETER ENDIG / AFP C’est contre ces cadences infernales que des salariés d’Amazon en Espagne, en Allemagne et en Grande-Bretagne se sont mis en grève lors des supersoldes du « Black Friday », pour exiger de meilleures conditions de travail. Les employés, dont beaucoup étaient appelés à suivre le hashtag #amazonwearenotrobots (« Amazon, nous ne sommes pas des robots »), avaient déjà mené une action d’envergure en juillet pendant une opération promotionnelle d’Amazon, baptisée « Prime Day ». Le leader mondial de la vente en ligne minimise l’ampleur du mouvement et défend sa politique sociale, affirmant avoir créé au Royaume-Uni plus de vingt-cinq mille emplois bien payés et se présentant en Allemagne comme « un employeur aussi fiable que bon ». Lire aussi Sous pression, Amazon augmente son salaire minimal à 15 dollars
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/le-guardian-decrit-les-cadences-infernales-en-vigueur-chez-amazon_5399848_3234.html
Paris : « Ne détruisons pas le périphérique, transformons-le »
Ne croyons pas qu’il suffit de se débarrasser de cette rocade pour changer la vie des Parisiens. Il est préférable de la moderniser afin qu’elle serve au mieux les habitants du Grand Paris, explique l’architecte Paul Chemetov dans une tribune au « Monde ».
« Le “Yaka dézinguer le périf !” n’est qu’une brève de comptoir. La démolition ne porte en elle-même aucun projet. Elle est une table rase. » Vue du périphérique, porte de Clichy, Paris. François Renault / Photononstop / François Renault / Photononstop Tribune. Toute métropole ne se définit pas par sa limite, mais par l’intensité des relations qui la nourrissent et la construisent. Si, dans les métropoles régionales, la vie quotidienne se déroule dans un espace que l’on parcourt en une demi-heure de transport, ce n’est pas le cas de la région parisienne. Le centre, qui bénéficie d’un réseau de transport ancien et complet, est aujourd’hui entouré d’une périphérie mal desservie, mal équipée, devenue la partie la plus vivace et la plus peuplée de la métropole. Le périphérique les sépare. Paris concentre le cinquième de la population métropolitaine sur 1 % du territoire métropolitain. En même temps, quatre millions de personnes vivent dans la première couronne sur un territoire six fois plus grand et avec une densité trois fois et demi moindre ; dans la grande couronne, la moitié restante de la population régionale occupe les neuf dixièmes du territoire de l’Ile-de-France. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Paris, coup d’envoi d’une expérimentation sur la ville du futur Dans la compétition mondiale, c’est la singularité de Paris qui fait son identité. Quelle est-elle ? Une grande densité d’habitants, des fonctions centrales, une concentration de pôles universitaires et de formation, le maintien – déclinant et c’est préoccupant – d’une production matérielle, un patrimoine paysager et bâti, une offre culturelle, des plaisirs de vie qui expliquent son attraction touristique. Pas de table rase Sauf que ces caractéristiques de la zone centrale ne se sont pas reproduites dans la ville distendue que nous héritons de l’âge automobile. Il nous faut les affirmer dans les pôles qui structurent l’actuelle périphérie. Dans Le Monde du 16 octobre, sous le titre « Détruisons le périphérique ! », Gaspard Gantzer retrouve quelques accents guerriers. Il n’est plus question de « détruire Carthage », ni de constater que là où passe Attila l’herbe ne repousse plus, mais son « Yaka dézinguer le périf ! » n’est qu’une brève de comptoir. La démolition ne porte en elle-même aucun projet. Elle est une table rase. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’architecte Roland Castro dessine le Grand Paris en « poète urbain » Paris, dans ses mutations et ses convulsions, ne vaut que par ses deux mille ans d’histoire et d’accumulations. Si Paris a grandi par cercles périphériques, la destruction du mur des Fermiers généraux a permis la couronne des boulevards et celle de l’enceinte de Thiers – qui devait être transformée en une ceinture verte – a laissé place au boulevard des Maréchaux, aux briques des HLM, à quelques espaces verts parsemés d’équipements. Le périphérique sur sa frange fut son dernier avatar.
19/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/19/paris-ne-detruisons-pas-le-peripherique-transformons-le_5399845_3232.html
Elections en RDC : la campagne suspendue à Kinshasa
Cette décision intervient alors que Martin Fayulu, candidat d’opposition à la présidentielle, devait tenir un meeting dans la capitale congolaise.
Des partisans de Martin Fayulu, à Kinshasa, le 19 décembre 2018. MARCO LONGARI / AFP La campagne électorale a été suspendue, mercredi 19 décembre à Kinshasa, où le candidat d’opposition à la présidentielle Martin Fayulu devait tenir une réunion publique, selon un communiqué du gouverneur de la capitale publié à quatre jours des élections prévues en République démocratique du Congo (RDC). « Le gouvernement provincial de Kinshasa décide, pour des impératifs sécuritaires, à dater de ce mercredi 19 décembre, la suspension sur toute l’étendue de la capitale des activités de campagne électorale […] de l’ensemble des candidats président de la République, sans exception aucune », selon ce communiqué signé du gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta. Le texte ne précise pas la durée d’application de la mesure. Le communiqué est officiel, a certifié à l’AFP le porte-parole de la police de Kinshasa. L’interdiction ne concerne pas le « recours aux médias » dans le cadre de la campagne électorale, selon le communiqué. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En RDC, les élections de tous les dangers Plusieurs centaines de personnes attendaient M. Fayulu dans le calme, à la mi-journée, sur les lieux prévus de la réunion publique, place Sainte-Thérèse dans le quartier Ndjili de Kinshasa, a constaté une journaliste de l’AFP. A la périphérie, sur la route Nationale 1 allant vers l’est, des partisans de M. Fayulu allaient à la rencontre de leur candidat, a constaté une autre journaliste de l’AFP. M. Fayulu voulait faire son entrée à Kinshasa par la route, avant de se rendre sur les lieux du meeting. « Les renseignements en notre possession attestent que dans tous les camps politiques des principaux candidats à la présidence de la République, des extrémistes se sont préparés et se préparent à une confrontation de rue dans la ville de Kinshasa lors des activités de campagne électorale », ajoute le communiqué du gouverneur.
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/elections-en-rdc-la-campagne-suspendue-a-kinshasa_5399842_3212.html
Des milliers de correspondances confidentielles de diplomates européens ont été piratées
Les pirates, soupçonnés d’avoir été employés par la Chine, ont eu accès au système pendant au moins trois ans, a révélé le « New York Times ».
NICOLAS SIX / QUENTIN HUGON / « LE MONDE » Des pirates informatiques ont infiltré pendant au moins trois ans le réseau de communication diplomatique de l’Union européenne (UE) et ont téléchargé des milliers de câbles (des correspondances entre diplomates censées rester confidentielles) échangés entre les ambassades et les représentants des pays de l’UE. Des courriers dans lesquels ils décrivent et commentent les principaux sujets stratégiques, européens et internationaux de ces dernières années. Une partie de ces câbles reflète ainsi l’inquiétude des Européens face à la politique de Donald Trump, leur difficulté à traiter avec la Russie ou la Chine, ou encore leur crainte de voir l’Iran relancer son programme nucléaire. Ce piratage massif a été révélé, mardi 18 décembre, par le New York Times, qui a publié des extraits des câbles volés. Le quotidien américain s’est appuyé sur le travail de la société de cybersécurité Area 1, fondée, selon le journal, par trois anciens employés de l’agence de renseignement américaine (NSA). Area 1 a également averti, dans les jours précédant l’article du New York Times, plusieurs organisations – les Nations unies, l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO – « Fédération américaine du travail-Congrès des organisations industrielles », en français), divers ministères des affaires étrangères et des finances à travers le monde – qui avaient été victimes de piratages massifs similaires. Un piratage « pas vraiment sophistiqué » Concernant l’opération d’intrusion informatique dans le réseau de communications de l’UE, les experts d’Area 1 ont expliqué au New York Times qu’elle n’était « pas vraiment sophistiquée ». Selon eux, les pirates ont simplement mené avec succès une campagne de « phishing » (ou « hameçonnage », généralement basé sur l’envoi de faux e-mails permettant d’obtenir les données personnelles du destinataire) sur des diplomates de la République de Chypre. Ils ont ainsi récupéré des mots de passe leur permettant de se connecter au système utilisé par l’UE pour les échanges de câbles diplomatiques. Ce système, appelé Coreu (Correspondance européenne), est officiellement décrit comme un « réseau de communication européen entre les vingt-huit pays de l’Union européenne, le Conseil, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et la Commission ». « Afin d’assurer un flux régulier d’informations, il facilite la coopération en matière de politique étrangère. En particulier, le Coreu permet une prise de décision rapide en cas de crise. » « Le réseau Coreu n’était pas utilisé pour discuter des informations les plus sensibles et confidentielles » Contacté par le New York Times, un porte-parole du secrétariat de l’UE, à Bruxelles, a simplement expliqué mardi que l’UE était « au courant des allégations portant sur une fuite potentielle d’informations sensibles », et qu’elle menait « activement l’enquête sur le sujet ». Des représentants de l’UE ont cependant précisé au quotidien américain, de manière anonyme, que le réseau Coreu n’était pas utilisé pour discuter des informations les plus sensibles et confidentielles, qui sont partagées dans d’autres systèmes de communication mieux sécurisés (notamment les messages marqués comme « confidentiels », « secret » et « très secret », soit les trois niveaux les plus importants de confidentialité des échanges au sein de l’UE). Le New York Times note que, de manière générale, les systèmes de communication de l’UE sont critiqués de longue date pour leur vieillesse et leur manque de sécurité, notamment par les Etats-Unis, qui ont régulièrement signalé aux Européens le risque de potentiels piratages par la Russie, l’Iran ou la Chine. La Chine accusée Les enquêteurs d’Area 1 sont convaincus que les pirates ayant réussi à dérober les câbles diplomatiques européens étaient employés par la Chine, et plus précisément par les services de renseignement de l’Armée populaire de libération. « Après plus de dix ans d’expérience et d’analyse technique dans la lutte contre les tentatives de cyberattaques chinoises, il n’y a aucun doute que cette opération est liée au gouvernement chinois », affirme ainsi un chercheur d’Area 1. L’ambassade de Chine à Washington n’a pas réagi à ces accusations. Le New York Times note que, contrairement à d’autres piratages de grande ampleur de documents censés rester confidentiels, ces derniers n’ont jusqu’ici pas été diffusés largement sur Internet, comme l’avait fait par exemple WikiLeaks en 2010 après avoir obtenu 251 000 câbles diplomatiques américains. Un élément qui renforce la thèse d’une opération de renseignement classique, ayant pu être menée par un Etat. « Des analyses qui peuvent être utilisées par la Chine et d’autres pays pour obtenir des avantages » Si les informations dérobées aux diplomates européens ne sont pas hautement confidentielles, elles sont tout de même précieuses en termes de renseignements sur les positions européennes ou d’autres pays sur des dossiers parfois tendus de politique internationale, comme l’explique le New York Times : « Les câbles contenaient beaucoup d’analyses traitant de politique étrangère et de stratégie européenne sur des dossiers concernant le commerce international, les migrations, et l’élargissement [de l’UE] qui peuvent être utilisées par la Chine et d’autres pays pour obtenir des avantages. » Dans les câbles diffusés par le quotidien américain, on lit par exemple les diplomates européens qualifier de « succès [au moins pour Poutine] » le sommet d’Helsinki de juillet dernier entre le président russe et Donald Trump, dans un contexte où les divisions entre les Européens et les Etats-Unis n’ont pas manqué de grandir depuis l’élection en 2016 du nouveau président américain. Un autre câble mentionne des discussions tenues entre des responsables de l’UE et le président chinois, Xi Jinping, lors du 20e sommet UE-Chine organisé à Pékin le 16 juillet. La conversation retranscrite montre que le dirigeant chinois compare les manœuvres d’« intimidation » de Donald Trump envers Pékin à un « combat de boxe où tous les coups sont permis ». Lire sur le sujet : Face à Trump, l’UE et la Chine tentent de s’entendre sur le commerce
19/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/19/des-milliers-de-correspondances-confidentielles-de-diplomates-europeens-ont-ete-piratees_5399837_4408996.html
Qui recrute les jeunes RH ?
Les ressources humaines font une place aux jeunes diplômés dans les grandes entreprises, mais dans des conditions moins favorables que les autres fonctions à même niveau de qualification, montre une étude de l’APEC publiée le 14 décembre.
« Le secteur des services est le premier recruteur avec 67 % de jeunes RH, contre 23 % pour l’industrie, 6 % pour le commerce et la distribution, et 4 % pour la construction et le BTP. » Charlie Abad / Photononstop Les ressources humaines (RH) recrutent 9 % des jeunes diplômés de niveau bac + 5 ou plus. L’accès à l’emploi, en deux mois maximum, est relativement rapide, mais la fonction RH est moins valorisée que d’autres pour les jeunes diplômés, révèle une étude de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) publiée le 14 décembre. Infographie Le Monde Moins souvent cadres, ils sont aussi moins souvent en contrat à durée indéterminée (CDI) que leurs homologues de même niveau employés dans d’autres fonctions. 49 % des jeunes diplômés recrutés en ressources humaines obtiennent un emploi cadre contre 70 % sur l’ensemble des jeunes diplômés et 65 % sont employés en CDI contre 72 % pour les autres. Leur rémunération brute annuelle médiane est aussi de 11 % inférieure : « 21 000 euros, contre 31 400 euros pour l’ensemble des jeunes diplômés, sur la base des promotions 2015 et 2016 », précise l’APEC. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’index d’égalité salariale fait l’unanimité, même chez les DRH Les jeunes diplômés en emploi en 2018 travaillent surtout dans les grandes entreprises. Ils sont 48 % dans des entreprises de plus de 1 000 salariés et 31 % dans des petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 250 salariés. « Les petites structures sont en proportion moins souvent dotées d’une équipe dédiée en RH que les plus grandes », commente l’APEC. Secteur des services Le secteur des services est le premier recruteur avec 67 % de jeunes RH (dont 12 % en informatique et télécommunications), contre 23 % pour l’industrie, 6 % pour le commerce et la distribution, et 4 % pour la construction et le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Enfin, plus que d’autres fonctions, les ressources humaines sont ouvertes à des diplômés de diverses disciplines. Le lien entre la formation initiale et l’emploi occupé « se distend progressivement au cours de la carrière », précise l’étude. Certes 55 % des jeunes RH sont diplômés des ressources humaines, mais 11 % ont suivi une formation initiale en sciences humaines, 10 % en gestion et 6 % en droit. Seuls 4 % ont fait une école d’ingénieurs, contre 36 % une école de commerce. Ils sortent à 52 % de l’université. A noter que la fonction RH pratique une ouverture particulière aux universitaires.
19/12/2018
emploi
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/12/19/qui-recrute-les-jeunes-rh_5399835_1698637.html
« Gilets jaunes » : ce que contient le projet de loi sur les « mesures d’urgence » adoptée à l’Assemblée
Le texte précise quatre mesures : prime exceptionnelle, augmentation de la prime d’activité jusqu’à 90 euros, exonération élargie de la hausse de la CSG, heures supplémentaires défiscalisées.
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, après le conseil des ministres où ont été présentées les « mesures d’urgence », le 19 décembre. JULIEN MUGUET POUR "LE MONDE" Prime exceptionnelle exonérée de charges et d’impôts, heures supplémentaires défiscalisées, baisse de la CSG et prime d’activité revalorisée : les promesses présidentielles faites en réponse aux « gilets jaunes » ont pris forme dans un projet de loi déposé mercredi matin par le gouvernement, a annoncé son porte-parole, Benjamin Griveaux. Présenté au conseil des ministres, ce « projet de loi resserré » de quatre articles, dont la mise en œuvre s’apparentait à un casse-tête juridique et administratif, a été adoptée jeudi à l’Assemblée nationale, et devrait l’être dès vendredi au Sénat, dans une course contre la montre pour que ces gestes d’apaisement puissent être applicables au plus tôt. En voici le contenu : Selon l’exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement a choisi d’augmenter la prime d’activité jusqu’à 90 euros (ce montant peut varier d’un cas à l’autre) au niveau du smic début 2019. Pour atteindre les « 100 euros » promis par Emmanuel Macron, le gouvernement compte aussi la revalorisation mécanique du smic de 1,5 % au 1 er janvier 2019, soit environ 16 euros net pour un temps plein. Selon la ministre de la santé, Agnès Buzyn, la prime d’activité concernera ainsi 12 % des fonctionnaires (contre 8 % actuellement) et 18 % des indépendants (contre 15 %). janvier 2019, soit environ 16 euros net pour un temps plein. Selon la ministre de la santé, Agnès Buzyn, la prime d’activité concernera ainsi 12 % des fonctionnaires (contre 8 % actuellement) et 18 % des indépendants (contre 15 %). L’exonération élargie de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), qui concernera désormais cinq millions de retraités (70 % d’entre eux), sera appliquée « au plus tard » le 1 er juillet avec remboursement rétroactif au 1 er janvier, a confirmé Benjamin Griveaux. M me Buzyn a précisé que les caisses de retraites « se sont engagées pour être en capacité de rembourser les retraités du trop-prélevé (…) autour de début mai ». La ministre envisage un amendement gouvernemental pour avancer la date butoir, une fois qu’elle aura « la certitude » que les caisses sont vraiment « en mesure de le faire ». juillet avec remboursement rétroactif au 1 janvier, a confirmé Benjamin Griveaux. M Buzyn a précisé que les caisses de retraites « se sont engagées pour être en capacité de rembourser les retraités du trop-prélevé (…) autour de début mai ». La ministre envisage un amendement gouvernemental pour avancer la date butoir, une fois qu’elle aura « la certitude » que les caisses sont vraiment « en mesure de le faire ». La prime exceptionnelle versée par les entreprises aux salariés rémunérés jusqu’à 3 600 euros devra être versée avant le 31 mars et concernera « 4 à 5 millions de salariés », a également détaillé le porte-parole du gouvernement. Le projet de loi doit permettre « aux entreprises de verser (…) une prime exceptionnelle jusqu’à 1 000 euros qui sera exonérée de toute charge sociale et de l’impôt sur le revenu », a-t-il dit. Les heures supplémentaires effectuées par les salariés du privé et par les fonctionnaires seront par ailleurs défiscalisées et exonérées de cotisations salariales dès le 1er janvier, a annoncé M. Griveaux. « Sur les 17,6 millions de salariés du secteur privé, environ 4 à 5 millions devraient en bénéficier au moins », a précisé la ministre du travail, Muriel Pénicaud, relevant que la mesure va toucher aussi les fonctionnaires. « Pas de problème de communication à Matignon » Le porte-parole du gouvernement est également revenu sur le couac de la veille lorsque Matignon a annoncé l’annulation, puis le rétablissement, de mesures annoncées en novembre pour compenser la hausse des taxes sur le carburant. « Il n’y a pas de problème de communication avec Matignon », a tenu à préciser Benjamin Griveaux. « Les députés de la majorité ont bien fait de monter au créneau », afin d’obtenir rapidement le rétablissement de ces mesures, a déclaré le porte-parole du gouvernement. Ce dernier a enfin évoqué le « grand débat national » souhaité par le chef de l’Etat, et qui doit aborder quatre grands thèmes – transition écologique, fiscalité, organisation de l’Etat, démocratie et citoyenneté. Il devra déboucher « fin mars - mi-avril » sur « des décisions très concrètes, en fonction des consensus identifiés ». Mais sans « détricoter » les décisions prises par le gouvernement depuis dix-huit mois, a prévenu le porte-parole.
19/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/19/gilets-jaunes-le-projet-de-loi-sur-les-mesures-d-urgence-depose-a-l-assemblee_5399831_823448.html
Le parquet de Paris ouvre une enquête à la suite de la mort inexpliquée d’une femme aux urgences
La patiente a été retrouvée morte, mardi matin, quelques heures après son admission aux urgences de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de la capitale.
L’entrée de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris. THOMAS SAMSON / AFP Le parquet de Paris a ouvert une enquête après la mort inexpliquée d’une femme, mardi 18 décembre au matin, presque douze heures après son admission aux urgences de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement, rapporte l’Agence France-Presse (AFP) mercredi en citant une source judiciaire. L’enquête « en recherche des causes de la mort » a été confiée au service de police judiciaire du 10e arrondissement, a précisé la même source, confirmant une information de Franceinfo. Prise en charge lundi « par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris », la patiente avait été conduite au service d’accueil des urgences de l’hôpital « vers 18 h 45 », selon un communiqué de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle y a « été accueillie par l’infirmière d’accueil et d’orientation et enregistrée dans le circuit de prise en charge du service », selon l’AP-HP. Sa mort « inexpliquée », « constatée à 6 h 20 » mardi « au sein du service d’accueil des urgences », a été signalée le même jour par l’AP-HP au procureur de la République de Paris. Une enquête interne a été lancée « pour reconstituer la chronologie précise des faits, connaître les circonstances et les causes » de cette mort, et notamment savoir si la patiente a été vue par un médecin, si le niveau d’activité du service était normal et les effectifs en nombre suffisant, selon l’AP-HP. « Saturation du système » Y a-t-il eu défaillance dans la prise en charge de la patiente ? « Elle est décédée, donc forcément », a répondu mercredi soir la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, à cette question qu’on lui posait sur France 3. « Il ne faut pas forcément mettre ça sur [le compte d’]un problème de moyens, c’est aussi peut-être un problème de procédure. Cette femme, visiblement, a été appelée [par le personnel hospitalier], elle n’a pas répondu, on a considéré qu’elle était partie », a relaté la ministre. Elle a souligné qu’il fallait « vérifier que toutes les procédures mises en œuvre dans les services d’urgences ont bien été respectées ». L’institution francilienne « transmettra toutes les informations à la justice », assure-t-elle dans son communiqué, « les autorités de tutelle » ayant par ailleurs « été informées ». « La famille de la patiente a été prévenue par l’hôpital, qui lui a fait part de ses condoléances et de son soutien », est-il précisé. Un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) extraordinaire se tiendra jeudi, a annoncé à l’AFP l’un des responsables CGT de Lariboisière, Yann Flecher, appelant à la « transparence ». De son côté, l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) a « alerté » le gouvernement « sur la situation devenue impossible à gérer » aux urgences hospitalières, qui ont enregistré 21 millions de passages en 2016. Déplorant elle aussi un « manque de moyens », l’AMUF a réclamé un rendez-vous avec Agnès Buzyn, « afin de proposer et de trouver des solutions face à la saturation du système ».
19/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/19/le-parquet-de-paris-ouvre-une-enquete-a-la-suite-de-la-mort-inexpliquee-d-une-femme-aux-urgences_5399828_1653578.html
Des chimpanzés fabriquent un outil pour boire de l’eau
Une équipe de scientifiques a dissimulé une quarantaine de caméras dans le Parc national de la Comoé, en Côte d’Ivoire. Elles permettent d’étudier le comportement des chimpanzés.
anzés. Pour s’hydrater, les chimpanzés du Parc national de la Comoé, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, ont une technique bien spécifique. Ils prennent une liane et en mâchonnent l’extrémité jusqu’à ce qu’elle ait la forme d’un pinceau. Ils la plongent ensuite dans un arbre pour puiser de l’eau. La fabrication puis l’utilisation de cet outil ont été filmée pour la première fois par le scientifique espagnol Juan Lapuente. Il fait partie de l’équipe de chercheurs qui a disposé une quarantaine de caméras dans le parc national ivoirien. Son dispositif vidéo lui permet d’étudier d’une façon inédite ces grands singes qui ne se laissent pas du tout approcher par l’homme. Les images filmées permettent aussi d’étudier d’autres comportements, comme les jeunes qui imitent leurs parents pour apprendre à fabriquer des outils, ce qui suggère la possibilité d’une transmission culturelle. Juan Lapuente publie ces vidéos sur une page Facebook sur les chimpanzés du parc de la Comoé. Les caméras déclenchées par les mouvements permettent également d’étudier toute la faune du vaste parc qui s’étend sur 11 493 km2 et est classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. On y aperçoit ainsi, par exemple, le passage d’hippopotames, d’éléphants ou de pangolins.
19/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/video/2018/12/19/des-chimpanzes-fabriquent-un-outil-pour-boire-de-l-eau_5399824_1650684.html
L’Italie et Bruxelles enterrent la hache de guerre budgétaire
L’accord signé avec la Commission pour éviter une procédure de déficit excessif met fin à plusieurs semaines de crise politique.
Les experts de la chose bruxelloise le voyaient venir depuis plusieurs jours. Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie, n’avait-il pas dit lundi qu’il travaillait « nuit et jour » à un accord avec l’Italie ? Le Français et son collègue letton Valdis Dombrovskis, vice-président chargé de l’euro, ont confirmé, mercredi 19 décembre, que Bruxelles enterrait la hache de guerre avec Rome et renonçait à confirmer le lancement d’une procédure pour déficit excessif au titre de la dette. « Le gouvernement italien a fait du chemin. Il y a quelques semaines nous entendions des discours offensifs [du gouvernement italien], mais d’intenses contacts ont permis de trouver une solution et d’éviter d’enclencher une procédure de déficit excessif », a expliqué M. Dombrovskis mercredi. « Les solutions trouvées ne sont pas idéales, mais de nature à éviter la procédure pour déficit excessif pour autant que l’Italie s’en tienne aux mesures acceptées », a ajouté le conservateur letton. Lire aussi : Quand Rome et Bruxelles jouent au poker menteur Prévision de déficit public à 2,04 % du PIB Le gouvernement de Giuseppe Conte, après des semaines de discussion et trois déjeuners en tête à tête avec Jean-Claude Juncker, a accepté de reporter des dépenses prévues dès janvier à un peu plus tard au printemps, pour ramener sa prévision de déficits publics de 2,4 % de son produit intérieur brut (PIB) dans son projet initial de budget 2019 à 2,04 % du PIB. Plus important pour Bruxelles, Rome a accepté de ramener à zéro sa prévision d’une relance structurelle de 0,8 % de son PIB (augmentation des déficits liée à des réformes structurelles). « On aurait préféré un effort structurel positif, de 0,1 % », a tout de même souligné M. Moscovici. Une partie de cet effort à plus de 9 milliards d’euros de dépenses évitées correspond à un report dans le temps (de janvier à avril 2019) de l’application des réformes emblématiques du gouvernement Conte (dont le revenu universel), à des réductions d’investissement de l’Etat et à l’augmentation de la taxe sur les paris sportifs. Au début de cet automne, le gouvernement italien avait d’abord refusé de réviser son projet de budget 2019, comptant tenir tête à la Commission et assumant ouvertement une violation des règles du pacte de stabilité et de croissance. Mais il a dû céder et revenir sur sa rhétorique martiale, voire provocatrice, rattrapé par la montée des taux sur les marchés qui risquait de rendre insoutenable son service de la dette. La dette publique transalpine avoisine déjà 130 % du PIB. L’ouverture officielle d’une procédure pour déficits excessifs au titre de sa dette aurait par ailleurs mis le gouvernement italien sous surveillance constante de Bruxelles et aurait exposé le pays à un risque de sanctions. « L’intelligence et le sens de l’intérêt général ont prévalu », a déclaré, satisfait, M. Moscovici. « Nous avons fait la démonstration forte que nos règles fonctionnent pour rétablir le sérieux budgétaire » dans les Etats membres, a ajouté l’ancien ministre des finances français. « Nous demeurerons vigilants » Preuve que la confiance entre Rome et Bruxelles n’est pas tout à fait revenue, les deux commissaires ont prévenu : « Nous demeurerons vigilants. » La Commission a théoriquement jusqu’en février pour lancer la procédure de déficit excessif qu’elle avait enclenchée à la fin de novembre. Elle peut toujours revenir sur sa décision si, à Rome, le budget révisé n’est pas adopté en janvier, a prévenu M. Dombrovskis. La Commission était tiraillée entre la nécessité de faire respecter, au moins dans l’esprit, les règles du pacte de stabilité, et celle de ne pas donner des arguments « anti-Bruxelles » à un gouvernement populiste excitant le sentiment antieuropéen de ses citoyens. Elle est probablement soulagée de ne pas avoir à prolonger un bras de fer qui aurait abîmé un peu plus son image à quelques mois d’une élection européenne à haut risque, alors que les mouvements populistes ont le vent en poupe partout dans l’Union. Et cela va faciliter sa future gestion du « dossier » français : il lui sera d’autant plus facile d’être compréhensive avec Paris, qui a déjà confirmé une dérive budgétaire à 3,2 % du PIB en 2019, qu’elle a su établir un « dialogue » avec Rome. Elle coupera en tout cas court à l’accusation du « deux poids deux mesures » dont commençaient déjà à l’assaisonner les ministres italiens Matteo Salvini (extrême droite) et Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles). Italie : un déficit budgétaire 3 fois supérieur aux prévisions initiales Le budget italien pour 2019 affiche un déficit prévisionnel de 2,4 % du produit intérieur brut (PIB), contre 0,8 % promis en juillet. Et une détérioration structurelle (creusement du déficit lié à des réformes) de 0,8 % du PIB en 2019, contre un effort structurel attendu de 0,6 % (réductions budgétaires liées à des réformes).
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/l-italie-et-bruxelles-enterrent-la-hache-de-guerre-budgetaire_5399821_3234.html
Citoyens et consommateurs dévisagés pour garantir leur « bien-être »
La start-up française Two-I développe des solutions d’analyse des émotions des passants filmés par la vidéosurveillance.
Cette femme dans la rue est-elle détendue ou inquiète ? Ce client du centre commercial est-il comblé ou frustré ? Les supporteurs dans le stade sont-ils enthousiastes ou agressifs ? Une start-up de Metz, Two-I, rencontre un succès rapide en développant des solutions d’analyse des images de caméras de surveillance, qui permettent non seulement de compter les passants, mais de décrypter en temps réel leur sexe, leur âge et les émotions exprimées par leur visage. Son credo : s’imposer comme un « outil de la smart city » en fournissant une mesure objective du « bien-être » pour guider la gestion de la ville. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment des villes « hyper connectées » contrôlent l’espace public Les métropoles de Metz, de Nancy, de Nice et quelques autres se sont déjà laissé convaincre, comme plusieurs gestionnaires de stades. Depuis cet automne, la société signe également des contrats à Dubaï, où ses technologies pourraient être mises à profit par le « ministère du bonheur » créé par les Emirats arabes unis pour garantir le « bien-être social » et la « positivité ». « Nous nous sommes rendu compte que les dirigeants manquaient d’un outil pour évaluer les politiques menées sur leur territoire : c’est très difficile de mesurer de manière objective le bien-être des citoyens. Les sondages sont ponctuels, ils coûtent très cher et ils sont remplis de biais », explique Julien Trombini, qui a cofondé Two-I, en 2017, avec Guillaume Cazenave. Les deux compères étaient alors tradeurs à Londres, spécialistes du « trading algorithmique » : ils passaient des ordres de vente ou d’achat basés sur « l’identification des émotions par zones géographiques à travers la lecture des réseaux sociaux ». Précis à 75 % S’appuyant sur la généralisation de la vidéosurveillance, le duo s’est déplacé à l’échelle de la ville en allant chercher l’indicateur de bien-être directement sur notre visage. « Nous mettons à la disposition de tous une information macroscopique, utile pour mener un projet d’aménagement comme pour s’y opposer, argumente M. Trombini : nous avons un outil de cartographie du territoire qui détaille le bien-être quartier par quartier et son évolution. » La société travaille ainsi avec l’Office métropolitain de l’habitat du Grand Nancy pour mesurer le ressenti des habitants avant, pendant et après la rénovation de HLM. Comment ça marche ? Un algorithme basé sur l’architecture des réseaux neuronaux découpe votre corps et votre visage en milliers d’extraits qu’il analyse pour vous mettre à nu. La précision atteint près de 98 % pour le genre, 75 % pour les émotions – la surprise, la peur, la colère, le dégoût, la tristesse, la joie…
19/12/2018
economie
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Bûche de Noël façon gâteau roulé : la recette de Marc Favier
Marre de la traditionnelle bûche au chocolat ? Ce gâteau roulé garni d’une crème pâtissière à la vanille peut faire office d’alternative plus légère et tout aussi gourmande.
Le gâteau roulé de Marc Favier. Le Monde.fr / Joséfa Lopez Temps de préparation : 1 h Temps de cuisson : 10 minutes Difficulté : facile Ingrédients pour 10 personnes Pour le biscuit : 180 g de jaune d’œuf 24 g de sucre 45 g de miel 240 g de blanc d’œuf 95 g de sucre 105 g de farine 24 g de beurre 52 g de lait Pour la crème pâtissière : 1/2 l de lait 4 jaunes d’œuf 75 g de sucre 45 g de farine 1/2 gousse de vanille 150 g de crème Pour le décor : sucre glace Etape 1 : le biscuit Chauffer au bain-marie les jaunes d’œuf, le sucre et le miel jusqu’à 45-60 °C. Monter au batteur pendant quelques minutes jusqu’à l’obtention d’un ruban. Débarrasser dans un saladier à part. Monter les blancs d’œuf en neige, serrer avec le sucre. Incorporer en plusieurs fois les blancs d’œuf montés à la première préparation. Incorporer la farine versée au préalable en pluie sur le mélange. Chauffer le lait et le beurre à 70 °C. Verser sur le mélange pour détendre la pâte à biscuit. Etaler la pâte à biscuit sur une plaque à pâtisserie d’une épaisseur de 1 centimètre. Cuire au four 170 °C environ 6-7 minutes. Après cuisson, retourner le biscuit sur lui-même et retirer le papier cuisson à chaud. Etape 2 : la crème pâtissière Blanchir le sucre et les jaunes et additionner la farine. Gratter la gousse de vanille, l’ajouter au lait, chauffer celui-ci. Verser sur la farine le sucre et les jaunes blanchis. Cuire plusieurs minutes à l’ébullition. Débarrasser et réserver au frais. Etape 3 : le roulage du gâteau Monter la crème et l’incorporer à la crème pâtissière. Etaler la crème légère sur le biscuit. Rouler celui-ci et saupoudrer de sucre glace. Au moment de servir, ajouter une quenelle de glace ou des fruits confits, des meringues et du crumble praliné.
19/12/2018
les-recettes-du-monde
https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2018/12/19/buche-de-noel-facon-gateau-roule-la-recette-de-marc-favier_5399812_5324493.html
Les manipulations d’images sur France 3 sont « des faits graves », pour Delphine Ernotte
La présidente de France Télévisions a promis des sanctions après « deux incidents » concernant une pancarte anti-Macron.
Extrait du journal national de France 3, samedi 15 décembre. La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a évoqué mercredi 19 décembre, lors d’un conseil d’administration de l’entreprise, des « faits graves » après la manipulation d’une photo habillant le plateau du « 19/20 », samedi, pour masquer un panneau « Macron dégage ! ». Lundi, Libération a révélé un autre cas de manipulation d’une image lorsque, le 23 novembre, un « gilet jaune » portant l’inscription « Macron dégage » avait cette fois, au contraire, été ajouté à une photo. « Les deux incidents récents identifiés sur nos antennes sont des faits très graves », a ainsi admis Delphine Ernotte, selon des propos rapportés par son entourage. Rappelant le climat de défiance envers les médias que traduit le mouvement des « gilets jaunes », elle a poursuivi : « Graves, parce qu’ils instillent le doute sur la qualité et la fiabilité de notre information. Graves, parce que tous nos journalistes sont engagés au quotidien pour cette qualité et cette fiabilité, et qu’ils s’exposent, y compris physiquement sur le terrain, tous les jours pour cela. » Mardi, une journaliste reportrice d’images de France 3 Paris Ile-de-France a été agressée alors qu’elle tournait une séquence sur un rond-point occupé par des « gilets jaunes » dans les Yvelines. Sanctions et « erreur humaine » Lors du conseil d’administration, la patronne de la télévision publique s’est engagée, en tant que directrice de la publication, à prendre des sanctions « après instruction précise des faits par la direction de la rédaction » et à « faire en sorte que ces erreurs ne se reproduisent pas ». Delphine Ernotte a demandé à la direction de l’information d’engager une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes, sociétés de journalistes et syndicats. Dimanche, France 3 avait évoqué une « erreur humaine ». Dans un communiqué, le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait dénoncé lundi une « faute éthique et déontologique », exigeant une réponse de la direction de l’information afin de « lever tout malentendu pour ne pas laisser croire que ce mauvais choix iconographique était une volonté politique ».
19/12/2018
actualite-medias
https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2018/12/19/manipulation-d-une-photo-a-france-3-delphine-ernotte-evoque-des-faits-graves_5399808_3236.html
En France, les maisons de ventes aux enchères ne connaissent pas la crise
Sotheby’s reprend sa place de numéro 1 du marché français, devant Christie’s.
Un vase de la dynastie Qing (Chine, 18e siècle) vendu aux enchères par Sotheby's à Paris, en mai. THOMAS SAMSON / AFP Ralentissement de la croissance, recul du CAC 40, chute drastique du chiffre d’affaires des petits commerces et perte d’exploitation des entreprises de transport routier du fait de la crise des « gilets jaunes »… Alors que l’économie française montre des signes d’essoufflement, le marché de l’art affiche, en revanche, une santé presque insolente. Les maisons de ventes aux enchères, qui ont pourtant fermé leurs portes plusieurs samedis d’affilée pour éviter les débordements des manifestants, ont clôturé leur activité avec des bilans en progression. Sotheby’s regagne la première place du podium, perdue en 2015, avec un chiffre d’affaires record de 251,4 millions d’euros, boosté par la vente de la collection de Pierre Bergé (27,4 millions d’euros) et d’un vase chinois de la dynastie Qing adjugé 16,2 millions d’euros, soit l’objet le plus cher vendu en France en 2018. Bien que rétrogradée à la deuxième place, Christie’s signe, avec 234,4 millions d’euros, sa troisième meilleure année depuis son ouverture avenue Matignon. Eternel troisième, Artcurial a légèrement progressé, de 2 %, avec un total de 195,3 millions d’euros, qui repose à 44 % sur les ventes d’automobiles de collection et de luxe. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les maisons françaises de ventes aux enchères s’internationalisent Bien que distancées de très loin par le trio de tête, les plus petites maisons françaises ont aussi le sourire. Aguttes a ainsi franchi la barre des 50 millions d’euros, tandis que Millon dépasse celle des 45 millions, poursuivant une croissance entamée voilà sept ans. Avec un total de 376 millions d’euros, Drouot, qui regroupe 62 opérateurs de ventes, n’a reculé que de deux millions par rapport à 2017. Succès des ventes thématiques Le marché français reste toutefois modeste : 30 enchères millionnaires chez Sotheby’s, 26 chez Christie’s, contre 284 rien qu’en quatre jours de vente à New York en novembre. La valeur moyenne des lots chez Christie’s en France se situe autour de 49 500 euros, une paille au regard des sommets atteints à Londres ou à New York. « Il faut éditorialiser les ventes, car les gens veulent qu’on leur raconte une histoire », confie François Tajan, président délégué d’Artcurial. Comme chaque année, l’art français d’après-guerre et la création contemporaine, qui représentent près de 30 % du chiffre d’affaires des trois premières maisons, tiennent le haut du pavé. Sur ce segment, Sotheby’s a réalisé 82 millions d’euros et décroché le prix le plus haut, avec 8,7 millions d’euros pour un tableau de Kazuo Shiraga. Christie’s talonne sa rivale avec 77,4 millions d’euros, tandis qu’Artcurial achève l’année avec 26,8 millions, à peine le tiers du bilan de Sotheby’s.
19/12/2018
economie
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Les socialistes veulent un référendum sur l’ISF
Les parlementaires PS proposent d’organiser un référendum d’initiative partagée (RIP) pour restaurer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
La deputee socialistes et apparentés Valerie Rabault le 5 décembre. JULIEN MUGUET POUR " LE MONDE" Puisque l’idée d’un référendum est dans l’air du temps, de La France insoumise au Rassemblement national, le Parti socialiste y va aussi de son initiative. Mais quand la plupart des formations réclament, embrassant une revendication des « gilets jaunes », la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), les parlementaires socialistes suggèrent eux de s’appuyer sur une disposition déjà existante : le référendum d’initiative partagée. Les élus veulent se servir de cet outil jamais encore utilisé pour restaurer I’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), supprimé par Emmanuel Macron dès son arrivée au pouvoir. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Gilets jaunes » : Macron lance son « grand débat » dans la douleur « Comment se fait-il qu’il y ait 70 % des Français qui souhaitent le rétablissement de l’ISF et qu’il y ait une fin de non-recevoir affirmée à chaque fois par la droite et par La République en marche (LRM) ? », s’est interrogée Valérie Rabault, la présidente du groupe PS à l’Assemblée nationale, lors d’une conférence de presse mardi 18 décembre. La députée a déploré que dans les efforts demandés par le gouvernement, « tout le monde (soit) mis à contribution, sauf les 1 % des Français qui ont les patrimoines les plus élevés ». Conditions drastiques Mme Rabault et son homologue du Sénat Patrick Kanner ont présenté une proposition de loi référendaire déjà rédigée, qui n’attend donc plus qu’à être validée. Mais la marche à franchir entre les deux étapes est extrêmement haute. Le référendum d’initiative partagée, introduit dans la Constitution en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, répond en effet à des conditions drastiques. Il doit être soutenu par au minimum un cinquième du Parlement, soit 185 députés et sénateurs, avant d’être avalisé par le Conseil constitutionnel puis de recueillir les signatures de 10 % du corps électoral (environ 4,5 millions de Français). Or réunir suffisamment de signatures de parlementaires paraît déjà fort compliqué. Les socialistes comptent 103 élus dans les deux assemblées, et espèrent avoir le soutien des communistes et des « insoumis », voire des anciens radicaux de gauche. Soit au total, « 150 ou 155 signatures potentielles », selon M. Kanner. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les députés LRM peu emballés par le référendum d’initiative citoyenne L’initiative est habile : en remettant dans le débat la restauration de l’ISF – à la fois une demande très populaire et une revendication des « gilets jaunes » – le PS peut forcer les autres forces politiques à se positionner… et à assumer de se dire contre la proposition. Car même la base de signataires décomptés par les socialistes est loin d’être garantie. Les « insoumis » ont leur propre agenda et ont l’intention de déposer une proposition de loi pour inscrire un RIC dans la Constitution. Le député LFI Bastien Lachaud a expliqué en conférence de presse mardi que son groupe allait « regarder précisément ce que (les socialistes) proposent » mais n’a guère semblé enthousiaste. « Le référendum d’initiative partagée a été conçu pour ne pas pouvoir être mis en œuvre, a-t-il soutenu. Le choix des socialistes est pour le moins curieux et au mieux naïf, au pire malhonnête, car nous n’y arriverons pas. »
19/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/19/les-socialistes-veulent-un-referendum-sur-l-isf_5399801_823448.html
Poulpe rôti façon bouillabaisse : la recette de Paul Langlère
Dans son restaurant, Le Sépia, à Marseille, au pied de la Bonne-mère, Paul Langlère propose une cuisine généreuse, réconfortante, et tournée vers la mer. Ici le poulpe au bon goût de bouillabaisse.
Le poulet rôti façon bouillabaisse. Pierre Hemme Temps de préparation : 1 h Temps de cuisson : 2 h Difficulté : moyen Ingrédients pour 4 personnes 1 kg de poulpe 3 oignons 1 botte de thym 1 brin de romarin 1 verre de vin blanc 3 fenouils 3 pommes de terre piment d’Espelette safran concentré de tomate 1 verre de pastis 10 g de graines de fenouil 1 tête d’ail 2 jaunes d’œuf 30 cl d’huile d’olive 500 g de poissons de roche 1 étoile de badiane fleur de sel de Camargue Etape 1 : le poulpe La veille, nettoyer et congeler le poulpe. Cette étape vise à attendrir ses chairs. Vous pouvez éventuellement l’acheter nettoyé et déjà congelé. Dans un grand volume d’eau frémissante avec un oignon, du thym, du romarin et un verre de vin blanc, plonger le poulpe décongelé 1 heure et demie. Lorsque les tentacules se détachent avec un couteau, réserver au frais. Une fois refroidi, en détacher les 8 membres (la tête pourra être utilisée émincée en salade). Conserver un demi-litre du bouillon pour faire de la rouille de poulpe. Le réduire sur feu moyen avec une demi-pomme de terre. Récupérer la pulpe de pomme de terre. Y ajouter 2 jaunes d’œuf et râper sur le tout 3 gousses d’ail. Monter l’ensemble au pilon ou au fouet à la manière d’une mayonnaise avec l’huile d’olive. Y incorporer du piment d’Espelette et le safran. Etape 2 : la vinaigrette de soupe de poisson Saisir dans un grand faitout les poissons de roche ; une fois bien rôtis, remuer et y incorporer les premières feuilles d’un fenouil et des deux oignons émincés. Après quelques minutes, déglacer avec le pastis. Ajouter quelques cuillères de concentré de tomate et le reste de la tête d’ail. Laisser torréfier 2 minutes et mouiller avec de l’eau de manière à recouvrir l’ensemble. Y ajouter les graines de fenouil et la badiane. Lorsque la soupe bout, abaisser le feu et laisser cuire une trentaine de minutes. Passer au presse-légumes et laisser réduire avec un peu de piment d’Espelette et de safran. Il s’agit d’obtenir une réduction ultra-concentrée et sirupeuse. Laisser refroidir. Une fois refroidie, la réduction de soupe de poisson sera figée par le collagène du poisson. Prendre cette base et l’utiliser à la manière de la moutarde dans une vinaigrette : l’émulsionner avec un peu d’ail haché, du vinaigre de vin vieux et de l’huile d’olive. Etape 3 : la garniture Rôtir des tranches de pomme de terre et des quartiers de fenouil dans de l’huile d’olive sur les 2 faces ; terminer la cuisson au four avec un peu de soupe de poisson afin de les enrober et les glacer. Etape 4 : le dressage Dans une grande poêle avec de l’huile d’olive rôtir les tentacules de poulpe sur les 2 faces de manière à avoir une peau croustillante ; assaisonner d’un jus de citron, de fleur de sel de Camargue et d’un peu de piment fumé. Dans une assiette, déposer quelques pommes de terre, le fenouil ; les tentacules rôties et rafraîchir le tout avec quelques copeaux de fenouil croquants. Arroser le tout de la vinaigrette soupe de poisson et y adjoindre quelques points de rouille iodée. Lire aussi Daube de poulpe à la niçoise : la recette de Nicolas Pagnol
19/12/2018
les-recettes-du-monde
https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2018/12/19/poulpe-roti-facon-bouillabaisse-la-recette-d-alexandre-mazzia_5399798_5324493.html
« Gilets jaunes » : 170 points de blocage évacués depuis le 15 décembre
Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, a dit que le nombre de manifestants sur les ronds-points avait diminué de moitié en une semaine.
Quatre-vingt-treize ronds-points occupés par des « gilets jaunes » ont été « dégagés » par les forces de l’ordre, mardi 18 décembre, portant à environ 170 le nombre de points évacués en France depuis samedi, a annoncé mercredi Laurent Nuñez. Interrogé par RMC, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur estime que désormais la mobilisation est « en décroissance ». « Hier [mardi], c’était 4 000 personnes qui étaient présentes sur les points de blocage, (…) il y a une semaine on avait encore 10 000 personnes, donc le mouvement va en décroissant », a-t-il déclaré. Samedi 15 décembre a été le cinquième samedi successif de mobilisation des « gilets jaunes » contre les taxes, pour plus de pouvoir d’achat et pour un référendum d’initiative citoyenne. Cet « acte V » a été marqué par un reflux du nombre de manifestants à Paris et en province. Ces opérations se déroulent « dans le dialogue, la discussion, le plus souvent sans aucun incident. Parfois, les forces de l’ordre interviennent quand on n’arrive pas à obtenir un dégagement par la discussion », a-t-il dit. A Margencel (Haute-Savoie), les forces de l’ordre ont procédé dans le calme, mercredi matin, à l’évacuation d’un rond-point occupé par quelques dizaines de manifestants, comme a pu le constater une journaliste de France Bleu Pays de Savoie : À #Margencel les #GiletsJaunes qui se font déloger ce matin dansent devant les forces de l’ordre sur un air d’Edith… https://t.co/nk4CupjFgq — bleusavoie (@France Bleu Pays de Savoie) Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Gilets jaunes » : Macron lance son « grand débat » dans la douleur Dix-sept interpellations à Bandol En Saône-et-Loire, les « gilets jaunes » sont toutefois revenus sur les sites démantelés dans la nuit de lundi à mardi, en particulier sur l’échangeur du Magny, à Montceau-les-Mines, où ils ont remonté « un camp de Gaulois bardé de 500 pneus et avec des arbres en travers », expliquait l’un d’eux, Pierre-Gaël Laveder, à l’Agence France-Presse (AFP). « Des actions sont prévues tous les jours : plus on va aller vers samedi, plus ça va se durcir », a-t-il ajouté. « On lâche rien, mais on se réinstalle, et on se concentre en partie sur la marche pour le référendum d’initiative citoyenne », a déclaré Chantal Moraud, coordinatrice des « gilets jaunes » dans les Bouches-du-Rhône. Une quarantaine de ces « marcheurs » qui veulent rejoindre Paris à pied étaient mercredi à Tarascon, selon la préfecture. Le réseau autoroutier a été touché par de nombreuses occupations et dégradations depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Ainsi, la barrière de péage de Bandol, sur l’autoroute A50, a été incendiée dans la nuit de lundi à mardi, selon Vinci Autoroutes, dont les installations ont été visées. « Nous avons interpellé dix-sept personnes il y a deux nuits à Bandol, des personnes qui avaient dégradé et brûlé le péage », a rappelé M. Nuñez sur RMC. Lundi, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait affirmé que les évacuations des ronds-points et axes routiers bloqués dans le cadre du mouvement allaient « se poursuivre », ajoutant que cette mobilisation devait désormais cesser. Depuis le début du mouvement, il y a eu « huit morts », avait-il argué : « Ça suffit, pour la sécurité des “gilets jaunes”, de nos concitoyens, pour la sécurité de nos forces de l’ordre (…). On ne peut pas continuer à paralyser l’économie française, paralyser le commerce dans nos villages, dans nos villes. »
19/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/19/gilets-jaunes-170-points-de-blocage-evacues-depuis-samedi_5399794_3224.html
Journalistes ciblés, démocratie en danger
Editorial. Sur les 80 journalistes tués depuis le début de l’année, 49 ont été « assassinés et sciemment visés », souligne le rapport de RSF paru mardi. Si les médias doivent pouvoir être critiqués, la haine n’a pas lieu d’être.
Editorial du « Monde ». Rarement un assassinat de journaliste aura eu autant de retentissement que celui de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, collaborateur du Washington Post, tué le 2 octobre au consulat d’Arabie saoudite, à Istanbul. Même si le commanditaire présumé, le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (« MBS »), n’a rien à craindre de la justice de son pays, et que les dégâts diplomatiques semblent jusqu’à présent limités, notamment grâce au soutien du président américain Donald Trump, l’affaire a marqué les opinions publiques à travers le monde et « MBS », qui s’efforçait de projeter une image de modernité, aura du mal à retrouver sa crédibilité sur ce plan. L’assassinat de Khashoggi illustre un phénomène que dénonce le Bilan 2018 de Reporters sans frontières (RSF), publié mardi 18 décembre. Sur les 80 journalistes tués depuis le début de l’année, 49 ont été « assassinés et sciemment visés », alors que 31 ont été « tués dans l’exercice de leurs fonctions », c’est-à-dire au hasard d’un combat ou d’un bombardement. Lire aussi En 2018, 80 journalistes ont été tués dans le monde A part Khashoggi, les cas les plus médiatisés furent ceux des journalistes palestiniens Yaser Murtaja et Ahmed Abu Hussein, délibérément pris pour cibles par l’armée israélienne à la lisière de la bande de Gaza, et celui du journaliste d’investigation slovaque Jan Kuciak, dont l’assassinat aurait été commandité, selon les enquêteurs, par une proche d’un homme d’affaires lié à des mafias. C’est la deuxième année consécutive que l’Europe, continent le plus sûr pour les journalistes, est le théâtre de l’assassinat d’un journaliste-enquêteur, après celui de Daphne Caruana Galizia à Malte, en 2017. La moitié ont été tués dans des pays en paix « La haine contre les journalistes proférée, voire revendiquée, par des dirigeants politiques, religieux ou des “businessmen” sans scrupule a des conséquences dramatiques sur le terrain et se traduit par une hausse inquiétante des violations à l’égard des journalistes », note RSF. Non seulement le nombre d’assassinats dépasse celui des victimes de « dommages collatéraux », pour reprendre une affreuse expression utilisée par les militaires, mais la moitié des journalistes tués en 2018 l’ont été dans des pays « en paix », tels l’Inde, le Mexique – certes en situation de paix très relative – ou les Etats-Unis. Dans le cas américain, même s’il est impossible d’établir un lien direct de cause à effet, c’est pendant le mandat d’un président qui présente les journalistes comme des « ennemis du peuple », reprenant une expression de Staline, qu’a eu lieu la pire tuerie de journalistes dans son histoire (cinq morts après l’attaque de la rédaction du Capital Gazette, à Annapolis, en juin). En France, la situation est évidemment sans comparaison. Mais les responsables de La France insoumise, du Rassemblement national ou certains « gilets jaunes », qui ont agressé verbalement et parfois physiquement des journalistes, seraient bien inspirés de lire le rapport de RSF. Comme le souligne le document, « ces sentiments haineux » à l’égard des médias « légitiment ces violences et affaiblissent, un peu plus chaque jour, le journalisme et la démocratie ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : si les journalistes ne sont pas – loin de là – exempts de défauts et doivent pouvoir être critiqués, lorsque la haine du journaliste l’emporte, c’est un pilier essentiel du débat démocratique qui vacille. Le Monde
19/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/19/journalistes-cibles-democratie-en-danger_5399788_3232.html
« Gilets jaunes » : Macron lance son « grand débat » dans la douleur
Le chef de l’Etat doit décaler d’un mois la consultation nationale, dont l’organisation est déjà critiquée, pour répondre aux revendications exprimées sur les ronds-points.
« Un jardin à l’anglaise », a demandé Edouard Philippe. « Un grand bazar à la française », craignent certains observateurs. Lors de son allocution télévisée, le 10 décembre, le chef de l’Etat a annoncé le lancement d’« un débat sans précédent » pour répondre aux revendications des « gilets jaunes ». Objectif : « Prendre le pouls vivant du pays », a résumé le président, alors que de nombreux manifestants sur les ronds-points disent ne pas se sentir écoutés par le pouvoir. Une semaine plus tard, difficile de dire à quoi ce « grand débat national » – c’est l’appellation officielle – ressemblera. Mardi 18 décembre, M. Macron a réuni à l’Elysée une douzaine de membres du gouvernement, dont le premier ministre, Edouard Philippe, afin de caler l’organisation de la consultation, dont le chef de l’Etat attend une issue politique à la crise ouverte il y a cinq semaines. Alors que M. Macron espérait lancer la concertation dès le 15 décembre, celle-ci ne devrait finalement pas débuter avant la mi-janvier, pour laisser le temps à la Commission nationale du débat public (CNDP), chargée d’« accompagner » et de « conseiller » le gouvernement dans sa démarche, de mener ses travaux liminaires. Pour éviter l’impression de vide, le gouvernement invite d’ici là les maires à échanger avec leurs administrés puis à faire remonter à Paris le résultat de leurs discussions. Cette première étape « doit permettre de nourrir la dynamique » enclenchée ces derniers jours, explique-t-on à l’Elysée. A partir de la mi-janvier, « une seconde phase sera conduite pendant deux mois pleins (…) autour de questions précises sur lesquelles les Français seront invités à débattre », assure l’entourage du chef de l’Etat. Le premier ministre a déjà précisé les quatre thèmes autour desquels ces questions devront s’articuler : « transition écologique », « fiscalité », « services publics » et « citoyenneté ». La question de l’« immigration », un temps annoncée comme cinquième thème, a été remisée car trop explosive. Le débat ne sera pas conclu avant la mi-mars et ce n’est qu’ensuite que l’exécutif annoncera ce qu’il retient de la consultation. Ce schéma a été adopté alors que de nombreuses tensions sont apparues ces derniers jours avec la CNDP et sa présidente, Chantal Jouanno, ex-secrétaire d’Etat chargée de l’écologie (2009-2010) dans le gouvernement de François Fillon, qui s’inquiète de l’improvisation avec laquelle l’exécutif se lance dans cette aventure. Dans une note adressée le 15 décembre à Matignon, révélée par Franceinfo et RTL et dont Le Monde s’est procuré une copie, l’autorité administrative, dont les statuts garantissent l’indépendance, met en garde sur la « répartition des responsabilités » avec le gouvernement quant à la conduite du débat.
19/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/19/emmanuel-macron-lance-son-grand-debat-dans-la-douleur_5399786_823448.html
Chapon poché et rôti : la recette de Noël de Georges Blanc
Ce plat est au repas de fêtes ce que All I Want for Christmas is You de Mariah Carey est à la chanson de Noël : un classique indéboulonnable. Le chef étoilé préconise un mode de cuisson qui permet à cette viande de conserver toute sa délicatesse et son moelleux.
Chapon rôti au four. Stéphanie Barçon / Photononstop Temps de préparation : 40 min Temps de cuisson : 2 h Difficulté : facile Ingrédients pour 6-8 personnes 1 chapon de Bresse de 3,5 à 4 kg 2 carottes 1 oignon moyen 1 vert de poireau une demi-branche de céleri 3 gousses d’ail thym laurier persil estragon 3 litres de fond de volaille (ou, à défaut, autant de bouillon de volaille léger) sel poivre Etape 1 : la cuisson du chapon Garnir l’intérieur du chapon, préalablement vidé par le volailler, de sel, de poivre, d’oignon, d’estragon et de persil. Le pocher ensuite dans le fond de volaille (ou dans le bouillon). Bien l’égoutter, puis le mettre à rôtir au four dans un plat, avec 60 grammes de beurre étalé sur la peau : 30 minutes à 280º C, puis 1 heure à 1 h 30 (selon la grosseur) à 220º C. Etape 2 : la garniture aromatique Après une heure de cuisson, ajouter dans le plat la garniture aromatique composée de 2 carottes, 1 oignon moyen, 1 vert de poireau, le tout taillé en petits dés, le céleri, 3 gousses d’ail, 1 bouquet garni. Arroser toutes les dix minutes. A la fin de la cuisson, sortir le chapon de son plat, le remettre au four, éteint, pour l’y laisser reposer porte entrouverte pendant dix minutes. Etape 3 : le déglaçage Dégraisser le plat de cuisson, puis le déglacer avec un bon vin blanc qu’on laissera réduire quasiment à sec, puis ajouter 2,5 dl du bouillon de pochage qui aura été conservé. Faire légèrement réduire, puis incorporer au fouet du beurre en parcelles jusqu’à obtenir la consistance recherchée. Etape 4 : le dressage et l’accompagnement Présenter le chapon entier, le découper devant les convives, et servir la sauce en saucière. Emincer les suprêmes finement, escaloper les blancs, les cuisses et les ailes, sans oublier les sots. Arroser du jus de cuisson et servir avec des crosnes, une purée de céleri ou des pâtes fraîches travaillées à la crème et garnies de fonds d’artichauts frais en lamelles. Les gourmands préfèrent-ils des pommes fondantes (tournées, blanchies, beurrées puis cuites au four dans le bouillon de pochage initial du chapon) ? Georges Blanc, quant à lui, recommande un gratin de potiron. Lire aussi Pintade au four : la recette de Fleur Godart
19/12/2018
les-recettes-du-monde
https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2018/12/19/chapon-poche-et-roti-la-recette-de-noel-de-georges-blanc_5399784_5324493.html
Plafonnement des indemnités de licenciement : « Les juges ne sont pas des ignorants qu’il faudrait remettre dans le droit chemin »
En critiquant la décision du conseil de prud’hommes de Troyes, le ministère du travail enfreint le principe de séparation des pouvoirs, estiment dans une tribune au « Monde » des représentantes syndicales de la magistrature et des avocats.
« Il appartient désormais aux juges du travail, sous le seul contrôle de la Cour de cassation, d’apprécier si ces textes sont conformes aux engagements internationaux de la France, et dans la négative, de les écarter. » PHILIPPE TURPIN / Photononstop Tribune. Le 13 décembre, le conseil de prud’hommes de Troyes a jugé que le plafond d’indemnisation des licenciements injustifiés, résultant de l’ordonnance du 22 septembre 2017, est contraire à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail et à la Charte sociale européenne. Le journal Le Monde rapporte dans son édition du 17 décembre qu’« au ministère du travail, on fait valoir que les arguments soulevés par le conseil de Jean-Paul G. avaient déjà été examinés, fin 2017, par le Conseil d’Etat, dans un autre dossier, en référé, et qu’ils avaient été rejetés par la haute juridiction. La décision prononcée à Troyes fait fi de ces éléments et “pose à nouveau la question de la formation juridique des conseillers prud’homaux”, affirme-t-on au ministère du travail ». Le Conseil d’Etat avait pourtant souligné lui-même dans un communiqué que sa décision, rendue en référé, n’était par nature pas définitive et ne préjugeait pas de son appréciation sur la légalité des ordonnances, qu’il n’a finalement jamais tranchée car, entre-temps, les ordonnances ont été ratifiées et ont pris force de loi, échappant à sa compétence. Une juridiction paritaire Il appartient désormais aux juges du travail, sous le seul contrôle de la Cour de cassation, d’apprécier si ces textes sont conformes aux engagements internationaux de la France, et dans la négative, de les écarter. Ne pas suivre cette décision du Conseil d’Etat n’est donc pas une erreur de droit. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Etat passe en mode start-up Que les juges judiciaires écartent une loi votée, parce qu’inconventionnelle, n’est pas de l’ignorance, mais l’exercice de leur pouvoir juridictionnel. Le conseil de prud’hommes du Mans avait jugé ce texte conforme. Celui de Troyes a jugé en sens opposé. Chacun a pris ses responsabilités de juge et il doit être rappelé que ces décisions sont le fruit d’une juridiction paritaire, composée à parts égales de salariés et d’employeurs. Qu’un « ministère » y voie une insuffisance de formation est stupéfiant. Que dire alors de la référence pour le moins approximative du ministère à la décision du Conseil d’Etat ? Cette déclaration constitue une atteinte grave à l’autorité des juges et au principe de la séparation des pouvoirs, l’un des fondements de notre démocratie. Le Syndicat des avocats de France (SAF) a déjà récemment dénoncé les déclarations de la ministre de la justice, Mme Belloubet, réclamant des sanctions exemplaires à l’encontre de manifestants. Rappel des principes fondamentaux
19/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/19/plafonnement-des-indemnites-les-juges-ne-sont-pas-des-ignorants-qu-il-faudrait-remettre-dans-le-droit-chemin_5399780_3232.html
Gilles Clément à bord de « L’Eau et les rêves », la péniche-librairie des jardins
Le « jardinier » et écrivain Gilles Clément est au centre d’un joli petit livre, « La Vallée des papillons », qui a été présenté à bord d’une péniche pas comme les autres.
La péniche-librairie « L’Eau et les rêves », amarrée face au 9, quai de l’Oise, sur le canal de l’Ourcq, non loin du parc de La Villette. L. JEDWAB / « LE MONDE » Amarrée le long du quai de l’Oise, à Paris, sur le canal menant à La Villette, la péniche « L’Eau et les rêves » semble tout droit sortie d’un film de Jean Vigo. Point de marinier tatoué à la Michel Simon à son bord, mais un jeune couple, Cyrille Bruneau et Cécile Allain, qui anime une librairie consacrée aux jardins et à la nature. Celle-ci partage avec « Jardins en art », l’écrin conçu par Jérôme Marcadé rue Racine, l’héritage de la librairie animée pendant une vingtaine d’années par Françoise Simon dans le jardin des Tuileries. La péniche-librairie veut être un point de rencontres, comme la regrettée Librairie des jardins l’a été pour de nombreux paysagistes, jardiniers, amateurs de jardins ou simples promeneurs curieux qui en ont un jour poussé la porte. Et si « L’Eau et les rêves » (belle enseigne empruntée au philosophe Gaston Bachelard) ne jouit pas d’un emplacement aussi prestigieux que celui de la place de la Concorde, elle a déjà pour elle quelques atouts non négligeables. A commencer par son originalité même, puisqu’elle est abritée dans les cales aménagées d’une vraie péniche – à qui il est arrivé tout récemment de naviguer... jusqu’à Pantin. Ou grâce à son amarrage sur les bords d’un canal où l’on pique-nique en parlant avec bienveillance de la permaculture et où l’on joue aux boules en évoquant la décroissance parmi les solutions aux maux de la planète. Il y a là une clientèle potentielle que l’univers du jardin, dans toutes ses déclinaisons, ne peut qu’attirer. Des livres et des dessins, à bord de la péniche-librairie. L’EAU ET LES RÊVES Une attraction renforcée par les collations, goûters, apéros et autres brunchs servis à bord, au milieu des livres, dans un cadre aussi plaisant que confortable. Par un samedi pluvieux de décembre, Gilles Clément y est venu amicalement dialoguer avec les auteurs (éditeur, journaliste et dessinateur) d’un joli petit livre conçu avec lui, en partie chez lui, dans la Creuse. Intitulé La Vallée des papillons, cet ouvrage est né de la rencontre entre le célèbre mais toujours accessible concepteur du jardin du Rayol, dans le Var, et les animateurs de différents projets – paysagers, littéraires et associatifs – menés autour de Bourges. Le premier de ces projets est l’aménagement en 2019, par Gilles Clément lui-même, d’un jardin dans l’ancienne abbaye cistercienne de Noirlac, aujourd’hui centre culturel de rencontre. Ce jardin serait ainsi le second à porter son empreinte dans le département, après celui de Lazenay, à Bourges même, créé en 1994, véritable repaire de biodiversité en ville, avec ses nombreuses espèces végétales spontanées. Parmi les autres projets entrepris figure la tenue d’ateliers d’écriture, autour des rencontres entre Gilles Clément et des enfants des écoles ainsi qu’avec des adultes, ayant débouché sur la réalisation d’un journal, D’un jardin à l’autre. Le paysagiste, « jardinier » et écrivain Gilles Clément, lors de la présentation du livre « La Vallée des papillons ». L. JEDWAB / « LE MONDE » Trait d’union entre ces différentes initiatives : une maison d’édition associative, Les Mille Univers, animée par Frédéric Terrier, qui pratique encore en partie la composition typographique à l’ancienne, c’est-à-dire avec des caractères... en plomb. C’est à l’occasion d’une résidence d’écrivain à Bourges que Gilles Clément a entamé un dialogue avec le journaliste Dominique Delajot, lui-même impliqué dans les activités de l’association. De ce dialogue prolongé dans la Creuse naîtra ce livre, enrichi des dessins de Louis Jourdan réalisés dans le jardin du paysagiste, qui s’intitule lui-même « jardinier ». Grâce aux subtilités d’une typographie aérée, les propos de l’auteur font participer le lecteur à ses rencontres avec Gilles Clément et donnent à voir, jusque dans leurs applications, les concepts de jardin en mouvement ou de jardin planétaire. En retour, celui-ci réagit avec ses propres phrases aux mots comme « enclos » ou « brassage » proposés par son interlocuteur. La simplicité évidente du discours, comme toujours chez l’auteur du Salon des berces, est le fruit d’une exacte connaissance scientifique et d’une riche expérience acquise sur le terrain, du Gabon à l’Indonésie, du Costa-Rica à la Creuse. LES MILLE UNIVERS Sur la péniche, devant un petit auditoire conquis, Gilles Clément « s’emporte » à sa manière, c’est-à-dire réagit d’une voix toujours douce, et non sans humour : « Il faut arrêter d’employer les mots “développement durable”. Parce que ces mots veulent bien dire quelque chose. Le développement, c’est lié à la croissance. Et la croissance, ça n’est pas compatible, dans un espace fini, avec le métier qu’on fait [paysagiste], ni même avec la pensée du futur. La durabilité n’existe pas ! Tout change. Tout évolue. Tout le temps. Le jardinier, il le sait, parce que tous les matins il trouve un truc nouveau. » Et de renchérir, en guise de conclusion : « Les mots ont énormément d’importance. Je suis choqué qu’on emploie “environnement”. Il faut virer ce mot ! Je propose : milieu ambiant. Le vivant, l’habitat, l’écosystème, ça fonctionne. “Environnement”, ça veut dire qu’on est en dehors, qu’on s’extrait. Comme si on ne faisait pas partie de la vie, de la nature... » Péniche-librairie « L’Eau et les rêves », 9, quai de l’Oise, Paris 19e. Prochain événement : vendredi 21 décembre, à partir de 17 h 30, présentation du prix Saint-Fiacre 2018, Mon jardin en hiver, de Snezana Gerbault (Delachaux et Niestlé éd.). La Vallée des papillons. Gilles Clément, les chemins et les mots, de Dominique Delajot, dessins de Louis Jourdan, Les Mille Univers, 84 p., 13,50 €.
19/12/2018
cotecourscotesjardins
https://www.lemonde.fr/cotecourscotesjardins/article/2018/12/19/gilles-clement-a-bord-de-l-eau-et-les-reves-la-peniche-librairie-des-jardins-et-de-la-nature_5399774_5004225.html
« Gilets jaunes » : « L’affaiblissement général des institutions débouche sur une incapacité à débattre dans notre démocratie »
Pour François Cornut-Gentille, député LR de la Haute-Marne, la démocratie traverse une profonde crise de sens.
Pour le député LR de la Haute-Marne, auteur de Gouvernez ! (Alma Editeur, 2015) et contributeur régulier à la revue Le Débat, l’émergence des « gilets jaunes » révèle une crise de la représentation et des institutions de la Ve République. Il pointe aussi une incapacité à débattre et à partager des diagnostics, mal endémique de notre démocratie. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les députés LRM peu emballés par le référendum d’initiative citoyenne La crise des « gilets jaunes » reflète-t-elle une crise des institutions de la Ve République, voire de la démocratie représentative ? Oui. Je note un affaiblissement général des institutions dont plus personne ne comprend le rôle et le sens. Emmanuel Macron a voulu mettre en scène une présidence forte, qu’il souhaitait renforcer encore avec la réforme des institutions. Or, avec l’affaire Benalla et la crise des « gilets jaunes », la mise en scène a été rattrapée par la réalité : on a découvert, Macron et les « marcheurs » en tête, que cette présidence était en réalité faible, tout comme le sont le Parlement, les corps intermédiaires mais aussi les médias. Cet affaiblissement général des institutions et contre-pouvoirs traditionnels débouche sur une incapacité à débattre dans notre démocratie. C’est-à-dire ? Les « gilets jaunes » sont à la fois le symptôme et la conséquence de la crise du débat dans notre pays. Depuis vingt ans, ce qu’on appelle « débat politique » se résume à des rapports de force dans les médias ou dans la rue. Or la politique, ce n’est pas simplement s’affronter. C’est débattre pour donner du sens à la collectivité et accepter de se départager par les votes pour finalement aboutir à un projet commun. En réalité, nous traversons une crise profonde de sens et une crise du débat, les deux se nourrissant l’une de l’autre. N’est-ce pas le constat fait par M. Macron lors de l’élection présidentielle ? Tout comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir avec l’obsession de la prise de décision, de la rapidité de la mise en œuvre, tout en réduisant la délibération parlementaire à une perte de temps. C’est une erreur fondamentale et répétée qui ne donne pas de sens à l’action publique. Le temps de la délibération, ce moment où l’on examine un problème et ses enjeux, où l’on se rend compte de l’intérêt à trouver des solutions communes, a été oublié. Or, c’est par le temps de la délibération que la nécessité et le sens des décisions apparaissent et qu’ils peuvent être partagés avec tous. C’est la clé pour sortir de l’impuissance publique, de l’affaiblissement généralisé des institutions.
19/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/19/francois-cornut-gentille-le-temps-de-la-deliberation-a-ete-oublie_5399768_823448.html
Le chinois Huawei riposte aux attaques et clame sa bonne foi
Pris dans un bras de fer politico-commercial, le géant des télécoms réfute les accusations d’espionnage et annonce des investissements dans la cybersécurité.
Devant une boutique Huawei, à Pékin, le 19 décembre. Thomas Peter / REUTERS Opération déminage chez Huawei. Sous le feu des critiques, le géant chinois des télécoms a tenté une nouvelle fois de désamorcer la situation en organisant une conférence de presse, mardi 18 décembre, dans ses bureaux de Dongguang, à quelques kilomètres de ses quartiers généraux situés à Shenzhen. « Il n’y a aucune preuve que Huawei menace la sécurité nationale de quelque pays que ce soit », a insisté son président, Ken Hu, s’exprimant pour la première fois depuis l’arrestation au Canada, début décembre, de sa directrice financière, Meng Wenzhou. Cette dernière, qui est également la fille du fondateur de la firme, est soupçonnée par la justice américaine d’avoir essayé de contourner l’embargo américain contre l’Iran. Huawei, premier fournisseur mondial d’équipements de réseaux de télécommunications et deuxième fabricant de smartphones, espère atténuer la vague de défiance dont il est l’objet depuis plusieurs mois. En cause : les origines chinoises du groupe et le passé de son fondateur, Ren Zhengfei, un ancien ingénieur de l’armée chinoise, qui font craindre à certains Etats que ses équipements ne recèlent des portes dérobées destinées à les espionner. Ken Hu a réaffirmé l’indépendance de son groupe et assuré que son entreprise n’avait jamais reçu la moindre demande d’accès à ses données de la part du gouvernement de Pékin. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La vague de suspicion à l’égard de Huawei gagne la France En l’espace d’un mois, la firme a dû faire face à une série de revers inédite, sous la pression exercée notamment par les Etats-Unis auprès de ses alliés. Après l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont décidé de fermer la porte à ses équipements pour le développement de leurs réseaux 5G, le Japon envisagerait lui aussi d’exclure le chinois. Une liste qui ne cesse de s’allonger. Pas encore de répercussions sur les résultats En Europe, le patron d’Orange, Stéphane Richard, a indiqué récemment qu’il ne prévoyait pas de « faire appel à Huawei dans la 5G », tandis que l’opérateur allemand Deutsche Telekom a de son côté précisé réévaluer sa stratégie d’achats en matière de fournisseurs. Dernier en date, la République tchèque, dont l’agence de cybersécurité a mis en garde lundi contre l’utilisation de matériel provenant de sociétés chinoises de télécommunications. « Exclure les concurrents du terrain de jeu ne peut pas vous rendre meilleur. Nous pensons que toute inquiétude ou accusation concernant la sécurité chez Huawei devrait être fondée sur des éléments de preuves », a répliqué Ken Hu ce mardi, selon l’agence Reuters. Dans un effort pour prouver sa bonne foi et rassurer ses clients, l’équipementier a annoncé dans la foulée un investissement de deux milliards de dollars dans la cybersécurité au cours des cinq prochaines années pour renforcer ses équipes et moderniser ses laboratoires de recherche et développement.
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/huawei-riposte-aux-attaques-et-clame-sa-bonne-foi_5399767_3234.html
Alexis Kohler, le bras droit de Macron critiqué dans la majorité
Le secrétaire général de l’Elysée est de ceux qui ont milité pour ne pas céder aux « gilets jaunes ».
FRANCOIS GUILLOT / AFP Il y a encore quelques mois, tout le monde louait son « intelligence », sa « force de travail », sa « maîtrise » des dossiers les plus techniques. Secrétaire général de l’Elysée et très proche d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler est désormais dans le viseur d’une partie de la majorité, qui l’accuse d’isoler le chef de l’Etat et de trop incarner cette technocratie honnie par les « gilets jaunes ». Alors que de nombreux parlementaires alertaient ces dernières semaines sur l’état d’exaspération du pays, le haut fonctionnaire est de ceux qui ont milité pour ne pas céder à la rue. « Il était inflexible, disait qu’on devait rester cohérents, ne pas reculer », assure un parlementaire de La République en marche (LRM). « Si le président a mis des semaines à réagir, il n’y est pas pour rien », abonde un conseiller de l’exécutif. D’autres s’agacent de la supposée réticence de l’ancien directeur adjoint du cabinet de Pierre Moscovici à Bercy à s’affranchir de la contrainte des 3 % de déficit public, qui aurait empêché l’exécutif de répondre plus vite aux revendications des « gilets jaunes ». « Kohler est comme Edouard Philippe ou Ribadeau-Dumas [le directeur de cabinet du premier ministre], c’est un orthodoxe budgétaire », assure un ministre venu de la gauche. « Il a les yeux rivés sur les chiffres et ne peut donc pas évaluer les effets d’une mesure dans la vie réelle et ses conséquences politiques. C’est un problème », observe un député LRM. Lire notre récit : Les « technos » dans le viseur de la Macronie « Il est d’une loyauté totale au président » S’il est diplômé de l’ENA, le numéro deux de l’Elysée ne fait pourtant pas partie des « grands corps ». A sa sortie de l’école strasbourgeoise, l’Alsacien a intégré le corps des administrateurs civils du ministère des finances, alors qu’Emmanuel Macron a rejoint l’inspection des finances et Edouard Philippe le Conseil d’Etat. Mais il a fait toute sa carrière à Bercy, au Trésor ou à l’Agence des participations de l’Etat. Il fut aussi le directeur de cabinet de M. Macron au ministère de l’économie. Alexis Kohler, 46 ans, ferraille d’ailleurs régulièrement avec le chef de l’Etat. « Il passe la moitié de son temps à faire décider le président, ou à l’empêcher de revenir sur une décision prise », assure un familier du château, pour qui le haut fonctionnaire « se crève à cet exercice » alors qu’Emmanuel Macron serait gagné par la procrastination. « Kohler et Macron ne sont pas jumeaux, le président peut lui imposer des choses », estime un poids lourd du gouvernement. D’autres réfutent l’idée même d’un président sous influence. « Macron n’aime pas l’idée de premier cercle, de se mettre dans la main de quelqu’un. Il aime diversifier ses interlocuteurs, prendre la température un peu partout », assure un ministre familier des deux hommes. De fait, si le secrétaire général est informé de tous les rendez-vous pris à l’Elysée par le président, il n’a pas la maîtrise de sa messagerie Telegram, que M. Macron utilise pour se forger une opinion, au même titre que les notes techniques de ses conseillers. Dans les cabinets, certains voient d’ailleurs en Alexis Kohler un fusible facile pour qui n’ose pas attaquer le chef de l’Etat lui-même : « Il est d’une loyauté totale au président. Ceux qui le critiquent sont ceux qui n’osent pas critiquer Macron », tranche, sévère, un conseiller. Après avoir quitté le gouvernement en 2016, Emmanuel Macron avait lui-même théorisé son rôle de secrétaire général adjoint de l’Elysée auprès de François Hollande : « J’assume tout en n’étant politiquement responsable de rien, puisque je n’étais que conseiller. »
19/12/2018
politique
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Les « technos » dans le viseur de la Macronie
De nombreux élus LRM jugent la haute administration responsable de tous les maux de l’exécutif.
Haro sur les « technos ». Alors que la mobilisation autour du mouvement des « gilets jaunes » s’érode, vient le temps du bilan en Macronie. Après plus d’un mois de crise, des conseillers de l’Elysée et des élus de la majorité ciblent les hauts fonctionnaires, gardiens de l’orthodoxie budgétaire, accusés de bloquer toute mesure de redistribution depuis le début du quinquennat. A entendre les soutiens d’Emmanuel Macron, ce seraient eux les responsables de tous les maux de l’exécutif. Eux qui auraient bridé l’audace du chef de l’Etat pour répondre à la crise. Eux encore qui freineraient des quatre fers pour mettre en musique les mesures en faveur du pouvoir d’achat, présentées par le président de la République, le 10 décembre. « L’emprise de la technostructure nous a empêchés d’avancer suffisamment vite. Eh bien, ça c’est fini », a assuré le nouveau patron de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini, le 14 décembre sur LCI, plaidant pour « un retour du politique ». « Ce que dit le président de la République, il faut que ça soit appliqué et que l’on ne se perde pas dans les mesures techniques, technocratiques. » « Crânes d’œuf » « Nous avons un énorme problème à régler avec la haute fonction publique, qui respecte une logique interne et ne met pas forcément en application les décisions politiques, même quand elles viennent de l’Elysée », peste un proche de M. Macron, remonté contre ces « technos », qui ont envoyé des notes à l’Elysée ces derniers jours pour expliquer qu’il n’est « pas possible » de mettre en application le plan annoncé par le chef de l’Etat. Que ce soit l’augmentation de 100 euros pour les travailleurs au smic ou l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités touchant moins de 2 000 euros par mois. « Les politiques sont obnubilés par l’exécution des mesures, le pouvoir administratif, lui, ne pense qu’à une chose : comment on finance et comment on décale les mesures », déclare, agacé, un conseiller de l’Elysée. Or, « la priorité » du président de la République, selon ses proches, c’est l’application de ses promesses à destination des « gilets jaunes ». Quitte à laisser filer les déficits, de manière provisoire. Pas question de laisser ces « crânes d’œuf », « déconnectés de la vie réelle », torpiller l’opération. « Il faut être intraitable face à la technocratie, en s’assurant de la bonne mise en œuvre des mesures », juge un pilier de la majorité. Pour les macronistes – qui se sont pourtant construits en rupture avec le jeu politique, accusé d’être un frein à la réforme –, la primauté du pouvoir politique doit prévaloir face au pouvoir administratif. « On a besoin des “technos” mais il ne faut pas qu’ils aient le dernier mot. La politique doit être menée avant tout par les élus », souligne le député LRM Jean-Jacques Bridey, jugeant « problématique » d’avoir « une fonction publique toute-puissante ».
19/12/2018
politique
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L’Eglise espagnole reste réticente à enquêter sur la pédophilie
Si huit écoles jésuites ont décidé d’être transparentes sur les scandales en leur sein, l’Eglise espagnole préfère toujours le silence, en dépit de multiples révélations.
Pour la première fois en Espagne, une institution catholique a décidé de faire la lumière sur les affaires de pédophilie qui ont pu se produire en son sein. En Catalogne, les jésuites ont annoncé le 13 décembre « une enquête systématique sur les possibles cas d’abus sur mineurs dans les centres éducatifs depuis les années 1960 » et demandé « pardon ». Cette promesse de transparence, qui se limite aux huit établissements scolaires des jésuites en Catalogne, intervient alors que le quotidien El Pais publie depuis deux mois une série de reportages et d’enquêtes sur des abus sur mineurs commis par des religieux, principalement durant les années 1980 et 1990. Et que plusieurs autres scandales mettent en lumière la manière dont l’Eglise espagnole a caché les affaires dont elle a eu connaissance, cherché à convaincre les familles de ne pas porter plainte et s’est souvent contentée d’éloigner les responsables d’abus vers d’autres paroisses, voire d’autres pays. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pédophilie dans l’Eglise : pourquoi la France ne réagit pas Une simple commission de travail La décision des jésuites ouvre-t-elle la voie à une transparence accrue de l’Eglise espagnole ? La Conférence épiscopale (CEE) l’exclut formellement. Certes, en octobre, l’institution, qui regroupe tous les évêques du royaume, a mis en marche une commission de travail. Mais il ne s’agit en aucun cas d’enquêter et de dresser un bilan sur les affaires de pédophilie. Le président de la Conférence épiscopale espagnole – qui réunit tous les évêques du royaume –, l’archevêque de Valladolid Ricardo Blazquez Perez, le 12 mars 2014 lors d’une conférence de presse. PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP Formée de représentants de la justice ecclésiastique, la commission ne recevra pas non plus les victimes. Son objectif se limite à l’élaboration d’un protocole d’action pour mieux prévenir et réagir face aux possibles abus, afin de le présenter à la réunion convoquée par le pape François en février au Vatican. Pourtant, en octobre, l’ancien porte-parole de la CEE José Maria Gil a reconnu que l’Eglise avait maintenu « un silence complice », tout en assurant que le contexte était alors celui de « l’inaction de toute la société espagnole ». « L’Eglise, ici comme ailleurs, a couvert les pédophiles. » Pepe Rodriguez L’Eglise espagnole a longtemps été épargnée par les grands scandales qui ont frappé d’autres pays. Sans qu’il ne soit établi si ce pays catholique a effectivement été le théâtre de moins d’abus qu’ailleurs, ou plutôt si le poids du silence et l’hermétisme des institutions religieuses ont maintenu les affaires de pédophilie dans l’ombre. Selon le décompte réalisé par El Pais, ces trente dernières années, les tribunaux espagnols ont condamné 33 prêtres pour des abus commis sur 80 mineurs à des peines allant de la simple amende à 21 ans de prison. Un nombre relativement limité.
19/12/2018
international
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Pour éviter les embouteillages, Elon Musk creuse des tunnels sous les villes
Avec sa nouvelle entreprise, la Boring Company, le patron de Tesla et SpaceX, veut créer un nouveau mode de transport urbain.
Une Model X Tesla modifiée emprunte un tunnel creusé par la Boring Company, à Hawthorne (California), le 18 décembre. POOL New / REUTERS Pour Elon Musk, la solution aux embouteillages passe par un vaste réseau de tunnels creusés sous les villes. Avec sa nouvelle entreprise, la Boring Company, l’entrepreneur d’origine sud-africaine ambitionne en effet de créer un nouveau mode de transport urbain permettant de désengorger les métropoles. Mardi 18 décembre, à Hawthorne, dans la banlieue de Los Angeles (Californie), il a inauguré un premier tunnel de démonstration. « Enfin, une solution pour améliorer le trafic routier ! », a-t-il lancé au cours d’une courte présentation. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Elon Musk invente l’industrie automobile vue comme une start-up » « Le problème du réseau routier actuel, c’est qu’il est en 2D », poursuit celui qui est aussi patron de Tesla et de SpaceX. Pour limiter les embouteillages, « le transport doit passer en 3D ». M. Musk ne croit pas aux taxis volants, qu’ils jugent trop bruyants. La solution est sous terre, estime-t-il. Il souhaite ainsi bâtir une multitude de tunnels interconnectés, reliant différents quartiers des villes entre eux. « Il n’y a pas de limites : vous pouvez construire autant de tunnels que nécessaire », assure-t-il. Long d’environ deux kilomètres, le premier tunnel doit démontrer la faisabilité du projet. M. Musk imagine des navettes électriques et autonomes pouvant transporter jusqu’à 16 personnes à une vitesse de 240 kilomètres par heure. Les automobilistes pourront également emprunter ces souterrains, à condition que leurs voitures autonomes soient équipées de deux petites roues de guidage rétractables sous le châssis. L’ensemble des trajets seront automatisés. Un projet parti d’une « blague » Tous les véhicules entreront et sortiront grâce à des ascenseurs ou des rampes d’accès installés sur la chaussée ou dans des parkings. M. Musk promet « 10 à 20 fois plus de stations que le métro » pour amener les passagers au plus près de leurs destinations. Le trajet sera réservé grâce à une application mobile. Il pourrait être facturé un dollar (88 centimes d’euros). Le projet est parti d’une « blague », reconnaissait cet automne M. Musk. Fin 2016, l’entrepreneur, excédé par les embouteillages de Los Angeles, annonce sur son compte Twitter qu’il « va concevoir un tunnelier » (« tunnel boring machine », en anglais, d’où le nom de l’entreprise) et qu’il va « commencer à creuser ». Les travaux débutent quelques mois plus tard sur le parking de SpaceX. Selon M. Musk, la Boring Company reste un « hobby », qui occupe 2 à 3 % de son emploi du temps déjà bien chargé.
19/12/2018
economie
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Européens et Africains plaident pour l’investissement en Afrique face aux migrations
L’Europe compte pour 40 % des flux d’investissements directs étrangers vers l’Afrique et reste le premier partenaire commercial du continent.
De gauche à droite : le président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat, le chancelier autrichien Sebastian Kurz, le président rwandais Paul Kagame et le président de la Commisson européenne Jean-Claude Juncker, réunis à Vienne le 18 décembre 2018 lors d’une conférence Europe Afrique. HANS PUNZ / AFP Des dirigeants européens et africains ont appelé mardi 18 décembre les entreprises du secteur privé à investir davantage en Afrique, un continent qui n’a pas besoin de « charité » mais de croissance pour notamment endiguer les flux migratoires. « Je voudrais dire à ceux qui représentent nos entreprises (…) : soyez audacieux, investissez davantage en Afrique ! », a lancé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, à Vienne, lors d’un forum sur la coopération économique entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique. L’Europe compte pour 40 % des flux d’investissements directs étrangers vers l’Afrique et reste le premier partenaire commercial du continent, avec, selon la Commission, 243,5 milliards d’euros d’échanges commerciaux en 2017. Mais « nous pouvons et nous devons faire plus » en mobilisant « davantage de sources de financement et en encourageant nos entreprises européennes à être plus présentes sur le continent africain », a ajouté M. Juncker. « Seuls des investissements importants pourront générer une croissante suffisante et les emplois à même d’absorber l’explosion démographique africaine », a souligné de son côté le président du Parlement européen Antonio Tajani. Les vingt-huit pays de l’UE étaient représentés à cette conférence, qui a réuni treize chefs d’Etat ou de gouvernement européens et les responsables politiques de vingt-cinq pays d’Afrique. Quelque 800 entrepreneurs des deux continents étaient également conviés à Vienne pour cet événement organisé dans le cadre de la présidence autrichienne de l’UE qui s’achève fin décembre. « Pas de tabou » L’Afrique a la plus forte croissance démographique au monde et d’ici à 2050 un habitant de la planète sur quatre sera africain, tandis que 50 % des Africains auront moins de 25 ans, ont rappelé les participants. Les Européens mettent l’accent sur le développement économique de l’Afrique alors que le flux de migrants en provenance de ce continent vers l’Europe est une question sensible dans les pays d’accueil. « Il n’y a pas de tabou, il faut en discuter franchement. (…) La jeunesse africaine n’a pas pour vocation de quitter le continent africain », a lancé le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine. « Il faut s’appesantir sur les causes, (…) c’est d’abord la responsabilité de l’Afrique », a-t-il ajouté, en appelant également aux investisseurs car « ce n’est ni l’aide, ni la charité qui peut résoudre le problème de l’Afrique ». En septembre, la Commission européenne avait proposé de bâtir « une nouvelle alliance » entre l’UE et le continent africain visant à y créer jusqu’à 10 millions d’emplois dans les cinq prochaines années. A cette fin, l’UE prévoit notamment de mobiliser 44 milliards d’euros d’investissements en Afrique d’ici à 2020, dont 37 milliards sont déjà planifiés, a indiqué mardi M. Juncker.
19/12/2018
afrique
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Parcoursup, réforme du bac… la méthode du gouvernement en question
Les ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont mis en chantier des réformes d’ampleur, sans oser ouvrir véritablement le débat avec les lycéens.
Des lycéens et étudiants manifestent lors du « Mardi noir » dans le sillage du mouvement des « gilets jaunes » à Paris le 11 décembre 2018. Lucas Barioulet pour Le Monde Le mouvement lycéen est-il derrière nous ? C’est en tout cas ce qu’a déclaré le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, dimanche 16 décembre sur Europe 1. Apparue dans le sillage des « gilets jaunes » de manière diffuse et parfois violente, la mobilisation, qui a touché, au plus fort des blocages, jusqu’à 470 des 2 500 lycées publics le 7 décembre, avant de s’essouffler ces derniers jours, n’a pas empêché plusieurs mots d’ordre de résonner. « Non à la sélection à l’université », « Non à un bac maison »… De Paris à Marseille, en passant par Denain (Nord), Orthez (Pyrénées-Atlantiques) ou Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ce sont deux grandes réformes éducatives du quinquennat – celle de l’accès à l’enseignement supérieur et celle du lycée – qui sont visées. Toutes deux renvoient à une même angoisse des jeunes envers l’avenir et l’orientation. Mais pourquoi maintenant, alors que la plate-forme d’admission dans l’enseignement supérieur, Parcoursup, est en place depuis un an ? Alors que dix mois sont passés depuis la présentation de la réforme du baccalauréat, qui, ne cesse de souligner M. Blanquer, avait « recueilli [à l’époque] un assentiment large » ? Il y a, aux dires des observateurs du monde scolaire, un « effet d’opportunité évident » sur lequel ont misé les lycéens en s’adossant au mouvement social en cours. Il n’empêche : la méthode du gouvernement pour mettre en chantier deux des promesses de campagne du candidat Macron peut aussi être interrogée. La sélection, notion taboue Sur le terrain universitaire, la communication de la ministre de l’enseignement supérieur a en permanence exclu le mot « sélection ». Pas question pour Frédérique Vidal d’assumer cette notion taboue pour définir le système mis en place en urgence, l’an dernier, dans le but de remplacer le tirage au sort à l’entrée des licences par un examen sur dossier, lorsque les places viennent à manquer. Le message de la ministre n’a pas varié face aux critiques : « Chaque élève aura un vœu accepté dans la licence de son choix ». C’est aussi sur la liberté de choix qu’a insisté Jean-Michel Blanquer, en dessinant son projet de nouveau lycée, censé permettre au lycéen de définir un parcours « à la carte », évalué de manière plus légitime et moins chronophagef grâce à un bac « remusclé » autour de quatre épreuves terminales – cinq, si l’on compte le nouvel oral.
19/12/2018
education
https://www.lemonde.fr/education/article/2018/12/19/parcoursup-reforme-du-bac-la-methode-blanquer-en-question_5399748_1473685.html
Ole Gunnar Solskjær, ancienne gloire et nouvel entraîneur de Manchester United
L’ancien attaquant de 45 ans a joué 366 matchs et marqué 126 buts sous le maillot mancunien entre 1996 et 2007
Ole Gunnar Solskjær, sous le maillot de Manchester United, le 2 août 2008. ANDREW YATES / AFP Les Red Devils ont un nouvel entraîneur. Ce n’est ni Laurent Blanc ni Zinédine Zidane. Après avoir débarqué José Mourinho, Manchester United a annoncé mercredi 19 décembre avoir nommé le Norvégien Ole Gunnar Solskjær au poste d’entraîneur jusqu’à la fin de la saison 2018-2019. Ole Gunnar Solskjær, ancien attaquant aujourd’hui âgé de 45 ans, a joué 366 matchs et marqué 126 buts sous le maillot mancunien entre 1996 et 2007 où il était surnommé « Baby Face Killer » (assassin au visage d’enfant) ou « Super Sub ». Il avait pris la direction de l’équipe réserve de Manchester United en 2008, avant d’entraîner le FK Molde (Norvège), à partir de 2010. Solskjær sera secondé par l’ancien adjoint de sir Alex Ferguson, Mike Phelan, et l’ancien joueur et assistant de Mourinho, Michael Carrick. « Manchester United est dans mon cœur et c’est fantastique de revenir à ce poste. J’ai hâte de venir travailler avec ce talentueux effectif », a déclaré le Norvégien. Pour Ed Woodward, le vice-président de Manchester United, le Norvégien est le candidat idéal de l’après-Mourinho : « Ole est une légende du club avec une grande expérience, tant sur le terrain qu’en tant qu’entraîneur. Son histoire à Manchester United signifie qu’il vit et respire la culture du club et que tout le monde est ravi de le retrouver, lui et Mike Phelan. » Solskjær dirigera son premier match samedi à Cardiff, un club qu’il a entraîné de janvier 2014 à septembre 2014. Sa seule expérience sur un banc anglais n’avait pas connu un grand succès puisqu’il n’était pas parvenu à maintenir les Bluebirds en Premier League. Il n’avait remporté que neuf de ses 30 matchs à la tête de l’équipe. Les Red Devils en difficulté Pour les Red Devils l’heure est grave : ils n’ont plus remporté le championnat d’Angleterre depuis la saison 2012-2013 – la dernière de l’entraîneur emblématique sir Alex Ferguson – et Manchester United pointe actuellement à la 6e place de la Premier League, 19 points derrière le leader Liverpool et à 11 points de la 4e et dernière place qualificative pour la Ligue des champions. Qualifiés d’extrême justesse en huitièmes de finale de la compétition européenne, les Mancuniens sont passés en quelques semaines du statut de favoris à celui de simples outsiders face au Paris-SG de Neymar. Un comble pour un club fondé en 1878 et triple vainqueur de la C1 (1968, 1999, 2008).
19/12/2018
football
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/19/manchester-united-nomme-ole-gunnar-solskj-r-entraineur-jusqu-a-la-fin-de-la-saison_5399745_1616938.html
« Pas touche à ma “bagnole” ! »
L’automobile cristallise un tel mécontentement social que le gouvernement a battu en retraite sur la hausse des carburants et le renforcement du contrôle technique des véhicules, explique dans sa chronique, Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde ».
Les équipes de Vinci à Bandol, le mardi 18. La barrière de péage située dans le Var a été incendiée alors qu’elle était occupée par des « gilets jaunes » la nuit précédente. GERARD JULIEN / AFP Pertes & profits. Vinci n’est vraiment pas aussi génial que le génie florentin éponyme. Le mouvement des « gilets jaunes » n’était pas éteint que le concessionnaire autoroutier annonçait, lundi 17 décembre, sa décision de récupérer les péages non payés quand les manifestants levaient les barrières. Avant de faire machine arrière, mardi, devant les difficultés juridiques et techniques d’une telle opération. Et peut-être la bronca politique. « C’est très incongru », a poliment déclaré le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, repris par tous les partis politiques. Et voilà qu’au même moment Matignon annonçait l’annulation d’aides aux automobilistes annoncées mi-novembre, au motif qu’elles ne s’imposaient plus depuis l’annulation de la hausse des taxes sur le carburant : supprimés le relèvement du barème kilométrique et le doublement de la prime à la conversion pour les gros rouleurs ; biffée d’un trait de plume l’extension du chèque énergie à deux millions de personnes. Avant qu’Edouard Phillipe ne recule lui aussi, quelques heures plus tard, face à la colère des députés, qui ont vite vu le risque politique de chipoter sur 130 millions d’euros, quand le président de la République a lâché 10 milliards pour sortir d’un long mois de conflit. Un grand concessionnaire autoroutier qui recule, un chef du gouvernement qui rétro­pédale. Ce double repli tactique en dit long sur la fébrilité qui saisit désormais les décideurs, politiques et économiques, dès qu’il faut toucher à la sacro-sainte voiture. Pas touche à ma « bagnole » ! Elle cristallise un tel mécontentement social que le gouvernement a battu en retraite : il n’y aura pas de hausse de l’essence et du gazole en 2019, ni de renforcement du contrôle technique des véhicules comme prévu. Seule la limitation de vitesse à 80 km/h – « une connerie », aurait dit Emmanuel Macron – a échappé à cette reddition générale. Recul des prix du brut L’Elysée et Matignon bénéficient actuellement d’un recul inespéré des cours du pétrole brut, qui commence à se faire sentir dans les stations-service. Trop modestement, s’impatientent les signataires de la pétition « Pour une baisse des prix du carburant à la pompe » lancée sur Internet fin octobre par Priscillia Ludosky, devenue une des principales figures des « gilets jaunes ». Son appel a déjà recueilli 1,155 million de signatures et en engrange de nouvelles chaque minute.
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/pas-touche-a-ma-bagnole_5399742_3234.html
Le lycée à la carte maintient les inégalités territoriales
La répartition des spécialités, qui doit être annoncée avant Noël, reproduit les déséquilibres entre établissements.
COLCANOPA Après quinze jours de mobilisation lycéenne, le ministère de l’éducation nationale tente de jouer l’apaisement. D’abord prévue pour le mois de janvier, la carte des spécialités qui composent le nouveau lycée doit être annoncée dans toute la France avant la fin de la semaine et le début, pour les lycéens, des vacances de Noël. Outre cette accélération de calendrier destinée à apaiser les mécontents, le ministre a reçu hier le tout nouveau conseil national de la vie lycéenne (CNVL), composé de 60 lycéens élus – un binôme garçon-fille par académie. L’organisation du nouveau lycée a été au cœur des discussions. La carte de France du nouveau lycée pourra-t-elle rassurer les élèves et leurs familles ? Car toutes les académies n’en sont pas au même point dans ce travail de répartition de l’offre. A Limoges, par exemple, la répartition académique doit être votée mercredi, alors qu’à Paris, les chefs d’établissement ont déjà commencé à informer les familles. Une chose est sûre, ce lycée « à la carte » comportera sept spécialités « de base » (mathématiques, physique-chimie, SVT, langue vivante, français-philosophie, histoire-géographie, sciences économiques et sociales) représentées partout. Quatre autres spécialités seront réparties par bassin géographique (sciences de l’ingénieur, numérique et sciences informatiques, arts, langues et culture de l’Antiquité), avec en moyenne huit ou neuf spécialités par établissements. Une 12e spécialité, l’agronomie, est réservée aux lycées agricoles. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Parcoursup, réforme du bac… la méthode du gouvernement en question Complexité logistique L’ambition du nouveau lycée est claire : « Plus de liberté, plus de choix, et plus d’accompagnement », comme le rappelle le ministre dans une courte vidéo à destination des lycéens, diffusée le 10 décembre sur les réseaux sociaux. Ceux-ci pourront désormais choisir trois matières de spécialité en première, deux en terminale. La promesse d’une plus grande « liberté » est tenue s’il s’agit de pouvoir combiner les matières comme on le souhaite – même si les établissements s’inquiètent déjà de savoir s’ils pourront organiser les emplois du temps de chaque élève en proposant toutes les combinaisons. Outre cette complexité logistique interne à chaque établissement, la liberté de choix est moins évidente pour les élèves intéressés par des spécialités qui ne sont pas proposées par leur lycée de secteur. Sur la base de projets de cartes académiques, que Le Monde a pu consulter, la chose semble aisée si l’on habite en ville : les lycées ayant été encouragés à s’organiser « en réseau », chacun est complémentaire du voisin. Les élèves qui sont en seconde cette année pourront changer d’établissement pour suivre la spécialité qui leur plaît, ou se rendre, pour quatre heures par semaines, dans un établissement du même bassin. A Grenoble, par exemple, un élève scolarisé au lycée Stendhal pourra se rendre au lycée Champollion, désigné comme établissement « porteur » pour la spécialité langues anciennes grec. A l’inverse, un élève du lycée Mounier pourra suivre la spécialité danse au lycée Stendhal – chacun de ces établissements se situant à quinze minutes à pied des autres.
19/12/2018
education
https://www.lemonde.fr/education/article/2018/12/19/le-lycee-a-la-carte-maintient-les-inegalites-territoriales_5399739_1473685.html
Joaillerie : des corps précieux
Des parures égyptiennes aux manchettes africaines, le bijou a toujours eu un pouvoir symbolique et spirituel. Démonstration au Metropolitan Museum of Art de New York.
Armure-bijou en aluminium et cristaux Swarovski rouges de Shaun Leane pour la collection printemps-été 2000 d’Alexander McQueen. Joseph Coscia Un ornement de nez en argent réalisé au Pérou (entre le VIe et le VIIe siècle), des bijoux d’oreille en ivoire du XIXe siècle venus des îles Marquises, un plastron en lin, papyrus, feuilles d’olivier et pétales de fleurs qui a traversé les âges depuis la tombe de Toutankhamon (XIVe siècle avant J.-C.), une armure souple en aluminium et cristaux pourpre du créateur contemporain anglais Shaun Leane pour Alexander McQueen… L’exposition « Bijoux, le corps sublimé », du Metropolitan Museum of Art de New York impressionne par la diversité des cultures qu’elle rassemble, la nature spectaculaire des pièces et sa façon ambitieuse de traiter le sujet. Les dix-sept départements du musée ont mis leurs ressources en commun pour une réflexion qui creuse au-delà de l’aspect purement ornemental du bijou et se penche sur sa nature, à la fois universelle et intime. Un sujet historique, quasi philosophique : « L’homme porte des bijoux depuis les débuts de l’humanité, cet art est antérieur à celui de la peinture murale, explique Melanie Holcomb, la conservatrice qui a orchestré ce très riche projet. Au même titre que l’acquisition du langage, il définit l’humain. Toutes les civilisations le pratiquent. Il était primordial pour nous d’explorer différentes cultures pour ne pas donner une vison réductrice du sujet. » Bracelets en or gravés de têtes de crocodile, royaume du Bénin, XVIIe-XIXe siècle. Anna-Marie Kellen Le corps humain est ainsi au cœur de l’exposition. « C’est notre référence commune, le “support” universel du bijou, confirme Melanie Holcomb. Les gens qui visitent l’exposition sont tentés d’essayer les pièces dans les vitrines. La mode, qui touche également au corps, ne provoque pas ce type de réaction, mais, avec le bijou, il n’y a pas de problème de taille, vous n’avez pas à penser à votre morphologie. La mode a une fonction critique envers le corps, alors que le bijou ne fait qu’attirer l’attention sur lui. » Entre le corps et l’esprit, les bijoux tissent des liens symboliques, avec le divin ou l’au-delà. Au XVe siècle avant Jésus-Christ, par exemple, les sandales et les étuis d’orteils en or appartenant aux épouses du pharaon Thoutmosis III matérialisaient de manière grandiose la relation aux divinités associées à ce matériau. Ces pièces accompagnaient les corps des défuntes dans leur tombeau, faisant également office de talisman pour leur faciliter le passage vers la vie éternelle. Tête de crocodile et camées Au cœur du continent africain, au royaume du Bénin, qui connut son apogée au XVIe siècle, son roi, ou oba, arborait des manchettes en or gravées de têtes de crocodile. Cet animal capable de vivre dans l’eau et sur la terre ferme symbolise la capacité de l’oba à passer du monde humain à celui des esprits, et ses bijoux incarnent son statut de monarque absolu. Aux questions spirituelles s’ajoutent dans cet exemple d’autres problématiques plus terrestres liées au bijou : la manifestation du pouvoir politique, lui-même lié aux relations et hiérarchies sociales. « Ces ornements racontent comment nous nous insérons dans un groupe. La question de l’identité est fondamentale dans l’histoire du bijou. » Au fil des salles, chaque civilisation donne sa propre version de ces relations symboliques qui souvent se superposent. Dans l’Europe du XIXe siècle, les parures ornées de camées traduisaient une envie de suivre la mode lancée par l’impératrice Joséphine et donc de se situer dans le sillage impérial. Cette vogue correspond aussi à l’époque des « grands tours », des parcours initiatiques et culturels à travers l’Europe, réservés aux jeunes gens de bonne famille ; les camées arborent les mêmes dessins à l’antique que l’on rapportait alors en souvenir de son « grand tour » et induisent un lien (ou l’aspiration à un lien) avec ces classes sociales privilégiées et cultivées. Sandales et étuis d’orteils en or provenant de la tombe des épouses étrangères de Touthmosis III, Nouveau Royaume égyptien, vers 1479-1425 avant J.C. Anna-Marie Kellen Toutes ces strates de sens et de symboles expliquent la fascination que les bijoux continuent d’exercer. Mais, quand on observe les pièces créées aux XXe et XXIe siècles, en particulier celles venues du monde occidental, on ne peut échapper à un sentiment d’appauvrissement. Comme si le bijou moderne avait perdu ses valeurs spirituelles pour se concentrer sur le décoratif et le commercial. « L’aspect spirituel était plus explicite autrefois, même si le bijou reste considéré comme une trace permanente d’un corps éphémère, nuance Melanie Holcomb. Les hommes expriment aujourd’hui le désir d’immortalité de manière différente, en se tournant par exemple vers la science et ses progrès, voire vers la chirurgie plastique. » Malgré tout, un certain nombre de joailliers contemporains tels que Shaun Leane, l’Américain Daniel Brush, le Britannique Simon Costin ou l’Israélien Attai Chen (tous présents dans l’exposition) travaillent à leur manière à reintroduire de l’« esprit » dans le bijou. Ils produisent des œuvres étonnantes, tant par leur forme que par les matériaux utilisés : papier, colle, gomme et sperme humain… « Bijoux, le corps sublimé », au Metropolitan Museum of Art, jusqu’au 24 février 2019. Metmuseum.org ; livre sous la direction de Melanie Holcomb, Citadelles & Mazenod.
19/12/2018
m-styles
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2018/12/19/joaillerie-des-corps-precieux_5399736_4497319.html
La baisse du niveau du Rhin affecte l’économie alsacienne
Depuis la mi-juillet, le niveau du Rhin ne permet plus d’assurer une navigation normale.
Vue du Rhin datant du 24 octobre, tout près de la Lorelei, à Oberwesel, en Allemagne. Michael Probst / AP A Kaub, près de la fameuse Lorelei et de son rocher, le Rhin pouvait quasiment être franchi à pied cet automne. Le niveau de l’eau est remonté début décembre, à la faveur de quelques pluies, mais en l’absence de réserves, il a vite repris sa descente. Quelques bateaux ont profité de la fenêtre de tir pour passer. Dans ces conditions, le transport revient cher, puisque des surcharges s’appliquent pour compenser le manque à gagner pour le marinier. Elles sont parfois plus importantes que la valeur de la marchandise transportée. Le fleuve qui, à cet endroit, voit passer quelque 30 millions de tonnes chaque année, est aujourd’hui en panne. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Climat : le Rhône pourrait baisser de moitié d’ici un siècle Si les basses eaux sont régulières sur le Rhin, le phénomène aujourd’hui inquiète, tant par sa durée que par son ampleur. Et pousse les utilisateurs à la réflexion. « Il faudrait pouvoir adapter la flotte. Jusqu’ici, on a privilégié les gros bateaux, mais ce sont les premiers impactés par le manque d’eau. Une autre piste serait d’approfondir le Rhin à la hauteur de la Lorelei. Mais il s’agit de travaux pharaoniques », estime Maurice Albrecht, le directeur des Ballastières Werny. Rien ne permet pour le moment de confirmer que les étiages du Rhin sont aujourd’hui plus fréquents qu’au siècle dernier, mais les experts s’accordent sur un point : basses eaux et crues devraient s’amplifier à l’avenir sur le fleuve le plus fréquenté d’Europe sous l’effet du changement climatique. « Exportations en stand-by » En octobre, le trafic fluvial a quasiment été divisé par deux au port de Strasbourg et depuis, la situation ne s’est pas arrangée. Les marchandises les plus touchées sont les produits pétroliers, dont le trafic a presque disparu et, à l’exportation, les céréales et les graviers, dont les volumes ont été divisés par deux. Ils représentent, en temps normal, 1,6 et 3,5 millions de tonnes, transportés exclusivement par bateaux. « Aujourd’hui, les coûts de transport dépassent le prix de la marchandise. Dans ces conditions, nos exportations sont en stand-by », constate M. Albrecht. Ses carrières produisent 550 000 tonnes de pierre par an, dont plus de la moitié est habituellement chargée sur bateau. « En attendant la remontée du Rhin, on réduit notre rythme de production, on remplit notre stock et les employés font de l’entretien préventif. Ça devrait nous permettre de finir l’année à l’équilibre, se rassure l’entrepreneur. Mais si la situation devait se prolonger, nous serions obligés d’arrêter la production ».
19/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/19/la-baisse-du-niveau-du-rhin-affecte-l-economie-alsacienne_5399730_3244.html
Contrats courts : les exonérations de charge critiquées par l’OFCE
L’Observatoire estime que cette politique a favorisé la précarisation des travailleurs et préconise une « tarification » spécifique des CDD.
Voilà un rapport qui tombe à point nommé, pour le gouvernement mais aussi pour les partenaires sociaux qui copilotent l’assurance-chômage. Rendu public, mercredi 19 décembre, par la délégation sénatoriale aux entreprises, il plaide pour une « régulation économique » des contrats de travail de courte durée et suggère plusieurs pistes susceptibles de contenir le recours à ces formes d’emploi précaires. Une thématique inscrite au cœur du programme de campagne d’Emmanuel Macron. Elle doit être traitée, début janvier 2019, par les organisations syndicales et patronales, dans le cadre de leurs négociations sur une nouvelle convention Unédic, l’association paritaire qui gère l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Réalisée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l’étude met en exergue une réalité qui, même si elle est identifiée et documentée depuis des années, frappe les esprits : la spectaculaire hausse des CDD courts (moins d’un mois). On en dénombre près de 17,6 millions, « maintenant », soit trois fois plus qu’en 2000. Au cours des dernières décennies, les employeurs ont, de plus en plus souvent, recruté du personnel pour des activités extrêmement brèves – la tendance connaissant toutefois « un léger infléchissement » depuis 2014. Une précision importante : l’écrasante majorité des salariés reste titulaire d’un CDI mais le ratio a baissé de près de dix points en une trentaine d’années, passant de 94,1 % en 1984 à 84,4 % en 2017. Ces tendances s’accompagnent d’un net raccourcissement de la durée des CDD (46 jours en moyenne en 2017 contre 112 en 2001) et d’une vive progression de la « réembauche » – ce cas de figure où une personne est reprise, maintes fois, par son dernier employeur. Le développement des contrats de moins d’un mois « n’est pas l’apanage » du privé, souligne l’OFCE : les administrations publiques y ont concouru, elles aussi. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Assurance-chômage : le « CDD d’usage », angle mort de la précarité Salariés dans l’incertitude Plusieurs facteurs sont mis en avant pour expliquer le phénomène : volatilité plus grande de la demande des consommateurs dans certains secteurs, extension du CDD d’usage (un statut très souple, qui permet d’enchaîner à l’infini des contrats)… Mais l’étude de l’OFCE révèle qu’un autre élément a joué un rôle crucial dans la précarisation des travailleurs : les politiques d’exonérations de charges sur les bas salaires, dont le volume a été quadruplé entre 2001 et 2008. En revanche, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui n’est pas ciblé sur les rémunérations les plus basses, semble avoir pesé dans le sens inverse : il « a pu modifier le comportement d’embauche des entreprises en limitant le recours aux contrats courts », note l’OFCE. Un constat à méditer, à l’heure où le CICE doit être transformé en allègement pérenne de cotisations.
19/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/19/contrats-courts-les-exonerations-de-charge-critiquees-par-l-ofce_5399727_823448.html
Médicament : UPSA tombe dans l’escarcelle du japonais Taisho
Le groupe japonais propose un chèque de 1,6 milliard de dollars pour racheter la société d’Agen détenue par Bristol-Myers Squibb depuis 1994.
A l’usine UPSA d’Agen (Lot-et-Garonne), en mars. GEORGES GOBET / AFP Un soulagement et beaucoup de questions. Mercredi 19 décembre, le groupe pharmaceutique américain Bristol-Myers Squibb (BMS) a annoncé la cession d’UPSA au japonais Taisho, afin d’investir dans l’oncologie. Pour obtenir le spécialiste des médicaments sans ordonnance Fervex, du Dafalgan ou de l’Efferalgan, la société japonaise débourse 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros). La procédure de rachat doit être bouclée à la fin du premier semestre 2019. Lire aussi Le gouvernement veut réconcilier la France avec l’industrie pharmaceutique « Cette somme est significativement plus élevée que ce qu’offraient ses concurrents », assure-t-on dans l’entourage d’un candidat non retenu. Quatre autres sociétés avaient participé aux enchères : les fonds PAI et CVC, ainsi que deux spécialistes des médicaments sans ordonnance (« over the counter », ou OTC, en anglais), l’allemand Stada et l’italien Angelini. Et c’est donc le groupe japonais, créé en 1912, qui a mis la main sur cette institution française fondée en 1935. Avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros, Taisho est le premier acteur japonais de l’OTC avec une offre d’analgésiques anti-inflammatoires, de médicaments contre le rhume-état grippal et pour la croissance capillaire. En 2009, il avait déjà racheté à BMS son activité OTC en Asie. Et depuis, le groupe cherche à se développer sur d’autres continents. Des marques connues mais laissées en déshérence Avec UPSA, qui compte 1 400 salariés à Agen, le japonais peut partir sur une bonne base. Le groupe français, cédé par sa famille fondatrice en 1994 à BMS, a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 425 millions et 100 millions de résultat net. Ses marques Efferalgan, Fervex ou Dafalgan sont extrêmement connues, cependant, regrettent les syndicats, elles ont été laissées un peu en déshérence. « BMS a réduit ses dépenses en marketing et en communication, regrette Patrick Lopez, délégué syndical SUD Chimie d’UPSA. Et la concurrence, notamment de Doliprane, une marque de Sanofi, est extrêmement forte. » La conséquence a été une baisse, ces dernières années, de la production de médicaments à Agen. « Alors que nos installations industrielles sont modernes et en capacité de fabriquer 400 millions de boîtes par an, nous sommes aujourd’hui plutôt autour de 300 millions, souligne Bruno Bourthol de FO. Ce qui nous intéresse, avec le repreneur, c’est de connaître son plan industriel. » « Nous avons été longtemps une vache à lait pour BMS, qui utilisait nos ressources pour investir dans d’autres secteurs », assure M. Lopez. Importantes transactions dans le secteur À Agen, UPSA est le plus gros employeur privé du Lot-et-Garonne. « À ce titre, de nombreux fournisseurs dépendent de nous. Il faut donc que le repreneur s’engage à investir pour pérenniser l’empreinte industrielle de la société », complète le syndicaliste de SUD Chimie. En 2018, d’importantes transactions ont eu lieu dans le secteur des médicaments sans ordonnance. L’américain Procter & Gamble a ainsi acquis les activités de santé grand public du laboratoire allemand Merck KGaA, en avril, tandis que GlaxoSmithKline (GSK) a racheté au suisse Novartis sa participation dans leur coentreprise de santé grand public pour 13 milliards de dollars (10,4 milliards d’euros). Lire aussi Sanofi lance un nouveau plan d’économie mondial Mercredi, ce même GSK a annoncé la création d’une nouvelle coentreprise pour les médicaments sans ordonnance avec Pfizer. Elle vendra l’anti-inflammatoire Voltarène, l’antidouleur au paracétamol Panadol ou encore l’ibuprofène Advil, et devrait réaliser plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les prix des médicaments atteignent de nouveaux records aux Etats-Unis
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/medicament-upsa-tombe-dans-l-escarcelle-du-japonais-taisho_5399723_3234.html
Exposition : le monde jamais bâti de Jean-Jacques Lequeu
A Paris, le Petit Palais accueille la première exposition consacrée au plus rêveur des architectes du XVIIIe siècle.
« Ce qu’elle voit en songe », de Jean-Jacques Lequeu, daté de l’An III (1794 ou 1795). BNF Corinne Le Bitouzé, l’une des commissaires de l’exposition, dit qu’elle « en découvre encore ». La conservatrice générale des bibliothèques au département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France (BNF) insiste : « Il faut s’approcher ; plus vous regardez, plus vous avez envie de creuser. » Objet de cette irrépressible attraction : les dessins à la plume, à l’aquarelle ou au lavis de Jean-Jacques Lequeu (1757-1826) exposés jusqu’au 31 mars 2019 au Petit Palais, à Paris. Bien qu’élevé au Panthéon des architectes dits « révolutionnaires » aux côtés d’Etienne-Louis Boullée (1728-1799) et de Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), Lequeu n’avait jamais été l’objet d’une telle rétrospective. C’est désormais chose faite avec 150 planches grand format issues pour l’essentiel de l’Architecture civile, son foisonnant grand œuvre dessiné, souvent annoté de digressions multiples, qu’accompagnent la plupart de ses Figures lascives et obscènes. Près de deux siècles après sa mort, l’homme continue d’interroger. « A l’inverse de Boullée et Ledoux, [il] ne se soucie aucunement de donner quelque dimension sociale à ses projets, souligne l’écrivaine et poète Annie Le Brun, l’une des contributrices du copieux catalogue de l’exposition (éd. Norma-BNF, 192 pages, 39 euros). Son échelle est tout autre. C’est celle toujours réinventée du rêve. » Une totale liberté d’inspiration régit la conception de ses monuments et de ses fabriques, où les styles et les sources (mythologiques, philosophiques, morales) s’entremêlent ; dans ses paysages d’invention, le végétal, l’organique, le minéral et l’animal se répondent et interagissent par analogie. Plafond de verre « L’œuvre de Lequeu exhale la sensualité, affirme Corinne Le Bitouzé. Pour peu qu’on veuille y entrer, tout cela bouillonne de sensations. » Une sensualité qui traverse autant ses brillantes démonstrations à caractère technique (coupes, plans et détails, parfois facétieux, de temples, villas, kiosques, arcs de triomphe ou machineries) que ses recherches expressives dans l’observation du visage (le sien, grimaçant, tirant la langue ou faisant la moue). Sans parler de ses nombreux et mystérieux nus féminins ou de l’observation très intime de leur anatomie. Le « temple de la Devination », un des édifices imaginaires dessinés par Jean-Jacques Lequeu dans son « Architecture civile ». BNF Né à Rouen, Jean-Jacques Lequeu est issu d’une famille de maîtres menuisiers. Il bénéficie d’une excellente formation technique à l’école gratuite de dessin de la ville. Elle lui permet d’intégrer, en 1779, en tant que dessinateur d’architecture, « l’agence »de Jacques- ­Germain Soufflot. Le concepteur de l’église Sainte-Geneviève, devenue le Panthéon, meurt l’année suivante. Lequeu, âgé de 23 ans, perd la protection qui lui avait ouvert les portes de l’Académie royale d’architecture, assurance d’une carrière prospère et garantie de renommée.
19/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/19/exposition-le-monde-jamais-bati-de-jean-jacques-lequeu_5399721_3246.html
Le Maire ouvert à un rachat provisoire de l’usine Ford de Blanquefort par l’Etat
Le ministre de l’économie n’écarte pas les « solutions les plus originales » pour sauver le site après le rejet par Ford d’une offre de reprise.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et le maire de Bordeaux, Alain Juppé, lors d’une rencontre avec les délégués syndicaux du site Ford de Blanquefort (Gironde), le 15 octobre. NICOLAS TUCAT / AFP Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, n’a pas écarté, mercredi 19 décembre sur BFM-TV et RMC, un rachat provisoire de l’usine Ford de Blanquefort (Gironde) par l’Etat afin de le revendre ensuite au groupe franco-belge Punch Powerglide, qui a présenté une offre de reprise de cette usine que Ford a rejetée. « Pourquoi pas ? Je suis prêt à ce genre de solutions. Je suis prêt aux solutions les plus originales pour garantir qu’un site industriel performant, qui a un repreneur de qualité et des salariés qui sont totalement engagés, puisse survivre ». Il n’a cependant pas donné plus de détails sur les solutions envisagées pour racheter un site que Ford ne souhaite pas revendre. Le ministre a révélé s’être entretenu mardi au téléphone avec le président du constructeur automobile pour l’Europe, Steven Armstrong, pour la deuxième fois depuis l’annonce de son rejet de l’offre de reprise par Punch. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Syndicats, politiques : union sacrée face à la menace de fermeture de l’usine Ford-Blanquefort « Je n’ai pas encore baissé les bras » Charles Platiau / REUTERS Il a saisi l’occasion pour lui adresser une mise en garde, assurant que le constructeur états-unien risquait de « perdre beaucoup en termes de réputation » et affirmant que « la partie n’était pas finie » : « Pour Blanquefort, croyez-moi, je n’ai pas encore baissé les bras ». Ford a annoncé jeudi qu’il écartait l’offre de reprise de l’usine de Blanquefort par Punch Powerglide, malgré l’appui du gouvernement français. M. Le Maire avait alors dénoncé une « trahison » et demandé à Ford de revoir sa décision qui concerne 850 salariés. Le président, Emmanuel Macron, avait par la suite qualifié d’« hostile et inacceptable » la décision de Ford de fermer cette usine. Le projet de reprise de la société franco-belge Punch devait préserver 400 emplois. Le groupe états-unien a estimé qu’un plan social était préférable à un projet de reprise, qu’il juge fragile depuis le départ. Les syndicats de Ford Blanquefort avaient eux aussi appuyé le plan, en acceptant un gel de salaires pendant trois ans, la perte de trois jours de repos et une modulation du temps de travail. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « On a vite fait de réduire certaines entreprises à des symboles du déclin de l’“usine France” »
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/usine-ford-de-blanquefort-le-maire-n-ecarte-pas-un-rachat-provisoire-du-site-par-l-etat-francais_5399715_3234.html
Au Nicaragua, le régime d’Ortega durcit sa répression
La police a perquisitionné la rédaction de « Confidencial » et de neuf organisations non gouvernementales. Depuis huit mois, la répression a fait plus de 325 morts.
Des policiers délogent des journalistes du siège de la police, à Managua, le 15 décembre. INTI OCON / AFP Le bras de fer se durcit au Nicaragua entre le président Daniel Ortega et ses opposants qui appellent, jeudi 20 décembre, à une grève générale de 24 heures. La répression, qui dure depuis huit mois, contre un mouvement de contestation d’une ampleur inédite, vient de franchir une nouvelle étape après les perquisitions musclées de la police et la saisie des locaux d’un média indépendant et de neuf organisations locales de défense des droits humains, provoquant un tollé international. « C’est une attaque démentielle contre la liberté de la presse », a fustigé, lundi 17 décembre, le journaliste Carlos Fernando Chamorro, avant de déposer plainte auprès du tribunal de Managua, la capitale. Quatre jours plus tôt, des policiers lourdement armés ont pris d’assaut et saccagé la rédaction de Confidencial, média numérique d’investigation, créé en 1996 par M. Chamorro. Les ordinateurs, les documents légaux et cinq caméras ont été saisis. Des intrusions identiques ont eu lieu, simultanément, dans neuf organisations non gouvernementales. Parmi elles, le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh), principal organisme de défense des victimes de la répression, débutée mi-avril, contre une insurrection populaire qui exige le départ du président Ortega au pouvoir depuis 2007, après avoir gouverné de 1979 à 1990. « On ne tue pas la vérité en tuant le journalisme », martèle M. Chamorro qui a été malmené, samedi 15 décembre, avec ses collègues par des policiers antiémeutes devant le siège de la police à Managua alors qu’ils réclamaient la présentation du mandat justifiant l’occupation de leur rédaction. « Le gouvernement commet des actes délictueux et illégaux », a fustigé, mardi 18 décembre, Vilma Nuñez, présidente et fondatrice, en 1990, du Cenidh. Les perquisitions semblent n’avoir été justifiées que par la publication, jeudi 13 décembre, d’un communiqué du ministère de l’intérieur confirmant « le retrait du statut légal » des neuf ONG, voté la veille par l’Assemblée nationale, acquise au régime. Le communiqué accuse ces ONG de « violer la nature de leurs fonctions en participant activement au coup d’Etat échoué » et, pour certaines, de « promouvoir le terrorisme ». « Susciter la peur » Un pas de plus dans l’escalade des violences gouvernementales contre la révolte nationale née, le 19 avril, au lendemain d’une marche réprimée dénonçant une réforme des retraites. Huit mois plus tard, le soulèvement pacifique réclame toujours le départ du pouvoir de l’ancien guérillero sandiniste et de son épouse, Rosario Murillo, sa vice-présidente, accusés d’autoritarisme et de corruption. La répression de la police et des escouades du gouvernement a fait plus de 325 morts, dont 29 enfants, 3 000 blessés et quelque 400 prisonniers, selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) alors que le gouvernement ne reconnaît que 199 décès.
19/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/19/au-nicaragua-le-regime-s-attaque-aux-medias-independants-et-aux-ong_5399711_3210.html
« Les formes contemporaines de la mobilité continuent à détruire notre environnement »
Dans une tribune au « Monde », les membres du comité d’orientation du Forum Vies mobiles formulent des idées pour que la facture environnementale cesse de creuser la fracture sociale.
« Imaginons des futurs réalisables, des modes de vie différents, où l’usage du vélo et la pratique de la marche seront encouragés, où nous ne vivrons plus sous le règne de la frénésie et de la fébrilité. » ANDREA EBERT / Ikon Images / Photononstop Tribune. La transition écologique ne peut pas être entièrement assumée par les catégories les plus fragiles de la population, elle doit reposer sur un partage équitable des ressources. Une remise en cause brutale de notre système de mobilité, fondé à 95 % sur le pétrole, n’est ni acceptable ni efficace et le mouvement des « gilets jaunes » en est l’une des illustrations les plus violentes. Si l’augmentation de la taxe sur les carburants est à l’origine du soulèvement, le malaise est plus profond et continuera de grandir tant que l’objectif d’une société plus soutenable et plus désirée ne sera pas discuté collectivement. Il est impératif que les gouvernements s’engagent pour construire avec les citoyens des politiques de mobilité plus justes. L’ère des mobilités nouvelles a profondément bouleversé nos modes de vie, nos corps, notre perception de l’espace et du temps. Le siècle précédent avait inauguré le règne de la vitesse. Le siècle en cours consacre la montée en puissance des technologies de communication à distance. Il donne à notre rapport au monde les apparences de la liberté et de l’intensité. Lire aussi Six chiffres pour comprendre l’ampleur de la pollution automobile Il y a quelque chose de grisant dans cette capacité qui est désormais la nôtre, dans la mesure où nos moyens financiers nous le permettent, de sillonner le monde tout en restant connecté. Nous avons cru aux bienfaits d’une mobilité augmentée par la technologie. On ne peut nier ses attraits. Cependant, elle n’est aucunement un bien en soi. Elle vend un désir (l’obsession du « bouger et du connecter à tout prix »), accentue les inégalités sociales, nous dicte ses injonctions, et conditionne nos modes de vie de façon irraisonnée. Destruction de l’environnement Surtout, et c’est là le fait essentiel, celui qui doit innerver l’ensemble de notre réflexion, les formes contemporaines de la mobilité continuent à détruire notablement notre environnement. Le plus grave enfin, c’est que rien n’apparaît significativement de la « transition » annoncée : partout dans le monde, toujours plus de camions, d’automobiles et de liaisons aériennes, toujours plus d’infrastructures en construction, toujours plus d’offres commerciales, toujours plus de mobilités polluantes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le vélo électrique, nouvelle petite reine branchée D’un côté, une business jet class survole la planète ; de l’autre, des vies mobiles ordinaires, exposées aux nuisances du déplacement de masse : embouteillages persistants, entassements dans des rames de métro aux heures d’affluence, corps figés dans l’attente, emplois du temps épuisants, rythmes imposés chaque jour, que nous ne maîtrisons pas. Malgré l’annonce répétée des pics de pollutions, malgré de solennelles professions de foi ou des déclarations de principe, aucune solution sérieuse d’ensemble n’est en vue, aucune perspective programmatique efficace, et l’on ne voit pas les acteurs publics soutenir avec conviction et constance des modes de vie innovants et durables.
19/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/19/les-formes-contemporaines-de-la-mobilite-continuent-a-detruire-notre-environnement_5399705_3232.html
« La smart city appliquée à la sécurité appelle une vigilance juridique, démocratique et citoyenne »
Jean Lessi, secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, appelle à un débat démocratique sur les technologies de « safe city ».
Une caméra de vidéosurveillance, à Strasbourg, en 2007. FREDERICK FLORIN / AFP Ne pas se laisser déborder par les révolutions technologiques, mais éviter d’ouvrir une boîte de Pandore en mettant en cause la loi Informatique et libertés de 1978 : c’est la difficile équation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) face à la prolifération des outils de surveillance, mêlant vidéosurveillance intelligente, technologies de big data et données biométriques, déployés par des villes dans le cadre de leur stratégie smart city. Dans un entretien au Monde, le secrétaire général de la CNIL, Jean Lessi, appelle à un « débat démocratique » sur ces questions tout en réaffirmant sa confiance dans les principes fondateurs « robustes » de la loi de 1978. Comment la CNIL appréhende-t-elle les expérimentations de « safe city » ? Sur ce sujet, il faut faire la part entre les discours, les projets et la réalité opérationnelle. Aujourd’hui, que ce soit à Nice, à Marseille ou à la Défense [près de Paris], on en est encore au stade des projets, que nous suivons de très près. L’expression « safe city » recouvre des choses très différentes : la protection contre les menaces climatiques, la prévention de troubles à l’ordre public, la gestion de l’occupation du domaine public et de la voirie… Le niveau de risque associé à ces technologies dépend du type d’usage. Il y a toutefois quelques facteurs de risque et d’interrogation communs. D’abord, ces dispositifs reposent sur une combinaison de données variées, qui n’ont pas forcément été collectées à cette fin. Ensuite, ces traitements de données se font à grande échelle. Ils peuvent aussi concerner des données sensibles, comme des infractions ou de la géolocalisation. Il peut y avoir des enjeux éthiques, notamment s’il s’agit de prédire des comportements. Enfin, ces sujets touchent au contrat social. Quand on parle de smart city appliquée à la sécurité, cela appelle une vigilance non seulement juridique, mais aussi démocratique et citoyenne. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment des villes « hyper connectées » contrôlent l’espace public L’usage de la vidéosurveillance, associé au big data et à l’intelligence artificielle, est-il suffisamment encadré alors que la loi Informatique et libertés date de 1978 ? Nous avons des principes fondamentaux très robustes, qui datent d’avant le Minitel, mais qui ont permis, en quarante ans de révolutions technologiques, de traiter les questions que soulèvent les géants du numérique, les réseaux sociaux. C’est le principe de finalité – s’interroger sur la raison pour laquelle on traite de la donnée personnelle ; le principe de proportionnalité – je ne dois collecter que ce qui est nécessaire ; le principe de sécurisation des données, le principe de durée de conservation limitée…
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/la-smart-city-appliquee-a-la-securite-appelle-une-vigilance-juridique-democratique-et-citoyenne_5399702_3234.html
En Guinée équatoriale, une société camerounaise autorisée à vendre du pétrole
La société Tradex pourra distribuer des produits pétroliers dans le pays, où le français Total possède le quasi-monople dans ce domaine.
Le siège de la compagnie nationale équato-guinéenne chargée de la distribution et de la vente des produits pétroliers GEPetrol, à Malabo, en janvier 2015. ISSOUF SANOGO / AFP L’entreprise pétrolière camerounaise Tradex a été autorisée lundi 17 décembre à distribuer des produits pétroliers en Guinée équatoriale, pays d’Afrique centrale où le français Total possède le quasi-monopole dans ce domaine, a appris l’AFP mardi de sources officielles. Le ministre équato-guinéen du pétrole, Gabriel Mbaga Obiang Lima, a donné au camerounais Tradex « l’autorisation de construire des stations-service et de commercialiser des produits pétroliers en Guinée équatoriale », ont indiqué mardi les médias gouvernementaux. Lire aussi Teodorin Obiang pris la main dans le sac au Brésil La Guinée équatoriale compte désormais trois entreprises chargées de la distribution et de la vente des produits pétroliers : Tradex, Total – présent depuis 1984 – et la compagnie nationale GEPetrol, créée en 2002. Cette dernière ne possède pas de raffinerie et ses stations sont souvent à court de carburant. Quatre cents emplois créés Gabriel Mbaga Obiang Lima, fils du président Teodoro Obiang Nguema, a salué l’arrivée de Tradex, qui apportera de la « concurrence » dans la commercialisation des produits pétroliers dans le pays. Le directeur du groupe Tradex, Perrial Nyodog, a par ailleurs indiqué que 400 emplois seront créés au profit des Equato-Guinéens, rapporte le site officiel du gouvernement. Implantée en Guinée équatoriale depuis novembre 2015 grâce à un contrat signé avec la société Luba Oil Terminal Equatorial Guinea (Loteg), Tradex est une filiale de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) du Cameroun. Pays d’Afrique centrale d’un peu plus d’un million d’habitants, la Guinée équatoriale est devenue productrice de pétrole il y a un peu plus de 20 ans et a rejoint l’OPEP en 2017. Les hydrocarbures représentent 99 % des exportations du pays, qui continue de pâtir de la baisse mondiale des cours du baril en 2014. Entre 2016 et 2017, le Produit intérieur brut (PIB) de Malabo s’est contracté avec des « perspectives défavorables pour 2018, mais ce choc devrait se stabiliser à partir de 2019 », selon la Banque africaine de développement (BAD).
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/en-guinee-equatoriale-une-societe-camerounaise-autorisee-a-vendre-du-petrole_5399699_3212.html
« Gilets jaunes » : « Augmenter la prime d’activité est plus efficace contre la pauvreté »
Pour l’économiste Gilbert Cette, les mesures annoncées par le chef de l’Etat vont stimuler le pouvoir d’achat des Français
L’économiste Gilbert Cette, à Paris, en 2014. PATRICK KOVARIK / AFP Gilbert Cette, professeur d’économie associé à l’université d’Aix-Marseille, évalue les mesures annoncées par Emmanuel Macron pour résoudre la crise des « gilets jaunes ». Quel jugement portez-vous sur le dispositif annoncé le 10 décembre ? Ce sont des mesures très fortes. Donner du pouvoir d’achat à des ménages assez contraints financièrement, c’est forcément bon pour la consommation. Il y aura un effet sensible sur le niveau du produit intérieur brut (PIB) en 2019, de l’ordre de 0,2 à 0,5 point selon mes calculs. Cela devrait en partie compenser, ou du moins atténuer, les pertes économiques enregistrées au quatrième trimestre de 2018 du fait des événements. Seulement, il faudra bien financer ces mesures. Elles devraient coûter entre 10 et 12 milliards d’euros. Soit on passe par la dette, et ce seront nos enfants qui hériteront du problème. Soit on finance par des transferts. Dans ce cas, l’effet brut du stimulus sur le PIB sera amoindri. Le gouvernement envisage d’augmenter la prime d’activité. Pourquoi agir sur ce levier plutôt que par une hausse du smic ? C’est, d’une part, plus efficace pour lutter contre la pauvreté, et, d’autre part, non pénalisant pour l’emploi puisque ça n’augmente pas le coût du travail. Aujourd’hui, 19 % des bénéficiaires du smic sont sous le seuil de pauvreté. Parce qu’elle tient compte de l’ensemble des revenus du ménage, la prime d’activité a le mérite de cibler justement ces personnes-là. La défiscalisation des heures supplémentaires, déjà testée sous Nicolas Sarkozy, s’inscrit dans cette logique ? L’ancien dispositif avait eu un petit effet positif sur le niveau du PIB, mais un impact défavorable sur l’emploi. Cet aspect devrait être moindre, cette fois, parce que les heures supplémentaires seront toujours soumises aux charges sociales acquittées par les employeurs. J’ai néanmoins quelques réserves parce que les travailleurs les plus défavorisés n’en profiteront pas. Je pense, par exemple, à la caissière de supermarché qui est à mi-temps contraint. Elle voudrait déjà faire la durée légale, mais ne peut pas. Cette mesure n’est pas appropriée dans un pays en chômage massif. Quel effet aura la suppression de la hausse de la CSG pour les pensions inférieures à 2000 euros ? Les retraités les plus défavorisés vont en profiter. Mais cela introduit un seuil, ce qui est toujours problématique. Dans ce cas, une personne qui touche 2 050 euros gagnera in fine moins qu’une autre qui dispose de 1950 euros puisqu’elle devra s’acquitter de la hausse de la CSG.
19/12/2018
economie
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Le licenciement de Jérôme Kerviel par la Société générale pour faute grave était bien « fondé »
La cour d’appel de Paris a annulé la condamnation de la banque aux prud’hommes, privant l’ancien trader de son bonus de 300 000 euros.
Jérôme Kerviel au palais de justice de Paris, le 18 janvier 2016. ÉRIC FEFERBERG / AFP Le licenciement pour faute grave de l’ex-trader Jérôme Kerviel par la Société générale, en 2008, était « fondé », a jugé mercredi 19 décembre la cour d’appel de Paris, qui a annulé la condamnation de la banque aux prud’hommes. Jérôme Kerviel, qui est débouté de ses demandes, ne touchera pas son bonus de 300 000 euros pour l’année 2007. En 2016, le conseil de prud’hommes avait estimé qu’il avait été licencié « sans cause réelle ni sérieuse », et dans des conditions « vexatoires ». La banque avait fait appel de cette décision qui signait le premier succès judiciaire de Jérôme Kerviel. Multiples batailles judiciaires Ce dossier n’est qu’une des multiples batailles judiciaires qui ont opposé depuis dix ans la Société générale et son ancien trader, dans ce qui reste l’un des plus gros scandales de la fiscalité internationale. Jérôme Kerviel avait été licencié pour faute lourde au début de 2008. Le 24 janvier, la Société générale se déclarait victime d’une « fraude » de 4,9 milliards d’euros : elle accusait le trader d’avoir « dissimulé ses positions sur près 50 milliards d’euros, grâce à un montage élaboré de transactions fictives ». La banque affirme avoir découvert les agissements de Jérôme Kerviel, aujourd’hui âgé de 41 ans, le 19 janvier 2008 ; ce que conteste la défense. Pour le conseil de prud’hommes, la banque avait eu connaissance des dépassements par Jérôme Kerviel des limites imposées aux opérations de marché plusieurs années avant de lui signifier son licenciement. Cette question est primordiale, car la loi impose aux employeurs d’engager des procédures disciplinaires au plus tard deux mois après avoir pris connaissance d’un « fait fautif ». Le conseil de prud’hommes avait jugé que le licenciement était survenu pour des faits « prescrits ». Comme l’a souligné la présidente de la chambre sociale de la cour d’appel de Paris, la prescription des faits est donc « au cœur des débats ». Nos explications : Comprendre l’affaire Kerviel en 3 questions Définitivement condamné au pénal Les avocats de la banque mais aussi l’avocat général ont insisté lors de l’audience sur un point de droit : « Il y a une autorité du pénal sur le civil et la décision du juge pénal s’impose au juge prud’homal », a mis en avant le représentant du parquet. Jérôme Kerviel a été condamné en 2010 à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour abus de confiance, faux et usage de faux, ainsi que pour manipulations informatiques. Le jugement a été confirmé en appel en 2012 et maintenu en 2014 dans ses dispositions pénales par la Cour de cassation. L’ex-trader est donc définitivement condamné au pénal. En septembre 2016, Jérôme Kerviel a remporté une demi-victoire au civil : la justice a ramené de 4,9 milliards à 1 million d’euros le montant des dommages et intérêts qu’il devait à la Société générale. La cour a jugé qu’il n’était que « partiellement responsable du préjudice » subi par la banque.
19/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/19/la-cour-d-appel-valide-le-licenciement-de-jerome-kerviel-par-la-societe-generale-pour-faute-grave_5399693_1653578.html
Danseuses étoiles à la pointe des classiques
Le « Cendrillon » de Noureev et « La Dame aux camélias » de Neumeier sont à l’affiche de l’Opéra de Paris.
Léonore Baulac (Marguerite) dans « La Dame aux camélias » à l’Opéra Garnier. LOBOFF SVETLANA Grands ballets classiques, mises à l’épreuve géantes pour les danseurs. Les deux productions à l’affiche pour les fêtes de l’Opéra national de Paris font parader les étoiles dans des partitions férocement acrobatiques. Cendrillon, chorégraphié en 1986 par Rudolf Noureev, qui plante son décor hollywoodien sur le grand plateau de Bastille, comme La Dame aux camélias, créé en 1978 par John Neumeier, au ­Palais Garnier, sont des examens de passage, en particulier pour les nouvelles recrues qui s’attaquent à des prises de rôles pas piqués des hannetons. Passe ou casse ? Le diadème d’étoile, grade ultime de la hiérarchie, se gagne à chaque spectacle. L’impact de ballets qui ne datent pas d’hier et peuvent basculer dans la caricature ou le maniérisme se mesure à la toise de l’interprétation. Les générations de danseurs se tuilent, les enchères grimpent. Autant dire que les prouesses à la clé de ces deux monstres du répertoire classique, qui progressent entre virtuosité et jeu d’acteur, course de fond et gymkhana, relèvent aussi d’un talent de funambule. « Une grande rigueur technique » Taillé dans le burlesque jusqu’au grotesque, Cendrillon, selon Noureev, sur une musique de Prokofiev, déplace le conte de Perrault au cinéma avec un producteur de films comme bonne fée et une star en prince charmant. La marâtre est dansée par un homme en chaussons de pointes dont l’agressivité découpe en morceaux les relations humaines. Ses deux filles, papillotées de méchanceté jusqu’aux neurones, singent la féminité au bord de la crise d’hystérie. Au milieu des chipies, l’héroïne joue les pauvrettes, puis les vedettes. La partition accumule les difficultés avec mimiques à droite, grimaces à gauche, et une foule d’accessoires à faire vivre comme si de rien n’était ­entre deux arabesques. Entre King Kong, les Indiens et les Vahinés, il est parfois difficile de ne pas perdre sa pantoufle dans cette version de Noureev En tête des jeunes étoiles distribuées dans Cendrillon, Valentine Colasante, 29 ans, nommée en janvier, endosse pour la première fois le rôle-titre et en alternance celui d’une des deux sœurs. « Même si interpréter les deux demande une grande forme physique, cela permet de connaître le ballet sous différents angles et de mieux l’appréhender », indique-t-elle. Valentine Colasante a d’abord dansé la sœur en bleu, celle qui affûte sa cruauté sur le fil d’une chorégraphie au rasoir. Dans ce registre, l’une des ­scènes finales du troisième acte est un redoutable kaléidoscope de mouvements secs, tirés à bout portant et sur pointes. « Il y a énormément d’énergie mais rien d’organique dans cette séquence qui demande une grande rigueur technique dans sa déstructuration, poursuit la danseuse. Il faut y ajouter les mouvements de tête et un sens du ridicule qui va avec les personnages de cartoon imaginés par Noureev. J’ai poussé techniquement le rôle à fond en allant plus vite et en ajoutant des pirouettes, mais je veille à rester dans le cadre. Et si jamais je me casse la figure, ce n’est pas grave, car ça colle au personnage ! »
19/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/19/danseuses-etoiles-a-la-pointe-des-classiques_5399690_3246.html
Après huit années d’austérité, la Grèce desserre l’étau social
Le Parlement a voté un budget avec 900 millions d’euros d’aides pour une population qui a perdu entre 30 % et 40 % de ses revenus.
Manifestation contre l’austérité, devant le Parlement grec, à Athènes, mardi 18 décembre. LOUISA GOULIAMAKI / AFP Près de la place Omonia, un des quartiers les plus dégradés d’Athènes et le plus touché par la crise économique depuis huit ans, une longue file d’attente s’agglutine devant un centre social inauguré par la mairie. Quelque 325 bureaux de ce type ont été ouverts, en 2018, dans toute la Grèce pour permettre aux citoyens de se renseigner sur les allocations auxquelles ils ont droit, pour enregistrer leurs demandes et prendre contact avec des assistants sociaux. Kostas, 32 ans (qui a souhaité garder l’anonymat), sort de quatre ans de chômage, mais, pour la première fois, cette année, il a retrouvé des contrats courts dans le BTP. « De mois en mois, ma situation s’améliore. Le secteur du bâtiment reprend tout doucement, et je commence à retrouver du travail, même si je suis souvent payé avec trois mois de retard ! », constate-t-il, amer. Avec une allocation de solidarité sociale, distribuée aux personnes les plus démunies, de 200 euros net par mois, le trentenaire avoue que les fins de mois ont souvent été difficiles, ces dernières années : « Au bout d’un an, je ne touchais plus le chômage, et je devais régulièrement emprunter de l’argent à ma famille, à mes amis. Je faisais aussi des économies sur le chauffage, la téléphonie… » Article réservé à nos abonnés Lire aussi « A quand la fin de l’austérité ? » : les Grecs s’impatientent Mardi 18 décembre, la Vouli (le Parlement) a voté le budget 2019 et accordé de nouvelles aides aux citoyens durement touchés par huit années de crise économique et par les mesures d’austérité qui ont fait perdre à la Grèce 25 % de son produit intérieur brut (PIB). « C’est le premier budget, depuis 2008, qui accorde une expansion budgétaire de l’ordre de 0,5 % du PIB, soit 910 millions d’euros, permettant de donner un coup de pouce aux Grecs », a déclaré, lors du débat parlementaire sur le budget, Giorgos Chouliarakis, ministre adjoint à l’économie. 1 million de Grecs tombés dans la précarité Lors d’une manifestation de fonctionnaires à Athènes, le 14 novembre. ARIS MESSINIS / AFP Au programme : une hausse des allocations de solidarité sociale de 40 millions d’euros ; des allocations familiales distribuées à 900 000 familles (100 000 de plus par rapport à 2018) ; une allocation logement allouée à 300 000 ménages qui perçoivent des revenus annuels allant jusqu’à 21 000 euros pour une personne ; la baisse de 10 % de la taxe foncière tant décriée, la diminution des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, les autoentrepreneurs et les agriculteurs…
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/apres-huit-annees-de-crise-athenes-desserre-les-son-etau-sur-les-grecs_5399684_3234.html
Pour calmer les policiers, l’Etat va payer les heures supplémentaires qu’il leur doit
Les discussions avec les syndicats doivent aboutir à un « calendrier » pour le paiement de 274 millions d’euros, selon le secrétaire d’Etat Laurent Nuñez.
Pour apaiser la colère des policiers, le gouvernement a d’ores et déjà proposé une prime de 300 euros aux forces de l’ordre mobilisées face aux « gilets jaunes ». CHRISTOPHE ENA / AP Face à la colère des policiers « épuisés » par une surcharge de travail, le ministère de l’intérieur met en place un « calendrier » pour payer aux policiers les 274 millions d’euros en heures supplémentaires que l’Etat leur doit, a annoncé le secrétaire d’Etat Laurent Nuñez sur RMC, mercredi 19 décembre : « En gros, c’est trois millions d’heures supplémentaires qui sont créées chaque année. Payer l’ensemble de ces heures, c’est un coût qui représente 274 millions d’euros. Ce paiement sera effectif selon un calendrier que nous allons définir, je vous le confirme. C’est ce dont nous discutons avec les organisations syndicales. » Mardi, Christophe Castaner avait rappelé que ce stock d’heures supplémentaires avait commencé à s’accumuler non pas « ces derniers mois » ou « cette dernière année, mais depuis des dizaines d’années ». « C’est un chantier que je veux ouvrir », avait-il ajouté. Pour comprendre les raisons de la colère : Conditions de travail et salaires, les policiers sont en colère Une prime de 300 euros Des gendarmes lors d’une visite du ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à Biarritz le 18 décembre. Bob Edme / AP Les discussions commencées, et suspendues, mardi soir, devaient se poursuivre mercredi avec les trois organisations syndicales représentatives chez les gardiens de la paix : Alliance, Unité SGP-Police-FO et UNSA-Police. En attendant, Unité SGP-Police-FO a rejoint le mouvement lancé par Alliance avec le mot d’ordre « fermons les commissariats ». Le syndicat a demandé « à tous les policiers de France de ne sortir que sur appel » d’urgence mercredi. La mobilisation des policiers n’a pas eu d’impacts importants mercredi, créant seulement des files d’attente plus longues qu’à l’habitude dans les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly, entraînant quelques dizaines de minutes de retard pour certains vols. Le gouvernement a aussi proposé une prime de 300 euros aux forces de l’ordre mobilisées lors des manifestations de « gilets jaunes ». Un amendement en ce sens a été adopté dans la nuit de mardi à mercredi à l’Assemblée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2019. Cette prime représente un coût de 33 millions d’euros. D’après Laurent Nuñez, le chiffre de 111 000 policiers et gendarmes auxquels elle doit être versée est « une base de départ ». « On discute actuellement du périmètre, c’est-à-dire le nombre de policiers et de gendarmes qui pourraient être concernés », a-t-il précisé.
19/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/19/le-gouvernement-prevoit-un-calendrier-pour-le-paiement-des-heures-supplementaires-dans-la-police_5399679_1653578.html
En Sierra Leone, fin d’une grève de deux semaines des médecins
Les deux principaux syndicats de praticiens ont trouvé un accord avec le gouvernement afin d’améliorer leurs conditions de travail.
Dans le Princess Christian Maternity Hospital de Freetown, en avril 2016. MARCO LONGARI / AFP Les deux principaux syndicats de médecins de Sierra Leone ont appelé mardi 18 décembre à une reprise du travail, mettant fin à deux semaines de grève, après un accord avec le gouvernement sur des mesures destinées à améliorer les conditions de travail et les infrastructures médicales. Les deux syndicats, la SLMDA (médecins et dentistes) et la Judasil (généralistes), « appellent tous les médecins à effectuer à nouveau leurs devoirs normalement », dans un communiqué commun, contresigné par le ministre de la santé, Alpha Tijan Wurrie. Les médecins généralistes de ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, au nombre d’environ 300 – un pour 100 000 habitants –, avaient entamé une grève le 4 décembre. Les hôpitaux manquent notamment de machines de dialyse, de cylindres à oxygène et de lits, tandis que de nombreux praticiens ont quitté le pays ou rejoint le privé, selon les syndicats. Pendant la grève, les responsables d’hôpitaux avaient dû faire appel à des médecins étrangers, britanniques et nigérians, et aux services d’infirmiers pour faire face aux cas les plus urgents, tandis que les plus fortunés se dirigeaient vers des cliniques privées. « Répondre à toutes les inquiétudes » Après une série de négociations, « le gouvernement a approuvé un calendrier pour répondre à toutes les inquiétudes soulevées, qui conduira inévitablement à une amélioration de la qualité des soins de santé en Sierra Leone », avait indiqué le gouvernement lundi soir dans un communiqué. « Le gouvernement a approuvé des mesures à court, moyen et long termes pour améliorer le bien-être des médecins et renforcer les infrastructures de santé », a expliqué à l’AFP le secrétaire général de la SLMDA, Abdul Njai, selon qui les généralistes sierra-léonais gagnent en moyenne moins de 250 dollars (220 euros) par mois. Lire aussi Sans assainissement, la Sierra Leone et le Liberia risquent de nouvelles épidémies Les médecins réclamaient, en vain jusqu’ici, une amélioration de leurs conditions de travail depuis la fin de l’épidémie d’Ebola qui a tué 4 000 personnes dans le pays entre 2014 et 2016. « Notre association continuera à travailler avec le gouvernement pour s’assurer que nos patients reçoivent les meilleurs soins », a indiqué le syndicat des généralistes Judasil. L’économie de cette ancienne colonie britannique, gangrenée par la corruption, a été dévastée par une guerre civile (1991-2002) qui a fait quelque 120 000 morts. Elle reste fragile après les chocs de l’épidémie d’Ebola et de la chute des cours mondiaux des matières premières.
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/en-sierra-leone-fin-d-une-greve-de-deux-semaines-des-medecins_5399676_3212.html
Exposition : nature morte, artistes en deuil
A Francfort, le Schirn réunit une centaine d’œuvres témoignant de la destruction par l’homme de son environnement.
« Tiger » (1965), de Gerhard Richter. GERHARD RICHTER 2018 La nature disparaît, victime de l’humanité, et les artistes la regardent ­disparaître. La maladie s’étant déclarée au XIXe siècle, il y a un siècle et demi que les œuvres s’accumulent, de même que les livres. La conscience de cette disparition s’accompagne d’une nostalgie de plus en plus intense du temps où il y avait encore des lieux que l’homme n’avait pas souillés et où rien ne dérangeait la vie sauvage. C’est le sujet de « Wilderness » (« sauvagerie »), l’exposition d’hiver au musée de la Schirn Kunsthalle de Francfort. Le Schirn est une institution d’un genre qui n’existe que trop peu en France : les expositions y sont le plus souvent construites sur des idées et des questions. On y a vu traités l’histoire des mouvements prophétiques avant et après 1900, la montée du nazisme dans les années 1920, le triomphe de la société de consommation. Le Schirn ose et réussit les expositions thématiques et transversales que l’on aimerait voir au Grand Palais à Paris. « Wilderness » ne réunit qu’une centaine de pièces d’une trentaine d’artistes très différents les uns des autres Autre principe du lieu : ne pas prétendre à l’exhaustivité, lui ­préférer l’exemplarité, confronter des œuvres à forte charge plutôt que faire des énumérations. « Wilderness » ne réunit donc qu’une centaine de pièces d’une trentaine d’artistes très différents les uns des autres. Dès l’entrée, trois peintures se font face. L’une est le célébrissime Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope, l’une des scènes de jungle du Douanier Rousseau, peinte aux alentours de 1900, parsemée d’extravagances zoologiques et botaniques. La deuxième, à peine moins connue, est le Tigre, de Gerhard Richter, toile exécutée en 1965 d’après photo, grisaille pâle et floue. La troisième est de Briton Rivière, peintre animalier britannique effroyablement académique dont la notoriété demeure restreinte à son pays natal. En 1894, il peint avec sa minutie maniaque habituelle un paysage intitulé Beyond Man’s Footsteps (« là où l’homme n’a pas posé le pied »). Le soleil se couche sur un glacier hérissé de pointes et percé de crevasses. Au sommet d’un bloc, un ours blanc, monarque de ce désert boréal, ­dévisage le soleil rouge, monarque du ciel. Vue aujourd’hui, alors que les ours blancs peinent à survivre, l’œuvre prend un sens que Briton Rivière n’avait pas anticipé : l’image idéale d’un temps révolu. Le Rousseau aussi. L’effacement visuel du tigre de Richter devient alors symbolique.
19/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/19/exposition-nature-morte-artistes-en-deuil_5399673_3246.html
Un explorateur noir découvre l’Europe : la pub qui dérange en Afrique du Sud
L’annonce télévisée de la chaîne de restauration rapide Chicken Licken a été interdite au motif qu’elle banalisait le thème de la colonisation.
Capture d’écran de la publicité de Chicken Licken. YouTube Les régulateurs sud-africains de la publicité ont interdit, mardi 18 décembre, une annonce télévisée qui montrait un homme noir découvrant un pays étranger au XVIIe siècle et le nommant « Europe », jugeant que l’on ne pouvait pas plaisanter avec le thème de la colonisation. L’annonce, pour une chaîne de restaurants de poulets, raconte une histoire inventée où un Noir quitte l’Afrique du Sud en 1650, navigue outre-mer et, après de nombreuses aventures, touche terre et rencontre des indigènes blancs portant des tricornes et des gilets. « Hola MaNgamla [bonjour les Blancs]. J’aime cet endroit, je crois que je vais l’appeler… l’Europe », dit l’homme en plantant sa lance dans le sol. Le Conseil de réglementation de la publicité a jugé que le message « banalise une question dérangeante pour de nombreux Sud-Africains ». « Renverser l’histoire de la colonisation pourrait être perçu comme ayant un certain élément d’humour… La réalité est que la colonisation de l’Afrique et de son peuple a été traumatisante », a expliqué l’instance régulatrice. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Afrique du Sud, une insulte raciste ruine la vie de son auteur « L’héritage de la colonisation, qui est un sujet sensible et conflictuel, n’est pas ouvert à l’exploitation humoristique », concluent les régulateurs, ajoutant que les Africains sous le régime colonial ne partaient pas volontairement et mouraient souvent de faim en cours de route dans des conditions inhumaines. La chaîne de restauration rapide Chicken Licken a expliqué que sa publicité pour son hamburger « Big John » était un conte « ironique » qui « ne cherchait en aucune façon à tourner en dérision les luttes de la colonisation » mais visait à renforcer « la fierté et le patriotisme des Sud-Africains ».
19/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/19/un-explorateur-noir-decouvre-l-europe-la-pub-qui-derange-en-afrique-du-sud_5399665_3212.html
Greffe de moelle osseuse : quand les cellules du donneur deviennent leucémiques
Phénomène très rare, transfusées à un patient leucémique en rémission, les cellules souches d’un donneur en bonne santé peuvent à leur tour devenir leucémiques.
Des hématologues français rapportent un phénomène extrêmement rare : après greffe de moelle osseuse à un patient en rémission complète d’une leucémie, les cellules souches du donneur en bonne santé peuvent à leur tour devenir leucémiques. Le patient greffé peut alors développer une nouvelle leucémie. La greffe de cellules souches hématopoïétiques est une procédure qui offre des perspectives de guérison aux patients atteints d’une leucémie, notamment ceux souffrant d’une leucémie aiguë myéloïde (LAM), qui prend naissance dans les cellules souches myéloïdes. Celles-ci se transforment normalement en globules rouges, en globules blancs ou en plaquettes. Dans la LAM, il y a surproduction de cellules souches myéloïdes anormales. Appelées blastes, ces cellules immatures envahissent la moelle osseuse qui ne peut alors plus assurer la production de cellules sanguines normales. Le traitement principal de la LAM est la chimiothérapie. Elle a pour but d’obtenir une rémission complète, définie par la disparition de tous les signes de la maladie et le fait que les blastes anormaux ne sont plus détectables dans la moelle osseuse et le sang. Après rémission complète, les médecins peuvent alors envisager d’administrer un traitement dit « de consolidation ». Celui-ci vise à empêcher les cellules leucémiques de réapparaître et donc de maintenir une rémission complète et prévenir la récidive. Ce traitement post-rémission peut consister en une greffe de cellules souches hématopoïétiques prélevées sur une personne en bonne santé. Les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes du patient sont alors remplacés par les cellules souches du donneur. On parle d’allogeffre lorsque le donneur est une personne différente du receveur. Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques Cette greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques nécessite de trouver un donneur compatible, en l’occurrence un frère ou une sœur. Dans les autres cas, il est nécessaire de trouver un donneur non apparenté compatible, c’est-à-dire un individu dont les cellules ont une carte d’identité génétique la plus proche possible de celle du receveur. Il arrive, de manière tout à fait exceptionnelle, que la greffe de cellules souches hématopoïétiques soit responsable d’une nouvelle leucémie chez un patient qui n’avait plus aucun signe de maladie leucémique. On parle alors de leucémie aiguë post-allogreffe de moelle développée à partir des cellules du donneur (donor cell leukemia, en anglais). Selon le registre européen des greffes de moelle osseuse, 14 cas de leucémie aiguë ont été identifiés après 10 000 greffes de cellules souches hématopoïétiques. Des biologistes moléculaires et hématologues du CHU d’Angers rapportent deux cas de leucémie à partir du donneur (donor cell leukemia) dans le numéro daté d’octobre 2018 de l’European Journal of Haematology. Leucémie à partir des cellules du donneur La première observation clinique concerne un patient d’une vingtaine années qui avait été traité avec succès par chimiothérapie pour sa leucémie aiguë myéloïde (LAM) avant de recevoir une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Le donneur était sa sœur. Vingt-trois ans plus tard, le patient a développé un nouveau type de leucémie, une leucémie aiguë promyélocytaire (LAP). Chez ce receveur, les analyses génétiques ont montré que les cellules leucémiques provenaient de sa sœur. Le patient a été traité avec succès par chimiothérapie et acide trans-rétinoïque. Il est depuis en rémission complète. Jusqu’à ce jour, sa sœur n’a pas développé de leucémie, 33 ans après avoir fait un don de moelle osseuse. Le second cas est celui d’une cinquantenaire chez laquelle on avait diagnostiqué une leucémie aiguë myéloïde (LAM). Après obtention d’une première rémission complète, cette patiente avait reçu sept mois plus tard une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Deux ans après la greffe, les examens sanguins et de la moelle osseuse révèlent une rechute leucémique avec présence de cellules anormales provenant de la donneuse. Là encore, il s’agit d’une leucémie aiguë promyélocytaire (LAP). Celle-ci a été traitée avec succès, avec obtention d’une rémission complète et durable. Hypothèses multiples Comment expliquer l’apparition d’une nouvelle leucémie aiguë après une greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques chez ces deux patients ? Le donneur aurait-il transmis des cellules leucémiques au receveur ? Dans les deux cas rapportés par les médecins et biologistes du CHU d’Angers, la leucémie du receveur ne résulte pas du transfert de cellules leucémiques provenant de la moelle osseuse du donneur. En effet, les deux donneurs n’ont pas développé de leucémie par la suite, qu’il s’agisse de la sœur qui a fait un don de moelle osseuse à son frère ou de la donneuse du second patient. Par ailleurs, aucune anomalie génétique n’a été détectée sur les échantillons conservés de cellules souches de cette donneuse. Il arrive cependant que dans de rares cas le donneur et le receveur développent des leucémies dont les cellules tumorales partagent les mêmes caractéristiques biologiques. Il s’agit alors effectivement d’un transfert d’un clone de cellules anormales (leucémie occulte) du donneur au receveur. Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer la survenue d’anomalies génétiques dans les cellules souches hématopoïétiques des donneurs, mutations à l’origine d’une leucémie chez le patient receveur. Après l’allogreffe de moelle, des mutations génétiques pourraient se produire dans les cellules souches du donneur car, une fois transférées, elles sont contraintes de se diviser à un rythme soutenu pour repeupler la moelle osseuse. En effet, un taux de prolifération élevé est souvent corrélé à une plus grande probabilité de survenue de mutations lors de la réplication de l’ADN. Par ailleurs, pour accepter la greffe de cellules souches hématopoïétiques, le receveur subit un conditionnement, c’est-à-dire un traitement consistant à mettre son organisme dans les meilleures conditions pour recevoir les cellules du donneur. Celui-ci est réalisé dans les jours qui précèdent la greffe et a pour but de provoquer une immunosuppression suffisante chez le receveur pour empêcher son système immunitaire de rejeter la greffe. Si des cellules leucémiques se développent par la suite, le système immunitaire n’est alors pas capable de les détecter, ce qui peut finalement aboutir à l’apparition d’une leucémie. Micro-environnement cellulaire Enfin, la chimiothérapie et/ou la radiothérapie, qui a permis d’obtenir une rémission complète de la leucémie, pourrait avoir endommagé le fragile milieu dans lequel résident les cellules souches au sein de la moelle osseuse. Endommagé par les traitements antérieurs, ce micro-environnement pourrait devenir propice à l’acquisition de nouvelles anomalies génétiques dans les cellules souches du donneur, dont certaines deviendraient tumorales. Les anomalies du micro-environnement pourraient donc favoriser le développement et la croissance de cellules leucémiques à partir des cellules souches de la moelle osseuse du donneur. D’autres mécanismes ont été proposés pour expliquer la transformation des cellules souches du donneur en cellules tumorales. Il est théoriquement possible, après infection par un virus, que certaines séquences virales oncogènes trouvent une place dans le génome des cellules souches hématopoïétiques du donneur. Autre possibilité : des fragments d’ADN de cellules leucémiques résiduelles pourraient pénétrer dans les cellules souches du donneur et s’intégrer à leur génome. Une autre hypothèse repose sur l’existence chez le donneur d’une éventuelle prédisposition génétique à développer une hémopathie maligne (cancer du sang). Dans un tel contexte, le génome des cellules sanguines dérivées des cellules souches du donneur finiraient par acquérir des mutations génétiques après la greffe. Avec pour conséquence le développement de cellules leucémiques chez le receveur. Il est néanmoins peu probable qu’un seul mécanisme suffise à entraîner chez le receveur une leucémie aiguë post-greffe après transformation maligne de cellules souches du donneur. 137 cas de leucémie aiguë post-allogreffe de moelle Le premier cas de leucémie dérivée des cellules de donneur a été décrit en 1971. Depuis, on en compte plus de 137 cas publiés dans la littérature médicale. Certains cas concernent des enfants âgés de 5 à 16 ans. La moitié d’entre eux ont 6 ans. Dans un cas sur deux, une leucémie aiguë survient 30 mois après la greffe. Sa survenue 23 ans après allogreffe chez un patient constitue donc un record, font remarquer les hématologues du CHU d’Angers. Selon les cas, les cellules souches hématopoïétiques proviennent de la moelle osseuse, du sang périphérique, du sang de cordon ombilical. Une étude espagnole publiée en juillet 2018 a montré que le délai entre la greffe et l’apparition d’une leucémie est en moyenne de 15 mois lorsque les cellules souches sont récoltées à partir de sang de cordon, de 36 mois à partir de la moelle osseuse et de 24 mois à partir du sang périphérique. La leucémie dérivée des cellules du donneur diffère fréquemment sur le plan cellulaire et/ou génétique de celui de la pathologie leucémique initiale. Ainsi, dans 67 % des cas, la leucémie aiguë post-allogreffe n’est pas la même que la première. Cette complication rarissime ne saurait évidemment remettre en cause l’allogreffe de moelle osseuse dans la prise en charge thérapeutique des patients atteints de leucémie, ni l’importance du don de moelle osseuse. La transformation, dans l’organisme du receveur, de cellules souches hématopoïétiques en cellules tumorales à partir d’un donneur sain constitue un modèle d’étude du développement précoce d’une leucémie. Avec à la clé une meilleure caractérisation des mécanismes génétiques impliqués et la découverte de mutations prédisposant à certaines hémopathies malignes. Selon les auteurs, dans le futur, il pourrait être possible de dépister parmi les donneurs, en particulier les plus âgés, ceux qui présenteraient une prédisposition génétique à développer une leucémie ou ceux déjà porteurs de cellules souches pré-leucémiques. De tels donneurs seraient récusés pour la greffe. Au final, ne seraient finalement sélectionnés que « les meilleurs donneurs disponibles ». Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, sur Facebook) Toute reproduction interdite. Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle. Pour en savoir plus : Bouvier A, Ribourtout B, François S, Orvain C, Paz DL, Beucher A, Guérard A, Guardiola P, Ugo V, Blanchet O, Geneviève F, Schmidt A, Hunault-Berger M. Donor cell-derived acute promyelocytic leukemia after allogeneic hematopoietic stem cell transplantation. Eur J Haematol. 2018 Oct;101(4):570-574. doi: 10.1111/ejh.13143 Suárez-González J, Martínez-Laperche C, Martínez N, Rodríguez-Macías G, Kwon M, Balsalobre P, Carbonell D, Chicano M, Serrano D, Triviño JC, Piris MÁ, Gayoso J, Díez-Martín JL, Buño I. Whole-exome sequencing reveals acquisition of mutations leading to the onset of donor cell leukemia after hematopoietic transplantation: a model of leukemogenesis. Leukemia. 2018 Aug;32(8):1822-1826. doi: 10.1038/s41375-018-0042-z Suárez-González J, Martínez-Laperche C, Kwon M, Balsalobre P, Carbonell D, Chicano M, Rodríguez-Macías G, Serrano D, Gayoso J, Díez-Martín JL, Buño I. Donor Cell-Derived Hematologic Neoplasms after Hematopoietic Stem Cell Transplantation: A Systematic Review. Biol Blood Marrow Transplant. 2018 Jul;24(7):1505-1513. doi: 10.1016/j.bbmt.2018.01.033 Kawa MP, Baumert B, Litwińska Z, Gniot M, Pius-Sadowska E, Rogińska D, Lewandowski K, Zdziarska B, Machaliński B. Potential Leukemic Cells Engraftment After Hematopoietic Stem Cell Transplantation From Unrelated Donors With Undiagnosed Chronic Leukemia. Transplant Proc. 2018 Apr 18. pii: S0041-1345(18)30606-7. doi: 10.1016/j.transproceed.2018.04.036 Shiozaki H, Yoshinaga K, Kondo T, Imai Y, Shiseki M, Mori N, Teramura M, Motoji T. Donor cell-derived leukemia after cord blood transplantation and a review of the literature: differences between cord blood and BM as the transplant source. Bone Marrow Transplant. 2014 Jan;49(1):102-9. doi: 10.1038/bmt.2013.127 Wiseman DH. Donor cell leukemia: a review. Biol Blood Marrow Transplant. 2011 Jun;17(6):771-89. doi: 10.1016/j.bbmt.2010.10.010 LIRE aussi : Quatre patients atteints de cancer du sein après greffe d’organe d’un même donneur Devenir allergique après une greffe d’organe ou de moelle osseuse
19/12/2018
blog
http://realitesbiomedicales.blog.lemonde.fr/2018/12/19/greffe-de-moelle-osseuse-quand-les-cellules-du-donneur-deviennent-leucemiques/
Gilets Jaunes : qu’est-ce qu’un délégué représentatif ?
La baisse de la participation aux élections professionnelles pose des problèmes de représentativité qui concerne aussi la démarche des « gilets jaunes », ces « décrocheurs de la démocratie » politique, selon Pierre Rosanvallon, qui le sont aussi en matière sociale.
« En France, depuis la loi du 20 août 2008, la représentativité syndicale n’est plus fondée sur le nombre d’adhérents mais sur un pourcentage minimum d’électeurs. » Cécile Bertrand/Cartoonbase / Photononstop Droit social. L’histoire semble repasser les plats. Car les brûlantes questions posées en décembre 2018 rappellent les débats ayant précédé la loi de la création des syndicats par Pierre Waldeck-Rousseau et votée le 21 mars 1884. En acceptant de « légaliser la classe ouvrière », le ministre de l’intérieur de Jules Ferry leur avait aussi donné un rôle d’encadrement d’éventuelles dérives : leurs statuts, où figurerait le nom des « responsables », devaient ainsi être transmis au préfet et au procureur… Alors que la critique des syndicats et plus largement des corps « intermédiaires » structurés est tendance, l’éruption des « gilets jaunes » a rappelé leur nécessité : depuis soixante ans, aucune manifestation syndicale n’a entraîné la mort de six personnes, et aucun employeur ne peut négocier avec des contestataires inorganisés. Que des citoyens ne se sentant pas représentés aient du mal à désigner leurs mandants n’est guère étonnant. Mais si leur mouvement perdure, ils n’échapperont pas à l’exigence d’une « représentation ». D’abord, car il est physiquement et temporellement impossible de négocier avec plusieurs personnes. L’intérêt d’une présence syndicale est de faire la synthèse, hiérarchiser les revendications, expliquer que « Tout, ou rien » mène rarement au succès. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La réforme du travail va accroître « la possibilité de se libérer » de l’emprise de la finance Ensuite, car une multiplication de négociations individuelles conduisant à des résultats différents, surgit la question de l’égalité de traitement, source de nouveaux conflits. Pour ces raisons très terre à terre, à la fin du XIXe siècle, des employeurs ont, pour négocier un accord de fin de conflit, demandé aux grévistes de désigner leurs « délégués du personnel » légalisés en 1936, permettant la signature des très égalitaires « conventions » littéralement « collectives ». Mais comment choisir ces délégués ? Faut-il privilégier les charismatiques « porte-parole » du mouvement, aujourd’hui les bons clients des journaux télévisés ? Excellente pour populariser les revendications à notre époque où le soutien de l’opinion est essentiel, cette fonction tribunitienne se révèle insuffisante lorsqu’il s’agit de négocier une sortie de crise. Représentativité Car, côté puissance publique comme côté employeur, une éventuelle signature comportant des contreparties doit être suivie d’effets. Se pose donc la question de la représentativité réelle des futurs négociateurs, dans notre monde beaucoup moins vertical y compris côté syndical, et dominé par les réseaux sociaux à l’horizontalité offensive : aucune tête ne doit dépasser, et le référendum est permanent.
19/12/2018
emploi
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/12/19/gilets-jaunes-qu-est-ce-qu-un-delegue-representatif_5399657_1698637.html
Altifort choisi pour reprendre l’aciérie d’Ascoval
La justice a choisi, ce mercredi, de confier le site nordiste à la société franco-belge Altifort.
Des salariés d’Ascoval, à l’usine nordiste de Saint-Saulve, le 12 décembre. FRANCOIS LO PRESTI / AFP Ascoval vivra. Mercredi 19 décembre, la chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg a autorisé, comme attendu, Altifort à reprendre l’aciérie d’Ascoval. Le groupe franco-belge, soutenu à la fois par les salariés de l’aciérie de Saint-Saulve (Nord) et les pouvoirs publics, a en effet convaincu en audience la justice commerciale. Après la reprise du groupe Ascométal, en janvier, Ascoval, codétenue par cette société reprise par Schmolz + Bickenbach et Vallourec, avait été laissée au bord du chemin. A charge pour le TGI de Strasbourg de lui trouver un repreneur. Plusieurs sociétés et fonds ont marqué leur intérêt pour l’usine modernisée, en 2014, par Vallourec, mais seul Altifort a persévéré. Le groupe dirigé par Bart Gruyaert et Stanislas Vigier, qui a repris une vingtaine d’usines mécaniques ces dernières années, s’engage à sauver 281 emplois du site valenciennois. Pour cela, il a accepté de se passer des commandes du spécialiste des tubes sans soudure pour le secteur parapétrolier. 152 millions d’euros investis FRANCOIS LO PRESTI / AFP Depuis plusieurs semaines, les équipes d’Altifort et d’Ascoval cherchent, sans relâche, des clients pour assurer, à l’avenir, la charge de l’usine. Le groupe assure disposer de lettres d’engagements suffisantes pour écouler la production d’acier ordinaire et d’aciers spéciaux pour les années à venir. Le groupe franco-belge a également prévu d’investir dans un train à fil, qui permettra de monter dans la chaîne de valeur et de fournir les tréfileries du groupe. Plusieurs dizaines de nouveaux emplois devraient être créés. Pour financer son développement, le groupe industriel, qui compte 1 500 salariés, a l’intention d’investir 152 millions d’euros à Saint-Saulve. La société apportera 35 millions d’euros. Elle mobilisera également 40 millions d’euros de crédit-bail pour le financement du futur train à fil et 30 millions d’euros d’affacturage. Enfin, l’Etat, la région Hauts-de-France et Valenciennes se sont engagés à prêter jusqu’à 47 millions d’euros. Même si le chemin est étroit, le cabinet Roland Berger a jugé crédible, début novembre, le projet. Pour le valenciennois et pour les salariés qui vivent dans l’angoisse d’une fermeture de l’usine depuis un an, trouver un repreneur est un véritable soulagement. Une assemblée générale avait lieu, mercredi à 14 heures, à l’usine, afin de faire le point sur les décisions de justice. La reprise effective par Altifort de cette aciérie créée en 1975 est prévue le 1er février 2019.
19/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/ascoval-le-denouement-pour-les-281-salaries_5399653_3234.html
Opérette : la résurrection d’« Azor », désordre virtuose
L’œuvre de Gaston Gabaroche, créée en 1932, renaît en toute liberté sur la scène de l’Athénée-Théâtre Louis-Jouvet à Paris.
« Azor », de Gaston Gabaroche, par la compagnie Quand on est trois. NICOLAS SPANOUDIS Il est d’une humeur de dogue quand il n’est pas dans ses vers. Poète à ses heures, Azor (c’est son surnom, mais pas son nom de plume), officie comme commissaire de police dans le quartier d’Auteuil, à Paris. Tel est le personnage principal de la « comédie policière » Azor, créée en 1932 aux Bouffes-Parisiens et tirée de l’oubli pour constituer l’affiche de l’Athénée-Théâtre Louis-Jouvet, à partir du 20 décembre. Aussi riche en correspondances que le métro parisien (dont la carte, en grand format, plante le décor de la première scène), l’intrigue vaut sans cesse au spectateur de sauter d’un quai à l’autre, du présent contraignant à l’avenir rêvé, du théâtre de boulevard (les quiproquos prisés par Feydeau) à la scène lyrique (avec, entre autres, un clin d’œil à Carmen), de l’entre-deux-guerres (en musique, avec one-step et rumba) à l’intemporel (l’argot parisien). La mise en scène de Stéphan Druet va dans le sens du parti d’origine, qui consistait à jongler avec les repères Pris dans l’engrenage des passions amoureuses, Azor doit subir les assauts d’une ancienne maîtresse (mariée à un notable jaloux), alors que sa flamme est entretenue par une jeune inconnue (dont il ignore encore qu’elle est la fille du ministre de la justice) et qu’il s’est lié d’amitié avec Cloclo-la-Panthère (une habituée du panier à salade qui en pince pour lui tout en étant proche d’un truand très recherché, Kiki-le-Frisé). La mise en scène de Stéphan Druet va dans le sens du parti d’origine, qui consistait à jongler avec les repères. Les anachronismes sont donc monnaie courante dans son spectacle aux allures de feu d’artifice (ça tire dans tous les coins, parfois de manière un peu gratuite, comme lorsqu’une gendarmette laisse libre cours à ses pulsions lesbiennes avec une femme mise au trou pour la nuit), qui culmine dans une soirée psychédélique (c’est le mot, introduit dans les répliques d’aujourd’hui). Chenil pour jeux de mots Le travail du metteur en scène rend aussi sensible l’indéniable parenté entre Azor et Irma la Douce, comédie musicale qui, en 1956, avec un même accent de titi parisien, chantera l’amour entre un ex-flic (Nestor) et une prostituée (Irma) sous le couvert d’une poésie à double sens. D’ailleurs, n’y dit-on pas d’Irma, lors d’un chœur aux rythmes latinos, qu’« elle a du chien » ? La nouvelle production d’Azor (vue en novembre après une semaine de résidence au Théâtre Montansier, à Versailles) en a aussi, et à revendre. Un vrai chenil pour jeux de mots de toutes espèces. Le livret est signé Albert Willemetz (bien connu pour ses collaborations avec Maurice Yvain, mais peu mis à contribution ici), Max Eddy (pour quelques couplets) et Raoul Praxy (majoritairement).
19/12/2018
musiques
https://www.lemonde.fr/musiques/article/2018/12/19/operette-la-resurrection-d-azor-desordre-virtuose_5399646_1654986.html
Réduire l’absentéisme en comprenant l’évolution du rapport au travail
L’absentéisme en France coûterait 108 milliards d’euros par an. Quelle est la part attribuable au cadre de travail et à l’augmentation du nombre de salariés âgés ?
« Absentéisme : l’alerte rouge. Panser et repenser le travail », de Fabien Piazzon (Nouveaux Débats publics, 152 pages, 12 euros). D.R Livre. Le taux d’absentéisme est une mesure lisible, visible et inquiétante. Il atteint, pour l’année 2017, 4,72 % des heures de travail, soit 17,2 jours d’absence par salarié, selon le baromètre Ayming 2018. On ignore pourtant souvent qu’il n’est que « la partie émergée d’un immense iceberg », rappelle Fabien Piazzon : avant de s’absenter, le salarié a vécu neuf autres formes de souffrance ou de démotivation, qui ont déjà produit des effets néfastes sur la performance de l’entreprise. Dans Absentéisme : l’alerte rouge, l’enseignant et consultant balaie les idées fausses – non, le salarié absent n’est pas paresseux et, non, la souffrance au travail n’est pas une fatalité – et invite le dirigeant à s’interroger sur la part de l’absentéisme attribuable au cadre du travail qu’il offre. Un questionnement d’autant plus nécessaire que l’alerte sera écarlate demain : l’augmentation du nombre de salariés âgés va encore accroître l’absentéisme. Les salariés qui ont aujourd’hui 50 ans ont été imprégnés de l’idée qu’ils allaient travailler jusqu’à 60 ou 62 ans ; le recul de l’âge de la retraite crée les conditions d’une extrême démotivation, estime celui qui, depuis quinze ans, accompagne entreprises et employeurs publics dans la prévention des risques professionnels et de l’absentéisme. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La faible qualité du management français est confirmée par de nombreuses enquêtes de terrain » L’entreprise devra mener une réflexion pour maintenir dans l’emploi des salariés âgés qui n’auront pas les mêmes capacités cognitives et physiques que leurs prédécesseurs. Enjeu crucial pour les entreprises aujourd’hui, et demain pour les assurances qui devront continuer à financer ces hausses d’absentéisme par la hausse des cotisations. Selon une étude de l’institut Sapiens, l’absentéisme au travail en France coûterait 108 milliards d’euros par an, soit 4,7 % du PIB. « Une société de RTT » L’auteur ne se contente pas de déplorer le gâchis. « Dans un véritable plaidoyer sur les ressorts de l’engagement, cet essai met en valeur les paramètres sur lesquels l’employeur a pris – et ils sont nombreux », se réjouit dans la préface Hervé Lanouzière, membre de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS). A une condition, néanmoins : l’employeur ne peut réduire l’absentéisme dans son entreprise que s’il le comprend « comme le révélateur d’un défaut dans le rapport au travail, qu’il le sorte de la banalité de la fatalité », souligne Fabien Piazzon. Explosion du secteur tertiaire, multiplication du nombre de contrats de travail courts et à temps partiel, intensification des rythmes de travail ; interpénétration de la vie professionnelle et de la vie privée, intégration des nouvelles technologies… Tous les équilibres en place autour du travail ont changé, faisant apparaître des frictions : clients insatisfaits, entreprises peu performantes, salariés mécontents. « Fondamentalement, ce sont les mentalités collectives qui ont changé : nous vivons aujourd’hui dans une société de RTT, où le fait de profiter de la vie, de pratiquer des loisirs, de passer du temps avec sa famille, de s’intéresser à soi, a pris une importance déterminante. » L’absentéisme est révélateur de cette problématique.
19/12/2018
emploi
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/12/19/reduire-l-absenteisme-en-comprenant-l-evolution-du-rapport-au-travail_5399641_1698637.html
Un écrin pour l’art contemporain à Potomac, dans le Maryland
Inauguré en octobre, le nouveau Musée Glenstone réunit les œuvres acquises par le couple de collectionneurs Mitchell et Emily Wei Rales.
A Potomac (Maryland), le Musée Glenstone déploie ses larges baies vitrées autour d’un point d’eau parsemé de nénuphars. SAUL LOEB / AFP La route serpente au milieu d’arbres aux cimes indiscernables et longe des prairies clôturées de barrières d’un blanc immaculé. Le regard ne sait sur quelle mansion s’arrêter tant les propriétés de cette banlieue riche de Washington rivalisent de gigantisme et de diversité architecturale. C’est dans ce paysage bucolique de Potomac (Maryland), à quarante minutes de voiture de la capitale fédérale, que se niche le nouveau lieu culturel le plus zen de la région. Le Musée Glenstone déploie ses larges baies vitrées autour d’un point d’eau parsemé de nénuphars. Ses bâtiments cubiques en béton gris épousent les vallonnements de l’immense prairie sur laquelle les propriétaires, les milliardaires Mitchell Rales, 62 ans, et sa femme Emily Wei Rales, 42 ans, ont conçu l’écrin de leurs œuvres, les peintures, sculptures, installations d’une soixantaine d’artistes d’art moderne et contemporain puisées dans leur collection personnelle – qui compte 1 300 œuvres –, ou achetées à dessein. L’ensemble du projet, plantation de 8 000 arbres comprise, leur a coûté 200 millions de dollars (176,5 millions d’euros). « Collapse », une œuvre monumentale du pionnier du land art, Michael Heizer, intégrée dans la nature autour du Musée Glenstone. SAUL LOEB / AFP La déambulation commence avant même l’entrée dans l’un des pavillons. Intégrées dans la nature, des œuvres monumentales de Richard Serra, Tony Smith, Andy Goldsworthy ou du pionnier du land art, Michael Heizer, invitent à une randonnée champêtre. A lui seul, un Split-Rocker, de Jeff Koons, une tête d’animal hybride composée de 24 000 fleurs multicolores, emploie un horticulteur à plein temps. Intention contemplative Au pied des sculptures, un titre et un nom. Rien de plus. Même dépouillement dans les salles des bâtiments qui abritent une ou plusieurs œuvres. Le couple de collectionneurs a une idée très précise de la manière dont l’œil doit regarder l’art. Et une manière toute personnelle de partager sa passion. Le musée, gratuit, a ouvert ses portes en octobre et n’accueille que 400 personnes par jour. Emily Wei Rales et Mitchell Rales, le couple de collectionneurs et fondateurs du Musée Glenstone, à Potomac (Maryland), le 21 septembre 2018. SAUL LOEB / AFP « On espère que les visiteurs vont “ralentir”, qu’ils vont savoir profiter des changements de couleur dans les galeries », expliquaient les Rales, lors de la présentation. L’absence de texte ou de mise en perspective historique dans la présentation des œuvres relève de cette intention contemplative. Une cohorte de guides en uniforme sont présents dans les salles pour éclairer le visiteur. Dans les salles intérieures, l’utilisation des appareils photo et des téléphones est proscrite. En revanche, nulle entrave ou « cordon de sécurité » n’interdit de s’approcher des œuvres.
19/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/19/un-joyau-pour-l-art-contemporain-a-potomac-dans-le-maryland_5399634_3246.html
« On est moins respectés lors des opérations de secours » : les pompiers sont plus souvent agressés
Ces violences restent rares – 2 813 agressions sur 4,7 millions d’interventions en 2017 – et sont parfois le fait des personnes qu’ils viennent secourir.
Manifestation des « gilets jaunes » autour de la place de l’Etoile. La brigade de sapeurs-pompiers de Paris intervient pour éteindre des voitures en feu, avenue Kléber. JULIEN MUGUET POUR LE MONDE Trois fois plus d’agressions en dix ans : depuis quelques années, les pompiers envoyés secourir les personnes sont de plus en plus exposés aux violences provoquées par les détresses sociales, les comportements individualistes ou les excès d’alcool et de drogues. Le nombre d’agressions déclarées par les sapeurs-pompiers en intervention a grimpé de 23 % en 2017, après 17,6 % en 2016, selon les derniers chiffres publiés mercredi 19 décembre par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) du ministère de l’intérieur. Et l’année 2018 semble prendre le même chemin : à Paris et en petite couronne, 293 pompiers ont été agressés sur les onze premiers mois de l’année, contre 198 sur toute l’année 2017, selon la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). « Ces agressions sont d’autant plus inacceptables qu’elles peuvent mettre en danger les vies des personnes que les pompiers viennent secourir », souligne le capitaine Guillaume Fresse, de la BSPP. Détresse sociale, alcool ou stupéfiants Si ces violences restent relativement rares (2 813 pompiers agressés sur 4,7 millions d’interventions), leur hausse continue inquiète la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), qui réclame des mesures « fortes » de l’Etat pour mieux protéger ses quelque 147 000 troupes. « Les hausses significatives de ces dernières années sont notamment le fait de personnes en détresse sociale, fortement alcoolisées ou sous l’emprise de stupéfiants », explique à l’AFP le capitaine Fresse, de la BSPP. « Ces hausses ne sont pas anodines. Elles reflètent ce que l’on perçoit dans les interventions à travers le territoire. On est moins respectés lors des opérations de secours, avec des gens insatisfaits, aux comportements de consommateurs, des réactions épidermiques très fortes », abonde Eric Florès, directeur de la communication de la FNSPF. Les agresseurs sont soit les personnes qu’ils viennent secourir, soit leurs proches, soit des témoins qui passaient par là. En septembre 2018, pour la première fois depuis près de dix ans en France, un pompier est mort tué par la personne qu’il était venu secourir : un pompier de la BSPP de 27 ans, poignardé dans le Val-de-Marne. Mesures réclamées au gouvernement LUDOVIC MARIN / AFP La FNSPF avait alors appelé le gouvernement à faire en sorte que les forces de l’ordre soient systématiquement déployées aux côtés des pompiers lors des interventions jugées à risques. La FNSPF lui réclame d’autres « mesures fortes » pour anticiper les risques, comme le maintien du réseau pompier à travers tout le territoire et la mise en place de centres départementaux de réception des appels d’urgence avec un seul numéro (le 112) commun aux pompiers, à la police, à la gendarmerie et au SAMU. En 2017, 62 % des sapeurs-pompiers agressés ont déposé plainte, contre 59 % en 2016. Des pompiers hésitent à le faire dans les zones rurales, de peur des représailles : pour le systématiser, la FNSPF demande également au gouvernement de faire en sorte qu’ils puissent le faire anonymement. Ainsi qu’une politique pénale de tolérance zéro pour les agresseurs de pompiers. En chiffres En 2017, le nombre d’agressions en France a atteint 2 813 (soit en moyenne six pompiers agressés pour 10 000 interventions), contre 2 280 en 2016 (cinq pour 10 000). Le nombre de sapeurs-pompiers agressés pour 10 000 interventions en 2017 a été le plus élevé en Nouvelle-Aquitaine (14), en Bourgogne-Franche-Comté (13), dans le Grand Est (9) et les Hauts-de-France (8). Le nombre d’agressions déclarées a notamment explosé à Paris et à Marseille, où les pompiers sont militaires : + 74 % pour ceux de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et + 68 % pour ceux du bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM).
19/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/19/les-agressions-contre-les-pompiers-en-hausse_5399624_3224.html
Parcoursup : en 2019, le gouvernement promet un calendrier resserré
La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a reconnu « une lenteur » cet été. L’année prochaine, « la phase principale fermera bien plus tôt, le 19 juillet au lieu du 5 septembre ».
Moins de stress, l’été prochain, pour les futurs étudiants ? Alors que la plate-forme d’orientation destinée aux élèves de terminale sera mise en ligne jeudi – d’abord pour une phase d’information sur la procédure et les filières, les lycéens ne pourront commencer à faire leurs choix qu’à partir du 22 janvier –, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche annonce un calendrier resserré pour Parcoursup, mercredi 19 décembre. En 2019, la phase principale s’achèvera le 19 juillet, et non le 5 septembre, comme l’an dernier, selon des informations du Parisien et de France Inter. « Lors de la précédente session, il y a eu de la lenteur en août. L’an prochain, la phase principale fermera bien plus tôt, le 19 juillet au lieu du 5 septembre », affirme Frédérique Vidal au Parisien. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Parcoursup : quels sont les ajustements prévus en 2019 ? Une réponse un mois et demi plus tôt Avec ce nouveau dispositif, la quasi-totalité des candidats devraient avoir reçu une réponse à leurs vœux d’orientation un mois et demi plus tôt qu’en 2018, assure aussi à France Inter Jérôme Teillard, en charge de Parcoursup au ministère de l’enseignement supérieur. Frédérique Vidal pointe également un autre changement : le candidat sur liste d’attente devrait pouvoir connaître non seulement son rang, mais aussi celui du dernier appelé l’année d’avant. « S’il voit que d’autres avant lui ont été pris alors qu’ils étaient dans les 700 sur une liste d’attente pour une formation de 500 places, cela le déstressera », explique la ministre. Mise en place en 2018, la procédure Parcoursup a essuyé, lors sa première édition, de multiples critiques.
19/12/2018
bac-lycee
https://www.lemonde.fr/bac-lycee/article/2018/12/19/calendrier-resserre-pour-parcoursup-2019_5399618_4401499.html
En Australie, Mojo Juju chante son métissage et sort enfin de l’ombre
D’origine asiatique et aborigène, l’auteure-compositrice-interprète a longtemps souffert du racisme. Son troisième album « Native Tongue », la propulse sur le devant de la scène pop australienne.
« Native Tongue » vient de remporter la victoire du clip de l’année dans deux cérémonies récompensant des artistes australiens. CAPTURE D’ÉCRAN Dans l’industrie musicale, Mojo Juju ne cochait pas les bonnes cases. « Trop queer, la peau trop foncée, pas assez jolie pour vendre des disques », selon ses propres mots publiés dans le Guardian du 21 août 2018. Pendant longtemps, cette auteure-compositrice-interprète australienne a écumé les petites salles et occupé les ondes des radios communautaires. Jusqu’à ce que Native Tongue (langue maternelle), son troisième album, sorti le 24 août et acclamé par la critique, propulse son visage androgyne en haut de l’affiche. Le 23 novembre, elle a remporté deux fois la victoire du clip de l’année dans deux cérémonies distinctes récompensant des artistes australiens. Le 28 novembre, elle a été nominée dans trois catégories, dont « album de musique urbaine » et « artiste révélation de l’année », aux prestigieux ARIA Awards. Depuis septembre, les concerts de sa tournée sur l’île-continent, rodée à l’Opéra de Sydney, se jouent à guichets fermés. « Je ne pouvais pas me retrouver dans un héritage anglo-saxon parce que l’on me disait constamment que je n’étais pas blanche. » Mojo Juju Mêlant gospel, R’n’B, soul et pop, « Native Tongue », qui est aussi le titre de la première chanson de l’album, raconte une quête d’identité, de racines et d’appartenance. « Je ne sais pas où est ma place », lâche la jeune femme de sa voix claire et puissante dans l’introduction rythmée par les chœurs de l’ensemble Pasefika Vitoria Choir. Dans le clip, sa silhouette massive, engoncée dans un long manteau de fourrure, avance à travers champs, encadrée par trois danseurs aborigènes. Le regard déterminé, presque rageur, elle fixe la caméra. « Je ne vais pas m’excuser d’être là. Chaque fois que vous me saquerez, je reviendrai encore plus féroce. Fini le temps d’être gentil. » Dans toutes les petites villes où elle a grandi, Mojo Juju a toujours eu le sentiment de ne pas être à sa place. Sa dégaine masculine, ses traits asiatiques et sa peau foncée n’ont cessé de susciter interrogations, rejet et racisme. Mojo Ruiz de Luzuriaga, de son vrai nom, est la fille d’un immigré philippin et l’arrière-petite-fille d’un Aborigène du groupe des Wiradjuri. La défense de son identité « Je ne pouvais pas me retrouver dans un héritage anglo-saxon parce que l’on me disait constamment que je n’étais pas blanche », a-t-elle régulièrement expliqué à la presse locale. Mais, de ses autres héritages, elle ne sait pratiquement rien. Son père, par souci d’intégration dans une Australie qui a pratiqué, jusqu’au début des années 1970, la « White Australia policy » – une politique migratoire qui privilégiait l’immigration européenne blanche –, ne lui a transmis ni sa langue ni sa culture. La liaison de son arrière-grand-mère avec un Aborigène, considérée comme honteuse, est toujours restée un secret de famille. Au début des années 2000, quand la jeune guitariste se lance dans la musique, elle ne s’intéresse guère à cette histoire complexe. Elle n’a qu’une obsession : vivre de son art. Elle commence à se produire avec les Snake Oil Merchants, avant de se lancer en solo. C’est finalement le regard des autres qui la pousse à s’interroger sur ses racines, puis à défendre son identité et, dès lors, la cause des minorités. Son album est le résultat de cette exploration. Deux des titres, parlés, sont des enregistrements des voix de son père et de sa grand-mère. Sur scène, elle projette des photos de ses ancêtres et revêt les couleurs aborigènes. Néanmoins, Mojo Juju ne se veut pas porte-drapeau, juste témoin. Témoin de cette autre Australie qui peine encore à trouver sa place dans un pays multiculturel où l’égalité des chances est pourtant revendiquée comme l’une de ses valeurs fondamentales. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les Aborigènes, toujours en lutte pour leur pleine reconnaissance
19/12/2018
m-le-mag
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/19/en-australie-momo-juju-chante-son-metissage-et-sort-enfin-de-l-ombre_5399614_4500055.html
« The Happy Prince » : la figure complexe de l’écrivain sculptée dans ses moindres détails
A travers les dernières années d’Oscar Wilde, Rupert Everett dresse le portrait d’un homme au talent exceptionnel privé de tous ses moyens de création.
« The Happy Prince », de et avec Rupert Everett. WILHELM MOSER / CONCORDE FILMVERLEIH GMBH / OCÉAN FILMS L’avis du « Monde » – à voir C’est un corps massif et disgracieux, enveloppé de noir, qui se traîne dans les rues d’un Paris qui ressemble à celui de Toulouse-Lautrec. Il traîne derrière lui une petite nuée de gamins, comme un cachalot harponné suivi par les mouettes. L’agonie d’Oscar Wilde, qui va de sa sortie de prison en 1897 à sa mort trois ans plus tard, n’est pas un de ces moments sublimes qui inspirent l’admiration. C’est un martyre infligé par une classe sociale – l’aristocratie britannique – qui fait preuve d’autant plus de cruauté qu’elle a naguère porté le réprouvé aux nues. C’est aussi un malheur que Wilde cultive et entretient à force d’égotisme et d’aveuglement. On découvrira par ailleurs les raisons qui ont poussé Rupert Everett, qui fut brièvement l’enfant chéri du cinéma britannique avant de choisir à son tour l’exil, à mettre en scène les dernières années d’Oscar Wilde. Mais il est une évidence qui s’impose en découvrant The Happy Prince : ces raisons étaient impérieuses. Ce film de débutant (comédien et écrivain, Everett s’essaie, à bientôt 60 ans, à la réalisation) respire l’urgence. L’auteur témoigne certes d’une grande piété à l’égard de son sujet, mais elle est ardente plutôt que confite, lucide plutôt qu’aveugle. Rupert Everett s’est réservé le rôle principal. Celui d’un quadragénaire qui paraît vingt ans de plus, qui se néglige aussi bien par manque de moyens matériels que par désintérêt croissant pour l’existence. Le scénario (toujours du même) va et vient entre les derniers jours d’Oscar Wilde, son incarcération, ses tentatives d’établissement en Italie, ses réconciliations et ses brouilles. Si on l’a oublié, on voit se dessiner l’itinéraire qui a mené le romancier, poète et dramaturge célébrissime jusqu’à la geôle de Reading. Hubris et fierté légitime Après être devenu un auteur adulé, grâce, entre autres, au Portrait de Dorian Gray, Wilde s’était retrouvé dans la position enviable de dramaturge d’élection de la bonne société londonienne, grâce à ses comédies, L’Eventail de Lady Windermere ou Un mari idéal. L’homme était sûr de sa place dans le monde : en 1895, il connaît un nouveau triomphe au théâtre avec L’Importance d’être constant et, dans le même temps, intente un procès en diffamation au père de son amant. Mécontent de voir son fils, Lord Alfred Douglas, s’afficher en public avec l’auteur de Salomé, le marquis de Queensberry avait traité Wilde de sodomite. Peut-être aveuglé par la gloire, l’écrivain crut possible de faire condamner l’aristocrate. La justice de la reine Victoria préféra entendre les arguments du père outragé et l’action en diffamation se mua en procès pénal, le plaignant en condamné. Ce mélange d’hubris et de fierté légitime fascine Rupert Everett, qui sculpte le moindre détail de cette figure complexe, qu’il définit comme son « saint patron ». Si les costumes de la fin du XIXe siècle, l’obligation de rappeler – fût-ce dans un savant désordre chronologique – l’enchaînement des événements ramènent le film vers un certain classicisme, la liberté parfois brouillonne de la caméra et l’interprétation en font un moment tout à fait moderne. Passant en un clin d’œil de l’arrogance à la terreur, l’auteur-interprète imprime à son film un rythme souvent frénétique. Rupert Everett a réuni autour de lui des amis et des connaissances, dont Colin Firth, avec qui il débuta au cinéma dans « Another Country », en 1984 Il a réuni autour de lui des amis et des connaissances, dont Colin Firth, avec qui il débuta au cinéma dans Another Country, en 1984. Celui-ci interprète Reggie Turner, soutien indéfectible qui tente sans grand succès de ramener Wilde à la raison. Emily Watson joue Constance Wilde, l’épouse du réprouvé broyée par les conventions sociales, et Tom Wilkinson le prêtre catholique qui administra l’extrême-onction à l’écrivain irlandais. Colin Morgan prête à Alfred « Bosie » Douglas, l’amant maléfique, un mélange de veulerie et de sadisme plutôt terrifiant. Si Rupert Everett ne se tire pas toujours des embûches qu’il a dressées sur son chemin, il triomphe quand il lui faut venir à bout de cette contradiction : The Happy Prince est le portrait d’un homme au talent exceptionnel privé de tous ses moyens de création. Après La Ballade de la geôle de Reading, en 1898, Wilde est resté muet. Mais Everett renvoie sans cesse au même texte (qui donne son titre au recueil de contes, Le Prince heureux). L’histoire du souverain qui sacrifie sa splendeur dans l’espoir d’alléger les souffrances de ses sujets devient la matrice du film, et Everett l’exécuteur testamentaire des volontés extravagantes et magnifiques de Wilde. Film allemand, belge, britannique et italien de et avec Rupert Everett. Avec Colin Firth, Colin Morgan, Edwin Thomas, Emily Watson (1 h 45). Sur le Web : www.ocean-films.com/film/the-happy-prince
19/12/2018
cinema
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/19/the-happy-prince-la-figure-complexe-de-l-ecrivain_5399610_3476.html
« Grass » : tranches de vie en résonance dans un café de Séoul
Hong Sang-soo poursuit sa peinture des affres sentimentales dans un film au noir et blanc épuré.
Gi Ju-bong et Kim Saebyuk dans « Grass », d’Hong Sang-soo. LES ACACIAS L’avis du « Monde » – à ne pas manquer Le cinéma du Sud-Coréen Hong Sang-soo, peintre des affres sentimentales, ressemble de plus en plus à un laboratoire de fiction, où les expériences sur la nature et la multiplicité des récits éclosent et s’enchevêtrent. Grass, quatrième des longs-métrages tournés par le cinéaste durant la seule année 2017, restreint cette fois son champ au salon d’un petit café de Séoul. Durant une journée, des couples s’y retrouvent pour discuter de choses et d’autres. Dans un recoin, une jeune femme (Kim Min-hee, l’égérie du cinéaste) reste plongée sur son ordinateur. On apprendra plus tard qu’elle porte le même prénom, Areum, que l’héroïne du Jour d’après (jouée par la même actrice), le précédent film d’Hong Sang-soo, Grass se présentant comme une suite possible, revêtue du même noir et blanc clair et soyeux. Revient souvent le motif du suicide. Motif bientôt relayé par un sentiment de solitude Areum tend l’oreille et se tient à l’écart des conversations. Elle en capte des bribes, qu’elle prolonge en pensée et retranscrit sur son ordinateur, si bien qu’un doute finit par s’immiscer : ces discussions inspirent-elles son écriture ou sortent-elles de son imagination ? Car de quoi parlent ces personnages, d’âge plus ou moins mûr, se croisant là et faisant partie d’un même milieu artistique (comédiens, réalisateurs, écrivains) ? Revient souvent le motif du suicide. Motif bientôt relayé par un sentiment de solitude, qui semble étreindre tout un chacun : la quête d’un toit ou d’une compagnie, la crise d’inspiration, le manque d’un proche, autant de sujets qui résonnent d’une table à l’autre. Contrepoints narquois Les conversations, filmées en bout de table et sans montage, composent autant de saynètes autonomes et comme imperméables à ce qui les entoure. Un bruit de fond les réunit néanmoins : les morceaux de musique classique, de Pachelbel à Wagner, en passant par Schubert, que diffuse le patron de l’établissement, personnage toujours hors champ, occupant la position d’un « DJ » invisible comparable à celle du metteur en scène. Morceaux qui s’inscrivent, soit en échos pathétiques, soit en contrepoints narquois aux paroles échangées, comme une sorte de commentaire inconscient. Un tel dispositif serait vite systématique, si Hong Sang-soo n’avait pris soin de s’en évader momentanément : Areum quitte le café pour aller déjeuner avec son frère et sa petite amie. Mais l’annonce de leur mariage provoque chez elle une réaction agressive, qu’on devine liée à un souvenir douloureux. Les paroles glanées plus tôt au café se recombinent alors dans l’amertume d’Areum, dont sourd le véritable sujet du film : l’indistinction nébuleuse entre réalité et imaginaire, vécu personnel et histoires rapportées, en laquelle nous maintient captifs l’exercice du langage. Car Areum n’apparaît pas autrement qu’imprégnée des récits des autres, qui lui donnent sa consistance et la définissent autant que ses propres réactions. Les histoires qui lient entre eux les hommes et les femmes comptent moins que la façon dont ces histoires circulent d’un personnage à l’autre On touche là une des données essentielles du cinéma d’Hong Sang-soo : les histoires qui lient entre eux les hommes et les femmes – amour, tromperie, haine, désespoir, solitude, retrouvailles – comptent moins que la façon dont ces histoires circulent d’un personnage à l’autre, ne cessent d’être recomposées et réinterprétées en fonction des points de vue et des moments de la journée. Tout ce que nous croyons vivre pour la première fois a déjà été vécu par d’autres : c’est la raison de notre solitude, et aussi son possible remède. Ainsi Grass invente-t-il, dans ses dernières scènes, son propre sérum à l’isolement de ses personnages : à son retour au café, Areum retrouve les mêmes clients, réunis autour d’une même table, comme si une collectivité s’était constituée. Que la jeune femme en vienne à franchir la distance qui la séparait jusqu’alors des autres, et c’est tout le partage de l’imaginaire et de la réalité qui s’en trouve chamboulé. Film sud-coréen d’Hong Sang-soo. Avec Kim Min-hee, Jeong Jin-young, Ki Joo-bong (1 h 06). Sur le Web : www.acaciasfilms.com/film/grass
19/12/2018
cinema
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/19/grass-tranches-de-vie-en-resonance-dans-un-cafe-de-seoul_5399606_3476.html
Pierryck Castellazzi, le « Frenchy » rescapé des prisons texanes
Ce Toulousain de 61 ans est libre après 28 ans de prison. Condamné pour un crime qu’il a toujours nié avoir commis, il veut continuer à se battre pour la « vérité ».
Par où commencer ? Par son visage, peut-être… Ce teint pâle, ces joues creusées, ce regard perçant. Lors de notre première rencontre, il y a un quart de siècle, ses cheveux étaient bien moins longs, il n’avait pas dans la voix cette infime pointe d’accent américain. C’était en 1994, au parloir d’un pénitencier texan, au sud de Dallas. Alors âgé de 37 ans, Pierryck Castellazzi portait la veste de toile blanche des longues peines. Ses codétenus, des durs à cuire organisés en gang, le surnommaient « Frenchy » ; ils le savaient érudit, intelligent, fragile. Lui en avait peur et vivait sous tension. La discussion avait duré deux heures, de part et d’autre d’une paroi de Plexiglas, combinés téléphoniques en main, comme dans les films de gangsters. « Frenchy », matricule 1713, clamait son innocence et demandait de l’aide pour échapper à sa peine : quarante ans de réclusion pour meurtre. Le temps a passé. Pierryck Castellazzi, le Français des prisons texanes, a connu d’autres établissements, d’autres caïds, des milliers de nuits sans sommeil à espérer revenir au pays… Jusqu’à ce matin de septembre 2018 où, après des années de silence, un mail est parvenu au Monde. « Je suis de retour depuis quelques mois, libre », écrivait-il. Quelques semaines plus tard, nous nous sommes vus, d’abord à Paris, puis chez sa mère, près de Toulouse. L’homme avait changé, pas son besoin de justice. « Je ne sors pas de cette histoire et je n’en sortirai sans doute jamais », confiait-il. Cette « histoire », comme il dit, s’est nouée un vendredi d’avril 1989, dans la banlieue de Houston. La victime : un quinquagénaire, tué de cinq balles de calibre .22 Long Rifle et d’au moins onze coups de tisonnier, pour la plupart à la tête. « Plus qu’un meurtre, un massacre », selon le médecin légiste. Pour tenter de comprendre le rôle de Pierryck Castellazzi dans cette intrigue de sueur et de sang, il faut d’abord revenir aux sources de sa passion pour les Etats-Unis. C’est sa mère Evelyne, professeure de français dans un collège de la région toulousaine, qui lui a transmis l’amour de ce pays, ainsi qu’à son frère cadet Bruno, au milieu des années 1970. A l’époque, la jeune maman, fraîchement divorcée, les entraîne au moins une fois l’an à la découverte de l’Amérique profonde. Au fil des voyages, l’appartement familial se décore de bannières étoilées, de ceintures de cow-boy, de reproductions de dollars. Changement d’identité
19/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/19/pierryck-castellazzi-le-frenchy-rescape-des-prisons-texanes_5399602_3224.html
« Basquiat, un ado­lescent à New York » : du chaos, une étoile est née
Sara Driver brosse une évocation magique du peintre américain, mort en 1988, à 27 ans.
« Basquiat, un adolescent à New York » (« Boom For Real: The Late Teenage Years of Jean-Michel Basquiat »), documentaire américain de Sara Driver. LE PACTE L’avis du « Monde » – à voir Si l’on veut tout savoir de Jean-Michel Basquiat, de ses origines à son empreinte sur l’art contemporain, mieux vaut chercher une somme – ce qu’aurait voulu être le biopic Basquiat (1996) signé Julian Schnabel – sur papier, pellicule ou support numérique. Le film de Sara Driver – et son titre – n’en fait pas mystère, se concentre sur les quelques années qui séparent l’irruption de Basquiat sur les murs du sud de Manhattan de ses premiers succès commerciaux dans les galeries. L’auteure était là. Productrice, actrice, compagne du cinéaste Jim Jarmusch, elle a navigué dans le maelström de créativité, de stupéfiants et de violence, qui faisait bouillonner New York du milieu des années 1970 (l’explosion punk) à celui des années 1980 (la chape de plomb du sida). Plutôt que se reposer sur ses propres souvenirs, Sara Driver a cherché dans la mémoire de ses contemporains, qui sont aussi ceux du peintre, les traces que ce dernier a laissées. Le résultat relève plus de l’évocation magique que du portrait officiel, ce qui convient bien à l’art et à la personne de Jean-Michel Basquiat, agitateur politique et fabricant d’icônes vaudoues. On se perd dans cet entrelacs de réminiscences, de regrets et de nostalgie comme dans une longue conversation entre témoins d’un événement inoubliable. Le film commence par une évocation saisissante de la faillite qui guettait la ville de New York en 1975 Basquiat, un adolescent à New York commence par une évocation saisissante de la faillite qui guettait la ville en 1975. Les images du délabrement de Soho, de Times Square – devenus depuis pour l’un l’épitomé de l’élitisme consumériste, pour le second le lieu saint de la diffusion de masse des biens culturels – donnent une idée de l’abîme (quatre décennies seulement, pourtant) qui sépare aujourd’hui de ce temps barbare et superbe. Sur les murs lépreux du Village et de Soho, on vit apparaître (et on les voit à l’écran) les aphorismes provocants (parce qu’on avait toujours l’impression qu’il manquait une information essentielle pour les comprendre tout à fait, tout en ayant l’intuition qu’ils étaient d’une rare pertinence) d’un graffeur qui signait Samo. Amantes, bienfaitrices, collègues en dégradation de mobilier urbain, racontent comment Samo est devenu Basquiat. Hip-hop et démons intimes Les témoins sont aujourd’hui au moins sexagénaires. On devine ceux qui sont passés du côté de ce système qui a à peine eu le temps de coopter l’artiste avant qu’il meure, en 1988, à 27 ans, d’une surdose d’héroïne, et ceux qui restent fidèles à l’impulsion anarchiste qui unissait, dans les rues de New York, les rockers et les cinéastes, les plasticiens et les poètes, les Ramones et Jim Jarmusch, Keith Haring et Patti Smith. La manière impressionniste de Sara Driver n’empêche pas son film de formuler quelques vérités : les interventions de l’artiste, rappeur et présentateur Fab Five Freddy soulignent la très proche parenté qui unissait Jean-Michel Basquiat au hip-hop émergent, pendant que ses compagnes laissent voir la circulation entre l’œuvre et les démons intimes de l’artiste. Tout au long (et le film ne l’est guère) d’Un adolescent à New York, l’équilibre entre témoignages et archives est miraculeusement maintenu. On retiendra les séquences qui montrent le « Times Square Show » de 1980, exposition qui marqua à la fois l’apogée du mouvement spontané né dans les rues et les squats du sud de Manhattan, et le début de son apprivoisement par les galeristes et les commissaires d’exposition. Dans un lieu miteux, les œuvres sont exposées sans souci de leur préservation, une foule d’une beauté inquiétante (surtout pour la santé de ses membres) traverse cet espace inimaginable aujourd’hui, qui reprend un semblant de réalité par la grâce de ce beau film. Documentaire américain de Sara Driver (1 h 18). Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/basquiat
19/12/2018
cinema
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/19/basquiat-un-ado-lescent-a-new-york-du-chaos-une-etoile-est-nee_5399596_3476.html
« Maya » : une gracieuse pause indienne
Le film de Mia Hansen-Love suit un ex-reporter de guerre, joué par Roman Kolinka, à Goa, où il réapprend à vivre.
En Inde, Gabriel (Roman Kolinka) s’apaisera auprès de Maya (Aarshi Banerjee), dans « Maya », de Mia Hansen-Love. LES FILMS DU LOSANGE L’avis du « Monde » – à voir S’il est deux qualités dont le cinéma de Mia Hansen-Love ne se départ pas, ce sont l’élégance et la pudeur. Deux qualités que la cinéaste a mises en place dès son premier film (Tout est pardonné, 2007) et qu’elle a su reconduire dans Le Père de mes ­enfants (2009), Un amour de jeunesse (2011), L’Avenir (2016), à travers des récits de ruptures douloureuses, amoureuses et familiales. Son nouveau long-métrage, Maya, ne déroge pas à cette écriture sensible et discrète que garantit la mise à distance du sujet et de l’étude psychologique des personnages. Une grâce qui permet de suggérer et non d’imposer, de laisser sa part au spectateur, la place qui lui convient d’occuper pour s’identifier à l’endroit où il veut. Sur ce point, Maya ouvre plusieurs pistes, avec une remarquable retenue dont la vertu est d’empêcher de nous y égarer. Lire le portrait (dans « M ») : Roman Kolinka joue entre l’ombre et la lumière La beauté du film – et sa délicatesse – tient à cet équilibre qui le préserve des débordements auxquels son histoire l’expose. L’histoire justement. Elle est celle d’un jeune reporter de guerre, Gabriel (Roman Kolinka), qui, après quatre mois de captivité en Syrie, s’apprête à rentrer en France, avec son confrère et compagnon d’infortune, Frédéric (Alex Descas). Dans une chambre d’hôtel impersonnelle, on le voit se préparer avec application, se couper et se raser la barbe, choisir ses vêtements. Rien ne laisse soupçonner le traumatisme subi. Il ne transparaît pas non plus à l’arrivée, sur le tarmac de l’aéroport parisien où l’attendent journalistes, politiques et proches. Ni encore lors de l’examen médical ou de la consultation psychologique dont il affirme d’ailleurs ne pas avoir besoin. Les séquelles de l’enfermement Il ne se dit pas grand-chose des séquelles de l’enfermement. Tout juste sont-elles imaginables quand, un matin, Gabriel se réveille en larmes auprès de son ex-petite amie, dont il s’était séparé avant son départ pour la Syrie et qu’il quitte, cette fois, pour de bon. Et peut-être aussi quand il décide de faire une pause de plusieurs mois, loin de son environnement, en Inde, où il a grandi jusqu’à l’âge de 7 ans et où sa mère vit encore. L’arrivée à Goa lance la seconde partie du film qui, à l’instar du personnage, laisse derrière lui l’épisode qui l’y a conduit. La captivité ne sera plus jamais évoquée. La question étant désormais la parenthèse que s’accorde Gabriel, non tant pour guérir que pour réinvestir le présent. En Inde, il se met à l’écart d’un métier qui l’a toujours conduit sur des terrains en guerre pour réapprendre l’immobilité et le goût des petits riens. Gabriel et Maya laissent venir un abandon au creux duquel éclosent les émotions Dans ce pays qui n’a rien de plus sensationnel à lui offrir que la douceur de son quotidien, Gabriel rencontre Maya (Aarshi Banerjee), la fille d’amis de ses parents, à peine sortie de l’enfance dont son visage porte encore les rondeurs. Mais jeune femme néanmoins, noble et pleine d’une sensualité qu’elle ignore, héritière de la culture de son pays et inscrite dans sa modernité. Au fil des jours qui passent, Gabriel et Maya laissent venir un abandon au creux duquel éclosent les émotions. Imperceptiblement, dans cette hésitation qui accompagne le moment de se séparer, dans des regards qui demeurent accrochés l’un à l’autre plus longtemps qu’ils ne le devraient, un amour naît qu’ils accueillent avec une infinie délicatesse. Gabriel cédant à ce qu’il sait impossible, puisqu’il va repartir, Maya succombant à une passion qui lui ressemble, pure et entière. Avec Maya, Mia Hansen-Love dit avoir souhaité « replacer le corps au centre du film », afin de réparer le vide qu’avait laissé en elle L’Avenir, son précédent long-métrage où l’héroïne renonce à l’amour. Ce désir, qui l’a conduite en Inde, lui a permis de donner chair à des sentiments heureux. Le voyage accompli – et rapporté sans aucune nuance d’exotisme – porte l’empreinte du frémissement qui ranime le souffle. Et Maya, celle d’une embellie qui pousse vers la vie. Film français de Mia Hansen-Love. Avec Roman Kolinka, Aarshi Banerjee, Alex Descas (1 h 47). Sur le Web : www.filmsdulosange.fr/fr/film/247/maya
19/12/2018
cinema
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/19/maya-une-gracieuse-pause-indienne_5399590_3476.html
« Mon père » : une crise d’adolescence dans la cordillère des Andes
Le cinéaste Alvaro Delgado-Aparicio met en lumière les traditions ancestrales du Pérou.
Le fils Segundo (Junior Bejar Roca) et son père Noé (Amiel Cayo) dans « Mon père », d’Alvaro Delgado-Aparicio. DAMNED DISTRIBUTION L’avis du « Monde » – à voir Sans le regard de l’enfant, il n’est rien à voir. Les premières minutes de Mon père en témoignent qui, sur écran noir, laissent passer une voix off : « De gauche à droite, il y a une femme habillée en mauve, elle n’a pas de boucles d’oreilles. Elle a coiffé ses cheveux et les a mis sur le côté droit. Puis il y a une fille en robe rose avec des petites roses… » L’affaire est entendue avant d’être visible. La voix est celle de Segundo (Junior Bejar Roca), jeune garçon de 14 ans qui, les yeux obstrués par la main de son père, Noé (Amiel Cayo), décrit de mémoire la scène qu’il a observée auparavant. Un groupe d’une quinzaine de personnes, grands-parents, parents, frères et sœurs, progéniture, en train de poser pour la « photo » de famille. Une photo qui, dans cette région montagneuse du Pérou, prend la forme en trois dimensions d’un retable, petite boîte dans laquelle chaque personne est modelée et peinte en figurine, à l’identique du réel. La tâche revient, cette fois, à Segundo. Car cet art traditionnel andin qui a fait la gloire de son père trace désormais le chemin du fils. C’est à travers le regard de ce dernier que l’histoire va nous être révélée, comme l’a suggéré le procédé subjectif utilisé à l’ouverture du film. Et comme l’atteste ensuite la mise en scène, miroir formel des bouleversements auxquels va être exposé Segundo. La symétrie des lignes qui structure d’abord le cadre prendra progressivement la tangente au profit de perspectives instables. A l’image des certitudes du jeune homme qui vacillent quand une révélation l’oblige à les revisiter. Cette cohérence entre le récit et la narration cinématographique qui l’illustre fait de ce premier film d’Alvaro Delgado Aparicio une réussite. L’apprentissage dont le réalisateur saisit toute la poésie, tisse un lien profond qui isole du reste du monde Tout prend sa place dans l’atelier où, dans un climat de tendre complicité, le père explique et corrige le fils, dans chacun de ses gestes, au moment de la préparation de la pâte composée de plâtre et de pomme de terre, du façonnage des figurines, et de leur installation minutieuse dans le retable. L’apprentissage dont le réalisateur saisit toute la poésie, tisse un lien profond qui isole du reste du monde. Dehors, les bêtes de la ferme peuvent bien s’agiter, et la lumière brûler les paysages. A l’abri des murs, le père et le fils possèdent un univers qui n’appartient qu’à eux. Il n’est cependant pas d’abri qui puisse protéger de toutes les secousses extérieures. Segundo en fait la dure expérience, quand lui est livré, depuis l’arrière d’un camion, le secret inavouable de Noé. La découverte conduit dès lors le fils à s’émanciper d’un modèle qui l’avait construit et dont l’image soudain corrigée le brise. Le film porte sur ce point de rupture qui contraint un adolescent à troquer un enseignement contre un autre. Entre le premier qui l’attache au père et le second qui l’en sépare Segundo aura vu ses repères exploser puis prendre un nouvel ordre. Architecture labyrinthique Les conséquences de ce secret dans la vie de l’adolescent, le film les éclaire à chaque étape, à travers une esthétique où la lumière s’oppose aux clairs-obscurs, des couleurs flamboyantes des rues à la noirceur des lieux intimes, où les champs-contre-champs renvoient aux personnages leurs propres figurines. Portes et fenêtres s’ouvrent et se referment sur des paysages immenses, des logis exigus et des retables plus petits encore, formant une architecture labyrinthique à travers laquelle Segundo aura à trouver sa voie. Touchant par cet air appliqué qu’il prête à chaque chose, l’adolescent s’essaie comme il peut à détecter un point d’horizon que, de son côté, ne cesse d’interroger Alvaro Delgado-Aparicio dans son langage cinématographique. Un langage qui installe son propos autant qu’il questionne son mode de représentation. Film allemand, norvégien et péruvien d’Alvaro Delgado-Aparicio. Avec Junior Bejar Roca, Amiel Cayo, Magaly Solier (1 h 41). Sur le Web : www.damneddistribution.com/retablo
19/12/2018
cinema
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/19/mon-pere-une-crise-d-adolescence-dans-la-cordillere-des-andes_5399586_3476.html